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A

UNIVERS
M. VANHOUCK Fl
BOFKBINDER
Gasmeterazn . 45, GENT
1
mod. 2454'
Meal 2454
ÉTUDES 3

SUR LE

TRAITEMENT DES FRACTURES

DE LA JAMBE ;

Par J. CROCQ ,
Docteur en médecine , en chirurgie et en accouchements , ancien interne des hôpitaux de Bruxelles.
4

THÈSE
Présentée à la Faculté de médecine de l'Université de Bruxelles
pour obtenir le grade de docteur agrégé.

Bruxelles ,
IMPRIMERIE ET LIBRAIRIE DE N.-J. GREGOIR , ÉDITEUR ,
FOSSÉ - AUX - LOUPS , 66 .

1848 .
MM . VAN MEENEN, recteur ,
VERHAEGEN (aîné ), administrateur-inspecteur,
DE CONTRERAS, secrétaire.
MM . V.-J. UYTTERHOEVEN, président,
LANGLET,
LEBEAU ,
SEUTIN ,
MOREL,
A. UYTTERHOEVEN ,
GRAUX ,
PROFESSEURS .
DE ROUBAIX ,
GLUGE,
MEISSER ,
BOUGARD,
LEQUIME ,
Van HUEVEL , HONORAIRES .
JACMART .
M. ROSSIGNOL, prosecteur.
Vu l'art. 18 du réglement du 26 janvier 1842 , ainsi conçu :
« Toute thèse qui serait imprimée sans l'approbation du président ( de la
« Faculté que la chose concerne ) sera considérée comme non avenue et
« étrangère à l'Université : du reste, les opinions étant libres, les récipien
« daires peuvent présenter au public les résultats, quels qu'ils soient, de
« leur conviction personnelle ; l'Université n'entend, à cet égard, rien ap
« prouver ni improuver. »
Le président de la Faculté de médecine de l'Université de Bruxelles
autorise l'impression de la présente thèse, présentée par M. J. Croco, doc -
teur en médecine, en chirurgie et en accouchements, etc., sans entendre
approuver ni improuver les opinions de l'auteur.
Bruxelles, le 10 juillet 1848.
V.-J. UYTTERHOEVEN ,
Med 2454

A MONSIEUR LEBEAU ,
MÉDECIN DE LA GARNISON ET DE L'HÔPITAL M!LITAIRE DE BRUXELLES,
PROFESSEUR A L'UNIVERSITÉ.

Vous qui m'avez initié à la pratique de la


médecine , daignez accepter ce faible hommage
de ma reconnaissance .

J. CROCO.
|
ÉTUDES
SUR LE

TRAITEMENT DES FRACTURES


DE LA JAMBE ;
Par J. CROCQ , docteur en médecine , en chirurgie et en accouchements, ancien interne
des hôpitaux de Bruxelles.

CHAPITRE PREMIER .
Introduction . — Généralités .-- Divisions des fractures de la jambe.
Parmi toutes les maladies chirurgicales , il en est peu dont la
thérapeutique ait, dans ces derniers temps, donné lieu à plus de
discussions et fait de plus grands progrès que les fractures. Dans
l'état actuel de la science , il n'en est donc aucune dont l'étude
puisse offrir plus d'intérêt. Mais , ce sujet pris dans son entier
étant trop étendu pour les limites que je me suis imposées, je n'en
traiterai qu'une partie, en m'attachant à une certaine catégorie de
fractures seulement .
De toutes les fractures, celles de la jambe sont sans contredit
les plus importantes, tant par leur fréquence que par l'attention
et les précautions qu'exige leur traitement. Bien plus fréquentes
que celles de la cuisse, elles sont aussi bien plus souvent qu'elles
compliquées d'accidents qui menacent la vie des blessés ; leur con
tention n'est non plus dans bien des cas pas moins difficile. Quant
aux fractures des membres supérieurs, bien qu'aussi fréquentes,
elles ne leur sont comparables ni par leur gravité ni par les diffi
cultés qu'on rencontre dans leur traitement. L'étude de ces frac
tures mérite donc toute l'attention du chirurgien, par suite des
applications fréquentes qu'il est appelé à en faire; elle la mérite
aussi en ce sens qu'elle réclame l'application de tous les principes
généraux qu'on peut poser relativement aux fractures. En effet,
elle les résume complétement, et rend leur compréhension et leur
appréciation plus faciles en fixant les idées sur un sujet parfaite
1
ment déterminé, sur un point donné du squelette, de manière à ne
laisser dans l'esprit aucun vague, aucune place possible pour le
doute. - Tels sont les motifs qui m'ont déterminé à prendre pour
sujet de cette thèse Les fractures de la jambe.
La jambe est, comme on le sait, formée de deux os , le tibia et
le péroné, non susceptibles de mouvement l'un sur l'autre. Ces
deux os, on le conçoit , peuvent être brisés isolément ou ensemble :
de là tout d'abord trois espèces de fractures de la janıbe : les frac
lures complètes de la jambe , les fractures du tibia , et celles du
péroné . Je n'ai pas à m'occuper ici des causes et du diagnostic
de ces différentes espèces . Je me bornerai à faire remarquer que
les premières , les fractures complètes, sont de beaucoup les plus
fréquentes, d'autant plus qu'on les prend quelquefois pour de simples
fractures du tibia : cette méprise a plusieurs fois été constatée
par l'autopsie. Voici comment on peut l'expliquer. Quelquefois, le
tibia est brisé dans sa partie inférieure, tandis que le péroné l'est
dans sa partie supérieure : cela arrive lorsque la fracture a été
primitivement bornée au tibia , et que le péroné n'a été compromis
que consécutivement. J'ai observé une fracture de celle espèce, où
le tibia était fracturé dans son tiers inférieur, et le péroné entre
son tiers supérieur et son tiers moyen. Dans ces cas , les
deux os se servent muluellement d'attelles dans leur partie la plus
longue : le pérone sert d'attelle au tibia par sa partie inférieure,
et celui- ci joue le même rôle relativement au premier par sa partie
supérieure. Par là , la déſormation et la mobilité anormale du
membre ne peuvent se produire ; on ne peut percevoir par le tact
l'écartement des fragments du péroné , cachés par les parties
molles ; et la crépitation qu'on y détermine peut être confondue
avec celle provenant des fragments du tibia .
Outre cette division, relative à l'os qui est atteint, il y en a une
autre, relative à la nature de la fracture considérée en elle-même.
En effet, toute la lésion peut consister dans la séparation de l'os ou
des os en deux fragments , l'un supérieur, l'autre inférieur ; c'est
alors une fracture simple. Ou bien , il y a plusieurs fragments,
l'os est écrasé par la cause fracturante, et la fracture est commi
nutive. Ou bien enfin elle est accompagnée de lésions qui méritent
au plus haut degré d'attirer l'attention du chirurgien, et qui ren
dent le pronostic beaucoup plus grave et le traitement plus long
et plus difficile que dans les cas simples ; elle est alors compliquée.
Chacune des trois espèces de fracture de jambe que nous
avons distinguées précédemment peut , on le conçoit facilement,
être simple ,comminutive ou compliquée : il faut donc étudier suc
cessivement le traitement qu'elles réclament dans ces divers états,
Je commencerai par déterminer le traitement des fractures com
plètes simples, parce qu'il renferme implicitement celui de toutes
les autres. De là , je passerai au traitement des fractures simples
d'un seul os . Enfin, je terminerai par les fractures compliquées ,
comme étant les plus difficiles.
Le traitement des fractures de jambe comprend , comme celui
de toutes les fractures en général, trois indications : 1 ° la réduc
tion ; 2° la contention ; 3° les moyens propres à combattre les ac
cidents qui peuvent survenir.
CHAPITRE II .

Traitement des fractures complètes simples de la jambe.


SI .
Les fractures complètes de la jambe offrent deux variétés
qui diffèrent essentiellement par la nature du déplacement qu'elles
entraînent et par les indications qu'elles réclament. Ce sont les
fractures transversales et les fractures obliques. Cette distinction
est établie uniquement d'après la considération de la solution de
continuité du tibia ; on ne tient pas compte de la direction de celle
du péroné, parce qu'elle n'influe que fort peu sur le déplacement,
à cause du peu d'épaisseur de cet os, et de la facilité avec laquelle
conséquemment les surfaces de ses fragments se quittent pour
suivre l'impulsion que leur communique le déplacement du tibia .
S II.
Les fractures transversales sont rares chez l'adulte ; le
plus souvent c'est chez les enfants qu'on les observe . Le déplace
ment n'y est jamais considérable , et ne peut avoir lieu dans tous
les sens . Ainsi on conçoit que les surfaces séparées peuvent se
déplacer suivant leur épaisseur , le fragment inférieur dépassant
le supérieur en haut ou en bas, en dehors ou en dedans . Elle se
déplacent selon leur circonférence, le poids du pied tendant à faire
tourner sa pointe en dehors , et le fragment inférieur exécutant
ainsi sur le supérieur un mouvement de rotation . En même temps ,
le poids du pied entrafne ce fragment inférieur en bas, le fait en
quelque sorte basculer , et de là résulte un déplacement selon la
direction , déplacement qui tend à faire faire aux fragments un
angle ouvert en arrière . Mais le déplacement suivant la longueur ,
ou le chevauchement , est impossible, car il est impossible que
sans complications les surfaces si larges des deux fragments du
tibia puissent s'abandonner, et du moment où cela n'a pas lieu ,
l'un des fragments ne peut remonter sur l'autre . Il n'y aura donc
pas de raccourcissement réel ; il pourra tout au plus y avoir un
très -léger raccourcissement apparent, dû à la direction angulaire
des fragments, et cessant dès qu'on aura relevé l'inférieur.
Ces déplacements peuvent être très -faibles et même nuls, si le
péroné est fracturé obliquement, ou en un point éloigné de la so
lution de continuité du tibia . Dans ce cas, comme je l'ai déjà dit
plus haut, on peut même méconnaitre la fracture complète de la
jambe, et la prendre pour une fracture simple du tibia.
S III.
Le traitement de ces fractures est des plus simples , et
ne peut être l'objet d'aucune discussion sérieuse. Il faut de suite,
lorsqu'il y a déplacement, effectuer la réduction ; on y parvient
sans la moindre dilliculté, au moyen de l'extension exercée sur le
pied, de la contre-extension exercée sur la partie inférieure de la
cuisse, et d'un mouvement de rotation du pied , par lequel on ra
mène le gros orteil sur la ligne qui répond au bord interne de la
rotule. Cela fait, il s'agit de maintenir la réduction et de prévenirles
accidents . On atteint ce but de la manière la plus complète au moyen
de l'appareil amoyo-inamovible , qu'on construit de la manière
suivante. On applique d'abord une bande roulée, depuis la racine
des orteils jusqu'au -dessus du genou, en ayant soin de garnir avec
de l'ouate ou de l'étoupe les saillies osseuses et tendineuses, et
surtout les malléoles, l'épine du tibia, sa crête quand elle proé
mine fortement, les bords de la rotule, et le tendon d'Achille. On
passe ensuite sur ses tours un peu d'amidon, en évitant également
d'en mettre sur les saillies et sur la crête du tibia . Cette bande doit
exercer une compression douce, méthodique, égale partout ; il
faut bien se garder surtout de serrer plus fort' en haut qu'en
bas. Au-dessous d'elle et sur la peau , depuis le côté externe
de la rotule jusqu'au quatrième orteil, est couché un ruban
de fil, qui a reçu le nom de compressimètre . Au-dessus de cette
bande, on place trois allelles en carton qu'on a préalablement ra
mollies en les passant dans l'eau , et amidonnées ; elles sont gar
nies à leur face internede compresses ; elles sont appliquées, l'une
postérieurement, les deux autres latéralement. La postérieure est
échancrée au point correspondant au talon ; les latérales sont cou
dées au niveau de l'articulation , de manière à tenir le pied immo
bile . Elles sont maintenues par une bande roulée amidonnée,
partant du voisinage de la fracture; à mesure que les tours de
bande remontent et descendent, un aide les précède en pressant
sur les cartons, de manière à les mouler sur le membre. Ces attelles
doivent remonter jusqu'au -dessus du genou, pour le maintenir
- 5

dans l'immobilité. Le malade est ensuite laissé au lit pendant


24 à 36 heures, jusqu'à ce que l'appareil soit solide ; alors il peut
se lever , marcher, s'asseoir en tenant son membre étendu sur une
chaise placée devant lui. Ici je ne puis m'empêcher de relever une
erreur commise par beaucoup de chirurgiens : ils s'imaginent que
M. Seutin laisse marcher ses malades sur la jambe affectée ; mais
il n'en est rien : une bande en lisière passant sous le pied , et re
tenue au-dessus du talon par un bout de bande transversal , va se
fixer autour du cou , et y suspend le membre malade, qui est ainsi
mis dans l'impossibilité de toucher le sol. Cette bande a reçu de
son inventeur le nom de suspenseur cervico-tarsien. En même
temps le pied qui appuie est muni d'un soulier à semelle épaisse,
et le blessé se soulient lorsqu'il le soulève sur deux béquilles
assez élevées .
Du reste, dans les fractures transversales, la marche sur le pied
malade lui - même n'aurait pas de grands inconvénients, car la ten
dance au déplacement est peu forte, et impuissante à surmonter la ré
sistance de l'appareil. Il n'en est pas de même pour les fractures
obliques, où, comme nous le verrons plus loin , la suspension est
essentielle. Si le malade se plaint de douleurs, ou si les orteils se
refroidissent et prennent une teinte livide, ou si l'on s'aperçoit
qu'il y a un vide entre le membre et l'appareil , on fera la section
de celui-ci à l'aide des ciseaux de M. Seutin, tout le long du com
pressimètre, ou de la face externe de la jambe, et sur le milieu de
la plante du pied. Le compressimètre a pour but non-seulement de
diriger les ciseaux, mais encore et surtout de permettre de recon
naître une compression trop forte et par là dangereuse. En effet,
si, en tirant l'un des bouts de ce ruban, l'autre suit sans trop d'ef
fort, la compression est convenable ; s'il ne suit pas, elle est trop
forte, et on fera bien d'ouvrir de suite l'appareil. On a objecté à
l'emploi du compressimètre, que certains points du membre pou
vaient être trop comprimés, sans qu'il en fût de même de ceux sur
lesquels il passe ; mais cela n'empêche pas qu'il ne fasse connaitre
la mesure de la compression générale ; etquant à celle qui pourrait
exister en excès sur un point isolé , la douleur la décèlera
suffisamment.
La section effectuée, on a deux valves formées par les
deux attelles latérales , mobiles chacune autour de l'espace qui
la sépare de la postérieure, comme autour d'une charnière. Pour
visiter le membre, on glisse sous l'une des valves, à l'endroit de
la fracture, les quatre doigts de l'une des mains , tandis que le
ice reste sur l'autre valve ; de l'autre main, on écarte alors la
valve restée libre. On voit ainsi la moitié du membre ; pour voir
1.
6

l'autre moitié, on écarte de la même manière l'attelle qui d'abord


était restée fixée. De cette façon, le membre reste toujours main
tenu par l'une des attelles et par la main qui tient lieu de l'autre ;
on peut donc l'inspecter sans crainte de déranger les fragments.
On remet ensuite les valves en place, et on les maintient au moyen
d'une bande amidonnée. Si l'appareil est devenu trop large relati
vement au membre, ou bien on fait chevaucher les valves, ou bien
on excise de l'une d'elles une portion longitudinale.
Tant qu'aucune des circonstances précédemment énumérées
ne s'est présentée, la section du bandage est inutile, et on peut le
laisser intact, inamovible, fût- ce même jusqu'à la fin du traitement.
En effet, quel est le but de cette section ? C'est tantôt de rappro
cher ou d'écarter les valves, tantôt de visiter le membre menacé
de quelque accident ; et tant qu'aucune de ces indications ne se
présente, on peut à juste titre la dire inutile . Nous devons excepter
de cette règle les vieillards, chez lesquels on voit quelquefois des
eschares se produire sans qu'aucune douleur ait annoncé leur
formation .
Telle est l'application de l'appareil amovo- inamovible pour les
fractures transversales de la jambe ; j'énumérerai les avantages
qui le rendent préférable à tous les autres, quand j'aurai parlé
des fractures obliques , dans lesquelles son efficacité n'est pas
moindre, et pour lesquelles pourtant un plus grand nombre de
praticiens le repoussent .
S IV.
Les fractures obliques sont de deux sortes : tantôt elles
sont dirigées de haut en bas, d'arrière en avant et de dedans en
dehors, tantôt c'est de haut en bas et d'avant en arrière. Les pre
mières sont de beaucoup les plus fréquentes ; les secondes sont
rares. Cette distinction est essentielle par rapport au déplacement
et à certaines indications relatives au traitement .
Dans les fractures de la première espèce , celles dirigées de
haut en bas et d'arrière en avant, l'obliquité est souvent très
considérable, et en conséquence, les fragments taillés en biseaux
très-aigus. Il y a souvent un chevanchement assez fort, et une ten
dance des plus opiniâtres du fragment supérieur à se porter en avant,
vers la crête du tibia, et à y faire saillie. Ce fragment est en effet
repoussé par les muscles qui l'entourent de toutes parts, vers ce
point, où il n'est recouvertque par la peau ; il est de plus repoussé
en avant par le fragment inférieur qui chevauche et remonte en
arrière. Ce chevauchement n'est pas toujours fort; il peut même
elre nul, si le péroné est cassé iransversalement et surtout vers
un point éloigné ; la même méprise pourra alors avoir lieu, que
j'ai déjà signalée en parlant des fractures transversales : c'est- à
dire qu'une fracture complète de la jambe pourra être prise pour
une fracture simple du tibia.
Les fractures de la seconde espèce sont, comme on l'a vu , obli
ques de haut en bas et d'avant en arrière. Le chevauchement,
moins opiniâtre , a lieu de façon que le fragment inférieur re
monte au-devant du supérieur, en soulevant les téguments par son
extrémité. Dans l'un comme dans l'autre cas, la pression exercée
sur ceux-ci peut être assez forte pour empêcher la circulation de
s'y faire et y déterminer la formation d'eschares . Je reviendrai sur
cette circonstance en parlant des complications des fractures de
la jambe.
SV.
Dans ces fractures , considérées toujours à l'état de sim
plicité , l'indication est encore de réduire de suite, de maintenir la
réduction obtenue à l'aide d'un appareil convenable , et de prévenir
les accidents . La réduction s'opère comme précédemment , en
exerçant une extension sur le pied et une contre -extension sur la
partie inférieure de la cuisse. Mais ici se présente une question
grave et longtemps débattue : c'est celle de la position à donner
au membre , tant pour faciliter la réduction , que pour empêcher
un nouveau déplacement des fragments. Les anciens ne connais
saient qu'une seule position pour toutes les fractures du membre
inférieur : c'était l'extension complète . Ils avaient été conduits à
l'adopter plutôt par instinct que par un raisonnement quelconque ;
et c'est encore elle qui nous est enseignée par l'école de Desault
et de Boyer . Mais dans le courant du dernier siècle, P. Poit et
Bromfieldt adoptèrent une méthode toute opposée : c'est la mé
thode de la demi- flexion , dont on trouve déjà des traces dans
quelques auteurs anciens. Pott y fut conduit par le raisonnement
suivant : le chevauchement est le résultat de l'action musculaire ;
la position la plus favorable est par conséquent celle qui rend cette
action la moins intense possible , et cette position , c'est la demi
flexion de la jambe sur la cuisse . En effet, les muscles jumeaux ,
qui agissent surtout pour faire remonter le fragment supérieur ,
sont alors relâchés. Cette pratique , introduite en France par Du
puytren et Delpech , y est adoptée de nos jours par beaucoup de
praticiens, tandis que les anglais lendent au contraire à en revenir
aux idées anciennes , et à remettre en honneur l'extension .
Quelque spécieux que paraisse le raisonnement de Pott, je dois
dire que l'extention me semble plus fayorable à une réduction
- 8 -

complète et à une contention convenable que la demi- fiexion. En


effet, à plusieurs reprises j'ai vu , tant sur le vivant que sur le ca
davre, celte position augmenter la saillie du fragment supérieur
( la fracture étant oblique de haut en bas et d'arrière en avant) ; et
jamais je ne l'ai vue produire l'effet qu'on devrait en attendre d'a
près la théorie de Pott et de ses partisans. Ce fait, déjà signalé
par la plupart des auteurs modernes qui préfèrent l'extension , n'a
reçu d'eux aucune explication ; ils semblent même reconnaitre
qu'en principe la demi- flexion devrait être préférée. Y a- t- il donc
ici une contradiction entre la pratique et la théorie, entre le fait
et la vue de l'esprit qui devrait le motiveret l'expliquer ? Une telle
contradiction est-elle possible ? Évidemment non : car cette théorie,
c'est le résultat de faits ; cette vue de l'esprit, ce sont des faits que
notre intelligence apprécie, coordonne, et dont elle tire des con
séquences. Si ces conséquences étaient en contradiction avec des
faits, ceux-ci le seraient donc avec les premiers, dont elles dé
coulent, et l'on aurait ainsi des faits en contradiction avec des faits,
absurdité s'il en fut jamais. Mais non : il n'en est pas ainsi, et s'il y
a une contradiction , c'est que la théorie elle-même est erronée,
qu'elle repose sur une fausse appréciation des faits. En effet, d'une
part, les muscles jumeaux sont relâchés ; mais eux seuls le sont
parni les muscles de la jambe ; ceux qui s'attachent au tibia et au
péroné, et qui agissent plus directement sur les fragments , le so
léaire, les fléchisseurs des orteils, le jambier postérieur , restent ce
qu'ils étaient dans l'extension . D'autre part, les muscles conturier,
droit interne, demi- membraneux, demi-tendineux, biceps crural,
sont aussi relâchés. Dans l'état d'extension , ils sont tendus, et
l'effort qu'ils font pour se détendre, pour se contracter, porte en
arrière le fragment supérieur. Ils exercent donc sur la fracture
une action favorable, et cette action, par la demi-flexion on la dé
truit, on l’annihile. On conçoit dès lors comment la saillie du frag
ment supérieur peut devenir plus forte.
Il paraît néanmoins qu'il n'en est pas toujours ainsi, et que , dans
certains cas, la demi-flexion a été favorable . Elle l'est peut -être
toujours dans les fractures obliques de haut en bas et d'avant en
arrière, parce que là c'est le fragment inférieur qui fait saillie en
avant, et non le supérieur. N'ayant jamais eu l'occasion de voir des
fractures de cette espèce , je ne puis affirmer positivement s'il en
serait ainsi .
S VI.

La position à donner au membre étant déterminée , reste


à appliquer l'appareil contentif, destiné à maintenir la réduc
9

tion . Je préfère encore ici , comme pour les fractures transversales,


l'appareil amovo -inamovible, qui sera appliqué exactement de la
même manière. Je n'ai donc rien à ajouter à la description que
j'en ai donnée ; seulement je ferai remarquer qu'il faut veiller avec
soin à ce que l'extension et la contre-extension soient conver ble .
ment pratiquées, afin que le chevauchement ne puisse pas se re
produire pendant l'application de l'appareil. Pour mieux les as
surer, il convient même lorsque le déplacement est fort d'appliquer
d'abord le carton postérieur, garni de compresses, afin de rendre la
tâche des aides plus facile etmoins fatigante. Il faut les continuer après
jusqu'à la parfaite dessicalion ; car tant qu'elle n'a pas eu lieu, la ten
dance au déplacement peut vaincre la résistance du bandage non
encore solidifié; et cela d'autant plus que sa face antérieure , vers la
quelle ce deplacement a lieu, est dépourvue d'attelle . Pour cela , on
passe dans l’aine un linge plié en cravate, et à ses deux extrémités on
noue un lien qui va s'attacher à la tête du lit. Voilà pour la contre
extension . Pour l'extension , on fait passer une cravate ou un mou
choir au -dessus du talon et sous la plante du pied , où elle forme
un étrier ; ou bien , on forme celui-ci an moyen d'one bande pliée
en double, et maintenue sur les attelles par la dernière couche de
bandes. A cet étrier est attaché une corde qui passe sur la barre
du lit, ou mieux sur une poulie, et qui supporte un sac de sable
d'un poids convenable. Si le blessé doit être transporté , l'exten
sion et la contre-extension ne peuvent être pratiquées selon le
mode que je viens d'indiquer ; alors on se borne à entourer le
membre de cartons secs qui servent de soutiens à l'appareil, et
l'empêchent de céder. Dans tous les cas, dès que la dessication est
opérée, ce qui a lieu au bout de 36 à 48 heures, on peut enlever
le lien contre-extensif et le poids extensif, ou les cartons secs ; car
dès lors ils n'ont plus aucun rôle à jouer, toutes leurs indications
étant parfaitement remplies par le bandage. Il faut aussi
inciser celui-ci pour le resserrer, parce que d'une part il
s'est élargi par la dessication, et que d'autre part la compression
légère qu'il exerce a refoulé les fluides et diminué le volume de la
partie. Cette section est doncici de toute nécessité : car si on ne
l'opérait pas , le chevauchement tendrait à se reproduire, à la fa
veur de l'espace laissé entre la partie solide et le membre. Il
fautensuite resserrer de temps en temps pendant la durée du trai
tement, parce que par le repos et la compression le membre dimi
nue toujours un peu de volume.
La déambulation se pratique exactement comme je l'ai indiqué
en parlant des fractures transversales ; le suspenseur cervico -tar
sien est de rigueur, encore bien plus que pour ces dernières .
- 10 -

S VII.
On regarde généralement l'appareil amidonné comme ne
pouvant être employé que combiné à l'extension, parce que c'est
presque toujours dans cette position qu'on l'a vu appliquer par son
inventeur. On a en quelque sorte regardé la méthode d'extension
comme complémentaire de la méthode amovo-inamovible, comme
une condition sine qua non de son emploi. Mais c'est là une grave
erreur; l'appareil amidonné, flexible lors de son application, docile
à toutes les formes qu'on veut lui faire prendre, est compatible
avec toutes les positions, se plie à toutes les exigences ; son appli
cation est indépendante de toute condition de cette nature. Et en
effet, au membre supérieur, à l'avant- bras , ne le voyons -nous pas
appliquer dans la position demi -fléchie, et n'y est -il pas parfaite
ment efficace ? Pourquoi donc n'en serait- il pas de même au mem
bre inférieur ?
Lorsqu'on veut faire usage de la position demi-fléchie , il faut
faire subir à l'appareil décrit plus haut quelques modifications qui
lui permettent de s'y adapter. L'attelle postérieure ne doit re
monter que jusqu'au creux poplisé. Les deux allelles latérales
doivent être coudées à angle droit au niveau du genou, et remonter
jusqu'au -dessus de la partie moyenue de la cuisse. Mais comme il
est difficile de préparer ainsi d'une pièce ces attelles coudées , il
vaut mieux les remplacer chacune par deux attelles, l'une jambière,
embrassant la jambe et la partie latérale du genou , l'autre crurale,
plus large , embrassant la cuisse , et empiétant sur la précédente
au niveau de l'articulation. On peut encore placer une altelle en
carton sur la partie antérieure de la cuisse ; cette attelle , en se
moulant sur le genou qui a été matelassé avec soin et descendant
sur la partie supérieure du tibia, maintiendra d'une manière très
efficace la position demi-flécbie.
Ici surtout il est indispensable de raſſermir l'appareil au moyen
de cartons secs, ou même d'attelles en bois ou de plaques métalli
ques , jusqu'à ce qu'il soit complétement desséché ; sans cela, il
pourrait se déformer par le poids du membre, et ne plus maintenir
dans toute sa rigueur la position qu'on a jugé à propos d'adopter.
L'appareil élant placé, le membre pourra être posé sur un cous
sin prismatique comme celui de Dupuytren , ou bien on pourra
faire reposer la jambe horizontalement ou dans une direction lé
gèrement inclinée sur une pile de coussins ou sur une planchette
hyponarthécique. Le blessé pourra aussi se coucher sur le côté
malade, le membre reposant en entier sur le lit, comme le recom
mandait Potl .
- 11

Voilà pour le séjour au lit. Mais ce n'est pas tout : la méthode


amovo-inamovible entraine toujours avec elle , comme consé.
quences nécessaires parce qu'elles sont possibles , la position
assise et la déambulation. Dans la position assise , le membre
pourra être soutenu par l'un des moyens indiqués précédemment.
Pour la déambulation, elle s'effectuera tout comme dans l'exten
sion , le pied étant suspendu par un lien qui va contourner le cou
du malade.
S VIII .
Jusqu'à présent , je n'ai fait qu'indiquer comme appareil
le plus convenable dans les fractures de jambe , qu'elles soient
transversales ou obliques , l'appareil amovo -inamovible ; j'ai décrit
son application avec quelques détails ; mais je n'ai pas encore
énoncé les motifs qui me portent à lui donner la préférence. C'est
donc là ce qui me reste à faire pour compléter ma tåche, en ce qui
concerne les fractures simples . Pour y parvenir , il me faudra
d'abord étudier le mode d'action et les propriétés de cet appareil .
Ce sujet a déjà été traité par M. le professeur De Roubaix , avec
beaucoup de lucidité , dans le mémoire qu'il a adressé au Congrès
médical en 1856. J'aurai ensuite à indiquer les autres appareils
qu'on emploie pour les fractures de jambe , et que bien des prati
ciens persistent encore à lui préférer . Mon intention n'est pas ici
de les énumérer tous , mais seulement les principaux, Je jetterai
en conséquence un coup d'æil rapide sur le bandage de Scultet ,
le bandage inamovible de Larrey , les appareils en plåtre et en
gulta percha, l'appareil hyponarthécique , et enfin sur l'appareil
de M. Bougard et sur la pointe de M. Malgaigne . Cela fait, je
montrerai que l'appareil amovo -inamovible répond mieux qu'au
cun d'eux aux indications que réclame le traitement des fractures
de la jambe , et que par conséquent il doit leur être préféré.
S ix.
L'appareil amidonné jouit de quatre propriétés essentielles ,
inhérentes à sa nature et à sa construction : 1 ° il exerce sur
tout le membre une compression douce et graduée ; 2° il main
tient aussi exactement que possible les fragments en contact ;
z'il met le membre dans une parfaite immobilité ; et 4° il permet
au blessé les mouvements généraux , jusques et y compris la
marche .
A. Il exerce sur lout le membre une compression douce et gra
duée.
Pourrait-il en être autrement , puisque dans son application on
12

commence par entourer le membre d'une bande roulée ? Cette


compression , convenablement appliquée , est sans contredit le
moyen le plus convenable pour prévenir le gonflement et les acci
dents inflammatoires. Ainsi donc est remplie par l'appareil même
cette indication, reconnue par tous les auteurs qui ont écrit sur la
matière, de prévenir et de combattre les aceidents. Il les prévient
d'une manière très- elficace ; pour ce qui est de les combattre, lors
que déjà ils existent , nous verrons au chapitre des complications
qu'il y parvient aussi de la manière la plus sûre.
Là ne se borne pas le rôle de la compression : elle s'oppose
aussi efficacement à la contraction musculaire, en empêchant le
gonflement du corps charna . En même temps, par cette résistance
continuelle, elle fatigue les muscles, elle épuise leur contractilité.
Son action est sous ce rapport bien autrement avantageuse que
celle de la position demi-fléchie, tant vantée depuis un siècle.
Celle-ci en effet se borne à placer le membre dans la position où
l'on présume que l'action musculaire agira avec le moins de force.
La compression agit sur la source même de cette action , sur la
contraction, et l'annihile. De cette action de la compression comme
moyen préventif des accidents et comme antagoniste de la con
tractilité, résulte la nécessité de l'application de l'appareil immé
diatement après la réduction . Du reste, je traiterai plus au long
cette question de l'application immédiate, lorsque j'en serai aux
fractures compliquées.
SX
B. Il maintient aussi exactement que possible les fragments en
contact.
Pour atteindre ce but, l'appareil amidonné agit de deux ma
nières : il agit d'abord par la compression circulaire et uniforme
qu'il exerce sur le membre ; ensuite il produit réellement une
extension et une contre-extension qui s'opposent au chevauche
ment. C'est cette double action que s'est surtout appliqué à faire
ressortir M. De Roubaix . Entourant la jambe de toutes parts, et
l'entourant exactement , se moulant sur toutes ses inégalités, il
refoule également de tous les côtés les chairs vers les os, et tend
ainsi à les empêcher de se porter vers un côté plutôt que vers
l'autre. C'est pour que cette force contentive et la compression,
dont j'ai parlé dans le précédent paragraphe, ne cessent pas leur
action qu'il importe de sectionner le bandage et d'en rapprocher
les valves. En effet, comme je l'ai déjà dit, par la dessication le
bandage devient plus large, et d'autre part, le membre, toujours
plus ou moins engorgé, diminue de volume par la douce compres
- 13

sion qu'il supporte. Il faut également par la suite, tous les huit
jours par exemple, voir s'il ne faut pas encore le resserrer : car
sous l'influence de cette même compression et de l'immobilité, le
membre tend également à diminuer de volume, la nutrition y étant
moins active.
De plus, l'appareil exerce par lui-même, et sans aucun secours
étranger, l'extension et la contre-extension . Cela résulte immédia
tement de sa construction, en vertu de laquelle il se moule sur
toutes les saillies, sur tous les enfoncements que présente le mem
bre, et en suit avec une exactitude mathématique tous les contours,
Il tend de cette manière à maintenir ceux-ci dans la même posi
tion relative : ainsi le genou ne peut pas changer de place par
rapport aux malléoles, au talon , aux orteils; la distance qui sépare
ces diverses parties ne peut changer , elle doit rester ce qu'elle
était d'abord. En effet, pour que le pied se rapproche du genou ,
que faut-il ? Il faut que la partie du bandage qui recouvre l'une
de ces deux parties cède, qu'elle perde sa forme; or le bandage ,
parfaitement desséché, est inflexible ; il ne peut donc pas céder ,
et les deux parties qu'il maintient éloignées ne peuvent se rap
procher. Cette propriété repose sur l'inflexibilité, c'est-à- dire
sur la solidité de l'appareil ; c'est dire assez qu'il ne la possède
pas encore lors de son application. Il ne l'acquiert qu'à mesure
qu'il se dessèche. De là la nécessité, dans les fractures obliques,
de pratiquer, en attendant, l'extension et la contre-extension au
moyen de poids, ou d'entourer la jambe de cartons secs qui don
nent immédiatement à l'appareil la solidité qui lui manque. ·
S XI,
C. Il met le membre dans une parfaite immobilité .
Cette action est la conséquence de l'accommodement exact de
l'appareil à loutes les saillies du membre , et de sa solidité, qui lui
permet de résister aux mouvements que le malade tend à impri
mer à la partie blessée. C'est pour que cette immobilité soit par
faite que les attelles en carton doivent s'étendre d'une part au
dessus du genou , d'autre part le long des bords latéraux du pied.
Les mouvements qui pourraient se passer dans les articulations
tibio-tarsienne et fémoro -tibiale tendraient en effet à déranger les
fragments de leur position , et il importe par conséquent de les
rendre impossible.
Par suite de son action contentive et de la compression circu
laire qu'il exerce, le bandage amidonné met obstacle, comme on l'a
déjà vu , à la contraction musculaire . Ceci est essentiel pour que
l'immobilité soit complète : car, les articulations étant maintenues
dans l’immobilité, les muscles en se contractant pourraient fort
bien amener le chevauchement. La production de celui-ci est donc
empêchée de deux manières différentes. Elle l'est par l'action
extensive et contre -extensive, elle l'est encore par une action di
recle sur les agents actifs du chevauchement, sur les muscles.
Le bandage amidonné , mettant les articulations dans l'impossi
bilité complète de changer de rapports, maintient très-exactement
la position qu'on a jugé à propos de donner à la jambe. Si c'est
l'extension , il la maintient étendue ; si c'est la demi-flexion, il la
maintient fléchie. De cette propriété qu'il a de maintenir toute la
partie qu'il enveloppe dans une parfaite immobilité, résulte donc
la possibilité de son emploi dans la position demi-fléchie, possibi
lité que j'ai déjà établie. J'ai décrit en même temps les modifica
tions à apporter à l'appareil lorsqu'on veut l'appliquer dans cette
position (voir S VII).
S XII.
D. L'appareil amidonné permet aux blessés les mouvements
généraux,jusques et y compris la marche.
Toutes les parties du membre sont maintenues par rapport les
unes aux autres dans une parfaite immobilité : nous venons de
voir comment de la forme de l'appareil découle cette propriété.
A son tour, elle amène comme conséquence nécessaire celle que
nous venons d'énoncer en tête de ce paragraphe. En effet, la
jambe, le pied et la partie inférieure de la cuisse ne forment plus
qu'un seul tout, et dès qu'une de ces parties est déplacée, portée
d'un côté ou d'autre, les autres la suivent nécessairement, et se
meuvent tout d'une pièce. Le blessé peut donc se retourner dans
son lit, et se mettre successivement sur le dos et sur l'un et l'autre
côté. Il peut également se mettre sur son séant, et par conséquent
aussi s'asseoir sur une chaise ou dans un fauteuil, en tenant la
jambe blessée dans la position horizontale, sur une chaise, ou sur
une planche disposée convenablement, ou sur une pile de coussins,
Enfin , rien n'empêche qu'il ne se lève et ne marche ; car toujours
toute la partie du membre comprise dans le bandage ne pourra
se mouvoir que d'une pièce, et l'immobilité complète des parties
lésées sera maintenue, et avec elle la contention , l'extension et la
contre-extension. Il ne faut pourtant pas permettre à la jambe
blessée d'appuyer sur le sol , car le poids du corps écraserait le
bandage, et la contraction musculaire répétée jointe à cela con
tribuerait également à le déformer. De là la nécessité d'avoir des
béquilles assez hautes qui s'appuient sous les aisselles, et un sus
penseur cervico -tarsien qui maintienne le pied à distance du sol .
15

Si les deux jambes étaient cassées en même temps, il conviendrait


d'interdire la déambulation et de se borner à asseoir le malade
dans un fauteuil. Cette méthode permet également le transport
des blessés, sans qu'on doive craindre les douleurs ni le déran
gement des fragments : avantage précieux pour la chirurgie mi
litaire.
S XIII.
Le bandage de Scultet, qui est encore le plus généralement em
ployé pour les fractures de la jambe, ne comprime pas le membre
circulairement , mais latéralement ; il ne le comprime pas également
dans tous les sens, mais seulement aux points où les attelles le
touchent. M. De Roubaix a surtout insisté sur ce mode d'action ,
et sur les inconvénients qui y sont attachés . Il tend, non pas à main
tenir les fragments en place, mais à les pousser vers les points
dépourvus d'attelles. N'étant pas maintenu en un tent par une
substance agglutinative, il tend aussi sans cesse à se relâcher, et
alors les altelles, qui n'appuyent sur le membre qu'en certains
points, tendent à se déranger et à glisser. Quant à l'extension
et à la contre-extension , il ne renferme rien qui puisse contri
buer à les exercer, et quand elles sont nécessaires, on est obligé
d'employer les lacs et les poids. Le membre n'est donc plus
maintenu dans une parfaite immobilité , et non-seulement la
marche, mais même la position assise et les mouvements dans le lit
ne peuvent être permis, les fragments pouvant se déranger facile .
ment .
Le bandage inamovible de Larrey se rapproche davantage du
bandage amidonné ; rendu solide par une substance agglutinative,
il maintient l'immobilité ; il ne peut se relâcher. Il exerce même
jusqu'à un certain point l'extension et la contre-extension. Cepen
dant elles ne sont pas aussi complètes, parce qu'il n'emboîte pas
exactement, comme ce dernier, toutes les parties du membre, et
surtout le pied et le genou. Pas plus que le bandage de Scultet,
il n'exerce une compression circulaire autour du membre. Enfin ,
il ne peut suivre son retrait ; il peut sans doute être resserré,
mais c'est aux dépens de sa régularité et de son exacte applica
tion, de sorte que bientot il doit devenir trop large. M. Bérard a
cru qu'il pouvait permettre la déambulation ; mais il a bientôt re
noncé à cette idée. En effet, le poids, et le volume du bandage, et
cette trop grande ampleur qu'il acquiert souvent au bout de quel
que temps, doivent y mettre obstacle.
L'appareil en plâtre, déjà connu des Arabes, n'a jamais eu beau
coup de partisans, bien que Dieffenbach ail cherché à le faire pa
10

ser dans la pratique. En se solidifiant, le plâtre éprouve un retrait


par suite duquel le moule se rétrécit, et exerce sur la jambe une
compression qui peut devenir fâcheuse ; aussi pour l'éviter a-t-on
entouré le membre de compresses qui le séparent du plâtre, et
qu'on retire dès quela solidification s'est opérée. Lorsqu'on agit
ainsi, on a un appareil qui contient exactement le membre et qui
le maintient dans une immobilité parfaite. Mais d'autre part au
bout de quelques jours, l'appareil est devenu trop large, la con
tention n'est plus exacte, et on n'a aucun moyen de la rétablir.
L'appareil en lui -même est fragile; il est gênant par son poids ;
quant aux mouvements généraux , le blessé peut se mettre sur son
séant, et même se retourner dans son lit ; quant à se lever, à s'as
seoir, à marcher, évidemment on ne peut pas même y penser.
M. Gustave Koepl , de Vienne, chirurgien du Roi, a dans ces
derniers temps introduit dans notre pays l'usage de la gutta per
cha. Cette substance provient des Indes, et surtout de l'ile de
Bornéo ; elle ressemble assez au caoutchouc , mais elle est dure,
non élastique, et jouit de la remarquable propriété de se ramollir
à la température de 60° R.; elle a été appliquée au traitement des
fractures, surtout à l'hôpital St-Jean, par M. le professeur A. Uyt
terhoeven. Elle se moule alors sur les contours des corps qu'elle re
couvre, et se solidifie presque instantanément par le refroidisse
ment. On l'emploie sous forme de gouttière dans laquelle repose
la jambe, et dont les bords sont reliés par des lanières de la même
substance. La gutta percha n'enveloppe pas la jambe de toutes
parts ; la contention qu'elle exerce ne peut donc pas être parfai
tement exacte, elle ne détermine sur les parties aucune compres
sion ; le moule devient bientot trop large, sans que sa résistance
permette de le resserrer , de sorte que, si l'on veut qu'il reste
approprié, il faut le renouveller assez souvent, ce qui oblige à sou
lever et à remuer la jambe et à déranger les fragments . De plus,
cette substance, parfaitement imperméable, retient la transpira
tion, qui bientôt se corrompt sous elle, exhale une odeur infecte ,
et donne lieu à des rougeurs érysipélateuses et à des excoriations.
Cet effet se produit, quoique moins rapidement, alors même qu'entre
le moule et la peau on interpose des compresses ou de l'ouate.
Les mouvements généraux dans le lit peuvent être permis, mais
seulement avec précaution; quant à la déambulation, il ne faut pas
ý penser. Du reste, tout n'est pas dit sur l'emploi de cette sub
stance, dont M. A. Uytterhoeven cherche avec un louable empres
sement à perfectionner l'application .
L'hyponarthécie a surtout été mise en usage pour les fractures de
la jambe. Elle laisse le membre à nu, de sorte qu'il n'y a pas de com
- 17 -

pression ni de contention ; il y a seulement des liens extenseurs


et contre- extenseurs, et une planchette suspendue qui, placée sous
la jambe, suit tous ses mouvements , et empêche ainsi le déplace
ment suivant la circonférence. Cet appareil permet les mouve
ments généraux dans le lif, et même la position assise, la plan
chette pouvant être suspendue à un support placé près du fauteuil
du malade ; quant à la déambulation, elle est évidemment impos
sible . L'extension et la contre-extension ne suffisent pas pour
empêcher le chevauchement et la saillie du fragment antérieur
dans les fractures obliques.
L'opiniâtreté, avec laquelle le chevauchement tend à se repro :
duire dans certaines fractures obliques de la jambe, a fait imaginer
à M. Bougard, professeur à l'Université de Bruxelles, un appareil
destiné à remédier à cette tendance. Cet appareil, d'une construction
ingénieuse mais compliquée, a beaucoup d'analogie avec l'appareil
hyponarthécique et avec ceux employés en Allemagne par Blasius.
Il se composeprincipalement d'une plaque en tôle qui supporte le
membre, de deux autres légèrement concaves qui servent d'attelles
latérales, et d'une semelle sur laquelle on fixe le pied , et qui, à
l'aide d'une vis, pratique l'extension. Mais la pièce essentielle de
cet appareil est une plaque en tôle qui presse sur le fragment
supérieur, de manière à le pousser en arrière. La pression est
di ou augmentée à l'aide d'une vis qui appuie sur la plaque.
Celle -ci était d'abord elliptique, de 2 pouces environ de longueur,
et appuyait sur le fragment supérieur immédiatement au- dessus
de l'endroit fracturé ; mais pour en rendre la pression plus sup
portable et diminuer les chances de mortification, M. Bougard
lui a donné par la suite une plus grande longueur, de manière à
la faire porter sur presque toute l'étendue du fragment supérieur.
Le membre est placé dans la demi-flexion ; les attelles sont gar
nies de coussins ainsi que la plaque supérieure ; celle-ci surtout
doit être garnie avec soin , puisqu'elle porte sur la crête même du
tibia. Cet appareil est douéd'une force de contention convenable ;
il s'adapte assez bien au membre , les plaques et attelles of
frant une légère concavité ; les 2 attelles latérales et la plaque
supérieure sont appuyées contre la jambe à l'aide de vis, et peu
vent ainsi en être rapprochées lorsque celle-ci diminue de volume.
Il y a une extension et une contre -extension exercées à l'aide de
liens, et de plus, une pression particulière destinée à empêcher
la saillie du fragment supérieur. Toutefois, la compression circu
laire méthodique et uniforme n'existe évidemment pas. Les mou
vements généraux dans le lit sont possibles, comme avec l'appareil
hyponarthécique ; mais le malade pourrait -il se lever, soit pour
2.
18

s'asseoir , soit pour marcher, lorsqu'il a la jambe garnie de cette


machine ? J'ai à peine besoin de parler de la difficulté qu'on doit
trouver à se procurer un appareil aussi compliqué , et du prix
qu'il doit coûter.
Le but que s'est surtout proposé M. Bougard , ç'a été de re
pousser en arrière le fragment supérieur ; ce même but, M. Mal
gaigne a cherché à l'atteindre d'une manière plus simple au
moyen de sa pointe. C'est une vis terminée en pointe acérée; cette
vis se meut dans un écrou que supporte un demi-cercle en fer
battu , fixé par des liens sur une gouttière postérieure, sur laquelle
il prend ainsi son point d'appui. On place ce demi-cercle un peu
au-dessus de l'endroit fracturé, on fait descendre la vis dans
l'écrou , et on fait pénétrer la pointe à travers les chairs jusques
dans la substance de l'os . On peut en outre pratiquer l'extension
et la contre- extension selon le mode ordinaire. On peut aussi
l'appliquer en même temps que le bandage amidonné, pour réunir
les avantages des deux appareils. L'action de cet instrument est
facile à concevoir ; le seul moyen contentif est ici la pression de
la vis , et cette pression doit être bien plus considérable que dans
les appareils précédents, où elle est répartie sur de larges surfa
ces. Cependant elle est sans inconvénients, vu qu'elle agit direc
tement sur l'os , et qu'elle n'empêche la circulation dans aucun
tissu , ce qui fait qu'elle ne peut être suivie de mortification . On a
mis en doute si cel instrument était toujours innocent, et si cette
pointe pouvait ainsi séjourner des semaines dans les os et les
parties molles sans provoquer parfois de graves accidents. M. Mal.
guigne n'en a jamais observé, et l'on sait en eflet que nos tissus
supportent avec facilité la présence des corps métalliques dans
leur intérieur . J'ai à peine besoin d'ajouter qu'il permet tout au
plus les mouvements généraux dans le lit, et la position assise,
mais dans aucun cas la déambulation, à moins qu'on ne lui associe
le bandage amidonné, comme je l'ai dit plus haut.
S XIV.

De l'examen succinct que je viens de faire des différents


appareils qu'on met en usage pour le traitement des fractures
simples de la jambe, il me semble résulter évidemment que
celui qui mérite la préférence, est l'appareil amovo -inamovible.
En effet, il exerce une compression douce et uniforme, favorable
à la résolution de l'engorgement qui accompagne toute fracture,
et au relâchement musculaire. Son action contentive est répartie
sur toute la surface du membre, c'est-à- dire sur la plus grande
19

étendue possible, ce qui fait qu'elle peut être très- efficace sans
fatiguer les parties . On peut dire la même chose de la propriété
extensive et contre- extensive , dont il est doué indépendam
ment de tout accessoire. Il maintient la jambe dans une immo
bilité parfaite, ce qui le rend agalement applicable à toutes les
positions. Il permet de l'inspecter quand on le veut, et suit en
quelque sorte ses variations de volume. Il permet les mouvements
généraux , jusques et y compris la déambulation, sans aucun pré
judice pour la consolidation . Enfin, et ce n'est pas le point le moins
important pour la pratique, ses éléments se trouvent partout, et
sont partout à vil prix . On a pu voir par ce qui précède qu'aucun
autre appareil ne possède tous ces avantages réunis.
Après le bandage amovo-inamovible, les appareils qui convien
nent le mieux sont l'appareil hyponarthécique pour les fractures
transversales, et celui de M. Malgaigne pour les fractures obliques.
L'appareil de M. Bougard possède sans doute de grands avanta
ges ; mais il faut reconnaitre que le bandage amovo-inamovible les
possède aussi à un degré plus éminent.En effet, la contention ne
peut pas être aussi exactement circulaire ni aussi étendue que
dans le bandage amidonné. La compression qu'il exerce ne peut
pas non plus être uniforme et graduée. L'extension et la contre
extension sont appliquées sur des points isolés, et non sur de larges
surfaces; le blessé ne peut se lever ; enfin , la complication, le prix
élevé de cet appareil et l'impossibilité de se le procurer partout
semblent en interdire l'emploi ailleurs que dans les grands hôpi
paux. Mais, dira- t-on , il jouit cependant d'une action que n'a pas
le bandage amidonné : c'est l'action compressive sur le fragment
supérieur. Au premier abord , cela peut paraître vrai; mais n'est-il
pas possible de doter de cette action le bandage amidonné, que
nous avons vu jusqu'à présent se plier avec tant de facilité à toutes
les exigences ? Pour y parvenir, il suffit de placer sur la crête du
tibia un carton bien matelassé, de façon que le remplissage soit
plus épais sur le fragment supérieur que sur l'inférieur. On peut
encore appliquer sur ce fragment un paquet de compresses super
posées, supportant une attelle en bois qui s'avance inférieurement
jusque sur le cou-de-pied ; cette attelle est fixée sur les compresses
par un lien ; un autre lien appliqué sur sa partie libre lui fait
exercer sur le paquet de compresses une pression qu'on peut
varier à volonté . On verra ce moyen appliqué dans la 3e obser
vation placée à la suite de cette thèse.
Pour ce qui est de l'appareil de M. Malgaigne, je le préfère à
celui de M. Bougard, à cause de sa simplicité et de l'absence
d'une compression des parties molles qui peut facilement être
- 20 -

portée trop loin . Pour cette dernière raison , je le préfère égale


ment au bandage amidonné, modifié, comme je viens de le dire,
dans les cas où le chevauchement est très-opiniâtre et où il y a une
tendance à la contraction musculaire spasmodique. Dans ces cas, le
mieux est de le joindre au bandage amidonné, comme je l'ai dit
à la fin du S XIII. Bien entendu que, lorsqu'on ne l'aura pas sous
la main, il faudra se contenter du bandage amidonné avec l'attelle
antérieure.
Les autres appareils dont j'ai parlé sont insuffisants dans les cas
de fractures obliques; ils sont parfaitement applicables dans ceux
de fracture transversale ; mais l'appareil amidonné ne leur serait-il
pas bien préférable, quand bien même il n'aurait sur eux que
l'unique avantage de permettre la déambulation ? Celle-ci , je le
sais, a été regardée comme une affaire de luxe ; je conçois à peine
comment des hommes sérieux ont pu émettre une pareille opinion.
Elle est toujours très-utile, et elle est même indispensable chez
les vieillards atteints de maladies chroniques.

S XV.
On a reproché à l'appareil amidonné trois graves inconvé
nients : on lui a reproché de produire facilement des eschares, de
déterminer l'aukylose des articulations du pied et du genou et
d'empêcher la formation du cal provisoire. On lui a reproché
également de cacher le membre, de ne pas permettre de l'inspec
ter et de reconnaftre son état. Mais cette objection n'a pu lui
être adressée que par des personnes qui ne le connaissaient que
d'une manière vague, et qui le confondaient avec le bandage inamo
vible. Ne résulte - t-il pas en effet de la description que j'en ai donnée
précédemment, qu'il permet de visiter la jambe à volonté, tous les
jours si on le veut, et cela sans crainte de détruire la coaptation ?
Pour ce qui est des eschares, les cartons et les bandes amidon
nées, en pressant immédiatement sur les saillies osseuses, peuvent en
déterminer ; mais on les préviendra facilement en garnissant d'ouate
ces saillies, et en ne faisant pas porter le carton postérieur sur le
talon. On reconnaitra qu'elles vont se former aux douleurs qu'é
prouvera le malade ; et alors encore il sera temps de prévenir
leur formation par l'interposition d'un corps mou protecteur.
Chez les vieillards, il est vrai , elles peuvent se développer sans
être précédées de douleurs ; mais pour les éviter, on n'a qu'à ouvrir
l'appareil du 2° au 3e jour, comme j'en ai donné le précepte (S III),
pour s'assurer s'il n'y a pas de points rouges ou excoriés, et vi
siter la jambe assez souvent par la suite.
21

Certainement si l'on n'y veille pas, l'apkylose s'établira, tant dans


l'articulation du genou que surtout dans celle du pied. L'appareil
amidonné maintient en effet plus que tout autre les articulations
dans l'immobilité , et c'est là une condition qui nous garantit l'exac
titude avec laquelle il maintient aussi la coaptation des bouts frac
turés, et empêche jusqu'aux moindres mouvements qui pourraient
s'y passer. De cette immobilité prolongée devrait en effet résulter
dans beaucoup de cas l'ankylose ; mais, en y faisant attention, rien
de plus facile que de l'éviter. Il suffit pour cela de faire exécuter
de temps en temps aux articulations susdites des mouvements de
flexion et d'extension , et il suffit de les commencer au bout de
trois semaines , alors que le cal commence à acquérir de la consis
tance. Toutefois, si la fracture est voisine de l'articulation, il con
vient d'attendre jusqu'à la quatrième semaine. Il n'est pas néces
saire d'enlever le bandage, comme on pourrait le croire , au premier
abord ; on atteint parfaitement le but en le ramollissant avec de l'eau
au voisinage des articulations, ou bien encore mieux en y incisant
les attelles latérales perpendiculairement à l'incision longitudinale
du bandage. On fait ensuite jouer les articulations, en maintenant
l'appareil bien serré autour de la jambe pour empêcher tout dé
placement. Ici donc encore, la contention exacte, parfaite, qu'exerce
l'appareil , loin d'être un défant, comme il semblait d'abord, est
encore une qualité : car elle permet d'imprimer ces mouvements
sans crainte de déranger le cal à peine formé. Du resle , je dois
ajouter que je n'ai jamais vu ces ankyloses dont on fait tant de
bruit, si non dans des fractures voisines des articulations ; et en
core dans ces cas se dissipent-t-elles au bout de quelques mois.
MM. Nanula , Petrunti et Malgaigne ont prétendu que le ban
dage amidonné mettait obstacle à la formation du cal provisoire,
et pouvait ainsi empêcher la consolidation . Tout en lui faisant ce
reproche, ces auteurs ont implicitement rendu hommage à sa pro
priété contentive ; elle serait selon eux trop exacte. Souvent en
effet, j'ai vu des fractures de jambe , même obliques, guéries sans
que le toucher fìt constater à l'endroit de la fracture la moindre
tumeur, sans qu'il y eût sur la crèle du tibia une inégalité qui
permît de le reconnaitre. J'ai même vu des chirurgiens en indiquer
un autre ; et, si la fracture n'avait pas été dès le début dûment
constatée, ou aurait à coup sûr douté de son existence... Et pour
tant la consolidation avait eu lieu, et au bout du temps ordinaire,
et elle était parfaite. Pourquoi en effet les os , immédiatement et
exactement affrontés, ne pourraient-ils pas se réunir, comme les
plaies, par première intention ? Pourquoi le suc osseux devrait-il
de toute nécessité s'épancher d'abord aux environs de la frac
22

ture ? Pourquoi ne pourrait-il pas tout d'abord se concentrer


entre les bouts fracturés ? Les faits dont je viens de parler doivent
bien faire admettre qu'il en est ainsi. L'obstacle à la formation
du cal provisoire est donc plutôt une qualité qu'un défaut ; et si
MM. Nanula , Petrunti et Malgaigne ont observé des cas de non
consolidation, il y avait sans doute d'autres causes auxquelles on
aurait dû l'attribuer .
S XVI.

Dans ce qui précède, j'ai indiqué les motifs qui me font


accorder au bandage amidonné la préférence sur tous les au
tres appareils employés pour le traitement des fractures sim
ples de la jambe. Mais est-ce bien tel que je l'ai décrit , dans
toute sa simplicité primitive qu'il convient de l'employer ? N'a-t-il
pas subi , depuis qu'il est sorti des mains de son inventeur, de no
tables perfectionnements ? Telle est la question qui va maintenant
m'occuper .
Quatre grandes modifications ont été apportées au bandage
amidonné. M. Velpeau d'abord a substitué à l'amidon la dextrine ;
M. Lafargue, de St-Emilion, y a substilué le plâtre uni à l'amidon ;
M. Laugier a remplacé les bandes par du papier goudronné ; enfin ,
M. de Lavacherie a proposé d'appliquer sur la peau une pièce
d'emplâtre agglutinatif. La dextrine se dessèche plus rapidement
que l'amidon ; elle donne aussi à l'appareil plus de solidité , à tel
point qu'elle permet de se passer d'attelles en carton. Mais à quoi
sert une dessication un peu plus rapide, dès qu'elle n'est pas im
médiate ? Et quant à cette grande solidité , c'est un défaut, car
elle rend la section du bandage très- difficile , et ne permet pas
d'en écarter ni d'en rapprocher les valves : aussi , quand lemembre
diminue de volume, M. Velpeau n'a-l-il rien de mieux à faire que
de ramollir son appareil en le plongeant dans l'eau, soit pour l'en
lever , soit pour le resserrer par l'application de nouvelles bandes.
De plus, la dextrine est difficile à se procurer , tandis que l'ami
don se vend à vil prix, se trouve jusque dans la inoindre chau
mière, et peut même être remplacé par du pain, de la pâte, de la
farine, etc. On peut dire la même chose du plâtre uni à l'amidon
de M. Lafargue ; seulement il a de plus l'inconvénient de salir
fortement et dedéchirer les literies. Quant aux fils d'archal que le
même praticien prétend substituer aux attelles en carton, je crois
celles-ci au moins aussi convenables et plus faciles à se pro
curer.
Les bandelettes de papier de M. Laugier sont plus difficiles à
se procurer que les bandes en toile ; elles ne permettent pas comme
23

celles-ci d'exercer une compression régulière et graduée; elles se


déchirent facilement ; enfin , elles forment un bandage qui , comme
les deux précédents, est trop dur, trop raide pour que ses valves
puissent être écartées après la section sans déranger le membre .
M. de Lavacherie enveloppe immédiatement la jambe d'une
pièce d'emplâtre agglutinatif fendue en trois chefs de chaque côté,
comme le bandage à dix - huit chefs. Il place ensuite par dessus,
soit l'appareil amidonné simple , soit l'appareil en papier de
M. Laugier. A quoi sert cet emplâtre agglutinatif? On ne le voit
pas trop ; mais un fait, c'est qu'il rend la section du bandage trop
pénible, qu'il adhère fortement aux poils, et qu'ici comme partout
il peut occasionner des érysipèles. Aucun motif ne milite donc
pour l'adoption de cette modification ; et il y en a au contraire
qui doivent la faire repousser.
De l'examen succinct auquel je viens de me livrer , il résulte
qu'aucune de ces modifications ne constitue un perfectionnement.
Toutes rendent l'appareil plus coûteux , plus difficile à appliquer ;
toutes emploient des ingrédients qu'on ne trouvera pas partout
sous la main . Si avec cela elles avaient un avantage quelconque
sur le simple bandage amidonné, on pourrait passer sur ces incon
vénients ; mais loin de là, elles présentent bien plutôt des défauts
dont il est exempt . Je pense donc que le bandage amidonné, tel
que son inventeur l'emploie, est encore le plus convenable, et que
jusqu'à présent , on n'a rien trouvé qui puisse le remplacer.
S XVII.
Faut-il dans une fracture simple de la jambe un traitement
général ? Et de quelle nature doit-il être ? Dans les cas ordi
naires , il suffit de diminuer un peu le régime du malade pen
dant les deux ou trois premiers jours, sans même le mettre à la
diète. S'il se déclare un peu de réaction , ou si on la craint , ou bien
si l'individu accuse un appétit désordonné, on lui donnera de l'é
métique ; ce médicament sera toujours sans inconvénients . C'est
seulement dans le cas où le sujet est pléthorique , disposé aux in
flammations et aux congestions , qu'on doit lui pratiquer une sai
gnée. Du reste, comme je l'ai déjà dit, le plus sûr préservatif contre
l'inflammation , c'est la douce compression exercée par l'appareil.
Combien de temps l'appareil doit-il rester en place pour assurer
au cal une solidité suffisante ? On conçoit que ce lerine n'est pas
le même chez tous les individus , et qu'il varie avec la vilalité des
tissus. Toutefois, il est en moyenne de 45 à 50 jours chez l'adulte,
de 2 mois chez le vieillard , de 5 semaines chez l'enfant; au bout
de ce temps donc , on enlèvera l'appareil et on examinera le
24

membre, afin de reconnaître si la consolidation est suffisamment


avancée. Si elle l'est, en saisissant d'une main le tibia au -dessus
de la fracture, et en imprimant de l'autre des mouvements au pied ,
on ne doit plus voir aucune mobilité entre les fragments. Dans cet
essai, il faut se tenir en garde contre la mobilité de la peau ; car
on la fait glisser sur les os, et ce glissement en impose facilement
pour des mouvements de l'un des fragments sur l'autre , surtout
dans les cas de fracture oblique.
Lorsqu'on s'est de cette façon assuré que la consolidation est
suffisante, on enlève l'appareil . On ne laisse pas le membre à nu ,
car ce ne serait pas impunément que la circulation , si longtemps
gênée, serait tout à coup rétablie dans toute sa liberté primitive ;
il s'en suivrait tout pour le moins un engorgement considérable.
On entoure donc la jambe d'une bande roulée , qu'on laisse pen
dant quelques jours. En même temps le malade s'exerce à la
marche, mais avec précaution et en s'appuyant sur un bâton ou
une béquille : car un faux pas , la moindre chute, suffiraient pour
rompre le cal incomplètement solidifié.
CHAPITRE III .

Traitement des fractures simples de l'un des os de la jambe.


Chacun des deux os de la jambe peut être fracturé isolément :
il faut donc distinguer les fractures du tibia et celles du péroné .
Elles sont, en général, moins graves et moins difficiles à traiter
que les précédentes , l'os resté intact servant d'attelle à l'os brisé.
Cela n'empêche pas que les fractures du péroné surtout ne soient
souvent suivies de déplacements qui méritent toute l'attention du
chirurgien .
Les fractures du tibia, les moins fréquentes de toutes, n'exigent
pas d'autre traitement que les fractures complètes de la jambe .
Comme il n'y a pas ici de raccourcissement ni de chevauchement
possible, il n'y a pas lieu de discuter si la demi- flexion n'est pas à
préférer à l'extension. Cette dernière sera donc admise sans con
iestation . Elle est même prescrite par A. Cooper pour les fractures
de l'extrémité supérieure, parce que, dit-il, la surface articulaire
du fémur sert en quelque sorte d'attelle pour maintenir immobile
le fragment supérieur du tibia. Celles qui pénètrent dans l'articu
lation tibio -tarsienne ne permettent d'imprimer des mouvements
à cette articulation qu'assez tard, comme j'ai déjà eu occasion de le
dire, après quatre semaines à un mois par exemple. Aussi laissent
elles une roideur assez considérable, qui ne peut se dissiper que
par le temps et l'exercice. (La suite à un prochain numéro . )
25

Les fractures du pérc sé offrent plus d'intérêt et exigent des


moyens plus variés que celles du tibia : aussi ont-elles beaucoup
occupé les chirurgiens. Leurs indications ont été bien saisies par
Boyer et Dupuytren ; mais elles ont surtout été précisées avec
exactitude dans ces derniers temps par M. Maisonneuve. Elles ont
lieu par cause directe ou indirecte ; les premières n'offrent rien
de particulier, et leur traitement est celui des fractures précé
dentes; parmi celles par cause indirecte, M, Maisonneuve a établi
trois variétés, distinctes par leur siége, le déplacement qu'elles en
trainent, et les indications qu'elles réclament. Ces trois variétés
sont les fractures par arrachement, les fractures par diastase, et
les fractures par divulsion .
Dans la première, c'est la malléole péronéale qui est brisée ;
elle est en quelque sorte arrachée par les ligaments péronéo
tarsiens, tendus par un mouvement d'adduction du pied. Rarement
il y a déviation ; cependant les auteurs rapportent avoir vu le dos
du pied regardant en dehors, et la plante en dedans. Comment
expliquer cela ? C'est que sans doute, dans ces faits exceptionnels,
la fracture avait eu lieu au -dessous du ligament qui unit le tibia au
péroné ; de cette façon, le fragment de celui-ci avait dû facilement
être entraîné par le pied dans son mouvement d'adduction, et cette
position avait pu persister après que la cause avait cessé son action.
Au contraire, dans les cas ordinaires, la rupture a lieu en un des
points qui donnent attache au ligament ; de cette façon, celui- ci re
tient le fragment en place, la mortaise jambière reste complète , et
dès que la violence a cessé son action, le pied doit reprendre sa
position normale. De ce siége au point où s'attache le ligament
tibio-péronier, résulte sans doute aussi la difficulté avec laquelle
on produit la crépitation. Quant au traitement, le bandage ami
donné simple est encore ici ce qu'il y a de mieux.
Dans la fracture par diastase , la pointe du pied est déviée en
dehors ; l'astragale tourne ainsi dans la mortaise jambière, autour
de son axe vertical , et tend à l'élargir. Cet élargissement s'opère
en effet par le tiraillement des ligaments tibio-péroniers et leur
rupture, et consécutivement le péroné , qui presse désormais sur
le tarse sans plus être soutenu par le tibia, se casse. Il se casse à
sa partie la moins forte, c'est-à-dire à son tiers supérieur. Il y a
par conséquent dans cette variété écartement des deux malleoles.
Pour réduire et rendre au membre sa conformation primitive, il
faut les rapprocher; ce rapprochement est parfaitement maintenu
par le bandage amidonné , qui encore une fois-suſlit, à lui seul, à
toutes lesindications.
La fracture par divulsion se produit dans deux circonstances
3
- 26

différentes. Si dans le cas précédent le ligament ne cède pas,


l'effort, exercé contre la malléole externe pour la porter en dehors
et élargir la mortaise , agit immédiatement sur le péroné , et le
casse à 2 ou 3 pouces au- dessus du sommet de la malléole. La
même chose a lieu dans le renversement du pied en dehors, dans
l'abduction forcée ; seulement ici c'est le calcanéum qui presse
contre la malleole externe . Au premier abord , il semble donc que
cette variété puisse se produire par deux mécanismes différents,
et le dernier paraît se rapprocher beaucoup plus de celui des
fractures par diastase que du premier. Dans les fractures par
diastase, nous avons vu en effet le péroné pressé de bas en haut
par le tarse ; n'est-ce donc pas ici la même chose ? Et pourquoi,
dans l'un des cas, la fracture affecte - t - elle la partie supérieure de
l'os, dans l'autre sa partie toute inférieure ? La chose semble dilfi
cile à expliquer ; toutefois, en y songeant un peu, on trouve qu'elle
est parfaitement rationnelle. Dans le premier cas , l'astragale, en
tournant sur son axe vertical , tend à porter en dehors la malléole
externe ; mais le ligament tibio-péronier résiste ; tout l'effort doit
donc tendre à courber le péroné vers sa partie inférieure, de telle
sorte que la malléole se porte en dehors ; si cet effort est suffisant,
cette partie inférieure devra donc céder , et elle cédera dans sa
partie la moins résistante, c'est-à-dire dans la partie qui surmonte
immédiatement la malléole. — Dans le second cas, le pied est ren
versé en dehors ; le calcanéum vient presser contre la malléole
externe ; mais est -ce directement de bas en haut qu'il presse ?
Évidemment non, c'est de bas en haut et de dedans en dehors ; la
malléole est donc encore une fois sollicitée à se porter en dehors,
et en obéissant à cette tendance, elle courbe dans ce sens la partie
inférieure du péroné et la brise tout à fait, comme dans le cas
précédent. - En définitive , le mécanisme intime de la fracture
par divulsion est donc le même dans les deux circonstances qui le
produisent : toujours la malléole externe est portée en dehors et
le péroné courbé dans sa partie inférieure. Dans la fracture par
diastase, au contraire, il est séparé du tibia, et il est poussé direc
tement de bas en haut par le pied qui ne s'est pas renversé. Aussi
dans ce cas, n'est-ce pas la partie la plus faible du quart inférieur
qui cède, mais la partie la plus faible de l'os considéré tout en
tier, c'est-à - dire son tiers supérieur.
La fracture par divulsion a surtout attiré l'attention de Boyer et
de Dupuytren , parce qu'elle est la plus fréquente, et celle où le
déplacement est le plus fort et le plus opiniâtre. Ce déplacement
consiste essentiellement dans une déviation du pied en dehors :
de là résultent la saillie de la malléole interne , le déjeutement
- 27

de la malléole externe en arrière et en dehors , l'écartement des


malléoles, et la saillie antérieure du fragment supérieur. Quelque
compliqué que soit ce déplacement , son origine est toujours la dévia
tion du pied : c'est donc elle que le traitement doit avoir en vue de
corriger ; tout le reste, n'en étant que la conséquence, cessera néces .
sairement en même temps que la cause . Pour opérer la réduc
tion, il faut donc porter le pied la pointe en dedans ; et pour la
maintenir, il faut l'empêcher de se dévier de nouveau en dehors.
L'appareil amidonné remplit parfaitement cette indication , mais
seulement quand il est sec ; tant qu'il ne l'est pas , il pourrait n'être
pas assez résistant et céder ; il faut lui adjoindre lemporairement
un auxiliaire. Cet auxiliaire , on le trouve dans l'attelle de Du
puytren. Le bandage amidonné étant appliqué comme précédem
ment, on place, le long de la face interne de la jambe, un coussin
de bulle d'avoine qui ne dépasse pas la malléole interne ; sur ce
coussin on applique une altelle en bois assez forte, qui dépasse le
pied de quelques pouces ; puis on fixe l'attelle au moyen de bandes
amidonnées qui entourent successivement la jambe et le pied ;
celui-ci, portant à faux, est ramené par la bande qui l'entoure vers
l'attelle, qui est rendue immobile par celles qui la fixent con
tre la jambe. Au bout de deux fois 24 heures , on peut enlever
cetle attelle, devenue inutile par la solidification de l'appareil sous
jacent.
On a également appliqué aux fractures du péroné le bandage
de Scultet, le bandage inamovible de Larrey, et l'appareil en gulta
percha . Comme on vient de le voir, je leur préfère l'appareil ami
donné, et cela pour les mêmes raisons que j'ai énumérées en par
lant des fractures complètes de la jambe. En effet, ici aussi il
exerce une compression à la fois résolutive et contentive ; il main
tient les parties dans la position qu'on leur a donnée , et dans
l'immobilité ; il peut être sectionné et resserré s'il devient trop
large; enfin , ilpermeten même temps toute espèce de mouvements
généraux, y compris la déambulation .
L'appareil restera en place chez l'adulte pendant 40 jours,
après quoi on l'enlèvera et on le remplacera par une simple bande
roulée. En même temps , le malade s'exercera à la marche, avec
les précautions indiquées à la fin du chapitre précédent .
Les fractures par arrachement sont souvent compliquées de
fracture de la malléole interne ; cependant , le tibia n'étant pas
cassé dans son corps, on ne peut pas dire qu'il y a fracture com
plète. Celles par diastase sont toujours, comme nous l'a montré le
mécanisme de leur production, compliquées de rupture du liga
ment interosseux péronéo - tibial. Celles par divulsion le sont très
28

souvent de fracture de la malléole interne ou de rupture des liga


ments tibio-tarsiens internes. Néanmoins, ces cas ne peuvent être
rangés dans la catégorie des fractures compliquées dont je vais
parler. Le bandage amidonné suffit du reste parfaitement pour les
traiter .
CHAPITRE IV .

Du traitement des fractures comminutives et compliquées de la jambe.


SI .
Les fractures de la jambe, qu'elles soient complètes ou bornées
à un seul des deux os , peuvent être compliquées de divers acci
dents qui méritent d'être pris en grande considération dans le
traitement. Ce sont : 1° la contusion violente ; 2° l'inflammation ;
3° l'irréductibilité ; 4 ° les plaies ; 5° l'hémorrhagie ; 6° la gangrène ;
7° la luxation du pied ; 8° le délire nerveux ; 9° le tétanos ; et
10° certaines cachexies , la syphilis , la scrofule, le scorbut, le can
cer, qui influent sur la consolidation .
Pour ce qui est des fractures simplement comminutives, ne dif
férant des fractures simples que parce que l'os est brisé en plu
sieurs fragments, les seules indications qu'elles réclament sont la
plus parfaite immobilité et la contention la plus exacte ; ces indi
-cations sont, comme nous l'avons vu dans le chapitre II , mieux
remplies par l'appareil amovo-inamovible que par tout autre.
S II.
Toute fracture est nécessairement accompagnée de contusion ;
aussi celle-ci ne peut-elle être considérée comme complication que
lorsqu'elle est forte. Dans ces cas, il faut réduire de suite, et ap
pliquer le bandage amidonné : car la présence des fragments au
sein des tissus mous ne ferait que les disposer à l'inflammation , et
d'autre part la compression est le meilleur des résolutifs. En même
temps , si l'individu est fort, ou s'il y a des signes de réaction , on
pratiquera une saignée ; dans tous les cas, on donnera l'émétique.
Si tous les tissus sont réduits en bouillie, comme il arrive par
le choc d'un boulet de canon , il faut pratiquer immédiatement
l'amputation.
Lorsqu'il y a inflammation des parties environnant la fracture,
la première chose à faire est encore de réduire de suite , si déjà
on ne l'a fait. On a dit, il est vrai, que les efforts de la réduction,
que la douleur qu'elle causait, devaient augmenter l'inflammation ;
mais la présence au milieu des parties molles des bouts de frag
ments, qui les piquent et les irritent, ne l'augmentera-t-elle pas

2
29

bien davantage ? Et , dans les fractures obliques surtout, ne doit


on pas craindre que le tibia non remis en place ne gangrène la
.
peau ? Aussi voyons-nous les plus grands maîtres, Dupuytren ,
M. Bégin, M. Velpeau , se prononcer pour la réduction immédiate.
La réduction effectuée , il s'agit de la maintenir ; il faut donc de
suite appliquer un appareil convenable. Le plus convenable pour
assurer la contention est, comme on l'a vu, l'appareil amidonné ;
il l'est aussi au point de vue de la complication , la compression
exerçant une action antiphlogistique des plus efficaces. En même
temps on fera une saignée ou même plusieurs s'il y a lieu, et on
administrera l'émétique, seul ou uni à un purgatif salin. Bien en
Tendu que la dière, les boissons rafraichissantes et délayantes, sont
de rigueur.
SIII.
L'irréductibilité des fragments provient de la contraction spas
modique des muscles. Pour la vaincre , on essaie d'abord l'in
fluence des positions : ainsi la jambe sera placée successivement
dans l'extension et dans la demi- flexion . Si aucune de ces deux
positions ne permet la réduction, on cherche à fatiguer les mus
cles par des efforts extensifs et contre-extensifs soutenus, puis, si
on a pu l'obtenir , on la maintient par l'appareil amidonné, ou
mieux encore par la pointe de M. Malgaigne, si on l'a sous la main.
C'est seulement dans le cas où l'on ne pourrait pas, par les efforts
extensifs soutenus, fatiguer suffisamment l'action musculaire qu'il
faut songer à d'autres moyens. On peut employer le chloroforme,
qui, lorsqu'il agit pleinement, jette tous les muscles de la vie
animale dans le relâchement ; mais il faut s'en défier, car il peut
aussi occasionner des mouvements convulsifs, et donner par là lieu
à de graves accidents. On en verra un exemple dans l'observa
tion III que je rapporte. Mieux vaut faire la section du tendon
d'Achille, qui paralyse de suite et à coup sûr les plus puissants des
muscles de la jambe , ceux qui agissent avec le plus d'efficacité
pour produire le chevauchement. L'appareil est ensuite appliqué
comme dans les cas simples .
S IV.
Un accident plusgrave que les précédents , ce sont les plaies . Elles
se produisent de deux inanières :tantôt c'est directementpar l'action
du corps fracturant ; tantôt c'est par la pression exercée sur la
peau par l'un des fragments. Presque toujours elles accompagnent
des fractures obliques complètes de la jambe, et siégent au -devant
de la crête et de la face interne du tibia ; presque toujours aussi
elles sont compliquées d'issue du fragment supérieur , qui passe
3.
30

par la solution de continuité et s'y montre à nu. Dans ces cas, il


faut réduire immédiatement , comme toujours; mais que faire
quand on ne peut pas faire rentrer le fragment qui sort ? Cela peut
dépendre de deux causes : ou bien la plaie qui lui a livré passage
est relativement trop étroite, et ses bords, revenus sur eux-mêmes,
font boutonnière et étranglent le fragment osseux ; ou bien il y a
irréductibilité par contraction spasmodique des muscles. Dans le
premier cas, on débride la plaie pour la rendre plus large, et per
mettre à l'os de rentrer ; dans le second , après avoir essayé les
diverses positions, ainsi que les efforts extensifs énergiques , on
resèque la partie qui fait saillie, d'ailleurs destinée à être nécrosée
lorsqu'elle est restée un certain temps au-dehors. La réduction
opérée, on réunit la plaie au moyen d'un emplâtre agglutinatif, et
on la ferine aussi hermétiquement que possible ; puis on ap
plique de suite le bandage amidonné. On le fait d'après les rè
gles que j'ai posées plus haut ( chap. II , S III) ; seulement il est
bon de renforcer les attelles en carton par des plaques de zinc
ou de fer blanc, une suppuration abondante pouvant les ramollir
et détruire leur résistance. En même temps, on fait une ou deux
saignées, à moins de contre-indications , on donne l'émétique, et
on met le blessé à la diète. Beaucoup de praticiens craignent le
bandage amidonné dans ces cas, à cause des graves accidents qui
sont toujours imminents. Mais loin d'être à craindre, on peut dire
qu'il en diminue beaucoup les chances, et qu'on en voit survenir
beaucoup moins par son emploi que par celui des autres appareils
qu'on a mis en usage. Et en effet, la douce compression qu'il exerce
est peut-être le meilleur antiphlogistique local qu'on puisse
trouver ; elle prévient et modère le gonflement inflammatoire. En
suite, l'exacte contention dans laquelle il maintient les fragments,
la parfaite immobilité du membre , sont également des circon
stances on ne peut plus favorables. Il permetde visiter le membre
à volonté , de constater son état , sans rien déranger, en faisant,
au deuxième ou au troisième jour, la section du bandage. On
laisse l'emplâtre agglutinatif en place aussi longtemps qu'on le
peut. Toutefois, s'il se déclarait des accidents , ou même si sans
cela on découvrait qu'il se formât sous l'emplâtre un foyer puru
lent, de suite on l'enlèverait. Alors aussi sur la section longitudi 1

nale , on fait deux incisions transversales, de manière à circonscrire


dans l'une des valves, vis-à-vis de la plaie, une fenêtre qu'on peut
relever ou rabattre à volonté ; on peut alors reconnaître l'état de la
plaie sans toucher au reste de l'appareil. On ne le fait que tous
les six ou huit jours , ou même plus rarement, à moins que le
malade ne se plaigne de douleurs, auquel cas il importe d'en re
31

chercher de suite la cause. En outre, on pratique à l'appareil en re


gard de la plaie une toute petite ouverture ; par là s'écoule le pus,
qu'on recueille dans des gâteaux de charpie ou d'ouate placés sur
cette ouverture et maintenus par une compresse et une bande.
Le renouvellement de ces gâteaux, quand la suppuration les a im
bibés, constitue tout le pansement. Bien entendu que , si déjà la
suppuration existe quand on applique l'appareil, on ne ferme pas
la plaie, et qu'on y ménage de suite en l'appliquant les petites ou
vertures destinées à l'écoulement du pus.
Si la plaie contient des esquilles , on commence par extraire
celles qui ne tiennent plus ou seulement très-peu : ce sont les es
quilles primaires ou primitives. Celles qui adhèrent encore assez
fort pour qu'on puisse en espérer le récollement , doivent être
laissées en place, ou y être remises si elles en sont sorties. On
panse ensuite comme je viens de le dire.
Une question qui mérite toute l'attention des praticiens, c'est
celle de la position à donner au membre atteint de fracture com
pliquée de plaie. On est dans l'habitude de lui donner une position
élevée, afin de modérer l'afflux des fluides ; mais par là, d'un autre
côté, on favorise les fusées purulentes vers les parties élevées, ce
qui constitue toujours un des plus graves accidents. Il convient
donc de tenir la jambe dans une position élevée tant qu'il n'y a
pas de suppuration, c'est- à-dire pendant les trois ou quatre pre
miers jours, et de lui donner alors une position parfaitement hori
zontale ; dès que la suppuration devient abondante, surtout s'il y
a la moindre apparence que des fusées se forment, il faut même
adopter la position déclive : car il est toujours préférable que le
pus se porte vers les parties inférieures plutôt que vers les parties
supérieures. Pour ce qui est de l'engorgement que cette position
semble devoir amener, il y est suffisamment pourvu par l'action
compressive de l'appareil.
Les plaies qui pénètrent dans le foyer des fractures donnent
toujours lieu à une inflammation suppurative, à moins qu'elles ne
soient très-petites, auquel cas elles peuvent se réunir parpremière
intention. Mais trop souvent cette inflammation ne reste pas bornée
aux lèvres de la plaie, elle s'étend, envahit loute la jambe et même
une partie de la cuisse, et donne lieu à la formation de vastes
foyers purulents. Le pus alors décolle les muscles, et forme au
loin de vastes clapiers ; la plupart du temps ils'y corrompt, sur
tout sous l'influence de l'air qui y pénètre, et le blessé meurt au
milieu des symptômes de l'infection purulente. Dans ces cas mal
heureux, le bandage amidonné est encore une fois le plus conve
nable. Au début, il tend à modérer l'inflammation , conjointement
32

avec les frictions mercurielles et les moyen's antiphlogistiques gé


néraux , qui ne devront pas être négligés . En ayant soin de visiter
le membre tous les jours ou tous les deux jours, suivant la vio
lence de l'inflammation , on ne doit pas craindre la gangrène, si
redoutée de la plupart des praticiens . Plus tard, lorsque la sup
puration s'est produite, on pratique au moyen du bistouri les in
cisions convenables, on fait des injections s'il y a lieu , et on ap
plique ou on laisse le bandage amidonné , en ý ménageant des
trous qui correspondent aux incisions. Il exerce une compression
expulsive qui tend à chasser la matière vers ces trous, tout en
empêchant la pénétration de l'air, et qui, en même temps, met les
parois des clapiers autant que possible en contact , c'est-à-dire
dans la position la plus favorable au recollement . L'observation III
montrera un cas où des fusées purulentes s'étendaient presque
jusqu'au grand trochanter, et où cette méthode fut employée avec
an succès vraiment étonnant. Du reste , si c'était le lieu, je pour
rais citer des faits de phlegmons diffus, traités également avec le
plus grand succès par le bandage amidonné. Et s'il y a quelque
différence entre ces cas et ceux qui nous occupent maintenant,
elle est tout en faveur de ces derniers ; car ce qu'il y a de plus ici,
c'est la fracture, c'est - à -dire une indication de plus de maintenir
l'immobilité ; et cette indication , est-il un appareil qui y satisfasse
mieux que l'appareil amidonné ?
Considéré sous le rapport purement local, il est donc le plus
convenable ; mais il ne l'est pas moins sous le point de vue de la
santé générale du blessé. Il est en effet trois circonstances qui in
fluent de la manière la plus défavorable sur celle-ci , et favorisent
à un haut degré la production des accidents d'infection purulente.
Ce sont le séjour continu au lit, qui est éminemment débilitant ;
l'action souvent funeste de ce repos prolongé sur le moral du ma.
lade ; et enfin dans les hôpitaux le séjour dans des salles toujours
imprégnées de miasmes putrides. Ces conditions funestes sont
neutralisées par le séjour en plein air et la déambulation, que la
méthode amovo- inamovible permet seule de réaliser, et qu'elle
permet tout aussi bien dans les cas dont je m'occupe ici que dans
es cas les plus simples. J'ai à peine besoin d'ajouter qu'elle dis
pense également de tous les lits mécaniques, qui occasionnent tou
jours de grands frais et de grands embarras. Enfin , applicable
immédiatement sur le champ de bataille , dans les ambulances,
elle permet le transport des blessés sans aucun danger pour eux ;
elle permettra par là, n'en doutons pas, de conserver bien des
membres qui, avec toutes les autres méthodes, eussent été voués à
l'amputation immédiate.
33

Les fractures de jambe avec plaie étendue sont en général suivies


de l'élimination d'esquilles. Ces esquilles proviennent, les unes de
fragments détachés par la cause fracturante, et qui n'ont pu se re
coller, les autres des bouts osseux eux-mêmes, qui se sont nécrosés.
Les premières ont reçu de Dupuytren le nom d'esquilles secon
daires, les autres celui d'esquilles tertiaires. Comme nous l'avons vu
plus haut, les esquilles primitives sont celles isolées au moment même
des accidents. Ces esquilles doivent être extraites aussitôt qu'elles
sont devenues assez libres, car leur présence entretient la suppu
ration, et avec elle la possibilité des accidents qu'elle peut amener.
La fracture du péroné par divulsion, produite par un renverse:
ment du pied en dehors, est parfois compliquée de plaie par arra
chement au côté interne de la jambe, pénétrant jusque dans l'ar
ticulation. Dans ces cas , le traitement reste le même , la fracture
et la plaie articulaire indiquant déjà le bandage amidonné, alors
qu'elles existent isolément. On peut y joindre l'emploi du froid ,
qui produit de si bons effets dans toutes les plaies d'articulation :
pour cela, on place par dessus le bandage, à l'endroit correspon
dant à la plaie, des vessies pleines de glace.
Tous les appareils, dont j'ai parlé en traitant des fractures sim
ples , ont aussi été mis en usage pour les fractures compliquées.
Mais, comme je l'ai montré alors, aucun d'eux ne maintient parfai
tement la coaptation et l'immobilité du membre ; aucun n'a d'ac
tion antiphlogistique , par lui-même. La plupart doivent être de
temps en temps complétement enlevés, soit pour examiner la plaie,
soit pour les renouveler ; aucun ne permet la déambulation, ni le
transport avec pleine sécurité. Enfin , le bandage inamovible,
quoiqu'ayant souvent réussi entre les mains de Larrey, outre ses au
tres inconvénients, a encore celui de cacher le membre aux regards,
d'empêcher de l'inspecter, et de constater ainsi les fusées puru
lentes qui peuvent l'envahir. On trouvera un exemple frappant
de cet inconvénient dans l'observation III.
Dans quelles circonstances les fractures de lajambe compliquées
de plaie réclament-elles l'amputation ? On ne peut rationnellement
la conseiller que lorsque tout espoir de conserver le membre est
perdu : ainsi lorsqu'une grande partie des tissus sont désorganisés
par la contusion, ou bien lorsque la plaie est avec perte de sub
stance considérable. Dans ces cas, il faut la pratiquer immédiate
ment, afin d'épargner au blessé les chances funestes de l'inflam
mation et de la suppuration. Pour ce qui est de l'amputation con
sécutive pratiquée lorsque de vastes clapiers se sont formés, dans
le but de faire échapper le blessé aux accidents de l'infection pu
rulente, je crois qu'elle n'est jamais indiquée si ce n'est dans des
- 34 C

circonstances exceptionnelles. En effet, tant qu'on peut espérer


de sauver l'individu en lui conservant son membre, on ne doit pas
la pratiquer ; et sous ce point de vue, l'observation III montrera
tout ce qu'on peut attendre de l'appareil amidonné. D'autre part,
lorsque cet espoir n'est plus permis, les accidents en sont arrivés
à un tel point que l'amputatiou serait le plus souvent inutile.
S V.
L'hémorrhagie veineuse et capillaire ne mérite d'attirer l'atten
tion du chirurgien que chez les individus affaiblis, et lorsqu'elle
est abondante. Toujours la compression, aidée des astringents ou
du froid, en fait justice. L'hémorrhagie artérielle est plus grave ;
mais elle ne peut plus commeautrefois motiver l'amputation. Elle
peut exister avec ou sans plaie. Dans ce dernier cas , elle se re
connait aux caractères de l'anévrysme faux diffus auquel elle donne
lieu : la jambe augmente de volume , à partir de l'endroit de la
fracture; la peau est tendue, et devient bientôt blevåtre; quelque
fois on y sent des battements obscurs . Dans ces cas, il faut opérer
la ligature de l'artère crurale à son tiers inférieur, beaucoup plus
facile et tout aussi efficace que celle de l'artère poplitée. Il ne faut
pas aller rechercher directement l'artère blessée, car d'abord on
ne sait pas laquelle c'est, et ensuite, on introduirait l'air dans le
foyer de l'épanchement sanguin et de la fracture, et on s'expose
rait à tous les accidents des fractures compliquées de plaie .
Lorsqu'il y a plaie, faut-il lier les bouts de l'artère divisée ? Je
ne le pense pas ; d'abord, leur recherche est pénible, et ne se fait
pas sans irriter la plaie, et augmenter par là les chances d'acci
dents . Il faut tâcher de la fermer au moyen d'un emplâtre agglu
tinatif, et exercer ensuite la compression au moyen du bandage
amidonné appliqué sur le membre. L'effet de la compression sera
utilement secondé par l'application de vessies pleines de glace sur
l'endroit de la plaie. On verra ces moyens employés avec le plus
grand succès dans les observations I et III. C'est seulement dans le
cas où ils ne réussiraient pas qu'il faudrait recourir à la ligature.
S VI.
La gangrène peut reconnaître quatre ordres de causes : 1 ° la
violence de la contusion ; 2° l'inflammation ; 3. la compression
exercée par des appareils mal appliqués ou par les bouts osseux
eux-mêmes ; enfin 4° une disposition cachectique chez l'individu
blessé. Dans le premier cas, lorsque la contusion est assez forte
pour désorganiser les tissus, et devenir ainsi cause immédiate de
gangrène, il faut, comme je l'ai dit en parlant de la contusion ,
58

pratiquer l'amputation immédiate. Si la violence de l'inflammation


est cause de la gangrène , il faut d'abord la combattre par les
moyens antiphlogistiques généraux et locaux ; lorsqu'elle sera
abattue, si la gangrène est profonde et étendue, on pratiquera
l'amputation ; sinon , le traitement sera celui des fractures compli.
quées de plaie suppurante. Une compression trop forte etinégale,
et le contact de corps durs, peuvent donner lieu à la formation d'es
chares, qu'on rencontre principalement sur la crête du tibia et aux
malléoles. On les observe surtout lorsqu'il y a une forte saillie du
fragment supérieur, et alors souvent elles atteignent le foyer de la
fracture ; lors de leur chute, celui-ci est donc ouvert, et cette solu
tion de continuité participe à la gravité des plaies qui pénètrent
dans ce foyer, sans toutefois en présenter autant. Lorsqu'elles sié
gent ailleurs , ces eschares sont peu graves, et il suffit pour en
arrêter la marche de disposer convenablement l'appareil. Les
meilleurs moyens préventifs contre celles résultant de la pression
des bouts osseux sont sans contredit une réduction parfaite et une
exacte contention , faites comme je l'ai indiqué. — Lorsque la gan
grène provient d'un état cachectique de l'économie, le traitement
local , qui doit consister en de légers excitants , tels que la fanelle
appliquée sur la peau, les lotions avec l'alcool camphré, a beau
coup moins d'importance que le traitement général , qui s'attaque
à la cause même de l'état gangreneux : ce traitement général re
connaîtra pour base les ferrugineux, le quinquina et un régime
analeptique.
S VII,
Les fractures du péroné par divulsion sont parfois compliquees
de luxation du pied en dehors ; dans cescas, on réduit d'abord la
luxation, puis on enveloppe le pied et la jambe d'un appareil ami
donné, en y joignant jusqu'à la desșication l'attelle de Dupuytren,
exactement comme dans les fractures simples.
Les fractures de la jambe sont quelquefois accompagnées de dé
lire nerveux , surtout lorsqu'elles sont compliquées de plaie, et
qu'elles ont lieu chez les individus adonnés aux alcooliques. L'o
pium est dans ces cas le remède par excellence ; toutefois il est une
indication quirésulte de l'état local, etquimérite la plus sérieuse at
tention. En effet, le blessé, en proie à des mouvements convulsifs,
peut agiter son membre, déranger les fragments, et occasionner
ainsi de graves accidents; l'appareil doit donc le tenir dans une
stricte immobilité au milieu de cette agitation. Et quel appareil
remplira mieux ce but que l'appareil amidonné ? Mais ce n'est pas
lout : souvent le blessé cherche à défaire, à déranger, à mettre en
36

pièces son appareil ; et ici encore, en est-il un qui soit plus diffi
cile, je dirai plus impossible à déranger. - Serait-ce par hazard
l'appareil de Scultet, ou celui en gutta percha, ou celui de M. Bou
gard, ou même celui de M. Malgaigne ? L'appareil inamovible seul
le serait peut- être ; mais j'ai précédemment énuméré ses inconvé
nienis. On verra dans l'observation III un cas où cette propriété
de l'appareil a reçu une heureuse application.
Quant au tétanos, il n'y a rien de particulier à remarquer.
Les cachexies syphilitique, scrofuleuse, seorbutique, peuvent
mettre obstacle à la consolidation ; le seul moyen de l'obtenir, c'est
de les eombattre par le traitement général qui leur convient. Tou
tefois, l'appareil amidonné viendra en aide à ce traitement, d'abord
en maintenant la coaptation et l'immobilité, ensuite en permettant
le séjour au grand air et la déambulation, auxiliaires si puissants
dans la cure de ces cachexies. Lorsque la consolidation ne se fait
pas à cause de l'existence d'une cachexie cancéreuse, on ne doit
espérer de guérison, ni générale ni locale ; cependant encore ici
l'appareil amidonné trouvera son utilité , car il rendra la vie plus
supportable et pourra même la prolonger, en soustrayant le malade
au séjour continuel du lit.
CHAPITRE y .
Conclusions.
Toute fracture de la jambe, qu'elle soit simple, comminutive ou
compliquée, doit être réduite immédiatement.
La réductioą doit toujours être suivie sans délai de l'application
d'un appareil propre à la maintenir.
De tous les appareils, celui qui remplit le mieux cette condition,
c'est l'appareil amovo -inamovible.
Les seuls cas, où un autre appareil puisse être indiqué, sont
ceux de fractures obliques avec chevauchement très-marqué et très
opiniâtre, surtout s'il ya contraction spasmodique des muscles. Dans
ees cas, l'instrument de M. Malgaigne est doué d'une grande efficacité.
Cet instrument, vu la tolérance de nos tissns pour les corps mé
talliques, peut être employé avec sécurité. Il est très -avantageux
de l'associer à l'appareil amovo -inamovible.
L'appareil amovo -inamovible possède les propriétés suivantes :
1° Il exerce une compression qui prévient et résout les épan
chements sanguins et les inflammations ;
2 ° Il empêche les muscles de se contracter et les fatigue;
3° Il maintient les fragments dans un rapport parfait, en exer
çant sur eux une contention circulaire ;
37

4. Il maintient la jambe parfaitement immobile dans la position


qu'on lui a donnée ;
5° Il est doué d'une action extensive et contre- extensive ;
6° Il permet de visiter le membre tant qu'on le veut, sans dé
ranger la coaptation ;
7 ° Il permet tous les mouvements généraux, et même la marche ;
il n'est pas susceptible d'être dérangé pendant le délire ;
8. Il est simple, peu coûteux et à la portée de tout le monde.
Aucun autre appareil jusqu'à présent ne réunit tous ces avan
tages .
Il doit être renforcé jusqu'à sa dessication par des moyens
extensifs, ou par des cartons secs, des attelles en bois ou en zinc.
Il peut être employé dans la position demi-fléchie aussi bien
que dans la position étendue.
L'extension est dans presque tous les cas préférable à la demi
flexion.
L'amputation ne doit être pratiquée que dans les cas suivants :
1 ° S'il y a désorganisation de la plus grande partie de la cir
.conférence de la jambe, avec ou sans plaie ;
2° S'il y a plaie avec perte de substance très- forte ;
3° S'il y a une gangrène profonde et étendue.
Dans les deux premiers cas, elle doit être immédiate ; dans le
troisième, il faut attendre la limitation de la gangrène.
L'amputation consécutive pour phlegmons, fusées purulentes ,
infection, ne doit jamais être pratiquée, si ce n'est dans des cas
exceptionnels.
Dans les fractures compliquées, l'appareil amovo -inamovible est
de tous les moyens locaux le plus efficace pour combattre les com
plications.
Dans les fractures compliquées de plaie, la position de la jambe
sera horizontale ou déclive dès qu'apparaitra la suppuration.
CHAPITRE VI .
Observations.
Je crois inutile de rapporter des observations pour prouver
l'efficacité de l'appareil amidonné dans les fractures simples de la
jambe ; car ces fractures guérissent toujours, même sans appareil,
et il me suffit d'avoir prouvé qu'il est préférable à tout autre. Du
reste, ceux qui ont fréquenté les cliniques de l'hôpital St-Pierre,
de l'hôpital militaire, et de l'hospice des vieillards, où la méthode
que j'ai décrite est généralement adoptée, savent que jamais un
cas d'insuccès n'y a été enregistré. Je me bornerai donc à rap
38

porter trois observations de fractures, accompagnées de graves


complications.
Fracture de la jambe compliquée de plaie et d'hémorrhagie.
Obs. I. — Jean Goens, maçon , âgé de 20 ans, de tempérament
lymphatique, entre à l'hôpital St-Pierre, le 29 juillet 1846. Il a
été renversé par un pan de muraille qui s'écroulait; il porte une
fracture oblique entre le tiers moyen et le tiers supérieur de la
jambe gauche, avec plaie, issue de fragment supérieur, et hémor
rhagie assez abondante. Le sang s'est en grande partie épanché
dans les tissus, et a distendu le membre. – De plus, l'index et le
médius de la main gauche sont écrasés, leurs tendons sont dé
nudés, et leurs articulations métacarpiennes ouvertes par une large
plaie transversale .
On réduit immédiatement la fracture, on ferme la plaie avec un
emplâtre agglutinatif, et on applique le bandage amidonné. - La
plaie de la main est réunie par des points de suture et des bande
lettes agglutinatives, et la main est maintenue dans l'immobilité à
l'aide aussi d'un bandage amidonné.
Le 30 juillet, le malade n'a presque pas souffert; ou coupe le
bandage le long du compressimètre, et sur cette section longitu
dinale on en fait deux autres transversales , de manière à inter
cepter vis-à - vis de la plaie une fenêtre qu'on peut relever et
rabattre à volonté. Cette fenêtre permet de visiter la plaie sans tou
cher au reste de l'appareil , sans par conséquent déranger le mem
bre. — L'hémorrhagie est arrêtée ; mais la peau est bleuâtre et
distendue par un fort épanchement. On rapproche les valves ; le
membre est placé dans une position élevée, pour diminuer l'afflux
du sang. - Saignée de 12 onces ; émétiqne; diète ; le soir, nou:
velle saignée motivée par la réaction.
Le 1er août, on trouve la peau jaunâtre et couverte de phlyc
tènes. — On laisse la plaie fermée par l'emplåtre agglutinatif, de
peur que l'accès de l'air ne vienne l'irriter et ne provoque de
graves accidents. Il y a sur la crête du tibia une petite eschare
due à un corps étranger contenu dans l'ouate dont on s'etait servi
pour la protéger. On lève l'individu, on lui donne un peu de nour
riture .
Bientôt on remarque un état anémique et un commencement
d'infiltration des tissus ; on y remédie par les ferrugineux, le ré
gime analeptique , le séjour en plein air dans la cour de l'hôpital,
et la déambulation. On examine le membre tous les six ou huit
jours.
Au bout de deux mois, il y a consolidation, sans difformité nį
1

59 -

raccourcissement. Le blessé sort le 15 août ; la plaie de la main


est guérie aussi ; il n'y a pas eu d'accidents inflammatoires ; il
reste une ankylose de l'index et du médius.
Fracture comminutive, compliquée de plaie et d'hémorrhagie.
Obs. II. - Auguste Purnal , âgé de 50 ans , fut renversé, le
30 novembre 1846, par un chariot pesamment chargé, dont la roue
lui passa sur la jambe gauche. On l'apporte de suite à l'hôpital
St-Pierre. Il ya un épanchement sanguir considérable,qui distend
toute la jambe; il y a une fractureoblique à l'union du tiers supérieur
et du tiers moyen, et issue du fragment supérieur. Il y a de plus
une hémorrhagie par la plaie, et une esquille de 2 pouces de long.
On remet celle -cien place, on réduit, on ferme la plaie avec un
morceau de sparadrap, et on applique le bandage amidonné, ren
forcé par des attelles provisoires en carton sec.
Lelendemain , on Ole ces attelles , et on coupe le bandage ; on
pratique deux sections perpendiculaires à la première , de ma
nière à intercepter une fenêtre vis-à-vis de la plaie. L'hémorrhagie
continue ; le tissu cellulaire contient un peu d'air, dont la pré
sence est annoncée par une légère crépitation . On coupe les bouts
de bande rachés de sang pour les remplacer par des morceaux de
linge mouillés. On referme ensuite la fenêtre . - Saignée, émétique ,
diète .
Le 2 décembre, il n'y a pas de douleur ; plus d'hémorrhagie,
ni de crépitation dans le tissu cellulaire. Peau jaunâtre,, couverte
de phlyctènes. Chaleur modérée, un peu de fièvre. Émétique;
dièle .
Le 3 décembre, il sent des battements à l'endroit de la plaie, et
quelques gouttes de pus en sortent. Le malade se lève et est placé
dans un fauteuil. Les jours suivants, la suppuration augmente, et
on fait à la fenêtre un trou par lequel elle peut s'écouler , et qu'on
recouvre d'un gâteau d'étoupe , de compresses et d'une bande.
L'appareil est renforcé par deux nouvelles attelles en carton , et
on permet la déambulation. Depuis lors on n'ouvre plus la fe
nêtre que tous les six ou huit jours. Au commencement de février
1847, la suppuration augmente ; bientôt il y a des douleurs, de la
fièvre ; on visite la plaie, et on reconnaît que ces accidents sont
dus à la présence d'une esquille assez forte. On l'extrait après
avoir incisé les tissus sur la sonde canneléc, pour agrandir la plaie.
Ensuite on fléchit la jambe à angle droit, et on fait marcher le
blessé sur un pilon -béquille, pour que la plaie se trouve à la partie la
plus basse de la jambe,et donne facilement issue au pus. Depuis, on
extrait encore un assez grand nombre de petites esquilles ; le :
40

malade sort le 21 mai 1847, et vient se faire panser à la consul


tation gratuite. La guérison est complète au mois de juillet 1847.
Il n'y a pas de raccourcissement,
Fracture de jambe compliquée de plaie, d'hémorrhagie, de fusées
purulentes et de délire nerveux .
Obs. III. - Vanginnebelle (Séraphin) commissionnaire, de tem
pérament sanguin -nerveux , de constitution assez forte , âgé de
43 ans, entre à l'hôpital St-Pierre, le 14 décembre 1847 au soir ,
atteint d'une fracture de la jambe droite entre le tiers moyen et
le tiers inférieur , avec une plaie à la partie antérieure du membre,
offrant environ un pouce de diamètre. La cause en est dans une
chute que le blessé a faite de 15 à 20 pieds de hauteur en bas
d'une échelle sur laquelle il était monté , la jambe ayant été en
gagée entre deux échelons. La fracture est complète ; le tibia est
brisé obliquement de haut en bas et d'arrière en avant ; le frag
ment supérieur, très-aigu, passe à travers la plaie d'un longueur
d'environ trois pouces ; l'inférieur est dirigé en arrière et en de
dans. Il y a en conséquence un raccourcissement très-prononcé.
La plaie est large, et la peau environnante fortement contuse. Il y
a une hémorrhagie abondante, en nappe. - L'élève interne qui
reçoit cet homme essaie de réduire la fracture, mais n'y parvient
qu'incomplétement; il applique sur la plaie un linge cératé et de
la charpie, puis un bandage amidonné avec une attelle posté
rieure et deux latérales, s'étendant jusqu'à la moitié de la cuisse.
Il n'y laisse pas d'ouverture vis-à-vis de la plaie. Le blessé étant
très agité , on lui administre une potion opiacée.
Le 15 décembre , M. Seutin coupe le bandage et l'enlève ; il
s'échappe de la plaie, par saccade, un sang rouge et vermeil; pen
dant que des aides pratiquent l'extension et la contre-extension,
il la réunit avec des bandelettes d'ichtyocolle. La réduction n'est
pas encore complète à cause de la contraction spasmodique des
muscles qu'aucune position donnée au membre ne peut faire
cesser . Cependant on n'emploie aucun moyen spécial pour la
vaincre, dans l'espoir que l'action du bandage fatiguera et relâ
chera les muscles. On le réapplique donc , et on le fortifie de deux
cartons latéraux et d'une attelle postérieure en plomb. Aucune
ouverture n'est laissée ; on recouvre le tout de deux cartons laté
raux secs, destinés à rester en place jusqu'à ce que la dessication
se soit opérée. Il y a encore toujours de l'agitation , des tremble
ments ; le blessé est habitué aux alcooliques. -Potion laudanisée.
Diète. Jambe soulevée par un coussin.
Le 17 , on coupe le bandage, on enlève les bandelettes d'ichtyo
41

colle ; l'hémorrhagie et la contraction spasmodique continuent. On


referme les valves ; on applique des vessies de glace sur l'endroit
de la plaie, pour mettre un terme à l'hémorrhagie et prévenir l'in
flammation ; on pratique une extension et une contre-extension
continues au moyen de sacs de sable suspendus à des liens, non
pas pour agir directement sur les fragments, ce que le bandage
empêcherait, mais pour fatiguer les muscles contractés. - Quant
à l'état général, il y a des signes de réaction ; la peau est chaude,
le pouls est assez fréquent et peu développé, la face pålit : le ma
lade manifeste une sensibilité exagérée au plus haut degré, à tel
point qu'il fait des grimaces dès qu'on touche à son appareil ; il est
agité, inquiet ; il déclare pourtant ne pas avoir souffert depuis
qu'il est appliqué. Il y a toujours un peu de tremblement. --
Opium en potion el en lavements.
Le 18. On sent, à travers la partie antérieure du bandage dé
pourvue d'attelle et ramollie par le sang qui coule de la plaie, le
fragment supérieur qui fait assez fortement saillie. Pour y mettre
ordre, M. Seutin applique sur toute la partie supérieure du tibia
un paquet de compresses longuettes ; au-dessus de ce paquet est
placée une attelle en bois, à peu prèsde la longueur de la jambe et
assez étroite ; cette attelle dépasse inférieurement le paquet de
compresses, de manière à porter à faux, à ne pas toucher le frag
ment inférieur. Elle est fixée supérieurement par un lien ; un
autre lien est appliqué inférieurement, près du cou-de- pied, là où
l'attelle porte à faux ; en serrant ce lien on comprime les com
presses et par leur intermédiaire le fragment supérieur ; cette ac
tion peut être augmentée ou modérée à volonté en serrant ou en
desserrant le lien. On voit ici comment on peut avec l'appareil
amidonné employer un moyen qui pousse directement en arrière
le fragment inférieur (voir chap. II S XIV ). On continue l'exten
sion et la contre-extension.- Etat général comme hier ; opiacés .
Le 20. On enlève le bandage, qui est déformé et dont les pièces
ne s'adaptent pas bien, dans le but de le reconstruire; l'hémor
rhagie a totalement cessé ; mais il s'est formé une eschare autour
de la plaie, par suite de l'action du froid . Dès que l'appareil est
enlevé, le malade entre dans un accès de délire nerveux, il s'agite,
les fragments s'agitent et s'entre- choquent, les muscles se contrac
lent, le chevauchement augmente. On espère le calmer en lui fai
sant' respirer du chloroforme; un moment on espère réussir, il
parait moins agité ; mais cela ne dure pas longtemps ; il est pris
bientôt d'un nouvel accès bien autrement terrible que le précé
dent ; il devient furieux ; il soulève etremue avec force le membre
fracturé ; les assistants, au nombre d'une dixaine , s'empressent
42

autour de lui, et ne parviennent qu'avec peine à le maintenir. Dès


qu'ils y sont parvenus, on applique à la hâte un nouveau bandage,
étendu jusqu'au tiers supérieur de le cuisse, en ménageant une
ouverture vis - à -vis de la plaie et de l'eschare qui l'entoure. Heu
reusement l'hémorrhagie ne s'est plus renouvelée. Il y a eu des
frissons ; teint jaunâtre; pouls accéléré ; peau chaude ; langue
jaunâtre ; diarrhée fétide. De trois en trois heures, lavements avec
dix gouttes de laudanum, du camphre et du musc. A l'intérieur,
potion avec le quinquina et le sirop diacode.
Le 21. Il y a toujours du délire nerveux, des contractions, des
soubresauts des tendons , des idées fixes ; le blessé a déchiré la
partie supérieure du bandage. Cependant on le laisse en place,
mais on recouvre la cuisse avec une ancienne coque d'un bandage
pour la fracture du cál du fémur, et on lui met la camisole de force.
On continue l'application de l'extension et de la contre -extension.
Il y a des frissons ; le pouls est à 110,mou, ondulant, la face pâle
altérée, jaunâtre.- Même prescription qu'hier. Un pus sanieux et
félide s'écoule par l'ouverture du bandage. Injections chlorurées.
Le 23. Amélioration ; le malade est calme, le pus prend un bon
aspect ; il n'est plus félide ; la diarrhée a diminué. Bien que l'ap
pareil soit très -solide, on sent au travers de sa paroi antérieure le
fragment antérieur mobile ; cela résulte du défaut de coaptation ,
et du ramollissoment de cette paroi par la suppuration. Pour y re
médier, M. Seutin le renforce de deux attelles latérales en zinc,
et d'une troisième attelle antérieure pressant par l'intermédiaire
de compresses sur le fragment supérieur, et portant à faux sur
l'inférieur ; ces attelles sont maintenues d'abord par deux liens,
qui sont ensuite remplacés par une bande amidonnée ; une ouver
ture est laissée vis -à- vis de la plaie pour l'écoulement du pus.
Même prescription .
Le 24. On a encore été obligé hier soir de mettre la camisole
de force. Voilà quatre jours qu'on n'a pas vu la plaie ; tout va bien ;
les frissons ont disparu ; la face est moins altérée ; la diarrhée est
beaucoup diminuée ; enfin le pus d'abord sanieux et fétide, a pris
la consistance et l'odeur du pus louable. Dans cet état , convient -il
d'ouvrir le bandage, et de risquer de renouveler tous les accidents,
en donnant lieu d'abord à de nouveaux accès convulsifs, puis en
fournissant à l'air l'occasion de pénétrer dans le foyer ?
M. Seutin ne le pense pas ; il croit au contraire devoir laisser
aussi longtemps que possible le blessé dans cet état satisfaisant.
En conséquence, l'ouverture qu'il avait laissée hier est fermée par
de l'éloupe recouverte d'une nouvelle bande amidonnée pour em
pêcher entièrement l'entrée de l'air, et il se décide à ne plus toucher
à l'appareil, comme le faisait Larrey, laissant au pus la facilité de
s'épancher dans son intérieur, et d'en sortir par le bas et par le
haut ; c'est donc ici un véritable appareil inamovible.
Tous les jours le malade est levé et assis dans un fauteuil ; nour
riture à la fois légère et analeptique ; continuation de la potion
avec le quinquina el le sirop diacode.
Il est laissé dans cet état jusqu'au 8 janvier; sa santé s'amé
liore de plusen plus ; le pus s'écoule surtout par la partie inférieure
du bandage .
Le 8 janvier. Depuis deux ou trois jours, le malade se plaint
d'une douleur assez vive à la partie externe et moyenne de la
cuisse, il y a un peu de fièvre, et le soir il ressent quelques fris -
sons , la face est altérée . Après quelques hésitations, motivées par
l'état satisfaisant dans lequel il se trouve , et par la crainte
de renouveler les accidents, M. Seutin se décide à ouvrir le ban
dage. On trouve à l'endroit où le malade éprouvait de la douleur,
un engorgement rouge, påteux, douloureux à la pression et de la
fluctuation ; il y a là un vaste foyer purulent qui s'étend tout le
long de la face externe de la jambe et de la cuisse. M : Seutin pra-.
tique à la partie moyenne et externe de la cuisse une incision
en T ; une autre incision est faite à la jambe ; il applique un ban
dage compressif, avec deux attelles en carton latérales et une pos
térieure , en laissant des trous vis-à-vis des ouvertures, pour
le libre écoulement du pus. - L'eschare s'est détachée ; la plaie
est couverte de bourgeons charnus ; le bout du fragment supérieur
est dénudé dans une assez grande étendue. Le membre est
placé dans une position déclive pour faciliter l'écoulement du pus
vers les parties inférieures et l'empêcher de séjourner dans les
tissus de la cuisse et d'y fuser plus loin encore qu'il ne l'a fait.
Continuation du régime et des soins hygiéniques; il reste
toujours beaucoup d'irritabilité nerveuse, on donne encore le quin
quina .
Le 10. En sondant les plaies avec la sonde de femme, on arrive
à la cuisse jusqu'au grand trochanter ; M. Seutin y pratique une
contre-ouverture. A la jambe, il y a vers la partie externe de l'ar
ticulation un foyer dans lequel la sonde pénètre également ; une
seconde contre-ouverture y est faite , et à travers cette contre
ouverture on sent à nu la tête du péroné. Enfin derrière la mal
léole interne, il s'est formé un foyer fluctuant qui est également
ouvert ; la peau sur ce foyer est plus ou moins excoriée et dé
nudée ; on fait des injections par les diverses ouvertures. On réap
pliqueensuite le bandage compressif et expulsif en laissant comme
précédemment des ouvertures pour l'écoulement du pus ; sur ces
- 44

ouvertures on met pour l'absorber de l'étoupe. Position déclive du


membre ; le malade reste toute la journée assis dans un fauteuil.
Il y a encore dela fièvre ; frissons vers le soir ; l'appétit a diminué;
la face est un peu jaunâtre; langue légèrement chargée.—Même
prescription.
Le 15. On incise le bandage , les téguments de la cuisse sont
recollés ; les incisions se couvrent de bourgeons charnus d'un
aspect très- satisfaisant ; pus louable. On réapplique le bandage.
L'état général est redevenu bon ; la fièvre et la diarrhée ont cessé;
l'appétit renaît.
Le 20. Les incisions à la cuisse sont entièrement cicatrisées ;
les téguments de la jambe sont recollés ; l'incision derrière la
malléole externe se cicatrise ; la tête du péroné se recouvre
de bourgeons charnus. La plaie primitive , considérablement
agrandie par la chute de l’eschare qui s'était formée tout au
lour, est entièrement couverte aussi de bourgeons charnus ver
meils, à l'exception de l'extrémité du fragment supérieur du tibia ,
qui est dénudée, jaunâtre et nécrosée dans l'étendue d'un pouce
environ .
Cette extrémité fait encore toujours saillie au-dessus du niveau
des autres parties ; le bandage est renouvelé, en ayant soin de
laisser une ouverture vis-à-vis de cette plaie, et d'exercer une ac
tion compressive sur le fragment supérieur. - L'état général est
très - satisfaisant.
Le 6 février. L'amélioration continue. Toutes les solutions de
continuité sont cicatrisées, à l'exception de la plaie primitive, qui
livre encore toujours passage à l'extrémité nécrosée du fragment
supérieur ; cependant elle a beaucoup diminué d'étendue . Sur la
tête du péroné on remarque une cicatrice encore rouge et peu con
sistante, adhérente à l'os. Pour maintenir en place le fragment
qui fait saillie d'une manière si opiniâtre, M. Seutin essaie d'ap
pliquer l'instrument de M. Malgaigne, mais son action fait éclater le
bout nécrosé, dont une partie se sépare et peut être extraite im
médiatement. On se borne donc à réappliquer les valves de l'ap
pareil amovo -inamovible, qui n'avait pas quitté la jambe, et on les
resserre au moyen d'une bande roulée. Le pansement est ensuite
fait comme d'habitude.
Le 2 mars. D'autres fragments osseux se sont encore séparés ;
la plaie est entièrement cicatrisée, sauf la partie qui répond aux
bouts fracturés; ceux-ci sont réunis par l'intermédiaire de bour
geons charnus, qui de part et d'autre se sont élevés de leurs sur
faces. On continue le même traitement.
Un mois plus tard, le 2 avril, la consolidation est opérée ; un
45

cal osseux réunit les 2 fragments ; il ne reste plus de la plaie que


trois ou quatre trajets fistuleux d'où l'on extrait quelques esquilles.
On laisse toujours le même appareil, avec des trous vis- à-vis des
trajets. Le malade prend l'air dans la cour de l'hôpital, dès le jour
où le temps s'est amélioré.
Un mois plus tard, au commencement du mois de mai, la con
solidation est parfaite, le blessé meut facilement son membre en
tout sens. On ne lui met plas d'attelles, mais seulement une simple
bande roulée, destinée à prévenir l'engorgement. Deux ou trois
trajets fistuleux persistent, ce qui prouve qu'il y a encore quelques
esquilles, bien qu'on ne puisse les toucher au moyen du stylet. Le
malade se trouve très-bien ; sa figure respire le contentement; il
passe toute la journée dans la cour au grand air.
Le 20 juin, la suppuration a augmenté ; de nouveau une fasée
purulente s'est établie vers le mollet, où une contre - ouverture est
pratiquée. On applique un bandage roulé amidonné.
Le 28, on sent les esquilles mobiles au fond du principal trajet
fistuleux ; on en extrait, non sans peine, deux grandes et une grande
quantité de petites. On applique un bandage roulé amidonné, avec
2 ouvertures, vis à vis de ce trajet et de celui qui s'est formé vers
le mollet ; on fait marcher le blessé sur un pilon -béquille, pour
donner à ces ouvertures la position la plus déclive , et favoriser
ainsi la sortie du pus. L'état général continue d'être on ne pene
plus satisfaisant.
- 46 -

Propositions étrangères à l'objet de la thèse.


I. Les nerfs du grand symphatique sont distincts par leur structure des
nerfs cérébro - spinaux.
II . La rate a pour fonction d'être un diverticulum de la circulation abdo
minale, tant sanguine que lymphatique.
III . Le mécanisme de l'organe de la voix est le même que celui des instru
ments à anche.
Iv. La cellule est le type primitif d'où dérivent toutes les formes or
ganiques.
V. L'organisation des fausses membranes commence par la formation de
vaisseaux distincts et indépendants de ceux des organes voisins.
ŅI. Les maladies chroniques du cậur amènent toujours à leur suite celles
du foie, et réciproquement, celles-ci amènent les premières. Ces af
fections sont donc réciproquement cause et effet relativement les
unes aux autres .
VII . Le développement de la rate est la conséquence, et non la cause de la
fièvre intermittente .
VIII. La fièvre typhoïde consiste primitivement dans une disposition du sys
tème nerveux, qui amène à sa suite la congestion de tous les systèmes
organiques.
IX. Dans la fièvre typhoïde, nos moyens actuels d'investigation ne nous
permettent pas de reconnaître l'altération primitive du sang .
X. Le rhuinatismeest la cause première depresque toutes les affections
chroniques de l'organe central de la circulation .
XI . Il y a identité entre la scrofule et la tuberculose .
XII. La syphilis est toujours la conséquence d'un chancré passé à l'état d'in
duration .
XIII. La blennorrhagie ne peut jamais donner lieu à la syphilis, à moins
d'être compliquée de chancres.
XIV. Le mercure agit sur l'économie par son absorption et sa présence au
sein du système circulatoire; il ne peut y exister qu'à l'état de cblor
hydrargyrate de chlorure alcalin .
XV. L'infection purulente peut fort bien exister sans phlebite.
XVI. Les fractures du col du fémur sont de trois sortes: simples, par engrè
nement, et par pénétration.
XVII. Il est impossible de distinguer avec certitude une fracture intra- cap
sulaire du col du fémur d'une fracture extra-capsulaire.
XVIII. L'entorse est une des causes occasionnelles les plus fréquentes des
arthropathies.
XIX. La lithotritie est préférable à la taille, sauf chez les enfants, chez les
individus dont l'irritabilité s'oppose à son application, et dans les
cas de calculs enchatonnés ou enkystés .
XX . Il n'existe encore aucune méthode efficace pour opérer la cure radicale
des hernies .
XXI. La compression de l'aorte est le plus efficace de tous les moyens em
ployés contre les hémorrhagies utérines par inertie.
XXII. Le peivimètre géométrique est le seul quipermette de mesurer avec
exactitude les diamètres du bassin .
$XIII. Le forceps-scie estleplus parfait des instruments de crâniotomie.

ERRATUM :

Au bas de la page 24, supprimez la suite à un prochain numéro.


TABLE.

CHAPITRE I. -Introduction. – Généralités. - Đivision des fractures de la


jambe.
ca.co.0.0.0.0

CHAPITRE II. - Traitement des fractures complètes simples de la jambe.


1. Division de ces fractures.
II. Des fractures transversales.
III . Traitement des fractures transversales.
IV. Des fractures obligues.
Position à donner à la jambe dans les fractures obliques .
sonissososoves

V. 7
VS. Application de l'appareil amovo - inamovible pour les fractures
obliques. 8
VII . Application de l'appareil dans la position demi-fléchie 10
VIII. Indication des autres appareils employés pour les fractures de
la jambe.
& IX. Propriétés de l'appareil amidouné. — Compression . .
X. Contention . - Extension et contre -extension : 12
XI . Immobilité. 13
XII. Mouvements généraux. Déambulation .
XIII. Coup d'eil sur les prop riétés des autres appareils. 15
XIV. Comparaison de ces appareils avec l'appareilamovo -inamovible. 18
XV . Des inconvénients qu'on a reprochés a cet appareil . 20
XVI. De quelques modifications apportées à l'appareil amidonné. 22
XVII. Traitement général des fractures de jambe. Durée du trai
tement 23
CHAPITRE III . Traitement des fractures simples de l'un des os de la
jambe. 24
CHAPITRE IV. - Traitement des fractures comminutives et compliquées de
la jambe. 28
$ 1. Énumération des complications. - Traitement des fractụres com
minutives . 10 .
$ II. De la contusion et de l'inflammation . 1b .
INI . De l'irréductibilité.
IV. Des plaies et des fusées purulentes . 10 .
V. De l'hémorrhagie. 34
VI. De la gangrène. 16 .
VII. Luxation du pied . Délire nerveux .
-
Tétanos. - Cachexies. 35
CHAPITRE V. - Conclusions. 36
CHAPITRE VI.- Observations. 37
Propositions étrangères à l'objet de la thèse.
-
L.

)
-
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5
1

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