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Dr Wilbert Kreiss

PASTORALE

DU

MARIAGE

© CENTRE DE DOCUMENTATION ET D’ETUDE CHRÉTIENNE


Sherbrooke, 2009
-1-
Préface

Il sera question dans cette Pastorale du Mariage de mariage, bien sûr, - et ce sera
l’occasion de rappeler ce qu’il est et comment Dieu l’a institué -, mais aussi de
l’amour conjugal sans lequel il n’est pas de mariage heureux et béni.

Il sera donc question aussi d’éthique sexuelle. Nous serons amené en particulier –
actualité oblige ! – à parler des relations sexuelles en dehors du mariage, de
cohabitation, de concubinage et de mariage à l’essai. Nous aborderons aussi le sujet
d’actualité et combien douloureux du divorce et du remariage. Nous nous
efforcerons de ne pas être légaliste, tout en tenant un langage clair et solidement
ancré dans la Bible. La tâche est ardue et ce qu’on dit ne plaît pas forcément. Mais
là n’est pas notre devoir. Ce que nous souhaitons par-dessus tout, c’est montrer la
beauté du mariage institué par le Seigneur, les bénédictions dont il est l’objet et le
bonheur qu’il sait procurer à ceux qui le vivent sous le regard de Dieu.

Pastorale du Mariage. Le titre a quelque chose de ronflant pour un opuscule qui se


veut bien modeste et qui n’est même pas entièrement mon œuvre. J’ai cité en effet
une page admirable du Réformateur Martin Luther et une autre page, bien belle
aussi, provenant d’une prédication du Pasteur Claude Ludwig. Enfin, je me suis
beaucoup inspiré d’un document publié il y a quelques années de cela par la
Commission de Théologie et de Relations Inter-Eglises de l’Eglise Luthérienne -
Synode du Missouri. Ceux qui ont l’habitude de lire ma prose reconnaîtront
cependant sans difficultés mon apport et ma touche personnels.

J’avais publié le présent opuscule en Juin 1996. Il s’agit donc d’une nouvelle
édition. Ce n’est pas une refonte entière, mais j’ai tenu à préciser certaines choses
et à en nuancer d’autres.

Puissent ces lignes, à une époque de grande permissivité qui a, - soi-disant pour
échapper à des contraintes qui empêchent l’homme d’être heureux -, perdu les uns
après les autres des repères absolument vitaux et qui en paie la facture amère,
rappeler quelques grandes vérités avec lesquelles on ne peut pas jouer car elles
viennent de Dieu et qui, justement parce qu’elles viennent de lui, restent les
sources incontournables du vrai bonheur.

W. Kreiss
Décembres 2001

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TABLE DES MATIÈRES

Pages

1 Amour et mariage 1
1.1 Qu’est-ce que le mariage ? 1
1.2 L’amour 3
1.3 Un beau texte de Martin Luther 10
1.4 Pourquoi l’amour sait attendre 14
1.4.1 Une vue chrétienne de la sexualité 14
1.4.2 Une seule chair 17
1.5 Vivre ensemble sans être mariés ? 21
1.5.1 La situation présente 22
1.5.2 Le désarroi d’un pasteur 24
1.5.3 Le plan de Dieu 25
1.5.4 Qu’est-ce que la Bible enseigne au sujet des relations sexuelles ? 28
1.5.5 Que faire pour inverser le cours des choses ? 34

2. Divorce et remariage 37
2.1 Divorce et remariage dans l’Ancien Testament 38
2.1.1 L’institution divine du mariage 39
2.1.2 L’essence du mariage 40
2.1.3 Divorce et remariage 43
2.2 L’enseignement de Jésus-Christ 45
2.2.1 Jésus-Christ et l’enseignement de l’Ancien Testament
2.2.2 L’enseignement du Christ sur le divorce et le remariage 49
2.3 L’enseignement de l’apôtre Paul 53
2.4 Résumé et conclusions 57
2.5 Le remariage en cas de divorce pour des raisons non bibliques 59
2.6 Le divorce des pasteurs 62
2.7 Eléments de cure d’âme 65

_______

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-5-
CHAPITRE

1
AMOUR ET MARIAGE

1.1 Qu’est-ce que le mariage ?

Le Petit Larousse définit le mariage comme l’union légale d’un homme et d’une femme,
précisant que le « mariage civil, qui est le seul reconnu par la loi, doit nécessairement
précéder le mariage religieux. Il est célébré par un officier de l’état civil après qu’il a été
procédé à des publications... Les époux se doivent fidélité et assistance. Le mariage ne
peut être dissous que par la mort d’un des époux ou par le divorce » 1. Il est donc une
institution sociale qui fait l’objet d’une législation mise en place par les autorités. Dans
nos démocraties modernes, le pouvoir législatif émet les lois, le pouvoir exécutif veille à
leur exécution et le pouvoir judiciaire poursuit les contrevenants. Etant donné que les
autorités ont été instituées par Dieu, qu’elles ont pour mission de veiller à la justice, la
paix et le bien-être, et qu’elles le font en particulier en protégeant la cellule primaire de
toute société que sont la famille et donc le mariage 2, l’Ecriture Sainte reconnaît leur
compétence dans le domaine matrimonial.

C’est pour cette raison que Luther appelait le mariage une « affaire de ce monde » 3.
L’expression est très juste. S’il est vrai, comme nous allons le voir, que Dieu a institué le

1
L’édition du Petit Larousse d’où provient cette définition (1987) date d’avant la législation sur le PACS.
2
Romains 13:1-7
3
« ein weltlich Geschäft ».

-6-
mariage en créant le premier couple humain, le mariage ne fait pas, à proprement parler,
l’objet d’une révélation et encore moins d’une législation divine. C’est du ressort des
autorités dont se dotent les peuples. C’est pourquoi la Bible utilise, pour parler de
l’union conjugale, des termes existant dans toutes les langues du monde, le verbe « se
marier » et le substantif « mariage », en ne leur donnant pas d’autre sens que celui que
les hommes leur ont donné. La seule chose que fasse l’Ecriture, après avoir relaté
l’institution divine du mariage, c’est d’affirmer son indissolubilité et de rappeler quels
sont les devoirs que Dieu impose aux époux. Toutes les nations possèdent un code civil,
et quand ce ne serait, pour les peuples dits primitifs, que sous une forme orale. C’est à ce
code civil que l’Eglise renvoie tous ceux qui lui demandent ce qu’est le mariage. Si par
contre quelqu’un veut savoir quels sont, selon la volonté de Dieu, les devoirs des époux,
elle montre aux gens ce qu’enseigne la Bible à ce sujet.

Le mariage est une « affaire de ce monde ». Mais il est aussi une institution divine,
quelque chose que Dieu, le Créateur du ciel et de la terre, a mis en place aux origines de
l’humanité et concernant quoi il a exprimé sa volonté dans la Bible. C’est pourquoi, si le
chrétien se soumet aux autorités instituées par Dieu, il se soumet aussi et en premier à la
volonté divine qui s’exprime dans l’Ecriture Sainte. Quand on l’interrogeait sur des
questions concernant le mariage 4, Jésus ne renvoyait pas ses interlocuteurs au code civil
en vigueur à l’époque ou aux tribunaux, comme il le fit quand on lui demanda un jour
d’intervenir dans une affaire d’héritage 5, mais rappelait à ses interlocuteurs la volonté
exprimée par Dieu lui-même quand il institua le mariage. Et l’apôtre Paul fit de même 6.
Résumons: Quand un chrétien demande à l’Eglise ce qu’est le mariage, elle le renvoie à la
législation de son pays. Quand il lui demande comment on doit se comporter dans le
mariage pour que la volonté de Dieu s’accomplisse, elle l’invite à ouvrir la Bible aux
pages où le Seigneur s’exprime à ce sujet.

Il peut y avoir conflit entre la Loi de Dieu révélée dans l’Ecriture et les dispositions mises
en place par les autorités civiles. Nous verrons cela en abordant le problème du divorce.
Etant donné que la volonté et les dispositions de Dieu sont saintes et bonnes, infaillibles
et éternellement valables, tandis que les hommes peuvent se tromper et se sont souvent

4
Matthieu 5:31.32; 19:3; etc.
5
Luc 12:14.
6
1 Corinthiens 7.

-7-
trompés en édictant des lois, il va de soi que le chrétien s’efforcera de toujours
conformer sa conduite à ce que le Seigneur a révélé dans sa Parole.

Le mariage est d’institution divine. C’est le Seigneur qui le mit en place lorsque,
constatant qu’il n’était pas bon que l’homme soit seul, il le plongea dans un profond
sommeil, créa une femme à partir de lui, la mena auprès de lui et la lui donna pour
épouse : « L’Eternel Dieu forma une femme de la côte qu’il avait prise de l’homme et il
l’amena vers l’homme. Et l’homme dit : Voici cette fois celle qui est os de mes os et chair
de ma chair ! On l’appellera femme, parce qu’elle a été prise de l’homme. C’est pourquoi,
l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et ils deviendront une
seule chair » 7.

Le but du mariage institué par Dieu est multiple. Dieu l’a institué pour mettre fin à la
solitude de l’homme et lui permettre de s’épanouir dans la communion entière,
physique, mais aussi mentale et affective avec une compagne semblable à lui. Le mariage
est aussi le moyen institué par lui pour procréer, croître, se multiplier et remplir la terre
: « Dieu les bénit et leur dit : Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre et
l’assujettissez » 8. Dans un monde déchu, où l’homme a du mal à contrôler ses instincts et
à maîtriser ses sens, le mariage est enfin, selon la conviction de l’apôtre Paul, un moyen
de lutter contre l’impudicité. C’est pourquoi, il encourage tous ceux qui n’ont pas le don
de continence à se marier 9. Pour toutes ces raisons, le mariage est une chose bonne,
utile, capable de procurer à l’homme bonheur et joie. Il n’appartient à personne de le
déprécier, voire de l’interdire, mais tous sont appelés à le tenir en haute estime : « Que le
mariage soit honoré de tous et le lit conjugal exempt de souillure, car Dieu jugera les
débauchés et les adultères » 10.

Le mariage est un lien indissoluble qui doit durer jusqu’à ce que la mort sépare les époux
: « Ainsi ils ne sont plus deux, mais ils sont une seule chair. Que l’homme donc ne sépare
pas ce que Dieu a joint » 11. C’est dire que le divorce est par définition contraire à la
volonté de Dieu. Il n’est, comme nous le verrons ci-dessous, possible que dans un cas

7
Genèse 2:22-24. A noter que dans Matthieu 19:5, Jésus attribue ces dernières paroles non pas à Adam, mais à Dieu. Sans aucun
doute pour affirmer qu’en les prononçant, Adam était inspiré par Dieu et exprimait sa volonté.
8
Genèse 1:28.
9
1 Corinthiens 7:2.
10
Hébreux 13:4.
11
Matthieu 19:6.

-8-
bien précis, lorsqu’il y a rupture du lien conjugal par l’adultère ou ce qu’on appelle la
désertion malicieuse.

Les devoirs des époux sont magnifiquement exprimés par l’apôtre Paul dans le texte
suivant que nous citerons sans le commenter, tant il peut se passer de commentaire :
« Femmes, que chacune soit soumise à son mari, comme au Seigneur, car le mari est le
chef de la femme comme Christ est le chef de l’Eglise, qui est son corps et dont il est le
Sauveur. Or, de même que l’Eglise est soumise à Christ, les femmes aussi doivent l’être à
leur mari en toutes choses. Maris, que chacun aime sa femme comme Christ a aimé
l’Eglise et s’est livré lui-même pour elle... C’est ainsi que le mari doit aimer sa femme
comme son propre corps. Celui qui aime sa femme s’aime lui-même. Car personne n’a
jamais haï sa propre chair, mais il la nourrit et en prend soin, comme Christ le fait pour
l’Eglise... C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, s’attachera à sa femme, et
les deux deviendront une seule chair. Ce mystère est grand. Je dis cela par rapport à
Christ et à l’Eglise. Du reste, que chacun de vous aime sa femme comme lui-même, et que
la femme respecte son mari » 12.

Dieu a promis de bénir les époux. Cette bénédiction est là, offerte à tous, mais n’est
appropriée que par un coeur croyant qui se soumet à sa volonté. La crainte, l’amour de
Dieu et la confiance en ses promesses sont donc les garants d’un mariage heureux. C’est
pourquoi saint Paul veut qu’on se marie « dans le Seigneur » 13. Les mariages mixtes sont
dans la grande majorité des cas, si l’un ou l’autre des conjoints entend rester fidèle à sa
foi, source de difficultés et de problèmes qu’il vaut certainement mieux éviter en
épousant un partenaire partageant la même foi. Cependant la mixité peut se situer à
différents niveaux : elle peut consister en ce que l’un des partenaires est croyant, tandis
que son conjoint est un incrédule manifeste, ou bien un incrédule attentif, prêt à se
laisser instruire dans la foi. Elle peut consister aussi en ce que les deux conjoints sont
des croyants, mais membres d’Eglises différentes et ne partageant pas en toutes choses
la même confession de foi. Les couples mixtes font pour ces raisons l’objet d’une cure
d’âme particulière.

12
Ephésiens 5:22-33.

-9-
Comment peut-on expliquer que le mariage existe dans toutes les civilisations du monde,
même si
c’est sous des formes variées ?

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Dans quel sens le mariage est-il, selon Luther, une « affaire de ce monde » ?

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1.2 L’amour 14

« On ne parle pas bien du mariage tant qu'on ne parle pas de l'amour. Sans amour il ne
peut pas y avoir de mariage solide et durable. Nous ne parlerons pas ici des choses
intimes qui concernent l'instinct et la sexualité. Dieu a si bien fait les choses qu'il n'est
pas nécessaire de donner des leçons. Du reste, l'instinct est si fort et même parfois si
violent que, bien souvent, il y a intimité sans amour, envie sans affection, désir sans
respect. « Faire l'amour », ce n'est pas encore aimer. N'est-il pas vrai qu'on « fait

13
1 corinthiens 7:39.
Le texte de ce chapitre intitulé L’Amour est du Pasteur Claude Ludwig et tiré de la monographie Je vais me marier / Pastorale
14

de la vie conjugale.

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l'amour » avec une prostituée, avec la petite amie, rencontre fugitive des vacances, avec
une maîtresse ou avec le partenaire adultère ? Il n'y a, dans cette manière de concevoir
l'amour, que la satisfaction de l'instinct qui n'est alors qu'un appétit passager, un
vagabondage des sens, sans promesse, sans respect, sans affection, sans fidélité, sans
attache et sans responsabilité. Cette façon de « faire l'amour » n'est que la recherche du
plaisir égoïste. C'est pourquoi il y a partout, sur ce plan-là, tant de sentiments faux, tant
de désillusions et tant de misères dans ces étreintes fugitives. La Bible appelle cet amour
hors mariage « impudicité ».

Mais l'amour dont il convient de parler est d'une dimension tout autre. C'est avant tout
l'affection sérieuse, tendre et prévenante envers l'autre pour la durée de la vie. Un tel
sentiment implique la fidélité, le sens du devoir et du sacrifice, l'attention chaque fois
renouvelée, la prévenance, la tendresse, la consolation, le partage et tant d'autres
qualités.

Tant de prédicateurs, quand ils prêchent à l'occasion d'un mariage, parlent trop, à mon
sens, de l'institution du mariage, et pas assez de l'amour dans le mariage, qui est la
qualité essentielle avant toutes les autres considérations. Ne crois pas, parce que tu
éprouves envers ta fiancée, des sentiments enflammés et que tous tes feux brûlent pour
elle, que ton mariage est une affaire réglée. La vie commune te montrera vite que rien
n'est plus fragile que l'amour, et que les envies de l'instinct sont une chose, celles de
l'amour véritable une autre. La conjonction de vos caractères, la lassitude, l'agacement,
l'habitude et tant d'autres choses ne tarderont pas à entamer vos beaux sentiments.

Ne crois pas, parce que tu veux te marier et que l'amour te donne des élans et des
sentiments ardents et nobles, que tu as désormais de l'amour à revendre. Ici aussi, il faut
appliquer la Parole de l'Ecriture : « L'esprit est prompt, mais la chair est faible ».

La Bible nous replace devant la vérité. Jésus dit : « Tu aimeras ton prochain comme toi-
même ». Dans le mariage, Dieu place dans ta vie un prochain particulier : c'est l'époux ou
l'épouse. Il te donne aussi, dans ce jardin particulier, les joies et les plaisirs de la
sexualité. De plus, il te charge de devoirs particuliers : l'affection, la fidélité, la

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responsabilité, l'entraide, etc. Autrement dit : tout faire pour que ce prochain particulier
soit constamment heureux par toi et toi par lui.

Bien parler de l'amour dans le mariage, c’est commencer par dire aux époux : Mes amis,
n'oubliez jamais ce que je vous dis : Depuis la chute du genre humain dans le péché,
sachez que ce qui vous manquera le plus dans le mariage, c'est l'amour. Attendez de
connaître la vie commune avec ses problèmes, ses devoirs, ses difficultés, ses habitudes
et ses lassitudes, et vous verrez que je dis vrai. Précisément, puisque depuis la chute,
l'amour vous fait tellement défaut, il est essentiel que vous demandiez à Dieu, si du
moins vous le considérez comme votre Père bien-aimé, de vous donner l'amour, et que
chaque jour que vous passez ensemble vous le demandiez, comme vous demandez aussi
le pain et tout ce qui est nécessaire à l'entretien de la vie. Trop de couples, forts de leurs
sentiments tout jeunes et tout frais, entrent dans le mariage comme des maîtres de
l'amour, si bien qu'ils pensent à tout : à la fête, à la voiture, à l'appartement, au mobilier,
au confort, a l'argent, mais ils ne songent pas à l'amour, puisqu'il est si naturel de
s'aimer. Et pourtant, l'amour est le bien suprême dans un mariage. C'est à lui qu'il faut
songer en premier, en le plaçant entre les mains de Dieu. Il faut si peu de chose pour
qu'il s'écroule, une bouderie, un entêtement, une parole ou une attitude malheureuse, et
déjà viennent la suspicion, l'accusation, le reproche, les paroles dures, les propos
vexants, et surtout quelque chose d'horrible : c'est toujours l'autre qui est moche.

Mes amis, mendiez l'amour auprès de votre Dieu, car rien n'est plus fragile, rien n'est
plus difficile ! Depuis que le péché règne, nous ne sommes pas des maîtres en amour,
mais de petites choses fragiles, instables, douées de sentiments bien pauvres et bien
petits.

Cette parole de l'Evangile que Jésus applique à la foi, vaut aussi pour le mariage :
« Veillez et priez, afin que vous ne tombiez pas dans la tentation ». Nous devons veiller,
d'autant plus que dans le mariage, nous mettons en commun nos péchés. Et le diable, qui
n'aime pas le mariage, parce que c'est une oeuvre divine, sait comment exploiter, l'un
contre l'autre, votre capital péché. Je le dis et je le répète: Demandez l'amour, puisque
par nature nous ne sommes pas des artisans d'amour. Ce n'est pas sans raison qu'il y a

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partout des couples si malheureux, déchirés par la haine, la jalousie, les griefs et
finalement les divorces.

S'il est vrai que Dieu a voulu le mariage et dans le mariage l'amour, s'il est vrai que Jésus
a dit : « Que l'homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni », alors nous pouvons être
certains qu'il veut nous donner, dans le mariage, beaucoup d'amour. Et quand Dieu
donne l'amour, soyez sûrs qu'il y a tout : le pardon réciproque, l'affection tendre et
solide, des sentiments renouvelés et durables, l'émerveillement de vivre avec l'autre, le
respect de l'être cher, un coeur chargé d'émotion, une attention touchante. Dans cet
amour-là, il y a une intimité remarquable, une complicité merveilleuse. Là on regarde la
vie dans la même direction et là on a envie de se battre, ensemble, pour le bonheur du
foyer et des enfants.

Imaginons ce jeune couple qui s'apprête pour les noces. Elle, elle est belle comme une
princesse. Elle est tout affairée à sa coiffure, son maquillage, sa robe, ses souliers. Lui, de
son côté, ajuste son costume, se recoiffe pour la troisième fois. Il est beau comme un
dieu. Oui, ils sont faits pour s'aimer. A ce moment, si quelqu'un leur demandait : « Vous
aimez-vous? », ils prendraient cela presque pour une insulte. Mais ont-ils seulement
songé à prier pour leur amour ? Puisque l'amour est une qualité si haute et si sérieuse,
et puisque par nature il est si difficile de s'aimer, il faut que Dieu en prenne soin.

Tant de jeunes ne croient plus à l'amour, ou si peu. Ils ont été meurtris par de mauvaises
expériences, ils ont été blasés par le jeu de l'amour. Ils ont été déçus par le divorce des
parents. Ils ont vu, autour d'eux, tant de couples déchirés. Jésus, qui est le Sauveur de
nos âmes, veut aussi être l'artisan de l'amour dans le mariage. Parce qu'il est un
Seigneur qui s'y entend en amour et en sacrifice, il a les moyens de purifier et de
renouveler la tendresse, la gentillesse, la prévenance, l'affection et toutes les qualités de
l'amour. Il ne placera pas un scorpion dans le lit conjugal lorsque les époux lui
demandent l'amour. Mais pourquoi faut-il que nous soyons si peu ardents à le prier pour
lui demander des choses aussi grandes ?

Ils ont raison, ceux qui disent que le mariage est une école de pardon et d'amour. Mais
encore faut-il que l'instructeur de cette école soit le Seigneur lui-même pour que les

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époux apprennent de lui les bonnes leçons sur l'amour, car autrement, cette école risque
d'être l'endroit où l'on apprend la haine, l'amertume et les blessures.

La parole du psalmiste reste vraie et s'applique très bien au mariage, lorsqu'il dit : « Si
Dieu ne bâtit la maison, ceux qui la bâtissent travaillent en vain ». Que les mariés qui ont
des oreilles pour entendre, entendent!

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1.3 Un beau texte de Luther

« Pour ne pas errer en aveugle, mais agir chrétiennement, considère comme acquis que
mari et femme sont l’oeuvre de Dieu. Retiens ton coeur et ta bouche, ne proteste pas
contre son oeuvre et ne dis pas qu’elle est mauvaise, alors que lui-même la déclare
bonne. Il sait mieux que toi-même ce qui est bon et utile. Ne dit-il pas dans Genèse 2:18 :
« Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Je lui ferai une aide semblable à lui »? Ainsi, tu
peux constater qu’il dit de la femme qu’elle est une aide et qu’elle est bonne. Si tu n’es
pas de cet avis, tu es seul responsable de ne pas comprendre ni croire la parole et
l’oeuvre de Dieu. Vois-tu, avec cette seule citation on peut fermer la bouche à tous les
détracteurs du mariage.

Puisque les jeunes gens peuvent être induits en erreur par la lecture de livres païens et
qu’ils entendent de toute part les mêmes plaintes, il importe qu’ils ne soient pas atteints
par ce poison. Car Satan ne prend pas plaisir à une belle vie conjugale, conforme à
l’oeuvre et à la volonté de Dieu. Voilà pourquoi il a provoqué tant de cris et suscité tant
de contestation, de manière à dissuader les gens à vivre saintement et les maintenir
prisonniers des prostituées et de leurs péchés secrets. Je ne crois pas me tromper en
disant que Salomon, qui par ailleurs s’est élevé avec force contre les femmes de
mauvaise vie, s’adressait à de tels impies quand il disait : « Celui qui trouve une femme

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trouve le bonheur : C’est une grâce qu’il obtient de l’Eternel » (Proverbes 18:22). En quoi
consistent cette grâce et ce bonheur ? C’est ce que nous allons voir.

Les incroyants disent du mariage : « Un court bonheur et un long malheur ! » Mais


laissons-les dire ce qu’ils veulent ; n’ont-ils pas pour habitude de toujours s’opposer à la
création et à la volonté de Dieu ? A mon avis, pour ce qui est des joies et des plaisirs
qu’ils ont en dehors du mariage, il faut les laisser seuls avec leur conscience. Mener une
bonne vie conjugale et y attacher du prix sont deux choses bien différentes. Quiconque
mène une vie conjugale sans y attacher du prix, aura une vie faite de déplaisir, de peines
et de plaintes. Il gémira et blasphémera comme les impies et les incroyants
déraisonnables et aveugles. Mais ceux qui savent y attacher du prix auront une vie faite
de plaisir, d’amour et de joie, comme le dit Salomon : « Celui qui trouve une femme
trouve le bonheur ». Ceux qui y attachent du prix sont ceux qui croient fermement que
Dieu a institué le mariage, l’union de l’homme et de la femme, pour avoir des enfants et
en prendre soin. Voilà ce qu’il a voulu. En cela, ils peuvent s’appuyer sur la Parole de
Dieu dont ils ont la certitude qu’elle ne ment pas (Genèse 1:33). C’est pourquoi ils ont
l’assurance que le mariage lui est agréable, malgré tout ce qu’il apporte de souffrances et
de peines. Alors, dis-moi, y a-t-il une plus grande bénédiction, paix et joie qu’en Dieu,
quand on a la certitude que l’état dans lequel on se trouve et la vie qu’on mène lui sont
agréables ?

Vois-tu, c’est cela, trouver une femme. Nombreux sont ceux qui ont la femme, mais peu
en trouvent. Pourquoi ? Ils sont aveugles et ne se rendent pas compte que ce qu’ils
vivent et font en commun avec leur femme est l’oeuvre et la volonté de Dieu. S’ils le
savaient, il n’y aurait pas de femme trop laide, trop méchante, trop désagréable, trop
pauvre, trop malade pour ne pas éprouver auprès d’elle une joie parfaite. Il leur suffirait
de se rappeler l’oeuvre, la création et la volonté de Dieu. En se rendant compte que c’est
là sa sainte volonté, ils éprouveraient la paix dans la détresse, le bonheur dans le
malheur, la joie dans la tristesse, comme les martyrs dans leurs souffrances. Il ne
manquerait plus que nous jugions de l’oeuvre de Dieu d’après nos propres sentiments,
en recherchant non pas sa volonté, mais la satisfaction de nos désirs. Nous sommes
incapables de reconnaître ses oeuvres. Nous considérons comme mal ce qui est bien et

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gémissons là où nous devrions sauter de joie. Rien n’est trop dur, y compris la mort, qui
ne soit supportable et doux, si je sais avec certitude que Dieu y prend plaisir.

Vois donc, quand cette putain de raison considère la vie conjugale, elle fait la moue et dit
: Allons donc, vais-je bercer l’enfant, laver les couches, faire les lits, sentir la puanteur,
veiller la nuit, guetter ses cris, soigner ses croûtes et sa vérole, puis prendre soin de la
femme, la nourrir et travailler, peiner ici et là, faire ceci et faire cela, endurer tant et plus,
sans compter tous les autres maux et malheurs qu’entraîne le mariage ? Allons, vais-je
être l’esclave de tout cela ? Pauvre bougre, pourquoi as-tu pris femme ? Tu n’es pas sorti
de l’auberge, mon vieux ! Il vaut mieux être libre et sans soucis et mener une vie
tranquille ! Je me ferai moine ou nonne, et dirai à mes enfants de faire de même.

Mais que fait le chrétien? Il regarde ces travaux modestes, désagréables et méprisés avec
les yeux de l’Esprit et constate qu’ils sont tous parés de bienveillance divine comme d’or
et de perles, et dit : « Honneur à toi, Dieu, car je sais que tu m’as créé homme et que tu as
donné la vie à l’enfant que j’ai engendré ! » C’est pourquoi, j’ai aussi l’assurance que cela
t’est parfaitement agréable et je confesse que ne je suis pas digne de bercer l’enfant, ni
même de laver ses couches ou de prendre soin de lui et de sa mère. Comment ai-je pu
être élevé à cette dignité ? Où sont les mérites qui me valent de servir ta créature et ta
volonté ? Ah, combien il m’est agréable de le faire, et d’accomplir des tâches encore plus
modestes et plus méprisables ! Que ni le froid ni la chaleur, ni la peine ni le labeur ne me
découragent, puisque j’ai l’assurance que cela t’est agréable !

Que la femme raisonne de même en allaitant, berçant et baignant l’enfant ou en


faisant tout autre travail, en aidant son mari et en lui étant soumise, car ce sont là autant
d’oeuvres précieuses et nobles. C’est ainsi qu’il faut aussi consoler et fortifier une femme
en couches, non pas avec les fables de sainte Marguerite et d’autres sornettes de bonnes
femmes, mais on lui parlera de la façon suivante : « Souviens-toi, ma chère, que tu es une
femme et que ce qui t’arrive plaît à Dieu. Trouve réconfort et joie dans sa volonté, et
permets-lui de disposer de toi ! Fais tout pour donner l’enfant ! Dois-tu en mourir ? Alors
va, bienheureuse qui meurs en accomplissant une oeuvre noble et dans l’obéissance à
Dieu ! Oui, si tu n’étais une femme, tu devrais souhaiter l’être, rien que pour pouvoir
accomplir cette oeuvre, souffrir et mourir dans la soumission à la volonté de Dieu. C’est

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ce qu’enseigne la Parole de Dieu : Tu as été créée ainsi, la souffrance de l’enfantement
fait partie de ta nature. N’est-ce pas, comme le dit Salomon, trouver bienveillance auprès
de Dieu, au milieu d’une telle détresse ?

A présent, dis-moi, si un homme lavait les couches ou accomplissait toute autre humble
tâche en faveur de l’enfant, et si tout le monde se moquait de lui, en le traitant de pantin
ou d’efféminé, alors qu’il le ferait dans l’esprit et dans la foi chrétienne dont nous avons
parlé, lequel se moquerait le mieux ? Dieu rit avec tous les anges et les créatures, non
pas de ce qu’il lave les couches, mais de ce qu’il le fait avec foi. Quant aux moqueurs, qui
ne voient que le travail et pas la foi, Dieu se moque d’eux avec toutes ses créatures ; il les
considère comme les plus grands idiots du monde, car finalement, ils se moquent d’eux-
mêmes et sont, avec leur sagesse, les pantins du diable.

Je dis cela, parce qu’il n’y a pas de chose plus noble que le mariage que Dieu a institué. Il
repose sur la Parole et la bienveillance de Dieu, cette Parole et cette bienveillance qui
rendent saintes, divines et précieuses toutes les oeuvres et souffrances des époux.

Parler chrétiennement du mariage, c’est parler de ce qui fait sa grandeur, confesser qu’il
repose sur la Parole de Dieu. Que chacun, le mari et la femme, le sache ! Aucun roi dans
sa parure, pas même le soleil ne brillera pour eux avec autant d’éclat et de beauté. En
effet, dans sa Parole Dieu t’offre et te donne ta femme ou ton mari, en te disant : « Celui-
ci sera ton mari, celle-ci sera ta femme. J’aime cela, et tous les anges et toutes les
créatures y prennent plaisir ! »

Fasse Dieu que chacun voie les choses ainsi et dise de tout coeur : « Je sais que vivre avec
mon mari ou ma femme plaît à Dieu, car c’est lui qui a institué et prescrit le mariage et
qui me le dit dans sa Parole. Cette Parole console les époux et leur donne une bonne
conscience ».

- 17 -
1.4 Pourquoi l’amour sait attendre 15

Si vous avez l'âge de vous marier, mais que vous ne l'êtes pas encore, vous vous posez
dans doute certaines questions au sujet des relations sexuelles avant le mariage : Que
pense l'Eglise de la sexualité, de l'amour, de la vie conjugale ? Dans quelle mesure le jeu
de l'amour, le flirt, peut-il nuire ? La chasteté n'est-elle pas démodée ? Si je suis vraiment
amoureux, pourquoi n'aurais-je pas le droit d'aller jusqu'au bout ? Pourquoi l'Eglise
condamne-t-elle les relations sexuelles en dehors du mariage, même durant les
fiançailles ?

Trop souvent on ne fait qu'éviter purement et simplement le sujet. Mais il faut que vous
soyez informés non seulement sur les mystères de la biologie, mais aussi sur les
phénomènes émotionnels relatifs au sexe, si vous voulez goûter la profonde expérience
créatrice qu'offre l'amour.

1.4.1 Une vue chrétienne de la sexualité

1.4.1.1 Sexualité et création

Beaucoup de jeunes s'imaginent à tort que l'Eglise chrétienne élève une barrière autour
de la sexualité comme s'il s’agissait d'une chose laide et mauvaise. En fait, c'est le
contraire. L'Eglise chrétienne protège la vie sexuelle des chrétiens, parce qu'elle est
sainte et bonne. La sexualité fait partie de l'oeuvre divine de la création. Elle est un don
de Dieu, et par conséquent bonne. C'est une faute que de considérer la sexualité comme
impure et mauvaise. On ne peut confesser la doctrine de la création sans accepter la
réalité de son corps, procréé par l'intermédiaire des parents, bien entendu, mais non
moins créé par Dieu. Et dans l'acceptation de ce corps on ne peut procéder à un tri.
Ainsi, on ne peut pas dire : « J'accepte mes mains qui sont bonnes, mais non pas mon

15
Le texte de ce chapitre est une libre adaptation d’une monographie d'Irène Soehren destinée aux jeunes chrétiens: Why love asks
you to wait, éditée par le Concordia Publishing House de Saint Louis, USA, 1961.

- 18 -
coeur malade », ni : « Mon nez est parfait, mais mes organes sexuels sont mauvais ». Dieu
a fait toutes les parties du corps humain et déterminé leurs fonctions. Toutes nous sont
données pour en user, et non pour en abuser, pour en jouir et non pour les malmener. Le
corps du chrétien est le temple de Dieu et la demeure du Seigneur ; il n'est donc, en soi,
ni honteux ni indécent. Il en va de même de l'acte sexuel que la Bible présente comme un
don de Dieu. Accepter la doctrine de la création signifie assumer la vie intime avec joie et
reconnaissance. Agir autrement équivaut à refuser l'oeuvre de Dieu. Combien cette
jeune mariée aurait-elle été surprise, si elle avait su que ses noces à Cana en Galilée
allaient devenir les plus célèbres de l'histoire ! Jésus, en assistant à ses noces, tout au
début de son ministère, montra la beauté et le bien-fondé du mariage. Quant à Paul, il
recommande aux époux de ne pas s'abstenir trop longtemps, et quand ce serait pour
jeûner et prier. Dans ses épîtres aux jeunes Eglises, loin de rabaisser la sexualité, il la
salue comme un mystère analogue à l'amour du Christ pour son Eglise. Quiconque prend
la Bible au sérieux, doit cesser de parler de la sexualité comme l'avocat le fait d'un
coupable.

1.4.1.2 Sexualité et péché

L'homme peut pécher dans sa vie sexuelle comme dans n'importe quel autre domaine.
Dans toute activité, et la sexualité ne constitue pas une exception, il peut mal agir et le
fait constamment, et quand ce ne serait que par faiblesse. Doué de volonté et
d'intelligence, il est capable d'aimer, de procréer, voire de créer. Cependant, sa vie est
parsemée de fautes et d'errements. Souvent même, hélas, de perversions. Ce que Dieu lui
donne n'est jamais mauvais en soi ; seul peut l'être l'usage qu'il en fait. Ainsi, le Seigneur
lui a donné la sexualité afin qu'il en fasse l'instrument de la procréation. L'homme est de
ce fait chargé de contribuer par la sexualité à la gloire de Dieu et de réaliser sa volonté
créatrice. En même temps, il a reçu avec la sexualité un don qui lui permet de s'épanouir
et de vivre avec son conjoint dans une merveilleuse communauté d'amour, d'intimité et
de fidélité. Mais, corrompu dans son âme et son corps, il méconnaît la beauté et la
sainteté de cette oeuvre divine et refuse de marcher dans la voie des commandements
de son Créateur. Dominé par l'impureté, la convoitise, l'égoïsme, l'orgueil et le mépris du

- 19 -
prochain, il cherche un autre bonheur que celui que Dieu veut lui offrir, d'où les vices, la
mauvaise conscience, les tourments, les remords, la honte, la déchéance et la
réprobation divine.

Quiconque a recours aux relations sexuelles en dehors du mariage, le regrette


généralement par la suite. Patrick et Geneviève, tous les deux collégiens, avaient projeté
de se marier dès qu'ils auraient passé leurs examens. Ils s'aimaient profondément. Parce
qu'ils avaient de l'amour une conception belle et pure, empreinte de confiance et de
fidélité réciproques, ils croyaient que les promesses qu'ils avaient échangées lors de
leurs fiançailles équivalaient déjà au mariage. Aussi se demandèrent-ils : Pourquoi ne
ferions-nous pas l'amour ? C'est ce qu'ils firent, puis ils se marièrent après les examens.
Deux ans plus tard, Geneviève, gagnée par le christianisme, se mit à fréquenter l'Eglise et
à lire la Bible et d'autres ouvrages chrétiens. Elle sentit que d'une manière ou d'une
autre, leur expérience sexuelle avant le mariage avait été mauvaise. Sans savoir
comment ni pourquoi. Elle alla trouver son pasteur et en discuta avec lui. Il lui dit qu'ils
avaient mal agi. Geneviève comprit pourquoi. Elle s'en repentit et trouva l'apaisement
dans le pardon de son Dieu.

1.4.1.3 Sexualité et grâce

Jésus enseignait qu'un homme n'est pas vertueux du fait qu'il s'abstient de commettre
adultère, s'il demeure rempli de convoitises coupables. Il faut une transformation
intérieure pour mettre fin au conflit qui oppose nos désirs à nos actions, nos aspirations
à la volonté de Dieu. L'Evangile nous révèle que Dieu nous aime. Il a envoyé son Fils pour
expier toutes nos fautes, y compris les pensées et convoitises secrètes du coeur.
L'homme qui croit en Jésus et au pardon qu'il a acquis sur la croix, devient une créature
nouvelle : il aime Dieu, veut accomplir sa volonté et trouve dans l'Evangile et dans la
certitude du pardon la force de vivre avec pureté. Il n'en demeure pas moins un pécheur,
mais un pécheur racheté qui ne veut plus se livrer au péché, même s'il souffre encore de
beaucoup de faiblesses. Sa vie sexuelle est incluse dans sa rédemption tout entière. Elle
ne doit pas être rabaissée au second rang, car elle est une partie de toute sa personne.

- 20 -
1.4.2 Une seule chair

Jésus, citant la Genèse, dit : « L'homme quittera son père et sa mère et s'attachera à sa
femme, et les deux deviendront une seule chair ». Quel est le sens de ces paroles?

Elles signifient que dans le mariage l'un reçoit l'autre des mains de Dieu. En
agissant librement et par consentement mutuel, deux êtres humains découvrent qu'ils
s'aiment, se rencontrent et réalisent une union pleine et entière, à tous les niveaux. Deux
existences entières, deux personnalités distinctes fusionnent en une seule, l'une
complétant l'autre. Beaucoup plus qu'une simple union de deux corps, elle est la
communion de deux existences sur les plans psychologique, spirituel et social. L'amour
véritable comporte le don et l'abandon de soi. C'est le renoncement à toutes les réserves
en vue d'une engagement mutuel inconditionnel, et cela pour la vie entière. De vrais
amoureux sentent qu'ils ont été destinés l'un à l'autre, et ne peuvent plus concevoir leur
amour autrement que comme un amour durable.

Dans l'acte sexuel, l'un fait à l'autre un don irrévocable. Quelque chose d'ineffaçable les
marque tous les deux. C'est pourquoi, même chez la prostituée cet acte laisse sa marque
et son souvenir. Elle a été rachetée par le Christ et créée pour le salut éternel, bien
qu'elle soit rebelle et se condamne elle-même. C'est pourquoi, ceux qui « usent » d'elle et
qui l'exploitent s'anéantissent eux-mêmes, en même temps qu'ils méprisent celle dont
ils veulent tirer du plaisir. Aucune relation illicite et contraire à la volonté de Dieu, et
quand il s'agirait d'une aventure passagère, ne peut être insignifiante.

Après l'expérience sexuelle, l'homme et la femme ne peuvent plus être ce qu'ils ont été
auparavant. Une femme est émotionnellement beaucoup plus affectée que l'homme.
Cependant il y a changement chez les deux. Le mari révèle à la femme ce que signifie être
femme, et inversement. Seul, l'homme ne peut résoudre entièrement l'énigme de la
masculinité, ni la femme celle de la féminité. Ensemble ils trouvent dans l'expérience
sexuelle la réponse à leurs questions les plus personnelles. C'est la raison pour laquelle
la Bible utilise le verbe « connaître » pour parler des rapports sexuels. Ce terme
n'acquiert sa pleine signification que s'il est appliqué aux rapports sexuels entre les

- 21 -
époux. Toute activité sexuelle en dehors du mariage demeure une caricature de ce
mystère.

L'un des principes de base de la morale chrétienne est le respect de la personne.


L'amour chrétien est un amour de personne à personne , et non d'objet à objet ou de
personne à objet. C'est le « Je - Tu » et non pas le « Moi - Cela ». Le premier souci des
époux chrétiens est le respect et l'épanouissement de la personnalité de l'autre. Un être
qu'on aime n'est pas un objet dont on use, qu'on exploite pour le rejeter finalement.
L'amour véritable est désintéressé. L'amoureux a changé l'orientation de sa vie. Il vit
pour l'autre et par l'autre. Il ne cherche pas simplement son propre bonheur, mais désire
de tout coeur celui de l'être qu'il chérit. Chacun souhaite à l'autre plénitude de vie,
épanouissement de la personnalité, développement de ses meilleurs dons. Tout est mis à
contribution, esprit et corps, idéaux et souhaits, tandis que les rapports sexuels avant le
mariage constituent une violation de la personnalité de l'autre. Souvent l'un ne cherche
par là qu'à exploiter l'immaturité ou les besoins émotionnels de l'autre, et ceci pour sa
propre satisfaction.

Le véritable fondement des rapports humains apparaît pleinement dans le mot grec
« agapè ». La langue grecque dispose de trois mots pour parler de l'amour : « éros »,
« philia » et « agapè ». « Eros » est l'amour physique. Il est suscité par l'instinct, lui-même
sollicité par l'attrait physique de l'autre. « Philia » est l'affection qui unit des amis.
L'« agapè », par contre, est la vertu propre au christianisme. Il est l'amour tel que le
Christ l'a manifesté. Certes, le mot existait déjà auparavant, mais le christianisme lui a
donné un sens nouveau et une portée différente. « La charité » 16, nous dit Paul, « est
patiente, elle est pleine de bonté ... La charité ne périt jamais » (1 Corinthiens 13).

En Christ, Dieu manifeste son amour « agapè ». Il nous aime le premier, parce que nous
avons tant besoin de son amour. Puis nous répondons à son amour, en l'aimant à notre
tour et en nous aimant les uns les autres. Les trois sortes d'amour, l'éros, la philia et
l'agapè, ont leur juste place dans une relation profonde et permanente, mais seule
l'agapè est le fondement des deux autres. Jaillissant de l'amour que Dieu nous accorde,
elle est désintéressée, recherche le bonheur de l'autre ; elle est faite de patience, de

16
En grec, « agapè ».

- 22 -
prévenance et de tendresse. « Les jeunes ont souvent des idées confuses sur la nature de
l'amour et du mariage », affirme un professeur de théologie morale. « S'ils sont
amoureux, ils se demandent pourquoi ils ne feraient pas ce qu'on fait lorsqu'on est
marié. Ils ne comprennent pas qu'être marié, c'est être amoureux d'une façon
responsable et assumer cette responsabilité dans la vie commune ».

Pour beaucoup de gens, être amoureux n'implique pas de responsabilités. Etre


amoureux est pour eux l'interprétation romantique d'une situation émotionnelle, alors
que le mariage n'est pas une situation émotionnelle, mais une relation de faits, y compris
dans les données les plus concrètes. Cela sous-entend un type d'engagement personnel
souvent espéré dans la relation intime, mais que l'intimité des corps ne réalise pas
nécessairement. On a résumé cette vérité de la façon suivante : « Le mariage est plus
qu'un lit pour la nuit ; c'est un foyer pour des années ». Quiconque ne respecte pas les
lois de l'amour, le fait à ses dépens. Ainsi, par exemple, la première expérience sexuelle
n'apporte généralement pas la satisfaction qu'on en attendait. L'art de l'amour demande
du temps, de l'entraînement et une compréhension patiente pour ajuster
harmonieusement ses réactions à celles de son partenaire. Il exige donc un partenaire
permanent, pour qui l'on éprouve du respect et de l'affection. Les relations fugitives et
occasionnelles engendrent la désillusion, voire le dégoût. Avoir des rapports sexuels
avant le mariage revient à sertir une pierre précieuse sur un anneau de pacotille.
L'amour est un art qui s'apprend : il consiste à atteindre l'harmonie avec son partenaire,
ce qui n'est pas toujours chose facile, et ce qui devient impossible lorsqu’il est pratiqué
en dehors du mariage, en opposition à la volonté de Dieu. Il engendre alors un sentiment
de fraude, et donc de culpabilité et de honte. Ce sentiment peut poursuivre le plus blasé
des hommes. La conscience ne garde pas toujours le silence quand on veut le lui
imposer. Telle jeune fille flirtait avec les garçons avant son mariage, tandis que son mari
s'était abstenu de toute relation sexuelle avec les filles. Elle le lui avait confessé, mais le
sentiment de sa culpabilité la poursuivait. Elle ne parvenait pas à se pardonner sa faute.
Tout était mal interprété et donnait lieu à des scènes de ménage : « Tu me méprises à
cause de cela! Tu me traites comme un chien, parce que tu n’as aucun respect pour
moi! ». Constamment sa faute l'entraînait loin de son mari. La foi chrétienne enseigne
que l'homme a tout à perdre lorsqu’il agit contre sa conscience et qu'il se prive

- 23 -
inévitablement du bonheur et change la grâce de Dieu en réprobation. Ainsi, la chasteté
avant le mariage, même durant les fiançailles, est le meilleur garant du bonheur conjugal. L'une
des sources les plus profondes de confiance réciproque est la certitude que l'autre sait contrôler
ses impulsions et les mettre au service d'un authentique bonheur conjugal. C'est à ce prix-là que
les fiançailles seront une période de joie intense, une semence d'amour en vue d'une récolte
heureuse dans le lien du mariage.

C'est aussi à ce prix-là que la venue d'un bébé épanouit le couple. Si la grossesse a lieu au
cours du mariage, sa venue est le point culminant, le couronnement de la vie de femme.
Elle aura alors un léger pressentiment de ce que signifie « participer à la création de
Dieu ». Pour une femme, il n'y a pas d'expérience semblable à celle-là. Elle a appris ce
que signifie aimer et être aimée. Dans la sécurité que procure le mariage et la certitude
d'être bénie par Dieu, elle découvre à l'approche de la maternité un puits insoupçonné
de tendresse et d'amour désintéressé. Elle se sent alors pleinement femme. Quel
dommage, quelle tragédie de devoir accueillir un enfant comme un accident de parcours,
sujet de honte, la redoutable concrétisation d'une peur.

Dieu ne veut pas qu'une femme devienne mère de cette manière. Et ce n'est pas ainsi
qu'un enfant veut être engendré et accueilli. Les joies de la maternité ne sont réellement
possibles que dans le mariage. Lorsque l'acte sexuel est l'expression consciente du désir
de donner la vie, il atteint les beaux sommets d'un bonheur immense.

Il est vrai qu'on peut régler certains de ces désagréments par l'avortement. Tant de gens
y ont recours ! Pour le chrétien, il s'agit là d'une solution inadmissible ! N'essayons pas
de nous sortir d'une faute par une autre faute. Avorter signifie éliminer la vie d'un être
que Dieu est en train de créer, et cet être reste votre enfant. Pour le croyant, une
situation n'est jamais désespérée. Dieu est un recours qui ne manque jamais dans la
détresse. Si le couple a commis quelque faute, Dieu sera son refuge. C'est auprès de lui
qu'il trouvera le pardon et la force de lui plaire, de le suivre, et d'accomplir toutes choses
dans la confiance.

- 24 -
1.5 Vivre ensemble sans être mariés ?

Nous avons parlé dans le chapitre précédent des fiancés qui ont des relations sexuelles
avant de se marier. Le sujet que nous allons aborder maintenant est différent. Il s’agit
des unions libres ou du concubinage, c’est-à-dire de la situation dans laquelle se
trouvent ceux qui vivent maritalement sans être mariés, soit qu’ils excluent d’emblée le
mariage, soit qu’ils envisagent d’en contracter un par la suite et de « régulariser ainsi
leur situation ». Le Petit Larousse définit le concubinage ou l’union libre comme l’ « état
d’un homme et d’une femme qui vivent ensemble sans être mariés ». C’est là une
définition extrêmement générale qui englobe plusieurs cas de figure possibles. Par
exemple ce qu’on appelle la « cohabitation juvénile », le fait que deux jeunes vivent
ensemble sans aucun projet de mariage. Ils s’aiment et vivent donc ensemble aussi
longtemps qu’ils en éprouvent l’envie. Il n’existe aucun engagement d’aucune sorte. Ils
se réservent et s’octroient mutuellement la liberté de changer de partenaire dès qu’ils le
voudront. Il y a d’autre part le mariage à l’essai. Sans doute envisage-t-on le mariage,
mais on veut d’abord voir « si ça marche » et si on est fait pour le mariage. Si l’expérience
n’est pas concluante, on se sépare pour tenter sa chance avec un autre partenaire. C’est
une union libre qui peut déboucher sur un authentique mariage, conclu devant le maire
et éventuellement célébré à l’Eglise, mais elle peut aussi être rompue à tout moment. Il y
a enfin le cas des concubins qui souhaitent sincèrement rester unis, mais qui veulent
aussi, en cas d’échec, éviter tous les désagréments et le traumatisme d’un divorce 17 ou
qui, pour des raisons idéologiques, estiment que leur union ne regarde qu’eux-mêmes et
considèrent le passage à la mairie et à l’Eglise comme une formalité inutile et, pour eux,
dénuée de sens.

17
Il ne peut s’agir en fait que des difficultés et désagréments juridiques liés au divorce, car l’échec d’une union, qu’il y ait eu
mariage ou non, est toujours vécu comme traumatisant. Un couple qui s’est sincèrement aimé vivra toujours cet échec comme une blessure
douloureuse.

- 25 -
Avant de lire ce qui suit, dites ce que vous pensez des unions libres en expliquant et en vous
efforçant de justifier votre point de vue :

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..........................................................................................................................................................

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1.5.1 La situation présente :

Le concubinage a certes toujours existé, mais jamais il n’a connu l’ampleur actuelle qui
fait de lui un véritable phénomène de société 18. Sur la base du recensement de 1954, on

18
Il existait traditionnellement, jusqu’au siècle dernier, une cohabitation dite de nécessité, dont le facteur principal était la pauvreté
dans une tranche importante de la société, pauvreté qui interdisait le mariage à beaucoup de gens (ouvriers agricoles, employés de maison,
etc.). Un autre facteur était l’obligation pour les garçons d’avoir jusqu’en 1907 le consentement de leurs parents pour se marier avant l’âge de
25 ans. On ne pouvait pas non plus se marier quand on était déjà marié et qu’on n’obtenait pas le divorce. Parfois aussi, le mariage était
rendu impossible par la disparité sur le plan social : un noble ne pouvait pas épouser une roturière, ni un bourgeois une ouvrière. Il existait
aussi les cohabitations dites de coutume : on retardait le mariage dans l’Irlande du XIX° siècle pour ne pas donner naissance à trop d’enfants
sur une île surpeuplée. Dans la France rurale de l’époque, un veuf hésitait à se remarier pour ne pas donner de concurrents aux enfants issus
de son premier mariage. Dans les cours royales d’Europe et chez certains peuples, on pratiquait le mariage à l’essai pour vérifier la fécondité
de la femme, à charge pour l’homme de l’épouser en cas de grossesse.

- 26 -
avait pu évaluer approximativement la cohabitation hors mariage à moins de 3% des
couples 19. Depuis 1964, ce pourcentage a considérablement augmenté. C’est ainsi qu’en
1970, 394.000 mariages ont été célébrés en France, tandis qu’en 1988 on n’en comptait
plus que 273.000. Une enquête de l’INSEE montre que, sur 13.200.000 couples en 1985,
1 million, soit 7,5%, n’étaient pas mariés. Ce taux atteint 35% parmi les couples de 21 à
24 ans 20. Ces données constituent une moyenne. Le phénomène de la cohabitation, en
effet, est nettement plus important en région parisienne qu’en province, ou dans les
grandes villes qu’à la campagne. Le taux d’illégitimité, c’est-à-dire la proportion de
naissances hors mariage par rapport aux naissances dans les couples mariés, a
augmenté dans des proportions semblables. Entre 1977 et 1988, il passa de 8,5% à 25%.
Il est vrai que beaucoup d’enfants illégitimes ne le restent pas toute leur vie. Les
légitimations par un mariage subséquent sont devenues fréquentes.

La cohabitation communément pratiquée aujourd’hui est une cohabitation dite de pure


volonté, par opposition à la cohabitation de nécessité ou de coutume. On pèse les
avantages et les inconvénients fiscaux et sociaux. On constate surtout qu’il est beaucoup
plus simple et plus facile de sortir d’un concubinage que d’un mariage. Tant de mariages
débouchent sur un divorce 21 . On est si peu sûr de ses sentiments à une époque de
libération des moeurs où on pratique les relations sexuelles à un âge de plus en plus
précoce et, souvent, avec des partenaires multiples, avant de se lier à une personne ,
tandis qu’il faut de plus en plus de temps pour parvenir à une autonomie financière.

Un autre facteur déterminant est l’idéologie contestataire qui vise en première ligne
l’institution sociale du mariage. Pourquoi mêler la société, une société au demeurant de
plus en plus controversée, à ce qui est un acte d’amour entre deux individus ? D’autre
part, la célébration du mariage en mairie est perçue comme un acte du pouvoir, pouvoir
souvent systématiquement contesté, rejeté, méprisé ou tout simplement ignoré. Passé le
cap de la contestation et une fois parvenus à l’autonomie, beaucoup de couples de
cohabitants ayant constaté la solidité de leurs liens finissent pas se marier. Souvent à la
naissance du premier enfant ou au moment d’accéder à la propriété.

19
281.000 couples hors mariage, pour environ 10.000.000 de couples mariés recensés.
20
Autre chiffre : 15% parmi les couples de 21 à 44 ans.
21
Pour les pays d’Europe de l’ouest, un sur trois à l’échelle nationale, deux sur trois dans les grandes métropoles.

- 27 -
1.5.2 Le désarroi d’un pasteur :

« Ma paroisse part complètement à la dérive. Je ne maîtrise plus la situation ! » Telle


était la plainte d’un pasteur constatant que les cinq derniers couples qui l’avaient
contacté en vue d’une bénédiction nuptiale avaient déjà vécu maritalement avant de se
marier. Quand il leur dit que ce n’était pas là ce que Dieu attendait d’eux, ils avaient pris
un air indigné et eu un mouvement de recul. De même leurs parents qui ne
comprenaient pas une telle réaction de sa part. Ici et là, des familles quittent leur
paroisse parce qu’elles estiment qu’il n’est pas du devoir de leur pasteur de faire la
morale à leurs enfants sous prétexte qu’ils cohabitent sans être mariés.

Beaucoup d’autres parents, au contraire, vivent comme une réelle épreuve le fait que
leurs enfants ne se conforment pas à l’enseignement traditionnel de l’Eglise, rejettent le
bien-fondé de cet enseignement et remettent en question ce qu’elle a toujours affirmé
concernant les relations sexuelles avant et en dehors du mariage et sur le caractère
sacré du lien conjugal. Serait-ce que la société dans laquelle nous vivons récolte ce
qu’elle a semé, les fruits de la permissivité dont elle fait preuve en matière de sexe et de
la méconnaissance, voire du mépris du caractère sacré et indissoluble du mariage ?

Combien y a-t-il en France de couples vivant maritalement sans être mariés ? Le nombre
de partenaires sexuels non mariés, de gens qui se mettent en ménage sans passer devant
le maire et encore moins devant le curé et le pasteur, est en augmentation constante,
même si par ailleurs le pourcentage de ceux qui finissent par « régulariser leur
situation » augmente lui aussi. Selon des statistiques officielles, 98% des couples en
Suède passent par une phase de cohabitation avant de se marier. On n’en est peut-être
pas encore là en France, mais la tendance est la même.

Il y a à cela des raisons diverses et variées. Un jour, une mère en détresse vint trouver
son pasteur avec sa fille de 13 ans, parce que celle-ci projetait de se mettre en ménage
avec son copain âgé de 20 ans. Elle-même savait que son mari avait une maîtresse et
qu’il envisageait le divorce. Pour ce qui est de sa fille aînée, elle avait divorcé peu de
temps après son mariage. Quant à sa gamine de 13 ans, elle affirmait ne pas croire en

- 28 -
Jésus-Christ ni dans les vertus du mariage ; elle ne croyait surtout pas en la solidité et la
permanence de ce lien. On comprend bien sûr la détresse de cette mère.

A l’autre bout de l’échelle des âges, des couples de retraités se constituent sans se
marier pour ne pas perdre quelques avantages sociaux, telle que la pension de réversion
des veuves, ou faire des économies en matière d’impôts. Les mobiles ne sont absolument
pas les mêmes, mais il y a là aussi le même comportement qui enfreint l’enseignement
traditionnel de l’Eglise concernant le mariage et ses engagements.

D’une façon générale, cependant, on n’a rien contre le mariage. La plupart des jeunes
cohabitants envisagent peut-être même de se marier. Un jour ou l’autre, quand ils se
sentiront mûrs pour cela et qu’ils auront constaté que « ça marche » et qu’ils sont faits
pour vivre ensemble de façon durable. Selon des certaines statistiques, chez les jeunes
cohabitants issus de familles chrétiennes, ayant et désirant conserver des liens avec
l’Eglise, la cohabitation dure en moyenne 18 mois avant de déboucher sur le mariage. Il
semble qu’elle devienne de plus en plus une étape sur le parcours qui conduit un garçon
et une fille au mariage, une phase intermédiaire entre la naissance de leur amour et leur
union officielle. Vivre ensemble est devenu dans notre société une chose tout à fait
naturelle qui n’attire plus aucune réprobation et a cessé de faire jaser les commères. Elle
est même encouragée par de nombreux parents. C’est devenu un comportement normal,
une expression parmi d’autres du droit de chacun de faire ce qu’il veut aussi longtemps
qu’il ne nuit pas à autrui.

1.5.3 Le plan de Dieu :

Dieu n’a pas créé l’homme et la femme pour qu’ils vivent dans la recherche de leur seul
plaisir, de leur satisfaction personnelle, mais pour qu’ils vivent en communion entre eux
et avec leur Créateur. La création dont la Genèse nous dit qu’elle était bonne devint très
bonne quand Dieu façonna l’homme et la femme et leur insuffla son souffle de vie 22.

22
Comparer Genèse 1:10.12.18.21.25 et Genèse 1:31.

- 29 -
Sexe, mariage et famille ont été souillés par la chute et entraînés dans le péché. Genèse 3
nous montre le premier couple humain aliéné par sa désobéissance. Adam et Eve se
cachent, car ils sont nus et en ont honte. Ils ont surtout honte d’être confrontés avec
Dieu. Leur transgression de son commandement les affecte jusque dans leur amour et la
confiance qu’ils se doivent, Adam accusant Eve, et en dernière analyse Dieu lui-même, de
l’avoir séduit en la lui donnant pour compagne. Mais le Seigneur ne les abandonne pas à
leur misère. Il va à leur recherche, reste en relation avec eux, réinstaure la communion
en leur annonçant un Sauveur et en leur pardonnant leur faute. Il n’abandonne pas ses
créatures.

Bien que la société inspire aux hommes de la désaffection et bien des suspicions à
l’égard du mariage, les gens continuent d’aspirer à cette union entre homme et femme
qu’ils souhaitent en fait durable. Tout garçon et toute fille normalement constitués
désirent bâtir un nid où on donne naissance à des enfants qu’on élève ensemble et où on
partage joies et peines, un lieu d’amour, de confiance, de chaleur et de compréhension
où on se sente protégé contre les multiples agressions de l’extérieur. C’est que le
mariage est non seulement une institution humaine, régie par le code civil de toute
société humaine, mais aussi et avant tout un don du Seigneur. C’est pourquoi l’aspiration
à vivre une union solide, cimentée par l’amour, est sans doute inscrite dans le coeur de
tout être humain, même si ce don divin fait l’objet de tant d’abus. Il poursuit trois buts
qui sont trois sources de bonheur : une communion étroite faite d’affection et de
partage, la satisfaction d’un instinct et d’un besoin profondément inscrits dans la nature
humaine et enfin le désir de se perpétuer en donnant naissance à des enfants.

Nous sommes ainsi faits que nous ne pouvons pas vivre dans la solitude et l’ostracisme,
mais que nous avons besoin d’autres, surtout de quelqu’un qui nous complète et qui, par
cela même, nous permet de nous épanouir. C’est sans doute pour cela que l’enfant est
beaucoup plus longtemps dépendant de ses parents que les petits des espèces animales.
Il lui faut en moyenne plus de vingt ans pour acquérir son autonomie. Cela signifie aussi
que la vie conjugale et familiale n’est pas destinée à nous procurer un bonheur et un
contentement égoïstes, mais qu’elle constitue le moyen par lequel, tout en nous
épanouissant, nous apportons le bonheur à d’autres.

- 30 -
Le mariage a trois ingrédients. Tout d’abord, le consentement mutuel 23. Dans la Bible,
même le poids de l’autorité paternelle et l’existence de signes providentiels tels que
l’exaucement d’une prière ne suppriment pas le choix des intéressés. Rébecca consentit
à son mariage avec Isaac 24. Le second ingrédient est l’union qui est à la fois union
charnelle et union de vie : « Les deux deviendront une seule chair » 25. Il n’y a pas de
mariage sans consommation. Le troisième enfin est la socialité, le caractère social du lien
matrimonial. Le mariage n’est ni dans la Bible ni dans aucune société humaine une
affaire exclusivement personnelle. Il a partout un caractère public et comporte une
dimension sociale 26. La conjonction de ces trois ingrédients fait ce qu’on peut appeler la
« plénitude » du mariage qui devient alors source de bénédictions divines.

Dans le livre du prophète Esaïe, Dieu décrit en ces termes l’amour et la bonté qu’il
témoigne à son épouse, le peuple d’Israël : « Ne crains pas, car tu ne seras point
confondue. Ne rougis pas, car tu ne seras pas déshonorée. Mais tu oublieras la honte de
ta jeunesse et tu ne te souviendras plus de l’opprobre de ton veuvage. Car ton Créateur
est ton époux. L’Eternel des armées est son nom, et ton Rédempteur est le Saint d’Israël.
Il se nomme Dieu de toute la terre » 27. On trouve des textes semblables chez Jérémie,
Ezéchiel et Osée, soulignant combien Dieu est un époux fidèle à son épouse, bien qu’elle
l’ait trahi bien des fois. Toujours il est prêt à la consoler quand elle souffre ou
l’encourage à revenir auprès de lui.

C’est aussi l’image que le Nouveau Testament nous donne du mariage. Jésus-Christ est
l’époux attentionné et fidèle de son Eglise. Son retour à la fin du monde est assimilé à la
démarche du fiancé qui va chercher sa fiancée pour célébrer les noces et s’unir à elle. La
vie éternelle promise aux croyants dans l’Evangile est comparée à des noces célestes. Et
pour nous expliquer ce qu’est le mariage, le lien qui unit mari et femme, il le compare au

23
Le droit romain affirmait à juste titre : « Consensus facit matrimonium », le consensus fait le mariage. Cela ne signifie pas qu’à
lui seul il fait le mariage, mais que sans lui il n’y a pas de mariage valide, que personne ne peut être contraint au mariage ou contraint
d’épouser un partenaire qui ne lui convient pas.
24
Genèse 24:58.
25
Genèse 2:24; Matthieu 19:5.
26
Alain Girard écrit dans Sociologie du mariage, Encyclopedia Universalis, Corpus XI (1985), 755c : « Le mariage a beau, en
effet, revêtir des modalités qui évoluent dans le temps et l’espace, selon le contexte culturel total, il n’en demeure pas moins un acte qui
engage la communauté tout entière, dans ses formes et son avenir biologique. Les couples qui se constituent sont les mandataires de la
société et, en tant que tels, soumis à son contrôle ». Cf. ce que nous avons dit ci-dessus dans le chapitre « Qu’est-ce que le mariage ? »
27
Esaïe 54:4.5.

- 31 -
lien qui lie le Christ à son Eglise 28. C’est dire l’immense bonheur promis aux couples qui
vivent leur union dans la foi en Christ et en communion avec lui !

1.5.4 Qu’est-ce que la Bible enseigne concernant les relations


sexuelles ?

Nous avons vu que le mariage est d’institution divine et, lorsqu’il est vécu dans
l’obéissance au Seigneur, source de joie, d’épanouissement et de bonheur. C’est vrai du
mariage dans son intégralité, et en particulier aussi des relations sexuelles entre époux.
Ce qui ne signifie pas que les époux, fussent-ils chrétiens, ne puissent pas rencontrer de
problème sur le plan sexuel. Mais c’est là une autre réflexion. Notre propos ici est de
démontrer la thèse suivante : L’Eglise chrétienne est fidèle à l’Ecriture Sainte lorsqu’elle
enseigne que les relations sexuelles conformes à la volonté de Dieu sont celles vécues
dans le mariage et seulement dans le mariage.

Parmi les dix Commandements, il en est un qui concerne le mariage, le sixième : « Tu ne


commettras point adultère ». C’est une condamnation sans appel de l’adultère que le
Petit Larousse définit ainsi : « Violation du devoir de fidélité né du mariage » 29 . Il y a
adultère quand un homme marié est infidèle à sa femme ou lorsqu’un homme, marié ou
non, incite quelqu’un à être infidèle à son conjoint. Et ce qui est vrai de l’homme l’est
bien sûr aussi de la femme. Dans le premier cas, on brise son mariage ; dans le second,
on rompt celui le mariage d’autrui. La situation est claire et ne nécessite aucun
commentaire. Briser son propre mariage ou celui d’autrui, c’est porter atteinte à ce que
Dieu lui-même a institué.

Cependant, Dieu ne condamne pas seulement l’adultère, mais aussi toute forme de
relations sexuelles illicites et, d’une façon générale, toute pensée et tout comportement
impurs. Aussi Luther explique-t-il le 6° Commandement de la façon suivante : « Nous
devons craindre et aimer Dieu afin d’être chastes et purs dans nos pensées, dans nos

28
Ephésiens 5:22-35.
29
Genèse 2 :18.21-25 ; Matthieu 19 :3-9 ; Romains 7 :2.3. La Bible enseigne aussi que le simple fait de convoiter une autre femme
que la sienne ou la femme d’un autre est déjà un adultère (Matthieu 5 :27.28).

- 32 -
paroles et dans nos actes, et de nous aimer et nous honorer dans le mariage ». La Bible
emploie à ce sujet différents termes qui varient aussi selon les traductions 30 tels que les
mots débauche, dérèglement, dépravation, inconduite ou impudicité. Le mot le plus
couramment utilisé dans l’original grec du Nouveau Testament est le substantif
« porneia » ou l’adjectif « pornos », ce qui a donné en français « pornographie » ou
« porno ». Mais le sens du terme grec n’est pas nécessairement celui de son équivalent
français. Il désigne dans son acception la plus stricte la prostitution, c’est-à-dire l’amour
vénal, celui qui s’achète. Comme si on pouvait acheter l’ « amour »… Dans un sens plus
large, il désigne chez un homme marié l’infidélité conjugale, le fait de coucher avec une
autre femme que la sienne, et vice versa. Enfin, il dénote tout comportement sexuel
illicite 31.

Le chrétien est tout entier, y compris avec son corps, le temple du Saint-Esprit et un
membre du Christ (1 Corinthiens 6 :15.19). Dieu lui demande donc de le préserver de
toute souillure et de le garder dans la sainteté, et c’est ce que lui-même souhaite de tout
son coeur. Et quand ce serait au prix d’un combat quotidien. L’Ecriture Sainte est très
exigeante en ce qui concerne la pureté sexuelle. Paul affirme qu’il vaut mieux se marier
que brûler (1 Corinthiens 7 :9) et demande, en raison des risques d’ « inconduite », « que
chacun, ait sa femme et que chaque femme ait son mari » (1 Corinthiens 7 :2). On notera
qu’il parle de mariage et non d’union libre ou de cohabitation. Avoir une « petite amie »
ou un « copain » est considéré aujourd’hui par la plupart des gens comme la solution
pour satisfaire ses besoins sexuels, mais ce n’est pas celle préconisée par l’apôtre.

Qu’est-ce que des relations sexuelles illicites, contraires à la volonté de Dieu ? Nous ne
parlerons pas de l’homosexualité et encore moins de la zoophilie. Le message de la Bible
à ce sujet est on ne peut plus clair 32. Les seules relations sexuelles que nous envisageons
ici sont celles qui unissent un homme à une femme. Le lieu que Dieu a prévu, institué et
voulu pour elles est le mariage. Pourquoi ? Pourquoi faut-il pour cela le cadre du
mariage à l’exception de toute autre forme d’union ? Parce qu’à la différence de tous les
autres types d’union, le mariage n’est pas une « union libre », mais une union qui repose
sur un engagement. A la base même du mariage, et c’est ce qui le constitue, ce sans quoi

30
L. Segond, Bible à la Colombe, TOB, Bible en Français Courant, Bible du Semeur, etc.
31
Il importe de vérifier cela en lisant des textes tels que 1 Corinthiens 5 :9.10 ; 6 :9.10.15-18 ; Ephésiens 4 :19 ; 1 Thessaloniciens
4 :1-5 ; 1 Pierre 4 :3.4, etc.

- 33 -
il n’y a pas de mariage, se trouve une promesse, une alliance, ce que la Bible appelle une
alliance. Il s’agit d’un lien librement consenti, d’une promesse publiquement exprimée
et, dans notre pays du moins, dûment ratifiée par une signature apposée dans le registre
des mariages de nos mairies et à… l’Eglise. C’est toute la différence entre le mariage
institué par Dieu et les différents types de cohabitation qu’on lui substitue de nos jours
et qui jouent par « tacite reconduction », aussi longtemps que « ça marche » et qu’on a
envie de rester ensemble.

L’apôtre Paul écrit : « Femmes, soyez soumises chacune à votre mari, comme au
Seigneur, car le mari est le chef de la femme comme Christ est le chef de l’Eglise, qui est
son corps et dont il est le Sauveur… Maris, aimez chacun votre femme, comme le Christ a
aimé l’Eglise et s’est livré lui-même pour elle, afin de la sanctifier après l’avoir purifiée
par l’eau et la Parole, pour faire paraître devant lui cette Eglise glorieuse, sans tache, ni
ride, ni rien de semblable, mais sainte et sans défaut. De même, les maris doivent aimer
leur femme comme leur propre corps. Celui qui aime sa femme s’aime lui-même. Jamais
personne, en effet, n’a haï sa propre chair, mais il la nourrit et en prend soin, comme le
Christ l’a fait pour l’Eglise, parce que nous sommes membres de son corps. C’est
pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et les deux
deviendront une seule chair. Ce mystère est grand ; je dis cela par rapport à Christ et à
l’Eglise. Du reste, que chacun de vous aime sa femme comme lui-même, et que la femme
respecte son mari » (Ephésiens 5 :22-33). Texte grandiose montre ce qu’est l’essence du
mariage. Si celui-ci est comparé aux relations qui unissent le Christ à son Eglise, c’est
d’une part parce qu’il est caractérisé par un amour sans failles, un amour total et
durable, qui ne recule devant aucun sacrifice, et d’autre part parce qu’il a pour
fondement une alliance qui ressemble à celle qui unit le Christ à son Eglise et qui doit
refléter cette dernière dans la vie du couple. C’est ce qui différencie le mariage
profondément de toute forme d’union libre. Certes, le mariage revêt des formes diverses
liées aux traditions et qui font partie du patrimoine culturel des peuples. Mais il est dans
tous les cas et sous toutes les latitudes une alliance dûment contractée devant les
autorités qui, dans une civilisation donnée, sont reconnues compétentes pour cela. C’est
dans ce cadre que sont appelées à s’exercer les relations sexuelles. Ni le concubinage ni

32
Romains 1 :26-29 ; 1 Corinthiens 6 :9.10 ; Lévitique 18 :22.23.

- 34 -
l’union dite libre ne remplissent la fonction que Dieu a assignée au mariage et ne
sauraient donc lui être assimilés.

La loi et la coutume en Israël exigeaient par ailleurs la chasteté avant le mariage, et si


elle insiste particulièrement sur celle des jeunes filles, c’est parce que, à la différence de
celle des garçons, elle est contrôlable. Une jeune fille habitant sous le toit de ses parents
se devait de parvenir vierge au mariage. Aussi tout homme ayant séduit une jeune fille
était-il tenu de l’épouser et de verser la dot requise. Le père avait toutefois la possibilité
de s’opposer à un tel mariage (Exode 22 :15.16). La loi de Moïse évoque aussi le cas du
jeune époux qui constatait durant la nuit de noces que son épouse n’était pas vierge. Il
pouvait, s’il le souhaitait, décider de l’accuser, preuve à l’appui, de non-virginité. C’est
exactement ce que Joseph, le fiancé de Marie, aurait pu faire. Mais étant « un homme de
bien », il ne voulait pas la diffamer et se proposait donc de « rompre secrètement avec
elle », en renonçant à un procès qui aurait débouché, en des temps plus reculés, sur la
lapidation de sa fiancée (Matthieu 1 :18.19 ; Deutéronome 22 :20.21) 33. A la différence
de ce qui se pratique couramment dans d’autres religions, rien ne permet d’imaginer
que garçons et filles étaient traités différemment sur le plan sexuel et que les garçons
jouissaient de privilèges ou de libertés qui étaient refusés aux filles. Ce qui était
moralement inacceptable pour les filles l’était tout autant pour les garçons 34.

Un autre texte de la Bible montre à quel point la virginité jusqu’au jour du mariage était
considérée par les croyants de l’époque et demeure donc quelque chose d’infiniment
précieux et de sacré. C’est cette phrase admirable de l’apôtre Paul, célibataire endurci :
« Je suis jaloux à votre sujet d’une jalousie de Dieu, parce que je vous ai fiancés à un seul
époux, pour vous présenter au Christ comme une vierge pure » (2 Corinthiens 11 :2).
Virginité, fiançailles et mariage sont les trois volets d’un triptyque divin riche de
bénédictions. Voilà qui constitue le miroir, le reflet, l’image de l’union de Dieu avec son
peuple, du Christ avec son Eglise. On ne le dira jamais assez !

33
Une jeune fille était aussi formellement protégée contre de fausses accusations. Si ses parents pouvaient produire devant les
anciens de la communauté la preuve de sa virginité, l’époux indélicat et menteur était poursuivi pour atteinte à la réputation de son épouse et
condamné à une amende de cent pièces d’argent, avec interdiction de jamais la répudier (Deutéronome 22 :13-21).
34
A cette différence près que le libertinage de la part des filles avait en plus une dimension sociale : il risquait d’introduire dans une famille
un sang qui n’était pas celui de l’époux légitime, un sang étranger portant atteinte à l’intégrité de la famille ou du clan.

- 35 -
On a l’habitude de dire qu’il importe fort peu d’être marié aux yeux de l’Etat, du moment
qu’on l’est devant Dieu. Dieu cependant nous fait vivre en société, au milieu des hommes,
et a confié à chacun de nous des responsabilités qui dépassent de loin les limites de son
territoire personnel et de sa famille. Le mariage est d’institution divine. Il est, selon
l’Ecriture, un lien qui unit mari et femme pour la vie tout entière et dont le fondement
sont l’amour et la fidélité réciproques. La Bible n’en dit pas plus. Mais comme la famille
est la plus petite cellule de la société, le mariage a des dimensions sociales. C’est
pourquoi, Dieu laisse aux autorités civiles le soin de légiférer à ce sujet pour protéger les
époux contre toute forme de convoitise et d’atteinte à l’intégrité de leur couple et à leurs
biens. Voilà pourquoi il existe dans toutes les sociétés humaines des lois interdisant le
mariage en dessous d’un certain âge et à certains degrés de consanguinité, octroyant
dans des circonstances précises un droit de veto 35, sauvegardant, en cas de divorce, les
droits de chacun des conjoints et veillant à l’avenir de leurs enfants. Il existe dans toute
société humaine un acte civil sanctionnant le mariage.

Aussi les chrétiens renoncent-ils à une union dite sauvage. Ils le font pour les raisons
suivantes : 1) Ils ne veulent pas vivre dans le mensonge et la duplicité, faire croire qu’ils
sont seuls dans la vie alors qu’ils ne le sont pas, ni jouir de privilèges qui sont en principe
réservés aux gens mariés. 2) Ils savent qu’à la base du mariage institué par Dieu, il y a un
engagement d’amour et de fidélité qu’on ne prend pas dans la clandestinité et auquel
ceux qui décident de cohabiter se soustraient sans doute en règle générale. 3) Ils
reconnaissent les compétences et les responsabilités des autorités civiles et veulent les
honorer.

Du fait que l’Etat légifère sur le mariage, mais n’a pas de pouvoir sur la conscience des
individus, les relations sexuelles avant et en dehors du mariage et les unions dites libres
échappent à sa compétence et lui interdiraient toute intervention au cas où il voudrait
intervenir. Respectueux de l’institution divine, les chrétiens renoncent, par amour pour
le Seigneur et la volonté qu’il a exprimée dans sa Parole, à faire usage d’une possibilité
dont les incroyants ne se privent pas, car leurs critères d’action ne sont pas ceux du
monde.

35
D’où la publication des bans.

- 36 -
Cela dit, les frontières ne sont pas toujours aussi nettes que cela. D’un côté, le mariage a
perdu, de nos jours, une bonne partie de sa solidité. Par ailleurs, le concubinage s’est
acheminé vers une reconnaissance sociale et même juridique. C’est une entité reconnue
par la Sécurité Sociale et le fisc. On retrouve, au moins dans certaines formes de
concubinage, les trois ingrédients du mariage, même si c’est à des degrés divers. L’union
charnelle, c’est-à-dire la consommation, est là. Le consentement mutuel manifestement
aussi, mais sans engagement formel et entier. Il n’est là que partiellement et de façon
bien imparfaite. Quant à la dimension sociale de l’union, elle n’est certes pas honorée
comme elle devrait l’être, mais beaucoup de concubins ont fait « valider » leur situation
auprès de l’administration. On n’est pas loin du concubinage romain, de ce mariage de
« seconde zone » dont devaient se contenter les citoyens romains quand ils se liaient à
des femmes d’un rang social inférieur. Leur union était légale, mais avait des effets civils
moindres 36. L’Eglise ancienne avait reconnu un tel concubinat comme un mariage vrai
et valide 37. Seulement, et la différence est de taille, le concubinat romain était dans
certains cas la seule forme de mariage possible, tandis que la cohabitation pratiquée de
nos jours n’a pas cette excuse et relève d’autres considérations. L’Eglise ne peut donc
pas la reconnaître et l’approuver sans plus.

Cependant, l’analyse faite ci-dessus permet peut-être d’en mieux situer la carence. Il y a
cohabitants et cohabitants. Il y a les unions passagères sans autre fondement que le
désir de vivre provisoirement ensemble, unions dissoutes au gré des circonstances, et
les unions durables bâties sur un amour fidèle. Les cohabitants qui pratiquent ce
deuxième type d’union pèchent-ils parce qu’ils « font l’amour » en dehors du mariage ou
parce qu’ils ne vont pas jusqu’au bout de leur union et ne scellent pas leur alliance dans
la forme prévue par le magistrat ? Pèchent-ils parce qu’ils font quelque chose qu’ils ne
doivent pas faire, ou au contraire pèchent-ils parce que, pour des raisons qui ne sont pas
légitimes, ils ne font pas tout ce que Dieu leur demande de faire ?

36
Telle avait été l’union, avant sa conversion, de saint Augustin et de la femme dont il tait le nom et qui devint la mère de son fils
Adéodat.
37
Cf. le canon 17 du Concile de Tolède en l’an 400.

- 37 -
1.5.5 Que peut-on faire pour inverser le cours des choses ?

Les pasteurs et les parents qui ont affaire à des jeunes et des moins jeunes vivant
maritalement portent un lourd fardeau. Parfois ils ont l’impression que, quoi qu’ils
fassent, ils sont impuissants et tous les efforts qu’ils déploient inutiles. Ils baissent les
bras en constatant que c’est dans l’air du temps et que, tôt ou tard, les jeunes chrétiens
finissent par faire ce que presque tout le monde fait autour d’eux. C’est une erreur.

L’Eglise doit d’abord, quoi qu’il advienne, rendre un clair témoignage à l’enseignement
de l’Ecriture Sainte, à la volonté de Dieu qui s’y exprime. Il faut prêcher sans équivoque
la volonté divine concernant le mariage, seul lieu légitime de l’union charnelle. Il faut
donc aussi reprendre, réprimander, appeler à la repentance, en rappelant aux
cohabitants, même à ceux qui cohabitent de façon durable et fidèle, quasi-matrimoniale
ou conjugale, que leur situation se trouve en deçà de ce que le Seigneur a institué et
voulu pour les hommes. Il faut, avec bonté, douceur et patience, mais aussi avec toute la
clarté voulue, leur demander de le reconnaître, de s’en repentir et d’y mettre fin. Quant
aux cohabitants qui se convertissent à Dieu, s’intéressent à l’Eglise et veulent s’y
rattacher, il faut leur demander de remédier à l’imperfection de leur lien, de combler le
déficit de leur engagement et de la dimension sociale de leur union, et de régulariser
leur situation en passant devant « Monsieur le Maire ». Leur admission dans l’Eglise doit
rester conditionnée par cette démarche librement consentie dans la reconnaissance et
l’acceptation obéissante et confiante de la volonté de Dieu.

Et puis, il y a les situations plus complexes, l’empêchement matériel ou juridique, les


difficultés qu’engendrerait le renoncement à une pension de réversion, peut-être aussi,
dans certains cas, le divorce qu’on ne peut pas obtenir et qui rend un remariage
impossible, et tant d’autres situations douloureuses et parfois inextricables qui
n’existeraient pas si nous ne vivions pas dans un monde marqué par le péché et
l’injustice. Faut-il exiger de tels concubins qu’ils régularisent leur union coûte que coûte
ou qu’ils y mettent fin, ou bien l’hypothèse du « mariage imparfait » autorise-t-elle
l’Eglise dans des situations bien particulières à « fixer la barre moins haut », en
renonçant à des exigences pourtant reconnues comme bibliques ? Qu’est-ce qui est le

- 38 -
plus grave ? Briser le lien imparfait, mais qui se veut un lien d’amour et de fidélité, ou
accepter que les concubins en question, malgré leur désir sincère, ne puissent pas le
parachever et le régulariser ? Nous nous situons là dans les zones particulières où il ne
nous appartient pas de trancher de façon magistrale, mais où seule la cure d’âme
exercée par l’intermédiaire du pasteur à qui l’Eglise a confié cette responsabilité permet
de discerner ce qui est faisable et ce qui ne l’est pas et ce qu’on peut légitimement exiger
d’un couple qui veut se mettre en règle avec Dieu pour pouvoir se réjouir de ses
promesses et avoir l’âme en paix.

Mais il n’y a pas que l’enseignement et la nécessaire discipline. Que l’Eglise tout entière,
les pasteurs et les parents confrontés à ce problème continuent aussi de rendre
témoignage à la bonté de Dieu, celle qu’il nous révèle en nous offrant sa grâce et son
pardon en Jésus-Christ, et celle qu’il nous manifeste quand il nous donne la possibilité
d’oeuvrer au bonheur des autres. Pasteurs et parents sont appelés à montrer à ceux qui
vivent maritalement en dehors des liens du mariage les obstacles inutiles qu’ils placent
sur leur chemin et les bénédictions auxquelles ils renoncent.

Quant aux chrétiens qui se sont engagés sur la voie de la cohabitation, ils feraient bien
d’aller voir leur pasteur et de parler avec lui du choix qu’ils ont fait, de ce qu’il signifie
pour eux-mêmes et pour leur partenaire, des implications de ce choix sur les liens qui les
unissent aux membres de leur famille, à leurs frères et soeurs dans la foi et à leurs amis.
Qu’ils s’interrogent aussi sincèrement pour savoir où ils en sont avec Dieu.

Nous pouvons tous lutter contre la tendance actuelle en honorant le mariage, aussi bien
par le témoignage de nos lèvres appelées à glorifier cette institution divine en en parlant
dans les termes avec lesquels le fait la Bible, que par celui de nos gestes et de tout notre
comportement. S’il est facile d’agir de manière à déconsidérer et dévaluer le mariage, le
chrétien peut faire beaucoup aussi pour l’exalter et montrer tout ce qu’il a de beau et en
quoi il est source de bonheur et de bénédictions. En reconnaissant en Jésus-Christ le seul
Sauveur du monde et un merveilleux modèle de générosité et de bonté et en croyant à la
puissance du Saint-Esprit agissant dans l’Evangile, les chrétiens sont la lumière du
monde et le sel de la terre. Le témoignage de leurs lèvres est véridique et ne devrait être
contredit en rien par leurs faits et gestes. En confessant la beauté et le bonheur d’un

- 39 -
mariage béni par le Seigneur, nous rendons aussi un bon témoignage à nos enfants qui
chercheront à discerner et à accomplir dans leur vie la volonté de Dieu.

- 40 -
chapitre

DIVORCE ET REMARIAGE

Bien que Dieu ait institué le mariage pour qu’il soit une union durable entre un homme
et une femme que seule la mort est appelée à séparer, le divorce semble avoir toujours
existé, y compris dans les civilisations les plus lointaines, quoique les droits du mari et
de la femme n’aient pas toujours été les mêmes. Ce qui est plus grave, c’est que jamais la
courbe des divorces n’a été aussi forte que de nos jours. Un mariage sur trois débouche
sur un divorce dans la France d’aujourd’hui, et deux mariages sur trois dans les grandes
villes et plus particulièrement en région parisienne. A quoi il faut ajouter le nombre
difficile à vérifier, mais certainement élevé d’unions libres se terminant par une rupture
que le droit ne qualifie pas de divorce et qui n’est donc pas comptabilisé comme tel dans
les statistiques, mais dont le résultat est le même. C’est du reste pour échapper aux
tracasseries d’un divorce que tant de couples se constituent sous l’étiquette « union
libre » ou « concubinage » 38. Tracasseries administra-tives et judiciaires, car la
séparation est toujours rupture, une rupture douloureuse, qu’il y ait mariage ou non.
Soutenir le contraire, c’est se leurrer.

38
Avant la dernière Guerre mondiale, la divortialité, c’est-à-dire le taux de divorces augmente en France et se stabilise en 1935 à
10%. Jusqu’en 1965, où il amorce une nouvelle ascension pour atteindre 30% en 1985. De nos jours, il frôle les 60% en milieu urbain. Autre
détail intéressant : Jusque dans les années 60, 55% environ des divorces étaient sollicités par les femmes, chiffre qui atteint de nos jours 73%.
Aux Etats-Unis, le nombre de divorces a triplé de 1962 à 1981, atteignant 1.213.000 en 1981. Puis il chuta de 1981 à 1984, pour atteindre à
nouveau 1.187.000 en 1985.

- 41 -
Quelles sont à votre avis, et classées dans un ordre décroissant
d’importance, les causes principales de divorce dans la société actuelle ?

1) .........................................................................................................................................................

2) .........................................................................................................................................................

3) .........................................................................................................................................................

4) .........................................................................................................................................................

5) .........................................................................................................................................................

L’Eglise a la difficile mission d’annoncer la Loi et l’Evangile à ceux qui font


l’expérience de crises conjugales. Elle doit le faire en se souvenant que la volonté
d’accomplir les commandements de Dieu naît non pas de la Loi, mais de l’Evangile du
pardon. Elle doit se souvenir également que le Christ qui dénonce et condamne le
divorce est le même que celui qui a porté sur la croix et expié tous les péchés du monde,
y compris ceux qui brisent une union et provoquent l’échec d’un mariage. Enfin, il est le
Seigneur qui donne des directives spéciales à ceux qui désirent soumettre leur vie tout
entière, et donc aussi leur mariage à la volonté de leur Créateur.

2.1 Divorce et remariage dans l’Ancien Testament :

Toute approche chrétienne du problème du divorce et du remariage doit commencer là


où elle commençait pour le Christ, avec l’institution du mariage. L’Eglise n’a pas à
dresser la double liste des causes légitimes du divorce et de celles qui ne le sont pas,
mais doit affirmer l’origine et l’institution divines du mariage, son essence et les

- 42 -
obligations qui en résultent. A ceux qui lui demandent si un homme peut légitimement
répudier sa femme, Jésus-Christ rappelle que Dieu créa au commencement l’homme et la
femme et les unit par le lien du mariage (Matthieu 19:1-6 a).

Quelle est la conclusion que le Christ en tire dans Matthieu 19:6b ?

.................................................................................................................................................

Le récit de la création d’Adam et d’Eve (Genèse 1:26.27; 2:18-24) nous enseigne d’où
vient le mariage et constitue en même temps le fondement pour les exigences morales
dont Dieu l’entoure.

2.1.1 L’institution divine du mariage :

Il n’était pas bon que l’homme soit seul. Dieu lui fit donc une compagne chargée de
partager sa vie. L’expression « aide semblable à lui » 39 affirme qu’il créa l’homme de
telle façon qu’il avait besoin d’un partenaire non seulement pour procréer, mais aussi
pour connaître épanouissement et bonheur dans le sens le plus large des termes, sur les
plans physique, psychique et affectif. Le texte suivant, plein de sagesse, est
particulièrement vrai pour le mariage : « Deux valent mieux qu’un... Car s’ils tombent,
l’un relève son compagnon, mais malheur à celui qui est seul et qui tombe, sans avoir un
second pour le relever ! » 40. Quand Dieu conduisit auprès d’Adam la femme dont il lui
faisait cadeau, celui-ci reconnut qu’elle était la compagne dont il avait besoin en disant :
« Voici cette fois celle qui est os de mes os et chair de ma chair. On l’appellera femme

39
Genèse 2:18.
40
Ecclésiaste 4:9.10.

- 43 -
parce qu’elle a été prise de l’homme » 41. Dieu avait dit de lui : « Il n’est pas bon que
l’homme soit seul. Je lui ferai une aide semblable à lui » 42. Littéralement : « Je lui ferai
une aide comme son vis-à-vis ». La femme est le vis-à-vis de l’homme, l’aide dans
laquelle, dès qu’il la voit, il se reconnaît lui-même. Elle est le miroir dans lequel l’homme
apprend à se connaître. L’inverse est vrai aussi. Les époux se découvrent et se
reconnaissent l’un dans l’autre. Trouvant sa véritable identité dans l’autre, l’homme
trouve aussi chez lui son vrai bonheur. Répudier son partenaire, se détourner de lui,
divorcer revient donc, pour un mari ou une femme, à refuser d’accepter avec gratitude et
d’honorer le don que Dieu lui a fait pour mettre fin à sa solitude et lui permettre de se
découvrir lui-même et de trouver le bonheur.

« Voici cette fois celle qui est os de mes os et chair de ma chair ». Cette expression qui
désigne en principe la consanguinité ou la parenté biologique, affirme ici l’unité
profonde, totale qui existe entre mari et femme. En hébreu, le mot « chair » dénote non
pas le côté matériel de l’être humain, mais l’homme tout entier, sous tous les aspects de
sa personnalité, dans ses dimensions physique et psychique. L’homme n’unit pas une
partie de lui-même à une partie de sa femme, mais s’unit tout entier à elle tout entière.
Voilà pourquoi il s’unit à celle qui est « chair de sa chair » pour constituer non pas deux
chairs, mais une seule : « L’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa
femme, et ils deviendront une seule chair » 43. En instituant le mariage, Dieu n’avait en
rien prévu le divorce. Celui-ci n’était pas dans son plan. Le mariage, oeuvre parfaite du
Créateur, avait été conçu par lui comme indissoluble. Le lien conjugal ne pouvait être
selon sa volonté qu’inaliénable.

2.1.2 L’essence du mariage :

« L’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et ils deviendront une
seule chair ». Entrer dans le mariage, c’est entrer dans une entité voulue et instituée par
Dieu. En cela, il diffère de tous les types de cohabitation, d’association et d’union mis en

41
Genèse 2:23.
42
Genèse 2:18.
43
Genèse 2:24.

- 44 -
place par les hommes pour s’entraider, affronter plus efficacement les problèmes de
l’existence ou mettre en commun la poursuite d’un idéal, leurs joies, leurs peines et leurs
espoirs. Tous ces regroupements sont créés d’un commun accord ; ils ont pour
fondement le consentement mutuel et peuvent être dissous à tout moment. Il n’en est
pas ainsi du mariage. Certes, il repose lui aussi sur le consentement mutuel, mais il est
beaucoup plus qu’une libre association à laquelle on peut à tout moment mettre un
terme d’un commun accord. Il est une union mise en place par Dieu, qu’il veut
permanente et dans le cadre de laquelle il exige la soumission à sa volonté.

Toutefois, le mariage, pour être légitime, doit reposer sur le consentement mutuel. C’est
ce qui ressort de la description qui en est faite : « L’homme quittera son père et sa mère
et s’attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair ». Tous les verbes utilisés
ont l’homme pour sujet, et ce qui est vrai de l’homme l’est aussi de la femme. Il s’agit
d’une démarche faite librement, sans aucune contrainte. Cela dit, ce consentement
mutuel peut s’exprimer d’une culture à l’autre de diverses façons.

Donnez une définition succincte, mais aussi complète que possible du mariage en
précisant en quoi il diffère de l’union libre :

.................................................................................................................................................

.................................................................................................................................................

.................................................................................................................................................

.................................................................................................................................................

- 45 -
« Il s’attachera à sa femme ». Le verbe traduit par « s’attacher » appelle une explication.
Il signifie littéralement « coller », comme la peau colle aux os ou la langue au palais 44.
Mais il désigne aussi l’affection, l’attachement du cœur 45. Qui plus est, c’est un terme
d’alliance. Il exprime l’affection, la fidélité et loyauté avec lesquelles Israël doit s’attacher
à son Dieu qui l’a délivré de l’esclavage en Egypte et a conclu avec lui une alliance 46.
C’est pourquoi aussi, Dieu n’hésite pas à se dire jaloux comme l’est un mari qui n’accepte
pas que sa femme lui soit infidèle. L’alliance conclue par Dieu avec Israël est une alliance
durable, car Dieu ne ment pas. Elle garantit à son peuple un amour éternel. Le mariage,
de même, revêt un caractère permanent. Dieu n’a jamais dit à son peuple : « Je te serai
fidèle aussi longtemps que je t’aimerai », mais : « Je t’aime d’un amour éternel, c’est
pourquoi je te serai fidèle ». Et il attend de son peuple la même chose. C’est pourquoi un
mariage qui repose sur le contrat suivant : « Nous nous serons fidèles et vivrons
ensemble aussi longtemps que nous nous aimerons, et le jour où nous ne nous aimerons
plus, nous nous quitterons d’un consentement mutuel » n’est pas conforme à l’institution
du Seigneur. La plupart des divorces ont sans doute lieu, pour reprendre une expression
consacrée, pour « incompatibilité d’humeur », ce qui signifie inversement que les
mariages contractés l’ont été pour des raisons de « compatibilité ». Mais quand la
compatibilité supplante la fidélité promise et que les intérêts, l’épanouissement et le
bonheur égoïstes de l’individu se substituent à l’engagement pris de veiller au bonheur
de son partenaire, le mariage est édifié sur de mauvaises bases et le divorce à portée de
main. Il risque de n’être qu’une affaire de temps.

« Ils seront une seule chair ». Jésus précise : « Les deux deviendront une seule chair.
Ainsi, ils ne sont plus deux, mais ils sont une seule chair » 47. Deux entités cessent d’être
distinctes l’une de l’autre pour devenir une entité unique et nouvelle. Ce lien est
tellement fort qu’il ne peut être rompu sans gravement léser le partenaire. L’union des
animaux est appelée « accouplement ». En s’unissant, ils forment un « couple ». Ils sont
donc deux et le restent. Homme et femme, au contraire, deviennent un dans le mariage,
et lorsque ce mariage est consommé par l’acte charnel, il se passe quelque chose qui va
au-delà de l’union physique pour englober l’homme et la femme tout entiers. Les

44
Job 19:20; Psaume 102:5; Job 29:10.
45
Ruth 1:14; 2 Samuel 20:2; Genèse 34:3; 1 Rois 11:2.
46
Deutéronome 10:20; 11:22; 13:4; 30:20; Josué 22:5; 23:8. Dieu se présente dans ces textes comme l’Eternel, c’est-à-dire le
Dieu de l’alliance, et il ajoute : « l’Eternel, votre Dieu », ou : « l’Eternel, ton Dieu ».
47
Marc 10:8.

- 46 -
relations sexuelles entre un homme et une femme sont toujours l’expression de cette
union. C’est vrai même du commerce avec une prostituée, comme l’affirme l’apôtre Paul
48. Un homme ne peut jamais, même s’il soutient le contraire, coucher avec une femme
comme un chien s’accouple avec une chienne ou un coq avec une poule. Dieu a créé
l’homme et la femme et a institué le mariage de telle sorte que l’union sexuelle est
beaucoup plus que la satisfaction d’un instinct et l’assouvissement d’un besoin physique.
En s’unissant physiquement à une femme on ne s’unit pas à un corps féminin, mais à un
être qui a, certes, un corps, mais qui est beaucoup plus qu’un corps.

Que fait, selon Ephésiens 5:28, l’homme qui aime sa femme ?

.................................................................................................................................................

L’apôtre Paul demande aux maris d’aimer leur femme comme Christ a aimé son Eglise et
s’est livré lui-même pour elle 49. Une union conjugale qui n’est pas faite d’amour et de
fidélité n’est en rien le reflet de l’union entre le Christ et son Eglise. Elle n’est donc pas
conforme à la volonté de Dieu. Le mariage institué par Dieu est tel qu’il ne tolère pas
l’intrusion d’une tierce personne.

2.1.3 Divorce et remariage :

L’union permanente de l’homme et de sa femme dans le mariage est la règle normative


de l’Ancien Testament 50. C’est, comme Jésus l’affirme, ce que Dieu a voulu en instituant
le mariage et ce qu’il a constamment prescrit par les prophètes. Le divorce est perçu

48
1 Corinthiens 6:12 -20.
49
Ephésiens 5:25.28.
La polygamie semble avoir été une pratique relativement courante, du moins au début de l’histoire du peuple de Dieu (Genèse
50

4:19; 16:1-4; 26:34.35; 29:26; 30:4.9; Juges 8:30; 1 Samuel 1:5). Par la suite, elle semble avoir été le privilège des rois et peut-être d’autres
notables d’Israël (2 Samuel 5:13; 20:3;1 rois 11:1.3; 2 Chroniques 11:21). L’Ancien Testament ne la condamne pas ; il ne la sanctionne pas
davantage. A la lumière de l’enseignement du Christ, elle est incompatible avec l’institution divine du mariage et procède de la
méconnaissance, voire du refus de la volonté de Dieu. L’homosexualité et la zoophilie font, quant à elles, l’objet d’une condamnation
formelle (Lévitique 18:22.23).

- 47 -
comme une réalité du monde déchu. Il est légalement possible, même en Israël, mais cela
ne signifie en rien qu’il soit licite : «Lorsqu’un homme aura pris et épousé une femme qui
viendrait à ne pas trouver grâce à ses yeux, parce qu’il a découvert en elle quelque chose
de honteux, il écrira pour elle une lettre de divorce et, après la lui avoir remise en main,
il la renverra de sa maison. Elle sortira de chez elle, s’en ira et pourra devenir la femme
d’un autre homme. Si ce dernier homme la prend en aversion, écrit pour elle une lettre
de divorce et, après la lui avoir remise en main, la renvoie de sa maison ; ou bien, si ce
dernier homme qui l’a prise pour femme vient à mourir, alors le premier mari qui l’avait
renvoyée ne pourra pas la reprendre pour femme après qu’elle a été souillée, car c’est
une abomination devant l’Eternel et tu ne chargeras point de péché le pays que l’Eternel,
ton Dieu, te donne en héritage » 51. Ce texte invoqué par les pharisiens 52 en faveur du
divorce ne l’autorise pas. Moïse n’y institue pas le divorce, mais en parle comme d’une
réalité connue. Il n’entend nullement l’approuver, mais énonce une disposition . Il se
contente de préciser ce qui n’est pas possible en cas de rupture : la femme répudiée ne
peut pas, après la mort de son deuxième mari, revenir à son premier époux 53. Si le
prophète Moïse ne pouvait approuver le divorce, l’homme d’Etat qu’il était en même
temps ne pouvait pas l’empêcher. Les clauses énoncées dans Deutéronome 24:1-4 l’ont
été « à cause de la dureté de votre coeur », précise le Christ 54. Moïse se contenta donc de
légiférer pour limiter, sur le plan social, le mal commis 55. Ce qu’une loi ne parvient pas à
empêcher, elle s’efforce de le contrôler.

L’enseignement de l’Ancien Testament est clair : il affirme la sainteté et l’inviolabilité du


mariage et condamne comme adultère tout ce qui constitue une rupture de ce lien
divinement institué. La Loi et les prophètes sont très clairs à ce sujet et utilisent des
termes sévères pour dénoncer l’adultère, allant jusqu’à prescrire la peine de mort pour
le coupable 56. Il n’est pas sûr cependant qu’elle ait jamais été appliquée. Les prophètes

51
Deutéronome 24:1-4. Le sens de l’expression « il a découvert en elle quelque chose de honteux » n’est pas clair. Cest sans doute
un terme jurdique, mais dont la signification précise nous échappe aujourd’hui. Il ne peut pas s’agir d’adultère, car celui-ci était passible de la
peine de mort (Deutéronome 22:22). L’expression désignait-elle une déficience physique, tenue secrète avant le mariage et rendant sa
consommation impossible ou difficile, comme l’ont pensé certains commentateurs?
52
Matthieu 19; Marc 10.
53
L’explication donnée est que la femme a été souillée par son deuxième mariage. Il y a eu en effet divorce, donc adultère. En cas
de répudiation par le deuxième mari il y aurait à nouveau divorce, donc adultère. Moïse interdit pour cela le remariage avec le premier mari.
Cette mesure veut rendre le divorce plus difficile et empêcher un recours trop rapide à une forme d’adultère « légale et institutionnalisée ».
54
Matthieu 19:8.
55
Ailleurs, il interdit le divorce à un homme s’il a faussement accusé son épouse de vagabondage sexuel avant le mariage
(Deutéronome 22:13-19) ou s’il l’a violée avant de l’épouser (Deutéronome 22:28.29). Il est interdit aussi à un sacrificateur d’épouser une
femme divorcée, car il doit être saint pour son Dieu (Lévitique 21:7.14).
56
Deutéronome 5:18; 22:22-24; Lévitique 20:10; Jérémie 7:9; 23:10; Exode 16:32; 18:6.11.15; 22:11; 33:26.

- 48 -
assimilent l’infidélité d’Israël envers son Dieu à l’adultère commis par la femme infidèle
à son époux 57.

Malachie 2:16 :

.................................................................................................................................................

.................................................................................................................................................

Du fait que le mariage génère quelque chose qui n’existait pas auparavant, une union
unique en son genre, le divorce est par définition une aberration. Le mariage est l’oeuvre
de Dieu. C’est pourquoi, il existe chez les époux chrétiens non seulement un lien
horizontal qui les unit entre eux, mais aussi un lien vertical : l’engagement qu’ils ont pris
devant Dieu de s’aimer et de s’être fidèles jusqu’à ce que la mort les sépare. Aussi le
meilleur garant de la permanence du mariage est-il la crainte et l’amour de Dieu et le
respect de sa volonté. La fidélité conjugale du chrétien se fonde sur sa fidélité à Dieu et
va de pair avec elle.

2.2 L’enseignement de Jésus-Christ :


2.2.1 Jésus-Christ et l’enseignement de l’Ancien Testament :

Jésus fut appelé à se prononcer sur le divorce et le remariage par les pharisiens qui,
perdant de vue le récit de l’institution du mariage dans Genèse 1 et 2, divergeaient dans
leur interprétation du texte de Deutéronome 24 où Moïse prescrit au mari qui répudie
sa femme de lui donner une lettre de divorce pour qu’elle puisse se remarier, et interdit

57
Esaïe 50:1; Jérémie 3:1; Malachie 2:13-16; Osée 2-4; Ezéchiel 16 et 23.

- 49 -
à celle-ci de retourner auprès de son premier mari en cas de décès du deuxième. C’est
dans ce cadre, ainsi que dans son Sermon sur la montagne, qu’il fut amené à s’exprimer
sur la signification du sixième Commandement et sur les implications de l’institution
divine du mariage 58.

a) Le sixième Commandement : Dans le Sermon sur la montagne, le Christ explique


que la sainteté du mariage exige non seulement une fidélité extérieure à son conjoint, et
donc le renoncement à des relations sexuelles avec tout autre partenaire, mais aussi la
fidélité du coeur. Il affirme : « Vous avez appris qu’il a été dit: Tu ne commettras point
d’adultère. Mais moi, je vous dis que quiconque regarde une femme pour la convoiter a
déjà commis un adultère avec elle dans son coeur » 59.

Le lien du mariage est un lien sacré, absolu et, selon la volonté de Dieu, indissoluble.
C’est dans le coeur qu’il est préservé ou rompu. L’homme est appelé à renoncer à tout ce
qui pourrait porter atteinte à sa sainteté. Il doit maîtriser ou s’arracher l’oeil qui lui fait
désirer une autre femme que la sienne, maîtriser ou retrancher la main qui veut
s’emparer de ce que son oeil convoite. C’est une façon impressionnante d’affirmer qu’il
doit à tout prix lutter contre le mal en son coeur qui déshonore et menace le mariage
institué par Dieu et qui le lie à son conjoint. Telle est la révélation divine concernant le
mariage. Elle s’oppose diamétralement à toute tentative faite par les hommes de
résoudre leurs problèmes conjugaux en modifiant et modelant la Loi selon les
aspirations de leur coeur corrompu. Les docteurs de la Loi qui interrogèrent Jésus à ce
sujet tentaient, par leur interprétation de textes tels que Deutéronome 24:1-4, de
légiférer de manière à légitimer et sanctionner la transgression du Comman-dement
divin. La législation actuelle sur le divorce fait de même, suscitant partout, et de plus en
plus aussi parmi les membres des Eglises, le sentiment que ce qui est permis par le code
civil de nos sociétés l’est de ce fait aussi par Dieu. Le sixième Commandement et le
dixième qui interdit de convoiter la femme de son prochain sont transgressés par
l’adultère consommé avec un autre partenaire aussi bien que par l’adultère du coeur. Car
l’adultère existe aussi dans le coeur et dans les yeux. En toutes choses et donc aussi dans
le mariage, la sainte volonté de Dieu couvre l’existence humaine dans son ensemble, ses

58
Matthieu 5:31.32; 19:3-12; Marc 10:2-12; Luc 16:18.

- 50 -
gestes et actes, ses paroles et les pensées de son coeur. Rien n’échappe à la juridiction du
Créateur du ciel et de la terre.

Quel est l’enseignement de l’apôtre Paul dans Romains 7:7.8 ?

.................................................................................................................................................

.................................................................................................................................................

b) Genèse 1 et 2 et l’institution du mariage : Jésus fonda son enseignement


concernant le divorce et le remariage non seulement sur le sixième Commandement
interdisant l’adultère, mais aussi sur le caractère indissoluble du mariage institué par
Dieu 60. Les pharisiens lui demandèrent s’il était permis de répudier sa femme. Sans
doute voulaient-ils l’entraîner dans une question de casuistique, une querelle de rabbins,
pour savoir où il se situait par rapport aux écoles fondée par Shammaï et Hillel, deux
grands docteurs de la Loi du I° siècle av. J.-C. Se fondant sur l’expression « il a découvert
en elle quelque chose de honteux » 61, les disciples de Shammaï, suivant en cela
l’exemple de leur maître, affirmaient que seule l’infidélité avérée était une cause légitime
de divorce, tandis que ceux de Hillel soutenaient qu’on pouvait divorcer pour bien
d’autres raisons encore, tel qu’un plat brûlé 62. Rabbi Akiba (50-135) allait jusqu’à
affirmer que le fait de trouver une autre femme plus belle et plus désirable que son
épouse justifiait le divorce63. Une chose était certaine pour les pharisiens : le droit au
divorce existait, puisque le grand Moïse avait légiféré à ce sujet. La seule incertitude
concernait les cas où le mariage pouvait être dissous. Au temps du Christ, il n’existait
pratiquement pas de mariage dans le peuple d’Israël qu’un mari ne pouvait pas

59
Matthieu 5:27.28. Cf. 1 Thessaloniciens 4:3-6.
60
Matthieu 19:3-9; Marc 10:2-9.
61
Deutéronome 24:1.
62
Cf. Mishna, Gittin 9, 10.
63
Josèphe, Antiquités juives 4, 8, 23.

- 51 -
dissoudre de la façon la plus légale du monde en remettant à son épouse une lettre de
divorce. On pouvait effectivement divorcer « pour un motif quelconque » 64.

Comment réagit le Christ? Prit-il position en faveur d’une interprétation stricte de


Deutéronome 24:1-4 ou milita-t-il pour une interprétation plus libérale? Ni l’un ni
l’autre. Sachant que les pharisiens allaient l’aborder sur ce terrain, il se détourna de
Deutéronome 24 et réaffirma, en se fondant sur Genèse 1:27 et 2:24, la volonté première
de Dieu, manifestée dans l’institution du mariage, que mari et femme n’ont pas le droit
de séparer ce que le Seigneur a uni, que le lien du mariage est par définition indissoluble
65. Les pharisiens étaient convaincus que la clause de Deutéronome 24 concernant la
lettre de divorce était un complément ajouté par Dieu à l’institution du mariage révélant
qu’il approuvait ou du moins tolérait le divorce dans des circonstances qu’il fallait tout
simplement préciser. Le Christ dénonça ce raisonnement en affirmant que Deutéronome
24 ne vient pas compléter Genèse 1 et 2, mais que Moïse fut obligé, en raison de la
dureté de coeur des Israélites, non pas d’approuver le divorce, mais de le contrôler, d’en
définir les clauses pour en limiter les dégâts. Il prescrivit donc au mari qui répudie sa
femme de lui remettre une lettre de divorce et lui interdit de la reprendre pour épouse
après qu’elle aura contracté un nouveau mariage. C’était une façon d’affirmer clairement
qu’on ne joue pas avec le mariage institué par Dieu, qu’un mari ne doit pas renvoyer et
reprendre sa femme comme bon lui semble, que ce lien est sacré et qu’on n’a pas le droit
de le profaner. Il s’agissait tout simplement de mettre un frein à la légèreté avec laquelle
on contractait et annulait des mariages.

Deutéronome 24:1-4 aurait été inutile si le peuple de Dieu s’était toujours conformé à la
volonté de Dieu manifestée dans l’institution du mariage. Nos gouvernements n’auraient
pas davantage besoin d’une législation sur le divorce si le péché n’avait pas fait son
entrée dans le monde, affectant tous les domaines de l’existence humaine, et tout
particulièrement le sexe et mariage et les relations entre les époux. Il existe
d’innombrables couples souffrant d’une incompatibilité telle qu’elle engendre la haine et
souvent, du côté du plus fort, la violence et la maltraitance. Dans ce cas, le divorce ou la
séparation est le moindre mal et certainement préférable à un calvaire permanent
pouvant entraîner de très graves troubles psychiques dont la seule issue parfois est le

64
Matthieu 19:3.

- 52 -
meurtre ou le suicide. Au lieu de déplorer la dureté et la corruption du coeur humain à
cause desquelles le législateur ne peut pas empêcher le divorce, mais doit le tolérer dans
certaines limites, les interlocuteurs du Christ saluaient avec joie ces dispositions légales,
comme beaucoup de membres de l’Eglise, au lieu d’écouter la Parole de Dieu qu’on leur
enseigne, recourent aux dispositions du code civil pour régler leurs problèmes
conjugaux.

Le Christ rappelle donc de façon radicale la volonté première de Dieu et affirme que le
mariage est indissoluble : « Que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a joint ! » C’est la
seule attitude conforme à la volonté du Créateur. Il n’y en a pas d’autre. Rompre le lien
du mariage, c’est commettre un grave péché. Un péché dont il faut se repentir et que
Dieu est prêt à pardonner à ceux qui le lui demandent d’un coeur humble et croyant.
L’enseignement du Christ fondé sur Genèse 1 et 2 est normatif pour les chrétiens jusqu’à
la fin des temps.

2.2.2. L’enseignement de Jésus sur le divorce et le remariage :

A part cette controverse avec les pharisiens, Jésus a encore pris position ici et là sur le
divorce et le remariage. Dans les textes en question, il s’exprime de différentes façons.
Cependant, loin de se contredire, ceux-ci se complètent. Nous allons les analyser
brièvement l’un après l’autre.

a) Matthieu 5:31.32 : « Il a été dit : Que celui qui répudie sa femme lui donne une lettre
de divorce. Mais moi, je vous dis que quiconque répudie sa femme, sauf pour cause
d’infidélité, l’expose à devenir adultère, et que celui qui épouse une femme répudiée
commet un adultère ». Première constatation : la répudiation ou le divorce est contraire
à la volonté de Dieu, qu’il soit suivi ou non d’un nouveau mariage. Répudier sa femme,
c’est lui causer un grave tort, faire d’elle une victime. Jésus utilise un verbe que la
plupart des traductions 66 rendent de la façon suivante : « l’expose à devenir adultère ».
Cette traduction n’est pas satisfaisante. On comprend mal comment une femme qui subit
une répudiation peut devenir coupable d’adultère. La Bible en Français Courant, quant à

65
Matthieu 19:6.
66
Segond, Bible à la Colombe, TOB.

- 53 -
elle, rend le verbe grec comme s’il s’agissait d’un actif : « Lui fait commettre adultère si
elle se remarie ». La répudiation par son mari place l’épouse dans une situation où elle a
la possibilité de contracter un nouveau mariage, ce qui lui ferait commettre un adultère.
Cette traduction est encore davantage contestable. Elle fait en effet du remariage et non
de la répudiation même l’objet du délit. C’est le remariage et non le divorce qui constitue
dès lors l’adultère. Le Christ, en fait, utilise un passif67 qu’on pourrait traduire de la façon
suivante : « la fait (passer pour) adultère ». Adultère non pas dans la réalité, puisqu’elle
subit la répudiation et n’en est donc pas responsable, mais adultère aux yeux de la
société. Jésus s’en prend au mari, acteur du divorce, et non à sa femme qui en est la
victime. Le fait d’avoir été répudiée par son mari la fait passer pour une épouse infidèle,
légitimement chassée par lui. C’est un statut qui lui est imposé par le péché d’un autre,
celui de son conjoint.

Qu’en est-il de la clause d’exception, de l’expression « sauf pour cause d’infidélité », seul
cas qui légitime un divorce dans l’opinion du Christ? 68 Le mot traduit par « infidélité »
est le terme grec « porneia » 69 qu’on retrouve dans certains mots français. De quoi
s’agit-il? C’est un terme générique, au sens large, qui désigne dans la Bible tout rapport
sexuel illicite, dans ou en dehors du mariage, alors que le mot « adultère » 70 dénote les
relations sexuelles qui brisent le lien du mariage, l’infidélité conjugale 71. La clause du
Christ autorise donc le divorce en cas de relations sexuelles extra-conjugales, c’est-à-dire
d’infidélité. Dans ce cas-là, l’épouse répudiée ne risque pas de passer innocemment pour
adultère, puisqu’elle aura personnellement commis ce péché. Le lien du mariage est
effectivement rompu par l’adultère et, par ailleurs, aucun tort n’est fait à l’épouse
coupable. Le divorce est donc autorisé, ce qui ne veut pas dire qu’il soit prescrit ! Le
Christ ne défend pas la cause de ceux qui bafouent la volonté et méprisent la bonté de

67
 a .
68
Matthieu 5:32; 19:9. D’innombrables exégètes sont convaincus que cette clause ne provient pas de Jésus, mais qu’elle constitue
une interpolation tardive de la part de Matthieu ou de quelque autre éditeur de l’évangile. C’est une opinion que nous ne pouvons pas
partager. Nous rejetons fermement l’idée que l’Ecriture Sainte nous propose des versions contradictoires de l’enseignement de Jésus. A noter
cependant que cette clause ne figure pas dans les textes parallèles de Marc 10:11.12; Luc 16:18, ni dans 1 Corinthiens 7:10.11. Nous dirons
simplement que dans Marc et Luc, le Seigneur expose le principe général, sans mentionner aucune exception à la règle, tandis que le texte de
Matthieu, plus complet, fait état de cette exception.
69
.
70
En grec, 
71
Cf. Matthieu 15:19. C’est pour cela que les prophètes taxent d’adultère (en hébreu, « zânâh ») l’infidélité dont Israël fait preuve
à l’égard de Dieu (Jérémie 3; Osée 4; Ezéchiel 16:23). Dans le Nouveau Testament, le terme désigne les relations sexuelles avec une
prostituée (1 Corinthiens 6:13.18), l’inceste (1 Corinthiens 5:1) et, d’une façon générale, les relations sexuelles en dehors du mariage
(Romains 7:2). L’impudicité figure sur la liste des péchés que ne commettent pas ceux en qui habite le Saint-Esprit et qui excluent du
Royaume de Dieu (Galates 5:19; Ephésiens 5:3; Colossiens 3:5; cf. Actes 15:20.29; 21:25; Matthieu 15:19; Marc 7:21; 2 Corinthiens 12:21).
Ce péché peut être commis indifféremment par les gens mariés et les non-mariés (1 Corinthiens 6:18; 1 Thessaloniciens 4:3; Romains 7:2).
Dans l’Apocalypse, le terme a un sens figuré et désigne l’infidélité à Dieu et l’apostasie (Apocalypse 2:21; 14:8; 17:2.4; 18:3; 19:2).

- 54 -
Dieu. De même, il n’interdit pas à l’innocent qui a subi un divorce de se remarier. Voilà
qui doit inciter l’Eglise à juger avec prudence et à ne pas imposer aux innocents des
fardeaux inutilement lourds 72.

Jésus ajoute : « Celui qui épouse une femme répudiée commet un adultère ». Une lecture
un peu rapide de ce texte semble interdire le remariage de quelque femme divorcée que
ce soit, même de celle qui a été répudiée quoique innocente. Cependant, le Christ dit bien
: « celui qui épouse une femme répudiée » et utilise l’article indéfini. Il ne vise donc pas la
femme dont il vient de parler, celle qui a été injustement répudiée. Nous en concluons
qu’il s’exprime d’une façon générale et songe aux innombrables femmes juives
injustement répudiées par leurs maris.

b) Matthieu 19:9 : « Je vous dis que celui qui répudie sa femme, sauf pour infidélité, et
qui en épouse une autre, commet un adultère ». Dans ce texte, Jésus relie plus nettement
que dans le précédent le divorce et le remariage. Il évoque clairement le cas de celui qui
répudie sa femme dans le dessein bien arrêté d’en épouser une autre. Le divorce est un
acte coupable s’il n’a pas pour mobile l’infidélité du conjoint. Mais le remariage constitue
lui aussi une transgression de la volonté de Dieu. Matthieu 5:31.32 enseignait qu’en
répudiant sa femme on l’exposait à devenir adultère, la condamnait à passer aux yeux du
public pour une femme infidèle à son mari. Matthieu 19:9 enseigne de son côté que celui
qui commet un tel acte est lui-même coupable d’adultère. Inversement, il est permis de
conclure de la clause de l’infidélité mentionnée dans le texte que le conjoint fidèle et
innocent a, sans commettre d’adultère, la possibilité de divorcer et de contracter un
nouveau mariage. Cependant, ce n’est pas sur le caractère licite d’un divorce et d’un
remariage que le Christ met l’accent, mais sur le fait que l’infidélité du conjoint constitue
la seule exception à la règle énoncée.

c) Marc 10:11.12 : « Celui qui répudie sa femme et qui en épouse une autre, commet un
adultère à son égard, et si une femme quitte son mari et en épouse un autre, elle commet
un adultère ». C’est ce que le Christ dit aux disciples qui lui posaient quelques questions
subsidiaires après la controverse avec les pharisiens dont il a déjà été question ci-
dessus, dans Matthieu 19. Sans doute avaient-ils encore besoin de quelques

72
Nous faisons allusion ici à la pratique de l’Eglise catholique qui interdit dans tous les cas le remariage des divorcés.

- 55 -
éclaircissements sur le lien entre l’intention première du mariage exprimée dans le récit
de la création (Genèse 1 et 2) et la règle énoncée par la suite, dans Deutéronome 24:1-4.
Dans sa réponse, Jésus corrige sur deux points la « tradition des hommes » véhiculée par
les docteurs de la loi et les pharisiens. Les juifs de son temps étaient convaincus qu’en
répudiant sa femme, un homme pouvait commettre adultère à l’encontre d’un autre
homme dans l’hypothèse où il séduirait sa femme, et qu’une femme pouvait commettre
adultère à l’encontre de son mari. Mais un mari, pensait-on, ne pouvait pas se rendre
coupable d’adultère envers sa femme. En déclarant que celui qui répudie sa femme et en
épouse une autre « commet un adultère à son égard », Jésus met un terme à cette
immunité masculine octroyée à l’homme en matière d’adultère. D’autre part, ce qui est
vrai du mari l’est aussi de sa femme. La responsabilité et la culpabilité sont les mêmes de
part et d’autre. Le Seigneur est formel : le mariage est sacré et doit demeurer intact. Le
lien conjugal est indissoluble et ne peut être rompu. Tel doit être l’enseignement de
l’Eglise à une époque où le mariage passe de plus en plus pour une sorte de « contrat »
valable aussi longtemps que « cela marche » et qu’on peut dissoudre quand on ne s’aime
plus et qu’on n’a plus envie de vivre ensemble. Martin Luther écrit dans le Grand
Catéchisme : « Dieu honore et glorifie cet état en ce que, à la fois, il le confirme et le
garantit par son commandement... C’est la raison pour laquelle il veut que nous
l’honorions, l’adoptions et le cultivions, nous aussi, comme un état divin et bienheureux,
puisqu’il l’a institué en premier, avant tous les autres » 73.

d) Luc 16:18 : « Quiconque répudie sa femme et en épouse une autre commet un


adultère, et quiconque épouse une femme répudiée par son mari commet un adultère ».
Chez Luc, l’interdiction du divorce vient illustrer le principe qu’ « il est plus facile que le
ciel et la terre passent qu’il ne l’est qu’un seul trait de lettre de la loi vienne à tomber » 74.
Dans leur légalisme et leur formalisme, les pharisiens et les scribes s’attachaient
servilement à la lettre de la Loi, mais en ignoraient totalement l’esprit. Ils étaient prêts à
s’autoriser le divorce et à l’autoriser aux autres pourvu que leur interprétation de la
lettre de la Loi le leur permette. En se donnant ainsi et en donnant à autrui une bonne
conscience, ils transgressaient allègrement la Loi de Dieu et profanaient le lien sacré du
mariage. L’enseignement du Christ est clair et se tient à l’écart de toute casuistique,
n’évoquant pas plus chez Luc que dans Marc 10:11.12 le cas de l’infidélité : divorce et

73
Martin Luther, Grand Catéchisme I, in La foi des Eglises Luthériennes, Editions Le Cerf et Labor et Fides, 1991, p. 357.

- 56 -
remariage sont contraires à la volonté de Dieu parce que contraires à l’essence même du
mariage.

2.3 L’enseignement de l’apôtre Paul :

L’annonce de l’Evangile dans le monde païen et l’établissement de l’Eglise en terre


païenne soulevèrent des questions qui ne trouvaient pas de réponse directe dans
l’enseignement de Jésus. Par exemple, le problème des mariages mixtes. Il existe dans
l’oeuvre de l’apôtre Paul des textes très importants et très beaux sur le mariage, l’amour,
la fidélité et les autres devoirs des époux. C’est dans 1 Corinthiens 7:10-16 qu’il
s’exprime sur le divorce et le remariage : « A ceux qui sont mariés j’ordonne, non pas
moi, mais le Seigneur, que la femme en se sépare point de son mari (si elle est séparée,
qu’elle demeure sans se marier ou qu’elle se réconcilie avec son mari), et que le mari ne
répudie point sa femme. Aux autres, ce n’est pas le Seigneur, c’est moi qui dis : Si un
frère a une femme non-croyante et qu’elle consente à habiter avec lui, qu’il ne la répudie
point ; et si une femme a un mari non-croyant et qu’il consente à habiter avec elle,
qu’elle ne répudie point son mari. Car le mari non-croyant est sanctifié par la femme ;
autrement, vos enfants seraient impurs, tandis que maintenant ils sont saints. Si le non-
croyant se sépare, qu’il se sépare ; le frère ou la soeur ne sont pas liés dans ces cas-là.
Dieu nous a appelés à vivre en paix. Car que sais-tu, femme, si tu sauveras ton mari? Ou
que sais-tu, mari, si tu sauveras ta femme ? »

74
Luc 16:17.

- 57 -
Dans ce texte, l’apôtre Paul affirme que « la femme non-croyante est sanctifiée par
le mari ». Essayez d’expliquer avec vos propres mots ce que cela signifie à votre
avis :

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Dans le premier verset du chapitre, l’apôtre signale son intention de répondre à des
questions qu’on lui a posées sur le divorce et le remariage. Nous ne pouvons rien dire de
précis sur le contexte qui les a fait surgir, mais deux choses semblent évidentes :
l’existence d’un courant ascétique qui avait tendance à déprécier le mariage et à
recommander l’abstinence voire la séparation définitive, et par ailleurs le sentiment que
l’union avec un conjoint non-croyant souillait d’une façon ou d’une autre le partenaire
croyant. Paul fait deux choses dans le texte que nous venons de lire : Revêtu de son
autorité apostolique, il interdit au nom du Christ le divorce. Cette interdiction va dans
les deux sens. Elle concerne aussi bien la femme que le mari. Si, par contre, la séparation
a déjà eu lieu ou devait se produire, Paul rappelle la volonté du Seigneur que les
conjoints renoncent à un nouveau mariage ou qu’ils se réconcilient. Il ne parle ni
d’impudicité ni de désertion du domicile conjugal, car il a affaire à des chrétiens qui ne
commettent pas ce genre de péché. Il se contente de leur rappeler que, selon
l’enseignement du Seigneur, le lien du mariage est sacré et ne doit pas être rompu. Quant

- 58 -
aux mariages mixtes, le Christ ne s’est pas exprimé à ce sujet, mais de son enseignement
sur l’indissolubilité du mariage, Paul tire la conclusion légitime qu’un chrétien ne doit
pas se séparer de son conjoint non-croyant si celui-ci consent à cohabiter avec lui.
L’union avec un incroyant ne souille pas le conjoint croyant et le mariage mixte est un
vrai mariage devant Dieu. Loin de souiller le conjoint croyant, le mariage « sanctifie » le
partenaire incroyant et les enfants issus d’une telle union.

Qu’est-ce que cela veut dire? Il est certainement faux d’admettre que, dans l’opinion de
l’apôtre Paul, le conjoint croyant sauve son partenaire incroyant en croyant à sa place.
Une telle affirmation est diamétralement opposée à l’enseignement de la Bible selon
lequel on est sauvé par sa foi personnelle et non celle d’autrui. Il n’existe pas de foi
substitutive. « Celui qui croira et qui sera baptisé sera sauvé, mais celui qui ne croira pas
sera condamné » 75. Dans l’esprit de l’apôtre Paul, le verbe traduit par « sanctifier »
n’implique pas le salut, salut dont il est question dans le V.16 où l’apôtre pose la question
: « Que sais-tu, femme, si tu sauveras ton mari? Ou que sais-tu, mari, si tu sauveras ta
femme ? » Ce que veut dire saint Paul, c’est qu’en vivant avec un conjoint croyant, le
partenaire incroyant si situe dans une sorte de « sphère de sainteté ». Il cohabite avec
quelqu’un qui est pour lui une source de bénédictions par ses prières, ses intercessions,
son témoignage, sa piété, la sainteté de sa conduite. Ce n’est pas l’incroyant qui souille
son conjoint croyant, mais le croyant qui « sanctifie » son conjoint incrédule. Ce dernier
vit sous un toit béni où brille la lumière de l’Evangile, où retentissent prières et louanges
et où le Saint-Esprit est à l’action. Tout cela peut se révéler bénéfique pour le partenaire
incroyant, ouvrir son coeur à l’Evangile et le placer ainsi sur le chemin de la repentance
et de la foi. L’apôtre Pierre n’écrit-il pas : « Femmes, soyez de même soumises à votre
mari, afin que si quelques-uns n’obéissent point à la parole, ils soient gagnés sans parole
par la conduite de leur femme, en voyant votre manière de vivre chaste et
respectueuse » 76 ? Et Jésus n’a-t-il pas dit d’une façon générale : « Que votre lumière
luise devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes oeuvres et qu’ils glorifient votre
Père qui est dans les cieux » 77 ?

75
Marc 16:16.
76
1 Pierre 3:1.2.
77
Matthieu 5:16.

- 59 -
Si, par contre, l’incroyant répudie son conjoint croyant, « le frère ou la soeur ne sont pas
liés dans ces cas-là ». Qu’est-ce que cela veut dire, en cas d’abandon définitif du domicile
conjugal de la part de l’incroyant? Le conjoint croyant peut-il solliciter le divorce et donc
se remarier? Que veut dire l’expression « ne pas être lié »? Les avis des commentateurs
divergent. Certains pensent que l’apôtre Paul libère du lien conjugal celui qui a été
abandonné par son conjoint incroyant et l’autorise ainsi à se remarier. D’autres estiment
qu’il le libère seulement de l’obligation de rétablir le lien rompu et de sauver le mariage,
sans que cela constitue une autorisation de contracter un nouveau mariage. Il faut
remarquer tout d’abord que dans Romains 7:2 et 1 Corinthiens 7:27.39, l’apôtre
envisage bel et bien la dissolution du mariage et la possibilité de se remarier quand il
déclare que l’épouse est « liée » à son mari aussi longtemps que celui-ci est en vie et que
la mort de ce dernier la libère 78 du lien qui l’unissait à lui, lui donnant ainsi la « liberté »
de se remarier. Si le lien conjugal a été rompu par l’incroyant, il n’existe plus et le
conjoint croyant n’a pas à le sauver ou le restaurer. Il n’en a sans doute même pas la
possibilité. Paul n’interdit ni n’autorise explicitement le remariage, mais se contente de
constater que lorsqu’un incroyant abandonne effectivement et définitivement le
domicile conjugal, sans espoir légitime d’un retour, il n’y a plus de mariage. Un croyant
n’est pas tenu par sa conscience de préserver ou restaurer une union dissoute par un
conjoint qui ne respecte pas la volonté de Dieu concernant le mariage. « Dieu nous a
appelés à vivre en paix », dit Paul, et non à nous battre pour un mariage qui n’existe plus
parce qu’il a été rompu par quelqu’un qui n’en voulait plus. Vouloir sauver ce mariage à
tout prix et en faire une obligation au croyant, dans l’espoir de sauver le conjoint
incroyant, est manifestement une entreprise aléatoire 79. Il s’ensuit tout naturellement
que si le lien conjugal n’existe plus, il est permis au conjoint croyant de demander le
divorce et de se remarier.

Si cette interprétation est correcte, l’abandon du domicile conjugal, ce qu’on appelle la


« désertion malicieuse », constitue avec l’infidélité conjugale une cause légitime de
divorce. L’adjectif « malicieuse » précise que la désertion a lieu avec la volonté expresse
de ne plus revenir, le refus clairement exprimé de reprendre la vie commune. Il va de soi
que la plus grande sagesse et beaucoup de prudence s’imposent dans la cure d’âme

78
En grec, .
79
C’est ce que l’apôtre Paul laisse entendre dans 1 Corinthiens 7:16, quand il pose la question : « Que sais-tu, femme, si tu
sauveras ton mari ? Ou que sais-tu, mari, si tu sauveras ta femme ? »

- 60 -
quand on a affaire à des cas d’abandon du domicile conjugal. Ce texte ne doit en aucune
façon servir d’alibi et de justificatif à ceux qui voudraient se débarrasser de leur conjoint
pour des raisons que l’Ecriture Sainte ne reconnaît pas.

2.4 Résumé et conclusions :

1) En instituant le mariage à l’aube de la création, Dieu a voulu qu’il soit un lien


indissoluble d’amour, d’affection, d’aide, de confiance et de fidélité, qui unit pour la vie
un homme et une femme. Par sa nature même, l’union entre un mari et son épouse ne
souffre pas l’intrusion d’une tierce personne. Aussi l’homme ne doit-il pas séparer ce que
Dieu a joint. Il s’agit d’une alliance que la Bible compare à celle que Dieu a conclue avec
son peuple. C’est pourquoi, elle est exclusive. La crainte du Seigneur et l’amour de sa Loi
sont les meilleurs garants de la fidélité conjugale.

2) La répudiation qui détruit et sépare ce que Dieu a joint est toujours contraire à
l’intention qu’il manifesta en instituant le mariage. Ce jour-là, il ne prit pas de
dispositions pour réglementer le divorce. Il est vrai que l’homme vivait encore dans
l’état d’innocence, que le péché n’avait pas encore fait son entrée dans le monde. C’est la
corruption du genre humain et donc aussi du peuple auquel le Seigneur s’était lié, la
« dureté de leur coeur » qui obligea Moïse à légiférer à ce sujet. « Au commencement, il
n’en était pas ainsi » 80. Dans toute l’Ecriture Sainte, Dieu rappelle aux époux qu’ils ont
été unis pour la vie et qu’ils se doivent amour et fidélité jusqu’à ce que la mort les
sépare.

3) On appelle adultère au sens strict du terme l’acte par lequel on rompt le lien du
mariage en étant infidèle à son conjoint, et divorce, l’annulation officielle du mariage
prononcée par les mêmes autorités civiles que celles qui procèdent au mariage.
Quiconque est infidèle à son conjoint ou quiconque se sépare de lui pour une raison
autre que l’infidélité ou l’abandon du domicile conjugal, rompt un lien que Dieu a voulu
indestructible et commet adultère. Qu’il demande le divorce et se remarie ou non.
L’adultère n’est pas dans le divorce ni dans le remariage, mais dans la rupture effective

- 61 -
du lien conjugal. D’autre part, quiconque épouse une personne qui s’est rendue coupable
d’adultère participe à cet adultère.

4) Quand il y a adultère, c’est-à-dire infidélité conjugale et donc rupture du lien conjugal,


le conjoint innocent qui subit cela a le droit d’obtenir le divorce et de se remarier. Il
s’agit d’un droit et non d’une obligation, et il est normal qu’un chrétien tente de sauver
son mariage par la réconciliation avant de décider d’y mettre légalement fin. Vivant du
pardon du Christ, le chrétien s’efforcera toujours de guérir un mariage brisé en offrant
son pardon au conjoint coupable. D’autre part, pour que quelqu’un ait le droit de
divorcer, sans se rendre coupable d’avoir brisé un lien que Dieu voulait indissoluble, il
faut qu’il soit effectivement innocent et que les torts ne soient pas partagés et dus à une
mésentente réciproque. Pour qu’il y ait innocence, il ne faut pas que l’infidélité de l’autre
résulte d’une incompatibilité d’humour dans laquelle chacun porte sa part de
responsabilité.

5) Quand il y a abandon du domicile conjugal, il y a refus d’accomplir les obligations


inhérentes à l’alliance qu’est le mariage, un refus délibéré et définitif. On n’appelle pas
« désertion malicieuse » une fugue provisoire due à un coup de tête ou un conflit
passager, ou le désir de s’éloigner un certain temps pour procéder à une introspection et
faire le point. Quand il y a désertion malicieuse, rupture délibérée et définitive du lien
conjugal, le mariage n’existe plus, aussi le conjoint abandonné a-t-il le droit de solliciter
la reconnaissance publique de cet état de fait, c’est-à-dire de demander le divorce et de
contracter un nouveau mariage.

6) Bien des divorces ont pour origine l’infidélité de l’un ou l’autre des conjoints.
Ou des deux ! Mais beaucoup de mariages se défont aussi sans qu’il y ait infidélité, ni
abandon du domicile conjugal. Les causes sont diverses : mésentente, cruauté mentale,
violences verbales ou physiques, incompatibilité d’humeur, lassitude, envie de changer.
Aucun de ces cas ne tombe sous la clause énoncée par le Christ dans Marc 10 :11.12 et
les textes parallèles. Que faut-il en penser ? Le déplorer avant tout pour les époux qui
ont raté leur vie conjugale et sont parvenus progressivement à cent lieues de ce qu’ils
ont vécu le jour de leur mariage et des engagements qu’ils ont pris. Le regretter aussi

80
Matthieu 19:8.

- 62 -
pour leurs enfants qui en souffrent en première ligne. Cela dit, ce n’est pas le divorce
prononcé par un juge qui rompt le mariage, mais tout ce qui le précède, tout ce qui est
de nature à briser le mariage et le détruire. Le lien conjugal est détruit quand on ne
s’aime plus et qu’on se fait inutilement du mal. Le divorce n’est au fond que la
constatation et la sanction officielle d’un état de fait. Cela signifie que le responsable
d’un divorce n’est pas celui qui le demande - parfois il n’y a plus d’autre issue possible
que celle-là ! -, mais celui qui a tout fait pour détruire son mariage. Ou rien fait pour le
sauver ! Ce peut être l’un des deux conjoints. Bien souvent ce sont les deux à la fois, et la
repentance s’impose de part et d’autre. C’est un facteur important dans la cure d’âme,
car il arrive trop souvent que quelqu’un se sente innocent pour la seule raison que ce
n’est pas lui, mais l’autre qui a demandé le divorce.

2.5 Le remariage en cas de divorce pour des raisons


non bibliques :

Le remariage de chrétiens qui ont divorcé pour des raisons autres que l’infidélité ou la
désertion délibérée et définitive du conjoint constitue pour de nombreux pasteurs un
douloureux cas de conscience. En déclarant : « Quiconque répudie sa femme et en
épouse une autre commet un adultère, et quiconque épouse une femme répudiée par
son mari commet un adultère », Jésus-Christ enseigne qu’il y a adultère chez celui qui
répudie sa femme alors qu’elle ne lui a pas été infidèle, et adultère aussi chez celui qui
épouse cette femme répudiée, car il devient coresponsable de l’adultère de son premier
mari. Il y a enfin, et pour les mêmes raisons, adultère chez la femme qui épouse ce
dernier. C’est le sens de ce texte dans le contexte de son enseignement sur le divorce et
le remariage.

Mais qu’en est-il de ceux qui, après un divorce dont ils portent la responsabilité, désirent
se remarier, en alléguant qu’ils ne sont pas en mesure de rétablir l’union qu’ils ont
brisée, en confessant leur péché et en affirmant qu’ils ne se sentent pas capables de vivre
seuls ? Un pasteur peut-il bénir cette deuxième union, sachant qu’il n’agit pas en son

- 63 -
nom personnel, mais que la bénédiction nuptiale constitue une sanction et une
bénédiction de son nouveau mariage de la part de l’Eglise ? Il n’est pas possible ici
d’envisager toutes les circonstances dans lesquelles ont peut demander un tel acte à un
serviteur de Dieu, mais quelques observations pourront être utiles.

Pensez-vous que l’Eglise qui doit veiller sur la sainteté du mariage, ait le droit de
remarier des gens qui ont divorcé pour des raisons non bibliques ? Justifiez votre
point de vue :

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L’Ecriture enseigne clairement que celui ou celle qui répudie son partenaire sauf pour
infidélité et épouse une autre personne commet un adultère. Il s’agit d’une transgression
flagrante du sixième Commandement. C’est un grave péché. C’est clair. Il faut donc que
cela soit dit, que le coupable soit mis en présence de sa faute pour qu’il s’en repente et
en demande pardon à Dieu. Il faut mettre en garde aussi contre la « repentance
programmée », l’attitude qui consiste à se dire : « Je divorce, puis, avant de me remarier,
j’accomplirai un acte de repentance, je ferai amende honorable, et le problème sera
réglé. Le pasteur acceptera de me remarier ! » Se repentir, c’est regretter sincèrement et
avouer son péché et accepter par la foi le pardon du Christ. Il va de soi que celui qui
prémédite une telle démarche, qui décide de divorcer d’une façon illicite, avec l’intention
de se repentir avant de demander à l’Eglise la bénédiction d’un nouveau mariage, chasse

- 64 -
de son coeur la foi et le Saint-Esprit. La repentance de David, après qu’il eut commis
adultère et fait mourir le mari de Bath-Schéba, était tout sauf préméditée81. Demander le
divorce en sachant pertinemment qu’on agit contrairement à la volonté de Dieu, en se
disant qu’on s’en repentira plus tard, au moment opportun, c’est s’engager sur le chemin
du péché délibéré et de l’hypocrisie, un chemin sur lequel on se met en grand danger
spirituel. Un chrétien ne peut pas transgresser délibérément la volonté de Dieu en se
disant qu’il s’en repentira. Une repentance programmée n’est jamais authentique.

Inversement, un pasteur ne peut jamais refuser le pardon à celui qui vient à lui d’un
coeur contrit et croyant, en lui confessant sa faute et en lui demandant de l’en délier au
nom du Christ. Le Seigneur a expié tous les péchés du monde, y compris les plus graves,
et son pardon est là pour tous ceux qui le demandent. Là où le péché abonde, la grâce en
effet surabonde 82. Jésus a pardonné aux adultères, aux prostituées et aux gens de
mauvaise vie. Il n’a jamais refusé son pardon à qui le lui demandait humblement. « Je ne
te condamne pas non plus », dit-il à la femme prise en flagrant délit d’adultère, ajoutant
simplement : « Va et ne pèche plus ! » et lui demandant par là de porter les fruits visibles
de la repentance 83.

C’est dans le contexte de cette attitude et de ces paroles du Christ qu’un pasteur examine
la demande qui lui est faite de bénir une nouvelle union après un divorce illicite. La
réponse donnée à une telle requête doit toujours être conforme à ce que la Bible
enseigne au sujet de la repentance et du pardon. En cas de divorce, la vraie repentance
va toujours de pair avec le désir sincère de se réconcilier avec le conjoint qu’on a offensé.
On voit mal comment quelqu’un qui se refuse à une telle démarche pourrait être sincère
dans l’aveu de sa faute et l’acceptation du pardon prononcé par le pasteur. Si donc une
telle réconciliation qui présuppose aussi que le coupable demande pardon à celui ou
celle qu’il a lésé(e) n’a pas eu lieu, le pasteur refusera de bénir la nouvelle union.

Il faut préciser cependant que dans certaines circonstances, la repentance est sincère
alors que la réconciliation ne peut pas avoir lieu. Soit parce que le conjoint répudié a
disparu de la circulation, soit parce qu’il s’est remarié et ne désire plus de dialogue avec

81
2 Samuel 11; Psaume 32:3-5; Psaume 51. Cf. encore 1 Jean 1:8; 3:9; 5:18.
82
Romains 5:20.
83
Jean 8:11.

- 65 -
l’ex-époux, soit encore parce qu’il refuse la réconciliation. Cependant, il faut agir avec
beaucoup de prudence et de circonspection, de façon à ce que le geste du pasteur soit
perçu comme accompli dans des circonstances exceptionnelles et ne puisse jamais être
interprété comme une autorisation de bafouer et transgresser la volonté de Dieu. En
aucun cas il ne peut encourager les gens à dire : « Péchons pour que la grâce abonde ! »
84 La discipline chrétienne doit être exercée dans l’Eglise avec fermeté et rigueur, amour
et bonté, mais aussi selon des règles constantes, pour que le comportement du frère qui
a péché ne soit pas pour les autres une occasion de chute.

2.6 Le divorce des pasteurs :

L’Ecriture Sainte demande au pasteur d’être en toutes choses le modèle du troupeau, un


exemple à imiter 85. Non que le ministère pastoral soit doté d’un « caractère » spécial et
qu’il occupe un rang à part dans le sacerdoce universel des croyants, mais la Bible exige
que celui qui exerce ce ministère soit irréprochable 86. Les fautes morales commises par
un pasteur ne sont jamais des fautes privées qu’on peut traiter indépendamment du
ministère qu’il exerce et des comptes qu’il a à rendre pour cela. C’est la crédibilité de
l’Evangile même qui est en jeu, c’est pourquoi ceux qui sont chargés de l’annoncer
doivent veiller à le faire de façon intègre, de manière à ne pas porter atteinte à son
message. Si celui qui prêche la Parole de Dieu ne lui soumet pas lui-même sa vie, il
déshonore le Seigneur. On ne s’en prendra pas seulement à lui, mais aussi au message
qu’il annonce et au Dieu qu’il représente. C’est ce qui fait dire à l’apôtre Paul : « Nous ne
voulons scandaliser personne en quoi que ce soit, afin que le ministère ne soit pas un
objet de blâme » 87.

Il ne s’agit pas, bien sûr, d’exiger du pasteur qu’il soit sans péché, sous peine de ne pas
être qualifié pour son ministère. L’Ecriture Sainte n’a pas d’exigences perfectionnistes.
Un pasteur doit être prêt à confesser avec l’apôtre Paul qu’il est « le premier » parmi les

84
Romains 6:1.2.
85
1 Pierre 5:3; 1 Corinthiens 4:14-16; 11:1; 1 Thessaloniciens 1:6.
86
1 Timothée 3:2.
87
2 Corinthiens 6:3.

- 66 -
pécheurs 88, et vivre comme lui dans une repentance de tous les jours 89. Cependant,
l’exhortation à être le modèle du troupeau 90 signifie que la barre est fixée pour lui plus
haut que pour les brebis dont il prend soin. Il est sous les feux de la rampe et tous ses
faits et gestes sont à la merci de l’interprétation que les gens veulent bien leur donner,
sans qu’il puisse la contrôler en aucune manière et empêcher qu’on mette la validité ou
la crédibilité de son ministère en doute.

Il est donc impératif et tout à fait naturel que le pasteur mette lui-même en pratique ce
qu’il enseigne à propos du mariage, de la fidélité et de l’amour conjugal, du divorce et du
remariage. En cela aussi, il doit être le modèle du troupeau et sa vie doit être au-dessus
de tout soupçon. C’est pourquoi, parmi les premières qualités exigées de lui figure le fait
qu’il doit être mari d’une seule femme 91. Cette phrase a été interprétée de différentes
manières que l’on peut répertorier de la façon suivante : 1) L’évêque, c’est-à-dire le
pasteur, doit être un homme marié. 2) Il ne doit pas être polygame. 3) Il doit être un
mari fidèle, l’époux d’une seule femme, renonçant à toute relation sexuelle extra-
conjugale. 4) Il n’a pas le droit de divorcer et de se remarier. 5) Il n’a pas le droit de se
remarier après le décès de sa femme. La première de ces interprétations est exclue a
priori, car elle ne rend pas justice à l’expression « une seule femme » utilisée par
l’apôtre. Nous exclurons aussi la cinquième, car la Bible ne conteste en rien le droit au
remariage en cas de décès du conjoint, et on ne voit pas pourquoi elle le ferait pour le
pasteur. Restent les interprétations 2, 3 et 4, et il se pourrait bien que l’apôtre songe à
ces trois cas à la fois, la polygamie, l’infidélité et le divorce/remariage, car ce sont autant
de situations contraires à l’essence même du mariage et à la volonté que Dieu a
exprimée à ce sujet.

Cela dit, les pasteurs sont des hommes comme tous les chrétiens. Ils peuvent connaître
des moments de tensions, voire de crises, dans leur vie conjugale. L’Eglise doit tout faire
pour les aider, ainsi que leurs épouses, à surmonter leurs difficultés et à éviter le
naufrage de leur union. Et s’il y a divorce dans un couple pastoral ? Le pasteur divorcé
peut-il rester dans le ministère ou faut-il lui demander de le quitter ? Voici l’avis émis

88
1 Timothée 1:15.
89
Romains 7:21-25.
90
1 Pierre 3:5.
91
1 Timothée 3:2.; Tite 1:6.

- 67 -
par la Commission de Théologie et de Relations Inter-Eglises du Synode du Missouri
dans le document intitulé Human Sexuality :

« Il faut traiter le problème du divorce des pasteurs chrétiens avec le plus


grand sérieux. Il est difficile de comprendre comment l’Eglise pourrait
préserver l’intégrité de son message - surtout à une époque où le divorce
est une pratique tellement courante -, si elle permettait à des pasteurs qui
ont divorcé de leurs épouses pour des raisons non bibliques de rester dans
le ministère public. D’une façon générale, un pasteur divorcé, à moins que
sa femme ne lui ait été infidèle ou qu’elle n’ait abandonné le domicile
conjugal, ne doit pas rester dans le ministère ni être autorisé à l’exercer
ailleurs. Mais dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, un ancien
pasteur peut être conduit par la grâce de Dieu de telle façon que l’Eglise
estime qu’il est à nouveau qualifié pour exercer l’autorité inhérente au
ministère » 92.

Même en cas d’infidélité ou d’abandon du domicile conjugal de la part de son épouse, il


convient d’être très prudent en examinant le cas d’un pasteur divorcé. Les situations
sont rarement aussi claires que cela, l’infidélité ou la désertion peuvent avoir des causes
dans le comportement du mari, et le scandale est toujours grand quand le mal frappe un
couple pastoral. Les répercussions d’un divorce pastoral se font toujours sentir au-delà
des limites mêmes de la paroisse, à l’échelon régional ou national, ainsi que dans les
autres communautés religieuses. Aussi, même quand le lien conjugal a été rompu par la
femme du pasteur, son affectation dans une autre paroisse peut s’imposer pour calmer
les esprits et réduire les mauvaises langues au silence.

Est-ce traiter les pasteurs selon d’autres critères que les simples fidèles ? N’ont-ils pas
droit au même pardon qu’eux ? C’est une objection qu’on entend parfois. Certes, et le
Seigneur ne dédaigne jamais un coeur brisé 93. Il pardonne volontiers à tous ceux qui lui
confessent leurs péchés 94, même aux pasteurs. Mais le fait que Dieu pardonne ne
signifie pas que les exigences concernant le ministère pastoral aient été abolies. La grâce

92
C.T.C.R., Human Sexuality / A Theological Perspective, 1981, p. 28.29.
93
Psaume 51:17.
94
Psaume 32:5.

- 68 -
de Dieu est sans condition. Par contre, il existe des conditions bibliques à l’exercice du
ministère. C’est un ministère public, ce qui veut dire que les pasteurs servent le Seigneur
au nom de l’Eglise. Ils doivent donc veiller conjointement avec l’Eglise à ce que soient
préservées les qualifications inhérentes au ministère et tirer honnêtement les
conséquences de leurs manquements.

2.7 Eléments de cure d’âme :

Il n’est pas possible d’envisager les multiples situations dans lesquelles l’Eglise est
appelée à exercer la cure d’âme auprès de couples en difficulté. Non seulement parce
que la place ne suffirait pas, mais aussi parce, malgré des similitudes et des points
communs, chaque cas est pour ainsi dire un cas d’espèce aux ingrédients propres. Ce
sont autant de situations qu’on ne peut pas inventer derrière un bureau et que seule la
cure d’âme permet de découvrir. Nous devrons donc nous contenter de quelques
indications.

Deux cas de figure peuvent se présenter. Il y a tout d’abord les couples en difficulté qui,
tout en ne l’ayant pas encore demandé, envisagent le divorce, puis ceux qui sont
effectivement passés par une procédure de divorce et ont de la sorte fait annuler leur
mariage. Dans beaucoup de cas, le pasteur ou autre responsable de l’Eglise qui essaie de
venir en aide à des couples en difficulté, où on ne s’aime plus guère, mais où l’amour a
cédé la place à la discorde et aux querelles et qui, pour cette raison, ne voient pas d’autre
issue possible que le divorce, s’entendra dire : « Nos problèmes ne vous regardent pas.
Ne vous mêlez pas de cela ! ». Il faut donc commencer par les convaincre que leur
pasteur est animé du seul désir de leur venir en aide. Il faut qu’ils sachent que leur
bonheur terrestre et leur bien-être spirituel lui tiennent à coeur. Il lui serait plus facile,
humainement parlant, de fermer les yeux sur leurs problèmes, de ne rien dire et de ne
pas se mêler de leurs affaires. Ce serait de loin la solution la plus facile. Mais c’est
l’amour du Seigneur qui impose au pasteur le devoir de se soucier d’eux et de leur venir
en aide. D’autre part, l’Eglise a confié à ses pasteurs le soin d’annoncer sa Parole et

- 69 -
d’administrer les sacrements, en prenant soin de chaque brebis du troupeau et en la
guidant sur le chemin de la foi.

C’est ainsi qu’on peut convaincre ces couples que ce n’est pas pour se mêler de choses
qui ne le regardent pas que le pasteur vient à eux, mais poussé par l’amour du Christ et
désireux de les aider à porter leur fardeau et à trouver à leurs problèmes une solution
conforme à la volonté du Seigneur. C’est à cette seule condition qu’il peut leur être
véritablement utile.

Une fois qu’on a gagné leur confiance, il faut les encourager à se décharger de leur
fardeau en étant simplement à leur écoute. Que chacune des deux parties ait la
possibilité de s’exprimer librement. A ce stade-là, il faut s’abstenir de commentaires et
d’appréciations et veiller simplement à écouter et comprendre. On appelle cela
l’empathie. Il ne s’agit ni d’approuver ni de condamner ni de prendre position, au risque
de mettre un terme à la relation de confiance et de couper court aux possibilités d’une
cure d’âme.

Quand on a saisi les difficultés et les problèmes du couple, et alors seulement, il convient
de lui rappeler la beauté et la sainteté du mariage institué par Dieu pour le bonheur de
ses créatures. Le recours à la Parole de Dieu est indispensable, car l’échec d’un mariage
est l’échec d’un couple ou au moins de l’un des deux conjoints à cheminer dans la foi, en
tout cas en ce qui concerne la vie conjugale. Quand on envisage de recourir à la justice
pour mettre un terme à son mariage, c’est qu’on a failli à son devoir de foi et d’amour. On
a laissé parler le vieil homme au lieu d’agir selon l’homme nouveau, donné libre cours à
l’égocentrisme, l’entêtement, la jalousie, l’orgueil, l’intolérance, la méfiance, l’amertume,
la rancœur et l’esprit de querelle, au lieu de faire régner les fruits de l’Esprit que sont
« l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bienveillance, la foi, la douceur, la
maîtrise de soi » 95.

En leur parlant ainsi, on les invite à faire un bilan honnête, à se repentir chacun de ses
erreurs et défaillances, à chercher le pardon auprès de Dieu, à se pardonner l’un l’autre,
à tourner la page et à repartir, avec l’aide du Seigneur, d’un pied nouveau. Ce n’est

95
Ephésiens 5:22.

- 70 -
jamais facile, mais c’est toujours possible quand on laisse agir le Seigneur dans sa Parole.
Les chances de succès ne sont évidemment pas les mêmes si l’un des conjoints est un
incroyant. Raison de plus de ne pas contracter de mariage mixte ! Pour qu’un mariage
soit heureux et pour qu’en cas de difficulté ou de crise un couple puisse trouver des
solutions à ses problèmes, il faut que les deux le désirent. Et la seule façon de s’atteler
sérieusement à cette tache est de laisser le Saint-Esprit agir dans son coeur.

Montrer la beauté et la sainteté du mariage, c’est procéder à une approche positive. Il


existe aussi une démarche négative qui consiste à montrer qu’en mettant un terme à son
mariage, on rompt un lien institué par Dieu et sépare ce que lui a uni. Quand on divorce
par consentement mutuel pour incompatibilité d’humeur, on transgresse dans tous les
cas sa volonté. Pour sortir innocent d’un divorce, il faut ou bien l’avoir subi, donc avoir
été injustement répudié, ou bien l’avoir sollicité en raison de l’infidélité manifeste ou de
la désertion malicieuse du conjoint. Seule la connaissance réelle des problèmes vécus
par un couple et de l’attitude de chacun des conjoints permet au pasteur de déterminer
s’il doit privilégier la démarche positive ou le discours négatif, annoncer la Loi ou
l’Evangile, dénoncer le péché ou encourager et aider à guérir une plaie. L’objectif est
d’aider un couple en détresse à résoudre son problème en évitant le divorce, de façon à
ce que le Seigneur puisse le bénir et lui rendre le premier amour.

Très souvent, hélas, le pasteur n’est informé des difficultés d’un couple que lorsque la
situation s’est détériorée au point qu’ils ont déjà engagé une procédure de divorce ou
que le divorce a déjà été prononcé, de sorte que la situation est pour ainsi dire
irréversible. Que faire alors? L’attitude à adopter est la même que celle esquissée ci-
dessus. A cette différence près que la cure d’âme s’appliquera séparément à chacun des
conjoints. D’autre part, il ne s’agit plus de guérir et sauver un mariage malade, mais de
leur annoncer séparément ce que représente le divorce qu’ils ont sollicité, quelle est leur
responsabilité dans la dissolution de leur mariage, et de les ramener sur le chemin de la
repentance et de la foi, pour pouvoir prononcer sur eux le pardon du Christ.

Quand des conjoints ont reconnu et confessé à Dieu leur erreur, ils se pardonnent
réciproquement leur faute et se réconcilient. On ne guérit et ne sauve pas un mariage
dissous. Cependant, si le divorce n’a pas été rendu irréversible par un nouveau mariage

- 71 -
et si la repentance a été sincère, les divorcés peuvent envisager de se remarier. Du fait
que le mariage dissous n’existe plus et que, malgré le pardon qu’on s’est offert, la reprise
de la vie conjugale peut faire peur, on n’en fera pas une obligation. Ce n’en est pas moins
un idéal digne d’être poursuivi.

Il va de soi que si les deux partenaires sont membres de l’Eglise, qu’ils portent tous les
deux une responsabilité dans leur divorce et refusent de se repentir, ils feront l’objet de
la discipline ecclésiastique prescrite par Matthieu 18:15-20 qui conduira, en cas
d’impénitence obstinée, à l’excommunication. Celle-ci cependant, et toute la démarche
devrait le montrer clairement, ne vise pas à se débarrasser d’une brebis galeuse, mais à
pousser à la repentance un pécheur impénitent pour sauver son âme. Il va de soi que le
chrétien qui a subi son divorce ou l’a requis pour des raisons bibliques, ne sera en
aucune façon soumis à une procédure de discipline, car il sort, autant que les hommes
puissent en juger, innocent de son divorce.

La cure d’âme la plus belle, la plus encourageante et la plus riche de promesses est celle
que les couples en difficulté viennent eux-mêmes demander à leur pasteur. Heureux le
berger que les brebis viennent trouver d’elles-mêmes quand elles ont un problème !
Cependant, qu’on vienne trouver le pasteur pour demander son aide ou que le pasteur
aille proposer son aide à des paroissiens en détresse, le succès de la cure d’âme dépend
en très grande partie de la façon dont il la mène, du comportement qu’il adopte et des
sentiments qu’il suscite chez eux.
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