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OLLIVIER (2007), Sciences de la communication : théories et acquis
Communication
Information médias théories pratiques
Vol. 28/2 | 2011
Lectures
Bruno OLLIVIER (2007),
Sciences de la
communication : théories et
acquis
Paris, Éditions Armand Colin, Coll. « U »
BENOÎT BERTHOU
Référence(s) :
Bruno OLLIVIER (2007), Sciences de la communication : théories et acquis, Paris, Éditions Armand
Colin, Coll. « U ».
Texte intégral
1 Cet ouvrage constitue un « manuel », dispositif éditorial entendant présenter
des travaux existants et esquisser les pistes de recherche au sein d’une discipline
donnée. Relevant d’un genre quelque peu paradoxal (puisqu’à la fois exhaustif
mais concis, descriptif et prospectif), cet ouvrage constitue ainsi une véritable
gageure : comment présenter au sein du « symbole par excellence du livre
universitaire » (comme mentionné dans la présentation de la collection « U ») des
savoirs vieux de seulement une « quarantaine d’années » (ainsi que le rappelle la
quatrième de couverture) et se plaçant en partie au fondement de disciplines
encore mal connues, voire contestées ? Telle est la question à laquelle répond ici
Bruno Ollivier au sein d’une collection dirigée par Yves Jeanneret et Emmanuel
Souchier.
Les « sciences de la communication »
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comme filiation
2 L’organisation de ce « manuel de référence » est ainsi signifiante : se fixant une
double mission (« repérer » et « aborder » théories et travaux), il se propose
implicitement de placer les « sciences de la communication » sous le signe de la
complexité et de présenter cellesci comme un vaste ensemble de travaux
s’inscrivant dans un temps long (débutant, selon Ollivier, avec les écrits de
Saussure) et nécessitant donc des outils d’orientation. Ce parti pris n’est pas sans
rappeler celui qu’adopte Daniel Bougnoux (2002), même s’il est ici (taille des
ouvrages de la collection « U » oblige) plus développé. À une « randonnée
critique » (Bougnoux, 2002 : 5) fait ainsi place un mode de présentation presque
patrimonial puisqu’organisé autour de deux parties d’inégale longueur. Aux
« Grands paradigmes utilisés en science de la communication » (161 pages)
présentant les pensées ainsi que les auteurs ayant permis de constituer et de saisir
ce nouvel objet scientifique succède l’étude des « Champs de recherche actuels »
(70 pages) structurant le champ scientifique ainsi ouvert. Le soustitre de
l’ouvrage (« théories et acquis ») présente une structure adoptant une
organisation strictement inverse à celle de Stéphane Olivesi (2006). Ses « Objets »
et champs de recherche actuels (147 pages) précèdent ses « Savoirs » (75 pages) et
acquis, et ce, pour des raisons exposées dans l’introduction : « À la différence d’un
manuel, cet ouvrage […] ne propose pas une somme de théories passées,
sélectionnées et juxtaposées avec plus ou moins d’àpropos » (Olivesi, 2006 : 5).
3 S’attachant à « présenter les principales matières enseignées en SIC sans les
couper de la recherche <vivante> et de ses résultats », le parti pris qu’adopte
Olivesi metil en évidence les risques inhérents à une entreprise comme celle de
Ollivier ? Force est de constater qu’il permet plutôt à celuici de mieux en dégager
l’originalité puisque « sélection » et « juxtaposition » se font dans une intention
clairement exposée dans l’introduction : mettre en évidence « les filiations, les
influences, mais aussi les conflits scientifiques qui entourent les sciences de la
communication» (p. 4). Contrairement à l’ouvrage (excellent) d’Olivesi, celui
d’Ollivier n’entend pas poser le problème d’un enseignement, mais semble avant
tout appréhender la communication comme un objet scientifique fait de relations,
susceptible de permettre de nouer des liens audelà des frontières des disciplines,
institutions et nations. D’où une constante volonté de ne pas chercher
d’incontournables points d’appui au sein de théories faisant pourtant référence,
car étant pensées comme extrêmement structurantes dans le champ scientifique
des « sciences de la communication ». En témoigne le traitement fort différent
réservé par ces deux auteurs aux travaux de Gregory Bateson : présentés comme
une « œuvre fondatrice » par Olivesi, ils sont à l’inverse intégrés, chez Ollivier, au
sein d’une longue lignée de réflexions sur les modes de communication à
l’intérieur du groupe créé par nombre d’écrits en provenance notamment de la
sociologie (p. 85113).
4 Faisant montre d’une constante volonté (qui n’est pas sans rappeler Mattelart
et Mattelart, 2007) d’inscrire les sciences de la communication dans le temps
long, Ollivier présente cellesci comme appartenant pleinement au champ des
sciences sociales et ne constituant nullement « une science de l’action, en
l’occurrence […] une science de l’ingénierie sociale » (Miège, 2007 : 107). Cette
position, qui n’est effectivement pas sans rappeler certaines des propositions de
« l’approche communicationnelle » définie par Miège, semble toutefois esquisser
une posture flatteuse, que fustige Olivesi, susceptible de verser dans « l’image
abstraite de la science que véhiculent habituellement les manuels » (p. 8). Car
force est de constater qu’en ne faisant aucune place à ce que Robert Boure (2002)
nomme « l’histoire non officielle » de la discipline ayant permis la propagation et
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la production des savoirs exposés ici, Ollivier fait parfois douter de la réalité de ces
mêmes savoirs et semble même ne leur accorder d’autre existence qu’idéelle. Son
ouvrage bute ainsi sur le paradoxe inhérent à tout manuel de ce type : le « symbole
par excellence du livre universitaire » ne semble pas pouvoir prendre en compte le
monde universitaire qui fournit pourtant ses auteurs ou lecteurs et lui donne donc
sens et chance. Ce faisant, sans doute ne permetil pas aux chercheurs et
étudiants de pleinement « s’interroger sur son héritage et de comprendre les jeux
et enjeux théoriques et institutionnels présents et passés » (Boure, 2002 : 41).
L’interdiscipline : un discours de la
méthode
5 La chose est d’autant plus regrettable que la rigueur du propos de Ollivier lui
permet de ne jamais verser dans l’hagiographie en faisant sans cesse primer les
objets (langage, sens, groupe, support, etc.) sur les auteurs (comme en atteste
d’ailleurs l’absence d’index des noms cités). Si « image abstraite » il y a, celleci ne
tient donc pas du who’s who, mais relève bien plus de la volonté de poser le
problème inhérent aux sciences de l’information et de la
communication : comment présenter une discipline qui se pense comme
interdiscipline, « le paradoxe de la discipline restant qu'elle se doit d'être fermée
par des frontières pour exister, tout en étant ouverte pour évoluer, s'adapter et
vivre » (Ollivier, 2000 : 11) ? Il s’agit dès lors de constituer un point de rencontre
entre savoirs, qui ne serait pas enfermé « dans un objet d’étude ni dans une
problématique unique » (p. 168), de circonscrire un espace académique sans que
celuici ne soit pour autant jamais clos, tout en démontrant que semblable
position n’est en aucun cas synonyme d’inconsistance scientifique, mais constitue
bien un autre mode de transmission et de construction du savoir. Cette position
est largement répandue dans le champ des sciences de l’information et de la
communication, depuis un Robert Escarpit luttant contre une vision trop
« instrumentale » de la communication jusqu’à un Bernard Miège n’ayant de
cesse de rappeler l’enjeu épistémologique majeur que constitue cette paradoxale
ouverture. Reste qu’expliciter semblable conception au sein d’une collection qui,
sans doute de par sa vocation première (préparer depuis 1968 au concours et plus
largement aux seconds cycles universitaires), fait peu de place à ce type
d’approches (l’esthétique ou les sciences cognitives n’y sont par exemple pas
vraiment représentées), constitue un véritable défi.
6 Si Les Sciences de la communication le relève, c’est avant tout à travers la
formulation de paradigmes, de « principes théoriques » susceptibles de « servir de
points de départ à un travail d’observation ou de recherche en sciences de la
communication » (Ollivier, 2007 : 4). Les « apports fondamentaux » (p. 61) de
chaque courant de pensée étudié sont ainsi présentés sous la forme d’une
énumération suivant systématiquement leurs exposés. Un important travail de
synthèse — qui aurait sans doute gagné à être éditorialement uniformisé pour
fournir des repères plus clairs au lecteur — vient donc organiser l’ouvrage.
L’ensemble ainsi pensé n’est ni schématique (puisque chacune de ces propositions
est contextualisée et directement liée à des travaux présentés plus largement) ni
réducteur (puisque les propositions constituent un vaste ensemble publié en
annexe, ce qui place cette espèce « d’abrégé des sciences de la communication »
sous le signe de la complexité). Nous sommes donc loin des quatre « nouveaux
paradigmes en science de l’information » (travail collectif, flot, usage, électron)
présentés par YvesFrançois Le Coadic (2004). Les « 200 hypothèses théoriques
pour construire des approches interdisciplinaires en Science de l’information »
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(p. 245), intitulé de la liste récapitulant en fin d’ouvrage l’ensemble de ces
« apports », représente en ce sens une entreprise qui semble ne pas avoir de réel
équivalent au sein de la discipline : elle ne fait ni office de corpus (et entend
fonctionner à côté des nombreuses bibliographies présentes dans l’ouvrage) ni
office de ces « vademecum » ou « aidemémoire » (trop ?) courants dans les
manuels (puisqu’elle est présentée sans enrichissements ni renvois d’aucune
sorte).
7 Semblable document éclaire à plus d’un titre notre question
d’introduction, d’abord par sa taille et par le nombre de ses propositions qui, pour
chacune d’entre elles, renvoient à plusieurs travaux fort conséquents. Est ainsi
clairement mise en avant l’image de sciences de la communication qui n’en sont
plus à leurs balbutiements. D’ores et déjà, étudiants, enseignants ou chercheurs
s’inscrivent dans un ensemble constitué et se doivent de gérer un héritage
empreint d’une diversité prenant avant tout la forme d’une hétérogénéité. Ainsi
que l’indique fort justement et à plusieurs reprises Ollivier, ces propositions ne
sont « pas toutes cohérentes entre elles, dans la mesure où toutes les sciences et
toutes leurs approches ne sont pas cohérentes entre elles » (p. 245). Et si se pose le
problème de l’interdiscipline, c’est ainsi avant tout par l’intermédiaire d’une
méthode permettant de tirer parti de cette multiplicité : « Il revient au chercheur
en communication de choisir et d’articuler celles [de ces propositions] qui lui
fourniront un cadre théorique cohérent et adapté aux phénomènes qu’il veut
observer» (p. 245).
8 Ces « 200 approches théoriques » offrent ainsi de penser une « cohérence » sur
le mode de la combinaison et de brosser le portrait d’une recherche trouvant
validité et légitimité dans la façon dont elle conçoit connexions et rencontres entre
ces « apports » de provenances diverses : « Dans la mesure où les sciences de la
communication sont une interdiscipline, elles exigent une articulation des plus
rigoureuses entre les différentes propositions théoriques qui fondent leurs
analyses» (p. 80). Quelles que soient les limites de l’exercice, force est ainsi de
constater que ce manuel, « symbole par excellence du livre universitaire », brosse
le portrait des sciences de l’information et de la communication qui inventent
leurs propres modes de structuration de la « culture scientifique » que Boure
recommande d’étudier.
Bibliographie
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BOUGNOUX, Daniel (2002), Introduction aux sciences de la communication, Paris, La
Découverte, Coll. « Repères ».
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d'OpenEdition et bénéficie de ses services, écrivez à : access@openedition.org.
BOURE, Robert (2002), Les origines des sciences de l’information et de la
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DOI : 10.4000/questionsdecommunication.7358
LE COADIC, YvesFrançois (2004), La science de l’information, troisième édition, Paris,
Presses universitaires de France, Coll. « Que saisje ? ».
MATTELART, Armand et Michèle MATTELART (2007), Histoire des théories de la
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Paris, CNRS Éditions.
Pour citer cet article
Référence électronique
Benoît Berthou, « Bruno OLLIVIER (2007), Sciences de la communication : théories et
acquis », Communication [En ligne], Vol. 28/2 | 2011, mis en ligne le 13 juillet 2011,
consulté le 20 juin 2015. URL : http://communication.revues.org/1941
Auteur
Benoît Berthou
Benoît Berthou est professeur à l’UFR des sciences de la communication, Université
Paris 13. Courriel : ben.berthou@orange.fr.
Droits d’auteur
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