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Le terme de « monument » est un terme qui apparait anciennement : monumentum. Au départ, le mot
monument désigne ce qui rappelle le souvenir. L’adjectif « historique » est d’apparition encore plus
tardive : 15e siècle. Ça vient du grec « Hitorikos » qui signifie relatif à la connaissance d’une chose.
L’expression complète « monument historique » n’apparait pas avant le 18e siècle dans le sens cette fois-ci
d’édifice architectural. L’apparition du droit des monuments historiques est récente parce que les Temps
Modernes ne font aucun effort de sauvegarde du patrimoine. Pendant très longtemps, les monuments sont
vus comme des monuments utilitaires seulement. Donc aux Temps Modernes, c’est à la fois une période où
construit énormément mais où on ne se préoccupe pas de la sauvegarde/entretien de ces monuments.
Il y a eu trois phases dans cette prise de conscience qu’il fallait sauvegarder les monuments : La
Révolution Française, le Premier 19e siècle et la Troisième République (qui commence en 1870).
La Révolution met le patrimoine architecturel en grand danger puisque le but est de détruire tout ce
qui rappelle l’Ancien Régime. Il faut citer deux décrets emblématiques de ces dangers-là :
➢ Décret de Septembre 1792 : Art. 3 « La ville de Lyon sera détruite, tout ce qui fut habité par les
riches sera aboli ».
Paradoxalement, c’est pendant cette période qu’on prend conscience qu’il faut sauvegarder le
patrimoine. Il faut notamment citer ALEXANDRE LENOIR qui a engagé une véritable croisade contre la
destruction du patrimoine culturel. Il a vécu de 1761 à 1869. Il est spécialiste du Moyen-Age (médiéviste),
archéologue, historien de l’Art et conservateur de musée. Pendant la Révolution, il a une trentaine d’années.
La mission qu’il se donne au départ est liée aux œuvres d’art, et non aux monuments historiques. Il va donc
commencer un immense travail de classement. Il classe tous les objets anciens qui sont dispersés dans des
édifices. Puis, en 1791, il va être autorisé par l’Assemblée Nationale (Assemblée Constituante) à rassembler
les pierres qui sont issus des édifices démolis. En 1795, il ouvre un musée où il entrepose ses pierres (Le
musée des monuments français). On considère que la naissance de ce musée marque la naissance des
monuments historiques. Le but d’Alexandre Lenoir n’est pas de collectionner les pierres dans un esprit
religieux ou monarchiques. Il les collectionne en historien, en disant qu’en regardant ces pierres on peut
apprendre l’histoire de France. Lenoir a opéré le tour de force de dépolitiser le monument historique, il en
neutralise le sens immédiat (qui était un sens seulement utilitaire). Il veut promouvoir une histoire
monumentale de la monarchie française, une histoire de la France donc étudiée par ses monuments.
Désormais, le monument a une valeur esthétique et historique. Lenoir croit en la valeur éducative du
monument. Il y a un historien : Jules MICHELET qui est le plus gros historien du 19e siècle.
On sort de la Révolution. Au début du 19e siècle, les monuments historiques sont complètement
dépourvus de protection juridique. C’est le vide législatif sur la question. La situation est complexifiée par
l’arrivée du Code Civil mais aussi par la DDHC tout simplement parce qu’entre l’œuvre de la Révolution
Française et le Code Civil, on exalte la propriété privée. C’est le règne de l’Individualisme, de la
bourgeoisie. Les propriétaires, les particuliers n’admettent pas d’ingérence de l’Etat au nom de ce fameux
dogme de la propriété privée. Pendant plusieurs décennies, l’Etat quand il intervient (ce qui est très rare),
intervient par circulaires (et non par lois). On a une loi qui finit par intervenir le 3 Mai 1841 relative à
l’expropriation pour cause d’utilité publique. Cette loi va inclure les monuments historiques dans le
champ de l’expropriation. On légifère de manière complètement détournée. Sauf que cette loi ne va
quasiment pas être appliquée. Dès lors, l’Etat exproprie souvent pour acquérir un monument historique. Par
exemples, le Théâtre romain d’Orange (acquis par l’Etat en 1865 et le site Breton de Carnaques (acquis par
l’Etat en 1874). L’Etat va surtout exproprier les alentours des monuments historiques pour dégager les gens
des abords des monuments (exemple cathédrale Pey Berland Bordeaux ou encore le Mont Saint Michel aux
alentours de 1900).
Cette loi ne sanctionne absolument pas les mutilations de monuments. Il n’y a rien qui est dit sur ce
sujet. De plus, l’Etat n’a pas d’argent, il peut donc à peine restaurer une dizaine d’édifices par an.
Au 19e siècle, l’Elite cultivée de la Nation va faire un peu pression sur l’Etat et notamment ceux
qu’on appelle les Romantiques. Le Romantisme est un mouvement culturel apparu en France début 19e
(1830-1840) dont les maîtres mots sont l’exaltation des sentiments humains. Alors qu’au 18e siècle, sous les
Lumières, on exaltait la raison. Donc le mouvement du romantisme se dépeint dans la littérature (Goethe
par exemple), la peinture, la musique, etc. Les Romantiques sont très admirateurs du Moyen-Âge alors que
jusqu’à présent les gens étaient admirateurs de l’Antiquité. Les Romantiques mettent le médiéval à la mode
et donc il va y avoir toute une lutte sur la protection des monuments médiévaux. Une figure se détache dans
ce mouvement Romantique : Victor HUGO. Il va avoir l’idée de sensibiliser l’opinion publique sur
l’importance de tout ce patrimoine. Il va donc dénoncer les destructions révolutionnaires avec le plus de
virulence. Il va le faire avec l’écriture. En 1825 il publie un pamphlet très connu Guerre aux Démolisseurs.
Puis, en 1831, il publie Notre Dame de Paris. Hugo pense vraiment que l’intervention de l’Etat est
nécessaire pour sauver le patrimoine.
Les Romantiques vont lancer toute une campagne de presse qui passe par trois journaux
essentiellement : La France Littéraire, Le Globe et L’Artiste. Dans ces trois journaux, écrivent les
romantiques mais écrivent aussi Ludovic VITET et Prosper MERIMEE. Comme par hasard, lorsque Guizot
va créer le premier poste d’inspecteur des monuments historiques, ce sont les romantiques qui vont
décrocher ces postes (d’abord Vitet puis Merimée).
L’influence des Romantiques s’est surtout fait sentir à Paris. On assiste dans la capitale à une
reconversion progressive d’un certain nombre de monuments en musées. Donc le Romantisme aboutit à
quelques résultats. Par exemple, le Roi Luis Philippe, sous la Monarchie de Juillet, transforme le Château de
Versailles en musée historiques. Le second exemple est Le Louvre (jusqu’à Louis XV, c’était le Palais
Royal) qui est reconverti en musée des arts.
Quid de la province ? La protection des monuments historiques est passée par un canal un peu
différent. Celles qui vont jouer un grand rôle ici sont les sociétés savantes. Il s’agit de petites sociétés locales
(type association) qui sont constitués d’amateurs passionnés. Ce sont des érudits, des amateurs, qui vont
œuvrer pour la conservation du patrimoine. Ces petites sociétés locales vont organiser des conférences
publiques, et vont publier aussi des bulletins. Elles vont également constituer des collections. Le 19e siècle
c’est vraiment l’âge d’or de ces sociétés savantes. Elles se multiplient. Guizot, en 1834, va fédérer ces
sociétés savantes. Il va créer une société qui les regroupe toutes : la société pour la conservation des
monuments historiques. Sous l’influence des Romantiques, Guizot estime qu’il est du devoir de l’Etat de
protéger le patrimoine et de fédérer ces sociétés.
Ces sociétés savantes vont petit à petit perdre de leur influence à partir du Second Empire (Napoléon
III). Mais elles témoignent avec éclat de l’intérêt du peuple pour les monuments historiques. On voit
l’intérêt populaire qui s’affirme ici, donc les Romantiques ont réussi à convaincre un peu tout le monde
(Etat et peuple). Plus les gens sont préoccupés par cette protection, plus l’Etat est poussé à intervenir : La
première loi en matière de patrimoine culturel : la loi du 30 Mars 1887.
Guizot entre au gouvernement en 1830. L’année même où il entre en poste, en Octobre 1830, il
soumet un rapport au roi relatif à la nécessité de protéger les monuments anciens. À partir de ce rapport, va
suivre un travail d’une vingtaine d’années (1848). Toute l’œuvre de son mandat va être de constituer une
politique du patrimoine. Il dit qu’il faut d’abord les connaitre puis les protéger sans distinction. Guizot se
lance dans quelque chose de vraiment ambitieux. Pour réaliser son projet, il va créer le Premier inspecteur
général des monuments historiques en 1830. C’est hautement symbolique de créer cette fonction. C’est la
première forme d’institutionnalisation des monuments historiques. C’est la première fois que l’Etat fait un
pas dans ce sens-là. En créant un inspecteur, on envoie un signal qui est que la protection des monuments
historiques devient un sujet légitime, une préoccupation de l’Etat.
L’inspecteur général, sa première fonction, va être de cataloguer tous les monuments du territoire qui
exigent une attention. C’est une entreprise gigantesque. Puis, quand ce catalogue est fait, il est envoyé au
Ministre de l’Intérieur et la mission de ce dernier va être de classer les édifices (de les inscrire au
classement). Evidemment, les inspecteurs généraux ne vont pas agir tout seul. Prosper Mérimée va
demander l’aide des préfets des départements. Il va leur demander d’écrire toute la liste des monuments
historiques du département. Sauf que pour les préfets c’est quand même une tâche qui est très lourde et très
ingrate. Comment l’Etat va-t-il motiver les préfets ? Par l’argument financier. On va délivrer aux préfets des
subventions proportionnels à leur engagement dans l’inventaire. La protection du patrimoine devient le
travail collectif du pays.
En 1887, va naitre une grande institution : La commission des monuments historiques. Cette
commission comprend huit membres et l’idée c’est que cette commission va dresser la liste des monuments
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historiques digne d’être conservés, protégés. La Commission va procéder à un classement. Lorsqu’un édifice
est classé, plus possible de le restaurer tout seul dans son coin et plus possible de le démolir. Sauf que cette
loi à l’époque n’est assortie d’aucune sanction ! Donc l’autorité de cette commission est purement morale.
La première liste des monuments historiques que les historiens ont retrouvés date pourtant de 1838.
On s’est rendu compte que pour faire leur inventaire, les préfets s’étaient appuyés sur les sociétés savantes.
Cette liste comprend 1090 monuments historiques recensés. En 1848, le nombre a considérablement
augmenté : 2800 monuments historiques recensés.
Parallèlement à tout ça, en 1839, on créer une Direction des monuments publics et historiques.
C’est une sous-division du Ministère de l’Intérieur.
C’est la première loi relative à la conservation des monuments et des objets d’art ayant un intérêt
historique et artistique. Cette loi émerge dans un contexte brulant : les travaux du Baron Haussmann à Paris.
Il opère des destructions importantes dans la ville (pour ouvrir de grandes arcanes + période de
l’hygiénisme). Haussmann est d’accord pour protéger les monuments historiques mais seulement s’ils
n’empêchent pas ses travaux de rénovation urbaine.
C’est la première fois qu’on a un texte qui va venir donner une assise juridique à la procédure de
classement. Jusqu’à présent, c’était la commission qui classer mais aucun texte ne l’a réglementé. Désormais
on peut parler d’acte fondateur du droit du patrimoine culturel parce que la procédure de classement est
réglementée pour les biens qui présentent un intérêt national. Ce texte nous dit qu’on doit demander au
Ministre préalablement à toutes modifications ou à toutes destructions. Le texte prévoit également la
possibilité d’expropriation des monuments historiques, c'est-à-dire à la fois des immeubles classés et aussi
les immeubles dont le propriétaire refuse le classement.
Ce texte pose deux problèmes en réalité. D’abord, Le premier problème était que l’article 1er de cette
loi exigeait pour classer un immeuble un intérêt historique ou artistique. Le problème était de savoir qui était
compétent pour apprécier cet intérêt artistique. Concrètement, le Ministre des Beaux-Arts, avant de classer,
consulte la commission des monuments historiques qui avait été créée la même année. Avec cette loi, le but
de cette commission, ça va être d’empêcher qu’on classe des immeubles qui sont médiocres. Ensuite, le
deuxième problème c’est que cette loi ne prévoyait pas de sanctions pénales, c'est-à-dire qu’elle était
complétement dénuée de coercition. Donc en fait rien n’obligeait les propriétaires privées. L’idée c’était de
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responsabiliser les gens, de faire appel à leur bon sens. Du coup cette loi elle apparait comme une mesure de
sensibilisation parce que la seule petite menace qui pèse sur un propriétaire d’immeuble c’est une sanction
civile. L’Etat peut demander une réparation civile pour dommages sur un immeuble classé. Les destructions
étaient souvent liées aux travaux de rénovations, et donc absence d’éléments intentionnels de la destruction
du monument classés. Donc impossible de faire une répression pénale. La sanction civile était totalement
inefficace, jamais utilisée en 18 ans. C’est là toute la réticence du législateur à intervenir sur la propriété
privée.
Cette loi opère un compromis entre deux grands principes, ce qui cause un peu son inefficacité. La
loi refuse de trancher entre deux grands principes. Il s’agit :
S’agissant d’abord de l’intérêt privé des propriétaires. Il s’agit du droit de propriété de l’article 17 de
la DDHC + Art. 544 du Code civil. L’idée c’est que les propriétaires de monuments historiques conçoivent
leur droit de propriété comme étant absolu. Pour eux leur droit de propriété est un droit absolu qui ne saurait
souffrir d’aucune limite. Et à ce moment-là, en 1887, le législateur refuse de toucher à l’absolutisme de ce
droit parce qu’on était proche du centenaire de la Révolution (centenaire = déchirer la Droite et la Gauche en
France). Le législateur ne veut donc pas passer pour celui qui bafoue la Révolution.
S’agissant du principe de l’intérêt public de l’Etat. A la fin du 19e siècle, les juristes reviennent sur
leurs grands principes et sur leurs méthodes : naissance de l’Ecole Scientifique du Droit (qui fait suite à
l’Ecole de l’Exégèse) Elle a essayé de renouveler les méthodes d’interprétation, en prenant compte de la
jurisprudence et de la pratique du droit notamment. On est donc arrivé à une relativisation de l’absolutisme
du droit de propriété. Exemple typique de cette relativisation : la théorie de l’abus de droit ou encore la
théorie de la fonction sociale de la propriété de DUGUIT. C’est aussi le grand avènement du socialisme à la
fin du 19e siècle. C’est l’essor des mouvements voulant faire primer la collectivité sur l’intérêt privé. C’est
aussi la période de la naissance du droit social. Le droit social déroge à certains principes civilistes (ex :
avènement des conventions collectives de travail).
Donc avancée timide de la loi. Cette loi de 1887, pour la première fois, met en place une
intervention de l’Etat fondée sur l’intérêt générale. Elle formule l’idée qu’en matière de monuments
historiques, l’Etat peut intervenir sur fondement de l’intérêt général, intérêt collectif, pour le bien de tous. La
loi consacre la procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique en matière de monument historique.
L’Etat peut forcer le propriétaire à céder son bien contre son gré (contre indemnisation) si ça se justifie par
une nécessité publique ➔ Art. 17 DDHC « si ce n’est lorsque la nécessité publique l’exige ». Dès lors, si un
propriétaire refuse le classement, l’Etat peut riposter par une expropriation. Symboliquement, on admet
enfin l’existence d’un intérêt supérieur à celui du propriétaire.
Pour conclure, cette loi est insuffisante et non aboutie mais elle n’est pas totalement inutile non plus
dans ce sens où on admet l’ingérence de l’Etat en la matière.
La séparation de l’Eglise et de l’Etat pose le problème de la répartition des édifices qui sont liées au
culte. Le législateur décide ici de placer les intérêts de l’Etat au-dessus de l’intérêt de l’Eglise. Désormais,
l’Etat et les communes sont propriétaires des biens cultuels. L’Etat et les communes vont devenir
propriétaires de tous les édifices qui auparavant appartenaient aux associations cultuelles. C’est une sorte
d’expropriation. A l’époque, ça a été vu par les Eglises comme une sorte de spoliation. Pour autant, on va
accorder un lot de consolation aux cultes. Avant 1905, les cultes étaient placés sous le contrôle administratif
et financier de l’Etat et ils étaient organisés en service public. Avec la loi de 1905, les cultes sont privatisés
et sont désormais organisés en associations (loi de 1901).
L’Etat va opérer trois compromis qu’il accorde au culte comme compensation à l’expropriation :
• On leur accorde un droit de jouissance des édifices religieux. Ça a été un point très discuté par les
parlementaires. L’idée c’est que la France est catholique de tradition, même si était maintenant laïque.
• On va accorder à l’Eglise ce qu’on appelle une servitude religieuse qui vient grever la propriété de
l’Etat. Mais le législateur va brouiller les cartes avec l’article 13. L’article 13 décide que les réparations
de toutes natures, et les frais d’assurance, sont à la charge des cultes. Le problème c’est que ça aurait du
incomber à l’Etat vu que c’est le propriétaire. Cet article avait donc mécontenté tout le monde : les
associations cultuelles qui n’ont pas les moyens d’assurer ces dépenses, et une partie des députés parce
qu’on faisait peser sur de simples usufruitiers une partie du droit de propriétaire.
• On accorder aux églises la propriété des biens mobiliers des églises. L’Etat n’exproprie pas le
Le législateur affirme sa neutralité vis-à-vis de tous les cultes. Cela veut dire que l’Etat n’a plus le
droit de subventionner les cultes. Du coup, le budget des cultes de l’Etat est supprimé. Le problème c’est
que si les cultes n’ont plus de subventions étatiques, comment font-ils pour entretenir les édifices ? L’article
19 introduit une exception à ce principe posé dans l’article 2. L’article 19 nous dis que ne sont pas
considérés comme subventions les sommes allouées pour réparation aux monuments classés. Le classement
en monument historique ouvre droit à des aides pour réparation. Du coup l’Etat va contribuer quand même à
un certain nombre de réparations. Les monuments historiques religieux représentent aujourd’hui 1/3 des
monuments classés.
C’est THE loi sur les monuments historiques, celle du 31 Décembre 1913. C’est la loi qui consacre la
suprématie de l’intérêt général sur les intérêts particuliers. C’est une révolution juridique parce qu’elle
destitue l’absolutisme de la propriété privée.
On est à la belle époque (1880-1914). C’est l’époque de l’Ecole Scientifique du Droit. La doctrine
va véhiculer une nouvelle idée : le droit de propriété n’est pas un droit subjectif si absolu que ça. Elle estime
qu’on peut apporter un certain nombre de restrictions au droit de propriété, restrictions qui sont liées à
l’intérêt collectif. Il faut citer trois auteurs. D’abord, un juriste lyonnais de centre-gauche est LOUIS
JOSSERAND (fondateur de la théorie de l’abus de droit en 1905 : L’idée c’est que le droit de la propriété
privé connait des limites s’il est exercé dans le but de nuire à autrui (exemple arbre dans le jardin qui fait de
l’ombre chez le voisin). Cette théorie en 1905 ne connait pas un succès immédiat. L’idée c’est que
l’utilisation du droit de propriété doit être conforme à une certaine morale sociale donc l’égoïsme du
propriétaire se heure à un intérêt plus fort que le sien. Deuxième auteur, LEON DUGUIT, très influencé par
la sociologie de Durkheim. Duguit va développer la théorie de la fonction sociale de la propriété. L’idée
c’est que la propriété individuelle doit participer à ce qu’il appelle « la vaste machinerie du corps social ».
L’idée est de dire que la société est un corps, une machine avec rouages, et qu’il y a une interdépendance
sociale. L’idée de Duguit c’est de dire que les gens ne peuvent pas gérer leur propriété privé n’importe
comment sinon ça met des grains de sable dans la machine. Duguit état l’ennemi de Hauriou. Le troisième
juriste est RAYMOND SALEILLES : c’est une des grandes figures de l’Ecole scientifique du droit. La
particularité de cet auteur c’est qu’il écrit directement en matière artistique. Il va prendre parti pour la
disparition du caractère absolu de la propriété parce qu’il estime que la société engendre des besoins
collectifs qui ne peuvent pas cohabiter avec l’absolutisme de la propriété privée. IL publie un article en 1888
sur la propriété artistique et il invente un nouveau type de propriété : la propriété artistique justement. Il
estime que cette propriété artistique échappe aux caractéristiques de la propriété du code civil. La propriété
souffre de certaines limites selon lui, il développe un article sur les monuments historiques.
Cette loi de 1913 possède plusieurs nouveautés ; Elle instaure le classement obligatoire des
monuments historiques (alors que jusqu’ici il était à la discrétion du propriétaire) et elle instaure la
procédure de l’inventaire supplémentaire.
i. La procédure de classement
C’est l’article 1er de la loi de 1913 : Désormais, le classement est obligatoire pour tous les
propriétaires, c'est-à-dire que les prioritaires privés ne peuvent plus faire comme avant et ne peuvent plus
s’opposer à un classement que leur proposerait l’Etat c'est-à-dire que c’est un classement d’office. Donc le
classement désormais c’est un devoir de l’administration. Mais les esprits en 1913 sont prêts pour cette
révolution juridique. La loi de 1913 met en place une servitude d’utilité publique qui vient tempérer le droit
de propriété. Une servitude est établie pour raisons historiques, esthétiques ou artistiques. Du coup, le
législateur est en train de dire que la valeur d’un monument historique est en fait supérieure aux intérêts des
propriétaires.
Cette servitude artistique s’accompagne d’un droit d’indemnisation au profit du propriétaire. C’est
l’article 5 de la loi de 1913. Sauf que ce droit à l’indemnité est assez largement illusoire tel qu’il est connu
dans la loi parce que ces conditions d’octrois sont extrêmement restrictives. Trois conditions pour percevoir
cette indemnisation en cas d’expropriation dans article 5 :
➢ Le propriétaire doit prouver l’existence d’un préjudice et ce préjudice doit avoir trois caractère : Il
doit être direct, matériel et certain.
L’Etat a fait exprès de mettre en place des conditions aussi restrictives parce qu’il n’avait pas les
moyens financiers d’indemniser tous les propriétaires expropriés. Mais, à la veille de la 1GM, en réalité, les
finances de l’Etat sont tellement mauvaises que l’Etat va complètement arrêter d’exproprier (parce qu’il a
peur d’avoir à verser cette indemnité). Cette indemnisation va finir par être abrogée par une loi de 1967.
Une fois que le monument va être classé, les droits des propriétaires vont être restreints à deux
égards :
➢ Restrictions concernant la vente des monuments historiques. Deux cas de figure ici :
o 1er cas : Le propriétaire est un propriétaire public (commune, département par exemple). Dans
ce cas, l’immeuble classé est inaliénable et imprescriptible sauf si on vend à une autre entité publique.
o 2eme cas : Le propriétaire est un particulier, un propriétaire privé. Dans ce cas-là, l’article 8
autorise la vente des immeubles classés mais à la condition de la soumission de la vente à un contrôle
administratif relativement étroit. Le propriétaire qui veut vendre doit notifier le ministre dans les quinze
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jours de sa volonté de se séparer de son bien et l’Etat et les administrations publiques ont un droit de
préemption à ce moment-là.
Cette loi de 1913 met également en place des sanctions pénales (comparé à la loi de 1887). La loi de
1913 innove de ce point de vue. On consacre un chapitre entier de la loi aux sanctions pénales. On trouve
notamment que celui qui dégrade ou détruit un bien de manière intentionnelle est passible désormais d’une
peine d’emprisonnement qui va de six jours à trois mois et puis une amende qui peut aller jusqu’à 10 000
francs.
Cette inscription a très bien marché, beaucoup plus que le classement. C’était beaucoup moins
couteux pour l’Etat et beaucoup moins contraignant. Aujourd’hui, les monuments inscrits sont beaucoup
plus nombreux que les monuments classés (exemple : la galerie bordelaise, la gare Saint Jean, le Pont de
Pierre, la Tour Eiffel…).
Archéologie vient du grec « arkhaios » qui signifie ancien et « logos » qui signifie discours, science.
L’archéologie est la science du passé, le discours sur l’ancien. La définition contemporaine de l’archéologie
est la « science qui grâce, à la mise au jour et à l’analyse des vestiges matériels du passé, permet
d’appréhender depuis les temps les plus reculés, les activités de l’homme, ses comportements sociaux ou
religieux et son environnement ». Le droit de l’archéologie est l’ensemble des règles qui régissent l’activité
archéologique.
La matière est dominée par une spécificité. Pendant très longtemps, on ne distinguait pas les vestiges
des monuments encore intacts. Du coup, les termes spécifiques à l’archéologique vont arriver très
tardivement (1941).
1.La lente prise de conscience nationale
A. Les réactions intellectuelles au vandalisme révolutionnaire
1. La persistance du vandalisme
Les ruines ne font pas l’objet d’une attention particulière par rapport aux monuments bâties.
L’attention aux ruines va naitre au début du 19e siècle avec les premières fouilles archéologiques et les
premières grandes expéditions (et notamment la compagne d’Egypte de Napoléon 1798-1801). Dans cette
compagne d’Egypte, Napoléon emmène tous un tas de savants : botanistes, géographes, etc. Au cours de
cette campagne, c’est là que Champollion découvre la Pierre de Rosette. Elle va permettre de décrypter les
hiéroglyphes.
Pour ce qui est de l’histoire du droit, aucune norme législative pendant le premier tiers du 19e siècle
qui vient règlementer la science archéologique. Pire que ça, au début du 19e siècle on assiste à un nouveau
vandalisme : la Bande Noire. C’est un groupe de spéculateurs qui rachètent des propriétés historiques et qui
les dilapident (pour revendre les matériaux, les objets mobiliers, etc.).
Les intellectuels seront les premiers à réagir. Ils expriment leurs inquiétudes par rapport au fait que le
gouvernement ne prend aucune mesure. Ces intellectuels sont des historiens, des romanciers, des
scientifiques, etc.
2. La réaction de l’élite pensante
Au 19e siècle, l’heure est à la glorification littéraire de la France, du passé national et les écrivains
notamment vont apparaitre comme des inspirateurs d’un certain nombre de projets de loi, de décrets, de
rapports, etc. On va jusqu’à parler de nationalisme littéraire. Mais c’est assez sélectif parce qu’à cette
époque tout le monde se concentre surtout sur le Moyen-âge. C’est l’époque du Romantisme. Les écrivains
romantiques avaient une adulation pour les ruines gothiques. Parmi ces auteurs romantiques, celui qui a le
plus œuvré dans la matière c’est Victor Hugo qui a écrit le pamphlet Guerre aux démolisseurs (1825) : « Il
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faut arrêter le marteau qui mutile la face du pays. Une loi suffirait : qu’on la fasse » à propos de la Bande
Noire.
Vont également jouer un rôle dans la prise de conscience nationale les sociétés savantes.
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S’agissant de l’activité de cette société. Deux choses : D’abord, cette société encourage ses membres
à effectuer des fouilles dans leur arrondissement respectif, l’idée étant de quadriller un peu le territoire.
Ensuite, les activités de la société donnent lieu à toute une foule de publications. Cette société édicte un
bulletin qui rend compte de la réunion mensuelle, de la vie de la société, de ce que font les membres etc.
Toutes ces recherches sont financées par la société qui dispose d’un patrimoine propre. Lorsqu’une
campagne de fouille a lieu, les objets que l’on trouve sont remis à la société. Toutes les sociétés locales vont
œuvrer de la même manière. Dès lors, début du 20e siècle, vulgarisation de la science archéologique.
L’archéologie désormais dispose d’une meilleure visibilité, le public sait ce que s’est.
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Au 19e siècle, c’est le dogme de la propriété privée. Le gouvernement ne peut pas faire grand-chose
pour lever cet obstacle. La seule possibilité qui s’offre au gouvernement c’est une loi de 1833 qui concerne
l’expropriation pour cause d’utilité publique. Cette loi institue notamment un jury qui est chargé de fixer les
indemnités du propriétaire qui est exproprié. Ce texte ne parle pas du tout d’archéologie mais il va être
utilisé par l’Etat à des fins archéologiques. C’est notamment grâce à cette loi qu’on va exproprier les abords
du Théâtre antique d’Orange.
2. Le développement d’institutions officielles
Le gouvernement français ne créé pas d’institutions au niveau national. Mais, les archéologues
français, quand ils vont aller fouiller dans un pays étranger, seront accueillis par des institutions. Ces savants
vont faire des rapports sur leurs fouilles et vont transmettre le résultat de leur découverte aux gens de la
métropole française. A l’origine, ces établissements ne sont pas créés par l’Etat français. Petit à petit ces
institutions vont conclure des accords avec les Etats français. L’Etat va encourager le développement de ces
établissements parce que ces objets vont venir nourrir les musées français.
La première institution à voir le jour est née en Grèce puisque les grecs sont en train de vivre
l’insurrection des Turcs au 19e siècle. Suite à cela, les grecs vont réaliser qu’ils disposent d’un patrimoine
historique important. En 1834, ils se dotent d’un service archéologique national. Par rapport à la France ils
sont très très en avance. Mais les étrangers aimeraient bien venir aussi fouiller les sites antiques. Ainsi, une
institution va naitre : l’Ecole Française d’Athènes qui est créée par une ordonnance royale de 1846 (11
Septembre). L’idée c’était de concurrencer les savants anglais qui venaient également fouiller. Ces écoles
sont des gages de rayonnement du pays.
La deuxième institution à voir le jour résulte du décret de Napoléon III du 9 Février 1859. En réalité,
ce texte impose un séjour à Rome pour tous les érudits de l’école athénienne. Ce sont-là les premiers jalons
de l’école archéologique de Rome. Les deux structures, grecques et italiennes, sont donc liées au départ.
Puis, on sépare ces deux structures par un nouveau décret du 20 Novembre 1875. En réalité, on n’a pas
attendu l’école archéologique de Rome pour servir de lieu d’échanges entre les savants européens. Il existait
déjà un lieu d’échange à Rome avant cette école : L’institut de correspondance archéologique de Rome.
Cet institut existe depuis 1829. Cet institut est la toute première forme internationale d’archéologie.
Cette internalisation de l’archéologie française à l’étranger va se poursuivre puisque d’autres écoles
françaises seront créées un peu partout dans le monde sur le modèle des deux pionnières précitées. Les
autres écoles seront créées dans des zones présentant un intérêt archéologique. En 1880 est fondé l’Institut
français d’archéologie orientale du Caire (Egypte) et l’Ecole française d’Extrême-Orient reconnu par
l’Etat en 1920.
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Tout ceci est le signe d’une prise de conscience de légifération par l’Etat.
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Depuis le début du 19ième siècle, on attendait désespérément une loi sur la sauvegarde du patrimoine
culturel. Puis, au début de la IIIème République, est promulguée cette loi du 30 Mars 1887 : loi pour la
conservation des monuments et objets d’art ayant un intérêt historique et artistique.
1. Le contexte
Cette loi est une conséquence de la guerre franco-prussienne de 1870 (Défaite de Sedan en 1870). La
France va dès lors envisager différemment le patrimoine historique. La IIIe République va même
instrumentaliser le patrimoine historique dans une optique nationaliste parce que l’idée c’est qu’en 1870 les
français considèrent que la défaite est liée aux élites françaises. C’est la grande époque où on va envoyer des
universitaires français en Allemagne parce qu’existent là-bas les séminaires (petits comités de travail
d’étude). Les facultés catholiques sont les premières à s’adapter et à être à la pointe des dernières
nouveautés tandis que les facultés d’Etat stagnent un peu. L’histoire de France sert à renforcer le sentiment
national. Donc la troisième république va mettre en exergue les origines gauloises de la France.
Autre raison de l’apparition de cette loi : la politique des grands travaux d’aménagement urbain,
notamment à Paris avec Haussmann, etc. Danger de l’urbanisation pour le patrimoine culturel.
2. La lente genèse de la loi
Cette loi a mis treize ans avant d’être adoptée. Sous la IIIe République, les lois mettent beaucoup de
temps avant d’être adoptés. Deux étapes principales à la création de cette loi :
- 1874-1878 : C’est le célèbre architecte Viollet-Le-Duc qui est désigné par la commission des
monuments historiques pour préparer un projet de législation. En 1875, le ministre de l’instruction
publique et des Beaux-Arts (Henri Wallon) va faire appel à un avocat (Maitre Rousse) qui est chargé de
préparer un avant-projet de législation. Cet avant-projet est essentiellement répressif et il institue surtout
des sanctions pénales contre les propriétaires négligents ou bien contre les collectivités territoriales qui
refuseraient de classer leur monument historique. Ce projet, en 1877, est soumis à la commission des
monuments historiques et très vite l’idée de sanctions pénales est complétement abandonnée, et
notamment à l’encontre des propriétaires privés. Mais le débat se poursuit sur le point de savoir s’il ne
faudrait pas mettre en place un droit de tutelle de l’Etat sur les édifices classés placés sur une propriété
publique ? En 1878, on saisit le Conseil supérieur des Beaux-Arts sur l’impulsion du Ministre BARDOU
et le sujet reste sur les droits de l’Etat et les droits des collectivités territoriales et surtout sur l’articulation
entre les droits de chacun. Le projet finit par être député à la chambre des députés le 26 Novembre 1878.
- 1880 – 1887 : Le projet de loi est soumis à une commission. Le projet est examiné par une
commission de députés et ces derniers ne font aucune retouche au projet. Le projet est renvoyé au Conseil
d’Etat en Mars 1880 pour approbation. En 1882, le 19 Janvier, le Conseil d’Etat approuve et il est
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redéposé sur le bureau de la chambre des députés. Ce projet institue deux choses : D’abord, si on découvre
des monuments, des ruines ou des objets qui intéressent l’histoire de l’Art à la suite de fouilles ou à la
suite de travaux (ou à la suite d’accident quelconque), sur des terrains qui appartiennent à l’Etat ou aux
collectivités territoriales, le maire de la commune doit absolument assurer la conservation provisoire de
ces objets ou de ces sites et il faut qu’il en avise le préfet. Le préfet doit à son tour en aviser le ministre.
Le ministre prend les mesures définitives qui s’impose pour sauvegarder tout ça. Si la découverte a lieu
sur le terrain d’un particulier, le maire ne peut rien faire à part en aviser le préfet. Ensuite, un amendement
a été déposé qui permettait l’expropriation des terrains privés concernés. Une subvention est aussi
instituée au profit des administrations locales en échange de leur coopération.
Cette loi a finalement été adoptée en 1887 (22 Mars) et promulguée le 30 mars. Les décrets
d’applications sortent deux ans plus tard en 1889.Tout un chapitre est composé aux fouilles
archéologique, avec deux articles (Art. 14 et art. 15). L’article 14 est le premier à mentionner le terme
archéologie.
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Quatrième lacune : Elle n’a pas mis en place de réelles sanctions. On respecte toujours le droit de propriété
privée et donc il n’y a pas moyens de mettre en place un délit de destruction.
b.L’économie du projet
Ce projet de loi de 1910 était très prometteur au départ parce que potentiellement ça aurait dû être la
clé de voute de la réglementation archéologique. En effet, le maître mot de ce projet c’est la réglementation
des fouilles sur le territoire français. Ce projet de loi tendant à réglementer les fouilles sur le territoire
français est composé de quatre chapitres totalisant quinze articles :
- Le chapitre 1er de ce projet de loi : Il instaure une surveillance des fouilles par l’Etat. C’est tout
nouveau. Les fouilles sont soumises à une procédure de déclaration un mois avant de commencer. De
plus, l’Etat se réserve le droit de suspendre les fouilles, et éventuellement se substituer au fouilleur. Dans
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quels cas ? Quand les fouilleurs sont notoirement incompétents ou alors lorsque les fouilleurs ne
respecteraient pas les quelques règles qui existent. Ensuite, l’Etat peut se subroger dans les droits d’un
acquéreur étranger qui aurait acquis un objet archéologique ou paléontologique. Autrement dit, l’Etat a un
droit de préemption sur ces objets. C'est inspiré de la législation italienne.
- Chapitre 2 : Il se contente d’aménager une procédure d’expropriation contre les particuliers dans le
cas où des fouilles seraient exécutées d’office par l’Etat chez un particulier. Est mentionné dans ce
chapitre 2 également une faculté d’occupation du terrain par l’Etat.
- Chapitre 3 : Il met en place des sanctions en cas de non-respect des dispositions précitées.
- Chapitre 4 : Il se contente de rappeler les acquis de 1887.
N
c. L’opposition des sociétés savantes & l’abandon du projet
Les sociétés savantes se sont opposées à ce projet de loi. Cela peut paraitre étonnant à première vue
parce que cela faisait de nombreuses années qu’elles réclamaient une législation, une protection de
l’archéologie. Les sociétés savantes ont, en réalité, fait preuve de susceptibilité face à ce projet : En effet,
personne ne leur a demandé leur avis avant de légiférer alors même que, par exemple, ont été auditionné par
le gouvernement l’Académie des Sciences ou encore la commission des monuments historiques.
Les sociétés de paléontologie vont tout faire pour que ce projet soit abandonné, et notamment la plus
importante d’entre elles : la Société Préhistorique de l’Archéologie Française. Cette société savante
reproduit le projet de loi dans son Bulletin en le commentant de façon très négative. À la suite, cette société
va publier toutes les autres protestations d’autres sociétés savantes et des protestations d’universitaires etc.
Qu’est-ce qu’on reproche à ce projet de loi ? On lui reproche essentiellement d’être un acte de
centralisation de l’Etat. En réalité, la communauté scientifique craint une main mise parisienne sur les
découvertes faites en province. Les sociétés savantes ont peur de perdre leur autonomie. Elles ont peur que
ce projet limite les initiatives privées, que l’Etat oriente la recherche.
Toutes ces constations finissent par avoir raison de ce projet et ce projet capote. Mais les sociétés
savantes réclament un nouveau projet avec leur participation.
Finalement, la Société Préhistorique Française va demander à toutes les sociétés savantes de se rallier
à un contreprojet de loi qui avait déposé par le député de la Marne (M. PECHADRE). Ce contreprojet ne
contient que trois articles :
- Art. 1er : Interdiction d’exportation d’objets archéologiques à l’étranger.
- Art. 2 : Soumission des fouilleurs étrangers à une autorisation ministérielle. A contrario,
les fouilleurs français peuvent fouiller sans autorisation.
- Art. 3 : Droit de préemption de l’Etat sur les objets archéologique
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Ce contreprojet n’aboutit pas non plus. Un troisième projet est déposé le 11 Novembre 1910 qui se
contente de reprendre le contenu de la loi de 1887. Autrement dit, ce projet ne reprend pas l’idée d’une
règlementation des fouilles. C’est donc une déception puisque ce projet finit par aboutir à la loi du 31
Décembre 1913 : C’est la grande loi sur les monuments historiques.
⇨ Ainsi, rien n’avance, rien n’a véritablement avancé. Puis la Première Guerre Mondiale a éclaté, donc
période de vide en la matière. Enfin, c’est sous le Régime de Vichy que le droit de l’archéologie va
véritablement être consacré.
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Il faut remonter à la période de l’entre-deux guerres, dans les années 20/30. À ce moment-là,
beaucoup d’archéologues et d’historiens se plaignent des fouilles clandestines. De plus, la France a un retard
considérable en la matière. Finalement, les mentalités se mettent d’accord pour légiférer. En 1933, la
Commission des Monuments Historiques dresse un constat de l’état anarchique des fouilles. Un groupe de
savants va se réunir et va penser une législation. Eugène ALBERTINI, grand savant et professeur, fait partie
de ce groupe, de même qu’Albert GRENIER qui est également professeur au collège de France. Ces deux-là
vont s’allier à l’historien Jérôme CARCOPINO (1881-1970). Ce dernier est un très grand intellectuel de
l’époque, c’est un spécialiste de la Rome antique. Ces trois historiens vont s’allier et proposer un projet de
service national archéologique. Puis intervient un décret du 13 Avril 1933 qui va créer une nouvelle
section au sein de la commission des monuments historiques. Cette section s’appelle « Section des fouilles et
monuments historiques ». C’est le premier embryon de service administratif archéologique.
En 1939, l’archéologie va vraiment faire un bond puisque sera créé à cette date une nouvelle
institution : le CNRS. Au sein du CNRS, l’archéologie trouve une place à part entière. Le terrain est préparé
pour l’avènement d’une législation.
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Il avance un autre argument : Il connait très bien toute la communauté scientifique. Il dit que ses lois
ne sont qu’une réponse à une demande des archéologues. Il estime qu’il a fait ça pour « la science ».
Ce qu’on appelle les lois de Carcopino sont en réalité deux textes : Une loi du 27 Septembre 1941
relative à la règlementation des fouilles archéologiques et une loi du 21 Janvier 1942 visant « à
coordonner les recherches archéologiques sur le territoire métropolitain ».
Ce principe de régime d’autorisation des fouilles est enfin adopté à l‘article 1er du texte, qui fait
partie d’un Titre 1er qui s’intitule : De la surveillance des fouilles par l’Etat. Cet article dispose que tout
projet archéologique ou préhistorique sur le territoire français doit être soumis à autorisation avant le début
des fouilles. Cette autorisation est accordée par le secrétaire d’Etat à l’Education nationale et à la Jeunesse
qui, à l’époque, n’est autre que Jérôme Carcopino. L’article précise également qu’on doit mentionner le lieu
des fouilles ainsi que la portée générale des travaux qui vont être entrepris (leur importance, leur durée,
etc.). Le texte précise également que la nature du terrain fouillé importe peu (peu importe que le terrain soit
privé ou public). Un propriétaire privée qui souhaite fouiller chez lui doit quand même demander une
autorisation à l’Etat.
b.La mise en place d’une organisation administrative : Loi de
1942
Cette loi de 1942 met en place pour la première fois de vraies structures administratives. On institue
des commissions spéciales au sein du CNRS. De plus, on va créer pour la première fois des circonscriptions
archéologiques. Autrement dit, on fait une carte archéologique de la France. Pour la préhistoire, on découpe
la France en six circonscriptions, et il y a 17 autres circonscriptions qui concernent « les antiquités celtiques,
grecques et gallo-romaines ». A la tête de ces circonscriptions il y aura des « Directeurs des antiquités ». Ils
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ont pour rôle de coordonner les recherches archéologiques sur le territoire, et notamment ils coordonnent les
sociétés savantes. Ces directeurs sont placés sous la tutelle du CNRS. Ce sont eux, très concrètement, qui
dise « oui » ou « non » pour les demandes d’autorisations de fouilles. Ils instruisent les demandes
d’autorisations et ils vont contrôler ce qu’il se passe pendant les fouilles. Ils vont également proposer des
mesures de conservations des objets, des vestiges, etc. Ils vont également proposer des mesures pour
exploiter scientifiquement les trouvailles. Sauf que, ces fonctions de « Directeurs des antiquités » sont
bénévoles. Ils sont seulement indemnisés de leur frais de déplacement.
Les lois Carcopino régissent aussi les découvertes fortuites. Dans ce cas, c’est la législation sur les
trésors qui s’appliquent. Autre apport des lois Carcopino : la création d’une revue qui existe encore : Galia.
C’est la plus grande revue sur l’archéologique, elle permet la transmission du savoir. La création de cette
revue officialise le savoir archéologique comme une science. C’est une revue qui coordonne les efforts des
archéologues et qui permet un partage du savoir archéologique. Mais côté « négatif », ces lois de 1941 et
1942 ont subi une espèce d’inquisition à la libération. A la libération en 1945, le nouveau législateur a fait un
tour d’horizon sur toutes les lois de Vichy pour les analyser. La première loi Carcopino (1941) a été validée
telle quelle par le nouveau législateur mais la loi de 1942 est déclarée nulle par ordonnance. Mais c’est
bizarre parce que le contenu de la loi de 1942 a été repris par une ordonnance de 1945 avec une seule
innovation : on va créer auprès du Ministère de l’Education nationale ce qu’on appelle un comité des
fouilles archéologiques. Finalement, globalement, les lois de l’archéologie ont résisté aux inquisitions de la
Libération. Après 1945, le droit de l’archéologie va s’étoffer toujours plus. Dans les années 1960, on va
règlementer les fouilles sous-marines (fouilles en haute-mer, en rivières, etc.). En 2001, on va règlementer
pour la première fois l’archéologie préventive.
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Loi du 3 Janvier 1979 : C’est la très grande loi qui a donné la définition légale des archives. Art 1er :
« Les archives sont l’ensemble des documents, quels que soient leur date, leur forme et leur support
matériel, produits ou reçus par toute personne physique ou morale et par tout service ou organisme public
ou privé, dans l’exercice de leur activité ». Cette définition insiste sur le caractère utile des archives pour
l’Etat, elles possèdent une définition administrative (et non historique…). Sauf que les archives sont aussi
utiles à l’historien. Les archives sont ce qu’on appelle en histoire les sources (dans le sens matériaux
primaires d’informations, c'est-à-dire des documents bruts que l’historien va devoir analyser). Sauf qu’en
réalité, cette deuxième conception des archives a mis très longtemps a émergé parce que pendant des siècles
c’est la première conception des archives qui domine : c'est-à-dire la fonction utilitaire.
Les archives existent depuis les temps les plus reculés, chez tous les peuples qui connaissent
l’écriture. Toutes les sociétés politiques avec écritures conservent un certain nombre d’actes qui émanent des
autorités publiques. On trouvera ainsi des textes de loi, des documents administratifs, des traités
internationaux… Ce sont les recherches archéologiques qui font qu’on a retrouvé ces articles. Par exemple,
dans l’Orient ancien, les archives sont des tablettes d’argiles. A partir de l’Egypte Antique, on stocke les
archives dans les temples (afin de les protéger), de même qu’en Grèce ancienne (chaque citée grecque
dispose de son propre dépôt d’archives qui sont également conservés dans des temples). À Athènes, on va
instituer en 360 av JC, un dépôt central des archives de l’Etat, un véritable service public des archives
publics de l’Etat confié à des esclaves. Dans la Rome antique, on conserve les archives dans le temple de la
Liberté à Rome (ex : Tables de la loi). Sous l’Empire (dernière partie de l’époque romaine), l’Empereur va
faire déménager les archives et va les faire installer dans son palais pour pouvoir les consulter à tout
moment.
A. Au Moyen-Âge
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En 476, c’est la chute de l’Empire romain d’occident. La Gaule n’est plus dominée par les romains.
Quelle est la situation des archives à ce moment-là en Gaule ? En réalité, on ne sait pas. Les archives de la
royauté des Francs (mérovingiens et carolingiens) ne sont pas venues jusqu’à nous. On n’a pas de traces de
l’organisation administratives archivistiques de l’époque. Idem pour les archives Premiers Capétiens (487,
Hugues Capet). Donc jusqu’au 11e siècle c’est un peu le vide archivistique. Pourquoi ? Deux raisons :
• Epoque de déclin de l’écrit, de déclin culturel. Quand l’Empire romain s’effondre, toute
l’administration s’effondre. Plus personne n’écrit mise à part l’Eglise. De plus, lors des procès (les
archives sont souvent des archives judiciaires), la procédure est orale (donc la preuve par écrit n’existe
pas encore).
• La monarchie à cette époque est itinérante, c'est-à-dire que les rois se déplacent chez tel ou tel
seigneur, ils n’ont pas de palais fixé à un endroit. Ainsi, les rois se déplacent avec leurs archives. Sauf
qu’en 1194, c’est la bataille de Frétéval qui oppose Philippe Auguste (Roi de France) à Richard Cœur-
de-Lion. Pendant cette bataille, le roi de France perd le Trésor des Chartes : Il s’agit des papiers les
plus importants de l’Etat et le sceau du Roi. À partir de là, Philippe Auguste va décider de rendre les
archives royales sédentaires. De plus, il va charger un évêque de reconstituer les papiers perdus. Depuis,
le Trésor des Chartes est conservé à Paris dans une dépendance de la Sainte Chapelle jusqu’à la
Révolution Française.
Mais tout va changer au 12e siècle, c’est la redécouverte du droit romain. Cette renaissance du droit
romain a entrainé un regain d’intérêt pour l’écrit. L’écrit va donc se développer, et ceci a forcément des
conséquences en matière d’archives. A partir de là, prise de conscience de l’importance des archives. Cette
prise de conscience s’est manifestée de deux façons :
➢ On va décider d’enregistrer les lettres royales qui sont rédigées à la Chancellerie du Roi (actes du
roi, les édits, etc.). Ces lettres vont contribuer à nourrir le Trésor des Chartes et donc des versements
réguliers sont faits au Trésor des Chartes jusqu’en 1558.
➢ A partir du 12e/13e siècle en France, on est dans une époque de développement et de spécialisation de
l’Administration. On va voir apparaitre de nouvelles administrations qui se dotent de leur propre
servie d’archives (exemples : Chambre des comptes, Conseil du Roi, Parlement de Paris, Cours des
aides, etc.). Le 13e siècle est un siècle aussi de rationalisation de la justice, c'est-à-dire que c’est le
siècle où la preuve par écrit commence à arriver dans les tribunaux.
Il ressort de tout ça deux idées. D’abord, on voit qu’on essaie d’assurer une certaine continuité
administrative. Ensuite, ressort l’idée de la rationalisation de la gestion administrative. De plus, on peut voir
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une troisième idée : on est dans une société très hiérarchisée où chaque institution, où n’importe quelle
institution est jalouse de ses privilèges. Par exemple, chaque seigneurie, chaque corporation de métier,
chaque tribunal, à son propre service d’archives. Leurs archives sont la preuve de leurs droits, de leurs
privilèges. En général ces archives sont placées en lieux sûrs (les forteresses mais aussi et surtout les
églises).
Finalement, les archives, au Moyen-Âge, ne sont conservées qu’en fonction de leur valeur juridique,
de leur valeur probatoire. Les documents qui n’ont plus d’intérêt pratique sont éliminés, nonobstant sa
valeur historique. Les archives ne sont pas considérées comme des matériaux historiques. A l’époque, on
garde la mémoire des évènements en se fondant en général sur des sources indirectes et en général à travers
les récits des contemporains (qui écrivent des annales).
Aux TM, on rentre dans une nouvelle phase de l’histoire des archives à trois égards. D’abord, de plus
en plus, les archives sont vues comme des auxiliaires du pouvoir en place, comme des documents permettant
d’asseoir la légitimité du pouvoir en place. Donc instrumentalisation accrue. Ensuite, aux TM,
l’Administration se développe de manière considérable par rapport au Moyen-Age : on créé sous l’Ancien
Régime une vraie fonction publique où on a des officiers (gens qui achètent leurs charges, leurs fonctions, et
ils sont fonctionnaires à vie, inamovibles, ex : magistrats) et des commissaires (nommable et révocable à la
volonté du Roi = ce sont ceux qui exercent les plus fortes fonctions administratives, type ministres). Chaque
fonctionnaire conserve ses propres archives donc dispersion des archives (et accroissement). Enfin, les
grands personnages de l’Etat ont pris le pli de s’approprier leurs archives (il n’y a pas de différences entre
archives publiques ou archives privées). Pourquoi font ils ça ? Parce qu’à l’époque ils sont responsable
personnellement de leur administration, c'est-à-dire qu’ils engagent leur responsabilité personnelle dans
l’exercice de leur fonction. Autrement dit, ils conservent leurs archives comme preuve que l’office a bien été
effectué. Cette pratique est un gros problème pour la continuité des archives administratives.
2. Un début de réponse
Ce début de réponse va arriver aux 18e et 19e siècles. L’histoire des archives va se résumer en deux
tentatives principales. Première tentative : centraliser les archives publiques. Deuxième tentative : On va
essayer, pour la première fois, d’affirmer le droit de l’Etat sur les papiers publics, c'est-à-dire faire en sorte
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que ce ne soit plus les fonctionnaires qui gardent les papiers. Le premier qui va œuvrer en ce sens est
Richelieu. En 1628, Richelieu (Louis XIII) va faire rendre un arrêt par le Conseil d’Etat et cet arrêt jette les
premières bases d’une propriété de l’Etat sur les papiers publics. Sous Louis XIV, le surintendant des
finances (FOUQUET) va concevoir un audacieux projet qui consiste à créer un papier terrier de la
Couronne. De quoi s’agit-il ? Fouquet va envoyer un peu partout dans le royaume des gens qui sont les
intendants des Chartes. Ces gens sont chargés d’aller inspecter tous les dépôts d’archives de France et, dans
ces dépôts d’archives, ils doivent récolter tous les papiers qui concernent le domaine royal. Or, Fouquet va
être disgracié suite à une affaire financière et sa disgrâce met fin à ce projet qui n’aboutit pas. Parallèlement,
c’est la doctrine juridique qui intervient et qui tente une première définition des archives, et notamment par
Charles Dumoulin. Il écrit un ouvrage célèbre intitulé Commentaire de l’ancienne coutume de Paris (1681).
Dans ce commentaire il donne la première définition doctrinale des archives : « Il y a trois caractères qui
constituent les archives publiques. Le premier : qu’elles soient placées dans un lieu public, c'est-à-dire un
lieu appartenant à l’Etat. Le second : qu’on ne reçoive dans ce lieu que des écritures authentiques. Le
troisième : qu’elles soient confiées à la garde d’un officier public. ». Les pouvoir publics sont en train de
pressentir une certaine appartenance des archives publiques à l’Etat mais il n’arrive pas à en tirer toutes les
conséquences juridiques. C’est pour ça que dans un premier temps la notion de propriété publique des
archives n’est pas mobilisée. C’est la notion d’intérêt public qui se met d’abord en œuvre parce qu’elle est
plus opératoire pour le moment. C’est la raison pour laquelle Mazarin va léguer ses archives à Colbert de
son plein gré : il le fait non pas au nom de la propriété publique mais au nom de l’intérêt public. Donc, petit
à petit, vers 1670, l’idée fait son chemin et le précédent se reproduit : on prend l’habitude de saisir les
papiers des grands serviteurs de l’Etat à leur décès. Puis, vers 1940, on oblige les ambassadeurs à remettre
leurs archives à l’Etat lorsqu’ils rentrent de missions.
Parallèlement à cette première réponse, s’organise une deuxième réponse au problème. En effet,
s’organise dans le même temps une certaine concentration des dépôts d’archives des départements
ministériels les plus puissants.
A la veille de la Révolution, la France a fait des efforts mais, malgré ces efforts, la France est en
retard sur les autres nations européennes. On est dans une époque d’affirmation des grands Etats. La France
est en retard, et cela se voit à travers trois exemples :
• Espagne : Les archives d’Etat existent déjà. Elles ont été mises en place par Charlequin en 1545 et
il transfère toutes les archives étatiques espagnoles dans un lieu unique : La forteresse de Simancas. Ce
service se dote même d’un règlement intérieur (1588).
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Finalement, un peu partout en Europe, le but des archives est un but utilitaire, institutionnel,
juridique. Autrement dit, les archives ne sont pas un objet qui est neutre. Les archives en particulier sont un
objet qui est hautement politique, surtout à la fin du 18e siècle sous les Lumières. En effet, en réalité, le
siècle des Lumières est un siècle de très vives contestations de la monarchie absolue et de ce que l’on
appelle la société d’ordre (Clergé, noblesse, tiers-état). Les Lumières commencent à mettre en avant la
notion d’égalité. Dès lors, au 18e siècle, la noblesse se sent menacée (défaut d’utilité sociale) et se crispent
sur leurs privilèges en brandissant leurs archives. À l’été 1789 a lieu un évènement historique appelé la
Grande Peur : C’est un épisode de révolte paysanne, les paysans vont commencer à piller et incendier les
châteaux des nobles, de leurs seigneurs. Ils brulent en particulier les archives parce que ces dernières
consignent les droits féodaux.
Les Révolutionnaires se conçoivent eux-mêmes comme les fabricateurs d’une nouvelle histoire. Ils
instituent un nouvel ordre politique et ils suppriment les institutions d’Ancien Régime les unes après les
autres. Ils font table rase du passé parce qu’ils veulent construire sur des bases quasi neuves. Le nouveau
pouvoir va devoir créée un édifice inédit : Les Archives nationales. Cette construction répond à un besoin
immédiat : légitimer le nouveau pouvoir en place mais aussi rendre l’Administration efficace. Pour la
première fois, on est en train de créer des archives à valeur historiques, c'est-à-dire pour que les générations
futures aient connaissance de la naissance de ce nouveau régime révolutionnaire. Cette construction d’un
réseau archivistique va durer 10 ans. Il y a trois grands points à retenir dans cette construction.
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Tout commence avec la nouvelle Assemblée Nationale (constituée par l’ancien tiers-Etat). Cette
Assemblée Constituante va adopter un règlement intérieur du 29 Juillet 1789 dans lequel elle se dote d’un
dépôt d’archives qui conserverait les procès-verbaux de ses séances. Ce dépôt est destiné à recueillir les
débats parlementaires. Il s’agit ici d’une évidente utilité administrative. Sauf que c’est un projet de piètre
envergure du point de vue des archives. On conserve juste les procès-verbaux de l’Assemblée Nationale
mais on n’a pas encore l’idée de centraliser toutes les archives de toutes les administrations. Le tout premier
archiviste officiel s’appelle Armand-Gaston CAMUS. Cet homme est issu de la bourgeoisie aisée, il est né
en 1740 et avant la Révolution il est avocat au Parlement de Paris et c’est aussi l’avocat du clergé de France.
C’est un des meilleurs spécialistes de droit canonique de son temps. En 1789 il est élu député du tiers-état
aux Etats Généraux. C’est quelqu’un qui est à la fois très érudit, c’est un bourreau de travail, et à la fois c’est
quelqu’un qui adhère de façon très forte aux idées révolutionnaires. Il se rend compte que le premier dépôt
d’archive de l’assemblée est une idée assez étriquée. Il envisage la création des archives nationales. Il rédige
dès lors un avant-projet de loi avec l’aide de la Commission des archives et le décret qui suit ce projet va
être voté les 4 et 7 Septembre 1790. Ce décret concerne « les archives nationales ». Dans son avant-projet,
Camus voulait conserver deux types d’archives dans les archives nationales : D’abord, les archives des
nouvelles administrations que la Révolution met en place ; Ensuite, les archives de la monarchie. Dans le
décret tel qu’il a été adopté, les archives de la monarchie ne sont pas concernées et conservées parce que
cela rappelle une période détestée (raison idéologique).
L’article 1er de ce texte créé les Archives nationales et en donne une définition : « Les Archives
nationales sont le dépôt de tous les actes qui établissent la constitution du royaume, son droit public, ses lois
et sa distribution en département ». En réalité, seuls sont visés les archives fondatrices, c'est-à-dire qu’on a
complètement dépassé le simple greffe de l’Assemblée Nationale. On vise ici les archives fondatrices du
nouveau Régime, donc certaines archives vont être exclues de l’Assemblée Nationale. Il s’agit notamment
des archives du pouvoir exécutif (cela correspond aux idées constitutionnelles de l’Assemblée parce que
cette dernière promeut la loi). L’expression « nationale » manifeste la propriété de la nation sur les archives,
cela ne signifie pas la centralisation du stockage de ces dernières. Les archives du pouvoir exécutifs seront
ainsi sauvegardées par les organismes qui les engendrent. Vont également être exclues des Archives
nationales les archives d’Ancien Régime puisque le décret n’en fait pas mention. On considère que les
archives de la royauté n’ont aucune place à tenir dans la mémoire collective française (c’est là qu’en creux
on voit apparaitre le rôle historique des archives).
En réalité, rapidement, le contenu des Archives nationales a été élargi à certains documents
d’Ancien Régime. Pourquoi ? Parce que les biens du clergé et de la noblesse ont été expropriés,
nationalisés. De plus, on a également saisi les biens des condamnés à mort de même que les biens de
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monarchie quand elle a chuté. On a récupéré aussi les biens de toutes les communautés supprimées (par
exemple les universités, les corporations de métiers, les sociétés littéraires, académiques, etc.). Ces biens
étaient destinés à être morcelés et à être revendus à tous les citoyens (on essaie de donner une parcelle de
propriété à chacun). Or, pour vendre un bien, il faut avoir un titre de propriété. D’où l’importance de
sauvegarder quelques documents de l’Ancien Régime dans les archives.
Finalement, l’organisation des Archives nationales est ici complètement tournée vers le but
économique.
Ce fonctionnement résulte d’un décret des 4 et 7 Septembre 1790. Il explique comment le nouveau
bâtiment des archives nationales va fonctionner. Deux mesures principales à relever :
• On décide de l’ouverture des Archives nationales au public trois jours par semaine (Art. 11).
Cette ouverture au public est rendue assez largement fictive parce que pour communiquer un document à
quelqu’un il faut un décret express de l’Assemblée Nationale.
• Obligation de versements réguliers des archives par les différents bureaux administratifs, par
Intervient un an plus tard le décret du 21 Septembre 1791 qui oblige les différents comités
révolutionnaires à verser leurs papiers aux Archives avant la fin du mois. En effet, on est dans le cadre ici du
passage de l’Assemblée Constituante à l’Assemblée législative. C’est la première mesure systématique de
transmissions des moyens de gouvernement.
A la veille de la Révolution, on a estimé que le pays possédait environs 5700 à 10 000 dépôts
d’archives. La Révolution redécoupe administrativement le territoire (on passe des généralités aux
départements). Une proclamation du Roi intervient le 20 Avril 1790 et ordonne aux intendants de remettre
leurs papiers aux nouveaux départements nouvellement créés. Théoriquement, les archives départementales
sont rattachées aux archives nationales. Les archives départementales sont supposées contenir trois choses :
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• Les documents qui sont produit par les nouvelles administrations départementales.
• Les fonds d’archives qui sont issus des organes administratifs et judiciaires de l’Ancien Régime.
Les archives communales, appelées aussi archives municipales, ne sont pas créées en tant que telles
par des textes de lois révolutionnaires. Il n’y a pas vraiment de création explicite. En fait, leur apparition va
résulter d’une série de mesures implicites qui ont été adopté pendant la Révolution. En effet, la commune est
la seule circonscription administrative qui n’a pas été modifiée par la Révolution. Sous l’Ancien Régime, les
municipalités avaient déjà des dépôts d’archives qui étaient très bien tenus. Chaque ville avait en général des
officiers archivistes. Des inventaires réguliers et des récolements annuels étaient faits. Donc tout cela n’a pas
été véritablement touché par la Révolution.
Un texte très important va admettre implicitement l’existence d’archives municipales. Il s’agit d’un
texte du 20 Septembre 1792 qui est relatif à la laïcisation de l’état-civil. L’état-civil, autrefois, avant 1789,
était tenu par les paroisses. Le décret de 1792 transfère la charge de l’état-civil à l’Etat et plus précisément
aux communes. Ce décret décide deux choses :
• Il impose la tenue de ce que l’on appelle désormais des registres d’état-civil en double exemplaire. A
partir de ce décret, tout ce qui est naissance, mariage et décès doit se faire dans les municipalités et non
plus dans les paroisses.
Ces principes vont être affirmés par la grande loi du 7 Messidor An II (25 Juin 1794). Cette loi a été
préparée par A.-G. CAMUS. Cette loi assure la cohérence des institutions archivistiques en formulant deux
principes fondamentaux : le principe de centralisation des archives et le principe de publicité des archives.
Art 1er : Les archives établies auprès de la représentation nationales sont un dépôt central pour toute
la République.
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Art. 3 : Tout dépôt public de titres ressortissent aux archives nationales comme à leur centre
commun.
Ici, on voit qu’on est face à une volonté de centralisation qui est assez claire. Cette idée va
complètement de pair avec le jacobinisme révolutionnaire (« La République est une et indivisible »). La
Révolution en droit des archives combat le manque d’unité des Temps-Modernes, combat la dispersion des
Temps-Modernes. Concrètement parlant, cela ne veut pas dire que tout va être dans un même dépôt. LA
centralisation voulue par le législateur n’est pas géographique, c’est une centralisation dans le sens où le
législateur affirme son autorité de principe sur le contenu de tous les dépôts d’archives (où qu’ils se trouvent
sur le territoire ils sont rattachés aux Archives nationales). La vieille habitude des fonctionnaires de garder
leurs papiers disparait. En tout cas en théorie. En pratique, il faudra de nombreux rappels à l’ordre avant que
cette habitude se perde définitivement.
Art. 37 : « Tout citoyen pourra demander communication des pièces dans tous les dépôts ». Cela
peut paraitre anodin mais en fait c’est très important symboliquement parce que ça veut dire que le libre
accès aux documents devient un droit civique. Ce principe est un corollaire de l’article 15 de la DDHC :
« La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. C’est une rupture
avec la logique du secret d’Etat qui était la logique de l’Ancien Régime. On affirme la transparence de la
démocratie, de la République, contre le secret d’Etat qui est l’instrument de l’absolutisme. Cela signifie
également que le pouvoir exécutif peut faire l’objet d’un contrôle des citoyens. Ce contrôle passe par le libre
accès aux traces concrètes, matérielles, de l’exécutif (on a accès aux comptes par exemple).
La deuxième idée est la facilité d’accès des citoyens aux titres de propriété. Globalement, on est
dans le cadre de ce qui est devenu une liberté publique.
La Révolution Française s’amuse à détruire tout ce qui rappelle matériellement l’Ancien Régime.
Elle mutile les tableaux, brise les statues, saccage les églises, etc. Et surtout, on brûle les archives. Tout
cela participe au vandalisme révolutionnaire. Mais, très rapidement, une différence apparait entre les objets
d’art et les archives.
33
S’agissant de l’art, assez rapidement, la valeur artistique des œuvres va prendre le pas sur leur valeur
symbolique. Dès lors que la Première République va être proclamée, les destructions d’art vont cesser.
S’agissant des archives, les destructions n’ont pas cessé, au contraire même elles s’étalent dans le
temps et durent tout le temps de la Révolution. En effet, on ne perçoit pas à ce moment-là la valeur
historique des archives. En effet, pour tout ce qui relève de l’art, sa valeur artistique lui est intrinsèque,
immédiate, il n’y a pas besoin de temps alors que pour les archives il faut du temps avant qu’un document
devienne un document historique. On n’arrive pas à se réapproprier les archives sous le signe de la culture.
Quoi qu’il en soit, au début de la Révolution, c’est le peuple qui brûle les archives (et notamment
lors de la Grande Peur ou encore lors de la prise de la Bastille) mais assez rapidement c’est l’Etat qui va
prendre la relève et qui va promulguer un certain nombre de mesures qui ordonnent les destructions. Les
historiens se sont interrogés sur les raisons du législateur. Pourquoi est-ce que l’Etat ordonne des
destructions ? Deux interprétations :
C’est ce que Grégoire appelé le vandalisme révolutionnaire. Il y avait deux motivations à ces
destructions : neutraliser les archives que le législateur considère comme dangereuse et liquider les archives
qui lui apparaissent comme inutiles (archives insusceptibles de lui rapporter de l’argent).
Les archives dangereuses sont, pour le législateur, tous les papiers qui mentionnent le système
féodal, la monarchie, etc. Elles seraient dangereuses parce que les nobles ont été exilés, et on accuse ces
derniers de fomenter un complot « contre révolutionnaire ». On ne veut pas que ces archives viennent
alimenter ce complot. Dès lors, on va décider de faire bruler en place publique toutes ces archives-là. On les
fait bruler lors de fêtes commémoratives (l’idée est d’exacerber la haine du peuple vis-à-vis de la
monarchie). Il y a en particulier quatre catégories d’archives dangereuses qui vont être brulé de la sorte :
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• Les titres généalogiques : Tous les papiers de famille qui prouvent l’origine des personnes (donc qui
prouvent potentiellement leur noblesse. Ex : lettre du roi qui anoblit une personne). Ces lettres sont le
témoin matériel d’une société que l’on veut éradiquer : la Société d’Ordres. L’idée c’est qu’il n’y a plus
de nobles, il y a seulement des citoyens désormais. Plusieurs mesures se succèdent à partir de 1790
destinées à ordonner ces brulements lors de fêtes commémoratives. En particulier, la loi du 31 Juillet
1791 : ordonne purement et simplement la suppression de tous les titres de noblesse (débats
parlementaires : certains députés s’élèvent contre ces destructions au nom de l’Histoire). Or, plus on
avance dans la Révolution Française, plus la révolution se radicalise (1793-1794 : La Terreur).
• Les titres féodaux : Ce sont les titres qui sont soit constitutif soit recognitif des droits supprimés.
Cela concerne la noblesse mais aussi les bourgeois (titre de propriété, impôts, etc.). Loi du 17 Juillet
1790 : les dépositaires des titres féodaux doivent les remettre aux municipalités dans les trois mois à
compter de la publication de la loi. Sanctions si cache titres ? la loi prévoit 5 années de fer (sanction
relativement lourde).
• Les registres des secrétaires du Roi : On décide de faire brûler, par un décret du 20 Septembre
• Les actes mixtes : Catégorie d’archives qui présente un double visage : D’un côté, dans ces archives,
on fait mention de la féodalité (destruction) mais, de l’autre côté, ces archives reconnaissent aussi un
titre de propriété (conservation pour expropriation). Ils ne savaient donc pas quoi faire de ces titres. Ces
actes seront finalement conservés mais purgés de tous les mots qui rappellent la féodalité. Un décret
ultérieur revient sur cette loi et donc désormais les notaires et les greffiers sont autorisés à délivrer des
copies de ces actes sans les purger.
Il s’agit des archives qui ne présentent aucun intérêt pécuniaire pour l’Etat. Par exemple, des titres de
créances déjà éteintes ou encore des titres de propriété qui ont déjà été recouvrés par l’Etat ou encore des
archives administratives sans intérêt pour le nouveau gouvernement. On liquide ces archives-là pour faire de
la place dans les dépôts d’archives.
On est donc dans une première phase empirique de destruction. Puis, on va sortir de cette phase avec
une loi qui va institutionnaliser les destructions des archives sous la Terreur.
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Loi fondatrice du droit des archives : Loi du 7 Messidor An II. Dominique Poulot dit de cette loi
que c’est « un véritable discours de la méthode iconoclaste ». Cette loi prévoit ce qu’on appelle la théorie du
triage des titres. Le triage est l’opération de sélection de ce que l’on veut garder de ce que l’on veut
conserver.
Le rapporteur de cette loi est Julien Dubois. Ce dernier explique que le grand principe qui doit
présider au triage c’est que les archives de l’Ancien Régime doivent inspirer de l’horreur, du dégout, de la
haine, aux bons citoyens. Dans la suite de son rapport, Dubois nous dis que cette haine doit avoir une limite
qu’est l’intérêt public. Pour lui l’intérêt public se subdivise en deux considérations distinctes : D’abord, le
respect pour la propriété publique ou privée : Il ne s’agit plus de bruler à l’aveuglette, il faut procéder à un
examen sérieux des archives et décider de conserver les archives qui serviront au recouvrement des
propriétés nationales. Ensuite, il faut garder les archives qui peuvent servir à l’instruction. Il faut garder les
archives en fonction de leur intérêt pour l’histoire, pour la science, pour les arts ➔ servira à éduquer les
citoyens futurs selon Dubois.
La loi du 7Messidor An II va diviser les archives en quatre catégories (chacune possédant un régime
spécifique) :
• Les titres domaniaux : Art. 8 qui prévoit le triage immédiat de tous ces titres domaniaux : On garde
seulement ceux qui sont utiles à l’Etat. Une fois que les propriétés sont recouvraient, rachetées, les titres
domaniaux doivent être détruit. Il s’agit donc d’une conservation provisoire.
• Les titres judiciaires : Art. 20. Il s’agit des jugements ou des transactions homologuées en justice qui
concernent des immeubles. Ces papiers subissent exactement le même sort que les titres domaniaux
(conservation provisoire et utilitaire).
• Les titres nécessaires à l’histoire, aux sciences et aux arts : Art. 12. Le Comité doit faire trier dans
tous les dépôts les papiers qui sont utiles à l’instruction. Ces archives vont être conservées dans les
bibliothèques. Mais les bibliothèques sont un lieu d’érudition, un lieu de savoir. Dès lors, en mettant des
papiers dans une bibliothèque, cela devient des pièces historiques ➔ neutralise leur valeur probatoire,
leur valeur juridique. On considère ces archives en tant que contre-exemple éducatif.
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• Les titres purement féodaux : Art. 9. Les titres purement féodaux font l’objet d’une destruction
immédiate.
C’est au 19e siècle que pour la première fois les archives ne sont plus vues comme des papiers
utilitaires mais comme des papiers ayant une valeur historique. Le 19e siècle est le siècle du Romantisme, de
l’Histoire. Dans ce contexte, les archives ne sont pas exception. Au 19e siècle il n’y a pas de grandes
mesures sur les archives, il y a seulement trois ou quatre mesures isolées destinées à rendre les archives plus
accessibles aux historiens :
• 1800. Les archives nationales sont détachées de la tutelle de l’Assemblée Nationale et sont
désormais sous la tutelle du ministère de l’Intérieur. 1883 : Les archives sont détachées du Ministère de
l’intérieur pour être placés sous la tutelle du ministère de l’Instruction. 1958 : Le ministère des affaires
cultuelles voit le jour, et les archives passent sous cette tutelle-là.
• 1820-1830. Création de l’Ecole des Chartes qui forme des archivistes paléographes. Le but de cette
école est de créer un corps d’archivistes professionnel. C’est la reconnaissance hyper claire de la valeur
historique des archives.
Jusqu’en 1979, la loi qui servait de fondement en droit des archives était encore la loi du 7 Messidor
An II. Symboliquement, c’était compliqué de maintenir cet ancrage révolutionnaire. Le législateur est donc
revenu sur cet ancrage et sur une législation complètement éparse. En 1972, on commence à décider d’une
refonte complète de la législation sur les archives. On réfléchit pendant 7 ans et on aboutit à la loi du 3
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Janvier 1979. L’article 1er donne pour la première fois une définition légale des archives. Cette loi avait
également essayé de régler un certain nombre de problèmes récurrents en droit des archives :
• Le problème du versement obligatoire des archives.
• La mutation des études historiques.
• Le nombre de places.
• La question du statut des archives privées.
Cette loi de 1979 est à son tour de nouveau dépassée. D’autres problèmes sont apparus. Le Premier
Ministre Edouard Balladur, en 1995, a demandé un rapport sur l’état des archives et en particulier sur
l’application de la loi de 1979. Il demande ce rapport à Guy Braibant (Président section honoraire du
Conseil d’Etat). Ce rapport a été rendu le 28 Mai 1996 au Premier Ministre de l’époque Alain Juppé qui
parle des évolutions qui sont venus bouleverser le droit des archives. Un des premiers sujets abordés est
l’impact de la création des régions. Autre problème soulevé : l’équilibre à trouver entre un impératif de
transparence des administrations et devoir de protection de la vie privée. Autre problème épineux : Quid des
archives des responsables politiques ? A partir de quand peut-on lever les secrets d’Etat potentiellement
présent dans ces archives ? Dernier problème : le délai d’accès aux archives dites sensibles (exemple : la
Guerre d’Algérie ou encore la spoliation des juifs de France).
Plus récemment, une loi du 15 Juillet 2008 est intervenue. L’économie globale de cette loi est de
rendre plus facile l’accès aux archives. Le principe est le principe de la libre communicabilité des
archives (première fois que ce principe est exposé clairement) sauf exceptions (notamment les documents
qui comportent des intérêts ou des secrets protégés, types archives militaires, politiques, privées…). La loi
met en place des délais qui varient de 25 à 100 ans pour la consultation de ces archives.
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Les mouvements de biens culturels font l’objet de controverses depuis longtemps. Deux points de
vues s’affrontent en général :
• Celui qui consiste à dire qu’il faudrait une circulation aussi libre que possible des biens culturels.
L’argument invoqué à ce titre est une plus grande diffusion de la culture des civilisations et cela
permettrait de confectionner des grandes collections muséales. Ceux qui sont favorables à ce « libre
échange » sont généralement les marchands d’art.
• Opinion inverse qui consiste à penser qu’il y a des œuvres qui sont constitutives de l’âme d’une
nation, d’une culture particulière. Ces personnes-là pensent qu’une œuvre doit être admirée dans son
contexte (par exemple, pour admirer de l’art grec, il faut aller en Grèce et non pas au Louvre).
Pendant longtemps, il n’y a eu aucune règlementation de l’exportation des objets d’art. La France, au
pays du 19e siècle, était un pays très dynamique au niveau de la production artistique. Le marché de l’art de
la France était très riche à cette époque-là.
Sauf que la situation change à la fin du 18e siècle. Celui qui tire la sonnette d’alarme s’appelle
Théodore REINACH (archéologue). Il estime que 2800 caisses d’objets d’art ont été expédiées en deux
ans vers les Etats-Unis, et en particulier depuis le port de Bordeaux. Un peu avant le rapport de Reinach, il y
avait la loi du 19 Juillet 1909 qui interdisait l’exportation des meubles classés. Ces dispositions seront
reprises par la loi du 31 Décembre 1913. Cette loi de 1913 ne concerne que les objets classés qui sont
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détenus par les personnes privées puisque les objets classés au patrimoine public sont, au titre de cette loi,
inaliénables (donc impossibilité à vendre à l’étranger). Ces deux lois ne règlent absolument pas le problème
des œuvres courantes du marché de l’art.
Lorsqu’on sort de la 1GM, le Parlement commence à s’inquiéter de cette question parce qu’on fait
face à une augmentation des exportations des œuvres d’art. Une loi est adoptée : Loi du 31 Août 1920. Cette
loi repose sur trois principes qui ont pour but commun de réduire les exportations d’objet d’art et donc de
préserver l’intégrité culturelle du pays :
• En 1920, on institue un contrôle de l’exportation des biens culturels. Les biens culturels qui
rentrent dans certaines catégories de la loi font l’objet d’une autorisation d’exportation.
• On institue une taxe sur les biens qui sont autorisés à quitter la France. Cette taxe, indexée sur la
valeur du bien, varie selon les catégories. Elle peut tout de même aller jusqu’à 100% de la valeur du bien
(volonté de décourager les exportations).
• L’administration essaie de dissuader les tentatives de fraude. En réalité, lorsque quelqu’un veut
exporter un objet culturel, l’administration dispose d’un droit de rétention de cet objet. Le droit de
rétention signifie que l’administration peut s’opposer à l’exportation de l’objet d’art en se portant
acquéreur sans l’accord du propriétaire. L’Etat se porte acquéreur au prix déclaré par l’exportateur, au
prix dicté par le propriétaire dans sa demande d’exportation. L’intérêt ici était d’éviter que les
propriétaires ne fraudent pour tenter de faire baisser le montant de la taxe.
➔ Cette loi n’a quasiment jamais été appliquée. Immédiatement après qu’elle est été adoptée, le marché de
l’art parisien a réagi et a été déserté par les acheteurs : les gens n’achètent plus d’œuvre d’art en France. Les
acheteurs d’art se trouvent vers les places anglo-saxonnes (bcp plus libérales en la matière). Cette loi est
abrogée le 31 Décembre 1921. La fameuse taxe a été abrogée en 1958.
En pleine 2GM, le problème qui se pose est que l’occupant nazi exporte des biens culturels en
nombre (voir pille complètement les musées français). Le régime de Vichy va donc promulguer le texte du
23 Juin 1941. Cette loi, lors de la libération, va être validé lors du rétablissement de la légalité républicaine.
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Cette loi reprend grosso modo les dispositions de la loi de 1920. On rétablit en particulier un contrôle à
l’exportation sous quatre formes différentes :
1) Il existe toujours des catégories d’objet qui font l’objet d’une autorisation d’exportation. Sont
concernés « les objets présentant un caractère national d’histoire ou d’art ». Plus précisément, il s’agit
de trois catégories d’objet :
o Les œuvres des peintres, des graveurs, des dessinateurs, des sculpteurs antérieurs à 1900 ➔
art contemporain.
Dès lors, d’un côté, la loi établit un périmètre assez large dans le sens où elle nous parle d’objet d’art ou
d’histoire, ce qui va permettre de protéger des objets qui ont un intérêt pour l’histoire de la science, de la
technique, etc. De l’autre côté, la jurisprudence a estimé que les biens qui ne rentrent pas dans
l’énumération de la loi peuvent être protégés eux-mêmes quels que soient leur date de création à partir du
moment où ils présentent un intérêt d’art ou d’histoire. Ça a été par exemple le cas d’une automobile en
1966 ou encore d’un manuscrit du Marquis De Sade en 1990.
Quelle est la procédure pour demander une autorisation ? La procédure varie selon la valeur de l’objet.
Soit il faut obtenir un simple visa du Ministère de la Culture (objets dont la valeur était inférieure à 100 000
francs). Pour les objets d’une valeur supérieure à 100k francs, il faut obtenir une véritable licence
d’exportation du ministère (bcp plus difficile à obtenir). Dès lors, le ministère dispose d’un mois pour
répondre et le silence vaut refus.
2) Droit de préemption de l’Etat lorsque l’exportation a pour finalité une aliénation du bien.
3) Toute exportation est interdite pour les objets qui ont été classés.
4) Une opposition à l’exportation : Il s’agit des cas où on veut déplacer un objet d’art non pas pour le
vendre mais pour le faire changer de domicile par exemple. À ce moment-là, l’Etat rétablit son droit de
rétention sans indemnité possible ! (pour préjudice moral par exemple). L’Administration dispose d’un
délai de six mois pour décider si elle retient l’objet ou non.
1. Le dispositif
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Le dispositif de 1941 apparaissait insuffisant pour protéger les biens culturels. En effet, avant que la
jurisprudence intervienne, on pensait que seuls étaient protégés les biens de la liste limitative. En 1941, les
objets non protégés par la loi relevaient de « l’art contemporain » et l’art contemporain se devait de circuler.
Or, plus on avance dans le temps, et moins les objets de l’art contemporain appartiennent à cette catégorie.
Dès lors, de nouveaux contrôles vont être institués dans le cadre du droit douanier entre les années 40 et 80 :
il s’agira de mesure appelée les avis des exportateurs. L’idée c’est d’avoir une autorisation douanière
supplémentaire avec l’accord du ministère de la culture pour la totalité des biens culturels, à l’exception de
l’art contemporain. Les avis des exportateurs définissent ce qu’est l’art contemporain : œuvres des artistes
vivants ou bien les œuvres des artistes qui sont décéder depuis moins de vingt ans. Grâce à ces avis
douaniers et grâce à la jurisprudence, on complète la loi de 1941 en essayant de contrôler la quasi-totalité
des biens culturels.
2. Résultats
L’Administration a appliqué ces mesures douanières avec beaucoup de tact, de retenue. En moyenne,
on dénombre 10k demandes d’autorisation de sortie du territoire par an et en moyenne un seul refus / an.
Malgré tout, ces autorisations douanières, par un biais détourné, ouvrent la voie à des négociations de l’Etat
pour enrichir ses collections. Par exemple, tableau de La Célestine de Picasso quasiment donné à l’Etat en
contrepartie de la sortie du tableau des Noces de Pierrette (que le propriétaire voulait exporter). L’Etat
vend presque une autorisation de police. Il accepte de récupérer des œuvres d’art en en laissant d’autres
partir.
3. Critiques
La règlementation issue de la loi de 1941 a été très critiquée par les acteurs du marché de l’Art. On a
donc critiqué la longueur des procédures et la lourdeur des procédures. On a argué de l’incertitude que cette
législation fait peser sur les marchands d’art parce que dès qu’on veut faire sortir une œuvre d’un pays,
l’Etat peut potentiellement prendre notre œuvre sans indemnisation.
Plusieurs projets de réforme ont été étudiés sur cette question mais aucun n’a abouti pendant
longtemps. Hormis la disparition de la taxe en 1958, la situation ne changera pas avant 1992/1993 au
moment de l’instauration du marché unique. On a donc dû adapter les textes : Loi du 31 Décembre 1992.
Cette loi a décidé que, face à une exportation, l’Etat peur classer l’objet comme étant un trésor national. Le
statut de trésor national implique refus d’autorisation d’exportation. A partir de ce moment, l’Etat peut
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présenter une offre d’achat, ce qui signifie exit le vieux droit de rétention puisqu’ici le propriétaire n’est
plus obligé de dire oui à l’Etat. De plus, l’Etat doit pratiquer un prix conforme aux prix pratiqués sur le
marché international. Le prix devient donc négociable. Par conséquent, en cas de désaccord, on fait
procéder à une expertise de l’œuvre d’art. Si l’accord sur le prix est trouvé, la vente intervient dans un délai
de six mois. Cette procédure est actuellement en vigueur.
A. La position du problème
Le vol d’œuvre d’art est un phénomène très ancien (antiquité) mais il est intéressant de constater que
ce vol d’œuvres d’art a pris différentes formes au fil des siècles et différentes motivations du pilleur. Les
historiens de l’art ont observé une évolution de la signification du vol d’art.
Jadis, le vol ou les pillages d’œuvres d’art était plutôt marqué par une connotation symbolique dans
le sens où on voyait ces pillages comme des trésors de guerre qui prouvent la suprématie du vainqueur. Au
XXe siècle, de plus en plus, le vol d’œuvres d’art est devenu un moyen de revendication, autrement dit un
outil politique original. Exemples : En 1911, un individu vole la Joconde au musée du Louvre pour protester
contre les spoliations napoléoniennes. Un britannique s’empare du portait du Duc de Wellington peint par
Goya pour s’en servir comme moyen de pression sur le gouvernement eu égard à l’augmentation de la taxe
sur la télévision. Les œuvres d’art ont aujourd’hui un côté mafieux très prononcé dans le sens où les vols ne
sont plus tellement des actes individuels. Les vols d’art sont devenus un trafic très organisé à l’échelle
internationale. Il existe un véritable marché souterrain des œuvres d’art. Ici il y a un véritable but lucratif.
43
A la lumière du contexte international, un certain nombre de sites archéologiques ont été pillé via des
fouilles clandestines (notamment au Niger). Ce pillage en règle s’étends aussi aux pays asiatiques. Les
pillages sont évidemment favorisés par les guerres. Dans les contextes de guerre parfois, la guerre inclus
parfois les pillages et les vols dans l’idéologie même de la guerre (ex : nazi).
A la faveur de ces pillages, les œuvres circulent et arrivent souvent dans les grands musées
occidentaux. Tous les pays occidentaux possèdent des œuvres pillés, spoliés. Affrontements entre les Etats et
les institutions culturelles. Aujourd’hui, la plupart des pays spoliés réclament leurs trésors et leurs
revendications sont de plus en plus nombreuses et véhémentes. Les Etats intentent des procès aux musées
des autres pays.
B. La réaction du droit
La réaction du droit s’est faite en deux temps : aux années 50 et dans une période postérieure aux
années 50.
La grande règle qui a été en vigueur pendant à peu près 2000 ans c’est qu’en cas de vol de
patrimoine, la règle était le jus praedae qui signifie « le droit de prise ». Le droit de prise signifie que dans
un contexte de guerre, lorsqu’une citée était prise par les armes, le vainqueur est supposé avoir le droit de
priser, c'est-à-dire de récupérer tous les objets qu’il souhaite dans la ville. Les penseurs évoquent ce jus
praedae dès l’antiquité grecque, et en particulier XENOPHON. PLATON adopte la même position, de même
que TITE-LIVE. Pour légitimité les prises, ils invoquent le droit de guerre, le jus belli. Donc en cas de
guerre, on peut justifier les prises.
Cette idée perdure au moyen-âge où se développe une nouvelle notion : la guerre juste. Il s’agit
d’un ensemble de règles morales qui définissent à quelles conditions une guerre est acceptable. Les penseurs
médiévaux vont considérer qu’à partir du moment où une guerre est juste, cela légitime le jus praedae. Le
théoricien de cette idée est en particulier HUGO GROTIUS (1605, Le commentaire sur le droit de prise). Il
justifie pendant tout son bouquin le droit de prise à partir de la théorie de la guerre juste. GROTIUS en retire
une notion qui est celle de juste prise. Sauf que ce dernier n’a jamais évoqué la question de la restitution
éventuelle des biens culturels.
Pour autant, il y a eu de multiples contestations de cette idée à travers les âges et depuis l’antiquité
(certaines auteurs ont contesté ce droit de prise et notamment CATON, CICERON, etc.). De même, les
44
papes médiévaux vont s’insurge, mais aussi des publicistes de l’époque moderne (PUFENDORF,
VATTEL…).
Mais toutes ces critiques se situent sur le plan moral, sur le plan doctrinal. Ces critiques pour l’instant
n’influencent pas le droit. Il faudra attendre le 19e siècle où s’ébauchera petit à petit un droit de la
restitution. En effet, à cette époque, on commence à condamner les pillages, les destructions. On critique
cette notion de juste prise. On va donc voir apparaitre un contentieux de la restitution. Cette apparition du
droit de la restitution coïncide avec le déclin de la notion de guerre juste. Les premières obligations légales
de restitutions apparaissent durant la seconde moitié du 19e siècle sous la forme souvent de clauses insérées
dans les traités de paix.
A la libération, le mouvement de protection des biens culturels s’accélère avec la création notamment
de l’ONU et de l’UNESCO et aussi avec le mouvement de décolonisation (lorsqu’on décolonise, on signe le
déclin de l’impérialisme occidental). Enfin, troisième facteur qui joue dans ce mouvement de protection des
biens culturels est l’universalisation des droits de l’Homme. Tous ces facteurs vont faire qu’on va voir
apparaitre un droit international de la protection des biens culturels dans une espace mondialisé.
L’apparition de ce droit témoigne tout simplement que l’on prend en compte de plus en plus la diversité des
cultures. Juridiquement, tout cela va amener à des évolutions.
Le meilleur moyen pour lutter contre les pillages c’est d’opérer une publicité des objets volés. C’est
un travail d’archivage des données avec notamment deux institutions : D’abord, le Conseil international
des musées qui dispose de listes rouges d’objets volés et, ensuite, la base de données d’Interpole
(principal acteur de la lutte contre la « délinquance culturelle » en favorisant la coopération policière entre
les pays et en impliquant, dans le processus, les propriétaires de biens culturels, c'est-à-dire les sensibiliser et
leur faire jouer un rôle actif dans l’échange d’informations). Tout cela a été facilité grâce à un code appelé
l’ « object ID » qui est la carte d’identité de l’objet : c’est une norme internationale de description d’un bien
culturel. La première liste d’objet volé date de 1947. C’est la première fois que l’on publie une liste des
objets d’art qui ont été volés. Aujourd’hui, la base d’Interpole groupe à peu près 34k pièces d’art volé. De
plus, la base d’interpole est ouverte aux organismes culturels depuis 2009 (par exemple aux musées).
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Les conventions internationales sont le deuxième moyen pour protéger le patrimoine culturel au
niveau international. En particulier, plusieurs conventions ont été adoptées par l’UNESCO et notamment
deux conventions principales qui ont pour objet de lutter contre le trafic d’art : Le Protocole de la
Convention de La Haye (1954) qui avait pour objet la protection des biens culturels en cas de conflit
armé et cette convention interdisait l’exportation des biens culturels d’un pays occupé ; et Une Convention
de l’UNESCO (1970), complétée en 1995, qui est applicable elle en temps de paix et qui prévoit le
renforcement de la solidarité internationale dans la lutte contre le trafic des biens culturels. Ces conventions
témoignent d’une grande idée : on prend de plus en plus en compte la valeur symbolique des biens culturels
pour l’humanité en considérant que ces biens culturels n’ont pas seulement une valeur marchande mais ont
également une valeur identitaire. Les biens culturels sont censés être le reflet de l’identité d’un peuple, voir
le prolongement de la Nation elle-même. N’étant pas des biens comme les autres, les biens culturels
possèdent un régime juridique tout à fait particulier, dérogatoire.
Quelle place la société accorde à la création, quelle liberté elle donne à un auteur pour se réaliser (et
donc quelles sanctions le droit envisage pour protéger un auteur ?)… Autrement dit, l’histoire de la propriété
littéraire et artistique correspond au rapport d’une société à son imaginaire, à l’art, à la création, à
l’écriture, etc. Pour devenir un auteur au sens fort du terme, il faut que la société dans laquelle l’auteur
évolue, se sente tenue à son égard d’une obligation juridique. L’idée est de reconnaitre à l’auteur une
souveraineté. Autrement dit, consacrer un auteur dans l’expression de sa singularité.
Tout cela met en jeu une notion : le pouvoir du sujet, le pouvoir subjectif de l’individu. Tout cela
renvoie à un autre problème qu’est le processus d’individualisation des sociétés occidentales. Or, ce
processus d’individualisation passe essentiellement par le droit. Cela signifie que l’histoire juridique que
nous allons étudier est en fait l’histoire des droits subjectifs que l’individu est autorisé à exercer. Cela
signifie qu’il y a des sociétés, et en particulier en France au Moyen-Âge par exemple, où l’individu n’a pas
de droits en tant que tel. Cela veut dire qu’une personne au Moyen-Âge ou aux TM fait toujours parti d’un
ensemble qui est plus grand qu’elle (une personne fait partie d’un village, d’une ville, d’une paroisse, d’une
famille, de la communauté des chrétiens etc. qui sont des entités juridiques). Le processus
d’individualisation mène donc à une reconnaissance juridique de plus en plus vers l’individu. Ce processus
commence avec l’Humanisme au 16e siècle et l’aboutissement sera la Révolution Française.
Donc reconnaitre à l’auteur des droits suppose un préalable qui est celui qu’un individu doit pouvoir
exister dans son espace propre. Régner dans son espace à soi, c’est inconcevable avant 1789. L’histoire du
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droit d’auteur finalement c’est l’histoire de la conquête de la souveraineté de l’individu. En fait, l’histoire du
droit d’auteur va être l’histoire d’un affranchissement de la création parce que toute l’histoire que l’on va
étudier c’est le fait que les créations doivent s’affranchir d’un certain nombre de paramètres. La création doit
s’affranchir de la politique, de la théologie, etc. L’évolution de la propriété littéraire et artistique est le
produit d’une série de causes, par exemple elle découle d’une lutte économique très forte, mais aussi d’une
lutte politique /idéologique et enfin d’une évolution technique.
Quand est-ce que commence vraiment la véritable histoire de la propriété littéraire et artistique ? Il
faut d’abord exclure les périodes historiques où la propriété littéraire et artistique ne peut pas exister :
• L’Antiquité : Sous l’Antiquité gréco-romaine, les auteurs ne possèdent pas d’une protection
intellectuelle.
o Antiquité grecque : L’Antiquité grecque ignore ce que nous appelons nous aujourd’hui un
« sujet ». Cela signifie qu’ils ignorent qu’une personne peut être singulière et qu’une personne puisse
être centrée sur son antériorité, on considère qu’une personne ne peut pas créer. On oppose le sujet à
l’individu (le sujet c’est celui qui créé, l’individu c’est celui qui existe par rapport à ses actions
extérieures). Cela signifie que lorsqu’on créé, en Grèce, on considère que la création est uniquement une
participation aux activités de la Cité. On considère que le créateur travaille pour la cité, donc l’auteur
d’une œuvre, pour les penseurs de l’époque, ne réinvente pas le monde. On considère qu’un auteur ne
fait que commenter un monde qui existe déjà, commenter un ordre qui est déjà présent. Donc l’auteur n’a
pas vocation à inventer, le bon auteur est supposé perpétué la tradition de la cité (écrire, commenter ce
qu’on écrit ses prédécesseurs, rajouter, écrire les batailles et pensées politiques de son époque,
compléter la tradition, etc.). Un auteur ne va pas être considéré différemment d’un ouvrier, d’un artisan.
Donc il n’y a aucune idée de propriété intellectuelle. Souvent, les philosophes grecs ou les poètes étaient
souvent des esclaves. Leur maitre était donc propriétaire de leurs œuvres en vertu d’un droit
d’accession (qui est un droit purement patrimonial). On est dans un schéma mental où l’auteur n’existe
pas.
o Rome Antique : La propriété littéraire et artistique ne peut pas non plus commencer à Rome.
Le droit romain a réfléchit au problème de l’œuvre de l’esprit. L’œuvre de l’esprit à Rome est abordé à
travers le prisme du droit des biens. En particulier, il y a une question qui s’est posée aux romains
(raisonnement casuistique) : le cas qui s’est posé aux romains c’est qui doit prévaloir entre la forme et
la matière ? Pour eux, la notion de création met ne jeu les apports entre forme et matière ➔ En droit
romain, cette question se nomme la spécification : Il s‘agit de la réalisation d’une chose nouvelle à partir
d’une matière qui appartient à autrui sans l’accord de ce dernier. Exemple : Peintre qui fait un tableau
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avec une toile qui ne lui appartient pas. La question qui se pose est la suivante : Qui est propriétaire de
la chose transformée, de l’œuvre ? est-ce que c’est le propriétaire de la matière ou est-ce que c’est celui
qui a transformé la matière (le spécificateur) ? Il y a eu une très grande controverse entre deux grandes
écoles de juristes-consuls romains : les proculiens et les sabiniens. Selon les proculiens, la propriété de
la chose doit être attribuée au spécificateur parce que les proculiens sont influencés par la théorie
d’Aristote sur la création. Selon Aristote, l’essence de l’individualité réside dans la forme. Selon les
sabiniens, c’est la réponse inverse qui doit prévaloir. Pour eux, la propriété de la chose appartient au
propriétaire de la matière parce qu’eux sont influencés par le matérialisme stoïcien, c'est-à-dire que ce
qui est important c’est la matérialité d’une chose. C’est donc l’opinion exactement inverse. Dans la
pratique, la controverse est réglée au cas par cas, autrement dit il n’y a pas de lignes directrices. La
solution qui a été dégagée pour la peinture c’est que la propriété du tableau va au peintre, donc au
spécificateur. En revanche, en matière d’écriture, c’est le propriétaire de la tablette qui est propriétaire de
la chose. Conclusion : en réalité, la spécification en droit romain repose sur la détermination de la qualité
de la chose. L’idée c’est que la solution va être fondée sur la valeur comparée de l’œuvre et du support.
On va regarder ce qui a le plus de valeur (presque économique), donc le processus de création humaine
n’intervient pas du tout dans l’attribution de la propriété (la propriété est déterminée par la qualité de la
chose). Finalement, le droit romain n’ont pas du consacré la protection légale du droit d’auteur, il n’y a
pas de lien juridique entre l’auteur et son œuvre à Rome. Paradoxalement, les romains dénonçaient
quand même le plagiat et l’ont qualifié de vol. De plus, les romains sont les pionniers de la distinction
entre l’œuvre et le support.
• Le Moyen-Âge : Du côté du droit médiéval, il n’y a pas de propriété littéraire et artistique non plus
pour une raison extrêmement simple : le créateur de toute chose est Dieu. Le droit d’auteur se heurte
donc à cette question-là. Dans les abbayes, on a des moines copistes (qui recopient les manuscrits). Ils
font leur travail généralement de manière anonyme. On est pas vraiment dans une société créative, on est
surtout dans une société complètement dominée par cette question de la chrétienté. De plus, il n’y a pas
de propriété littéraire et artistique parce que la question des enjeux économiques des œuvres ne se pose
pas encore. En effet, les copies sont rares et le marché des œuvres sont très étroit. Les libraires parisiens
en 1316 possèdent, dans leur statut de corporation de métier, la phrase suivante : Nul libraire ne peut
refuser un exemplaire à celui qui voudrait en faire une copie. Cela signifie qu’il n’y a absolument pas de
propriété de l’œuvre, au contraire les universités médiévales favorisent la libre reproduction des
manuscrits.
• Raison économique : A partir du XVe siècle mais surtout au XVI, apparait une nouvelle technique de
reproduction des œuvres qui est l’imprimerie. Au XVIe, des presses s’installent dans toute l’Europe.
Cela signifie que les premiers imprimés commencent à être reproduits en masse. Les imprimés sont
reproduits en grande échelle et donc la protection d’un droit d’auteur commence à se faire sentir. De
plus, l’invention de l’imprimerie va avoir une incidence capitale : au tout début de l’époque moderne
(tournant des XV et XVIe siècle) apparait en Europe une technique de réservation de l’œuvre, qui est
une protection juridique qui va devenir un véritable système qui va couvrir toute l’Europe : le
système des privilèges d’imprimerie et de librairie.
Sous l'ancien régime là protections des œuvres de l'esprit prend la forme d'un PRIVILÈGE et non pas
d'un droit.
PRIVILEGE : "Privata Lex" (la loi privé). Avant la Révolution chaque ordre avait sa loi privée. La
noblesse/Clergé etc.
Le mot privilège n'a pas la connotation prérogative que l’on en a aujourd’hui. Avant la Révolution
chacun a des privilèges en fonction de l'ordre auquel il appartient. On confère un droit singulier à une
personne en fonction de sa fonction sociale.
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Avant la Révolution on est dans une société ou l'égalité juridique n'a aucun sens, et les privilèges ->
fonctionnement normal de la société. Fonctionnement INÉGALITAIRE selon la fonction mais SOLIDAIRE
dans le sens où les 3 ordres de la société travaillent les uns pour les autres.
La notion de privilège implique aussi autre chose. C'est l'AUTORITE ROYALE qui est en jeu, c'est
elle qui délivre les privilèges de manière discrétionnaire. Puisque le roi pour délivrer un privilège utilise son
pouvoir législatif. La marque par excellence de la souveraineté est le pouvoir législatif (casser et donner la
loi).
Au temps modernes l'Etat royale va être l'autorité créatrice des droits relatifs aux œuvres de l'esprit.
Le privilège est à mi-chemin entre droit PRIVÉ & PUBLIQUE. Nature HYBRIDE.
XVI - XVII -> période de grande évolution, les privilèges en matières d'œuvre de l'esprit ont d'abord
été accordés aux IMPRIMEURS et puis on va voir une lente évolution qui vont être dévolues aux
AUTEURS changement des titulaires des privilèges tout au long de l'ancien régime. Ce basculement nous
montre 2 choses :
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Mais de manière générale l'auteur est écarté, EX: RONSARD un imprimeur avait obtenu
un privilège perpétuel pour ses œuvres alors qu'il ne voulait pas que ces œuvres soit publié
mêmes choses pour les "Précieuses ridicules " MOLIÈRE.
EXPLICATION DE LA MISE À L'ÉCART : car le régime des privilèges est adossé à un
autre privilège qui est celui des corporations de métiers.
Corporation de métiers : avant une période le commerce n'était pas libre pour exercer il
faut faire partie d'une corporation avec des apprentis, valets et les maîtres. Seuls les maîtres
peuvent ouvrir boutiques. Les corporations ont le monopole de leur métier.
Or les imprimeurs et libraires formes une corporation de métier, il n'y a qu'eux qui ont le
droit d'imprimer, un autre un ne peut pas acheter une presse et imprimer ses livres seul. Sous
l'Ancien Régime l'auteur n'a pas d'autre choix que de céder son œuvre. Situation de
DÉPENDANCE par rapport à la toute puissante corporation des libraires.
-> Le roi va exiger sa part
A. Avant 1650
La compétence des parlements en matière de délivrance des privilège déclinent. Que ce
soit la compétence des Parlements ou Université Elles déclinèrent au pro t du roi. Le roi va
transformer les privilèges de librairies en instruments politiques.
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grâce. Cela veut dire que le roi peut REFUSER d'accorder un privilège ou une fois accorder il
peut aussi le SUPPRIMER. S'analyse comme une FAVEUR.
L'octroi d'un privilège n'est pas soumis à l'équité, c'est purement discrétionnaire. Le roi de
France est "maître des grâce", "souverain législateur" donc s'il refuse on ne considère pas qu'il
commette une injustice. Ce système des privilèges qui avait au départ un but économique
devient un moyen de CONTRÔLE DE L'OPINION PUBLIQUE.
Ce marché de l'édition devient alors un élément parmis d'autres de la POLICE
GÉNÉRALE DU ROYAUME, c'est à dire tout ce qui regroupe le maintien de l'ordre public. OP
est aussi maintenue par l'ordre moral (ne pas diffuser d'idées subversives).
Ce tournant la est étroitement lié au contexte d‘époque qui est celui de la réforme
protestante, l'imprimerie a été un des véhicule essentiel des idées protestantes, les écrits de
LUTHER son reprises par la presse parisienne en 1507 car à cet époque-là c'était encore le
Parlement ou l'Université qui délivré les privilèges. Le débat religieux est jeté sur la place
publique. Le roi de France est dans une situation intenable pour lui et réagit en établissent
progressivement une régulation du marché du livre qui n'est plus compatible avec le maintien de
l'OP.
- éviter les trouble c/ le savoir
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En conclusion, au 17e siècle, le monde des libraires est complètement sous le contrôle de la
monarchie et ce d’autant plus qu’à partir de 1666, le Roi limite strictement le nombre d’ateliers qui peut être
ouvert et en particulier c’est le règne de Louis XIV qui est important ici : C’est surtout lui qui va centraliser
l’édition. IL n’y a plus qu’une petite poignée d’éditeurs à Paris qui ont le soutien de la monarchie. A la fin
du 17e siècle, il y a à Paris uniquement 36 éditeurs.
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Parlement de Paris appelé HORACE MARION. Effectivement, son texte contient les germes du droit
patrimonial de l’auteur tout comme son droit moral. Mais cette position est isolée à ce moment-là. Mais, en
1785, cette position est réitérée par un autre avocat LOUIS d’HERICOURT. C’était le défenseur des
libraires parisiens qui étaient en conflit avec les libraires provinciaux. Les libraires de province se
plaignaient de n’être jamais investi de privilèges. La plaidoirie de cet avocat contient des arguments qui vont
être récupérés par les auteurs eux-mêmes. D’HERICOURT était notamment très sensible à la notion de
travail parce que pour lui c’est le lien essentiel d’une société, c’est ce qui relie les hommes entre eux : « Il
est indispensable que les hommes puissent vivre de leur travail ». Donc pour lui, l’auteur est le propriétaire
du support matériel sur lequel il a écrit. Cette position est issue d’une théorie de J. LOCKE (1690, Le
Second Traité du Gouvernement). L’idée de LOCKE est de dire que l’Homme est propriétaire de ses actions,
de son travail. Donc D’Héricourt transpose le raisonnement du philosophe anglais à la propriété littéraire et
artistique, à l’auteur. Il nous dit que le manuscrit est le bien de son auteur parce qu’il est le fruit d’un travail,
d’une réflexion, personnelle. Pour lui, l’œuvre de l’esprit est une propriété au même titre que les choses
corporelles. On a une assimilation de la propriété des choses et de la propriété intellectuelle. Louis
d’Héricourt en déduis la chose suivante : l’œuvre de l’esprit doit être inviolable à l’égard des tiers.
Tout au long du 18e siècle, on réaffirme constamment le caractère inviolable de la propriété littéraire.
Ceux qui vont, au premier chef, se battre pour reconnaitre des droits à l’auteur, ce sont les philosophes des
lumières. Ce thème de la propriété littéraire et artistique va exploser dans les années 1760. Il prend très
grande ampleur. Au 18e siècle, on va amplifier la dimension individualiste du droit d’auteur. Il faut
notamment citer DIDEROT (Cf. Texte 3). Il fait une hiérarchisation, il fait de la propriété intellectuelle la
toute première propriété, la condition même des autres propriétés. Pour lui, l’œuvre de l’esprit se confond
avec la substance même de l’Homme. Accentuation du caractère naturel de la propriété intellectuelle. Toute
la démonstration de DIDEROT c’est de dire que la propriété intellectuelle est un droit naturel, et non un
droit concédé par la société.
certaines de ses gravures. HOGARTH obtient gain de cause et il est à l’origine d’une loi qui
confère aux peintres ou aux graveurs un monopole d’exploitation temporaire sur leurs gravures.
Cette loi s’appelle l’ENGRAVING COPYRIGHT ACT (1734).
Aux Etats-Unis, ils sont in uencés par la culture anglaise et les pères fondateurs de
l’Amérique vont inscrire un certain nombre de choses dans la Constitution américaine et
notamment le droit exclusif pour les auteurs d’exploiter leurs écrits pendant une période limitée.
Le 31 Mai 1790, est adopté aux Etats-Unis le premier copyright Act. Au départ, cet acte est
circonscrit aux cartes et aux livres. Progressivement, les EU vont l’étendre à d’autres types de
productions et notamment aux dessins (1802), aux compositions musicales (1831), aux
photographies (1865) et aux peintures et autres productions artistiques (1870).
2. Le romantisme allemand
Le 18e siècle allemand se caractérise par le Romantisme (1770 – 1830). Le Romantisme
allemand est un mouvement d’idée qui exacerbe l’individualisme, mouvement d’idées qui parle
de la souffrance de l’être, des âmes torturées, etc. L’idée c’est qu’en fait de la souffrance nait la
création. Ce sont des thèmes qui contribuent à une plus grande reconnaissance des auteurs.
En conclusion, au 18e siècle, on identi e un créateur avec son œuvre. Cette idée est dans
l’air du temps au 18e siècle. Mais le droit va donc réagir face à ces changements contextuels.
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Crébillon était un auteur de l’Académie Française. Il est en litige avec les libraires
parisiens parce qu’il avait cédé ses œuvres en pleine propriété à ses éditeurs. Puis, il décide
d’obtenir un privilège pour lui, il voulait avoir certaines prérogatives sur ses livres à l’expiration du
privilège de l’éditeur. Le Roi lui avait accordé satisfaction. Donc l’éditeur parisien attaque cette
autorisation pour que son privilège soit prorogé à l’issu du délai. Le Conseil du Roi décide
d’accorder le privilège à Crébillon. Donc lorsque son privilège a expiré, l’éditeur ne l’a pas vu
prorogé. Crébillon avait mis en exergue l’argument de la privatisation des œuvres par les
éditeurs.
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En conclusion, toutes ces décisions convergent vers la reconnaissance de l’auteur. Plus
précisément, elles convergent vers la reconnaissance légitime des auteurs ou de leurs héritiers à
participer à l’exploitation patrimoniale de leurs ouvrages. Le Conseil du Roi les intègre dans un
régime de concession des privilèges. Les auteurs peuvent même renégocier l’édition de leurs
ouvrages, donc ils sont dans une situation beaucoup plus favorable. Pourquoi un tel changement
de la part du Roi, pourquoi ces revirements de jurisprudence ? Parce que le Roi a vu, dans la
puissante corporation des libraires, une atteinte à son pouvoir : il est censé avoir le monopole du
privilège mais la prorogation quasi automatique des privilèges aux libraires n’était pas du tout
compatible.
excéder la durée de la vie de l’auteur (il meurt en même temps que l’auteur) le contrat
d'édition n'emporte pas transfert de propriété de l’auteur A l'éditeur au contraire ce contrat
s'analyse comme un simple mandat. L'idée est celle d'une interprétation restrictive des
cessions qui prévaut. Ce troisième point ne résulte pas des arrêts de 1777 mais d’un arrêt
complémentaire du 30 JUILLET 1778.
RÉPONSE : A la veille de la révolution la propriété de l’auteur sur son œuvre est une réalité
juridique. Les auteurs ne sont pas protégés véritablement par un droit mais par un privilège,
systèmes des privilèges qui sont des MONOPOLES TEMPORAIRES (plus rarement
perpétuelle). A la veille de la révolution ses privilèges sont accordés prioritairement aux auteurs
et subsidiairement aux éditeurs (deux siècles avant c'était l'inverse).
=> Bouleversement, idée étant que chacun doit être récompensé de son travail et en vivre.
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- BEAUMARCHEAIS Est au cœur de l'affaire du "Barbier de Séville " (pièce), dans cette
affaire il va prendre là paroles au nom de tous les auteurs "pour pouvoir créer encore faut-il au
préalable diné " -> En 1777 à la veille de la révolution il va créer la SOCIÉTÉ DES AUTEURS &
COMPOSITEURS DRAMATIQUE (CACD) destiné à défendre les intérêts des auteurs de pièces
dramatiques.
- 2 ARRÊTS DU CONSEIL DU ROI 9 DEC 1780 (pré révolution), arrêt qui essaye de
réviser la rémunération des auteurs et ont prévoit 3 choses pour rémunérer les auteurs :
-> Rémunération sous forme de cachets en espèces
-> Rémunération sous forme de cachets aux recettes
-> Rémunération sous forme de cachets aux billets gratuits
CONCLUSION
A la veille de la Révolution la Propriété intellectuelle est un principe qui est dégagé. Mais à la
veille de la Révolution cette idée n'est pas encore élucidé. 1789 =
TOURNANT ,BOULVERSEMENT dans la PLA -> au moment de la révolution FR renversement ,
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c'est important car on passe d'un POUVOIR DU ROI SUR LA CRÉATION (privilèges) --> AU
DROIT PRIVÉ DE L'INDIVIDU CRÉATEUR SUR SES OEUVRES . L'Histoire de la PLA est relié au
progrès de l'individualisme juridique c'est une application de ce principe qui va être af rmé sous
la révolution FR
Droit intermédiaire : Droit qui se situe entre l'ancien droit (monarchie) et le code civile entre 1789
et 1804. Synonyme de droit Révolutionnaire. Les révolutionnaires vont adopter 2 grandes lois pilier du droit
de la propriété littéraire et artistique
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QUESTION : Pourquoi la propriété ? RÉPONSE : Pour les révolutionnaire la propriété est un droit
naturel, le législateur quand il consacre le droit de propriété il ne crée pas un droit mais reconnaît
un droit préexistante ce stade la pensée JUSNATURALIS typique du 18 EME siècle . Le droit de
propriété trouve son fondement dans l'acte créateur. L'œuvre est naturellement la propriété de
son auteur. C'est une reprise de la pensée des lumières. Qui prend elle-même la suite de
l’humanisme. Pensée qui met en dé nitif le créateur au centre.
Texte 4 / texte 6 : Les auteurs disent qu'il faut quand même une intervention de la LOI
POSITIVE qui ART. 4 DDHC xe les bornes des droits naturels de l'homme
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L'histoire de la PLA n'est qu'une application des principes généraux du droit, des
principes révolutionnaires. Cette volonté de faire en sorte que l'œuvre tombe dans le domaine
public, caractère temporaire du droit d'auteur est révélateur de la nalité du droit d'auteur selon
les révolutionnaires, du but du droit d'auteur pensé par les révolutionnaires. L'idée est que le droit
d’auteur est tout sauf individualiste. L'idée est que l'on veut favoriser la libre circulation des idées
et du savoir. Dire que l'auteur à un droit d’auteur, reconnaître un droit d’auteur CA va dans le
même sens car si un auteur est protégé ça favorise la création. Le droit d'auteur est un droit à
nalité sociale. Le but étant de réaliser l'idée des Lumières le rayonnement de la Raison qui est
aussi l’idéal humaniste de la reconnaissance.
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1. Dans le temps
L’idée c’est que, ces deux textes, vont connaitre une exceptionnelle pérennité puisqu’ils
vont rester en vigueur pendant 170 ans, c'est-à-dire jusqu’à la loi de 1957. Un auteur parlait à
propos de ces lois de « véritable charte du droit d’auteur en France ». Exceptionnelle pérennité
de ces lois alors qu’elles ne sont mêmes pas inscrites dans le Code Civil.
2. Dans l’espace
Au début du 19e siècle, ont lieu les guerres napoléoniennes qui conquièrent une partie de
l’Europe. Napoléon va leur exporter le Code civil et la législation française. Notre législation sur la
propriété littéraire et artistique va donc être étendue à tous les pays de l’empire napoléonien.
Cette législation sera notamment applicable en Belgique, au Portugal, aux Pays-Bas, et même au
Brésil (par le jeu des colonies du Portugal). Ces lois vont également être appliquées dans
l’empire colonial qui est relativement vaste (en Algérie par exemple).
Notre législation révolutionnaire, même si elle s’applique jusqu’en 1957, va faire l’objet de
petites retouches. Mais ces retouches ne modi ent pas l’économie des lois de 1791 et de 1793.
C’est d’abord la loi qui a amendé le dispositif révolutionnaire puis c’est surtout la jurisprudence
qui a œuvré (notamment aidée par la doctrine).
Il faut mentionner ici toute une série de lois ponctuelles qui interviennent pendant un siècle
et demie.
1) Décret-loi du 1er Germinal An XIII (29 Mars 1805) : Ce texte a reconnu les droits des
propriétaires d’œuvres posthumes.
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3) Loi du 11 Mars 1902 sur la théorie de l’unité de l’art. Cette loi pose le principe selon lequel
la protection légale est indépendance du mérite de l’œuvre ou de sa destination. Le juge
n’a pas le droit de faire dépendre la protection d’une œuvre en vertu de sa propre
considération esthétique. De plus, le juge n’accorde pas sa protection en vertu de la nalité
purement esthétique ou industrielle d’une œuvre.
4) Loi du 9 Avril 1910 sur la distinction de l’œuvre et du support : L’idée ici est que la vente
d’une œuvre d’art n’emporte pas cession du droit de reproduction. On va différencier l’œuvre
en elle-même et le support de cette œuvre. Donc même lorsqu’un auteur vend son œuvre, il
n’aliène pas son droit de reproduction. On distingue donc la propriété de l’œuvre d’art qui,
elle, peut être acquise par tiers, on la distingue des droits sur l’œuvre d’art qui eux
demeurent en la personne de l’auteur.
5) Loi du 20 Mai 1920 : elle intervenait dans le cas d’œuvres plastiques ou graphiques. Elle
instaurait au pro t des auteurs un droit à prélèvement lors de la revente des œuvres. C’est le
droit de suite (permet de suivre les uctuations du marché de l’art).
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Ce qu’on appelle le droit moral de l’auteur ce sont les attributs d’ordre intellectuel sur
l’auteur. Ce droit moral est rattaché à la personne de l’auteur et a donc un caractère extra
patrimonial. Ce droit moral est une spéci cité française. Ce droit moral a été dégagé tout au long
du 19e siècle mais les années charnières sont les années 1890-1920.
L’idée c’est que la jurisprudence a rendu des décisions de manière régulière tout au long
du 19e siècle de manière régulière et de manière convergente. Ces décisions ont
progressivement dessiné les contours du droit moral.
1) Jugement du Tribunal civil de la Seine, 17 Août 1814 : Reconnait une des prérogatives du droit
moral ➔ le droit à l’intégrité de l’œuvre pour l’auteur. Ce jugement nous dit « qu’un ouvrage vendu
à un auteur par un imprimeur doit être imprimé dans l’Etat où il a été vendu et livré ».
2) Décision de la CA Paris du 30 Août 1826 : Il s’agissait ici des héritiers de FOUCHET (ministre de
Napoléon) qui voulaient faire supprimer des mémoires de FOUCHET le nom de leur ancêtre (donc
volonté de vouloir faire supprimer le nom de l’auteur car doute de l’authenticité de ces mémoires). Donc
ici, préservation de l’authenticité de l’œuvre par la CA de paris qui accepte de supprimer le nom de
l’auteur (quand on a un doute = on préserve l’authenticité de l’auteur).
3) Décision du Tribunal Civil de la Seine du 6 Avril 1842 : Condamne un éditeur qui avait fait
modifier un ouvrage par un tiers. L’auteur, même s’il cède la propriété de son ouvrage, n’abandonne pas
son droit de corriger l’œuvre sinon « cela reviendrait à mettre la réputation de l’auteur à la merci de
l’acheteur ».
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Les circonstances de ces arrêts étaient toujours les mêmes : Litiges qui opposaient des auteurs à des
éditeurs, et c’était toujours le cas d’éditeurs qui avaient corrigé les œuvres des auteurs sans leur
consentement. La jurisprudence prend systématiquement la défense de l’auteur en disant que personne à part
lui à le droit de toucher à son œuvre ➔ elle consacre e droit à l’intégrité de l’œuvre.
En ce qui concerne ensuite le droit de repentir, il a été reconnu par un arrêt du Tribunal civil de la
Seine du 4 Décembre 1911. Il s’agissait en l’espèce d’un ouvrage d’Anatole France dont un éditeur voulait
l’éditer 18 ans après que l’auteur lui ait cédé les droits. Anatole France refuse l’édition de ce livre du fait de
la vieillesse de son œuvre. Le tribunal accepte de redonner le manuscrit à l’auteur et interdit à l’éditeur de le
faire paraitre (moyennant compensation pécuniaire).
Les prérogatives morales sont incessibles, c’est ce qui ressort de ces arrêts. Elles sont attachées à la
personnalité de l’auteur et en particulier le droit à l’intégrité et le droit à la paternité sont des prérogatives
qui sont imprescriptibles, perpétuelles et transmissibles aux héritiers. De manière générale, toutes nos
prérogatives du droit moral sont opposables erga omnes. Cela permet de protéger la relation exclusive entre
un auteur et son œuvre.
B. La systématisation doctrinale
Le problème c’est que si l’on reconnait une entité qu’est le droit moral, cela bat en brèche
le droit commun de la propriété. Le droit de la propriété est normalement exclusivement
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patrimonial, elle s’exerce exclusivement sur une chose corporelle. La propriété est un point
modèle du Code civil. La doctrine s’écharpe donc sur ces questions. Le débat est donc de
savoir si le droit d’auteur relève ou non du droit de la propriété ? Effectivement le droit d’auteur
est dif cilement classable parmi les droits civils. S’affronte en réalité deux conceptions différentes
du droit d’auteur qui tendent à savoir quelle place faut-il accorder au droit d’auteur dans la
célèbre sumna divisio entre les droits patrimoniaux et les droits extrapatrimoniaux. Cette question
a donné lieu à deux réponses, deux conceptions du droit d’auteur :
• L’auteur doit pouvoir empêcher la divulgation de son œuvre par autrui. Donc un tiers ne peut
pas publier l’œuvre sans l’autorisation de l’auteur.
72
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• Le droit à la paternité de l’œuvre. Si on publie une œuvre sans le nom de l’auteur, pour lui, c’est ce
qu’on appelle un furtum laudis (un vol de gloire).
• L’auteur doit pouvoir revendiquer le respect de son œuvre et donc l’œuvre ne doit pas être
dénaturée par un tiers ou par un cessionnaire des droits d’exploitation. Le droit moral s’exerce donc
n’importe quand, même si l’auteur a vendu son œuvre.
Finalement ces solutions reprennent celles de la jurisprudence et celles également d’autres auteurs.
Mais l’apport de cet apport est qu’il va systématiser des solutions éparses, empiriques, et va forger un
concept cohérent qui est le concept de droit moral.
Cette théorie est reprise par l’ensemble de la doctrine postérieure. En 1928, le concept de droit moral
est reconnu au plan international par l’intermédiaire du Traité de Rome qui modifie la Convention de Berne
et qui intègre donc ce concept de droit moral.
Pour la doctrine des 19e et 20e siècles, le droit moral est en réalité binaire. Il comprend un assez
positif et un aspect négatif. L’aspect positif c’est le droit de publier et de modifier son œuvre. L’aspect
négatif c’est le droit d’empêcher que toutes autres personnes que l’auteur ne publie son œuvre, ne la modifie
ou ne la dénature sans son autorisation.
Les limites du droit moral sont relativement modestes. C’est la jurisprudence qui va tracer
ces limites. Trois limites en particulier :
• En matière de droit à la paternité de l’œuvre : La jurisprudence décide que la paternité
de l’œuvre peut faire l’objet d’une cession irrévocable (Jugement du Tribunal Civil de la
Seine du 22 Juin 1922). Il s’agissait d’un des coauteurs d’Alexandre DUMAS qui s’appelait
Auguste MAQUET. Ce dernier avait aidé DUMAS a rédigé 7 romans, dont Les Trois
Mousquetaires. La jurisprudence estime que le contrat par lequel MAQUET a renoncé à sa
paternité sur ces œuvres est valable.
• En matière de droit à l’intégrité de l’œuvre plurale : Etait visé en l’espèce un dessin
animé et en réalité, en 1956, la jurisprudence décide que ce type de création constitue une
indivision qui comporte des servitudes qui sont acceptées par tous les participants. Les
participants ne peuvent pas imposer leur volonté discrétionnaire sous prétexte du droit moral.
• En matière de contrat relatif à l’adaptation cinématographique : En 1933, on juge qu’un
auteur ne peut pas se plaindre de l’adaptation de son œuvre sauf si cette adaptation est
jugée abusive.
CONCLUSION GENERALE
73
Les lois Révolutionnaires restent en place pendant près de 170 ans. Ces lois révolutionnaires ont été
amendées, adaptées, par la jurisprudence. Sauf qu’un droit jurisprudentiel est contraire à l’esprit français. Du
coup, les juristes essaient de réformer, de moderniser, ces lois révolutionnaires. En 1936, un projet de loi est
élaboré par la Société d’Etude Législative (SEL). Ce projet de loi portait en particulier sur les contrats
d’édition. La SEL est une société savante. Elle propose une loi au gouvernement et le gouvernement
effectivement dépose le projet qui concernait officiellement le droit d’auteur et le contrat d’édition. Mais ce
premier projet n’aboutit pas. Les travaux reprennent en 1940, toujours à l’initiative de la SEL. En effet, la
SEL comprenait en réalité une commission du droit d’auteur. En 1944, à la fin de la guerre, on créer une
commission de la propriété intellectuelle (décret 1944) sous l’impulsion de Jean ESCARRA. C’est lui qui
a rédigé l’avant-projet de 1956. De plus, c’est le plus grand spécialiste français du droit chinois. Cet avant-
projet finira par donner naissance à la grande loi du 11 Mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique.
L’objectif de ce texte de 1957, point de départ de l’histoire de la propriété littéraire et artistique, était
de codifier toutes les solutions jurisprudentielles mais aussi codifier le dernier état de la doctrine. Il
s’agissait, en 1957, de prendre en compte toutes les nouvelles formes d’art apparues depuis la Révolution et
qui donc posaient de nouveaux problèmes : le cinéma, la radio, les disques, la télévision, etc. La
jurisprudence, dans l’entre-deux guerre, a refusé la qualité d’auteur au réalisateur d’un film. Sous la pression
des réalisateurs, cette solution a été infirmée en 1957 par le texte législatif. Ce texte était donc là pour faire
un tri entre des jurisprudences parfois contradictoires. De manière plus générale, cette loi de 1957 a souvent
été qualifiée de loi humaniste, parce que cette loi met l’accent sur le droit moral en premier. On fait
d’abord référence au droit moral dans cette loi avant le droit patrimonial. La loi de 1957 renverse donc
toute la logique étudiée précédemment.
Cette loi de 1957 a été rendue elle-même obsolète par les évolutions technologiques à cause
notamment du fait des nouveaux réseaux d’exploitation (les satellites) et les nouveaux moyens de
reproduction (photocopies, magnétoscope, magnétophone, ….). Tout cela a entrainé une augmentation de la
copie privée. La troisième avancée a été l’importance croissante qu’ont pris les auxiliaires de la création
artistique qui revendiquent, petit à petit, une protection autonome. Par exemple, les artistes interprètes, les
producteurs, les entreprises de communication audiovisuelle.
Tout ceci a amené à une grande loi : Loi du 3 Juillet 1985 relative au droit d’auteur et aux droits
voisins du droit d’auteur. Cette loi introduit deux innovations en particulier. La première c’est que ce texte
est le premier qui consacre vraiment les droits voisins du droit d’auteur au profit des auxiliaires de la
création. La deuxième innovation c’est que cette loi consacre la rémunération pour copie privée. Cette
rémunération prend la forme d’une redevance assise devant le support vierge de l’enregistrement.
74
La propriété littéraire et artistique finit par être codifiée dans le Code de la propriété littéraire et
artistique promulgué le 1er Juillet 1992. Il comprend à la fois des dispositions de propriété littéraire et
artistique et de propriété industrielle et commerciale, ces deux matières étant réunies sous l’appellation de
propriété intellectuelle. Le Code de la propriété intellectuelle comprend deux caractères : Le premier est
qu’il s’agit d’une codification à droit constant. Le deuxième caractère est que la codification a pour effet
d’accélérer le processus d’autonomisation de la matière, c'est-à-dire que la propriété intellectuelle se détache
de plus en plus nettement du droit commun.
75
L’invention, dans une société, est une rupture par rapport à ce qui est connu. En effet, l’invention
correspond à la création d’un procédé ou d’un objet qui n’existait pas avant. L’invention s’opposerait de ce
point de vue à une autre notion qu’est la notion de découverte. La découverte se définit à l’inverse comme la
mise à l’évidence d’un phénomène naturel. Liens entre inventions et découvertes ? 1. Souvent, les
inventions sont les résultats appliqués des découvertes scientifiques. 2. Parfois, ce sont les inventions qui
mènent à la découverte scientifique (ex : invention des machines à vapeur ont permis la découverte
76
Les implications de la matière sont énormes puisque le caractère fondamental de l’invention est
qu’elle rompt un équilibre dans la société, elle déstabilise un ordre préexistant. Cette rupture existe à trois
niveaux qui différent selon les périodes historiques :
• Cette rupture peut être perçue par l’ensemble de la société. Dans ce cas la rupture est plutôt
psychologique. On a parfois l’idée qu’une invention brutale peut heurter de front les traditions.
• Une rupture d’équilibre pour le salarié. Pour le salarié, l’employé, une invention peut être synonyme
de dépréciation d’un savoir technique (" chômage, rétrogradation de la qualification…).
• Une rupture pour l’entrepreneur. L’invention signifie du matériel obsolète, donc perte de marché,
ruines dans les cas les plus extrêmes, etc.
Face à ces bouleversements, ce sont les pouvoirs publics qui vont devoir réagir. Le droit peut
appréhender ces ruptures de cinq manières différentes :
❖ Interdire l’innovation. Exemples : Une loi japonaise de 1718 appliquée jusqu’en 1868 interdisait
les innovations. La Turquie, au 18e siècle, interdit l’innovation dans un secteur particulier. La Russie, au
18e siècle, va interdire l’imprimerie.
❖ La règlementation qui consiste à déterminer à l’avance quels produits et quels procédés pourront
être employés quand on invente. Exemple France aux Temps-Modernes, notamment au sein du régime
corporatifs du travail ➔ interdiction de l’emploi de procédés nouveaux car c’était vu comme de la
concurrence déloyale.
❖ L’obligation de secret. Cela concerne l’époque très contemporaine et les inventions classées
Défense Nationale.
❖ La neutralité. Les pouvoirs publics ne règlementent rien du tout, ils se désintéressent de l’invention.
Neutralité qui peut être due à de l’indifférence ou qui peut être due à une doctrine économique qui
s’appelle le laisser-faire, laisser passer. C’est le régime le plus favorable à l’invention. Cela a été le cas
des Pays-Bas au 18e/20e siècle.
77
❖ L’encouragement à l’invention. Les pouvoirs publics peuvent réaliser que favoriser l’innovation
c’est servir la grandeur du pays. Cela participe du rayonnement d’un pays ou d’une nation. Cet
encouragement peut se faire par deux moyens :
o Les récompenses. Accorder à un inventeur des récompenses, des médailles, des titres
honorifiques, récompenses souvent assorties d’un prix, d’une rémunération.
La propriété industrielle et commerciale recoupe le droit des brevets (noyau dur), le droit des dessins
et des modèles, le droit des marques et le droit des appellations d’origines et indications de provenances. On
a des embryons de protection en matière de propriété industrielle et commerciale qui apparaissent
relativement tôt, parfois dès l’Antiquité mais en tout état de cause l’avènement d’un droit de la propriété
industrielle et commerciale est intiment lié au développement technique et social de la société. Donc, ce
droit émerge surtout si trois conditions sont réunies :
1) Il faut l’existence d’une recherche scientifique, qui débouche, de préférence, sur une recherche
appliquée.
3) Il faut une implication de l’Etat de manière à ce que les droits de l’inventeur soient garantis.
En l’occurrence en France, ces trois conditions sont réunies fin 18e/début 19e parce que c’est
l’époque de la révolution industrielle et économiquement parlant c’est l’avènement du libéralisme
économique. Donc la propriété industrielle et commerciale est née dans les pays capitalistes du 18e siècle :
Les Etats-Unis et l’Angleterre.
78
Généralement, on protège une invention en lui accordant un monopole. Ce monopole, qui est une
incitation à la recherche, est également un élément de la protection d’un investissement. Sauf que cette
notion de monopole a été très longue a émergé. On va distinguer le droit des brevets d’abord et le droit des
dessins et modèles ensuite.
Il ne s’agit pas de dire ici que le droit des brevets apparait au Moyen-Age. Mais le Moyen-Age
connait des attitudes de propriété intellectuelle.
C’est le grand siècle du réveil économique de très grande ampleur parce que c’est une période qui voit un
retour à la sécurité (fin des grandes invasions). Du coup, comme les routes et les voies fluviales sont sûres,
les marchands recommencent à circuler (donc renaissance du commerce), en France mais pas que (ex : les
croisades où on va voir se développer le commerce avec l’Orient). On voit également se développer des
79
instruments de commerce, type lettre de change. Puis le 12e siècle est aussi la renaissance des villes :
émergence d’une nouvelle classe sociale ➔ les bourgeois des villes (ce sont soit des artisans, soit des
commerçants, avec un certain niveau de fortune). En 1266, Saint-Louis renoue avec une veille pratique
disparue : le bimétallisme (c'est-à-dire que l’on va frapper à la fois la monnaie d’or et la monnaie d’argent,
ce qui est un signe de prospérité). Tout ceci entraine une hausse démographique.
Le travail des artisans en ville s’exerce dans un cadre juridique particulier : les corporations (ou les
communautés) de métier. C’est un regroupement d’artisans d’une même profession sous le regroupement
d’un Saint Patron. Chaque corporation dispose d’un monopole. Chaque corporation adopte une attitude de
possession envers des propriétés intangibles. Dès lors, on est jaloux de son savoir-faire, de la connaissance
de son métier. C’est une attitude de propriété intellectuelle. Parmi les obligations des membres des
corporations figurent le secret de fabrication. Le contexte est qu’on est au Moyen-Age, donc pas du tout
dans une économie libérale. Au Moyen-Age, il n’est pas bien vu d’inventer. L’idée des corporations est d
produire juste ce dont on a besoin pour vivre, pour vendre. On ne cherche pas le profit. L’idée c’est qu’on
essaie simplement de perpétuer des méthodes traditionnelles de production. Toutes les corporations d’une
même profession doivent fabriquer selon les mêmes techniques. On trouve dans les statuts les matériaux
utilisées, les matériaux interdits, idem pour les outils, etc. Les corporations sont donc synonymes
d’immobilisme, anti-innovation. Dans ce contexte psychologique, on veut lutter en fait contre la
concurrence déloyale entre corporations.
Les premiers privilèges apparaissent en matière minière, pour l’exploitation du sous-sol. Les
pouvoirs publics (le Roi) vont accorder le monopole d’exploitation de la mine à une entreprise privilégiée.
Exemple : un Aquitain obtient du Roi d’Angleterre de l’époque (Edouard III) un privilège de quinze ans
dans le domaine de la teinture des draps avec les motifs et techniques qu’il a inventé. On voit donc
apparaitre les premiers privilèges de la propriété industrielle et commerciale. Le problème c’est que ces
privilèges peuvent être ad vitam eternam.
80
inventeurs un monopole d’exploitation de 10 ans avec obligation d’informer les autorités publiques. Ce texte
énonce en particulier quatre idées que l’on va retrouver tout au long de l’histoire des brevets :
➢ Invention doit avoir une utilité sociale parce qu’à l’expiration du monopole, elle tombe dans le
domaine public.
Venise, avec ce texte, attire les meilleurs artisans européens dans des domaines très variés et
stratégiques à l’époque : Elle va attirer par exemple des orfèvres, des imprimeurs. Venise frappe un grand
coup et certains de ces artisans vont jusqu’à acquérir la nationalité vénitienne.
Les privilèges vont se multiplier après ce texte (qui aura un très grands succès et sera très appliqué).
Deux chiffres : Entre 1474 et 1500, 21 privilèges sont délivrés mais de 1500 à 1550, 423 privilèges sont
délivrés.
1. En Europe
Au MA, on a déjà un certain nombre de privilèges techniques qui sont délivrés, mais ils constituaient
des cas isolés. En réalité, le système des privilèges se développent à grande échelle à l’Epoque Moderne.
C’est le cas en particulier au XVIe siècle. Au XVIe siècle on est entré de plein pied dans la Renaissance,
c’’est donc le temps de l’humanisme et c’est un mouvement qui prône le développement du savoir humain
dans toutes ses branches et qui prône l’individualisme (l’homme au cœur de la réflexion). Tout cela valorise
l’innovation et la création.
L’Angleterre va adopter un grand texte : The Statute of Monopolies (1623). Ce texte accorde un
monopole aux premiers inventeurs pour toute espèce nouvelle de fabrication. Ce monopole dure quatorze
ans. C’est loi qui est l’ancêtre du droit des brevets.
2. En France
81
A partir du 16e siècle en France, il y a un grand concept en France : l’Absolutisme royal. Cela
signifie la montée en puissance du Roi, il va essayer de contrôler tout un tas d’activités. Il va essayer de
contrôler l’économie et en particulier de développer l’industrie du Royaume. A cette époque, le
développement de l’industrie passe par deux biais. Le premier moyen est la création des premières
manufactures royales, sous Colbert en particulier. Les manufactures royales sont les ancêtres des usines.
D’autre part, le deuxième moyen est l’institution de privilèges royaux. L’Europe a développé des privilèges
à des industriels pour leur conférer des privilèges de monopole. Ces privilèges sont délivrés sous forme de
lettre patente (lettre ouverte par opposition aux lettres de cachet).
Le privilège s’analyse comme une concession qui se fait au bon plaisir du Roi, qui n’a pas à être
justifiée. De ce point de vue-là, le privilège diffère du brevet tel qu’on le connaît aujourd’hui puisque ce
dernier est un droit de propriété accordé à tout auteur selon certains critères objectifs. Or, l’octroi de
privilèges cadre parfaitement avec la politique économique du Roi. Les privilèges c’est un des moyens à
l’appui de la politique économique du Roi.
Autrement dit, les objectifs industriels de la Nation sont fixés par le Roi. On est dans une société qui
cherche à faire du profit. Dans cette perspective, les privilèges apparaissent comme un moyen d’appoint
destiné à favoriser le développement de l’industrie. Le Roi va pouvoir choisir quels secteurs il mettra sous
privilèges ou non.
Pour autant, les privilèges ont certains points communs avec les brevets :
• Punition de la contrefaçon.
82
Le privilège est accordé par arrêt du Conseil du Roi. L’arrêt contient une brève description de
l’invention. Le Parlement de Paris, plus haute juridiction du Royaume, doit enregistrer le document
applicable, ce qui veut dire qu’il peut s’y opposer. Le problème de délivrer des monopoles c’est que cela
peut léser quelqu’un, et notamment les corporations de métiers. Les corporations de métier peuvent faire
appel soit auprès du Roi soit auprès du Parlement de Paris. Les privilèges sont vus comme une protection
des inventeurs contre les règlements des corporations qui sont souvent anti innovations. Lorsque le
Parlement est saisi d’un appel d’une corporation, le Parlement fait appel à une commission d’expert. C’est le
premier examen préalable de toute l’histoire des brevets. Ces experts sont souvent issus de l’académie
des sciences qui avait été fondée par Colbert. Au bout d’un moment, même en dehors du cadre de l’appel,
l’académie obtient le rôle de juge des inventions (1659). C’est elle qui va officiellement jugée les
inventions qui sont soumises au pouvoir. Donc l’académie doit juger de l’opportunité de l’octroi d’un
privilège donné à un inventeur selon n double critère : D’abord, le critère d’utilité (l’invention est-elle utile
à la société ?) et ensuite le critère de nouveauté.
Cela suppose donc que les inventions bénéficient d’une certaine publicité. Pour juger la nouveauté de
l’invention, il faut savoir ce qui a été inventé avant. Il faut donc instituer un dépôt des inventions (l’idée est
de savoir si ce qu’on a inventé n’a pas en réalité déjà été inventé). Toutes les inventions nouvelles sont
déposées à l’observatoire de Paris. Puis une nouvelle institution va jouer un rôle fondamental : le Bureau du
Commerce (1722). A partir des années 1730, ce bureau examine les requêtes des inventeurs. Il engage des
scientifiques. Il supplante l’académie des sciences. Il a un rôle purement consultatif mais rôle essentiel.
Dans les faits, c’est le Bureau du Commerce qui prépare les projets d’arrêt du Conseil du Roi. La décision
finale (délivrer un privilège ou pas) appartient au 18e siècle au contrôleur général des finances.
Pour autant, cette procédure va être de plus en plus contesté et les privilèges, de manière générale,
sont de plus en plus contestés parce que le 18e siècle est un siècle de grands changements.
A. Le crédo libéral
l’exclusivité liée à la question des privilèges est régulièrement condamnée, critiquée. Dès 1703,
l’économiste Pierre BOISGUILBERT écrit qu’il existerait un ordre naturel économique, et que si on ne
met aucun frein, aucune réglementation, à l’économie, cette dernière arrive à un équilibre toute seule. On est
donc dans une hostilité de plus en plus marqué des monopoles, vus comme des freins à l’économie, au
commerce.
Malgré tout, dans la première moitié du 18e siècle, un privilège sur deux est accordé en matière de
« brevets ». Mais ce crédo libéral s’affirme de plus en plus tout au long du 18e siècle, et en particulier dans
les années 1750-1770 sous l’influence d’un mouvement de pensée économique : les physiocrates. Les
physiocrates envisagent les privilèges comme des freins à l’innovation. Les physiocrates estiment qu’il faut
également abolir les corporations de métiers. Physiocrate célèbre : TURGOT. Il a, en tant que ministre, en
1776, a essayé de supprimer les corporations de métiers. Cette mesure est très mal reçue et entraîne la
disgrâce de TURGOT. Le grand reproche à l’encontre des corporations est de freiner l’innovation au
bénéfice de la routine. Du coup, les inventeurs fuyaient à l’étranger.
Dans le Bureau du Commerce, il y avait beaucoup de physiocrates. C’était une sorte de foyer de
l’économie libérale. On considère que l‘invention est un moteur de la réforme, un capital dans le
développement industriel d’une nation. Dès lors, cette invention doit être jugée par des techniciens
spécialisés et à la fois par des responsables politiques. Dans cet esprit est adopté un texte fondateur.
Déclaration royale portant les privilèges en fait de commerce. On qualifie souvent ce texte de
compromis. Il a été largement préparé par le Bureau du Commerce. Dans ce texte, on a une critique du
système des privilèges dans le préambule : privilèges donnés à vie, pb de compétence (hérédité des
privilèges), pb utilisation du privilège dans la fabrication de l’invention, incrimine aussi le défaut de
publicité de privilèges. Art 1er : désormais, les privilèges seront accordés pour un temps précis, il n’y aura
plus de privilèges illimités. De plus, un certain contrôle est institué sur les cessions de privilèges. Ce texte
institue également une obligation d’exploitation de l’idée, sous peine de nullité du privilège. Ce texte de
1962 fait la promotion des hommes de talent. La monarchie éclairée s’approprie ces talents. Ce texte
annonce le futur régime des brevets. Mais c’est malgré tout un texte de transition parce qu’on reste quand
même dans le vieux régime des privilèges.
A. L’héritage révolutionnaire
La nouvelle législation française sur les brevets date de la Révolution, période charnière en la
matière. En l’occurrence, le texte à retenir est un décret des 31 Décembre 1790 et 7 Janvier 1791. L’article
1er de ce décret dispose : « Toute découverte ou nouvelle invention dans tous les genres d’industrie est la
propriété de son auteur ». Puis le texte poursuit en définissant l’invention : « Est une invention toute moyen
d’ajouter à quelque fabrication que ce puisse être un nouveau genre de perfection ».
Le système instauré par cette loi est un système d’octroi du brevet sans examen préalable. On va
vérifier la validité des brevets uniquement en cas de litige, lors de procès. C’est donc ce qu’on appelle des
brevets délivrés SGDG (sans garantie du gouvernement).
Concrètement, il faut déposer une description de son invention quand on est inventeur au
département, sous peine d’invalidité.
Puis loi complémentaire de 1791 institut un Directoire des brevets qui est destiné à centraliser les
dépôts. Le brevet pourra être octroyé pour une invention nouvelle ou pour l’importation d’une invention
étrangère. Ce brevet confère à son titulaire un droit exclusif d’exploitation, mais un droit qui est temporaire.
La durée du monopole peut être de 5, 10, 15 ans, au choix de l’inventeur. Un inventeur a l’obligation
d’exploiter. En cas d’importation d’une invention étrangère, dans ce cas-là le délai de la protection
correspond au délai qui reste à courir dans le pays étranger. On avait considéré que c’était le meilleur moyen
de rattraper l’Angleterre sans être colonisé par ses inventions.
85
Premier concept : L’individualisme. L’idée même du brevet ne pouvait naitre que sous deux
influences. Ces deux influences ont précisément lieu au 18e siècle. Le premier changement est un
changement de mentalité parce que les lumières ont remis au goût du jour les droits naturels de l’individu
qui se déclinent en matière d’invention. Le deuxième changement est économique puisque le 18e siècle est
la première révolution industrielle. Développement du commerce, de l’industrie, et l’espionnage industriel
entre les nations. Les secteurs clés à l’époque sont la vapeur, la métallurgie et le textile. Ces deux
changements participent d’un même mouvement vers l’individualisme.
Deuxième concept : Le libéralisme. Les idées libérales naissent à la fin du 18e siècle et offrent un
terrain favorable au droit national des brevets. Deux influences ici qui vont faire naitre le libéralisme : 1.
L’influence des physiocrates (TURGOT, QUESNAY, DUPONT DE NEMOURS…) qui s’opposent au
mercantilisme, à l’économie dirigiste, et qui prônent le laisser-faire/laisser-passer. 2. L’influence de la
Constitution américaine libérale du 17 Septembre 1787. Dans cette constitution il est dit qu’une des
missions du Congrès américaine est de favoriser le développement des arts utiles et de la science en
accordant aux auteurs et aux inventeurs un droit exclusifs (sur leurs écrits/sur leurs inventions) pour une
durée limitée.
Troisième concept : La propriété. Rapporteur BOUFFLERS (né en 1728) est un député du Tiers-
Etat. Il est membre de l’Académie Française et c’est un homme des Lumières. Dans son rapport, il met en
avant de manière très claire le droit de propriété. Pour lui, l’inventeur à un droit de propriété sur son
invention et ce droit de propriété intellectuel est le plus important de tous les droits de propriété. Ce droit de
propriété surgit grâce à l’intelligence d’une personne et non pas parce qu’il hérite d’un bien. C’est une façon
de réagir contre l’Ancien Régime. La propriété de BOUFFLERS est envisagée comme un droit naturel de
l’homme. Le préambule de la loi de 1791 le dit très clairement. Plus besoin de l’intervention de l’autorité
publique pour reconnaitre cette propriété. Ce droit de propriété est antérieur au droit positif, c'est-à-dire que
le rôle du droit positif est d’acter un droit qui existe déjà (à l’état de nature).
Quatrième concept : Le contrat social. Théorie de Rousseau. Un contrat social aurait été passé
entre l’inventeur et la société parce qu’en réalité l’inventeur de son côté va obtenir de la société une
propriété, un monopole, et la contrepartie de cette protection juridique c’est que l’inventeur partage avec la
société son invention. Cela permet de justifier trois choses :
86
À travers ces trois éléments on voit bien l’idée d’un pacte entre l’inventeur et la société. Plus précisément,
cette idée de contrat social permet de justifier les limites à la propriété de l’inventeur.
1. Le droit interne
La loi de 1791 va traverser une très grande partie du 19e siècle (toute la première moitié). Cette loi de
1791 a également servi de modèle à divers pays étrangers. Mais cette loi de 1791 révèle rapidement des
insuffisances, insuffisances révélées par l’extension économique. Au 19e, on voit apparaitre une nouvelle
pensée économique qui met l’accent sur la concurrence industrielle. Donc l’idée de ces penseurs n’est plus
de protéger l’inventeur mais de favoriser la concurrence économique. Cela va entrainer le vote de la loi du 5
Juillet 1844, elle-même remplacée par la loi du 2 Janvier 1968.
Cette loi révise le texte de 1791. Elle va être en vigueur pendant 124 ans (longévité exceptionnelle).
Cette loi ne modifie pas radicalement la loi de 1791. Les principes fondamentaux demeurent les mêmes mais
la loi de 1844 les précise. Cette loi va longtemps fixer les spécificités du droit des brevets français. Trois
remarques sur ce texte :
• Cette loi donne une nouvelle définition de l’invention qui est plus générale. Selon la loi, « Sont
87
les assurances, les techniques de remboursement des droits féodaux…). En 1791, ces « inventions »
avaient été brevetées mais ici la jurisprudence fait un revirement en disant que le brevetage de ces
« inventions » n’est pas possible. En effet, au 19e siècle, on est dans une période intense de spéculation
financière.
• La nouvelle loi fait le choix de conserver le système d’absence d’examen préalable du brevet. Alors
que dans les autres pays européens, le principe d’examiner les brevets en amont gagne du terrain et
notamment en Allemagne. Concrètement, quelle est la procédure pour déposer un brevet ? L’inventeur
dépose une description de son invention à la préfecture. L’enregistrement du brevet est opéré par le
ministre de l’Industrie et de l’Agriculture. L’esprit de la loi est de faire en sorte que l’Homme,
l’inventeur, s’examine lui-même. C’est la responsabilité individuelle de chacun de breveter quelque
chose qui va être utile. De plus, on considérait que, par définition, il était difficile de juger quelque chose
qui n’existe pas encore.
• De nouvelles idées apparaissent dans ce texte de 1844. D’abord, une idée nouvelle qui porte la
durée du monopole à 20 ans. Au bout de 20 ans, le brevet tombe dans le domaine public. De plus, un
inventeur, une fois le dépôt de son invention, a deux ans pour avoir un certificat d’addition (sorte
d’avenants au brevet en cas d’amélioration de l’invention). La loi de 1791 introduisait dans la définition
de l’invention la notion de perfection.
La loi du 2 Janvier 1968 abroge celle de 1844 et introduit d’importants bouleversements notamment
du fait de la Convention de Strasbourg de 1963. Quatre points dans cette loi de 1968 :
préalable, c’est la fin des SGDG. Le gouvernement va vérifier la nouveauté dans l’examen préalable.
ajoute un nouveau critère qu’est l’activité inventive. Art. 9 : L’invention ne doit pas simplement découler
de manière évidente de l’état de la technique.
88
• Institution du certificat d’utilité. Sorte de « mini brevet » dont le monopole ici est limité à 6 ans.
• Adoption du système des revendications. Le système des revendications permet dans un brevet de
distinguer ce qui est effectivement protégé de ce qui ne l’est pas. L’idée c’est que la revendication
détermine l’étendue de la protection.
Un brevet a un caractère national alors que l’invention est universelle. Des problèmes entre les Etats
ont commencé à voir le jour. Le droit des brevets a été obligé de s’internationaliser.
a. Le contexte international
19e siècle : siècle des moyens de communication qui décloisonnent les pays (ex : invention chemin de
fer, télégraphes électriques). Dans le domaine de l’invention cela a d’importantes répercussions car les
idées circulent et elles sont en confrontation les unes avec les autres. C’est la mode des expositions
universelles dont le but est de présenter les réalisations industrielles de chaque pays. Qui plus est, on est
dans une logique de libre échange au 19e siècle. Dans les années 1870, on aboutit à un tournant, à une prise
de conscience. Ces brevets ne peuvent plus être seulement nationaux. Le 19e siècle est le théâtre d’un
affrontement des politiques commerciales entre ceux qui sont partisans du protectionnisme (en établissant
notamment des barrières tarifaires). Les pays anciens voulaient se protéger des « puissances montantes ».
Sauf que les pays émergents adoptent aussi des attitudes protectionnistes. C’est le cas par ex des Etats-Unis
qui veulent protéger leur industrie qui est naissante.
Progressivement, la plupart des pays vont se montrer plus accueillant à l’égard des inventions
étrangères. Ils favorisent l’exportation des savoirs faires, sauf le Japon (politique de fermeture à ce moment-
là). Mais la plupart des législations admettent le droit pour un étranger de breveter dans un pays qui n’est
pas le sien.
On est dans une époque où le commerce international se développe énormément et on veut donc
protéger son inventeur en dehors de son pays. L’idée est d’instaurer un brevet unique universel. Mais cette
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idée capote. On assiste néanmoins à un début d’internationalisation parce qu’à l’occasion de traités
commerciaux, en annexes, on prévoit des accords entre pays. Ex : Accord bilatéral Autriche-Allemagne
prévoit un accord en matière de brevets.
Les pays vont essayer de mettre en place un système plus global dès 1873. En 1873, c’est
l’exposition de Vienne qui doit accueillir le monde de l’industrie, des arts. A l’origine de cette expo, les
autrichiens et les allemands en profitent et réunissent un congrès international sur la propriété industrielle.
Ce congrès international est accueilli très tardivement par les autres pays et notamment par la France (1870 :
Défaite de Napoléon III face à la Prusse). Le congrès émet le vœu d’un futur accord international sur la
propriété industrielle. Suite à ce vœu un comité exécutif est mis en place et chargé de préparer les comités
ultérieurs. Mais il manque la Russie et la France à ces congrès. Puis 1873 : crise internationale. Les
conditions ne sont pas favorables à la réalisation de ce vœu.
1878 : Exposition universelle à Paris. Conférence internationale sur propriété industrielle en 1880.
Les Autrichiens réussissent à convaincre les français. Cette conférence aboutit à un grand texte : La
Convention de Paris du 20 Mars 1883. N’arrive pas à faire triompher l’idée d’un brevet universel parce
que les différences entre les pays sont trop grandes. Mais la Convention créée une union entre les pays
membres : l’Union de Paris. Signée en 1883 par 11 pays à l’époque. La France est la seule grande puissance
qui est représentée. Les grandes puissances vont se rallier petit à petit à cette union : Angleterre en 1884,
Etats-Unis en 1887, Japon en 1889, Allemagne en 1903, etc. L’idée de cette union est que les ressortissants
des Etats membres bénéficient de certains avantages juridiques pour protéger leurs inventions dans les
différents pays membres. Art. 1 de ce texte : principe fondateur de l’assimilation du l’unionisme au
national.
La Convection de paris va être modifiée six fois jusqu’en 1967 et le secrétariat de cette Convention
se transforme en 1967 (Convention de Stockholm) en Organisation mondiale de la propriété intellectuelle
(agence spécialisée des Nations-Unies).
Accord du 6 Juin 1947 adopté dans le cadre de la construction européenne qui créé à La Haye
l’institut international des brevets (qui deviendra plus tard l’office européen des brevets). La mission de cet
institut est d’effectuer des recherches d’antériorité pour le compte des différents Etats par rapport à leur
demande de brevet qui leur est proposé. Cet institut apparait comme une sorte de coopération internationale
dans l’examen de la nouveauté.
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Convention de Strasbourg du 27 Novembre 1963. Elle est très importante parce qu’elle va poser
un certain nombre de règle d’unification du droit des brevets, par exemple en ce qui concerne le domaine de
ce qui est brevetable ou pas. C’est cette convention qui invente le critère de l’activité inventive (qui sera
transposé en droit français par la loi de 1972). A partir des années 70 échappent très largement à la
législation nationale. Le droit des brevets dépend de plus en plus étroitement du droit européen.
Tout commence surtout à partir de la Révolution Française. L’histoire des dessins et modèles est
donc largement contemporaine. L’histoire de ce droit explique complètement le statut actuel des dessins et
modèles. En effet, leur statut se situe à mi-chemin entre deux branches du droit.
La loi de 1793 protégeait les auteurs d’écrits en tout genre, les compositeurs de musique, les
peintres et les dessinateurs. Cette loi sur la propriété littéraire et artistique mentionnait les dessinateurs
mais sans aucune précision. Deux théories sur la façon d’interpréter le terme « dessinateur » ont existé à
l’époque : d’abord, une théorie veut que le législateur ait envisagé sous le terme de dessinateur les artistes,
les dessinateurs de beaux-arts. Ensuite, une autre théorie rappelait le fait qu’au 18e siècle, ce qu’on appelait
les artistes n’avaient pas la même signification qu’aujourd’hui. Les auteurs de cette seconde théorie
affirmaient que les modèles de fabriques, donc les dessins industriels, étaient visés. C’était donc la théorie
inverse à la première. Cette question n’a jamais été tranchée par la jurisprudence, du coup les industriels et
les fabricants se sentent mal protégés. Ils réclament au début du XIXe siècle une clarification de l’état du
droit, une protection spécifique.
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La loi de 1806 est due aux commerçants lyonnais, ruinés par les troubles de la RF. Ils souffrent aussi
de la disparition de leur ancien règlement corporatif. Alors ils se plaignent et vont profiter d’un voyage de
l’Empereur pour obtenir de celui-ci la création d’une juridiction locale chargée de faire respecter les dessins
industriels. Il s’agit du tout premier Conseil des Prud’hommes. Ce conseil recevait en dépôt les dessins et
modèles. Cette protection qui résulte donc de ce dépôt pouvait durer 3 ans, 5 ans ou à vie. C’est l’industriel
qui choisit. Le texte de 1806 institue également une procédure de saisie des objets contrefaits. Cette loi
malheureusement souffrait de nombreuses imperfections.
Quatre insuffisances :
• Cette loi de 1806 avait rédigé au départ à l’intention des fabricants de soie lyonnais. Elle ne
concernait au départ que les dessins sur étoffes. Autrement dit, champ d’application de la loi très limité
au départ qu’il a donc fallu étendre progressivement. On l’a étendu, par exemple, en 1823 aux motifs de
papier peints. On a considéré que les modèles étaient des dessins en relief.
• Au départ, il n’existait qu’un seul et unique CPH en France. Donc la protection ne valait qu’à
Lyon : les fabricants des autres villes n’étaient pas protégés. Petit à petit, ces CPH vont être institués
dans toutes les grandes villes de France. Dans les villes où il n’a y a pas de CPH, on décide que les
dessins et modèles peuvent être déposés au greffe du tribunal de commerce. A défaut, on s’adresse au
tribunal civil. Solution dégagée dès 1825.
• En 1850, la Cour de Cassation a décidé que pour être valable, un dépôt doit être antérieur à toute
exploitation.
• Délimitation du domaine d’application de cette loi par rapport au texte de 1793. La loi de 1793 sur
la propriété littéraire et artistique s’applique aux beaux-arts (aux dessinateurs artistes) alors que la loi de
1806 s’appliquerait uniquement aux arts appliqués, industriels. Or, dans les faits, les tribunaux devaient
régler la question au cas par cas de la distinction d’un dessin artistique d’un dessin industriel. Plusieurs
critères de distinction ont été tentés par les tribunaux :
o Critère du mode de reproduction (Avis CE, 1823) : Lorsque le mode de reproduction est
mécanique, on applique le texte de 1806. Et lorsque le mode de reproduction est manuel, on applique
1793. Problème : exemple création d’un panier. Il le fait à main, certes, mais c’est pourtant usage
pratique.
o Critère de la destination de l’œuvre. L’idée c’est qu’on va essayer de voir le but de l’œuvre.
Un dessin, même s’il est artistique, est destiné à un usage industriel, on lui applique 1806. Et vice-versa.
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Ce système est très largement accueilli par les tribunaux, mais ce critère à un inconvénient : très sévère
pour les artistes qui travaillent dans l’industrie. En effet, si un artiste oublie de faire le dépôt (prévu par la
loi de 1806), il se trouve sans protection. La jurisprudence fait comme si la destination d’une œuvre
pouvait en changer le caractère intrinsèque, la nature. Exemple : La jurisprudence a refusé la protection
des Beaux-Arts à des affiches signées de maîtres, refus également de protéger des bijoux sous 1793.
Tout commence lorsqu’un avocat, POUILLET, s’insurge contre ces différents systèmes. Il demande
alors à ce que la protection de la loi de 1793 sur le droit d’auteur soit reconnue à tout dessin originaire sans
distinction. L’argument de POUILLET est que le juge n’a pas du tout à faire office de critique d’art. Sa
théorie connait un succès fulgurant et est reprise par l’intégralité de la doctrine. Cette théorie va être
sanctionnée par le législateur en 1902.
Cette loi de 1902 est adoptée le 11 Mars, c’est une loi qui modifie en réalité la loi de 1793 sur le droit
d’auteur. On rajoute certaines personnes protégées : Sont désormais également protégés les architectes, les
statutaires, les sculpteurs, les dessinateurs d’ornements et « quel que soit le mérite et la destination de
l’œuvre » La situation est désormais la suivante : Les dessins et modèles sont protégés sans dépôt préalable.
Pour autant, le texte lui-même contient quelques défauts. D’une part, l’expression « sculptures et dessins
d’ornements » est un premier défaut. C’est une expression relativement maladroites parce qu’en cas
d’interprétation a contrario, la loi laisse penser que les sculptures et dessins non ornementaux sont exclus de
la protection. Après 1902, les tribunaux ont par exemple refusé de protéger des modèles de robes, de
manteaux, etc. D’autre part, la loi de 1902 ne prévoyait aucun dépôt. Pourtant, certains industriels se sont
insurgés contre cet état de fait en arguant de l’utilité du dépôt (même si c’est contraignant). En l’occurrence,
le dépôt est un moyen de preuve de l’antériorité d’une création. Après 1902, certains créateurs voulaient
déposer leurs œuvres et ils le faisaient donc sur le fondement de la loi de 1806.
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Sur le long terme, cette loi a eu des conséquences extrêmement importantes sur la théorie de l’unité
de l’art parce que cette loi a étendu le champ d’application du droit d’auteur aux arts industriels, aux arts
appliqués. Cela a complètement bouleversé les fondements du droit d’auteur. On a rattaché brutalement le
droit d’auteur aux exigences du commerce et de l’industrie. Aujourd’hui, on est entré dans une civilisation
des auteurs.
Le principe de cumul n’a pas été adopté par les pays étrangers. Malgré tout, la France persiste et
signe, et va confirmer ce principe de cumul par une loi de 1909.
L’idée c’est qu’il paraissait désirable d’organiser un dépôt facultatif pour les dessins et modèles.
Mais cela s’est avéré très compliqué à mettre en place. Certains industriels réclamaient une publicité
immédiate du dépôt mais pas d’autres. De même, il y avait des divergences quant à la durée du brevet.
Puis on finit par aboutir à la loi de 1909 à force de compromis. Cinq points dans cette loi :
• Elle protège les seuls créateurs qui ont préalablement déposé leur création. Ce dépôt équivaut à une
présomption de propriété en faveur du premier déposant. Présomption simple.
• Définition très large des dessins et modèles. On va protéger « tous dessins nouveaux, toutes forme
plastique nouvelle, tout objet industriel se différenciant des autres par un caractère de nouveauté ou
par une définition propre ».
• Principe du cumul de la protection des dessins et modèles par, d’un côté, le dispositif 1793
complété en 1902 sur les beaux-arts, et de l’autre par le système de 1909. Donc cumul PLA et
PIC.
La question qui s’était posée était la suivante : La définition des objets protégés par la loi de 1909
était très large, ce qui fait que cela englobe automatiquement les créations protégées par la loi de 1793/1902.
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Mais la réciproque est-elle vraie ? N’y-a-t-il pas des créations purement industrielles pour lesquelles la loi
de 1793 serait inapplicable ? La jurisprudence hésite sur cette question et finit par trancher en décidant que
le domaine des deux lois est strictement identique. Dès lors, un créateur de dessins et modèles a le choix :
soit il dépose sa création selon la loi de 1909 pour s’assurer une preuve de propriété mais en cas d’oubli ou
de refus, il est encore protégé par le droit d’auteur par la loi 1793/1902.
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