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American Horror Story Asylum 

et Goffman : « L’univers du
reclus » mis à jour dans l’univers des séries télévisées.

Comme nous l’avons vu, l’ouvrage Asiles d’Erving Goffman se propose de traiter du
« reclus », c’est-à-dire des personnes vivant sous le joug de l’institution totalitaire et comme
présentant des caractéristiques – mises en place et renforcées par l’institution totalitaire – de
dérèglement social.
En effet, les multiples phénomènes de dépersonnalisation du reclus au sein des
institutions totalitaires, comme l’hôpital psychiatrique par exemple, mettent en exergue une
figure du reclus comme étant isolé, contraint à rompre avec sa vie d’avant et à se conformer
au cadre unique d’existence de l’institution dans laquelle il séjourne. L’institution créée ainsi
le reclus.

Cette dimension du reclus, du marginalisé par l’institution, nous pouvons la retrouver


dans la seconde saison de la célèbre série américaine d’anthologie horrifique American
Horror Story, créée par Ryan Murphy. Au travers des épisodes, nous suivons l’histoire d’une
journaliste, Lana Winters, plongée au cœur des mécanismes de l’hôpital psychiatrique de
Briarcliff. Au gré de son séjour, Lana Winters, se faisant passer pour folle, se retrouvera
piégée par le règlement très strict de l’institution psychiatrique.
Pour commencer, le personnel de l’hôpital psychiatrique de Briarcliff se retrouve
composé de bonnes sœurs, étant des surveillantes, à la disposition des patients. En effet,
comme l’explique Goffman, la première forme de personnel, appelés les surveillants, est à la
disposition du patient, en tant que les bonne sœurs dans la série sont très présentes pour les
patients par le biais de l’écoute et en tâchant de répondre à leurs besoins. Toutefois, même si
celles-ci se rendent disponible pour les patients, elles restent néanmoins membres de
l’institution, et répondent donc avant tout au règlement du personnel. Dès lors, malgré le
service qu’elles rendent aux patients, les bonnes sœurs, en tant que surveillantes, s’imposent
autour d’un besoin d’autorité sur le patient, pour que ce dernier comprenne qu’il doit respecter
le personnel, et ainsi le règlement instauré par l’hôpital psychiatrique. Ainsi, les bonnes sœurs
sévissent dès lors qu’il y a non respect du règlement, et doivent toutes présenter une forme
d’impassibilité afin que les patients ne puissent pas s’en prendre aux membres du service.
Ensuite, nous trouvons dans la série une mise en scène nous rappelant les différents
types de mortifications et d’humiliation chez Goffman, en cela que les patients se retrouvent
dépossédés de leur vie en dehors de l’institution. Dans la série, nous trouvons ainsi des
patients coupés de leur famille, de leur vie d’avant, qui n’est jamais mentionné ni par le
personnel, ni par les patients. En plus de cette rupture sociale, les patients se retrouvent
également reclus dans leur propre statut de patient, en arborant tous le même habit, étant tous
soumis à ce que Goffman appelle une cérémonie d’admission, en cela que les patients
possèdent tous des dossiers avec leur empreintes, toutes les informations sur leur vie passée et
surtout un dossier médical rédigé par l’institution. Cette mise en place d’un isolement du
patient par l’institution permet ainsi une perte de l’identité du patient, qui devient ainsi un
patient et seulement un patient, ainsi qu’une soumission totale à l’institution psychiatrique,
unique cadre de vie pour eux. La série met ainsi en scène des techniques de mortifications
décrite par Goffman, comme l’isolement, la rupture avec le monde extérieur ou encore
comme l’uniformisation du patient afin qu’ils se ressemblent tous.
Enfin, la saison d’American Horror Story met également en scène la dégradation de
l’image de soi, comme le dit Goffman, en mettant en avant les pratiques de soins
psychiatriques. Par la pratique de l’électro-choc, ou encore par la pratique d’opérations
chirurgicales, Ryan Murphy met en exergue une autre manière de créer un reclus, une manière
qui se nourrit de l’attaque au soi par une pratique médicale dite « bénéfique » pour le patient.

En conclusion, American Horror Story met en lumière dans sa mise en scène et dans
son scénario une idéologie tout droit sortie de l’ouvrage d’Erving Goffman. Par la mise en
scène d’un personnel à la fois disponible et impassible, de pratiques d’uniformisation des
patients et d’isolement, et enfin de pratiques psychiatriques visant la soumission et la rupture
avec un soi « sain », Ryan Murphy met en scène les explications de Goffman sur l’univers du
reclus, reclus se définissant par son isolement, sa soumission à l’institution totalitaire et par
son opposition constante en son statut avec le personnel.

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