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Discours du pape François pour l’ouverture (24 janvier)

Chers jeunes, Bonsoir !


Qu’il est bon de vous retrouver et de le faire sur cette terre qui nous reçoit avec tant de
couleur et tant de chaleur ! Les Journées Mondiales de la Jeunesse réunies à Panama sont,
une nouvelle fois, une fête de joie et d’espérance pour toute l’Église et un énorme
témoignage de foi pour le monde.
Je me souviens qu’à Cracovie certains m’avaient demandé si j’irais à Panama et je leur
avais répondu : “je ne sais pas, mais Pierre ira sûrement. Pierre ira sûrement”. Aujourd’hui,
je suis heureux de vous dire : Pierre est avec vous pour célébrer et renouveler la foi et
l’espérance. Pierre et l’Église marchent avec vous et nous voulons vous dire de ne pas avoir
peur, d’aller de l’avant avec cette énergie rénovatrice et ce souci constant qui nous aide et
nous fait bouger pour être plus joyeux, plus disponibles, plus “témoins de l’Évangile”.
Aller de l’avant non pas pour créer une église parallèle un peu plus “divertissante” ou
“cool” dans un événement pour les jeunes, avec tel ou tel élément décoratif, comme si cela
vous suffisait pour vous rendre heureux. Penser ainsi serait ne pas vous respecter et ne pas
respecter ce que l’Esprit nous dit à travers vous.
Au contraire ! Nous voulons trouver et réveiller avec vous la continuelle nouveauté et
jeunesse de l’Église, en nous ouvrant toujours à cette grâce de l’Esprit Saint qui tant de fois
accomplit une nouvelle Pentecôte (cf. Synode sur les Jeunes, Doc. Final, n. 60). Cela n’est
possible, comme nous venons de le vivre dans le Synode, que si nous osons marcher en
nous écoutant et écouter en nous complétant, si nous osons témoigner en annonçant le
Seigneur par le service de nos frères ; qui est toujours un service concret, non pas un
service de « figurines » : c’est un service concret. Si nous nous mettons en marche, jeunes –
toujours jeunes comme dans l’histoire de l’Amérique –, je pense à vous qui avez
commencé à marcher en premier pendant ces Journées, vous les jeunes de la jeunesse
indigène : Vous avez été les premiers en Amérique et les premiers à marcher durant cette
rencontre. Un grand applaudissement, fort ! Et aussi à vous, jeunes d’ascendance africaine :
vous avez eu également votre rencontre et vous nous avez devancés : Un autre
applaudissement !
Bien. Je sais que venir jusqu’ici n’a pas été facile. Je sais les efforts et les sacrifices que
vous avez faits pour pouvoir participer à ces Journées. Beaucoup de journées de travail et
d’engagement, des rencontres de réflexion et de prière ont fait que le chemin est – le même
chemin – la récompense. Le disciple n’est pas seulement celui qui arrive en un lieu mais
celui qui commence avec décision, celui qui n’a pas peur de risquer et de se mettre en
marche. Si quelqu’un se met en marche, il est déjà un disciple, si tu restes immobile, tu as
perdu. Commencer à marcher, c’est la plus grande joie du disciple : être en marche. Vous
n’avez pas eu peur de risquer et de marcher. Et aujourd’hui nous pouvons “faire la rumba”,
car cette rumba a commencé il y a longtemps dans chaque communauté.
Nous avons récemment entendu avec la présentation, avec les drapeaux, que venons de
cultures et de peuples différents, nous parlons des langues différentes, nous portons des
vêtements différents. Chacun de nos peuples a vécu des histoires et des événements
différents. Que de choses peuvent nous différencier ! Mais rien de tout cela n’a empêché de
pouvoir nous rencontrer, autant de différences n’ont pas empêché de pouvoir nous
rencontrer et d’être réunis, de faire la fête ensemble, de célébrer ensemble, de confesser
Jésus-Christ ensemble, aucune différence ne nous a arrêtés. Et cela est possible parce que
nous savons qu’il y a quelqu’un qui nous unit, qui nous rapproche. Chers amis, vous avez
fait beaucoup de sacrifices afin de pouvoir vous rencontrer et vous devenez ainsi de
véritables maîtres et artisans de la culture de la rencontre. Avec cela, vous devenez des
maîtres et des artisans de la culture de la rencontre, qui n’est pas de dire : » Salut, comment
vas-tu ? Salut, à bientôt ». Non la culture de la rencontre est celle qui nous fait marcher
ensemble dans nos différences mais avec amour, tous réunis sur le même chemin. Par vos
gestes et vos attitudes, par vos regards, par les désirs et surtout par la sensibilité que vous
avez, vous refusez et désavouez tous ces discours qui se focalisent et s’efforcent de semer
la division, ces discours qui s’emploient à exclure ou à rejeter ceux “qui ne sont pas comme
nous”. Comme on dit dans plusieurs pays d’Amérique : » Ils ne sont pas GCU, [des gens
comme l’un, des gens comme nous] « . Vous refusez cela, tous nous sommes des gens
comme les autres, tous avec nos différences.
Et cela parce que vous avez ce flair qui sait pressentir que « L’amour véritable n’efface
pas les différences légitimes, mais les harmonise en une unité supérieure » (Benoît
XVI, Homélie, 25 janvier 2006). Je le répète : « L’amour véritable n’annule pas les
différences légitimes, mais les harmonise en une unité supérieure ». Vous savez qui a dit
cela ? Vous le savez ? Le Pape Benoît XVI qui est en train de nous regarder et que nous
allons applaudir, à qui nous envoyons un salut depuis ici. Il est en train de nous regarder
grâce à la télévision, un salut, tous, tous avec les mains, au Pape Benoît. Au contraire, nous
savons que le père du mensonge, le diable, préfère toujours un peuple divisé et qui se
dispute, il est le maître de la division et il a peur d’un peuple qui apprend à travailler
ensemble. Et cela est un critère pour distinguer les personnes : les constructeurs de ponts et
les constructeurs de murs ; les constructeurs de murs qui, en semant la peur, cherchent à
diviser et à effrayer les personnes. Vous, vous voulez être des constructeurs de ponts ;
qu’est-ce que vous voulez être ? [Les jeunes répondent : « des constructeurs de ponts »].
Vous avez bien appris, ça me plaît.
Vous nous enseignez que se rencontrer ne signifie pas s’imiter, ni penser tous la même
chose ou vivre tous de la même manière faisant et répétant les mêmes choses, ça, ce sont
les perroquets qui le font. Se rencontrer, c’est être capable d’autre chose, c’est entrer dans
cette culture de la rencontre, c’est un appel et une invitation à oser garder vivant et
ensemble un rêve commun. Nous avons de nombreuses différences, nous parlons des
langues différentes, tous nous sommes différemment habillés, mais, s’il vous plaît, visons
un rêve commun, et cela nous pouvons le faire, cela ne nous supprime pas, cela nous
enrichit. Un grand rêve et un rêve capable d’abriter tout le monde. Ce rêve pour lequel
Jésus a donné sa vie sur la croix et que l’Esprit Saint a répandu et a marqué au feu, le jour
de la Pentecôte, dans le cœur de tout homme et de toute femme, dans le cœur de chacun de
nous, dans le tien, dans le tien, dans le mien, également dans le tien, il l’a gravé dans
l’attente de trouver de la place pour grandir et pour se développer. Un rêve, un rêve appelé
Jésus semé par le Père, Dieu comme Lui – comme le Père –, envoyé par le Père, dans la
confiance qu’il grandira et vivra en chaque cœur. Un rêve concret, qui est une personne,
qui circule dans nos veines, qui fait frissonner le cœur et le fait danser chaque fois que nous
l’écoutons : « Aimez-vous les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-
vous les uns les autres. A ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez
de l’amour les uns pour les autres » (Jn, 13, 34-35). Comment s’appelle notre rêve ? [Les
jeunes répondent : Jésus] Je n’ai pas entendu … [Ils répètent : Jésus] Je n’ai pas entendu…
[les jeunes répètent plus fort : Jésus].
Un saint de cette terre – écoutez ça – un saint de cette terre aimait dire : « Le
christianisme n’est pas un ensemble de vérités qu’il faut croire, de lois qu’il faut respecter,
ou d’interdictions. Le christianisme deviendrait ainsi repoussant. Le christianisme est une
Personne qui m’a beaucoup aimé, qui réclame et demande mon amour. Le christianisme
c’est le Christ » (cf. Saint Oscar Romero, Homélie, 6 novembre 1977). On le dit tous
ensemble ? [Les jeunes répètent : le christianisme c’est le Christ] Une autre fois [les jeunes
répètent : le christianisme c’est le Christ] C’est le Christ, c’est réaliser le rêve pour lequel il
a donné sa vie : aimer du même amour dont il nous a aimés. Il ne nous a pas aimés à
moitié, il ne nous a pas aimés un peu, il nous a aimés totalement, il nous a comblés
tendresse, d’amour, il a donné sa vie.
Nous nous demandons : Qu’est-ce qui nous maintient unis ? Pourquoi sommes-nous unis
? Qu’est-ce qui nous pousse à nous rencontrer ? Vous savez ce que c’est, ce qui nous
maintient unis ? C’est l’assurance de savoir que nous avons été aimés, que nous avons été
aimés d’un amour intime que nous ne pouvons pas ni ne voulons taire, un amour qui nous
met au défi de répondre de la même manière : avec amour. C’est l’amour du Christ qui
nous presse (cf. 2Co 5, 14).
Vous voyez que l’amour qui nous unit est un amour qui ne “contraint” pas, qui n’écrase
pas, c’est un amour qui ne marginalise pas, qui ne réduit pas au silence, un amour qui
n’humilie pas ni n’asservit. C’est l’amour du Seigneur, un amour de tous les jours, discret
et respectueux, amour de liberté et pour la liberté, amour qui guérit et qui relève. C’est
l’amour du Seigneur qui apprend plus à redresser qu’à faire chuter, à réconcilier qu’à
interdire, à donner de nouvelles chances qu’à condamner, à regarder l’avenir plus que le
passé. C’est l’amour silencieux de la main tendue dans le service et le don de soi, c’est
l’amour qui ne se vante pas, qui ne fait pas le paon, cet amour humble qui se donne aux
autres toujours avec la main tendue, c’est cela l’amour qui nous unit aujourd’hui.
Je te demande : Crois-tu en cet amour ? [Les jeunes répondent : oui] Je demande autre
chose : Crois-tu que cet amour en vaut la peine ? [Les jeunes répondent : oui] Une fois,
Jésus, à une personne qui avait posé une question, répond à la fin : Si tu crois, va, et fais de
même. Je vous dis au nom de Jésus : Allez, et faites de même. N’ayez pas peur d’aimer,
n’ayez pas peur de cet amour concret, de cet amour tendre, de cet amour qui est service, de
cet amour qui dépense la vie.
Et ce fut la même demande et la même invitation que reçut Marie. L’ange lui a demandé
si elle voulait porter ce rêve dans ses entrailles, si elle voulait le faire vie, le faire chair.
Marie avait l’âge de beaucoup d’entre vous, l’âge de beaucoup de filles comme vous. Et
Marie a dit : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole » (Lc 1,
38). Fermons les yeux et, tous, pensons à Marie. Elle n’était pas stupide, elle savait ce
qu’elle sentait dans son cœur, elle savait ce que c’est l’amour et elle a répondu : « Voici la
servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole. En ce court moment de silence,
Jésus dit à chacun de vous, à toi, à toi, à toi, à toi, tu oses ? tu veux ? Pense à Marie et
réponds : Je veux servir le Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole. Marie a osé dire
“oui”. Elle a osé donner vie au rêve de Dieu. Et : c’est cela qu’il nous demande aujourd’hui
: Veux-tu donner au rêve de Dieu chair avec tes mains, avec tes pieds, avec ton regard,
avec ton cœur ?
Veux-tu que l’amour du Père t’ouvre de nouveaux horizons et te conduise sur des
chemins jamais pensés, jamais imaginés, rêvés ni espérés, qui réjouissent et fassent chanter
et danser ton cœur ?
Est-ce que nous osons dire à l’ange, comme Marie : Voici les serviteurs du Seigneur,
qu’il en soit ainsi? Ne répondez pas maintenant, chacun répond dans son cœur. Il y a des
questions auxquelles on répond seulement en silence.
Chers jeunes : la chose la plus attendue avec espérance de ces Journées ne sera pas un
document final, une lettre convenue ou un programme à exécuter. Ce ne sera pas ça. La
chose la plus attendue de cette rencontre sera vos visages et une prière. C’est cela qui va
donner de l’espérance. Le visage avec lequel vous retournerez à la maison, le cœur
transformé avec lequel vous retournerez à la maison, la prière que vous avez apprise à dire
avec ce cœur transformé. La chose la plus attendue avec espérance de cette rencontre ce
seront vos visages, votre prière et chacun retournera chez lui avec la force nouvelle qui
apparaît chaque fois que nous nous rencontrons et rencontrons le Seigneur, remplis de
l’Esprit Saint pour rappeler et garder vivant ce rêve qui fait de nous des frères et que nous
sommes invités à ne pas laisser geler dans le cœur du monde : là où nous nous rencontrons,
faisant ce que nous sommes en train de faire, nous pouvons toujours lever les yeux et dire :
Seigneur, apprends-moi à aimer comme toi tu nous a aimés – répétez-le avec moi –
Seigneur apprend-moi à aimer comme toi tu nous a aimés. [Les jeunes répètent avec le
Pape] Une autre fois. [Seigneur apprend-moi à aimer comme toi tu nous as aimés] Plus fort,
vous êtes enroués. [Seigneur apprend-moi à aimer comme toi tu nous as aimés].
Bien. Et comme nous voulons être bons et bien élevés, nous ne pouvons pas terminer
cette rencontre sans remercier. Merci à tous ceux qui ont préparé avec beaucoup
d’enthousiasme ces Journées Mondiales de la Jeunesse, tout cela. Un grand merci. Merci
d’oser organiser et accueillir, de dire “oui” au rêve de Dieu de voir ses enfants réunis.
Merci Mgr Ulloa et à toute votre équipe pour aider à ce que le Panama soit aujourd’hui non
seulement un canal qui unit les mers, mais aussi un canal où le rêve de Dieu continue de
trouver des voies pour grandir, se multiplier et se répandre dans tous les recoins de la terre.
Chers amis, Que Jésus vos bénisse, je vous le souhaite de tout cœur. Que Santa Maria la
Antigua vous accompagne et vous garde, afin que nous soyons capables de dire sans
crainte, comme elle : « Je suis là. Qu’il en soit ainsi».
Merci.
Chemin de croix vendredi 25 janvier

Chers jeunes du monde !


Marcher avec Jésus sera toujours une grâce et un risque.
Une grâce parce que cela nous engage à vivre dans la foi et à le connaître, en entrant plus
profondément dans son cœur, en comprenant la force de ses paroles.
Un risque, parce qu’en Jésus, ses paroles, ses gestes, ses actions, sont en contradiction
avec l’esprit du monde, avec l’ambition humaine, avec les propositions d’une culture du
rejet et du manque d’amour.
Il y a une certitude qui emplit d’espérance ce chemin de croix : Jésus l’a parcouru avec
amour. Et il l’a également vécu avec la Vierge glorieuse, celle qui depuis le
commencement de l’Église a voulu soutenir avec sa tendresse le chemin de
l’évangélisation.

Prière du pape François


Seigneur, Père de miséricorde, sur cette Bande Côtière, aux côtés d’un grand nombre de
jeunes venus du monde entier, nous avons accompagné ton Fils sur le chemin de la croix ;
ce chemin qu’il a voulu parcourir pour nous, pour nous montrer combien tu nous aimes et à
quel point tu es engagé pour nos vies.
Le chemin de Jésus vers le Calvaire est un chemin de souffrance et de solitude qui se
poursuit de nos jours. Il marche et il souffre en tant de visages qui souffrent de
l’indifférence satisfaite et anesthésiante de notre société, une société qui consomme et se
consume, qui ignore et néglige la douleur de ses frères.
Nous aussi, tes amis Seigneur, nous nous laissons prendre par l’indifférence et
l’immobilisme. Les fois ne manquent pas où le conformisme nous a gagnés et nous a
paralysés. Il a été difficile de te reconnaître dans le frère souffrant : nous avons détourné le
regard, pour ne pas le voir ; nous avons trouvé refuge dans le bruit, pour ne pas l’entendre ;
nous avons fermé la bouche, pour ne pas crier.
Toujours la même tentation. Il est plus facile et plus « payant » d’être amis dans les
victoires et dans la gloire, dans le succès et sous les applaudissements ; il est plus facile
d’être proche de celui qui est considéré comme populaire et vainqueur.
Comme il est facile de tomber dans la culture du bullying, du harcèlement et de
l’intimidation, de l’acharnement sur celui qui est faible.
Pour toi ce n’est pas comme ça Seigneur, sur la croix tu t’identifies à toutes les
souffrances, à tous ceux qui se sentent oubliés.
Pour toi ce n’est pas ainsi Seigneur, tu as voulu embrasser tous ceux que nous
considérons souvent ne pas être dignes d’une embrassade, d’une caresse, d’une
bénédiction ; ou, plus grave encore, ceux dont nous ne réalisons pas qu’ils en ont besoin,
ceux que nous ignorons.
Pour toi ce n’est pas ainsi Seigneur, sur la croix tu rejoins le chemin de croix de chaque
jeune, de chaque situation pour la transformer en chemin de résurrection.
Père, aujourd’hui le chemin de croix de ton Fils se prolonge :
Il se prolonge dans le cri étouffé des enfants que l’on empêche de naître, de tant d’autres
qui se voient refuser le droit d’avoir une enfance, une famille, une éducation ; dans les
enfants qui ne peuvent pas jouer, chanter, rêver…
Il se prolonge dans les femmes maltraitées, exploitées et abandonnées, dépossédées et
niées dans leur dignité;
Et dans les yeux tristes des jeunes qui voient leurs espérances d’avenir confisquées par le
manque d’éducation et de travail digne ;
Il se prolonge dans la détresse des visages de jeunes, nos amis qui tombent dans les
réseaux de personnes sans scrupules – et parmi elles se trouvent également des personnes
qui disent te servir, Seigneur – réseaux d’exploitation, de criminalité et d’abus, qui se
nourrissent de leurs vies.
Le chemin de croix de ton Fils se prolonge dans de nombreux jeunes et de nombreuses
familles qui, engloutis par une spirale de mort à cause de la drogue, de l’alcool, de la
prostitution et du trafic, sont privés non seulement d’avenir mais aussi de présent. Et,
comme ont été partagés tes vêtements, Seigneur, leur dignité s’est retrouvée éparpillée et
maltraitée.
Le chemin de croix de ton Fils se prolonge dans les jeunes aux visages renfrognés qui
ont perdu la capacité de rêver, de créer et d’inventer les lendemains et qui « prennent leur
retraite » avec l’ennui de la résignation et le conformisme, une des drogues les plus
consommées de notre temps.
Il se prolonge dans la souffrance cachée et révoltante de ceux qui, au lieu de la solidarité
de la part d’une société d’abondance, trouvent le rejet, la douleur et la misère, et en plus
sont identifiés et traités comme les porteurs et les responsables de tout le mal social.
La passion de ton Fils se prolonge dans la solitude résignée des personnes âgées, que
nous laissons abandonnées et rejetées.
Il se prolonge dans les peuples autochtones, que l’on prive de leurs terres, de leurs
racines et de leur culture, en réduisant au silence et en éteignant toute la sagesse qu’ils ont
et qu’ils peuvent nous apporter.
Père, le chemin de croix de ton Fils se prolonge dans le cri de notre mère la terre, qui est
blessée dans ses entrailles par la pollution de son ciel, par la stérilité de ses champs, par la
saleté de ses eaux, et qui se voit bafouée par l’indifférence et la consommation effrénée qui
dépasse toute raison.
Il se prolonge dans une société qui a perdu la capacité de pleurer et de s’émouvoir face à
la souffrance.
Oui, Père, Jésus continue à marcher, portant tous ces visages et souffrant en eux, tandis
que le monde, indifférent, et dans un confortable cynisme, consomme le drame de sa propre
frivolité.
Et nous, Seigneur, que faisons-nous ?
Comment réagissons-nous devant Jésus qui souffre, qui marche, qui émigre sur le visage
de tant de nos amis, de tant d’étrangers que nous avons appris à rendre invisibles.
Et nous, Père de miséricorde,
Consolons-nous et accompagnons-nous le Seigneur, abandonné et souffrant, dans les
plus petits et les plus délaissés ?
L’aidons-nous à porter le poids de la croix, comme le Cyrénéen, en étant acteurs de paix,
créateurs d’alliances, ferments de fraternité ?
Avons-nous le courage de rester au pied de la croix comme Marie ?
Contemplons Marie, femme forte. D’elle nous voulons apprendre à rester debout à côté
de la croix. Avec la même détermination et le même courage, sans dérobades et sans
illusions. Elle a su accompagner la souffrance de son Fils, ton Fils ; le soutenir dans le
regard et le protéger avec le cœur. Douleur qu’elle a subie, mais qui ne lui a pas fait baisser
les bras. Elle a été la femme forte du « oui », qui soutient et accompagne, protège et prend
dans ses bras. Elle est la grande gardienne de l’espérance.
Nous aussi, Père, nous voulons être une Église qui soutient et qui accompagne, qui sait
dire : « Je suis ici ! » dans la vie et dans les croix de tant de christs qui marchent à nos
côtés.
De Marie nous apprenons à dire « oui » à la patience endurante et constante de tant de
mères, de pères, de grands-parents qui n’arrêtent pas de soutenir et d’accompagner leurs
enfants et leurs petits-enfants quand « ils ne vont pas dans la bonne direction ».
D’elle nous apprenons à dire « oui » à la patience obstinée et à la créativité de ceux qui
ne sont pas affaiblis et qui recommencent dans des situations où il semble que tout est
perdu, en cherchant à créer des espaces, des foyers, des centres d’attention qui soient une
main tendue dans la difficulté.
En Marie nous apprenons la force de dire « oui » à ceux qui ne se sont pas tus et qui ne
se taisent pas face à une culture de la maltraitance et de l’abus, du dénigrement et de
l’agression et qui travaillent pour offrir des possibilités et des conditions de sécurité et de
protection.
En Marie nous apprenons à recevoir et à accueillir tous ceux qui ont souffert de
l’abandon, qui ont dû quitter ou perdre leur terre, leurs racines, leurs familles, leur travail.
Père, comme Marie nous voulons être une Église, l’Eglise qui favorise une culture qui
sait accueillir, protéger, promouvoir et intégrer ; qui ne stigmatise pas et surtout qui ne
généralise pas, par la condamnation la plus absurde et la plus irresponsable, en identifiant
tout migrant comme porteur du mal social.
D’elle nous voulons apprendre à rester debout à côté de la croix, mais non pas avec un
cœur blindé et fermé, mais avec un cœur qui sait accompagner, qui connaît la tendresse et
le dévouement ; qui comprend ce qu’est la miséricorde en abordant avec révérence,
délicatesse et compréhension. Nous voulons être une Eglise de la mémoire qui respecte et
valorise les anciens et qui défend la place qu’ils ont comme gardiens de nos racines.
Père, comme Marie nous voulons apprendre à « être là ».
Enseigne-nous Seigneur à être présent au pied de la croix, au pied des croix ; réveille
cette nuit nos yeux, notre cœur ; sauve-nous de la paralysie et de la confusion, de la peur et
du désespoir. Père, apprends-nous à dire : ici je suis avec ton Fils, avec Marie et avec tant
de disciples aimés qui veulent accueillir ton Règne dans le cœur. Amen.

Paroles après le Chemin de Croix


Après avoir vécu la Passion du Seigneur, avec Marie au pied de la croix, nous partons
avec le cœur silencieux et en paix, heureux et avec un grand désir de suivre Jésus. Que
Jésus vous accompagne et que la Vierge vous protège. Au revoir !
Homélie du pape François à la cathédrale de Panama le 26 janvier
(…) « Là se trouvait le puits de Jacob. Jésus, fatigué par la route, s’était donc assis près
de la source. C’était la sixième heure, environ midi. Arrive une femme de Samarie, qui
venait puiser de l’eau. Jésus lui dit : « Donne-moi à boire. » » (Jn 4,6-7).
L’évangile que nous avons écouté n’hésite pas à nous présenter Jésus fatigué de
marcher. A midi, quand le soleil se fait sentir avec toute sa force et sa puissance, nous le
trouvons près du puits. Il avait besoin d’apaiser et d’étancher sa soif, de vivre une étape, de
récupérer des forces pour continuer la mission.
Les disciples ont vécu au premier plan ce que signifiaient le don et la disponibilité du
Seigneur pour porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, panser les cœurs blessés, proclamer
la libération des captifs et la liberté des prisonniers, consoler ceux qui étaient en deuil et
proclamer une année de grâce à tous (cf. Is 61,1-3). Ce sont toutes les situations qui te
prennent la vie et l’énergie ; et ils « ne se sont pas ménagés » pour nous offrir tant de
moments importants dans la vie du Maître, où notre humanité peut aussi trouver une parole
de Vie.
Fatigué par la route
Il est relativement facile pour notre imagination, compulsivement productive, de
contempler et d’entrer en communion avec l’activité du Seigneur, mais nous ne savons pas
toujours, ou nous ne pouvons pas toujours contempler et accompagner les « fatigues du
Seigneur », comme si elles n’étaient pas l’affaire de Dieu. Le Seigneur s’est fatigué et dans
cette fatigue trouvent place tant de fatigues de nos populations et de notre peuple, de nos
communautés et de tous ceux qui sont épuisés et accablés (cf. Mt 11,28).
Les causes et les motifs qui peuvent provoquer la fatigue du chemin en nous prêtres,
personnes consacrées, membres des mouvements laïcs, sont multiples : depuis les longues
heures de travail qui laissent peu de temps pour manger, se reposer et être en famille,
jusqu’aux conditions « nocives » de travail et d’affectivité qui conduisent à l’épuisement et
brisent le cœur ; depuis le simple et quotidien don de soi jusqu’au poids routinier de celui
qui ne trouve plus le goût, la reconnaissance ou la subsistance nécessaire pour faire face au
jour le jour ; depuis les habituelles et prévisibles situations compliquées jusqu’aux
stressantes et angoissantes heures de pression. Toute une gamme de poids à supporter.
Il serait impossible de vouloir couvrir toutes les situations qui brisent la vie des
personnes consacrées, mais nous ressentons dans toutes ces situations la nécessité urgente
de trouver un puits qui puisse soulager et étancher la soif et la fatigue du chemin. Toutes
réclament, comme un cri silencieux, un puits d’où repartir à nouveau.
A ce sujet, depuis quelque temps, semble s’être souvent installée dans nos communautés
une subtile espèce de fatigue, qui n’a rien à voir avec la fatigue du Seigneur. Il s’agit d’une
tentation que nous pourrions appeler la lassitude de l’espérance. Cette lassitude qui surgit
quand – comme dans l’évangile – le soleil tombe comme du plomb et rend les heures
ennuyeuses, et qui le fait avec une intensité telle qu’elle ne permet pas d’avancer ni de
regarder en avant. Comme si tout devenait confus. Je ne me réfère pas à la « certaine peine
du cœur » (cf. Lett. enc. Redemptoris Mater, 17; Exhort. ap. Evangelii gaudium, n.287) de
ceux qui « sont brisés » par le don, à la fin de la journée, et qui parviennent à exprimer un
sourire serein et reconnaissant; mais à cette autre fatigue, celle qui naît face à l’avenir
quand la réalité « gifle » et met en doute les forces, les moyens et la possibilité de la
mission en ce monde tellement changeant et qui interroge.
C’est une lassitude paralysante. Elle naît du fait de regarder en avant et de ne pas savoir
comment réagir face à l’intensité et à la perplexité des changements que, comme société,
nous traversons. Ces changements semblent non seulement interroger nos formes
d’expression et d’engagement, nos habitudes et nos attitudes face à la réalité, mais ils
mettent en question, dans de nombreux cas, la possibilité même de la vie religieuse dans le
monde d’aujourd’hui. Et même la rapidité de ces changements peut conduire à paralyser
toute option et toute opinion et, ce qui a été significatif et important en d’autres temps
semble maintenant ne plus avoir lieu d’être.
Cette lassitude de l’espérance naît du constat d’une Eglise blessée par son péché et qui si
souvent n’a pas su écouter tant de cris dans lesquels se cachait le cri du Maître : « Mon
Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mt 27,46).
Ainsi nous pouvons nous habituer à vivre avec une espérance fatiguée face à l’avenir
incertain et inconnu, et cela laisse de la place pour que s’installe un pragmatisme gris dans
le cœur de nos communautés. Tout semble apparemment avancer normalement, mais en
réalité la foi s’épuise et dégénère. Déçus par la réalité que nous ne comprenons pas ou dont
nous croyons qu’elle n’a plus de place pour notre proposition, nous pouvons donner le
« droit de cité » à l’une des pires hérésies possibles de notre époque : penser que le
Seigneur et nos communautés n’ont rien à dire et à apporter à ce monde nouveau qui est en
gestation (cf. Exhort. Ap. Evangelii gaudium, n.83). Et puis il arrive que ce qui un jour a
surgi pour être le sel et la lumière du monde finisse par offrir sa pire version.
Donne-moi à boire
Les fatigues du chemin arrivent et se font sentir. Que cela plaise ou non, elles sont, et
c’est bon d’avoir le même courage que celui qu’a eu le Maître pour dire : « donne-moi à
boire ». Comme cela est arrivé à la Samaritaine et peut nous arriver, à chacun de nous, nous
ne voulons pas apaiser la soif avec une eau quelconque mais avec « la source d’eau
jaillissant pour la vie éternelle » (Jn 4,14). Nous savons, comme le savait bien la
Samaritaine qui portait depuis des années des cruches vides d’amours ratés, que n’importe
quelle parole ne peut pas aider à récupérer les forces et la prophétie dans la mission.
Aucune nouveauté, aussi séduisante qu’elle puisse paraître, ne peut apaiser la soif. Nous
savons, comme elle le savait bien, que le savoir religieux, la justification d’options
déterminées et des traditions passées ou présentes, ne nous rendent pas non plus toujours
féconds, ni ne font de nous de passionnés « adorateurs en esprit et en vérité » (Jn 4,23).
« Donne-moi à boire », c’est ce que demande le Seigneur et ce qu’il nous demande de
dire. En le disant, nous ouvrons la porte à notre espérance fatiguée pour revenir sans peur
au puits fondateur du premier amour, quand Jésus est passé sur notre chemin, nous a
regardés avec miséricorde, nous a demandé de le suivre ; en le disant, nous retrouvons la
mémoire de ce moment où son regard a croisé le nôtre, ce moment où il nous a fait sentir
qu’il nous aimait, et non seulement de manière personnelle mais également comme
communauté (cf. Homélie de la Vigile pascale, 19 avril 2014). C’est revenir sur nos pas et,
dans la fidélité créative, écouter comment l’Esprit n’a pas engendré une œuvre ponctuelle,
un plan pastoral ou une structure à organiser mais comment, par le moyen de tant de
« saints de la porte d’à côté » – parmi ceux-là nous trouvons les pères et les mères
fondateurs de vos instituts, les évêques et les curés qui ont su poser le fondement de vos
communautés –, il a donné la vie et l’oxygène à un contexte historique déterminé qui
semblait étouffer et écraser toute espérance et toute dignité.
« Donne-moi à boire » signifie encourager à laisser purifier et sauver la part la plus
authentique de nos charismes fondateurs – qui ne se réduisent pas seulement à la vie
religieuse mais qui concernent toute l’Église – et voir comment ils peuvent être exprimés
aujourd’hui. Il s’agit non seulement de regarder le passé avec reconnaissance mais aussi de
rechercher les racines de son inspiration et de les laisser résonner à nouveau, avec force
parmi nous (cf. Pape François – Fernando Prado, La force de la vocation, p. 43).
« Donne-moi à boire » signifie reconnaître que nous avons besoin que l’Esprit nous
transforme en hommes et en femmes qui se souviennent d’un passage, le passage salvifique
de Dieu. Et confiants que, comme il l’a fait hier, ainsi il continuera de le faire demain : «
aller à la racine nous aide, sans aucun doute, à bien vivre le présent, sans avoir peur. Il faut
vivre sans peur, en répondant à la vie avec la passion d’être engagés dans l’Histoire,
impliqués. C’est une passion amoureuse, […] » (cf. Ibid., p. 45).
L’espérance fatiguée sera guérie et jouira de cette « certaine peine du cœur », à partir du
moment où l’on n’a pas peur de revenir au premier amour et de réussir à trouver, dans les
périphéries et les défis qui aujourd’hui se présentent à nous, le même chant, le même regard
qui ont suscité le chant et le regard de nos aînés. Ainsi nous éviterons le risque de partir de
nous-mêmes et nous abandonnerons l’épuisant auto-apitoiement pour trouver le regard
avec lequel le Christ aujourd’hui continue de nous chercher, de nous appeler et de nous
inviter à la mission.
* * *
Cela ne me semble pas être un évènement mineur que la réouverture des portes de cette
Cathédrale après une longue période de rénovation. Elle a connu le passage des années,
comme témoin fidèle de l’histoire de ce peuple, et avec l’aide et le travail de beaucoup, elle
a voulu offrir à nouveau sa beauté. Plus qu’une restauration classique, qui souvent essaie de
revenir au passé original, on a cherché à préserver la beauté des années, en étant ouvert à
l’accueil de toute la nouveauté que le présent pouvait lui offrir. Une Cathédrale espagnole,
indienne et afro-américaine devient ainsi une Cathédrale panaméenne, de ceux qui hier
mais également de ceux qui aujourd’hui l’ont rendu possible. Elle n’appartient plus
seulement au passé, mais elle est la beauté du présent.
Aujourd’hui c’est une fois de plus un tournant qui conduit à renouveler et à alimenter
l’espérance, à découvrir comment la beauté d’hier devient un fondement pour construire la
beauté de demain. Ainsi agit le Seigneur.
Frères et sœurs, ne nous laissons pas voler la beauté que nous avons héritée de nos pères,
qu’elle soit la racine vivante et féconde qui nous aide à continuer à rendre belle et
prophétique l’histoire du salut sur ces terres.

Discours préparé par le pape François samedi soir


Chers jeunes, bonsoir!
Nous avons regardé ce beau spectacle sur l’Arbre de Vie qui nous montre comment la
vie que Jésus nous offre est une histoire d’amour, une histoire de vie qui veut se mêler à la
nôtre et plonger ses racines dans la terre de chacun. Cette vie n’est pas un salut suspendu
“dans les nuages” attendant d’être déversé, ni une “application” nouvelle à découvrir, ni un
exercice mental fruit de techniques de dépassement de soi. Elle n’est pas non plus un
“tutoriel” avec lequel on apprendrait la dernière nouveauté. Le salut que le Seigneur nous
offre est une invitation à faire partie d’une histoire d’amour qui se tisse avec nos histoires;
qui vit et veut naître parmi nous pour que nous donnions du fruit là où nous sommes,
comme nous sommes et avec qui nous sommes. C’est là que le Seigneur vient planter et se
planter; il est le premier à dire “oui” à notre vie, à notre histoire, et il veut que nous aussi
disions “oui” avec lui.
Il a de cette manière surpris Marie et il l’a invitée à faire partie de cette histoire d’amour.
Bien sûr, la jeune de Nazareth ne sortait pas sur les “réseaux sociaux” de l’époque, elle
n’était pas une “influenceur”, mais sans le demander ni le rechercher, elle est devenue la
femme qui a le plus influencé l’histoire.
Marie, l’“influencer” de Dieu. En peu de mots elle a osé dire “oui” et faire confiance à
l’amour et aux promesses de Dieu, seule force capable de rendre toutes choses nouvelles.
Le force du “oui” de cette jeune attire toujours l’attention, son “qu’il en soit ainsi” dit à
l’ange. Ce fut une chose différente d’une acceptation passive ou résignée, d’un “oui”
voulant dire: on verra bien ce qui va se passer. Ce fut quelque chose de plus, quelque chose
de différent. Ce fut le “oui” de celle qui veut s’engager et risquer, de celle qui veut tout
parier, sans autre sécurité que la certitude de savoir qu’elle était porteuse d’une promesse.
Elle aura, sans doute, une mission difficile, mais les difficultés n’étaient pas une raison
pour dire “non”. Elle aura des difficultés, certainement, mais ce ne seront pas les mêmes
difficultés qui apparaissent quand la lâcheté nous paralyse du fait que tout n’est pas clair ni
assuré par avance. Le “oui” et les envies de servir ont été plus forts que les doutes et les
difficultés.
Ce soir aussi, nous écoutons comment le “oui” de Marie fait écho et se multiplie de
génération en génération. Beaucoup de jeunes, à l’exemple de Marie, risquent et parient
guidés par une promesse. Merci Erika et Rogelio pour le témoignage que vous nous avez
offert. Vous avez partagé vos craintes, vos difficultés et le risque vécu à la naissance de
votre fille Inés. Vous avez dit à un moment: «A nous parents, en diverses circonstances, il
en coûte d’accepter l’arrivée d’un bébé qui a une maladie ou un handicap», cela est certain
et compréhensible. Mais le plus surprenant est lorsque vous avez ajouté: «A la naissance de
notre fille, nous avons décidé de l’aimer de tout notre cœur». Avant son arrivée, face à
toutes les annonces et les difficultés qui apparaissaient, vous avez pris une décision et avez
dit comme Marie: «Qu’il en soit ainsi», vous avez décidé de l’aimer. Devant la vie de votre
fille fragile, sans défense et dans le besoin, la réponse a été un “oui” et là nous avons Inès.
Vous avez cru que le monde n’est pas seulement pour les forts!
Dire “oui” au Seigneur, c’est oser embrasser la vie comme elle vient, avec toute sa
fragilité, sa petitesse et, souvent, avec toutes ses contradictions et ses insignifiances, du
même amour dont Erika et Rogelio nous ont parlé. C’est embrasser notre patrie, nos
familles, nos amis tels qu’ils sont, aussi avec leurs fragilités et petitesses. Embrasser la vie
se manifeste aussi quand nous accueillons tout ce qui n’est pas parfait, pur ou distillé, mais
non pas moins digne d’amour. Une personne, n’est-elle pas digne d’amour parce qu’elle est
handicapée ou fragile? Une personne n’est-elle pas digne d’amour parce qu’elle est
étrangère, parce qu’elle s’est trompée, parce qu’elle est malade ou en prison? Jésus a fait
ainsi: il a embrassé le lépreux, l’aveugle et le paralytique, il a embrassé le pharisien et le
pécheur. Il a embrassé le larron sur la croix et il a même embrassé et pardonné à ceux qui le
crucifiaient.
Pourquoi? Parce que seul celui qui aime peut être sauvé. Seul celui qui embrasse peut
être transformé. L’amour du Seigneur est plus grand que toutes nos contradictions, nos
fragilités et nos petitesses, mais c’est précisément à travers nos contradictions, nos
fragilités et nos petitesses qu’il veut écrire cette histoire d’amour. Il a embrassé le fils
prodigue, il a embrassé Pierre après son reniement et il nous embrasse toujours, toujours,
après nos chutes, en nous aidant à nous relever et nous remettre sur pieds. Parce que la
véritable chute, celle qui est capable de ruiner notre vie, c’est de rester à terre et ne pas se
laisser aider.
Qu’il est difficile, souvent, de comprendre l’amour de Dieu! Mais, quel don c’est de
savoir que nous avons un Père qui nous embrasse au-delà de toutes nos imperfections!
Le premier pas consiste à ne pas avoir peur de recevoir la vie comme elle vient,
d’embrasser la vie !
Merci Alfred pour ton témoignage et pour le courage de l’avoir partagé avec nous tous.
J’ai été très impressionné quand tu as dit: «J’ai commencé à travailler dans le bâtiment
jusqu’à ce que tel projet se termine. Sans emploi, les choses ont pris une autre couleur: sans
école, sans occupation et sans travail». Je le résume dans les quatre “sans” qui rendent
notre vie sans racines et la dessèche: sans travail, sans éducation, sans communauté, sans
famille.
Il est impossible que quelqu’un grandisse s’il n’a pas de racines fortes qui aident à être
bien soutenu et enraciné dans la terre. Il est facile de “se faire exploser”, quand il n’y a pas
de lieu pour se fixer. Cela c’est une question que nous, les aînés, sommes obligés de nous
poser, et plus encore, c’est une question que vous aurez à nous poser et à laquelle nous
aurons le devoir de répondre: quelles racines nous donnons-vous, quels fondements, pour
vous construire, nous fournissons-vous? Combien il est facile de critiquer les jeunes et de
passer son temps à murmurer, si nous vous privons des opportunités de travail, éducatives
et communautaires auxquelles vous raccrocher et rêver l’avenir. Sans éducation il est
difficile de rêver l’avenir, sans travail, il est très difficile de rêver l’avenir, sans famille ni
communauté il est quasi impossible de rêver l’avenir. Parce que rêver l’avenir, c’est
apprendre non seulement pour quoi je vis, mais aussi pour qui je vis, pour qui il vaut la
peine de dépenser la vie.
Comme nous le disait Alfred, quand quelqu’un décroche et reste sans travail, sans
éducation, sans communauté et sans famille, à la fin de la journée on se sent vide et on
termine en remplissant ce vide avec n’importe quoi. Parce que nous ne savons pas encore
pour qui vivre, lutter, aimer.
Je me rappelle une fois en bavardant avec des jeunes, l’un d’eux me demanda: Père,
pourquoi aujourd’hui beaucoup de jeunes ne se demandent pas si Dieu existe ou pourquoi il
leur est difficile de croire en lui et pourquoi ils n’ont pas beaucoup d’engagements dans la
vie? Je leur ai répondu: et vous, qu’en pensez-vous? Parmi les réponses qui furent données
dans la conversation, je me souviens d’une qui m’a touché au cœur et qui a rapport avec
l’expérience qu’Alfred a partagée: “c’est parce que beaucoup d’entre eux sentent que, peu à
peu, ils cessent d’exister pour les autres, ils se sentent souvent invisibles”. C’est la culture
de l’abandon et du manque de considération. Je ne dis pas tous, mais beaucoup sentent
qu’ils n’ont pas beaucoup ou rien à apporter, parce qu’ils n’ont pas de véritables espaces où
ils se sentent appelés. Comment vont-ils penser que Dieu existe, s’il y a longtemps qu’ils
ont cessé d’exister pour leurs frères?
Nous le savons bien, il ne suffit pas d’être toute la journée connecté pour se sentir
reconnu et aimé. Se sentir considéré et invité à quelque chose est plus important qu’être
“sur le réseau”. Cela signifie trouver des espaces où ils peuvent avec leurs mains, avec leur
cœur et avec leur tête se sentir faire partie d’une communauté plus grande qui a besoin
d’eux et qui a aussi besoin de vous.
Cela, les saints l’ont très bien compris. Je pense par exemple à Don Bosco qui n’est pas
allé chercher les jeunes en des lieux lointains ou particuliers, mais qui a appris à voir tout
ce qui se passait dans la ville avec les yeux de Dieu et, ainsi, il a été touché par des
centaines d’enfants et de jeunes abandonnés sans études, sans travail et sans la main amie
d’une communauté. Beaucoup vivaient dans la même ville, beaucoup critiquaient ces
jeunes, mais ils ne savaient pas les regarder avec les yeux de Dieu. Lui l’a fait, et il osé
faire le premier pas: embrasser la vie comme elle se présente et, à partir de là, il n’a pas eu
peur de faire le second pas : créer avec eux une communauté, une famille où, avec le travail
et l’étude, ils se sentent aimés. Leur donner des racines où se fixer pour qu’ils puissent
parvenir au ciel.
Je pense à beaucoup de lieux de notre Amérique Latine qui promeuvent ce qu’on
appelle la grande famille foyer du Christ qui, avec le même esprit que celui de la Fondation
Jean Paul II dont nous parlait Alfred et de beaucoup d’autres centres, cherchent à recevoir
la vie comme elle vient dans sa totalité et sa complexité, parce qu’ils savent qu’«il y a pour
l’arbre un espoir: une fois coupé, il peut verdir encore et les jeunes pousses ne lui feront
pas défaut» (Jb, 14, 7).
Et toujours on peut “reverdir et donner de jeunes pousses” quand il y a une communauté,
la chaleur d’un foyer où prendre racine, qui donne la confiance nécessaire et prépare le
cœur à découvrir un nouvel horizon: horizon d’enfant aimé, cherché, rencontré et donné à
une mission. C’est par le moyen de visages concrets que le Seigneur se rend présent. Dire:
“oui” à cette histoire d’amour, c’est dire “oui” au fait d’être des instruments pour
construire, dans nos quartiers, des communautés ecclésiales capables de se promener dans
la ville, d’embrasser et de tisser de nouvelles relations. Être un “influenceur” au XXIème
siècle, c’est être gardien des racines, gardien de tout ce qui empêche que notre vie devienne
évanescente, s’évapore dans le rien. Soyez des gardiens de tout ce qui nous permet de nous
sentir partie les uns des autres. Que nous nous appartenons.
C’est ainsi que l’a vécu Nirmeen, lors des JMJ de Cracovie. Elle a rencontré une
communauté vivante, joyeuse, qui est sortie à sa rencontre, qui lui a donnée une
appartenance et lui a permis de vivre la joie qu’implique être rencontrée par Jésus.
Une fois, un saint s’est demandé: «Le progrès de la société, consistera-t-il seulement à
parvenir à posséder la dernière voiture ou acquérir la dernière technique du marché? Est-ce
en cela que se résume la grandeur de l’homme? N’y a-t-il rien d’autre que de vivre pour
cela? (cf. Saint Alberto Hurtado, Meditación de Semana Santa para jóvenes, 1946). Je vous
demande: c’est là votre grandeur? Vous n’avez été créés pour rien d’autre? Marie l’a
compris et a dit: Qu’il en soit ainsi! Erika et Rogelio l’ont compris et ils ont dit: qu’il en
soit ainsi! Alfredo l’a compris et a dit: qu’il en soit ainsi! Nirmeen l’a compris et a dit: qu’il
en soit ainsi! Chers amis, je vous demande: êtes-vous disposés à dire “oui”? L’Évangile
nous apprend que le monde ne sera pas meilleur, parce qu’il y aurait moins de personnes
malades, faibles, fragiles ou âgées dont il faut s’occuper, pas même parce qu’il y aurait
moins de pécheurs. Mais il sera meilleur quand plus nombreuses seront les personnes qui,
comme ces amis, seront prêts et oseront concevoir demain et croire en la force
transformatrice de l’amour de Dieu. Voulez-vous être “influencer” à la manière de Marie
qui a osé dire qu’«il en soit ainsi»? Seul l’amour nous rend plus humains, plus complets,
tout le reste sont des placebos, bons mais vides.
Dans un moment, nous allons rencontrer Jésus vivant dans l’adoration eucharistique. Je
suis certain que vous aurez beaucoup de choses à lui dire, à lui raconter sur les situations
diverses de vos vies, de vos familles et de vos pays.
Devant lui, face à face, n’ayez pas peur de lui ouvrir votre cœur, qu’il renouvelle le feu
de son amour, qu’il vous pousse à embrasser la vie avec toute sa fragilité et sa petitesse,
mais aussi avec toute sa grandeur et sa beauté. Qu’il vous aide à découvrir la beauté d’être
vivants.
N’ayez pas peur de lui dire que vous aussi, voulez prendre part à son histoire d’amour
dans le monde, que vous pouvez faire plus!
Chers amis, je vous demande aussi que, dans ce face à face avec Jésus, vous priez pour
moi pour que je n’ai pas, moi non plus, peur d’embrasser la vie, que je garde les racines et
dise comme Marie: qu’il me soit fait selon ta parole!

Homélie du pape François dimanche 27


« Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui. Alors il se mit à leur dire :
Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre » (Lc 4, 20-
21).
L’Évangile nous présente ainsi le commencement de la mission publique de Jésus. Cela a
lieu dans la synagogue qui l’a vu grandir, il est entouré de connaissances et de voisins et
peut-être même quelques-uns des catéchistes de son enfance qui lui ont enseigné la loi. Un
moment important de la vie du Maître, où l’enfant qui s’est formé et a grandi au sein de
cette communauté, se lève et prend la parole pour annoncer et mettre en œuvre le rêve de
Dieu. Une parole proclamée jusque-là seulement comme une promesse d’avenir, mais qui,
dans la bouche de Jésus seul peut être dite au présent, devenant réalité : « Aujourd’hui
s’accomplit ».
Jésus révèle l’heure de Dieu qui sort à notre rencontre pour nous appeler à prendre part à
son heure de « porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération,
et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une
année favorable accordée par le Seigneur » (Lc 4, 18-19). C’est l’heure de Dieu qui, avec
Jésus, se rend présent, se fait visage, chair, amour de miséricorde qui n’attend pas de
situations idéales ou parfaites pour sa manifestation, ni n’accepte d’excuses pour sa
réalisation. Lui, il est le temps de Dieu qui rend juste et approprié chaque situation et
chaque espace. En Jésus, l’avenir promis commence et prend vie.
Quand ? Maintenant. Mais tous ceux qui, là, l’écoutaient ne se sont pas sentis invités ni
convoqués. Tous les habitants de Nazareth n’étaient pas prêts à croire en quelqu’un qu’ils
connaissaient et avaient vu grandir et qui les invitait à mettre en œuvre un rêve tant espéré.
Même, « ils se disaient : « N’est-ce pas là le fils de Joseph ? » (Lc 4, 22).
Il peut se passer aussi la même chose pour nous. Nous ne croyons pas toujours que Dieu
peut être si concret et si quotidien, si proche et si réel, et encore moins qu’il se rend si
présent et agissant à travers une personne connue, comme peut l’être un voisin, un ami, un
parent. Nous ne croyons pas toujours que le Seigneur peut nous inviter à travailler et à nous
salir les mains avec lui pour son royaume, de manière si simple mais si forte. Il en coûte
d’accepter que « l’amour divin devient concret et presque tangible dans l’histoire avec tous
ses événements amers et glorieux » (Benoît XVI, Audience générale, 28 septembre 2005).
Les fois sont nombreuses où nous nous comportons comme les habitants de Nazareth et
préférons un Dieu à distance : beau, bon, généreux, mais à distance et qui ne gêne pas. Car
un Dieu proche et quotidien, ami et frère, nous demande de tirer les enseignements en
terme de proximité, de vie quotidienne et surtout de fraternité. Il n’a pas voulu se
manifester de manière angélique ou spectaculaire, mais il a voulu nous offrir un visage
fraternel, amical, concret, familier. Dieu est réel parce que l’amour est réel, Dieu est
concret parce que l’amour est concret. Et, justement, ce « caractère concret de l’amour
constitue l’un des éléments essentiels de la vie des chrétiens » (Benoît XVI, Homélie, 1er
mars 2006).
Nous pouvons aussi courir les mêmes risques que les habitants de Nazareth, quand, dans
nos communautés, l’Évangile veut se faire vie concrète et que nous commençons à dire
“mais ces garçons-là ne sont pas enfants de Marie, José, ils ne sont pas les frères de…
ceux-là ne sont pas les jeunes que nous aidons à grandir… Lui là-bas, n’est-il pas celui qui
cassait toujours les vitres avec sa balle”. Et ce qui est né pour être prophétie et annonce du
Royaume de Dieu finit enchaîné et appauvri. Vouloir enchaîner la parole de Dieu est chose
quotidienne.
Et même vous, chers jeunes, il peut vous arriver la même chose chaque fois que vous
pensez que votre mission, votre vocation, que même votre vie est une promesse seulement
pour l’avenir et n’a rien à voir avec votre présent. Comme si être jeune était synonyme de
salle d’attente de celui qui attend son heure. Et dans l’”entre-temps” nous vous inventons
ou vous vous inventez un avenir hygiéniquement bien emballé et sans conséquences, bien
armé et garanti, tout “bien assuré”. C’est la “fiction” de la joie. De cette manière nous vous
“tranquillisons” et nous vous endormons, pour que vous ne fassiez pas de bruit, pour que
vous ne vous demandiez pas ni ne demandiez, pour que vous ne vous remettiez pas en
question ni ne remettiez en question ; et dans cet ”entre-temps”, vos rêves perdent de la
hauteur, commencent à s’assoupir et deviennent des “rêvasseries” au raz du sol, mesquines
et tristes (cf. Homélie du Dimanche des Rameaux, 25 mars 2018), seulement parce que
nous considérons ou vous considérez que ce n’est pas encore votre heure ; qu’il y a assez
de jeunes à s’impliquer, à rêver et à travailler à demain.
L’un des fruits du Synode passé a été la richesse de pouvoir nous rencontrer et surtout de
nous écouter. La richesse de l’écoute entre générations, la richesse de l’échange et la valeur
de reconnaître que nous avons besoin les uns des autres, que nous devons faire des efforts
pour favoriser les canaux et les espaces où s’impliquer pour rêver et travailler à demain,
dès aujourd’hui. Mais pas de manière isolée, ensemble, en créant un espace commun. Un
espace qui ne s’offre ni ne se gagne à la loterie, mais un espace pour lequel vous devez
aussi vous battre.
Parce que, chers jeunes, vous n’êtes pas l’avenir mais l’heure de Dieu. Il vous convoque
et vous appelle dans vos communautés et vos villes à aller à la recherche de vos grands-
parents, de vos aînés ; à vous lever et, à prendre la parole avec eux et à réaliser le rêve que
le Seigneur a rêvé pour vous.
Pas demain, mais maintenant, parce que là où se trouve votre trésor sera aussi votre cœur
(cf. Mt 6, 21) ; ce qui vous fait tomber amoureux atteindra non seulement votre imagination
mais aussi affectera tout. Ce sera ce qui vous fera lever le matin et vous poussera dans les
moments de lassitude, ce qui brisera le cœur et ce qui vous remplira d’étonnement, de joie
et de gratitude. Sentez que vous avez une mission et tombez-en amoureux, cela décidera
tout (cf. Pedro Arrupe, S.J., Nada es más práctico). Nous pourrons tout avoir, mais s’il
manque la passion de l’amour, tout manquera. Laissons le Seigneur nous aimer !
Pour Jésus il n’y a pas d’”entre-temps”, mais un amour de miséricorde qui désire faire
son nid et conquérir le cœur. Il veut être notre trésor parce qu’il n’est pas un ”entre-temps”
dans la vie ou une mode passagère, il est amour de don qui invite à se donner. Il est amour
concret, proche, réel ; il est joie festive qui naît en choisissant et en prenant part à la pêche
miraculeuse de l’espérance et de la charité, de la solidarité et de la fraternité face à tant de
regards paralysés et paralysants, à cause des craintes et de l’exclusion, de la spéculation et
de la manipulation.
Chers frères, le Seigneur et sa mission ne sont pas un ”entre-temps” dans notre vie, une
chose passagère. Ils sont notre vie !
Tous ces jours-ci, le qu’il en soit ainsi de Marie a été murmuré de manière spéciale
comme une musique de fond. Non seulement elle a cru en Dieu et en ses promesses comme
une chose possible, elle a cru en Dieu et a osé dire “oui” pour participer à cette heure du
Seigneur ? Elle a senti qu’elle avait une mission, elle est tombée amoureuse et cela a décidé
de tout.
Comme cela est arrivé dans la synagogue de Nazareth, le Seigneur, au milieu de nous,
ses amis et ses connaissances, se lève à nouveau pour prendre le livre et nous dire : «
Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre » (Lc 4, 21).
Voulez-vous vivre la réalisation de son amour ? Que votre “oui” continue d’être la porte
d’entrée, pour que l’Esprit Saint offre une nouvelle Pentecôte au monde et à l’Église.
Audience Rome 30 janvier 2019, retour sur les JMJ
Chers frères et sœurs, bonjour !
Aujourd’hui, je m’arrêterai avec vous sur le voyage apostolique que j’ai effectué ces
jours derniers au Panama. Je vous invite à rendre grâce avec moi au Seigneur pour cette
grâce qu’il a voulu donner à l’Église et au peuple de ce cher pays. Je remercie le président
du Panama et les autres autorités, les évêques. Et je remercie tous les bénévoles – il y en
avait beaucoup – pour leur accueil chaleureux et familier, celui que nous avons vu chez les
gens qui sont venus de partout saluer avec beaucoup de foi et d’enthousiasme. Quelque
chose m’a beaucoup frappé : les gens tendaient les bras en portant leurs enfants. Quand la
papamobile passait, tous avec leurs enfants : ils les soulevaient comme pour dire : « Voici
ma fierté, voici mon avenir ! » Et ils montraient leurs enfants. Mais ils étaient nombreux !
Et les pères ou les mères, fiers de cet enfant. J’ai pensé : quelle dignité dans ce geste et
comme il est éloquent pour l’hiver démographique que nous vivons en Europe ! La fierté
de cette famille, ce sont les enfants. La sécurité pour l’avenir, ce sont les enfants. L’hiver
démographique, sans enfants, est dur !
Le motif de ce voyage était les Journées mondiales de la Jeunesse, toutefois, aux
rencontres avec les jeunes se sont ajoutées d’autres rencontres avec la réalité du pays : les
autorités, les évêques, les jeunes détenus, les consacrés et une Maison familiale. Tout a été
comme « contaminé » et « amalgamé » par la présence joyeuse des jeunes : une fête pour
eux et une fête pour Panama et aussi pour toute l’Amérique centrale, marquée par tant de
drames et tellement en manque d’espérance et de paix, et même de justice.
Ces Journées mondiales de la Jeunesse ont été précédées par la rencontre des jeunes des
peuples natifs et des peuples afro-américains. Un beau geste : ils ont eu cinq jours de
rencontre, les jeunes indigènes et les jeunes d’origine africaine. Ils sont nombreux dans
cette région. Ils ont ouvert la porte aux Journées mondiales. Et c’est une initiative
importante qui a encore mieux manifesté le visage multiforme de l’Église en Amérique
latine : l’Amérique latine est métisse. Ensuite, avec l’arrivée des groupes du monde entier,
s’est formée la grande symphonie de visages et de langues, typique de cet événement. Voir
tous les drapeaux défiler ensemble, danser dans les mains des jeunes joyeux de se
rencontrer est un signe prophétique, un signe à contre-courant de la triste tendance actuelle
aux nationalismes conflictuels, qui élèvent des murs et se ferment à l’universalité, à la
rencontre entre les peuples. C’est un signe que les jeunes chrétiens sont un ferment de paix
dans le monde.
Ces JMJ ont eu une forte empreinte mariale, parce que le thème était les paroles de la
Vierge à l’ange : « Voici la servante du Seigneur ; qu’il me soit fait selon ta parole » (Lc
1,38). Cela a été fort d’entendre ces paroles prononcées par les représentants des jeunes des
cinq continents, et surtout de les voir transparaître sur leurs visages. Tant qu’il y aura de
nouvelles générations capables de dire à Dieu : « me voici », il y aura un avenir dans le
monde.
Parmi les étapes des JMJ, il y a toujours le Chemin de Croix. Marcher avec Marie
derrière Jésus qui porte sa croix est l’école de la vie chrétienne : c’est là qu’on apprend
l’amour patient, silencieux et concret. Je vous fais une confidence : j’aime beaucoup faire
le Chemin de Croix parce que c’est aller avec Marie derrière Jésus. Et je porte toujours sur
moi, pour le faire à tout moment, un Chemin de Croix de poche, que m’a offert une
personne très apostolique à Buenos Aires. Et quand j’ai le temps, je prends et je suis le
Chemin de Croix. Faites vous aussi le Chemin de Croix, parce que c’est suivre Jésus avec
Marie sur le chemin de la croix, où il a donné sa vie pour nous, pour notre rédemption.
Avec le Chemin de Croix, on apprend l’amour patient, silencieux et concret. À Panama, les
jeunes ont porté avec Jésus et Marie le poids de la condition de tant de frères et sœurs
souffrants en Amérique centrale et dans le monde entier. Parmi eux, il y a beaucoup de
jeunes victimes de différentes formes d’esclavage et de pauvreté. Et en ce sens, la liturgie
pénitentielle que j’ai célébrée dans une Maison de rééducation pour mineurs et la visite à la
Maison familiale « Le Bon Samaritain », qui accueille des personnes ayant le sida, ont été
des moments très importants.
Le sommet des JMJ et du voyage a été la veillée et la messe avec les jeunes. Pendant la
veillée – sur ce terrain plein de jeunes qui ont suivi la veillée, dormi là et participé à la
messe à 8 heures du matin – pendant la veillée, s’est renouvelé le dialogue vivant avec tous
les jeunes, garçons et filles, enthousiastes et aussi capables de silence et d’écoute. Ils
passaient de l’enthousiasme à l’écoute et à la prière en silence. Je leur ai proposé Marie,
comme celle qui, dans sa petitesse, a plus que quiconque « influencé » l’histoire du
monde : nous l’avons appelée l’ « influencer » de Dieu. Dans son « fiat » se sont reflétés
les témoignages beaux et forts de quelques jeunes. Le matin du dimanche, dans la grande
célébration eucharistique finale, le Christ ressuscité, avec la force de l’Esprit Saint, a parlé
à nouveau aux jeunes du monde en les appelant à vivre l’Évangile dans l’aujourd’hui, parce
que les jeunes ne sont pas le « demain » ; non, il sont l’ « aujourd’hui » pour le « demain ».
Il ne sont pas le « en attendant » mais ils sont l’aujourd’hui, le maintenant, de l’Église et du
monde. Et j’ai fait appel à la responsabilité des adultes pour que ne manquent pas aux
nouvelles générations l’instruction, le travail, la communauté et la famille. Et ceci est la clé
dans le monde en ce moment, parce que ces choses manquent : l’instruction, c’est-à-dire
l’éducation. Le travail : combien de jeunes en sont privés. La communauté : qu’ils se
sentent accueillis en famille et dans la société.
La rencontre avec tous les évêques d’Amérique centrale a été pour moi un moment de
consolation particulière. Ensemble, nous nous sommes laissé enseigner par le saint évêque
Oscar Romero, pour apprendre toujours mieux à « sentir avec l’Église » – c’était sa devise
épiscopale – dans la proximité avec les jeunes, les pauvres, les prêtres et le saint peuple
fidèle de Dieu.
La consécration de l’autel de la cathédrale restaurée de Santa Maria La Antigua, à
Panama, a eu une forte valeur symbolique. Elle est restée fermée pendant sept ans pour sa
restauration. Le signe d’une beauté retrouvée, à la gloire de Dieu et pour la foi et la fête de
son peuple. Le chrême qui consacre l’autel et aussi celui qui oint les baptisés, les
confirmés, les prêtres et les évêques. Puisse la famille de l’Église, au Panama et dans le
monde entier, toujours recevoir du Saint Esprit une nouvelle fécondité pour que se
poursuive et s’étende sur la terre le pèlerinage des jeunes disciples missionnaires de Jésus-
Christ.

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