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19/6/2015 Bruno 

OLLIVIER (2007), Sciences de la communication : théories et acquis

Communication
Information médias théories pratiques

Vol. 28/2 | 2011
Lectures

Bruno OLLIVIER (2007),
Sciences de la
communication : théories et
acquis
Paris, Éditions Armand Colin, Coll. « U »

BENOÎT BERTHOU
Référence(s) :
Bruno OLLIVIER (2007), Sciences de la communication : théories et acquis, Paris, Éditions Armand
Colin, Coll. « U ».

Texte intégral
1 Cet  ouvrage  constitue  un  «  manuel  »,  dispositif  éditorial  entendant  présenter
des travaux existants et esquisser les pistes de recherche au sein d’une discipline
donnée.  Relevant  d’un  genre  quelque  peu  paradoxal  (puisqu’à  la  fois  exhaustif
mais  concis,  descriptif  et  prospectif),  cet  ouvrage  constitue  ainsi  une  véritable
gageure  :  comment  présenter  au  sein  du  «  symbole  par  excellence  du  livre
universitaire » (comme mentionné dans la présentation de la collection « U ») des
savoirs vieux de seulement une « quarantaine d’années » (ainsi que le rappelle la
quatrième  de  couverture)  et  se  plaçant  en  partie  au  fondement  de  disciplines
encore mal connues, voire contestées ? Telle est la question à laquelle répond ici
Bruno  Ollivier  au  sein  d’une  collection  dirigée  par  Yves  Jeanneret  et  Emmanuel
Souchier.

Les « sciences de la communication »
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comme filiation
2 L’organisation de ce « manuel de référence » est ainsi signifiante : se fixant une
double  mission  («  repérer  »  et  «  aborder  »  théories  et  travaux),  il  se  propose
implicitement de placer les « sciences de la communication » sous le signe de la
complexité  et  de  présenter  celles­ci  comme  un  vaste  ensemble  de  travaux
s’inscrivant  dans  un  temps  long  (débutant,  selon  Ollivier,  avec  les  écrits  de
Saussure) et nécessitant donc des outils d’orientation. Ce parti pris n’est pas sans
rappeler  celui  qu’adopte  Daniel  Bougnoux  (2002),  même  s’il  est  ici  (taille  des
ouvrages  de  la  collection  «  U  »  oblige)  plus  développé.  À  une  «  randonnée
critique » (Bougnoux, 2002 : 5) fait ainsi place un mode de présentation presque
patrimonial  puisqu’organisé  autour  de  deux  parties  d’inégale  longueur.  Aux
«  Grands  paradigmes  utilisés  en  science  de  la  communication  »  (161  pages)
présentant les pensées ainsi que les auteurs ayant permis de constituer et de saisir
ce nouvel objet scientifique succède l’étude des « Champs de recherche actuels »
(70  pages)  structurant  le  champ  scientifique  ainsi  ouvert.  Le  sous­titre  de
l’ouvrage  («  théories  et  acquis  »)  présente  une  structure  adoptant  une
organisation strictement inverse à celle de Stéphane Olivesi (2006). Ses « Objets »
et champs de recherche actuels (147 pages) précèdent ses « Savoirs » (75 pages) et
acquis, et ce, pour des raisons exposées dans l’introduction : « À la différence d’un
manuel,  cet  ouvrage  […]  ne  propose  pas  une  somme  de  théories  passées,
sélectionnées et juxtaposées avec plus ou moins d’à­propos » (Olivesi, 2006 : 5).
3 S’attachant  à  «  présenter  les  principales  matières  enseignées  en  SIC  sans  les
couper  de  la  recherche  <vivante>  et  de  ses  résultats  »,  le  parti  pris  qu’adopte
Olivesi  met­il  en  évidence  les  risques  inhérents  à  une  entreprise  comme  celle  de
Ollivier ? Force est de constater qu’il permet plutôt à celui­ci de mieux en dégager
l’originalité puisque « sélection » et « juxtaposition » se font dans une intention
clairement  exposée  dans  l’introduction  :  mettre  en  évidence  «  les  filiations,  les
influences,  mais  aussi  les  conflits  scientifiques  qui  entourent  les  sciences  de  la
communication»  (p.  4).  Contrairement  à  l’ouvrage  (excellent)  d’Olivesi,  celui
d’Ollivier n’entend pas poser le problème d’un enseignement, mais semble avant
tout appréhender la communication comme un objet scientifique fait de relations,
susceptible de permettre de nouer des liens au­delà des frontières des disciplines,
institutions  et  nations.  D’où  une  constante  volonté  de  ne  pas  chercher
d’incontournables  points  d’appui  au  sein  de  théories  faisant  pourtant  référence,
car étant pensées comme extrêmement structurantes dans le champ scientifique
des  «  sciences  de  la  communication  ».  En  témoigne  le  traitement  fort  différent
réservé par ces deux auteurs aux travaux de Gregory Bateson : présentés comme
une « œuvre fondatrice » par Olivesi, ils sont à l’inverse intégrés, chez Ollivier, au
sein  d’une  longue  lignée  de  réflexions  sur  les  modes  de  communication  à
l’intérieur  du  groupe  créé  par  nombre  d’écrits  en  provenance  notamment  de  la
sociologie (p. 85­113).
4 Faisant montre d’une constante volonté (qui n’est pas sans rappeler Mattelart
et  Mattelart,  2007)  d’inscrire  les  sciences  de  la  communication  dans  le  temps
long,  Ollivier  présente  celles­ci  comme  appartenant  pleinement  au  champ  des
sciences  sociales  et  ne  constituant  nullement  «  une  science  de  l’action,  en
l’occurrence  […]  une  science  de  l’ingénierie  sociale  »  (Miège,  2007  :  107).  Cette
position,  qui  n’est  effectivement  pas  sans  rappeler  certaines  des  propositions  de
« l’approche communicationnelle » définie par Miège, semble toutefois esquisser
une  posture  flatteuse,  que  fustige  Olivesi,  susceptible  de  verser  dans  «  l’image
abstraite  de  la  science  que  véhiculent  habituellement  les  manuels  »  (p.  8).  Car
force est de constater qu’en ne faisant aucune place à ce que Robert Boure (2002)
nomme « l’histoire non officielle » de la discipline ayant permis la propagation et

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la production des savoirs exposés ici, Ollivier fait parfois douter de la réalité de ces
mêmes savoirs et semble même ne leur accorder d’autre existence qu’idéelle. Son
ouvrage bute ainsi sur le paradoxe inhérent à tout manuel de ce type : le « symbole
par excellence du livre universitaire » ne semble pas pouvoir prendre en compte le
monde universitaire qui fournit pourtant ses auteurs ou lecteurs et lui donne donc
sens  et  chance.  Ce  faisant,  sans  doute  ne  permet­il  pas  aux  chercheurs  et
étudiants de pleinement « s’interroger sur son héritage et de comprendre les jeux
et enjeux théoriques et institutionnels présents et passés » (Boure, 2002 : 41).

L’interdiscipline : un discours de la
méthode
5 La  chose  est  d’autant  plus  regrettable  que  la  rigueur  du  propos  de  Ollivier  lui
permet  de  ne  jamais  verser  dans  l’hagiographie  en  faisant  sans  cesse  primer  les
objets  (langage,  sens,  groupe,  support,  etc.)  sur  les  auteurs  (comme  en  atteste
d’ailleurs l’absence d’index des noms cités). Si « image abstraite » il y a, celle­ci ne
tient  donc  pas  du  who’s  who,  mais  relève  bien  plus  de  la  volonté  de  poser  le
problème  inhérent  aux  sciences  de  l’information  et  de  la
communication  :  comment  présenter  une  discipline  qui  se  pense  comme
interdiscipline, « le paradoxe de la discipline restant qu'elle se doit d'être fermée
par  des  frontières  pour  exister,  tout  en  étant  ouverte  pour  évoluer,  s'adapter  et
vivre » (Ollivier, 2000 : 11) ? Il s’agit dès lors de constituer un point de rencontre
entre  savoirs,  qui  ne  serait  pas  enfermé  «  dans  un  objet  d’étude  ni  dans  une
problématique unique » (p. 168), de circonscrire un espace académique sans que
celui­ci  ne  soit  pour  autant  jamais  clos,  tout  en  démontrant  que  semblable
position n’est en aucun cas synonyme d’inconsistance scientifique, mais constitue
bien un autre mode de transmission et de construction du savoir. Cette position
est  largement  répandue  dans  le  champ  des  sciences  de  l’information  et  de  la
communication,  depuis  un  Robert  Escarpit  luttant  contre  une  vision  trop
«  instrumentale  »  de  la  communication  jusqu’à  un  Bernard  Miège  n’ayant  de
cesse  de  rappeler  l’enjeu  épistémologique  majeur  que  constitue  cette  paradoxale
ouverture.  Reste  qu’expliciter  semblable  conception  au  sein  d’une  collection  qui,
sans doute de par sa vocation première (préparer depuis 1968 au concours et plus
largement  aux  seconds  cycles  universitaires),  fait  peu  de  place  à  ce  type
d’approches  (l’esthétique  ou  les  sciences  cognitives  n’y  sont  par  exemple  pas
vraiment représentées), constitue un véritable défi.
6 Si  Les  Sciences  de  la  communication  le  relève,  c’est  avant  tout  à  travers  la
formulation de paradigmes, de « principes théoriques » susceptibles de « servir de
points  de  départ  à  un  travail  d’observation  ou  de  recherche  en  sciences  de  la
communication » (Ollivier, 2007 : 4). Les « apports fondamentaux » (p. 61) de
chaque  courant  de  pensée  étudié  sont  ainsi  présentés  sous  la  forme  d’une
énumération  suivant  systématiquement  leurs  exposés.  Un  important  travail  de
synthèse  —  qui  aurait  sans  doute  gagné  à  être  éditorialement  uniformisé  pour
fournir  des  repères  plus  clairs  au  lecteur  —  vient  donc  organiser  l’ouvrage.
L’ensemble ainsi pensé n’est ni schématique (puisque chacune de ces propositions
est contextualisée et directement liée à des travaux présentés plus largement) ni
réducteur  (puisque  les  propositions  constituent  un  vaste  ensemble  publié  en
annexe, ce qui place cette espèce « d’abrégé des sciences de la communication »
sous  le  signe  de  la  complexité).  Nous  sommes  donc  loin  des  quatre  «  nouveaux
paradigmes  en  science  de  l’information  »  (travail  collectif,  flot,  usage,  électron)
présentés par Yves­François Le Coadic (2004). Les « 200 hypothèses théoriques
pour  construire  des  approches  interdisciplinaires  en  Science  de  l’information  »

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(p.  245),  intitulé  de  la  liste  récapitulant  en  fin  d’ouvrage  l’ensemble  de  ces
« apports », représente en ce sens une entreprise qui semble ne pas avoir de réel
équivalent  au  sein  de  la  discipline  :  elle  ne  fait  ni  office  de  corpus  (et  entend
fonctionner  à  côté  des  nombreuses  bibliographies  présentes  dans  l’ouvrage)  ni
office  de  ces  «  vade­mecum  »  ou  «  aide­mémoire  »  (trop  ?)  courants  dans  les
manuels  (puisqu’elle  est  présentée  sans  enrichissements  ni  renvois  d’aucune
sorte).
7 Semblable  document  éclaire  à  plus  d’un  titre  notre  question
d’introduction, d’abord par sa taille et par le nombre de ses propositions qui, pour
chacune  d’entre  elles,  renvoient  à  plusieurs  travaux  fort  conséquents.  Est  ainsi
clairement mise en avant l’image de sciences de la communication qui n’en sont
plus à leurs balbutiements. D’ores et déjà, étudiants, enseignants ou chercheurs
s’inscrivent  dans  un  ensemble  constitué  et  se  doivent  de  gérer  un  héritage
empreint  d’une  diversité  prenant  avant  tout  la  forme  d’une  hétérogénéité.  Ainsi
que  l’indique  fort  justement  et  à  plusieurs  reprises  Ollivier,  ces  propositions  ne
sont « pas toutes cohérentes entre elles, dans la mesure où toutes les sciences et
toutes leurs approches ne sont pas cohérentes entre elles » (p. 245). Et si se pose le
problème  de  l’interdiscipline,  c’est  ainsi  avant  tout  par  l’intermédiaire  d’une
méthode permettant de tirer parti de cette multiplicité : « Il revient au chercheur
en  communication  de  choisir  et  d’articuler  celles  [de  ces  propositions]  qui  lui
fourniront  un  cadre  théorique  cohérent  et  adapté  aux  phénomènes  qu’il  veut
observer» (p. 245).
8 Ces « 200 approches théoriques » offrent ainsi de penser une « cohérence » sur
le  mode  de  la  combinaison  et  de  brosser  le  portrait  d’une  recherche  trouvant
validité et légitimité dans la façon dont elle conçoit connexions et rencontres entre
ces « apports » de provenances diverses : « Dans la mesure où les sciences de la
communication  sont  une  interdiscipline,  elles  exigent  une  articulation  des  plus
rigoureuses  entre  les  différentes  propositions  théoriques  qui  fondent  leurs
analyses»  (p.  80).  Quelles  que  soient  les  limites  de  l’exercice,  force  est  ainsi  de
constater que ce manuel, « symbole par excellence du livre universitaire », brosse
le  portrait  des  sciences  de  l’information  et  de  la  communication  qui  inventent
leurs  propres  modes  de  structuration  de  la  «  culture  scientifique  »  que  Boure
recommande d’étudier.

Bibliographie
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BOUGNOUX,  Daniel  (2002),  Introduction  aux  sciences  de  la  communication,  Paris,  La
Découverte, Coll. « Repères ».
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d'OpenEdition et bénéficie de ses services, écrivez à : access@openedition.org.
BOURE,  Robert  (2002),  Les  origines  des  sciences  de  l’information  et  de  la
communication, Lille, Les Presses du Septentrion.
DOI : 10.4000/questionsdecommunication.7358
LE  COADIC,  Yves­François  (2004),  La  science  de  l’information,  troisième  édition,  Paris,
Presses universitaires de France, Coll. « Que sais­je ? ».
MATTELART,  Armand  et  Michèle  MATTELART  (2007),  Histoire  des  théories  de  la
communication, troisième édition, Paris, La Découverte.
MIÈGE, Bernard (2007), La pensée communicationnelle, Grenoble, Presses universitaires
de Grenoble, Coll. « La communication en plus ».
OLIVESI,  Stéphane  (dir.)  (2006),  Les  sciences  de  l’information  et  de  la  communication,
Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, Coll. « La communication en plus ».
OLLIVIER,  Bruno  (2000),  Observer  la  communication.  Naissance  d’une  interdiscipline,
Paris, CNRS Éditions.

Pour citer cet article
Référence électronique
Benoît Berthou, « Bruno OLLIVIER (2007), Sciences de la communication : théories et
acquis », Communication [En ligne], Vol. 28/2 | 2011, mis en ligne le 13 juillet 2011,
consulté le 20 juin 2015. URL : http://communication.revues.org/1941

Auteur
Benoît Berthou
Benoît Berthou est professeur à l’UFR des sciences de la communication, Université
Paris 13. Courriel : ben.berthou@orange.fr.

Droits d’auteur
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