Discours du pape François pour l’ouverture (24 janvier)
Chers jeunes, Bonsoir !
Qu’il est bon de vous retrouver et de le faire sur cette terre qui nous reçoit avec tant de couleur et tant de chaleur ! Les Journées Mondiales de la Jeunesse réunies à Panama sont, une nouvelle fois, une fête de joie et d’espérance pour toute l’Église et un énorme témoignage de foi pour le monde. Je me souviens qu’à Cracovie certains m’avaient demandé si j’irais à Panama et je leur avais répondu : “je ne sais pas, mais Pierre ira sûrement. Pierre ira sûrement”. Aujourd’hui, je suis heureux de vous dire : Pierre est avec vous pour célébrer et renouveler la foi et l’espérance. Pierre et l’Église marchent avec vous et nous voulons vous dire de ne pas avoir peur, d’aller de l’avant avec cette énergie rénovatrice et ce souci constant qui nous aide et nous fait bouger pour être plus joyeux, plus disponibles, plus “témoins de l’Évangile”. Aller de l’avant non pas pour créer une église parallèle un peu plus “divertissante” ou “cool” dans un événement pour les jeunes, avec tel ou tel élément décoratif, comme si cela vous suffisait pour vous rendre heureux. Penser ainsi serait ne pas vous respecter et ne pas respecter ce que l’Esprit nous dit à travers vous. Au contraire ! Nous voulons trouver et réveiller avec vous la continuelle nouveauté et jeunesse de l’Église, en nous ouvrant toujours à cette grâce de l’Esprit Saint qui tant de fois accomplit une nouvelle Pentecôte (cf. Synode sur les Jeunes, Doc. Final, n. 60). Cela n’est possible, comme nous venons de le vivre dans le Synode, que si nous osons marcher en nous écoutant et écouter en nous complétant, si nous osons témoigner en annonçant le Seigneur par le service de nos frères ; qui est toujours un service concret, non pas un service de « figurines » : c’est un service concret. Si nous nous mettons en marche, jeunes – toujours jeunes comme dans l’histoire de l’Amérique –, je pense à vous qui avez commencé à marcher en premier pendant ces Journées, vous les jeunes de la jeunesse indigène : Vous avez été les premiers en Amérique et les premiers à marcher durant cette rencontre. Un grand applaudissement, fort ! Et aussi à vous, jeunes d’ascendance africaine : vous avez eu également votre rencontre et vous nous avez devancés : Un autre applaudissement ! Bien. Je sais que venir jusqu’ici n’a pas été facile. Je sais les efforts et les sacrifices que vous avez faits pour pouvoir participer à ces Journées. Beaucoup de journées de travail et d’engagement, des rencontres de réflexion et de prière ont fait que le chemin est – le même chemin – la récompense. Le disciple n’est pas seulement celui qui arrive en un lieu mais celui qui commence avec décision, celui qui n’a pas peur de risquer et de se mettre en marche. Si quelqu’un se met en marche, il est déjà un disciple, si tu restes immobile, tu as perdu. Commencer à marcher, c’est la plus grande joie du disciple : être en marche. Vous n’avez pas eu peur de risquer et de marcher. Et aujourd’hui nous pouvons “faire la rumba”, car cette rumba a commencé il y a longtemps dans chaque communauté. Nous avons récemment entendu avec la présentation, avec les drapeaux, que venons de cultures et de peuples différents, nous parlons des langues différentes, nous portons des vêtements différents. Chacun de nos peuples a vécu des histoires et des événements différents. Que de choses peuvent nous différencier ! Mais rien de tout cela n’a empêché de pouvoir nous rencontrer, autant de différences n’ont pas empêché de pouvoir nous rencontrer et d’être réunis, de faire la fête ensemble, de célébrer ensemble, de confesser Jésus-Christ ensemble, aucune différence ne nous a arrêtés. Et cela est possible parce que nous savons qu’il y a quelqu’un qui nous unit, qui nous rapproche. Chers amis, vous avez fait beaucoup de sacrifices afin de pouvoir vous rencontrer et vous devenez ainsi de véritables maîtres et artisans de la culture de la rencontre. Avec cela, vous devenez des maîtres et des artisans de la culture de la rencontre, qui n’est pas de dire : » Salut, comment vas-tu ? Salut, à bientôt ». Non la culture de la rencontre est celle qui nous fait marcher ensemble dans nos différences mais avec amour, tous réunis sur le même chemin. Par vos gestes et vos attitudes, par vos regards, par les désirs et surtout par la sensibilité que vous avez, vous refusez et désavouez tous ces discours qui se focalisent et s’efforcent de semer la division, ces discours qui s’emploient à exclure ou à rejeter ceux “qui ne sont pas comme nous”. Comme on dit dans plusieurs pays d’Amérique : » Ils ne sont pas GCU, [des gens comme l’un, des gens comme nous] « . Vous refusez cela, tous nous sommes des gens comme les autres, tous avec nos différences. Et cela parce que vous avez ce flair qui sait pressentir que « L’amour véritable n’efface pas les différences légitimes, mais les harmonise en une unité supérieure » (Benoît XVI, Homélie, 25 janvier 2006). Je le répète : « L’amour véritable n’annule pas les différences légitimes, mais les harmonise en une unité supérieure ». Vous savez qui a dit cela ? Vous le savez ? Le Pape Benoît XVI qui est en train de nous regarder et que nous allons applaudir, à qui nous envoyons un salut depuis ici. Il est en train de nous regarder grâce à la télévision, un salut, tous, tous avec les mains, au Pape Benoît. Au contraire, nous savons que le père du mensonge, le diable, préfère toujours un peuple divisé et qui se dispute, il est le maître de la division et il a peur d’un peuple qui apprend à travailler ensemble. Et cela est un critère pour distinguer les personnes : les constructeurs de ponts et les constructeurs de murs ; les constructeurs de murs qui, en semant la peur, cherchent à diviser et à effrayer les personnes. Vous, vous voulez être des constructeurs de ponts ; qu’est-ce que vous voulez être ? [Les jeunes répondent : « des constructeurs de ponts »]. Vous avez bien appris, ça me plaît. Vous nous enseignez que se rencontrer ne signifie pas s’imiter, ni penser tous la même chose ou vivre tous de la même manière faisant et répétant les mêmes choses, ça, ce sont les perroquets qui le font. Se rencontrer, c’est être capable d’autre chose, c’est entrer dans cette culture de la rencontre, c’est un appel et une invitation à oser garder vivant et ensemble un rêve commun. Nous avons de nombreuses différences, nous parlons des langues différentes, tous nous sommes différemment habillés, mais, s’il vous plaît, visons un rêve commun, et cela nous pouvons le faire, cela ne nous supprime pas, cela nous enrichit. Un grand rêve et un rêve capable d’abriter tout le monde. Ce rêve pour lequel Jésus a donné sa vie sur la croix et que l’Esprit Saint a répandu et a marqué au feu, le jour de la Pentecôte, dans le cœur de tout homme et de toute femme, dans le cœur de chacun de nous, dans le tien, dans le tien, dans le mien, également dans le tien, il l’a gravé dans l’attente de trouver de la place pour grandir et pour se développer. Un rêve, un rêve appelé Jésus semé par le Père, Dieu comme Lui – comme le Père –, envoyé par le Père, dans la confiance qu’il grandira et vivra en chaque cœur. Un rêve concret, qui est une personne, qui circule dans nos veines, qui fait frissonner le cœur et le fait danser chaque fois que nous l’écoutons : « Aimez-vous les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez- vous les uns les autres. A ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (Jn, 13, 34-35). Comment s’appelle notre rêve ? [Les jeunes répondent : Jésus] Je n’ai pas entendu … [Ils répètent : Jésus] Je n’ai pas entendu… [les jeunes répètent plus fort : Jésus]. Un saint de cette terre – écoutez ça – un saint de cette terre aimait dire : « Le christianisme n’est pas un ensemble de vérités qu’il faut croire, de lois qu’il faut respecter, ou d’interdictions. Le christianisme deviendrait ainsi repoussant. Le christianisme est une Personne qui m’a beaucoup aimé, qui réclame et demande mon amour. Le christianisme c’est le Christ » (cf. Saint Oscar Romero, Homélie, 6 novembre 1977). On le dit tous ensemble ? [Les jeunes répètent : le christianisme c’est le Christ] Une autre fois [les jeunes répètent : le christianisme c’est le Christ] C’est le Christ, c’est réaliser le rêve pour lequel il a donné sa vie : aimer du même amour dont il nous a aimés. Il ne nous a pas aimés à moitié, il ne nous a pas aimés un peu, il nous a aimés totalement, il nous a comblés tendresse, d’amour, il a donné sa vie. Nous nous demandons : Qu’est-ce qui nous maintient unis ? Pourquoi sommes-nous unis ? Qu’est-ce qui nous pousse à nous rencontrer ? Vous savez ce que c’est, ce qui nous maintient unis ? C’est l’assurance de savoir que nous avons été aimés, que nous avons été aimés d’un amour intime que nous ne pouvons pas ni ne voulons taire, un amour qui nous met au défi de répondre de la même manière : avec amour. C’est l’amour du Christ qui nous presse (cf. 2Co 5, 14). Vous voyez que l’amour qui nous unit est un amour qui ne “contraint” pas, qui n’écrase pas, c’est un amour qui ne marginalise pas, qui ne réduit pas au silence, un amour qui n’humilie pas ni n’asservit. C’est l’amour du Seigneur, un amour de tous les jours, discret et respectueux, amour de liberté et pour la liberté, amour qui guérit et qui relève. C’est l’amour du Seigneur qui apprend plus à redresser qu’à faire chuter, à réconcilier qu’à interdire, à donner de nouvelles chances qu’à condamner, à regarder l’avenir plus que le passé. C’est l’amour silencieux de la main tendue dans le service et le don de soi, c’est l’amour qui ne se vante pas, qui ne fait pas le paon, cet amour humble qui se donne aux autres toujours avec la main tendue, c’est cela l’amour qui nous unit aujourd’hui. Je te demande : Crois-tu en cet amour ? [Les jeunes répondent : oui] Je demande autre chose : Crois-tu que cet amour en vaut la peine ? [Les jeunes répondent : oui] Une fois, Jésus, à une personne qui avait posé une question, répond à la fin : Si tu crois, va, et fais de même. Je vous dis au nom de Jésus : Allez, et faites de même. N’ayez pas peur d’aimer, n’ayez pas peur de cet amour concret, de cet amour tendre, de cet amour qui est service, de cet amour qui dépense la vie. Et ce fut la même demande et la même invitation que reçut Marie. L’ange lui a demandé si elle voulait porter ce rêve dans ses entrailles, si elle voulait le faire vie, le faire chair. Marie avait l’âge de beaucoup d’entre vous, l’âge de beaucoup de filles comme vous. Et Marie a dit : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole » (Lc 1, 38). Fermons les yeux et, tous, pensons à Marie. Elle n’était pas stupide, elle savait ce qu’elle sentait dans son cœur, elle savait ce que c’est l’amour et elle a répondu : « Voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole. En ce court moment de silence, Jésus dit à chacun de vous, à toi, à toi, à toi, à toi, tu oses ? tu veux ? Pense à Marie et réponds : Je veux servir le Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole. Marie a osé dire “oui”. Elle a osé donner vie au rêve de Dieu. Et : c’est cela qu’il nous demande aujourd’hui : Veux-tu donner au rêve de Dieu chair avec tes mains, avec tes pieds, avec ton regard, avec ton cœur ? Veux-tu que l’amour du Père t’ouvre de nouveaux horizons et te conduise sur des chemins jamais pensés, jamais imaginés, rêvés ni espérés, qui réjouissent et fassent chanter et danser ton cœur ? Est-ce que nous osons dire à l’ange, comme Marie : Voici les serviteurs du Seigneur, qu’il en soit ainsi? Ne répondez pas maintenant, chacun répond dans son cœur. Il y a des questions auxquelles on répond seulement en silence. Chers jeunes : la chose la plus attendue avec espérance de ces Journées ne sera pas un document final, une lettre convenue ou un programme à exécuter. Ce ne sera pas ça. La chose la plus attendue de cette rencontre sera vos visages et une prière. C’est cela qui va donner de l’espérance. Le visage avec lequel vous retournerez à la maison, le cœur transformé avec lequel vous retournerez à la maison, la prière que vous avez apprise à dire avec ce cœur transformé. La chose la plus attendue avec espérance de cette rencontre ce seront vos visages, votre prière et chacun retournera chez lui avec la force nouvelle qui apparaît chaque fois que nous nous rencontrons et rencontrons le Seigneur, remplis de l’Esprit Saint pour rappeler et garder vivant ce rêve qui fait de nous des frères et que nous sommes invités à ne pas laisser geler dans le cœur du monde : là où nous nous rencontrons, faisant ce que nous sommes en train de faire, nous pouvons toujours lever les yeux et dire : Seigneur, apprends-moi à aimer comme toi tu nous a aimés – répétez-le avec moi – Seigneur apprend-moi à aimer comme toi tu nous a aimés. [Les jeunes répètent avec le Pape] Une autre fois. [Seigneur apprend-moi à aimer comme toi tu nous as aimés] Plus fort, vous êtes enroués. [Seigneur apprend-moi à aimer comme toi tu nous as aimés]. Bien. Et comme nous voulons être bons et bien élevés, nous ne pouvons pas terminer cette rencontre sans remercier. Merci à tous ceux qui ont préparé avec beaucoup d’enthousiasme ces Journées Mondiales de la Jeunesse, tout cela. Un grand merci. Merci d’oser organiser et accueillir, de dire “oui” au rêve de Dieu de voir ses enfants réunis. Merci Mgr Ulloa et à toute votre équipe pour aider à ce que le Panama soit aujourd’hui non seulement un canal qui unit les mers, mais aussi un canal où le rêve de Dieu continue de trouver des voies pour grandir, se multiplier et se répandre dans tous les recoins de la terre. Chers amis, Que Jésus vos bénisse, je vous le souhaite de tout cœur. Que Santa Maria la Antigua vous accompagne et vous garde, afin que nous soyons capables de dire sans crainte, comme elle : « Je suis là. Qu’il en soit ainsi». Merci. Chemin de croix vendredi 25 janvier
Chers jeunes du monde !
Marcher avec Jésus sera toujours une grâce et un risque. Une grâce parce que cela nous engage à vivre dans la foi et à le connaître, en entrant plus profondément dans son cœur, en comprenant la force de ses paroles. Un risque, parce qu’en Jésus, ses paroles, ses gestes, ses actions, sont en contradiction avec l’esprit du monde, avec l’ambition humaine, avec les propositions d’une culture du rejet et du manque d’amour. Il y a une certitude qui emplit d’espérance ce chemin de croix : Jésus l’a parcouru avec amour. Et il l’a également vécu avec la Vierge glorieuse, celle qui depuis le commencement de l’Église a voulu soutenir avec sa tendresse le chemin de l’évangélisation.
Prière du pape François
Seigneur, Père de miséricorde, sur cette Bande Côtière, aux côtés d’un grand nombre de jeunes venus du monde entier, nous avons accompagné ton Fils sur le chemin de la croix ; ce chemin qu’il a voulu parcourir pour nous, pour nous montrer combien tu nous aimes et à quel point tu es engagé pour nos vies. Le chemin de Jésus vers le Calvaire est un chemin de souffrance et de solitude qui se poursuit de nos jours. Il marche et il souffre en tant de visages qui souffrent de l’indifférence satisfaite et anesthésiante de notre société, une société qui consomme et se consume, qui ignore et néglige la douleur de ses frères. Nous aussi, tes amis Seigneur, nous nous laissons prendre par l’indifférence et l’immobilisme. Les fois ne manquent pas où le conformisme nous a gagnés et nous a paralysés. Il a été difficile de te reconnaître dans le frère souffrant : nous avons détourné le regard, pour ne pas le voir ; nous avons trouvé refuge dans le bruit, pour ne pas l’entendre ; nous avons fermé la bouche, pour ne pas crier. Toujours la même tentation. Il est plus facile et plus « payant » d’être amis dans les victoires et dans la gloire, dans le succès et sous les applaudissements ; il est plus facile d’être proche de celui qui est considéré comme populaire et vainqueur. Comme il est facile de tomber dans la culture du bullying, du harcèlement et de l’intimidation, de l’acharnement sur celui qui est faible. Pour toi ce n’est pas comme ça Seigneur, sur la croix tu t’identifies à toutes les souffrances, à tous ceux qui se sentent oubliés. Pour toi ce n’est pas ainsi Seigneur, tu as voulu embrasser tous ceux que nous considérons souvent ne pas être dignes d’une embrassade, d’une caresse, d’une bénédiction ; ou, plus grave encore, ceux dont nous ne réalisons pas qu’ils en ont besoin, ceux que nous ignorons. Pour toi ce n’est pas ainsi Seigneur, sur la croix tu rejoins le chemin de croix de chaque jeune, de chaque situation pour la transformer en chemin de résurrection. Père, aujourd’hui le chemin de croix de ton Fils se prolonge : Il se prolonge dans le cri étouffé des enfants que l’on empêche de naître, de tant d’autres qui se voient refuser le droit d’avoir une enfance, une famille, une éducation ; dans les enfants qui ne peuvent pas jouer, chanter, rêver… Il se prolonge dans les femmes maltraitées, exploitées et abandonnées, dépossédées et niées dans leur dignité; Et dans les yeux tristes des jeunes qui voient leurs espérances d’avenir confisquées par le manque d’éducation et de travail digne ; Il se prolonge dans la détresse des visages de jeunes, nos amis qui tombent dans les réseaux de personnes sans scrupules – et parmi elles se trouvent également des personnes qui disent te servir, Seigneur – réseaux d’exploitation, de criminalité et d’abus, qui se nourrissent de leurs vies. Le chemin de croix de ton Fils se prolonge dans de nombreux jeunes et de nombreuses familles qui, engloutis par une spirale de mort à cause de la drogue, de l’alcool, de la prostitution et du trafic, sont privés non seulement d’avenir mais aussi de présent. Et, comme ont été partagés tes vêtements, Seigneur, leur dignité s’est retrouvée éparpillée et maltraitée. Le chemin de croix de ton Fils se prolonge dans les jeunes aux visages renfrognés qui ont perdu la capacité de rêver, de créer et d’inventer les lendemains et qui « prennent leur retraite » avec l’ennui de la résignation et le conformisme, une des drogues les plus consommées de notre temps. Il se prolonge dans la souffrance cachée et révoltante de ceux qui, au lieu de la solidarité de la part d’une société d’abondance, trouvent le rejet, la douleur et la misère, et en plus sont identifiés et traités comme les porteurs et les responsables de tout le mal social. La passion de ton Fils se prolonge dans la solitude résignée des personnes âgées, que nous laissons abandonnées et rejetées. Il se prolonge dans les peuples autochtones, que l’on prive de leurs terres, de leurs racines et de leur culture, en réduisant au silence et en éteignant toute la sagesse qu’ils ont et qu’ils peuvent nous apporter. Père, le chemin de croix de ton Fils se prolonge dans le cri de notre mère la terre, qui est blessée dans ses entrailles par la pollution de son ciel, par la stérilité de ses champs, par la saleté de ses eaux, et qui se voit bafouée par l’indifférence et la consommation effrénée qui dépasse toute raison. Il se prolonge dans une société qui a perdu la capacité de pleurer et de s’émouvoir face à la souffrance. Oui, Père, Jésus continue à marcher, portant tous ces visages et souffrant en eux, tandis que le monde, indifférent, et dans un confortable cynisme, consomme le drame de sa propre frivolité. Et nous, Seigneur, que faisons-nous ? Comment réagissons-nous devant Jésus qui souffre, qui marche, qui émigre sur le visage de tant de nos amis, de tant d’étrangers que nous avons appris à rendre invisibles. Et nous, Père de miséricorde, Consolons-nous et accompagnons-nous le Seigneur, abandonné et souffrant, dans les plus petits et les plus délaissés ? L’aidons-nous à porter le poids de la croix, comme le Cyrénéen, en étant acteurs de paix, créateurs d’alliances, ferments de fraternité ? Avons-nous le courage de rester au pied de la croix comme Marie ? Contemplons Marie, femme forte. D’elle nous voulons apprendre à rester debout à côté de la croix. Avec la même détermination et le même courage, sans dérobades et sans illusions. Elle a su accompagner la souffrance de son Fils, ton Fils ; le soutenir dans le regard et le protéger avec le cœur. Douleur qu’elle a subie, mais qui ne lui a pas fait baisser les bras. Elle a été la femme forte du « oui », qui soutient et accompagne, protège et prend dans ses bras. Elle est la grande gardienne de l’espérance. Nous aussi, Père, nous voulons être une Église qui soutient et qui accompagne, qui sait dire : « Je suis ici ! » dans la vie et dans les croix de tant de christs qui marchent à nos côtés. De Marie nous apprenons à dire « oui » à la patience endurante et constante de tant de mères, de pères, de grands-parents qui n’arrêtent pas de soutenir et d’accompagner leurs enfants et leurs petits-enfants quand « ils ne vont pas dans la bonne direction ». D’elle nous apprenons à dire « oui » à la patience obstinée et à la créativité de ceux qui ne sont pas affaiblis et qui recommencent dans des situations où il semble que tout est perdu, en cherchant à créer des espaces, des foyers, des centres d’attention qui soient une main tendue dans la difficulté. En Marie nous apprenons la force de dire « oui » à ceux qui ne se sont pas tus et qui ne se taisent pas face à une culture de la maltraitance et de l’abus, du dénigrement et de l’agression et qui travaillent pour offrir des possibilités et des conditions de sécurité et de protection. En Marie nous apprenons à recevoir et à accueillir tous ceux qui ont souffert de l’abandon, qui ont dû quitter ou perdre leur terre, leurs racines, leurs familles, leur travail. Père, comme Marie nous voulons être une Église, l’Eglise qui favorise une culture qui sait accueillir, protéger, promouvoir et intégrer ; qui ne stigmatise pas et surtout qui ne généralise pas, par la condamnation la plus absurde et la plus irresponsable, en identifiant tout migrant comme porteur du mal social. D’elle nous voulons apprendre à rester debout à côté de la croix, mais non pas avec un cœur blindé et fermé, mais avec un cœur qui sait accompagner, qui connaît la tendresse et le dévouement ; qui comprend ce qu’est la miséricorde en abordant avec révérence, délicatesse et compréhension. Nous voulons être une Eglise de la mémoire qui respecte et valorise les anciens et qui défend la place qu’ils ont comme gardiens de nos racines. Père, comme Marie nous voulons apprendre à « être là ». Enseigne-nous Seigneur à être présent au pied de la croix, au pied des croix ; réveille cette nuit nos yeux, notre cœur ; sauve-nous de la paralysie et de la confusion, de la peur et du désespoir. Père, apprends-nous à dire : ici je suis avec ton Fils, avec Marie et avec tant de disciples aimés qui veulent accueillir ton Règne dans le cœur. Amen.
Paroles après le Chemin de Croix
Après avoir vécu la Passion du Seigneur, avec Marie au pied de la croix, nous partons avec le cœur silencieux et en paix, heureux et avec un grand désir de suivre Jésus. Que Jésus vous accompagne et que la Vierge vous protège. Au revoir ! Homélie du pape François à la cathédrale de Panama le 26 janvier (…) « Là se trouvait le puits de Jacob. Jésus, fatigué par la route, s’était donc assis près de la source. C’était la sixième heure, environ midi. Arrive une femme de Samarie, qui venait puiser de l’eau. Jésus lui dit : « Donne-moi à boire. » » (Jn 4,6-7). L’évangile que nous avons écouté n’hésite pas à nous présenter Jésus fatigué de marcher. A midi, quand le soleil se fait sentir avec toute sa force et sa puissance, nous le trouvons près du puits. Il avait besoin d’apaiser et d’étancher sa soif, de vivre une étape, de récupérer des forces pour continuer la mission. Les disciples ont vécu au premier plan ce que signifiaient le don et la disponibilité du Seigneur pour porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, panser les cœurs blessés, proclamer la libération des captifs et la liberté des prisonniers, consoler ceux qui étaient en deuil et proclamer une année de grâce à tous (cf. Is 61,1-3). Ce sont toutes les situations qui te prennent la vie et l’énergie ; et ils « ne se sont pas ménagés » pour nous offrir tant de moments importants dans la vie du Maître, où notre humanité peut aussi trouver une parole de Vie. Fatigué par la route Il est relativement facile pour notre imagination, compulsivement productive, de contempler et d’entrer en communion avec l’activité du Seigneur, mais nous ne savons pas toujours, ou nous ne pouvons pas toujours contempler et accompagner les « fatigues du Seigneur », comme si elles n’étaient pas l’affaire de Dieu. Le Seigneur s’est fatigué et dans cette fatigue trouvent place tant de fatigues de nos populations et de notre peuple, de nos communautés et de tous ceux qui sont épuisés et accablés (cf. Mt 11,28). Les causes et les motifs qui peuvent provoquer la fatigue du chemin en nous prêtres, personnes consacrées, membres des mouvements laïcs, sont multiples : depuis les longues heures de travail qui laissent peu de temps pour manger, se reposer et être en famille, jusqu’aux conditions « nocives » de travail et d’affectivité qui conduisent à l’épuisement et brisent le cœur ; depuis le simple et quotidien don de soi jusqu’au poids routinier de celui qui ne trouve plus le goût, la reconnaissance ou la subsistance nécessaire pour faire face au jour le jour ; depuis les habituelles et prévisibles situations compliquées jusqu’aux stressantes et angoissantes heures de pression. Toute une gamme de poids à supporter. Il serait impossible de vouloir couvrir toutes les situations qui brisent la vie des personnes consacrées, mais nous ressentons dans toutes ces situations la nécessité urgente de trouver un puits qui puisse soulager et étancher la soif et la fatigue du chemin. Toutes réclament, comme un cri silencieux, un puits d’où repartir à nouveau. A ce sujet, depuis quelque temps, semble s’être souvent installée dans nos communautés une subtile espèce de fatigue, qui n’a rien à voir avec la fatigue du Seigneur. Il s’agit d’une tentation que nous pourrions appeler la lassitude de l’espérance. Cette lassitude qui surgit quand – comme dans l’évangile – le soleil tombe comme du plomb et rend les heures ennuyeuses, et qui le fait avec une intensité telle qu’elle ne permet pas d’avancer ni de regarder en avant. Comme si tout devenait confus. Je ne me réfère pas à la « certaine peine du cœur » (cf. Lett. enc. Redemptoris Mater, 17; Exhort. ap. Evangelii gaudium, n.287) de ceux qui « sont brisés » par le don, à la fin de la journée, et qui parviennent à exprimer un sourire serein et reconnaissant; mais à cette autre fatigue, celle qui naît face à l’avenir quand la réalité « gifle » et met en doute les forces, les moyens et la possibilité de la mission en ce monde tellement changeant et qui interroge. C’est une lassitude paralysante. Elle naît du fait de regarder en avant et de ne pas savoir comment réagir face à l’intensité et à la perplexité des changements que, comme société, nous traversons. Ces changements semblent non seulement interroger nos formes d’expression et d’engagement, nos habitudes et nos attitudes face à la réalité, mais ils mettent en question, dans de nombreux cas, la possibilité même de la vie religieuse dans le monde d’aujourd’hui. Et même la rapidité de ces changements peut conduire à paralyser toute option et toute opinion et, ce qui a été significatif et important en d’autres temps semble maintenant ne plus avoir lieu d’être. Cette lassitude de l’espérance naît du constat d’une Eglise blessée par son péché et qui si souvent n’a pas su écouter tant de cris dans lesquels se cachait le cri du Maître : « Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mt 27,46). Ainsi nous pouvons nous habituer à vivre avec une espérance fatiguée face à l’avenir incertain et inconnu, et cela laisse de la place pour que s’installe un pragmatisme gris dans le cœur de nos communautés. Tout semble apparemment avancer normalement, mais en réalité la foi s’épuise et dégénère. Déçus par la réalité que nous ne comprenons pas ou dont nous croyons qu’elle n’a plus de place pour notre proposition, nous pouvons donner le « droit de cité » à l’une des pires hérésies possibles de notre époque : penser que le Seigneur et nos communautés n’ont rien à dire et à apporter à ce monde nouveau qui est en gestation (cf. Exhort. Ap. Evangelii gaudium, n.83). Et puis il arrive que ce qui un jour a surgi pour être le sel et la lumière du monde finisse par offrir sa pire version. Donne-moi à boire Les fatigues du chemin arrivent et se font sentir. Que cela plaise ou non, elles sont, et c’est bon d’avoir le même courage que celui qu’a eu le Maître pour dire : « donne-moi à boire ». Comme cela est arrivé à la Samaritaine et peut nous arriver, à chacun de nous, nous ne voulons pas apaiser la soif avec une eau quelconque mais avec « la source d’eau jaillissant pour la vie éternelle » (Jn 4,14). Nous savons, comme le savait bien la Samaritaine qui portait depuis des années des cruches vides d’amours ratés, que n’importe quelle parole ne peut pas aider à récupérer les forces et la prophétie dans la mission. Aucune nouveauté, aussi séduisante qu’elle puisse paraître, ne peut apaiser la soif. Nous savons, comme elle le savait bien, que le savoir religieux, la justification d’options déterminées et des traditions passées ou présentes, ne nous rendent pas non plus toujours féconds, ni ne font de nous de passionnés « adorateurs en esprit et en vérité » (Jn 4,23). « Donne-moi à boire », c’est ce que demande le Seigneur et ce qu’il nous demande de dire. En le disant, nous ouvrons la porte à notre espérance fatiguée pour revenir sans peur au puits fondateur du premier amour, quand Jésus est passé sur notre chemin, nous a regardés avec miséricorde, nous a demandé de le suivre ; en le disant, nous retrouvons la mémoire de ce moment où son regard a croisé le nôtre, ce moment où il nous a fait sentir qu’il nous aimait, et non seulement de manière personnelle mais également comme communauté (cf. Homélie de la Vigile pascale, 19 avril 2014). C’est revenir sur nos pas et, dans la fidélité créative, écouter comment l’Esprit n’a pas engendré une œuvre ponctuelle, un plan pastoral ou une structure à organiser mais comment, par le moyen de tant de « saints de la porte d’à côté » – parmi ceux-là nous trouvons les pères et les mères fondateurs de vos instituts, les évêques et les curés qui ont su poser le fondement de vos communautés –, il a donné la vie et l’oxygène à un contexte historique déterminé qui semblait étouffer et écraser toute espérance et toute dignité. « Donne-moi à boire » signifie encourager à laisser purifier et sauver la part la plus authentique de nos charismes fondateurs – qui ne se réduisent pas seulement à la vie religieuse mais qui concernent toute l’Église – et voir comment ils peuvent être exprimés aujourd’hui. Il s’agit non seulement de regarder le passé avec reconnaissance mais aussi de rechercher les racines de son inspiration et de les laisser résonner à nouveau, avec force parmi nous (cf. Pape François – Fernando Prado, La force de la vocation, p. 43). « Donne-moi à boire » signifie reconnaître que nous avons besoin que l’Esprit nous transforme en hommes et en femmes qui se souviennent d’un passage, le passage salvifique de Dieu. Et confiants que, comme il l’a fait hier, ainsi il continuera de le faire demain : « aller à la racine nous aide, sans aucun doute, à bien vivre le présent, sans avoir peur. Il faut vivre sans peur, en répondant à la vie avec la passion d’être engagés dans l’Histoire, impliqués. C’est une passion amoureuse, […] » (cf. Ibid., p. 45). L’espérance fatiguée sera guérie et jouira de cette « certaine peine du cœur », à partir du moment où l’on n’a pas peur de revenir au premier amour et de réussir à trouver, dans les périphéries et les défis qui aujourd’hui se présentent à nous, le même chant, le même regard qui ont suscité le chant et le regard de nos aînés. Ainsi nous éviterons le risque de partir de nous-mêmes et nous abandonnerons l’épuisant auto-apitoiement pour trouver le regard avec lequel le Christ aujourd’hui continue de nous chercher, de nous appeler et de nous inviter à la mission. * * * Cela ne me semble pas être un évènement mineur que la réouverture des portes de cette Cathédrale après une longue période de rénovation. Elle a connu le passage des années, comme témoin fidèle de l’histoire de ce peuple, et avec l’aide et le travail de beaucoup, elle a voulu offrir à nouveau sa beauté. Plus qu’une restauration classique, qui souvent essaie de revenir au passé original, on a cherché à préserver la beauté des années, en étant ouvert à l’accueil de toute la nouveauté que le présent pouvait lui offrir. Une Cathédrale espagnole, indienne et afro-américaine devient ainsi une Cathédrale panaméenne, de ceux qui hier mais également de ceux qui aujourd’hui l’ont rendu possible. Elle n’appartient plus seulement au passé, mais elle est la beauté du présent. Aujourd’hui c’est une fois de plus un tournant qui conduit à renouveler et à alimenter l’espérance, à découvrir comment la beauté d’hier devient un fondement pour construire la beauté de demain. Ainsi agit le Seigneur. Frères et sœurs, ne nous laissons pas voler la beauté que nous avons héritée de nos pères, qu’elle soit la racine vivante et féconde qui nous aide à continuer à rendre belle et prophétique l’histoire du salut sur ces terres.
Discours préparé par le pape François samedi soir
Chers jeunes, bonsoir! Nous avons regardé ce beau spectacle sur l’Arbre de Vie qui nous montre comment la vie que Jésus nous offre est une histoire d’amour, une histoire de vie qui veut se mêler à la nôtre et plonger ses racines dans la terre de chacun. Cette vie n’est pas un salut suspendu “dans les nuages” attendant d’être déversé, ni une “application” nouvelle à découvrir, ni un exercice mental fruit de techniques de dépassement de soi. Elle n’est pas non plus un “tutoriel” avec lequel on apprendrait la dernière nouveauté. Le salut que le Seigneur nous offre est une invitation à faire partie d’une histoire d’amour qui se tisse avec nos histoires; qui vit et veut naître parmi nous pour que nous donnions du fruit là où nous sommes, comme nous sommes et avec qui nous sommes. C’est là que le Seigneur vient planter et se planter; il est le premier à dire “oui” à notre vie, à notre histoire, et il veut que nous aussi disions “oui” avec lui. Il a de cette manière surpris Marie et il l’a invitée à faire partie de cette histoire d’amour. Bien sûr, la jeune de Nazareth ne sortait pas sur les “réseaux sociaux” de l’époque, elle n’était pas une “influenceur”, mais sans le demander ni le rechercher, elle est devenue la femme qui a le plus influencé l’histoire. Marie, l’“influencer” de Dieu. En peu de mots elle a osé dire “oui” et faire confiance à l’amour et aux promesses de Dieu, seule force capable de rendre toutes choses nouvelles. Le force du “oui” de cette jeune attire toujours l’attention, son “qu’il en soit ainsi” dit à l’ange. Ce fut une chose différente d’une acceptation passive ou résignée, d’un “oui” voulant dire: on verra bien ce qui va se passer. Ce fut quelque chose de plus, quelque chose de différent. Ce fut le “oui” de celle qui veut s’engager et risquer, de celle qui veut tout parier, sans autre sécurité que la certitude de savoir qu’elle était porteuse d’une promesse. Elle aura, sans doute, une mission difficile, mais les difficultés n’étaient pas une raison pour dire “non”. Elle aura des difficultés, certainement, mais ce ne seront pas les mêmes difficultés qui apparaissent quand la lâcheté nous paralyse du fait que tout n’est pas clair ni assuré par avance. Le “oui” et les envies de servir ont été plus forts que les doutes et les difficultés. Ce soir aussi, nous écoutons comment le “oui” de Marie fait écho et se multiplie de génération en génération. Beaucoup de jeunes, à l’exemple de Marie, risquent et parient guidés par une promesse. Merci Erika et Rogelio pour le témoignage que vous nous avez offert. Vous avez partagé vos craintes, vos difficultés et le risque vécu à la naissance de votre fille Inés. Vous avez dit à un moment: «A nous parents, en diverses circonstances, il en coûte d’accepter l’arrivée d’un bébé qui a une maladie ou un handicap», cela est certain et compréhensible. Mais le plus surprenant est lorsque vous avez ajouté: «A la naissance de notre fille, nous avons décidé de l’aimer de tout notre cœur». Avant son arrivée, face à toutes les annonces et les difficultés qui apparaissaient, vous avez pris une décision et avez dit comme Marie: «Qu’il en soit ainsi», vous avez décidé de l’aimer. Devant la vie de votre fille fragile, sans défense et dans le besoin, la réponse a été un “oui” et là nous avons Inès. Vous avez cru que le monde n’est pas seulement pour les forts! Dire “oui” au Seigneur, c’est oser embrasser la vie comme elle vient, avec toute sa fragilité, sa petitesse et, souvent, avec toutes ses contradictions et ses insignifiances, du même amour dont Erika et Rogelio nous ont parlé. C’est embrasser notre patrie, nos familles, nos amis tels qu’ils sont, aussi avec leurs fragilités et petitesses. Embrasser la vie se manifeste aussi quand nous accueillons tout ce qui n’est pas parfait, pur ou distillé, mais non pas moins digne d’amour. Une personne, n’est-elle pas digne d’amour parce qu’elle est handicapée ou fragile? Une personne n’est-elle pas digne d’amour parce qu’elle est étrangère, parce qu’elle s’est trompée, parce qu’elle est malade ou en prison? Jésus a fait ainsi: il a embrassé le lépreux, l’aveugle et le paralytique, il a embrassé le pharisien et le pécheur. Il a embrassé le larron sur la croix et il a même embrassé et pardonné à ceux qui le crucifiaient. Pourquoi? Parce que seul celui qui aime peut être sauvé. Seul celui qui embrasse peut être transformé. L’amour du Seigneur est plus grand que toutes nos contradictions, nos fragilités et nos petitesses, mais c’est précisément à travers nos contradictions, nos fragilités et nos petitesses qu’il veut écrire cette histoire d’amour. Il a embrassé le fils prodigue, il a embrassé Pierre après son reniement et il nous embrasse toujours, toujours, après nos chutes, en nous aidant à nous relever et nous remettre sur pieds. Parce que la véritable chute, celle qui est capable de ruiner notre vie, c’est de rester à terre et ne pas se laisser aider. Qu’il est difficile, souvent, de comprendre l’amour de Dieu! Mais, quel don c’est de savoir que nous avons un Père qui nous embrasse au-delà de toutes nos imperfections! Le premier pas consiste à ne pas avoir peur de recevoir la vie comme elle vient, d’embrasser la vie ! Merci Alfred pour ton témoignage et pour le courage de l’avoir partagé avec nous tous. J’ai été très impressionné quand tu as dit: «J’ai commencé à travailler dans le bâtiment jusqu’à ce que tel projet se termine. Sans emploi, les choses ont pris une autre couleur: sans école, sans occupation et sans travail». Je le résume dans les quatre “sans” qui rendent notre vie sans racines et la dessèche: sans travail, sans éducation, sans communauté, sans famille. Il est impossible que quelqu’un grandisse s’il n’a pas de racines fortes qui aident à être bien soutenu et enraciné dans la terre. Il est facile de “se faire exploser”, quand il n’y a pas de lieu pour se fixer. Cela c’est une question que nous, les aînés, sommes obligés de nous poser, et plus encore, c’est une question que vous aurez à nous poser et à laquelle nous aurons le devoir de répondre: quelles racines nous donnons-vous, quels fondements, pour vous construire, nous fournissons-vous? Combien il est facile de critiquer les jeunes et de passer son temps à murmurer, si nous vous privons des opportunités de travail, éducatives et communautaires auxquelles vous raccrocher et rêver l’avenir. Sans éducation il est difficile de rêver l’avenir, sans travail, il est très difficile de rêver l’avenir, sans famille ni communauté il est quasi impossible de rêver l’avenir. Parce que rêver l’avenir, c’est apprendre non seulement pour quoi je vis, mais aussi pour qui je vis, pour qui il vaut la peine de dépenser la vie. Comme nous le disait Alfred, quand quelqu’un décroche et reste sans travail, sans éducation, sans communauté et sans famille, à la fin de la journée on se sent vide et on termine en remplissant ce vide avec n’importe quoi. Parce que nous ne savons pas encore pour qui vivre, lutter, aimer. Je me rappelle une fois en bavardant avec des jeunes, l’un d’eux me demanda: Père, pourquoi aujourd’hui beaucoup de jeunes ne se demandent pas si Dieu existe ou pourquoi il leur est difficile de croire en lui et pourquoi ils n’ont pas beaucoup d’engagements dans la vie? Je leur ai répondu: et vous, qu’en pensez-vous? Parmi les réponses qui furent données dans la conversation, je me souviens d’une qui m’a touché au cœur et qui a rapport avec l’expérience qu’Alfred a partagée: “c’est parce que beaucoup d’entre eux sentent que, peu à peu, ils cessent d’exister pour les autres, ils se sentent souvent invisibles”. C’est la culture de l’abandon et du manque de considération. Je ne dis pas tous, mais beaucoup sentent qu’ils n’ont pas beaucoup ou rien à apporter, parce qu’ils n’ont pas de véritables espaces où ils se sentent appelés. Comment vont-ils penser que Dieu existe, s’il y a longtemps qu’ils ont cessé d’exister pour leurs frères? Nous le savons bien, il ne suffit pas d’être toute la journée connecté pour se sentir reconnu et aimé. Se sentir considéré et invité à quelque chose est plus important qu’être “sur le réseau”. Cela signifie trouver des espaces où ils peuvent avec leurs mains, avec leur cœur et avec leur tête se sentir faire partie d’une communauté plus grande qui a besoin d’eux et qui a aussi besoin de vous. Cela, les saints l’ont très bien compris. Je pense par exemple à Don Bosco qui n’est pas allé chercher les jeunes en des lieux lointains ou particuliers, mais qui a appris à voir tout ce qui se passait dans la ville avec les yeux de Dieu et, ainsi, il a été touché par des centaines d’enfants et de jeunes abandonnés sans études, sans travail et sans la main amie d’une communauté. Beaucoup vivaient dans la même ville, beaucoup critiquaient ces jeunes, mais ils ne savaient pas les regarder avec les yeux de Dieu. Lui l’a fait, et il osé faire le premier pas: embrasser la vie comme elle se présente et, à partir de là, il n’a pas eu peur de faire le second pas : créer avec eux une communauté, une famille où, avec le travail et l’étude, ils se sentent aimés. Leur donner des racines où se fixer pour qu’ils puissent parvenir au ciel. Je pense à beaucoup de lieux de notre Amérique Latine qui promeuvent ce qu’on appelle la grande famille foyer du Christ qui, avec le même esprit que celui de la Fondation Jean Paul II dont nous parlait Alfred et de beaucoup d’autres centres, cherchent à recevoir la vie comme elle vient dans sa totalité et sa complexité, parce qu’ils savent qu’«il y a pour l’arbre un espoir: une fois coupé, il peut verdir encore et les jeunes pousses ne lui feront pas défaut» (Jb, 14, 7). Et toujours on peut “reverdir et donner de jeunes pousses” quand il y a une communauté, la chaleur d’un foyer où prendre racine, qui donne la confiance nécessaire et prépare le cœur à découvrir un nouvel horizon: horizon d’enfant aimé, cherché, rencontré et donné à une mission. C’est par le moyen de visages concrets que le Seigneur se rend présent. Dire: “oui” à cette histoire d’amour, c’est dire “oui” au fait d’être des instruments pour construire, dans nos quartiers, des communautés ecclésiales capables de se promener dans la ville, d’embrasser et de tisser de nouvelles relations. Être un “influenceur” au XXIème siècle, c’est être gardien des racines, gardien de tout ce qui empêche que notre vie devienne évanescente, s’évapore dans le rien. Soyez des gardiens de tout ce qui nous permet de nous sentir partie les uns des autres. Que nous nous appartenons. C’est ainsi que l’a vécu Nirmeen, lors des JMJ de Cracovie. Elle a rencontré une communauté vivante, joyeuse, qui est sortie à sa rencontre, qui lui a donnée une appartenance et lui a permis de vivre la joie qu’implique être rencontrée par Jésus. Une fois, un saint s’est demandé: «Le progrès de la société, consistera-t-il seulement à parvenir à posséder la dernière voiture ou acquérir la dernière technique du marché? Est-ce en cela que se résume la grandeur de l’homme? N’y a-t-il rien d’autre que de vivre pour cela? (cf. Saint Alberto Hurtado, Meditación de Semana Santa para jóvenes, 1946). Je vous demande: c’est là votre grandeur? Vous n’avez été créés pour rien d’autre? Marie l’a compris et a dit: Qu’il en soit ainsi! Erika et Rogelio l’ont compris et ils ont dit: qu’il en soit ainsi! Alfredo l’a compris et a dit: qu’il en soit ainsi! Nirmeen l’a compris et a dit: qu’il en soit ainsi! Chers amis, je vous demande: êtes-vous disposés à dire “oui”? L’Évangile nous apprend que le monde ne sera pas meilleur, parce qu’il y aurait moins de personnes malades, faibles, fragiles ou âgées dont il faut s’occuper, pas même parce qu’il y aurait moins de pécheurs. Mais il sera meilleur quand plus nombreuses seront les personnes qui, comme ces amis, seront prêts et oseront concevoir demain et croire en la force transformatrice de l’amour de Dieu. Voulez-vous être “influencer” à la manière de Marie qui a osé dire qu’«il en soit ainsi»? Seul l’amour nous rend plus humains, plus complets, tout le reste sont des placebos, bons mais vides. Dans un moment, nous allons rencontrer Jésus vivant dans l’adoration eucharistique. Je suis certain que vous aurez beaucoup de choses à lui dire, à lui raconter sur les situations diverses de vos vies, de vos familles et de vos pays. Devant lui, face à face, n’ayez pas peur de lui ouvrir votre cœur, qu’il renouvelle le feu de son amour, qu’il vous pousse à embrasser la vie avec toute sa fragilité et sa petitesse, mais aussi avec toute sa grandeur et sa beauté. Qu’il vous aide à découvrir la beauté d’être vivants. N’ayez pas peur de lui dire que vous aussi, voulez prendre part à son histoire d’amour dans le monde, que vous pouvez faire plus! Chers amis, je vous demande aussi que, dans ce face à face avec Jésus, vous priez pour moi pour que je n’ai pas, moi non plus, peur d’embrasser la vie, que je garde les racines et dise comme Marie: qu’il me soit fait selon ta parole!
Homélie du pape François dimanche 27
« Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui. Alors il se mit à leur dire : Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre » (Lc 4, 20- 21). L’Évangile nous présente ainsi le commencement de la mission publique de Jésus. Cela a lieu dans la synagogue qui l’a vu grandir, il est entouré de connaissances et de voisins et peut-être même quelques-uns des catéchistes de son enfance qui lui ont enseigné la loi. Un moment important de la vie du Maître, où l’enfant qui s’est formé et a grandi au sein de cette communauté, se lève et prend la parole pour annoncer et mettre en œuvre le rêve de Dieu. Une parole proclamée jusque-là seulement comme une promesse d’avenir, mais qui, dans la bouche de Jésus seul peut être dite au présent, devenant réalité : « Aujourd’hui s’accomplit ». Jésus révèle l’heure de Dieu qui sort à notre rencontre pour nous appeler à prendre part à son heure de « porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur » (Lc 4, 18-19). C’est l’heure de Dieu qui, avec Jésus, se rend présent, se fait visage, chair, amour de miséricorde qui n’attend pas de situations idéales ou parfaites pour sa manifestation, ni n’accepte d’excuses pour sa réalisation. Lui, il est le temps de Dieu qui rend juste et approprié chaque situation et chaque espace. En Jésus, l’avenir promis commence et prend vie. Quand ? Maintenant. Mais tous ceux qui, là, l’écoutaient ne se sont pas sentis invités ni convoqués. Tous les habitants de Nazareth n’étaient pas prêts à croire en quelqu’un qu’ils connaissaient et avaient vu grandir et qui les invitait à mettre en œuvre un rêve tant espéré. Même, « ils se disaient : « N’est-ce pas là le fils de Joseph ? » (Lc 4, 22). Il peut se passer aussi la même chose pour nous. Nous ne croyons pas toujours que Dieu peut être si concret et si quotidien, si proche et si réel, et encore moins qu’il se rend si présent et agissant à travers une personne connue, comme peut l’être un voisin, un ami, un parent. Nous ne croyons pas toujours que le Seigneur peut nous inviter à travailler et à nous salir les mains avec lui pour son royaume, de manière si simple mais si forte. Il en coûte d’accepter que « l’amour divin devient concret et presque tangible dans l’histoire avec tous ses événements amers et glorieux » (Benoît XVI, Audience générale, 28 septembre 2005). Les fois sont nombreuses où nous nous comportons comme les habitants de Nazareth et préférons un Dieu à distance : beau, bon, généreux, mais à distance et qui ne gêne pas. Car un Dieu proche et quotidien, ami et frère, nous demande de tirer les enseignements en terme de proximité, de vie quotidienne et surtout de fraternité. Il n’a pas voulu se manifester de manière angélique ou spectaculaire, mais il a voulu nous offrir un visage fraternel, amical, concret, familier. Dieu est réel parce que l’amour est réel, Dieu est concret parce que l’amour est concret. Et, justement, ce « caractère concret de l’amour constitue l’un des éléments essentiels de la vie des chrétiens » (Benoît XVI, Homélie, 1er mars 2006). Nous pouvons aussi courir les mêmes risques que les habitants de Nazareth, quand, dans nos communautés, l’Évangile veut se faire vie concrète et que nous commençons à dire “mais ces garçons-là ne sont pas enfants de Marie, José, ils ne sont pas les frères de… ceux-là ne sont pas les jeunes que nous aidons à grandir… Lui là-bas, n’est-il pas celui qui cassait toujours les vitres avec sa balle”. Et ce qui est né pour être prophétie et annonce du Royaume de Dieu finit enchaîné et appauvri. Vouloir enchaîner la parole de Dieu est chose quotidienne. Et même vous, chers jeunes, il peut vous arriver la même chose chaque fois que vous pensez que votre mission, votre vocation, que même votre vie est une promesse seulement pour l’avenir et n’a rien à voir avec votre présent. Comme si être jeune était synonyme de salle d’attente de celui qui attend son heure. Et dans l’”entre-temps” nous vous inventons ou vous vous inventez un avenir hygiéniquement bien emballé et sans conséquences, bien armé et garanti, tout “bien assuré”. C’est la “fiction” de la joie. De cette manière nous vous “tranquillisons” et nous vous endormons, pour que vous ne fassiez pas de bruit, pour que vous ne vous demandiez pas ni ne demandiez, pour que vous ne vous remettiez pas en question ni ne remettiez en question ; et dans cet ”entre-temps”, vos rêves perdent de la hauteur, commencent à s’assoupir et deviennent des “rêvasseries” au raz du sol, mesquines et tristes (cf. Homélie du Dimanche des Rameaux, 25 mars 2018), seulement parce que nous considérons ou vous considérez que ce n’est pas encore votre heure ; qu’il y a assez de jeunes à s’impliquer, à rêver et à travailler à demain. L’un des fruits du Synode passé a été la richesse de pouvoir nous rencontrer et surtout de nous écouter. La richesse de l’écoute entre générations, la richesse de l’échange et la valeur de reconnaître que nous avons besoin les uns des autres, que nous devons faire des efforts pour favoriser les canaux et les espaces où s’impliquer pour rêver et travailler à demain, dès aujourd’hui. Mais pas de manière isolée, ensemble, en créant un espace commun. Un espace qui ne s’offre ni ne se gagne à la loterie, mais un espace pour lequel vous devez aussi vous battre. Parce que, chers jeunes, vous n’êtes pas l’avenir mais l’heure de Dieu. Il vous convoque et vous appelle dans vos communautés et vos villes à aller à la recherche de vos grands- parents, de vos aînés ; à vous lever et, à prendre la parole avec eux et à réaliser le rêve que le Seigneur a rêvé pour vous. Pas demain, mais maintenant, parce que là où se trouve votre trésor sera aussi votre cœur (cf. Mt 6, 21) ; ce qui vous fait tomber amoureux atteindra non seulement votre imagination mais aussi affectera tout. Ce sera ce qui vous fera lever le matin et vous poussera dans les moments de lassitude, ce qui brisera le cœur et ce qui vous remplira d’étonnement, de joie et de gratitude. Sentez que vous avez une mission et tombez-en amoureux, cela décidera tout (cf. Pedro Arrupe, S.J., Nada es más práctico). Nous pourrons tout avoir, mais s’il manque la passion de l’amour, tout manquera. Laissons le Seigneur nous aimer ! Pour Jésus il n’y a pas d’”entre-temps”, mais un amour de miséricorde qui désire faire son nid et conquérir le cœur. Il veut être notre trésor parce qu’il n’est pas un ”entre-temps” dans la vie ou une mode passagère, il est amour de don qui invite à se donner. Il est amour concret, proche, réel ; il est joie festive qui naît en choisissant et en prenant part à la pêche miraculeuse de l’espérance et de la charité, de la solidarité et de la fraternité face à tant de regards paralysés et paralysants, à cause des craintes et de l’exclusion, de la spéculation et de la manipulation. Chers frères, le Seigneur et sa mission ne sont pas un ”entre-temps” dans notre vie, une chose passagère. Ils sont notre vie ! Tous ces jours-ci, le qu’il en soit ainsi de Marie a été murmuré de manière spéciale comme une musique de fond. Non seulement elle a cru en Dieu et en ses promesses comme une chose possible, elle a cru en Dieu et a osé dire “oui” pour participer à cette heure du Seigneur ? Elle a senti qu’elle avait une mission, elle est tombée amoureuse et cela a décidé de tout. Comme cela est arrivé dans la synagogue de Nazareth, le Seigneur, au milieu de nous, ses amis et ses connaissances, se lève à nouveau pour prendre le livre et nous dire : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre » (Lc 4, 21). Voulez-vous vivre la réalisation de son amour ? Que votre “oui” continue d’être la porte d’entrée, pour que l’Esprit Saint offre une nouvelle Pentecôte au monde et à l’Église. Audience Rome 30 janvier 2019, retour sur les JMJ Chers frères et sœurs, bonjour ! Aujourd’hui, je m’arrêterai avec vous sur le voyage apostolique que j’ai effectué ces jours derniers au Panama. Je vous invite à rendre grâce avec moi au Seigneur pour cette grâce qu’il a voulu donner à l’Église et au peuple de ce cher pays. Je remercie le président du Panama et les autres autorités, les évêques. Et je remercie tous les bénévoles – il y en avait beaucoup – pour leur accueil chaleureux et familier, celui que nous avons vu chez les gens qui sont venus de partout saluer avec beaucoup de foi et d’enthousiasme. Quelque chose m’a beaucoup frappé : les gens tendaient les bras en portant leurs enfants. Quand la papamobile passait, tous avec leurs enfants : ils les soulevaient comme pour dire : « Voici ma fierté, voici mon avenir ! » Et ils montraient leurs enfants. Mais ils étaient nombreux ! Et les pères ou les mères, fiers de cet enfant. J’ai pensé : quelle dignité dans ce geste et comme il est éloquent pour l’hiver démographique que nous vivons en Europe ! La fierté de cette famille, ce sont les enfants. La sécurité pour l’avenir, ce sont les enfants. L’hiver démographique, sans enfants, est dur ! Le motif de ce voyage était les Journées mondiales de la Jeunesse, toutefois, aux rencontres avec les jeunes se sont ajoutées d’autres rencontres avec la réalité du pays : les autorités, les évêques, les jeunes détenus, les consacrés et une Maison familiale. Tout a été comme « contaminé » et « amalgamé » par la présence joyeuse des jeunes : une fête pour eux et une fête pour Panama et aussi pour toute l’Amérique centrale, marquée par tant de drames et tellement en manque d’espérance et de paix, et même de justice. Ces Journées mondiales de la Jeunesse ont été précédées par la rencontre des jeunes des peuples natifs et des peuples afro-américains. Un beau geste : ils ont eu cinq jours de rencontre, les jeunes indigènes et les jeunes d’origine africaine. Ils sont nombreux dans cette région. Ils ont ouvert la porte aux Journées mondiales. Et c’est une initiative importante qui a encore mieux manifesté le visage multiforme de l’Église en Amérique latine : l’Amérique latine est métisse. Ensuite, avec l’arrivée des groupes du monde entier, s’est formée la grande symphonie de visages et de langues, typique de cet événement. Voir tous les drapeaux défiler ensemble, danser dans les mains des jeunes joyeux de se rencontrer est un signe prophétique, un signe à contre-courant de la triste tendance actuelle aux nationalismes conflictuels, qui élèvent des murs et se ferment à l’universalité, à la rencontre entre les peuples. C’est un signe que les jeunes chrétiens sont un ferment de paix dans le monde. Ces JMJ ont eu une forte empreinte mariale, parce que le thème était les paroles de la Vierge à l’ange : « Voici la servante du Seigneur ; qu’il me soit fait selon ta parole » (Lc 1,38). Cela a été fort d’entendre ces paroles prononcées par les représentants des jeunes des cinq continents, et surtout de les voir transparaître sur leurs visages. Tant qu’il y aura de nouvelles générations capables de dire à Dieu : « me voici », il y aura un avenir dans le monde. Parmi les étapes des JMJ, il y a toujours le Chemin de Croix. Marcher avec Marie derrière Jésus qui porte sa croix est l’école de la vie chrétienne : c’est là qu’on apprend l’amour patient, silencieux et concret. Je vous fais une confidence : j’aime beaucoup faire le Chemin de Croix parce que c’est aller avec Marie derrière Jésus. Et je porte toujours sur moi, pour le faire à tout moment, un Chemin de Croix de poche, que m’a offert une personne très apostolique à Buenos Aires. Et quand j’ai le temps, je prends et je suis le Chemin de Croix. Faites vous aussi le Chemin de Croix, parce que c’est suivre Jésus avec Marie sur le chemin de la croix, où il a donné sa vie pour nous, pour notre rédemption. Avec le Chemin de Croix, on apprend l’amour patient, silencieux et concret. À Panama, les jeunes ont porté avec Jésus et Marie le poids de la condition de tant de frères et sœurs souffrants en Amérique centrale et dans le monde entier. Parmi eux, il y a beaucoup de jeunes victimes de différentes formes d’esclavage et de pauvreté. Et en ce sens, la liturgie pénitentielle que j’ai célébrée dans une Maison de rééducation pour mineurs et la visite à la Maison familiale « Le Bon Samaritain », qui accueille des personnes ayant le sida, ont été des moments très importants. Le sommet des JMJ et du voyage a été la veillée et la messe avec les jeunes. Pendant la veillée – sur ce terrain plein de jeunes qui ont suivi la veillée, dormi là et participé à la messe à 8 heures du matin – pendant la veillée, s’est renouvelé le dialogue vivant avec tous les jeunes, garçons et filles, enthousiastes et aussi capables de silence et d’écoute. Ils passaient de l’enthousiasme à l’écoute et à la prière en silence. Je leur ai proposé Marie, comme celle qui, dans sa petitesse, a plus que quiconque « influencé » l’histoire du monde : nous l’avons appelée l’ « influencer » de Dieu. Dans son « fiat » se sont reflétés les témoignages beaux et forts de quelques jeunes. Le matin du dimanche, dans la grande célébration eucharistique finale, le Christ ressuscité, avec la force de l’Esprit Saint, a parlé à nouveau aux jeunes du monde en les appelant à vivre l’Évangile dans l’aujourd’hui, parce que les jeunes ne sont pas le « demain » ; non, il sont l’ « aujourd’hui » pour le « demain ». Il ne sont pas le « en attendant » mais ils sont l’aujourd’hui, le maintenant, de l’Église et du monde. Et j’ai fait appel à la responsabilité des adultes pour que ne manquent pas aux nouvelles générations l’instruction, le travail, la communauté et la famille. Et ceci est la clé dans le monde en ce moment, parce que ces choses manquent : l’instruction, c’est-à-dire l’éducation. Le travail : combien de jeunes en sont privés. La communauté : qu’ils se sentent accueillis en famille et dans la société. La rencontre avec tous les évêques d’Amérique centrale a été pour moi un moment de consolation particulière. Ensemble, nous nous sommes laissé enseigner par le saint évêque Oscar Romero, pour apprendre toujours mieux à « sentir avec l’Église » – c’était sa devise épiscopale – dans la proximité avec les jeunes, les pauvres, les prêtres et le saint peuple fidèle de Dieu. La consécration de l’autel de la cathédrale restaurée de Santa Maria La Antigua, à Panama, a eu une forte valeur symbolique. Elle est restée fermée pendant sept ans pour sa restauration. Le signe d’une beauté retrouvée, à la gloire de Dieu et pour la foi et la fête de son peuple. Le chrême qui consacre l’autel et aussi celui qui oint les baptisés, les confirmés, les prêtres et les évêques. Puisse la famille de l’Église, au Panama et dans le monde entier, toujours recevoir du Saint Esprit une nouvelle fécondité pour que se poursuive et s’étende sur la terre le pèlerinage des jeunes disciples missionnaires de Jésus- Christ.