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© InterEditions, 2018, 2021 pour la nouvelle édition

InterEditions est une marque de


Dunod Éditeur, 11, rue Paul Bert, 92240 Malakoff

ISBN : 978-2-72-962244-2

Ce document numérique a été réalisé par PCA


« Seul l’arbre qui a subi les assauts du vent est
vraiment vigoureux, car c’est dans cette lutte que ses
racines, mises à l’épreuve, se fortifient. »
Sénèque
À David Denborough et Ncazelo-Ncube,
pour leur pratique si respectueuse des
personnes
À ma sœur Clara,
Table des matières
Couverture

Page de titre

Copyright

Exergue

Dédicaces

Préface de Pierre Blanc-Sahnoun


Restaurer la fierté, engranger la résilience

Introduction
Ma rencontre avec l'Arbre de vie

Première partie
ACCOMPAGNER AVEC L'ARBRE DE VIE

1. LES RACINES DE L'ARBRE DE VIE

Qu'est-ce que l'Arbre de vie ?

L'objectif de l'Arbre de vie

Intentions et éthique
Honorer le « plein »

Redonner le savoir aux personnes


Accueillir les personnes du côté de la vie

Accueillir la peine des gens sans les retraumatiser

Les rites de passage


La phase de séparation

La phase de l'entre-deux

La phase de ré-incorporation

Transparence, autorisations et sécurité

Les bienfaits de l'Arbre de vie sur les personnes accompagnées


L'espoir

La fierté

La résilience

2. ACCOMPAGNER EN INDIVIDUEL

À quel moment proposer l'Arbre de vie ?

L'accompagnement individuel
Préparer la personne

Faire dessiner l'arbre

Les racines
Débriefing des racines

Le sol
Débriefing du sol

Le tronc
Débriefing du tronc

Les branches
Débriefing des branches
Les feuilles
Débriefing des feuilles

Les fruits
Débriefing des fruits

Débriefing de l'Arbre de vie dans sa globalité

Les témoins extérieurs

Clôturer une mission avec l'Arbre de vie


Faire l'Arbre de vie en fin de mission comme bilan

Une séance de bilan avec les parents d'un enfant mineur

Une réunion tripartite de fin de mission pour une organisation

Documenter l'histoire

3. ACCOMPAGNER EN COLLECTIF

Préparer les personnes

L'Arbre de vie

La Forêt de vie
Raconter son Arbre aux autres

Résonner aux Arbres des autres

La Tempête de vie
Aborder les Tempêtes de vie avec le groupe

Célébration et certificats
Un exemple en accompagnement d'équipe en entreprise

Un exemple avec une classe en milieu scolaire


Deuxième partie
QUELQUES CHAMPS D'APPLICATION

4. L'ARBRE DE VIE EN ENTREPRISE

Premier cas
Contexte

Objectif avec l'Arbre de vie

Mission

Conclusion

Deuxième cas
Contexte

Objectif

Mission

Déroulement

Conclusion

Troisième cas
Contexte

Objectif

Mission

Conclusion

Quatrième cas
Contexte

Objectif avec l'Arbre de vie

Mission

Conclusion

5. L'ARBRE DE VIE EN MILIEU SCOLAIRE


Premier cas
Contexte

Objectif

Mission

Conclusion

Deuxième cas

6. L'ARBRE DE VIE EN MILIEU HOSPITALIER ET MÉDICAL

Contexte

Le déroulement d'une séance « Arbre de vie » au cours d'une


semaine d'hospitalisation

Deuxième cas
Contexte

Déroulement d'une séance Arbre de vie

7. L'ARBRE DE VIE DANS LE MILIEU DE L'INSERTION

Contexte

Objectif

Mission

Conclusion

8. L'ARBRE DE VIE SPÉCIAL « PÉRIODE CONFINEMENT ET COVID-19 »

1er protocole : l'Arbre de vie de vos ressources spécial «


Confinement & Covid-19 »
1re étape : réaliser votre Arbre de vie

2e étape : identifier les tempêtes/freins qui pourraient se mettre entre vous et votre projet
3e étape : ancrer les apprentissages de votre expérience Arbre de vie

2e protocole : L'Arbre de vie spécial « enfants »


1re étape : réaliser votre Arbre de vie

2e étape : identifier les tempêtes/freins qui pourraient se mettre entre votre enfant et ses
rêves

3e étape : ancrer les apprentissages de son expérience Arbre de vie

3e protocole : L'Arbre de vie pour se reconstruire Après la maladie


1re étape : réaliser votre Arbre de vie

2e étape : identifier les tempêtes qui pourraient vous faire perdre confiance en vous

3e étape : ancrer les apprentissages de votre expérience Arbre de vie

4e protocole : l'Arbre de vie de votre « Monde d'Après »


1re étape : réaliser votre Arbre de vie

2e étape : identifier les tempêtes qui pourraient se mettre entre vous et votre nouveau projet
de vie

3e étape : ancrer les apprentissages de votre expérience Arbre de vie

Troisième partie
L'ARBRE DE VIE ET LES PRATIQUES NARRATIVES

9. LES PRINCIPAUX CONCEPTS DES PRATIQUES NARRATIVES

D'où viennent les Pratiques Narratives ?

La posture de l'accompagnant : décentrée et influente


La posture décentrée

La posture influente

Le Club de vie

Travailler avec des témoins extérieurs


Le protocole d'invitation pour un témoin extérieur
10. D'AUTRES MÉTHODES MÉTAPHORIQUES AVEC LES IDÉES NARRATIVES

Le Voyage de vie
Une alternative à l'Arbre de vie

Le protocole d'utilisation du Voyage de vie

Un cas de Voyage de vie

L'Équipe de vie
L'intention

Le protocole d'utilisation de l'Équipe de vie

Conclusion

Bibliographie

Remerciements

Cahier photos
Préface

Restaurer la fierté, engranger la résilience

J’AI RENCONTRÉ L’ARBRE DE VIE pour la première fois avec David Denborough,
Cheryl White et Jill Freedman au Rwanda en novembre 2010. J’étais
parti en mission avec un groupe international de thérapeutes narratifs
pour former des intervenants sociaux travaillant dans les villages, avec
les survivants du génocide de 1994. J’avais été invité en tant que
musicien narratif, pour documenter les paroles des survivants sous forme
de chansons en français, l’une des langues parlées là-bas à l’époque. Un
épisode particulièrement fort et émouvant de mon apprentissage de
narrapeuthe.
Parmi les techniques enseignées aux quelque 40 « conseillers en
traumatismes » formés à Kigali lors de cette mission, figurait en bonne
place l’Arbre de vie, issu du travail de David Denborough avec Ncazelo
Ncube, psychologue pour enfants originaire du Zimbabwe, pour aider les
enfants atteints du HIV. J’ai été immédiatement touché par cette approche
simple et élégante, qui permet aux personnes traumatisées de parler de leur
vie dans des termes qui les rendent plus forts au lieu de les retraumatiser à
chaque étape du récit. De leurs « racines » à leurs « fruits » en passant par
leur solide « tronc », ils peuvent se redessiner une vie droite et fière, avec
des rêves, des espoirs, des compétences à diriger eux-mêmes leur vie, et les
belles rencontres qui les soutiennent dans cette entreprise.
J’ai pu travailler avec Caleb Wakhungu (Ouganda) qui a utilisé l’Arbre
de vie pour revivifier sa communauté du Mont Elgon. C’est à la suite de ces
rencontres et plein d’émerveillement face à ces approches poétiques,
puissantes et extraordinairement respectueuses pour les communautés en
difficulté, que j’ai ramené en France cette technique. Je l’ai partagée pour la
première fois fin 2010 avec un petit groupe de praticiens parmi lesquels
Dina Scherrer.
Dina a été depuis le début une militante instinctive des pratiques
narratives, comme si l’esprit et la posture coulaient naturellement dans ses
veines depuis bien avant sa rencontre avec les idées de Michael White et
David Epston. Sa posture relève d’un mélange unique d’intuition,
d’humour, d’optimisme et de bienveillance. Toutes celles et ceux qui ont
travaillé avec elle ou ont bénéficié de son enseignement vous diront la
même chose : avec Dina, tout devient possible et, sous son regard amusé,
les sommets qui semblaient tragiquement inaccessibles la minute
précédente deviennent très rapidement des « pourquoi pas ? » ponctués
d’éclats de rire.
Séduite par l’Arbre de vie, sa puissance métaphorique, son extrême
simplicité, la diversité des contextes dans lesquels il trouve naturellement sa
place, Dina en a fait l’un de ses territoires favoris. Depuis le temps qu’elle
l’utilise et le perfectionne auprès de publics aussi différents que des jeunes
gens de SEGPA (sections d’enseignement général et professionnel adapté)
ou des dirigeants de multinationales, elle en a fait pousser, des forêts
émouvantes !
Qui d’autre qu’elle pouvait restituer la diversité de l’Arbre de vie narratif
sans en faire un « outil », mettre l’éthique et la responsabilité envers l’autre
au premier plan et conserver la délicate poésie des ramures où chaque
feuille est une personne rencontrée, une confiance accordée, une main
fraternelle tendue ? Ce livre, le premier en français sur le sujet, offre la
combinaison idéale de rigueur, d’émotion, de créativité et de respect que
l’on retrouve en permanence dans les pratiques narratives australiennes et
néo-zélandaises. Dix ans pile après la mort de Michael White, pouvait-on
rêver un plus bel hommage à son inlassable ambition de rendre les
personnes et les communautés auteures de leur vie ?

Pierre Blanc-Sahnoun
Cofondateur de la Fabrique Narrative
Introduction

Ma rencontre avec l’Arbre de vie

LA PREMIÈRE FOIS QUE J’AI ENTENDU PARLER DE L’ARBRE DE VIE, c’était en 2010 à
Bordeaux, lors d’un atelier d’approfondissement aux Pratiques Narratives
animé par Pierre Blanc-Sahnoun. Pierre revenait d’un voyage en Afrique
et partageait avec nous cette méthode d’accompagnement qu’il avait
découverte là-bas comme il le raconte dans sa préface.
Je me souviens parfaitement qu’en l’écoutant nous en parler, j’ai tout
suite pensé que cela me serait très utile avec les jeunes que j’accompagnais
à ce moment-là. C’étaient des jeunes en grande difficulté scolaire, avec très
peu d’estime de soi, et qui devaient néanmoins trouver en eux la force
d’avancer et de se projeter rapidement dans une voie professionnelle.
Mon premier grand défi avec ces jeunes était d’arriver à leur donner
l’envie de s’exprimer, de partager leurs expériences pour qu’ils se sentent
moins seuls. C’était également de mettre en lumière les savoirs qu’ils
détenaient à leur insu pour qu’ils regagnent en confiance et qu’ils aillent à
la recherche de leur projet. Un projet au plus près de ce qu’ils aimaient dans
la vie afin qu’ils retrouvent de l’espoir en l’avenir.
Découvrir l’Arbre de vie a été une vraie révélation pour moi ce jour-là,
car je pressentais que cette méthode allait être une réponse efficace pour
aider ces jeunes sur tous les objectifs que j’avais à travailler avec eux. De
plus c’est un outil très accessible car un arbre, c’est universel, tout le monde
sait ce qu’est un arbre. Je n’avais qu’une hâte : le mettre en pratique très
vite et valider mon intuition. Je n’ai pas été déçue. Le résultat a été au-delà
de mes espérances, tant pour ces jeunes qu’avec différents publics auprès
desquels je l’ai ensuite essayé.
À peine de retour chez moi, j’ai testé cette méthode sur les miens, comme
je le fais souvent dès que je découvre une nouvelle technique. J’ai ainsi fait
faire l’Arbre de vie en famille à mes enfants et à mon mari. Chacun a
réalisé son arbre. Chacun a présenté son arbre aux autres. Un beau moment
de partage qui donne la possibilité de redécouvrir sous un autre angle ceux
que l’on connaît déjà très bien. L’angle de ce qui est précieux pour eux et
qui fait leur identité préférée. Par exemple, pour les branches, j’avais donné
comme consigne : « Qu’est-ce, pour toi, qu’une vie réussie ? » Une de mes
filles avait noté entre autres : « que l’on me fasse confiance ». Je lui ai
demandé : « Que signifie exactement pour toi « te faire confiance ? » » et
on en avait ensuite discuté. On terminait chaque présentation en demandant
aux autres : « Comment pourrait-on faire pour prendre soin de ce qui est
précieux pour lui ou elle ? ». Alors que nous n’avions pas conscience
d’avoir de telles choses à échanger, l’Arbre de vie a permis de créer un
espace pour nous les dire, pour discuter et trouver des solutions en
commun. Mes trois filles m’en parlent encore comme d’un des beaux
moments que nous avons eu le privilège de vivre ensemble. Nos arbres
trônent depuis sur un mur de la maison. C’est notre petite forêt familiale.
J’ai ressenti aussi le besoin de tester l’Arbre de vie avec mes pairs.
Chacune réalisait son Arbre de vie professionnelle et à tour de rôle on
présentait notre arbre ou/et on questionnait l’arbre de l’autre. Je me
souviens que nous l’avions utilisé pour travailler sur notre identité
d’accompagnant. Car, l’avantage de l’arbre, c’est qu’il suffit d’avoir un
objectif et d’adapter les questions. Lors de cette séance, nous avions décidé
de travailler notre identité professionnelle. Chaque partie de l’Arbre est
métaphorique et nourrie selon des consignes spécifiques. « Qu’est-ce qui
fait l’accompagnant que je suis ? De quoi ai-je besoin pour avancer dans
ma vie professionnelle ? Quels sont les forces, talents, qualités que l’on me
reconnaît et que j’apprécie en moi ? Quels sont mes projets et espoirs pour
mon avenir professionnel ? Quels sont mes modèles, alliés, personnes-
ressources ? ».
Cela nous a permis d’expérimenter l’Arbre de vie entre collègues avant
de l’utiliser avec nos clients. C’est très important pour moi : je ne fais
jamais vivre à mes clients ce que je n’ai pas expérimenté moi-même. Sans
avoir d’abord éprouvé l’effet que cela produit sur soi. Sans avoir repéré ce
sur quoi on peine un peu à répondre. Sans avoir discerné les risques
éventuels d’une méthode qui peut aller très en profondeur et réveiller des
blessures. Ce qui n’est absolument pas l’objectif quand on utilise l’Arbre de
vie, bien au contraire. L’objectif de l’Arbre de vie est de nous relier à nos
forces. Donc en avoir fait auparavant l’expérience permet d’être très
vigilant à ce qui pourrait se produire. Si je devais résumer l’intention de
l’Arbre de vie en une phrase ce serait :
« Vers quoi je me retourne quand j’ai besoin de force ».
Je pense pouvoir dire que je suis une des premières en France à avoir
utilisé, développé et adapté en accompagnement l’Arbre de vie avec les
idées narratives. Depuis, j’ai grandi dans mon métier avec cette méthode
que j’ai fait grandir avec moi. Je l’ai adaptée aux contextes dans lesquels
j’évolue. L’Arbre de vie est devenu mon compagnon de route, il m’a
accompagné sur tous mes champs d’intervention notamment les
organisations, les écoles. Il m’aide au quotidien à accompagner en
individuel ou en groupe toutes sorte de publics, les jeunes, les adultes,
les cadres en entreprise, les équipes en souffrance, toutes les personnes qui
ont besoin de retrouver du sens, de la force et de l’espoir.
Avec l’expérience, je peux dire qu’il est particulièrement utile en
individuel ou collectif pour accompagner les transitions de vie,
l’orientation, l’estime de soi, la recherche de sens, la cohésion de groupe,
pour sortir la personne de l’isolement et pour aller chercher les préférences
du client.
Après l’avoir utilisé plusieurs années et constaté son efficacité, j’ai tout
naturellement eu l’envie d’en transmettre la méthode à tous ceux qui sont
dans l’accompagnement d’une manière ou d’une autre. J’ai formé à l’Arbre
de vie des éducateurs, des médiateurs, des conseillers de Missions locales,
des psychologues conseillers d’orientation, des professeurs, des médecins,
des coachs, des thérapeutes…
Une des valeurs importantes qui m’anime est le partage d’expérience. Je
n’aime pas garder ce que je sais pour moi. Surtout quand c’est aussi efficace
que l’Arbre de vie. Ce livre est une manière de partager plus largement cette
méthode d’accompagnement afin que le plus grand nombre de personnes
puisse en bénéficier.
En faire profiter le plus grand nombre, c’est exactement ce qu’il s’est
passé récemment. Car depuis la première édition de ce livre en avril 2018,
le monde entier a été confronté au Covid-19 et aux confinements qui nous
obligent tous à repenser nos manières de vivre, de travailler, de rester en
lien. Comme dans tous grands bouleversements (guerres, séismes, tsunamis,
épidémies…), on côtoie l’horreur mais aussi le meilleur, car c’est souvent
dans ces situations extrêmes que se révèle le meilleur de nous-mêmes, où
nous nous relions à l’essentiel, à la vie, à l’humain, à la solidarité. Cela fait
naître en chacun de nous beaucoup de créativité pour continuer à rester du
côté de la vie. Tous les jours, des initiatives nouvelles se mettent en place
pour aider celles et ceux qui en ont le plus besoin – comme les jeunes qui
viennent nourrir les plus anciens – des repas livrés gratuitement aux
personnels soignants, des vidéos et histoires drôles qui circulent sans
modération pour nous aider à garder le sourire.
Alexandre, instituteur dans un quartier sensible de Marseille avec qui je
suis en contact rencontrait de grandes difficultés à faire cours dans un fort
climat d’indiscipline pendant sa classe, il m’a dit récemment que, lors du
confinement, quand il faisait cours à distance, il avait observé beaucoup de
changements positifs. Il voyait les jeunes sous un autre angle et vice versa.
Cette nouvelle manière d’enseigner a fait émerger beaucoup de créativité,
de liberté, de complicité avec les jeunes. Les jeunes sont tous beaucoup plus
assidus et participatifs. Plus de problème de discipline. Comme ils sont chez
eux, il me dit que c’est aussi comme s’il était invité à faire un peu
connaissance avec leur quotidien.
En ces temps de pandémie et de peur, ce qui m’aide à garder espoir, c’est
ce type d’histoire où le merveilleux arrive à jaillir de toutes situations,
même les plus difficiles.
Dès le premier confinement, j’ai réfléchi à ce que pourrait être ma
modeste contribution pour aider les personnes à dépasser leurs craintes et à
s’accrocher à leurs ressources afin de faire face au mieux à cette pandémie.
L’Arbre de vie, une fois de plus, a été une réponse efficace sur plusieurs
points : se reconnecter à ses ressources, créer un espace pour aborder la
Covid-19 avec ses enfants sans les traumatiser, se reconstruire après avoir
été sérieusement atteint par le virus et repenser ses envies et priorités pour
l’après Covid.
J’ai donc créé quatre nouveaux protocoles d’Arbre de vie directement
liés à la situation sanitaire dans laquelle nous sommes bien malgré nous
plongés depuis mars 2020. J’ai pu expérimenter ces quatre protocoles
depuis plusieurs mois et je me propose de les partager avec vous un peu
plus loin dans la partie II « Quelques champs d’application ».
Partie I

ACCOMPAGNER
AVEC L’ARBRE DE VIE
1
LES RACINES DE L’ARBRE DE VIE

IL EST TOUJOURS IMPORTANT POUR MOI, quand on présente une méthode, de rendre
avant tout hommage à toutes les personnes qui ont contribué de près ou de
loin à son élaboration.
Pour vous évoquer la genèse de l’Arbre de vie, il faut parler tout d’abord
d’un pédagogue brésilien : Paulo Freire (1921-1997). Paolo Freire est
surtout connu pour ses efforts d’alphabétisation visant les personnes adultes
de milieux défavorisés. Une alphabétisation militante, conçue comme un
moyen de lutter contre l’oppression. Il est intervenu avec son approche au
Brésil, au Chili et en Afrique. Son approche est arrivée aux oreilles du
ministre de l’Éducation de l’époque en Centre Afrique qui l’a invité afin
qu’il lui explique sa pratique et savoir s’il accepterait de venir former des
personnes à son approche en lien avec la lutte contre l’illettrisme.
Une première version de l’Arbre de vie a donc été publiée et utilisée dès
1984 par Sally Timmel et Anne Hope, deux éducatrices, membres du
Mouvement International et Œcuménique des Femmes Engagées. Inspirées
par le travail de Paulo Freire, elles ont utilisé la métaphore de l’Arbre de vie
principalement avec des jeunes pour les aider à parler des différents aspects
de leur vie.
La version dont il est question aujourd’hui dans ce livre, « l’Arbre de vie
avec les idées narratives », a été développée quant à elle par Ncazelo
Ncube-Mlilo, de l’ONG REPSSI (Regional Psychosocial Support Initiative)
et David Denborough, du Dulwich centre.
Ncazelo Ncube-Mlilo est psychologue pour enfants en Afrique du Sud et
travaille avec l’organisme REPSSI. REPSSI est une ONG fondée en 2001,
qui œuvre en Afrique de l’Est et du Sud, avec des partenaires, pour
promouvoir le soin et le soutien psychosocial des enfants affectés par le
HIV et le Sida, par la pauvreté et les conflits. En tant qu’ONG, REPSSI
pense clairement que le soin et le soutien les plus appropriés pour les
enfants sont fournis par les relations provenant de la vie quotidienne. À la
maison, à l’école, dans la communauté. Et que l’assistance venant de
l’extérieur doit soutenir et non saper ces systèmes naturels de soins.
Les outils que développe REPSSI, comme l’Arbre de vie notamment, ont
un objectif clair : renforcer chez les enfants le sens de l’appartenance et de
la connexion à leurs familles et communautés. Et, également de réduire le
sentiment d’isolement et de solitude dont beaucoup font l’expérience dans
le contexte du HIV, du Sida, de la misère et des violences.
Le travail de Ncazelo Ncube-Mlilo était d’organiser l’accueil et des
groupes de parole dans les camps pour permettre à ces jeunes de partager
leurs difficultés. Au départ, elle a utilisé l’Arbre de vie tel que conçu par
Sally Timmel et Anne Hope, mais elle rencontrait des difficultés. Les jeunes
pleuraient beaucoup en réalisant leur arbre. Il n’y avait pas de lien, de relais
adaptés et satisfaisants quand ils quittaient le camp. Elle a donc cherché des
solutions afin que les enfants puissent travailler sur des sujets traumatisants
sans se remettre à l’intérieur du trauma.
David Denborough, quant à lui, est un thérapeute et travailleur social
australien. Il a participé à la fondation du Dulwich Center avec Michael et
Cheryl White dans les années 1980. Il a développé au sein des Pratiques
Narratives un ensemble de techniques et d’approches originales, issues de
son travail inlassable tout autour du monde avec de multiples communautés
en difficulté.
La méthodologie de l’Arbre de vie avec des idées narratives telle que
présentée dans ce livre répond à cette question, « Comment éviter la re-
traumatisation ? » et a été développée par Ncazelo Ncube-Mlilo et David
Denborough. Ils ont travaillé ensemble pour mettre au point un outil en
s’inspirant de l’Arbre de vie initial et en y injectant des questions et des
idées issues des Pratiques Narratives. Ils ont ainsi développé un outil
spécifique permettant de s’adapter à des enfants qui ne connaissent rien de
leur histoire, car orphelins et vivant dans des orphelinats. Les questions sont
adaptées à ceux qui ne savent pas d’où ils viennent, par exemple : « Une
chanson, une danse qui te donne de la force ? » ou encore : « À quoi ou
vers qui reviens-tu quand tu as besoin de force ? »

QU’EST-CE QUE L’ARBRE DE VIE ?


L’Arbre de vie dont il est question ici est un outil de soutien psychosocial
basé sur les Pratiques Narratives. Cet outil utilise les différentes parties de
l’arbre comme métaphore pour représenter les différents aspects de nos
vies. L’utilisation des métaphores et de questions soigneusement formulées
invite les enfants et d’autres personnes à raconter des histoires sur leur vie
de façon à les renforcer, et augmente leur espoir dans l’avenir.
Bien qu’il ne soit pas conçu comme un outil de deuil, il ouvre cette
possibilité et a été utilisé largement avec des enfants dans différents
contextes pour faciliter les conversations sur la perte.
L’Arbre de vie permet de raconter, d’entendre et d’explorer des histoires
de perte sans rester piégé par des expressions de chagrin et de deuil.
En même temps, il ouvre des espaces et des opportunités pour raconter,
entendre, explorer des histoires d’espoir, de valeurs partagées, de connexion
avec ceux qui sont autour de nous aussi bien qu’avec ceux qui ne sont plus
là.

L’OBJECTIF DE L’ARBRE DE VIE


Le processus Arbre de vie se déroule en quatre parties.
L’objectif des deux premières parties du processus (Arbre de vie et Forêt
1
de vie) est de construire et d’accueillir une histoire alternative pour chaque
personne. Une histoire qui parle des habiletés, des espoirs, des rêves, des
origines, etc. de la personne concernée.
L’objectif de la troisième partie : « quand viennent les tempêtes », est de
permettre aux personnes de parler de leurs difficultés.
L’objectif de la quatrième partie : « chants, certificats, célébrations » est
de s’assurer que les personnes repartent avec une riche connaissance de ce
qui les rend plus fortes et des liens qui les rattachent aux figures
importantes de leur vie.
Les Pratiques Narratives mettent l’accent sur la « garantie de sécurité ».
La sécurité peut être compromise dans l’accompagnement quand on
demande à ceux qui sont en butte à des problèmes de continuellement
reraconter des histoires saturées de problèmes. Des histoires uniquement
focalisées sur les problèmes et les souffrances. C’est dommageable et,
potentiellement, peut recréer du traumatisme. Ces histoires qui sont dénuées
d’espoir sont parfois appelées « l’histoire dominante ».
L’outil Arbre de vie a été délibérément conçu pour soutenir les personnes
dans l’exploration des histoires alternatives, des histoires qui parlent
d’espoir, de compétences, des rêves qu’un individu a pour sa vie. Une
histoire encourageante et dynamisante qui constitue une base ferme pour
que la personne puisse poursuivre sa vie en dépit des problèmes auxquels
elle est confrontée. L’Arbre de vie a donc été conçu pour éviter la « re-
traumatisation ». Il a été imaginé pour permettre aux personnes d’avoir un
espace sécurisé où elles puissent revisiter certaines des difficultés dont elles
ont fait l’expérience au cours de leur vie sans pour autant réactiver leurs
traumatismes.
Il évite délibérément de cibler les individus au sein d’un groupe.
L’exercice de l’Arbre de vie est collaboratif : les problèmes sont partagés
par le groupe et les solutions aux problèmes sont produites collectivement2.

INTENTIONS ET ÉTHIQUE
« Les gens qui nous consultent sont toujours
plus intéressants que ce qu’ils veulent bien nous faire croire ».
Michael White

L’Arbre de vie est un outil directement issu des Pratiques Narratives, mais il
est possible de l’utiliser sans pour autant avoir été formé à celles-ci. Chacun
l’adaptera en fonction de sa pratique d’accompagnement et de ses besoins.
Mais, avant de vous parler de toutes les manières de l’utiliser, je pense qu’il
est important que les praticiens et praticiennes qui l’utiliseront restent
conscients des intentions initiales et de l’éthique qui le sous-tend.
Vous aurez dans le dernier chapitre, détaillés un peu plus longuement, les
principaux concepts des Pratiques Narratives évoqués dans ce livre.
Notamment la « posture décentrée et influente ». En lien avec cette posture,
je partage avec vous ci-dessous les principales idées avec lesquelles je me
relie quand j’aborde l’Arbre de vie avec les personnes.

Honorer le « plein »

Honorer le plein, c’est avant tout un regard et une écoute particulière. Un


regard que l’on pose sur la personne et qui à la fois la fait se sentir respectée
et lui permet d’exister. Accueillir la personne en se disant que, quoi qu’il en
soit, à sa place, on ne ferait pas mieux. Ce qui est tout simplement vrai, car
on n’est pas à sa place. On ne vit pas ce qu’elle vit. Si on y arrive, cela
devient une écoute sans jugement, une écoute d’une curiosité bienveillante.
Une écoute qui donne la priorité au savoir, aux compétences, à l’expérience
de la personne. Si elle est là devant nous, c’est qu’elle est déjà en
mouvement vers son objectif. C’est avant tout une question de posture chez
l’accompagnant. En Pratiques Narratives, la posture de l’accompagnant est
appelée décentrée et influente.
En tant que coach narratif, quand par exemple une personne vient me
voir car elle n’a pas de travail depuis un moment et souhaite être aidée, j’ai
le choix de la regarder comme une personne en manque de quelque chose :
manque de travail, manque de diplômes, manque de motivation… ou j’ai le
choix de la regarder comme une personne pleine de quelque chose : elle est
mère de famille, elle a des valeurs, elle est peut-être membre d’une
association ou autre…
Regarder le plein va générer automatiquement un style de
questionnement différent. Plutôt que de demander : « Depuis quand vous
n’avez pas de travail ? Qu’est-ce que vous avez comme diplômes ? », je
vais demander plutôt « Comment vous est venue l’idée de venir me voir ?
Qu’est-ce que vous privilégiez en venant me voir ? Comment faites-vous
pour résister à votre situation ? Qu’est-ce que cette situation vous a appris
et qui vous sera utile pour demain ? ».
Voilà typiquement le type de questionnement qui honore le plein. C’est-
à-dire les compétences, les intentions, les savoirs, l’expérience de la
personne : « Construire, à travers nos questions, une personne digne » dit
David Epston, initiateur des Pratiques Narratives avec Michael White.
Dès la première rencontre, il s’agit d’engager avec la personne une
conversation qu’elle n’a jamais eue auparavant, une conversation
ressourçante pour elle. L’idée n’est pas de nier le problème ou l’objectif à
travailler, l’idée est de construire avec elle une histoire qui va la rendre plus
forte pour affronter les défis qu’elle a à affronter. Commencer par l’histoire
du problème, c’est comme se retrouver face au versant infranchissable de la
montagne. En revanche, si on commence par honorer le plein d’une
personne, lorsque celle-ci se retourne vers son objectif, la pente de la
montagne lui paraît moins abrupte et, surtout, elle se sent équipée pour la
gravir. Faire l’Arbre de vie avec quelqu’un, c’est comme faire l’inventaire
du matériel avant d’entamer l’ascension. Une bonne escalade se prépare. Et,
si on est convenablement équipé, il ne risque rien de nous arriver. On sait
que, en cas de nécessité, l’on a de quoi faire face.
L’Arbre de vie est un outil merveilleux pour honorer le plein. Car on
invite les personnes à parler d’elles à l’endroit du plein. Et chaque réponse
vient nourrir l’arbre que l’on dessine, lui faisant des branches de plus en
plus nombreuses, un feuillage de plus en plus dense. « D’où venez-vous ?
De quoi avez-vous besoin pour avancer ? Quelles sont vos forces ? Vos
rêves, vos projets ? Quelles sont les personnes importantes pour vous ? ».
On se retrouve avec un arbre plein de mots. Et on va demander aux gens la
signification de leurs mots, comment eux comprennent leurs mots car
chaque mot à une histoire dans leur vie qu’ils vont nous raconter. Les gens
qui viennent nous voir, surtout quand ils vivent des situations difficiles, ne
sont plus tellement fascinés par leur vie. C’est comme si elle ne recelait
plus rien. En leur faisant dessiner leur Arbre de vie, nous réveillons leur
intérêt, leur curiosité, pour leur propre vie.

Redonner le savoir aux personnes

Cette idée n’est pas très éloignée et en lien avec honorer le plein. Les
personnes saturées par les problèmes deviennent des personnes sans savoir.
Elles ont l’impression de subir, de ne plus rien contrôler. Elles donnent
souvent une description très pauvre d’elles-mêmes. L’idée pour
l’accompagnant est de remettre la personne au centre, là où se trouvent le
savoir et l’initiative. Michael White disait : « les personnes possèdent
toujours plus d’expérience réelle en elles, pour résoudre le problème, que
toute autre personne ». C’est une manière de regarder les personnes comme
les mieux placées pour savoir. Ce sont elles les expertes de leur vie et de
leur survie.
Ce point est important car il invite l’accompagnant à une pure posture de
curiosité. Il ne fait quasiment que poser des questions. « Dites-moi…
Racontez-moi… Comment faites-vous… Qu’est-ce qui vous a permis de… ».
Une bonne question, c’est une question à laquelle on a réellement envie
d’avoir la réponse. L’accompagnant questionne ce que la personne sait déjà.
Elle va lui apprendre ce qu’elle sait sur sa vie. Si elle veut aller à un endroit,
c’est qu’elle sait qu’il existe autre chose de mieux pour elle. Cette posture
de pure curiosité permet de redonner à la personne son savoir et la
conscience de son savoir. Elle reprend confiance. Mais redonner le savoir à
la personne nécessite forcément que l’accompagnant abandonne le sien. Il
devient un accompagnant « ignorant » mais il reste expert du processus.
L’Arbre de vie permet la transformation d’une personne sans savoir en
une personne pleine de savoirs. Tous ces mots posés sur l’arbre qui vont
émerger et que l’on va pouvoir aller questionner sont autant de portes que
l’on va ouvrir vers des savoirs que l’on va étoffer et qui permettront aux
personnes de faire des descriptions plus riches d’elles-mêmes.

Accueillir les personnes du côté de la vie

Souvent les personnes qui viennent nous voir et qui vivent des difficultés ne
sont plus dans la vie, elles sont dans la survie. Elles survivent à leurs
difficultés. Quand on est dans la survie, on n’est plus dans la relation. Les
problèmes isolent les gens qui ont alors une perception étroite d’eux-
mêmes. Le Dr Julien Betbèze3 parle de dissociation entre la tête et le corps.
Les pensées tournent en rond dans la tête. On n’est plus tellement dans son
corps. Les intentions ne sont plus en accord avec les actions.
J’accompagnais un jeune qui avait frappé un camarade. Le jeune m’a dit :
« Je ne voulais pas le faire, je vous assure c’était plus fort que moi ». Être
dissocié, c’est cela. Sa tête ne le voulait pas, mais il l’a fait quand même.
À l’inverse quand on est dans la vie, pour le coup on est associé, relié.
On est dans l’action plutôt qu’en réaction. On est en relation, dans la
coopération. On est dans son corps, on accueille ses émotions. On a une
perception plus large du monde et de soi. On ressent ce sentiment
d’initiative personnel dont parle Michael White : « C’est un sentiment de
soi associé à la perception que l’on est capable d’avoir un effet sur la forme
de sa propre vie : un sentiment que l’on est capable d’intervenir dans sa
propre vie en tant qu’agent de ce à quoi on donne de la valeur et en tant
qu’agent de ses propres intentions, un sentiment que le monde répond au
moins un peu au fait que l’on existe ».
Une fois qu’une personne est dans sa vie, elle peut se retourner sur ses
difficultés et voir comment leur faire face. À nouveau, elle a le choix. Être
dans la vie c’est avoir le choix, et accompagner quelqu’un c’est réinjecter
du choix dans sa vie.
L’Arbre de vie est un moyen efficace pour accueillir les personnes du
côté de la vie, car le basculement vient d’une perception enrichie de sa vie.
La métaphore de l’Arbre de vie est comme un médiateur entre la personne
et ce qu’elle a à dire. Il facilite grandement l’expression. On entre plus
facilement dans les histoires et les expériences. On va lui faire raconter et
re-raconter avec un maximum de détails ses expériences de vie pour qu’elle
les revive. Et quand elle est dans l’expérience, elle est dans son corps, elle
est dans la vie.

Accueillir la peine des gens sans les retraumatiser

Il arrive parfois que les personnes posent sur leur Arbre de vie des mots en
lien avec des blessures, des ruptures, des traumatismes qu’elles ont vécus.
Surtout au niveau des racines quand on leur demande : « Qu’elle est ton
histoire ? À ton avis, qu’est-ce qui, dans ta vie, a fait la personne que tu es
aujourd’hui ? », il n’est pas rare de retrouver des mots comme harcèlement,
licenciement, burn-out, adoption…
Des parents m’avaient envoyé leur fille de dix-neuf ans, Marie, étudiante
en première année de médecine, pour ce qu’ils appelaient une « phobie
sociale ». Marie ne sortait jamais seule dans la rue. Ils devaient encore se
relayer pour l’accompagner en cours. Elle est suivie depuis plusieurs années
par un psy, me disaient-ils. L’objectif avec moi était qu’elle puisse gagner
en confiance et en force pour affronter un peu plus l’extérieur. Quand je me
suis retrouvée face à Marie, et comme elle ne parlait pas beaucoup, je lui ai
demandé si elle accepterait de se présenter au moyen de l’Arbre de vie. De
dessiner un arbre et, à travers cet arbre, de me parler un peu d’elle. Elle a
accepté. Et, pour les racines, je l’ai invitée à mettre des mots en réponse à :
« Quels mots tu pourrais écrire et qui pourraient m’aider à faire
connaissance avec la jeune fille que tu es ? Comme : d’où viens-tu ?
Qu’est-ce qui a fait la jeune fille que tu es aujourd’hui ? Qu’est-ce qui t’a
construite ? ».
Sur les racines de son arbre, Marie a posé quelques mots en lien avec son
éducation, sa famille, le scoutisme, sa vocation depuis toujours pour la
médecine et, subitement, sur une racine, elle a écrit le mot « Viol ». Après
chaque mot qu’elle notait, je lui posais quelques questions pour en savoir un
peu plus. Là, je l’ai juste remerciée pour la confiance qu’elle me faisait en
posant ce mot. Je lui ai dit qu’en faisant cela elle m’aidait à l’aider. J’ai
accueilli ce mot comme un élément important de compréhension du
contexte. Retraumatiser les personnes c’est les ramener, avec nos questions,
sur le lieu de l’agression. « Qu’est-ce qui s’est passé ?… Quand ? etc. »…
Plutôt lui demander « Qu’est-ce que cela te fait de l’avoir posé ? Qu’est-ce
que cela change ou pourrait changer pour toi de l’avoir posé ? ». L’histoire
peut se raconter autrement ce qui permet de donner un autre sens à
l’histoire.
Quand son arbre fut terminé, nous nous sommes assises toutes les deux
devant lui pour l’admirer. Chaque mot était comme un cadeau et nous les
avons ouverts un à un pour regarder ce qu’il y avait dedans. Cet Arbre de
vie parlait d’une jeune fille courageuse et extrêmement déterminée. Elle
m’a raconté une multitude d’histoires qui illustraient cela. Cet arbre disait
aussi qu’elle avait toujours voulu être médecin et qu’elle avait réussi sa
première année de médecine du premier coup. Il parlait aussi de tous les
projets et espoirs que Marie avait pour sa vie : devenir pédiatre, voyager,
fonder une famille, être heureuse… Il évoquait également tous les gens
formidables qui l’entouraient.
Je me souviens qu’il nous a fallu plusieurs séances afin d’ouvrir tous les
cadeaux qu’il y avait sur ce bel arbre. Et ce n’est qu’après avoir bien
exploré toutes ses forces que l’on s’est retourné vers son objectif. Je lui ai
demandé : « En quoi le fait d’avoir créé ton arbre, de l’avoir exploré, va-t-
il faire une différence pour toi dans les jours, les mois qui viennent ?
Qu’est-ce que cela t’a appris sur toi ? Quand tu regardes ton objectif qui
est d’arriver à être plus autonome, qu’est-ce que ton arbre t’a appris et qui
pourrait t’aider ? Qu’est-ce qui pourrait se mettre entre toi et tes projets ?
Qu’est-ce que ton arbre t’a appris qui pourrait t’aider si cela se produit ?
Qu’est-ce que cet arbre te donne comme espoir ? ».
Marie avait plein d’idées qu’elle n’aurait pas eues si nous n’avions pas
exploré le « plein ». Avoir des idées, c’est être déjà dans l’action. Ensuite,
nous avons cherché comment progressivement faire exister toutes ses idées.
L’Arbre de vie permet d’anticiper et d’aborder les tempêtes sans nous les
faire revivre et en se sentant plus fort pour les affronter.

LES RITES DE PASSAGE


Je n’oublie jamais que les personnes qui viennent me voir ont le désir d’un
changement pour leur vie et que, si elles viennent me voir, c’est que ce
changement leur paraît difficile à initier, à accomplir. Elles ont peut-être
l’impression qu’elles ne pourront pas y arriver toutes seules. Je me réfère
souvent aux « Rites de passage » dont parle Michael White4 et qui facilitent
les transitions de vie. Il parle de trois phases par lesquelles on passe pour
chaque grand changement et il donne comme exemple des femmes qu’il
accompagnait. Ce sont des femmes qui avaient décidé de quitter un mari
violent.

La phase de séparation

Il y a un moment où la personne trouve la force en elle d’engager un


changement pour sa vie. Dans ce cas de figure elle quitte le mari violent. En
disant « stop », il y a l’envie d’une vie meilleure pour elle, pour ses enfants.
C’est cet élan d’espoir qui lui donne la force de partir. Mais ce n’est pas
toujours facile de s’accrocher à cet élan. Dans le cadre de cette séparation,
les certitudes les plus assurées de la personne sont secouées. Ce qui était
considéré comme connu et familier ne l’est plus. Ces circonstances
expédient les personnes concernées dans la deuxième phase.

La phase de l’entre-deux

Cette phase comprend des attentes très fortes, alternant avec des périodes de
confusion et aussi une certaine désorientation. La personne se retrouve
confrontée à de nouvelles difficultés. Ces femmes dont parle Michael White
par exemple se retrouvent face à d’autres problèmes, d’ordre financier, les
relances ou menaces du mari, ou autres.
Parfois cela alimente le désespoir et la personne perçoit ce qui l’attend
comme encore plus difficile que ce qu’elle vivait. C’est le moment où
l’envie est grande de renoncer. Toutefois, lorsque cette période d’entre-deux
peut être comprise comme appartenant à un parcours, un rite de passage,
elle devient plus facile à surmonter.
Comprendre ce rite de passage suppose de reconnaître qu’il y a toujours
une distance entre la séparation d’avec le familier et le tenu pour acquis et
le point d’arrivée en un autre lieu dans lequel certains aspects de l’existence
et de l’identité sont vécus de manière nouvelle. En tant qu’accompagnant
c’est souvent cet entre-deux que nous devons accompagner.

La phase de ré-incorporation

Enfin c’est la ré-incorporation lorsqu’on commence à réaliser que l’on va


mener son existence dans un nouveau lieu dans lequel sont mises en
exergue de nouvelles conceptions de l’existence et de l’identité, un
changement dans l’image que l’on a de soi, un renouveau dans le plaisir de
vivre, de nouvelles émotions et des propositions inédites sur la manière de
conduire sa vie. Par le questionnement, ce point d’arrivée peut être
richement connu et publiquement reconnu.
Michael White parle de ces trois phases comme une migration d’identité.
Ce type de changement, c’est bien plus que d’aller d’un point à un autre,
c’est aussi de passer d’une identité à une autre. Pour ces femmes, c’est
passer d’une identité « je ne vaux rien » à « je mérite mieux pour ma vie ».
Une migration d’identité, ce n’est pas changer d’identité, c’est plutôt
retrouver son identité, comme si on s’était un peu perdu en route.
Je ne travaille pas avec le même public, mais ce sont exactement les
mêmes rites de passage auxquels sont confrontés mes clients quand ils
décident de grands changements dans leur vie. Changer de métier, changer
d’entreprise, s’installer à l’étranger, monter son entreprise, retourner
travailler après un burn-out…
Mon rôle en tant qu’accompagnant sera de soutenir l’élan initial qui
amène souvent la personne à nous, en la ramenant constamment, par mon
questionnement, à ses intentions. Si elle souhaite ce changement, c’est
qu’elle sait que ce qui l’attend est mieux pour elle que ce qu’elle vit
actuellement. Mon rôle est de l’aider à étoffer ce qu’elle sait de ce qui
l’attend pour le rendre plus connu et familier.
Mon rôle est de faire en sorte que mon client gère au mieux cet entre-
deux en lui rendant transparent toutes les étapes, en accueillant ses doutes et
en le reliant à ses forces.
J’ai un client qui voulait quitter sa fonction de cadre dans une entreprise
où il travaillait depuis vingt ans, afin de reprendre un restaurant dans une
région de la France qu’il connaît bien et qui lui tient particulièrement à
cœur. C’était un grand changement pour lui qui gagnait bien sa vie. Il
quittait un métier, une ville, une maison. Il avait réussi à convaincre sa
femme. Plus le projet se précisait et plus il « flippait ». Quand il vient me
voir sur les conseils d’un ami, il se trouve dans un entre-deux bien chahuté.
Il me déclare : « Je veux être sûr que je ne fais pas une connerie ».
Je lui ai proposé de faire l’Arbre de vie de son projet. Pour les racines, je
lui ai demandé : « Comment l’idée de vouloir réaliser ce projet est-elle
entrée dans votre vie ? » Il s’est rendu compte qu’il portait ce projet depuis
bien plus longtemps qu’il ne l’imaginait. Le sol, en l’occurrence, était la
réponse à : « De quoi avez-vous besoin pour réaliser le plus sereinement
possible ce projet ? » La seule chose qu’il a notée à propos du sol est que ce
soit un projet familial. Il avait besoin du soutien des siens. En en discutant,
il m’a dit que sa femme le soutenait car elle avait très envie de quitter Paris
pour pouvoir être plus présente auprès de ses enfants et que ceux-ci puissent
évoluer dans un environnement plus sain. En ce qui concerne le tronc de
son arbre, je lui ai demandé de noter les compétences et qualités qu’il se
reconnaît et qui lui seront bien utiles. Il n’en manquait pas. Pour les
branches, le questionnement fut : « Imaginez que vous vous couchiez ce
soir, et demain quand vous vous réveillez, vous êtes dans votre nouvelle vie,
dans votre restaurant. Qu’est-ce que ce projet aura changé et rendu
possible pour vous, pour votre famille ? Quelles sont les nouvelles
possibilités qui s’ouvrent à vous ?
Puis vint le tour des feuilles : « Qui autour de vous ne serait pas étonné
et apprécierait de vous voir dans ce nouveau projet ? »
Et enfin, les fruits : « Quelles valeurs importantes pour vous pourraient
librement s’exprimer dans ce nouveau projet ? »
Nous avons passé deux heures à explorer l’Arbre de vie de son projet.
Nous avons eu trois autres séances ensemble et il m’a dit que l’Arbre de vie
était ce qui l’avait le plus aidé à se réaligner avec son projet.
L’Arbre de vie est un outil très pertinent pour accompagner cet « entre-
deux » que peut vivre une personne. Il lui permet de retrouver du sens et de
la force pour se raccrocher à son élan de départ.

TRANSPARENCE, AUTORISATIONS
ET SÉCURITÉ
À chaque fois que, dans le courant de mon travail avec une personne, je
propose l’Arbre de vie, je passe un certain temps à exprimer clairement mes
intentions. C’est-à-dire en quoi cela va consister et pourquoi je pense que ce
serait utile à ce moment de notre travail ensemble. Ensuite, je lui demande
si cela lui convient. L’idée est que la personne est la mieux placée pour
savoir ce qui lui convient.
Accompagner une personne, c’est comme un voyage que l’on va partager
avec elle. On ne part pas avec quelqu’un quand on ne sait pas exactement
où il va nous amener. Ce ne serait pas rassurant. Il s’agit de tout dire, de
rendre visible toutes les étapes du voyage à venir, afin que la personne
accompagnée se sente suffisamment en sécurité pour s’y engager
pleinement.
Parfois, le voyage ne se fait pas. Notamment avec des jeunes : ils
viennent aux séances mais n’investissent pas vraiment l’espace. Quand cela
se produit, je ne me dis jamais que c’est de la faute de la personne, mais
plutôt que je ne l’ai pas assez rassurée. Ce n’est pas qu’elle ne veuille pas,
c’est juste que le sens ne lui apparaît pas, ou elle ne se sent pas assez en
sécurité pour s’engager. Créer cet espace sécurisant est de la seule
responsabilité éthique de l’accompagnant. Et cela commence en rendant
transparent tout ce que l’on fait et à ne rien engager sans avoir validé au
préalable que cela convient à notre client.
C’est un voyage aussi pour l’accompagnant. Car les personnes que nous
accompagnons nous font aussi voyager. Elles nous amènent dans des pays
et sur des territoires parfois pas encore visités. Je pense que l’accompagnant
ne doit pas oublier que lui aussi est différent du fait d’avoir accompagné
une personne. Il est nourri et grandi par chaque situation et chaque
rencontre. Il n’est pas rare, quand je termine une mission, de dire à mon
client tout ce que notre travail ensemble m’a apporté et en quoi ça va
éclairer différemment mon chemin professionnel. On aide des personnes qui
sans le savoir nous aident aussi. Autant le leur dire.
Pour terminer, je dirais que, quel que soit notre statut – coach, thérapeute
ou autre – quand une personne nous consulte, c’est qu’elle a un objectif, et
notre travail est de l’accompagner vers cet objectif qui est le sien. Peu
importe la manière dont on va s’y prendre : l’important est de ne jamais
perdre de vue l’objectif du client. Une méthode ne remplace pas
l’accompagnant, sa pratique, son intuition, ses questionnements. Une
méthode ou un outil n’est là que pour soutenir les intentions de
l’accompagnant. Il l’aide à accompagner son client. Et, quand on l’utilise,
c’est toujours en lien avec l’objectif du client.

LES BIENFAITS DE L’ARBRE


DE VIE SUR LES PERSONNES
ACCOMPAGNÉES
Ayant utilisé cette méthode une dizaine d’années sur différents publics, j’ai
pu observer que réaliser son Arbre de vie, le raconter, l’explorer, le partager
permettent globalement aux personnes que l’on accompagne de se sentir
plus fortes, moins seules, de regagner en confiance, d’y voir plus clair dans
leurs projets ou de trouver un projet en lien avec ce qui est important pour
elles dans la vie.
Je pourrais résumer ces bienfaits en trois mots : espoir, fierté et
résilience.

L’espoir

Tout d’abord, je dirais qu’utiliser l’Arbre de vie en individuel ou en


collectif redonne énormément d’espoir aux personnes que l’on accompagne.
Espoir dans leur projet, dans leur vie personnelle et/ou professionnelle,
espoir en l’avenir. Avoir de l’espoir pour moi, c’est l’envie d’avancer dans
la vie en confiance, c’est aussi traverser des changements ou des difficultés
sans se laisser paralyser par eux, juste se sentir en mesure de les surmonter.
C’est cette agréable sensation que nous ne sommes pas à l’abri d’une bonne
surprise.
L’Arbre de vie a vraiment été conçu pour explorer l’espoir chez les gens.
Il y a différentes raisons qui amènent les personnes à nous. Elles ont un
objectif, un désir pour leur vie. Et, si elles se retrouvent face à nous, c’est
qu’elles ont besoin d’aide dans cette période de changement. Si elles ont
besoin d’aide, c’est que le doute s’est invité et, quand le doute s’invite, il
assombrit l’espoir qu’elles pourraient avoir pour ce changement désiré.
En réalisant son Arbre de vie, la personne se voit proposer plusieurs
façons de retrouver de l’espoir. Elle est invitée à redonner du sens à son
parcours (les racines) en répondant aux questions : « Quelle est ton
histoire ? Comment l’idée de faire ce métier est entrée dans ta vie ? ». En se
reliant au sens, elle se relie à la motivation, à ses valeurs. Elle regagne
également en confiance en revisitant ses forces et l’histoire de ses forces (le
tronc) : « Quelles sont vos qualités, compétences, valeurs que l’on vous
reconnaît, que vous appréciez chez vous ? De qui tenez-vous cette qualité ?
Est-ce que vous avez une histoire où cette compétence vous a aidé dans la
vie ? ». Elle sort de l’isolement et retrouve du soutien quand elle se relie à
ses feuilles qui sont les personnes qui comptent ou ont compté dans sa vie,
etc.
L’espoir est là quand on se sent plus fort, quand ce que l’on fait a du sens,
quand on se sent en relation avec les personnes.
Quand on explore sa vie de cette manière c’est l’espoir qui s’invite et qui
assombrit le doute. La personne est à nouveau en mouvement, dans l’action.
Elle a retrouvé de la curiosité et de l’intérêt pour sa vie et elle a envie
d’écrire la suite de son histoire.

La fierté

Quand je pense à fierté, je pense à dignité. Être fière et digne pour moi,
c’est tout le contraire d’avoir honte.
Il m’est arrivé à différent moment de ma vie de ressentir de la honte.
Notamment concernant mon parcours scolaire qui m’a conduit à me
retrouver au collège dans une classe pour enfants en difficulté et fait sortir
très tôt du système scolaire avec un CAP de sténodactylo. Avoir honte pour
moi, c’est se sentir différent dans le sens « moins bien que les autres ». On
se sent exclu ou on s’exclut soi-même de certains milieux.
Cette honte s’est souvent invitée dans ma vie professionnelle et m’a fait
douter, me sentir illégitime, même quand les choses se passaient plutôt bien
pour moi. Cette honte m’obligeait à mentir parfois pour m’inventer des
diplômes que je n’avais pas afin de me conformer aux autres et ceci pour
certainement de ne pas être rejetée.
Aujourd’hui après un beau parcours professionnel, un long travail
personnel et ma formation d’accompagnante, je peux enfin être fière de moi
et de mon parcours. Je peux enfin raconter ma vraie histoire en me sentant
digne. Car j’ai appris à la regarder différemment. On peut donner plusieurs
sens à une même histoire. Je l’ai regardé sous l’angle de comment j’ai
survécu à cette histoire. Comment cette histoire ne m’a pas empêché
d’avancer, d’évoluer professionnellement à un haut niveau, de reprendre des
études à quarante ans et de changer de métier. Cela m’a permis de faire
enfin connaissance avec la petite fille courageuse que j’ai été.
Les personnes que l’on accompagne et qui se trouvent dans des situations
difficiles sont familières de ce sentiment de honte et/ou d’exclusion. Un
sentiment qui les fait se sentir seules et désarmées face à ce qu’elles vivent.
Donner un autre sens à nos histoires, c’est ce que permet l’Arbre de vie.
Avec cette méthode, on propose à la personne que l’on accompagne un
espace pour se raconter différemment avec l’aide d’un questionnement qui
va s’intéresser à toutes les histoires de la personne et qui va mettre la
lumière davantage sur leurs histoires qui parlent de compétences, de
valeurs, de sens. En se racontant de la sorte, la personne va redécouvrir sa
vie, redevenir curieuse voire fière de sa propre vie.

La résilience

J’entends par résilience la capacité qu’ont les personnes à triompher des


traumatismes ou des difficultés de leur vie.
Mon postulat de base est que si la personne est là, devant moi, à dessiner
son arbre, à me le raconter, à explorer tous les moyens d’atteindre son
objectif, c’est qu’elle a déjà triomphé de pas mal de choses dans sa vie.
C’est qu’elle est déjà dans l’action, qu’elle a en elle toutes les ressources. À
l’accompagnant d’aller questionner toutes ses ressources pour avoir un
maximum de détails et que la personne puisse en avoir conscience et s’en
nourrir.
D’ailleurs, une des premières questions que je pose à une personne qui
vient me voir est : Qu’elle est l’histoire de votre présence ici ? Racontez -
moi comment vous êtes arrivée jusqu’à moi ? Quels sont les obstacles que
vous avez peut-être dû surmonter pour être là ?
Dans l’idée que le réel n’a pas le monopole de la réalité. Ce qui se
produit à un moment donné ne suffit pas à représenter la réalité. Pour que
les personnes puissent être là, plein de choses se sont passées. Donc inviter
les personnes à mettre des mots les aident à prendre conscience de leur
réalité. De la richesse de leur réalité.
C’est une manière d’aller chercher l’intention victorieuse, ce dont la
personne a triomphé pour être là. Chaque action que nous avons menée si
petite soit-elle pourrait être explorée de cette manière, sous l’angle de
comment nous avons réussi à mener cette action.
Quand la personne se raconte avec l’Arbre de vie, elle pose des mots et
raconte l’histoire de ces mots. Tout ce qui constitue son histoire et qui fait
qu’elle soit là avec son objectif. Tous les mots posés sur l’Arbre seront
autant d’opportunités d’aller chercher les intentions victorieuses de chaque
action ou épreuve qui ont jalonné sa vie.
La résilience est l’un des bienfaits que procure l’Arbre de vie car après
avoir vécu cette expérience, la personne a pu revisiter sa vie en prenant
conscience et en rendant hommage à tout ce qu’elle a mis en place pour
avancer envers et contre tout.
Ci-dessous, le témoignage de Christine, une de mes clientes, responsable
Qualité d’une grande entreprise. Elle a vécu cette expérience de l’Arbre de
vie et l’a racontée lors d’une interview à Psychologies Magazine en
juin 2016 :
« Il y a deux ans, je ne progressais plus professionnellement, et je ne
m’épanouissais ni dans mon travail ni dans ma vie. Mon entreprise m’a
proposé un coaching, j’ai accepté sans savoir ce que ça pourrait
m’apporter.
La femme qui m’a accompagné m’a tout de suite plu. Elle m’a demandé
de représenter mon parcours professionnel sous la forme d’un « Arbre de
vie », dont les racines étaient ma période scolaire, le tronc ma formation
initiale, et les branches les différentes étapes de ma carrière. J’ai trouvé ça
passionnant. Plus je construisais cet arbre et plus je me sentais fière de mon
parcours : branche après branche, j’ai visualisé tout ce qu’il y avait de
beau et de positif. Et, j’ai identifié les personnes importantes que j’ai
croisées sur ma route et qui ont cru en moi, m’ont encouragée et ont facilité
ma progression.
À travers elles, j’ai vu se dessiner les valeurs auxquelles je crois, et
quelque chose m’a sauté aux yeux : plus l’arbre avait grandi et plus je m’en
étais éloignée. C’était flagrant : au fil des évènements de ma vie, je m’étais
éloignée de moi-même au point de me perdre de vue…
Séance après séance, j’ai élagué mon arbre, enlevé ses feuilles sèches,
nettoyé ses racines, et je me suis rapprochée de moi. J’ai retrouvé l’enfant
vive que j’étais, mes envies, ma capacité à toujours retomber sur mes
pattes, que j’avais perdue.
J’ai accepté d’affronter l’idée que j’avais été victime de situations que je
subissais, mais que c’était terminé.
Ma vie est devenue plus fluide, plus vivante ; j’ai recommencé à faire des
projets qui me ressemblent, et j’ai à nouveau été valorisée dans mon
entreprise. Je me suis re-aimée ! ».
2
ACCOMPAGNER EN INDIVIDUEL

« Chaque fois que nous posons une question,


nous générons une version possible d’une vie ».
David Epston

L’ARBRE DE VIE PERMET AUX PERSONNES de parler de leur vie en utilisant ce qu’elles
savent de leur connaissance sur les arbres. C’est un outil très accessible qui
fait émerger compétences et ressources, qui permet de faire des liens et de
donner du sens à son parcours, à sa vie, de sortir la personne de l’isolement,
de libérer l’expression notamment avec les enfants.

À QUEL MOMENT PROPOSER


L’ARBRE DE VIE ?
Depuis que j’utilise l’Arbre de vie, il m’a été très utile pour aborder les
objectifs suivants avec mes clients :
• au début d’un accompagnement pour faire connaissance avec la
personne ;
• au début d’un accompagnement pour clarifier la demande, les objectifs
à travailler ;
• avec les jeunes pour libérer l’expression ;
• pour aller à la recherche du projet de la personne : orientation,
transition de vie ;
• pour travailler le manque de confiance ou d’estime de soi ;
• pour sortir la personne de l’isolement ;
• pour l’aider à retrouver du sens dans sa vie, dans son travail ;
• pour l’aider à mieux se connaître dans une démarche de
développement ;
• pour travailler son identité professionnelle et dégager sa singularité ;
• pour développer la cohésion d’une équipe ;
• pour travailler la solidarité tout en honorant les différences ;
• pour anticiper les obstacles qui pourraient se mettre entre nous et nos
projets.
• en cas de blocage dans un accompagnement, lorsqu’on n’avance plus,
pour relancer la démarche et ouvrir de nouvelles pistes

L’ACCOMPAGNEMENT INDIVIDUEL
La méthode de l’Arbre de vie a été conçue pour accompagner les collectifs.
Néanmoins, je l’ai tout de suite intégrée dans mes accompagnements
individuels en gardant les mêmes principes, les mêmes intentions. Vous
allez lire dans ce chapitre comment j’ai adapté cet outil collectif à
l’accompagnement individuel.

Préparer la personne

Avant de commencer et pour instaurer une atmosphère de transparence


totale, je dis à mon client : « Il y aura, tout au long de ce travail, une
invitation à parler de vos forces. Vous allez faire l’expérience d’une autre
manière de vous présenter. Est-ce que cela vous convient ? » Ensuite, je
mets la personne en condition. Je lui décris tout le processus : « Vous allez
commencer à dessiner un arbre nu. Un arbre qui a des racines, un sol, un
tronc, des branches, des feuilles, des fruits. Toutes les parties de l’arbre
vont servir de support pour faire émerger des mots. À travers cet arbre, on
va parler de vous. Nous allons passer à peu près dix minutes sur chaque
partie de l’arbre pour la renseigner. Vous pouvez commenter vos mots au
moment où vous les notez ou à la fin quand l’arbre sera terminé. À la fin,
on verra ce que votre arbre vous apprend et vous ouvre comme nouvelles
pistes pour votre projet. ».

Faire dessiner l’arbre

J’invite la personne à aller au paperboard et à dessiner son arbre. Les


différentes parties de l’arbre seront utilisées comme métaphore pour
représenter les différents aspects de sa vie. Je l’invite à se souvenir de
choses qu’elle sait déjà, puisqu’il s’agit de sa vie, de ses expériences, mais
auxquelles elle n’est plus tellement connectée au moment où elle vient nous
voir.
Certaines personne vont me dire : « Vous savez, je ne sais pas du tout
dessiner ! » Je leur réponds « Cela tombe bien, car ce n’est pas un concours
de dessin. C’est juste une manière d’honorer les mots, d’aller au secours
des mots en les posant quelque part pour que l’on puisse les regarder et en
discuter ».
Dans cet exercice de l’Arbre de vie, on n’analyse pas du tout le dessin
comme on pourrait le faire dans d’autres pratiques. On n’interprète rien. On
fait juste émerger des mots que l’on va demander à la personne de
développer.
Sur le plan symbolique et physique, faire se lever quelqu’un pour
dessiner son arbre est une belle façon de mettre la personne en mouvement
et en action.

LES RACINES
En général, on renseigne l’arbre du bas vers le haut. Une fois qu’il est
dessiné, j’invite donc la personne à poser d’abord des mots sur les racines.
Les racines sont une partie de l’arbre qui parlera plutôt du passé. Il s’agit de
se retourner sur sa vie et de regarder d’où elle vient. Les personnes qui
viennent nous voir ont parfois l’impression de subir leur vie, d’avoir fait des
choix par défaut, d’avoir un parcours incohérent, ou ne comprennent pas ce
qui se rejoue souvent.
L’intention, en renseignant cette partie de l’arbre, est de permettre à notre
client de redécouvrir dans sa vie du sens et de la cohérence. C’est souvent le
moment où il prendra conscience de ce qui conditionne sa vie : il fera des
liens, ou bien il aura une meilleure compréhension de ce qui se passe pour
lui.
Pour l’accompagnant, c’est également très aidant, car, dépassant la
demande initiale, la formulation du problème ou de l’objectif, il va avoir
accès au contexte plus élargi dans lequel évolue ou a évolué son client. En
fonction des personnes, les mots sont présentés un à un au moment où ils
sont écrits, d’autres ont besoin de poser tous les mots sur leurs racines avant
de pouvoir en parler. D’autres encore préfèrent terminer entièrement leur
arbre avant de le présenter. Tout est bien pour moi dès lors que c’est le plus
confortable pour la personne.
Les questions de l’accompagnant pour faire émerger les mots des racines
peuvent changer en fonction du public, de l’objectif que la personne vient
travailler, si c’est un arbre professionnel ou personnel. Ce qui ne change
pas, c’est que sur cette partie de l’arbre on va aller à la recherche de
l’histoire et des origines, tout en ne perdant jamais de vue l’objectif que
vient travailler avec nous la personne.

Exemples de questions que je pose pour les racines


– Quelle est votre histoire professionnelle ?
– Si vous vous retournez sur votre parcours professionnel, qu’est-ce qui à votre avis
fait que vous vous retrouviez à ce poste, dans ce secteur d’activité ? (Cela peut être
des rencontres, des compétences, un style d’études, ou autres.)
– Quelles sont les principales étapes de votre parcours professionnel ?
– Qu’est-ce qui, à votre avis, il est intéressant pour moi de savoir de votre histoire
professionnelle et qui m’aiderait à vous accompagner ?
– Si vous vous retournez sur votre parcours professionnel, qu’est-ce qui, à votre avis, a
guidé vos pas jusqu’à présent ?

Pendant qu’ils écrivent, je leur dis de prendre le temps dont ils ont
besoin, de laisser venir les mots. « Mettez-les où vous voulez, sur les
racines, entre les racines ». « Tous les mots ont leur importance. Il y en a
qui vous éclaireront peut-être un plus que d’autres. S’ils viennent c’est
qu’ils ont leur place ».
Certains, soucieux de bien faire, me demandent si tel mot convient, ou
bien s’il y a un ordre particulier pour les noter. Je réponds toujours que,
pour moi, cela n’a aucune importance, de faire comme ils le souhaitent,
comme c’est le mieux pour eux.

Débriefing des racines

Lorsque la personne juge d’elle-même qu’elle a terminé, je l’invite à


présenter ses racines. Je m’emploie à ce que chaque présentation de chaque
partie de l’arbre ait le style d’une conversation entre nous. Elle me raconte
librement, dans l’ordre qu’elle souhaite. J’écoute et je pose des questions de
curiosité. J’aide mon client à préciser, à développer ou à établir des liens si
nécessaire. Souvent, la personne fait les liens d’elle-même.
Parfois, il arrive que certaines racines s’avèrent encombrantes pour la
personne : des choses que, dans son histoire, elle a vécues de manière pas
vraiment positive, une éducation trouvée trop rigide, une injonction
familiale à faire tel type d’études au détriment d’une vocation initiale, etc.
Dans ce cas de figure, il m’arrive souvent de proposer à mon client le
concept du Musée1. Je lui dis : « Vous savez, dans les musées, on met
souvent des choses anciennes que l’on peut aller voir ou pas selon qu’on en
a ou non l’envie. Et si on imaginait d’avoir tous notre musée personnel ?
Un musée où nous pouvons mettre ce qui dans notre histoire nous
encombre, quelque chose qui, un jour, avait sa place mais ne l’a plus
vraiment aujourd’hui, quelque chose que l’on voudrait mettre un peu à
distance sans pour autant le jeter définitivement ? On peut aller le
récupérer si on veut, on peut aller lui rendre visite de temps en temps, mais
il n’est plus chez nous. Qu’en pensez-vous ? Et vous, il y a des choses de
votre histoire que vous auriez envie de mettre dans votre musée
personnel ? »
J’invite ainsi la personne à se délester virtuellement de certaines de ses
histoires qu’elle trouverait trop pesantes ou emprisonnantes. Une manière,
pour elle, de décider de ce qu’elle veut garder près d’elle et de ce qu’elle a
envie d’éloigner plus ou moins, sans forcément le jeter. Une manière, aussi,
de donner à mon client le pouvoir de décision. Quand la personne adhère à
ma proposition, je garde le concept du musée à la disposition de toutes les
parties de l’arbre et tout au long de l’accompagnement en général.
Pour terminer, je préciserai qu’il m’arrive, dans certains cas précis, en
fonction de ce que vit la personne, si j’ai l’intuition que commencer par les
racines pourrait être inconfortable pour elle, de ne pas commencer par les
racines mais directement par le tronc. Ensuite, en fonction du déroulement
de la séance, de l’énergie de la personne, je décide de redescendre vers les
racines ou non.
C’est le cas, souvent, quand j’accompagne des jeunes. Il y en a qui
connaissent des situations familiales difficiles, ils sont orphelins ou bien
éloignés de leur famille. Quand je sens la situation fragile pour eux ou
quand ils m’ont l’air tristes ou désabusés, je commence par le tronc pour
leur redonner un peu de force et ensuite, en fonction du jeune et de ce que je
sens de son énergie, je reviens aux racines.

LE SOL
Avec les racines, nous étions plutôt dans le passé. Avec le sol, nous entrons
dans le présent. Pour cette séquence-là, je me suis progressivement
détachée de la version initiale proposée par Ncazelo Ncube-Mlilo et David
Denborough. Je la sentais moins adaptée pour le type de travail que je fais
en coaching avec mes clients. Sur le sol Ncazelo et David demandaient aux
enfants : « Quelle est ta vie aujourd’hui ? Où tu vis ? Quelles sont tes
activités au quotidien ? » Pour ma part, je relie cette séquence aux besoins
de la personne que j’accompagne. Ceux qui souffrent, qui ne sont pas
heureux au travail ou dans leur vie, souvent ne sont plus connectés à leurs
besoins.
L’intention que je mets dans cette séquence est donc de permettre à la
personne accompagnée d’identifier ses besoins pour les faire vivre et en
prendre soin. Je vais donc lui demander de quoi son arbre a besoin pour
grandir et se déployer. De quoi il convient de nourrir le sol afin qu’il
développe un tronc solide, des branches robustes, un beau feuillage, de
beaux fruits, et que la sève circule bien dans l’ensemble.

Exemples de questions à poser pour le sol


– Qu’est-ce qui nourrit ce sol ?
– De quoi votre arbre a-t-il besoin pour grandir, s’épanouir ?
– De quoi avez-vous besoin pour avancer dans la vie, dans votre métier ou votre
emploi ?
– Qu’est-ce qui n’est pas négociable : ce qui doit être absolument présent dans votre
vie professionnelle, personnelle ?

Je demande aux personnes de ne pas mettre trop de mots, d’établir des


priorités, car on ne peut pas forcément nourrir tous ses besoins, ne mettre
que ce qui est important pour elles, ce qui n’est pas négociable. C’est un
moment où il faut donner un peu de temps, car réfléchir à ses besoins n’est
pas une pratique habituelle pour la plupart des gens. J’aide un peu si
nécessaire en donnant quelques exemples ou en disant : « Vous voyez, c’est
le genre de choses qui, si cela ne vit pas dans votre vie ou dans votre
travail, vous rend les choses difficiles ».
On se retrouve avec des mots comme : soutien, transparence, liberté,
reconnaissance…

Débriefing du sol

La personne présente ses mots. Je vais alors questionner chaque mot. Si la


personne a écrit le mot « liberté », je vais le lui faire expliciter. « C’est quoi,
la liberté, précisément pour vous dans le travail ? Est-ce que vous pouvez
me raconter une histoire qui m’aiderait à comprendre comment la liberté
s’exprime dans votre travail ? À votre avis, d’où vous vient ce besoin de
liberté ? Comment l’avez-vous acquis ? Qui autour de vous sait cela et
apprécie cela de vous ? Quand la liberté s’exprime dans votre travail,
qu’est-ce que cela rend possible pour vous ? » Ce qui est très important,
c’est de faire s’exprimer l’abstrait par le concret. Pour cela, il convient de
questionner et de faire raconter des histoires qui fournissent des illustrations
« palpables ». Si je garde l’exemple de la liberté, elle ne vient pas de nulle
part et ce sont des expériences vécues qui la rendent perceptible et
reconnaissable.
C’est un moment important de l’accompagnement : la personne nous
donne accès à ce qu’elle veut et à ce dont elle a besoin pour sa vie. On va
s’apercevoir que, souvent, ce qui l’a amenée à venir nous voir est en
relation avec le sol de l’arbre, car c’est à ce niveau que, dans sa vie, les
choses ont du mal à s’exprimer.
Quand une personne souffre, quand elle n’est pas pleinement satisfaite
dans son travail, c’est souvent que des valeurs importantes pour elle ne sont
pas honorées, voire sont bafouées. Dès lors que cela s’est exprimé, on peut
travailler avec elle pour qu’elle énonce comment elle prendra désormais
soin de son sol, comment elle peut faire en sorte de ne jamais perdre de vue
ses besoins. Comment les faire exister, là où elle est ou ailleurs. Et, si elle
envisage un nouveau projet, un projet alternatif à sa situation présente, on
travaillera avec elle pour qu’elle définisse comment concilier son nouveau
projet et ses besoins.

LE TRONC
Avec le tronc on reste dans le présent. Dans le tronc, nous allons chercher
les ressources de la personne. Nous allons l’inviter à se relier à ses forces, à
identifier et à noter ses compétences, mais aussi toutes les ressources
qu’elle a en elle, qu’elle a développées tout au long de sa vie, qu’on lui
reconnaît, qu’elle-même apprécie chez elle. La personne peut tenir un
discours de découragement voire d’impuissance. Nous devons lui faire
prendre conscience que, si elle est là, en ce moment, à nous parler de ses
difficultés, c’est qu’elle a encore la force de leur résister, et cela relève des
forces qui habitent le tronc de son arbre.
Pour certaines personnes en difficulté, c’est une étape un peu difficile car
elles sont souvent plus ou moins déconnectées de leurs compétences. Par
compétences, j’entends tout ce qui permet et a permis à une personne de se
mettre debout, d’avancer, de s’adapter à des situations difficiles, de
surmonter des épreuves, d’avoir des réussites et du bonheur. Ce sont
souvent des compétences « clandestines » car la personne elle-même n’en a
pas conscience ou n’a pas conscience que ce sont des compétences. Je ne
suis jamais inquiète : chaque personne a largement de quoi remplir son
tronc. Mais, s’agissant de certaines, réaliser leur arbre constituera une
marche un peu haute. C’est à moi de les aider, par mes questions, à
retrouver les richesses et les ressources auxquelles elles ne sont plus
connectées. Parfois, il m’arrive de suggérer des compétences que j’ai pu
déjà discerner en elles.
L’intention de cette partie de l’arbre est clairement d’honorer les savoirs
les plus existentiels, les savoirs clandestins de la personne. Ce qu’elle met
en œuvre tous les jours sans penser que c’est forcément une compétence.
Comme si c’était juste « normal ». À nous, les accompagnants, de rendre un
peu plus exceptionnel ce qui est vécu comme « normal », afin de permettre
à la personne de s’en nourrir pour gagner en confiance et en estime de soi.
Dans le cas d’un projet, l’intention est également de lui faire prendre
conscience qu’elle est bien équipée et qu’elle ne part pas de rien.
Il s’agit, en résumé, d’aller chercher ce qui, même caché, fait que leur
tronc est solide. Ce qui fait que, malgré les tempêtes, l’arbre est toujours
debout et vivant.

Exemples de questions à poser pour le tronc


– Quelles sont vos qualités, compétences, talents, habiletés que l’on vous reconnaît,
et/ou que l’on apprécie chez vous ?
– Qu’est-ce qui vous distingue professionnellement en termes de qualités, de
compétences, de savoirs, savoir-faire, savoir être ?
– Qu’est-ce que vos collègues reconnaissent et apprécient en vous en termes de talents,
compétences, qualités ?
– Quelles sont les valeurs qui vous animent et que vous aimez voir vivre dans votre
travail au quotidien ?
– Qu’est-ce que vous vous reconnaissez comme qualités, compétences ?

On se retrouve, en fonction des personnes, avec un tronc plus ou moins


rempli. Pas de panique ! Une seule qualité peut être pleine de puissance et
« faire plein de petits ». Par exemple, je vais rebondir sur un mot et
demander : « C’est quoi exactement pour toi d’être quelqu’un de
déterminé ? » et la personne en répondant énumérera plusieurs
compétences : « Être déterminée, pour moi, c’est être tenace, ne pas lâcher
le morceau, être persévérante… »
Débriefing du tronc

La partie du tronc est une partie que j’explore en profondeur avec mes
clients. Face aux défis qu’elles ont à relever, les personnes se sont plus ou
moins éloignées de leurs compétences. Explorer le tronc, c’est les leur
rappeler.
Il y a trois temps différents quand une personne fait son Arbre de vie et
les parties de l’arbre importent peu. Il y a :
• un temps où elle fait émerger des mots,
• un temps où elle me les « raconte »,
• un dernier temps, dont je parlerai un peu plus loin, où elle a la
possibilité de les raconter à une autre personne qui deviendra ainsi un
témoin de ses compétences.
Le temps où je l’invite à me raconter ses mots est celui où les mots
deviennent plus que des mots : ils deviennent conscience, conscience de ce
qu’ils recouvrent. Afin de conduire tous ces mots à s’incarner, il faut
questionner et faire raconter un maximum d’histoires qui ancreront
l’abstrait dans la réalité.
C’est souvent le moment où je peux ramener la personne à l’objectif
qu’elle est venue travailler avec moi : « Parmi toutes les qualités,
compétences que vous avez notées, lesquelles à votre avis vous seront utiles
pour réaliser votre projet ? » « Comment ces qualités que vous venez de
sélectionner vont-elles vous aider ? »
En général toutes les qualités seront aidantes, mais c’est une manière de
prioriser, de faire des familles de qualités, de sorte que la personne
commence à réfléchir au « bon usage » de ses qualités.
Si par exemple l’audace est l’une des qualités que la personne désigne
comme une qualité qu’elle a et qui pourrait l’aider, je questionnerai un peu
plus cette qualité : car dire que l’on est « audacieuse » ne suffit pas. La
réalité est bien plus riche que ce qu’elle pense :
• Est-ce que vous m’autorisez à vous poser quelques questions sur cette
qualité ?
• Qu’est-ce que cela signifie exactement pour vous d’être audacieuse ?
• Est-ce que vous pouvez partager avec moi une histoire où être
audacieuse vous a aidé dans votre vie, dans votre travail ?
• À votre avis, d’où vous vient que vous soyez une personne audacieuse ?
Comment avez-vous acquis cette qualité ?
• Qui, autour de vous, ne serait pas étonné et apprécierait que vous
soyez audacieuse ?
• Cette personne que vous désignez qui ne serait pas étonnée, c’est donc
qu’elle vous a vue être audacieuse. Qu’est-ce qu’elle a pu voir,
observer qui lui permet de savoir que vous êtes audacieuse ? Est-ce
que vous pouvez me raconter une fois où elle a été témoin de votre
audace ?
• Qu’est-ce que cela signifie exactement pour vous, en termes de valeur
d’être audacieuse ?
• Quand vous évoquez ces valeurs, qu’est-ce qui vous vient à l’esprit
concernant l’espoir que vous avez par rapport à votre projet ?
• Quand vous pensez à cet espoir, qu’est-ce que vous vous voyez
accomplir en rapport à votre projet ?
Parfois certaines personnes mettent une qualité sur leur arbre sans grande
conviction : « On dit souvent de moi que je suis rassurante. Je ne vois pas
trop pourquoi. » Notre travail d’accompagnant est d’arriver à faire vaciller
le moindre doute en demandant :
– Vous pouvez me dire qui dit ça de vous ?
– Ma voisine, qui est aussi une amie, me dit souvent que je la rassure.
– Comment s’appelle votre voisine et amie ?
– Anna
– Est-ce que vous avez une petite idée de pourquoi Anna dit cela de
vous ? Est-ce que vous pouvez me raconter une situation que vous avez
vécue avec Anna qui pourrait lui faire dire cela ?
– C’est vrai qu’elle a traversé une période difficile ces derniers temps.
Et elle venait souvent me voir. Elle disait que cela lui faisait du bien de
me parler.
– Vous pouvez me raconter la dernière fois où vous avez eu avec Anna
une discussion qui lui a fait du bien ? Quand était-ce ?
Il est essentiel de faire sortir la personne de l’abstraction des mots pour
appeler en quelque sorte l’expérience concrète à témoigner. C’est le
meilleur moyen pour qu’elle reconnaisse et qu’elle s’approprie ses
compétences. C’est ce que nous appelons « accueillir les personnes du côté
de la vie ». C’est les ramener, avec nos questions, sur le lieu de l’expérience
où la compétence s’est exprimée et cela avec les plus de détails possible,
pour écarter le moindre doute qu’elle pourrait cultiver. Pour redonner à
cette mémoire le goût du vécu, de la vie.
Pour l’accompagnant, le défi est de ne pas lâcher tant que la personne n’a
pas donné d’éléments palpables de l’expérience : où, quand, comment, etc.
Si la personne n’y arrive pas, ce n’est jamais parce qu’elle ne veut pas, c’est
qu’elle ne trouve plus le chemin. À nous de l’aider. Au besoin en reposant
parfois la même question différemment. Souvent, je demande : « Ce qui
m’aiderait à bien comprendre serait que vous me donniez un petit
exemple ».
À partir de là, si c’est nécessaire, je peux proposer à la personne un petit
exercice supplémentaire afin d’ancrer davantage la qualité qui a été
énoncée. C’est un exercice conçu par ma collègue et amie Élizabeth Feld.
Je donne une feuille blanche et je demande à la personne de dessiner sa
qualité. « Si vous deviez dessiner cette qualité, à quoi ressemblerait-elle ? »
Une fois la qualité dessinée, je lui demande de noter sur la même feuille,
autour du dessin, les mots qui lui viennent à l’esprit, tous les mots que le
dessin lui inspire, les mots en lien avec sa qualité. Pour terminer, je lui
demande de faire une phrase avec tous les mots qu’elle a notés.
J’utilise souvent cet exercice avec les jeunes à l’approche des examens,
quand ils ont besoin de s’accrocher à toutes leurs qualités. Une jeune fille
m’a dit qu’elle avait accroché son dessin à la maison, sur le mur, devant son
bureau, « pour ne pas oublier que je suis déterminée, que je ne lâche
jamais ». Et de conclure : « Ça m’aide ! »
Ce que j’ai pu observer, c’est que le moment où l’on explore ses
compétences est toujours très ressourçant pour une personne.

LES BRANCHES
Une fois que l’on a exploré d’où l’on vient, que l’on s’est relié à nos
besoins, à nos compétences, que l’on a pris le temps de retrouver du sens et
de regagner en force, le ciel apparaît plus dégagé, ce qui paraissait
inaccessible l’est un peu moins. Le moment est venu de se tourner vers
l’avenir. C’est ce à quoi va nous servir la séquence consacrée aux branches
de l’Arbre de vie.
C’est comme un voyage que l’on fait dans sa propre vie. Chaque partie
de l’Arbre, du fait de l’avoir explorée, nous rend différent et constitue une
étape du voyage. Or, quand on voyage, il n’est pas rare de rapporter des
souvenirs, des cartes postales qui rappellent les moments importants que
l’on veut garder en mémoire. Après chacune des séquences, je demande à la
personne que j’accompagne de noter ou de me dire ce qu’elle a appris, ce
que cela change pour elle, en quoi elle est différente du fait d’avoir vécu
cette étape, ce qu’elle a envie de garder et ce qu’elle a éventuellement envie
de mettre dans son musée personnel.
Avec la séquence des Branches, je propose à la personne de se projeter
dans l’avenir et d’identifier ce qu’elle veut pour sa vie. Que ce soit concret
ou totalement utopique, tout ce que l’on recueillera sur cette partie de
l’arbre nous éclairera sur l’orientation qu’elle veut donner à sa vie. Sur les
premières parties de l’Arbre ont émergé les conditions pour qu’elle y voie
plus clair quant à la direction à prendre. Sur les branches de l’Arbre, elle va
maintenant nous désigner les prochaines étapes du voyage, là où elle a très
envie de se rendre, là où elle sait que ce sera bien pour elle.
L’intention à l’œuvre ici est de se projeter plus sereinement vers l’avenir.
De rendre la destination plus familière. De clarifier et d’affiner les objectifs.

Exemples de questions à poser pour les branches


– Quand vous regardez devant vous, quels les sont les rêves, les espoirs et les projets
que vous avez pour votre vie personnelle ou professionnelle ?
– Qu’est-ce pour vous qu’une vie réussie ?
– Qu’est-ce que vous voulez pour votre vie ?
– Tu ne sais pas encore ce que tu veux faire comme métier, mais tu as peut-être une
petite idée de quelques éléments que tu voudras retrouver dans ton futur métier (être
indépendant, voyager ou autres…) ?
Débriefing des branches

Avant que la personne me présente ses branches, je lui demande souvent :


« Est-ce que vous voyez un lien entre toutes vos branches ? Si vos branches
pouvaient parler, quelle histoire nous raconteraient-elles sur ce qui est
important pour vous ? » Qu’elle voit un lien ou pas n’a pas d’importance. Si
j’en vois un, je peux le lui soumettre comme une hypothèse.
C’est un moment important où l’on va accueillir tout ce qui manque à la
personne pour être pleinement épanouie dans son travail, dans ses études ou
dans sa vie, en fonction de ce que l’on travaille avec elle. C’est souvent le
moment où apparaissent d’autres demandes, où s’invite en fait la vraie
demande ou la demande cachée. C’est un bon moyen et un bon moment
pour faire un point et revisiter la demande initiale, pour la clarifier, pour que
nous ayons, et parfois notre client aussi, une meilleure compréhension de ce
qu’elle souhaite et recherche.
Je me souviens d’un homme qui était venu à moi après un burn-out qui
l’avait tenu éloigné de son travail pendant deux mois. Il venait de reprendre
son activité et son objectif était d’explorer la possibilité de se remobiliser,
mais ailleurs, dans une autre entreprise, un autre milieu.
Je lui ai proposé assez rapidement de faire son Arbre de vie. Après lui
avoir dit en quoi cela consistait, je lui ai dit que l’intention était, s’il était
d’accord, de se reconnecter à ses forces dans cette période de reprise de
travail et que cela nous ouvrirait également des pistes pour sa
remobilisation.
Arrivé aux branches, quand j’ai posé la question : « Quels sont vos rêves,
vos espoirs, vos projets pour votre vie professionnelle ? », il n’a pas écrit
« se remobiliser ailleurs ». Il a mis : « Travailler sur des projets concrets
qui se réalisent, être reconnu et apprécié pour ce que je suis et ce que je
fais, travailler en équipe et en confiance avec les gens, modéliser et
transmettre tout ce que j’ai initié pour améliorer le management au sein de
mon entreprise ». Dans ses branches, il avait rassemblé tout ce qui était
précieux pour lui, qui faisait sens et qu’il souhaitait retrouver dans un poste.
En fait tout ce qu’il ne vivait plus dans son emploi. À partir de là, nous
avons refait un point sur l’objectif à travailler en coaching.
Il m’a raconté que cela faisait dix-sept ans qu’il était dans la même
entreprise, une prestigieuse entreprise française, à un poste au sein des
Ressources Humaines. Il y avait été heureux pendant quinze ans. Mais,
depuis deux ans, il avait une nouvelle chef de service qu’il n’estimait pas
beaucoup, qui le faisait travailler sur des dossiers énormes qui ne voyaient
jamais le jour. Quand, par hasard, un projet voyait le jour, c’était elle qui en
retirait tous les lauriers. C’est ainsi qu’il s’était retrouvé de moins en moins
visible au sein de l’entreprise et qu’il avait perdu toute confiance en lui et
toute sa motivation.
Souvenons-nous que, selon le déroulement normal de notre travail, avant
d’en être aux branches nous avions nourri le tronc en explorant le sens et les
forces. Il était maintenant un peu plus confiant et au clair avec ses objectifs.
Il m’a dit : « Honnêtement dans l’absolu, j’aimerais beaucoup rester dans
cette entreprise, mais pas dans le même service, et je ne sais pas trop si
c’est possible pour moi de changer au sein même de l’entreprise ».
Finalement, il a donc décidé de travailler deux pistes : rester mais en
changeant de service, ou partir.
Tout ce travail en coaching, et notamment avec l’Arbre de vie, a aidé
mon client dans sa période difficile de reprise. L’Arbre de vie a contribué
clairement à le faire gagner en force, a retrouver du sens et à clarifier ce
qu’il souhaitait vraiment. Il a réussi à changer de service et, dans son
nouveau poste, à faire vivre tout ce qu’il avait écrit sur les branches de son
Arbre.

LES FEUILLES
Avec l’Arbre de vie, on va crescendo. Parti des racines, on grimpe au tronc,
puis dans les branches. On redonne du sens, on se relie à ses besoins, à ses
forces, à ses projets. Chaque partie de l’Arbre a son rôle et va contribuer à
construire avec nos clients une histoire qui les rend plus forts. Cependant, il
n’est pas toujours facile pour eux de s’accrocher à leurs forces retrouvées.
D’une séance sur l’autre, la personne peut à nouveau perdre espoir.
N’oublions pas que nos clients sont dans ce fameux « entre-deux » où le
doute s’invite souvent… À nous, à chaque séance, de trouver les moyens
qu’ils s’accrochent un peu plus fermement à leurs intentions, à leurs forces.
Les feuilles de l’Arbre vont nous y aider considérablement.
S’isoler est le comportement le plus commun d’une personne qui vit des
difficultés. Même si elle est objectivement entourée, elle peut se sentir seule
dans ce qu’elle vit. Or, les problèmes peuvent être résolus ou en tout cas
être mis sur la voie des solutions dès lors qu’on se relie aux autres. D’où
l’intérêt d’évoquer, voire d’impliquer des personnes de leur entourage pour
consolider leurs ressources.
De plus, une personne en difficulté devient aveugle à ses compétences.
Elle ne se sent plus « capable de »… Il lui est donc nécessaire de trouver
des témoins qu’un jour elle a su faire… Ces témoins porteront la mémoire
de ses compétences, le temps qu’elle-même la retrouve et la réintègre dans
leur histoire.
Avec les feuilles, l’idée est de constituer le « Club de vie » de la
personne. Son club de soutien en quelque sorte. Le Club de vie est
également un des concepts issus des Pratiques Narratives. Il a pour
intention d’intégrer et de revaloriser la contribution des personnages qui
comptent dans la vie de quelqu’un. Il peut être virtuel, mais aussi réel.
Chaque feuille de l’Arbre représentera donc une personne importante à
qui on a envie de donner plus de voix dans notre vie. Une personne que l’on
a envie de voir fréquenter plus souvent notre club. Cela peut être une
personne réelle ou un personnage. Cela peut être une personne vivante ou
décédée. Cela peut être un animal qui compte ou qui a compté pour nous.
Cela peut être un auteur que l’on a lu et qui changé notre vie. Cela peut
même être un lieu, un héros, un doudou pour les enfants. Bref, tous ceux
qui nous font ou nous on fait du bien.
La séquence des feuilles, c’est le moment où l’on invite la personne que
l’on accompagne à se souvenir de tous ceux qui ont contribué positivement
à sa vie. Une personne, une feuille ! Là, encore, il convient d’éviter le piège
de l’abstraction. Certains, par exemple, vont être tentés de regrouper sur
une seule feuille une communauté de personnes. Ils vont écrire, par
exemple, « famille » sur une feuille, « amis » sur une autre… Mais
l’exercice n’est puissant qu’à la condition d’identifier individuellement des
personnes, donc d’avoir une seule personne par feuille, et de bien noter son
nom ou son prénom.
Parfois, il faut aussi donner un coup de pouce. Dans ces cas-là, je leur dis
quelque chose comme : « Vous savez, il faut mériter d’être sur votre arbre.
On ne choisit pas toujours les personnes avec qui on vit, avec qui on évolue
professionnellement. Mais, là où l’on a encore le choix, c’est de donner
plus de voix et de crédit à certaines personnes qu’à d’autres. Comme une
radio dont on baisse le son quand le programme ne nous plaît pas, et on
l’augmente quand il nous plaît ». Tout cela est virtuel, mais c’est une belle
manière de se positionner et de reprendre le pouvoir sur nos relations.
L’intention de cette partie de l’arbre est de sortir la personne de
l’isolement, de lui faire recréer du lien en allant à la rencontre de qui lui a
donné de la valeur, qui lui a donné la conscience de son droit à exister.

Exemples de questions à poser pour les feuilles


– Quelles sont les personnes, les personnages qui ont eu une influence positive dans
votre vie ?
– Quelles sont les personnes qui t’ont fait grandir, qui t’ont soutenu, encouragé à
différents moments de ta vie ?
– Qui sont vos alliés dans l’entreprise ?
– Si tu réfléchis à toutes les communautés de ta vie, famille, travail, amis, quels sont
ceux qui font que, lorsqu’ils te regardent, tu te sens plus forte ?
– Qui autour de toi ne serait pas étonné et apprécierait que tu réalises ton projet ?
– Vers qui te retournes-tu quand tu as besoin de force ?
– De quelle personne pourrais-tu dire : je suis heureux qu’elle existe ou qu’elle ait
existé dans ma vie ?
– Quels sont tes héros, tes mentors, les personnes qui t’inspirent dans la vie ?

Débriefing des feuilles

Quand la personne constitue son Club de vie et s’y relie, que


progressivement elle met des noms sur les feuilles, c’est toujours pour elle
un moment émouvant et ressourçant. Un nom souvent en amène un autre.
Selon les arbres, on se retrouvera avec plus ou moins de feuilles, mais
toutes seront précieuses.
J’invite la personne à me présenter les feuilles de son Arbre, à me dire
quelques mots sur chacune des feuilles. Quand elle a terminé, je reviens à
l’objectif qu’elle est venue travailler avec moi et je lui demande : « Si vous
deviez me présenter un peu plus longuement une ou deux de vos feuilles,
lesquelles choisiriez-vous ? Cela pourrait-il être des feuilles représentant
des personnes qui n’auraient aucun doute sur votre capacité à atteindre
votre objectif ? » En général, toutes les personnes représentées sur l’arbre
n’auraient aucun doute sur les capacités de mon client, mais c’est ma
manière de toujours lui laisser le choix de qui il veut parler.
Une fois la personne identifiée, en imaginant que celle-ci s’appelle
Michel, je pose les questions suivantes :
• Est-ce que vous pouvez m’en dire un peu plus sur Michel ? Depuis
quand vous connaissez-vous ? Où vous êtes-vous rencontrés ? Etc.
• Qu’est-ce que Michel sait de vous ou vous a vu faire qui vous fait
penser qu’il n’aurait aucun doute sur vos capacités à atteindre votre
objectif ? Avez-vous un exemple précis de ce dont il a été le témoin ?
• Vous avez choisi de mettre Michel sur votre arbre, qu’est-ce que vous
appréciez chez Michel particulièrement ? Qu’est-ce que Michel a
apporté dans votre vie ?
• Et, à votre avis, qu’est-ce que Michel apprécie chez vous ? Quelles sont
les qualités qu’il a vues que les autres ne voyaient peut-être pas ?
• Est-ce que le fait de connaître Michel vous a permis de faire des choses
que vous n’auriez peut-être jamais faites si vous ne l’aviez pas
rencontré ?
• Et Michel, à votre avis, qu’est-ce qui a été différent pour lui aussi du
fait de vous connaître ?
• En imaginant que Michel soit là avec nous, que nous dirait-il sur votre
capacité à atteindre votre objectif ?
• Quel serait le message qu’il pourrait vous transmettre ?
• Qu’est-ce que cela vous fait de parler de Michel comme on vient de le
faire ?
• Est-ce que vous pensez que vous souvenir de votre lien avec Michel
pourrait vous aider ou vous ouvrir de nouvelles possibilités par
rapport à votre projet professionnel ?
• En imaginant que Michel soit là avec nous que nous dirait-il sur votre
capacité à atteindre votre objectif ?
Le moment où la personne évoque ses feuilles est toujours un moment
important et fort pour elle, car elle prend conscience qu’elle n’est pas seule
devant les défis qu’elle doit affronter. C’est aussi un moment important, car
elle s’aperçoit qu’elle-même contribue positivement à la vie de ces
personnes. Il n’est pas rare alors que la personne se mette à pleurer. Ce ne
sont pas des larmes de tristesse, ce sont des larmes d’émotion et de
soulagement. Les larmes d’une personne qui s’était égarée et qui vient de
retrouver sa tribu. Derrière ces larmes, il y a aussi des mots que l’on peut
questionner. Michael White interrogeait les larmes en demandant à la
personne : « Si chaque larme était un message, qu’est-ce qu’il y aurait
écrit ? ».
C’est également un moment fort pour l’accompagnant, car lui aussi se
sent un peu moins seul maintenant pour aider son client.
Quand la personne désigne une Feuille et parle de la relation qu’elle y a
inscrite, comme « Michel », il est judicieux de prononcer le plus souvent
possible, dans nos échanges, le nom en question. Comme vous pouvez le
constater dans les questions que j’ai données en exemple, le prénom Michel
apparaît chaque fois. Je ne dis pas : « Qu’est-ce que cette personne apprécie
chez vous ? » Je dis : « Qu’est-ce que Michel apprécie chez vous ? » Il faut
que la personne que nous accompagnons entende le plus souvent possible le
nom de la personne citée afin que celle-ci soit le plus présente possible,
qu’elle s’incarne au maximum.
Quand quelqu’un me parle plus longuement d’une de ses feuilles, on sent
la personne dont il est question s’incarner de plus en plus. C’est comme si
elle était là avec nous. Ce n’est pas n’importe qui, c’est « Michel ». À partir
de ce moment, si tout se passe bien, « Michel » aura une place particulière
et aidante dans la vie de notre client qui pourra se relier à « Michel » quand
il en sentira le besoin.
Si la personne désigne comme feuille, un héros, comme c’est souvent le
cas avec les jeunes, on va questionner un peu différemment. Sur les arbres
des jeunes, il n’est pas rare de trouver des noms comme Zizou, Sexion
d’Assaut ou autres… Je vais d’abord les questionner sur ce que représente
ce héros pour la personne, les qualités, les valeurs qu’elle lui reconnaît. Et
je vais ensuite questionner la personne pour voir si elle se reconnaît dans
certaines de ces compétences et valeurs. Si elle me dit par exemple que le
courage est une valeur qu’elle reconnaît aussi chez elle, je vais explorer cela
avec elle en lui demandant une histoire qui illustre ça et en allant chercher
des témoins dans la vraie vie qui savent qu’elle est courageuse.
Clara m’avait spontanément désigné l’écrivain Albert Camus comme une
feuille importante de son arbre car, elle ne savait pas trop pourquoi, il lui
faisait du bien, elle était contente qu’il existe. Comme elle aime l’écriture,
je lui ai demandé si elle voulait bien écrire quelque chose autour de sa
relation avec cet écrivain et en quoi cet écrivain est une personne ressource
pour elle d’une certaine manière dans sa vie. Clara a écrit ce joli texte ci-
dessous. Dans ce texte, en me parlant d’Albert Camus, Clara me parlait
d’elle, de tout ce qui fait sens pour elle et de toutes ses compétences que
son humilité empêche de s’approprier directement :
« Ma rencontre avec Albert Camus
Si je fouille dans mes souvenirs, j’avoue que je suis bien embarrassée
quand il s’agit d’évoquer quelqu’un qui, à travers un regard bienveillant
posé un jour sur moi, aurait soudainement coloré ma vie autrement.
Mon univers professionnel passé et présent est jalonné d’hommes et de
femmes qui font partie de mes souvenirs. Il m’est cependant difficile, parmi
ces personnes, d’en distinguer une, plutôt qu’une autre, porteuse à un
moment donné de ce regard singulier, de cette attention particulière dont je
pourrais me souvenir agréablement.
De même, parmi mes souvenirs d’enfance, je ne repère pas clairement
quelqu’un ayant un jour rempli ce rôle. Bien sûr, sur cette route d’enfance,
j’ai souvent décelé à travers un sourire ou une attention, la gentillesse ou la
bonté de certaines personnes, la gentillesse ne s’oublie pas.
Par la suite, il m’est bien sûr arrivé de recevoir un compliment sur un
travail fait ou une façon d’être. Comme j’ai toujours été assez sensible à ce
que l’on pouvait dire sur moi, cela m’a touchée, forcément.
Mais puis-je dire pour autant que cela ait bousculé ma vie … ?
Je laisse volontairement ici de côté ma famille (mes sœurs, mes frères,
ma mère…). D’une bienveillance inconditionnelle, elle ne connaît pas le
rejet. Elle est, du plus loin que je me souvienne, de mon côté, comme je suis
du sien. C’est une tribu (ce mot me plaît) étrangère aux querelles, dont
l’histoire commune a resserré les liens.
Vers qui donc me tourner, l’objet de ce récit étant d’élire en quelque sorte
un personnage clé.
Pourquoi pas alors quelqu’un que je n’aurais pas connu mais qui
indirectement m’aurait apporté quelque chose, un auteur par exemple, et je
pense à Albert Camus…
Auparavant, ce choix ne me serait pas venu à l’esprit car je suis restée
longtemps à distance du monde des auteurs. Je n’y étais pas indifférente,
j’évoluais juste en parallèle, je ne le connaissais pas encore.
Je ne le choisis pas par hasard. Il se trouve qu’en dehors du fait que c’est
un grand écrivain, il rejoint quelque part ma propre histoire. Quand je dis
cela, je pense à l’Algérie, terre natale de mes parents, je pense au quartier
populaire d’Alger où nous avons habité (pour ma part de l’âge de 3 à 5 ans
environ). La famille de colons pauvres et modestes dont est issu Albert
Camus, c’est aussi mon père et ma mère, ils ne possédaient rien… L’exil,
c’est aussi le nôtre. Cette résonance, je l’ai découverte au fur et à mesure
que j’apprenais des choses sur sa vie à travers ses écrits ou ceux de ses
amis, ou encore à la faveur d’une actualité qui venait (et vient toujours
d’ailleurs) le remettre sur le devant de la scène.
Ce qui me touche en lui, ce n’est pas tant le journaliste, l’homme de
théâtre ou encore le philosophe qui analysait si finement l’actualité et les
grandes questions auxquelles les hommes sont depuis toujours confrontés,
ce qui me touche le plus c’est l’homme avec toute sa sensibilité, le
romancier. On ne peut rester insensible au fait qu’il ait obtenu le prix Nobel
de Littérature alors que sa mère était analphabète, quel beau cadeau il lui a
fait !
En réalité, il n’y a pas si longtemps que j’ai découvert l’univers de cet
auteur, cela ne date pas de mes lointaines années de lycée durant
lesquelles, à vrai dire, je n’ai pas l’impression d’avoir retenu grand-chose.
Je crois qu’à cette époque, rien ne s’est réellement imprimé, j’étais là sans
y être, ni une bonne, ni une mauvaise élève, plutôt moyenne en tout.
Sitôt le lycée terminé, je suis entrée dans le monde du travail. J’ai
souvent changé de domaine tout en faisant le même métier, secrétaire, celui
que j’avais appris sans trop de conviction mais qui m’a finalement ouvert
pas mal de portes.
Tout au long de ce parcours professionnel, et bien que n’ayant jamais été
une grande lectrice, les livres n’étaient jamais bien loin, dès que je sentais
leur proximité, cela me faisait du bien.
C’est ainsi qu’un jour, j’ai lu « Le Premier homme ».
J’avais déniché ce livre dans une librairie ancienne jadis proche de chez
moi, tenue par une vieille dame et sa fille.
J’ai beaucoup aimé ce livre. Il y aurait beaucoup à en dire ainsi que sur
le long chemin qui a mené ce livre inachevé jusqu’à sa parution…
Pour l’auteur, c’est un retour par l’écriture sur la terre natale, l’Algérie,
une terre qu’il n’a jamais quittée par la pensée.
C’est un livre infiniment romanesque, très touchant, puisé aux sources de
l’enfance, mêlant autobiographie et quête d’identité.
C’est aussi un livre d’une grande humilité, un hommage de l’auteur
rendu aux siens, au milieu très modeste d’où il vient. Il dit d’ailleurs en
parlant d’eux : « ils sont plus grands que moi ».
Je connaissais déjà un peu Albert Camus. Sans doute que ce livre m’a
plu car il est très personnel et sincère. On découvre un enfant qui grandit
dans un milieu très pauvre, proche d’une mère aimante qui n’entendait pas
bien, avait des problèmes d’élocution et ne savait ni lire ni écrire. Elle
faisait des ménages pour faire vivre sa famille (Albert Camus et son frère).
Ils habitaient chez la grand-mère maternelle dans un quartier populaire
d’Alger.
Je ne peux pas dire que cette rencontre m’a permis de faire des choses
concrètes. Il est parfois difficile de faire vraiment ce que l’on aime dans la
vie, à l’heure où beaucoup de portes se ferment au lieu de s’ouvrir. Je dirais
que cette rencontre a plutôt pris la forme d’un lien invisible, celui qui me
relie à une terre, une famille culturelle et finalement à l’enfance.
Albert Camus, par ses mots et par son amour de la terre natale, me
ramène à une part de moi-même et de mon histoire. C’est comme un frère
de soleil (titre d’un livre d’Emmanuel Roblès, l’un de ses amis).
Albert Camus n’a pas radicalement changé ma vie mais son goût
contagieux du bonheur a distillé quelques notes d’espoir sur mon chemin. »

Cette partie de l’exercice peut être un peu délicate pour certaines


personnes, car elles vont avoir du mal à se connecter à des personnes
ressources. Elles peuvent avoir l’impression de n’être pas très entourée.
À nous de les aider. Ma manière de le faire est au niveau du tronc. Quand la
personne me présente sa compétence, je vais lui demander : « Tu as dit que
tu es une personne déterminée. Qui sait que tu es une personne déterminée
et apprécie cela de toi ? » Si la personne arrive à donner un nom, il y a une
forte chance que ce nom devienne une feuille. Si elle n’y pense pas, je peux
le lui proposer.
Il m’est arrivé une fois, une seule fois, qu’un jeune homme de seize ans
que j’accompagnais n’aie aucune feuille à mettre sur son arbre. Idriss vivait
dans un foyer. Il était seul en France. Il venait d’un pays en guerre. Il avait
vécu des situations très difficiles. Je devais l’aider à trouver un projet
professionnel et je l’avais déjà vu quatre fois. Comme je craignais de le
retraumatiser en insistant ou en évoquant les membres de sa famille, je lui
ai seulement demandé : « Idriss, est-ce que le travail que l’on fait ensemble
t’aide ? ». Il m’a répondu : « Un peu ». Alors je lui ai dit : « Tu sais, c’est
ton arbre, donc tu en fais ce que tu veux, mais sache que je serais très
honorée d’être une feuille de ton arbre ». Il m’a regardé un peu interloqué,
et il m’a mis sur son arbre. Quand je l’ai revu, deux autres feuilles avaient
poussé. Il m’a dit : j’ai rajouté mon éducatrice, Laura, et Maxime, le
surveillant du soir, parce qu’ils sont cools. Il m’a un peu parlé d’eux. Il y
avait désormais trois feuilles sur l’Arbre de vie d’Idriss. Et ce n’était que le
début.
Le « Club de vie » peut aussi sortir du virtuel pour devenir un vrai Club.
On peut faire appel aux feuilles concrètement, dans la « vraie vie » comme
disent les internautes. On peut leur écrire, les inviter à une séance.
Parfois, je me retrouve bloquée dans un accompagnement. Je ne sais plus
trop quoi faire avec mon client. C’était le cas avec Soulaymane un jeune
homme de quinze ans, en « classe Relais », c’est-à-dire une classe de
collège où l’on met tous les jeunes qui ont des problèmes de comportement.
Soulaymane était perçu comme un jeune homme violent envers ses
camarades. Mon travail avec lui, initialement, était de l’aider à trouver son
projet. Je ne fais pas différemment avec les jeunes dans les écoles et les
cadres en entreprise. Je fais émerger une demande, puis, ensemble, nous
travaillons la demande.
Or, la demande de Soulaymane était très claire mais n’avait rien à voir
avec son projet. Il m’a dit : « Je veux changer de réputation ». Je lui ai
demandé : « Qu’est-ce que tu attends de moi ? Comment puis-je t’aider à
changer de réputation ? » Il m’a répondu : « Je veux que ça se voie que j’ai
changé ». « Ok. Et, à ton avis, comment verra-t-on que tu as changé ? »
« Ben, on s’en prendra plus toujours à moi. C’est vrai que j’ai fait pas mal
de conneries depuis deux ans, mais depuis cette année j’ai changé, je me
suis calmé, mais personne ne voit que j’ai changé ».
Soulaymane vivait comme une grande injustice le fait qu’il faisait des
efforts dont personne ne s’apercevait. Cela le bloquait pour se motiver sur
son projet. Je lui ai demandé le type d’efforts qu’il faisait pour m’aider à
comprendre. Il m’a dit « Avant, je tapais dès que l’on venait m’embêter.
Maintenant je ne tape pas toujours, pas tout de suite. J’essaie de parler un
peu ».
En fait je ne savais pas trop comment aider Soulaymane au début. C’est
une fois de plus l’Arbre de vie qui a débloqué la situation. Sur son Arbre, il
y avait deux feuilles : sa mère et un éducateur de son foyer. Entre deux
séances, j’ai écrit à ses deux feuilles, la même lettre qui disait à peu près
cela :
« Bonjour,
Je suis coach. J’accompagne le jeune Soulaymane.
Soulaymane veut changer de réputation. Il reconnaît qu’il a fait pas mal
de conneries ces deux dernières années, mais il dit qu’il a décidé de
changer cette année et qu’il fait des efforts, mais que personne ne voit qu’il
a changé.
Nous avons réalisé dans le cadre de notre travail avec Soulaymane son
Arbre de vie où il a noté ses compétences, notamment qu’il est direct, qu’il
aime dire franchement ce qu’il pense et qu’il aime bien rendre service. Il a
noté aussi ses projets de retourner dans une classe « normale », d’avoir un
métier où il gagne bien sa vie et de vivre à nouveau avec sa maman quand
ce sera possible. Il vous a mis sur son arbre comme deux personnes
importantes dans sa vie.
Est-ce que vous pourriez envoyer une lettre à Soulaymane pour lui dire
si, vous, vous avez remarqué qu’il avait changé en donnant des exemples
précis.
Merci pour votre aide.
Dina Scherrer »
Quand j’ai revu Soulaymane, je lui ai donné les deux lettres en lui
demandant s’il voulait bien les remettre à ses deux feuilles. Il les a lues et
m’a dit « Vous êtes sûre Madame ? ». Je lui ai répondu « Tu fais comme tu
veux, comme tu le sens. Tu veux que l’on voit que tu as changé, je pense que
c’est bien de commencer à demander aux personnes avec qui tu vis et qui te
connaissent le mieux ». Soulaymane a donné les lettres à ses feuilles.
Quand nous nous sommes revus, il était très content de me montrer les
deux belles lettres qu’il avait reçues. Je lui ai demandé s’il voulait bien me
les lire. De mémoire, son éducateur le remerciait de l’avoir mis sur son
Arbre. Il confirmait qu’il aimait rendre service en donnant comme exemple
que c’était le seul qui l’aidait à ranger le local le soir. Et il a minutieusement
listé tous les efforts qu’il avait pu remarquer et dont il pouvait témoigner :
« Il se bat beaucoup moins, je l’ai même vu séparer deux camarades qui se
battaient en les raisonnant, il est plus calme, plus ouvert à la discussion;
d’ailleurs on a de grandes discussions tous les deux. Il m’a même dit que
quand il sentait monter la violence, il allait faire du sport pour se
défouler… ».
Quant à sa maman, elle a commencé par me remercier. Elle a écrit :
« Merci Madame de me donner la possibilité d’aider mon fils, oui j’ai vu
qu’il avait changé. Il me répond moins, il est plus gentil avec son petit
frère, il m’aide un peu à la maison… »
La séance d’après, Soulaymane a voulu que l’on travaille son projet
d’orientation. J’ai supposé que, pour lui, « changer de réputation » n’était
plus un sujet.

LES FRUITS
Avec les fruits, on aborde la dernière séquence de l’Arbre de vie. Les fruits
constituent une belle opportunité de recueillir encore de l’information avant
de passer à la séquence de synthèse.
Les fruits sont les cadeaux que l’on a reçus. J’invite ainsi les personnes à
se souvenir des cadeaux que la vie leur a apportés, à se reconnecter à ces
moments.
Car les fruits révèlent notre capacité à percevoir qu’il y a des moments où
nous avons reçu des cadeaux. Cela peut être des petites choses, une parole
réconfortante, une aide imprévue, un geste de soutien. Ou bien un
évènement plus important, comme une promotion professionnelle, une
rencontre décisive… Tout ce que les personnes concernées identifient, qui
leur paraît être une chance, un cadeau dans leur vie.
Sur le moment, souvent, les personnes que nous accompagnons ont un
peu de mal à les retrouver. Il nous faut les aider un peu, par nos questions
ou en leur proposant des exemples. J’évoque souvent ce que j’ai moi-même
inscrit comme cadeaux sur mon propre Arbre de vie. Je leur dis : « Moi, par
exemple, sur mon Arbre, j’ai mis « l’optimisme » qui est une de mes
qualités. Car c’est un vrai cadeau pour moi d’avoir cette qualité qui m’aide
beaucoup dans ma vie, dans mon travail ».
L’intention de cette partie de l’arbre est double. D’abord il s’agit de
mettre aux commandes cette capacité de voir les petits moments lumineux
de nos vies, qui passent parfois inaperçus. C’est aussi, pour certains, de
découvrir qu’une épreuve que l’on a vécue à son corps défendant peut
parfois devenir un cadeau.

Exemples de questions à poser pour faire apparaître les fruits


– Qu’est-ce que vous avez vécu dans votre vie personnelle, dans votre vie
professionnelle, comme une chance, un cadeau ?
– À propos de quel évènement de votre vie pourriez-vous dire que c’est un beau
cadeau que la vie vous a donné ?
– À propos de quel évènement de votre vie pourriez-vous dire qu’après coup, avec le
recul, c’est une chance de l’avoir vécu ?
– Y a-t-il des évènements de votre vie qui se sont transformés en cadeaux ?
– De quels évènements de votre vie pouvez-vous dire que vous avez eu de la chance ?

Débriefing des fruits

Comme je l’ai fait pour les autres parties de l’arbre, j’invite la personne à
me présenter les fruits de son Arbre. Il se peut qu’un même mot se retrouve
sur plusieurs des parties de l’Arbre de vie, et c’est très bien. Un jeune
garçon avait mis sa maman dans les Racines, sur une Feuille et sur un Fruit.
Cela montre juste l’importance de ce mot et de la personne qu’il représente
dans sa vie.
Si une personne me parle de la chance qu’elle a d’avoir été recrutée dans
l’entreprise où elle est, comme pour tous les mots de l’arbre, je l’incite à
explorer autour de cela en posant quelques questions :
• Qu’est-ce qu’on a vu en vous qui a donné envie de vous recruter ? À
votre avis, qu’est-ce qui a fait la différence ?
• Qu’est-ce que vous avez mis en œuvre de votre côté pour que ça
marche ? Comment vous êtes-vous préparée ?
L’idée, ici, est d’aller dénicher, dans les cadeaux qu’elle a reçus, la
contribution de la personne : il est important de faire prendre conscience
aux personnes que nous accompagnons qu’elles n’ont pas eu seulement de
la chance mais qu’elles ont aussi joué un rôle, qu’elles ont su être
l’attracteur de cette chance, de leurs succès.
Un de mes clients avait mis un prénom sur un Fruit de son Arbre :
« Nathan ». Quand il a présenté son cadeau, il m’a dit : « Nathan est mon
neveu. Il a seize ans. Il est trisomique. Quand il est arrivé dans notre
famille ç’a d’abord été comme un cataclysme. Puis, petit à petit, cet enfant
s’est révélé tellement attachant, tellement naturel et spontané, tellement
tendre, qu’il a totalement transformé positivement notre famille. Nous
étions une famille pas très unie et nous avons fini par nous souder autour
de lui et devenir meilleurs. Il nous a ouvert à la tolérance et à bien d’autres
choses ».
Quand un cadeau a été tout d’abord une épreuve comme un burn-out ou
un cancer, comme j’ai pu le voir dans les cadeaux, on invite la personne à
verbaliser la transformation de l’épreuve en cadeau. Elle est prête pour cela,
car, en le notant, elle a déjà fait la moitié du chemin. « Qu’est-ce que cette
expérience vous a appris ? En quoi êtes-vous différent du fait de l’avoir
vécue ?En quoi cela vous aide-t-il aujourd’hui ou vous aidera demain ? ».
Les fruits sont les cadeaux mais ils peuvent devenir ce que l’on a besoin
de faire émerger en fonction de la personne. Si les cadeaux ne parlent pas à
la personne, ils peuvent devenir « les souvenirs agréables ». Dans ces cas-là
je demande : « Quels sont les bons souvenirs professionnels que vous
emporterez avec vous à l’avenir ? Quand et comment vous remémorez-vous
ces souvenirs ? Qui a joué un rôle dans ces souvenirs ? Pourquoi ces
souvenirs sont-ils si précieux pour vous ? Qu’ont-ils à vous offrir ? Qu’est-
ce qu’ils continueront de vous offrir dans l’avenir ? À quels moments
serait-ce utile de vous remémorer ces souvenirs ? ».

Débriefing de l’Arbre de vie dans sa globalité

Quand l’Arbre est achevé, je propose qu’on prenne le temps de bien


regarder dans son ensemble toutes les informations recueillies.
Il faut savoir que, sans l’Arbre de vie, il faudrait au minimum cinq
séances pour obtenir autant d’informations. Car l’un des avantages non
négligeable de l’Arbre de vie est d’obtenir un maximum d’informations en
un minimum de temps.
J’invite ensuite son auteur à le commenter, en lui demandant par
exemple : « Quelles sont vos premières impressions, les réflexions qui vous
viennent, en regardant votre Arbre ? Comment vous êtes-vous senti en le
faisant ? Y a-t-il eu des moments plus difficiles que d’autres ? Comment
vous sentez-vous après l’avoir réalisé ? »
C’est ensuite le moment de revenir à l’objectif de la personne et de voir
quel éclairage nouveau l’arbre lui apporte :
« Qu’est-ce que votre arbre vous a appris et qui vous sera utile pour
mener à bien votre projet ? Qu’est-ce qui, peut-être, vous a surpris ?
Qu’est-ce que le fait d’avoir réalisé votre arbre vous ouvre comme
nouvelles possibilités ? À votre avis, en quoi cela pourra-t-il être différent
demain pour vous, du fait d’avoir fait cet arbre ? Qu’est-ce que cet arbre
vous donne comme espoir par rapport à votre projet ? Quelles nouvelles
idées cela vous donne pour la réalisation de votre projet ? »
Après avoir passé ce temps à se reconnecter à ses forces, la personne peut
maintenant anticiper les tempêtes sans se sentir totalement démunie ou
vulnérable. C’est le moment de lui demander : « Qu’est-ce qui pourrait se
mettre sur votre chemin entre vous et votre projet ? Qu’est-ce qui pourrait
vous empêcher d’aller au bout de votre projet ? Qu’est-ce que le fait
d’avoir réalisé votre arbre fera que ce sera différent, que vous saurez faire
face si cela se produit ? ».
C’est le moment où la personne prend conscience qu’elle est équipée
pour aller vers son projet, pour surmonter ce qui pourrait se mettre sur son
chemin, qu’elle n’est pas toute seule. Les idées sont plus claires pour elle.
Elle reprend espoir en l’avenir.
Pour l’accompagnant, il y a des pistes qui se sont peut-être ouvertes et
que la personne n’a pas forcément vues. Il pourra les explorer avec elle.
Ce que je propose à ce stade, c’est de garder l’arbre jusqu’à la fin de la
mission et, chaque fois que la personne revient, je l’affiche devant elle.
Même si l’on ne travaille plus sur l’arbre, si dans le travail que l’on fait
ensemble une nouvelle compétence ou une nouvelle personne-ressource
apparaît, je demande à mon client s’il souhaite les rajouter à son arbre. Pour
que, lorsque la mission sera terminée, son Arbre soit bien nourri. S’il ne
souhaite pas me laisser son arbre, ce n’est pas un souci, il peut le rapporter à
la prochaine séance, ou pas, selon ce qui lui convient.
Il n’est pas rare que des personnes arrivent et me disent : « J’ai une
nouvelle feuille sur mon arbre » et de m’en parler. Ou l’inverse, souvent
avec les jeunes, ils ont vite fait de retirer des feuilles de leur arbre si on
n’est plus copains avec eux. Je suis ravie pour eux, car ils ont compris
comment cela fonctionne et c’est que le travail se fait sans moi. C’est à eux
de décider de qui mérite ou ne mérite pas d’être sur leur arbre. Avoir le
choix, c’est cela, et c’est l’exercice de ce choix qui fait que l’on apprend à
redevenir auteur de sa vie.

LES TÉMOINS EXTÉRIEURS


Avec leur Arbre, les personnes nous disent qui elles sont fondamentalement,
ce qu’elles ont envie d’être, là où elles ont envie de se développer
davantage. Elles nous montrent ce qui est précieux pour elles, ce qu’elles
veulent pour leur vie. L’Arbre les invite à se présenter sous leur versant le
plus lumineux.
Le moment où nous faisons la synthèse de l’Arbre est propice pour
proposer à mes clients : « À qui aimeriez-vous montrer cette partie de vous-
même ? À qui voudriez-vous, ou à qui serait-il utile pour vous de présenter
votre arbre ? À qui aimeriez-vous rendre visible tout ce qui est si important
pour vous ? »
De fait, je propose à la personne d’inviter, si elle le souhaite,
physiquement, une personne ou plusieurs à une de nos séances, et de leur
présenter son arbre. En l’invitant à faire cela, je donne évidemment mes
intentions à la personne : faire rayonner à un plus haut niveau ce qui est
précieux pour elle, recueillir des témoignages sur l’image que cet arbre
renvoie d’elle, rassembler des témoins de ses forces retrouvées. Ce concept
« travailler avec des témoins extérieurs » est également issu des Pratiques
Narratives. C’est une pratique extrêmement puissante qui va venir étoffer
encore davantage l’identité préférée de la personne.
Ces personnes que l’on invite peuvent être celles mentionnées sur les
feuilles de l’Arbre ou bien d’autres. Je peux aussi proposer d’inviter un de
mes anciens clients qui a surmonté une histoire un peu similaire. Il faut que
cela ait du sens pour la personne et pour l’accompagnant. Si la personne ne
souhaite pas le faire, il nous appartient de respecter son choix, sinon nous
irions à l’encontre d’un des objectifs que nous recherchons en tant
qu’accompagnant : remettre la personne en puissance, aux commandes de
sa vie.
J’ai accompagné Lucas, un jeune homme qui était en prépa. Son rêve
était d’être professeur de français. Il avait fait un parcours scolaire sans
faute. Brillant élève, il était toujours en tête de classe. Sauf qu’arrivé en
prépa, comme c’est souvent le cas, ses notes se sont effondrées et, lui qui
aimait tant parler des auteurs et partager son point de vue, s’est retrouvé
face à des professeurs qui lui disaient « Ton point de vue, on s’en f… Tu es
là pour emmagasiner du savoir. » Cela n’intéressait pas Lucas d’apprendre
comme cela. Il voulait comprendre, discuter, partager, et comme ce n’était
pas ce qu’on attendait de lui, il manquait cruellement de reconnaissance.
La prépa et ce type d’enseignement avaient bousculé toutes ses
certitudes. Alors, il n’allait plus en cours, il ne voulait plus être professeur
de français, et il ne voulait même pas d’un autre projet. Son rêve de vie
s’écroulait. Les parents de Lucas étaient très inquiets pour lui. Notre
objectif de travail avec Lucas était donc qu’il se remobilise sur son projet –
ou sur un autre.
À un moment donné de l’accompagnement de Lucas, je lui ai demandé
de faire son Arbre de vie. Cela lui a permis, en premier lieu, de me raconter
comment l’envie de devenir professeur de Français était entrée dans sa vie.
L’amour de la littérature lui venait à la fois de sa maman et d’une
professeure de français qu’il avait eue au collège et qui, selon lui, était
« formidable ». Il m’a dit « Les cours avec elle étaient comme une
conversation. Quand on parlait avec elle, on avait l’impression que ce que
l’on disait était intéressant ». En me parlant d’elle, il me parlait du
professeur qu’il voulait être. Sur les feuilles de son Arbre, il y avait du beau
monde. Tous les auteurs qui avaient influencé ses goûts et sa pensée. On
aurait pu faire une séance pour chaque feuille tant Lucas était inépuisable à
parler de ce qui l’animait.
Il y eut une étape importante dans notre travail quand j’ai proposé à
Lucas d’inviter à l’une de nos séances un professeur de français que j’avais
croisé dans un établissement scolaire où j’intervenais. J’avais pensé à lui,
car il était adoré de ses élèves, ses cours étaient rien moins qu’orthodoxes :
par exemple il pouvait emmener ses élèves dans un musée pour faire ses
cours ou bien il avait pris l’initiative de ne plus les noter afin de supprimer
une source de démotivation. Je me suis toujours demandé comment ce
professeur faisait pour être ce qu’il était au sein de l’Éducation nationale.
Lucas fut un peu intrigué, mais il me donna son accord, et le professeur a
gentiment accepté.
Quand nous nous sommes retrouvés tous les trois dans mon bureau, j’ai
fait les présentations et j’ai posé un cadre. J’ai dit à notre témoin que son
rôle était d’être sur le ressenti, d’écouter la conversation que j’allais avoir
avec Lucas et qu’ensuite je lui poserais quelques questions notamment sur
l’image que cela lui aurait donnée de Lucas et de ce qui est important pour
lui. Quand le professeur prendrait la parole, ce serait au tour de Lucas de
devenir témoin, avant de réagir sur ce qu’il aurait entendu.
J’ai rappelé pourquoi Lucas avait souhaité être accompagné et les
grandes lignes du travail que nous faisions ensemble, puis Lucas a présenté
son arbre. Je me suis ensuite tournée vers notre témoin et nous avons eu une
petite discussion tous les deux devant Lucas.
À notre témoin j’ai posé cinq questions :
• Quels sont les mots, les expressions que Lucas a employés et qui vous
ont particulièrement touché ?
• Ces mots que vous avez retenus, qu’est-ce que cela vous dit de ce qui
est important pour Lucas ?
• Qu’elle image cela vous donne-t-il de Lucas ? Est-ce que vous avez une
image, une métaphore qui vous vient ?
• Comment expliquez-vous que ce sont ces mots-là qui ont retenu
(rappeler les mots) votre attention ? À quelle partie de votre propre
histoire cela fait-il écho ?
• Le fait d’avoir été témoin de l’histoire de Lucas, en quoi cela pourrait-
il éclairer votre propre chemin ?
Notre témoin a été extrêmement touché par l’histoire de Lucas.
Globalement, il lui a renvoyé l’image d’un épicurien du savoir, de
quelqu’un qui aime apprendre dans le plaisir. Il a relevé que, pour Lucas,
apprendre c’est apprendre ensemble. Quant à l’image qui lui venait en
pensant à Lucas, c’était celle d’un martien. Qui est, en prépa, sur une
planète qui n’est pas la sienne. Notre témoin était ému car, lui aussi, parfois,
s’était senti comme un martien dans le système scolaire. D’avoir rencontré
et écouté Lucas lui faisait se sentir un peu moins seul !
Je suis ensuite revenue à Lucas pour lui demander ce qu’il retenait de ce
qu’avait dit notre témoin et en quoi cela allait éventuellement l’aider, et
quel espoir cela pouvait lui donner pour la suite de son projet.
En fait, Lucas a été bouleversé par cette rencontre et cet entretien. Il
retenait principalement qu’il y avait d’autres martiens comme lui et que
c’était possible de faire autrement.
À l’issue de cet exercice, leur conversation s’est un peu poursuivie. Je me
souviens que notre témoin lui a dit aussi qu’en général les personnes qui
acceptent le système sont souvent celles qui vont le reproduire, et que sa
souffrance était une réaction saine de rejet. Que le manque de
reconnaissance est légitime, mais que tout le monde n’exprime pas la
souffrance liée au manque de reconnaissance. Qu’il y a malheureusement
de fortes chances qu’autour de lui d’autres souffrent comme lui, mais sans
rien dire. Il lui a même proposé qu’ils restent en contact, s’il le souhaitait.
Cet entretien a eu un effet considérable sur Lucas. La séance a été le
moment de basculement pour Lucas du côté de l’espoir.
Peu de temps après, Lucas a décidé de reprendre ses études et de persister
dans son projet.
CLÔTURER UNE MISSION AVEC
L’ARBRE DE VIE
L’Arbre de vie nous permet d’ouvrir une multitude de pistes que nous
pourrons explorer avec nos clients. Une fois que l’on en a compris l’esprit
et les intentions éthiques, on peut se donner la liberté d’être créatif,
d’innover, d’utiliser notre intelligence des situations pour faire pleinement
notre métier qui est de donner à notre client la capacité de déployer les
possibles qui l’attendent.
Quand j’arrive en fin de mission avec un client, je peux utiliser l’Arbre
de vie pour clôturer notre travail. Voici trois exemples de ce que l’on peut
faire à ce stade.

Faire l’Arbre de vie en fin de mission comme bilan

Si je n’ai pas fait faire l’Arbre de vie pendant la mission, ce qui arrive
parfois, je peux le proposer à la fin pour aller récolter et présenter tout ce
que l’on a semé au cours de nos rencontres. En quelque sorte, l’Arbre de vie
de mon client devient son bilan de notre accompagnement. Une manière
pour la personne de passer en revue tout ce que l’on a fait ensemble et de se
remémorer toutes ses avancées. Elle repartira avec son Arbre de vie, qui
sera là pour lui rappeler si elle en ressent le besoin ses forces et ses
soutiens.
Pour réaliser l’Arbre à ce moment-là, les questions pourront être :
1. Racines : « Qu’est-ce que vous avez découvert pendant cet
accompagnement et qui est fondamentalement important pour vous et
cela peut-être depuis toujours ? »
2. Sol : « Quels sont vos besoins, dont vous allez devoir prendre soin ? »
3. Tronc : « Sur quelles compétences, qualités allez-vous pouvoir
compter ? »
4. Feuilles : « Quelles sont les personnes qui constituent votre club de
soutien ? »
5. Branches : « Qu’est-ce que cet accompagnement vous donne comme
espoir, projets, envies ? »
6. Fruits : « Quelles vont être les premières actions que vous allez
poser ? »
Ces questions sont les miennes sur le moment. À vous de créer les vôtres,
celles qui vous paraîtront pertinentes en fonction du travail que vous aurez
fait avec votre client. Il est primordial que nos questions soient toujours en
lien avec nos intentions. On ne fait pas l’Arbre de vie juste pour faire
l’Arbre de vie. Si mon intention est de faire un bilan, mes questions seront
des questions pour nourrir un bilan. Si je me permets de préciser cela, c’est
que des collègues que je forme parfois sont séduits par l’outil « Arbre de
vie ». Ils l’utilisent donc très vite, mais oublient parfois pourquoi ils l’ont
utilisé. Et ils me disent ensuite, en supervision : « Une fois que j’ai fait
l’Arbre de vie avec mon client, je ne sais plus quoi faire après ! » Je leur
demande alors : « Quel est l’objectif que vous étiez en train de travailler
avec votre client ? » « Quelle était votre intention en utilisant l’Arbre de
vie ? » En général l’accompagnant s’aperçoit effectivement qu’il avait
perdu de vue à la fois l’objectif et l’intention.

Une séance de bilan avec les parents d’un enfant mineur

Une seconde utilisation de l’Arbre de vie en clôture concerne la séance de


bilan avec les parents qui m’ont confié un enfant mineur. Plutôt que
d’organiser une séance classique, du genre « Comment ça s’est passé, etc. »,
je propose au jeune : « Et si tu présentais ton Arbre de vie à tes parents ?
Ce serait une manière de te présenter à eux différemment, sous l’angle de
ce qui est précieux pour toi ». Et, le jour du bilan, comme pour Lucas dont
j’ai parlé plus haut, le jeune raconte son arbre, les parents sont en posture de
témoins bienveillants et je leur pose exactement les mêmes questions qu’au
témoin de Lucas.
Souvent, les parents qui me confient leur enfant sont inquiets : il a perdu
confiance, ou bien il n’a pas de projet, ou encore il a décroché scolairement.
En outre, ce peut être une période de tension où les relations sont difficiles
voire conflictuelles avec lui. Au surplus, en me confiant leur enfant, c’est
comme s’ils avouaient leur impuissance devant le problème. Ils peuvent se
sentir « dégradés » dans leur statut de parents. Dans cette situation
complexe, ce type de bilan présente pour moi des avantages importants
pour tout le monde. D’abord, il permet au jeune de rendre visible à ses
parents d’autres facettes de lui que celles qui nourrissent le caractère délicat
de la situation. Ces facettes parlent de compétences, de projets, de valeurs.
Les parents, souvent, complètent l’Arbre de leur enfant en lui rajoutant des
qualités qu’ils lui reconnaissent. Spontanément ou en réponse à mon
questionnement, ils illustrent ces qualités d’histoires concrètes. Ainsi, ils
peuvent se retrouver avec leur enfant à l’endroit du « plein ». Cela va
contribuer à restaurer leur relation.
L’Arbre de vie est un magnifique support pour déployer un espace où
d’autres histoires que celles des problèmes pourront être vécues.
Une fois que les parents ont eu l’agréable surprise de voir qu’ils étaient
souvent sur l’Arbre de leur enfant, parmi les feuilles ressources, une fois
qu’ils ont entendu les besoins, espoirs et projets de leur enfant, je peux leur
demander : « Comment pourriez-vous vous y prendre dorénavant pour aider
votre enfant à faire exister, vivre ses besoins, ses espoirs et ses projets ? ».
Cela devient des besoins, des espoirs et des projets dont tous devront
prendre soin. Cela leur permet de devenir actifs au sein du processus
d’accompagnement de leur enfant. Cela leur permet de se sentir, si besoin
est, « réhabilités » dans leur statut de parents.

Une réunion tripartite de fin de mission pour une organisation

Une troisième manière d’animer la clôture avec l’Arbre de vie concerne les
organisations, les entreprises, et consiste en la réunion Tripartite de fin de
mission.
Un grand opérateur français de télécommunications avait lancé un plan
de départ volontaire, et l’un des chefs de service hésitait à en bénéficier.
Son supérieur hiérarchique lui a alors proposé un accompagnement afin de
l’aider à prendre sa décision, et j’ai été retenue pour cette mission. Le
travail que nous avons fait ensemble, en nous appuyant notamment sur
l’Arbre de vie, l’a rapidement convaincu de rester. La suite de la mission
consista à faire vivre ses besoins et ses espoirs au sein de l’entreprise. Le
travail était terminé. Nous préparions la réunion tripartite de fin de mission
qui devait avoir lieu le lendemain avec son supérieur hiérarchique, quand
mon client m’a proposé de lui-même : « Et si je lui présentais mon Arbre de
vie ?. Il y a tout sur mon Arbre, tout ce qu’il doit savoir. Mes espoirs, mes
besoins… ». Nous nous sommes donc retrouvés tous les trois. Je n’ai
absolument rien eu à faire. Mon client a pris les choses en main. Il a affiché
son Arbre. A raconté à travers son arbre sa décision de rester, les raisons,
les besoins et espoirs qu’il avait. Le tout devant son supérieur hiérarchique
un peu amusé de la forme, mais content de constater qu’il y avait une feuille
à son nom sur l’arbre. Il a rajouté un certain nombre de compétences
qu’avait son collaborateur et s’est engagé à soutenir ses espoirs et ses
besoins. Pour un supérieur hiérarchique, la posture de témoin est
intéressante. Elle n’est pas différente de celle que j’ai exposée à propos de
Lucas. C’est une manière de regarder et d’écouter son collaborateur sous un
angle nouveau. Le processus mis en œuvre permet d’ouvrir un espace où
échanger des messages différents de ceux un peu formels, par exemple ceux
des bilans d’évaluation de fin d’année. Avec le support de l’Arbre de vie, on
se retrouve dans une relation féconde d’humain à humain.

DOCUMENTER L’HISTOIRE
Pour terminer sur la méthodologie de l’Arbre de vie tel que je le pratique en
accompagnement individuel, j’évoquerai le concept de « documentation »,
issu comme les autres des Pratiques Narratives.
L’Arbre de vie est une des manières de « documenter » les conversations
que nous avons avec nos clients.
Documenter, c’est faire en sorte que le travail que l’on fait avec les
personnes laisse des traces sur lesquelles elles pourront revenir. C’est, par
exemple, trouver une forme poétique – chanson, dessin, poème – pour
honorer les évènements les plus marquants de la vie des gens. Quand la
personne parle, ses propos s’évanouiront si on ne les note pas. L’Arbre de
vie est une des manières de ne pas laisser se perdre ce qui est dit.
Les lettres écrites aux personnes figurant sur les feuilles de l’Arbre de vie
de Soulaymane sont également une forme de documentation. Écrites par
l’accompagnant, mais avec les mots de la personne, sans aucune ré-
interprétation de ses mots. Elles rappelleront à Soulaymane ses efforts et ses
soutiens.
Afin de fortifier une histoire, les Pratiques narratives proposent de lui
donner de la densité. On densifie une histoire en y revenant, en se la
racontant, en revoyant et en écoutant ceux qui en sont les témoins. Le fait
de documenter, de garder son Arbre de vie et de pouvoir s’en nourrir quand
nous en ressentons le besoin est une belle manière de densifier nos histoires
préférées.
3
ACCOMPAGNER EN COLLECTIF

« Permettre à ceux qui luttent contre les effets


des épreuves de faire des contributions
significatives dans la vie d’autres personnes
qui luttent également.
Le fait de vivre une expérience de contribution
augmente le sentiment d’initiative personnelle
et collective. »
David Denborough

L’ARBRE DE VIE EST UNE MÉTHODE qui vient initialement de l’accompagnement


collectif. Dans ce cadre, il se décline en quatre étapes : l’Arbre de vie, la
Forêt de vie, la Tempête de vie et les Certificats & Célébrations. L’intention
des deux premières étapes « Arbre de vie » et « Forêt de vie » est de relier
les personnes à leurs intentions, à leurs forces, au sens qu’il leur appartient
de donner à ce qui se passe dans leur vie. La troisième partie « Tempête de
vie » est de permettre aux personnes de parler de leurs difficultés ou
d’anticiper ce qui pourrait se mettre en travers de leur chemin. La quatrième
partie « Certificats & Célébrations » est de s’assurer que les personnes
repartent avec une riche reconnaissance de ce qui les rend plus forts.
Pour ma part, j’ai utilisé l’Arbre de vie en collectif avec différents
publics et dans divers milieux en respectant toujours ces quatre étapes, mais
en les adaptant en fonction des publics et des objectifs de ma mission.
J’aime beaucoup travailler avec les groupes surtout avec ce type de
méthode qui favorise les attitudes collaboratives, rend hommage aux
différences et crée des espaces efficaces de solidarité et de reconnaissance.
En premier lieu, pour moi, il s’agit que chaque personne trouve sa place et
que soient honorées à la fois l’unité du groupe et sa diversité.
L’Arbre de vie m’a par exemple accompagnée dans les établissements
scolaires, collèges et lycées, pour travailler avec des classes entières sur
différents objectifs :
• accompagner les élèves dans la recherche de leur projet d’orientation ;
• honorer les différences au sein de leur classe ;
• les aider à gagner en confiance et en estime de soi ;
• développer la cohésion de la classe.
L’Arbre de vie m’a aussi accompagnée dans les entreprises pour
travailler avec des groupes transversaux ou des équipes, sur des thèmes tels
que :
• la cohésion d’équipe ;
• la gestion de conflits ;
• la gestion de projets ;
• la création d’entreprise.
J’ai eu aussi à travailler sur des cas délicats, tels que des équipes en
souffrance, et, là aussi, malgré les difficultés de la situation, nous avons
tous expérimenté la puissance des Pratiques Narratives en général et de
l’Arbre de vie en particulier.
Celui-ci m’a également accompagnée pour travailler dans différents
secteurs et avec des publics très variés :
• les retraités sur le thème de la mémoire ;
• les travailleurs sociaux, éducateurs, médiateurs, conseillers
d’orientation, conseillers des missions locales, professeurs des collèges
et lycées difficiles, sur des thèmes comme retrouver du sens, se
réaligner, se ressourcer, se relier à ses forces, accueillir sa singularité ;
• en groupe de supervision que j’anime pour travailler sur l’identité
professionnelle et le ressourcement.

PRÉPARER LES PERSONNES


Tout comme l’Arbre de vie en individuel, la transparence est de mise.
Quand je dois intervenir auprès d’une équipe, d’un groupe, je ne mets
jamais les gens au pied du mur en leur demandant, le jour même, de réaliser
leur Arbre de vie. Une quinzaine de jours avant la session, j’envoie d’abord
un courrier aux personnes concernées afin de confirmer notre rendez-vous,
d’en rappeler les objectifs, les intentions. Dans ce courrier, je présente le
programme de l’Arbre de vie dans toutes ses étapes. Voici ci-dessous un
exemple d’une lettre type pour une équipe en milieu professionnel :
« Bonjour,
Vous êtes conviés à participer le XX à une journée de cohésion d’équipe
que j’aurais le plaisir d’animer.
L’objectif de cette journée est de vous permettre de (re)faire
connaissance et de vous découvrir sous un jour différent en réalisant
chacun individuellement votre « Arbre de vie professionnelle ».
Vous aurez ainsi l’opportunité de découvrir d’autres éléments de la
sphère professionnelle de vos collègues, « l’Arbre de vie professionnelle »
invitant les participants à mettre en évidence :
• leurs racines professionnelles, leur histoire professionnelle… ;
• leurs ressources, ce qui les nourrit dans leur travail… ;
• leurs aptitudes, compétences, qualités et talents… ;
• leurs buts, rêves ou espoirs professionnels… ;
• les personnes qui ont compté ou qui comptent sur le plan
professionnel… ;
• les cadeaux, les soutiens, les présents reçus dans le cadre de l’exercice
de leurs fonctions…
L’intention est de mieux se connaître pour mieux coopérer : les
informations échangées entre les participants ne sauraient être utilisées à
d’autres fins que celle-ci.
Les participants comme l’animatrice conviennent d’observer la plus
stricte confidentialité au sujet des informations échangées à l’occasion de
cet exercice.
Ils sont libres de la forme et du contenu de ce qu’ils confient.
L’animatrice a elle-même expérimenté « l’Arbre de vie » et accorde une
attention particulière au respect des besoins de chacun, notamment en
matière de respect de la frontière entre vie professionnelle et vie
personnelle.
Dans un souci de transparence, la présente proposition est envoyée aux
participants qui disposent du temps nécessaire pour en prendre
connaissance et se préparer à la pratique de l’exercice.
Bien à vous »

De plus, comme pour tout accompagnement collectif, à l’ouverture de la


session, je co-construis avec le groupe quelques principes de base. Pour
cela, je demande tout simplement : « De quoi avez-vous besoin pour être
bien ensemble, pour vous sentir en sécurité de dire ce que vous avez à
dire ? ».
En fonction des groupes, on dispose de plus ou moins de temps.
À l’accompagnant d’adapter la méthode au temps qui lui est accordé. En
général, il faut un minimum de quatre heures pour dérouler tout le
processus avec un groupe, c’est-à-dire pour que chacun réalise son Arbre de
vie, le partage avec les autres membres du groupe et pour prendre le temps
de clôturer. Quand j’interviens dans le milieu scolaire, je n’ai parfois pour
chaque séance que la durée d’un cours, soit une heure. Je suis donc obligée
de découper le processus : à la première séance on se limite à dessiner et
renseigner l’Arbre de vie ; à la séance suivante, je le fais partager, etc.
En amont, une phase importante : préparer le matériel nécessaire. Il faut
prévoir de grandes feuilles blanches, des feutres de toutes les couleurs, de la
pâte à fixe, des Post-It de toutes les couleurs et de toutes les formes. Je
dessine également un arbre sur une feuille de paperboard, avec les
consignes correspondant à chaque partie de l’arbre, afin que les personnes
puissent s’y référer si elles en ont besoin en plus des consignes que j’aurai
données verbalement.
Il n’est pas rare, évidemment en fonction du temps imparti, que j’engage
avec le groupe, avant de commencer, une conversation sur les arbres.
« Quelle est votre histoire avec les arbres ? Qu’est-ce que vous connaissez
des arbres ? Est-ce que vous avez une histoire avec certains arbres ? »
Ensuite, globalement, je rappelle : « Comme vous le savez, vous allez
réaliser votre Arbre de vie. Cette première partie est un travail que vous
allez faire individuellement, sur mes indications. À travers cet arbre c’est
de vous qu’il s’agit, du professionnel que vous êtes, de ce qui fait votre
singularité, votre force, votre valeur ajoutée. Nous passerons à peu près dix
minutes sur chacune des parties de votre arbre : sol, racines, tronc,
branches, feuilles et fruits. Ensuite, je vous inviterai à afficher vos arbres
au mur. Ce sera le moment du partage, celui ou celle qui le souhaitera
pourra présenter son arbre aux autres, les espoirs ou les souhaits que son
arbre exprime, ce qui lui paraît utile que les autres membres du groupe
sachent. Ensuite, ceux qui l’auront écouté s’exprimeront sur l’image que
cela leur a donné de la personne ».

L’ARBRE DE VIE
Une fois que les personnes se sont confortablement installées, avec sous la
main tout ce dont elles auront besoin, je les invite à dessiner leur Arbre de
vie, d’abord nu. Chacun va faire le sien, mais on est tous dans la même
pièce. Quand tout le monde a achevé son dessin, chacun peut commencer à
poser des mots sur les différentes parties de l’arbre. Les personnes vont
renseigner chaque partie de leur arbre sur les indications que donne
l’intervenant.
Lorsque l’on pratique l’Arbre de vie en groupe, il est important de
s’assurer à chaque étape que le groupe avance, tout en respectant le rythme
de chacun. Certaines personnes ont besoin de moins ou de plus de temps
que d’autres.
En groupe, on n’échange pas sur son arbre pendant qu’on le réalise. Le
débriefing se fait uniquement à la fin, quand la personne est invitée à
prendre la parole. Les questions à poser pour chaque partie de l’arbre sont
1
les mêmes que pour l’accompagnement individuel. .
En fonction des groupes, des équipes, des objectifs que l’on travaille avec
les personnes, les questions peuvent varier. Si, par exemple, je travaille sur
le thème de la cohésion d’équipe avec des personnes qui travaillent
ensemble, donc qui se connaissent déjà, mon questionnement pourra être :
• Les racines : « Quelle est votre histoire professionnelle ? Qu’est-ce qui
fait que vous vous retrouvez dans ce secteur d’activité, à ce poste ? »
Ils se connaissent, mais ne connaissent pas forcément les histoires
professionnelles des uns et des autres. Dans quelles autres entreprises ont-
ils travaillé ? Quels types d’études ont-ils fait ? L’idée est de se découvrir
mutuellement plus largement.
• Le sol : « De quoi avez-vous besoin pour vous épanouir
professionnellement dans cette équipe ? »
On va ainsi chercher de l’information qu’il sera utile de partager avec ses
collègues pour le bien-vivre ensemble.
• Le tronc : « Quelles compétences, valeurs, qualités professionnelles
vous reconnaît-on, apprécie-t-on chez vous ? »
Là, on va honorer la singularité et la valeur ajoutée de chacun.
Si, au sein d’une équipe où tout le monde se connaît, quelqu’un peine à
se trouver des qualités, je peux demander à ses collègues de lui suggérer des
qualités qu’ils voient en lui. Cela fonctionne toujours, car souvent on est
plus à même de voir les qualités chez les autres que chez soi. En outre, pour
la personne qui accueille les qualités que lui renvoient ses collègues, c’est
très puissant.
• Les branches : « Quels sont vos projets, espoirs, rêves pour votre
équipe et pour vous au sein de votre équipe ? »
Comme pour le sol, on va chercher de l’information qui sera utile à
partager.
• Les feuilles : « Quelles sont les personnes qui ont croisé votre route
professionnelle et qui vous ont fait grandir ? Qui ont eu une influence
positive sur votre vie professionnelle ? Quels sont les personnes, les
personnages qui ont marqué votre parcours professionnel ? »
Une manière d’identifier et de rendre hommages aux mentors, témoins,
modèles ou alliés dans le domaine professionnel. Et, de se regarder à travers
les yeux de ceux qui ont cru en nous, qui nous ont fait grandir.
• Les fruits : « Qu’est-ce que vous vivez dans votre vie professionnelle
et/ou dans votre équipe comme une chance, un cadeau ? »
En fonction de ce que vit l’équipe et de nos objectifs, je peux poser des
questions différentes. Les fruits peuvent devenir : « Quelles sont les
promesses et les audaces que j’ai en moi pour l’équipe ? » ou bien :
« Quelles sont les actions que j’ai envie de semer au sein de mon équipe ? »
Dans le cadre d’un Arbre de vie en milieu professionnel et comme vous
avez pu le constater dans mon questionnement, je rajoute le mot
« professionnel » à chacune de mes questions. Cela afin que la personne ne
vive pas cet exercice comme trop intrusif. C’est une manière de délimiter le
professionnel et le personnel. Ensuite, si la personne pose néanmoins des
mots en lien avec sa vie personnelle, comme par exemple son compagnon
sur une feuille, ou ses origines dans les racines, c’est en toute conscience.
J’accueille toujours en confiance ce que les personnes ont choisi de noter
sur leur Arbre. Si elles posent des mots, sachant avec quel public elles se
trouvent et dans le cadre qui est le nôtre, c’est que cela leur convient ainsi.
Une fois les Arbres de vie renseignés, je précise qu’il sera toujours
possible de les compléter à n’importe quel moment de l’intervention si un
mot leur revient. Un Arbre n’est jamais figé. Ce qu’on y met est la
photographie d’un moment. On peut rajouter et enlever des mots dès lors
qu’on le souhaite.
Passer dix minutes sur chaque partie de l’Arbre peut paraître à la fois
court et long selon les personnes. Il est important de laisser des moments de
silence pour que les personnes puissent aller chercher en elles les réponses.
Ce temps permet aussi à l’intervenant d’observer ce qui se passe et
éventuellement de passer un peu de temps avec une personne qui peinerait
un peu à faire émerger ses mots.
Quand chacun a la sensation d’avoir terminé, j’invite tout le monde à
aller coller les Arbres aux murs. En général j’utilise des feuilles de
paperboard qui sont assez grandes. Aussi, en fonction de la taille du groupe,
je fais toujours en sorte que la pièce comporte des surfaces suffisantes pour
accueillir tous les Arbres.

LA FORÊT DE VIE
Les uns après les autres, dans un ordre aléatoire, les Arbres de vie se
retrouvent sur le mur. Des arbres ensemble, cela fait une forêt. C’est la
Forêt de vie du groupe, de l’équipe. C’est le moment du partage.
Avant que chacun présente son Arbre, je propose que l’on prenne tous un
moment pour se promener dans la Forêt de vie qui a été ainsi constituée.
Que chacun aille à la découverte des Arbres des autres. Tandis que tout le
monde admire la Forêt, j’en profite pour poser quelques questions :
• Quelles sont vos premières impressions ?
• Comment vous sentez-vous ?
• Qu’est-ce que l’on peut déjà dire de cette forêt ?
• Qu’est-ce que vous avez pu observer de commun et de différent à tous
ces arbres ?
En général, ce qui ressort, c’est qu’aucun arbre n’est semblable à un
autre, que la forêt est belle de couleurs et riche de mots. Selon les secteurs
d’activité, on peut retrouver des qualités identiques sur le tronc de certains
Arbres. Si, par exemple, je fais l’Arbre de vie avec des coachs, on
retrouvera souvent des qualités comme « écoute » et « empathie ».
D’être allé chercher au fond d’elles-mêmes toutes ces informations,
certaines personnes peuvent ressentir un peu de fatigue. Il est important
d’accueillir les ressentis et de faire en fonction de l’énergie du groupe. C’est
d’ailleurs souvent le moment opportun pour proposer une pause avant le
partage sur les Arbres.

Raconter son Arbre aux autres

Avant d’inviter les personnes à présenter leur arbre, je dis au groupe :


« C’est le moment pour celui ou celle qui le souhaite de présenter son Arbre
aux autres. Vous n’êtes pas obligés de tout présenter. Sentez-vous libres de
ne présenter que ce que vous souhaitez, ce qu’il vous paraît utile que les
autres sachent de vous. Quant à ceux qui écoutent, soyez attentifs aux mots
et aux expressions qu’utilise celui ou celle qui présente son arbre, et qui
viennent vous toucher tout particulièrement. À l’issue de la présentation,
vous serez invité à témoigner de ce qui vous a touché et de l’image que cela
vous donne de la personne qui vous a présenté son Arbre et de ce qui est
important pour elle ».
Quand une personne s’est portée volontaire, je lui donne le temps dont
elle dispose pour présenter son arbre. Ce temps est très variable, il peut aller
de cinq à vingt minutes par personne. Tout dépend de la taille de l’équipe
et/ou du temps qu’on a choisi de consacrer à cette séquence. Quoi qu’il en
soit, l’accompagnant sera vigilant à ce que le temps de présentation soit
réparti équitablement.
La personne qui a proposé de présenter son Arbre de vie le fera dans
l’ordre qu’elle souhaite, à partir du sol ou des fruits, du tronc ou des
feuilles. En général, j’interviens peu. Je laisse la personne dire au groupe ce
qu’elle souhaite dire sur elle-même. Si elle s’exprime peu ou n’utilise pas
tout son temps, je peux lui poser quelques questions afin qu’elle développe
un peu plus. J’orienterai mes questions en fonction du travail que je dois
faire avec le groupe. Si je reprends mon exemple de l’accompagnement en
cohésion d’équipe, je ferai en sorte que la personne qui présente son Arbre
n’oublie pas d’exprimer ses besoins pour être bien dans l’équipe, et les
projets et les espoirs qu’elle a pour l’équipe : tout ce qui est utile de
partager et de faire vivre compte tenu de l’objectif poursuivi.

Résonner aux Arbres des autres

Quand quelqu’un vient de terminer la présentation de son Arbre, je


demande à l’équipe : « Vous venez d’entendre votre collègue présenter son
histoire professionnelle. Qu’est-ce que vous avez entendu et qui vous a
particulièrement touché ? Quelle image cela vous donne-t-il d’elle et de ce
qui est important pour elle ? Si vous le souhaitez, vous pouvez l’exprimer
et/ou noter les mots sur des post-it et venir les coller sur son arbre comme
des mots de soutien ».
Selon la taille de l’équipe, la personne va se retrouver avec un Arbre plus
ou moins constellé de post-it où sont notés des mots en résonance comme :
humaine, généreuse, déterminée, battante, etc. : tout ce que ses collègues
ont vu d’elle à travers son Arbre, les mots qu’elle a écrits, ce qu’elle
dégage. Les mots de ses collègues vont lui faire l’effet d’un miroir où elle
va pouvoir se regarder à travers les yeux de ses collègues. Nous sommes en
présence de quelque chose de très puissant pour la personne et pour
l’équipe, qui met en lumière le rôle singulier qu’elles ont les uns envers les
autres. L’équipe redécouvre ce qui fait la force de sa dimension collective.
Chacun a sa place et contribue à la force de l’ensemble.
En outre, comme dans tout accompagnement de cohésion d’équipe, la
mise en commun des Arbres de vie de chacun invite à une meilleure
connaissance réciproque, à partager et à s’apprécier davantage.
L’Arbre de vie a pour avantage de recueillir des informations sur les
besoins et les espoirs des membres de l’équipe, informations qui peuvent
faire l’objet d’un travail complémentaire. Souvent, par exemple, en aval de
la Forêt de vie, j’organise des sous-groupes qui recueilleront les idées sur
les différentes manières d’améliorer la vie de l’équipe, en termes de
satisfaction de chacun et de cohésion de l’ensemble.
L’intention des deux premières étapes « Arbre de vie » et « Forêt de vie »
est de reconnecter chacun à ses forces, à sa valeur ajoutée, à son unicité au
sein d’un collectif. L’intention est également d’honorer les différences, de
se rendre visible aux autres sous l’angle de ce qui, pour nous, fait sens et est
important.

LA TEMPÊTE DE VIE
Après les deux premières étapes qui ont permis aux personnes que nous
accompagnons de se reconnecter à leurs forces et de retisser du lien au sein
de leur équipe, il est possible maintenant de se confronter aux difficultés
qu’elles vivent ou pourraient être amenées à vivre sans se sentir
impuissantes ou submergées.
Cette troisième étape va donner la possibilité d’évoquer les difficultés
déjà présentes ou de les anticiper tout en se sentant suffisamment forts
ensemble pour les surmonter. Après avoir recueilli toutes ces histoires de
« force » dont la Forêt de vie porte le témoignage, l’histoire des difficultés,
qui aurait pu écraser toutes les autres, se retrouve à sa place : elle n’en est
plus qu’une parmi les autres.
La première idée à mettre en relief est que l’équipe est différente du fait
d’avoir vécu l’expérience de l’Arbre de vie et de la Forêt de vie. D’où mes
questions à ce moment-là : « Qu’est-ce que notre Arbre de vie, notre Forêt
de vie nous a appris sur nous, sur l’équipe et qui fera que demain sera
différent si une tempête survient ? »
Pour cette étape, il est important que l’intervenant reste connecté au
principe selon lequel rien n’est jamais de la faute des personnes. Quand on
aborde les tempêtes que pourrait subir l’équipe, on ne parle jamais des
expériences individuelles. On ne cible personne. On invite les personnes à
parler d’une seule voix. On crée un espace où il devient possible de parler
des difficultés, un espace pour échanger des messages qui peuvent être
même des messages de survie. Ce que dit l’un va aider l’autre. Chacun
contribue à la vie des autres en partageant ses savoirs sur la façon d’aborder
et de surmonter les difficultés.

Aborder les Tempêtes de vie avec le groupe

En fonction du public et de l’intuition de l’accompagnant, il y a plusieurs


manières d’aborder les Tempêtes de vie.
Je trouve, en ce qui me concerne, que les lieux et les changements de
lieux véhiculent une dimension symbolique dont la puissance peut être une
ressource à utiliser. Si c’est possible et si l’équipe est d’accord, je trouve
donc judicieux que, pour la séquence suivante, on change de lieu et que l’on
reforme la Forêt de vie du groupe dans une autre salle.
Ensuite, si je garde l’exemple de mon accompagnement en cohésion
d’équipe, je demande à chaque participant de se rapprocher de son Arbre.
Chacun est donc debout près de son arbre et je dis à l’équipe : « Vous venez
de faire l’expérience de votre Arbre de vie professionnelle, vous avez
constitué la Forêt de vie de votre équipe, vous vous y êtes promenés, dans la
forêt, vous avez chacun présenté vos Arbres et résonné aux Arbres de vos
collègues. C’est comme un voyage que vous avez fait ensemble. Un voyage
au pays de la redécouverte de vos collègues, de vos forces, de vos valeurs et
de vos espoirs. Vous êtes différents du fait d’avoir fait ce voyage.
Maintenant, si vous le voulez bien, nous allons anticiper les tempêtes que
pourrait traverser l’équipe, ce qui pourrait se mettre au travers de votre
chemin professionnel et vous empêcher de bien avancer ensemble ».
Ensuite, je demande à l’équipe :
• « À votre avis, quelles sont les tempêtes auxquelles votre équipe
pourrait avoir à faire face ? »
• « Qu’est-ce qui pourrait, selon vous, empêcher cette équipe de bien
fonctionner ? »
• « Qu’est-ce qui pourrait se mettre entre vous et vos espoirs, besoins et
projets ? »
Il s’agit là d’aller chercher le savoir que détient l’équipe. Ses membres
sont les mieux placés pour savoir ce qui pourrait leur arriver ou ce qui leur
arrive parfois déjà. C’est un moment où il est important de noter leurs
propres mots. Quand il y a deux intervenants, c’est plus facile. L’un pose les
questions, l’autre note les réponses. Là, en général, on n’a plus qu’à
recueillir les savoirs de l’équipe. Et, si ses membres savent identifier les
tempêtes, c’est qu’ils savent aussi comment les empêcher ou les surmonter.
Il ne reste à l’intervenant qu’à les questionner pour qu’ils puissent exprimer
tout ce qu’ils savent. À aller récolter ce que l’Arbre de vie, la Forêt de vie et
la Tempête de vie ont permis de semer.
On continue le travail, en les questionnant sur les idées qu’ils ont pour
faire face :
« Quelles sont vos idées pour faire face aux tempêtes qui pourraient
survenir ? Qu’est-ce que ce travail que l’on a fait ensemble vous ouvre
comme perspectives si cela devait se produire ? Qu’est-ce que l’Arbre et la
Forêt vous ont appris, qui fera que ce sera différent pour vous si cela
arrive ? En quoi le fait d’avoir créé votre Arbre de vie professionnelle et la
Forêt de vie de l’équipe va-t-il faire une différence dans les jours, les mois
qui viennent ? ».
Toutes ces idées qui vont être recueillies peuvent faire l’objet d’un travail
complémentaire en sous-groupes sur le thème de « Comment faire vivre les
actions concrètes que nous avons imaginées ». Notre travail est
d’accompagner le changement jusqu’au bout du processus.
Ces trois premières parties de l’Arbre de vie auront créé un contexte
favorable à l’envie de faire ensemble, en respectant les différences, en ne
jugeant personne, en identifiant collectivement les difficultés auxquelles on
peut être exposé, en co-construisant les solutions et les actions à mener. On
est mieux à même de faire vivre des idées quand elles viennent de nous.
C’est ce que j’appelle : « Rendre le savoir aux gens ».
Nous avons parcouru l’Arbre de vie, la Forêt de vie, les Tempêtes de vie.
Nous voici parvenus à la fin de la troisième partie du processus. C’est le
moment de tirer les enseignements du voyage que l’on vient de faire
ensemble, sous la forme d’une réponse à la question ; « Que gardez-vous de
ce parcours qui pourrait aider d’autres personnes ou d’autres équipes dans
la même situation ? »
Formulé autrement : « Repensez à tout ce que vous avez vécu pendant ce
parcours. S’il y avait quelque chose à partager avec une nouvelle personne
qui intègrerait l’équipe ou une autre équipe qui vivrait une situation
similaire à la vôtre, qu’est-ce que ce serait ? Quelle serait la leçon apprise
pendant ce parcours que vous souhaiteriez transmettre ? ».
Réaliser une synthèse et expérimenter une posture de transmission, et non
plus seulement de demande ou de production, renforce tout le processus mis
en œuvre depuis le début de la séance. Recueillir cette information à
transmettre permet à l’équipe d’ancrer plus profondément ses
apprentissages et ouvre également la possibilité de les partager autour
d’elle. Ce qui, pour l’équipe, signifie qu’elle va contribuer à la vie des
autres plus largement. Pour appuyer cette dynamique, il n’est pas rare que je
demande aux membres de l’équipe s’ils me permettent de partager leurs
idées avec d’autres équipes que j’accompagne.
Une autre manière, plus métaphorique, d’aborder les Tempêtes de vie,
notamment avec les groupes de jeunes en grande difficulté scolaire, consiste
à rester au plus près de la métaphore des arbres et de la forêt, en faisant un
parallèle constant entre ce qui peut arriver aux arbres pendant la tempête et
ce qui peut leur arriver à eux.
Je les fais ainsi réfléchir en leur posant les questions suivantes :
• Que peut-il arriver de pire à une forêt quand il y a une tempête ?
• Quels effets cette tempête a-t-elle sur la forêt ?
• Comment la forêt fait-elle pour se défendre ?
• Comment les animaux de la forêt font-ils pour se protéger de la
tempête ?
• Qu’y a-t-il de commun entre ce qui peut arriver à un arbre et ce qui
peut vous arriver ?
• Quelles sont les tempêtes que vous pourriez avoir à affronter ?
• Quels effets la tempête a-t-elle sur vous ?
• Est-ce de la faute des arbres, la tempête ?
• Est-ce votre faute ?
• Que font les jeunes quand des tempêtes surviennent dans leur vie ?
• Comment les jeunes peuvent-ils répondre aux tempêtes qui surviennent
dans leur vie ?
• Comment pouvez-vous garder le lien avec les espoirs pendant la
tempête ?
• Les tempêtes sont-elles dans nos vies en permanence ?
• Y a-t-il des moments où la tempête n’est pas là ?
• Que fait-on une fois que la tempête est passée ?
J’engage ainsi une discussion sur les malheurs que les Forêts peuvent
connaître, puis je fais faire le parallèle avec les jeunes et leur vie. Toujours
avec cette même idée qu’il ne faut jamais viser qui que ce soit
individuellement. De parler d’une seule voix. De partager et mutualiser le
savoir détenu par les individus. De recueillir les compétences existentielles
qu’ont ces jeunes face aux tempêtent qui les affectent. De faire comprendre
que, « si je parle », cela peut aider l’autre. L’histoire de la Forêt, la
métaphore, sont là pour leur donner la possibilité de le faire. Notre
responsabilité et notre éthique, à nous, intervenants, est de proposer un
contexte où tout cela pourra se passer.
À défaut d’avoir suivi dans sa progressivité tout le processus que je viens
de décrire, à nos questions directes des jeunes par exemple répondraient :
« Mais, Madame, on voit pas de quoi vous parlez ! Nous, on a pas de
problème. C’est les autres qui ont des problèmes. La prof qui est nulle et qui
m’aime pas ». Ou bien, ils se mureraient dans le silence. C’est à
l’intervenant surgi subitement de l’extérieur dans leur vie qu’il appartient de
mériter leur ouverture. Proposer la métaphore de l’Arbre de vie avec les
idées narratives est un moyen de la mériter. Non pour notre satisfaction,
mais parce que c’est dans le mouvement de s’ouvrir à nous qu’ils vont
s’ouvrir les uns et les autres.
De quelque public qu’il s’agisse, des jeunes dans leurs collèges, ou des
cadres dans leur entreprise, le parcours de l’Arbre de vie permet de créer
l’espace de sécurité où peut être dit ce que les personnes ont à dire, un
espace qui leur redonne le savoir et la confiance et qui leur permet de rester
dignes.
CÉLÉBRATION ET CERTIFICATS
Nous arrivons à la fin du parcours. C’est la quatrième et dernière étape de
l’Arbre de vie. Le moment où l’on va achever et célébrer l’ancrage des
avancées et des apprentissages. C’est le moment où l’on a la possibilité – et
où il est souhaitable – d’inviter des témoins à qui on a envie de rendre
visibles nos nouveaux développements.
En fonction des contextes et du temps dont nous disposons, cette
séquence de clôture peut prendre plusieurs formes. Dans tous les cas, elle
reprend en général les concepts de Témoins Extérieurs et de Documentation
que j’ai évoqués dans le chapitre 3 sur l’accompagnement individuel.
L’intention de cette dernière partie de l’Arbre de vie est de s’assurer que
les gens repartent avec une riche connaissance et reconnaissance de ce qui
les rend plus forts ainsi que des liens qui les rattachent aux figures
importantes de leur vie.
Les rituels, dans certains cas, sont importants. Ils permettent d’acter
profondément ce qui a émergé au fil du parcours. A minima, à la fin de
l’intervention, je recommande d’organiser une remise de certificats, comme
une remise de diplômes, et cela non à la sauvette mais au contraire de
manière très formelle. Le certificat se présentera comme un document
personnalisé. Sa fonction est d’être évocateur du parcours et des forces de
son titulaire pour lui permettre de continuer à faire vivre son histoire.
En général les certificats se remettent en fin d’intervention, au moment
de clôturer. Les intervenants auront pris soin de les préparer à l’avance. En
fonction du temps que l’on a et du public, ce certificat peut contenir
plusieurs informations. Ci-dessous, voici deux cas dans deux contextes
différents.

Un exemple en accompagnement d’équipe en entreprise

Nous avions une journée entière pour réaliser tout le parcours de l’Arbre de
vie. Arrivé en fin de journée, avec l’accord de l’équipe, nous avons invité
son manageur pour la clôture. Il s’est promené un peu dans la Forêt de vie
de ses collaborateurs. Un représentant a été désigné par l’équipe pour lui
faire une synthèse du travail que nous avions réalisé ensemble et pour
présenter notamment ce que l’équipe avait décidé de mettre en place pour
son bon fonctionnement.
Le manageur s’est engagé à les soutenir et à favoriser leurs initiatives. La
remise des certificats s’est faite en sa présence, de manière un peu originale
mais quand même formelle. Chaque membre de l’équipe devait remettre un
certificat à un autre collègue choisi au hasard. En lui remettant le certificat,
il devait lui dire quelques mots – ce qu’il voulait – en lien avec ce que qu’il
avait pu observer de ce collègue au cours de la journée. Cela donnait par
exemple : « Je te remets ce certificat en l’hommage de cette journée passée
ensemble à réfléchir à comment bien fonctionner ensemble. Il pourra te
rappeler que nous sommes une forêt unie et solidaire ». Après chaque
passage, l’équipe applaudissait.
À la fin de la journée, chaque participant repartira avec son Arbre de vie
professionnelle constellé de Post-It de soutien, son certificat personnalisé, la
liste de toutes les idées d’actions recueillies, les engagements de l’équipe et
du manageur qui ont émergé et que l’intervenant aura pris soin de noter.

Un exemple avec une classe en milieu scolaire

En général, quand j’interviens avec des jeunes en milieu scolaire, je viens


les voir une dizaine de fois au cours de l’année. Nous travaillerons plusieurs
objectifs en lien avec leur actualité. S’ils doivent trouver un stage par
exemple, nous ferons une séance autour des entretiens, des secteurs qui
pourraient les intéresser, des qualités personnelles qu’ils peuvent mettre en
avant dans leur lettre de motivation, etc. L’Arbre de vie interviendra assez
tôt dans le parcours, car il sera le support fondateur sur lequel nous
reviendrons chaque fois que l’on travaillera un thème. Par exemple, quand
le jeune rédigera sa lettre de motivation, il ira voir dans son Arbre quelles
qualités il avait écrites sur son tronc et qui sont en résonance avec le style
de stage qu’il souhaite. Lorsque nous arrivons au moment de la clôture,
nous avons évidemment fait bien davantage que l’Arbre de vie.
Lors de mon avant-dernière intervention, lorsque les jeunes ont repris
confiance, qu’ils ont un projet, je les prépare à cette séance de clôture en
leur demandant : « Que diriez-vous si, pour notre dernière séance, on
invitait des personnes, celles que vous voulez, à venir fêter avec nous vos
projets. À qui vous auriez envie de rendre visible tout ce que l’on a produit
ensemble ? ».
En général, les jeunes sont partants et ravis. Ils invitent souvent les
professeurs qu’ils aiment bien, des camarades d’autres classes, des patrons
de stage quand cela s’est bien passé. C’est une séance qu’avec eux j’essaye
de rendre festive. On décide de tout ensemble. Qui ils veulent inviter mais
aussi ce qu’ils ont ou non envie de partager parmi toutes les productions, et
sous quelle forme. Souvent, ils proposent également de préparer des
spécialités de leurs pays et, en ce qui me concerne, je fournis les jus
de fruits.
Le jour J, nous avons affiché tous les Arbres de vie au mur ainsi que nos
autres productions. Les jeunes accueillent leurs invités et les emmènent se
promener dans leur Forêt de vie. Ils présentent leurs projets pour l’année à
venir. Je questionne les invités sur l’image que cela leur donne des jeunes,
sur ce qu’ils ont pu observer de leurs avancées. Pour l’intervenant, c’est
aussi une occasion de présenter concrètement ce qui se fait au cours de ses
séances avec les jeunes.
Les certificats sont remis à cette occasion, devant les invités, comme une
remise de diplômes officielle. L’intervenant aura pris soin de les préparer et
de les personnaliser en amont. Je complète chaque certificat avec les
qualités principales du jeune qui ont émergé pendant les séances.
Les jeunes repartent avec leur Arbre de vie, les autres productions du
parcours et leur certificat qui sera là pour leur rappeler leurs ressources. Ils
repartent aussi avec le souvenir de cette dernière séance où ils ont pu se
montrer devant des témoins dans la lumière de ce qu’ils sont profondément,
c’est-à-dire des jeunes plein de ressources, de valeur, de projets.
Partie II

QUELQUES CHAMPS
D’APPLICATION
4
L’ARBRE DE VIE EN ENTREPRISE

APRÈS VOUS AVOIR PARLÉ DE L’HISTORIQUE de l’Arbre de vie, après vous avoir délivré
la méthodologie en individuel et en groupe, je vous propose maintenant,
dans ce chapitre, de découvrir des cas concrets, détaillés et en situation de
certains de mes accompagnements dans différents domaines et avec
différents publics, en entreprise, dans les écoles.
Je vous propose ici cinq témoignages de cinq professionnels différents
que j’ai formés à cette méthode et qui depuis ont intégré l’Arbre de vie dans
leur pratique quotidienne. Il s’agit d’un médecin chef de service en
diabétologie, d’un psychologue conseiller d’orientation auprès
d’adolescents, d’une conseillère d’insertion en Mission Locale et de deux
coachs.
L’intention, en vous présentant ces cas concrets, est de partager avec vous
l’expérience de l’Arbre de vie en situation dans différents domaines afin de
vous montrer l’étendue des possibilités de son utilisation et de lever les
freins que vous pourriez éventuellement vous mettre si vous souhaitez
utiliser cette méthode.
Quand je suis devenue coach en 2007, après une vingtaine d’années en
entreprise, ma première idée était tout naturellement d’accompagner les
hommes et les femmes dans leur vie au travail. Au début j’acceptais un peu
toutes les missions car il fallait que je développe mon activité mais très vite
je me suis aperçue que, là où j’étais efficace et où ça avait du sens pour moi
d’être, c’était d’accompagner ce qui m’avait cruellement manqué dans ma
vie professionnelle.
Je suis autodidacte. Je suis arrivée un peu par hasard dans le secteur de la
communication et j’ai grandi assez rapidement dans ce secteur.
J’ai commencé au plus bas niveau comme secrétaire et j’ai terminé
Directrice du développement et de la communication du plus grand groupe
de publicité mondial. Sans jamais être accompagnée moi-même.
J’apprenais en faisant mais j’ai perdu beaucoup de temps à essayer de
comprendre ce qui se passait ou se jouait dans les relations avec les gens.
Cela générait chez moi beaucoup de stress, d’incompréhension et parfois
des conflits avec les personnes avec lesquelles je travaillais. J’aurai aimé
avancer plus sereinement dans ma vie professionnelle et surtout en me
sentant moins seule face aux histoires que je me racontais.
Donc aujourd’hui mes principales missions tournent autour du bien-être
des personnes au travail aussi bien en accompagnement individuel qu’en
groupe. Lever les dysfonctionnements dans les équipes, gérer les conflits,
accompagner la cohésion d’équipe et la souffrance au travail.
Quand j’ai découvert l’Arbre de vie et que j’ai compris les intentions de
cette méthode qui étaient initialement d’accompagner des collectifs, de les
reconnecter au sens, à leurs forces, de créer un espace sécurisant pour qu’ils
puissent affronter les tempêtes, les sortir de l’isolement, je me suis dit que
ça allait beaucoup m’aider à aider mes clients.
Je vais partager avec vous, ci-dessous, trois de mes expériences
d’accompagnement en entreprise ainsi que le cas d’une collègue coach.

PREMIER CAS

« L’Arbre de vie pour aider un groupe d’assistantes de direction d’une


grande entreprise à changer le regard que leur Direction porte sur elles. »

Il y a quelques mois, Christine Lelong, une collègue coach m’a proposé


de co-animer avec elle une journée d’accompagnement de huit assistantes
de direction sur le thème « Changer de regard sur nous et changer le regard
de l’entreprise sur nous ». Christine connaît bien cette entreprise dans
laquelle elle intervient régulièrement. Elle connaît bien également ce
groupe d’assistantes de direction pour avoir déjà commencé son
intervention auprès d’elles.

Contexte

C’est une grande entreprise qui comporte huit Directions. À la tête de ces
huit Directions, huit personnes qui dirigent cette entreprise et qui
composent le comité de direction. Chacune des huit assistantes travaille
avec l’une de ces personnes. Elles se connaissent toutes, travaillent
ensemble, pour certaines depuis plusieurs années, s’apprécient, s’entraident,
se soutiennent.
Bien qu’elles fassent un travail considérable et qu’elles se sachent
indispensables à leur Direction, les assistantes ne se sentent pas valorisées
et prises en compte par l’entreprise dans un contexte de grand changement.
Elles ont besoin de s’autoriser à prendre leur place et à se faire entendre de
façon constructive pour se sentir reconnues et entendues. La Direction leur
a proposé cet accompagnement pour qu’elles se positionnent de façon
satisfaisante pour elles et qu’elles trouvent de nouveaux repères.
Nous avons pris le temps de créer un espace de parole et de réflexion, où
les assistantes ont pu prendre un peu de hauteur et repenser leur fonction.
Nous les avons incitées à s’exprimer avec authenticité en parlant de leurs
besoins et en formulant des demandes claires, et nous avons consacré une
journée d’accompagnement à les rassembler autour de leurs forces, de leurs
ressources, de leurs valeurs. À cette occasion, nous avons choisi de leur
faire réaliser en commun l’Arbre de vie de leur communauté de métier.

Objectif avec l’Arbre de vie

Clôturer ce parcours d’accompagnement en recensant sur un Arbre de vie


professionnelle commun toutes les forces, les besoins, les objectifs de ce
groupe d’assistantes de direction. Et trouver comment faire connaître cet
Arbre de vie à leurs différentes directions.

Mission
Pour cette dernière journée d’accompagnement, deux temps, globalement,
étaient prévus. Un temps le matin pour aborder « l’histoire du problème » et
un temps pour imaginer comment faire vivre ce qui est précieux pour elles
dans leurs fonctions.
Pour « l’histoire du problème », nous avons utilisé le photolangage, nous
leur avons demandé d’exprimer tout ce qui pose problème pour elles dans
ce qu’elles vivent professionnellement. Ensuite nous avons exploré avec
elles ce qui pouvait bien appeler l’attention derrière chaque plainte. L’idée
est que derrière chaque problème il y a une valeur importante pour la
personne et que cette valeur est bafouée ou qu’elle ne trouve pas sa place.
Nous avons donc fait une « chasse au trésor » : celle de leurs valeurs. Au
final ce n’étaient plus des « femmes avec des problèmes », mais des
femmes pleinement conscientes et fières des valeurs qui leurs sont
précieuses et qu’elles veulent assumer.
Ces valeurs une fois décelées et reconnues, le deuxième temps a consisté
à leur faire rechercher ensemble comment faire vivre tout ce qui est
précieux pour elles, en recensant les actions concrètes qui pourraient leur
permettre de mieux se positionner dans l’entreprise.
C’est là que l’Arbre de vie entre en jeu et il nous a été très utile. Nous les
avons invitées à réaliser leur Arbre de vie professionnelle commun. Un seul
arbre qui allait représenter ce groupe d’assistantes de direction dans la
lumière de ce qu’elles sont et de ce qu’elles ont envie d’être.
Elles ont commencé à dessiner un bel arbre sur une feuille de paperboard.
Ensuite elles ont regroupé et mis en forme leurs mots, identifiés à travers le
partage de récits d’expériences personnelles, et les ont répartis sur l’Arbre
de vie. Les consignes étaient :
• Racines : des mots qui reflètent les raisons qui sous-tendent leur
présence dans cette fonction et dans cette entreprise. « Quelle est votre
histoire professionnelle avec cette entreprise ? Qu’est-ce qui dans
votre histoire professionnelle fait que vous vous retrouviez à ce poste,
dans cette d’entreprise ? ».
• Sol : des mots qui expriment leurs besoins pour exercer leur fonction et
pour bien réaliser leur mission. « De quoi vous avez besoin pour bien
faire votre travail ? ».
• Tronc : des mots qui traduisent leurs valeurs, leurs talents, leurs
ressources, leurs qualités professionnelles. « Quels sont vos talents,
habiletés, compétences, qualités, valeurs professionnels ? ».
• Branches : des mots qui expriment leurs rêves, leurs espoirs, leurs
projets pour améliorer leur situation. « Quels sont vos rêves, projets,
espoirs pour votre emploi ? ».
• Feuilles : des mots qui décrivent les idées qui permettraient de réaliser
leur projet. « Quelles sont vos idées pour faire vivre vos besoins, vos
projets ? »
• Fruits : des actions concrètes et réalistes qu’elles sont prêtes à mettre
en œuvre pour faire évoluer leur situation et nourrir leurs besoins.
« Quelles actions vous vous sentez prêtes à mettre en place pour y
arriver ? ».
Ce travail collectif les a incitées à se concerter et se mettre d’accord sur
les idées et actions à mener afin que leurs valeurs et leurs souhaits prennent
forme dans leur contexte professionnel et qu’elles prennent l’initiative
d’agir autrement.
Nous nous sommes retrouvées avec un bel arbre bien nourri d’idées et
d’actions très concrètes à mettre en place. Ensuite, nous leur avons
demandé à qui il serait utile de présenter leur arbre. Elles se sont vite mis
d’accord sur l’importance de faire remonter toutes ses informations auprès
de leurs directions respectives.
La décision a été prise qu’elles se fassent inviter, lors du prochain comité
de direction, pour présenter leur Arbre de vie professionnelle commun.
Elles n’ont eu aucune difficulté à se retrouver devant le comité de
direction. À travers leur Arbre, elles se sont présentées à des personnes qui
les connaissent déjà mais sous un angle nouveau. Celui de leurs forces, de
ce qui les anime, de leurs valeurs pas toujours exprimées. Et, surtout, elles
ont pu dire de quoi elles avaient besoin et les projets qu’elles nourrissaient
pour leur fonction. Tout cela a été exprimé sous le regard bienveillant du
comité de direction qui s’est engagé à soutenir certaines des actions
proposées. Aujourd’hui, les assistantes sont en phase de concrétisation et de
mise en œuvre de celles-ci. Elles deviennent auteures – et non seulement
actrices – de leur vie professionnelle.
Conclusion

L’Arbre de vie a été utilisé pour répondre à leur objectif spécifique


« Changer de regard sur nous » et aussi « Reprendre l’initiative et faire
changer le regard de l’entreprise ». Comme je le disais en méthodologie,
les questions peuvent varier en fonction du travail que l’on fait avec les
personnes. L’Arbre a servi in fine de support poétique pour diffuser des
messages essentiels. Le fait de ne faire qu’un seul arbre a permis à ces
assistantes de parler d’une seule voix, ce qui créait un cadre plus sécurisant
pour elles.

DEUXIÈME CAS

« L’Arbre de vie pour permettre à cinquante élus d’un groupe de banques


régionales coopératives de se reconnecter à leurs forces, valeurs et
missions afin de relever les défis à venir. »

Contexte

Je suis intervenue en clôture de l’université d’été qu’organise tous les deux


ans un groupe de banques régionales coopératives du Grand Ouest. Cette
unité rassemblait cette année-là cinquante membres de leurs conseils
d’administration respectifs et concluait un parcours de réflexion commencé
deux ans auparavant. L’université d’été était organisée autour de deux
temps forts, d’abord, sur une journée, une synthèse des scénarios
prospectifs explorés au long de ce parcours, puis, en conclusion, sur une
demi-journée, un travail sur le rôle, les valeurs et la mission des membres
des conseils par rapport aux enjeux que ce travail de prospective avait fait
émerger. J’étais en charge de cette conclusion, les organisateurs ayant été
intéressés par le caractère original et global de l’approche narrative.
Je n’ai pas assisté à la journée de synthèse prospective qui précédait mon
intervention, mais je sais qu’à travers un panel d’experts étaient rappelées
les questions les plus brûlantes qu’il convenait de se poser dans six
domaines d’observation : les nouvelles technologies, les valeurs et les
comportements collectifs, l’économie et la finance, les concurrences, la
réglementation et enfin les comportements de consommation.

Objectif

En ce qui me concerne, mon objectif était donc de ramener les membres du


groupe in fine sur leurs responsabilités, leurs ressources et leurs valeurs face
aux avenirs possibles qu’ils venaient d’explorer. C’est pourquoi j’avais
choisi que l’on consacre cette demi-journée qui m’était confiée à travailler,
individuellement d’abord, puis collectivement, sur l’Arbre de vie
professionnelle.

Mission

Mon défi était de faire réaliser à cinquante personnes, en trois heures trente,
l’Arbre de vie, la Forêt de vie et une synthèse finale.
J’ai donc conçu un programme spécifique qui prenne en compte les
objectifs et les contraintes. Nous avions prévu une vaste salle avec des
tables rondes, chacune pouvant accueillir huit personnes. Un premier temps
a été consacré à la réalisation des Arbre de vie individuels. Ensuite, ces
cinquante Arbres de vie ont été affichés aux murs de la salle afin de
constituer une belle et grande Forêt de vie où chacun a pu aller à la
découverte des Arbres des autres. Après une courte pause, les participants
se sont réinstallés autour des tables et chacun a présenté les éléments
significatifs de son Arbre. Pour terminer, une personne par table a été
désignée pour exprimer en plénière les points forts de cette mutualisation.

Déroulement

• Chaque élu dessine et renseigne son « Arbre de vie professionnelle »


sur les indications de l’animatrice.
• Une fois réalisés, les Arbres de vie sont affichés aux murs de la salle et
les participants se promènent dans « la Forêt de vie des élus de la
banque coopérative ».
• Par groupes de huit, à tour de rôle, chacun présente son arbre aux
participants de son groupe.
• Un rapporteur par groupe vient partager en plénière une synthèse sur
les valeurs et les espoirs qui ont émergé dans son groupe.
Les consignes, pour réaliser les arbres, étaient en lien avec le thème et les
objectifs spécifiques de ce séminaire. Nous les avions travaillés avec le
responsable de la manifestation, un responsable de formation, afin que
l’Arbre de vie réponde spécifiquement à ses attentes. C’est ainsi que nous
nous sommes retrouvés avec, en plus de ce que nous faisions d’habitude, les
fleurs et les graines de l’arbre. En voici le détail :
• Racines : les valeurs qui m’ont incité à devenir un élu et que je voulais
honorer et exprimer en devenant élu.
• Sol : le territoire ou nous vivons, notre territoire, qui ne peut nous
enrichir que si nous l’enrichissons. C’est un écosystème.
• Tronc : le corps social de ma banque coopérative, les « ressources
humaines » dans leur ensemble, dirigeants, salariés et élus. J’inscris au
niveau du tronc les compétences, les talents, les ressources que
j’apporte à ma banque, en savoir, en savoir-faire et en relations.
• Branches : les projets, les espoirs que je nourris en tant qu’élu de ma
banque coopérative.
• Feuilles : les personnes qui ont compté ou qui comptent sur le plan
professionnel, les autres élus, salariés, dirigeants, avec lesquels
entreprendre.
• Fruits : les résultats au présent, les bons exemples, les exemples
inspirants.
• Fleurs : les promesses et les audaces que j’ai en moi pour ma banque.
• Graines : les actes que j’ai envie de semer afin que demain soit fécond
pour ma banque et nos territoires.

Conclusion

Cette demi-journée de clôture avec l’Arbre de vie a été très appréciée des
membres de ce groupe. Ce fut, aux dires des participants, un moment
ludique, convivial et ressourçant pour eux. Un temps où ils ont pu se
réaligner et échanger sur le sens et les valeurs de leurs missions.

TROISIÈME CAS

« L’Arbre de vie pour permettre à une équipe et sa nouvelle Direction de


commencer à écrire une histoire ensemble. »

Contexte

C’est l’histoire d’un magazine qui, en deux ans, a connu deux grands
bouleversements : son patron fondateur est parti et l’a cédé à un grand
groupe de presse, et une nouvelle formule a été tentée sans succès, ce qui a
fait chuter les ventes de manière spectaculaire.
Depuis deux ans, une nouvelle direction a été nommée. L’énergie de tous
a été mobilisée afin de stopper l’hémorragie des ventes en remettant le
magazine dans son identité première. Le tout s’est fait sans que les
collaborateurs soient accompagnés d’une manière ou d’une autre.
Le magazine a été sauvé, mais la nouvelle direction n’est toujours pas
légitimée. Les équipes se sentent abandonnées entre les mains d’un groupe
dont les intérêts et les valeurs viennent se heurter aux leurs.
Les conséquences sont multiples et dommageables sur les plans humains
et matériels :
• un syndrome général du genre : « c’était mieux avant » ;
• une équipe de direction qui tente, sans succès, d’imposer de nouveaux
process ;
• une équipe de rédaction en résistance au changement, de moins en
moins motivée : les propositions de sujets lui échappent de plus
en plus et, parfois, le magazine est presque exclusivement rédigé par
des pigistes ;
• l’esprit d’équipe n’est plus assez développé. Chacun écrit dans son
coin, personne ne lit les articles des autres, etc.

Objectif

Lever les incompréhensions et les résistances au changement. Retrouver de


la motivation, de la créativité et de l’envie de faire ensemble.

Mission

J’ai conçu un accompagnement en trois temps.


Dans un premier temps, je suis allée à la rencontre de chaque acteur de
l’entreprise, direction comprise. Le dialogue à ce moment-là entre équipe
de rédaction et direction était inenvisageable. J’ai mis en place des
entretiens individuels, couverts par la confidentialité, afin que chacun se
sente libre d’exprimer ses plaintes et ses besoins. Une synthèse anonyme de
ces entretiens a été rédigée scrupuleusement, de sorte que chacun y retrouve
ses mots, et analysée de manière à faire ressortir ce qui est précieux pour les
personnes et qui ne vit plus pour elles. Ceci afin que les personnes se
sentent entendues et reconnues dans ce qu’elles vivent. La synthèse a été
restituée en plénière à l’ensemble des personnes concernées. Aux dires des
participants, à l’issue de ce premier temps de recueil, tout a été dit et posé.
Ils se sont sentis entendus et reconnus. C’était la première fois où ils étaient
tous d’accord sur ce qui n’allait pas et sur ce qui manquait pour que cela
aille mieux.
Dans un second temps, je les ai fait travailler en sous-groupes sur le
thème « Comment faire vivre nos besoins ? » et « Quelles idées, quelles
actions concrètes pouvons-nous poser ? ».
Une fois qu’ils eurent recouvré le sentiment d’être entendus et compris
dans ce qu’ils vivaient, une fois qu’ils eurent énoncé des actions concrètes
pour avancer ensemble, il leur devint possible de commencer à écrire une
nouvelle histoire à vivre ensemble. Ensemble, car, sous le coup des
évènements, ils étaient en quelque sorte partis dans des histoires de
différences et il n’y avait plus guère de collaboration entre eux.
C’est là qu’intervient, dans un troisième temps, l’Arbre de vie. J’ai
organisé une journée de séminaire autour du thème : « Mobiliser notre
énergie collective ». L’idée pour moi était d’utiliser l’exercice de l’Arbre de
vie comme médiateur vers cette histoire partagée qui leur faisait défaut, de
sorte que la rencontre se fasse enfin entre la nouvelle direction et la
Rédaction.
J’ai donc invité chacun à réaliser son Arbre de vie professionnelle. Les
consignes furent sensiblement les mêmes que pour le cas précédent. C’est-
à-dire :
• Racines : « Quelle est votre histoire professionnelle ? »
• Sol : « De quoi avez-vous besoin pour avancer professionnellement ? »
• Tronc : « Quels sont vos compétences, talents, habiletés ? »
• Branches : « Quels projets et espoirs est-ce que je nourris
professionnellement ? »
• Feuilles : « Quels sont, dans le cadre professionnel, les personnes,
personnages, auteurs, modèles qui m’ont influencé positivement ? »
• Fruits : « Quels sont les actes que j’ai envie de semer pour que ce
travail fait ensemble perdure ? »
Ensuite, tous les Arbres ont été rassemblés de façon à former la Forêt de
vie du magazine. Comme dans les cas précédents, chacun a été invité à
présenter son arbre aux autres, direction comprise. Ce fut un grand moment.
On aurait dit qu’ils se découvraient, qu’ils faisaient enfin connaissance,
surpris, curieux et enchantés parfois des parcours des uns et des autres.
Nous avons également abordé les Tempêtes de vie mais, comme il y avait
eu déjà les deux temps dont j’ai parlé pour aborder les problèmes et les
solutions, cette partie a été une manière de revisiter et de confirmer ce qui
avait déjà été dit. Néanmoins, le fait d’avoir vécu l’expérience de l’Arbre de
vie, qui relie les personnes à leurs forces, les avait mis en condition pour
avoir encore plus d’idées pour surmonter leurs difficultés.
Leurs commentaires à l’issue de la journée Arbre de vie :
• « Nous avons découvert des espoirs communs avec la Direction,
notamment : rester libres – garder notre identité au sein du groupe –
être solidaires – rester curieux et ouverts sur ce qui nourrit notre
métier – ne jamais oublier pour qui on écrit…
• Nous sommes tous différents.
• Nous avons tous un parcours riche d’expériences.
• Nous avons chacun une histoire qui nous a guidés vers ce magazine,
cela a du sens pour chacun d’entre nous d’être là.
• Nos compétences, talents et valeurs sont variés et complémentaires.
• Cela fait de bien de se remémorer les personnes qui ont jalonné notre
vie professionnelle. »
En clôture de cette journée, un certificat leur a été remis de manière
officielle pour rappeler et signifier l’importance de la place singulière et
précieuse de chacun au sein de cette forêt.

Conclusion

L’Arbre de vie a permis à ces personnes de se rencontrer et de commencer


une histoire ensemble. Il a contribué à leur faire retrouver de la motivation,
de la solidarité et de l’intérêt les uns pour les autres.

QUATRIÈME CAS

« Clôturer un cursus de formation et amorcer un plan d’action. »


Par Fabiola Ortiz, Coach Consultant Formateur.

Dans cet exemple, l’Arbre de vie a été utilisé à la fin d’un programme de
formation pour concrétiser le projet professionnel de chacun des
participants et définir un début de plan d’action.
Coach en entreprise depuis quatre ans, j’ai été formée à l’outil de l’Arbre
de Vie en mars 2017 par Dina Scherrer. Bien que je ne sois pas formée aux
Pratiques Narratives, l’outil m’a tout de suite séduite par sa simplicité ainsi
que par sa puissance. J’ai commencé à l’appliquer, tout de suite après la
formation, dans des coachings individuels avec de très bons résultats.
Préparant une intervention de clôture de formation, je me suis
naturellement dit que ce serait l’outil idéal pour résumer le parcours des
participants et pour amorcer un plan d’action applicable après la formation.

Contexte

J’interviens au Maroc, depuis deux ans, au sein d’un programme de


formation continue adressé aux managers. Ce programme, Manager Coach,
est proposé par l’École de Commerce ISCAE aux managers souhaitant
intégrer des techniques de coaching dans leur pratique managériale. Les
modules animés par mon cabinet se déroulent sur quatre mois, comprenant
quatre séminaires de trois jours de formation et un séminaire résidentiel de
clôture.
La formation étant très demandée, nous avons eu cette année un groupe
de 32 personnes. La richesse et le challenge résidaient dans l’hétérogénéité
de ce groupe constitué de profils très divers ainsi que de projets différents
selon les participants : améliorer sa pratique managériale, travailler sur le
développement personnel, envisager une reconversion dans le coaching…
Le challenge du séminaire de clôture était, entre autres, de donner aux
participants un espace personnalisé pour réfléchir et clarifier leur projet
individuel tout en capitalisant sur l’élan collectif.

Objectif avec l’Arbre de vie

Après ma formation et mes premières expériences avec l’outil, l’Arbre de


Vie m’a semblé l’atelier idéal pour remplir plusieurs objectifs :
• valoriser son parcours professionnel ;
• clôturer la formation et lui donner une place dans son propre projet
global ;
• se projeter dans le futur avec les nouvelles compétences acquises lors
du programme ;
• poser les premiers jalons d’un plan d’action pour donner une continuité
et application à la formation ;
• capitaliser sur la réflexion collective pour la valorisation des projets.
Mission

La mission s’est déroulée en mai 2017 à Marrakech avec 32 participants.


Étant en clôture de la formation, le séminaire avait une double vocation :
• faire une synthèse et une capitalisation des connaissances ;
• permettre aux participants de clôturer avec un plan d’action
personnalisé.
Le client avait demandé des formats ludiques et interactifs pour réaliser
ces objectifs. Ainsi, l’atelier de synthèse de concepts théoriques s’est
déroulé sous forme d’une chasse au trésor comportant des questions
théoriques. À chaque question répondue, les participants gagnaient une
pièce du « trésor ». Avec toutes les pièces, les participants devaient
reconstituer le Trésor : une Mind Map mettant en relation une centaine de
concepts vus lors des quatre séminaires de formation.
L’atelier Arbre de Vie s’est déroulé dans cet esprit ludique et collaboratif.
Étant donné la taille du groupe, nous avons travaillé en sous-groupe de six
personnes. L’Arbre de Vie était dessiné en individuel (feuille en format A3),
focalisé sur l’objectif de capitaliser sur la formation de Manager Coach et
regroupant les éléments suivants :
• Racines : des mots reflétant tout ce qui a contribué par le passé à
forger leur sensibilité de Manager Coach et les ayant menés à
s’inscrire dans ce programme de formation. « Qu’est-ce qui vous a
construit dans le passé dans votre identité de Manager Coach ? »
• Sol : deux ou trois mots exprimant leurs besoins pour mettre en
application leurs nouvelles compétences. « De quoi vous avez besoin
pour appliquer vos compétences de Manager Coach ? »
• Tronc : des mots traduisant les valeurs et les talents leur permettant de
mener à bien leur projet professionnel. « Quels sont les valeurs et
talents sur lesquels vous vous appuierez pour réaliser votre projet ? »
• Branches : des mots traduisant leur projet professionnel ou personnel
de mise en application des concepts appris. « Quels sont les projets et
actions que vous pensez entreprendre pour capitaliser et mettre en
application de cette formation ? ».
• Feuilles : le Club de vie consistant en des personnes ou des figures
d’inspiration pour mener à bien le plan d’action formulé dans les
branches. « Sur qui allez-vous vous appuyer pour chercher de l’aide,
soutien et inspiration vous permettant la réalisation de votre projet ? »
• Fruits : des mots traduisant les accomplissements visés. « Quels sont
les bienfaits et cadeaux que vous apportera la réalisation du
projet ? ».
En plénière, et à titre d’exemple, nous avons débriefé sur un des Arbres.
L’étape suivante étant un partage en sous-groupe. Le sous-groupe évoluait
dans sa propre Forêt d’arbres en partageant les expériences et récits et
valorisant les arbres des autres participants.

Conclusion

L’atelier Arbre de Vie s’est avéré très pertinent pour atteindre les objectifs
recherchés. Il a permis aux participants de mener une réflexion de clôture
de la formation en se projetant dans leur futur professionnel. L’exercice leur
a permis de clarifier leur démarche personnelle et d’augmenter leur
motivation à poursuivre un objectif.
Lors de cet atelier, j’ai vu un avantage supplémentaire à cet outil. Dans la
mesure où l’Arbre de vie est construit à partir de son parcours et de son
expérience personnelle, chaque projet gagnait en congruence pour la
personne. La posture de non-jugement et de partage collectif a été renforcée
par cette congruence individuelle.
De ma courte expérience dans son application, je peux dire que c’est un
outil puissant. Le caractère visuel et global de la démarche favorise
l’association d’idées avec une quantité importante de données. Il permet de
donner du sens et de la cohérence à ses projets et aspirations, qui se
présentent comme une prolongation logique de ses racines et ses talents.
5
L’ARBRE DE VIE
EN MILIEU SCOLAIRE

DEVENUE COACH ET COMME J’AIME L’IDÉE que le coaching ne soit pas exclusivement
réservé aux cadres et aux patrons des entreprises, je me suis très vite
demandée vers quel autre public je pourrais me tourner. Et, tout
naturellement mes pas m’ont guidée vers les écoles.
Comme je le disais plus haut, je suis autodidacte. J’ai une histoire
douloureuse avec l’école. J’ai été très tôt cataloguée comme une enfant qui
avait des problèmes d’apprentissage. Je me suis retrouvée après le primaire
dans une section pour enfants en difficulté que l’on appelait à l’époque
« classe de transition ». Et j’ai quitté très tôt le système scolaire avec un
CAP de sténodactylo.
C’est une fois dans le milieu professionnel que je me suis découverte et
que je me suis réalisée. J’ai grandi très vite et j’ai finalement eu un très
beau parcours professionnel. Puis, à quarante ans, attirée par la dimension
humaine que j’avais commencé à découvrir dans mes postes successifs de
manager, j’ai repris mes études pour être coach et j’ai aujourd’hui un
diplôme d’études supérieures universitaire en « Ressources Humaines et
Coaching ».
En devenant coach, j’ai répondu à la question que l’on m’avait posée à
seize ans et à laquelle j’étais incapable de répondre : « Qu’est-ce que tu
veux faire comme métier ? ». Au cours de ma carrière professionnelle, j’ai
vu des portes s’entrouvrir devant moi et je les ai poussées. Mais le coaching
est le premier métier que j’ai vraiment choisi d’exercer, la bifurcation, la
rupture dans ma vie professionnelle que j’ai décidée. Et je suis revenue à
l’école, je me suis formée afin d’exercer le métier que j’avais choisi. J’ai
adoré cette formation qui m’amenait vers ce métier désiré. J’ai enfin été
cette bonne élève vive et curieuse d’apprendre. J’ai pu prendre conscience
de cette dynamique vertueuse qui se met en place pour peu que l’on puisse
choisir pleinement sa voie.
Aller à la rencontre des jeunes en souffrance dans les écoles, c’est, de ma
part, leur dire : « Regardez-moi, c’est possible d’y arriver ». Je pense que
tout aurait été différent pour moi à l’époque si quelqu’un m’avait regardé
autrement et aidé à reprendre confiance. Heureusement, tout ne se joue pas
à l’école, j’en suis la preuve. Cependant, c’est quand même mieux de
pouvoir en tirer le meilleur profit au cours des années qu’on y passe.
Pour moi, il est très important d’avoir conscience des raisons pour
lesquelles on s’est destiné à l’accompagnement, et de savoir pourquoi on a
choisi d’exercer auprès de tel public, comme les jeunes notamment en ce
qui me concerne. Quand on parvient à répondre à cette question, on se relie
à notre légitimité, à ce qui nourrit notre force. D’avoir survécu à l’école fait
de moi une personne qui sait qu’il est possible de passer de l’échec à la
réussite, de l’humiliation à l’épanouissement. Face aux jeunes, tout dans
mon histoire et ma posture porte cet espoir pour eux.
Tel est l’espace que je propose aux jeunes quand je vais à leur rencontre.
Un espace pour être regardés de telle sorte qu’ils se sentent exister, compris,
respectés. Un espace où ils peuvent discerner, reconnaître et honorer leurs
savoirs et leurs ressources.
L’Arbre de vie est une méthode très efficace dans ce contexte-là, avec des
jeunes, car il facilite l’expression et permet à lui seul d’aborder tous les
sujets que j’ai à travailler avec eux : orientation, confiance, honorer les
différences, se sortir de l’isolement…
J’ai été la première coach à entrer dans les collèges et les lycées publics.
C’était en 2008. Cela n’a pas été facile, au début, de proposer mes services
et d’être acceptée au sein des établissements scolaires. Il m’a fallu faire mes
preuves. J’ai dû consacrer du temps à expliquer à tout l’encadrement
éducatif qui je suis et ce que je peux apporter en plus de ce qu’ils font déjà
très bien.
Depuis lors, j’accompagne chaque année deux classes sur toute l’année
scolaire. Cela fait environ 10 séances par classe. C’est une Fondation qui
depuis plusieurs années sollicite mes services. Elle a à cœur que les jeunes
en grande difficulté, qui souvent sont amenés à quitter le système scolaire
assez tôt, soient acteurs de leur avenir et puissent décider au mieux de leurs
projets d’orientation. Et, à partir du moment où on a réussi à faire émerger
des projets, de vrais projets que les jeunes ont à cœur, tout peut être
travaillé : la confiance, le conflit entre eux ou avec les enseignants, les
freins à l’apprentissage etc. Tout ce qui pourrait leur barrer la route.
N’accompagner que des jeunes dans les établissements scolaires, c’est
comme leur dire : « Le problème, c’est vous ! C’est à vous de bouger, de
changer ». C’est pourquoi, avec la Fondation, nous avons décidé
d’accompagner également tous les acteurs du système. Nous avons proposé
aux établissements dans lesquels nous intervenons des ateliers à destination
des professeurs et de tout l’encadrement éducatif. Nous partageons avec eux
les techniques et les concepts d’accompagnement que nous avons utilisés
avec les jeunes, de sorte qu’ils pourront les utiliser eux-mêmes s’ils le
souhaitent.
Je me propose de partager avec vous deux cas.

PREMIER CAS

« L’Arbre de vie avec une classe de jeunes en difficulté, pour travailler


l’estime de soi et les projets. »

Contexte

Une classe de 4e dans un collège de Seine Saint-Denis. Une classe


spécialement adaptée à des jeunes que l’on a détectés en difficulté pendant
les deux premières années de collège. Un professeur principal volontaire et
très impliqué porte le projet. Un programme est conçu spécifiquement pour
ces élèves, afin qu’ils reprennent des forces, qu’ils retrouvent confiance,
qu’ils rattrapent leurs lacunes. Ils sont moins nombreux dans la classe, ils
bénéficient d’un soutien personnalisé, ils vont à la découverte de
l’entreprise avec un stage d’observation d’une semaine. Ils ont des
professeurs très à l’écoute et une dizaine de séances de coaching avec moi.
À la fin de l’année, deux choix s’offrent à eux : passer en 3e générale pour
ceux qui le souhaitent et qui se sont remobilisés ou passer en 3e prépa pro
qui prépare à une filière professionnelle.
Les jeunes vivent toujours très mal de devoir se retrouver dans cette
classe, car c’est un marqueur d’inaptitude.

Objectif

Créer un espace où les jeunes pourront reprendre espoir et confiance en


l’avenir et mettre à jour un projet. Cela, il faut le préciser, dans un contexte
qui ne facilite pas les choses : conflits entre filles et garçons, entre ethnies,
et j’en passe.

Mission

Globalement, avec ces jeunes, mon accompagnement se développe en trois


temps :
• un premier temps où je vais consacrer deux ou trois séances à « créer
l’alliance » : c’est-à-dire à faire en sorte qu’ils comprennent bien ce
que je viens faire avec eux, de sorte qu’ils se réapproprient la
démarche que l’on a voulu pour eux, et afin qu’ils expriment des
demandes – leurs demandes ;
• un second temps pour travailler concrètement les
demandes exprimées : confiance, freins, projets etc.
• un temps de clôture, après chaque séance et à la fin de la mission, pour
célébrer et ancrer les avancées et les apprentissages.
Concernant la classe dont je vais parler, ma mission était principalement
axée sur l’estime de soi. À chaque séance, ces jeunes étaient plutôt contents
de me voir, mais comme ils manquaient de confiance en eux, ils avaient du
mal encore à prendre la parole devant la classe. Il y avait aussi des clans, et
très peu de solidarité entre eux au sein de la classe, notamment entre filles
et garçons. J’avais donc choisi de placer assez tôt l’Arbre de vie dans le
parcours afin de leur permettre de gagner en confiance, de se connaître
mieux les uns les autres et de s’apprécier davantage. J’ajoute que plusieurs
professeurs assistaient aux séances.
Je n’ai pas choisi au hasard d’évoquer le cas dont je vais parler. Je l’ai
choisi parce qu’il montre comment je me suis retrouvée moi-même en
difficulté en utilisant l’Arbre de vie, et comment mettre en lumière la
solution quand elle vient du jeune.
Le moment venu, j’ai distribué à cette classe de grandes feuilles de papier
et j’ai demandé que chacun dessine un arbre, puis mette des mots sur les
diverses parties de l’arbre. Sur les racines, les mots devraient être la réponse
aux questions : « D’où je viens ? », « Qu’est-ce qui me caractérise, qui fait
ce que je suis ? » – mes origines, mon éducation, mes particularités, mes
passions. Sur le tronc, les mots répondraient à : « Qu’est-ce qui fait que,
quoi qu’il arrive, mon arbre reste droit ? – mes qualités, mes valeurs, mes
ressources, ce que j’aime faire, ce que l’on me reconnaît de bien. Quelles
sont également les actions que j’aime bien mener ? ». Sur les branches, il
s’agissait d’exprimer : « Quels sont les projets, les rêves et les espoirs que
j’ai pour ma vie ? ». Enfin, les feuilles correspondraient à : « Quels sont les
gens qui me rendent heureux, qui croient en moi, que je suis content de
connaître ? ».
Ils travaillaient donc tous ensemble dans la même salle, mais chacun
réalisait son propre Arbre de vie. Quand ils eurent terminé, nous avons
affiché toutes leurs feuilles aux murs de la classe. C’était donc « la Forêt de
vie » de la classe. Jusque-là tout allait à peu près bien, même si se trouver
des qualités leur avait été un peu difficile, au point que j’avais dû solliciter
leurs professeurs pour qu’ils leur soufflent quelques qualités qu’ils
reconnaissaient en eux. J’ai ensuite invité chacun d’eux à présenter son
Arbre aux autres, afin de se découvrir davantage et de faire rayonner au
niveau collectif ce qui est important pour eux.
Et, là, le processus s’est enrayé : aucun des jeunes ne voulait présenter
son arbre « publiquement ». Il me restait une bonne heure de séance et
c’était la panne ! J’ai un peu insisté, précisant qu’ils n’étaient pas obligés de
tout présenter, qu’ils pouvaient se limiter à ce qu’ils souhaitaient, que le
seul objectif était de mieux se connaître, d’honorer les différences,
d’apprécier les talents, les projets et les qualités de chacun… Rien n’y fit.
Au contraire, il y avait un grand silence qui menaçait de s’éterniser. Les
professeurs commençaient à s’agacer du comportement des jeunes, et je
craignais qu’ils ne finissent par induire l’inverse de l’effet que je
recherchais.
Je me demandais comment surmonter cela, quand, subitement, est
parvenue à moi une petite voix, à peine un souffle ! Ce fut comme une
bouée au milieu de la mer ! « Ben, moi, j’veux bien présenter mon arbre si
vous voulez ».
C’était Teddy, l’un des jeunes les plus en difficulté de la classe.
Timidement, Teddy a présenté son arbre. Cela a aussitôt transformé
l’atmosphère. La pression est retombée et la dynamique de la classe a
redémarré. Les autres jeunes ont trouvé l’envie de présenter eux aussi leur
arbre. Au final, grâce à Teddy, ce fut une belle séance.
J’ai voulu honorer ce « Ben, moi, j’veux bien ». Avant de donner la parole
aux autres, j’ai dit publiquement à Teddy : « Tu sais, quand tout à l’heure
personne ne voulais présenter son arbre, j’étais un peu perdue, je ne savais
plus trop quoi faire. Mais quand tu as dit : ‘Ben, moi, j’veux bien’, je me
suis sentie soutenue. Je voudrais te remercier pour cela. Comme je suis
curieuse, j’aimerais bien que tu me dises pourquoi tu as dit : ‘Ben, moi,
j’veux bien’? Qu’est-ce qui, chez toi, a permis cela ? ».
Teddy a répondu : « Mais, M’dame, vous faisiez pitié ! » Alors j’ai
demandé à Teddy : « Qu’est-ce que cela dit de toi que tu aies eu pitié de
moi ? » Teddy m’a répondu « Ben, j’sais pas, vous venez pour nous aider, ça
s’fait pas, c’est tout ».
Alors je me suis tournée vers les autres jeunes et je leur ai demandé :
« Qu’est-ce que ça nous dit de Teddy son : ‘Ben, moi, j’veux bien’ » ? Ils
ont tous répondu : « Il est courageux », « Il a du cœur », « C’est un mec
bien », « Il montre le bon exemple »… Les professeurs ont dit qu’ils étaient
à la fois étonnés et fiers de lui. J’ai demandé à Teddy ce que cela lui faisait
d’entendre cela sur lui, ce qu’il avait entendu d’important pour lui. Il a
principalement retenu qu’il avait du cœur et cela lui faisait plaisir de
l’entendre. Je lui ai demandé : « À ton avis, de qui tiens-tu cela, d’avoir du
cœur ? » Il m’a répondu qu’il tenait cela de son éducatrice qui était très
gentille avec lui et qui lui avait toujours dit qu’il fallait toujours venir en
aide à ceux qui en avaient besoin. Il nous a raconté d’autres histoires où il
avait eu du cœur. Notamment, une fois, il avait sauvé une personne qui
allait se faire écraser en la poussant sur le côté.
Cette séance a contribué à redonner confiance à Teddy et à changer le
regard des autres sur lui. Ce « Ben, moi, j’veux bien », c’est ce que l’on
appelle en Pratiques Narratives « une fine trace ». Une fine trace, ce n’est
pas quelque chose qui est là en quantité infinitésimale, c’est le signe discret
de quelque chose de bien caché mais qui ne demande qu’à être reconnu et à
se fortifier. Derrière le « Ben, moi, j’veux bien » de Teddy, il y avait une très
belle histoire de compétences et de valeurs qui révélait une facette de son
identité. Une facette qui vient contredire tout ce que l’on peut entendre en
général sur ce jeune, du genre « Il ne fait rien, il ne s’intéresse à rien, il ne
participe jamais », etc.
Il est important d’être attentif à ces fines traces, de les relever et de les
étoffer. Un des moyens que j’ai trouvé pour ne pas passer à côté d’elles,
c’est d’être attentive à mes émotions. Quand Teddy a dit : « Ben, moi,
j’veux bien », j’ai été bouleversée car je sentais qu’il voulait davantage
m’aider que présenter son arbre.
D’où l’importance d’entendre ce que le jeune dit et ce qu’il ne dit pas,
qui permet de percevoir ce moment souvent infiniment fugace où une âme a
décidé de se livrer, et alors il s’agit d’avoir la réactivité de donner à voir ce
qu’elle révèle de précieux.
L’Arbre de vie a permis à Teddy et à cette classe de se connaître et de
s’apprécier davantage. Les jeunes ont écouté respectueusement chaque
présentation d’arbre. Après chaque passage je demandais à ceux qui
écoutaient : « Quelle image cela vous donne-t-il de lui ? ». Ils collaient des
Post-It de soutien du style : « Tiens bon », « Trop beau ton arbre », « T’es le
meilleur »…
Quand on travaille les projets, après que le jeune a présenté son arbre, je
demande aussi à ceux qui ont écouté : « Qu’est-ce que cela nous dit de lui ?
Dans quel métier vous le verriez bien ? ». Souvent le jeune n’a pas d’idée
pour lui et en a pour les autres… Toujours utiliser le groupe comme une
ressource.
À chaque séance, nous affichions les arbres et nous revenions vers eux
pour les consulter ou les compléter. Par exemple quand je les faisais se
préparer en vue de trouver un stage, ils se référaient au tronc de leur arbre
pour se souvenir de leurs qualités à mettre en avant.
Ou bien, quand ils avaient besoin de soutien, on regardait qui dans les
feuilles pouvait les aider. Une des jeunes filles de cette classe m’avait
gentiment dit : « Quand on est en panique pendant les contrôles et qu’on a
besoin de soutien, ça marche pas car on n’a pas l’Arbre de vie à côté de
nous pour se souvenir de nos feuilles ». À travers ce qu’elle me disait, je
comprenais qu’ils avaient besoin à chaque instant de pouvoir se reconnecter
à leurs personnes ressources.
J’ai alors imaginé un exercice que l’on a appelé « Perles de vie », qui
venait compléter les feuilles des Arbres, afin que les jeunes que
j’accompagne puissent se souvenir plus facilement et au quotidien du lien
qui les unit avec leurs personnes ressources ou leurs histoires préférées. Je
leur ai demandé de lister individuellement toutes les personnes importantes,
celles qui ont une influence positive dans leur vie, dans toutes les
communautés de leur vie : à la maison, à l’école, etc. Pour les aider, je leur
ai dit : « vous savez : ces personnes qui, lorsqu’elles vous regardent, font
que vous vous sentez plus forts ».
Chacun a ainsi reconstitué son club de soutien. Ensuite, j’avais prévu un
grand saladier rempli de perles de toutes les couleurs et de toutes les
formes. Je leur ai demandé de venir choisir une perle pour chacun des
membres de leurs clubs de soutien respectifs, de prendre bien le temps de
penser à la personne en choisissant la perle afin que celle-ci lui soit à jamais
associée. Ils se sont ainsi tous retrouvés avec une poignée de perles. J’ai
alors donné à chacun du fil pour relier ses perles. J’avais prévu tout le
matériel nécessaire afin qu’ils aient le choix de faire un collier, un bracelet,
un porte-clés, etc.
À la fin, j’ai invité chacun des jeunes à présenter au reste de la classe une
de ses perles. J’ai demandé : « Est-ce que tu peux nous présenter une de tes
perles, celle de ton choix ? Nous dire ce que tu veux sur elle ? » Et ensuite :
« À ton avis, en quoi garder cette perle près de toi, pourrait t’aider ? À quel
moment pourrais-tu en avoir besoin ? Que pourrait-elle te donner comme
espoir ? »
Ils avaient magnifiquement compris l’exercice et nous avons eu de très
jolies histoires de perles : « Cette perle, c’est ma petite nièce. C’est la seule
qui arrive à me redonner le sourire. Je pense que cela pourra m’aider de
regarder cette perle quand je serais triste ». « Cette perle, c’est ma
professeur de français en 6e. Elle m’aimait bien et moi aussi je l’aimais
bien. Avec elle je n’avais pas de problème, j’y arrivais. Je pense que cela
pourra m’aider au moment des contrôles, quand je panique, de penser à
elle. »…
Le professeur principal qui assistait à la séance et moi-même avons été
très touchés de voir que certaines perles parlaient de nous. Et nous étions
ravis à l’idée que l’aide que nous leur apportions allait, grâce aux perles, se
poursuivre au-delà de notre mission.
À la fin de notre mission, nous avons célébré leurs avancées, comme
nous le faisons toujours, en organisant une séance avec des invités qu’ils
avaient choisis. Pour cette célébration, ils avaient affiché leurs Arbres de
vie et toutes les autres productions de nos rencontres. Nous leur avons aussi
remis un certificat personnalisé qui leur rappellerait leurs forces et leurs
personnes ressources.

Conclusion

L’Arbre de vie a été l’exercice fondateur de notre mission. Il en a été le fil


conducteur. À travers lui, nous avons pu aborder des sujets fondamentaux :
la confiance, les qualités personnelles, la cohésion de classe, les projets, le
club de soutien.

DEUXIÈME CAS

« L’Arbre de vie avec des jeunes déscolarisés en vue d’une réinsertion


en formation. »
Par Federico Durante, Psychologue conseiller en orientation et coach,
Lausanne, Suisse.

Ayant été formé aux pratiques narratives au sein de la Fabrique Narrative


à Paris, j’ai utilisé la méthode de l’Arbre de vie dans mon activité de
psychologue conseiller en orientation et coach avec une population de
jeunes (15-25 ans) déscolarisés ou en risques de déscolarisation. Nous
visions la réinsertion en formation.
Employant l’Arbre de vie dans le cadre d’entretiens individuels, je vais
me concentrer ici à raconter comment mes collègues et moi avons proposé
cette métaphore narrative à des groupes. Nous animions, durant les
vacances scolaires estivales, des ateliers d’aide à l’élaboration de projet et à
la remobilisation pour des élèves quittant la scolarité obligatoire (terminant
à quinze ans en Suisse) sans débouchés de formation. Lors de ces journées,
nous abordions des aspects de connaissance de soi (intérêts professionnels,
qualités, personnalité, compétences), de découverte des métiers et des
formations, ainsi qu’une introduction aux techniques de recherche
d’emploi. L’inscription était volontaire, mais souvent fortement suscitée par
les parents.
Les étés précédents, les participants avaient plutôt profité des joies des
sorties à la piscine ou d’autres activités sociales de plein-air. Lors de leur
inscription à notre atelier, ils se trouvaient souvent un peu déprimés,
enfermés durant une semaine, malgré les activités les plus attrayantes
possibles que nous essayions de leur proposer. Leur sortie du système
scolaire sans perspective de formation était également très souvent vécue
comme un échec. La plupart des jeunes visaient une entrée en apprentissage
en entreprise ou en études secondaires qui n’avait pas abouti. Leurs
premiers pas dans le monde de la formation commençaient donc par un
échec. Voilà plusieurs raisons qui les amenaient à se trouver démobilisés,
découragés et démotivés en participant à nos ateliers. Nous ressentions de la
résistance passive, parfois un peu de provocations, lors de nos animations.
Mes collègues et moi avons alors décidé de colorer l’animation de nos
ateliers des Pratiques Narratives. Nous avons utilisé l’Arbre de vie comme
fil rouge, afin de synthétiser les différentes activités que nous proposions,
de la manière suivante.
Les jeunes dessinent leur arbre le premier jour et nous affichons « la
forêt » sur un mur de la salle, après chaque journée. Les racines émergent
lors de la présentation de soi en début d’atelier : « d’où je viens, quelles
sont mes origines, quels sont les métiers exercés dans ma famille… ». Le
sol est lié aux : « valeurs importantes pour les jeunes ». Le tronc accueille
les résultats des activités identifiant : « les ressources, les compétences et
les qualités ». Les branches poussent lors de l’élaboration : « d’objectifs et
de projets personnels et professionnels, ainsi que de formation ». Celles-ci
recueillent également : « les rêves et les espoirs ». Finalement, les feuilles
sont constituées « des personnes importantes » pour les participants. Les
jeunes demandent à leurs personnes importantes de leur dire leurs qualités,
compétences et ressources. Chaque participant garde l’arbre à ses côtés
durant l’atelier et est libre de le compléter suivant ce qui ressort des
différentes activités. En fin de journée, les arbres sont affichés et chacun
peut coller des Post-It sur les arbres des autres, commentant de manière
bienveillante ses appréciations et ses réactions.
L’utilisation de l’Arbre de vie, dans le cadre de nos ateliers d’été ainsi
que d’autres activités inspirées des Pratiques Narratives, a redynamisé le
climat de notre travail. Les jeunes disposaient d’un fil rouge permettant
d’expliciter de manière simple la cohérence de nos animations. Ils ont ainsi
raconté sur un même document leur histoire alternative préférée, en lien
avec leur projet professionnel. En commentant les arbres des autres
participants, ils ont également renforcé leur sentiment d’appartenance à un
groupe, celui de l’atelier, et peut-être à celui de jeunes temporairement sans
formation.
En tant qu’animateurs de l’atelier, la perspective narrative que nous
avons choisie nous a soutenus. Même si, lorsque nous présentions le
concept aux participants et qu’ils devaient représenter leur arbre, ils se
plaignaient de ne pas savoir dessiner et qu’ils ne voyaient pas le sens de
l’activité, au fur et à mesure des journées, leurs compétences et leurs projets
se sont révélés, de manière positive et sincère. Ils ne répondaient pas aux
activités selon un principe de désirabilité sociale du monde adulte, comme
nous avions parfois pu l’observer. Ils pouvaient s’exprimer comme ils
étaient, même si cela sortait parfois du cadre.
Je pense donc que l’Arbre de vie les a aidés dans la construction d’un
projet professionnel et dans une augmentation de leur sentiment d’espoir
par rapport à l’avenir.
Dans ma pratique, je vois se dresser des Arbres de vie, qui permettent à
mes consultants d’enraciner leurs origines, de consolider le tronc de leurs
ressources et de déployer les branches de leurs espoirs et projets, qui se
verront ornées des feuilles de leurs soutiens personnels. Grâce à cette
métaphore narrative (et à d’autres), mon accompagnement se trouve fortifié,
fluidifié et poétisé.
6
L’ARBRE DE VIE EN MILIEU
HOSPITALIER ET MÉDICAL

PREMIER CAS

« L’Arbre de vie avec un groupe de jeunes patients hospitalisés, souffrant


d’un diabète de type 1. »
Par le Dr Dominique Seret-Bégué, Endocrinologue, Diabétologue au CH
Général de Gonesse

Contexte

Lorsqu’au cours d’une formation avec Dina, j’ai expérimenté l’Arbre de


vie, j’ai eu l’intuition qu’il trouverait sa place dans mon activité médicale
avec des personnes ayant un diabète de type 1 (DT1).
Je suis diabétologue dans un hôpital général, à Gonesse, dans le val
d’Oise, et de nombreux jeunes ayant cette pathologie sont suivis dans le
service.
La particularité de ce diabète est qu’il s’agit d’une maladie chronique
potentiellement grave si on ne la soigne pas, ce qui nécessite au quotidien
l’implication du patient : mesurer sa glycémie, l’interpréter, faire trois à
quatre injections d’insuline par jour, en sachant que ces doses peuvent
varier en fonction de ce que l’on mange, de comment on bouge dans la
journée, du stress… Cela demande donc d’acquérir un certain nombre de
compétences d’auto-soin, pour savoir résoudre au quotidien les problèmes
posés par la maladie et son traitement.
Au-delà des problèmes purement « biomédicaux », il y a le
bouleversement psychique que fait vivre l’irruption de la maladie dans la
vie, l’injustice que cela représente pour un jeune au seuil de l’âge adulte, de
ressentir sa vulnérabilité jusqu’à éprouver le sentiment de finitude…
Les soignants doivent donc à la fois favoriser les apprentissages liés au
traitement et comprendre ce que la maladie fait vivre à nos patients et ce,
dans toutes les dimensions de la vie personnelle, affective, familiale,
professionnelle, avec les changements qu’elle leur impose et qui deviennent
le prix de leur santé.
Pourtant, la lassitude de ces gestes de soins quotidiens vient aggraver la
situation, et les patients, au risque de leur santé, relâchent leur attention et le
soin qui peut être fait a minima. Une spirale de prise de risque s’amorce.
C’est au cours d’une semaine d’hospitalisation, pendant laquelle on fait
le point sur l’état de santé et le traitement, que l’on propose des activités qui
favorisent les compétences d’auto-soin, où l’on crée, grâce à la posture
empathique de l’ensemble des soignants et à la présence d’une
psychologue, les conditions d’une relation de confiance qui permet au
patient de trouver l’espace où il peut exprimer et partager avec d’autres son
expérience et son vécu de la maladie.
L’Arbre de vie permet d’emmener encore plus loin. Le patient va aller
regarder cette fois du côté de ce qui va bien. Du côté de la vie plutôt que de
la survie, de la force plutôt que de la fragilité, de la réussite plutôt que de
l’échec. Il va chercher ce qui motive, fait levier pour ne pas abandonner.
Honorer les forces, les compétences, les valeurs, parler des projets, des gens
aimés…

Le déroulement d’une séance « Arbre de vie » au cours d’une


semaine d’hospitalisation

• Participants : jeunes ayant un diabète de type 1, groupe de six en


moyenne, dont certains dans un contexte social difficile
• Durée de la séance : une heure et demie à deux heures.
• Lieu : une salle avec des tables modulables, des feuilles, des feutres,
des Post-It, un mur libre pour l’affichage.
• Règles de base : confidentialité et respect.
• C’est le jeudi après-midi, le groupe se connaît depuis le lundi, les
consignes sont explicitées.
• L’objectif de la séance :
• parler de sa vie en utilisant la métaphore de l’arbre ;
• faire émerger les compétences et les ressources des jeunes ;
• faire des liens, donner du sens au parcours de vie de chacun ;
• permettre aux jeunes de se projeter dans l’avenir.
Chacun va dessiner son Arbre. Pour ceux qui sont en difficulté avec
l’écrit, les professionnels apportent une aide :
• Les racines : « Quelle est votre histoire ? Quelles sont vos origines ?
Les personnes qui ont pris soin de vous ? Qu’est-ce qui fait que vous
êtes devenu ce que vous êtes ? »
• Le sol : « De quoi avez-vous besoin pour que votre arbre pousse ? »
• Le tronc : « Quelles sont vos qualités, compétences, les choses où vous
êtes bon, vos talents, vos aptitudes, forces, habiletés professionnelles,
valeurs ? »
• Les branches : « Quels sont vos rêves, vos projets, vos espoirs ? »
• Les feuilles : « Quelles sont les personnes qui comptent, les personnes
importantes, les ressources, les gens qui rendent heureux, qui vous
soutiennent, sur qui vous pouvez compter ? ».
Une fois réalisés, les arbres sont tous accrochés au mur, chacun peut
contempler l’ensemble.
Ensuite, chaque personne qui le souhaite va présenter une partie de son
arbre et c’est là qu’intervient le « questionnement narratif » qui va être le
moyen d’ancrer dans l’expérience et l’histoire de vie ces mots qui
pourraient rester abstraits, de leur donner du sens.
Chacun à son tour va présenter d’abord une qualité dont il accepte de
parler. Questions narratives : « Depuis quand ? De qui vous tenez ça ? Qui
sait cela ? Qui pourrait témoigner de cela ? Racontez une histoire, une
anecdote qui l’illustre ».
Puis ; le jeune fait le choix d’une personne parmi les feuilles.
Questionnement : « Avez-vous des bons souvenirs avec cette personne ?
Qu’y a-t-il de spécial entre vous ? Qu’est-ce que le fait de la connaître vous
a permis ? Et inversement : qu’est-ce que ça lui a permis de vous
connaître ? Parler de ce lien de cette manière renforce ce projet. Que dirait
cette personne de ta capacité, pour ce projet ? ».
Quand tous les volontaires se sont exprimés, chacun vient poser sur les
arbres un Post-It sur lequel il exprime ce qui qualifie d’après lui le mieux la
personne et son arbre : « Voilà ce qui m’a touché ».
Les jeunes qui ont participé à cet atelier ont toujours été volontaires.
Chaque fois, ils ont respecté les prises de parole de chacun, et cela s’est
toujours déroulé dans le calme, l’écoute et l’attention à l’autre avec
un climat très empathique et respectueux. Ils ont été très surpris, tous, de
devoir se trouver des qualités, des forces, des compétences. Ils étaient très
émouvants dans les histoires qu’ils rapportaient.
Ce que je retire de cette expérience :
• Ils sont tous ressortis de la salle avec un large sourire même si parfois il
y eut beaucoup d’émotion au cours des deux heures.
• Je n’ai pas fait une évaluation de l’impact de ces séances sur leur santé,
mais, ce qui est sûr, c’est qu’ils se sont pour la plupart sentis renforcés
à l’issue du séjour. Une hospitalisation dont on ressort plus fort ! Plus
motivé à se soigner !
• Pour nous, les soignants, cette activité a été très importante. Elle nous a
mis en mouvement en nous faisant porter notre attention non plus
uniquement sur la maladie, sur les difficultés que rencontrent nos
patients et les souffrances qu’elle leur fait vivre. L’Arbre de vie nous a
fait déplacer notre regard et faire un pas de plus dans leur monde, mais
cette fois du côté de « la force », de ce qui va bien pour eux. En
reprenant leurs mots : là où ils sont « débrouillards », « ambitieux »,
« battants », « courageux », « serviables », « volontaires »,
« responsables », « déterminés », « altruistes », « nerveux mais avec
un bon cœur », « créatifs »… Cela leur permet d’aller chercher
l’énergie dont ils ont besoin plus que tout autre pour prendre soin
d’eux au quotidien.
• Leur image des soignants a aussi changé, au point qu’un groupe nous a
dédié un Arbre de vie dessiné pour nous.

DEUXIÈME CAS

« L’Arbre de vie dans le cadre d’un atelier de groupe destiné à


développer des ressources pour apprivoiser son stress. »
Par Véronique Vittet, conseillère en Développement et coach.
Élaboration et animation : Véronique Vittet ainsi qu’une partenaire.

Contexte

Cet atelier a été développé à l’intention de professionnels du secteur de la


Santé (directeurs, managers et médecins), afin de les aider à développer ou
à s’approprier des ressources dans les situations réelles de leur
environnement de travail et de vie.
Les trois journées espacées d’environ un mois, permettent aux
participants d’ouvrir des perspectives pour agir dans leur vie, retrouver des
marges de manœuvres, accéder à davantage de confort dans l’exercice de
leurs fonctions dans un contexte extrêmement contraint.
L’atelier est conçu comme un processus progressif de coaching
individuel en groupe, tout en favorisant de nombreux échanges. Il est
ponctué d’exercices corporels et de réflexion sur ses propres situations. Au
fur et à mesure du déroulement, les professionnels identifient de
nombreuses ressources et les collectent dans un carnet personnel.
L’Arbre de vie introduit à la fin de la dernière journée est l’aboutissement
de tout ce qui a précédé en permettant de rassembler toutes ces ressources.
Ces dernières sont de différentes natures : des personnes, des qualités ou
des compétences, des pratiques, des actions, des valeurs, des motivations,
des engagements, un état d’esprit. Tout cela peut être consigné dans l’arbre.
La métaphore de l’arbre est d’autant plus appropriée qu’il s’agit de
développer sa propre écologie. Elle permet d’y dessiner à la fois ce qui est
déjà ancré et ce qui est destiné à grandir. Chacun peut facilement
s’identifier avec l’arbre. Il est relié à la fois à la terre et au ciel et la
circulation de la sève, symbole de vie, est aussi ce qui relie le haut et le bas.
Il est aussi le miroir de certaines pratiques corporelles qui ont accompagné
les personnes pendant les trois journées.

Déroulement d’une séance Arbre de vie

Le fil conducteur de l’atelier est également construit autour d’une intention


que chacun se fixe pour lui-même le premier jour afin de se donner une
direction. Cette intention est placée au centre de l’arbre.
Chaque participant dispose d’une feuille de papier posée sur une table
individuelle et est invité à dessiner, à noter des mots ou à ajouter plus tard
des images et des photos.
La réalisation de l’arbre est guidée pour l’ensemble du groupe sur un
rythme respectant le travail de chacun. Cela prend environ trente minutes.
La voix est plutôt hypnotique afin de permettre aux personnes de relâcher le
mental et de rentrer dans leur univers intérieur. Les participants sont invités
à dessiner selon la proposition suivante :
• Racines : ce qui relie à la terre et qui donne de la force et permet à
l’arbre d’être debout : les pratiques déjà bien ancrées, les valeurs ; les
motivations qui les soutiennent pour pratiquer ou qui les guident pour
réaliser leur intention. Les ancêtres qui les portent.
• Sol : ce qui nourrit l’arbre, ce dont l’arbre a besoin pour grandir, ce
avec quoi il est arrosé pour lui donner toutes ses qualités ; les autres
ressources et les activités intégrées dans leur quotidien actuel.
• Tronc : là où circule la sève, entre ciel et terre, ce qui caractéristique
l’arbre (couleur, aspect de l’écorce, ancienneté de l’arbre…) ; les
capacités et qualités qui les accompagnent dans l’utilisation de leurs
ressources pour apprivoiser leur stress et installer plus de sérénité dans
leur vie ; celles qui vont faciliter la mise en place de plus de
tranquillité et qui vont les aider à aller dans le bon sens.
• Branches : ce qui participe à la forme de l’arbre, là où s’attachent les
feuilles, ce qui permet à l’arbre de communiquer avec le ciel, avec
les autres arbres : tous les engagements, les actions, ce qu’ils ont
l’intention de mettre en place ou de développer pour cette écologie
d’eux-mêmes.
• Feuilles : elles sont vivantes, en ce sens que de nouvelles peuvent
pousser, d’autres peuvent tomber, ou encore s’envoler vers d’autres
arbres : toutes les personnes qui les soutiennent ou les encouragent
dans leur intention, leurs pratiques de ressourcement ; les enseignants,
amis, animaux, auteurs, personnes symboliques ou inspirantes, héros.
Les professionnels sont invités au-delà de l’atelier à afficher leur arbre
quelque part afin de continuer à le nourrir et à le faire grandir.
C’est un temps important, apprécié clôturé par la réalisation d’un blason
avec une devise.
7
L’ARBRE DE VIE DANS LE MILIEU
DE L’INSERTION

UN CAS

« L’Arbre de vie avec une jeune fille de vingt ans pour définir et valider
son projet professionnel. »
Par Martine Fradet, conseillère à la mission locale Insertion Formation
Emploi du Grand Amiénois (MLIFE GA) à Amiens (80).

Je suis depuis 34 ans dans l’insertion et depuis 6 ans conseillère à la


MLIFE. Ma mission consiste à permettre aux jeunes, de 16 à 25 ans que
j’accompagne d’accéder à l’emploi.
Cet accès à l’emploi peut passer par différentes phases, en fonction du
jeune accompagné et de son itinéraire. En effet, certains peuvent être
diplômés, voire posséder une petite expérience professionnelle et être
proches de l’emploi, d’autres, plus nombreux, n’ont pas de qualification, ou
ne veulent pas exercer le métier que leur qualification leur permettrait
d’exercer. Enfin, d’autres encore n’ont pas de projet professionnel
clairement défini et toute la difficulté avec eux est de leur permettre de faire
émerger un projet qui leur ressemble et dans lequel ils puissent s’épanouir.
Je suis amenée à intervenir avec eux plus largement sur d’autres
dimensions comme le manque de confiance ou d’estime de soi, le sentiment
de honte ou d’isolement. Certains vivent des situations difficiles dans leurs
familles. Se projeter dans l’avenir dans ces conditions peut s’avérer difficile
pour eux.
Nous sommes formés à l’insertion mais pas forcément à accompagner
ces autres dimensions qu’il est essentiel de prendre en compte pour que les
jeunes reprennent confiance et se donnent toutes les chances de réussir dans
l’élaboration de leur projet et/ou leur recherche d’emploi.
Quand j’ai découvert l’Arbre de vie lors d’une formation avec Dina
Scherrer, je me suis dit que j’avais peut-être trouvé l’outil qui allait me
permettre d’aider ces jeunes plus efficacement.

Contexte

J’ai choisi de vous parler du cas de Delphine, 20 ans, que j’accompagne


depuis 6 mois à la MLIFE. C’est une jeune fille charmante, sérieuse et
volontaire, même si elle dit manquer de confiance en elle. Elle vit chez ses
parents. Elle souhaite depuis toujours travailler en lien avec les animaux
qu’elle affectionne particulièrement. Elle n’envisage pas d’autres projets
pour elle. Elle a déjà fait deux stages chez un toiletteur et dans une
animalerie qui se sont bien passés en terme d’intégration mais n’ont pas été
satisfaisants par rapport à ses attentes. Le choix des métiers diminue au fur
et à mesure que j’avance avec Delphine car elle aime les animaux mais
n’aime pas que l’on en fasse le commerce (donc, impossible de travailler en
animalerie). Elle ne veut ni les voir malades, ni souffrir, et encore moins les
voir mourir (elle aurait pourtant certainement pu être une excellente
assistante vétérinaire). Elle est devenue végétarienne dès qu’elle a pris
conscience de tout ça…
Je tournais un peu en rond avec Delphine et me sentais parfois démunie
pour l’aider.
J’ai donc décidé d’utiliser l’Arbre de vie pour débloquer la situation et
pouvoir travailler simultanément sur plusieurs thèmes avec elle.

Objectif

Déterminer son projet professionnel en lien avec les animaux. Gagner en


confiance. Sortir de l’isolement. Mieux se connaître pour ouvrir
éventuellement d’autres possibilités de projets professionnels.

Mission

J’ai commencé par proposer un bilan à Delphine où j’ai récapitulé nos six
mois de travail ensemble en mettant en lumière ses avancées. Car, même si
Delphine n’avait pas encore trouvé d’emploi dans son domaine, elle avait
été extrêmement assidue à nos séances. Elle avait exploré pas mal de pistes
qu’elle avait finalement repoussées après ses stages.
Je lui ai proposé, à ce stade, l’exercice de l’Arbre de vie en étant
totalement transparente avec elle. Lui disant que nous tournions un peu en
rond et qu’il fallait trouver de nouvelles idées pour avancer.
Je lui ai expliqué qu’à travers l’Arbre de vie, elle allait me parler d’elle,
de son histoire avec les animaux, de ses forces, de ses projets et des
personnes importantes et soutenantes dans sa vie.
En six mois nous avons su créer une belle alliance entre nous, donc c’est
en toute confiance que Delphine a réalisé son Arbre de vie.
Une fois son arbre dessiné, j’ai invité Delphine à mettre des mots en
réponse à :
• Racines : « Quelle est ton histoire avec les animaux ? Comment
l’amour des animaux est-il entré dans ta vie ? Qu’est-ce qui te
caractérise depuis toujours ? »
• Sol : « De quoi as-tu besoin pour avancer dans ton projet ? »
• Tronc : « Quelles sont les qualités, compétences, valeurs qui te
caractérisent ? Quelles sont les qualités, compétences, valeurs
nécessaires pour exercer un métier en lien avec les animaux ? »
• Branches : « C’est quoi une vie professionnelle réussie pour toi ?
Quand tu te vois exercer un métier en lien avec les animaux, qu’est-ce
que cela ouvre comme possibilités pour toi ? Qu’est-ce que tu te vois
concrètement faire ? »
• Feuilles : « Quels sont les personnes, personnages, modèles, mentors
qui ont influencé positivement ta vie ? Qui seraient fiers de te voir
exercer un métier en lien avec les animaux ? »
• Fruits : « Qu’est-ce que tu vis dans ta vie comme une chance, un
cadeau ? »
Delphine a renseigné scrupuleusement son Arbre de vie. Quand elle me
l’a présenté, j’ai eu l’impression de la redécouvrir.
Les personnes qui cherchent depuis longtemps un travail ont le sentiment
de stagner, que rien ne bouge. Là, Delphine était debout, en mouvement et
animée.
Les racines ont permis de révéler une partie de la personnalité de
Delphine que je ne connaissais pas. Elles parlaient d’une Delphine engagée,
prête à tout pour défendre ses valeurs de justice, d’équité. Elle si réservée
habituellement m’a raconté des histoires où elle n’a pas hésité à s’affirmer
pour lutter contre l’injustice. Cela donnait beaucoup de relief à sa
personnalité.
Les racines ont aussi mis en lumière l’origine de son intérêt pour les
animaux qui, quand elle était petite, étaient ses seuls compagnons de jeux.
Ceux sur qui elle pouvait compter.
Son tronc a permis de faire émerger de nouvelles qualités comme
sensibilité, gentillesse, serviabilité et disponibilité pour les autres.
Surtout l’Arbre de vie nous a permis d’avoir une conversation que nous
n’avions jamais eue auparavant. Très ressourçante pour Delphine comme
pour moi. Chaque mot était comme un fil que nous tirions et qui nous faisait
découvrir ou redécouvrir sous un jour nouveau une compétence, une valeur,
un projet, une expérience que Delphine développait. Tout cela rendait sa vie
très riche.
À la fin de la séance, j’ai recentré la conversation sur son objectif qui
était de définir son projet professionnel. Je lui ai demandé où elle en était,
ce qu’elle gardait de cette séance et ce que cela lui donnait comme espoir
pour la suite.
Cette séance avait reboosté Delphine. Elle se sentait plus forte et moins
seule. Et surtout cela lui donnait de nouvelles idées, notamment de travailler
pour la SPA. Ce qui reliait son engagement et l’amour des animaux.
Nous décidons, donc, d’un commun accord, qu’il faudrait qu’elle fasse
un stage à la SPA, pour confirmer ou infirmer ce projet.
Delphine a, très rapidement, réussi à décrocher un stage au refuge SPA.
Quand je la revois pour faire le bilan de cette immersion en entreprise, elle
est radieuse.
Elle s’est totalement investie dans les différentes tâches qui lui ont été
confiées, en a adoré la diversité, s’est parfaitement intégrée à l’équipe… et
ne souhaite qu’une chose : y retourner pour s’occuper des chiens, elle était
en effet affectée à la chatterie.
Cette expérience lui a permis d’être complètement en accord avec ses
valeurs, donc de se sentir « à sa place »
Elle n’a pas osé questionner les dirigeants du refuge sur les possibilités
d’embauche, mais je pense qu’elle le fera quand elle y retournera

Conclusion

Tout d’abord, l’Arbre de vie m’a permis de sortir de l’impasse dans laquelle
je me trouvais avec Delphine. Il nous a ouvert de nouvelles perspectives. Il
a permis à Delphine de regagner en confiance, de redonner du sens et de
l’épaisseur à son projet professionnel. Cette confiance retrouvée lui a
vraiment donné l’envie d’explorer d’autres horizons et d’envisager d’autres
possibles avec sérénité.
8
L’ARBRE DE VIE SPÉCIAL
« PÉRIODE CONFINEMENT
ET COVID-19 »

DEPUIS L’ARRIVÉE DU COVID-19, j’ai dû adapter ma pratique afin qu’elle réponde


aux nouveaux besoins liés à cette pandémie. Cela générait de nouvelles
demandes d’accompagnement comme : trouver des ressources en soi, se
réinventer et s’adapter personnellement et professionnellement, gérer la
peur et le stress engendrés par cette situation, se reconstruire après avoir été
durement touché, repenser son monde d’après Covid.
Dès le premier confinement, je me suis demandé comment contribuer
modestement à aider les personnes d’abord autour de moi et ensuite plus
largement à garder espoir. L’Arbre de vie s’est à nouveau imposé à moi. Il
faut savoir qu’à l’origine, l’Arbre de vie a été conçu pour accompagner des
populations, en Afrique, confrontées à des traumas comme la guerre, le
sida, la pauvreté. Donc, j’ai tout naturellement pensé que cette méthode
pourrait être une réponse efficace pour aider les personnes confrontées au
Covid-19.
J’ai commencé par concevoir un premier protocole d’Arbre de vie spécial
« confinement » pour se reconnecter à ses ressources afin de gérer au mieux
cette période. Tout au long de ce premier confinement, et en collaboration
avec mes collègues et amis de la Fabrique Narrative Pierre Blanc-Sahnoun
et Andrée Zerah, nous avons organisé 5 visioconférences ouvertes à tous
pour partager ce protocole avec toutes celles et ceux qui en ressentaient le
besoin. Ces visioconférences, outre de ressourcer les personnes, ont permis
un espace pour se sortir de l’isolement, se relier les uns aux autres, échanger
des messages de soutien.
Forte de cette belle expérience, j’ai continué sur ma lancée en créant un
deuxième protocole d’Arbre de vie spécial « enfants » répondant au besoin
de certains parents qui était : comment aborder la Covid-19 avec nos
enfants sans les traumatiser.
Un nouvel Arbre de vie spécial « confinement pour les enfants » est né.
Je l’ai d’abord expérimenté autour de moi avec mes jeunes voisins et
ensuite partagé avec celles et ceux qui le souhaitaient. Cette expérience m’a
confirmé que chaque âge a ses savoirs et expériences sur la vie qu’il est
utile de partager.
François, le mari d’une de mes amies, a été l’un des premiers très
lourdement touché par ce virus. Il a fini par gagner courageusement la
bataille. J’ai pu observer par la suite sa difficulté à retrouver une vie à peu
près normale auprès des siens. Il m’a inspiré le 3e protocole d’Arbre de vie
que j’ai intitulé « Se reconstruire après la maladie ». Je l’ai expérimenté
récemment avec François. Cela lui a permis de revisiter son expérience sous
l’angle de la résilience, des apprentissages, des nouvelles priorités pour sa
vie.
Depuis l’apparition du Coronavirus et de ses effets physiques et
psychologiques sur les gens, j’ai de plus en plus de demandes
d’accompagnements sur le thème « du monde d’après ». Cette période si
particulière et nouvelle pour beaucoup d’entre nous a créé chez certains une
prise de conscience de leurs besoins fondamentaux qui les relient à la vie, à
l’essentiel, au précieux. En général, ça commence par une demande de
Transition de vie professionnelle qui s’avère être au final une transition de
vie plus globale. C’est repenser sa vie pour qu’elle reflète au mieux ce qui
fait sens pour la personne. J’ai donc conçu ce 4e protocole pour réfléchir à
son monde d’après.
Ces quatre protocoles, je me propose de les partager avec vous ci-
dessous. Ils ont été conçus pour la Covid-19 mais ils vous seront utiles pour
tous autres traumas ou maladies auxquels vous pourriez être confrontés.
1ER PROTOCOLE : L’ARBRE
DE VIE DE VOS RESSOURCES SPÉCIAL
« CONFINEMENT & COVID-19 »
Vous commencez par dessiner sur une grande feuille un arbre avec des
racines, un tronc, des branches, des feuilles, des fruits et un petit oiseau sur
une branche. Ensuite, pour chaque partie de l’arbre, vous répondrez aux
questions ci-dessous. L’arbre se déroulera en trois parties : on réalise son
arbre, on identifie les tempêtes, on ancre les apprentissages.

1re étape : réaliser votre Arbre de vie

Les racines

On va commencer par les racines. Les racines symbolisent les ancrages.


L’histoire de notre vie, ce que la vie nous a déjà appris. Avec les racines, on
va revisiter un peu son histoire et identifier les principaux défis que nous
avons déjà relevés dans notre vie, dans tous les domaines de notre vie.
Mettez des mots au niveau des racines en réponse à :
• Quand vous vous retournez sur votre vie personnelle et/ou
professionnelle, quels sont les principaux défis que vous avez déjà dû
relever ?
• Quelles sont les principales actions que vous êtes content, voire fier,
d’avoir mené jusqu’ici ?
• Quels sont les principaux objectifs que vous vous étiez fixés et que
vous avez réussi à atteindre jusqu’à présent ?
Vous réfléchissez à ces questions et vous notez au niveau des racines tous
les mots qui vous viennent à l’esprit. Cela peut être des mots, des phrases,
des personnes, tout ce que vous voulez sans vous censurer. Prenez le temps
qu’il vous faut. Vous pouvez aussi faire cet exercice avec une personne de
votre choix pour qu’elle vous pose les questions et vous challenge un peu
sur les réponses. Quand vous avez fini, prenez un petit temps pour vous
demander ce que vous retenez de cette partie de l’exercice, ce que cela vous
fait d’avoir déjà accompli tout cela, ce que cela dit de vous et de votre
capacité à agir.
L’intention, pour cette partie de l’arbre, est de conscientiser que – peu
importe l’âge que nous avons – nous avons de l’expérience sur notre vie et
avons déjà dû relever certains défis.

Le sol

Avec les racines, on était plutôt dans le passé. Avec le sol, on entre dans le
présent et on va aller identifier ce qui est précieux pour vous, quoi que vous
fassiez. Pour que son arbre pousse, il faut l’arroser. C’est le moment où on
va identifier et noter sur le sol les deux ou trois valeurs qui guident notre
vie. Elles sont votre boussole et vous montrent le chemin, et si on s’en
éloigne, on risque de se perdre. Il est important de se relier à elles et d’en
prendre soin.
Mettez des mots au niveau sol en réponse à :
• Qu’est-ce qui est très important pour vous et que vous souhaitez voir
vivre dans tous les domaines de votre vie ?
• Qu’est-ce qu’il est important de faire vivre même dans les moments les
plus difficiles pour vous ?
• De quoi avez-vous besoin pour traverser plus facilement cette période
particulière ?
Prenez un temps pour vous relier à vos besoins et valeurs et posez vos
mots sur le sol de chaque côté du tronc. Il est recommandé de ne pas mettre
plus de 4 mots. L’idée est de prioriser. On ne peut pas toujours honorer tous
ses besoins mais il est bien d’identifier les principaux. Quand vous avez
fini, prenez un temps pour vous demander d’où vous viennent ces choses
précieuses, ces valeurs que vous avez notées. Qui vous les a transmises ?
Comment arrivez-vous à les faire vivre déjà dans votre vie actuelle ?
L’intention, dans cette partie de l’arbre, est de voir comment prendre
soin ou faire vivre ce qui est précieux pour nous, même dans les moments
difficiles.

Le tronc
Avec le tronc, nous allons rester dans le présent et identifier vos ressources.
Nous allons poser des mots dans le tronc. Le tronc symbolise la force de
l’arbre. Qu’est-ce qui fait la force de votre arbre et qui fait que, quoi qu’il
arrive, il reste fort et droit ?
Mettez des mots au niveau du tronc en réponse à :
• Quelles sont les qualités, compétences, talents, habiletés, valeurs que
vous avez, que l’on vous reconnaît, que l’on apprécie particulièrement
chez vous ?
• Qu’est-ce que les défis que vous avez déjà relevés vous ont appris et
fait développer comme nouvelles compétences ?
• Quelles sont les activités que vous aimez faire et qui vous ressourcent,
vous font du bien ?
• Qu’est-ce que cette situation de confinement a révélé en vous comme
qualités, compétences que vous ne soupçonniez pas ?
Une fois que vous avez listé vos principales qualités, compétences,
choisissez une ou deux qualités qui vous aident particulièrement et
approfondissez un peu pour qu’elles s’incarnent davantage en répondant
aux questions suivantes :
De qui tenez-vous ces qualités, comment les avez-vous acquises ? Repensez à une
expérience où cette qualité s’est exprimée. Qu’est-ce que cela vous a permis de réaliser
d’avoir cette qualité ? Qui, autour de vous, vous reconnaît cette qualité et apprécie cela de
vous ?

Pareil pour les actions que vous aimez mener et qui vous ressourcent.
Mêmes questions.
L’intention, dans cette partie de l’arbre, est de vous reconnecter à vos
forces, vous montrer que vous êtes équipé pour affronter vos défis.

Les branches

Les branches poussent, montent vers le ciel et se fortifient. Avec les


branches, on se transporte dans l’avenir. On regarde devant et on identifie
ce que l’on souhaite concrètement pour sa vie. C’est quoi une vie réussie
pour nous ? Qu’est-ce qui m’attend de beau et qui me donne envie
d’avancer dans la vie ?
Mettez des mots au niveau des branches en réponse à :
• Quels sont les rêves, les projets, les espoirs que vous nourrissez pour
votre vie ?
• Quand vous vous projetez dans l’avenir, qu’est-ce que vous vous voyez
réaliser concrètement ?
• Qu’est-ce que le confinement a généré en vous comme nouvelles
envies pour votre vie, pour l’avenir ?
• Dans quels projets vous avez envie dorénavant de mettre votre
énergie ?
• Qu’est-ce que cette période si particulière que nous fait vivre la Covid-
19 vous a appris sur ce que vous voulez pour votre vie d’après ?
• Quelle est la première chose que vous auriez envie de mettre en place
ou de réaliser quand le confinement sera levé ?
Vous notez vos réponses le long des branches, des mots, des phrases.
Cela peut être très concret ou tout simplement une intention. Tout est bon et
va vous renseigner sur la destination. Le doute s’invite quand la destination
n’est pas très claire. Cette partie de l’arbre permet de rendre la destination
plus connue et familière. Nous sommes des êtres intentionnels, si nous
avons le désir de prendre un chemin, c’est que nous avons l’idée que cela
pourrait être bien pour nous mais ce n’est pas toujours conscient. Cette
partie de l’arbre aide à conscientiser nos intentions. Une fois que vous avez
bien renseigné vos branches, relisez ce que vous avez écrit et posez-vous
cette question :
Si mes branches pouvaient parler, qu’est-ce qu’elles me diraient sur la direction que je veux
donner à ma vie ?

Essayez de synthétiser vos branches en une ou deux phrases.


L’intention, dans cette partie de l’arbre, est de trouver la motivation et le
sens pour avoir envie d’écrire la suite de notre histoire.

Un oiseau sur une branche

Un oiseau, ça chante. Pensez à une chanson que vous aimez écouter et qui
vous donne de l’énergie, du courage. Notez près de l’oiseau le ou les titres
de ces chansons et posez-vous les questions suivantes :
Quelle est l’histoire de cette chanson ? Qui vous l’a fait découvrir ? Quand vous l’écoutez,
qu’est-ce que cela rend possible ? À quel moment ce serait utile pour vous de l’écouter ?

L’intention, dans cette partie de l’arbre, est un ancrage vers des


ressources.

Les feuilles

Les feuilles de l’arbre poussent, tombent, se renouvellent. C’est la partie de


l’arbre où l’on va recréer du lien, se sortir de l’isolement si nécessaire. Les
feuilles vont symboliser votre club de soutien. On va identifier vos alliés.
Mettez des mots au niveau des feuilles en réponse à :
• Qui sont les personnes importantes de votre vie, que vous êtes heureux
de connaître ou d’avoir connues ?
• Quelles sont les personnes qui, quand vous vous reliez à elles, vous
font du bien, vous apaisent ?
• Quels sont les héros, les personnages, les auteurs ou autres qui ont ou
ont eu une influence positive dans votre vie et ou qui vous inspirent
dans leur manière de dépasser courageusement les obstacles ?
• Est-ce qu’il y a un lieu (une maison, une ville, un pays) que vous
aimez, où vous avez passé de beaux moments, qui a une jolie histoire
dans votre vie ? Un lieu « sécure », comme on dit en hypnose. Un lieu
où on a l’impression que rien ne peut nous arriver.
Vous allez noter sur chaque feuille les noms qui vous viennent. Chaque
feuille, une personne. Cela peut être des personnes ou des personnages, des
personnes que vous connaissez ou avez connues. Des héros, des modèles,
des mentors. Quand vous avez fini, faites comme pour les qualités,
choisissez une ou deux personnes et approfondissez un peu pour qu’elles
s’incarnent un peu plus et deviennent aidantes pour vous. Une fois la
personne choisie, répondez aux questions suivantes :
Si c’est une personne que vous connaissez personnellement, pourquoi avez-vous choisi cette
personne ? Qu’est-ce que vous appréciez particulièrement chez elle ? À votre avis, qu’est-ce
que cette personne apprécie chez vous ? Est-ce que le fait de connaître cette personne vous
a permis de faire des choses que vous n’auriez peut-être jamais faites si vous ne l’aviez pas
rencontrée ? Et cette personne, à votre avis, qu’est-ce qui a été différent aussi pour elle du
fait de vous connaître ? En imaginant que cette personne soit là avec vous, que vous dirait-
elle sur votre capacité à rester mobilisé face à cette pandémie ? Quel serait peut-être le
message qu’elle pourrait vous transmettre ? Est-ce que vous souvenir de votre lien avec
cette personne pourrait vous aider à garder espoir ?
Si c’est une personne que vous ne connaissez pas mais qui vous inspire, qu’est-ce que
représente cette personne pour vous ? Quelles sont les qualités, les valeurs que vous lui
reconnaissez ? Est-ce que ces qualités et valeurs que vous lui reconnaissez ont aussi une
histoire dans votre vie ? Comment cette personne réagirait-elle, à votre avis, si elle
apprenait qu’elle vous a inspiré pour votre vie ? Quel message elle pourrait vous glisser à
l’oreille ?

Quand vous avez terminé, demandez-vous juste qu’est-ce que cela vous a
fait d’évoquer ces personnes. Qu’est-ce que vous retenez ?
L’intention, dans cette partie de l’arbre, est de sortir de l’isolement, de
créer son club de soutien, ancrer les ressources.

Les fruits

Les fruits sont les cadeaux que l’arbre produit quand il va bien. Les fruits
vont incarner les cadeaux de la vie. Qu’est-ce que la vie m’a offert ? L’idée
étant que, même dans les moments difficiles, peuvent arriver de belles
surprises qu’il est utile d’identifier :
Pensez à une situation ou à un moment avec une personne ou un proche pendant cette
pandémie qui vous a surpris, fait du bien. Ce genre de moment que vous n’auriez peut-être
pas vécu sans ce confinement.

Notez ce qui vous vient. Votre arbre est maintenant renseigné. On peut
passer à la deuxième étape.

2e étape : identifier les tempêtes/freins qui pourraient se mettre


entre vous et vos ressources

Après avoir exploré votre arbre et vous être reconnecté à vos forces, rêves,
personnes-ressources et défis déjà réalisés, vous devez vous sentir plus
équipé et plus fort face à cette période de confinement. Il est donc possible
maintenant pour vous d’anticiper ce qui pourrait s’inviter à vous et vous
empêcher de traverser cette période au mieux.
Posez-vous les questions suivantes :
• Qu’est-ce qui pourrait, à votre avis, vous empêcher de traverser au
mieux cette période ?
• Qu’est-ce qui pourrait se mettre entre vous et vos projets ?
• Qu’est-ce que votre Arbre de vie vous a appris qui fait que, si cela se
produit, vous saurez faire face ?
L’idée étant que l’on est différent du fait d’avoir réalisé notre Arbre de
vie. Nous allons ancrer davantage cette différence en passant par les
apprentissages de la 3e étape.

3e étape : ancrer les apprentissages de votre expérience


Arbre de vie

Dans cette dernière partie, je vais vous inviter à synthétiser ce que vous
retenez de votre expérience Arbre de vie et ce que cela vous donne envie
concrètement de mettre en place. C’est la partie où, si tout se passe bien, on
peut commencer à se projeter sereinement dans l’avenir.
• Qu’est-ce que votre arbre vous a appris sur vous, vos ressources et qui
vous sera utile pour avancer dans la vie et garder espoir face à la
situation actuelle ?
• Qu’est-ce qui, peut-être, vous a surpris ?
• Qu’est-ce que le fait d’avoir réalisé votre arbre vous ouvre comme
nouvelles possibilités pour vous, pour cette période, pour votre vie ?
• Qu’est-ce que votre arbre vous donne comme espoir par rapport à votre
vie, vos résistances face aux difficultés, vos projets ?
• Quelles nouvelles idées cela vous donne pour résister à la situation
actuelle et pour la réalisation de vos projets ?
• Quelles sont les premières actions, projets que vous vous sentez de
mettre en place demain pour vous permettre d’agir face à la situation
que nous vivons et pour vous rapprocher de vos projets ? Listez les
actions et, pour chaque action, notez une ou deux idées pour la
concrétiser.
Vous venez de vivre l’expérience de réaliser votre Arbre de vie pour vous
reconnecter à vos ressources. Cela vous a permis de réfléchir en profondeur
à la richesse de votre vie, à vos ressources et projets pour savoir s’ils
répondent à ce qui fait sens pour vous, à vos valeurs et vos espoirs.
Ce protocole peut être utilisé avec une équipe ou en famille. Si vous
faites l’Arbre de vie en famille par exemple, chacun fait l’arbre de ses
ressources. Ensuite, on affiche les arbres sur un même mur de la maison,
cela fait la forêt de vie de la famille. Chacun présente son arbre aux autres
membres de la famille. Ceux qui écoutent peuvent proposer d’enrichir
l’arbre de celui qui raconte en lui donnant des qualités qu’ils reconnaissent
en lui ou elle ; ceux qui écoutent peuvent aussi noter sur des post-it des
mots de soutien qu’ils viendront coller sur l’arbre après présentation,
comme : j’ai confiance en toi, ne lâche pas… Une jolie manière d’honorer
les ressources et la singularité de chaque membre de la famille et de se
sentir plus fort ensemble.

2E PROTOCOLE : L’ARBRE
DE VIE SPÉCIAL « ENFANTS »
Au sein des familles, chacun vit la pandémie à sa manière, avec des hauts et
bas, en cherchant les moyens de garder espoir.
Dans ce contexte-là, les parents de jeunes enfants doivent, dans la même
journée, jongler entre leur travail à distance, les repas, surveiller le travail
scolaire, pallier le manque d’activité lié au confinement, en redoublant
d’imagination pour occuper leurs jeunes enfants une grande partie de la
journée.
Ce protocole d’accompagnement métaphorique aura plusieurs bienfaits
pour les enfants comme pour les parents. Il permettra aux parents de
partager un moment agréable et ludique avec leurs enfants tout en
permettant de leur offrir, dans cette période déstabilisante et anxiogène
également pour eux, l’opportunité de créer un espace de parole pour
aborder la Covid-19 sous l’angle de : comment eux-mêmes résistent
courageusement à la situation, quels talents et forces ils développent
pendant cette période, les idées qu’ils ont pour faire face, les personnes sur
qui ils peuvent compter, les jolis projets pour leur vie de demain.
L’idée étant de proposer une activité qui à la fois occupe les enfants et la
famille mais permet aussi d’aller à la rencontre des ressources de chaque
membre de la famille pendant cette période, de consolider les liens et de
garder espoir.
Pour commencer, demandez à vos enfants de dessiner sur une grande
feuille un arbre avec des racines, un tronc, des branches, des feuilles et des
fruits. Ensuite, pour chaque partie de l’arbre, vous leur demandez de
répondre aux questions ci-dessous. L’arbre se déroulera en trois parties : on
réalise son arbre, on identifie les tempêtes, on ancre les apprentissages. Les
parents peuvent bien évidemment réaliser eux aussi leur arbre en même
temps que leurs enfants.
Après avoir dessiné son arbre :

1re étape : réaliser votre Arbre de vie

Les racines

On va commencer par les racines. Les racines symbolisent l’histoire de


notre vie, ce que la vie nous a déjà appris et cela, peu importe l’âge que
nous avons. Avec les racines, on va revisiter un peu son histoire et identifier
les petites victoires, les jolis moments que nous avons déjà vécus dans notre
vie, dans tous les domaines de notre vie.
Mettez des mots au niveau des racines en réponse à :
• Quelles sont les petites ou grandes victoires que tu as déjà
connues (victoires scolaires, sportives ou personnelles) ?
• Est-ce que tu as un exemple de quelque chose que tu as fait et qui t’a
rendu fier et/ou content ?
• Quels sont les plus jolis souvenirs de toute ta vie que tu gardes
précieusement dans ta tête et dans ton cœur (souvenirs scolaires,
familiaux, sportifs, amicaux…) ?
Les enfants notent au niveau des racines tous les mots qui leur viennent à
l’esprit. Cela peut être des mots, des phrases, des personnes, tout ce qu’ils
veulent sans se censurer. Prenez le temps qu’il faut. Vous pouvez aider votre
enfant à répondre aux questions en le challengeant un peu sur les réponses.
Quand votre enfant a fini cette étape, prenez un petit temps et demandez-lui
ce qu’il retient de cette partie de l’exercice, ce que cela dit de lui, de ce qui
est important pour lui.
L’intention, pour cette partie de l’arbre, pour votre enfant, est qu’il
prenne conscience que, peu importe l’âge qu’il a, il a de l’expérience sur sa
vie et que ses petites victoires sont déjà des défis qu’il a dû relever.

Le sol

Avec les racines, on était plutôt dans le passé. Avec le sol, on entre dans le
présent et on va aller identifier les besoins de vos enfants pendant cette
période. Pour que son arbre pousse, il faut l’arroser. C’est le moment où on
va identifier et noter sur le sol les deux ou trois besoins importants pour
votre enfant afin qu’il passe au mieux cette période de crise sanitaire.
Mettez des mots au niveau sol en réponse à :
• De quoi as-tu le plus besoin en ce moment pour être bien ?
• Qu’est-ce qui t’aide tous les jours à te sentir bien malgré la situation ?
Prenez un temps avec votre enfant pour entendre ses besoins et voyez
ensemble comment arriver à faire vivre ses besoins dans le contexte qui est
le vôtre. Comment chacun pourrait s’y prendre et quelles sont les idées de
chacun pour arriver à faire vivre ses besoins ?
L’intention, dans cette partie de l’arbre, pour votre enfant, est de voir
comment prendre soin ou faire vivre ce qui l’aide dans cette situation.

Le tronc

Avec le tronc, nous allons rester dans le présent et identifier les ressources
de vos enfants. Nous allons poser des mots dans le tronc. Le tronc
symbolise la force de l’arbre. Qu’est-ce qui fait la force de l’arbre de votre
enfant et qui fait que, quoi qu’il arrive, il reste droit ?
Mettez des mots au niveau du tronc en réponse à :
• Qu’est-ce que tu sais bien faire (ex. : dessin, foot) ? Qu’est-ce que tu
aimes bien faire ?
• Quelles sont les forces, talents que tu as, que tes amis te reconnaissent,
que l’on apprécie chez toi ? Les parents peuvent suggérer des qualités
qu’ils reconnaissent à leurs enfants.
• Qu’est-ce que les petites victoires que tu as déjà réalisées t’ont appris
sur toi ?
• Quelles sont les activités que tu aimes faire et qui te font du bien en ce
moment ?
• Est-ce que cette période particulière t’a fait découvrir des choses sur toi
que tu ignorais (en termes de force) ?
Une fois que votre enfant a listé ses principales forces, demandez-lui de
choisir une ou deux de ses principales qualités qui l’aident particulièrement
et posez-lui les questions suivantes :
De qui tu tiens ces qualités à ton avis ? Comment tu les as acquises ? As-
tu une autre histoire où cette qualité s’est exprimée, t’a aidé ?
Pareil pour les actions qu’il aime mener et qui lui font du bien. Mêmes
questions.
L’intention, dans cette partie de l’arbre, pour votre enfant, est de le
reconnecter à ses forces, lui montrer qu’il est équipé pour affronter la
situation qu’il vit actuellement.

Les branches

Les branches poussent, montent vers le ciel et se fortifient. Avec les


branches, on se transporte dans l’avenir. On regarde devant et on va aller
identifier ce que votre enfant souhaite concrètement pour sa vie. C’est quoi
une vie réussie pour lui ? Qu’est-ce qui m’attend de beau et qui me donne
envie d’avancer dans la vie ?
Mettez des mots au niveau des branches en réponse à :
• Quels sont les rêves, les projets pour ta vie plus tard ?
• C’est quoi pour toi une vie réussie ? À quoi tu verras que tu as réussi ta
vie ?
• Quels sont les métiers qui te font rêver et que tu aimerais exercer ?
Pourquoi ?
• Quelle sera la première chose que tu auras envie de faire quand la vie
aura repris son cours et que l’on pourra à nouveau sortir
normalement ?
• Qu’est-ce que cette période de confinement t’a appris ? Qu’est-ce qui
sera différent pour toi demain ? Est-ce que tu penses que tu auras de
nouvelles envies ?
Les enfants notent les réponses le long des branches, des mots, des
phrases. Cela peut être très concret ou tout simplement une intention. Tout
est bon et va renseigner l’enfant sur tout ce qui est important pour lui. Tous
les projets, envies qui lui tiennent à cœur et qui lui donnent envie d’avancer
dans la vie. Cette partie de l’arbre va aider votre enfant à retrouver de
l’espoir et avoir envie d’avancer.
L’intention, dans cette partie de l’arbre, pour votre enfant, est de trouver
la motivation et le sens pour avoir envie d’écrire la suite de son histoire.

Un oiseau sur une branche

Demandez à votre enfant de dessiner un petit oiseau sur une des branches.
Un oiseau, ça chante. Demandez à votre enfant de penser à une chanson ou
une musique qu’il aime écouter, qui lui fait du bien et qui lui donne de
l’énergie, du courage. Demandez-lui, si c’est possible, qu’il vous fasse
écouter cette musique. Posez-lui quelques questions en lien avec cette
musique ou chanson :
Quelle est l’histoire de cette chanson ? Qui te l’a fait découvrir ? Quand tu l’écoutes,
qu’est-ce que cela te fait ? Qu’est-ce que cela rend possible pour toi ? Comment cette
chanson t’aide ? Est-ce qu’écouter cette chanson en ce moment pourrait t’aider ?

Les feuilles

Les feuilles de l’arbre poussent, tombent, se renouvellent. C’est la partie de


l’arbre où l’on va recréer du lien, sortir votre enfant de l’isolement si
nécessaire. Les feuilles vont symboliser son club de soutien. Il n’est pas
tout seul pour traverser cette période particulière. On va l’aider à identifier
toutes les personnes importantes de sa vie, celles sur qui il peut compter.
Mettez des mots au niveau des feuilles en réponse à :
• Quels sont les personnes, les personnages que tu aimes le plus dans ta
vie (à la maison, dans la famille, à l’école, les amis…) ?
• Quelles sont les personnes à qui tu aimes penser quand ça ne va pas
bien pour toi et que ça te fait du bien de penser à elles ?
• Quels sont tes héros dans la vie ? Ceux dont tu admires le courage ?
• Est-ce que tu as un ami secret, peut-être imaginaire, depuis toujours ou
une peluche, un doudou ou autres que tu aimes garder près de toi
parfois, à qui tu dis tout, qui te protège ?
Votre enfant va noter sur chaque feuille les noms qui lui viennent.
Chaque feuille, une personne, un personnage. Quand il a fini, faites comme
pour les qualités, demandez-lui de choisir une ou deux personnes et
approfondissez un peu pour qu’elles s’incarnent un peu plus et deviennent
aidantes pour lui. Une fois la personne choisie, posez-lui les questions
suivantes :
Si c’est une personne qu’il connaît vraiment :
Pourquoi as-tu choisi cette personne ? Qu’est-ce que tu aimes chez elle ? À ton avis, qu’est-
ce que cette personne aime chez toi ? En imaginant que cette personne soit là avec nous,
que dirait-elle sur toi et ton courage pendant cette période de confinement ? Est-ce que te
souvenir de cette personne pourrait t’aider dans ce moment de confinement ?

Si c’est une personne que votre enfant ne connaît pas mais qui l’inspire,
comme un héros, demandez-lui :
Qu’est-ce que représente cette personne pour toi ? Quels sont les pouvoirs que tu lui
reconnais ? Est-ce que ces pouvoirs sont aussi importants pour toi ? Comment cette
personne réagirait-elle, à ton avis, si elle apprenait qu’elle était importante pour toi ? Quel
message pourrait-elle te glisser à l’oreille dans les moments difficiles pour toi ?

Quand votre enfant a terminé, demandez-lui ce que cela lui fait


d’évoquer ces personnes.
L’intention, dans cette partie de l’arbre, pour votre enfant, est de le sortir
de l’isolement, de créer son club de soutien.

Les fruits

Les fruits sont les cadeaux que l’arbre produit quand il va bien. Les fruits
vont incarner les cadeaux de la vie. Qu’est-ce que la vie m’a offert ?
Mettez des mots au niveau des fruits en réponse à :
• Qu’est-ce que tu vis, dans ta vie, comme une chance, un cadeau ?
• Quels sont les souvenirs agréables de ta vie que tu as envie de garder
en mémoire comme un cadeau ?
L’arbre de votre enfant est maintenant fini. On peut passer à la deuxième
étape.

2e étape : identifier les tempêtes/freins qui pourraient se mettre


entre votre enfant et ses rêves

Après avoir exploré l’Arbre de vie de votre enfant, après l’avoir reconnecté
à ses forces, ses rêves, ses personnes-ressources, il doit se sentir plus équipé
et plus fort face à cette pandémie. Il est donc possible maintenant pour lui
d’anticiper les petites tempêtes qui pourraient s’inviter et l’empêcher de
garder espoir et confiance.
Posez-lui les questions suivantes :
• À ton avis, qu’est-ce qui pourrait t’empêcher de vivre bien cette
période ?
• À ton avis, qu’est-ce qui pourrait te rendre triste ou te faire perdre
patience pendant cette période que nous traversons ?
• Qu’est-ce que ton Arbre de vie t’a appris qui fait que, si cela se produit,
tu sauras faire face ?
L’idée étant que votre enfant est différent du fait d’avoir réalisé son
Arbre de vie. Vous allez, avec lui, ancrer davantage cette différence en
passant par les apprentissages de la troisième étape.

3e étape : ancrer les apprentissages de son expérience


Arbre de vie

Dans cette dernière partie, vous allez inviter votre enfant à synthétiser ce
qu’il retient de son expérience Arbre de vie et ce que cela lui donne envie
concrètement de mettre en place. C’est la partie où, si tout se passe bien, il
peut commencer à se projeter sereinement dans l’avenir.
• Qu’est-ce que tu retiens de ton Arbre de vie ?
• Qu’est-ce que ton Arbre de vie t’a appris sur toi, ton courage ?
• Comment ça va t’aider pour supporter cette période particulière ?
• Qu’est-ce qui, peut-être, t’a surpris ?
• Qu’est-ce que ton arbre te donne comme envie par rapport à la famille,
tes études ?
• Quelles nouvelles idées cela te donne pour résister encore plus à la
situation actuelle ?
• Quelle est la première chose que tu vas faire quand tu sortiras du
confinement ?
Pour clôturer cette activité avec votre enfant, vous pouvez lui poser les
deux questions suivantes :
• Si tu devais donner un nom à ton Arbre de vie, quel nom tu lui
donnerais ?
• Si tu apprenais que l’un de tes copains ou l’une de tes copines avait du
mal à vivre cette situation actuelle, quelles idées ou quels conseils
pourrais-tu lui donner pour l’aider ?
Votre enfant vient de vivre l’expérience de réaliser son Arbre de vie pour
se reconnecter à ses forces. Cela lui aura permis de donner un autre sens à
cette situation qu’il est amené à vivre en réfléchissant en profondeur à la
richesse de sa vie, à ses rêves d’avenir.

3E PROTOCOLE : L’ARBRE
DE VIE POUR SE RECONSTRUIRE
APRÈS LA MALADIE
Notre parcours de vie met parfois sur notre chemin quelques épreuves qu’il
nous faut relever courageusement, comme la maladie. Dernièrement,
certains ont été confrontés de manière violente au Corona Virus
Hospitalisés de longues semaines, ils reviennent chez eux affaiblis. Il leur
faudra un peu de temps pour récupérer physiquement et moralement, tout
comme ceux qui ont eu un cancer ou d’autres maladies et qui ont dû gérer
pendant des mois les hospitalisations, les traitements, leur angoisse et celle
de leurs proches. Ils doivent également faire face aux absences et au retour
professionnels sous le regard de collègues qui ne savent pas toujours
comment se comporter avec eux.
Souvent, ce type d’épreuve révèle en nous des forces insoupçonnées,
modifie notre manière de regarder le monde et change radicalement nos
priorités. La vie devient précieuse. C’est à ce renouveau que nous allons
nous intéresser ici.
Ce protocole peut être vécu en famille, car c’est souvent toute la famille
qui est impactée quand un de ses membres est touché. Dans ce cas, chaque
membre de la famille fait son arbre et répond aux mêmes questions. À la
fin, chacun présente son arbre aux autres. Cela permet à chacun de partager
son histoire et son vécu de la maladie.

1re étape : réaliser votre Arbre de vie

Les racines

On va commencer par les racines. Les racines symbolisent les ancrages. Ce


que la vie vous a déjà appris. Avec les racines, on va revisiter un peu votre
histoire sous l’angle de votre capacité à relever les défis et votre histoire
avec la résilience.
Mettez des mots au niveau des racines en réponse à :
• Quels sont les principaux défis que vous avez déjà relevés dans votre
vie, dans tous les domaines de votre vie ?
• Quelle place a la résilience dans votre vie ? Où à quel moment vous
êtes-vous senti résilient ?
• Qu’est-ce que cette expérience de la maladie que vous venez de
traverser vous a appris fondamentalement sur la vie, sur vous ?
• Quels sont vos valeurs et principes de vie que cette expérience a mis en
lumière, révélés, développés ?
• Qu’est-ce que vous avez su mettre en place, instinctivement, pour vous
ressourcer, vous changer les idées, vous aider à tenir le coup ?
Vous réfléchissez à ces questions et vous notez au niveau des racines tous
les mots qui vous viennent à l’esprit. Quand vous avez fini, prenez un petit
temps pour vous demander ce que vous retenez de cette partie de l’exercice,
ce que cela dit de vous.
L’intention, pour cette partie de l’arbre, est de revisiter son expérience
de la vie, de la maladie sous l’angle des ressources, des apprentissages.

Le sol

Avec les racines, on était plutôt dans le passé. Avec le sol, on entre dans le
présent et on va aller identifier ses nouveaux besoins. Pour que son arbre
pousse, il faut l’arroser. L’expérience que vous venez de vivre a fait naître
en vous de nouveaux besoins. C’est le moment où on va identifier et noter
sur le sol, de chaque côté de l’arbre, les deux ou trois besoins
fondamentaux. Ils seront dorénavant votre boussole de vie et vous guideront
pour rester du côté de la vie.
Mettez des mots au niveau sol en réponse à :
• Qu’est-ce que cette expérience de la maladie vous a appris en termes de
besoins fondamentaux pour vous ?
• Qu’est-ce qui est important pour vous et qui vous aide à prendre soin
de vous ?
Prenez un temps pour vous relier à vos besoins et poser vos mots sur le
sol de chaque côté du tronc. Quand vous avez fini, prenez un temps pour
vous demander :
Comment vous pourriez faire pour ne pas vous éloigner de vos besoins ? Qu’est-ce qui
pourrait vous aider à les garder présents en vous ? Quelles sont les idées que vous avez
pour les faire vivre dans votre vie de tous les jours ?

L’intention, dans cette partie de l’arbre, est d’identifier ce qui vous


permet de prendre soin de vous au quotidien.

Le tronc

Avec le tronc, nous allons rester dans le présent et identifier vos ressources.
Le tronc symbolise la force de l’arbre. Qu’est-ce qui fait la force de votre
arbre et qui fait que, quoi qu’il arrive, il reste fort et droit ? Chaque
expérience que nous vivons, que nous dépassons, nous renseigne sur nos
capacités, nous rend plus fort. Nous allons poser des mots dans le tronc.
Mettez des mots au niveau du tronc en réponse à :
• Quelles sont les qualités, compétences, talents, habiletés, valeurs que
vous avez, que l’on vous reconnaît, que l’on apprécie particulièrement
chez vous en général ?
• Qu’est-ce que votre expérience de la maladie vous a appris et fait
développer comme nouvelles compétences ? Qu’est-ce que cette
expérience a révélé en vous comme nouvelle force, compétences que
vous ne soupçonniez pas ?
• Quelles sont les activités que vous aimez faire et qui vous ressourcent,
vous font du bien ?
Une fois que vous avez listé vos principales qualités, compétences,
choisissez une ou deux qualités qui vous aident particulièrement et
approfondissez un peu pour qu’elles s’incarnent davantage. Demandez-
vous :
Comment cette compétence pourra m’aider demain ? Dans quel autre domaine elle pourra
m’être utile ? Si vous deviez, à partir de cette compétence, donner une image à la personne
que vous êtes, vous diriez quoi (ex. : une femme résiliente, un homme déterminé…) ?

Nous sommes tous multi-histoires. Chacune de vos compétences dit de


vous quelque chose de différent.
L’intention, dans cette partie de l’arbre, est de vous reconnecter à vos
forces, vous montrer que vous êtes équipé pour affronter les défis et que
chaque expérience nous rend encore plus fort.

Les branches

Les branches poussent, montent vers le ciel et se fortifient. Avec les


branches, on se transporte dans l’avenir. On regarde devant et on identifie
ce que l’on souhaite concrètement pour sa vie demain.
Mettez des mots au niveau des branches en réponse à :
• Quels sont les rêves, les projets, les espoirs que vous nourrissez pour
votre vie demain ?
• Qu’est-ce que l’expérience de la maladie a généré en vous comme
nouvelles envies pour votre vie, pour l’avenir ?
• Dans quels projets vous avez envie dorénavant de mettre votre
énergie ?
• Quelles sont les premières choses que vous auriez envie de mettre en
place ou de réaliser concrètement ?
Vous notez vos réponses le long des branches, des mots, des phrases.
Cela peut être très concret ou tout simplement une intention. Tout est bien et
va vous renseigner sur la destination que vous voulez donner à votre vie.
Une fois que vous avez bien renseigné vos branches, relisez ce que vous
avez écrit et posez-vous cette question :
Si mes branches pouvaient parler, qu’est-ce qu’elles me diraient sur la direction que je veux
donner à ma vie ? Essayez de synthétiser vos branches en une ou deux phrases.

L’intention, dans cette partie de l’arbre, est de trouver le sens que l’on
veut donner à notre vie, celui qui nous stimule dans l’action et qui nous
donne envie d’écrire la suite de notre histoire.

Un oiseau sur une branche

Dessinez un petit oiseau sur l’une de vos branches. Imaginez que cet oiseau
chante. Pensez à une ou plusieurs chansons que vous aimez
particulièrement, chansons ou musiques que vous aimez écouter et qui vous
donnent de la joie, de l’énergie, du courage. Faites votre playlist et posez-
vous les questions suivantes :
Quelle est l’histoire de cette ou ces chansons ? Qui vous l’a fait découvrir ? Quand vous
l’écoutez, dans quel état cela vous met ? Quelles sont les émotions qui vous traversent ?
Quand je l’écoute, qu’est-ce que cela rend possible ?

L’intention de cette partie de l’arbre est un ancrage fort sur nos


ressources. Ne pas hésiter à enregistrer votre playlist et à écouter ces
chansons dans des situations où vous avez besoin de retrouver rapidement
de l’énergie et de l’espoir en l’avenir.

Les feuilles
Les feuilles de l’arbre poussent, tombent, se renouvellent. C’est la partie de
l’arbre où l’on va recréer du lien, se sortir de l’isolement si nécessaire et
honorer les personnes importantes de votre vie. Les feuilles vont symboliser
votre club de soutien.
Mettez des mots au niveau des feuilles en réponse à :
• Quelles sont les personnes ou personnages importants de votre vie,
celles sur qui vous avez toujours pu compter ?
• Quelles sont les personnes qui, quand vous vous reliez à elles, vous
font du bien, vous apaisent ?
• Quels sont vos héros, modèles qui vous inspirent dans leur manière de
vivre et/ou de dépasser courageusement les épreuves ?
• Quelles sont les personnes que vous auriez envie de remercier
particulièrement pour ce qu’elles ont pu vous apporter d’une manière
ou d’une autre pendant votre expérience de la maladie ?
• Est-ce qu’il y a un lieu (une maison, une ville, un pays) que vous
aimez, où vous avez passé de beaux moments, qui a une jolie histoire
dans votre vie ? Un lieu « sécure », comme on dit en hypnose, un lieu
où on a l’impression que rien ne peut nous arriver.
• Pensez aussi à une partie de votre corps que vous sentez soutenante et
que vous voulez remercier particulièrement pour l’aide, l’apaisement,
soutien qu’elle vous apporte ou vous a apporté dans les moments
difficiles ?
Vous allez noter sur chaque feuille les noms qui vous viennent. Chaque
feuille, une personne. Cela peut être des personnes ou des personnages.
Quand vous avez terminé, demandez-vous juste qu’est-ce que cela vous a
fait d’évoquer ces personnes, qu’est-ce que vous retenez.
L’intention, dans cette partie de l’arbre, est d’honorer les personnes
importantes de votre vie, de créer votre club de soutien, d’ancrer vos
ressources.

Les fruits

Les fruits sont les cadeaux que l’arbre produit quand il va bien. Les fruits
vont incarner les cadeaux de la vie. Ce que la vie nous réserve comme
surprises et cela, malgré les situations difficiles. Cela peut être ce que vous
voulez, des rencontres, des évènements…
Pensez à un moment exceptionnel lors d’une situation ou avec une personne pendant votre
expérience de la maladie qui vous a surpris dans le bon sens du terme, ce genre de moment
que vous n’auriez peut-être pas vécu sans cette expérience de la maladie.

L’intention, dans cette partie de l’arbre, est de voir que, malgré les
épreuves que nous pouvons vivre, la vie nous offre aussi des cadeaux.
Votre arbre est maintenant renseigné. Vous pouvez passer à la deuxième
et troisième étape.

2e étape : identifier les tempêtes qui pourraient vous faire


perdre confiance en vous

Après avoir réalisé et exploré votre arbre et vous être reconnecté maintenant
à vos forces, nouveaux projets, personnes-ressources, vous devez vous
sentir plus fort et équipé pour vous projeter sereinement dans l’avenir. Il est
donc possible maintenant pour vous d’anticiper ce qui pourrait s’inviter à
vous et vous faire douter. Posez-vous les questions suivantes :
• Qu’est-ce qui pourrait, à votre avis, vous empêcher de vous projeter
sereinement dans l’avenir ?
• Qu’est-ce qui pourrait se mettre entre vous et vos nouvelles envies ?
• Qu’est-ce que votre Arbre de vie vous a appris qui fait que, si cela se
produit, vous saurez faire face ?
L’idée étant que l’on est différent et plus fort du fait d’avoir réalisé notre
Arbre de vie. Nous allons ancrer davantage cette différence en passant par
les apprentissages de la troisième étape.

3e étape : ancrer les apprentissages de votre expérience


Arbre de vie

Dans cette dernière partie, je vais vous inviter à synthétiser ce que vous
retenez de votre expérience Arbre de vie et ce que cela vous donne envie
concrètement de mettre en place.
• Qu’est-ce que votre arbre vous a appris sur vous, vos ressources, votre
famille et qui vous sera utile pour avancer sereinement dans la vie ?
• Qu’est-ce qui, peut-être, vous a surpris ?
• Qu’est-ce que le fait d’avoir réalisé votre arbre vous ouvre comme
nouvelles possibilités pour vous ?
• Quelles sont les premières actions, projets que vous vous sentez de
mettre en place demain afin de rendre hommage à ce qui est important
pour vous aujourd’hui ?
• Qu’est-ce que votre parcours de vie et votre expérience de la maladie
vous ont enseigné et que vous pourriez transmettre à une personne qui
s’apprête à vivre l’épreuve de la maladie ?
Vous venez de vivre l’expérience de réaliser votre Arbre de vie pour vous
projeter sereinement dans l’avenir après avoir vécu l’expérience de la
maladie. Cela vous a permis de réfléchir en profondeur à la richesse
de votre vie, aux personnes précieuses pour vous et à vos nouvelles envies
afin de valider que cela répond à la nouvelle direction que vous voulez
donner à votre vie.
Pour terminer sur ce protocole, je voudrais vous présenter, en quelques
mots, un complément à ce protocole. Face la maladie d’un proche,
l’entourage se sent parfois impuissant à l’aider. L’Arbre de vie peut devenir
le lien entre la famille et la personne qui vit l’expérience de la maladie.
Pendant que François, atteint du COVID 19, était hospitalisé, intubé
depuis de longues semaines et que son pronostic vital était engagé, sa
femme et ses enfants ont cherché le moyen d’être en lien avec lui afin qu’il
sente leur amour et présence et que cela l’aide à rester du côté de la vie.
Ils ont utilisé pour cela l’Arbre de vie. Sa femme, ses enfants et leurs
conjoints se sont réunis pour réaliser l’arbre de François. Ils ont dessiné un
bel arbre (voir photo à la fin du livre) et chacun a mis des mots sur chaque
partie de l’arbre en réponse à : Racines : Qu’est-ce qui caractérise François
pour moi ? Une belle histoire partagée avec François ? Sol : Les valeurs
que l’on connait et que l’on apprécie chez François ? Tronc : Qu’est-ce que
l’on sait des forces, compétences de François qui vont l’aider à
s’accrocher ? Branches : Qu’est-ce que l’on a envie de partager avec lui
demain quand il reviendra ? Feuilles : Tous ceux que l’on connaît qui
aiment François et qui attendent son retour avec impatience ?
François est resté du côté de la vie et quand il est rentré chez lui,
plusieurs semaines plus tard, cet arbre lui a été offert. Il en a été très touché
et l’a complété pour mélanger ses mots avec ceux de sa famille.

4E PROTOCOLE : L’ARBRE
DE VIE DE VOTRE « MONDE
D’APRÈS »
Tous les grands évènements de notre vie bousculent nos certitudes et
remettent en jeu nos priorités. Par exemple, avoir eu des enfants a toujours
généré en moi de nouvelles forces et de nouvelles envies. Je n’ai jamais été
aussi productive qu’après la naissance de chacun de mes trois enfants.
C’était le moment idéal pour opérer des changements – changements
professionnels, changement de lieu et de mode de vie… – côté priorités, les
cartes étaient tout naturellement redistribuées. Le travail qui tenait une
place importante dans ma vie avait désormais une adversaire de taille, la
famille.
Il en va de même pour tous changements importants, aussi bien positifs
que négatifs. J’accompagne des personnes qui viennent à moi après avoir
vécu un Burn-out professionnel. Elles doivent reprendre leur travail mais
sont désorientées car les choses ont considérablement bougé en elles. Dans
un premier temps, elles doivent retrouver la force et l’énergie de réintégrer
leur entreprise mais surtout, ce qu’elles ont vécu les a amenées à repenser à
un monde plus juste pour elles. Donc, le travail que je leur propose est de
les aider à construire leur monde d’après Burn-out, celui où elles
redeviennent auteurs de leur vie, c’est-à-dire réinjecter du choix dans sa vie
et vivre en accord avec ses valeurs, principes.
Depuis l’apparition du coronavirus et de ses effets physiques et
psychologiques sur les gens, j’ai de plus en plus de demandes
d’accompagnement sur ce thème du « monde d’après ». Cette période si
particulière et nouvelle pour beaucoup d’entre nous a créé chez certains une
prise de conscience de leurs besoins fondamentaux qui les relient à la vie, à
l’essentiel, au précieux. En général, cela commence par une demande de
transition de vie professionnelle qui s’avère être au final une transition de
vie plus globale. C’est repenser sa vie pour qu’elle reflète au mieux à ce qui
fait sens pour la personne.
J’ai donc conçu ce quatrième protocole que j’ai beaucoup expérimenté
ces derniers mois, et que je partage avec vous ci-dessous, pour répondre à
cette nouvelle demande spécifique.

1re étape : réaliser votre Arbre de vie

Les racines

On va commencer par les racines. Les racines symbolisent les ancrages.


L’histoire de votre vie, ce que la vie vous a déjà appris. Avec les racines, on
va revisiter un peu son histoire et ses expériences personnelles et
professionnelles pour aller y puiser de l’inspiration et redonner du sens à
son parcours de vie.
Mettez des mots au niveau des racines en réponse à :
• Quand vous vous retournez sur votre parcours professionnel et/ou
personnel, quelles sont les expériences qui vous ont le plus marqué ?
• Quand vous vous retournez sur votre parcours professionnel et/ou
personnel, quels sont les moments où vous vous êtes senti bien, à votre
juste place ? Qu’est-ce qui fait, à votre avis, que vous vous sentiez
bien ?
• Qu’est-ce que ces quelques mois que nous venons de vivre en lien avec
la pandémie, vous ont déjà appris sur vous, ce qui est précieux pour
vous ?
• Quels sont les moments que vous avez déjà vécus où vous avez dû
vous réinventer d’une manière ou d’une autre ?
• Quel métier rêviez-vous de faire étant plus jeune ? Ou est-ce qu’il y a
un métier que vous vouliez faire et que vous n’avez pas pu faire pour
X raison ?
• Quelles sont les valeurs et principes que vous aimez incarner quoi que
vous fassiez ou voir incarner autour de vous ?
• Quels sont les endroits où vous avez aimé vivre ? Qu’est-ce qui fait que
ces endroits étaient précieux pour vous ?
• Quelles croyances, quels principes guident votre vie ? Ces croyances
sont-elles les vôtres ou viennent-elles de votre éducation ? D’où
viennent-elles à votre avis ? Est-ce qu’elles vous conviennent
aujourd’hui ?
Vous répondez aux questions qui vous parlent le plus. Vous réfléchissez à
ces questions et vous notez au niveau des racines tous les mots qui vous
viennent à l’esprit.
Quand vous avez fini, prenez le temps de relire chaque réponse et
demandez-vous, concernant les expériences professionnelles qui vous ont
marqué :
Pourquoi elles vous ont marqué ? Si c’étaient de belles expériences à vos yeux, demandez-
vous : Qu’est-ce qui rendait ces expériences belles ? (Ex. : le collectif, l’ambiance, la
confiance que l’on vous a accordée…).

Si vous avez connu des moments de ruptures professionnelles,


demandez-vous :
Qu’est-ce qui vous a permis de rebondir ? Comment vous vous y êtes pris ? Qu’est-ce que
vous privilégiez en changeant de cap ?
Et, si vous rêviez d’un métier que vous n’avez pas pu exercer, demandez-vous :
Comment, d’une certaine manière, vous vous êtes rapproché de ce métier dans vos
différentes expériences ? (Ex. : une personne qui rêvait d’être médecin et qui, finalement, est
devenue manager dans la grande distribution, peut s’apercevoir qu’elle était un manager
qui prenait particulièrement soin des gens).

L’intention, pour cette partie de l’arbre, est de donner du sens à votre


parcours, chercher, si nécessaire, la constance dans l’inconstance, vous faire
prendre conscience que vous ne démarrez pas une nouvelle vie mais que
vous êtes en chemin depuis longtemps vers cette nouvelle vie. L’intention
également est de faire émerger les ingrédients qui vous montrent le chemin
d’un nouveau projet de vie.

Le sol

Avec les racines, on était plutôt dans le passé. Avec le sol, on entre dans le
présent et on va aller identifier vos besoins, ce qui est précieux pour vous,
quoi que vous fassiez. Pour que son arbre pousse, il faut l’arroser. C’est le
moment où on va identifier et noter sur le sol les deux ou trois valeurs
fondamentales qui guident votre vie professionnelle et personnelle. Elles
sont votre boussole et vous montrent le chemin, et si on s’en éloigne, on
risque de se perdre. Il est important de se relier à elles et d’en prendre soin.
Mettez deux ou trois mots au niveau du sol en réponse à :
• Qu’est-ce qui est très important pour vous et que vous souhaitez voir
vivre dans tous les domaines de votre vie ?
• Quels sont vos besoins fondamentaux et non
négociables professionnellement et personnellement ?
Prenez un temps pour vous relier à vos besoins et valeurs et poser vos
mots sur le sol de chaque côté du tronc. Il est recommandé de ne pas mettre
plus de 3-4 mots, l’idée est de prioriser.
L’intention, dans cette partie de l’arbre, est de voir comment prendre
soin ou faire vivre ce qui est précieux pour vous afin de retrouver de la
fluidité et du confort dans votre nouvelle vie.

Le tronc

Avec le tronc, nous allons rester dans le présent et identifier vos ressources.
Le tronc symbolise la force de l’arbre. Qu’est-ce qui fait la force de votre
arbre et qui fait que, quoi qu’il arrive, il reste fort et droit ? On va identifier
tout ce que votre parcours déjà réalisé vous a fait développer comme
qualités, compétences.
Mettez des mots au niveau du tronc en réponse à :
• Quelles sont les qualités, compétences, talents, valeurs que vous avez,
que l’on vous reconnaît, que l’on apprécie particulièrement chez
vous ?
• Qu’est-ce que votre parcours professionnel et/ou personnel vous a fait
développer comme compétences ?
• Quelle est, selon vous, votre valeur ajoutée, votre singularité
professionnelle et/ou personnelle ?
• Qu’est-ce que votre parcours professionnel vous a appris sur ce qui
donne du sens en général à votre travail ou sur ce qui vous rend la vie
plus agréable professionnellement ?
• Qu’est-ce que cette période particulière liée au coronavirus a révélé en
vous comme force, qualité que vous ne soupçonniez peut-être pas ?
Concernant votre singularité, le sens, et ce qui rend agréable votre travail,
relisez bien vos réponses et demandez-vous ce que cela dit de vous
fondamentalement, de l’être humain que vous êtes, essayez de faire une
phrase qui commencerait par « Je suis… » et qui synthétiserait ce que cela
dit de vous, comme par exemple : « Je suis une personne qui aime rendre
service et qui est douée pour entendre les besoins des gens ».
L’intention, dans cette partie de l’arbre, est de vous reconnecter à vos
forces, vous montrer que vous êtes bien équipé pour un nouveau projet.
L’intention est aussi d’aller chercher ce que votre parcours de vie vous a
appris sur vous, votre vocation.

Les branches

Les branches poussent, montent vers le ciel et se fortifient. Avec les


branches, on se transporte dans l’avenir. On regarde devant et on identifie
ce que l’on souhaite concrètement pour sa vie demain. Certains ont une idée
précise de leur nouveau projet, d’autres non. C’est le moment où on va
rendre la destination plus connue et familière. C’est quoi une vie
professionnelle et personnelle réussie pour vous ?
Mettez des mots au niveau des branches en réponse à :
• Quels sont les rêves, les projets, les espoirs que vous nourrissez pour
votre nouveau projet de vie ?
• C’est quoi une vie réussie pour vous ?
• Qu’est-ce que votre parcours professionnel vous a appris sur ce qui est
important pour vous de retrouver dans votre nouveau projet ?
• Quand vous vous projetez dans l’avenir, qu’est-ce que vous vous voyez
réaliser concrètement ?
• Qu’est-ce que vous voulez privilégier dorénavant dans votre vie
professionnelle et personnelle ?
• Qu’est-ce que cette situation particulière liée à la pandémie a généré en
vous comme nouvelles envies et projets ?
• Où avez-vous envie de mettre votre énergie dorénavant ?
Vous notez vos réponses le long des branches, des mots, des phrases.
Cela peut être très concret ou tout simplement une intention. Tout est bien et
va vous renseigner sur la destination que vous voulez donner à votre vie
demain. Une fois que vous avez bien renseigné vos branches, relisez
tranquillement ce que vous avez écrit et posez-vous cette question :
Si mes branches pouvaient parler, qu’est-ce qu’elles me diraient sur la direction que je veux
donner à ma vie ? Essayez de synthétiser vos branches en une ou deux phrases. Exemple :
« Je veux une vie professionnelle qui me permette d’être indépendante, qui me donne la
possibilité d’harmoniser ma vie privée et ma vie professionnelle, et qui me fasse être en
contact avec les gens… »

L’intention, dans cette partie de l’arbre, est de clarifier votre nouveau


projet et voir plus largement tout ce que ce nouveau projet vous permettra
de réaliser.

Les feuilles

Les feuilles de l’arbre poussent, tombent, se renouvellent. C’est la partie de


l’arbre où l’on va recréer du lien, se sortir de l’isolement si nécessaire. Les
feuilles vont symboliser votre club de soutien. On va identifier vos alliés,
vos personnes-ressources.
Mettez des mots au niveau des feuilles en réponse à :
• Qui, dans votre vie professionnelle et personnelle, vous a accordé de la
valeur, a cru en vous, vous a fait confiance, vous a fait grandir ?
• Quelles sont les personnes, proches de vous, quand elles vous
regardent, vous vous sentez plus fort ?
• Qui, autour de vous, ne serait pas étonné et apprécierait de vous voir
prendre cette nouvelle direction pour votre vie ?
• Quels sont les personnes ou personnages qui vous inspirent dans la vie
(héros, mentors…) ?
Vous allez noter sur chaque feuille les noms qui vous viennent. Chaque
feuille, une personne.
Quand vous avez terminé, demandez-vous juste :
Qu’est-ce que cela vous a fait d’évoquer ces personnes. Qu’est-ce que vous retenez ?
Si c’est une personne que vous ne connaissez pas mais qui vous inspire,
demandez-vous :
Quelles sont les qualités, les valeurs que vous lui reconnaissez ? Est-ce que ces qualités et
valeurs que vous lui reconnaissez ont aussi une histoire dans votre vie ?

L’intention, dans cette partie de l’arbre, est de sortir de l’isolement, de


créer son club de soutien, de vous regarder à travers les yeux des personnes
qui comptent ou ont compté dans votre vie.

Les fleurs

L’arbre fleurit avant de faire des fruits. Les fleurs vont représenter les
promesses et les audaces que vous avez en vous pour votre nouveau projet
de vie.
Quelles sont les promesses et/ou les audaces que j’ai en moi pour mon nouveau projet ?

Une promesse, une audace par fleur. Quand vous avez fini de recenser
toutes vos audaces et promesses, demandez-vous :
D’où elles vous viennent ? Quels sont peut-être les autres moments de votre vie où vous avez
fait appel à elles ? Qu’est-ce qui mérite, dans votre vie en général, que vous alliez puiser
dans ces ressources-là ?

L’intention, dans cette partie de l’arbre, est de conscientiser que nous


sommes capables, quand un projet nous tient à cœur, de nous dépasser.

Les fruits

Les fruits sont les cadeaux que l’arbre produit quand il va bien. Les fruits
vont incarner toutes les idées que vous avez pour faire vivre votre projet.
Mettez des mots au niveau des fruits en réponse à :
• Quelles sont toutes les idées que j’ai pour me rapprocher de mon
nouveau projet ?
• Quels sont les actes que j’ai envie de semer pour faire avancer mon
nouveau projet ?
• Quelle pourrait être la première chose que je pourrais mettre en place ?
Notez ce qui vous vient sans vous censurer. Quand on a des idées, on est
déjà dans l’action. Pour chaque idée, essayer de noter comment faire vivre
cette idée concrètement.
L’intention, dans cette partie de l’arbre, est de commencer à réfléchir
concrètement à comment avancer sur mon nouveau projet.
Votre arbre est maintenant renseigné. Vous pouvez passer à la deuxième
et troisième étape.

2e étape : identifier les tempêtes qui pourraient se mettre entre


vous et votre nouveau projet de vie

Après avoir réalisé et exploré votre arbre, et vous être reconnecté


maintenant à vos forces, projets, personnes-ressources, vous devez vous
sentir plus fort et équipé pour aller vers votre nouveau projet. Il est donc
possible maintenant pour vous d’anticiper ce qui pourrait s’inviter à vous et
vous faire douter.
Posez-vous les questions suivantes :
• Qu’est-ce qui pourrait, à votre avis, vous empêcher d’aller vers votre
nouveau projet de vie ?
• Qu’est-ce qui pourrait se mettre entre vous et votre envie de nouvelle
vie professionnelle ou/et personnelle ?
• Qu’est-ce que votre Arbre de vie vous a appris qui fait que, si cela se
produit, vous saurez faire face ?
L’idée étant que l’on est différent et plus fort du fait d’avoir réalisé notre
Arbre de vie. Nous allons ancrer davantage cette différence en passant par
les apprentissages de la troisième étape.

3e étape : ancrer les apprentissages de votre expérience


Arbre de vie

Dans cette dernière partie, je vais vous inviter à synthétiser ce que vous
retenez de votre expérience Arbre de vie et ce que cela vous donne envie
concrètement de mettre en place. C’est la partie où, si tout se passe bien, on
peut commencer à se projeter sereinement dans l’avenir.
• Qu’est-ce que votre arbre vous a appris sur vous, vos besoins, vos
ressources et qui vous sera utile pour avancer vers votre nouveau
projet de vie ?
• Qu’est-ce qui, peut-être, vous a surpris ?
• Qu’est-ce que le fait d’avoir réalisé votre arbre vous ouvre comme
nouvelles possibilités pour vous ?
• Qu’est-ce que votre arbre vous donne comme espoir par rapport à votre
nouveau projet de vie ?
• Quelles nouvelles idées cela vous donne pour la réalisation de votre
projet ?
• Quelles sont les premières actions, projets que vous vous sentez de
mettre en place demain afin de rendre hommage à ce qui est important
pour vous dans la vie ?
• Si vous rencontrez une personne qui se cherche, qu’est-ce que votre
parcours de vie vous a enseigné et que vous auriez envie de lui
transmettre ?
Vous venez de vivre l’expérience de réaliser votre Arbre de vie pour
opérer une transition de vie. Cela vous a permis de réfléchir en profondeur à
la richesse de votre vie, à vos expériences et à votre nouveau projet pour
savoir s’il répond à ce qui fait sens pour vous, à vos valeurs et vos espoirs.
Partie III

L’ARBRE
DE VIE ET LES PRATIQUES
NARRATIVES
9
LES PRINCIPAUX CONCEPTS
DES PRATIQUES NARRATIVES

DANS CE CHAPITRE, je vous propose de découvrir un peu plus les principaux


concepts narratifs évoqués dans ce livre.

D’OÙ VIENNENT LES PRATIQUES


NARRATIVES ?
Les Pratiques Narratives ont vu le jour en Australie, il y a un peu plus de
trente ans. Michael White (1948-2008), thérapeute australien, et David
Epston, thérapeute néo-zélandais, en sont les deux chefs de file.
L’introduction des Pratiques Narratives dans notre pays est plus récente :
elle date de 2004, quand Isabelle Laplante et Nicolas De Ber, les fondateurs
de Médiat Coaching, ont invité Michael White pour la première fois en
France.
C’est une approche issue de l’accompagnement collectif. Elle a été mise
au point et éprouvée par des travailleurs sociaux. Ce n’est pas un hasard si
elle est née en Australie. Ce continent a été le lieu d’une colonisation
particulièrement violente. La population d’origine y a été la victime d’un
double génocide. La quasi-totalité des Aborigènes a été éliminée
physiquement et, dans ce qui restait de leurs communautés, la pratique
systématique a été d’enlever les enfants à leur famille pour les placer chez
des colons afin de les détacher de leur culture ancestrale.
Depuis lors, des problèmes dramatiques se sont multipliés au sein des
communautés aborigènes, notamment l’alcoolisme, la violence, l’inceste.
La déscolarisation fait aussi partie des maux endémiques de cette société.
Des psychologues et thérapeutes blancs ont été sollicités. Parmi eux,
Michael White qui s’est démarqué par une posture originale. Il a dit aux
Aborigènes : « On nous demande de vous aider à résoudre des problèmes
que nous avons créés. C’est un peu compliqué pour nous. Nous ne
connaissons rien à votre culture, à vos traditions. Donc, tout ce que nous
pouvons faire pour vous aider est de vous demander de nous expliquer
comment, dans votre culture et vos traditions qui ont 50 000 ans, vous
pensez le monde, et d’y rechercher si, par hasard, elles proposeraient des
solutions qui ont déjà été élaborées pour résoudre les problèmes de la
communauté. » Pour moi, le fondement même des Pratiques Narratives est
là, dans cette posture modeste que Michael White adopte face aux
Aborigènes. C’est l’autre qui sait, qui est expert de sa vie. C’est l’autre, en
nous parlant de ce qu’il vit, en répondant à notre invitation de nous aider à
l’aider, qui va s’aider lui-même. Individu ou communauté, chacun possède
en lui la ressource de développer les histoires qui le rendront plus fort.
L’Approche Narrative est une pratique engagée. Elle a été initiée pour
accompagner les minorités, les gens qui souffrent, pour restaurer les
identités abîmées.
Globalement, c’est une pratique fondée sur l’idée que les récits que nous
produisons en permanence sur notre vie peuvent soit nous enfermer, soit
nous libérer, et qu’une situation, une personne ou un groupe ne se résument
pas au regard que certains peuvent porter sur eux. Fondée sur des
techniques de conversation sophistiquées, l’Approche Narrative ne se
focalise pas sur les problèmes mais, au contraire, sur les compétences
déployées par les personnes et les groupes lorsqu’ils résolvent eux-mêmes
leurs problèmes.
Tout tourne autour d’un principe fondateur : la personne est Auteur. Elle
est l’auteur de sa vie. Être Auteur de sa vie, c’est avoir la perception qu’on
a le choix. C’est vivre en accord avec ses valeurs, ses espoirs, ses principes.
C’est se rapprocher de ce qui est important pour nous dans la vie. En
général, on dit que l’accompagnant de l’Approche Narrative n’a aucune
intention pour son client. Je dirais quant à moi que le praticien narratif a une
intention, une seule, pour la personne qu’il accompagne et peu importe ce
qu’elle vient travailler avec lui : c’est qu’elle redevienne Auteur de sa vie.
Telle est la finalité d’un accompagnement narratif. Et, pour redevenir auteur
de sa vie, les Pratiques Narratives proposent à l’accompagnant une posture
spécifique, des concepts dont certains ont été évoqués dans ce livre et que je
vous propose de développer un peu plus dans ce chapitre.

LA POSTURE DE L’ACCOMPAGNANT :
DÉCENTRÉE ET INFLUENTE
La posture de l’accompagnant est l’un des principes de base des Pratiques
Narratives qui intègre à lui seul à peu près toutes les intentions de cette
pratique. L’accompagnant est invité à adopter une posture spécifique que
l’on dit « décentrée et influente ».

La posture décentrée

La posture décentrée pourrait se résumer en trois points.


• La personne que l’on accompagne constitue le centre du dispositif
narratif. Elle est le lieu du savoir. L’accompagnant pose des questions
afin de faire apparaître – de libérer – ce savoir.
• La personne que l’on accompagne a le statut d’Auteur principal de sa
vie. Si elle est insatisfaite de ce qu’elle vit, c’est qu’elle sait pourquoi,
c’est que, de manière implicite, elle sait ce qui pourrait être mieux
pour elle. Elle est « l’expert de sa vie ». Ce point est très important, car
il nous invite à adopter une posture de pure curiosité, comme un
journaliste d’investigation, sans préjugé, sans idée préconçue.
L’accompagnant narratif ne fait que poser des questions. Il va
questionner ce que la personne sait de sa vie : « Dis-moi, raconte-
moi… Comment as-tu fais ? Qu’est-ce qui t’a permis de… ». Ce point
est important également, car il permet à l’accompagnant d’abandonner
son savoir et le protège ainsi de toute interprétation.
• La capacité essentielle du praticien narratif est de donner la priorité aux
savoirs, compétences, connaissances, expériences de la personne. Il
s’agit pour lui de développer une double écoute : écouter l’histoire du
problème mais aussi et surtout la façon dont la personne réagit face à
ses difficultés, comment elle tente de se protéger, tout ce qu’elle a mis
en place sans nous attendre. Et pour cela il faut une écoute particulière.
David Epston parle d’une « écoute engagée ». Il dit : « On peut écouter
pour juste recueillir de l’information, et c’est une écoute plutôt
passive. Ou, bien on peut écouter pour une autre histoire ». Il s’agit
alors d’entendre tout ce qui est en contradiction, en porte-à-faux avec
l’histoire du problème, afin d’utiliser ce matériau pour construire avec
notre client une histoire alternative. Une histoire qui parle de la
manière dont la personne surmonte son histoire de problème, qui parle
des moments où la personne a eu le dessus sur cette histoire, qui parle
des fois où le problème est carrément absent. Là, nous sommes dans
l’écoute active, engagée. Cela demande d’être « hyper présent » pour
ne rien perdre de ces pépites dissimulées au sein du « discours sur le
problème ».
Stephan Madigan, thérapeute canadien, tout premier élève et
collaborateur de Michael White et David Espton, a partagé avec nous sa
technique pour développer cette écoute. Une technique que j’utilise moi-
même aujourd’hui et qui consiste pour l’accompagnant à noter ce que dit
son client en partageant sa feuille en deux dans le sens de la longueur. Il
note à gauche tout ce qu’il entend et qui a trait à l’histoire du problème, par
exemple : « je suis perdue, je n’y arrive pas… », et il note à droite tout ce
qu’il entend et qui pourrait être la porte d’entrée d’une autre histoire, d’une
histoire alternative qui parle de compétences, de valeurs, d’exceptions, de
résistance au problème : « Des fois, pas toujours, il m’arrive, j’essaie,
pourtant je fais des efforts… ».
Dans mon travail, aujourd’hui, ma principale mission face à un client que
j’écoute, est d’avoir le plus de choses possible dans la colonne de droite. Et
quand, je reformule ce qu’il m’a dit, je reformule aussi bien ce qui est à
gauche qu’à droite, mais j’explore principalement ce qui est à droite. Je vais
lui dire, par exemple : « Parmi tout ce que vous m’avez dit, j’ai entendu que
vous faisiez des efforts, pouvez-vous me donner un exemple d’efforts que
vous faites et qui m’aiderait à comprendre ? ». Et, là, on sort un moment de
l’histoire du problème. On prend une autre route qui va nous conduire
ailleurs, à un endroit plus ressourçant pour notre client. Ce qui fait que,
lorsqu’on reviendra à l’endroit du problème, il se sentira moins démuni.

La posture influente

La posture influente pourrait quant à elle se résumer en deux points :


• C’est une posture qui permet de construire au moyen de questions un
contexte où la personne peut décrire plus richement d’autres histoires
de sa vie que celle du problème, des histoires au contraire en accord
avec ses intentions, ses espoirs, ses valeurs, ses buts… Dire juste
qu’elle fait des efforts ne suffit pas. On va poser un maximum de
questions pour enrichir, ancrer l’expérience : « Comment cette idée de
faire ce type d’effort vous est-elle venue ? Qu’est-ce que cela dit de
vous en termes de compétence ? Cette compétence, comment l’avez-
vous acquise ? Qui sait cela de vous ? Qu’est-ce que cette personne
vous a vu faire, qui lui permet de reconnaître cette compétence en
vous ? » Etc. C’est cela, décrire plus richement d’autres histoires. Et,
pour notre client, les raconter est aussi revivre ces moments où il est
dans l’action, où il ne subit pas. Plus on enrichit, plus on développe, et
plus cela permet à d’autres expériences – et aux ressources – de refaire
surface. C’est une posture influente, car l’accompagnant sait qu’avec
ses questions il amène son client ailleurs que sur le terrain du problème
et qu’il aide la personne à renforcer d’autres histoires qui la rendront
plus forte.
• C’est une posture qui induit la personne accompagnée à entrer dans des
territoires qu’elle a laissés à l’écart. C’est-à-dire qu’on l’amène à aller
explorer d’autres histoires de sa vie, oubliées ou délaissées au profit de
l’histoire du problème. Une personne envahie par une histoire de
problème est comme si elle habitait une seule pièce de sa maison. Avec
ses questions, l’accompagnant va l’inviter à redécouvrir les autres
pièces. La maison est une métaphore de la vie : il s’agit d’habiter
pleinement sa vie, de se rapprocher de ce qui est important.

LE CLUB DE VIE
Sans l’autre, nous serions invisible à nous-même. Le Club de vie est en
quelque sorte le club de soutien de la personne. Une personne qui vit des
difficultés peut vite se sentir seule face à ce qu’elle vit. D’où l’importance
de recréer du lien pour la sortir de l’isolement. Les problèmes s’aggravent
quand on est isolé. D’où l’importance de créer des communautés de soutien.
De plus, quand on accompagne une personne et qu’une nouvelle histoire,
plus séduisante, commence à émerger, le praticien narratif va chercher
comment aider la personne à s’y cramponner, à rester en lien avec cette
histoire. Rester connecté à l’histoire préférée émergente peut constituer
pour beaucoup un sacré défi. Une des façons d’y arriver est de trouver des
témoins qui serviront de public.
Ce concept narratif consiste à considérer sa vie comme un club. Tous les
gens qui sont associés à notre vie courante en sont les adhérents. Dans
certains cas, nous les avons sciemment invités ; dans d’autres, nous n’avons
pas eu le choix.
Certaines voix peuvent se voir attribuer davantage d’autorité quant à
notre identité personnelle et cela a pour effet de disqualifier d’autres voix.
Pour ce faire, les Pratiques Narratives proposent les conversations de
regroupement que l’on appelle aussi les conversations de re-membering1
qui engagent les personnes à choisir délibérément qui elles souhaitent voir
fréquenter plus souvent leur Club de vie.
C’est un processus puissant qui intègre et revalorise la contribution des
personnages importants dans la vie de la personne. Dans l’idée de : « Qui
nous a donné de la valeur ? Quel est le grand-père, la grand-mère, le
parent, le professeur, le frère, l’ami, qui nous a donné la conscience de
notre droit à exister ? ».
Les conversations de re-membering sont présentées par Michael White
comme un antidote à l’hyper individualisme qui maintient les gens qui
souffrent dans leur isolement. Les conversations de re-membering
favorisent le développement d’une conception de l’identité qui met la
relation au centre de la vie et permet une compréhension vivante de soi-
même. La personne est dans la vie quand elle est en relation avec les autres.
C’est comme la double écoute où l’on donne la priorité aux savoirs, aux
compétences de la personne. Dans les relations qui entourent la personne,
on va aussi donner la priorité et mettre en lumière toutes celles qui ont ou
ont eu une influence positive dans sa vie.
Les conversations de re-membering permettent de prendre conscience
qu’il y a des personnes qui contribuent ou qui ont contribué positivement à
notre vie, mais que nous aussi nous contribuons positivement à leur vie.
Le Club de vie peut se travailler de différentes manières. Avec l’Arbre de
vie, ce seront les feuilles. Dans une conversation classique de coaching, le
type de questions qui aide à faire émerger les personnes ressources :
• En présence de qui le problème n’est jamais là ?
• Si je voulais en savoir plus sur cette nouvelle compétence que vous
avez, qui d’autre que vous pourrait m’en parler ?
• Est-ce qu’il y a quelqu’un à qui tu aurais envie de raconter ta nouvelle
direction ?
• Qui autour de toi serait content d’apprendre ces nouveaux
développements dans ta vie ?
• Parmi toutes les personnes que tu as connues ces dernières années, qui
ne serait pas étonné que tu aies pris cette nouvelle direction ?
• Qui sont tes alliés dans l’entreprise ?
• Qui partage tes idées ?
• Sur qui tu peux compter ?

Les objectifs du processus :


• Reprendre contact avec des figures oubliées, avec lesquelles on a
partagé des expériences positives.
• Remanier les appartenances : réintégrer des personnages, en exclure
d’autres, modifier l’importance de chacun d’entre eux.
• Fournir une compréhension bilatérale des relations, insister sur la
mutualisation des apports.
• Encourager un réengagement délibéré avec les personnages
significatifs.

Tout ce qui est important pour une personne a une histoire et cette
histoire est portée par des gens. Notre vie est reliée à celle des autres
autour de thèmes partagés et précieux. Les conversations de re-
membering invitent des personnes à se remémorer ce qui est important
pour elles et à faire venir au premier plan des personnes qui ne seraient
pas étonnées de cela. L’objectif étant de permettre à la personne de se
reconnecter à ses définitions identitaires préférées.
Quand un nom émerge enfin, avant de l’intégrer au Club de vie, on va
poser quelques questions pour que cette personne s’incarne un maximum et
qu’elle puisse devenir ressource le moment venu.

Questions :
• Est-ce que tu peux me parler de cette personne ? Qui est-elle, quel est
son nom, comment vous vous êtes rencontrés, depuis quand ? qu’est-ce
qui fait que vous vous êtes captés ?
• À ton avis, en quoi ta vie a-t-elle été influencée par elle ?
• Qu’est-ce que tu apprécies particulièrement chez elle ?
• Qu’est-ce qu’elle apprécie chez toi ou qu’est-ce qu’elle a vu que peut-
être personne d’autre n’a vu ?
• Donnes-tu beaucoup d’importance à la manière dont elle contribue à
ta vie ?
• En quoi ton existence a-t-elle été différente du fait de la connaître
ainsi ?

Terminer toujours en demandant :


• Qu’est-ce que cela te fait de parler de toi et d’elle comme on vient de le
faire ?
• Est-ce que tu penses que de te souvenir de ton lien avec elle pourrait
t’ouvrir de nouvelles possibilités dans ta vie, ton travail ?
• Y a-t-il autre chose que tu aimerais rajouter avant que nous arrêtions ?

TRAVAILLER AVEC DES TÉMOINS


EXTÉRIEURS
Pourquoi inviter des témoins extérieurs ?
Les gens deviennent des gens grâce à d’autres gens. Quand on accompagne
une personne et qu’elle avance vers ce qu’elle veut pour sa vie, l’idée est
d’inviter à nos séances des témoins judicieusement choisis, afin de faire
rayonner et de rendre visible à un plus grand nombre ses avancées. Cela
permet d’apparaître devant les autres et recueillir des témoignages sur sa
valeur, sa vitalité, son être. C’est la reconnaissance de ses histoires
préférées.
Le travail avec des témoins extérieurs permet de contribuer aux
développements des histoires riches et l’épanouissement durable des
orientations préférées de la vie des gens. Il permet de sortir de l’isolement
et de traiter les problèmes d’invisibilité et de marginalité. Il favorise une
« Définition collective de soi ».
Michael White parle de la pertinence d’un auditoire pour le
développement des histoires riches, pour le maintien et le développement
des buts préférés dans la vie des gens.
Ce concept a été inspiré par Barbara Myerhoff et son travail au projet
identitaire d’une communauté de personnes âgées juives à Venice, Los
Angeles, au milieu des années 1970. Beaucoup des membres de cette
communauté avaient quitté les camps d’Europe de l’Est et émigré en
Amérique du Nord alors qu’ils étaient enfants. Plus tard à l’âge de la
retraite, ils avaient été attirés par la douceur du climat de la Californie du
Sud, bonne pour leur santé et par les bas prix du logement pratiqués à
Venice, un quartier balnéaire de Los Angeles. Un grand nombre d’entre eux
étaient relativement seuls du fait de la disparition pendant l’Holocauste de
leur famille élargie et aussi du fait d’avoir survécu à leurs propres enfants.
Pour beaucoup d’entre eux, l’isolement les avait conduits à l’incertitude
concernant leur existence. Un sentiment d’invisibilité aux yeux de la
communauté au sens large, aux yeux de leur environnement immédiat et à
leurs propres yeux. Grâce au travail de Barbara Myerhoff, ces personnes ont
pu récupérer et redonner de l’énergie à leur sentiment d’existence. Dans
tout ce qui a été mis en place, c’est le travail avec des témoins extérieurs
qui a joué le rôle le plus puissant.
Concrètement l’idée consiste, à un moment de l’accompagnement, quand
la personne a bien avancé vers son projet, quand elle a mis à jour ce qui est
important pour elle, à lui demander : « Que diriez-vous d’une séance où
nous inviterions une ou plusieurs personnes à qui vous pourriez rendre
visible vos projets, vos avancées, ce qui est important pour vous ? À qui
souhaiteriez-vous et/ou à qui ce serait utile de rendre visible tout ce qui a
émergé lors de nos séances et qui est précieux pour vous ? ».

Le protocole d’invitation pour un témoin extérieur

Si elle d’accord, elle va me désigner une personne. Je peux aussi lui


proposer une personne qui me paraît judicieuse pour elle, comme un ancien
client qui a connu à peu près les mêmes difficultés qu’elle et qui viendra
partager son expérience avec elle.
Je lui rends transparentes toutes les étapes du protocole. Je négocie avec
elle ce qu’elle a envie de partager et ce qu’elle ne souhaite pas partager
avec le témoin extérieur.
Je prépare le témoin quand il arrive sur son rôle, ce que l’on attend de
lui : « Je vous invite à écouter et à être sur le ressenti. Qu’est-ce que cela
me fait d’être là et d’entendre cela ? Qu’est-ce qui me touche
particulièrement ? Quelle image cela me donne de la personne ? Qu’est-ce
que cela fait écho en moi ? Et ce qui sera différent pour du fait d’avoir été
témoin de cette histoire ? ».
Le travail avec les témoins extérieurs nécessite un protocole très
spécifique pour éviter au témoin d’être dans l’interprétation, le jugement
même positif. L’intention n’est pas de recueillir des feedbacks ni des
félicitations, ni des conseils. L’intention pour le témoin est plutôt de le faire
parler de son propre vécu. On le guidera en posant des questions très
précises.
Quand le client parle, il s’adresse à l’accompagnant pour que le témoin
puisse rester dans sa posture d’accueil de ce qui est dit. Quand c’est au tour
du témoin de s’exprimer, il va s’adresser à l’accompagnant pour également
laisser le client accueillir ce qui est dit.
Ce protocole se déroule en trois étapes.

Étape 1 : narration par la cliente dont la vie est au centre


L’accompagnant interroge son client tandis que le témoin écoute. Il rappelle
les grandes lignes de l’accompagnement. Il questionne son client sur ses
projets, ses valeurs, tout ce qui fait sens pour lui. C’est le moment où il peut
également présenter son Arbre de vie. L’accompagnant pose des questions
qui encouragent la narration, qui soient pertinentes en termes d’identité
personnelle et relationnelle.
Le témoin écoute et se prépare en entrer en re-narration de ce qu’il a
entendu.

Étape 2 : la re-narration du témoin

À un moment qui paraît juste pour l’accompagnant, le témoin échange sa


position avec le client dont la vie est au centre. C’est le client qui est
maintenant en position de témoin.
Questions au témoin :
• « Quels sont les mots, les expressions exprimés par le client qui ont
retenus particulièrement votre attention ? »
Intention : permettre à la personne de se sentir écoutée.
• « Qu’est-ce que ces mots, expressions que vous avez retenus disent de
ce qui est important pour la personne ? »
• « Quelle image cela vous donne de la personne, de ce qui est important
pour elle ? Est-ce qu’il y a une image qui vous vient ? »
Intention : aider la personne à entendre ce qui est important pour elle par
une tierce personne (effet miroir).
• « Ces mots, expressions que vous avez retenus, à quelle partie de votre
propre histoire cela fait-il écho ? »
Intention : se sentir relié au témoin, donc moins seule.
• « Le fait d’avoir été témoin de cette histoire, en quoi cela va venir
éclairer peut-être différemment votre propre chemin ? »
Intention : permettre à la personne de prendre conscience qu’elle a une
influence sur la vie des autres. Donc je suis utile à l’autre.
• « Est-ce que vous voulez rajouter quelque chose ? »
Étape 3 : la re-narration de la re-narration par le client

On termine toujours en revenant au client, en lui posant sensiblement les


mêmes questions qu’au témoin :
Questions au client :
• « Quels sont les mots, les expressions que vous avez entendus et qui
vous ont particulièrement touchés ? »
• « Qu’est-ce que ces mots disent de ce qui est important pour vous ? »
• « D’avoir entendu le témoignage du témoin, qu’est-ce que cela vous
donne comme espoir concernant votre vie, vos projets ? »
• « En lien avec ces espoirs, qu’est-ce que vous vous voyez faire
concrètement en lien avec vos projets ? »
• « Est-ce que vous voulez rajouter quelque chose ? »
Il ne faut jamais perdre de vue que quand l’un parle, l’autre écoute, ne
jamais perdre de vue que c’est son client que l’on accompagne, pas le
témoin même si, dans le meilleur des cas, c’est profitable aux deux.
Pour terminer, je dirais que l’accompagnant a la responsabilité éthique
des conséquences de la participation d’un témoin extérieur. D’où le
questionnement et le cadre spécifique qui permet au témoin de penser au-
delà de ce qu’il pense habituellement.
10
D’AUTRES MÉTHODES
MÉTAPHORIQUES AVEC LES IDÉES
NARRATIVES

DANS LE MÊME ESPRIT QUE L’ARBRE DE VIE, je partage avec vous d’autres exemples
de méthodes métaphoriques issues également des Pratiques Narratives et
conçues par David Denborough. David développe toujours des méthodes en
fonction des personnes, des contextes, des pays, des cultures et elles sont
toutes aussi simples et concrètes que l’Arbre de vie. Il y en a deux que
j’utilise aussi très souvent dans mes accompagnements, il s’agit du Voyage
de vie et de l’Équipe de vie. Je vais vous en parler plus succinctement. Ces
deux méthodes s’utilisent avec la même posture, les mêmes intentions et
éthique que pour l’Arbre de vie.

LE VOYAGE DE VIE
C’est une méthode d’accompagnement que l’on doit également à David
Denborough, tiré de son livre Retelling the stories of our lives (reraconter
les histoires de nos vies). Le chapitre concerné s’intitule « Life as a
Journey : Migrations of Identity » (La vie comme un voyage : migrations
d’identité).

Une alternative à l’Arbre de vie


J’ai découvert le Voyage de vie plus récemment. Tout comme l’Arbre de
vie, il y a quelques années, j’ai tout de suite été séduite par cette nouvelle
métaphore qui est un beau moyen d’aborder la vie comme un voyage. Et
comme tous les voyages, il y a des chemins parcourus et des chemins
encore à parcourir. Il y a les compagnons de route, les lieux que nous avons
envie de visiter, réels ou symboliques, les obstacles qui se sont mis sur
notre chemin, des souvenirs que nous allons garder, les chansons qui nous
ont accompagnés, etc.
J’ai tout de suite eu envie de l’utiliser, ce que j’ai fait depuis, notamment
avec les personnes en transition de vie, avec une jeune fille déscolarisée,
avec un groupe classe sur la confiance et l’orientation. Et je suis fascinée
par la richesse que cela a produit à chaque fois.
L’Arbre de vie tout comme le Voyage de vie restent un moyen d’engager
une conversation ressourçante avec la personne que l’on accompagne. Ce
sont des moyens très efficaces pour libérer l’expression, faire raconter et
reraconter des histoires et entrer de plain-pied dans les expériences de vie
très rapidement. Parfois, c’est difficile d’entrer dans l’expérience et de faire
raconter des histoires. Le Voyage de vie est une métaphore propice pour
évoquer des histoires de vie. Chronologiquement, elles viennent toutes
seules, toutes les histoires de vie, les belles et les moins belles. Mais quand
on évoque les moins belles, c’est toujours sous l’angle de : « comment les a-
t-on surmontées, contournées, dépassées ? ». Quant aux belles expériences,
elles vont nous renseigner sur les valeurs, les espoirs et le sens qu’elles ont
pour les personnes. On remplit au fur et à mesure son Kit de survie qui
regroupe tout ce que l’on a appris, développé en chemin et qui nous a aidés.
Ce que permet le Voyage de vie, c’est d’entrer très rapidement dans les
expériences/histoires de vie. Les compétences, qualités, valeurs sont
immédiatement illustrées par les expériences racontées. On sort la personne
de l’isolement car on a accès automatiquement à ceux qui ont croisé notre
chemin, aux témoins de ces expériences, donc au club de soutien. On
remplit son Kit de survie en route et, quand on a fini la conversation, on a
abordé beaucoup de sujets de manière fluide et naturelle. De plus, ce je que
j’ai pu constater, c’est que c’est dynamique ; la métaphore du chemin met
les personnes en mouvement et ça ajoute une notion de temporalité très
intéressante.
Une fois le Kit de survie et le club de soutien bien remplis, on peut se
retourner vers le chemin à parcourir et voir ses rêves et projets plus
accessibles. On peut anticiper les obstacles qui peuvent survenir en se
sentant plus fort pour les surmonter.
C’est une belle alternative à l’Arbre de vie. Avec l’Arbre de vie, on est
principalement dans l’histoire préférée de la personne, il a clairement pour
intention de recenser tout ce qu’il y a de précieux pour la personne pour
pouvoir se sentir plus fort face aux épreuves de la vie. Le Voyage de vie a
cette même intention mais aborde plus de sujets et notamment les moments
difficiles. Il permet également d’intégrer de multiples métaphores liées au
voyage. Il faut dire qu’une mission d’accompagnement avec une personne,
c’est déjà un voyage que l’on fait ensemble et qui nous amène d’un endroit
à un autre, vers un désir, un objectif. Donc c’est très naturel, pertinent et
évident dès que l’on parle de voyage, de chemin. Et puis, quand on voyage,
on peut prendre plusieurs chemins : le chemin professionnel, le chemin
scolaire, le chemin de vie, etc.
Je dirais presque que, si j’avais une seule séance à faire avec une
personne, je lui ferais faire son Voyage de vie car il permet d’aborder :
passé, présent, futur, ressources, problèmes, rêves, projets, club de
soutien… On documente et on repart avec son voyage de vie que l’on va
pouvoir raconter et partager, si on le souhaite, quand on le fait en groupe.

Le protocole d’utilisation du Voyage de vie

On invite tout d’abord, la personne à prendre une grande feuille de papier et


à dessiner un chemin sinueux ; au milieu du chemin, dessiner un cercle. Ce
sera le cercle de soutien. À gauche du cercle, le chemin correspond au
« chemin parcouru » ; à droite, le « chemin à parcourir ». La personne
inscrit ces mentions sur le schéma. Elle dessine également à un endroit de la
feuille une valise qui sera le Kit de survie qui accueillera toutes les
compétences développées en chemin.

Partie 1 : se tourner vers le passé

• Le chemin parcouru : « D’où venez-vous ? »


• Le voyage de vie professionnelle : « Au tout début du chemin,
inscrivez d’où vous venez. Notez chronologiquement tous les
évènements et expériences significatifs de votre parcours
professionnel. Racontez chaque expérience ou évènement. En cas
d’expérience positive, qu’est-ce qui a permis la réussite de cette
expérience ? Quelle compétence avez-vous développé ? Quelles
valeurs se sont exprimées ? Quels sont les témoins de ces réussites ?
Qui ne serait pas étonné de cette réussite ? Après chaque exploration
d’expérience on remplit le kit de survie et le cercle de soutien.
• Les obstacles dépassés et les rivières traversées : « Tout au long du
chemin parcouru, dessinez des rochers (ou une montagne) et une
rivière pour symboliser les obstacles que vous avez surmontés, au
cours de votre vie professionnelle. Indiquez comment vous avez réussi
à surmonter ou à contourner ces obstacles et comment vous avez
traversé la rivière. Comment y êtes-vous parvenu ? Qui vous a aidé ? »
Après chaque exploration, on remplit le kit de survie et le cercle de
vie. « Autour du cercle de soutien, écrivez les valeurs clés, les
croyances, les principes qui ont guidé votre voyage de vie
professionnelle. Ces valeurs sont comme notre boussole. Elles nous
guident sur notre chemin. D’où viennent ces valeurs ? Qui nous les a
transmises ?
• Les lieux favoris : « Tout au long du chemin parcouru, listez ou
dessinez les lieux favoris où vous vous êtes déjà rendus : Lieux
géographiques et/ou symboliques (entreprises, secteurs, pays…) ».
Chaque expérience racontée doit permettre à la personne de remplir
son kit de survie et son cercle de soutien de compétences et de témoins
bienveillants.

Partie 2 : aller de l’avant

C’est le moment de se diriger vers l’avenir, le chemin à parcourir :


• Vers où vous vous dirigez : « Sur le chemin à parcourir, inscrivez vos
espoirs, vos rêves, vos vœux, vos projets professionnels. Ils peuvent
vous concerner ou être destinés à votre équipe. Depuis combien de
temps avez-vous ces espoirs, rêves, projets ? Comment êtes-vous restés
attachés à ces espoirs, rêves, projets ? Qui vous a aidé ? Qu’est-ce qui
dans votre kit de survie va pouvoir vous aider ? Sur qui dans votre
Cercle de vie vous allez pouvoir compter ? »
• Les lieux que vous souhaitez voir, visiter : « Tout au long du chemin
à parcourir, nommez des lieux que vous souhaitez visiter (seul ou avec
des personnes de votre cercle de soutien) au cours de votre vie
professionnelle : lieux réels ou symboliques (secteurs, entreprises…). »
• Les cadeaux que vous souhaitez offrir : « Considérez les cadeaux
que vous avez reçus et notez sur le chemin à parcourir des cadeaux
que vous souhaitez offrir ou partager. Il peut y avoir des cadeaux non
reçus que vous voulez transmettre. »
• Les obstacles à dépasser et les rivières à traverser : « Sur le chemin
à parcourir dessinez un rocher ou une montagne pour symboliser un
obstacle professionnel que vous pourriez avoir à surmonter et une
rivière que vous pourriez avoir à traverser. Comment saurez-vous
identifier les moments où ces challenges surviendraient ? Comment
est-ce que vous et votre cercle de soutien ferez pour empêcher,
contourner, et dépasser ces difficultés ? Écrivez ces réponses à côté
des obstacles dessinés sur le parcours à venir. Comment resterez-vous
fort face aux problèmes ? Regardez votre kit de survie. Est-ce que vous
vous servirez des mêmes outils ? Ou (quoi) d’autres ? Si vous allez
vous servir d’autres, ajoutez-les à votre kit de survie. »
• Les chansons du voyage : « Quelles sont les chansons que vous
entendrez et qui vous soutiendront au cours du voyage ? Notez sur le
côté les chansons que vous prendrez avec vous. Pourquoi ces chansons
en particulier ? Quel sens leur donnez-vous ? »

Partie 3 : regarder son voyage d’en haut, comme un aigle

• Les souvenirs agréables : « Tout en longeant le chemin à parcourir,


quels sont de bons souvenirs professionnels que vous emporterez avec
vous dans l’avenir ? Dessinez des étoiles le long du chemin pour les
représenter. Décrivez ces bons souvenirs. Incluez les bruits, les
visions, les goûts, les sensations tactiles, les odeurs associés. Qui a
joué un rôle dans ces souvenirs ? Comment et quand vous
remémorerez-vous ces souvenirs ? Pourquoi ces souvenirs sont-ils
précieux pour vous ? Qu’ont-ils à vous offrir ? Qu’est-ce qu’ils
continueront d’offrir dans l’avenir ? Inscrivez vos réponses à
l’intérieur et à côté des étoiles. »
• Un nom pour votre Voyage : « Donnez un nom à votre schéma
chemin qui symbolise le sens que vous donnez à votre « Voyage de
Vie » professionnelle. »
• Un message à autrui : « Repensez à tout ce dont vous avez parlé.
S’il y avait quelque chose à partager avec une jeune personne
positionnée au tout début de son propre parcours professionnel, un
message, un proverbe, qu’est-ce que ce serait ? Quelle serait une leçon
apprise que vous souhaiteriez lui transmettre ? »

Un cas de Voyage de vie

« Trouver en soi les ressources pour retourner en cours après deux


années de phobie scolaire. »

Margaux a 17 ans. C’est une jeune fille extrêmement intelligente, vive et


pleine de projets pour sa vie. Elle a une famille aimante qui la soutient, des
amis fidèles. Tout pourrait aller super bien pour elle si « Crise d’angoisse »
ne s’était pas invitée dans sa vie brutalement quand elle était en 3e.
En seconde, cela a eu pour effet qu’elle s’est retrouvée déscolarisée
malgré elle. Cette année, elle en a redoublé sa 1re. Margaux arrive parfois à
retourner en cours comme récemment quand son ami Dylan est venu la
chercher.
• Nom du voyage : Chemin de l’épanouissement.
• Cercle de soutien, mes compagnons de voyage, ceux sur qui je peux
compter : papa et maman (très présents, ouverts, très à l’écoute),
Aliénor, Dylan qui prend régulièrement mes cours, Capucine, Zayat,
famille au sens large, Shana, Mme Z. (ma professeur de maths que
j’adore), Fabrice (un surveillant qui m’a soutenue), Mme L., les
mangas…
• Les valeurs qui me guident (comme une boussole, elles éclairent mon
chemin) : combativité (même quand j’étais mollusque à la maison, j’ai
toujours fait des choses), éducation, famille, amitié, honnêteté,
sincérité.
• Mon kit de survie : sophrologie qui a contribué à apaiser mes angoisses,
rêveuse, pâtisserie, mangas, musique, coloriage, sport, autonomie
(étudier seule à la maison), amitiés, guitare, motivation personnelle,
force d’argumentation et de conviction (quand on a voulu me renvoyer
du lycée et que j’ai argumenté pour qu’ils me gardent), sincère,
courageuse, sensible, moi-même, un fond de confiance, combative,
expressive, savoir demander de l’aide (parler, dire ce que je ressens à
ma famille…).
• Les lieux que je veux visiter, mes rêves, mes projets : être heureuse,
voyager, faire la fête, avoir le bac S, intégrer l’Insa de Strasbourg,
avoir mon permis.
• Les bons souvenirs, les cartes postales de mon voyage : la découverte
du monde des mangas, la pâtisserie (quand je fais de la pâtisserie je ne
pense à rien d’autre, j’aime que ce soit bon et beau), l’amitié (ceux qui
sont restés, qui m’ont aidée, Dylan qui m’amène tous les jours mes
leçons et qui passe me prendre quand je sens que j’ai la force d’aller en
cours, cela a renforcé notre amitié), le rapprochement avec les
personnes (ce voyage de vie m’a fait grandir et cela m’a rapprochée
des autres, je suis plus attentive aux autres, j’ai des discussions plus
profondes avec eux).
• Un message que j’aurais envie de transmettre sur ce que m’a appris ce
voyage : mon expérience, ce que j’ai réussi à mettre en place qui
pourrait peut-être aider d’autres jeunes. Ne jamais rester seule, savoir
aller chercher de l’aide.
Conclusion : Margaux a changé d’image sur elle-même. Elle est passée
de l’image d’une jeune fille qui a un problème, qui n’arrive pas à sortir de
chez elle, qui n’y arrive pas, à l’image d’une jeune fille qui a résisté
courageusement à sa situation, qui avance et qui sait rebondir. Elle a gagné
en confiance et a pu progressivement trouver sa solution pour avancer vers
ses projets. Aujourd’hui elle a eu son bac avec mention et continue ses
études en province.
L’ÉQUIPE DE VIE
David Denborough raconte dans son livre, L’Approche narrative collective,
qu’il a été amené à rencontrer il y a plusieurs années, près de la frontière
soudanaise, un groupe de jeunes réfugiés soudanais, anciens enfants soldats.
Quand David est arrivé, les jeunes étaient sur un terrain à jouer au football.
David a pu observer leurs rires. Ils étaient animés, en action, à marquer des
buts et à se féliciter en se tapant sur l’épaule. Ils étaient unis dans la joie et
le plaisir.
Quand ces mêmes jeunes ont été invités par un travailleur social à venir
s’asseoir en cercle pour évoquer les souffrances et difficultés qu’ils ont
rencontrés dans leur vie, les visages se sont fermés, leurs têtes si fières et
droites quand ils étaient sur le terrain de foot ont commencé à se baisser et
l’énergie est complètement retombée.
Cette expérience a inspiré David qui a imaginé une nouvelle approche de
travail orientée vers des jeunes victimes d’un trauma. Comment répondre
aux traumas en se fondant sur les talents et savoirs dont font preuve les
jeunes sur un terrain de football.

L’intention

Utiliser la métaphore du foot et la richesse du sens véhiculé par la culture


du sport et les expériences sportives pour permettre aux jeunes qui ont vécu
des expériences difficiles de parler de leur propre vie autrement.
David a conçu une méthode en cinq étapes :
• Ce que l’on aime dans le jeu.
• Créer ses équipes de vie.
• Célébrer les buts.
• Tacler les problèmes.
• Éviter les obstacles et aider les autres.

Le protocole d’utilisation de l’Équipe de vie


L’endroit le plus favorable pour tenir des conversations d’Équipe de vie,
c’est idéalement un terrain de foot. Cela peut se passer autour d’un match
de foot et profiter des mi-temps pour parler. Je parle de foot mais on peut
bien évidemment utiliser tous les sports en toile de fond. Chaque étape peut
convenir aussi bien à des groupes qu’en individuel.

Étape 1 : ce que l’on aime dans le jeu

La discussion commence autour de l’amour du jeu.


Exemples de questions :
• Depuis combien de temps aimez-vous le football ?
• De qui tenez-vous cet amour du foot ?
• Qui vous a amené à ce sport ?
• Qu’est-ce que vous préférez dans ce jeu (par exemple, ce que je préfère
c’est le collectif, le jeu, le talent…) ?
• Est-ce que vous pouvez me raconter une histoire qui illustre ça ?
• Est-ce que le collectif, le jeu, le talent sont des choses également
importantes pour vous dans d’autres moments de la vie ?
• Selon vous, qui vous a appris que le talent, le collectif… étaient des
choses importantes ?
• Avez-vous un joueur préféré ? Lequel ? Qu’est-ce que vous appréciez
chez lui qui fait que c’est votre joueur préféré ?
• Parmi les compétences, les valeurs que vous appréciez chez lui,
lesquelles vous parlent le plus ?
• Vous reconnaissez-vous particulièrement dans certaines compétences,
valeurs ?
• Vous identifiez-vous avec certaines qualités de votre joueur préféré ?
L’idée est que si le jeune apprécie tel aspect du joueur, il y a de fortes
chances que ce soit une qualité à laquelle il accorde lui-même de la valeur.

Étape 2 : créer son Équipe de vie


Dans le même esprit que les feuilles de l’Arbre de vie, on invite chaque
jeune à constituer sa propre équipe de vie. On lui fait dessiner sur une
grande feuille un terrain de foot, avec les buts, positionner les joueurs à tous
les postes et faire le parallèle entre une équipe de foot et son équipe dans la
vie, dans l’idée de recenser toutes les personnes qui ont le plus d’influence
positive dans sa vie. Celles qu’il souhaite intégrer dans leur équipe de vie.
Constituer en quelque sorte son club de soutien. On utilise la métaphore de
tous les postes d’une équipe de foot pour aider à identifier au plus près ceux
qui sont ressources pour nous dans la vraie vie.
La discussion vise à donner un nom à tous les membres de l’équipe de
vie.
Exemples de questions :
• Gardien de but : « Qui t’aide à garder ce qui est important pour toi
dans ta vie ? »
• En défense : « Qui t’aide à protéger ou à défendre ce qui est précieux
pour toi dans la vie ? »
• Les attaquants : « Qui t’aide à réaliser tes objectifs ou à atteindre tes
buts ? »
• Le coach : « Sur qui peux-tu compter pour te soutenir, te motiver, te
conseiller ? »
• Banc des remplaçants : « Qui t’aide parfois et parfois pas ? »
• Etc.

Étape 3 : Célébrer les buts

• Quel est le meilleur but que tu as vu marqué en vrai ou à la télé ?


Ensuite l’idée est de s’intéresser aux buts que les participants ont
marqués dans leur propre vie :
• Est-ce que tu peux me citer un but que tu as été personnellement
capable d’accomplir cette année ?
• Cela faisait combien de temps que tu y pensais quand tu y es parvenu ?
• Comment t’es-tu entraîné et préparé pour atteindre ce but ?
Étape 4 : tacler les problèmes

Le but est de permettre aux jeunes de parler des talents particuliers qu’ils
ont pour tacler les problèmes. On commence par parler du foot et on
continue en parlant d’eux.
• Il y a plusieurs manières de faire des tacles au football, quelles sont les
différentes façons que tu connais de faire des tacles au foot ?
• Quelle est la façon que tu préfères ? Pourquoi ?
Si on est sur un terrain de foot, le jeune peut montrer concrètement
comment il fait.
Ensuite on passe sur des exemples de tacles portés aux problèmes dans la
propre vie des participants :
• Y a-t-il un problème que tu as réussi à tacler cette année ?
• Comment t’y es-tu pris ?

Étape 5 : éviter les obstacles et aider les autres

Il arrive, même aux meilleures équipes, en s’entraînant beaucoup et en


faisant de son mieux, d’être confrontées à des obstacles au moment de
marquer des buts. Il s’agit d’aider les participants à identifier ces obstacles.
• Quels types d’obstacles imprévus peuvent rencontrer les équipes de
foot ?
- la pluie,
- un joueur qui triche,
- le terrain en pente,
- le public hostile,
- etc.
Après avoir identifié ces obstacles, le groupe explore ensuite les
conséquences de ces obstacles sur les équipes :
• Est-ce de la faute de l’équipe si elle ne marque pas dans ces cas-là ?
• Qu’est-ce que les équipes peuvent faire pour essayer de réagir à des
circonstances injustes ?
C’est ensuite le moment de faire le parallèle avec les jeunes :
• Et vous, quels sont les obstacles que vous rencontrez et qui vous
empêchent d’atteindre vos buts ?
• Est-ce la faute des jeunes s’ils n’arrivent pas à atteindre les buts fixés ?
• Comment font les jeunes pour réagir face à ces obstacles ?
L’objectif clairement est de recueillir leurs savoirs à partir de ce qu’ils
aiment et qu’ils connaissent, de créer un contexte où cela devient possible
de parler de leurs difficultés et de réfléchir ensemble à comment les
surmonter.
J’ai utilisé cette méthode avec des groupes de jeunes déscolarisés pour
différentes raisons : problèmes dans leur famille, problèmes de
comportement…
L’Équipe de vie m’a permis de créer l’alliance en commençant avec eux
sur un terrain qu’ils connaissent, qu’ils apprécient et où ils sont experts, du
moins plus que moi. L’Équipe de vie a permis à ces jeunes d’avoir une
double vision de leurs expériences de vie : une qui reconnaît leurs
difficultés et une qui reconnaît toutes les manières richement nuancées avec
lesquelles les jeunes et ceux qu’ils aiment répondent aux difficultés.
Conclusion

Avez-vous une histoire à raconter avec un arbre ?

QUAND JE PROPOSE L’ARBRE DE VIE à une personne que j’accompagne je


commence souvent en lui demandant : « Quelle histoire avez-vous avec
les arbres ? Est-ce qu’il y a un arbre que vous aimez particulièrement ?
Que représentent les arbres pour vous ? Est-ce que vous avez une histoire
à raconter avec un arbre ? ».
Pour ma part, j’avoue que je ne me suis jamais vraiment posé la question.
Mais, au moment d’écrire ce livre, il me vient l’envie d’y répondre moi-
même. Sur le moment j’ai comme l’impression de ne pas avoir d’histoires
avec les arbres. J’en parle à mon amie Véronique qui m’aide en me posant
quelques questions et, petit à petit quelques souvenirs me reviennent, ils ne
me paraissent d’abord pas si importants.
Le premier souvenir qui me vient est un pique-nique avec ma mère et
mes frères et sœurs au pied d’un prunier. C’est l’été, il fait chaud. Ma mère
a choisi cet endroit de verdure pas très loin de chez nous pour étaler une
grande nappe par terre. Elle nous regarde courir dans tous les sens autour de
l’arbre. Avec mes frères et sœurs nous grimpons sur l’arbre et cueillons des
prunes. J’ai 6 ans et je suis fascinée qu’un arbre produise des fruits que l’on
puisse manger. C’est comme de la magie.
Ce jour-là la magie a tourné court car un homme est venu nous chasser
violemment en nous insultant. Nous traitant de voyous, de voleurs. Nous
avons eu très peur. Visiblement ce terrain et cet arbre lui appartenaient.
Ma mère si timide et si douce habituellement se transforme dès qu’elle
sent ses enfants menacés. Je pense qu’il s’est souvenu longtemps des mots
d’oiseaux qu’il a reçus. Le pire, c’est qu’elle pensait vraiment que l’espace
était ouvert pour tous. Rien ne disait que ce terrain était privé. Ce jour-là
j’ai appris que les arbres n’appartenaient pas à tout le monde comme les
forêts, comme le soleil ou la mer.
Quand j’y pense, c’est vrai que j’ai une affection particulière pour les
arbres fruitiers. Pruniers, cerisiers, pommiers. Ces arbres magiques qui
produisent des fruits et qui changent d’aspect avec les saisons. L’hiver ils
sont nus et ils font au fil des saisons des bourgeons, des feuilles, des fleurs,
des fruits. Ensuite leurs feuilles changent de couleurs et tombent. C’est
toujours miraculeux pour moi que les arbres revivent tous ces cycles.
Je me souviens qu’enfants nous aimions déguster les fruits que la nature
nous offrait. Aller cueillir des mûres, des fraises sauvages, ramasser des
châtaignes qui nous ramenions à la maison et que ma mère faisait cuire sur
le vieux poêle à charbon. Aujourd’hui, l’odeur des marrons chauds vendus à
la sortie du métro me ramène systématiquement à ces moments de mon
enfance. Pour moi, ce sont des souvenirs heureux et émouvants d’abord car
ils évoquent la beauté de la nature qui a été mon environnement enfant et
que ces moments sont des moments partagés et heureux avec ma famille.
Et pour terminer, je dirais que les arbres pour moi représentent la force,
l’immortalité. Ils me rassurent depuis toujours. Ils sont les témoins
silencieux de nos histoires de vie car souvent centenaires. Ils rythment les
saisons avec leurs différents ramages. Ils sont des messagers de la paix avec
la branche d’olivier dans le bec d’une colombe symbole du pacifisme. Et
puis ils sont les ancêtres du SMS car, avant de s’envoyer des mots d’amour
et des cœurs par texto, c’est sur les arbres que s’écrivaient les histoires
d’amour. Des cœurs avec des initiales comme un tatouage ineffaçable,
comme un pacte pour un amour éternel. Jeune, je n’ai pas échappé à ce rite
romantique et, quelque part sur un des arbres d’un jardin public de banlieue
parisienne, existe peut-être encore un cœur gravé avec comme initiales D &
S barré d’une flèche qui est le souvenir de ma première histoire d’amour.
Quand j’ai commencé à réfléchir à mon histoire avec les arbres, sur le
moment rien ne venait, le grand vide un peu déstabilisant et, dès qu’un
souvenir émerge, il en invite un autre et j’ai l’impression au final d’avoir
des tonnes d’histoires avec les arbres à raconter, que je pourrais en écrire un
livre entier. De plus, évoquer toutes ces histoires donne un sens puissant à
mon travail et mon intérêt pour cette méthode qui un jour m’a séduite et que
je développe depuis.
En conclusion, je dirais que c’est exactement ce qui se passe quand on
accompagne une personne avec l’Arbre de vie. Au départ elle n’a pas
grand-chose à dire sur elle, sur sa vie et peu à peu, les mots se gravent sur
l’arbre, sont racontés et petit à petit s’invitent d’autres mots jusqu’à se
repassionner par sa vie riche et pleine de sens.
Bibliographie

Ouvrages

Besnard-Péron Catherine & Dameron Béatrice (sous la direction de) –


Pistes narratives pour faire face au sentiment d’échec personnel et
professionnel », Hermann/L’Entrepôt, 2011.
Blanc-Sahnoun Pierre – Le Roi qui croyait à la solitude, Lulu.com, 2012.
Blanc-Sahnoun Pierre – L’Art de coacher, 3e édition, InterEditions, 2014.
Blanc-Sahnoun Pierre & Dameron Béatrice (sous la direction de) –
Comprendre et pratiquer l’Approche Narrative, InterEditions, 2009.
Blanc-Sahnoun Pierre (sous la direction de) – Les Pratiques de
l’Approche Narrative – Des récits multicolores pour des vies
renouvelées, InterEditions, 2017.
Denborough David – L’Approche Narrative collective, Lulu.com, 2011.
Epston David – Down Under et Up Over, Lulu.com, 2012.
Morgan Alice – Qu’est-ce que l’Approche Narrative ?, InterEditions,
2015.
Nassif Pierre – Rechercher un emploi autrement, L’Harmattan, 2013.
Scherrer Dina – Échec scolaire, une autre histoire possible, L’Harmattan,
2011.
Scherrer Dina – La magie de la bienveillance, Leduc Editions, 2021.
White Michael – Cartes des Pratiques Narratives, Ed. Le Germe/Satas,
2009.
White Michael & Epston David – Les moyens narratifs au service de la
thérapie, Ed. Satas, 2009.
DVD

Ncazelo Ncube – Tree of life – An approach to working whith vulnerable


children

Sites narratifs

https://www.dulwichcentre.com.au/
http://www.lafabriquenarrative.org/blog/
Remerciements

Merci tout d’abord aux enfants africains pour qui cette méthode a été
conçue. Grâce à eux, d’autres enfants et adultes dans le monde peuvent
en bénéficier. Merci à Ncazelo Ncube-Mlilo, Repssi et David
Denborough – Dulwich centre qui ont mis au point l’Arbre de vie avec
les idées narratives.
Merci à Pierre Blanc-Sahnoun d’avoir fait voyager l’Arbre de vie
jusqu’en France et jusqu’à moi. Merci toujours à Pierre de m’inciter et de
m’encourager à écrire.
Merci à tous mes amis et collègues de la Fabrique Narrative avec qui je
suis heureuse de diffuser les idées narratives : ma co-équipière Elizabeth
Feld ainsi que Catherine Mengelle, Pierre Blanc-Sahnoun, Fabrice Aimetti,
Catherine Roulin et Andrée Zerah.
Merci à mes amis et collègues avec qui j’aime échanger, travailler et qui
m’inspirent : Bertrand Hénot, Stéphane Kovacs, Véronique Vittet, Stéphane
Einhorn, Pierre Nassif, Thierry Groussin, Éric Mercier, Jean-Marc Gabon,
Michel Radulovic…
Merci à Fabiola Ortiz, Dominique Seret-Bégué, Véronique Vittet,
Martine Fradet, Christine Lelong et Federico Durante d’avoir accepté de
partager leur expérience de l’Arbre de vie dans ce livre.
Un merci particulier pour Jacques Vincent/Fondation Acteur de mon
avenir, Bouchra Aliouat, Laurence Fajner et Camille Plançon/Fondation
KPMG pour leur confiance et les missions qu’ils me confient depuis des
années auprès des jeunes.
Merci à tous les responsables RH et dirigeants d’entreprises qui ont fait
le choix de me faire travailler en connaissant ma pratique et ma posture
Narrative.
Merci à mon mari et à mes trois filles de me soutenir et d’accepter d’être
mes cobayes parfois quand je découvre une nouvelle méthode.
1. . Les Pratiques Narratives distinguent « l’histoire du problème ou histoire dominante » qui
enferme la personne, la rend aveugle à ses potentialités, de « l’histoire alternative ou histoire
préférée » qui va lui permettre de retrouver confiance en soi et désir d’avancer.
2. . Ce chapitre sur les racines de l’Arbre de vie est librement inspiré du guide REPSSI à destination
de tous ceux qui souhaitent utiliser l’Arbre de vie et rédigé par Ncazelo Ncube-Mlilo et David
Denborough.
3. . Le Dr Julien Betbèze est psychiatre, pédopsychiatre, psychothérapeute et chef de service du
service d’Accueil familial thérapeutique de Loire-Atlantique (SISMLA).
4. . Narrative practice and exotic life, p. 51-52. Au sujet du rite de passage, il se réfère à V. Turner
(1969) « The ritual process ».
1. . Ce concept m’a été inspiré par Thomas Will, psychiatre et psychothérapeute FMH (Fédération
des médecins helvétiques).
1. . Cf. les propositions de questions plus haut dans la partie accompagnement individuel.
1. . Le terme re-membering est un jeu de mots entre re-member (redevenir membre) et remember (se
souvenir), créé par Barbara Myerhoff (anthropologue culturelle). Elle a beaucoup influencé le travail
de Michael White et David Epston notamment sur les concepts du Re-membering, travailler avec des
témoins extérieurs et les Cérémonies définitionnelles.

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