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Dr Wilbert Kreiss

MICHEE

PROPHETE D'HIER

ET

D'AUJOURD'HUI

© CENTRE DE DOCUMENTATION ET D’ÉTUDE CHRÉTIENNE


Sherbrooke, 2010
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MICHEE

PROPHETE D'HIER

ET

D'AUJOURD'HUI

Wilbert Kreiss

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Préface

Voici donc un petit commentaire d'un prophète de l'Ancien Testament. Il n'a


aucune prétention scientifique, ne se fonde pas sur l'original hébraïque, passe
allègrement sur un certain nombre de difficultés qui n'affectent pas la
compréhension du message de Michée et ne propose pas une explication détaillée
du texte et de chacun de ses mots. D'ailleurs ce n'est pas un commentaire au sens
traditionnel du terme. Destiné à l'étude personnelle et à la formation décentralisée,
il se contente de situer le livre dans le contexte de l'époque, d'expliquer certains
termes, d'indiquer des pistes pour une application possible du message et d'inviter
le lecteur, à l'aide de quelques questions, à réfléchir lui-même à certains éléments
fondamentaux du message prophétique.

Pourquoi Michée? Plusieurs raisons à cela: 1) Il a le mérite de n'être ni trop court


ni trop long. 2) C'est un très grand prophète, quoiqu'on l'ait rangé, à cause du
format de son livre, parmi les "petits prophètes". 3) Il est peu connu, si on excepte
bien sûr la prédiction concernant Bethléhem, lieu de naissance du Christ Sauveur.
4) Il y a chez cet homme de la campagne, au bagage culturel sans doute assez
modeste si on le compare à son contemporain, Esaïe, énormément d'éloquence et
de poésie. 5) Il est d'une actualité époustouflante, ce que j'ai voulu exprimer par le
titre que j'ai donné à ce commentaire, et nous dirait sans doute, avec des termes
plus modernes, car l'idolâtrie et l'escroquerie ont changé de forme et de méthodes,
à peu près la même chose que ce qu'il a dit à ses contemporains en cette deuxième
moitié du VIIIE siècle où il a vécu.

Pour changer, pour montrer aussi qu'il n'y a pas dans nos Eglises de version de la
Bible qui porte l'estampille de normative et qui puisse seule être utilisée, et parce
que je suis sensible aux qualités de cette nouvelle traduction, ce qui ne m'a pas
empêché d'y déceler aussi des lacunes, voire des erreurs, j'ai utilisé la Bible du
Semeur parue tout récemment (1992).

Les dates indiquées ici et là ont quelque chose d'approximatif. La datation des
règnes et des événements politiques qui ont jalonné l'histoire du peuple d'Israël
n'est pas si aisée que cela, si bien qu'il y a des variantes d'un ouvrage à l'autre. Il
existe notamment pour l'histoire postérieure au schisme deux systèmes de datation,
selon qu'on date ce schisme de 931 av. J.-C. (datation traditionnelle) ou de 922 av.
J.-C. (datation proposée par J.C. Albright). L'écart n'est pas bien important et ne
change rien au message des prophètes. Il fallait le préciser cependant, pour ne pas
dérouter le lecteur.

Il me reste à souhaiter à ce dernier des heures de méditation enrichissante en


compagnie du grand homme de Dieu qu'était Michée de Morécheth.

Châtenay-Malabry, janvier 1993

Wilbert Kreiss

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INTRODUCTION

(1:1)

Michée fut, après Amos, Osée et Esaïe, le dernier des quatre grands prophètes du VIIIE
siècle av. J.-C. Ce premier verset de son livre le situe dans le temps. Un peu d'histoire
s'impose donc et permettra de mieux comprendre le message dont Dieu l'a chargé.

C'est sous le règne de Yotham, Ahaz et Ezéchias, rois de Juda, qu'il exerça son ministère. Le
peuple d'Israël était constitué à l'origine de douze tribus qui s'étaient partagé le pays de
Canaan. David en avait été le premier souverain, mais les difficultés qu'il avait connues
pendant les dernières années de son règne et notamment la tentative de révolte d'Absalom
montrent que l'unification de ces tribus était chose assez fragile. Salomon, son fils, mena
une politique de prestige qui coûta énormément d'argent et suscita bien des
mécontentements. Son fils Roboam (931-913 av. J.-C.), au lieu d'écouter les sages conseils

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des anciens, d'accéder aux doléances du peuple et de réduire taxes et impôts, préféra suivre
l'avis insensé de quelques amis de son âge et les augmenta. Ce fut le signal du schisme. Sur
les douze tribus, dix situées au nord du pays et ne voulant pas de la dynastie de David, firent
sécession et se donnèrent comme roi Jéroboam I (931-910 av. J.-C.), ancien fonctionnaire de
Salomon chargé de surveiller les chantiers du roi. A partir de ce jour, il y eut en Palestine
deux royaumes, celui du nord constitué des dix tribus et appelé généralement Royaume
d'Israël, et celui du sud, le Royaume de Juda formé par Juda et Benjamin, fidèles tous les
deux à la dynastie davidique à laquelle Dieu avait confié la royauté. Tel est le châtiment
dont fut frappé Salomon en raison de ses désobéissances (1 Rois 11:11-13).

Les deux royaumes souvent engagés dans une lutte fratricide rivalisèrent d'infidélité,
suscitant la colère et les châtiments de Dieu. La corruption progressa cependant plus vite
dans le Royaume du Nord que dans celui du Sud. Ce dernier avait Jérusalem pour capitale et
le temple comme centre de ralliement religieux où officiaient des sacrificateurs issus de la
famille d'Aaron à qui Dieu avait confié cette charge. Dans le Royaume du Nord, le déclin fut
plus rapide. Jéroboam avait choisi Sichem pour capitale, puis l'avait transférée à Thirtsa (1
Rois 14:17; 15:21.33; 16:8). Connaissant l'attachement du peuple à Jérusalem et craignant
qu'il ne fût préjudiciable à la cohésion de son royaume, il décida de bâtir deux sanctuaires
aux confins de son territoire, au nord à Dan et au sud à Béthel. Il y fit ériger des veaux d'or,
vestiges du culte égyptien de Memphis et d'un culte cananéen de la fertilité, et établit des
sacrificateurs étrangers à la maison d'Aaron, pour s'occuper des hauts lieux. C'est ainsi que
l'idolâtrie fut officiellement introduite dans son royaume.

Bien des années se sont écoulées. Dans le Royaume du Nord, une dynastie a succédé à
l'autre. Celle de Jéroboam I régna de 922 à 900 av. J.-C., quand Nadab, le fils de Jéroboam I,
fut tué par Baescha et que tous les héritiers du trône furent massacrés. La dynastie de
Baescha s'éteignit en 876 et fut remplacée par celle d'Omri (876-842 av. J.-C.) qui fit de
Samarie la capitale définitive du royaume. La dernière dynastie à accéder au trône fut celle
de Jéhu et de ses successeurs qui régnèrent jusqu'à la chute de Samarie en 722.

Elie et Elisée préparèrent le chemin aux grands prophètes du VIIIE siècle, Amos et Osée

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dans le Royaume du Nord, Esaïe et Michée dans le Royaume du Sud. L'idolâtrie s'était
répandue en Israël, et aucune des purges menées par Jéhu n'avait eu raison d'elle. Jéroboam
II (786-746 av. J.-C.) connut un règne long, prestigieux et prospère, qui lui permit de
réconquérir des territoires perdus par ses prédécesseurs. Juda vécut une renaissance
similaire sous le règne d'Ozias (783-742 av. J.-C.). Les deux souverains parvinrent à rendre
pratiquement aux deux royaumes les frontières qui étaient celles d'Israël sous les règnes de
David et de Salomon. Mais l'époque fut marquée par bien des injustices sociales, et Amos et
Osée durent dénoncer dans le Royaume du Nord, et Esaïe et Michée dans le Royaume du
Sud, les injustices et l'immoralité qui accompagnaient la prospérité reconquise. Il y avait à
l'époque les signes extérieurs d'une grande activité religieuse, mais cette façade
n'empêchait pas la croissance de l'injustice et de l'immoralité. Sur les hauts lieux érigés ici
et là, on rendait un culte à la fois au Dieu d'Israël et à l'une ou l'autre des divinités païennes,
notamment Baal (1 Rois 18:21; 2 Rois 17:28-33). On pensait qu'il était utile d'adjoindre à
Dieu une divinité avec son culte particulier. Deux sécurités valent mieux qu'une! Et cela
d'autant plus que si Yahvé revendiquait la seigneurie sur toutes choses (un Dieu
généraliste, en quelque sorte!), les divinités païennes avaient l'avantage d'exercer une
spécialité: la pluie, la fécondité des champs ou celle des troupeaux, le succès dans les
entreprises commerciales ou militaires, etc. Baal et Astarté étaient les divinités préposées à
la fécondité de la terre et des animaux, dispensatrices de saisons fertiles, qui mettaient fin
aux sécheresses et amenaient les pluies bienfaisantes. Ajoutons à cela des rites de
prostitution sacrée chargés de symboliser la fécondation de la terre, auxquels on se livrait
pour vénérer dieux et déesses. Façon de joindre l'utile à l'agréable...

Au déclin religieux et moral s'ajouta l'affaiblissement politique. Régicides et guerres civiles


marquèrent les années qui suivirent la mort de Jéroboam II. Son fils Zacharie fut assassiné
par Schallum après six mois de règne (746-745 av. J.-C.), lequel le fut, un mois plus tard, par
Menahem (745). Pendant ce temps, Tiglat-Piléser III, appelé encore Pul (745-727 av. J.-C.),
établit l'hégémonie de l'Assyrie en lançant des expéditions militaires à l'ouest, en Syrie et en
Canaan, et en assujettissant ces pays à de lourds tributs de guerre. Et quand des pays
soumis se révoltaient, il en déportait la population et faisait d'eux des provinces de son
empire.

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L'anarchie régnant dans le Royaume du Nord en fit une proie facile pour le monarque
assyrien. Pour se libérer de son joug, Pékach de Samarie (737-732 av. J.-C.) conclut une
alliance avec Retsin de Damas (740-732 av. J.-C.). Les deux rois souhaitaient l'appui de Juda,
mais Jotham (742-735 av. J.-C.) s'y refusa. De même son fils et successeur Achaz. Ce dernier
prit l'argent et l'or du temple et l'envoya à Tiglat-Piléser pour s'assurer un soutien contre
ses agresseurs, Israël et la Syrie. L'empereur assyrien répondit à l'appel de Juda et occupa la
Galilée et la Transjordanie (733), déporta une partie de la population (2 Rois 15:29) et
divisa le territoire en trois provinces. Dans le Royaume du Nord, Osée fit mourir Pékach,
monta sur le trône et paya un tribut à Tiglat-Piléser pour arrêter la destruction d'Israël.
Damas fut vaincu et Retsin exécuté en 732 av. J.-C. Israël avait payé cher sa rébellion contre
l'Assyrie...
Osée (732-724 av. J.-C.) fut pendant tout son règne un vassal de cet empire. Quand
Salmanasar V (727-722 av. J.-C.) succéda à Tiglat-Piléser, il refusa de continuer de payer le
tribut et se tourna vers l'Egypte. Bien mal lui en prit. L'Egypte était à cette époque un
roseau bien fragile, incapable de protéger Israël, en qui il était vain de mettre sa confiance,
comme les prophètes ne cessèrent de le répéter. Mais on ne voulut pas les écouter.
Salmanasar V attaqua donc son vassal Osée en 724 av. J.-C. et le fit prisonnier. Tout le
Royaume du Nord fut occupé par les armées assyriennes, à l'exception de la capitale
Samarie qui leur tint tête pendant près de trois ans. Salmanasar V mourut, et il appartint à
son successeur, son frère Sargon II (722-705 av. J.-C.), de s'emparer de la ville et de la
conquérir. Ce fut la fin du Royaume du Nord. Les dix tribus du nord furent déportées dans
leur grande majorité vers la haute et moyenne Mésopotamie et perdirent à jamais leur
identité nationale (2 Rois 17:1-6). On les remplaça en Canaan par des "gens de Babylone, de
Cutha, d'Avva, de Hamath et de Sepharvaïm" (2 Rois 17:24).

Le Royaume de Juda bénéficia d'un sursis de plus de 100 ans, mais pour lui aussi vint le jour
où Dieu le châtia pour ses infidélités. Soulèvements et représailles se succédèrent dans le
sud du pays de Canaan. En 720 av. J.-C., Sargon II déporta le roi Hanno de Gaza qui
complotait contre lui avec un général égyptien. En 711, le roi Ahimiti d'Asdod, mis en place
par Sargon II, est chassé par la population qui se donne pour chef un roturier, un grec du

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nom de Jamlani. Soutenu par l'Egypte, celui-ci forme avec la Philistie, Juda, Edom et Moab
une coalition contre l'Assyrie. Sargon II se fâcha et mena une expédition punitive contre ces
royaumes. Mais on se révolta ici et là, refusant de payer le tribut de guerre imposé par
Ninive.

En 705 av. J.-C., Sargon II est assassiné. Son fils Sanchérib (appelé encore Sennachérib) lui
succéda. Ce changement de monarque suscita de nouveaux soulèvements. Alors Sanchérib
se rendit en Canaan et s'empara de 46 villes de Juda qu'il annexa aux territoires des rois
d'Asdod, d'Eqron et de Gaza qui lui étaient restés fidèles. Une de ces villes de Juda, Lakish,
subit un siège mémorable (2 Rois 18:7; 19:8; Michée 1:13). Ezéchias, roi pieux et dévoué à
Yahvé, fut contraint au paiement d'un énorme tribut de guerre prélevé sur le trésor royal et
celui du temple (2 Rois 18:13-16). C'est sans doute de cette campagne militaire de
Sanchérib que date le siège manqué de Jérusalem (714 av. J.-C.), qui fut arrêté par une plaie
soudaine frappant les troupes assyriennes et tuant 185.000 hommes (2 Rois 19:35.36). Plus
tard, Nebucadnetsar de Babylone (605-562 av. J.-C.) viendra assiéger la ville, s'emparera
des trésors du temple et du palais, emmènera Jojakin et la reine-mère prisonniers à
Babylone et déportera environ 10.000 de ses habitants les plus valeureux (597 av. J.-C.).
Neuf ans plus tard, sous le règne de Sédécias, oncle de Jojakin et troisième fils de Josias, il
reviendra, livrera à Jérusalem, pendant dix-huit mois, un siège terrible qui aura raison de la
ville et déportera le restant de ses habitants (588-586 av. J.-C.). Ce sera l'exil à Babylone,
mais un exil limité dans le temps, auquel mettra fin un édit de Cyrus de Perse (538 av. J.-C.).
Soixante-dix ans séparent la destruction du temple en 587 av. J.-C. et sa restauration en
516/515 av. J.-C. (2 Chroniques 36:21; Jérémie 29:10). A la différence d'Israël, en effet, Juda
est porteur d'une promesse. Le Messie, fils de David, doit venir, et pour ce faire, il faut que
Juda conserve ou plutôt retrouve son identité nationale.

Mais nous n'en sommes pas encore là. Michée vit dans la deuxième moitié du VIIIE siècle av.
J.-C. C'est au beau milieu de ces événements que se situe son ministère. Il faut les connaître,
avec leurs nombreuses péripéties politiques et militaires, pour bien comprendre son action
et son message.

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"Voici les paroles que l'Eternel a adressées à Michée de Morécheth, sous les règnes de
Yotham, Ahaz et Ezéchias, rois de Juda. Cette révélation reçue par Michée concerne
les villes de Samarie et de Jérusalem" (1:1)

Michée:

"Mîkâh" en hébreu, ce qui est une abréviation de "Mîkâ'él", "qui est comme Dieu?", ou de
"Mîkâyahû", "qui est comme Yahvé?"

Michée est originaire de Morécheth, petit village près de Gat, dans la Shéphélah, la plaine
fertile des Philistins. C'est donc un rural, comme Amos que Dieu alla chercher derrière ses
troupeaux, et non un citadin lettré et remarqué, voire un noble comme Esaïe. Il fait partie
des "petites gens", ce qui explique partiellement la sévérité dont il fait preuve à l'égard du
gratin de Juda, hommes politiques, dirigeants militaires, clergé, commerçants, usuriers et
autres exploitants et exploiteurs de son temps. Beaucoup de ses invectives ont leur
parallèle chez son contemporain Esaïe. Il oeuvre lui aussi à Jérusalem sous les règnes de
Yotham ou Jotham (750-732 av. J.-C.), Ahaz ou Achaz (735-715 av. J.-C.) et Ezéchias qui,
pendant des années, partagea le pouvoir avec son père (728-693 av. J.-C.).

Le 1E verset du livre fournit trois points de repère historiques. Il se réfère donc à une
histoire précise et ne peut être compris sans elle. D'autre part, le prophète Michée s'adresse
à ceux qui font l'histoire de son époque. Il a un message pour ses contemporains. Dans son
livren, il y a des prédictions concernant l'avenir, mais elles ne sont pas l'élément dominant
de son ministère et ne l'empêchent pas d'être solidement ancré dans son présent. Son livre
est dur et souvent terrible; il fustige sans merci et de façon intransigeante un roi et un
peuple rebelles. Et il n'a pas été censuré par Israël! Le peuple l'a, malgré ses reproches, ses
accusations et ses dénonciations impitoyables, accueilli dans son canon, au nombre de ses
livres sacrés, car il savait que Dieu avait parlé par son prophète. Le fait que les oracles de

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Michée concernent les villes de Samarie et de Jérusalem montre qu'ils ont été prononcés
avant 722 av. J.-C., date fatidique qui vit la chute de la capitale du Royaume du Nord.

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Plan du livre

1) Jugement de Samarie (1:2-7).


2) Jugement de Juda (1:8-16).
3) Dénonciation de l'injustice sociale (2:1-13):
- Contre les accapareurs (2:1-5).
- Contre les prophètes de la paix (2:6-11).
- Il y a de l'espoir pour le reste juste (2:12.13).
4) Contre les chefs du peuple, jugement de Jérusalem (3:1-12):
- Les chefs politiques (3:1-4).
- Les faux prophètes (3:5-8).
- Le jugement de Jérusalem (3:9-12).
5) Le glorieux avenir de Sion (4:1-5:14).
- Jérusalem restaurée (4:1-8).
- Sion triomphera de ses ennemis (4:9-14).
- Le roi messianique dont le règne s'étendra sur toute la terre (5:1-4a).
- Triomphe de tous les rescapés sous la bannière de ce roi (5:4b-14).
6) Dénonciation et châtiment de l'injustice sociale, de la tricherie et de la fraude
(6:1-16).
- L'ingratitude d'Israël (6:1-8).
- La fraude et son châtiment (6:9-16).
7) Péché, châtiment et pardon (7:1-20)
- Plus de justice dans la nation, plus de confiance dans les familles (7:1-6).
- Châtiment et pardon (7:7-13).
- La miséricorde aura le dernier mot (7:14-20).
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LE JUGEMENT
DE
SAMARIE
(1:2-7)

"Ecoutez vous tous, peuples! Prête attention, ô terre, et vous tous qui vivez sur elle:
le Seigneur, l'Eternel, sera témoin à charge contre vous; le Seigneur va vous accuser
depuis son sanctuaire. Voici que l'Eternel sort de sa résidence. Il va descendre,
marcher sur les sommets, les hauteurs de la terre. Sous ses pas, les vallées se
fendront au milieu, les montagnes fondront comme la cire au feu, comme de l'eau
versée coulant sur une pente. Et pourquoi tout cela? A cause de la rébellion des
enfants de Jacob, à cause des péchés du peuple d'Israël. Qui incita Jacob à cette
rébellion? N'est-ce pas Samarie? Et à cause de qui ces hauts lieux sont-ils en Juda?
C'est à cause de toi, Jérusalem. Aussi vais-je réduire Samarie à un monceau de pierres
dans la campagne, et l'on y plantera des vignes; je précipiterai ses pierres au fond de
la vallée et je la raserai jusqu'en ses fondations. Ses idoles sculptées seront toutes
brisées, et tous ses gains impurs seront livrés au feu. Ses images taillées, je les
mettrai en pièces: elles ont été faites grâce au salaire de ses prostitutions. Aussi
serviront-elles comme salaire d'autres prostitutions" (1:2-7).

L'Eternel sera témoin:

"Témoin à charge contre vous", a traduit la Bible du Semeur, "témoin contre vous", selon
Segond. Il "va témoigner contre vous", est-il dit dans la TOB. Toutes ces traductions laissent

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entendre que Dieu va s'en prendre aux nations païennes, alors que le texte n'est qu'un
réquisitoire de Dieu contre son propre peuple. Nous proposons donc la traduction suivante,
tout à fait fidèle à la grammaire: "L'Eternel sera témoin parmi vous, depuis son sanctuaire".
Ainsi les nations païennes sont interpellées, convoquées à un procès que Dieu va intenter à
Samarie et Jérusalem, les capitales des deux royaumes, Israël et Juda. Dans ce procès, il sera
à la fois témoin et juge. Il veut prononcer sa sentence en présence des nations de ce monde,
tant sont criantes l'injustice et l'ingratitude de son peuple. Ces nations ont assisté
elles-mêmes à l'infidélité et l'apostasie du peuple de Yahvé et pourront ainsi témoigner que
son jugement n'est pas injuste.

Israël s'est livré à l'idolâtrie. Tout en adorant son Dieu, il s'est tourné vers les divinités
païennes et leur a édifié des autels sur les hauts lieux. Baal et Astarté ne semblaient-ils pas
s'intéresser beaucoup plus que Yahvé à la prospérité et au bonheur matériel des gens?
N'étaient-ils pas plus que lui au courant de ce dont les hommes ont vraiment besoin pour
que leur vie dans ce monde ne soit pas trop dure? C'est dans les campagnes, en milieu rural,
qu'on les servait. Quelques sacrifices apportés à ces idoles ne pouvaient pas faire de mal et
risquaient tout au plus de donner quelques pluies supplémentaires aux champs. Et puis on
célébrait, par une imitation au sens le plus littéral du terme, l'accouplement de Baal et
d'Astarté. Autant d'avantages que ne présentait pas le culte du Dieu d'Israël. De quoi attiser
les sens et satisfaire les instincts. On ne rejetait pas le Seigneur, car on lui devait des
bienfaits non négligeables tels que l'exode et la conquête de Canaan, mais on ajoutait à son
culte un peu de piment en célébrant quelques rites païens réputés rentables et agréables. Le
paysan israélite souffrait d'un certain strabisme religieux que le Seigneur lui reprocha
amèrement.

Dieu n'accepte pas ce syncrétisme, ce mélange de vrai culte et d'idolâtrie, de vérité et


d'erreur. Tout culte idolâtre est en soi une infidélité au Seigneur, de la prostitution
spirituelle. Il est rupture de l'alliance. On ne réserve plus son culte à Dieu seul, mais lui
adjoint d'autres divinités. On a confiance dans le Seigneur, mais une confiance limitée. Qui
sait s'il s'intéresse à tout ce qui fait notre bonheur, s'il est assez grand et fort pour répondre
à tous nos besoins? Mais pour quiconque se réclame de l'Eternel, tout culte apporté à

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d'autres dieux est un affront, une insulte qu'on lui inflige. La Bible appelle cela de l'adultère
spirituel. Dieu réagit comme un mari jaloux de constater qu'il ne remplit plus le coeur de
son épouse, qu'elle lorgne après d'autres hommes et se laisse séduire par eux.

Salaire de ses prostitutions:

Dieu va opérer un ravage. Les Assyriens en seront chargés. Samarie et Jérusalem, la famille
royale, la noblesse, la classe politique et même l'élite religieuse ont favorisé l'idolâtrie. Deux
des trois rois régnant sur Juda à l'époque de Michée étaient des idolâtres. Achaz alla jusqu'à
sacrifier ses fils au dieu Moloc (2 Rois 16:3.4; 2 Chroniques 28:3; Lévitique 18:21) et sera
imité en cela par son petit-fils Manassé (2 Rois 23:10; 2 Chroniques 33:6). Les deux villes
seront donc ravagées, à commencer par Samarie dont la destruction est imminente et qui
sera réduite en un monceau de ruines et entièrement rasée. Le culte rendu aux dieux païens
et la prostitution sacrée à laquelle on se livrait rapportaient de substantiels bénéfices
permettant de fabriquer de belles idoles, de sculpter des statues de grand prix. Mais les
hauts lieux seront détruits et les idoles faites avec l'argent de la prostitution renversées.
L'or et l'argent dont elles sont faites permettront aux conquérants d'enrichir leurs temples
idolâtres et de se livrer ainsi à "d'autres prostitutions".

L'heure du jugement a sonné, et Dieu veut que les nations en soient les témoins. Il va
manifester sa justice et sa sainteté et procéder à une redoutable théophanie, semblable à
celle du Sinaï (V.3.4).

Michée s'en prend au peuple de Dieu si richement béni, qui a tourné le dos à son Seigneur.
Ce n'est pas qu'il ne l'adore plus, mais il ne l'adore plus comme son seul Dieu. Il a partagé
son coeur entre Yahvé et d'autres dieux jugés dans certains domaines plus rentables et plus
efficaces. Si le prophète revenait sur terre et faisait de la France et d'une façon générale de
l'opulent Occident son champ d'action, il s'en prendrait à ces athées des temps modernes
qui n'ont plus besoin de Dieu pour expliquer le monde et donner un sens à leur vie. Ou
plutôt qui l'ont descendu de son piédestal pour y installer d'autres dieux, car on a toujours

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besoin d'un dieu et on en vénère toujours au moins un et généralement plusieurs, même
quand on se dit rationaliste et qu'on s'en défend avec vigueur.

Mais Michée s'en prendrait aussi à tous ceux qui ont abandonné le Dieu d'Abraham, d'Isaac
et de Jacob pour se tourner vers le dieu de l'Islam ou des religions orientales dont ils
attendent la paix, le bien-être et le salut. Et enfin, il prendrait pour cibles ces innombrables
"chrétiens" qui laissent Dieu sur son piédestal, mais qui lui demandent de se pousser un peu
pour laisser un peu de place à d'autres, qui, malgré ce qu'en a dit Jésus, veulent servir à la
fois Dieu et Mamon (Matthieu 6:24; Luc 16:9.11.13), ou un autre... Ils font leurs prières à
Dieu, mais leur coeur est partagé. Ils ont encore "d'autres dieux devant sa face". Dieu est,
bien sûr, Créateur du ciel et de la terre, mais cela n'empêche pas qu'on attende des miracles
de la science, des prouesses de la médecine, le salut et le bonheur (au moins ici-bas, car on
n'est pas si sûr qu'il y ait quelque chose après la mort!) des réformes politiques et sociales.
Alors on regarde à Dieu et on fait ses oraisons, mais on louche aussi du côté des dieux de ce
siècle qui sont peut-être aussi efficaces que lui, si ce n'est plus.

Attention! Nous ne sommes pas de ceux qui disent qu'il suffit de prier, le reste viendra tout
seul. Nous n'avons rien contre la médecine, les sciences, les techniques, une sagesse
diplomatie et une bonne politique sociale. Dieu sait utiliser tout cela pour bénir les
hommes. Mais justement, il l'utilise, c'est-à-dire le rend utile. Ce ne sont pas des dieux, mais
des moyens dont se sert celui qui est seul Dieu. Il ne faut donc pas les diviniser, comme on le
fait trop souvent, jusque dans l'Eglise chrétienne. Car pour les diviniser, il faut "dédiviniser"
Dieu. Et on le fait couramment, et pas seulement dans les ouvrages de théologie, mais
même dans certains catéchismes. On ne craint pas d'affirmer que Dieu n'est pas la réponse
à tout, qu'il ne faut pas le prendre pour une assistante sociale, que pour réussir ses examens
le travail est sans doute plus efficace que la prière, que lorsqu'on est malade, le médecin est
en fin de compte plus compétent que le Seigneur, et que de toutes façons le rôle de ce
dernier n'est pas de s'occuper des innombrables problèmes, petits et grands, auxquels nous
devons faire face dans ce monde. N'est-ce pas faire de Dieu le spécialiste des grandes causes
comme le péché et la grâce, le jugement et l'au-delà, et nier son intervention dans le
quotidien, là où il est question de semailles et de récoltes, de pluies et de sécheresse,

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d'enfants et d'éducation, de santé et de maladies, de travail et de repos? N'en doutons pas,
Michée en aurait des choses à dire sur l'athéisme, le paganisme et l'incrédulité, mais aussi
sur ce strabisme religieux qui nous fait loucher après d'autres dieux là où nous pensons que
le nôtre est en perte de vitesse.

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JUGEMENT DE JUDA

(1:8-16)

"Voilà pourquoi je vais mener le deuil, je vais me lamenter, je vais marcher pieds nus,
sans vêtements. Je pousserai des cris, comme ceux du chacal, et des gémissements
comme font les autruches. La plaie de Samarie est incurable, et elle atteint même
Juda. La voilà qui s'avance jusqu'à la porte de mon peuple, jusqu'à Jérusalem. Ne le
proclamez pas dans la ville de Gath, ne pleurez pas. Gens de Beth-Leaphra,
couvrez-vous de poussière! Habitants de Chaphir, allez nus et honteux! Le peuple de
Tsaanân ne sortira plus de sa ville, et celui de Beth-Haëtsel ne sait plus que se
lamenter et son soutien vous est ôté. Le peuple de Maroth est bien malade. Oui, le
malheur est envoyé par l'Eternel, jusque devant tes portes, Jérusalem! Habitants de
Lakich, attelez les coursiers aux chars, car vous êtes à l'origine du péché de Sion; c'est
bien chez vous que la révolte d'Israël a été imitée. Voilà pourquoi vous devez donner
à Morécheth-Gath sa lettre de divorce, et les maisons d'Akzib seront pour les rois
d'Israël une cause de déception. Contre vous, habitants de Marécha, je vais faire venir
un nouveau conquérant, et le glorieux roi d'Israël devra se réfugier à Adoullam.
Rasez-vous donc, arrachez vos cheveux, habitants de Jérusalem, en signe de douleur
à cause de vos fils qui font tous vos délices! Oui, rasez-vous la tête, pour que vous
soyez chauves, pareils à des vautours, parce qu'ils vont être emmenés loin de vous en
exil" (1:8-16).

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Le prophète décrit l'invasion assyrienne avec une série de jeux de mots, de calembours que
ne rendent pas les traductions. Michée joue sur les noms de certaines localités pour prédire
ce que sera leur avenir. Il suffit en hébreu que deux mots aient une sonorité identique ou
semblable, pour qu'ils soient considérés comme apparentés. C'est un procédé poétique qui
fait exploser les mots et les charge d'une grande puissance d'évocation et parfois d'humour
ou d'ironie. Les toponymes deviennent dans ce texte un véritable message, informant les
localités en question de ce qui va leur arriver.

Gath, Beth-Leaphra, Chaphir, Tsaanân, Beth-Haëtsel...:

"Ne le proclamez pas dans la ville de Gath" (V.10). Il s'agit d'une des cinq villes philistines.
Le verbe "'al-taggidû", "ne prévenez-pas", "ne le proclamez pas", a la même sonorité que le
nom de la ville. Il s'agit de ne pas prévenir Gath et les autres villes philistines des malheurs
qui vont frapper les villes et villages de Juda, pour qu'on ne se moque pas d'eux (Michée
7:8).

"Gens de Beth-Leaphra, couvrez-vous de poussière ("hâphâr", en hébreu). "Habitants de


Chaphir, allez nus et honteux". Chaphir vient d'un verbe "châphar" qui signifie "être beau,
plaisant", d'où le contraste avec la nudité. "Le peuple de Tsaanân ne sortira plus
("yâtse'âh") de sa ville". Beth-Haëtsel a perdu son soutien ("ha'étsel", littéralement "maison
forte"). "Le peuple de Maroth est bien malade. Oui, le malheur ("mârôth" en hébreu signifie
"amertumes", "douleurs") est envoyé par l'Eternel jusque devant tes portes". "Voilà
pourquoi vous devez donner à Morécheth-Gath sa lettre de divorce": nouveau jeu de mots,
le toponyme Morécheth ressemblant en hébreu au terme désignant la fiancée. Et on
pourrait continuer la liste, mais pour vraiment goûter ces calembours, il faudrait lire le
texte en hébreu.

Toutes les villes et villages mentionnés dans ce passage sont autant d'étapes sur le chemin
qui conduit les armées assyriennes à Jérusalem. Cf. la carte ci-dessus, p. 4, et une liste
semblable dans Esaïe 10:28-34. L'itinéraire suivi par les troupes ennemies n'est pas une

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ligne droite, mais fait un détour par le sud-ouest, pour couper la route à toute armée qui
voudrait venir au secours de la ville. Il s'agit de verrouiller tous les accès possibles à
Jérusalem. La moitié des villes et villages mentionnés dans le texte ne sont plus localisables.
Peu importe, du moment qu'ils l'étaient pour les contemporains du prophète. L'ennemi, il
est vrai, veut s'en prendre surtout à la capitale de Juda et fera tout ce qu'il faut pour la
conquérir, mais il ne se gêne pas pour se livrer à des escarmouches partout où il passe et
pour infliger des malheurs à toutes les localités rencontrées sur sa route. Elles ont toutes de
quoi trembler. Razzias, pillages, viols et autres cruautés de toutes sortes ont toujours été le
lot des régions traversées par la soldatesque.

Le châtiment culminera dans la déportation symbolisée par l'attitude du prophète. A la


demande de Dieu, Esaïe, son grand contemporain, avait dû se déshabiller et se montrer nu
et déchaussé aux habitants de Jérusalem (Esaïe 20). Michée accomplit le même geste, et il
semble qu'il le fasse de lui-même, sans qu'on le lui demande. Il quitte vêtements et sandales
et imite dans sa nudité, en se lamentant, en marchant pieds nus et en poussant les cris de
détresse du chacal, le peuple vaincu partant en exil (V.8). Imaginez un pasteur arpentant
tout nu les rues d'une ville et annonçant le jugement divin! Par son geste, Michée rend le
message de Dieu non seulement audible, mais visible. "Verbum visibile", disait saint
Augustin des sacrements! Il faudrait que Samarie et Juda sachent ce qui les attend, s'ils ne
se repentent pas, et... qu'ils se repentent!

Ces malheurs ont déjà menacé Jérusalem. Mais suite au règne et aux réformes du pieux
Ezéchias, ils ont frappé ou vont frapper incessamment le Royaume du Nord, tandis que Juda
sera encore épargné pendant environ 135 ans. Ils étaient prévus pour les deux royaumes,
mais Juda a obtenu un sursis. Jérusalem ne sera pas frappée dans l'immédiat par les
Assyriens, mais plus tard, par les Babyloniens, quand ceux-ci seront devenus les nouveaux
maîtres du monde. Il existe un temps de grâce où il s'agit de ne pas endurcir son coeur, mais
de se repentir, un temps où on peut, en se convertissant, détourner le châtiment (Hébreux
4:7). Mais il existe aussi, comme le montrent d'innombrables textes de la Bible et en
particulier la parabole du mauvais riche et du pauvre Lazare (Luc 16:19-31), un temps où le
malheur est inéluctable, où il est trop tard pour se repentir.

21
Que le peuple de Juda se repente, pendant qu'il est encore temps! Le prophète ne prédit pas
un malheur pour qu'il arrive et s'abatte sur Samarie et Juda, mais pour qu'il n'arrive pas,
pour le détourner. C'est ainsi qu'on dit au milieu de l'année scolaire à un élève paresseux:
"Tu vas redoubler", non pas pour qu'il redouble, mais pour qu'il fasse le nécessaire afin de
ne pas redoubler. On peut, en se convertissant, échapper au châtiment mérité. A condition
toutefois qu'il ne soit pas trop tard!

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Questions de révision et exercices:

1) Yotham, Ahaz, Ezéchias (V.1): Lire les articles qui sont consacrés à ces rois de Juda dans
un dictionnaire ou une encyclopédie biblique et situez leurs règnes dans l'histoire de Juda.

2) V.2: Trouvez d'autres textes prophétiques où Dieu prend à témoin le ciel et la terre ou les
nations païennes dans le procès qu'il va faire à son peuple.

3) Qu'est-ce que Dieu reproche à son peuple dans ce 1E chapitre du prophète Michée?

4) L'idolâtrie, qu'elle soit ou non accompagnée de prostitution sacrée, est considérée par
Dieu comme de la prostitution ou un adultère spirituel. Trouvez des textes bibliques
affirmant cela et dites pourquoi il en est ainsi.

5) Si Dieu a décidé de châtier son peuple, pourquoi les prophètes s'évertuent-ils à le lui
annoncer?

6) Quel serait, transposé dans le contexte actuel, le message du prophète à la chrétienté


d'aujourd'hui?

__________

23
DENONCIATION DE L'INJUSTICE SOCIALE

(Michée 2)

C'est une dénonciation en règle des accapareurs, notamment de ceux qui profitent de la
guerre pour s'approprier les terres et les maisons des gens endettés, des anciens
combattants et de leurs veuves. Ils seront dépouillés et châtiés, et les prédictions
rassurantes des faux prophètes n'y changeront rien. Tel est le message du 2E chapitre du
prophète Michée.

24
Contre les accapareurs:

"Malheur à ceux qui méditent le mal et trament des méfaits tout au long de la nuit. Au
point du jour, ils vont les accomplir en profitant de leur pouvoir. Ils convoitent des
champs: ils s'en emparent; des maisons: ils les prennent. Ils oppriment les gens, les
dépouillant de leurs habitations et de leurs terres. C'est pourquoi l'Eternel déclare:
Contre cette nation je projette un malheur: il sera comme un joug dont vous ne
pourrez plus vous dégager le cou. Vous ne marcherez plus la tête haute, car ce temps
qui arrive est un temps de malheur. En ce jour-là, on vous citera en exemple dans les
proverbes. On chantera sur vous une lamentation. On dira: "C'en est fait, nous
sommes dévastés, totalement détruits; Dieu fait passer à d'autres la propriété de
mon peuple. Hélas, on me l'enlève pour donner aux rebelles nos terres en partage".
Voilà pourquoi vous n'aurez plus personne pour vous distribuer votre part du pays"
(2:1-5).

Aux péchés de la première table de la Loi (Michée 1) succèdent ceux de la seconde (Michée
2). Le mépris de Dieu engendre celui du prochain. Quand on tourne le dos au Seigneur, on
ne voit plus dans le prochain une créature divine faite à l'image de Dieu et qu'on doit pour
cela respecter et aimer. Quand on triche avec le Seigneur, il n'y a plus de raison de ne pas
tricher aussi avec son prochain.

Israël était à l'origine un peuple nomade, qui vivait un peu au jour le jour, au hasard des
prés où il faisait pâturer et des sources d'eau et citernes où il abreuvait ses troupeaux. Il ne
possédait pas de terres, si ce n'est un lieu où enterrer ses morts, comme la caverne de
Macpéla (Genèse 23). Personne n'était propriétaire terrien. Il n'y a pas de véritable
exploitation du prochain au sein d'une tribu nomade. Les rapports sociaux sont simples, car
ils ne sont pas empoisonnés par le sentiment de propriété.
Puis le peuple s'installa en Canaan. Dieu prit alors des précautions: 1) Il déclara que le pays

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lui appartenait, qu'il ne faisait que le prêter à son peuple. 2) Il le répartit en douze portions
et en donna une à chaque tribu. 3) Il déclara que les ventes de terres n'étaient pas valables
au-delà d'un certain temps, qu'elles devaient revenir lors de l'année du jubilé à leurs
anciens propriétaires, et que cette année-là, ceux qui avaient dû se vendre comme esclaves
pour éponger des dettes recouvraient leur liberté. On tirait à nouveau les lopins de terre au
sort (V.5). Il existait une sorte de "propriété tournante" qu'Israël ne pratiqua, semble-t-il,
que durant deux ou trois générations.

Ils convoitent..., s'emparent..., prennent..., oppriment:

Michée dénonce l'oppression des pauvres, la corruption du gouvernement et la


malhonnêteté dans les affaires qui minaient la société de son temps. Les propriétaires
terriens avides et les usuriers étaient tellement obsédés par l'acquisition de richesses qu'au
lieu de dormir comme tous ceux qui ont honnêtement accompli leur tâche pendant la
journée, ils passaient leurs nuits à concevoir des moyens frauduleux pour s'emparer des
champs et de la maison du pauvre. C'étaient des spécialistes en affaires et en escroqueries
de toutes sortes, qui profitaient de la pauvreté des pauvres pour s'enrichir.

C'est bien connu. Quand le pauvre est vraiment pauvre, il est facile de l'appauvrir encore.
Quand le petit paysan est victime d'une sécheresse, qu'il ne récolte rien au moment de la
moisson, il lui faut, s'il veut manger et survivre, vendre des bêtes ou un champ. Et comme il
y est obligé et qu'ils sont nombreux à le faire, quand l'année n'est pas bonne, les cours
s'effondrent. On en profite pour offrir le plus bas prix. Ainsi, le riche s'enrichit sur le dos du
pauvre. C'est un cycle infernal, connu sous toutes les latitudes et à toutes les époques. Et il
n'est pas nécessaire, pour le vérifier, d'aller dans tel pays d'Amérique latine où 90% des
terres sont la propriété de 5% de la population!

La Loi de Dieu était fondamentalement juste et préservait les biens de chacun. Mais quand
on oublie ou méprise les trois premiers commandements, les autres suivent. Israël, de
peuple nomade, était devenu un peuple de possédants, d'exploitants dont certains s'étaient
transformés en exploiteurs. C'est eux qui faisaient la loi, la pluie et le beau temps, et qui

26
fixaient le prix des terres, des bêtes et des denrées. Le produit national brut (PNB) s'était
peut-être multiplié par dix sous les règnes de Jéroboam II d'Israël et Ozias de Juda, mais la
richesse se concentra en quelques mains, si bien qu les "petits" finissaient par ne plus
pouvoir vivre sur la terre que Yahvé leur avait prêtée. Et comme toujours, le pouvoir est du
côté de l'argent. Ce sont les riches qui font les lois et qui, au besoin, corrompent et achètent
fonctionnaires et magistrats. C'est bien connu, le riche a le droit pour lui; on fait le droit
pour protéger ses biens. Et avec le droit, il a le pouvoir. Ainsi l'argent appelle l'argent, et le
pouvoir appelle le pouvoir. Ce qui signifie inversement que la pauvreté appelle la pauvreté.
Le cercle est vicieux et infernal.

Esaïe, Jérémie (22:13-19) et Amos (2:6; 8:4-6) firent le même constat et annoncèrent le
même jugement. Quand Dieu est bafoué sur sa propre terre qu'il a prêtée à son peuple, il ne
peut pas ne pas juger et punir. C'est l'annonce des invasions ennemies, d'une catastrophe
nationale et de la déportation (V.3.4). Un pays à ce point envahi par l'injustice est sûr de
perdre une guerre, si elle se présente. Ce ne sont pas les spoliés et les pauvres qui le
défendront. Ils n'ont rien à perdre, plus rien à défendre, et aucune envie de se battre pour
sauver les biens d'autrui. Un tel pays coupe la branche sur laquelle il est assis.

Faut-il rappeler l'actualité d'un tel texte? Evoquer la concussion, les pots-de-vin, les
passe-droit, l'impunité dont jouissent certains, les immunités qui font leur force, les
auto-amnisties qu'on proclame pour échapper à la justice, les faux et usages de faux, les
trafics d'influence, les délits d'initiés, les scandales financiers qui éclaboussent notre
société, les fortunes bâties en un tour de main, alors que le Quart-Monde ne cesse de
progresser autour de nous, les abus de confiance et abus de biens sociaux dont se rendent
coupables non pas les "gagne-petit" qui ne savent pas comment payer leur loyer, s'acquitter
de leurs factures de chauffage et d'électricité, rembourser leurs dettes et nourrir leur
famille, mais les grands et les riches, ceux qui ont de quoi vivre, et même beaucoup plus,
ceux qui ont les moyens de claquer des dizaines de milliers de francs aux courses ou en une
soirée au casino, tandis que d'autres fouillent les poubelles pour manger et se réfugient
dans les bouches de métro pour ne pas mourir d'une pneumonie? Faut-il rappeler que
certains peuvent se payer des super-avocats pour défendre des causes indéfendables, alors

27
qu'on n'hésite pas à soutirer à une famille en difficulté jusqu'au dernier centime prévu par
la loi?

Alors rappelons-le: la propriété est de droit divin, ce qui signifie en premier lieu que la terre
appartient à Dieu et rien qu'à lui, que l'homme ne fait que la gérer et qu'il a des comptes à
rendre. Que tous les hommes devraient avoir quelque chose à gérer. Que le droit au travail
et à la dignité existe pour chacun, que tout travailleur a le droit d'être logé et de manger à sa
faim. Et d'être défendu, et défendu bien et efficacement, quand il est lésé ou spolié, même
s'il n'a pas les moyens de payer les services d'une vedette du barreau? Peut-on dire que les
biens disponibles dans notre pays sont répartis équitablement? Ce qui ne veut pas dire que
certains n'aient pas le droit de posséder plus que d'autres, car il est normal et juste que le
travail et le talent se monnaient. Mais est-ce toujours le cas? Et que dire des relations
Nord-Sud, des pays occidentaux qui se sont amplement enrichis sur le compte de ceux du
Tiers-Monde et continuent de le faire? Pour tous ces crimes et d'autres encore, Michée
annonça à son peuple la déportation à Ninive. Vers quelle Ninive allons-nous?

_________________

28
Contre les prophètes de la paix :

« Cessez de délirer, délirent tous ces faux prophètes ; on ne peut délirer ainsi ! » Cela
ne détournera pas l’outrage pour autant ! Cependant, que dit-on parmi le peuple de
Jacob ? « L’Eternel aurait-il perdu patience, est-ce bien là sa manière d’agir ? »
« Certes, pour ceux dont la conduite est pleine de droiture, mes paroles sont
bienveillantes. Mais hier encore, on a traité mon peuple en ennemi. Vous ôtez le
manteau de dessus la tunique à ceux qui, sans défiance, passent auprès de vous au
retour du combat. Vous expulsez les femmes, les femmes de mon peuple, des maisons
qu’elles aiment ; vous ôtez pour toujours le glorieux patrimoine que je leur ai donné.
Debout ! Allez-vous-en ! Car ce pays n’est plus un lieu paisible, parce qu’il est souillé,
et il sera la cause d’une terrible destruction. Car si un homme vient qui court après le
vent, qui profère des mensonges et qui dit : Oui, pour toi je vais délirer, distiller du
bon vin, des boissons enivrantes, cet homme-là devient le distillateur de délires pour
tout ce peuple ! » (2 :6-11).

Michée n’est pas le seul à parler dans son pays. Beaucoup d’autres prétendent être
prophètes, mais le message n’est pas le même. Ils parlent de paix et de bien-être là où
l’homme de Dieu ne peut annoncer que le jugement et le châtiment du ciel. Alors ils
l’accusent d’être un empêcheur-de-tourner-en-rond, un prophète de malheur, et de délirer
(V.6). Et, comme c’est le propre de tous les faux prophètes, ils font passer leur message pour
la Parole de Dieu (V.7). Satan ne se déguise-t-il pas en ange de lumière, pour séduire les
croyants (2 Corinthiens 11 :14) ? Dieu n’est-il pas le Dieu de l’alliance qui a juré de protéger
29
son peuple ? Le faux prophète se réfugie derrière les promesses que Dieu a faites à son
peuple, mais omet de parler de la vocation de ce dernier, tandis que le vrai prophète prêche
les deux, la fidélité du Seigneur et le devoir de son peuple.

Certes, Dieu est bon et fidèle, mais « pour ceux dont la conduite est pleine de droiture »
(V.7). Les oppresseurs et les escrocs, les méchants et les perfides ne peuvent pas s’attendre
de sa part à de l’amour et de la patience. Or que se passe-t-il dans le pays ? On spolie les
soldats qui sont partis se battre et qui rentrent du combat sans se méfier, certains qu’on les
estimera pour leur courage et qu’on leur témoignera de la gratitude. Ils sont partis à la
guerre, se sont laissé enrôler pour gagner leur vie et nourrir leurs familles en courant de
grands risques, et pendant ce temps on a dépouillé leurs femmes et leurs enfants (V.8.9).

Distillateur de délires :

Le V.11 contient un jeu de mots qui échappe aisément au lecteur. Le mot hébreu traduit par
« vent » signifie aussi « Esprit ». Beaucoup de faux prophètes, persuadés d’être poussés par
l’Esprit (2 Pierre 1 :21), « courent après le vent ». Autre jeu de mots : le prophète joue sur la
sonorité des mots traduits par « mensonges » (« schèqèr ») et « boissons enivrantes »
(« schékâr »). Les devins de Samarie, et peut-être aussi leurs collègues de Jérusalem,
s’enivraient d’une « ivresse sacrée » pour entrer en transes (Esaïe 28 :1.7-9). « In vino
veritas », affirme le dicton. Ici, par contre, quand il s’agit de prophétiser, l’alcool engendre
les mensonges et le vin distille du délire. Le vrai prophète, quant à lui, n’a pas besoin
d’alcool et de drogues, car il n’a pas besoin de transes. Il reste lucide, ouvre les yeux et
analyse la situation. A la différence des faux prophètes, il ne cherche pas à faire plaisir aux
gens. Il détient un message qui déplaît, pour lequel on le hait et, au besoin, le persécute. Et
pourtant il a le courage de le proclamer. Cela aussi est un test de vérité.

30
Il y a de l’espoir pour le reste juste :

« Descendants de Jacob, je vous rassemblerai, oui, Jacob tout entier, et je vais réunir
les restes d’Israël, l’Eternel le déclare, je les ferai venir ensemble comme un troupeau
d’agneaux dans un enclos. Ils seront comme des brebis au milieu de leurs pâturages :
on entendra le bruit d’une foule humaine en tumulte. Celui qui fait la brèche
marchera devant eux. Ils se presseront par la brèche, ils franchiront la porte et
sortiront par elle. Leur Roi marchera devant eux, l’Eternel sera à leur tête »
(2 :12.13).

Ces deux versets sont, après le désespoir de l’oracle précédent, un cri d’espoir. En son
temps, Dieu rassemblera ses élus comme il a ramené son peuple de l’exil. La grande
délivrance qu’il lui a accordée, lorsque, se servant de l’édit de Cyrus (538 av. J.-C.), il le fit
sortir de Babylone et le conduisit à Canaan, dans le pays de la promesse, préfigure le salut
qu’il offre à ses « agneaux » et ses « brebis », ses élus en Israël et parmi les nations. Tel un
bon berger, il les rassemble, prend soin d’eux, nourrit leur âme des promesses de son
Evangile, les protège, les fortifie dans la foi, pour les conduire dans leur patrie céleste. Cf.
Psaume 23 ; Ezéchiel 34 :10-31.

Interprétés de la sorte, - et comment les interpréter autrement quand on connaît le


Nouveau Testament ? -, ces deux versets constituent une prophétie messianique, car
Jésus-Christ est le bon berger que Dieu a choisi pour sauver les siens (Jean 10 :1-18.27-30).
Il est celui qui « fait la brèche », le grand Sauveur qui les délivre de leur prison, le Fils
promis à David, le Roi dont la domination est universelle et ne prendra jamais fin. Au nom
de ses promesses, Dieu se conserve un faible reste (Esaïe 1 :9) à qui, au milieu des
jugements dont il frappe le monde, tous les espoirs sont permis. C’est à cause d’eux qu’il a
veillé à ce que le peuple à qui il avait fait de si grandes promesses ne soit pas réduit à néant

31
comme Sodome et Gomorrhe (Esaïe 1 :9), qu’il a permis à Juda de rentrer de l’exil et qu’il lui
a conservé son identité et son intégrité nationales, jusqu’à ce que les temps fussent
accomplis et qu’il eût envoyé son Fils dans le monde (Galates 4 :4).

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32
Questions de révision et exercices:

1) Quelle est l'actualité du message des V.1-5?

2) Trouvez des textes bibliques affirmant que la terre appartient au Seigneur et qu'il ne fait
que la prêter aux hommes pour qu'ils la gèrent. Quelles conclusions en tirez-vous?

3) En quoi les faux prophètes décrits dans 2:6-11 diffèrent-ils de Michée?

4) Pensez-vous que le critère permettant d'identifier les faux prophètes, tel qu'il est défini
dans ce texte, est encore valable de nos jours? Connaissez-vous encore d'autres signes
distinctifs des faux docteurs?

5) Comment ce 2E chapitre du prophète Michée prêche-t-il à la fois la justice et la grâce de


Dieu?

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33
CONTRE LES CHEFS DU PEUPLE

LE JUGEMENT DE JERUSALEM

(Michée 3)

Les chefs politiques:

"Et moi je dis: "Ecoutez donc, chefs de Jacob, et vous qui gouvernez le peuple d'Israël.
Ne devriez-vous pas bien connaître le droit? Vous détestez le bien et vous aimez le
mal. Vous arrachez la peau des membres de mon peuple, vous arrachez la chair qui
leur couvre les os. Vous dévorez leur chair et vous les dépecez, vous leur brisez les os
et les mettez en pièces, tout comme des morceaux qu'on met dans la marmite, oui,
comme de la viande qu'on met dans le chaudron". Voilà pourquoi, quand ils crieront
vers l'Eternel, lui, il ne leur répondra pas. Il restera loin d'eux à cause du mal qu'ils
ont fait" (3:1-4).

Chefs:

En hébreu comme en français, le mot "chef" provient d'un terme qui désigne la tête
("ro'sch"). Il s'agit de tous ceux qui se trouvent à la tête de quelque chose (collectivité,

34
organisme, entreprise), de tous ceux qui ont pouvoir et commandement. Ce sont les rois, ses
conseillers, ses ministres et ses fonctionnaires, les magistrats et les juges, tous ceux qui
détiennent des postes-clés et qui font marcher la politique et l'économie d'un pays.

Michée n'excuse pas le petit peuple pour les méfaits qu'il commet; il porte aussi sa part de
l'injustice qui règne dans le pays. Mais il s'en prend essentiellement à ses chefs qui
l'oppriment et le condamnent peut-être à tricher et frauder. Leur responsabilité est plus
grande. Quand on détient du pouvoir, on a aussi des devoirs, et plus on a de pouvoir, plus
les devoirs sont grands. Les deux viennent de Dieu. Cf. ce que l'apôtre Paul dit des autorités
civiles et de leur mission (Romains 13:1-7). Faire un mauvais usage de l'autorité confiée par
Dieu, c'est projeter sur Dieu le mal qu'on commet. C'est faire rejaillir sur le Chef suprême
l'opprobre dont se couvre le sous-chef. C'est être un mauvais représentant de Dieu sur
terre. Les fautes des chefs sont à l'échelle même des responsabilités que Dieu leur a
confiées. Un homme ne peut pas abuser impunément de l'autorité dont le Seigneur l'a
investi. Quand on est son représentant sur terre, on a des comptes à lui rendre.

Vous arrachez..., dévorez..., dépecez..., mettez en pièces:

Les chefs d'Israël sont de véritables fauves qui dépècent le peuple et le sucent jusqu'à la
moelle. Ils ressemblent à ces chiens sauvages qui s'en prennent à une bête faible, malade et
sans défense, et s'acharnent sur elle jusqu'à ce qu'elle expire, vidée de son sang.

Il existe une oppression semblable de nos jours, entre particuliers et entre nations. Avec la
meilleure conscience du monde, en ayant souvent la loi pour soi, le riche exploite le pauvre,
profite de son insolvabilité pour spéculer, l'exproprier, faire chuter ou au contraire grimper
les prix, payer des salaires de misère ou imposer des conditions de travail inhumaines. Et ce
que font les particuliers nantis, les nations riches le font aussi, en toute impunité. Les pays
industrialisés exploitent ceux du Tiers-Monde, profitant de leur dénuement pour défricher
leurs forêts, leur imposer des cultures qui appauvrissent leur sol, les allécher par
l'expectative d'une importante rentrée de devises et finalement leur acheter leurs denrées à
des prix dérisoires.

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L'Eternel ne leur répondra pas:

Le V.4 s'applique tout autant à nos contemporains qu'à ceux du prophète: l'injustice et
l'exploitation des faibles sont des obstacles à la prière. Quand on a les mains souillées par le
sang, il est inutile de se présenter devant le Seigneur et de lui apporter des sacrifices (Esaïe
1:10-17). Il demande autre chose que des offrandes hypocrites. Les seuls sacrifies ou
prières qui lui soient agréables sont ceux qui procèdent d'un coeur repentant et croyant, les
fruits d'une foi sincère.

Les faux-prophètes:

"Voici ce que dit l'Eternel des faux prophètes qui égarent mon peuple: "Ils prédisent la paix
à qui met sous leurs dents un bon morceau à mordre, et déclarent la guerre à qui ne remplit
pas leur bouche. Vous serez dans la nuit sans avoir de visions. Ce seront les ténèbres; finies
les prédictions. Oui, le soleil se couchera sur ces prophètes, le jour s'obscurcira pour eux.
Ceux qui ont des révélations seront couverts de honte, et les devins perdront la face. Ils se
couvriront le visage, car Dieu ne leur répondra pas". Moi, au contraire, grâce à l'Esprit de
l'Eternel, je suis rempli de force, d'équité, de courage pour dénoncer sa révolte à Jacob et à
Israël son péché" (3:5-8).

Michée règle ses compte à des "collègues" qui lui font honte. Il dénonce les faux prophètes
que Dieu n'a pas envoyés et qui ne parlent pas en son nom.

Des faux prophètes qui égarent mon peuple:

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Il existait à l'époque des écoles, des confréries de prophètes et devins, fonctionnaires
cultuels attachés à tel ou tel haut-lieu. Ces hommes se faisaient payer par ceux qui venaient
les consulter et disaient ce que leurs clients voulaient entendre d'eux. C'est bien connu, "qui
paie commande!" Si on les payait, ils annonçaient la paix et la prospérité, disaient aux gens
qu'ils n'avaient rien à craindre, car ils étaient en règle avec Dieu et le Seigneur les aimait et
les bénissait. Mais si on ne leur donnait rien, ils prédisaient le malheur (V.5). Le propre des
faux prophètes est de subordonner la Parole de Dieu aux désirs de ceux qui les écoutent et
aux gratifications de ceux qui viennent les interroger. Or la Parole de Dieu est Parole de
Dieu: elle veut rester maître de celui qui la transmet et de ceux qui la reçoivent.

Moi, au contraire...:

Michée proteste contre les agissements de ces hommes et annonce que Dieu ne se révélera
pas par eux (V.6.7). Quant à lui-même, il connaît une assurance tranquille. Il n'a pas choisi
son métier et n'a jamais cherché à s'enrichir en l'exerçant, mais accomplit une mission que
le Seigneur lui a confiée. Il est son porte-parole, son messager, c'est pourquoi Dieu
continuera de parler par lui (V.8). Il se sait fort, équitable, courageux, mais ne s'en vante
pas, car s'il est tout cela, c'est "grâce à l'Esprit de l'Eternel". Il n'est pas là pour plaire au
peuple, mais pour dénoncer son impiété et lui dire la volonté du Seigneur. Et il le fera, quoi
qu'il lui en coûte, car c'est Dieu qui parle par lui. C'est à cela qu'on reconnaît le vrai
prophète.

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Le jugement de Jérusalem :

« Ecoutez donc ceci, chefs du peuple issu de Jacob et vous qui gouvernez le peuple
d’Israël, qui détestez le droit et corrompez la justice, qui bâtissez Sion en répandant
le sang, et Jérusalem par le crime. Ses chefs rendent leurs jugements contre des
pots-de-vin, et ses prêtres se font payer pour dispenser l’enseignement, et ses
prophètes prédisent l’avenir pour de l’argent. Et ils s’appuient sur l’Eternel en
disant : « L’Eternel n’est-il pas au milieu de nous ? Par conséquent, aucun malheur ne
pourra nous atteindre ». Aussi, par votre faute, Sion sera labourée comme un champ,
et Jérusalem deviendra un tas de ruines ; la montagne du Temple sera une colline
couverte de broussailles » (3 :9-12).

Vous qui bâtissez Sion… et Jérusalem :

Jérusalem grandissait à l’époque. Elle était prospère et s’enrichissait. On menait une


politique de prestige. L’époque était heureuse. Alors il était naturel d’en conclure que Dieu
était avec sa ville bien-aimée et la bénissait. Et s’il en était ainsi, c’est qu’elle lui plaisait,
qu’elle était fidèle à l’alliance, pieuse et prompte à accomplir ses devoirs. D’ailleurs ne
professait-on pas la foi en Dieu ? Le temple n’était-il pas rempli de la fumée des sacrifices et
de l’odeur de l’encens ? Ne regorgeait-il pas d’adorateurs ? Oui, on accomplissait ses devoirs
cultuels, mais cela n’empêchait pas les chefs de construire des tours et des remparts. On ne
sait jamais, des fois que Dieu dans un moment de distraction oublierait de protéger son
peuple contre une armée venue de l’Orient. « Aide-toi, et le ciel t’aidera ! »

Sang… crime :

Michée, qui aime la ville de son Dieu, sait à quel prix elle grandit. Qui ne connaît l’histoire de

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la vigne de Naboth que Jézabel, femme d’Achab, fit lapider, lui et ses fils, sur la déclaration
de faux témoins ? Tout cela pour pouvoir annexer sa vigne au palais royal de Jizreel (1 Rois
21 :1-24). Un exemple parmi d’autres des exactions commises par la noblesse et la
bourgeoisie de l’époque ! Le recours aux faux témoignages, faux procès, emprisonnements
ou meurtres d’innocents pour accaparer leurs maisons et leurs terres était monnaie
courante. Jérusalem avait ses experts en matière de concussion et d’escroquerie.

Pots-de-vin…, argent :

Les magistrats et chefs de la ville, même les prophètes et les prêtres sont passés maîtres
dans l’art de faire fortune. C’est l’argent qui règne à Jérusalem, dans la ville de Dieu. Il n’y a
que lui qui compte. C’est le capitalisme dans ce qu’il a d’abject. L’argent est entre les mains
d’une petite classe de citoyens. Tout est monnayé, même la prédication de la Parole de Dieu.
Les serviteurs de Yahvé mènent une vie de patachons et savent y faire pour arrondir leurs
fins de mois, eux qui devraient être des modèles de piété, d’honnêteté et de contentement.
Que peut-on attendre d’un peuple, quand son élite lui donne le mauvais exemple d’une vie
tout entière consacrée au fric, et au fric mal acquis ? Quand le salaire et les appointements
passent avant l’exercice honnête de sa charge et que l’argent devient à ce point prioritaire,
rien ne va plus. L’argent qui domine tout, les hommes, le droit, les juges, les riches et les
pauvres, les prophètes et les prêtres, la Parole de Dieu et le culte, est l’ennemi le plus
terrible du Seigneur, car il casse tout ce qu’il y a d’honorable, de juste et de beau dans une
société. Il dénature les relations entre l’homme et Dieu et l’homme et son prochain.

Ceux qui ont voulu la gloire de Jérusalem on travaillé à son malheur. Mamon a son trône
dans la ville sainte, le démon de l’argent en est le seigneur. Mais si on peut tout acheter avec
de l’argent, ou presque tout, si on peut pourrir les gens en le faisant miroiter à leurs yeux, il
ne protège pas de l’Assyrien et du Babylonien. Dieu ne sauve pas, quand les gens ne veulent
plus se laisser sauver. Ou qu’ils attendent le salut du fric au lieu de le chercher auprès de
leur Créateur. Il abandonne les hommes, quand ils lui préfèrent un autre dieu, Mamon.

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Mais le Seigneur aura quand même le dernier mot : « Sion sera labourée comme un champ
et Jérusalem deviendra un tas de ruines » (V.12). On ne foule pas impunément sa grâce aux
pieds. En tout cas pas indéfiniment. Il sait être patient et l’a amplement montré. Mais s’il y a
un temps pour les appels et les exhortations, un temps pour la grâce et la patience, il y en a
aussi un pour le jugement. Même « la montagne du Temple sera une colline couverte de
broussailles », car si son peuple a besoin d’un temple pour le rencontrer et l’adorer, lui n’en
a pas besoin pour être Dieu et heureux. Son trône est dans les cieux, et ce trône-là, il le
gardera toujours, même si on a souillé celui qu’il s’était fait bâtir à Jérusalem !

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Questions de révision et exercices:

1) Trouvez dans la Bible des textes définissant la mission que Dieu a confiée aux chefs et
aux magistrats, à tous ceux qui exercent l'autorité dans un pays.

2) Connaissez-vous des textes qui disent que le Seigneur prend un soin particulier des
pauvres et des faibles, qu'ils lui tiennent particulièrement à coeur?

3) Quelles mesures un gouvernement peut-il prendre pour les protéger?

4) Est-il normal, à votre avis, qu'il y ait des riches et des pauvres? Au cas où vous répondriez
par l'affirmative, y a-t-il des limites à ne pas dépasser, et quand le fossé entre riches et
pauvres vous parait-il intolérable?

5) Les prophètes de l'Ancien Testament ont dénoncé les injustices sociales qui régnaient en
Israël. Pensez-vous que ce soit encore la mission de l'Eglise? Justifiez votre réponse.

6) Dans les V.5-8, Michée montre une différence essentielle entre le faux prophète et le vrai.
En existe-t-il d'autres?

7) Réunissez quelques textes de la Bible pour brosser le tableau d'un fidèle serviteur de
Dieu et de l'Eglise.

8) Quel est le châtiment prédit dans le V.12 et comment cette prédiction s'est-elle réalisée
dans l'histoire?

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LE GLORIEUX AVENIR DE SION

(Michée 4:1-5:14)

Les chapitres 4 et 5 constituent un tout. il s'agit peut-être d'un ensemble d'oracles réunis en
un recueil. Le thème est celui de la restauration de Jérusalem qui suivra l'exil à Babylone. Le
langage, le style, les idées et les images utilisés par le prophète ressemblent beaucoup à
ceux d'Esaïe 40-50. D'autre part, Michée 4:1-3 est pratiquement identique à Esaïe 2:2-4. Les
deux prophètes étaient des contemporains. Plusieurs explications ont donc été proposées:
on a suggéré qu'Esaïe citait Michée, ou au contraire que Michée citait Esaïe, ou encore que
tous les deux citaient une source plus vieille, par exemple un élément d'une liturgie du
temple. Impossible de trancher; le mystère demeure.

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Jérusalem restaurée:

"Dans l'avenir, il adviendra que la montagne sur laquelle est le Temple de l'Eternel
sera fermement établie au-dessus des montagnes, elle s'élèvera par-dessus toutes les
hauteurs, et les peuples y afflueront. Des nations nombreuses viendront et se diront
les unes aux autres: "Venez, montons au mont de l'Eternel, au Temple du Dieu de
Jacob! Il nous enseignera les voies qu'il a prescrites, nous suivrons ses sentiers". Car
de Sion viendra la Loi, et de Jérusalem la Parole de l'Eternel. Et il sera l'arbitre entre
de nombreux peuples, oui, il sera le juge de puissantes nations, même lointaines.
Martelant leurs épées, ils forgeront des socs pour leurs charrues, et, de leurs lances,
ils feront des faucilles. Plus aucune nation ne brandira l'épée contre une autre
nation, et l'on n'apprendra plus la guerre. Chacun habitera en paix sous sa vigne et
sous son figuier, et il n'y aura personne qui puisse le troubler. C'est l'Eternel qui a
parlé, les Seigneur des armées célestes. Les autres peuples marcheront au nom de
leurs divinités, mais nous, nous marcherons au nom de l'Eternel, notre Dieu pour
toujours et à jamais. En ce jour-là, l'Eternel le déclare, je rassemblerai mes brebis,
celles qui boitent et celles qui sont exilées et que j'ai maltraitées. Je ferai de celles qui
boitent un reste qui subsistera; de celles qui sont exilées je ferai un peuple puissant.
L'Eternel régnera sur eux, sur la montagne de Sion, dès lors et à jamais. Et toi, tour du
troupeau, toi, citadelle de Sion, la souveraineté d'antan te reviendra, la royauté que
possédait Jérusalem" (4:1-8).

C'est un oracle pour la fin des temps. L'expression "dans l'avenir" (Bible du Semeur) ou
"dans la suite des temps" (Segond) désigne chez les prophètes les temps derniers qui
verront l'accomplissement des grandes promesses faites à Israël. C'est l'ère messianique.

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Fermement établie au-dessus des montagnes:

La petite colline de Sion, située à 800 mètres d'altitude, connaîtra un avenir glorieux. Elle
dominera toutes les montagnes. On sait que les peuples de l'Antiquité avaient l'habitude de
construire leurs sanctuaires sur les sommets des montagnes, et Israël n'a pas dérogé à cette
coutume, avec Jérusalem, puis, hélas, le mont Garizim et les nombreux hauts lieux bâtis ici
et là. Mais Jérusalem avec son temple va surpasser tous les édifices sacrés des nations
païennes. En d'autres termes, le Dieu d'Israël habitant dans le temple de Jérusalem fera
entendre sa voix dans le monde entier et attirera à lui des hommes issus de toutes les
nations, venant des quatre extrémités de la terre. C'est l'accomplissement de Matthieu
28:18-20: toutes les nations entendront l'Evangile et deviendront des disciples du Christ.
Des hommes et des femmes issus de tous les peuples du monde s'approcheront "de la
montagne de Sion, de la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste, des myriades qui forment
le choeur des anges, de l'assemblée des premiers-nés inscrits dans les cieux, du juge qui est
le Dieu de tous, des esprits des justes parvenus à la perfection, de Jésus qui est le médiateur
de la nouvelle alliance et du sang de l'aspersion qui parle mieux que celui d'Abel" (Hébreux
12:22-24). Le Royaume de Dieu qui s'établira sur terre dans les coeurs ne connaît pas de
frontières nationales, culturelles ou linguistiques.

Venez, montons:

Michée nous montre les hommes s'encourageant mutuellement à se rendre en foule à


Jérusalem (V.2). Un saint zèle les animera; ils exerceront le sacerdoce universel des
croyants et témoigneront de leur foi. Ainsi les païens trouveront Dieu et se laisseront
instruire par lui. C'est de Jérusalem que sortira la Parole de Yahvé. Elle en sortait déjà à
l'époque des prophètes, et en sortira de plus belle, quand le Christ accomplira son ministère
sur terre et quand, ensuite, les apôtres seront ses témoins.

Il est bien évident qu'on ne peut pas interpréter ces paroles littéralement. Il est exclu que

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les nations du monde entier se rendent physiquement à Jérusalem pour y adorer Dieu. De
plus, ce n'est pas nécessaire, puisque la Parole de Dieu en "sortira". Cette prophétie s'est
accomplie quand Jésus parut sur terre, qu'il accomplit sa mission et chargea ses apôtres
d'annoncer l'Evangile à Jérusalem, puis dans la Palestine et enfin aux confins de la terre
(Matthieu 28:18-20; Luc 24:47; Actes 2:8). Ainsi naquit une Jérusalem spirituelle dont la
capitale de la Palestine n'avait été que la préfiguration, l'Eglise chrétienne où Dieu a établi
son trône, dans laquelle il règne par sa Parole et qui est la messagère du salut pour les
nations du monde entier. C'est elle qui annonce l'Evangile aux païens et les invite à entrer
dans le peuple de Dieu, et c'est dans la mesure où les nations s'intègrent à l'Eglise
chrétienne que Jérusalem s'élève au-dessus de toutes les montagnes, de tous les royaumes
de la terre. Dieu est ainsi "arbitre" et "juge" (V.3.4). Il fera régner la grâce et la justice, le
pardon et le salut, et gouvernera les coeurs.

Epées, socs, vigne, figuier:

Puis le prophète nous décrit, dans un langage militaire et champêtre que ses contemporains
devaient bien comprendre, la prospérité et la paix que Dieu accordera aux siens. Les images
utilisées (les épées transformées en socs, les lances qui deviennent des faucilles, l'évocation
de la vigne et du figuier) symbolisent le règne de paix instauré par le Christ et les
bénédictions qu'il est venu apporter aux hommes (Luc 1:79; 2:14; 19:38; Jean 14:27; 16:33;
Romains 1:7; 5:1; 14:17; 15:13.33; Galates 5:22; 6:16; Ephésiens 2:14; Philippiens 4:17,
etc.).

Les versets 6 à 8 reprennent le thème du bon berger développé déjà dans 2:12.13. Toujours
sur l'arrière-plan de l'exil à Babylone et du retour en Palestine. Le prophète rappelle que
Dieu avait "maltraité", c'est-à-dire châtié son peuple pour son infidélité. L'Assyrie, puis
Babylone n'ont été que les instruments de sa colère. Ce ne sont pas Sanchérib et
Nebucadnetsar qui frappèrent le peuple, mais Dieu, qui est le maître de l'univers, s'est servi
de ces nations pour le punir. Cependant le Dieu qui frappe est aussi celui qui panse, qui
délivre, guérit et sauve. Ce qu'Israël a vécu devient ainsi l'image de la délivrance que le

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Seigneur accorde en Jésus-Christ à tous ceux qui viennent à lui d'un coeur brisé et contrit,
qui implorent sa grâce et veulent vivre de son amour. David avait été en son temps à la tête
d'un véritable empire et avait fait de Jérusalem une citadelle glorieuse, image de l'empire
universel et éternel fondé par le Christ dont les richesses surpassent tous les trésors de ce
monde.

On le voit, les prophètes ont un double message. Ils menacent et consolent tour à tour. Ils
menacent, quand le peuple se détourne de son Dieu, vit dans l'injustice et le mal, tout en
s'imaginant béni par le ciel, et consolent quand, dans la souffrance, il rentre en lui-même,
qu'il gémit dans l'épreuve et revient à lui d'un coeur repentant.

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Sion triomphera de ses ennemis:

"Et pourquoi maintenant pousses-tu de tels cris? N'as-tu donc plus de roi? Ton
conseiller a-t-il péri pour que les douleurs t'aient saisie comme une femme qui
enfante? Oui, tords-toi de douleur, gémis, comme une femme qui enfante, toi qui
habites dans Sion! Car tu devras quitter la ville et camper en pleins champs, tu iras
jusqu'à Babylone. Mais là, tu seras délivré, car l'Eternel te sauvera du pouvoir de tes
ennemis. Mais pour l'instant, de nombreuses nations se sont rassemblées contre toi
disant: "Quelle soit profanée et que nos yeux contemplent la ruine de Sion!" Mais
elles ne connaissent pas les plans de l'Eternel et elles ne comprennent pas ses
intentions: il les a rassemblées comme des gerbes pour battre le blé sur une aire.
Debout, foulez le blé, habitants de Sion, je rendrai vos cornes d'acier et vos sabots de
bronze, et vous écraserez de nombreux peuples; vous vouerez exclusivement leurs
biens à l'Eternel, et vous offrirez leurs richesses au Seigneur de toute la terre".
Maintenant, rassemble tes troupes, ville de troupes! On nous assiège et l'on frappe au
visage à coups de bâtons, le Chef d'Israël" (4:9-14).

Le prophète se fait ironique. Juda ressemble à un royaume sans roi ni conseiller. Personne
n'est là pour le gouverner et lui donner de sages conseils. En fait, un monarque est assis sur
le trône de Jérusalem, mais ce descendant de David, Yotham ou Ahaz, est un piètre roi et un
homme indigne. La glorieuse citadelle solidement fondée par David se tord de douleurs
comme une femme en couches (V.9). Et Michée se fait sarcastique: Pourquoi ces pleurs et
ces douleurs, puisque le peuple a un roi et qu'il se fiait à lui? Mais le sarcasme devient
reproche: "Voilà ce qui arrive quand on se fie aux hommes, au lieu de chercher refuge
auprès de l'Eternel. Si vous aviez mis votre confiance en Dieu, vous ne seriez pas là
maintenant à brailler!"

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Tu iras jusqu'à Babylone:

Jérusalem est sans doute assiégée par l'armée assyrienne. Mais le vrai désastre n'est pas
pour aujourd'hui ni pour demain. Dieu offre à la ville un sursis de plus de cent ans. Mais son
tour viendra aussi. Les douleurs de l'enfantement persisteront et déboucheront non pas
sur la vie, mais sur la mort. Juda devra partir en exil à Babylone. On notera au passage qu'à
une époque où l'Assyrie était maître du monde et où personne ne parlait de Babylone,
petite province annexée à l'empire fondé par les monarques de Ninive, le prophète annonce
l'hégémonie future et les conquêtes militaires de ce pays qui secouera le joug assyrien et
régnera sur le monde de l'époque. Michée vit à l'époque des Assyriens, mais Dieu le remplit
du Saint-Esprit et lui fait franchir le temps et prédire l'hégémonie politique de Babylone, la
déportation et le retour à Jérusalem.

Les plans de l'Eternel..., ses intentions:

Quand Juda partira en exil, les nations se moqueront de lui (V.11). Et du même coup de son
Dieu! En effet, c'est ainsi qu'on raisonnait à l'époque: Si un peuple est vaincu par un autre,
c'est que son dieu est inférieur au sien et n'a pas su le protéger. Mais c'était oublier que
Dieu avait voulu le désastre de Jérusalem. Non, le dieu Marduk n'était pas plus fort que
Yahvé, mais ce dernier a voulu châtier son peuple pour sa désobéissance. Dieu a un "plan"
et des intentions que les hommes ne connaissent pas (V.12). Le monde ne connaît rien aux
desseins du Seigneur aussi longtemps qu'il ne les lui révèle pas. Ils étaient déjà à l'époque
"des choses que l'oeil n'a point vues, que l'oreille n'a point entendues et qui ne sont point
montées au coeur de l'homme, des choses que Dieu a préparées pour ceux qui l'aiment.
Dieu nous les a révélées par l'Esprit" (1 Corinthiens 2:9.10).

Mais là tu seras délivrée, car l'Eternel te sauvera:

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Enfin, le prophète annonce à son peuple, par-delà l'exil, le retour, la délivrance et la victoire
sur ses ennemis (V.10). Il le compare à un boeuf aux "cornes d'acier" et aux "sabots de
bronze" qui foulera les peuple et apportera leurs richesses au "Seigneur de toute la terre"
(V.13). Cela ne s'est pas réalisé dans l'histoire politique et militaire d'Israël. Plus jamais le
peuple de l'alliance n'a écrasé d'armées ennemies, vaincu et assujetti des nations. Et
pourtant, ce que Dieu dit est toujours vrai et s'accomplit de la façon voulue par lui. Chaque
fois que les prophètes d'Israël plongent leurs regards dans les temps messianiques,
Jérusalem devient la préfiguration de l'Eglise chrétienne qui, elle, connaît bien des échecs,
c'est vrai, mais marche de victoire en victoire et conquiert les peuples du monde entier en
proclamant l'Evangile du salut. Des millions d'hommes et de femmes appartenant à tous les
peuples du monde ont déjà fléchi les genoux devant l'Eternel, le Dieu de Jacob, et
continueront de le faire jusqu'à la consommation des siècles.

Ville de troupes:

Traduction curieuse et inexplicable, de la part de la Bible du Semeur, d'un terme qui signifie
"fille de troupes" (Segond). "Fille à soldats", sans doute. C'est que Jérusalem a été si souvent
infidèle à son Dieu, s'est prostituée, vendue à d'autres, Non seulement à Baal, Moloc et
Astarté et aux autres idoles païennes qu'elle vénérait, mais aussi aux hommes, aux
souverains étrangers, aux nations à qui elle se fiait, cherchant le salut dans la diplomatie et
les alliances politiques, au lieu d'aller le chercher auprès de son Dieu.

Question: L'Eglise ne ressemble-t-elle pas si souvent à Jérusalem? Elle qui est l'épouse que
le Christ aime d'un amour éternel, et qu'il veut sainte, fidèle, sans taches ni rides ni
compromissions d'aucune sorte, ne se prostitue-t-elle pas comme la Jérusalem antique aux
philosophies, aux idéologies à la mode, aux morales et aux pratiques du monde, en pensant
y trouver le salut, échapper à la débâcle et récolter la sympathie des hommes?

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Questions de révision et exercices:

1) Connaissez-vous l'interprétation millénialiste des V.1-5? Dites pourquoi elle n'est pas
acceptable.

2) Quelles sont les particularités de l'Eglise chrétienne décrites dans les V.1-5?

3) Essayez de bâtir sur les V.1-5 un plan de sermon.

4) Comparez les V.6.7 à la parabole du bon berger de Jean 10 et dites en quoi ils décrivent le
ministère de Jésus-Christ?

5) Que signifie le V.8 de ce chapitre?

6) Qu'y a-t-il d'extraordinaire dans l'évocation de Babylone (V.10)?

7) Que signifiait la destruction totale de Jérusalem pour les peuples de l'époque?

8) Le "plan" de Dieu était le châtiment et la délivrance de Jérusalem. Pourquoi le châtiment


et pourquoi la délivrance?

9) Montrez en quoi l'Eglise chrétienne ressemble à l'antique Jérusalem et en quoi le


Seigneur agit avec l'une comme il a agi avec l'autre.

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Le roi messianique dont le règne s'étendra sur toute la terre:

"Et toi, Bethléhem Ephrata, la plus petite des villes de Juda, de toi sortira pour moi
celui qui régnera sur Israël! Son origine remonte aux temps passés, aux jours
anciens. C'est pourquoi l'Eternel délaissera son peuple jusqu'au moment où celle qui
doit enfanter enfantera et où le reste de ses frères rejoindra les Israélites. Lui, il sera
bien établi, il paîtra son troupeau, revêtu de la force de l'Eternel, avec la majesté de
l'Eternel, son Dieu. Et les gens de son peuple vivront dans la sécurité, car on
reconnaîtra désormais sa grandeur jusqu'aux confins du monde. Et nous lui devrons
notre paix" (5:1-4a).

Bethléhem Ephrata:

Le contraste avec le chapitre précédent est saisissant. La grande Jérusalem est maintenant
en ruines, et Dieu choisira un petit village, Bethléhem, pour y faire naître le chef promis à
Israël, le Fils de David dont le règne a été préfiguré par son glorieux ancêtre. Bethléhem, à 7
km au sud de Jérusalem et alors que cette dernière n'était elle-même qu'un bourg parmi
d'autres détenu par la tribu des Jébusiens, était la patrie de David. Pour ne pas la confondre
avec un autre Bethléhem, dans la tribu de Zabulon (Josué 19:15), on l'appelait Bethléhem
Ephrata, du nom de la deuxième femme de Caleb (1 Chroniques 2:19; 1 Samuel 17:12; Ruth
1:2; 4:11).

Bethléhem était un village insignifiant, "la plus petite des villes de Juda", mais le siège de la
dynastie de David. Matthieu 2:6, du reste, se permet de faire dire à Michée 5:1 le contraire.
Il s'agit sans doute d'une interprétation. Bethléhem devant donner naissance au Messie, est
la plus glorieuse des bourgades de la Judée. L'évangéliste a dû lire Michée 5:1 au travers de
son accomplissement et, de la sorte, sublimer Bethléhem.

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Aux temps passés, aux jours anciens:

Autres traductions: "à l'antiquité, aux jours d'autrefois" (TOB), "aux temps anciens, aux
jours de l'éternité" (Segond). Le mot hébreu employé désigne normalement l'éternité
(Segond: "jours de l'éternité"), mais peut désigner aussi une époque très reculée qui se perd
dans la nuit des temps. Pourquoi ne pas lui laisser son sens premier, s'il est vrai que ce texte
annonce la naissance du Christ qui est vrai Dieu, qui existait dès le commencement,
d'éternité en éternité, et par qui toutes choses ont été faites (Jean 1:1-3)?

Celui qui régnera sur Israël :

C'est l'affirmation de la royauté du Messie. Il est le successeur de David et roi d'Israël,


héritier de son trône. Un souverain dont le règne a été préfiguré par David et qui rend
universel et éternel la domination que Dieu lui avait accordée. En effet, "on reconnaîtra sa
grandeur jusqu'aux confins du monde" (V.3). Un souverain aussi dont le règne n'est pas de
ce monde (Jean 18:36), qui domine sur un Israël spirituel, l'Eglise de la nouvelle alliance. Ce
nouveau chef montant sur le trône de David n'est pas simplement un être humain. Il est
aussi Dieu d'éternité en éternité.

Celle qui doit enfanter:

C'est certainement une allusion à la naissance miraculeuse du Messie, à la vierge d'Esaïe


7:14 qui devait donner naissance au Sauveur du monde. Jésus est "né d'une femme", dit
l'apôtre Paul (Galates 4:4), de même que la première annonce de l'Evangile dans le paradis
mentionnait la postérité de la femme (Genèse 3:15), ce qui est une façon de s'exprimer tout
à fait inhabituelle en milieu oriental où un enfant est régulièrement présenté et identifié
comme le fils de son père. Mais Jésus n'a pas de père parmi les hommes.

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Nous lui devrons notre paix:

Le plus grand trésor que le Messie offrira aux siens sera la paix. Il en paiera le prix, quand il
mourra sur la croix pour réconcilier les hommes avec Dieu. Il est le Prince de la paix d'Esaïe
9:5, celui qui donne la paix céleste que le monde ne peut pas donner (Jean 14:27). Cf. Luc
2:14; 24:36; Jean 20:19.21.26; Romains 5:1; 15:33; Galates 6:16, etc.

On notera une fois de plus le thème du berger, si cher à la Bible. Le Messie exercera son
ministère "revêtu de la force de l'Eternel, avec la majesté de l'Eternel, son Dieu". Il est en
effet l'Envoyé du Père, celui que Dieu a oint du Saint-Esprit sans mesure et qu'il a, au terme
de sa mission sur terre, assis à sa droite, faisant de lui son fondé de pouvoir et mettant
toutes choses sous ses pieds (Psaume 8:7; 1 Corinthiens 15:25.27; Ephésiens 1:22; Hébreux
2:8).

L'histoire du monde, d'Israël et des nations n'est pas anarchie. Tout est prévu par Dieu et
doit contribuer à l'accomplissement de ses promesses, à la réalisation de son plan de salut.
C'est ce qui permet à Michée de parler de façon sereine des souffrances que connaît et que
connaîtra encore Israël (V.2). Il entremêle l'annonce d'épreuves futures et la proclamation
de la grâce et de la paix qu'apportera le Christ. Le peuple était aveugle et sourd dans
l'opulence. Aussi l'épreuve doit-elle l'humilier. Le Messie a plus de chances d'être reconnu
et accepté par un peuple humilié que par une nation nageant dans l'idolâtrie et l'argent. Il
faut souvent que Dieu abandonne les siens pour qu'ils le cherchent, qu'il se taise pour qu'ils
lui parlent.
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Triomphe de tous les rescapés sous la bannière de ce roi:

"Ainsi, au cas où l'Assyrien entrerait dans notre pays, où son pied foulerait le sol de
nos palais, nous aurons à lui opposer suffisamment de dirigeants, de chefs et même
davantage. Ces chefs domineront Assur avec le glaive, le pays de Nimrod sera soumis
à leur épée. Et lui, il nous délivrera ainsi de l'Assyrien au cas où celui-ci entrerait
dans notre pays, où il mettrait le pied sur notre territoire. Le reste de Jacob sera,
parmi de nombreux peuples, semblable à la rosée qui vient de l'Eternel, ou aux
averses tombant sur l'herbe: elles n'attendent rien de l'homme et n'espèrent rien des
humains. Le reste de Jacob sera, au milieu des nations, parmi de nombreux peuples,
semblable à un lion parmi les animaux des bois ou à un lionceau parmi des
troupeaux de brebis, car, lorsqu'il passe, il foule aux pieds et il déchire sans que
personne ne puisse délivrer. Ainsi ta main se lèvera contre tes adversaires, et tous
tes ennemis seront exterminés. En ce jour-là, l'Eternel le déclare, je ferai disparaître
tous les chevaux de guerre de ton pays et j'anéantirai tes chars. Je ferai disparaître
les cités fortifiées de ton pays, et je renverserai toutes tes forteresses. Je ferai
disparaître de chez ton peuple tout acte de sorcellerie et tu n'auras plus de devins. Je
ferai disparaître du milieu de ton peuple tes idoles sculptées et tes statues taillées, et
tu cesseras de te prosterner devant les dieux que tu t'es fabriqués. J'arracherai de
chez ton peuple tous les poteaux sacrés, je détruirai tes villes. Dans ma colère et ma
fureur, je ferai payer toutes les nations qui ne m'auront pas obéi" (5:4b-14).

Suffisamment de dirigeants, de chefs et même davantage:

Littéralement: "sept dirigeants et huit chefs", expression qui signifie un nombre suffisant
pour la tâche prévue.

54
Nimrod:

Cet homme passe dans la Bible pour le fondateur de l'Assyrie (Genèse 10:8-11).
Les V.4b.5 sont sans doute le refrain de faux prophètes dans Juda ou un cantique
qu'entonnaient les Juifs pour se rassurer. Ils disaient ne pas craindre l'Assyrien. Leurs rois
ne valent par grand-chose et n'inspirent pas confiance? Qu'importe. On fera un putsch: des
généraux et des colonels feront un coup d'Etat et donneront au peuple la victoire contre
l'Assyrien. Dieu n'agit-il pas, et Israël n'est-il pas son peuple à qui il a fait de grandioses
promesses? Ainsi Israël voulait donner à Dieu son état-major d'officiers pour précipiter les
délivrances divines, lui donner un coup de main ou un coup de pouce. C'était oublier que
l'état-major de Dieu allait naître dans une mangeoire à Bethléhem et agoniser sur une croix,
que Yahvé avait choisi son chef, un chef différent de ceux dont Israël avait toujours rêvé, le
Messie. Il n'y a de délivrance divine que dans le chef choisi par Dieu lui-même.

Le Messie se fera un nouveau peuple, semblable à la "rosée qui vient de l'Eternel", aux
averses qui "n'attendent rien de l'homme et n'espèrent rien des humains" (V.6). Il sera une
source de rafraîchissement et de bénédiction pour de nombreux peuples. Mais il sera aussi
fort comme un lion.

Les versets qui suivent (V.9-14) sont un des passages les plus durs de Michée et de tout
l'Ancien Testament. Avant que le Messie arrive, Dieu va lessiver son peuple, procéder chez
lui à un nettoyage à fond. Il détruira les chars avec lesquels Israël se faisait fort de chasser
les divisions motorisées de l'Assyrien. Ensuite, il rasera ses villes fortifiées, derrière les
remparts desquelles le peuple se croyait mieux protégé que par le Seigneur et qui étaient
déjà à l'époque les citadelles de toutes les pollutions morales et de l'injustice sociale. Il
détruira les fausses religions (V.11-13) et anéantira en particulier les devins, tous ceux qui
en révélant l'avenir, veulent s'en rendre maîtres, alors que Dieu seul est maître de l'histoire.
Mais l'homme ne veut pas seulement maîtriser son avenir. Il veut aussi se rendre maître de
Dieu ou des dieux en se faisant des images taillées devant lesquelles ils se prosterne et dont
il veut acheter les faveurs en pratiquant un certain nombre de rites. Cf. l'ironie redoutable
avec laquelle Esaïe décrit l'idolâtrie (Esaïe 44:1-20).

55
Questions de révision et exercices:

1) Pourquoi Jésus devait-il, conformément à Michée 5:1, naître à Bethléhem?

2) Comment Michée 5:1 est-il utilisé dans le Nouveau Testament?


3) Qu'est-ce que la prophétie de Michée 5:1-4a nous apprend sur le Messie à venir?

4) Les V.4.5 montrent le faux calcul fait par Israël. Quelle leçon devons-nous en tirer?

5) Qu'est-ce que nous apprenons d'important dans le V.6b sur les dispositions de coeur des
croyants?

6) Les V.6-8 sont une description de l'Eglise chrétienne. Qu'en disent-ils?

7) Pourquoi Dieu a-t-il l'idolâtrie tellement en horreur (V.9-14)? Ne pourrait-il pas la tolérer
à côté du culte qu'on lui rend? Pourquoi cet exclusivisme?

8) On affirme de nos jours qu'il existe des lueurs de vérité dans les religions païennes qui
sont, elles aussi, des chemins de salut, quoiqu'elles bénéficient de moins de lumière que le
christianisme. Que penser de cette thèse à la lumière des V.9-14? Connaissez-vous d'autres
textes pour la réfuter?

__________

56
DENONCIATION ET CHATIMENT

DE L'INJUSTICE SOCIALE,

DE LA TRICHERIE ET DU MENSONGE

(Michée 6)

L'ingratitude d'Israël:

"Ecoutez donc ce que dit l'Eternel: Lève-toi et engage un procès devant les
montagnes, et que les collines t'entendent! Ecoutez donc, montagnes, fondements
immuables de la terre, le plaidoyer de l'Eternel. Car l'Eternel est en procès avec son
peuple, il va plaider contre Israël. Que t'ai-je fait, mon peuple? En quoi t'ai-je lassé?
Réponds-moi donc! T'ai-je lassé en te faisant sortir d'Egypte, en te délivrant de ce
pays où tu étais esclave, et en envoyant devant toi Moïse, Aaron et Miryam?
Souviens-toi donc de ce qu'avait tramé Balaq, roi de Moab, et de ce que lui répondit
Balaam, le fils de Béor. Souviens-toi du chemin que tu as parcouru de Chittim à
Guilgal, et reconnais que l'Eternel t'a fait justice. Avec quoi donc pourrai-je me
présenter à l'Eternel? Et avec quoi m'inclinerai-je devant le Dieu très-haut? Irai-je

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devant lui avec des holocaustes, avec des veaux âgés d'un an? L'Eternel voudra-t-il
des milliers de béliers, dix mille torrents d'huile? Devrai-je sacrifier mon enfant
premier-né pour payer pour mon crime, le fils chair de ma chair, pour expier ma
faute? On te l'a enseigné, ô homme, ce qui est bien et ce que l'Eternel attend de toi:
c'est que tu te conduises avec droiture, que tu prennes plaisir à témoigner de la bonté
et qu'avec vigilance tu vives pour ton Dieu" (6:1-8).

Nous atteignons avec ce texte un des sommets de la poésie hébraïque, sorte de Credo
d'Israël mentionnant l'Exode, le séjour au Sinaï, la traversée du désert ("de Chittim à
Guilgal"), l'entrée dans la terre promise et, auparavant, l'épisode de Balaam qui bénit le
peuple, au lieu de le maudire.

Collines..., montagnes:

La rupture est brutale entre les chapitres 5 et 6. Nous retrouvons le motif du chapitre 1:
Dieu intente à nouveau un procès à son peuple. Israël est cité à comparaître devant le
tribunal où le Seigneur est à la fois juge et plaignant. Les antiques montagnes et les collines
aux fondations si stables sont les témoins de toutes les grâces que Dieu a manifestées à son
peuple. Il va jusqu'à demander à son peuple en quoi il lui a fait du mal, pour qu'il lui
manifeste tant d'ingratitude. La liste des bénédictions est longue. Nombreux ont été les
actes rédempteurs, les délivrances accordées. En quoi le Seigneur a-t-il pu fatiguer, lasser
son peuple? Israël aurait-il oublié tout cela? Le Seigneur lui demande de s'en souvenir.

Là où il y a alliance, il y a souvent procès, parce que l'alliance est un pacte de fidélité et que
celle-ci ne peut être impunément bafouée. Le Seigneur convoque donc toute la création
pour qu'elle entende les reproches qu'il adresse à son peuple. Cf. Esaïe 1:2; Deutéronome
32:1; Psaume 50:1-6. Il condescend à plaider, à exposer ses reproches et à entendre ceux de
son peuple, lui qui pourrait le châtier sans autre forme de procès. La création tout entière
est prise à témoin, 1) parce qu'elle est le cadre que Dieu a donné à l'activité de l'homme, 2)
qu'elle est solidaire de l'homme (le sol a été maudit à cause de son péché, Genèse 3:17;

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Romains 8:20-22) et qu'elle souffre si souvent avec lui et à cause de lui, 3) parce que,
quoiqu'inférieure à l'homme, la nature lui donne des leçons de fidélité. Le soleil est toujours
au rendez-vous, le boeuf reconnaît son maître et l'âne son propriétaire (Esaïe 1:3). Dans
cette nature, chacun joue le rôle qui lui a été assigné, sauf l'homme qui, quoique supérieur,
gâche et perturbe tout. Et c'est encore plus grave, quand il s'agit du peuple même de Dieu.

Avec quoi m'inclinerai-je devant le Dieu très haut?

Michée fait parler Israël. Celui-ci a été apparemment touché par le réquisitoire divin et veut
se réconcilier avec son Dieu. Que lui apporter: holocaustes, veaux, béliers, libations?
Sacrifices d'enfants comme l'avaient fait Ahaz (2 Rois 16:3) et, plus tard, Manassé (2 Rois
21:6)? Mais Yahvé n'est pas comme les dieux des païens. Il regarde au coeur et non aux
gestes. Les sacrifices ne sont souvent que les alibis de la désobéissance. La fumée qui monte
des autels ne cache pas à Dieu l'impiété. Il veut le changement des coeurs.

Israël a une conception tout à fait fausse de la religion. Il prétend monnayer la miséricorde
et la faveur de Dieu à grand renfort de sacrifices, au besoin de sacrifices humains. Ce n'est
pas ce que le Seigneur cherche. Il ne peut pas se contenter de quelques rites. La religion
qu'il a instituée est une religion du coeur; il a des exigences d'ordre spirituel et moral et
veut la justice, l'amour et une humble soumission à sa volonté. Ainsi, le judaïsme de
l'ancienne alliance est loin d'être culte extérieur, accomplissement de quelques rites,
légalisme et contrainte. Le V.8 est un excellent résumé de la vraie religion instituée par
Dieu. Il s'agit de marcher comme il l'entend, et de le faire sans croire qu'on aide Dieu, qu'il a
besoin de nos sacrifices et de nos oeuvres. Il n'aime pas ceux qui s'imaginent qu'il ne saurait
se passer d'eux, qu'ils l'enrichissent par leurs prières, leurs dévotions et les oeuvres qu'ils
accomplissent.

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La fraude et son châtiment:

"L'Eternel s'adresse à la ville: la sagesse, c'est de le craindre; alors, écoutez la menace


de votre châtiment et celui qui l'envoie. Supporterai-je encore, communauté
méchante, les biens injustement acquis, les mesures réduites, objets de ma
malédiction? Laisserai-je impuni celui qui utilise des balances faussées et qui a dans
son sac des poids truqués? Les riches de la ville ont recours à la violence, ses
habitants profèrent des mensonges, leur langue ne fait que tromper. A mon tour, je
vous frapperai, jusqu'à vous en rendre malades, je vous dévasterai à cause de vos
fautes, vous mangerez sans être rassasiés, cela vous tordra les entrailles. Vous ferez
des réserves, vous n'en sauverez rien. Ce que vous sauveriez, je le livrerai à l'épée.
Vous sèmerez sans pouvoir moissonner; vous presserez l'olive, mais sans vous
frotter d'huile; vous foulerez les grappes, sans en boire le vin. On s'attache à garder
les préceptes d'Omri, on suit l'exemple de toutes les pratiques de la maison d'Achab,
oui, vous vous conduisez selon leurs traditions. C'est pourquoi je vais provoquer la
destruction de votre ville. Je ferai de ses habitants un sujet de sarcasme: vous
porterez l'opprobre de mon peuple" (6:9-16).

Communauté méchante:

C'est une nouvelle invective du prophète. Si Michée parlait ainsi aujourd'hui, sa carrière
d'ecclésiastique serait vite terminée. Mais Israël savait encaisser. Bien souvent, des
prophètes durent payer cher leur témérité. Cependant on ne fit rien à Michée (Jérémie
26:16-18). Il faut aussi saluer l'honnêteté d'Israël qui nous a transmis ces livres
prophétiques et a fait recopier et traduire des oracles qui fustigeaient et dénonçaient son
infidélité avec tant de violence. Cette honnêteté est unique dans l'histoire! Sans doute
peut-on y avoir le doigt de Dieu qui voulait que sa Parole subsiste jusqu'à la fin des temps.
Mais ce n'en est pas moins une leçon d'humilité pour nous, et nous sommes appelés à nous

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demander sincèrement quels reproches les prophètes auraient à nous adresser, s'il vivaient
au milieu de nous.

L'Eternel s'adresse à la ville:

Michée s'en prend à nouveau à la ville, à Jérusalem, symbole de corruption et de pollution,


lieu géométrique de l'injustice, carrefour du péché, comme le sont généralement les
grandes cités. Dieu va la châtier et justifie son jugement. Il dénonce une nouvelle fois la
fraude et l'escroquerie. Les objets de cette malhonnêteté sont maudits par lui. C'est que le
Seigneur se sent personnellement attaqué, quand les poids et les mesures sont truqués. Il
est sali par cette tricherie. Quand poids et mesures sont faussés, on gagne impunément de
l'argent sale, la société est pourrie et moribonde. L'injustice sociale est criante. Les riches
s'enrichissent toujours davantage et appauvrissent continuellement les pauvres. C'est
encore et toujours d'actualité, même si les moyens de tricher sont différents (taux d'intérêt
trop bas ou trop hauts, spéculation, pots-de-vin, tricherie sur la qualité des produits,
expropriation, corruption de fonctionnaires, faux et usage de faux, etc.). Le prophète aurait
bien des choses à dire, s'il observait la génération présente, les seigneurs du pouvoir et de
l'argent, qui souvent fréquentent l'Eglise et font profession d'être des chrétiens.

Je vous frapperai jusqu'à vous en rendre malades:

Autre traduction possible: "Je suis malade de vous frapper". Michée a peut-être été à
dessein ambivalent, faisant des jeux de mots pour rendre ses vérités plus percutantes. Dieu
en tout cas procède à un étrange aveu: Il est seul responsable des malheureux de son peuple
et, si notre traduction est correcte, déclare en souffrir lui-même. C'est à contre-coeur qu'il
frappe, mais il doit le faire pour sauver son honneur et pour redresser et sauver son peuple.
Il est vrai que Satan est responsable des malheurs des hommes, mais il "n'innocente" pas
Dieu. Yahvé lui est supérieur, et il ne fait que ce qu'il l'autorise à faire (Job 1).

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En matière d'injustice et de corruption, le Royaume du Sud ne vaut pas mieux que celui du
Nord. On s'y livre aux mêmes péchés, commettant les crimes d'Omri et d'Achab (V.16).
L'accusation a dû vexer terriblement les habitants de Jérusalem qui se croyaient plus pieux
et plus justes que leurs compatriotes de Samarie. A faute égale, châtiment identique.
Jérusalem sera détruite, et ses habitants deviendront la risée des nations.

_____________________________

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Questions de révision et exercices:

1) Quelles sont les différentes raisons que nous avons indiquées pour lesquelles Dieu fait de
la nature le témoin de l'ingratitude de son peuple? En voyez-vous encore d'autres?
2) Quels sont les sentiments et émotions de Dieu qui transparaissent à travers les V.1-5?

3) Pensez-vous que le prophète Michée s'en prenne dans les V.6-8 aux sacrifices et autres
rites institués par Moïse? Ne vous semble-t-il pas avoir une conception différente de la
religion?

4) Peut-on opposer, comme le fait le prophète, les sacrifices et autres rites à la justice et la
miséricorde? Comment définiriez-vous la vraie religion?

5) Qu'est-ce que la dénonciation de la fraude et de la tricherie nous apprend au sujet de


Dieu et des biens de ce monde?

6) Comment conciliez-vous les châtiments dont Dieu menace son peuple (V.13-16) avec
l'affirmation qu'il est miséricordieux et qu'il aime pardonner?

__________

63
PECHE, CHATIMENT

ET

PARDON

(Michée 7:1-20)

Plus de justice dans la nation, plus de confiance dans les familles:

"Hélas! Malheur à moi! Parce que je ressemble à celui qui viendrait chercher des
fruits en plein été, à celui qui grappille après les vendangeurs. Mais il n'y a pas une
grappe que l'on pourrait manger, et pas une figue nouvelle dont j'ai si grande envie.
Non, il ne reste plus dans le pays d'homme fidèle à l'Eternel, plus personne n'est
droit. Tous guettent l'occasion de répandre le sang et chacun traque son prochain en
lui tendant un piège. Pour commettre le mal, leurs mains sont bien expertes. Les
dirigeants, les juges exigent des présents, les grands prononcent leurs jugements
pour satisfaire leur avidité; ils font cause commune. Le meilleur parmi eux n'a pas
plus de valeur qu'un tas de ronces, et le plus droit est pire qu'un buisson d'épineux...
Le voici qui arrive, le jour annoncé par tes sentinelles, le jour où l'Eternel va

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intervenir contre toi. Et maintenant, ils seront consternés. Ne vous fiez donc plus à
votre ami intime, et n'ayez pas confiance en votre compagnon; oui, même devant
celle qui dort entre tes bras, garde tes lèvres closes! Car le fils méprise son père, la
fille se révolte contre sa propre mère, comme la belle-fille contre sa belle-mère, et
chacun a pour ennemis les gens de sa famille" (7:1-6).

Ce texte est d'une âpre beauté. Michée y parle de lui-même et des sentiments qu'il éprouve,
ce qui n'est pas très courant chez les prophètes. Il ressemble en cela à Jérémie. Comme lui, il
se livre au lecteur et clame sa souffrance. Il n'est pas un sadique qui se réjouit des épreuves
frappant son peuple. Il ne ricane pas en constatant que ses prédictions s'accomplissent et
que Jérusalem reçoit ce qu'elle mérite. La tâche d'annoncer au peuple le jugement de Dieu
était pour lui un véritable fardeau.

Des fruits en plein été:

En Palestine, la moisson se termine à la Pentecôte. En plein été, il n'y a plus rien à récolter.
Michée est semblable à un homme qui arpente la campagne à la recherche de fruits à une
époque où elle n'en produit pas. Il ne trouve dans le peuple aucun homme de bien,
personne qui s'applique à la justice et à l'équité, pas plus qu'il n'y a de raisins dans une
vigne après le passage des vendangeurs.

Les V.2-6 sont une nouvelle description de l'injustice qui règne en Israël. Le prophète est
insatiable de mots et d'images montrant que le peuple tout entier est pourri et suit le
mauvais exemple de ses chefs. Tous sont prêts à commettre le mal pour obtenir ce qu'ils
désirent. Et la haute société donne le mauvais exemple. Ceux qui détiennent du pouvoir
dans la nation sont gagnés par la corruption. Les meilleurs ne sont que des ronces ou des
chardons qui piquent celui qui s'en approche.

Ami intime..., compagnon..., celle qui dort entre tes bras:

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Une société est tombée à son niveau le plus bas, quand on ne peut même plus faire
confiance à ses voisins, ses collègues et ses amis, ni aux membres de sa propre famille,
quand il faut se méfier de ses plus proches, y compris de la femme de sa vie. Les relations
humaines sont alors totalement perturbées. La duplicité règne au sein même des familles et
des couples, là où on l'attend le moins. Il n'y a plus alors aucun espoir de restauration. On se
souviendra que Jésus, décrivant la fin des temps, a prononcé des paroles semblables
(Matthieu 10:34-36).

Le fils..., la fille:

C'est le reniement du respect qu'on doit aux parents, une des plus graves atteintes au droit
institué par Dieu. Cf. Proverbes 30:17; 23:22; Ephésiens 6:2; 1 Pierre 2:18. C'est peut-être
toujours par là, par le refus du respect dû aux parents et le rejet de leur autorité, que
commence le déclin et que s'amorce l'extinction des civilisations. L'ordre naturel est
renversé quand l'enfant est convaincu de n'avoir que des droits, quand il ne reconnaît pas
ses devoirs, qu'il grandit sans contrainte aucune, qu'il n'accepte aucune règle et qu'il prend
ses parents et ses aînés pour des demeurés et des sous-évolués. Celui qui grandit ou qu'on
laisse grandir dans une telle atmosphère n'apprendra jamais à respecter les autres. Il y a
dans ces paroles du prophète un bon thème de méditation pour les adolescents et matière à
réflexion pour tous ceux qui sont chargés d'élever des enfants. Il faut les aimer, les entourer
d'affection, les laisser s'épanouir et tout faire pour qu'ils ne deviennent pas des névrosés et
des êtres inquiets. Mais c'est une erreur de les mettre sur un piédestal, une hérésie de
civilisation de les traiter comme des petits rois.

Jérusalem sera détruite, et Michée en est malheureux. Il crie sa solitude, semblable à celle
d'Elie qui se croyait seul en Israël à être resté fidèle à Dieu (1 Rois 19). Il y aurait des choses
intéressantes à dire sur cette solitude des prophètes et des pasteurs, résultant de leur
ministère. La fidélité de celui qui est le porte-parole de Dieu le condamne parfois à une
solitude douloureuse. Mais le fait de se sentir seul ne signifie pas qu'on le soit effectivement.

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Cf. le tour que Dieu joua à Elie en lui annonçant que 7.000 hommes n'avaient pas fléchi les
genoux devant Baal. Il est fidèle à ses promesses et se réserve un reste que personne ne
peut arracher de sa main. Cf. les derniers versets du prophète Michée (7:18-20).

Châtiment et pardon :

« Quant à moi, je me tourne vers l’Eternel, je m’attends au Dieu qui me sauve, et mon Dieu
m’entendra. Tu n’as pas lieu de te réjouir en te moquant de moi, ô toi, mon ennemie, car si
je suis tombée, je me relèverai. Si je suis enfermée au milieu des ténèbres, l’Eternel est pour
moi une lumière. J’ai péché contre lui, je supporterai donc le poids de sa colère, jusqu’à ce
jour où il prendra en main ma cause, où il me fera droit et me fera sortir à la lumière, et je
contemplerai son œuvre qui établira la justice. Alors mon ennemie en sera le témoin et
sortira couverte de honte, elle qui me disait : « Où donc est l’Eternel ton Dieu ? », et je la
verrai de mes yeux être foulée aux pieds comme la boue des rues. Voici venir le jour où l’on
rebâtira les murs de votre ville, et voici, ce jour-là, on repoussera tes frontières. En ce
jour-là, des gens viendront vers toi : de l’Assyrie jusqu’à l’Egypte, et de l’Egypte jusqu’au
fleuve, et d’une mer à l’autre, d’une montagne à l’autre. Le reste de la terre deviendra un
désert à cause de ses habitants, ce sera le salaire de leurs agissements » (7 :7-13).

C’est le « happy end » du livre de Michée. Quand tout semble perdu, la lumière de l’espoir
brille encore. Les terribles menaces sont suivies de merveilleuses promesses et d’une
glorieuse espérance. La foi de Michée en la souveraineté de Dieu l’assurait que son dessein
n’était pas anéanti par l’infidélité de son peuple.

Tu n’as pas lieu de te réjouir :

Le prophète fait chanter le peuple exilé, mais celui-ci n’ose le faire en public, de peur qu’on
ne se moque de lui (cf. les harpes suspendues aux arbres du Psaume 137). Alors, se

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tournant vers les Babyloniens goguenards et fiers de leur victoire, il leur demande de ne pas
se réjouir trop tôt. Le Seigneur ramènera son peuple vers la lumière. Après le jugement et le
châtiment, il y aura une restauration. Au moment de l’exil, l’ennemi devait se moquer de
Dieu : « Où donc est l’Eternel ton Dieu ? » (V.10). Le châtiment frappant Jérusalem ne
prouvait-il pas que Yahvé son Dieu avait été battu par les dieux des Babyloniens ? N’était-il
pas un dieu minable comparé à Bel, Marduk et tous les autres qui faisaient marcher les
puissantes armées babyloniennes de victoire en victoire et leur permettaient de conquérir
un pays après l’autre ? Cf. 2 Rois 18 :33-35.

Israël n’a pas vécu ses épreuves comme une absence, une impuissance ou une inexistence
de son Dieu, mais comme l’interpellation d’un Seigneur jaloux qui ne se renie pas et reste
fidèle à son alliance, qui veut la repentance et le salut de son peuple. L’ennemi ne savait pas
cela et ne pouvait pas le savoir. Il ne comprenait pas que la défaite du peuple était l’œuvre
même de son Dieu et non un signe de sa faiblesse ou de son infériorité, qu’il se servait des
autres nations pour châtier son peuple méchant et infidèle. Il agissait en Roi des rois, en
souverain de la terre qui utilise les nations et les peuples pour accomplir ses desseins. Mais
les païens seront couverts de honte, quand il manifestera sa toute-puissance pour délivrer
son peuple dispersé (V.10).

L’Assyrie, l’Egypte, jusqu’au fleuve, d’une mer à l’autre, d’une montagne à l’autre :

Le châtiment divin a une fonction rédemptrice. Le jour où Dieu rétablira Jérusalem, les
nations comprendront quel a été son plan et, témoins de sa puissance et de sa fidélité, elles
se prosterneront devant lui. Son amour et sa miséricorde exprimés dans le pardon accordé
au petit reste attireront les peuples vers le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Son dessein
dans la captivité et la restauration d’Israël était de magnifier à la fois sa justice et sa
miséricorde et de faire connaître son nom sur toute la terre.

Le dernier mot de Dieu est toujours un mot de grâce, une promesse de pardon et de salut.
Aussi le Royaume de Dieu a-t-il le dernier mot dans l’histoire de ce monde et les nations

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païennes qui se gaussaient des défaites et des revers de son peuple viendront-elles se
joindre à lui pour adorer un Dieu aussi grand que Yahvé. La prophétie, une fois de plus,
brise le cadre du simple retour de l’exil et de la restauration de Jérusalem. Elle trouve son
accomplissement dans l’Israël spirituel de la nouvelle alliance, dans l’Eglise chrétienne. Dieu
se rassemble un peuple de pécheurs repentants et croyants qui vivent de la grâce, du
pardon et du salut qu’il leur offre en Jésus-Christ. Il déverse sur lui ses plus grandes
bénédictions et le conduit vers la Jérusalem céleste qu’est son saint paradis. Il rassemble ses
élus sur toute la terre, du milieu des nations et des peuples les plus divers, et fait d’eux des
enfants d’Abraham.

____________________

69
La miséricorde aura le dernier mot:

"Eternel, pais ton peuple sous ta houlette! C'est le troupeau qui t'appartient, il habite
à l'écart dans les fourrés, au milieu du Carmel. Qu'il puisse paître dans les prés du
Basan et du mont Galaad, comme aux jours d'autrefois! "Comme au temps de jadis où
tu sortis d'Egypte, je te ferai voir des prodiges". Les nations le verront et seront
confondues malgré tout leur pouvoir. Elles ne trouveront plus un seul mot à dire,
elles seront abasourdies. Tout comme le serpent et comme les reptiles, en tremblant,
elles sortiront de leurs retranchements, et se présenteront devant l'Eternel, notre
Dieu, et elles te craindront. Quel est le Dieu semblable à toi, qui efface les fautes et
qui pardonne les péchés du reste de ton peuple qui t'appartient? Toi, tu ne gardes
pas ta colère à jamais, mais tu prends ton plaisir à faire grâce. Oui, de nouveau tu
auras compassion de nous, tu piétineras nos péchés, et au fond de la mer tu jetteras
nos fautes. Oui, tu témoigneras de la fidélité au peuple de Jacob. Tu manifesteras ta
grâce aux enfants d'Abraham comme tu l'as promis aux temps anciens, à nos
ancêtres" (7:14-20).

C'est une dernière prédiction de l'ère messianique. Michée ou le peuple lui-même demande
à Dieu de redevenir son berger et de rendre à son troupeau la prospérité, le bonheur et le
paix, comme au temps passé. Le Basan et les monts Carmel et Galaad (V.14) étaient réputés
pour la richesse de leurs herbages ou pour la paix et la sérénité qu'y goûtaient les
troupeaux. Le rappel de la sortie de l'Egypte (V.15), l'évocation de cet acte rédempteur par
excellence qui comptait tant dans l'histoire d'Israël, acte par lequel il était devenu le peuple
de Dieu, engage le Seigneur à le délivrer à l'avenir et prélude à la grande délivrance que le
Christ est venu apporter et que les croyants attendent avec foi.

Yahvé, qui est le plus grand, le plus transcendant, le plus inaccessible, le plus lointain des
dieux que vénèrent les hommes en est aussi le plus proche, le plus humain, celui qui s'est le

70
plus intimement lié à eux en concluant avec eux une alliance. Inaccessible en ce sens
qu'aucun homme ne peut aller à sa recherche et le trouver, il est celui qui est allé au-devant
des hommes. Insaisissable, il est celui qui se donne. S'il est le Dieu qu'on ne peut tenir, il est
celui qui s'allie. Caché et secret par excellence, il est le Dieu qui parle et qui dit tout sur
lui-même. Ou presque... Auteur de grands miracles (V.15), il en fera de nouveaux, si bien
que les nations seront "abasourdies", bouche-bée, rendues muettes. De leurs bouches
regorgeant de blasphèmes et de moqueries, il ne sortira plus aucun son. Craintives comme
les serpents et autres reptiles (V.17), elles lécheront la poussière devant Yahvé et se
présenteront devant lui, le coeur rempli de crainte et d'adoration.

Quel est le Dieu semblable à toi?

Les trois derniers versets sont le sommet non seulement d'un chapitre, mais de tout un
livre. Ils sont un magnifique psaume louant et célébrant Yahvé. Aucun Dieu n'est semblable
à lui, et le livre de Michée en est l'éloquente illustration. La coda de cette symphonie divine
est faite de tonalités majeures. C'est un hymne à l'insondable miséricorde du Seigneur.

Dieu pardonne fautes et péchés. Il les pardonne entièrement, totalement, pour ne plus
jamais s'en souvenir. Il les "piétine" et les jette "au fond de la mer", dit le prophète. C'est en
cela qu'il est différent de tous les autres dieux. Mais il ne pardonne pas à n'importe qui. Son
pardon est pour le reste de son peuple qui lui appartient (V.18). "... afin que quiconque croit
en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle" (Jean 3:16). "Celui qui croira et qui
sera baptisé sera sauvé, mais celui qui ne croira pas sera condamné" (Marc 16:16). Son
pardon est riche, total et gratuit, mais il est là pour ceux qui le saisissent par la foi, et rien
que pour eux.

Ainsi, le livre bouillant, terrifiant et explosif de Michée s'achève sur une grandiose cadence,
une confession admirable, l'affirmation du pardon, opus proprium de Dieu, ce qu'il aime
faire par-dessus tout, la raison d'être de tous ses plans, de ses révélations et de son alliance.
Il sait aussi se mettre en colère, et Michée ne laisse planer aucun doute à ce sujet. Mais il le

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fait à contre-coeur et aimerait n'avoir pas à le faire. Si cela ne dépendait que de lui, il ne
ferait que pardonner.
Peuple de Jacob..., enfants d'Abraham:

Abraham et Jacob sont morts depuis longtemps, mais l'un a des enfants et l'autre a un
peuple. Les futurs "tu témoigneras de la fidélité..., tu manifesteras ta grâce", alors que les
patriarches sont morts depuis longtemps, affirment la certitude des promesses que Dieu
leur avait faites. Quand Dieu fait grâce à ses enfants, il ne fait que se souvenir de l'alliance
conclue avec Abraham, Isaac et Jacob, une "alliance éternelle" (Psaume 105:8.9) que même
l'infidélité des hommes ne peut pas anéantir.

Fidélité..., grâce:

Faut-il rappeler qu'il s'agit là de deux mots d'une importance capitale et qui jouent dans la
Bible un rôle décisif? C'est dans la fidélité à son alliance que Dieu a envoyé le Sauveur
promis, la postérité d'Abraham en qui devaient être bénies toutes les nations de la terre, le
Serviteur de l'Eternel qui a été frappé pour les péchés de son peuple (Esaïe 53). Et c'est en
lui que Dieu offre sa grâce à ceux qui la lui demandent d'un coeur humble et croyant. La
grâce est venue en lui (Jean 1:14.17). C'est de sa plénitude qu'on reçoit "grâce pour grâce"
(Jean 1:16). Jésus-Christ est ainsi l'accomplissement ultime de ce texte merveilleux. C'est en
lui que culminent toutes les promesses de Dieu. Il est l'Amen divin à tout ce qui a été
annoncé et promis par la bouche des prophètes (2 Corinthiens 1:20). Dieu n'est pas un
homme pour mentir. Il ne se renie jamais. C'est la grande chance de son peuple, de son
Eglise.

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Questions de révision et exercices:
1) Comparez cette nouvelle dénonciation de l'injustice sociale (V.1-6) aux précédentes et
dites ce qu'il peut y avoir de nouveau dans ce texte.

2) Expliquez pourquoi le prophète insiste tant sur ce sujet et essayez de savoir si d'autres
prophètes ont fait de même.

3) Michée a dénoncé le mal qui régnait dans la société de son époque qui était le peuple de
l'alliance. Les pasteurs, docteurs et missionnaires sont appelés à oeuvrer dans l'Eglise et à
prêcher la repentance et la foi en vue du salut. Pensez-vous qu'ils soient appelés aussi à
dénoncer les vices dont souffre une société et l'injustice qui règne dans le monde?

4) Michée exprime sa solitude au milieu de son peuple (V.1.2). Décrivez ce sentiment et


indiquez-en l'origine. Expliquez aussi s'il est propre aux prophètes ou s'il est un peu le lot
de tous les chrétiens. Si oui, à quelle condition?

5) Quelle est l'espérance qui s'exprime dans les V.10-13? Sur quoi se fonde-t-elle?

6) Expliquez quel a été le raisonnement des nations païennes de l'époque, quand elles
assistèrent à la destruction de Jérusalem et à la déportation de ses habitants, et dites en
quoi il était entièrement faux.

7) Dites quand et comment s'est accomplie la prophétie des V.14-17.

8) Qu'est-ce qui fait dire au prophète que le Dieu d'Israël est tout à fait différent des dieux
des païens (V.18-20)? Qu'est-ce qui fait, selon ce texte, qu'il est vrai Dieu et non pas un dieu
à l'image de l'homme?

9) Construisez sur les V.18-20 un petit plan de sermon en deux points: Que savons-nous 1)
de la grâce, 2) de la fidélité de Dieu?
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Table des matières

Introduction
Jugement de Samarie (1:2-7)
Jugement de Juda (1:8-16)
Dénonciation de l'injustice sociale (2:1-13)
Contre les chefs du peuple, jugement de Jérusalem (3:1-12)
Le glorieux avenir de Sion (4:1-5:14)
Dénonciation et châtiment de l'injustice sociale, de la tricherie et de la fraude (6:1-16)
Péché, châtiment et pardon (7:1-20)

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