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Enquête sur l’obéissance

ANTWERPEN X P2A9113 • HEBDOMADAIRE • N° 84 • 22 AU 28 OCTOBRE 2002 • 2 €

« Sommes-nous tous
des moutons? »

DOCUMENTS EXCLUSIFS
AFFAIRE REGINA LOUF

Vous avez
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manipulés!
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Après la polémique sur l’intégration


LE MR DANS LE BLEU
DES YEUX
D O S S I E R

● Affaire Regina Louf


Un rapport confidentiel de la gendarmerie - dont aucun extrait n’avait été porté à la
connaissance du public à ce jour - démontre que les fameuses «relectures» qui ont
«cassé» l’enquête sur le témoignage de Regina Louf étaient totalement erronées. Par
ailleurs, une récente décision de justice établit que les propos définitifs qui ont été
tenus sur la non-validité du témoignage de «X1» relatif à l’affaire de la
«Champignonnière» étaient tout à fait exagérés. Détails et explication d’une
manipulation de l’opinion publique. Autopsie de dysfonctionnements qui, de facto, ont
étouffé l’enquête sur le dossier le plus controversé de l’histoire judiciaire belge.
MICHEL BOUFFIOUX, OLIVIER MUKUNA,
ERIK RYDBERG

Vous avez
été
manipulés !
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1 er temps de la manipulation: les attaques directes sur la personne


Regina Louf :«Elle est folle. Tout ce qu’elle raconte est faux.» Indigne,
vulgaire vis-à-vis d’une personne dont il est certain qu’elle a été victi-
me d’abus sexuels massifs. Caricatural surtout: comme le démontre à pré-
sent un jugement d’un tribunal bruxellois relatif à l’affaire de la
«Champignonnière».

E n septembre 1996, suite


à l’appel à témoins lancé
par le juge Connerotte
de Neufchâteau, qui dirigeait
encore l’instruction du dossier
nombreux membres éminents
du corps judiciaire et de l’ap-
pareil policier (le procureur du
Roi de Neufchâteau, Michel
Bourlet, les magistrats natio-
«Champignonnière»,relative au
meurtre d’une jeune fille,
Christine Van Hees, dont on
retrouva le corps calciné le 13
février 1984 à Auderghem.Une
Le 4 décembre 1996, les en-
quêteurs de Neufchâteau rece-
vaient copie du dossier de la
«Champignonnière» duquel il
se dégageait de nombreuses
Dutroux, Regina Louf prenait naux de l’époque, MM.Vando- audition spéciale eut lieu sur concordances avec le récit fait
contact avec les autorités judi- ren et Duynslaeger, des offi- cet aspect du témoignage de par «X1». Membre à l’époque
ciaires chestrolaises. Mise aus- ciers de gendarmerie, des «X1», le 13 novembre 1996.Y de la cellule d’enquête, un ex-
sitôt en contact avec l’adjudant membres de l’ex-police judi- assistaient notamment, outre gendarme se souvient: «la des-
Patrick De Baets (3e section de ciaire de Bruxelles, d’An- plusieurs officiers de gendar- cription de l’intérieur du bâ-
recherche criminelle de l’ex- vers…).Le témoin reçut égale- merie, MM. Bourlet, Duynslae- timent où a eu lieu le meurtre
gendarmerie), la jeune femme ment un nom de code – «X1» - ger et Vandoren. Ce dernier, de Christine Van Hees était
(27 ans à l’époque) témoignait afin de protéger son anonymat connaissant particulièrement conforme. Le propriétaire des
alors d’innombrables abus dans le cadre du dossier bien l’affaire Van Hees pour en lieux - étant donné que l’im-
sexuels, viols et tortures dont «109/96» de Neufchâteau. Son avoir été titulaire au Parquet meuble n’existait plus en
elle disait avoir été victime. En récit relançait plusieurs dos- quelques années plus tôt, es- 1996 - nous a d’ailleurs indi-
outre,elle dénonçait plusieurs siers judiciaires non élucidés tima que les éléments avancés qué que seule une personne
personnes agissant dans le ca- (lire les encadrés intitulés: «Il par «X1» étaient suffisamment qui s’était rendue sur place
dre d’une organisation crimi- est probable qu’elle se soit interpellants pour rouvrir le pouvait donner une descrip-
nelle impliquant notamment retrouvée enceinte» et «Pour dossier de la «Champignonni- tion aussi précise.En outre, la
Marc Dutroux et Michel Ni- trouver, il suffit de chercher») ère». description générale des cir-
houl. A cet égard, Mme Louf Fin octobre 1996,Mme Louf constances de la mort de Van
fera l’objet de 17 auditions fil- évoquait notamment, et pour Détails inédits Hees, notamment la manière
mées auxquelles assisteront de la première fois, l’affaire de la dont le corps de la victime
avait été attaché avant d’être
brûlé, correspondait à ce qui
trouvait dans le dossier judi-
« Il est probable qu’elle se soit ciaire initial transmis par le
retrouvée enceinte » Parquet de Bruxelles. Et tous
ces détails-là, à ma connais-
sance, n’avaient jamais été
Le témoignage de «X1» n’avait pas van der Smissen. On signalera à cet égard publiés dans la presse !». Un
conduit la justice seulement vers un ré- - et cela est évoqué pour la première fois autre ex-membre de la cellule
examen du dossier de la «Champignon- dans la presse francophone - la conclusion d’enquête ajoutant: «De toute
nière». Regina Louf a aussi évoqué la mort de l’un des rapports de «relecture», daté manière, nous avons cons-
de Katrien De Cuyper à Anvers, le 17 dé- du 2 juin 1998, dont on sait qu’ils visaient taté que, si on faisait l’exer-
cembre 1991 et celle de Carine Dellaert, à détruire le témoignage de Regina Louf. cice intellectuel de ne pas
disparue à Gand en 1982. Pour Regina Les gendarmes y font une concession à prendre en compte le témoi-
Louf, il s’agirait là de victimes du réseau Regina Louf en ces termes: «Des éléments gnage de Regina Louf, une
dont elle a eu elle-même à souffrir. Les matériels et concrets obtenus des audi- lecture attentive du dossier
Parquets d’Anvers et de Gand, en juin tions nous font penser que Louf Regina a initial transmis par Bruxel-
1998, ont annoncé qu’ils ne suivraient pas pu être abusée depuis ses 12 ans par V. les pouvait nous conduire
ces pistes plus avant. Gand a cependant Antoine et qu’il est probable qu’elle se dans la direction qu’elle
classé le dossier, dans lequel il était ques- soit retrouvée enceinte entre mars et juin nous indiquait».
tion de Tony V., - décrit par X1 comme une 1984. Ces éléments nous laissent égale- Fin janvier 1997, le juge
sorte de maquereau qui l’emmenait dans ment penser qu’elle aurait perdu l’enfant d’instruction bruxellois Jean-
différentes orgies - le jour où celui-ci ad- après avoir été violentée. L’enquête me- Claude Van Espen était à nou-
mit qu’il avait eu des relations sexuelles née par le parquet de Gand semble confir- veau saisi du dossier Van Hees,
avec Regina Louf, alors qu’elle avait 12 mer les dires de Regina Louf sur ce point alors qu’il avait déjà conduit
ans et qu’il en avait 39. Pour le Parquet de (cfr procès-verbal n°104898/98 en date du la première instruction
Gand, les faits étaient prescrits. Ce qui est 23.04.1998 émanant de la BSR de Gand)». quelques années auparavant.
extrêmement discutable et qu’il était, en Selon Regina Louf, «Tony s’est acheté ré- Quatre mois plus tard,il parti-
toute hypothèse, prématuré de décider, cemment un mobilhome… Je ne pense cipera de près à la crise qui
selon l’avocate de Regina Louf, Patricia pas que ce soit pour les vacances… ». s’installera dans la cellule dos-

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siers «X» en mettant en cause la s’étaient peut-être laissé abuser comprends pas pourquoi on bras et décidera de prendre la
«loyauté» de Patrick De Baets par une «demi cinglée».Ou en- a stoppé l’enquête (…). Les plume pour raconter son his-
et de ses subordonnés dans core, de ces propos de Me Mi- cinq gendarmes qui ont été toire, son témoignage, sa ver-
leur enquête induite par les au- chèle Hirsch, avocate au Bar- écartés n’avaient rien à se re- sion des faits. C’est ainsi que,
ditions de «X1». Cette polé- reau de Bruxelles: «Tout ce procher. Ils nous ont interro- fin 1998,paraissait son livre Si-
mique déboucha sur les fa- lence ! 0n tue des enfants !
meuses «relectures» (avril-juin (Edition Mols). Cela lui vaudra
97) et,in fine, sur l’écartement
de Patrick De Baets et de trois
« Comme une sorcière du une nouvelle attaque,judiciaire
cette fois, de Me Hirsch. L’avo-
de ses collègues (août 97).(Lire
pp.12-14)
temps jadis, Regina Louf cate bruxelloise demandant au
tribunal de première instance
A partir de ce moment, l’en-
quête fut mise en veilleuse tan-
était désormais mise sur de Bruxelles (chambre civile)
de la condamner à des dom-
dis qu’un climat délétère s’ins-
tallait dans la presse, visant à le bûcher » mages et intérêts pour «préju-
dice moral» envers la famille
dénigrer les enquêteurs - dont Van Hees. En outre, elle de-
M. De Baets - qui jugeaient né- qu’elle raconte est faux. Il s’a- gés comme nous ne l’avions mandait que soit inséré dans
cessaire d’investiguer en pro- git de mensonges éhontés, de jamais été auparavant. Nous les ouvrages parus et non en-
fondeur sur les témoignages bobards, de délires, de diva- avons beaucoup appris.» core vendus un encart spéci-
des «folles de Neufchâteau». gations pornographiques». Phase 2:Le 10 février 1998,a fiant: «Les passages relatifs à
Cette dérive des médias Depuis le 22 décembre lieu la conférence de presse Chrissie portent atteinte à la
connaissant son apogée début 1997,Me Hirsch était devenue commune des parents Van vie privée de Madame et Mon-
1998 après le dessaisissement - à l’initiative de Marc Reisinger Hees et de Me Hirsh dont on sieur Van Hees et à la mé-
du juge Van Espen qui ne s’était - le conseil de la famille Van peut lire le compte-rendu sui- moire de leur fille Christine
«pas rendu compte» qu’il avait Hees. Et, en un peu plus d’un vant dans Le Soir: «Outre cette Van Hees.L’enquête judiciaire
été l’avocat et le collaborateur mois, son opinion était coulée conviction maternelle (que le a établi qu’aucune crédibilité
d’une des personnes mises en dans le bronze, allant dans le témoignage de Regina Louf ne ne devait être accordée aux
cause par le témoignage de récits et propos de Regina
«X1» dans le dossier de la Louf, en tout cas pas en ce qui
«Champignonnière» - et l’appa- concerne Christine Van Hees
rition publique de Regina qui n’est pas décédée dans les
Louf. circonstances décrites par Re-
Tandis que le juge Damien gina Louf».
Vandermeerch reprenait l’ins-
truction de la «Champignonni- «Aucune conclusion
ère» et qu’une conférence de définitive»
presse conjointe de plusieurs
magistrats concernés par les Une appréciation tranchée,
dossiers relancés par le témoi- dure. Ne laissant place à aucun
gnage de Regina Louf indiquait sens de la campagne média- tient pas la route, ndlr), il y débat.Mais cette fois,Me Hirsch
que «la justice n’est en mesure tique en cours. Le 10 février aussi les preuves.Celles qu’ap- espérait la confirmation de
ni d’accréditer ni d’infirmer 1998 - déjà - elle avait porte Me Hirsch, leur avocat, cette condamnation morale de
définitivement les dires de convaincu les parents Van qui a lu le dossier.Tout le dos- Regina Louf, non plus par la
X1» (30 janvier 1998), une Hees de revenir sur leur posi- sier, précise-t-elle.(…) Il est évi- presse,mais par un tribunal.Ce-
campagne médiatique peu glo- tion initiale qui était de donner dent que Me Michèle Hirsch lui-ci, et le JDM l’annonce en
rieuse s’était en effet dévelop- crédit à la nouvelle enquête de ne peut s’être prononcée, en primeur,a rendu son jugement
pée.Comme une sorcière du Neufchâteau. Sur cette évolu- conférence de presse et avec le 30 septembre dernier, dans
temps jadis, Regina Louf était tion significative du discours une telle force, que si elle a vu un silence assourdissant. Où
désormais mise sur le bûcher de la famille Van Hees, induite les preuves de la fausseté du étaient les chroniqueurs judi-
au travers d’articles de presse par l’apparition de Me Hirsch témoignage de X1.(…)» ciaires pour nous annoncer
et de sujets télé d’une violence dans le dossier, on citera deux Un telle radicalité dans la que, comme l’écrit la 14ème
inouïe. extraits de presse significatifs. condamnation du témoin don- chambre civile «contrairement
Phase 1: Le 8 janvier 1998, nera alors le signal du déchaî- à ce que les demandeurs (ndlr:
«Demi-cinglée» alors que l’affaire de la nement médiatique final, sou- Me Hirsch pour la famille Van
«Champignonnière» avait été vent à outrance comme le Hees) soutiennent, aucune
On rappellera, par exemple, remise à l’ordre du jour dans la dénonce l’avocate de Regina conclusion définitive ne peut-
les propos du député d’An- presse en rapport avec le té- Louf,Me Patricia van der Smis- être tirée de l’enquête concer-
denne et chef de groupe PS à la moignage de Regina Louf, le sen: «Certains ont cru alors nant le décès de leur fille Chris-
Chambre, Claude papa de Christine Van Hees dé- qu’il était permis dès lors de tine et il n’est pas formellement
Eerdekens qui suggérait que clarait à nos confrères de la lyncher ma cliente, au moyen, démontré que l’intégralité du
Regina Louf pourrait avoir «un Dernière Heure qui posaient si nécessaire, d’informations témoignage de la première dé-
chromosome en plus et une la question « Etes-vous heu- mensongères, de faux gros- fenderesse (Regina Louf, ndlr)
case en moins» et qui laissait reux de la publication de ces siers, voire d’insultes pu- soit faux».
entendre sur un plateau de informations ? » : «Dans un bliques». Certes, Mme Louf est
télévision (Controverse- certain sens, oui. Car je les ai Malgré cette déferlante, Re- condamnée par ailleurs pour
RTL/TVi) que les enquêteurs en partie provoquées. Je ne gina Louf ne baissera pas les «atteinte posthume à la vie pri-

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vée de Christine Van Hees et at- gement sur ce point». où je me trompe dans mon té- ment les gens, ce qui amène
teinte à la vie privée et à l’hon- Mais on l’aura compris, l’im- moignage.Mais je n’ai pas eu automatiquement un réflexe
neur de ses parents» dans la me- portance de ce jugement n’est droit à cela.» de déni.Notre position est qu’il
sure où «l’ouvrage contient des pas vraiment là. Ce dispositif faut vérifier ses déclarations
éléments qui n’avaient pas été modéré interpelle en effet sur «Abus sexuel afin de séparer la réalité de la
divulgués par la presse (des al- le caractère excessif, voire massif» fiction. Si elles sont vérifiées,
lusions à la vie amoureuse de cruel, des propos qui ont été cela représente un pas en
Christine Van Hees avant sa relayés dans cette affaire sur le En janvier 1998,interrogé par avant pour l’enquête. Si elles
mort, à ses sentiments, à ses re- témoignage de «X1». Non pas notre confrère Douglas De Co- ne sont pas vérifiées, alors il
lations avec ses parents) et se qu’il fut hors de propos de s’in- ninck du Morgen,le professeur n’est toujours pas possible
livre à un commentaire de la terroger, de débattre, voire de Igodt (KUL) traçait pourtant d’affirmer que tout ce que dé-
réaction des parents suite au contester un témoignage une ligne déontologique que clare cette femme est faux.
témoignage de Madame Louf». comme celui de Mme Louf. Li- personne n’aurait dû franchir à Dans notre rapport, nous dis-
Une condamnation à 1000 eu- bre à chacun de développer ar- propos de cette affaire. Après ons que X1 ne peut être consi-
ros , que ne conteste d’ailleurs guments et opinions à cet avoir examiné Regina Louf - à la dérée comme une preuve dans
pas l’ex-témoin «X1»,via le com- égard.La principale intéressée, demande de la justice et avec une enquête.Si d’aucuns inter-
mentaire de son conseil,Me van Regina Louf, ne déclare quatre autres experts -,il décla- prètent ceci comme une indi-
der Smissen:«Il est vrai que des d’ailleurs pas autre chose : rait : «Regina Louf a été trau- cation qui permettrait de dire
allusions à la vie privée sont lé- «Seule une enquête approfon- matisée par un abus sexuel que X1 ne doit pas être prise
galement condamnables.Nous die et non manipulée aurait massif dans son passé. Ses dé- au sérieux, il s’agirait d’une
acceptons le bien-fondé du ju- pu établir ce qui est exact et là clarations choquent naturelle- grossière erreur».■

Pascale Justice, journaliste à France 3


«Un journaliste digne de ce nom doit s’interroger»
Deux ans. Ce fut le temps nécessaire terme et pas chez les autres. Les «Je n’exclus pas cette hypothèse, mais
pour boucler un reportage franco- détracteurs de Regina Louf évoquent je ne peux pas la démontrer. Il se peut
suisse sur Regina Louf, signé Pascale sans cesse la ‘thèse du complot’. Mais, que ces journalistes soient de bonne
Justice, William Heinzer et Marie- tant dans les dossiers X que dans le foi. Lorsque je travaillais sur l’affaire
Jeanne Van Heeswyck (1). Avant ce témoignage de Regina, je n’ai trouvé du réseau parisien, j’ai également
projet, la journaliste française avait cette notion de complot. En revanche, connu des confrères qui entretenaient
enquêté sur un réseau pédophile j’avais le sentiment qu’on n’avait pas une telle résistance intellectuelle con-
sévissant en région parisienne (1998). voulu en savoir davantage» … tre ce type de réalité odieuse qu’ils
Créant l’effroi, le reportage avait fait Parallèlement, la couverture des évé- ont tenté de démontrer que c’était
grand bruit et provoqué la polémique nements par une «certaine presse» n’a impossible. Ça les choquait trop !
outre-Quiévrain. Pascale Justice pas manqué d’interpeller la journalis- Selon moi, il y a des arguments contre
enchaîne avec la lecture des Dossiers X te française. «Pendant une semaine, Regina Louf qui ne tiennent pas: ils ne
(2). La dernière page tournée, elle se nous avons regardé chronologique- peuvent tenir si ces journalistes ont
rend en Belgique pour rencontrer ment toutes les archives télévisuelles. fait correctement leur boulot. Je ne
Regina Louf et les auteurs du livre. J’ai été stupéfaite en visionnant une prétends pas que Regina a vécu tout
«J’y constate que rien n’est terminé et émission comme Au nom de la loi, tou- ce qu’elle a dit, mais j’ai la certitude
pourtant rien ne semble avancer au jours pleine d’assurance. Au début de qu’elle a vécu bon nombre de choses
niveau judiciaire», se souvient la jour- l’affaire Dutroux, ils dépeignent qu’elle a racontées. S’il me reste
naliste. L’objectif est clair: rendre la Nihoul comme un type extrêmement quelques incertitudes, c’est parce qu’il
parole à Regina dans une émission qui louche, partouzeur, etc. Ils se posent manque une démonstration, des preu-
lui sera consacrée. «Pour la France et encore des questions. Soudain, la ten- ves. Je ne peux que constater qu’on a
la Suisse, cette affaire est une décou- dance s’inverse complètement: Regina arrêté ces enquêtes au lieu de recher-
verte. Ce n’était pas le cas en est présentée sans nuance comme une cher ces preuves ! Quand plusieurs
Belgique, où nous savions que l’émis- mythomane. Ce qui m’a frappée, c’est policiers comme De Baets, Bille et
sion serait diffusée. On s’est dit qu’au le changement de ton. Mais aussi ce Hoskens vous disent que différents
moins les Belges allaient entendre générique avec cette musique: la mise témoins X ont donné des lieux iden-
Regina et l’entendre suffisamment en scène m’a paru hallucinante. tiques, ont accusé les mêmes person-
longtemps, avec en toile de fond les Enfin ! C’est vraiment tout le contraire nes, mais que ces dernières n’ont
éléments de crédibilité et les zones de ce que je me permettrais sur une même pas été interrogées puisque
d’incertitude que nous a révélés notre affaire de pédophilie en réseau». l’enquête a été arrêtée, un journaliste
enquête. Après, ils en concluront ce Pour autant, Pascale Justice ne lie digne de ce nom doit s’interroger !».
qu’ils voudront». Pascal Justice se pas cette façon de travailler, «pour le
documente, épluche la presse de l’é- moins déplacée», à une volonté pro- (1) «Passé sous Silence.Témoin X1 : Silence !
poque et aboutit à une conclusion: pagandiste visant à imposer une On tue des enfants», réalisé par Patrick
«Devant les deux thèses extrêmement thèse. Du moins, pas encore: Benquet. Diffusé récemment sur France 3 et sur
tranchées, je trouve finalement le «J’utiliserai l’adjectif ‘propagandiste’ la TSR (Télévision Suisse Romande).
(2) Les Dossiers X, par Douglas De Coninck,
doute chez ceux qui se demandent le jour ou je comprendrai ce qui s’est Anne-Marie Bulté et Marie-Jeanne Van
pourquoi l’enquête n’a pas été à son passé derrière», estime la journaliste. Heeswyck, éd. EPO, 2000.

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● Un rapport confidentiel édifiant

2 ème temps de la manipulation. L’enquête sur le témoignage de X1


s’écroule sous le fracas d’accusations infamantes: réponses suggérées à
Regina Louf, enquête manipulée. Une véritable campagne de presse est
menée contre les enquêteurs qui estimaient devoir approfondir les investiga-
tions sur ses dires. Confortable: tout ce qui est troublant dans le témoignage de
Regina Louf, tout ce qu’on ne peut expliquer, sans émettre l’hypothèse qu’elle
a bien vécu un certain nombre de faits ou de situations dont elle témoigne, est
évacué d’un revers de manche… Aujourd’hui, un rapport - inédit dans la
presse - de l’ex- gendarmerie démonte complètement le travail à charge qui
avait été réalisé par les «relecteurs» contre Patrick De Baets et son équipe.
Edifiant.

L e rapport qui a atterri à la


rédaction du Journal du
Mardi et dont des ex-
traits sont présentés ici pour la
première fois au public est ca-
soupçon d’avoir manipulé les
auditions. Ils feront ensuite
l’objet d’une procédure disci-
plinaire de la gendarmerie et
gendarmerie, Johan Teirlinck a ce jour du contenu de ce rap-
passé au peigne fin la «relec- port particulièrement édifiant.
ture» qui avait été faite du tra- L’examen - un pilonnage en
vail de Patrick De Baets et de règle, en réalité - que M.Teir-
linck fait de cette relecture,est
pital. Il est capital parce qu’il réalisé avec méthode,scientifi-
permet de comprendre, non quement, point par point, en
pas pourquoi (ce débat-là reste
ouvert),mais comment il a été « Les relecteurs ne feront distinguant l’analyse générale,
méthodologique,de la critique
mis fin abruptement à l’en- des points concrets que les «re-
quête de l’antenne de Neuf- que chercher la faute, de lecteurs» avancent comme élé-
château sur le témoignage de ments de «preuves» à leur dé-
Regina Louf,mais aussi des au-
tres «X» qui avaient pris le
manière parfaitement monstration.
La partie générale est peut-
risque de témoigner sur de po-
tentiels réseaux pédo-crimi-
incompétente » être la plus cruelle. Le rapport
Teirlinck constate que la relec-
nels. Un rapport capital aussi ture n’a pas de méthodologie.
parce qu’il démonte de ma- «Je n’ai trouvé nulle part dans
nière impitoyable l’artifice qui d’une instruction judiciaire,au son équipe. Il a remis ses le rapport de relecture de défi-
va entraîner ce coup d’arrêt. terme desquelles ils seront to- conclusions, plusieurs centai- nition des critères utilisés par
On l’a évoqué plus haut. En talement blanchis (janvier nes de pages,durant l’été 2000. les relecteurs pour déterminer
juillet 1997, les enquêteurs de 2000,au pénal et juin 2000,sur Et alors, que les «relectures» si une question (ndlr. posée
la BSR chargés d’interroger le plan disciplinaire). Cepen- avaient largement contribué à par De Baets à Regina Louf) est
«X1», Patrick De Baets en tête, dant,le mal était fait.On ne re- l’écartement des gendarmes suggestive ou dirigée.» Ainsi,«il
sont écartés de l’enquête, prend pas une enquête aussi qui travaillaient sur le dossier n’est pas impossible que
après que le juge Langlois eût bousillée, on n’essaiera même Regina Louf, alors également chaque relecteur avait sa dé-
demandé une relecture de leur pas. qu’il s’agissait là de l’argument finition, celle-ci ne permettant
travail. Relecture parce que Dans le cadre de la procé- médiatique principal contre pas nécessairement de formu-
pèse sur ces enquêteurs le dure disciplinaire,un major de eux… rien n’a encore filtré à ler une appréciation équili-

SILENCE ! ON TUE
LES RELECTEURS !
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brée.» Dit autrement, cela va quipe De Baets) ou de procé- cès-verbal de la réunion de co- du fil électrique. Mais le major
être du n’importe quoi. der à une simple vérification ordination du 25 avril 1997 et si- Teirlinck ne trouvera nulle trace
sur la base de la documenta- gnée du major Guissard (coor- dans les procès-verbaux d’audi-
Cherche finalités... tion existante» dans le dossier dinateur à Neufchâteau des tion de cette «corde de chan-
judiciaire. On peut ajouter, enquêteurs de la gendarmerie), vre» ! Pour la bonne raison,
Est constaté, s’agissant cette pour l’anecdote, que le magis- posent clairement le but de la constate-t-il,que «X1» n’a jamais
fois du but de la relecture, à trat national André Vandoren, relecture en ces termes:«Etablir utilisé ce terme. Et c’est cette

Photos: Reporters
Patrick De Baets et Aimé Bille, deux enquêteurs écartés... puis réhabilités. Pourquoi?

supposer qu’elle visait à «ob- cité dans le rapport, fera la la vérité SANS se laisser in- «hache» dont «X1» aurait parlé
jectiver les déclarations du té- même réflexion en constatant fluencer par la pression popu- et que M.De Baets aurait trans-
moin X1»,qu’il aurait fallu qu’il qu’aucun des problèmes trai- laire ou médiatique et SANS formée, afin que la déposition
remplisse une condition, à sa- tés dans le cadre de l’instruc- l’intention de rechercher les colle aux faits, en «couteau»,
voir « que le résultat de la re- tion judiciaire contre De Baets fautes éventuelles commises alors que le procès-verbal d’au-
lecture serve à un débat «n’a jamais été évoqué en jusqu’ici.» Or les «relecteurs» ne dition parle, d’une part, «d’une
contradictoire au sein de l’an- tant que tel lors des réunions feront que cela, chercher la sorte de hache» (X1) et,d’autre
tenne afin d’en vérifier les de coordination». faute, de manière parfaitement part, «d’une sorte de couteau»
constats, d’examiner dans Est constaté,aussi,que la pre- incompétente. (De Baets). Passer d’une sorte
quelle mesure ceux-ci consti- mière relecture n’a porté que Cela,c’est la deuxième partie de hache à une sorte de cou-
tuent des problèmes et ce afin sur trois auditions sur un total du rapportTeirlinck,qui passe à teau n’a rien d’étrange,fait obs-
d’y remédier à l’avenir.» C’est de dix-sept,toutes disponibles, la loupe seize cas où les «relec- erver M.Teirlinck lorsqu’on sait
raisonner de manière candide. et qu’elle a été effectuée par teurs» disent avoir détecté dans que «dans les auditions en
Candide mais éclairante. La re- des «relecteurs» francophones les auditions menées par le langue néerlandaise, il est
lecture aurait dû se faire dans alors que les auditions passées gendarme De Baets la preuve question de ‘hakmes’ (ndlr : lit-
un esprit constructif. Elle n’a au crible ont eu lieu en néer- d’un interrogatoire suggestif, téralement «hache-couteau»,un
servi qu’à démolir le travail ac- landais. On s’est appuyé sur voire fautif.Echantillon. mot qui rend le rapproche-
compli. des traductions, avec les aber- Il y a d’abord tous les exem- ment «hakmes - soort mes»
Au sujet du caractère unila- rations que cela entraînera... ples où les «relecteurs» s’emmê- (ndlr:hache - une sorte de cou-
téral et non contradictoire de lent lamentablement les pin- teau) plus facile à comprendre
la relecture, le major Teirlinck Instructions violées ceaux. Ils attribuent à «X1» des dans la version francophone».
souligne à quel point il a été propos sur une «corde de chan- No comment.
source d’erreurs qui auraient Est relevé, enfin, que les seu- vre» qui aurait servi à entraver le
facilement pu être évitées si on les instructions explicites sur la corps de Christine Van Hees Ya pas photo?
avait pris la peine «de poser manière de conduire cette re- dans la «Champignonnière»…
simplement des questions lecture, telles qu’exprimées C’est une erreur manifeste, la Ce sont ensuite les erreurs
aux enquêteurs (ndlr. de l’é- dans une note annexée au pro- victime ayant été attaché avec factuelles grossières. Ainsi, les

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«relecteurs» vont s’attacher à gnent-ils) sur une odeur dont policier devait oublier qu’il puisse objectiver que De Baets
démontrer que Patrick De «X1» est invitée à se rappeler. cherche un véhicule et vider n’aurait pas travaillé de ma-
Baets a caché au magistrat in- Or,écrivent-ils dans la relecture son esprit afin de le laisser ou- nière légale et réglementaire,
structeur Jean-Claude Van «le recours au sens olfactif du vert à tout, y compris la dispa- rien qui indique qu’il n’aurait
Espen le fait que, lors d’une témoin n’est pas innocent à rition éventuelle d’un porte- pas agi de manière honnête,
première tentative d’identifica- partir du moment où l’en- avions. L’ironie est facile mais, loyale,intègre et non partisane.
tion, «X1» a désigné une autre quêteur sait que la victime a d’évidence, on se trouve là de- Et il n’y a rien là-dedans - pour
photo que celle de la victime été retrouvée carbonisée». vant une énormité.M.Teirlinck, appeler un chat un chat - « qui
du crime de la «Champignon- Leur conclusion ? De Baets a naturellement, raisonne plus tend à indiquer qu’il y a eu,
nière». Non seulement le ré- provoqué la réponse dont il sobrement.Il écrit «La plupart dans le chef de l’adjudant De
dacteur du procès-verbal (qui avait besoin. des enquêteurs formulent Baets, manipulation de l’en-
n’était pas De Baets) a-t-il dû- quête ».
ment signalé la chose, ce que Clair, net et définitif? A vrai
les «relecteurs» auraient dû ne dire, non. Car ce qui est clair,
pas ignorer, mais ils se sont net et définitif, c’est que cette
trompés de magistrat instruc- relecture a écarté l’équipe De
teur, qui n’était pas Van Espen Baets - pour de bon.Ce qui est
mais,à ce moment-là,Langlois. clair, net et définitif, c’est
Et là encore, ils s’acharnent à qu’une relecture, qui ne tient
démontrer que De Baets pas debout, a conduit à stop-
pousse «X1» à dire qu’elle était, per net l’enquête sur les té-
à l’époque du crime de la moins X,et à lancer,avec la bé-
«Champignonnière», plus âgée Curieuse manière de procé- leurs questions en fonction de nédiction du juge Langlois
qu’elle ne l’était en réalité.Pour der, souligne le rapport Teir- l’information dont ils dispo- cette fois, trois autres relectu-
se faire, note M.Teirlinck, «les linck. Il y a d’abord une sent.Il n’y a pas de mal à cela, res, qui s’appuient sur la pre-
relecteurs ont manifestement énorme erreur de fond: c’est que du contraire. Le fait de mière et qui sont de la même
interverti deux périodes» de la en effet X1 elle-même qui, au s’informer à propos d’une eau.Et ce qui est clair,net et dé-
vie de Regina Louf. cours de cette audition, va odeur est un acte qui, finitif, c’est que l’avalanche
Le meilleur exemple de la spontanément déclarer qu’«ils d’ailleurs, ne donne au té- d’articles de presse attaquant
manière de travailler des «re- la brûlent» ! moin aucune information le travail de l’équipe De Baets
lecteurs» est néanmoins celui En outre, le major Teirlinck sur la manière spécifique d’a- tirait sa substance de la prose
où ils cherchent à prouver que fait aussi la leçon aux «relec- gir des auteurs: en brûlant la de ces «relecteurs»,et que cette
les enquêteurs de l’équipe De teurs» sur leur vision erronée victime.» C’est clair,net et sans presse-là s’est montrée plus
Baets ont suggéré des répon- de la méthodologie. Ceux-ci appel. empressée d’en recevoir copie
ses à Regina Louf. Qu’ils ont, ont tort de poser comme pos- que de chercher par elle-même
pas à pas,amené X1 à dire que tulat qu’un enquêteur ne Clair, net et ce qui pouvait la contredire.
la victime de la «Champignon- pourrait en aucun cas,lorsqu’il définitif ? On sait maintenant com-
nière» a finalement été immo- interroge quelqu’un, utiliser la ment, par quel biais, par quel
lée par le feu, alors que, selon connaissance qu’il a des faits A chacun des seize exem- artifice, l’enquête sur les té-
leur hypothèse,Regina Louf ne sur lesquels porte l’audition. ples passés en revue par l’offi- moins a été arrêtée.On ne sait
le savait pas. Ainsi les «relec- Comparaison n’est pas raison cier, l’édifice des «relecteurs» toujours pas pourquoi.Mais on
teurs» insistent sur le fait que mais c’est comme si, chargé s’écroule comme un château sait qu’on ne sait pas pourquoi.
l’audition s’attarde («quatre d’entendre un témoin dans le de cartes. «Il n’y a rien là-de- C’est un début.■
questions successives» souli- cadre d’un vol de voiture, le dans, conclut M.Teirlinck, qui

Honnêteté , loyauté et professionnalisme


Le 21 novembre 2000, l’adjudant Pa- prennent les propos suivants : ‘(…) la logie de travail dans l’enquête Neuf-
trick Debaets, qui avait conduit les in- conformité de l’attitude et de la mé- château étaient conformes à ces critè-
vestigations sur les déclarations de Re- thodologie de l’adjudant Debaets aux res; (...) Vu le manque d’éléments con-
gina Louf et s’était fait accuser de critères en vigueur a été vérifiée, à sa- crets et ou significatifs dans le dossier
«manipulation», recevait cette lettre du voir: le respect du cadre de référence qui indiqueraient des manquements
directeur du personnel de l’ex-gendar- légal et réglementaire, la conduite de éventuels dans l’enquête réalisée par
merie, le lieutenant-colonel Duchâte- l’enquête par les magistrats compé- l’antenne Neufchâteau de la BSR de
let: «Les décisions du major Teirlinck, tents, le professionnalisme, l’honnê- Bruxelles, plus particulièrement dans le
basées sur l’enquête préalable réalisée teté, la loyauté, l’intégrité, l’impartia- dossier 64/85 “La Champignonnière“
par le Cdt Liners, laquelle portait sur les lité, l’objectivité, le jugement sain, d’une part et ceux (les manquements
éléments qui vous étaient reprochés par l’ouverture d’esprit, la manipulation éventuels) qui ont trait au fonctionne-
votre hiérarchie et par la magistrature d’une enquête, la subjectivité des ques- ment des membres de la gendarmerie
au sujet de l’exécution de vos tâches tions pendant les auditions, la tech- au sein de l’Antenne d’autre part (…),
lors de votre affectation à la BSR de nique d’audition; (…) Sur base de ce je décide de classer sans suite pour l’ad-
Bruxelles, et plus particulièrement au contrôle, on peut déduire que l’attitude judant De Baets l’enquête administra-
sein de l’antenne Neufchâteau, com- de l’adjudant De Baets et sa méthodo- tive.’»

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3 ème temps de la manipulation. Il est (peut-être) à venir. Il se résumera


alors par un mot : silence ! Maintenant que les médias savent, que tout le
monde sait qu’il y a eu des bidouillages visant à enterrer bien vite le té-
moignage de Regina Louf, comment la presse réagira-t-elle ? Se contentera-t-
elle d’une politique de l’autruche, un peu gênée, sur cette question délicate.
C’est fort possible. D’ailleurs, c’est jouable n’est-ce pas ? L’opinion publique a
tellement bien enregistré le message : Regina Louf est folle. Ce qui évite de po-
ser tellement de questions …

D émonstration accom-
plie: l’équipe De Baets
n’a pas manipulé l’en-
quête en suggérant des répon-
ses à Regina Louf.Dès lors,plu-
ments qu’elle ne pouvait déte-
nir sans être proche de la
jeune fille. Elle a brossé avec
précision les principaux traits
de sa personnalité, conformé-
Nihoul. Elle a distingué cette
affaire du ‘milieu bruxellois’,
comme elle l’appelle, pour le-
quel elle a donné d’autres
lieux, d’autres noms. Concer-
images d’enfants contraints
d’avoir des rapports sexuels
avec des animaux… Aujour-
d’hui, Gérard C. a investi
beaucoup d’argent dans l’éco-
sieurs éléments de son ment à la description de l’en- nant Dellaert, elle cite le nom nomie classique:après des an-
témoignage ne s’expliquent tourage de la victime. Elle a d’une villa à proximité de nées de combat contre la ville
que si l’on accrédite l’hypo- aussi décrit les bijoux qu’elle Warschot où, selon elle, la d’Anvers, il est parvenu à ou-
thèse que X1 a bien vécu, au portait avant sa mort et qui jeune fille a été tuée.Après ‘en- vrir un Eros-center. Conclu-
moins en partie, les situations ont été retrouvés sur son ca- quête’, le parquet de Gand es- sion:en partant d’une villa de
qu’elle décrit. C’est notam- davre. Regina Louf explique time que cette maison est tout Warschot on arrive à cette
ment l’analyse de Douglas de que sa copine a trouvé la à fait ordinaire et qu’aucun personne… désormais respec-
Coninck, journaliste d’investi- mort après avoir subi un élément ne permet de suivre table. Tous ces éléments sont
gation au Morgen et co-auteur avortement archaïque et elle la version de Regina Louf. en fait des recherches mini-
de l’ouvrage Les Dossiers X. a décrit le ‘crayon lamine’, un Nous, nous avons découvert males que la justice n’a pas
«C’est le cas pour les meurtres instrument très particulier que cette villa abritait un bor- pris la peine d’effectuer. Sur
de Christine Van Hees et de utilisé dans les années 60 del pendant des années. Tout base d’éléments précis, le té-
Carine Dellaert»,estime notre pour provoquer des avorte- le monde l’a confirmé dans moignage de Regina Louf dé-
confrère. Méconnue du côté ments. Lors de l’autopsie de les alentours de Warschot. En signe des affaires de meurtres

POUR TROUVER,
IL SUFFIT DE
CHERCHER…
francophone, l’affaire Dellaert Carine Dellaert, cet ustensile grattant encore, on découvre non élucidés, qu’est-ce qu’on
est la plus parlante : «Carine a été retrouvé. Or, en 1996, que la société commerciale a fait pour essayer de trouver
Dallaert a disparu le 31 août personne n’a jamais évoqué qui gérait la villa était dirigée des réponses ? Rien !».
1982.Même si l’enquête judi- ces faits dans la presse ou pu- par Gérard C.Un nom qui ne
ciaire fournit peu d’éléments, bliquement.Difficile de penser dit rien à personne, sauf que
on sait que le père de Carine que Louf aie pu ‘deviner’ ce dans les années 80, cet hol- La semaine
était un obsédé sexuel notoire genre de détails». Pour le jour- landais était le numéro 2 prochaine.
qui fréquentait les milieux de naliste, les enquêteurs ont mondial du commerce de cas-
la prostitution. En outre, à manqué de discernement en settes vidéos pornogra- L’interview de Re-
l’âge de 11 ans, la jeune fille a voulant absolument «lier le té- phiques.A cette époque, il sen-
révélé à des camarades que moignage de Regina sur l’af- tait le soufre et frayait avec gina Louf : «Ils n’ont
son père la prostituait en la li- faire Dellaert au réseau Du- des milieux mafieux. Un de pas réussi à me
vrant à des orgies sexuelles or- troux-Nihoul». «Dans le ses partenaires a même été
ganisées»… Sur cette affaire, dossier Dellaert, elle n’évoque arrêté aux USA en possession détruire»
X1 a fourni «une série d’élé- à aucun moment Dutroux ou de cassettes contenant des

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