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Annuaire français de droit

international

Le Conseil de sécurité et la Résolution 377 A (1950)


M. l'Ambassadeur Jacques Leprette

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Leprette Jacques. Le Conseil de sécurité et la Résolution 377 A (1950). In: Annuaire français de droit international, volume 34,
1988. pp. 424-435;

doi : https://doi.org/10.3406/afdi.1988.2847

https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1988_num_34_1_2847

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ANNUAIRE FRANÇAIS DE DROIT INTERNATIONAL
XXXIV - 1988 - Editions du CNRS, Paris.

ORGANISATIONS INTERNATIONALES
UNIVERSELLES

LE CONSEIL DE SÉCURITÉ ET LA RÉSOLUTION


377/A (1950)

Jacques LEPRETTE

Quand le Conseil de Sécurité se trouve paralysé à la suite du vote négatif d'un


membre permanent, peut-on en appeler à l'Assemblée générale et de quelle
manière ?
Comment faire passer la règle de droit ou la décision internationales dans la
réalité ?
C'est un des grands problèmes qui se posent à la communauté des Nations.
Les juristes et les hommes politiques ont imaginé des procédés et des
mécanismes pour tenter d'éviter que des traités, conventions ou sentences demeurent
lettre morte. Les exemples abondent de ces moyens qui permettent à la norme de
trouver son application dans la pratique.
Des lacunes demeurent néanmoins. Au plus haut niveau de l'Organisation
mondiale notamment. On dénonce volontiers l'impuissance du Conseil de Sécurité
à dénouer réellement les crises. On lui reproche de s'en remettre trop souvent à la
simple évocation des grands principes de la Charte. On déplore surtout son
incapacité à faire exécuter ses décisions.
A cet égard, deux griefs reviennent constamment :
a) Certaines résolutions adoptées à l'unanimité des membres du Conseil
demeurent sans suite. Ainsi, de la célèbre résolution 242 du 22 novembre 1967 sur
les territoires occupés.
b) Certains projets ayant recueilli au Conseil la majorité des voix sont rejetés
du fait du vote négatif d'un membre permanent du Conseil. Ayant été rejetés, ils
n'existent plus et, par conséquent, le Conseil se trouve, au moins momentanément,
frappé de paralysie.
Nous nous attacherons à cette dernière éventualité. Comment sortir du point
mort?
Nous rappellerons, dans une première partie, les circonstances qui ont
conduit, en 1950, plusieurs Etats à imaginer un moyen d'assurer, lorsque la paix

(*) Jacques Lepkette, Ambassadeur de France, Représentant permanent auprès du


Conseil de Sécurité de 1 976 à 1 981 .
LE CONSEIL DE SÉCURITÉ ET LA RÉSOLUTION 377/A (1950) 425

se trouve en cause, que les mécanismes créés par la Charte ne se trouvent pas
réduits à l'impuissance du seul fait de la carence du Conseil de sécurité (genèse et
portée de la résolution 377/A du 3 novembre 1950).
Nous traiterons, dans une seconde partie, de l'évolution de la pratique du
Conseil sur ce point, notamment à l'occasion du débat engagé au Conseil en janvier
1980, en raison de l'entrée des troupes soviétiques en Afghanistan.

I — La guerre de Corée et la Résolution «union pour le maintien de la paix» 1950.

En juin 1950, l'armée nord-coréenne pénètre dans le territoire de la Corée du


Sud. Depuis la fin de la guerre, un désaccord existait entre les Etats-Unis et l'Union
soviétique sur les moyens de reconstituer l'unité et l'indépendance de la Corée
dominée
38e parallèle,
par ledeux
Japon
régimes
de 1911
: communiste
à 1945(1). En
au1948
nord,existaient,
nationaliste
de au
part
sud.
et d'autre du
Le Conseil de sécurité aussitôt saisi adopte le 25 juin 1950 la résolution 82,
demandant la cessation immédiate des hostilités et le retrait des troupes de la
Corée du Nord au nord du 38e parallèle. Les membres des Nations Unies sont
invités à apporter leur concours à l'ONU et à s'abstenir de soutenir les autorités
nord-coréennes.
Le Conseil comporte alors 11 membres. La résolution est adoptée par 9 voix
et une abstention, celle de la Yougoslavie. L'Union soviétique ne siégeait plus au
Conseil depuis plusieurs mois pour manifester son désaccord quant à la présence
au siège de la Chine du représentant du régime de Tchang Kaï Chek.
Moscou avait sans doute commis une erreur du point de vue de ses intérêts.
Etant absente du Conseil, elle s'était privée, elle-même, de la possibilité d'enrayer
par un vote négatif le processus engagé par les Etats-Unis.
De nombreuses mesures allaient, en effet, suivre la résolution 82. Le 27 juin
et le 7 juillet 1950 des résolutions sont adoptées qui «régularisent» les initiatives
militaires prises par Washington et jettent les bases d'une force des Nations Unies
(principalement pourvue et commandée par les Etats-Unis).
Pour la première (et unique) fois de son existence l'ONU mettait en oeuvre le
système de sécurité collective élaboré par la Charte. Avec cependant une nuance
importante : le Conseil invitait les Etats membres à apporter à la Corée du Sud
«toute l'aide nécessaire pour repousser les assaillants» et à placer leurs contingents
«à la disposition d'un commandement unifié sour l'autorité des Etats-Unis». On se
souviendra que l'article 43 de la Charte avait conçu un autre système impliquant
un accord à négocier à l'initiative du Conseil pour préciser la composition et
l'articulation des forces «mises à la disposition du Conseil de sécurité».
LTJnion Soviétique, opposée, à cette entreprise, devait ultérieurement (à
partir du 1er août 1950, date à laquelle elle décidait de revenir à la table du Conseil
pour en assurer la présidence conformément à l'ordre alphabétique anglais) mener
un combat opiniâtre pour dénoncer le «caractère illégal» des dispositions adoptées
par le Conseil.
Nous ne reprendrons pas ce débat.
Contentons-nous d'observer que, par le recours systématique au vote négatif
à partir d'août 1950, l'URSS, représentée par Yacov Malik, parvint à paralyser le

(1) Patrick Daillier et Alain Pellet, Droit International public, LGDJ 1987 page 860.
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Conseil. Or, le commandement des Nations Unies dépendant des instructions du


Conseil risquait de se trouver livré à lui-même. La situation s'étant ainsi
gravement détériorée, les Etats-Unis considérèrent qu'il y avait lieu, dans l'intérêt même
de la paix, de contourner le Conseil, réduit à la paralysie par l'obstruction
soviétique.

a) Genèse de la résolution 377 — 3 Novembre 1950.

Les Nations Unies se trouvaient, cinq ans après leur création, devant une
situation de fait qui appelait plusieurs remarques fondamentales.
L'article 12 de la Charte dispose que :
«Tant que le Conseil de sécurité remplit, à l'égard d'un différend ou d'une situation
quelconque, les fonctions qui lui sont attribuées par la présente Charte, l'Assemblée
générale ne doit faire aucune recommandation sur ce différend ou cette situation, à
moins que le Conseil de sécurité ne le lui demande».
Cet article doit être interprété à la lumière de plusieurs autres dispositions
de la Charte.
L'article 11, tout d'abord, qui définit les compétences de l'Assemblée générale
sur les questions se rattachant au maintien de la paix et de la sécurité
internationales, ainsi que les limites de ces compétences.
L'article 24 paragraphe 1 , en second lieu :
«Afin d'assurer l'action rapide et efficace de l'Organisation, ses membres
confèrent au Conseil de sécurité la responsabilité principale du maintien de la paix et de la
sécurité internationales et reconnaissent qu'en s'acquittant des devoirs que lui impose
cette responsabilité le Conseil de Sécurité agit en leur nom».
En troisième lieu, l'article 27 paragraphe 3 de la Charte, qui fixe les modalités
de l'adoption des décisions sur toutes les questions autres que de procédure.
Bien que la Charte n'ait pas institué de hiérarchie entre les organes principaux
des Nations Unies, on considère généralement que l'article 12 paragraphe 1 établit
la prééminence du Conseil sur l'Assemblée générale dans le domaine de la paix et
de la sécurité internationales(2). Encore faut-il être précis. Cette disposition
n'emporte aucune restriction quant au «fond» des compétences de l'Assemblée. Elle
lui interdit seulement de présenter des recommandations sur un différend ou une
situation tant que le Conseil remplit à leur égard «les fonctions qui lui sont
attribuées par la présente Charte», «à moins que le Conseil de sécurité ne le lui
demande».
Le Conseil, quant à lui, peut à tout moment exercer la plénitude de ses
compétences dans le domaine de la paix et de la sécurité. Voilà la différence. Elle
est importante. Elle suggère bien un décalage de niveau ou d'autorité. Elle précise
aussi que l'Assemblée ne serait habilitée qu'à présenter des recommandations,
alors que le Conseil, s'il peut aussi formuler des recommandations, a le pouvoir
dans ce domaine de prendre des décisions.
Des différences d'interprétation existent quant au sens du mot
recommandation. Le Conseil, dans les premières années, s'est montré peu désireux de
«demander» à l'Assemblée de faire une recommandation sur une question dont il était
lui-même saisi. En 1947, à propos des incidents survenus à la frontière grecque, il

(2) lire J.P. Cot et A. Pellet - Commentaire de la Charte, article 12, page 300 à 305 par Ph. Manin.
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a préféré rayer de son ordre du jour la question, ce qui laissait le champ libre à
l'Assemblée, plutôt que de s'exposer à l'adoption, par lui et par l'Assemblée, de
recommandations qui auraient pu être divergentes.
Au cours de l'été 1950, une situation différente de celle que les auteurs de la
Charte avaient imaginée se crée. Tandis que les opérations militaires se
poursuivent en Corée, le commandement des Forces des Nations Unies se trouve entravé
dans son exercice et, pour une part, dans sa légitimité par les blocages opérés par
l'Union Soviétique au Conseil de Sécurité.
C'est alors que le Secrétaire d'Etat américain, Dean Acheson, suscite à
l'Assemblée une initiative visant à contourner l'obstacle existant au Conseil. En
adoptant le 3 novembre 1950 la résolution 377 «Uniting for Peace» l'Assemblée se
substituait, en quelque sorte, au Conseil défaillant.

b) Analyse de la résolution 377.

Cette résolution se décompose en trois parties. La première, elle-même


subdivisée en cinq sections, pose, dans son préambule, les principes sur lesquels se fonde
l'Assemblée pour affirmer ses compétences. La disposition principale, souvent citée
(377/A) comporte le développement ci-après :
«1 - Décide que, dans tout cas où paraît exister une menace contre la paix, une
rupture de la paix ou un acte d'agression et où, du fait que l'unanimité n'a pas pu se
réaliser parmi ses membres permanents, le Conseil de Sécurité manque à s'acquitter
de sa responsabilité principale dans le maintien de la paix et de la sécurité
internationales, l'Assemblée examinera immédiatement la question afin de faire aux membres
les recommandations appropriées sur les mesures collectives à prendre, y compris, s'il
s'agit d'une rupture de la paix ou d'un acte d'agression, l'emploi de la force armée en
cas de besoin, pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales. Si
l'Assemblée ne siège pas à ce moment, elle pourra se réunir en session extraordinaire
d'urgence dans les vingt-quatre heures qui suivront la demande présentée à cet effet,
etc...».
(Le règlement intérieur de l'Assemblée fut amendé, en conséquence, par la
même résolution).
Les sections B, C, D et E de cette première partie :
— établissaient une commission d'observation pour la paix et définissaient
les pouvoirs de cette commission de 14 membres;
— invitaient les Etats membres à déterminer la nature et l'importance de
l'assistance qu'ils seraient en mesure de fournir;
— créaient une commission des mesures collectives de 14 membres;
— invitaient les Etats membres à se conformer pleinement à l'action
conjuguée et à intensifier cette action en coopération avec l'ONU.
La deuxième partie de la résolution «recommande au Conseil de sécurité de
prendre les mesures nécessaires afin d'assurer la mise en oeuvre des mesures
prévues par la Charte relativement à toute menace contre la paix, etc». Elle se
réfère aux articles 43, 45, 46 et 47 de la Charte. Elle donne nettement le sentiment
d'établir sur le Conseil une sorte de tutelle.
La troisième partie est plus directement adressée aux membres permanents
qui sont, en quelque sorte, invités à revenir à l'esprit et à la lettre de la Charte.
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c) La résolution 377 1A est-elle conforme à la Charte


Cette résolution fut adoptée par l'Assemblée à une large majorité, la
conjoncture ne se prêtant guère aux états d'âme. Elle représentait cependant un
monument politique et juridique d'une telle dimension et d'une telle audace que, dès
l'origine, nombre d'Etats, dont la France, ne l'approuvèrent que pour raison de
force majeure, exprimant bientôt à son endroit des réserves nombreuses et
articulées.
L'Assemblée se reconnaît le droit de suppléer le Conseil lorsque se présente
une des trois situations du chapitre VII (article 39) et que celui-ci se trouve
paralysé par un veto. Son intervention peut l'amener à préconiser des mesures
collectives (articles 41 et 42 du chapitre VII). Elle recommande au Conseil de
prendre les mesures nécessaires, etc..
L'Assemblée a donc créé un système de sécurité collective... parallèle à celui
de la Charte, mais calqué sur ce dernier.
Il est vrai que la résolution 377 revient à dépouiller le Conseil (en cas de
paralysie, répétons-le), de sa fonction d'action, au bénéfice de l'Assemblée(3) On a
pu dire, à cet égard,' qu'elle n'est conforme ni à l'esprit, ni à la lettre des art. 11,
paragraphe 2 et 12 ; qu'elle est contraire aux art. 39 et 11, paragraphe 2 ; qu'elle
contrevient à l'art. 12, paragraphe 1. Elle revient à faire de l'Assemblée le censeur
du Conseil puisque c'est elle qui se donne le droit d'apprécier si le Conseil «manque
à s'acquitter de sa responsabilité principale». A cet égard, certains auteurs ont
estimé que le Conseil ne respecte pas non plus la Charte lorsqu'il convoque
l'Assemblée en session extraordinaire d'urgence, car il se dessaisit d'une affaire.
Or le Conseil ne doit pas éluder la mission qui lui est impartie par l'art. 24,
paragraphe 1 . Le Professeur Virally a même estimé «qu'il était préférable que le
système de sécurité collective ne fonctionne pas, que l'Organisation, par
conséquent, demeure sans agir face à un conflit déterminé, plutôt que de prendre des
mesures qui risqueraient d'entraîner une crise entre les grandes puissances»(4).
Si, comme beaucoup l'ont dit et écrit, la Résolution Acheson n'est pas conforme
à la Charte, ne peut-on avancer que la pratique générale, acceptée depuis, a créé,
en quelque sorte, une «coutume modifiant la Charte» ?(5) Cette opinion a été
exprimée. Mais à quelles conditions la coutume peut-elle devenir règle de droit ?
Il n'y a pas de réponse précise à cette question. Les pays de l'Est et la France ont
bien souvent affirmé que la pratique n'avait jamais absout l'irrégularité originelle
de la résolution «Uniting for peace».
Le gouvernement français, comme je l'ai indiqué, devait, par esprit de
solidarité, voter le projet de résolution 377/A. Mais il n'avait pas tardé à exprimer les
réserves qui lui inspirait au regard de la Charte l'initiative américaine. D'une
manière générale, ces réserves étaient partagées par la plupart des juristes
français.
On trouvera une présentation très complète de ces critiques dans l'article
publié par J.F. Guilhaudis dans l'Annuaire français de droit international en
1981(6). Les réponses que les tenants de la thèse opposée ont faites à ces objections

(3) Voir J.P. Cot et A. Pellet, la Charte des Nations Unies -Commentaire - art. 24 par R. Degni-Se-
gui— p. 458 et suivantes.
(4) Voir Michel Virally, L'Organisation mondiale, p. 465, 1972.
(5) Voir R. Pinto, Le droit des relations internationales, Payot, Paris 1972 - p. 303.
(6) J.F. Guilhaudis, Considérations sur la pratique de l'«Union pour le maintien de la paix», AFDI
1981 -p. 382-398.
LE CONSEIL DE SÉCURITÉ ET LA RÉSOLUTION 377/A (1950) 429

figurent également dans cette étude. Celle-ci a, en outre, le mérite d'analyser de


façon très fine les motivations qui ont inspiré l'Assemblée générale depuis son coup
d'audace de novembre 1950. Ambition et prudence ont caractérisé ses démarches,
tant en ce qui concerne la qualification des circonstances légitimant, selon elle, ses
interventions qu'en ce qui concerne les mesures préconisées par elle et le
vocabulaire utilisé dans ses choix.
Ces observations retiennent l'attention. L'Assemblée, en plus de 35 ans, s'est
réunie 9 fois seulement en sessions extraordinaires d'urgence, ce qui offre peu de
prise à des évaluations statistiques et, d'autre part, chacun sait qu'une assemblée
telle que l'Assemblée générale, n'est pas composée uniquement de juristes.
J'observe, pour ma part, que si l'Assemblée générale s'est réunie en sessions
extraordinaires d'urgence en 9 occasions depuis novembre 1950, elle l'a fait 3 fois
de sa propre initiative et 6 fois à la suite d'une résolution du Conseil de sécurité.
Il est intéressant de noter que dans aucune des résolutions adoptées par
l'Assemblée la 377/A n'est visée, à l'exception de la 6e session extraordinaire
d'urgence relative à l'Afghanistan (et encore la mention de la 377/A ne figure-t-elle
que dans le dernier considérant(7). Ces résolutions ne visent pas non plus les
résolutions du Conseil de sécurité décidant de convoquer l'Assemblée Générale en
session extraordinaire d'urgence (à l'exception encore de la 6e session
extraordinaire de l'Afghanistan qui «prit note de la résolution 462 (1980) du Conseil de
sécurité», en date du 9 janvier 1980» ; et de la 9e session extraordinaire sur les
territoires occupés (1er considérant).
En d'autres termes, l'Assemblée, dans ces circonstances extraordinaires, veut
donner l'impression de se réunir proprio motu. Elle s'abstient d'invoquer le
précédent de novembre 1 950 (Uniting for Peace) ; elle se garde (sauf l'exception ci-dessus
mentionnée sur laquelle nous reviendrons) de paraître répondre à l'invitation du
Conseil de sécurité (qui cependant, en six occasions, s'est exprimé de façon ferme
sur ce point). Tout se passe comme si l'Assemblée générale voulait, par la pratique,
faire admettre de façon significative sa capacité à se réunir d'urgence sur des
questions graves relatives à la paix et à la sécurité internationales. L'Assemblée
évite même d'invoquer la raison sur laquelle elle avait fondé son initiative en
novembre 1950 : «du fait que l'unanimité n'a pas pu se réaliser parmi les membres
permanents du Conseil». Parfois elle prie le Conseil de se ressaisir, de faire rapport
ou d'agir. Bref, l'Assemblée veut non seulement se placer au même niveau que le
Conseil de sécurité (qu'elle ignore superbement le plus souvent dans ses
recommandations), mais ne dissimule pas l'ambition de se placer au-dessus de lui le
cas échéant. Voilà, semble-t-il, pourquoi l'Assemblée générale extraordinaire
d'urgence réunie en janvier 1980 sur l'affaire de l'Afghanistan a voulu réagir à ce qui
lui a semblé, à juste titre, une volonté du Conseil d'arrêter une dérive et de
réaffirmer sa prééminence propre dans le domaine de la paix et de la sécurité
internationales.
Devant une Assemblée très vigilante, le Conseil nous paraît avoir contribué
lui-même, jusqu'en 1980, à son abaissement. En effet, les résolutions par lesquelles
il a décidé de convoquer l'Assemblée générale en session extraordinaire d'urgence
visent toutes expressément, jusqu'à la résolution du 14 janvier 1980 sur
l'Afghanistan, la résolution 377/A de l'Assemblée générale. Pourquoi ? Quelle étrange

(7) La rédaction de ce considérant est très significative : «Consciente des buts et principes de la
Charte et de la responsabilité qui incombe à l'Assemblée générale aux termes des dispositions pertinentes
de la Charte et de la résolution 377 A (V) de l'Assemblée en date du 3/11/50».
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concession faite par le Conseil à l'Assemblée ! Quel bizarre abandon des privilèges
à lui conférés par la Charte !
Il est difficile de comprendre pourquoi de 1950 à 1980 le Conseil a cru devoir
se référer à la 377/A pour décider de convoquer l'Assemblée en session
extraordinaire d'urgence. Ce serait-il agi d'une sorte de complaisance révérentielle à l'égard
d'une initiative américaine à l'époque (les premières fois en 1956) où les Etats-Unis
dominaient encore, quant à l'influence, les Nations Unies ? La France et le
Royaume-Uni (Suez) ne se seraient pas senti le coeur de protester contre cette
référence ; l'Union soviétique quelques jours après (Hongrie) était à son tour mal
placée pour donner des leçons de droit. Les résolutions du Conseil n° 119 et 120
n'ont pas d'autre explication. Par la suite, à la seule exception de l'épisode de 1958
(Liban), le Conseil se serait laissé entraîner par les précédents, sans trop y porter
attention(8).
La France ayant été appelée, par le jeu de l'ordre alphabétique, à présider le
Conseil de sécurité en janvier 1 980, au moment où les troupes soviétiques venaient
d'entrer en Afghanistan, estima que la circonstance devait être utilisée pour créer
un précédent en sens inverse et arrêter le glissement auquel le Conseil de sécurité
s'était laissé aller au cours des 25 dernières années.
Un des moyens symboliques d'y contribuer pouvait être de faire adopter par
le Conseil un texte ne comportant aucune référence à la résolution «Union pour le
maintien de la paix», ni dans les discours, ni dans la résolution.
Je voudrais, dans la 2e partie de mon exposé, évoquer les tenants et
aboutissants de cette initiative.

II — Comment on crée un précédent au conseil de sécurité. Question de


l'Afghanistan, janvier 1980.
L'Assemblée générale n'étant pas parvenue le 31 décembre 1979 à faire un
choix entre deux candidats au siège du Conseil de sécurité traditionnellement
réservé à l'Amérique Latine (Cuba et Colombie dont l'initiale, C, emportait la
priorité sur le F), il devint évident que la France aurait à prendre le relais de la
Chine pour la présidence du Conseil de sécurité dès le 1er janvier 1980.
La conjoncture internationale était telle que l'on pouvait prévoir qu'au cours
de ce mois de janvier le Conseil examinerait non seulement la question
d'Afghanistan, mais aussi celles des otages américains à Téhéran et celle de la Rhodésie (les
négociations pour l'indépendance de ce territoire approchaient d'un point de
rupture).
Pour la première fois dans l'histoire des Nations Unies le Conseil était en
formation incomplète : 14 au lieu de 15. Le représentant de la France avait pris la
précaution d'interroger le Président sortant (Chine), le Secrétaire général, le
Conseiller juridique de l'Organisation, le Président de l'Assemblée générale
(M. Salim Salim). Tous avaient émis l'avis que, le Conseil devant être en mesure
(8) Le cas de la résolution 129 du 7 août 1958 sur le Liban mérite une explication. C'est la seule
résolution décidant la convocation d'une session extraordiaire d'urgence qui ait été adoptée à l'unanimité,
ce qui a fait dire qu'il n'y avait pas eu vraiment «carence» du Conseil, ce qui est pourtant la situation requise
par la résolution Acheson. En réalité il y avait blocage du Conseil sur le fond : rejet d'un projet américain
le 17/07/58, rejet d'un projet suédois du même jour, rejet d'un projet japonais le 21 juillet. Quant à la
procédure, un projet soviétique «décidant de convoquer une session extraordinaire d'urgence» sans
référence à la résolution 377/V n'avait pas abouti. Un autre projet, d'origine américaine, visant, pour le
même objet, la résolution 377/V, avait été écarté jusqu'au moment où il avait été convenu de ne pas faire
référence à la 377/V.
LE CONSEIL DE SÉCURITÉ ET LA RÉSOLUTION 377/A (1 950) 431

de siéger en permanence (art. 28), il lui faudrait un Président dès le 1er janvier
1980 :1a France.
Depuis le 25 décembre d'ailleurs, la Mission permanente de la France était en
état d'alerte. Mes collaborateurs révisaient tous les cas de figure des crises graves
du passé, celles principalement où les membres permanents avaient été sur le
devant de la scène. Les demandes de convocation du Conseil sur la question de
l'entrée en Afghanistan des troupes soviétiques commençaient à affluer. On
pouvait se douter que le représentant de Moscou tenterait de faire échec à une
convocation du Conseil. Mais de quelle façon ? Toutes les exceptions de procédure
avaient été soigneusement passées en revue. Des exercices de simulation avaient
été imaginés pour tenter d'anticiper sur la réalité du lendemain.
Rien ne se passe au Conseil le 1er janvier ; mais dès le 2, les interventions
téléphoniques se multiplient. Dans la journée le Représentant du Royaume-Uni
réunit quelques occidentaux. L'Egypte, la Chine, le Pakistan, les Philippines et
Singapour expriment leurs préoccupations. Une liste de pays disposés à saisir le
Conseil de sécurité commence à circuler. Le 3 janvier, à midi, cette liste compte
plus de 25 signatures ; à 15 h. il y en a 32. L'Ambassadeur de l'Union Soviétique
demande à être reçu par le Président dans l'après-midi. L'entretien est fixé à 18 h.
Voilà comment prend corps, dans une situation dramatique, la convocation du
Conseil de sécurité.
Dans la soirée du 3 janvier, 43 Etats signent une lettre priant le Président de
convoquer d'urgence le Conseil «aux fins d'examiner la situation en Afghanistan
et ses conséquences pour la paix et la sécurité internationales». D'autres signatures
suivront, venant de tous les horizons géographiques et politiques, à l'exception des
Etats socialistes. Dans un télégramme du 3 janvier le Ministre des Affaires
étrangères d'Afghanistan, M.M. Dost, s'oppose, de Kaboul, à une éventuelle
réunion du Conseil qui «constituerait une intervention dans les affaires intérieures
de son pays».
Ce n'est pas le lieu de décrire ici ce que furent les journées des 4 au 6 janvier,
mais il était évident que le débat s'achèverait par un vote négatif de l'Union
soviétique sur le projet de résolution préparé par le Bangladesh et co-parrainé par
les Philippines, la Tunisie, la Jamaïque et la Zambie(9).
J'ajoute que le Président ne fit rien pour abréger les interventions devant le
Conseil pendant ces 4 jours. D'abord pour qu'il fût bien clair que tous les pays
avaient eu l'occasion de s'exprimer, ensuite pour laisser à l'Assemblée générale,
qui avait repris ses consultations sur le siège «réservé» à l'Amérique Latine, la
possibilité de se prononcer avant que le Conseil ne fût conduit à voter sur la
question afghane(lO).
Cette course contre la montre aboutit le 7 janvier. La Colombie et Cuba s'étant
retirés, le Mexique fut élu sans difficulté. Je fis passer un message à son
représentant pour l'inviter de façon pressante à occuper son siège sans délai, ce qu'il fit.
Le projet soumis au Conseil par le Bangladesh, la Jamaïque, le Niger, les
Philippines, la Tunisie et la Zambie dans l'après-midi du 7 janvier fut rejeté en
raison du vote négatif de l'Union Soviétique.

(9) S/13729.
(1 0) Afin d'éviter que le Conseil ne fut amené à se prononcer, pour la première fois dans son histoire,
dans une composition ne répondant pas aux dispositions de l'article 23 de la Charte.
432 LE CONSEIL DE SÉCURITÉ ET LA RÉSOLUTION 377/A (1 950)

L'émotion dans le monde et aux Nations Unies était considérable. On ne


pouvait en rester là. Un appel à une session extraordinaire d'urgence de
l'Assemblée semblait s'imposer.
De fait, dès le 9 janvier, un mouvement se dessine, à l'initiative des
Philippines, en faveur de la convocation, par le Conseil, d'une session d'urgence de
l'Assemblée. Un projet de résolution commence à circuler. Il fait référence à la
résolution 377/A du 3 novembre 1950(11).
Le même jour, j'ai une conversation téléphonique avec le Directeur du Service
des Nations Unies à Paris. Les instructions provisoires qui me sont données
répondent aux idées suivantes :
— La France est favorable à la convocation d'une session d'urgence de
l'Assemblée pour débattre de la question.
— Elle suggère que l'on s'en tienne à l'application de l'article 8 a) du
règlement intérieur de l'Assemblée(12).
— Si, comme il est probable, référence est faite à la résolution «Uniting for
Peace», elle s'abstiendra à son grand regret, pour des raisons juridiques.
Sans révéler de secrets, je puis dire que cette position ne m'enchantait guère.
Comment faire admettre aux Nations Unies, au moment où la situation en
Afghanistan devenait une situation de guerre, que la France s'abstiendrait sur la
question d'une convocation de l'Assemblée ? Déjà les premières versions corrigées
du discours que je devais prononcer au Conseil de Sécurité sur le fond de l'affaire
le 7 janvier, ne m'avaient pas semblé tenir compte du climat existant. On avait
sensiblement arrondi les angles de mon projet qui avait été jugé d'un ton trop vif
pour les responsabilités présidentielles exercées par la France(13).
Je signale à Paris que nous ne pourrions pas nous résigner à l'abstention avant
d'avoir tenté de faire disparaître du projet de résolution toute référence directe à
la 377/A. Scepticisme de mes correspondants qui cependant me donnent carte
blanche et me souhaitent bonne chance.
Or il faut bien voir comment les choses se passent au Conseil de sécurité lors
de crises majeures. Chaque minute compte. Quinze personnalités ont un rôle à
jouer et veulent le jouer. Les gouvernements bombardent leurs représentants
d'instructions, de textes de discours. Comment maîtriser tout cela quand la
pendule tourne inexorablement et qu'il faut, dans le bureau du Président du
Conseil, être disponible, écouter les conseilleurs, rassembler les informations, en
faire la synthèse, suivre les orientations venues de la capitale tout en s'efforçant
de communiquer à celle-ci les impressions du «terrain», sans lesquelles de graves
erreurs peuvent être commises ?
C'est le représentant des Philippines qui avait pris l'initiative de rédiger un
projet de résolution tendant à convoquer l'Assemblée en session extraordinaire
d'urgence. Il est 10 H 30 du matin, en ce mercredi 9 janvier, quand il entre dans
mon bureau. La majorité du Conseil souhaite en terminer dans la journée. Le
Président ne dispose donc que de quelques heures pour mener à bien l'opération :
création d'un précédent. La conversation avec le diplomate philippin peut avoir une

(11) Co-auteurs : Philippines et Mexique.


(12) Formule qui avait la préférence de nos juristes. Elle ne comportait pas mention de la 377/A...
mais le texte de l'art. 8 b), lui, s'y référait expressément.
(13) J'avais dû, pour faire modifier dans un sens plus percutant mon intervention, appeler l'attention
de Paris sur le langage employé par les orateurs qui m'avaient précédé à la tribune. Ce langage était,
comme on dit en termes diplomatiques, «très ferme».
LE CONSEIL DE SÉCURITÉ ET LA RÉSOLUTION 377/A (1950) 433

importance décisive, car celui-ci doit s'entretenir aussitôt après avec les membres
non-alignés du Conseil dans une salle proche.
Le Président ne cache rien des raisons de sa tentative. Il sait parfaitement
qu'elle échouerait si les non-alignés lui prêtaient des arrières pensées ou si sa
démarche n'était pas comprise. L'Ambassadeur des Philippines, très bon profes-
sionel avec qui j'étais lié d'amitié depuis longtemps, comprend mes raisons. Deux
objections se présentent cependant à son esprit : 1 - Les non-alignés sont plutôt
favorables à un accroissement des pouvoirs de l'Assemblée. Ne serait-ce pas aller
à contre-courant que de faire disparaître pour la première fois depuis 1960 (20 ans)
la référence à la résolution Acheson dans une décision du Conseil ?
J'observe que le précédent de la guerre de Corée n'a pas laisé de si bons
souvenirs qu'il faille, de façon presque fétichiste, continuer de se référer à cette
opération. Au surplus, le Conseil n'entend nullement réduire le rôle l'Assemblée ;
il en appelle à elle tout au contraire, mais de son propre chef, en demandeur dans
son rôle qui ne doit pas, aux termes de la Charte, être un rôle subalterne ou
subsidiaire. Mon collègue m'écoute en silence.
Mais il y a une deuxième objection : le texte du projet (avec sa référence à la
377/A) a été approuvé par Manille, de même que le discours qu'il est prêt à
prononcer dans l'après-midi et qui comporte référence à la résolution «Union pour
le maintien de la paix». Avec le décalage horaire, il lui semble presqu'impossible
de joindre ses autorités et de les convaincre avant la fin de la journée. Mais il
m'assure de sa coopération «dans la mesure du possible».
Dans les minutes qui suivent le Président s'entretient avec le Conseiller
juridique de l'Organisation et le rallie à son point de vue.
Il juge qu'il n'est pas nécessaire d'approcher le Représentant soviétique, se
souvenant qu'en 1958 la délégation soviétique, dans l'affaire du Liban, avait
présenté un projet de convocation d'urgence de l'Assemblée qui se gardait (à la
différence d'un projet américain) de toute référence à la 377VA.
Avant la fin de la matinée, l'Ambassadeur de Philippines revient au bureau
du Président pour lui annoncer que les non-alignés ont accepté que soit biffée, dans
le texte, la mention de la 377/A.
Deux personnalités demeurent à convaincre : l'Ambassadeur des Etats-Unis
et le Ministre des Affaires étrangères du Mexique, M. Castaneda, qui siège
personnellement au Conseil.
Le premier se déclare prêt à sacrifier la référence, mais affirme que le mexicain
tiendra absolument à son maintien. La discussion s'engage donc avec M. J.
Castaneda qui, dans un premier temps, considère que l'absence de mention explicite ne
changerait rien d'un point de vue juridique, car selon lui, seule la résolution 377,
et non pas la Charte, offre une base «légale» à la convocation de l'Assemblée
générale pour des crises de cet ordre. Le Ministre mexicain des Affaires étrangères,
lui-même juriste eminent (et c'est la raison pour laquelle son témoignage avait une
si grande valeur), finit par accepter que disparaisse du texte toute référence à la
résolution «Union pour le maintien de la paix»(14). Pendant ce temps, la plupart
de mes collègues prennent sur eux d'éliminer la même référence du texte de leurs
discours déjà rédigés.

(14) «Y tenez-vous vraiment ? me demanda-t-il en souriant, avant de me quitter. Réponse : «Oui».


J. Castenada : «Alors, je ferai selon votre désir».
434 LE CONSEIL DE SÉCURITÉ ET LA RÉSOLUTION 377/A (1950)

Le Conseil est convoqué en séance officielle à 19 h 30. Il siège jusqu'à 20 h. Les


discours sont brefs. Le Représentant des Philippines présente un projet de
résolution entièrement conforme aux assurances données. J'avais prié mes collègues de
ne pas user tous de leur droit de parole, cela afin d'éviter de possibles distractions
en ce qui concerne la 377/A. Mes collègues avaient bien voulu déférer à ce voeu.
Seuls prirent la parole les co-auteurs (Philippines et Mexique), l'URSS et la RDA,
le Bangladesh et la Jamaïque (celle-ci dans un but de courtoisie) et la France.
Aucun des discours prononcés, non plus que le texte de la résolution lui-même,
ne firent référence à la résolution 377/AX15).
J'ajoute que la Chine n'avait naturellement fait aucune objection à ce que l'on
s'abstint de toute allusion à quelque chose qui rappelait trop... la guerre de Corée.
Le vote donna les résultats suivants :
— Pour: 12.
— Contre : 2 (URSS et RDA).
— Abstention : 1 (Zambie).
Un précédent venait d'être créé, volontairement, en quelques heures, mais non
sans efforts opiniâtres.
*
**

La France voulut aller plus loin et «tirer les conséquences» du vote du 9 janvier
1980 (résolution 462). En 1981, sa délégation à l'Assemblée proposa au «Comité
spécial de la Charte des Nations Unies et du raffermissement du rôle de
l'Organisation» que soit supprimée, dans le règlement intérieur de l'Assemblée, toute
mention de la résolution 377/A dans les articles 8 et 9 du règlement et que, dans
l'article 19, elle soit remplacée expressément par une référence à l'article 11
paragraphe 2 de la Charte. Cette initiative n'a jusqu'ici pas abouti. Elle n'était pas
dirigée contre l'Assemblée, mais visait à redresser une situation devenue confuse
juridiquement plus de trente ans après la guerre de Corée. Elle répondait au souci
de «permettre à l'Assemblée d'exercer pleinement les fonctions décrites au
paragraphe 2 de l'article 11 de la Charte et de préserver l'entière liberté de son droit
de discussion»(16).
Mais il existe à l'Assemblée un courant peu disposé à remettre en cause
l'initiative de 1950. Cette tendance, présente également au sein du Comité spécial
de la Charte, préconise tout à la fois un amoindrissement de l'exercice du veto au
Conseil ainsi qu'un «renforcement du rôle de l'Assemblée générale dans le domaine
du maintien de la paix et de la sécurité internationales en faisant plein usage des
dispositions des articles 10, 11, 13 et 14 ainsi que des résolutions pertinentes de
l'Assemblée générale»(17).

(15) Curieusement certains auteurs, sur la foi d'une information incomplète, continuent d'écrire que
la résolution 211IA a été utilisée par le Conseil de Sécurité dans l'affaire d'Afghanistan, ou bien que
l'Assemblée Générale a été convoquée sur la base de la résolution 377/ 'A à l'occasion de l'affaire afghane,
ou bien encore qu'en deux ans, du 9 janvier 1980 au 28 janvier 1982, elle a été employée quatre fois. Ces
formules ne correspondent pas à la réalité.
(16) Rapport du Comité spécial : A/38/33 page 30. Voir également : J.P. Cot et A. Pellet,
Commentaire de la Charte, Art. 11 § 2 et 3 p. 282 Hervé Cassan.
(17) Voir le document présenté au Comité spécial de la Charte par l'Algérie, Chypre, le Congo,
l'Egypte, le Ghana, la Tunisie, la Yougoslavie, etc.. A/AG.182/WG/46 rev. 2 II A, 2, II A, texte dans A/35/33.
LE CONSEIL DE SÉCURITÉ ET LA RÉSOLUTION 377/A (1950) 435

Ces propositions reviennent à «rééquilibrer» de façon significative les fonctions


et les pouvoirs respectifs du Conseil et de l'Assemblée générale, mais dans un sens
qui n'avait pas été voulu par les auteurs de la Charte. Elles n'ont pour le moment
pas dépassé le stade des suggestions.

Juristes et diplomates formulent des jugements nuancés sur la portée et la


valeur des précédents, surtout quand ces précédents ont les apparences de
reconquêtes formelles. Mais il faut bien commencer par quelque chose quand on se
propose de revenir sur des habitudes solidifiées par trente ans de pratique.
En l'occurrence, l'intention était de donner un coup d'arrêt à une dérive qui
avait conduit le Conseil à se placer sous une sorte de tutelle de l'Assemblée ce qui,
s'agissant de la paix et de la sécurité internationales, était manifestement
contraire à la Charte.
L'occasion s'offrait précisément, en janvier 1980, de revenir au respect des
rôles dévolus par la Charte au Conseil et à l'Assemblée sans négliger le moins du
monde les moyens d'un cheminement ouvert en 1950.
On notera pour conclure que, le Conseil de Sécurité, dans l'affaire des
territoires arabes occupés de janvier 1982, n'étant pas parvenu à «s'acquitter de sa
resonsabilité principale» du fait de l'absence d'unanimité parmi ses membres au
cours de sa 2329e séance, décida, le 28 janvier 1982, de convoquer l'Assemblée
générale en session extraordinaire d'urgence, sans se référer à la résolution 377/A
(projet adopté par 13 voix et 2 abstentions : Royaume-Uni et Etats-Unis).
Ce vote donnait à celui du 9 janvier sa valeur de précédent.

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