Dracula B1 Bram Stoker

Vous aimerez peut-être aussi

Vous êtes sur la page 1sur 51

Bram 

Stoker

Dracula
B1

CLE International
2016
Bram Stoker naît le 8 novembre 1847 
près de Dublin. En 1864, il entre au 
Trinity College de Dublin où il obtient son diplôme en sciences et
mathématiques en 1870 puis il commence à travailler dans 
l’administration.
Pendant ses moments de loisirs, il se consacre à la littérature et
publie un premier roman The chain, en 1875. Il publie 
également des chroniques théâtrales dans le Dublin Mail et 
rencontre l’acteur Henry Irving.
En 1878, il devient l’administrateur du Lyceum Theatre de 
Londres que dirige Henry Irving. Cette même année, il se marie 
avec une comédienne, Florence Balcombe.
Il fréquente des passionnés de surnaturel, parmi lesquels le Dr 
Arminius Vambery, professeur de langues orientales de 
Budapest.
En 1890, il commence à écrire Dracula qu’il publie en 1897 et 
qu’il adapte aussitôt pour le théâtre. Il est très vite reconnu 
comme un maître du fantastique.
Il meurt le 20 avril 1912, à Londres.
Dracula fait partie des romans dits gothiques, romans qui se 
déroulent dans des lieux isolés ou hantés et d’une certaine 
noirceur.
Bram Stoker, désireux de faire un travail d’une grande 
authenticité, met plusieurs années à rédiger son œuvre.
Pour créer son personnage de vampire, il passe de nombreuses 
heures à la bibliothèque du British Muséum où il étudie l’histoire
et les légendes de la Transylvanie. Il s’inspire aussi d’un 
personnage historique, Vlad III, réputé pour sa grande cruauté, 
et qui portait le surnom de Dracula. Son personnage, un être 
intelligent, calculateur et sans pitié, deviendra un véritable 
mythe.
Dracula sera souvent adapté au cinéma. La première 
adaptation a lieu en 1922 avec le film Nosferatu de Friedrich 
Murnau. D’autres suivront et feront apparaître le personnage de
façon cruelle ou encore comique, comme dans le film Le bal des 
vampires, de Roman Polanski.
CHAPITRE I
Journal de Jonathan Harker
Bistritz, 3 mai — Après un long voyage qui m’a permis de voir 
Vienne et d’apercevoir, du train, Budapest, je suis enfin arrivé à 
Bistritz. C’est là que, selon les indications du comte Dracula, je 
dois prendre une diligence pour me rendre dans son château. À 
Londres, avant d’entreprendre mon voyage, j’avais consulté des 
cartes de géographie et des livres sur la Transylvanie, mais je 
n’ai pas pu voir l’endroit exact où se trouve la demeure du comte.
Une fois à Bistritz, comme il faisait nuit, je suis allé tout droit à
l’hôtel de La Couronne d’or que m’avait indiqué le comte. 
Apparemment, on m’attendait. Quand je suis entré, une vieille 
dame, fort aimable, m’a aussitôt demandé :
— Vous êtes le monsieur anglais ?
— Oui, je suis Jonathan Harker.
Elle a souri et m’a donné une lettre. Voilà ce que j’ai lu :
Mon ami,
Bienvenue dans les Carpates. Je vous attends avec impatience. 
Dormez bien cette nuit. La diligence part pour la Bukovine 
demain après­midi, à trois heures. Ma voiture vous attendra au 
col de Borgo et vous conduira chez moi.
Très amicalement,
Dracula
4 mai — Au moment de partir pour prendre la diligence, la 
patronne de l’hôtel est montée dans ma chambre et m’a 
demandé, l’air affolé :
— Monsieur, vous devez vraiment aller là­bas ?
Je lui ai répondu que je devais traiter une affaire importante.
— Oh, mon jeune monsieur, restez ici, c’est plus sûr.
Puis, sans ajouter un mot, elle a pris le crucifix qu’elle portait 
au cou, me l’a donné et est sortie de la chambre.
5 mai. Au château — Dans la diligence, je n’étais pas très à 
l’aise. La scène qui venait de se dérouler à l’hôtel m’avait 
troublé. Mais bientôt, la beauté du paysage m’a fait oublier mon 
angoisse. Nous avancions à bonne allure. Le soleil, derrière nous,
descendait de plus en plus sur l’horizon et les ombres de la nuit 
nous ont vite entourés. Nous sommes enfin arrivés au col de 
Borgo. Nous avons attendu un moment. Puis une voiture, 
conduite par quatre chevaux, est apparue et s’est arrêtée près de
nous. L’homme qui la conduisait était grand, avait une barbe 
brune et portait un chapeau qui cachait son visage. Il a pris mes 
bagages, m’a fait signe de monter dans la voiture et nous 
sommes partis à toute vitesse.
Le voyage m’a semblé interminable dans la nuit sans lune. 
Enfin, le cocher a fait entrer les chevaux dans la cour d’un 
château en ruine et complètement obscur. La voiture s’est 
arrêtée. L’homme m’a aidé à descendre. Il a ensuite sorti mes 
bagages, est remonté dans la voiture et est reparti.
J’ai attendu un long moment dans la cour. Soudain, j’ai 
entendu un pas lourd approcher derrière la grande porte du 
château, un bruit de chaînes et la porte s’est ouverte.
Devant moi, se tenait un vieil homme, grand, avec une longue 
moustache et vêtu de noir. Il m’a serré la main avec une force 
incroyable et m’a dit :
— Soyez le bienvenu chez moi. Je suis le comte Dracula, Mister 
Harker. Entrez, la nuit est froide. Vous avez sûrement besoin de 
vous reposer et de manger quelque chose...
Il a pris mes valises et nous avons traversé un long corridor. 
Nous avons ensuite monté un escalier, pris un long couloir et 
nous sommes arrivés devant une lourde porte. Le comte l’a 
ouverte et m’a fait entrer dans une pièce bien éclairée, où le feu 
brûlait dans la cheminée et où une table était servie pour le 
dîner. Il m’a ensuite montré ma chambre, une pièce très 
agréable et m’a dit qu’il m’attendait dans la grande pièce pour le 
dîner.
Après une toilette rapide, je me suis présenté dans la pièce. Le 
comte, qui était près de la cheminée, m’a montré la table et m’a 
dit :
 — Asseyez­vous et mangez tranquillement. Excusez­moi de ne 
pas vous accompagner mais j’ai déjà dîné.
Après le dîner, le comte m’a invité à m’asseoir avec lui au coin 
du feu. Je lui ai tendu la lettre que Mr Hawkins, le notaire pour 
qui je travaille, m’avait donnée pour lui. Pendant qu’il la lisait, 
j’en ai profité pour bien l’observer. Son visage est étrange. Il a un
nez aquilin, le front haut et des cheveux abondants. Sa bouche a 
une expression cruelle et ses dents, très blanches, sont 
particulièrement pointues.
Ensuite, nous avons bavardé un moment et nous sommes­allés 
nous coucher car il était tard.
7 mai — J’ai bien dormi. Une fois habillé, je suis allé dans la 
pièce où j’avais dîné la veille. Un repas était servi. Sur la table, 
j’ai trouvé le mot suivant :
Je suis absent toute la journée. D
J’ai mangé avec appétit. Personne n’est venu pendant le repas. 
Il n’y a donc pas de domestique ? J’ai eu envie de lire. Je suis 
sorti de la pièce, j’ai marché dans le couloir et ouvert une porte. 
C’était une bibliothèque. Je me suis mis à examiner les 
nombreux livres qu’elle contenait. En fin d’après­midi, la porte 
s’est ouverte et le comte est entré.
— J’espère que vous avez passé une journée agréable. Avant le 
dîner, pouvez­vous me parler de la maison que vous avez achetée
pour moi, à Londres ?
Je suis allé chercher mes documents dans ma chambre et les lui
ai montrés. Il m’a demandé des détails.
— La propriété s’appelle Carfax, lui ai­je dit. La maison est 
ancienne, a une petite chapelle et est entourée d’un grand parc. 
Il y a peu de maisons à proximité, sauf une construction 
moderne qui abrite un asile d’aliénés.
Tout lui a semblé parfait. Il a signé les papiers et est allé écrire 
une lettre à Mr Hawkins. Comme il ne revenait pas, j’ai consulté
d’autres livres de la bibliothèque puis, sur une table, j’ai vu un 
atlas ouvert sur la carte d’Angleterre. Je l’ai examiné et j’ai 
remarqué que plusieurs endroits étaient entourés d’un cercle : le 
premier, à l’est de Londres, où était située la maison qu’il venait 
d’acheter mais aussi à Exeter et à Whitby, sur la côte du 
Yorkshire.
Quand, une heure plus tard, le comte est revenu, j’ai dîné à 
nouveau seul et nous avons bavardé jusque très tard.
8 mai — J’ai dormi quelques heures. Comme je ne pouvais pas 
me rendormir, je me suis levé et j’ai fait ma toilette. J’ai fixé un 
miroir près de la fenêtre et j’ai commencé à me raser. Soudain, 
j’ai senti une main sur mon épaule et j’ai entendu le comte me 
saluer. C’était vraiment étrange : l’homme était derrière moi 
mais je ne le voyais pas dans la glace ! J’ai alors vu que du sang 
coulait sur mon menton. Je m’étais coupé. Quand le comte a vu 
le sang, ses yeux se sont mis à briller d’une fureur diabolique et 
il m’a pris à la gorge. Est­il fou ? Mais sa main a touché le 
crucifix que je portais et son attitude a complètement changé.
— Si vous vous êtes blessé, a­t­il dit, c’est à cause de cet objet 
qui n’a absolument aucune utilité.
Puis il a pris le miroir, a ouvert la fenêtre et l’a jeté dehors.
J’ai de nouveau déjeuné seul. Le comte est un homme 
singulier ! Je ne l’ai jamais vu boire ni manger. Il me met mal à 
l’aise et je me sens oppressé. Après le repas, je me suis mis à 
visiter le château. J’ai monté un escalier puis je suis entré dans 
une salle dont la fenêtre donne sur le côté sud. Puis j’ai continué 
mon exploration : des portes, encore des portes et toutes... 
fermées à clé, même la porte d’entrée. Impossible de sortir d’ici. 
Le château est une vraie prison...
12 mai — Hier soir, le comte m’a posé des questions sur ses 
affaires en Angleterre puis il m’a demandé :
— Avez­vous écrit à Mr Hawkins ?
Je lui ai répondu que non.
— Alors écrivez­lui maintenant, à lui et à qui vous voudrez et 
annoncez que vous resterez ici encore un mois. J’ai besoin de 
vous. Je viendrai chercher vos lettres.
Puis il est sorti. J’étais stupéfait. Encore un mois dans cette 
horrible demeure ! J’ai cependant écrit à. Mr Hawkins et à Mina,
ma fiancée. Puis j’ai donné mes lettres au comte qui m’a dit qu’il 
ne resterait pas avec moi pour le dîner.
Un peu plus tard — J’étais dans ma chambre et j’ai mis le 
crucifix au­dessus de mon lit. Comme je n’avais pas encore envie 
de me coucher, je suis allé me promener dans le couloir. J’ai 
monté l’escalier qui donne sur la pièce orientée au sud. 
Je suis entré et j’ai regardé la nuit par la fenêtre. C’est alors que 
j’ai vu quelque chose bouger à l’étage au­dessous, à ma gauche. 
J’ai regardé attentivement et vu la tête du comte passer par la 
fenêtre. Puis il est sorti lentement et s’est mis à ramper le long 
du mur, tête en bas... comme un lézard ! Son manteau formait 
comme deux grandes ailes. Mon Dieu, quel est cet homme ou 
plutôt quelle est cette créature qui ressemble à un homme ? J’ai 
peur... vraiment peur... je veux partir mais... comment ?

31 mai — Le temps passe lentement. Je me sens de plus en 
plus mal. Je vois très peu le comte. Il vient juste de temps en 
temps me poser des questions sur ses affaires en Angleterre. Il 
est froid et distant. Il faut que je sorte d’ici ou je deviendrai fou.
25 juin — J’ai décidé d’en savoir plus sur le comte et, malgré 
ma peur, j’ai réussi à entrer dans sa chambre et je suis revenu 
sain et sauf dans la mienne. J’en tremble encore. Ce que j’ai vu 
est effrayant ! Voilà ce qui s’est passé.
Je suis allé directement à la fenêtre de la chambre qui donne au
sud et je suis monté sur le rebord de pierre. Je suis descendu 
sans difficulté jusqu’à la fenêtre du comte. J’ai pénétré dans la 
chambre. Elle était vide. J’ai alors aperçu une lourde porte qui 
était ouverte et donnait sur un escalier que j’ai descendu sans 
faire de bruit. Là, je me suis trouvé devant une sorte de tunnel 
où il y avait une horrible odeur, celle de la mort ! Plus j’avançais 
dans le tunnel, plus l’odeur était forte. Je suis arrivé devant une 
porte que j’ai aussitôt ouverte. J’étais dans une petite chapelle et
là, dans une grande caisse, le comte était couché. Était­il mort ou
dormait­il ? Ses yeux étaient ouverts mais ses joues gardaient la 
chaleur de la vie. Ses lèvres, elles, étaient plus rouges que 
d’habitude... Épouvanté, je suis parti rapidement me réfugier 
dans ma chambre.
29 juin — Le comte est venu me réveiller et m’a dit d’un ton 
menaçant :
— Il est temps de se quitter. Demain, vous partez pour 
l’Angleterre et moi, pour une mission. Tout est prêt pour votre 
départ.
30 juin — J’écris peut­être les dernières lignes de ma vie. 
Quand je me suis levé, ce matin, j’ai découvert que la porte de 
ma chambre était fermée à clé. Je suis allé dans la chambre du 
comte par la fenêtre puis à la chapelle. La caisse était là, avec le 
comte couché à l’intérieur. Ses lèvres étaient plus rouges que 
jamais et des gouttes de sang coulaient sur son menton et sur 
son cou. J’ai pris une pelle pour frapper l’horrible visage mais, à 
cet instant, le comte a tourné la tête et ses yeux, brillant de 
colère, m’ont regardé. J’ai couru comme un fou dans la chambre 
du comte et de là dans la mienne, décidé à m’enfuir quand on 
ouvrirait la porte d’entrée. J’ai alors entendu des pas dans le 
couloir puis le bruit d’un marteau et encore des pas et le bruit 
d’objets que l’on transporte...
Maintenant, j’entends qu’on referme la grande porte et qu’on 
met des chaînes. Comment puis­je partir d’ici ?
CHAPITRE II
Lettre de Mina Murray à Lucy Westenra
9 mai
Ma très chère Lucy,
Pardonne mon long silence mais j’ai beaucoup travaillé parce 
que je veux pouvoir aider Jonathan dans son travail quand nous 
serons mariés. Je n’ai pas de nouvelles de lui mais j’espère que 
tout va bien.
Et toi ? Comment vas­tu ? Je crois avoir entendu parler d’un 
beau jeune homme aux cheveux frisés ! Dis­moi tout.
Affectueusement,
Mina
Lettre de Lucy Westenra à Mina Murray
17 mai
Ma très chère Mina,
J’imagine que tu parles du jeune homme qui m’accompagnait 
au concert. C’était Mr Arthur Holmwoood. Il vient souvent nous 
voir. Il nous a présenté un ami à lui, un homme très intéressant, 
qui te plairait sûrement si tu n’étais pas fiancée à Jonathan, le 
docteur John Seward. Il a vingt­neuf ans et dirige un asile 
d’aliénés. C’est une personne aimable et fort calme.
Nous voyons aussi de temps en temps un garçon absolument 
charmant, un Américain du Texas, Mr Quincey Morris. Il est 
jeune mais connaît beaucoup de pays et de choses. Mina, nous 
nous sommes toujours tout dit depuis l’enfance et... voilà, je veux 
que tu le saches, je suis amoureuse d’Arthur et je crois qu’il 
m’aime aussi. Mais il ne m’a encore rien dit.
Bon, je dois te laisser maintenant. Bonne nuit. Pense à moi et à 
mon bonheur.
Lucy
Lettre de Lucy Westenra à Mina Murray
24 mai
Ma très chère Mina,
Quel bonheur ! Aujourd’hui... Arthur a demandé ma main. Il est 
entré dans le salon, m’a serrée dans ses bras et m’a couverte de 
baisers. Je suis tellement, tellement heureuse !
Ton amie pour toujours,
Lucy
Journal de Mina Murray
Whitby 24 juillet — Lucy, plus jolie que jamais, est venue me 
chercher à la gare et m’a conduite à l’hôtel de Crescent où elle et 
sa mère passent quelques jours. C’est un endroit magnifique. Le 
paysage est admirable à marée haute.
26 juillet — Je suis de plus en plus inquiète et écrire me calme 
un peu. Inquiète pour Jonathan, car je n’ai aucune nouvelle de 
lui, à part une lettre très courte qu’il m’a envoyée du château 
Dracula et aussi pour Lucy car elle a de nouveau des crises de 
somnambulisme. J’en ai parlé avec sa mère et nous avons décidé 
que, la nuit, je fermerai à clé la porte de notre chambre.
27 juillet — Toujours pas de nouvelles de Jonathan... Lucy se 
lève souvent la nuit et, chaque fois, elle me réveille quand elle 
marche dans la chambre. Arthur, son fiancé, devait venir la voir 
mais son père est tombé malade et il doit rester auprès de lui.
3 août — Une autre semaine vient de passer et je n’ai toujours 
pas de nouvelles de Jonathan.
9 août — Hier soir, une grande tempête s’est levée. Un bateau 
russe est arrivé au port. Il a perdu tout son équipage. Il y avait à
son bord juste un chien qui est parti comme un fou et a disparu 
dans la lande. Que s’est­il passé ?
11 août, 3 h du matin — Je ne peux pas dormir, donc j’écris. 
Comment pourrais­je dormir après cette terrible aventure ?
Je m’étais endormie. Soudain, je me suis réveillée avec un 
sentiment d’angoisse : j’avais l’impression d’être seule dans la 
chambre. J’ai allumé une lampe et regardé le lit de Lucy : il était
vide. Je me suis rapidement habillée pour aller la chercher, elle 
avait sûrement eu une nouvelle crise de somnambulisme. Je suis
sortie de l’hôtel, il était une heure du matin. Où pouvait­elle 
être? Nous allons souvent nous asseoir sur un banc du petit 
cimetière qui surplombe le port. J’ignore pourquoi mais je suis 
allée à pas rapides vers cet endroit. La lune brillait quand je suis
arrivée et au loin, j’ai vu une silhouette blanche allongée sur 
notre banc. C’était Lucy ! Mais une forme était derrière elle... un 
homme ? une bête ? et s’est alors penchée sur mon amie. J’ai 
couru vers Lucy en criant son nom. L’étrange créature a alors 
levé la tête. J’ai eu juste le temps de voir son visage qui était très
pâle et ses yeux rouges qui brillaient dans la nuit. Puis elle a 
disparu. J’étais effrayée. Je suis enfin arrivée près de Lucy. Elle 
dormait mais elle était très agitée. J’ai mis autour de son cou la 
grande écharpe que je portais. Elle a alors mis sa main à sa 
gorge et a gémi. Ensuite, je lui ai mis mes chaussures et je l’ai 
secouée doucement puis de plus en plus fort. Elle s’est enfin 
réveillée. Elle ne savait pas où elle était et elle tremblait. Quand 
je lui ai dit que nous allions rentrer, elle s’est levée sans un mot. 
Une fois dans notre chambre, je l’ai couchée dans son lit. 
Maintenant Lucy dort profondément.
Même jour, midi — Tout va bien. Lucy a longtemps dormi. Mais
elle a dû être piquée par un insecte pendant son escapade. Elle a
en effet deux points rouges sur le cou et une petite tache de sang 
sur sa chemise de nuit.
13 août — Nous avons passé une bonne journée. Le soir, quand 
je me suis couchée, j’ai attaché la clé de notre chambre à mon 
poignet. Dans la nuit, je me suis réveillée. Lucy, endormie, était 
assise dans son lit et, du doigt, elle montrait la fenêtre. Une 
grande chauve­souris passait et repassait en décrivant de grands
cercles.
17 août — Ces derniers jours, je n’avais pas le courage d’écrire. 
Je n’ai aucune nouvelle de Jonathan et Lucy me paraît de plus 
en plus faible. Je ne comprends pas. Elle mange bien, passe des 
nuits tranquilles et ses journées au grand air. Pourtant, elle est 
de plus en plus pâle et, la nuit, elle respire avec difficulté. J’ai 
aussi remarqué que les deux petites piqûres de son cou ne sont 
pas encore guéries.
CHAPITRE III
Lettre de Mina Murray à Lucy Westenra
Budapest, 24 août
Ma très chère Lucy,
Je sais que tu es impatiente de savoir tout ce qui s’est passé 
depuis mon départ de Whitby. Eh bien, arrivée à Hull, j’ai pris le 
bateau pour Hambourg et là, le train qui m’a conduite ici. J’ai 
trouvé Jonathan maigre, pâle et très faible. Sœur Agatha, son 
infirmière, m’a dit que des paysans l’avaient trouvé sans 
connaissance dans un champ. Elle a aussi dit que, quand il 
délirait, il racontait des choses horribles. Je me suis assise près 
de son lit. Il a ouvert les yeux. Quand il a été bien réveillé, il a 
pris un petit carnet et il m’a dit :
— Mina, ma chérie, quand j’essaie de comprendre ce qui m’est 
arrivé, j’ai comme un vertige et je ne sais plus si cela s’est 
réellement passé ou si c’est un rêve. Tout ce que j’ai vécu est dans 
ce carnet mais je ne veux pas le lire. Alors prends­le et garde­le. 
Nous allons nous marier cet après­midi.
Puis il s’est recouché, très fatigué.
Au revoir, ma chérie, je dois te quitter. Dans une heure, je serai 
Mrs Mina Harker.
Ton amie de toujours,
Mina
Arthur Holmwood au Dr Seward
31 août,
Mon cher John,
Je voudrais vous demander un service. Lucy est malade, elle a 
très mauvaise mine et son état empire de jour en jour. J’étais 
venu passer quelques jours mais je dois partir au plus vite car 
mon père est de plus en plus mal. Elle veut vous voir. Pourriez­
vous passer la voir puis me dire ce que vous pensez de son état ?
Lettre du Dr Seward à Arthur Holmwood
1er septembre,
Mon cher ami,
Tout d’abord, je tiens à vous dire que Lucy ne souffre d’aucune 
maladie. Elle est juste anémique. Cependant, son état n’est pas 
bon. Elle m’a dit quelle avait du mal à respirer parfois, et que, 
pendant son sommeil, elle faisait des rêves étranges, des 
cauchemars mais elle n’arrive pas à les décrire. Je ne sais pas 
quoi penser de tout cela. J’ai donc écrit à mon vieil ami et maître,
le professeur Van Helsing, d’Amsterdam, grand spécialiste de ce 
genre de maladie. Je lui ai demandé de venir au plus vite...
Bien à vous,
John Seward
Dr Seward à Arthur Holmwood
3 septembre,
Mon cher Art,
Van Helsing est venu et reparti. Il a examiné très sérieusement 
Lucy. Il semble inquiet. Il m’a dit qu’il devait réfléchir et 
chercher.
J’espère que votre père va mieux.
À bientôt,
John
Dr Seward à Arthur Holmwood
6 septembre,
Mon cher Art,
Les nouvelles aujourd’hui ne sont pas bonnes. L’état de Lucy 
s’est aggravé. Le professeur vient passer quelques jours chez moi 
pour pouvoir la soigner.
Bien à vous,
John
Journal du Dr Seward
7 septembre — Van Helsing et moi, nous sommes allés voir 
Lucy. Elle avait un aspect épouvantable : elle était extrêmement 
pâle, respirait avec difficulté et restait immobile.
Hors de la chambre, Van Helsing m’a dit :
— Il n’y a pas une minute à perdre. Il faut tout de suite une 
transfusion. Qui de nous deux ?
— Moi, ai­je répondu. Je suis le plus jeune et le plus fort.
C’est alors qu’Arthur s’est présenté. Nous lui avons rapidement 
expliqué la situation. Il a aussitôt décidé de donner son sang à sa
chère Lucy.
Une fois la transfusion faite, les joues de Lucy ont retrouvé peu 
à peu des couleurs.
— Le jeune fiancé mérite un baiser, a dit Van Helsing.
Quand Lucy a relevé la tête pour embrasser Arthur, le ruban 
noir qu’elle portait au cou a légèrement bougé et découvert une 
marque rouge. Van Helsing m’a alors murmuré à l’oreille :
— Il faut absolument que je retourne ce soir à Amsterdam pour 
consulter certains livres et documents. Occupez­vous de miss 
Lucy, je serai de retour le plus vite possible.
11 septembre — Van Helsing est revenu hier soir. Ce matin, nous
sommes allés voir Lucy. Le professeur a alors sorti d’un paquet 
qu’il avait apporté un gros bouquet de fleurs blanches.
— C’est pour vous, miss Lucy. Ces fleurs sont des médicaments.
Je vais en mettre quelques­unes à votre fenêtre et, avec les 
autres, je vais faire une guirlande que vous mettrez autour du 
cou pour dormir.
Lucy contemplait les fleurs et respirait leur parfum. Puis elle a 
ri :
— Oh ! professeur, je crois que vous vous moquez de moi ! Ces 
fleurs, ce sont des fleurs d’ail !
— Très juste, ma chère enfant, mais ces fleurs possèdent une 
vertu qui peut vous aider à guérir.
Le soir même tout était prêt.
13 septembre — Quand, Van Helsing et moi, nous sommes 
arrivés chez Lucy le lendemain, Mrs Westenra nous attendait :
— Vous serez heureux d’apprendre que Lucy est beaucoup 
mieux.
— Ah ! Mon diagnostic était donc juste ! Et le traitement a agi. 
Je suis content.
Mémorandum laissé par Lucy Westenra
17 septembre, la nuit — J’écris ces lignes car je veux 
absolument qu’on les lise. Je me sens très faible, je crois que je 
vais mourir.
Je me suis couchée et j’ai mis les fleurs du Dr Van Helsing 
autour de mon cou. Je me suis endormie presque aussitôt. Mais 
j’ai été réveillée par un bruit d’ailes contre la fenêtre... J’avais 
entendu ce bruit la nuit où, endormie, j’étais allée au cimetière à 
Whitby, là où Mina m’a trouvée. J’ai alors entendu un horrible 
cri... effrayant ! Je suis allée à la fenêtre, je me suis penchée 
pour voir mais je n’ai vu qu’une grosse chauve­souris. Peu après, 
maman est entrée dans ma chambre :
— Je voulais savoir si tu n’avais besoin de rien.
Je lui ai dit de se coucher près de moi. A ce moment­là, nous 
avons de nouveau entendu le bruit contre la fenêtre. Maman a 
crié :
— Qu’est­ce que c’est ?
Puis quelque chose a frappé la vitre qui s’est cassée. Maman a 
crié, a voulu attraper un objet pour se défendre en cas de besoin 
et, sans le vouloir, elle a arraché la guirlande d’ail que je portais 
puis elle est tombée sur l’oreiller, morte ! J’ai essayé de m’asseoir
sur le lit mais en vain : une force mystérieuse m’empêchait de 
bouger. Puis je me suis évanouie. Je ne sais pas ce qui s’est passé
après.
Que vais­je faire maintenant ? Je suis seule dans la chambre 
avec maman. Seule avec la mort ! Je vais mourir aussi... alors, 
adieu... adieu, mon cher Arthur, je vous aime !
Journal du Dr Seward
18 septembre — Quand nous sommes arrivés ce matin chez 
Lucy, nous avons découvert un spectacle indescriptible. Sur le 
lit, étaient allongées Lucy et sa mère : Lucy était très pâle et 
presque sans vie... sur son cou, les marques étaient encore plus 
laides. Sa mère était morte ! Sans un mot, le professeur a 
examiné Lucy puis il a crié :
— Vite, il n’est pas trop tard, allez chercher du brandy.
Je suis sorti et, dans le hall, j’ai trouvé Quincey Morris. Je lui 
ai expliqué la situation. Il m’a dit :
— Je vous aiderai, vous et le Hollandais. Dites­moi ce que je 
dois faire et je le ferai. Je lui ai serré la main.
Nous avons veillé Lucy toute la journée et toute la nuit, Van 
Helsing, Quincey Morris et moi. Mais son état ne s’améliore pas.
19 septembre — Lucy n’a plus de force. Sa respiration est de 
plus en plus faible... sa bouche ouverte laisse voir des dents de 
plus en plus longues et pointues. Elle dort la plupart du temps. 
Dans l’après­midi, elle s’est éveillée et a demandé à voir Arthur, 
à qui nous avons envoyé un télégramme. Arthur est arrivé le soir
même. Il est resté tout le temps avec sa fiancée. Van Helsing 
allait de temps en temps voir Lucy. Soudain, il a poussé un cri. Il
avait retiré la guirlande de fleurs du cou de la jeune fille : les 
marques avaient disparu.
— Elle est en train de mourir. C’est la fin, a­t­il dit.
Lucy a alors ouvert les yeux et a dit :
— Arthur, mon amour, c’est bien que vous soyez là. Embrassez­
moi.
Immédiatement, Arthur s’est penché pour l’embrasser mais 
Van Helsing l’a obligé à reculer d’un geste très violent.
— Ne le faites pas, par pitié, pour votre âme et pour la sienne.
Arthur était désorienté. Van Helsing et moi, nous regardions 
Lucy. Une expression de colère se lisait sur son visage. Ses dents
se sont mis à mordre dans le vide... puis ses yeux se sont fermés. 
Tout était fini.
Van Helsing a pris sa main et y a déposé un baiser. Il a dit à 
Arthur de faire de même. J’ai alors dit :
— Enfin, la pauvre petite est en paix. Elle ne souffrira plus.
— Non, hélas ! a dit Van Helsing. Ce n’est que le début.
CHAPITRE IV
Journal de Mina Harker
22 septembre — J’écris dans le train qui nous conduit à Exeter. 
Nous revenons de Londres où nous avons assisté à l’enterrement
de Mr Hawkins qui est mort subitement. Jonathan, qui l’aimait 
comme un père, est bouleversé par sa disparition. Mais un 
événement l’a encore plus troublé. Après la cérémonie, nous 
avons fait une promenade dans un parc avant d’aller à la gare. 
Soudain, Jonathan m’a serré le bras et a murmuré à mon 
oreille : « Mon Dieu ! ». Il était très pâle et ses yeux fixaient un 
homme grand et maigre, avec un nez aquilin. Le visage de cet 
individu avait une expression dure et cruelle et ses dents, très 
blanches, étaient pointues comme celles d’un animal.
— C’est lui, m’a dit Jonathan.
— Qui ?
— C’est le comte... du moins, je crois, car il semble plus jeune.
Jonathan était fort agité. Maintenant, il semble calmé et s’est 
endormi.
Un peu plus tard — Triste retour à la maison. Un télégramme 
d’un certain professeur Van Helsing nous annonçait la mort de 
Lucy et de sa chère maman.
23 septembre — Jonathan est absent pour la journée. Je vais 
m’enfermer dans ma chambre pour lire le journal qu’il a écrit 
quand il était en Transylvanie...
24 septembre — Hier soir, je n’ai pas pu écrire une seule ligne 
après ce que j’ai lu. C’est incroyable ! Tout cela  s’est réellement 
passé ?
Lettre de Van Helsing à Mrs Harker
24 septembre
Chère Madame,
Je vous prie de m’excuser de vous déranger. Avec la permission 
de Mr Holmwood (vous savez, l’Arthur de miss Lucy), j’ai pu lire 
les lettres et le journal de miss Lucy car je m’occupe d’une affaire 
de grande importance et qui concerne son décès. J’ai ainsi appris 
que vous étiez très proches. J’aimerais pouvoir vous rencontrer. 
Étant ami du Dr John Seward et de Mr Holmwood, j’ai 
également su que votre mari avait souffert pendant un voyage 
d’affaires en Transylvanie... j’aimerais pouvoir échanger 
quelques mots avec vous sur ces sujets.
Van Helsing
Télégramme de Mrs Harker au Dr Van Helsing
25 septembre. Venez aujourd’hui même par le train de 10 h 15 si
vous pouvez. Je suis chez moi toute la journée. Mrs Harker.
Journal de Mina Harker
25 septembre — Il était deux heures et demie quand le 
professeur Van Helsing s’est présenté chez nous. Il m’a tout de 
suite parlé de la raison de sa visite.
— Missis Mina, m’a­t­il dit, c’est au sujet de Lucy que je désire 
vous parler. Elle écrivait un journal et y parle d’une crise de 
somnambulisme. Pourriez­vous m’en dire plus ?
J’ai préféré lui donner mon journal pour qu’il puisse juger lui­
même. Il m’a remerciée et s’est mis à lire. Je suis sortie pour le 
laisser tranquille.
Quand je suis revenue dans le salon, il m’a pris les deux mains 
et m’a dit :
— Oh, missis Mina, ce journal est merveilleux... il me permet 
de comprendre plus de choses !... Mais votre mari, comment va­t­
il ?
— Mieux, je vous remercie. Mais la mort de Mr Hawkins a été 
un choc pour lui... Il a vécu des choses terribles en 
Transylvanie...
Alors, j’ai senti que j’avais besoin de parler et d’être aidée et j’ai
demandé au professeur de guérir mon mari. Il a accepté aussitôt 
et je lui ai donné le journal de Jonathan. Nous devons nous 
revoir demain.
Journal de Jonathan Harker
26 septembre — Hier soir, à mon retour, Mina m’a parlé de la 
visite du professeur Van Helsing. Ce matin, il est venu rendre le 
journal et prendre le petit déjeuner avec nous. C’est étrange, 
mais sa visite a éclairé beaucoup de choses... Je sais que c’est le 
comte Dracula que j’ai vu à Londres et que Lucy a 
vraisemblablement été sa victime et j’ai le sentiment que Van 
Helsing est l’homme qui va le chasser à jamais de notre vie. 
Mina et moi, nous allons certainement aller à Londres, chez le 
Dr Seward pour le revoir.
Journal du Dr Seward
26 septembre — Je viens de recevoir une lettre d’Arthur. Il 
semble aller mieux. Quincey Morris est chez lui depuis quelques 
jours. Hier, Van Helsing est allé à Exeter. Il est rentré 
aujourd’hui. Il m’a tendu un journal et m’a dit :
— Que pensez­vous de cela ?
Il me montrait un article dans lequel on parlait d’enfants qui 
avaient disparu toute une nuit et avaient été retrouvés avec des 
marques rouges sur le cou.
— C’est ce qui est arrivé à la pauvre Lucy, me suis­je écrié.
— Donc, vous pensez que ces marques ont la même origine que 
celles faites sur la gorge de miss Lucy.
— En effet.
— Eh bien, vous avez à la fois tort et raison, car ces marques, 
c’est miss Lucy qui les a faites à ces enfants.
— Que dites­vous, professeur ? Vous devenez fou ?
— Je préférerais l’être, croyez­moi. Ce soir, si vous voulez 
m’accompagner au cimetière, je vous prouverai que je dis vrai.
Il faisait nuit quand nous sommes partis. Une fois arrivés au 
cimetière, nous avons escaladé le mur et nous sommes allés 
jusqu’au tombeau de la famille Westenra. Le professeur a ouvert 
la porte et nous sommes entrés à l’intérieur :
— Qu’allez­vous faire ? lui ai­je demandé.
— Ouvrir le cercueil, ainsi vous me croirez.
Une fois ce dur travail accompli, le professeur m’a fait signe 
d’approcher : le cercueil était vide !
27 septembre — Cet après­midi, vers deux heures, nous sommes
retournés au cimetière. Van Helsing a ouvert à nouveau le 
cercueil : à ma grande surprise mêlée d’horreur, nous avons vu 
Lucy telle que nous l’avons vue la veille de son enterrement. 
Mais elle semblait plus belle que jamais et, chose étrange, ses 
joues avaient des couleurs et ses lèvres étaient très rouges !
— Vous êtes convaincu ? m’a demandé le professeur.
Puis il a relevé la lèvre de Lucy et nous avons vu que ses dents 
étaient plus pointues.
— C’est avec les canines qu’elle a mordu les enfants.
— Mais... je ne comprends pas... Que se passe­t­il ?
— Lucy a été mordue par un vampire quand elle était en état 
d’hypnose, de somnambulisme... Vous tremblez, John, c’est vrai, 
vous ne le saviez pas... Elle est morte en transe et c’est en transe
qu’elle est devenue une non­morte. Pour qu’elle repose en paix, je
dois lui enfoncer un pieu dans le corps puis lui couper la tête. 
Enfin, je remplirai sa bouche d’ail. Nous le ferons dès que 
possible. Je vais écrire un mot à Arthur pour lui demander de 
venir avec le jeune Américain.
29 septembre au matin — Hier, quand Arthur et Quincey ont 
appris ce que Van Helsing voulait faire, Arthur, choqué, s’est mis
en colère. Mais il a fini par accepter d’aller ce soir au cimetière 
pour essayer de comprendre ce qui se passe.
Il était minuit moins le quart quand, tous les quatre, nous 
avons escaladé le mur. Van Helsing a ouvert le tombeau et nous 
sommes entrés. Puis il m’a demandé :
— Vous étiez ici, avant­hier, avec moi. Le corps de miss Lucy 
était­il dans le cercueil ?
— Oui.
Il s’est alors tourné vers les autres et il a dit :
— Vous entendez ?
Et il a ouvert le cercueil. Arthur, très pâle, regardait mais ne 
disait rien. Nous nous sommes alors approchés : le cercueil était 
de nouveau vide !
— Qu’est­ce que cela signifie ? a demandé Quincey.
— Tout cela est étrange, je le sais. Venez vous cacher avec moi, 
près du tombeau, et vous verrez des choses beaucoup plus 
étranges encore.
Nous sommes sortis. Van Helsing a fermé la porte du tombeau 
puis il a sorti de son sac une pâte blanche avec laquelle il a 
bouché toutes les ouvertures.
— Je ferme le tombeau pour que la non­morte ne puisse pas y 
entrer.
— Mais de quoi vous servez­vous ? a demandé Arthur.
— L’hostie. Je l’ai apportée d’Amsterdam.
Il nous a ensuite indiqué où nous placer autour du tombeau. 
Nous avons attendu un long moment en silence. Puis Van 
Helsing nous a montré quelque chose : une silhouette blanche 
avançait vers nous. La lune brillait et nous avons vu, horrifiés, 
qu’il s’agissait de Lucy Westenra. Comme elle avait changé ! Son
visage si doux avait maintenant une expression dure et cruelle. 
Sur un signe de Van Helsing, nous nous sommes placés devant 
la porte du tombeau. Van Helsing a allumé une lampe qui a 
éclairé le visage de Lucy : ses lèvres étaient rouges et du sang 
frais coulait sur son menton. J’ai senti qu’Arthur allait tomber et
je l’ai pris par le bras.
Quand cette chose qui était devant nous ­ car il est difficile de 
l’appeler Lucy ­ nous a vus, elle a commencé à grogner comme un
animal. Puis, en regardant Arthur, elle a dit doucement :
— Venez avec moi, Arthur. Venez, mon amour !
Arthur paraissait envoûté. Il a ouvert les bras et a fait un pas 
vers Lucy. Van Helsing s’est alors placé entre eux, une petite 
croix à la main. Lucy a aussitôt reculé et, avec une expression de
colère, elle est passée à côté du professeur et s’est précipitée vers
la porte du tombeau. Mais, à deux pas de la porte, elle s’est 
arrêtée : une force invisible semblait l’empêcher d’avancer.
Le professeur s’est alors tourné vers Arthur :
— Répondez­moi, mon ami, puis­je continuer ce que j’ai 
entrepris ?
— Faites ce que vous voulez, professeur... Rien ne sera plus 
horrible que ce que nous venons de voir.
Van Helsing a alors retiré la pâte d’hostie et Lucy s’est glissée 
dans le tombeau par une ouverture extrêmement étroite.
— Maintenant, venez, mes amis, a dit le professeur. Nous ne 
pouvons rien faire jusqu’à demain.
29 septembre au soir — À une heure et demie de l’après­midi, 
nous sommes retournés au cimetière. Il n’y avait personne. Nous
sommes entrés dans le tombeau et le professeur a ouvert le 
cercueil. Nous avons aussitôt regardé à l’intérieur ­ Arthur 
tremblait comme une feuille : le corps de Lucy était là, dans 
toute sa beauté.
— Est­ce le corps de Lucy ou un démon qui a pris sa forme ? a 
demandé Arthur.
— C’est elle et ce n’est pas elle, a répondu le professeur mais, 
attendez, vous allez bientôt la voir telle qu’elle était.
Il a alors sorti des instruments de son sac, entre autres, un pieu
en bois de forme cylindrique.
— Avant de commencer, a­t­il dit, je dois vous expliquer 
certaines choses. Quand on devient un non­mort, on a en soi la 
malédiction de l’immortalité. On ne peut pas mourir et on doit, 
de siècle en siècle, faire de nouvelles victimes et multiplier le 
mal sur la terre. Arthur, si vous aviez embrassé Lucy juste avant
sa mort, vous seriez devenu un nosferatu, comme Lucy.
Nous avons tous regardé Arthur. Il était très pâle mais il a dit 
d’une voix ferme :
— Dites ce que je dois faire, professeur.
— Prenez ce pieu dans votre main gauche, la pointe placée sur 
le cœur, et le marteau de la main droite. Quand nous réciterons 
la prière des morts, frappez pour que notre chère Lucy repose en 
paix.
Arthur a pris le pieu et le marteau et nous avons commencé à 
réciter la prière. Arthur a alors placé le pieu sur le cœur de Lucy 
et a frappé de toutes ses forces.
Dans le cercueil, le corps s’est mis à se tordre et on a entendu 
un horrible cri. Puis plus rien. Lucy, couchée dans le cercueil 
nous est apparue telle qu’elle était avant : la créature que nous 
détestions avait à jamais disparu.

Van Helsing a mis sa main sur l’épaule d’Arthur et lui a dit :
— Est­ce que vous me pardonnez ?
— Vous pardonner ? Au contraire, je vous remercie. Vous avez 
rendu son âme à ma chère Lucy et à moi, la paix.
Puis Van Helsing a fait sortir Arthur et Quincey du tombeau. 
Je l’ai alors aidé à scier le haut du pieu. Nous avons ensuite 
coupé la tête de Lucy et rempli sa bouche d’ail. Enfin, nous avons
refermé le cercueil et nous sommes sortis à notre tour.
— Nous avons accompli la première étape de notre mission, a 
dit Van Helsing. Maintenant, nous devons trouver l’auteur de ce 
malheur et l’éliminer.
CHAPITRE V
Journal du Dr Seward (suite)
Le professeur Van Helsing est retourné à Amsterdam et il 
revient demain. Il m’a donné à lire le journal de Mrs Harker et 
celui de son mari. Ce soir, je suis allé chercher Mrs Harker à la 
gare. Elle vient passer quelques jours chez moi. Son mari arrive 
demain. C’est une femme charmante et délicate. Je lui ai fait lire
mon journal. Après sa lecture, elle semblait très triste.
— Je vous ai fait beaucoup de peine en vous donnant mon 
journal, n’est­ce pas ? lui ai­je demandé.
— Non..., a­t­elle répondu. Il faut maintenant que nous luttions
tous ensemble pour débarrasser la terre de ce monstre.
30 septembre — Mr Harker est arrivé à neuf heures. C’est un 
homme qui semble très intelligent et courageux, si son journal 
dit vrai. Cet après­midi, Holmwood et Morris sont également 
arrivés. Nous avons pris le thé avec le couple Harker. Nous 
attendons le retour de Van Helsing pour élaborer un plan. Je 
dois aller le chercher ce soir à la gare.
Journal de Mina Harker
30 septembre — Après le dîner, nous nous sommes tous rendus 
dans le bureau du Dr Seward. Le professeur Van Helsing a pris 
la parole :
— Nous sommes tous au courant, je pense, de ce qui s’est passé 
et se passe. Je dois maintenant vous dire à quel type d’ennemi 
nous allons nous affronter. Les vampires existent : nous en 
avons la preuve ! Mais le nosferatu ne meurt pas une fois qu’il a 
fait une victime. Au contraire, il devient plus fort et il est donc 
plus dangereux. C’est une brute et il n’a pas de cœur. Il peut 
apparaître où et quand il veut sous la forme de son choix. La 
question est la suivante : comment faire pour le détruire ? 
Comment le trouver et une fois trouvé, comment le faire mourir ?
Comme vous le voyez, la tâche est difficile car, si nous échouons, 
nous deviendrons comme lui, des créatures de la nuit, sans cœur 
ni conscience. Mes amis, acceptez­vous de m’aider dans ce 
combat ?
Nous avons tous répondu au professeur qu’il pouvait compter 
sur nous.
Ensuite, nous nous sommes serré la main et nous avons prêté 
serment.
— Bon, a alors dit le professeur, vous savez maintenant contre 
quoi nous luttons. Mais nous avons un avantage : nous sommes 
cinq et il est seul. Et nous avons certaines connaissances sur son 
mode de vie, surtout grâce à Jonathan qui a vécu chez lui. On 
sait qu’il se nourrit uniquement de sang, que son visage ne se 
reflète pas dans un miroir, qu’il peut se transformer en chauve­
souris, que ses pouvoirs se terminent au lever du soleil, entre 
autres. Et puis, il y a des choses qui lui enlèvent tout pouvoir : 
l’ail et le crucifix, devant lesquels il recule. Quant au pieu qu’on 
lui enfonce dans le cœur, il lui donne le repos éternel et 
également si on lui coupe la tête. Nous l’avons constaté de nos 
propres yeux. Donc, nous devons nous rendre dans la demeure 
du comte Dracula qui est juste à côté de l’asile, comme nous le 
savons par Jonathan...
— Je n’aurais jamais imaginé qu’il vivait si près de moi ! s’est 
exclamé le Dr Seward.
— ... et le détruire dans son cercueil, a poursuivi Van Helsing. 
Une autre chose : missis Mina, à partir de ce soir, vous ne vous 
occupez plus de rien. Vous êtes en effet en danger et je ne veux 
pas qu’il vous arrive la même chose qu’à miss Lucy. Laissez­nous
agir, nous vous informerons de tout.
— Allons tout de suite voir ce qui se passe dans cette maison, a 
proposé Mr Morris. Face à un monstre, il faut agir vite...
Journal de Jonathan Harker
1er octobre, 5 heures du matin — Nous nous sommes dirigés vers
la maison abandonnée. Une fois arrivés devant la porte, le 
professeur a ouvert son sac et en a sorti plusieurs objets.
— Mes amis, nous devons nous protéger.
Il nous a donné à chacun une petite croix, en nous indiquant de 
la placer sur notre cœur, une guirlande de fleurs d’ail, à mettre 
autour du cou ainsi qu’un revolver et un couteau.
Puis nous avons ouvert la porte. Van Helsing est entré en 
premier. Nous avons allumé nos lampes et commencé nos 
recherches. Il y avait de la poussière partout. Sur une table du 
corridor, était posé un trousseau de clés. Le professeur l’a pris et 
il m’a dit :
— Jonathan, vous connaissez le plan de cette maison. Où se 
trouve la chapelle ?
Je me souvenais de l’endroit et j’y ai conduit mes amis. La 
lourde porte était fermée à clé. Après avoir essayé plusieurs clés,
Van Helsing est parvenu à l’ouvrir. Une horrible odeur s’est 
alors échappée de la chapelle : odeur de mort, de sang. Nous 
sommes entrés. Tout était envahi par les rats et il n’y avait rien, 
pas une seule caisse. C’était clair, le comte avait changé de 
maison. Déçus, nous sommes retournés chez le Dr Seward.
Quand je suis entré dans la chambre, Mina dormait. Elle 
respirait très lentement et était plus pâle que d’habitude. Ces 
émotions l’ont sans doute bouleversée.
Journal de Mina Harker
1er octobre — C’est un peu étrange pour moi de ne pas pouvoir 
participer aux recherches avec nos amis. Je me sens triste. Je ne 
sais pas à quelle heure je me suis endormie hier soir. Allongée 
dans mon lit, j’entendais parfois les cris des malades du Dr 
Seward, ce qui m’angoissait un peu mais j’essayais de rester 
calme et de m’endormir, ce que j’ai fini par faire. J’ai alors fait 
un rêve étrange : je dormais et j’attendais le retour de Jonathan. 
Dans mon sommeil, j’étais inquiète. J’ai alors vu comme une 
vapeur d’eau en ébullition passer sous la porte de ma chambre et
se transformer en une sorte de brouillard qui a envahi tout 
l’espace. Soudain, au milieu de ce brouillard, deux boules rouges,
semblables à des yeux, sont apparues. Puis j’ai aperçu un visage 
livide qui se penchait vers moi. Je dois me méfier de ce type de 
rêves car ils peuvent énormément me perturber.
2 octobre, 10 h du soir — La nuit dernière, j’ai dormi sans rêver 
et profondément, je crois. Pourtant, aujourd’hui, je me sens 
fatiguée et un peu découragée.
Journal de Jonathan Harker
1er octobre, au soir — Je savais qui s’était chargé d’apporter les 
caisses du comte à Carfax. Je suis allé trouver la personne en 
question et j’ai ainsi appris qu’à Carfax on avait transporté la 
moitié des caisses et l’autre moitié dans une maison de 
Piccadilly. Ainsi donc le comte avait une autre demeure à 
Londres. Je me souvenais d’avoir vu, au château, plusieurs 
points marqués sur une carte d’Angleterre. J’ai demandé à 
l’homme l’adresse exacte de l’autre maison mais il a refusé de me
la donner. Après avoir longuement parlementé, j’ai fini par 
l’obtenir contre une certaine somme d’argent. Je suis vite 
retourné chez le Dr Seward pour apprendre la nouvelle à mes 
amis.
— C’est une importante découverte, cher Jonathan, a dit Van 
Helsing. Il vit sûrement là­bas maintenant. Si nous le trouvons, 
tout sera fini.
Journal du Dr Seward
3 octobre — Depuis deux jours, je suis inquiet. Je trouve Mrs 
Harker de plus en plus pâle et fatiguée. Et elle est venue me voir
et m’a demandé un médicament pour dormir car elle dit avoir 
des nuits agitées. Parfois, elle a aussi du mal à respirer. Ce soir, 
elle n’a pas voulu dîner avec nous et est allée directement dans 
sa chambre. Son mari est ensuite monté la retrouver.
J’ai parlé de ma conversation avec Mrs Harker à Van Helsing 
et Quincey. Le professeur a aussitôt vivement réagi :
— Mon Dieu, serait­il ici ? Je veux la voir immédiatement. 
Venez.
— Mais, faut­il vraiment la déranger ? a demandé Quincey.
— Oui, a répondu Van Helsing, c’est trop grave.
Une fois devant sa porte, il a essayé de l’ouvrir. Elle était 
fermée à clé.
— Enfonçons­la, a­t­il crié.
Nous nous sommes jetés dessus. Elle s’est ouverte. Ce que j’ai 
alors vu m’a effrayé. La lune brillait et éclairait parfaitement la 
chambre. Jonathan dormait dans le lit qui se trouvait près de la 
fenêtre : il avait le visage rouge et il respirait péniblement. À 
genoux sur le bord du lit qui était le plus proche de nous, se 
trouvait Mrs Harker. A côté d’elle, il y avait un homme grand et 
mince habillé de noir : le comte Dracula. De sa main gauche, il 
tenait les deux mains de la jeune femme ; de sa main droite, il 
lui tenait la nuque et la forçait à se pencher sur sa poitrine où 
coulait du sang.
Quand il nous a vus, son visage pâle a eu une expression 
diabolique. Il a aussitôt rejeté Mrs Harker sur le lit et s’est 
précipité vers nous. Mais le professeur a alors tendu vers lui 
l’enveloppe qui contenait l’hostie. Le comte s’est arrêté. Il a 
reculé pendant que nous avancions vers lui, nos crucifix à la 
main. Soudain, un nuage noir a fait disparaître la lune et quand 
Quincey a allumé la lampe, nous n’avons vu qu’une légère 
vapeur dans la chambre.
Van Helsing et moi, nous nous sommes approchés de Mrs 
Harker. Elle ne bougeait pas, son visage était effrayant, d’une 
grande pâleur, et son menton était couvert de sang. Ses yeux 
exprimaient une grande terreur.
Van Helsing l’a couverte avec son drap et s’est approché de 
Jonathan.
— John, aidez­moi. Jonathan est dans un état de stupeur 
provoqué par le vampire. Il faut le réveiller.
Avec de l’eau froide, nous sommes parvenus à le faire revenir à 
lui. Il s’est aussitôt dressé sur le lit et s’est écrié :
— Docteur Van Helsing, vous avez de l’amitié pour Mina. Je 
vous en prie, sauvez­la. Vous le pouvez, il n’est pas trop tard.
Journal de Jonathan Harker
3 octobre — Je le sens, je vais devenir fou si nous ne faisons 
rien. Nous nous sommes à nouveau réunis. Van Helsing qui, 
comme de coutume, avait réfléchi à la situation, a déclaré :
— Mes enfants, l’heure décisive approche. Nous allons explorer 
la maison de Piccadilly et en finir avec le monstre. Missis Mina, 
soyez tranquille... vous êtes en sécurité ici jusqu’au coucher du 
soleil. J’ai placé dans votre chambre toutes les « armes » pour 
empêcher le comte d’entrer et je vais maintenant vous protéger 
en posant sur votre front la Sainte hostie.
Et c’est ce qu’il a fait. Mina a alors poussé un cri épouvantable. 
L’hostie avait brûlé son front.
— Oh, mon Dieu, a­t­elle dit, quelle horreur ! Jusqu’au jour du 
Jugement dernier, je porterai cette marque sur mon front.
— Très chère missis Mina, nous ferons tout pour qu’elle 
disparaisse et elle s’effacera, je vous le promets, mais pour cela, 
il faut détruire le comte.
Notre visite à la maison de Piccadilly a eu le même résultat 
qu’à celle de Carfax. Il n’y avait rien ! Où le comte pouvait­il 
être?
Nous sommes retournés chez le docteur Seward fort tristes. 
Mina nous attendait... elle semblait un peu apaisée.
Nuit du 3­4 octobre — Mina m’a réveillé vers cinq heures du 
matin et m’a dit :
— Je dois voir le professeur maintenant.
Je suis allé le chercher. Trois minutes plus tard, il était dans la 
chambre :
— Que puis­je faire pour vous, missis Mina ?
— Vous devez m’hypnotiser, professeur. Faites­le tout de suite, 
avant le lever du jour car je sens que je peux parler librement. 
Vite, je crois que c’est important.
Sans un mot, Van Helsing lui a fait signe de s’asseoir dans le lit
puis il l’a regardée fixement et il s’est mis à bouger les mains 
devant son visage, de haut en bas. Les yeux de Mina se sont 
enfin fermés et elle est restée assise, immobile. Seule sa poitrine 
se soulevait doucement, indiquant qu’elle était vivante. 
Obéissant à un signe de Van Helsing, je suis allé chercher John
et Quincey. Ils sont entrés sans bruit dans la chambre. Nous 
étions tous silencieux. Van Helsing a enfin rompu le silence :
— Où êtes­vous ?
Mina a répondu d’un ton neutre :
— Je ne sais pas. Tout me paraît étrange.
— Que voyez­vous ?
— Je ne peux rien voir. Tout est sombre.
— Qu’entendez­vous ?
— Le bruit de petites vagues, dehors.
— Vous êtes sur un bateau ?
— Oui.
— Qu’entendez­vous d’autre ?
— Le pas d’hommes qui marchent au­dessus de ma tête.
— Que faites­vous ?
— Je suis immobile... comme une morte.
Puis elle s’est tu. Le jour se levait. Le docteur Van Helsing a 
mis les mains sur les épaules de Mina et a posé délicatement sa 
tête sur l’oreiller. Mina est restée un moment couchée puis elle 
s’est réveillée et nous a regardés :
— Ai­je parlé pendant mon sommeil ?
Le professeur lui a répété leur conversation. Puis il a dit :
— Le comte est sur un bateau et quitte le pays. Il veut nous 
échapper mais nous allons le poursuivre !
— Mais pourquoi le poursuivre puisqu’il est loin de nous ? a 
demandé Mina.
— Parce qu’il peut vivre des siècles alors que vous, vous n’êtes 
qu’une mortelle. Le temps est notre ennemi depuis que le comte 
a mis cette marque sur votre front.
CHAPITRE VI
Journal du Dr Seward
5 octobre — Le professeur Van Helsing a découvert que Dracula
a pris un bateau pour rentrer dans son château, en 
Transylvanie. Il veut que nous partions à sa recherche. Dans une
demi­heure, nous allons nous réunir dans mon bureau pour 
élaborer notre plan d’action.
Plus tard — Van Helsing nous a d’abord résumé les faits :
— Le Tsarine Catherine, bateau où s’est embarqué le comte, a 
quitté la Tamise hier matin à destination de Varna. À une 
vitesse maximum, il lui faudra au moins trois semaines pour 
atteindre son but ; par terre, nous pouvons y être dans trois 
jours. Mrs Harker a alors dit :
— Je dois vous accompagner dans votre voyage.
— Pourquoi ? a demandé Van Helsing.
— Je serai plus en sécurité avec vous et vous, avec moi.
— Mais pourquoi, chère missis Mina ? Nous affrontons un 
danger auquel vous êtes plus exposée que nous...
— Je sais, je sais... c’est pour cela que je dois partir. Lorsque le 
comte me demandera de venir, je devrai lui obéir. C’est ainsi. De 
plus, je pourrai vous être utile car, en m’hypnotisant, vous 
apprendrez des choses que j’ignore moi­même.
Le professeur Van Helsing a alors dit gravement :
— Missis Mina, vous êtes, comme toujours, la sagesse même. 
Oui, vous nous accompagnerez et nous accomplirons cette 
mission ensemble. Bien, préparons nos affaires. Je m’occuperai 
des billets pour le départ.
Journal de Jonathan Harker
15 octobre, Varna — Nous avons quitté Charing Cross dans la 
matinée du 12 et nous sommes arrivés à Paris le soir même pour
prendre les places réservées pour nous dans l’Orient­Express.
Nous avons voyagé toute la journée et la nuit et nous sommes 
arrivés ici à cinq heures. Nous avons dîné et nous nous sommes 
couchés tôt.
Nous avons l’intention de monter à bord du Tsarine Catherine 
dès qu’il arrivera au port. Nous agirons de jour afin de trouver le
comte dans sa caisse pour lui enfoncer un pieu dans le cœur et 
lui couper la tête.
Journal du Dr Seward
25 octobre, midi — Aucune nouvelle du bateau. Nous sommes 
impatients, à l’exception de Harker qui reste calme.
Van Helsing et moi, nous sommes aujourd’hui un peu inquiets 
au sujet de Mrs Harker. Elle est tombée avant midi dans une 
sorte de léthargie qui ne nous plaît pas.
28 octobre — Nous venons d’apprendre que le Tsarine 
Catherine se dirigeait vers le port de Galati. C’est un certain 
choc !
Nous sommes restés ici, à Varna, alors que le bateau qui 
emportait le comte se dirigeait vers Galati. Le monstre avait 
tout préparé afin de nous échapper mais nous allons continuer à 
nous battre.
29 octobre — J’écris dans le train entre Varna et Galati. Hier 
soir, Mrs Harker s’est préparée pour une séance d’hypnose. Cette
fois, elle a mis longtemps à répondre mais elle a fini par dire :
— Je ne distingue rien. Nous sommes immobiles. Il n’y a pas de
vagues, juste le mouvement régulier de l’eau contre l’amarre. 
Maintenant, j’entends des voix d’hommes et le bruit des rames.
— Mes amis, vous avez compris, a alors dit Van Helsing. Il est 
près d’une côte. S’il n’arrive pas à gagner la terre cette nuit, il 
perd un jour et nous pourrons alors arriver à temps.
30  octobre, 7 h du matin — Nous approchons de Galati. Van 
Helsing a fait une autre séance d’hypnose à Mrs Harker mais 
elle a mis très longtemps à réagir.
— Tout est noir, a­t­elle enfin dit. J’entends le bruit de l’eau et 
du bois qui craque. Plus bas, il y a du bétail, mais loin...
Journal de Mina Harker
30 octobre, au soir — Pendant que les hommes se reposent, je 
vais réfléchir sur les faits qui viennent de se dérouler pour 
mieux comprendre la situation. Je crois avoir fait une découverte
mais j’ai besoin d’une carte pour vérifier certains points.
J’ai examiné la carte et j’ai repéré un fleuve qui peut permettre 
au comte de rentrer chez lui : le Siret qui, à Fundu, rejoint la 
Bistrita qui coule autour du col de Borgo. C’est donc le point le 
plus près du château de Dracula.
Quand j’ai donné mon point de vue à mes compagnons, le 
professeur a déclaré :
— Notre chère missis Mina est, une fois de plus, notre guide. 
Vous, Mr Holmwood et Jonathan, vous remonterez la rivière en 
bateau. John et Quincey surveilleront la rive au cas où le comte 
débarquerait et moi, j’emmènerai missis Mina jusque dans les 
terres ennemies. Préparons­nous ; prenons des cartes, des armes
et tous les instruments nécessaires pour notre combat contre le 
comte.
1er novembre — Nous avançons rapidement. Au coucher du 
soleil, le professeur m’a hypnotisée. J’ai répondu à ses questions 
comme de coutume : obscurité, bruit de l’eau... L’ennemi est 
toujours sur le bateau.
2 novembre au soir — Nous avançons toujours. Le paysage 
s’élargit. Le professeur dit que nous arriverons au col de Borgo 
au lever du soleil.
Mémorandum d’Abraham Van Helsing
4 novembre — Cette note est destinée à mon fidèle ami John 
Seward.
Le jour s’est levé. J’écris près du feu que j’ai entretenu toute la 
nuit avec l’aide de missis Mina. Pendant toute la journée d’hier, 
elle n’était pas comme d’habitude. Quelque chose ne va pas. J’ai 
essayé de l’hypnotiser mais sans résultat. Elle dort toujours. 
Dans son sommeil elle paraît mieux, elle a plus de couleur. Cela 
ne me plaît pas. J’ai peur, je l’avoue. Mais il faut continuer et en 
finir.
5 novembre — Nous avons voyagé toute la journée d’hier. Missis
Mina a dormi tout le temps. Nous sommes près d’une colline 
escarpée où se dresse un château semblable au château décrit 
par Jonathan. Je me suis occupé des chevaux puis j’ai allumé un 
feu à côté duquel j’ai installé missis Mina qui était bien réveillée 
maintenant. J’ai préparé le repas mais elle a refusé de manger 
en me disant qu’elle n’avait pas faim. Je n’ai pas insisté et j’ai 
dîné seul, j’avais besoin de beaucoup de forces. Puis, rempli de 
peur à la pensée de ce qui pouvait arriver si Dracula était près 
de là, j’ai tracé un cercle autour de l’endroit où missis Mina était 
assise et, sur le cercle, j’ai mis des petits morceaux d’hostie. J’ai 
passé une terrible nuit : j’étais inquiet, un peu effrayé car je 
savais que, pour le meilleur ou pour le pire, la fin était proche. 
Le jour s’est enfin levé.
Journal de Mina Harker
6 novembre — L’après­midi était bien avancé quand le 
professeur et moi avons repris la route. Nous n’allions pas vite. Il
faisait froid et il neigeait. Le professeur a trouvé une grotte où 
nous nous sommes réfugiés. Il a observé l’horizon et s’est écrié :
— Regardez, missis Mina ! Regardez !
Dans le lointain, un groupe d’hommes à cheval avançait 
rapidement. Au milieu d’eux, je voyais une longue charrette qui 
transportait une caisse. Mon cœur a bondi dans ma poitrine 
quand je l’ai vue car je savais que la chose était dans la caisse et 
qu’elle allait se réveiller à la tombée de la nuit. Le professeur a 
alors crié :
— Regardez là­bas, deux cavaliers arrivent à toute vitesse. Ce 
sont sûrement Quincey et John.
Un peu plus au nord de l’endroit où les deux hommes se 
trouvaient, j’ai aussi vu deux autres cavaliers. J’ai 
immédiatement reconnu Jonathan. Le professeur a pris son fusil
et il a dit :
— Ils se dirigent tous vers le même point. Bientôt, nous aurons 
les hommes du comte autour de nous.
Pendant que nous parlions, j’ai préparé mon revolver.
Soudain, deux voix ont crié « Halte ! ». L’une était celle de 
Jonathan et l’autre celle de Mr Morris. Les hommes du comte 
ont aussitôt fait ralentir les chevaux. Mr Holmwood et Jonathan 
sont apparus d’un côté et le Dr Seward et Mr Morris de l’autre. 
Le chef du groupe a alors donné l’ordre à ses hommes de 
continuer mais les quatre amis sont vite descendus de cheval et 
se sont précipités vers la charrette.
Les hommes, obéissant à un ordre du chef, se sont tout de suite 
rapprochés de la charrette mais Jonathan a réussi à monter 
dessus et, avec une force incroyable, il a soulevé et jeté la caisse 
à terre. Quincey a aussitôt forcé le passage pour rejoindre 
Jonathan mais, soudain, il a mis sa main sur son ventre et ses 
doigts se sont couverts de sang. Malgré tout, il est arrivé près de 
la caisse et a aidé Jonathan à l’ouvrir.
Les hommes du comte, menacés par les fusils de Mr Holmwood 
et du Dr Seward, ont renoncé à se battre.
J’ai alors vu le comte couché dans la caisse : il était très pâle et 
ses yeux rouges avaient l’horrible regard que je connaissais si 
bien. Comme je le regardais, il a tourné ses yeux vers le soleil 
qui se couchait et il a eu un air triomphant. Mais, à cet instant, 
Jonathan a pris son couteau et lui a coupé la gorge. Au même 
moment, le couteau de Mr Morris pénétrait dans le cœur du 
comte.
C’était comme un miracle : devant nos yeux et en deux 
secondes, le corps entier du monstre s’est transformé en 
poussière et a disparu.
Mr Morris est alors tombé par terre. J’ai couru vers lui. Les 
deux médecins aussi.
— Oh, mon Dieu ! s’est écrié Quincey en montrant mon front. 
Ceci vaut bien ma mort. Regardez, la marque est partie à 
jamais.
Puis il est mort.
Note de Jonathan Harker
Sept ans ont passé. Nous avons oublié nos souffrances. Mina et 
moi sommes très heureux. Notre fils est né le jour de 
l’anniversaire de la mort de Quincey. Nous lui avons donné les 
noms de tous ceux de notre petit groupe mais nous l’appelons 
Quincey.
Van Helsing, quand il l’a vu, a tout résumé en disant :
— Ce garçon saura un jour quelle femme courageuse est sa 
mère. Il comprendra plus tard que des hommes l’ont aimée et ont
affronté bien des dangers pour la sauver.

Vous aimerez peut-être aussi