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L’amour de la France pour le Japon

"Oui, il y a une histoire d'amour entre la France et le Japon", estime Béatrice


Quette, chargée des collections asiatiques au Musée des arts décoratifs, а Paris. Et elle
remonte au XIXe siècle.

Après l'arrivée des Portugais et Néerlandais au XVIe, le Japon interdit tout lien avec
l'étranger en 1639, craignant une invasion.
Durant plus de deux siècles, l'archipel se coupe du monde, avant que les Américains
imposent l'ouverture en 1854.
Des relations diplomatiques sont signées avec la France en 1858, puis advient dix ans
plus tard l'ère Meiji: après l'isolement volontaire, c'est l'ouverture totale vers l'étranger,
faisant découvrir а l'Occident un pays jusqu'alors largement inconnu.

"Le Japon était mystérieux. Il y a donc eu une véritable fascination. On découvre le Japon
de manière totalement frénétique", explique pour l'AFP Béatrice Quette.
Le compositeur français Debussy, le poète Baudelaire, les peintres Van Gogh, Monet,
Degas: tous se sont dits influencés par la finesse des estampes qui affluent alors. L'impact
sera tel qu'on parlera de "japonisme" pour décrire l'influence de la culture nippone.
"Le Japon est un merveilleux ouvre-boîte qui permet de faire exploser les cadres",
explique Michaël Lucken, directeur du Centre des études japonaises а l'Institut national
des langues et civilisations orientales (Inalco, Paris). "Le Japon est un pays plus pluriel,
car il n'est pas monothéiste. La ligne est libre. Ainsi en peinture, les Japonais peuvent
mettre l'objet important dans un coin du tableau, et non au centre", explique-t-il.

En cette fin de siècle où les impressionnistes veulent s'affranchir des règles académiques,
l'art japonais arrive "au bon moment", souligne Manuela Moscatiello, responsable des
collections japonaises au Musée Cernuschi, а Paris.

Goldorak pour baby-sitter

Mais le japonisme n'a pas touché seulement les arts, comme le montre la fabuleuse
saison culturelle qui s'ouvre jeudi en France et justement intitulée "Japonismes 2018", au
pluriel.
"Le goût du Japon a touché tous les domaines", confirme Mme Moscatiello. "Les objets
japonais envahissent Le Bon Marché (grand magasin parisien). Et un journal écrit
en 1873 sur l'influence du Japon dans ... la confiserie".
L'art industriel en particulier sera largement influencé: au Japon, "même dans un objet
quelconque, on peut trouver du grand art", explique Mme Moscatiello, citant l'historien de
l'art Louis Gonse, qui écrivait en 1883: "Les Japonais sont les premiers décorateurs du
monde".
"Le Japon a inventé les critères du design: il faut que ce soit beau et utile", confirme Mme
Quette. La France va ainsi "s'engouffrer dans le style japonais". "Le japonisme faisait
vendre".
La vague japonisante s'estompe lors des deux guerres mondiales mais "est remontée
depuis les années 60", selon M. Lucken. "Aujourd'hui, la mode du Japon revient", confirme
Mme Quette, "par la cuisine ou la mode, avec les nombreux stylistes comme Kenzo ou
Yamamoto, ou encore les mangas", ajoute-t-elle.
"La France est le pays en Europe où l'engouement est le plus fort pour les mangas et les
anime", films d'animation japonais, précise M. Lucken, grâce aux chaînes publiques





Antenne 2 et France3 qui, au milieu des années 70, achetaient а tour de bras les
anime car ils étaient "un tiers moins chers que les dessins animés français".
Des "générations entières" ont ainsi été biberonnées aux dessins animées japonais, en
particulier le fameux Goldorak, dont on fête cette année les 40 ans en France.
Aujourd'hui, "l'engouement reste fort" pour la culture japonaise. "On aurait cru qu'avec les
investissements massifs de la Chine dans la culture, le Japon allait décroître mais ce n'est
pas le cas", estime M. Lucken.

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