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Addition oxydante
par Yves JEANNIN
Professeur émérite à l’université Pierre-et-Marie-Curie
Correspondant de l’Académie des sciences
Ingénieur de l’École nationale supérieure de chimie de Paris
ien que la règle des 18 électrons soit une règle de base en chimie organo-
B métallique, des exceptions existent. Notamment, on rencontre quelques
composés dans lesquels le métal est environné de manière stable par
16 électrons. Dès lors, une addition assurant le passage à 18 électrons s’avère
possible. Elle s’accompagne en général d’une oxydation d’où le nom de réaction
d’addition oxydante.
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1. Environnement Cette réaction est en fait équilibrée. Il est donc possible de modi-
fier la constante d’équilibre en jouant sur la richesse en électrons de
à 16 électrons l’alcène, par exemple en passant de l’éthylène au dicyanoéthylène,
puis au tétracyanoéthylène :
CH 2
CH 2 K
À la lumière des travaux de Delépine sur la chimie de l’iridium, le
composé suivant de l’iridium(I) peut être préparé par oxydoréduc- NCCH
CHCN K’ = 1 500 × K
tion, le réducteur étant l’éthanol et l’oxydant l’iridium(III) :
( NC ) 2 C
C ( CN ) 2 K" = 140 000 × K
(C6H5)3P CO
Le plus riche en électrons est le plus donneur, celui qui favorise le
Ir Cl3 + P(C6H5)3 + C2H5OH Ir
plus la stabilité du système, donc le déplacement de la réaction vers
la droite.
Cl P(C6H5)3
Une telle réaction d’addition peut, bien entendu, se faire avec
L’oxyde de carbone vient de l’éthanol utilisé comme solvant. Ce d’autres donneurs de doublets comme SO2 par exemple :
complexe est plan carré. Il correspond à un atome d’iridium entouré P(C6H5)3
de 16 électrons. Un comptage radicalaire qui ne tient pas compte
CO O
des états d’oxydation donne en effet :
IrCl(CO){P(C6H5)3}2 + SO2 Ir S
iridium : 9 électrons chlore : 1 électron
Cl O
phosphine : 2 × 2 électrons oxyde de carbone : 2 électrons
Les deux atomes de phosphore sont trans, l’atome de chlore et P(C6H5)3
l’atome de carbone de CO sont trans ; pourquoi ? Simplement parce
que l’oxyde de carbone est le plus fort accepteur π et parce que le
chlore est donneur π par l’intermédiaire d’une de ses orbitales p non
liantes. La disposition trans implique que la même orbitale t2g se
recouvre avec l’orbitale antiliante de l’oxyde de carbone et avec 2. Caractéristiques
l’orbitale p du chlore ; il en résulte une circulation de densité électro-
nique depuis le chlore vers l’oxyde de carbone (figure 1).
de l’addition oxydante
Ce composé n’est pas le seul à possèder 16 électrons. De la même
façon : Les réactions d’addition précédentes ne modifient pas le degré
d’oxydation du métal. Il y a simplement eu don d’un doublet, même
RhCl3 + P(C6H5)3 + C2H5OH si un don en retour s’est exercé pour stabiliser l’ensemble.
Une autre façon d’apporter des électrons est d’oxyder. Si le
(C6H5)3P P(C6H5)3 chlore, élément très oxydant, est utilisé, il est possible de restaurer
le degré d’oxydation III de l’iridium tout en fixant deux atomes de
Rh chlore et un environnement octaédrique est observé dans lequel les
trois atomes de chlore adoptent une symétrie méridienne.
Cl P(C6H5)3
Cl
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Pt
groupe alkyle lié au métal et le passage d’un environnement à
18 électrons à un environnement à 16 électrons. I P(C6H5)3
[ RhCl ( H ) 2 { P ( C 6 H 5 ) 3 } ] + RCH
CH 2 →
3
[ RhCl ( H ) 2 { P ( C 6 H 5 ) 3 } ( CH 2
CHR ) ] + P ( C 6 H 5 ) 3
2
P(C6H5)3
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L Fe Fe Fe
Cl
CO CO CO CO CO CO
Ir Cl L2 + CH3COCl Ir COCH3 CO H
Cl 18 électrons 16 électrons 18 électrons
L
Figure 5 – Exemple d’addition intramoléculaire
avec L = P(C6H5)3 ou tout autre ligand équivalent
Figure 4 – Composé à 16 électrons donnant un composé puisse s’accroître. Dire qu’un métal est riche en électrons et admet-
à 14 électrons qui subit alors la réaction oxydante tre qu’il peut donner un doublet revient à lui reconnaître un carac-
tère basique. Un bon accepteur est le carbocation qui se lie au métal
en recevant le doublet, ce qui provoque en même temps l’oxydation
du métal :
Après fixation des deux ligands H et SiCl3 , le fer est passé au
degré d’oxydation II et il est environné octaédriquement. On peut +
encore citer l’exemple du tétrafluoroéthylène qui réagit sur le fer
carbonyle ou sur le cobalt carbonyle par addition oxydante. Dans le
cas du fer, deux molécules d’alcène se couplent pour ensuite + CH3 I I–
« oxyder » Fe(CO)4 : Co Co
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Br
Br
Ni Ni Ni
P*R1R2R3
Br
6. Exemples d’application
à la synthèse
b
Peut-on imaginer une application à la synthèse avec cette
réaction ? Figure 8 – Le nickel(0) de [Ni(cod)2] devient par addition oxydante
■ Considérons la réaction du bromure de pinényle sur le du nickel(II) dans [Ni(C12H18)], puis redevient Ni(0) après élimination
bis(cyclooctadiène)nickel qui est certes un composé à 18 électrons, réductrice du cyclododécatriène, qui fixe à nouveau trois molécules
mais un composé dont le ligand cyclooctadiène peut facilement se de butadiène, etc.
dégager. Son départ donne une molécule à 14 électrons à l’évidence
fort réactive. L’addition oxydante en effet se produit et le résultat est
un composé dimère dans lequel le groupe pinényle se fixe comme atome de nickel(II). Un simple chauffage en présence d’un excès de
un groupe allyle, par trois électrons (figure 6). butadiène donne une réaction d’élimination réductrice par ferme-
La figure 6 représente un des énantiomères si l’on part du bro- ture du cycle et production de cyclododécatétraène. Cette réaction
mure de pinényle racémique. Le nickel est environné de ainsi détaillée est une magnifique illustration de la formation de ce
16 électrons, l’un de ces cas très particuliers signalés plus haut. macrocycle catalysée par le nickel (figure 8 b).
L’action d’une phosphine conduira à un complexe mononucléaire
par substitution. Si cette phosphine est asymétrique, par exemple
P ( CH 3 ) ( C 6 H 5 ) [ C ( CH 3 ) 3 ] , on obtiendra deux diastéréoisomères
(figure 7). 7. Activation
Une simple séparation par cristallisation donne un produit à 99,6 %
de pureté optique. La répétition de la réaction fournit un produit pur à
de la liaison C H
100 %.
■ Sans vouloir traiter tous les cas d’addition oxydante, on ne peut L’activation de la liaison C H est un redoutable problème pour
pas ne pas évoquer la création d’une liaison C C de cette manière. le chimiste organicien qui est amené à utiliser des voies détournées
Une molécule de [Ni(cod)2] (avec cod = cyclooctadiène) réagit sur parfois longues et compliquées pour la réaliser.
3 molécules de butadiène. Le produit formé qui a été isolé est repré- L’addition oxydante de la molécule H2 et les électronégativités voi-
senté sur la figure 8 a. sines de C et de H suggèrent la possibilité d’une addition oxydante
Il résulte de la réunion en ligne de 3 molécules de butadiène avec de la liaison C H . Les exemples sont peu nombreux. Il faut com-
deux groupes allyle, un à chaque extrémité, qui se lient au nickel mencer par trouver une molécule pouvant présenter une situation
ainsi que la liaison π situé en milieu de chaîne. C’est donc bien une de déficit électronique qui la rend très instable et donc très oxy-
addition oxydante qui fournit un environnement à 18 électrons à un dable.
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hν C(CH3)4
+ H2
Ir Ir Ir
■ La molécule [ IrH 2 { P ( CH 3 ) 3 } { C 5 ( CH 3 ) 5 } ] offre ce type de réac- Ces deux réactions illustrent remarquablement les ouvertures
tion. Sous l’action de la lumière ultraviolette, le dihydrogène est qu’offrent la chimie organométallique en synthèse.
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