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Membres du jury :
Mme Catherine HEYMANN, Professeure des universités, Université Paris Nanterre La Défense
1
À Marie-Jeanne Tsinga, ma mère.
2
Remerciements :
Fruit de l’abnégation et de nombreux sacrifices, les lignes qui suivent ont été
possibles grâce à une série de rencontres, de collaborations et d’encouragements de
nombreuses personnes tout au long de mes recherches. Ainsi donc, l’honneur
m’échoit de remercier tout d’abord, Madame Isabelle Tauzin-Castellanos ma
directrice de thèse qui m’a fait confiance et a accepté de diriger mon travail. Durant
toutes ces années, elle m’a soutenu afin de développer de la meilleure façon mon
projet de recherche, grâce à sa bienveillance, ses encouragements, sa disponibilité, la
pertinence de ses suggestions et de ses questionnements.
Enfin, qu’il me soit permis d’exprimer ma gratitude à tous mes lecteurs pour
leur sens critique et la qualité de leurs suggestions. À mes amis, mes frères et sœurs
restés au Gabon, qui de près ou de loin m’ont soutenu dans mes efforts et contribué à
la réussite de ce travail. Qu’ils trouvent ici l’expression de ma plus profonde
reconnaissance pour leur soutien dans les moments difficiles en dépit de la distance.
À tous, Malumbi1.
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Sommaire
Introduction………………………………………………………………………………8
PREMIÈRE PARTIE : Organisation d’un espace d’échanges au Pérou jusqu’au
début du XIXesiècle………………………………………………………………………..18
4
3. 1. 3 Les mules : enjeux des guerres au XIXe siècle…………………………………66
4. 1. 2 Le dressage………………………………………………………………………145
5
4. 2. 1 Foires et ferias d’échanges et de ventes…………………………………………153
Chapitre 5 : Les métiers de transport sur la Côte et les villes péruviennes au XIXe
siècle………………………………………………………………………………………..176
6
6.3 La Marine commerciale et les entreprises de navigation maritime de la
République…………………………………………………………………………………242
Conclusion………………………………………………………………………………306
Bibliographie thématique…………………………………………………………..313
Index ………………………………………………………………………………………335
7
Introduction
8
« Le Pérou a été découvert il y a trois siècles et demi, il a été exploité, mais on est en
droit de se demander s’il a été compris2 ».Tels sont les propos de Charles Wiener, un des
nombreux voyageurs qui ont visité le Pérou pendant la deuxième moitié du XIX e
siècle. Dans cette affirmation nous pouvons entrevoir l’immensité et la diversité des
axes de recherche sur l’Amérique. C’est une invitation à l’exploration et à
l’exploitation des richesses culturelles inestimables, autres que celles qui représentent
une certaine valeur marchande. Cela peut aussi paraître comme une interpellation,
une forme de retour en arrière pour mieux appréhender l’avenir. De nombreux
travaux ont été et sont encore menés dans différents domaines notamment sur les
plans littéraire et socio-historique, mais ils sont loin d’être exhaustifs.
C’est dans cette optique que s’est inscrit le colloque international TEMA en
2010 à Bordeaux sous la direction de Madame le Professeur Isabelle Tauzin-
Castellanos. Ce projet intitulé « Les transports : un facteur de modernité en Amérique
1810-1814 », avait pour but de questionner le passé afin de comprendre les
différentes mutations sur la mobilité dans l’Amérique contemporaine. Nous
inscrivons notre thème de recherche : « Les moyens et les métiers des transports dans
le Pérou républicain : entre histoire technique et histoire sociale » dans ce cadre et
surtout dans l’optique de promouvoir des lectures novatrices sur le problème des
transports au Pérou. Nous entendons par locomotion, l’action se mouvoir, de se
déplacer d’un lieu à un autre. Quant aux moyens de transport ou de locomotion, c’est
l’ensemble des dispositifs ou le matériel permettant le déplacement des biens ou des
personnes. Pour nous, il s’agit de faire une analyse historiographique des techniques
et du matériel utilisés dans le transport, et surtout d’identifier les acteurs qui ont
favorisé l’existence de ces derniers dans le Pérou republicain.
Le choix porté sur cet aspect de l’histoire revêt un intérêt scientifique. Il s’agit
d’une occasion de nous appuyer sur des acquis socioculturels et de l’histoire
contemporaine, d’innover en travaillant sur des questions moins explorées ou tout
simplement ignorées. C’est aussi dans une logique de continuité que nous inscrivons
notre recherche, car notre intérêt sur le thème de la mobilité avait commencé avec un
2 Charles Wiener, Voyage au Pérou et en Bolivie : 1875-1877, Gingko, 2010 [1880], p. 411.
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travail de master sur la mobilité des populations noires du Pérou indépendant, dans
lequel nous relevions non seulement les différents itinéraires sociaux de ces
populations, mais également les moyens de locomotion qui étaient à leur portée et
disponibles à cette période.
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coloniale, le Pérou est une exception de par ses contrastes géographiques cumulant
déserts, montagnes et forêts. Il fallait la conjugaison de tous les efforts, intellectuel,
politique, économique, social et culturel pour sortir le pays de son enclavement
constaté par de nombreux historiens, penseurs et voyageurs de cette époque. Lima,
pour avoir été le centre économique et la capitale de la vice-royauté du Pérou ne
sortait pas du lot. En effet, pendant toute la période coloniale, la métropole espagnole
investissait considérablement dans les structures de production des matières
premières et celles destinées à l’exportation comme le grand port du Callao, qui, en
plus d’être la vitrine du Pérou vers l’extérieur, présentait des fortifications
construites pour parer non seulement, toutes les attaques extérieures contre la
chasse-gardée espagnole, mais aussi pour protéger tous les produits d’exportations
indispensables à la métropole3.
3
Amédée Frezier, Relation du voyage de la mer du Sud aux côtes du Chili, du Pérou et de Brésil, fait pendant
les années 1712, 1713 1714, Edition internet consultée le 14/12/ 2015, p. 195.
4 Jean Pierre, Tardieu, El Decreto de Huancayo: la abolición de esclavitud en Perú: 3 de diciembre de 1854,
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le monopole absolu, se développaient les débuts d’une grande crise politico-sociale
contre le Chili pour le marché des nitrates. Un conflit qui se concrétisa avec la Guerre
du Pacifique (1879-1883, qui appauvrît le Pérou déjà ruiné par les politiques de
diversification de son économie qui passait par la construction d’infrastructures de
désenclavement du pays à l’exemple des chemins de fer. Les nouveaux mécanismes
économiques contrastaient diamétralement avec l’activité économique artisanale et
paysanne locale. En effet, la complexité de la topographie péruvienne avait permis
aux occupants successifs de cette région de développer des techniques variées de
déplacement. Les incas et leurs prédécesseurs avaient développé jusqu’au XVe siècle
une série de chemins interconnectés, un réseau longitudinal et transversal (Qhapaq
Ñan) qui permettaient d’administrer l’empire. Puis, les Espagnols, avec l’introduction
des bêtes de somme avaient exploité pleinement leurs conquêtes. Ensuite, les moyens
traditionnels de transport et ceux de la Révolution industrielle ont été concurrents.
Porter notre réflexion et notre analyse sur ce sujet des moyens et métiers de
transports dans le Pérou républicain, c’est non seulement, contribuer comme tout
chercheur à enrichir ce domaine avec de nouvelles approches, mais aussi
comprendre le problème de mobilité, les différents protagonistes et le
fonctionnement dans un pays naturellement inaccessible. La mobilité étant un
phénomène social propre à chaque région, comprendre les mécanismes liés au
transport mis en place par les autorités républicaines face à une nature complexe afin
de sortir le pays de son isolement, est l'objet de toute notre attention.
Pour analyser notre sujet, nous avons pu explorer un corpus de sources très
variées malgré une mobilité scientifique réduite et des informations nécessaires
recueillies au fil des lectures et du temps. En effet, l’accès aux sources primaires ne
nous a pas été facile malgré un voyage effectué au Pérou où nous avions pu consulter
diverses sources notamment les Archives Municipales de Lima, la Bibliothèque
Nationale du Pérou, celle de la Pontificia Universidad Católica del Perú et surtout
l’Institut Riva-Agüero. Travailler sur les questions de mobilité au Pérou revient à
interroger des bases de données des archives notariales, dans la mesure où les
transports au Pérou étaient majoritairement du domaine du privé. Certains acteurs
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des transports comme les muletiers et les cochers ont été moins documentés, malgré
des études comme celles de Carlos Contreras, Garcia Miranda, Arturo Moscoso
Serrano sur les muletiers, Lohmann Villena Guillermo et Manuel Atanasio Fuentes
sur les cochers.
De toutes ces sources consultées, nous avons retenu trois catégories. Les
archives jouent généralement un triple rôle dans l’étude et la compréhension d’une
entité morale ou physique. En effet, pour aller dans le même sens que Paule René
Bazin, les archives ont non seulement une valeur de preuve, dans ce sens que les
écrits étaient d’abord la preuve de ce qui s’est fait, le fondement de ce qui doit se
faire et la preuve de la situation réelle de ceux qui ont vécu. Elles permettent de
transmettre le passé, d’être une trace de la société de son temps en général et plus
particulièrement du Pérou. Enfin, elles permettent de mieux faire l’usage du passé
pour mieux répondre aux questions d’actualité tout en restant fidèle à une analyse
historique claire et plus objective5. Pour notre part, la consultation des archives
historiques et notariales de Lima qui nous ont valu un déplacement, ont été d’une
grande utilité. À cela s’ajoutent les chroniques, comme celles de Huáman Poma de
Ayala ou celles de Cieza de León comme sources sur les XVIe et XVIIe siècles, sans
oublier les nombreux historiens et penseurs ainsi que les articles de presse plus
récents qui brillent encore par la densité des œuvres produites sur la question.
Enfin, les récits des voyageurs sont aussi nombreux à cette période de
l’histoire comme l’affirme Estuardo Núñez :
5Paule René Bazin. «Rôle et limites des archives dans la construction de l’histoire.». Revue Quart
Monde, N°199 - "Forger la mémoire d'un avenir commun", 2006.
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exploración de su comarcas abandonadas y sobre su economía y organización
social» (Romero, 1984: 215).
6
Texte cité par le Professeur Javier Protzel, sociologue péruvien lors de la conférence sur Espacio-
tiempo y movilidad. Narrativas del viaje y de la lejanía du 9 mars 2015 à la MSHA.
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Tschudi, Amédée Frézier, Heinrich Witt, Flora Tristan, Paul Marcoy, Julien Mellet,
Max Radiguet, Charles Samuel Stewart, Eugène de Sartiges, Adolfo de Botmilliau,
Charles Wiener, Antonio Raimondi, etc., était nécessaire pour la construction de
notre analyse. Le fait de travailler à partir d’un corpus d’auteurs et de sources variées
a permis dès le début le recours à une méthode comparative et analytique associée à
une approche sociologique et historique des différents textes consultés.
Ce que nous voulons montrer en travaillant sur les moyens et les métiers de
transport dans le Pérou républicain, ce sont les mécanismes d’évolution de ces
transports, leur interaction avec non seulement les économies artisanales et
paysannes locales, mais aussi résultant des disparités géophysiques et sociétales de
cette période. Pour cela, il est important de s’interroger sur les différents moyens et
l’état des infrastructures avant la période républicaine, savoir quelle politique de
transport avait été mise en place par le système colonial pour contourner le défi
géomorphologique péruvien. Comment était organisée cette locomotion ? Comment
s’est faite la transition avec les nouveaux modes de transport de la République et
quels étaient-ils ? Quelle portée avaient-ils sur le plan national et régional ? Quel
regard avait la société péruvienne en général et les différents observateurs de la vie
sociopolitique et économique du Pérou sur ces transports ? Quels étaient les enjeux
de la construction et le choix des nouvelles infrastructures de transport? Quels
impacts ont-ils eu sur l’économie artisanale et paysanne?
C’est pour répondre à ces interrogations que nous avons organisé notre travail
autour de trois grands axes. Dans la première partie - « Organisation d’un espace
d’échanges au Pérou jusqu’au début du XIXe siècle »-, nous faisons un état des lieux
quant au réseau des voies de communication du Pérou colonial hérité du complexe
réseau inca. Il s’agit non seulement de déterminer les différentes articulations de ces
chemins, mais aussi de définir les différents centres de productions des biens. Le
chapitre 1 « Les voies de communication dans l’espace andin » rappelle l’immense
réseau inca, le Qhapac Ñan, et met en lumière les différents circuits commerciaux
établis par les Espagnols entre la côte du Pacifique et l’arrière-pays pendant l’époque
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coloniale. Dans le chapitre 2 « La viabilité du réseau de communication péruvien »,
l’accent est mis sur l’état de fonctionnement de ces chemins, les centre de production
vers lesquels étaient dirigés ces derniers et surtout les différents produits qui
circulaient.
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Quels types de voiture utilisaient-ils ? Avaient-ils une corporation propre ? Quelle
place occupaient-ils dans la société républicaine péruvienne ?
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Première partie :
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Chapitre 1 : Les voies de communication existantes dans l’espace
péruvien.
Dans ce chapitre, l’accent est mis sur les voies de communication existant au
Pérou et celles construites pendant la même période. Il s’agit ici de comprendre les
fondements de la construction du réseau routier péruvien et surtout de suivre son
évolution au XIXe siècle.
Pour une meilleure compréhension de notre étude sur les métiers du transport
au Pérou, il est indispensable de faire l’historique ou la description des différentes
voies de communication existantes. La route est facteur de mobilité aussi bien des
personnes que des biens. Ainsi, quels chemins existait-il au Pérou avant l’arrivée des
colons espagnols ?
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