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DES MOTS SUR LES MAUX

entretien clinique

BELLAICHE JESSICA

[28001973]

Sous la direction académique de Lucia Romo (psychologue


clinicienne, maitre de conférences et enseignant chercheur)

Année Universitaire 2014-2015


SOMMAIRE

INTRODUCTION.................................................................................................................................. 1

I. PRESENTATION DE LA PATIENTE............................................................................................... 2

1. Le cas de Madame M
2. Les éléments anamnestiques

II. ENTRETIEN D’ANAMNESE .......................................................................................................... 4

1. La demande
2. Le questionnement socratique et la méthode des 4 R
3. L’alliance thérapeutique
4. Compte rendu hospitalier
5. Impression d’après entretien

III. PRISE EN CHARGE DE MADAME M .......................................................................................... 7

1. Tendance des autres entretiens


2. La sortie de Madame M.

CONCLUSION ...................................................................................................................................... 8
BIBLIOGRAPHIE
Introduction

L’entretien clinique fait partie intégrante de la formation du psychologue clinicien. En


effet nous sommes au quotidien confrontés aux patients et nous menons différents types
d’entretiens durant lesquels nous devons nous plier à des règles essentielles pour que ceux-ci
aient une visée thérapeutique et qu’ils se distinguent d’une conversation banale, d’une
discussion ou encore d’un interrogatoire.

Souvent la demande nait d'un constat qui pose problème et émane du patient mais quand ce
n’est pas le cas il faut savoir faire un travail exploratoire pour comprendre pourquoi ce patient
nous a été adressé par un proche ou encore par l’équipe soignant dans le cas qui nous intéresse
ici.

C’est donc en partant de cette optique que nous allons vous présenter un type d’entretien
effectué à l’hôpital de la Roseraie (Aubervilliers) dans le service de médecine interne et plus
précisément en soins palliatifs. Ici notre dossier aura pour fil conducteur les problématiques
rencontrées durant les entretiens, les solutions trouvées tout en donnant des impressions
personnelles en se positionnant en tant que future psychologue clinicienne.

Dans un premier temps nous verrons la présentation du cas de Madame M. en tenant compte
des éléments anamnestiques qui permettront de mieux cerner la patiente et le travail effectué
par la suite.

Dans un deuxième temps il sera question de présenter mon premier entretien avec Madame
M. (l’entretien d’anamnèse) ce qui est essentiel dans l’étude de la demande et pour montrer
comment le rapport collaboratif patient/thérapeute s’est créé.

Dans un troisième temps nous verrons de quelle façon la patiente a été prise en charge jusqu’à
la sortie de la patiente.

1
I. Présentation de la patiente

3. Le cas de Madame M

Je présenterai une patiente que je nommerai Madame M. afin de préserver son


anonymat. J’ai eu l’occasion de m’entretenir à plusieurs reprises avec elle dans sa chambre au
cours de son hospitalisation au service de soins palliatifs. Durant cet accompagnement, j’ai dû
adopter et m’adapter au cadre parce que souvent les patients que l’on voit dans ce service ne
sont pas autonome et donc se déplacer est difficile, je la voyais alors dans sa chambre. Elle
était dans une chambre individuelle, ce qui évitait à Mme M et à moi-même d’être gênées par
la présence d’une autre patiente. De ce fait, ce cadre me permettait de préserver la parole de la
patiente, l’anonymat et être dans la bienveillance.

Aussi faut-il rappeler que mon référent psychologue est d’obédience psychanalytique.
Le contenu de mes entretiens sont donc axés sur l’idée de thérapies brèves mais avec une
approche cognitive-comportementale. Ce dossier aura donc un regard intégratif de la pratique
clinique.

4. Les éléments anamnestiques

Mme M est âgée de 80 ans. Elle se fait hospitaliser aux soins palliatifs pour des nodules au
ventre (probablement d’origine cancéreuse).

Sa mère est décédée quand elle avait 2 ans des suites d’un cancer. Elle 7 frères de qui elle ne
se sent pas proche et un demi-frère qui a vécu avec le frère jumeau de son père. Son père était
très autoritaire et qualifiait Madame M. de vagabonde du fait qu’elle n’avait pas de stabilité.
A 16 ans Madame M. est contrainte de quitter le foyer familial (son père la met à la porte).
Peu de temps après elle se marie et de cette union naitra 4 enfants : 3 filles et 1 garçon. Dans
les années 50 ils s’installent en pavillon mais un incendie accidentel se déclare provoquant la
mort de la plus jeune de ses filles.

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Son conjoint était violent et alcoolique. Il aurait eu un comportement abusif envers l’une de
ses filles dès le plus jeune âge. A 20 ans, son époux disparait avec ses enfants qu’elle ne
reverra plus. Elle tente à deux reprises de les retrouver mais sans succès : lors de la première
elle apprend que son mari se fait passer pour veuf. La deuxième un peu plus tard abouti à un
appel téléphonique durant lequel elle s’entretien avec son fils qui ne veut pas entendre parler
d’elle, elle apprend néanmoins que ses filles ont tenté de la retrouver à une époque.

En 1962 nait une autre fille qu’elle élève seule durant vingt années. Le père l’ayant trompé
donc elle prend la décision de ne plus vivre avec. L’homme avait de mauvaise fréquentation
ce qui l’a mené en prison.

Plus tard suite à un contentieux avec sa fille à propos du père qu’elle voulait aller voir en
prison, la jeune fille quitte le domicile familiale à 20 ans. 2 ans plus tard elle revient avec de
sérieux problèmes de drogues (héroïnomane) et d’argent. Madame M. essaye d’aider sa fille à
s’en sortir, suivra alors de multiples tentatives d’internements en centre de désintoxication
mais elle rechute toujours. Elle fait 3 overdoses desquelles elle est sortie in extrémis, puis en
1985 elle se suicide par overdose médicamenteuse pour lesquels elle n’avait pas d’anticorps
pour combattre l’intoxication à la surdose. C’est un évènement dont Madame M. ne se
remettra jamais.

En outre après l’histoire de son ex-mari elle a eu une relation avec un homme avec qui elle
n’a finalement pas trouvé d’affinité particulière. La rupture est vécue par le jeune homme
comme quelque chose d’insurmontable qu’il en est parvenu à se suicider par arme à feu.

Actuellement Madame M. vit avec un homme plus pour avoir de la compagnie que pour un
réel lien amoureux. Il lui a offert des chiens (il ne lui en reste que deux) qu’elle considère
comme ses enfants. Actuellement elle fait partie d’une association de la SPA.

Pendant longtemps elle faisait beaucoup de sport mais a arrêté en 2010 quand on lui a
découvert un cancer colorectal pour lequel elle s’est fait opérée. Il y aura des complications
post opératoire car on lui trouvera une fistule au niveau de l’estomac. Quelques années avant
elle avait déjà u un cancer du foie à la suite duquel elle s’était remise.

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II. Entretien d’anamnèse
6. La demande

Lorsque je m’entretien pour la première fois avec la patiente je garde en tête les éléments qui
font l’entretien d’anamnèse à savoir un entretien semi directif axé sur la nature de la demande.

Ceci étant, en psycho-oncologie la méthode me parait quelque peu différente car il s’agit
d’apporter un soutien psychologique et de « créer » la demande chez un patient qui ne le
souhaite pas systématiquement en passant dans les chambres dans le cadre de l’hospitalisation
en soins palliatifs.

Dans ma démarche je me présente en tant que « psychologue stagiaire » et non « stagiaire


psychologue ». Il est vrai que c’est volontaire de ma part de faire attention au poids des mots
que j’emploie car je pense que la théorie sur l’étiquetage de Thomas J. Schef (Labeling
theory, 1966) selon laquelle le comportement d’un individu va être influencé par les termes
utilisés pour le décrire, peut également s’appliquer aux professionnels de santé. Ainsi un
patient va retenir la première fonction qu’il entend comme on peut le constater à l’image de
l’annonce d’un cancer qu’elle qu’en soit la nature le patient ne retiendra que le mot
« cancer ».

Je viens donc voir comment se sent Madame M. en commençant par un discours quelque peu
factuel mais nécessaire pour instaurer un bon rapport collaboratif. Les premières questions
que je pose sont donc :

- « avez-vous bien dormi cette nuit ? »


- « avez-vous bien mangé? »
- « le médecin est passé vous voir aujourd’hui ? qu’est-ce que le médecin vous a dit ? »

Pour ces patients hospitalisés pour des problèmes d’ordre somatique, je pense qu’il est
important de ne pas brusquer leurs défenses car l’image populaire du psychologue est associée
à la maladie mentale uniquement. Je pars donc du corps pour sonder ensuite les aspects
psychologiques de la patiente.

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Dans le cas de Madame M. l’entretien s’est très vite déroulé sur une demande explicite de sa
part. La patiente sentait le besoin de se confier par rapport à sa vie antérieure me parlant assez
peu de ses cancers successifs. Il est essentiel de laisser la patiente s’exprimer sur ce qui est
important pour elle sur le moment ainsi cela permet d’être congruent. La douleur
psychologique était plus importante que la douleur somatique. Elle me parle donc des
différents événements de son passé qu’elle a vécu comme des traumatismes.

7. Le questionnement socratique et la méthode des 4 R

On appelle questionnement socratique la technique didactique où l'on pose des questions dans
le but d'aider les autres à apprendre. Très utilisée dans les thérapies cognitives il permet de
focaliser l'attention du patient et du thérapeute sur les problèmes à traiter, de mettre au jour les
hypothèses du patient, d'en tirer les conséquences possibles et de considérer d'autres
perspectives pour comprendre les problèmes.

C’est en ayant cette théorie en tête que je mène donc mon entretien afin de créer et de
maintenir l’alliance thérapeutique.

Utilisé avec la méthode des 4 R, concept développé par William Miller et Stephen Rollnick
(2006) le questionnement socratique est suffisant à une bonne alliance. Il faut donc
Recontextualiser en précisant la situation, le patient centre son attention sur le problème à
traiter plutôt que sur la relation avec le thérapeute. Ensuite il faudra Reformuler, Résumé et
Renforcer les propos du patient.

De ce fait l’entretien anamnestique est d’essayer de recentrer la patiente sur une


problématique qui semblait importante à ce moment-là. Cependant il était difficile pour moi
de réussir à recadrer à certains moments.

8. L’alliance thérapeutique

Comme Cungi le fait remarquer dans son article sur l’alliance thérapeutique (L’alliance
thérapeutique : l’optique comportementale et cognitive, 2006), celle-ci nait d’un bon rapport
collaboratif. Ceci étant il faut être en tant que psychologue bon observateur de ses propres
émotions tout en observant les émotions du patient (exprimées de manière verbale et non
verbale) et la relation qui s’établie lors de l’entretien clinique.

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Durant l’entretien j’ai donc pu remarquer l’alliance thérapeutique qui s’était créé avec
madame M. D’ailleurs la patiente a fait savoir aux infirmiers que l’entretien lui avait été
bénéfique et qu’elle me voyait comme une personne bienveillante à son égard.

Au niveau des aspects non verbaux j’ai pu remarquer que madame M. ressentait des douleurs
au ventre dès le moment où elle a évoqué la mort de sa fille toxicomane et lors de la fin de
notre entretien. Elle me disait « ça grouille dans mon ventre ». Bien que la pathologie qui
l’amène à l’hôpital soit des nodules au niveau du ventre, j’ai supposé qu’elle avait somatisé la
douleur de ce qu’elle venait d’exprimer. J’ai fait le lien avec une naissance et je lui ai fait part
de mon hypothèse qu’elle a approuvé, comme si madame M. avait accouché de son
traumatisme et que le fait d’en parler était douloureux mais salvateur. Par la suite les
entretiens montreront un versant plutôt axés sur le corps que sur l’esprit.

9. Compte rendu hospitalier

A la suite de ce premier entretien, la tâche m’a été donné de faire un compte rendu hospitalier.
Celui-ci ne doit pas présenter d’éléments de fond sur la vie du patient mais plus des éléments
de formes psychologique. Le compte rendu était le suivant :

« La patiente est ici suite à un 3ème cancer (elle a des nodules) qu’elle a eu au cours de sa
vie, elle se confie sur une multitude d’événements traumatiques aboutissant aujourd’hui à ce
qu’elle vive avec des affects de culpabilité et de regrets. A l’hôpital elle se sent rassurée face
à une équipe soignante contenante. Cependant elle est partagée entre l’envie de rentrer chez
elle pour reprendre sa vie d’avant l’hospitalisation et le sentiment d’être en sécurité dans un
endroit où il y a des professionnels à proximité au cas où il lui arrivait quelque chose. »

Il était difficile pour moi à ce moment-là de mon stage de ressortir les éléments sémiologiques
important sans entraver le respect du secret professionnel par lequel nous sommes tenus dans
le code de déontologie des psychologues. Ceci étant je me suis représentée ce secret comme
une façon de ne pas parler de la vie privée de la patiente tout en donnant des informations qui
peuvent informer les autres professionnels de santé (médecin, infirmiers, aides-soignants…)
sur la façon d’agir de la patiente en particulier ses angoisses, ses affects et ses mécanismes de
défenses.

10. Impression d’après entretien

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N’ayant jamais eu de patiente aussi collaborative il est vrai qu’il était difficile de recadrer
l’entretien car le poids de sa confession était hémorragique tant par l’afflux d’informations
que par le contre transfert que j’avais pu éprouver à son égard.

Cependant durant l’entretien je pense avoir été dans l’empathie et non éprouver de la
sympathie pour la patiente. Lorsque j’ai rédigé mon compte rendu d’après entretien je me suis
posée les questions suivantes :

- « la patiente a-t-elle vécu comme tel ses évènements ou serait-ce de la


théâtralisation? »
- « la patiente ne voulait-elle pas être complaisante à mon égard ? »

Je supposais chez elle les traits d’une personnalité histrionique avec un mode général de
réponses émotionnelles excessives et une quête d'attention. Ces manifestations paraissaient
axées sur la coquetterie, le désir d’attirer l’attention par son physique (plutôt valable quand
elle était plus jeune), l’expression émotionnelle superficielle et changeante, le théâtralisme, la
suggestibilité, la considération des relations plus intimes qu’elles ne le sont réellement avec la
tendance d’appeler les gens (personnel soignant y compris) par leur prénoms.

Il est vrai que la formation universitaire tend à ce que nous utilisions les outils en notre
possession pour nous représenter la personnalité des patients. Ceci étant mon but n’était pas
de la stigmatiser en l’étiquetant dans une catégorie mais plutôt de comprendre son mode de
fonctionnement pour interagir avec la patiente de manière efficace pour la suite des entretiens.

III. Prise en charge de Madame M.

3. Tendance des autres entretiens

Les entretiens que j’ai menés par la suite avec madame M. étaient plus axés sur des entretiens
de soutien. Il était clair que la patiente était submergée par ses émotions, par l'angoisse, par la
douleur...

De ce fait l'entretien de soutien consiste à écouter la plainte du patient en offrant un lieu


propice à l’expression des émotions. Au fur et à mesure des séances, le fait d'exprimer les
émotions permet de les intégrer, de les réguler, de contenir les angoisses et donc d'apaiser la
patiente.

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Comme le disait Isabelle Lervert, psychologue clinicienne : « La mise en mots permet de
guérir beaucoup de maux ». Au cours de l'entretien, j’utilise donc des outils qui amènent la
patiente à entrevoir une issue à sa situation problématique avec des possibilités d'actions pour
résoudre ses difficultés, ce qui aura un effet sur l'atmosphère dramatique dans laquelle il
demeurait.

4. La sortie de Madame M.

Madame M. est sortie de l’hôpital quelques semaines plus tard mais est revenu quelques jours
après avoir eu à nouveau des douleurs des suites de sa chimiothérapie. Il est vrai que la
patiente se sentait entourée au sein de l’hôpital et je me suis demandé si madame M. n’avait
pas pris l’habitude d’être assistée par cette équipe contenante d’autant plus que c’est une
personne âgée qui est seule la plupart du temps.

Ceci étant aujourd’hui madame M. n’est plus hospitalisée mais elle vient faire sa
chimiothérapie dans le service oncologie de l’hôpital. Elle a exprimé le fait qu’elle souhaitait
me revoir en me disant : « j’ai encore pleins de choses à vous dire nous n’avons pas fini de
nous revoir ».

Je me suis demandée si la patiente avait effectivement encore d’autres choses à me dire ou si


c’était une accroche car le lien était bénéfique pour elle mais que cela relevait de
l’occupationnel plutôt que d’un bénéfice psychothérapique. Ceci étant j’ai pris la décision de
la revoir encore quelques séances pour me faire une idée de la demande actuelle.

Conclusion

En conclusion nous pouvons dire que l’entretien anamnestique est essentiel pour la suite de la
prise en charge thérapeutique d’un patient. Il faut garder en tête toute la littérature mise à
notre disposition pour mener un bon entretien tout en se confrontant à la réalité clinique ou il
faut avoir des ressources pour rebondir si l’entretien ne se passe pas comme à la coutume.

C’est aussi dans l’expérience qu’on affine son sens clinique mais sans oublier que le poids des
mots est important autant pour le psychologue que pour le patient. Tous les éléments même
les plus anodins sont à prendre en compte dans l’analyse du patient. Sachant cela, c’est dans

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l’interaction (qu’elle soit verbale ou non verbale) que se passe l’essentiel de notre travail, que
nous devons interpréter pour donner les outils aux patients afin qu’ils puissent vivre plus en
paix avec eux même.

9
Bibliographie

Cungi. C. (2006). l’alliance thérapeutique. Retz

Levert. I. (s.d.) Petit guide de la psychologie clinique. Repéré à http://www.la-


psychologie.com/index.htm

Scheff. T. J. (1974). The Labelling Theory of Mental Illness. American Sociological Review,
Volume 39, p 444-452

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