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Chimie organométallique

Addition oxydante
par Yves JEANNIN
Professeur émérite à l’université Pierre-et-Marie-Curie
Correspondant de l’Académie des sciences
Ingénieur de l’École nationale supérieure de chimie de Paris

1. Environnement à 16 électrons.............................................................. AF 6 504 - 1


2. Caractéristiques de l’addition oxydante ........................................... — 2
3. Addition oxydante à partir d’un environnement à 18 électrons. — 3
4. Addition oxydante intramoléculaire ................................................... — 4
5. Élimination réductrice ............................................................................ — 5
6. Exemples d’application à la synthèse ................................................ — 5

7. Activation de la liaison C  H .............................................................. — 5


Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. AF 6 510

ien que la règle des 18 électrons soit une règle de base en chimie organo-
B métallique, des exceptions existent. Notamment, on rencontre quelques
composés dans lesquels le métal est environné de manière stable par
16 électrons. Dès lors, une addition assurant le passage à 18 électrons s’avère
possible. Elle s’accompagne en général d’une oxydation d’où le nom de réaction
d’addition oxydante.

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1. Environnement Cette réaction est en fait équilibrée. Il est donc possible de modi-
fier la constante d’équilibre en jouant sur la richesse en électrons de
à 16 électrons l’alcène, par exemple en passant de l’éthylène au dicyanoéthylène,
puis au tétracyanoéthylène :
CH 2 
CH 2 K
À la lumière des travaux de Delépine sur la chimie de l’iridium, le
composé suivant de l’iridium(I) peut être préparé par oxydoréduc- NCCH 
CHCN K’ = 1 500 × K
tion, le réducteur étant l’éthanol et l’oxydant l’iridium(III) :
( NC ) 2 C 
C ( CN ) 2 K" = 140 000 × K
(C6H5)3P CO
Le plus riche en électrons est le plus donneur, celui qui favorise le
Ir Cl3 + P(C6H5)3 + C2H5OH Ir
plus la stabilité du système, donc le déplacement de la réaction vers
la droite.
Cl P(C6H5)3
Une telle réaction d’addition peut, bien entendu, se faire avec
L’oxyde de carbone vient de l’éthanol utilisé comme solvant. Ce d’autres donneurs de doublets comme SO2 par exemple :
complexe est plan carré. Il correspond à un atome d’iridium entouré P(C6H5)3
de 16 électrons. Un comptage radicalaire qui ne tient pas compte
CO O
des états d’oxydation donne en effet :
IrCl(CO){P(C6H5)3}2 + SO2 Ir S
iridium : 9 électrons chlore : 1 électron
Cl O
phosphine : 2 × 2 électrons oxyde de carbone : 2 électrons
Les deux atomes de phosphore sont trans, l’atome de chlore et P(C6H5)3
l’atome de carbone de CO sont trans ; pourquoi ? Simplement parce
que l’oxyde de carbone est le plus fort accepteur π et parce que le
chlore est donneur π par l’intermédiaire d’une de ses orbitales p non
liantes. La disposition trans implique que la même orbitale t2g se
recouvre avec l’orbitale antiliante de l’oxyde de carbone et avec 2. Caractéristiques
l’orbitale p du chlore ; il en résulte une circulation de densité électro-
nique depuis le chlore vers l’oxyde de carbone (figure 1).
de l’addition oxydante
Ce composé n’est pas le seul à possèder 16 électrons. De la même
façon : Les réactions d’addition précédentes ne modifient pas le degré
d’oxydation du métal. Il y a simplement eu don d’un doublet, même
RhCl3 + P(C6H5)3 + C2H5OH si un don en retour s’est exercé pour stabiliser l’ensemble.
Une autre façon d’apporter des électrons est d’oxyder. Si le
(C6H5)3P P(C6H5)3 chlore, élément très oxydant, est utilisé, il est possible de restaurer
le degré d’oxydation III de l’iridium tout en fixant deux atomes de
Rh chlore et un environnement octaédrique est observé dans lequel les
trois atomes de chlore adoptent une symétrie méridienne.
Cl P(C6H5)3
Cl

Le rhodium est Rh(I) ; son environnement est également plan (C6H5)3P Cl


carré. Si cet environnement à 16 électrons constitue un état intermé- IrCl(CO){P(C6H5)3}2 + Cl2 Ir
diaire très réactif pour des métaux de transition plus « pauvres » en
CO P(C6H5)3
électrons que l’iridium, il correspond par contre à des composés sta-
bles au sein d’un îlot qui comprend essentiellement les quatre Cl
métaux que sont le rhodium, l’iridium, le palladium et le platine.
Quelques autres cas existent avec d’autres métaux, mais ils restent Cette réaction d’oxydation doublée d’une addition s’appelle une
sporadiques et exceptionnels. réaction d’addition oxydante.
Qui dit 16 électrons dit aussi passage possible à 18 électrons. On peut noter que l’hydrogène a une électronégativité un peu supé-
Augmenter le nombre d’électrons ne peut se faire que par interac- rieure à celle de l’iridium ou du rhodium. La même réaction d’addi-
tion avec un donneur d’électrons. C’est le cas des molécules don- tion oxydante peut alors être imaginée avec l’hydrogène, par
neurs de doublet. Par exemple, l’éthylène se fixe aisément : exemple, et avec le composé analogue du rhodium :
→ [ IrCl ( CO ) ( C 2 H 4 ) { P ( C 6 H 5 ) } ]
[ IrCl ( CO ) { P ( C 6 H 5 ) 3 } ] + C 2 H 4 ← [ RhCl { P ( C 6 H 5 ) 3 } ] + H 2 → [ RhCl ( H ) 2 { P ( C 6 H 5 ) 3 } ]
2 32 3 3

L’atome d’hydrogène se trouve maintenant au degré d’oxydation


−I avec un métal au degré d’oxydation III et le rhodium est envi-
ronné de 18 électrons. Autrement dit, l’hydrogène a été activé : il
est dans la situation de l’atome d’hydrogène dans BH 4 − . On peut
donc imaginer des réactions catalytiques d’hydrogénation.
Cl Ir Cl O [ RhCl ( H ) 2 { P ( C 6 H 5 ) 3 } 3 ] est le premier composé organométallique
qui a permis l’hydrogénation catalytique des alcènes en phase homo-
gène à la température ordinaire et à la pression atmosphérique. En
effet, une phosphine peut facilement se détacher, permettant ainsi
p dxy π* l’entrée de l’alcène dans la sphère de coordination par substitution :
c’est l’origine du fonctionnement de ce catalyseur dit de Wilkinson.
Figure 1 – Recouvrement des orbitales dans le composé La proximité de l’atome d’hydrogène et de l’alcène tous deux liés au
de l’iridium (I) étudié métal entraîne alors une réaction d’insertion, la formation d’un

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d’élongation Ir  Cl alors qu’il y a une bande à 305 cm−1 dans le


16 électrons Rh Cl L3
composé de départ, montre la conservation de la disposition trans
H2 Cl  Ir  CO . Ces résultats sont confirmés par l’étude en diffraction
des rayons X. Ainsi I et CH3 sont en trans l’un de l’autre. La même
18 électrons Rh Cl (H)2 L3 sélectivité est observée quelle que soit la nature de RX :
L I

16 électrons Rh Cl (H)2 L2 (C6H5)3P CO


RCH CH2
Ir

18 électrons Rh Cl (H)2 (RCH CH2) L2 Cl


P(C6H5)3
CH3

16 électrons RCH2 CH2 Rh Cl(H) L2


Cette réaction est possible avec une structure de départ fort diffé-
rente, mais à condition que les deux caractéristiques de la réaction
soient présentes, à savoir l’addition sur un métal à 16 électrons et la
18 électrons RCH2 CH2 Rh Cl(H) L3 possibilité d’oxydation du métal (figure 3).
Le platine passe du degré d’oxydation 0 au degré d’oxydation II,
R CH2 CH3 et l’environnement de 16 à 18 électrons. Dans ce cas, les ligands
additionnés sont en cis. Il faut noter que la liaison entre l’éthylène et
le platine n’est pas très solide ; il en résulte un départ aisé de l’éthy-
L = P(C6H5)3 lène et le retour à 16 électrons avec un environnement plan carré
très courant et très stable pour le platine(II).
Figure 2 – Hydrogénation catalytique des alcènes : mécanisme
le plus probable CH3
P(C6H5)3

Pt
groupe alkyle lié au métal et le passage d’un environnement à
18 électrons à un environnement à 16 électrons. I P(C6H5)3

[ RhCl ( H ) 2 { P ( C 6 H 5 ) 3 } ] + RCH 
CH 2 →
3
[ RhCl ( H ) 2 { P ( C 6 H 5 ) 3 } ( CH 2 
CHR ) ] + P ( C 6 H 5 ) 3
2

3. Addition oxydante à partir


[ RhCl ( H ) 2 { P ( C 6 H 5 ) 3 } ( CH 2 
CHR ) ] →
2
[ RhCl ( H ) { P ( C 6 H 5 ) 3 } ( CH 2 CH 2 R ) ]
d’un environnement
2
à 18 électrons
Le mécanisme catalytique implique le passage en séquence aux
espèces décrites figure 2.
Étant donné la similitude des électronégativités du carbone et de Il est possible de partir d’un métal environné de 18 électrons. Deux
l’hydrogène, on pourrait penser activer la liaison carbone-carbone cas sont envisageables : ou bien un ligand porteur d’un doublet sort
ou même la liaison carbone-hydrogène de cette façon. Malheureu- de la sphère de coordination et l’on est ainsi ramené au problème pré-
sement, les choses ne sont pas aussi simples. Par contre, une liaison cédent avec, par surcroît, une espèce à 16 électrons qui peut être
plus polarisée du type RX s’ouvre. Le groupe alkyle R, polarisé posi- très réactive, ou bien le métal est un donneur de doublet.
tivement dans une molécule RX, provoque une oxydation du métal ■ Le premier cas peut être illustré par l’action du trichlorosilane sur
du fait des électronégativités relatives du carbone et du métal : le fer carbonyle qui génère d’abord Fe(CO)4, composé à
[ IrCl ( CO ) { P ( C 6 H 5 ) 3 } ] + ICH 3 → [ IrClI ( CH 3 ) ( CO ) { P ( C 6 H 5 ) 3 } ] 16 électrons :
2 2
Si Cl3
Sur le papier, cinq ligands différents, Cl, I, CO, CH3, PR3, condui-
CO
sent à prévoir 19 isomères en incluant les énantiomères. En réalité, H
une étude structurale détaillée montre que la réaction ne produit Fe(CO)5 + H Si Cl3 Fe + CO
qu’un seul isomère, elle est stéréotopique à 100 %. La RMN de 31P,
en ne donnant qu’un seul pic, montre l’équivalence des deux ato- CO
CO
mes de phosphore, donc une disposition en trans. La spectroscopie CO
infrarouge, en donnant une bande à 300 cm−1 pour la vibration

P(C6H5)3

(C6H5)3P CH2 CH3 CH2


Pt + CH3 I Pt
(C6H5)3P CH2 I CH2
Figure 3 – Exemple de réaction d’addition
oxydante sur un composé du platine
P(C6H5)3
à 16 électrons

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IrCl(N2)L2 IrCl L2 + N2 CH2 CH2

L Fe Fe Fe

Cl
CO CO CO CO CO CO
Ir Cl L2 + CH3COCl Ir COCH3 CO H
Cl 18 électrons 16 électrons 18 électrons
L
Figure 5 – Exemple d’addition intramoléculaire
avec L = P(C6H5)3 ou tout autre ligand équivalent

Figure 4 – Composé à 16 électrons donnant un composé puisse s’accroître. Dire qu’un métal est riche en électrons et admet-
à 14 électrons qui subit alors la réaction oxydante tre qu’il peut donner un doublet revient à lui reconnaître un carac-
tère basique. Un bon accepteur est le carbocation qui se lie au métal
en recevant le doublet, ce qui provoque en même temps l’oxydation
du métal :
Après fixation des deux ligands H et SiCl3 , le fer est passé au
degré d’oxydation II et il est environné octaédriquement. On peut +
encore citer l’exemple du tétrafluoroéthylène qui réagit sur le fer
carbonyle ou sur le cobalt carbonyle par addition oxydante. Dans le
cas du fer, deux molécules d’alcène se couplent pour ensuite + CH3 I I–
« oxyder » Fe(CO)4 : Co Co

Fe (CO)5 + 2 CF2 CF2 CO P(C6H5)3 CO P(C6H5)3


CH3
CO
CO CF2 CF2 Le cobalt passe de Co(I) à Co(III) car les électronégativités compa-
rées du carbone et du cobalt amènent à écrire que le composé final
Fe + CO renferme les ligands CH 3 − et C 5 H 5 − .
CO CF2 CF2
CO

Dans le cas du cobalt, une molécule d’alcène en ouvrant sa dou-


4. Addition oxydante
ble liaison « oxyde » les deux atomes de cobalt et s’insère entre eux intramoléculaire
suivant la réaction :
[ Co 2 ( CO ) 8 ] + CF 2 
CF 2 → [ ( CO ) 4 Co  CF 2  CF 2  Co ( CO ) 4 ]
L’addition oxydante peut fort bien être intramoléculaire, en parti-
Le fer devient Fe(II) et le cobalt Co(I). culier lorsque l’environnement à 16 électrons apparaît suite au
départ d’un ligand. On a vu précédemment par quelle suite de réac-
Cette propriété de ligand peu lié qui sort de la sphère de coordina- tions [ Fe 2 ( CO ) 4 ( C 5 H 5 ) 2 ] se forme à partir de [Fe(CO)5] et de C5H6
tion s’exerce aussi à partir d’un composé à 16 électrons ; il en (cf. article [AF 6 502] de ce traité). L’étape décrite figure 5 est une
résulte un composé à 14 électrons qui sera formidablement réactif. addition oxydante typique par cassure de la liaison C  H et forma-
Par exemple, le départ de N2 de la molécule [IrCl(N2)L2] favorise la tion des deux ligands C 5 H 5 − et H−.
fixation de CH3COCl par addition oxydante. On obtient un édifice à
cinq ligands (figure 4). Le fer passe de Fe(0) à Fe(I) ; la sortie de la molécule CO est le
moteur nécessaire à la migration de l’hydrogène par suite de la très
Cette situation est intéressante car elle peut évoluer vers un envi- faible stabilité de l’environnement à 16 électrons pour le fer.
ronnement octaédrique à 6 voisins par désinsertion de l’oxyde de
carbone. La réaction dite de cyclométallation est une variante de l’addition
oxydante intramoléculaire. Elle se produit avec le ligand P ( C 6 H 5 ) 3 .
L L Le cycle phényle occupe un volume important dans l’espace. La
Cl Cl CH3 rotation de ce radical autour de la liaison P  C peut amener à proxi-
mité immédiate du métal le groupe CH placé en ortho par rapport au
Ir COCH3 Ir carbone lié au phosphore, d’où l’addition oxydante ; la liaison
Cl Cl C  H se rompt pour donner naissance à une liaison métal  C et à
CO une liaison métal  H :
L L
H
avec L = P(C6H5)3 ou tout autre ligand équivalent (C6H5)3P Cl
I III
Avec un autre métal, des ligands différents et des complexes à 5 Ir Cl{ P(C6H5)3 }3 Ir
et 6 voisins peu stables, il pourrait y avoir coexistence de ces deux
molécules par l’intermédiaire d’un équilibre, ce qui suggère une (C6H5)3P
nouvelle fois une application en catalyse.
(C6H5)2P
■ Le second cas concerne les composés renfermant un métal riche
en électrons et une structure suffisamment ouverte pour qu’une De nombreux exemples de cette réaction d’orthométallation ont
addition puisse se faire, c’est-à-dire pour que le nombre de voisins été décrits, surtout avec le palladium.

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Br
Br
Ni Ni Ni
P*R1R2R3
Br

Figure 6 – Formation par addition oxydante du di-µ-bromobis Br


(pinénylnickel) Ni
P*R1R2R3

5. Élimination réductrice R1 = CH3 R2 = C6H5 R3 = C(CH3)3

Figure 7 – Une phosphine asymétrique conduit


Lorsque la réaction se produit en sens inverse, elle est dite élimina- aux diastéréoisomères
tion réductrice. Par exemple, dans la catalyse de Wilkinson, c’est la
dernière étape du processus qui, à partir du ligand éthyle, génère la
molécule d’alcane :
Ni(cod)2 + 3 CH2 CH CH CH2 2 cod +
[ Rh III ClH ( CH 2 CH 2 R ) { P ( C 6 H 5 ) 3 } ] →
3 Ni(CH2 CH CH CH2CH2 CH CH CH2CH2 CH CH CH2)
18 électrons
avec cod = cyclooctadiène
[ ( Rh ) I Cl { P ( C 6 H 5 ) 3 } ] + CH 3 CH 2 R
3
Ni
16 électrons

Le rhodium a repris un environnement à 16 électrons et retrouvé le


degré d’oxydation I. a

6. Exemples d’application
à la synthèse
b
Peut-on imaginer une application à la synthèse avec cette
réaction ? Figure 8 – Le nickel(0) de [Ni(cod)2] devient par addition oxydante
■ Considérons la réaction du bromure de pinényle sur le du nickel(II) dans [Ni(C12H18)], puis redevient Ni(0) après élimination
bis(cyclooctadiène)nickel qui est certes un composé à 18 électrons, réductrice du cyclododécatriène, qui fixe à nouveau trois molécules
mais un composé dont le ligand cyclooctadiène peut facilement se de butadiène, etc.
dégager. Son départ donne une molécule à 14 électrons à l’évidence
fort réactive. L’addition oxydante en effet se produit et le résultat est
un composé dimère dans lequel le groupe pinényle se fixe comme atome de nickel(II). Un simple chauffage en présence d’un excès de
un groupe allyle, par trois électrons (figure 6). butadiène donne une réaction d’élimination réductrice par ferme-
La figure 6 représente un des énantiomères si l’on part du bro- ture du cycle et production de cyclododécatétraène. Cette réaction
mure de pinényle racémique. Le nickel est environné de ainsi détaillée est une magnifique illustration de la formation de ce
16 électrons, l’un de ces cas très particuliers signalés plus haut. macrocycle catalysée par le nickel (figure 8 b).
L’action d’une phosphine conduira à un complexe mononucléaire
par substitution. Si cette phosphine est asymétrique, par exemple
P ( CH 3 ) ( C 6 H 5 ) [ C ( CH 3 ) 3 ] , on obtiendra deux diastéréoisomères
(figure 7). 7. Activation
Une simple séparation par cristallisation donne un produit à 99,6 %
de pureté optique. La répétition de la réaction fournit un produit pur à
de la liaison C  H
100 %.
■ Sans vouloir traiter tous les cas d’addition oxydante, on ne peut L’activation de la liaison C  H est un redoutable problème pour
pas ne pas évoquer la création d’une liaison C  C de cette manière. le chimiste organicien qui est amené à utiliser des voies détournées
Une molécule de [Ni(cod)2] (avec cod = cyclooctadiène) réagit sur parfois longues et compliquées pour la réaliser.
3 molécules de butadiène. Le produit formé qui a été isolé est repré- L’addition oxydante de la molécule H2 et les électronégativités voi-
senté sur la figure 8 a. sines de C et de H suggèrent la possibilité d’une addition oxydante
Il résulte de la réunion en ligne de 3 molécules de butadiène avec de la liaison C  H . Les exemples sont peu nombreux. Il faut com-
deux groupes allyle, un à chaque extrémité, qui se lient au nickel mencer par trouver une molécule pouvant présenter une situation
ainsi que la liaison π situé en milieu de chaîne. C’est donc bien une de déficit électronique qui la rend très instable et donc très oxy-
addition oxydante qui fournit un environnement à 18 électrons à un dable.

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hν C(CH3)4
+ H2
Ir Ir Ir

H P(CH3)3 (CH3)3CCH2 P(CH3)3


H P(CH3)3 H Figure 9 – Exemple d’activation
de la liaison C  H

expulsé au terme d’une élimination réductrice. Il en résulte un envi-


ronnement à 16 électrons très réactif qui attaque le néopentane
CH 3  C ( CH 3 ) 2  CH 3 en donnant une addition oxydante. D’une
hν CH4 part H se lie en tant que ligand H− hydrure, d’autre part le radical
+ CO  CH 2  C ( CH 3 ) se lie en donnant une liaison Ir  C (figure 9).
Ir Ir Ir 3

■ Une réaction similaire encore plus intéressante est observée avec


CO CO CO H
CO CH3 le méthane mis en présence de [ Ir ( C 5 H 5 ) 2 ( CO ) 2 ] sous irradiation et
sous une pression de 10 bar. La lumière chasse une molécule de CO,
formant un composé à 16 électrons qui, de la même façon, active la
Figure 10 – Activation de la liaison C  H de la molécule de méthane
liaison C  H par addition oxydante (figure 10).

■ La molécule [ IrH 2 { P ( CH 3 ) 3 } { C 5 ( CH 3 ) 5 } ] offre ce type de réac- Ces deux réactions illustrent remarquablement les ouvertures
tion. Sous l’action de la lumière ultraviolette, le dihydrogène est qu’offrent la chimie organométallique en synthèse.

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