Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
3.1. Généralités
Rappelons quand dans les alcènes (C=C), les carbones adoptent une géométrie
trigonale plan, ce qui correspond à une hybridation sp2. Dans le cas particulier des allènes
(C=C=C), le carbone central présente une géométrie linéaire, ce qui correspond à une
hybridation sp, comme dans les alcynes. Il est important de noté qu’une liaison double est en
fait constituée d’une liaison σ (identique à celles rencontrées dans les alcanes) et d’une
liaison π ; et qu’une liaison triple est constitué d’une liaison σ et de deux liaisons π. La
distinction entre ces deux types de liaison est importante, puisque :
- Une liaison π, contrairement à une liaison σ ne permet pas de rotation autour de la
liaison.
- Une liaison π est formée d’électrons qui sont beaucoup plus facilement accessibles
que les électrons d’une liaison σ.
- Une liaison π est moins forte qu’une liaison σ.
Ces deux derniers points ont pour conséquence logique, le fait qu’une liaison π est
beaucoup plus réactionnelle qu’une liaison σ. Le premier point, quant à lui, explique que l’on
distingue les isomères E et Z dans le cas des alcènes.
Noms et structures
La formule générale pour un alcène monocyclique non substitué contenant une seule
liaison double est CnH2n-2. Son nom doit indiquer à la fois le nombre de carbones, le fait que
la structure est cyclique et la présence d’une liaison double. En absence de substituant, s’il
n’y a qu’une double liaison, aucune numérotation n’est nécessaire.
cyclohexène cyclobutène
Lorsqu’il y a plus d’une liaison double dans le cycle, des numéros de position sont
nécessaires pour distinguer entre les différents isomères possibles, par exemple le
cyclohexa-1,3-diène et le cyclohexa-1,4-diène. Les deux seules exceptions sont le
cyclobutadiène et le cyclopentadiène, puisque les deux doubles liaisons ne peuvent qu’être
adjacentes l’une de l’autre dans des cycles à 4 et 5 pièces.
cyclohexa-1,3-diène cyclohexa-1,4-diène
cyclobutadiène cyclopentadiène
Lorsque l’on nomme un cycloalcène substitué, la position de la double liaison est
prioritaire sur la position des substituants. Une double liaison occupe donc d’office la position
1, sont ensuite numérotés les éventuelles autres doubles liaisons, puis finalement les
substituants, en s’arrangeant pour que les numéros de position soient aussi petits que
possible.
Cl Cl
3,5-dichlorocyclohexène 5-ethylcyclohexa-1,3-diène
Conformation de cycle
La présence d’une double liaison dans un hydrocarbone cyclique signifie que deux
des atomes de carbones sont dans un environnement planaire. Cela rend les cycloalcènes
moins flexibles que leurs équivalents cycloalcanes. Les figures, ci-dessous illustrent bien la
partie linéaire imposée par la double liaison C=C. La partie du cycle qui possède des atomes
de carbone tétraédriques est décalée, pour éviter que les hydrogènes de carbones adjacents
soient en position éclipsée. Lorsque deux ou plusieurs doubles liaisons sont présentes, la
flexibilité du cycle est encore réduite. La figure ci-dessous, toujours, montre la structure du
cyclopentadiène. Le cycle à cinq pièces y est plan, à cause de la présence de quatre
carbones de géométrie trigonale plan.
En général :
• La conformation du cycle est nécessairement plane à chaque fonction alcène ;
• Des rotations partielles autour des liaisons simples C-C peuvent avoir lieu dans le
cycle (comme pour les cycloalcanes).
Réactions d’élimination
En laboratoire, la synthèse des alcènes met habituellement à profit des réactions
d’élimination. Nous reviendrons sur les détails de ces réactions dans le chapitre consacré
aux halogénoalcanes, mais pour le moment, nous allons simplement illustrer leur application
dans la synthèse des alcènes. L’élimination d’HX (X = Cl ou Br) à partir d’un halogénoalcane
ou d’H2O à partir d’un alcool conduit à un alcène. L’élimination de HX est habituellement
catalysée en milieu basique, alors que l’élimination d’H2O est catalysée par un acide fort. Le
rôle de la base dans la première réaction est d’éliminer un proton C-H, mais nous y
reviendrons ultérieurement.
H2SO4 conc.
+ H2O
OH 450K
OH
H2SO4 conc.
+
majoritaire minoritaire
Cyclisation de Diels-Alder
Des cyclohexènes peuvent, par exemple, être synthétisés par cycloadditions [4+2],
lesquelles sont appelées « réactions de Diels-Alder ». La notation [4+2] provient du fait que
la réaction a lieu entre une espèce qui possède 4 électrons π (diène) et une espèce à 2
électrons π (diènophile). Cette réaction est amorcée thermiquement et inclut trois
mouvements simultanés (on parle de réaction « concertée ») de deux électrons suivant le
schéma représenté ci-dessous :
X X
Pour que cette réaction ait lieu facilement, il faut que le diénophile soit pauvre en
électrons, c'est-à-dire qu’il porte un substituant électro-attracteur. Par exemple, X pourrait
être Cl, CN, CH2Cl, CH2OH, CHO, CO2H ou CO2R. Si on se base sur la figure ci-dessus,
pour qu’une cycloaddition [4+2] puisse avoir lieu, il faut également que le diène puisse subir
une rotation autour de la liaison C-C de façon à adopter la conformation correcte pour
permettre la fermeture du cycle.
changement de conformation
OEt
OEt
O OEt O
La réaction des Diels-Alder est utilisée en industrie pour la fabrication d’une famille
d’insecticides extrêmement efficaces dont l’aldrine et son dérivé époxy, la dieldrine. Ils ont
été largement utilisés à partir des années 50s pour contrôler les termites. Revers de la
médaille, ces insecticides ne se dégradent pas dans l’environnement, ce qui constitue le
facteur majeur de leur retrait de la commercialisation dans les années 80s.
X
+ X Y
Y
Les réactions d’addition peuvent être de nature radicalaire ou électrophile et peuvent
être résumées comme suit : Les réactions d’addition typique des alcènes sont :
• L’addition électrophile
• L’addition radicalaire
• La polymérisation
Hydrogénation
L’hydrogénation d’un alcène comprend l’addition d’H2 et convertit un hydrocarbone
insaturé en un hydrocarbone saturé (en supposant que toutes les liaisons doubles
réagissent). Cette réaction nécessite un catalyseur, souvent une surface métallique de Ni,
Pd ou Pt.
H2, [Pd]
H2, [Pd]
Cl
+ Cl2
Cl
Br
+ Br2 Br
Les réactions avec F2 sont extrêmement violentes, alors que celles avec I2 sont
extrêmement lentes quand elles n’échouent pas, toutes deux. La chloration et la bromation
peuvent être réalisée à 298 K ou moins, sans besoin d’irradiation. Cela laisse supposer que
l’addition ne fait pas intervenir de radicaux. Toutefois, si une source de radicaux est
disponible, l’addition a toujours lieu, mais elle peut être complexifiée par la présence de
réactions de substitution radicalaires compétitives.
La décoloration d’une solution aqueuse de Br2 (eau de brome) est communément
utilisée comme test qualitatif de la présence de doubles liaisons C=C. Des mélanges de
produits sont obtenus, comme nous le verrons pour lors de la discussion des réactions des
alcènes avec Br2 et H2O ultérieurement.
Cl
Cl
+ HCl +
majoritaire
Cette sélectivité que nous venons d’observer peut être expliquée si nous regardons le
mécanisme d’addition électrophile plus en détail.
H H H
+
C :Br-
H H Br
carbocation secondaire
Nous avons vu dans la section 2.6 que les radicaux tertiaires étaient plus stables que
les radicaux secondaires, eux-mêmes plus stables que les radicaux primaires, eux-mêmes
finalement plus stables que les radicaux méthyliques. Il en va de même pour les
carbocations, ce qui peut se résumé de la façon suivante :
R3C+ > R2HC+ > RH2C+ > H3C+
Dans les deux étapes en compétition de la réaction illustrée plus haut, la formation du
carbocation secondaire est favorisée sur celle du carbocation primaire. L’étape suivante de
la réaction est l’attaque nucléophile du carbocation intermédiaire par l’ion bromure pour
donner le 1-bromopropane et le 2-bromopropane.
+ Br
C :Br-
Br
+
C :Br-
Addition de X2 (X = Cl ou Br)
A la fois Cl2 et Br2 sont non polaires, mais l’approche du nuage d’électron de la liaison
p d’une C=C est capable d’induire l’apparition d’un dipôle.
Lors de l’étape cinétiquement déterminante de la chloration d’un alcène, les électrons
π de la liaison C=C attaquent un des chlores de Cl2. Cela provoque la formation d’une liaison
C-Cl et la rupture hétérolytique de la liaison Cl-Cl. Cette étape génère du Cl- qui est capable
d’agir comme nucléophile et d’attaquer le carbocation en une étape rapide.
Cl Cl
Cl H H
+
C + Cl
H H
Lorsque l’halogène est Br2, il existe des preuves expérimentales que l’intermédiaire
est un ion bromonium. Le mécanisme, en deux étapes, de la réaction entre Br2 et C2H4 est
représenté ci-dessous.
:Br Br
+
Br
+ Br
ion bromonium
+
Br Br
:Br-
Br
+ :OH2 H +
H O H OH
+
C
Une stratégie alternative et efficace pour ajouter de l’eau à un alcène est d’utiliser un
acétate de mercure(II), Hg(O2CMe)2. La réaction d’un alcène avec Hg(O2CMe)2 donne un
complexe organométallique qui réagit avec H2O pour donner un composé organomercurique.
Après traitement avec du borohydrure de sodium, cela produit l’alcool désiré. Dans la
réaction suivante, le produit contient un substituant OH attaché à un atome de carbone
secondaire plutôt qu’un primaire.
OH OH
Hg(O2CMe)2, H2O NaBH4
HgO2CMe
Le mercure(II) agit comme un électrophile et est attaqué par la double liaison C=C
riche en électrons. Un intermédiaire cyclique est alors formé, comme l’illustre la première
étape de l’équation ci-dessous. L’H2O nucléophile attaque alors le carbone le plus substitué
de l’intermédiaire, ce qui provoque l’ouverture du cycle. La charge positive réside alors sur
l’atome d’oxygène et un proton est éliminé pour donner le groupement OH.
O
O Hg O
O H2O:
O
+
Hg O
H +
OH O H
HgO2CMe HgO2CMe
OH
Br2, H2O
Br
Cl
+
C
+ Cl
Cl Cl
+
C Cl + Cl
Si de l’eau est présente, elle entre en compétition avec Cl- durant la seconde étape
de la réaction. L’attaque nucléophile par Cl- sur l’un des deux carbocations de l’équation ci-
dessus conduit à la formation de 1,2-dichloropropane. L’attaque nucléophile par H2O mène
au 1-chloropropan-2-ol comme produit majeur et au 2-chloropropan-1-ol comme produit
mineur. Le mécanisme pour le chemin le plus favorable est illustré ci-dessous.
:OH2
H +
O H OH
+
C Cl Cl Cl
O HO OH
O
Os
O O
La conversion d’un alcène non terminal en diol peut également être réalisée en
utilisant du KMnO4 en milieu alcalin, à froid. Il est proposé que l’ion tétraédrique [MnO4]-
O
Une application importante de cette réaction ne consiste pas en l’isolation des
ozonides, mais en leurs produits d’hydrolyse. L’hydrolyse réductrice mène à des aldéhydes
ou des cétones en fonction de la présence de substituants dans l’alcène original. Les
réactions ci-dessous en sont deux exemples. Le diméthylsulfure (Me2S) et la thiourée
(CS(NH2)2) agissent comme des agents réducteurs. Bien que le diméthylesulfure soit
efficace dans ce rôle, il présente le désavantage d’avoir une odeur désagréable.
O O Me2S ou thiourée O O
H
+ H H
O
O
O Me2S ou thiourée O O
O +
H
R R H
H H allyliques
Après l’amorçage, la réaction radicalaire du propène avec Br2 continue avec les
étapes de propagation représentées ci-dessous. Un H allylique est arraché plutôt qu’un H
vinylique.
+ Br HBr + .C
Br
.C + Br2 Br +
Le radical formé dans la première étape ci-dessus est un radical allyle et il est plus
stable que tous les radicaux alkyles dont nous avons discuté à la section 2.6. L’ordre de
stabilité des radicaux est donc :
.C C
En général, plus il est possible de tracer des structures de résonance, plus l’espèce
est stable.
La substitution radicalaire dans les autres alcènes suit le même principe que ce qui
est décrit ci-dessus avec l’arrachement préférentiel d’un atome d’hydrogène allylique. Par
exemple, dans la réaction ci-dessous, la substitution s’effectue spécifiquement sur le site
adjacent à la liaison C=C.
+ Br2 HBr +
Br
Bien que cet arrachement d’hydrogène soit spécifique, l’utilisation de Br2 en tant
qu’agent de bromation mène à un problème : l’addition radicalaire compétitive sur la liaison
C=C. Habituellement, le Br2 est remplacé par un agent de bromation tel que le N-
bromosuccinimide (NBS) en solution dans le CCl4.
O N O
Br
L’amorçage de la réaction requiert l’utilisation d’un radical amorceur tel qu’un
peroxyde organique, souvent avec R = C6H5C(O).
R O
O O
O O
R O
R
O
O 2 RO.
R
RO. H Br ROH + Br
Le radical Br• s’additionne alors à la double liaison C=C et deux chemins sont
possibles, comme l’illustre les équations ci-dessous. Le radical le plus stable est le plus
substitué (en encadré). Notons que la réaction de Br• avec l’alcène n’arrache pas un
hydrogène vinylique, mais que l’arrachement compétitif d’un proton allylique peut avoir lieu
(comme nous l’avons vu précédemment). La collision entre le radical alkyle et HBr conduit à
la formation d’un produit bromé. L’étape de terminaison dans la chaîne radicalaire inclut des
réactions entre deux radicaux.
Br
Br
C
Ou
Br
C Br
H Br
C Br Br + Br
Ce qu’il est important de noter, c’est que dans cette étape finale, l’addition radicalaire
d’HBr à un alcène asymétrique mène à un produit dans lequel l’atome de brome est attaché
à l’atome de carbone qui est le moins substitué. C’est le contraire de ce qui se passe avec
l’addition électrophile d’HBr qui conduit à la formation d’un produit dans lequel l’atome de
brome est fixé sur l’atome de carbone qui présente le plus grand nombre de substituants.
Dans les deux cas, la sélectivité du produit est contrôlée par la stabilité de l’intermédiaire et
les différences peuvent être résumées comme suit :
addition électrophile
de HBr dans des conditions
polaires +
Br
C
C Br Br
Plus la chaîne est longue, plus d’isomères différents peuvent être formés par
migration de la double liaison C=C. En pratique, des mélanges d’isomères sont
habituellement obtenus avec prédominance de l’isomère thermodynamiquement favorisé.
H H
+
C
H H
C
H H H
Le carbanion formé dans l’étape ci-dessus est stabilisé par résonance des structures
contributives (mésomères) illustrées ci-dessous. Cela permet à la liaison π de se délocaliser
sur les trois atomes de carbone. La structure de droite, ci-dessous, représente l’hybride de
résonance de l’anion allylique (représentation alternative à la paire de résonance).
C C -
Le carbanion peut être protoné à deux endroits différents et le produit favorisé est
l’alcène avec le plus grand nombre de substituants attachés à la double liaison C=C. Le
résultat net de l’étape de déprotonation et de reprotonation est la migration de la double
liaison C=C le long de la chaîne carbonée. La source de proton, dans les équations, ci-
dessous, est la base protonée BH ; le catalyseur B- est donc régénéré à la dernière étape du
processus d’isomérisation.
C H B
H B
H
B + 3 B
H H
H
B + H
B
H
H H
Les réactions d’hydroboration peuvent dès lors être utilisées pour former des
composés organoborés du type général RBH2 et R2BH (R = alkyl) et leur réaction avec
d’autres alcènes peut conduire à des organoboranes avec différents substituants alkyles.
H
+
C B BH2
H
H
L’importance des organoboranes réside dans leurs applications en synthèse. Par
exemple, leur traitement avec H2O2 oxyde un organoborane en alcool.
OH OH
B + 3 H2O2 3 + B
HO OH
Combustion
Comme les alcanes et les alcènes, les alcynes brûlent en présence d’O2 pour donner
du CO2 et de l’H2O.
2 H-C≡C-H + 5 O2 Æ 4 CO2 + 2 H2O
Hydrogénation
L’addition de H2 pour donner des alcènes se réalise facilement en présence d’un
catalyseur métallique tel que Ni, Pd ou Pt. L’activation de H2 se déroule de la même façon
que dans la section 3.4. Contrairement à l’addition de H2 à un alcène où un seul produit est
possible, son addition à un alcyne interne peut donner des isomères E ou Z. Un problème
supplémentaire vient de la possibilité de la poursuite de la réduction jusqu’à l’alcane.
H2 et catalyseur
+
La sélectivité peut être atteinte par un contrôle minutieux des conditions de réaction.
La réaction de H2 avec un alcyne en présence de Pd/BaSO4 produit des isomères Z. Si la
réduction est menée en utilisant du sodium dans du NH3 liquide comme agent de réduction,
les produits sont des isomères E (notons que cette technique ne peut être utilisée sur des
alcynes terminaux pour des raisons que nous verrons ultérieurement). Un moyen sélectif
pour produire des alcènes (plutôt que des alcanes) est d’utiliser le catalyseur de Lindlar. Il
consiste en du palladium métallique supporté sur une surface de CaCO3/PbO qui est traitée
avec Pb(O2CMe)2. De plus, le catalyseur de Lindlar est sélectif pour la production d’alcènes
Z, c'est-à-dire que l’hydrogène subit une addition syn sur la liaison C≡C.
Br2
Br
Br2 Br Br Br
Br Br
Isomère E
favorisé
La réaction d’HX avec un alcyne donne un halogénure vinylique puis un dihalogénure
géminal, ce qui signifie que les deux atomes d’halogène sont attachés sur le même atome
de carbone. Le mécanisme d’addition est donné dans le schéma ci-dessous qui consiste en
la réaction entre le propyne et HCl. Seul le carbocation le plus favorisé est montré pour
chaque addition et cette préférence explique pourquoi le dihalogénure géminal est le produit
prédominant.
H Cl
+
C + Cl
+
C :Cl-
Cl
H Cl +
C + Cl
Cl Cl
Cl
+
C :Cl-
Cl Cl
+
C + Br
H Br H
:Br-
Br
+
C
H H
HO R O R H
Tautomère Tautomère
énol céto-
Considérons à présent la réaction entre un alcyne et Hg(O2CMe)2 suivie par le
traitement avec H2O. La première étape est l’attaque nucléophile par la liaison riche en
électrons C≡C sur le centre Hg(II) pour former un cycle insaturé C2Hg. L’attaque nucléophile
par H2O est suivie par la perte d’un proton, ce qui est illustré dans le schéma ci-dessous et
qui peut être comparé au schéma donné dans la section 3.6.
O
O Hg O
O H2O: O
O H + H
+ O
Hg
HgO2CMe
OH
HgO2CMe
Le produit est un énol et est instable, comme nous l’avons plus haut. Il subit donc une
tautomérie. La liaison C-Hg dans le produit organomercurique est convertie en liaison C-H
par traitement avec de l’acide. Ces deux étapes de la réaction sont illustrées ci-dessous.
H
O H+ O
HgO2CMe HgO2CMe
+ H OH
O + O
H
HgO2CMe HgO2CMe
O
KMnO4, H2O, H+
O
Les produits d’oxydation des alcynes internes et terminaux par l’ozone sont
analogues à ceux provenant de l’oxydation par [MnO4]-. Comme avec l’oxydation des
alcènes par l’ozone, un agent réducteur est nécessaire pour la seconde étape de la réaction.
Les réducteurs adaptés à la formation d’α-diones comprennent le tétracyanoéthène (TCNE)
comme illustré dans la réaction ci-dessous.
La tendance des valeurs d’électronégativité signifie que la liaison C-H d’un alcyne est
plus polaire que dans un alcène, qui est elle-même plus polaire que dans un alcane. Ces
valeurs permettent également de prédire que l’ion [RC≡C]- devrait être plus stable que
[R2C=CR]- lui-même plus stable que l’ion [R3C]-. C’est effectivement le cas et des valeurs
approximatives de pKa sont listées dans la table ci-dessus. La diminution du pKa (et donc la
croissance correspondante du Ka) montre que l’alcyne terminal est le plus acide de la liste.
Notons que seuls les alcynes terminaux sont acides, puisque les alcynes internes ne
possèdent pas de liaison C-H. Dans la section 3.9, nous avons établi qu’un hydrogène
allylique était relativement acide ; cette acidité particulière résulte de la stabilisation du
carbanion allylique par résonance.
Bien que les réactions décrites ci-dessous mettent en évidence le caractère acide
des alcynes terminaux, il faut toutefois garder en tête qu’il s’agit d’acides extrêmement
faibles ; l’acéthylène est de loin un acide plus faible que H2O. Puisque l’acéthylène est un
acide faible, l’ion [RC≡C]- doit être une base forte.
Les alcynes terminaux réagissent avec l’amidure de potassium ou le sodium
métallique pour donner des sels métalliques alcalins d’acétylures.
+
H + KNH2 C K + NH3
+
H + Na C Na + 1/2 H2
La réaction peut avoir lieu également avec des ions Ag+ et des sels de Cu(I) peuvent
être formés par des réactions similaires.
H + Ag(NH3)2+ C Ag
+
+ NH3 + NH4+
Une utilisation importante des acétylures est la préparation d’alcynes avec une plus
longue chaîne carbonée. La force motrice de la réaction est l’élimination d’un halogénure
d’alcalin. En effet, une quantité significative d’énergie est libéré lorsqu’un sel ionique tel que
NaCl est formé (énergie de réseau cristallin).
+ Cl
C Na
Cette stratégie peut être utilisée pour augmenter la longueur d’une chaîne carbonée,
et la fonction alcyne peut réagir à son tour, en étant, par exemple, réduite, comme dans le
schéma ci-dessous.
KNH2 Br
C
H2, Lindlar
Ce dernier schéma est un des premiers exemples que nous montrions, dans lequel
une suite de réactions se succède pour fournir un schéma de synthèse multi-étapes. Nous
en verrons beaucoup d’autres dans les chapitres à venir, mais également dans les exercices
à la fin de ce chapitre.
Cu++ dans py
2 H
3 Cu++ dans py
Les alcynes terminaux peuvent également être couplés à des halogénures d’aryles
en utilisant la méthode de couplage de Sonogashira. Les conditions en sont une catalyse au
palladium, la présence de CuI et de triéthylamine. Le catalyseur au palladium est
habituellement [PdCl2(PPh3)2] (Ph = phényl).
Pd(0), CuI
Et3N
I + H R R
- HI
Cl
Si
BuLi
R H R Li R Si
Une fois que les réactions désirées ont été menées sur le groupement R du produit
du schéma ci-dessus, le composé peut être déprotégé en utilisant une base. Si nous
supposons que R est transformé en un nouveau substituant R’, alors l’équation ci-dessous
représente l’étape de déprotection.
H H
Plus tard, dans les notes, nous décrirons d’autres exemples de protection de
groupements vulnérables dans les synthèses multi-étapes.
4.1. Objectifs
Dans les chapitres 2 et 3, nous avons discuté des hydrocarbones saturés et insaturés
contenant des liaisons C-C (simples, doubles et triples) et des liaisons C-H. La plupart de
nos discussions étaient basées sur la chimie de molécules contenant des liaisons non
polaires. Dans les prochains chapitres, notre attention va se porter sur des molécules
organiques polaires. L’objectif de ce chapitre 4 est donc de rappeler au lecteur des notions
telles que l’électronégativité, la polarité des liaisons et les moments dipolaires, mais
également d’introduire de nouveaux concepts d’effets inductifs et de champ.
S : 2,6 Cl : 3,2
Br : 3,0
I : 2,7
est polaire dans le sens Cδ+-Fδ-. Les moments de liaison se renforcent l’un l’autre et le
moment dipolaire moléculaire résultant est montré en rouge dans la structure ci-dessous.
Considérons maintenant CCl3F. La molécule est polaire, mais présente un moment
dipolaire plus petit que celui de CH3F. Chaque liaison C-Cl est polaire dans le sens Cδ+-Clδ-
et la résultante de ces trois moments dipolaires de liaison s’oppose au moment de la liaison
C-F. Ceci explique l’amplitude et la direction du moment dipolaire moléculaire de CCl3F
illustré dans la figure ci-dessous.
F F
H H Cl Cl
H Cl
µ = 1,86 D µ = 0,46 D
Les effets de la géométrie moléculaire et des paires libres ne sont pas toujours faciles
à évaluer qualitativement. Dans l’éthanol, par exemple, le moment dipolaire moléculaire
dépend de la résultante des moments dipolaires des liaisons C-O et O-H, et des moments
dipolaires associés aux deux paires libres d’électrons sur l’atome d’O. Le schéma, ci-
dessous, illustre ce problème.
O H
Qualitativement, tout ce que nous pouvons conclure, c’est que la molécule d’éthanol
est polaire et l’extrémité OH de la molécule sera globalement δ- par rapport à la chaîne
alkyle. La direction exacte du moment dipolaire moléculaire ne peut être déterminée sans
avoir recourt au calcul vectoriel.
H H H H H H H H H H
H H H H H
H H F H H F
H H F
Quantifions à présent ces affirmations. Une méthode approximative pour l’estimation
des valeurs d’un moment dipolaire moléculaire est d’estimé les moments dipolaires de
liaison en utilisant les valeurs d’électronégativité, puis de combiner les moments de liaison
pour donner le vecteur résultant. Par exemple :
• pour la liaison C-H, la valeur du moment dipolaire est de 2,6 – 2,2 = 0,4 D, dans le
sens HÆC
• pour la liaison C-F, la valeur du moment dipolaire est de 4,0 – 2,6 = 1,4 D, dans le
sens CÆF
Prenons le cas de CH2F2, on peut déterminer assez aisément le sens du moment
dipolaire moléculaire (celui de la figure ci-dessus). Reste à calculer la valeur du moment
suivant le raisonnement suivant :
• Contribution des liaisons C-F = 2 x (1,4 x cos(54,75)) = 1,6 D
• Contribution des liaisons C-H = 2 x (0,4 x cos(54,75)) = 0,5 D
Elles agissent toutes deux dans le même sens et le moment dipolaire moléculaires
estimé pour CH2F2 est donc de 1,6 + 0,5 = 2,1 D.
Dans le cas de CHF3, on peut estimer le moment dipolaire moléculaire comme suit :
L’angle entre les liaisons C-F et le moment dipolaire moléculaire global est de 180 –
109,5 = 70,5°. La contribution des liaisons C-F est donc de 3 (1,4 x cos(70,5)) = 1,4 D. En ce
qui concerne la contribution de C-H, elle est de 0,4 D, comme nous l’avons déterminé plus
haut.
X X O X X O X X O
-
X O X O X O
L’effet diminue si on augmente le nombre de liaison C-C entre la fonction CO2H et le
substituant électro-attracteur. C’est ce qui est illustré dans le tableau ci-dessous :
L’introduction d’un substituant Cl dans CH3CO2H en décroit significativement la valeur de
pKa, mais les différences entre paires de valeurs de pKa pour CH2Cl(CH2)nCO2H et
CH3(CH2)nCO2H (n = 1, 2 ou 3) sont plus faibles.
5. Les halogénoalcanes
2-bromopentane 1-bromopentane
Pour les composés dans lesquels il y a d’autres substituants en plus de l’atome
d’halogène, la chaîne carbonée est numérotée en commençant par la fin la plus proche du
premier substituant, que ce soit l’halogène ou non.
Quatre isomères de C6H13Cl sont représentés ci-dessous. La chaîne principale doit
contenir le carbone sur lequel est attaché le chlore :
Cl
Cl
Cl
Cl
1-chloro-3-méthylpentane 2-chloro-3-methylpentane 3-chloro-3-méthylpentane 1-chloro-2-éthylbutane
Dans trois des isomères, la chaîne principale contient cinq carbones et le nom est
donc basé sur le pentane. Les substituants sont ordonnés alphabétiquement (ex : 1-chloro-3-
méthylpentane et non 3-méthyl-1-chloropentane). Dans le dernier isomère, la chaîne
principale (choisie pour contenir le carbone sur lequel est attaché Cl) contient quatre
carbones et son nom est donc basé sur le butane.
Br Br
F
1,5-dibromopentane 2,3-difluorohexane
Si des atomes d’halogènes différents sont présents, les préfixes correspondants sont
classés alphabétiquement, par exemple : 1-bromo-2-chlorobutane.
Br
+ HBr + Br
majoritaire
Nous avons également décrit la bromation allylique en utilisant le NBS, une réaction
qui permet la bromation d’un carbone adjacent à une double liaison C=C.
Les réactions entre les alcanes ou les alcènes et F2 sont explosives et donc les
fluoroalcanes sont habituellement préparés en utilisant un agent de fluoration alternatif.
L’équation ci-dessous illustre l’utilisation de HF/SbF5 avec fluoration par échange partiel d’un
halogène.
Cl Cl Cl HF, SbF5 Cl Cl Cl
Cl Cl Cl Cl Cl F
HF, SbF5
F Cl Cl
Cl Cl F
HF, SbF5
F Cl F HF, SbF5 F Cl F
F Cl F Cl Cl F
Un groupement trifluorométhyle (CF3) est présent dans l’antidépresseur Prozac,
commercialisé par Lilley et qui fait partie des produits pharmaceutiques les mieux vendu
dans le monde.
F F
HN
prozac
PBr3, reflux
OH Br
Températures d’ébullition
Un halogénoalcane présente, habituellement, une température d’ébullition plus haute
que l’alcane correspondant. La figure ci-dessous illustre la tendance en point d’ébullition
dans la série CH4-xClx et montre que l’accroissement du nombre d’atomes de Cl mène à
l’accroissement de la température d’ébullition : CH2Cl2, CHCl3 et CCl4 sont des liquides à
298, alors que CH4 et CH3Cl sont des gaz. La tendance en accroissement de point
d’ébullition suit l’accroissement en masse moléculaire.
La réaction peut être amorcée par ajout de I2 ; il réagit pour donner une surface de
magnésium pour donner une surface propre et hautement réactive. La vitesse à laquelle la
réaction ci-dessus se déroule suit l’ordre RI > RBr > RCl, et les halogénoalcanes primaires,
secondaires et tertiaires réagissent tous avec Mg. Les équations ci-dessous en illustrent
quelques exemples. La méthode peut être étendue aux halogénures d’aryles, par exemple le
chlorobenzène.
Et2O
Br + Mg MgBr
Cl MgCl
Et2O
+ Mg
Nous verrons les utilisations de réactifs de Grignard dans des chapitres ultérieurs, et
leur utilité en synthèse est illustrée dans la figure ci-dessous. Cette figure montre les
réactions entre des réactifs de Grignard et des groupements carbonyles et des donneurs de
proton.
Bien que l’on représente les structures des réactifs de Grignard comme ayant une
coordination de 2 pour le Mg, la formation d’adduits avec des solvants donneurs tels que le
THF ou l’Et2O conduit typiquement à une coordination de 4. Par exemple, EtMgBr cristallise
à partir de solutions dans le diéthyléther comme l’adduit illustré ci-dessous, lequel contient
un Mg approximativement tétraédrique.
Mg
O Br
Les organolithiens
Les composés organolithiens, RLi, sont des composés organométalliques qui se
comportent comme des sources de carbanions, R-, et ont de nombreuses utilités en
synthèse. Les alkyllithiens sont utilisés comme agent d’alkylation. Les alkyllithiens, comme
les aryllithiens, peuvent être préparés par traitement d’un halogénoalcane avec du lithium
sous atmosphère inerte. L’absence d’air et d’humidité est essentielle puisque le Li métallique
et les dérivés RLi réagissent avec H2O et O2. Les solvants doivent être anhydres.
RX + 2 Li Æ RLi + LiX
Un réactif organolithien particulièrement important est le n-butyllithium, nBuLi, qui peut
être synthétisé par la réaction suivante :
Li, pentane
Br Li + LiBr
R X + Nu- R Nu + X
H H H
X H
R + B R + BH+ + X
H H H
Dans les sections suivantes, nous étudierons les manières dont l’élimination et la
substitution ont lieu et la compétition qu’il peut y avoir éventuellement lieu entre elles.
Le mécanisme de la SN1
Considérons la réaction de Me3CCl avec H2O qui obéit à une loi de vitesse d’ordre 1.
Pour qu’un mécanisme réactionnel puisse expliquer une loi de vitesse de ce type doit
comprendre une étape cinétiquement limitante faisant intervenir seulement Me3CCl. Le
nucléophile, H2O, doit être impliqué dans une étape rapide. Les étapes du mécanisme SN1
sont illustrées ci-dessous :
Cl
+
C + Cl
H2O:
H + H OH
O
+
C
L’étape lente est le clivage dissociatifs spontané de la liaison C-Cl, c'est-à-dire une
étape unimoléculaire. Un ion chlorure part (Cl- est le groupement partant) et un carbocation
est formé. C’est un intermédiaire réactionnel, qui réagit en une étape rapide avec tout
nucléophile disponible. Dans la réaction ci-dessus, le nucléophile est H2O. Lorsque la liaison
C-O se forme, la charge positive est transférée du carbone vers l’oxygène, et il s’en suit,
rapidement, une perte de H+ pour donner le produit. Il est également, bien entendu possible
que le carbocation soit attaqué par Cl- pour régénérer le matériel de départ.
Le mécanisme de la SN2
Maintenant étudions la substitution nucléophile qui présente un second ordre global,
avec une vitesse de réaction qui dépend à la fois de la concentration en halogénoalcane et
en nucléophile. Un mécanisme qui permette d’expliquer ces données fait intervenir un
processus en une étape, c'est-à-dire que l’étape limitante est un mécanisme d’échange
bimoléculaire. C’est ce que l’on appelle un mécanisme de SN2 et c’est ce qui est illustré dans
le schéma ci-dessous :
Br H
H H
H H + Br
H Cl
:Cl-
La formation de la liaison C-Cl et la rupture de la liaison C-Br ont lieu en une seule
étape et le processus est dit « concerté ». Il n’y a pas formation d’un intermédiaire. Le
chemin réactionnel passe par un état de transition illustré ci-dessous :
‡
H
Cl Br
H H
SN1 ou SN2 ?
Nous venons de mettre en évidence les détails de deux mécanismes extrêmes de la
substitution nucléophile, mais qu’est-ce qui détermine que l’un des chemin est suivi plutôt
qu’un autre pour une réaction particulière ? Les deux mécanismes compétitionnent-ils eu
sein de la même réaction ? Les réponses à ces questions ne sont pas simples parce qu’il y a
un nombre de facteurs contributifs important :
• La nature du carbocation qui est formé si la réaction se déroule suivant le mécanisme
SN1
• Des effets stériques
• Le nucléophile
• Le groupement partant
• Le solvant.
Nous étudierons chaque facteur séparément. Cependant, il est important de garder à l’esprit
que, en pratique, il y a une interaction entre ces facteurs et qu’en tirer des conclusions
générale n’est pas du tout aisé. Un point crucial à garder également à l’esprit est que pour
qu’un mécanisme dissociatif SN1 soit favorisé, un clivage hétérolytique de la liaison C-X doit
avoir lieu directement.
Le carbocation
Nous avons parlé des carbocations dans la section 3.5 et décrit la façon dont ils sont
stabilisés par les groupements attracteurs d’électrons. L’ordre général de stabilité des
carbocations ou R est un groupement alkyle est :
R3C+ > R2HC+ > RH2C+ > H3C+
Les carbocations formés par le départ de X- d’un simple halogénoalcane
correspondent à l’une des catégories ci-dessus, mais d’autres types de cations sont formés
X - X- +
C
Lorsque le composé halogéné contient un groupe CH2X attaché à un cycle
benzénique, la perte de X- donne un carbocation benzylique. Nous discuterons de la chimie
du benzène et de ses dérivés ultérieurement, mais nous sommes ici intéressé par la
réactivité du substituant CH2X. La stabilité accrue du carbocation benzylique a pour origine
les contributions de chaque structure de résonance illustrées ci-dessous. Le résultat net en
est que la charge positive est délocalisée sur l’ensemble du cycle.
H H H H
+ +
C C
H H H H
+ +
C C
Les substituants les plus petits possibles sont les hydrogènes et l’attaque nucléophile
du carbone dans CH3X est aisée. Donc le mécanisme SN2 est favorisé pour les halogénures
de méthyle. Similairement, l’attaque par un nucléophile sur l’atome de carbone primaire de
MeCH2Br n’est pas très gênée stériquement et le mécanisme SN2 peut avoir lieu
directement. Il est plus difficile pour le nucléophile d’attaquer un carbone secondaire
Me2CHBr et plus encore d’attaquer un carbone tertiaire Me3CBr. Les halogénoalcanes
secondaires peuvent subir des réactions SN2, mais la réaction est généralement lente à
cause de l’encombrement stérique. Les halogénoalcanes tertiaires ne peuvent subir une
SN2. L’encombrement stérique joue un rôle, mais la vitesse à laquelle un carbocation tertiaire
se forme est tellement rapide que cette étape empêche de toute façon la SN2 d’avoir lieu.
Les deux derniers types d’espèces dont nous avons parlé dans le paragraphe
précédent sont les halogényres allyliques et benzyliques. Nous avons montré comment ils
pouvaient, tous deux subir une SN1. Cependant, tous deux sont des halogénoalcanes
primaires et ils peuvent également subir une SN2. Plus encore, le système π qui est adjacent
au site de l’attaque nucléophile aide à stabiliser l’état de transition.
En résumé :
• Les réactions de SN2 peuvent avoir lieu si l’attaque par un nucléophile sur le carbone
est stériquement possible.
• Les halogénures de méthyle et les halogénoalcanes primaires sont les meilleurs
candidats pour un mécanisme SN2, lequel est encore plus favorisé pour les
halogénures allyliques et benzyliques par délocalisation des électrons π dans l’état de
transition
• Les halogénoalcanes tertiaires ne subissent pas de réaction SN2.
Le nucléophile
La vitesse d’une réaction SN2 montre une dépendance du premier ordre vis-à-vis du
nucléophile. En outre, la vitesse de réaction est affectée par la nature du nucléophile. Toutes
les espèces attaquantes ne sont pas d’aussi bons nucléophiles les unes que les autres. La
constante de vitesse est caractéristique d’une réaction particulière et, si nous considérons
une réaction SN2 avec un substrat halogénoalcane fixé, nous trouvons que k varie avec le
nucléophile. Cette observation est habituellement discutée en termes de nucléophilie du
groupe entrant, toutes les autres conditions (halogénoalcanes, solvant, température) étant
fixées. Malheureusement, la nucléophilie n’est pas facile à définir, mais il est utile, de penser
à un bon nucléophile (dans le cadre de l’attaque d’un halogénoalcane) comme à une espèce
capable de facilement former une liaison avec un Cδ+ qui faisait originellement partie d’une
liaison C-X. Il est également utile de faire une comparaison entre nucléophilie et basicité,
puisqu’il est habituellement établi qu’une bonne base est une espèce qui capture facilement
un H+.
Ce dernier point nécessite quelques explications supplémentaires. Les réactions de
CH3Br avec HO-, CH3CO2- et H2O suivent un mécanisme SN2 et leurs vitesses suivent l’ordre
suivant : HO- > CH3CO2- > H2O. La nucléophilie de ces espèces est donc HO- > CH3CO2- >
H2O. Considérons maintenant l’affinité de chaque nucléophile pour un proton, c'est-à-dire la
basicité de chaque espèce. Cela peut se faire en étudiant les valeurs de pKa de l’acide
conjugué : pKa H2O > pKa CH3CO2H > pKa H3O+, ce qui signifie que H3O+ donne plus
facilement un H+ et que H2O en accepte le moins facilement. Souvenons-nous que si un pKa
est grand, cela, alors le Ka pour l’acide est faible, l’équilibre est déplacé vers la gauche, et A-
est une base relativement forte. Plus le pKa est grand, plus la basicité de A- est importante.
HA ↔ H+ + A- pKa = -log Ka
Donc, les valeurs de pKa de H2O, CH3CO2H et H3O+ montrent que l’ordre de basicité
est HO- > CH3CO2- > H2O, un ordre qui est comparable à celui de leur nucléophilie. En
général, dans une série de nucléophiles qui contiennent le même atome donneur, on peut
utiliser les valeurs de pKa pour se faire une idée approximative des forces relatives des
espèces en tant que nucléophiles.
Lorsque les membres d’une série de nucléophiles contiennent des atomes donneurs
différents (à nouveau en supposant l’halogénoalcane, ainsi que les autres conditions fixés)
alors la tendance dans les valeurs de pKa ne peuvent servir de guide fiable à leur
nucléophilies. Cependant, à partir des données de cinétique, on peut tracer quelques
tendances utiles : les nucléophiles qui appartiennent à même groupe périodique deviennent
plus fort à mesure que l’on descend dans ce groupe. Par exemple, les nucléophilies suivent
habituellement l’ordre :
I- > Br- > Cl-
HS- > HO-
RS- > RO- (R = alkyle)
On peut se faire une vue d’ensemble des points dont nous venons de discuter en
étudiant les vitesses relatives des réactions de différents nucléophiles avec CH3Br (dans un
solvant commune, l’éthanol) ; les vitesses relatives sont exprimées par rapport à l’attaque
par l’eau :
Les termes nucléophiles durs et mous sont souvent utilisés, et l’application de ces
termes est similaire à celle qui est utilisée en chimie de coordination des ligands. Les
nucléophiles durs tendent à posséder un O ou N comme atome attaquant, par exemple HO-
et NH2-, alors que les nucléophiles mous portent des atomes moins électronégatifs qui sont
plus bas dans les groupes périodiques, par exemple RS- et I-. Tant que l’on envisage une
substitution SN2 avec des halogénoalcanes, les nucléophiles mous sont meilleurs que les
durs (il suffit de regarder les vitesses relatives ci-dessus pour en être convaincu). Mais la
situation peut être renversée pour l’attaque d’autres centres, comme nous le verrons
ultérieurement lorsque nous parlerons de l’attaque nucléophile sur des groupements
carbonyles.
En résumé :
• La tendance en nucléophilie des espèces est généralement comparable à celle de
leur basicité, en supposant que l’atome attaquant est constant dans la série de
nucléophiles
• Pour les espèces appartenant à un groupe périodique, la nucléophilie augmente
généralement lorsque l’on descend dans le groupe (ex. : I- > Br- > Cl-).
Le groupement partant
La nature du groupement partant est important à la fois pour les mécanismes SN1 et
SN2. Dans l’étape cinétiquement déterminante dans les deux mécanismes, la liaison C-X est
brisée et X- part. Dans la substitution nucléophile des halogénoalcanes, le groupement
partant peut être F-, Cl-, Br- ou I-. Le meilleur groupement partant est I-, et le moins bon est F-
: I- > Br- > Cl- > F-
Ces observations peuvent être corrélées avec les valeurs de pKa des acides
conjugués : pKa HF = +3,5, HCl = -7, HBr = -9 et HI = -11. Des valeurs négatives de pKa
signifient des acides forts, et donc Cl-, Br- et I- sont des bases faibles ; les ions sont stables
et sont de bons groupements partant. De l’autre côté, HF est un acide faible et F- est un
mauvais groupement partant.
Le solvant
Le choix d’un solvant adéquat pour les réactions de substitution nucléophile est
important. Dans une réaction de SN1, l’étape cinétiquement limitante inclut la rupture
hétérolytique d’une liaison et un ion polaire accroit la vitesse de formation d’un ion par
stabilisation de l’état intermédiaire. La vitesse de réaction SN1 est donc accrue par
l’utilisation de solvants polaires tels que l’eau et l’éthanol.
Le choix du solvant est également important pour les réactions SN2, mais n’est pas le
même que celui pour les réactions SN1. Alors que la vitesse d’une réaction SN1 est
indépendante du nucléophile, celle d’une réaction SN2 en dépend. Nous devons donc
considérer quel effet aura le solvant sur l’approche du nucléophile vers l’halogénoalcane. Le
nucléophile dans une réaction de SN2 est habituellement un anion (ex. : Cl-, HO-, NC-). Les
anions sont fortement solvatés par les solvants protiques tels que H2O et MeOH. Ces
solvants forment des ponts hydrogènes avec un nucléophile anionique et nuisent
stériquement à son attaque du substrat halogénoalcane. Le nucléophile est stabilisé par
solvatation et cela accroit l’énergie d’activation pour la réaction de substitution.
Les solvants aprotiques polaires comprennent l’acétonitrile, l’acétone, le
diméthylsulfoxyde (DMSO) et le diméthylformamide (DMF). Etant polaires, ce sont de bons
solvants pour d’autres molécules polaires et pour certains composés ioniques. Par contre,
les solvants aprotiques ne contiennent pas d’atomes d’hydrogène attaché aux atomes
électronégatifs et sont incapables de former des liaisons hydrogènes avec le nucléophile. En
conséquence, la vitesse d’une réaction SN2 dans un solvant polaire aprotique excède de
beaucoup celle de la même réaction dans un solvant protique.
O O O
N S
H N
Le mécanisme E1
Nous avons vu antérieurement que la réaction du 2-chloro-2-méthylpropane avec
H2O donnait du 2-méthylpropanol. En fait, une quantité mineure de 2-méthylpropène est
également formée, et si le nucléophile est changé de H2O en HO-, le produit prédominant est
le 2-méthylpropène.
Cl
+ OH- + Cl + H2O
+
C H
H H :OH-
Que le nucléophile agisse ou non de cette manière (voie E1) plutôt que de s’ajouter
au carbocation (voie SN1) dépend d’un ensemble de facteurs. L’arrachement de H+ est
facilité par une base forte qui soit un faible nucléophile, par exemple l’amidure
Li{N(CHMe2)2}. Les facteurs stériques au niveau du substrat organique peuvent également
faire basculer le mécanisme en faveur de l’élimination ; la création de deux carbones
trigonaux plans à la place de tétraédriques peut, en effet, aider à réduire les tensions
stériques. Par exemple, un carbocation tertiaire Bu3C+ peut préférer éliminer H+ plutôt que de
réagir avec un nucléophile à son centre C+. Cette dernière option forcerait les trois
substituants butyle à être plus proches les uns des autres que dans le produit alcène.
+
C
H
H H
:B
En fait, cette réaction d’élimination aura lieu avec une base plus faible que HO-, pour
autant que cette base soit un nucléophile faible.
Les réactions E1 requièrent la formation d’un carbocation et dès lors sont favorisées
pour les halogénoalcanes tertiaires, allyliques et benzyliques. Les halogénoalcanes
secondaires peuvent subir des réactions E1, mais pas les halogénoalcanes primaires à
cause de la faible stabilité relative d’un carbocation primaire. Lorsqu’un choix est possible, la
perte de H+ favorisera la formation de l’alcène le plus substitué comme l’illustre le schéma
suivant :
+
C +
Majoritaire
Donc l’élimination est régiosélective.
Lorsque la dernière étape d’un mécanisme E1 peut conduire à des isomères E ou Z
d’un alcène, il favorisera la formation de l’isomère le moins tendu stériquement, comme par
exemple :
+
C +
Majoritaire
Le mécanisme E2
En présence d’une base, l’élimination de HX à partir d’un halogénoalcane peut obéir
à une cinétique du second ordre avec l’équation de vitesse de la réaction étant :
Vitesse de réaction = k [halogénoalcane] [base]
Un mécanisme qui est conforme avec ces résultats expérimentaux fait intervenir une
étape cinétiquement déterminante bimoléculaire. C’est la réaction E2 : perte de HX promue
par une base.
R R X R R
+ BH+ + X
H R R R R
:B
La base dans l’équation ci-dessus est montrée comme une molécule neutre B et
forme BH+, mais elle peut également être négativement chargée, ex. : EtO-.
L’élimination se déroule de façon à donner l’alcène le plus substitué. Dans l’état de
transition, la base commence à former une liaison avec le proton qui est en train de se faire
éliminer et, simultanément, le lien C-H commence à se briser, la liaison π de la double liaison
C=C commence à se former et le lien C-Br commence à se briser. Ces liaisons sont
indiquées en lignes pointillées dans la figure ci-dessous.
Pour que ce processus concerté ait lieu, tous les atomes de l’unité H-C-C-X impliqués
dans la formation et la rupture des liaisons doivent se trouver dans le même plan. La
géométrie est périplanaire.
En résumé :
• Les réactions E2 requièrent un arrangement périplanaire de l’unité H-C-C-X
• Lorsqu’un choix est possible, l’élimination favorise la formation de l’alcène le plus
substitué (régiosélectivité)
• Lorsqu’un choix est possible, l’halogénoalcane adopte la conformation la moins
stériquement encombrée et le produit d’élimination reflète ce fait.
E1 versus SN1
Nous avons déjà vu que la formation d’un carbocation est favorisée par les solvants
protiques. Cela aide à la fois les réactions SN1 et E1, puisque l’étape cinétiquement
déterminante est identique pour les deux. Que le carbocation soit attaqué ou non par le
nucléophile sur son centre C+ pour donner un produit de substitution, ou soit sujet à
l’élimination d’un H+ pour donner un produit d’élimination dépend de la nature du nucléophile.
Si le nucléophile est fortement basique, le mécanisme E1 est préféré. Cependant, même une
base faible peut arracher un proton du carbocation intermédiaire, et dans ce cas, il y a une
compétition entre les mécanismes E1 et SN1 comme dans la réaction ci-dessous. Le ratio
des produits dépend des conditions de réaction et est affecté par la température, ex. à 340 K
et dans l’éthanol, cette réaction donne un mélange 2 : 1 de produits SN1 : E1.
Cl OH
+
Comme nous l’avons vu plus tôt dans cette section, pour un halogénoalcane tertiaire,
la voie E1 peut être suivie avec une base forte, mais également avec une base faible.
Cependant, la vitesse de la réaction E2 dépend de la concentration et de la force de la base,
elle est donc favorisée à concentration élevée et en présence d’une base forte.
E2 versus SN2
Les halogénoalcanes primaires, RCH2X, réagissent suivant un mécanisme SN2 et
une compétition avec le mécanisme E2 peut apparaître si le nucléophile est une base forte
telle que EtO-. La réaction E2 est particulièrement favorisée sur le nucléophile est
stériquement encombré. Retournons voir la discussion concernant les effets stériques de la
section 5.6., et notamment la vue qu’a le nucléophile lorsqu’il essaye de s’approcher du
centre Cδ+. Un nucléophile tel que Me3CO- (tBuO-) est très encombré, comme le montre la
figure ci-dessous. C’est également une base forte qui réagit avec le 1-bromopentane pour
donner du pent-1-ène plutôt qu’un produit de substitution (équation ci-dessous).
t-BuO-
Br
rapport à la substitution nucléophile si une base telle que EtO- est utilisée ; un mélange de
produits de substitution et d’élimination est généralement attendu, comme l’illustre l’équation
ci-dessous, mais le produit d’élimination prédomine.
EtO-
+
Br O
Halogénures méthyliques
Dans la discussion concernant les SN2, nous avons discuté, en particulier, du
composé MeX, mais nous ne l’avons pas mentionné dans nos discussions concernant les
réactions d’élimination. La raison en est évidente, la molécule de CH3X ne possédant qu’un
seul atome de carbone, il lui est impossible de subir une élimination pour former un alcène.
+
H C Na
+ Na
Br
+
C Na