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Jacques Méhu Recyclage des matériaux et évaluation environnementale

Recyclage
des matériaux
et évaluation
environnementale

Professeur de l’Institut National des Sciences Appliquées (INSA)


de Lyon, Jaques Méhu est directeur de la plateforme Provademse,
une plateforme d’innovation technologique de Rhône-Alpes dédiée
aux écotechnologies et en particulier à des études sur le recyclage
et l’évaluation environnementale.

Le bâtiment et travaux pu- de déchets candidats à être


blics (BTP) est à la fois un réutilisés en BTP.
secteur industriel de grande Quel est l’état des lieux dans
consommation de matières la valorisation des déchets1
premières et de grande pro- de construction en Europe et
duction de déchets (voir aussi dans l’évaluation environne-
les Chapitres d’A. Ehrlacher mentale pour chacun des deux
et de P. Hamelin). C’est donc secteurs, celui du bâtiment et
le domaine par excellence celui des travaux publics ? Où
du recyclage des matériaux en sont les règlementations ?
en boucle courte (déchets du
BTP réutilisés en BTP) et en
« import/export » (déchets du
BTP réutilisés dans d’autres
secteurs ou déchets d’autres
1 Recycler
les matériaux
de construction et
secteurs industriels réutilisés pour la construction :
en BTP). un chantier de taille !
Compte tenu de la raréfaction Le rec yclage des maté-
des ressources naturelles mi- riaux représente un enjeu
nérales et de la volonté d’en
limiter le prélèvement dans 1. Remarque : dans ce chapitre,
le milieu naturel, la priorité les déchets métalliques ne seront
actuelle va vers l’importation pas abordés.
La chimie et l’habitat

considérable pour le domaine tériaux par kilomètre qui sont


du bâtiment et des travaux utilisées pour construire les
publics, et mobilise de nom- routes en France.
breux industriels et équipes C’est un défi de taille que de
de recherche. Et pour cause, recycler les matériaux uti-
en plus de générer d’énormes lisés massivement dans la
quantités de déchets de construction, et ce, à toutes
chantiers que l’on va cher- leurs phases de vie. Une
cher à valoriser, les activités première phase correspond
de construction sont elles- à l’élaboration, à partir de
mêmes amenées à utiliser l’extraction de matières na-
des matières premières se- turelles comme l’argile ou
condaires, c’est-à-dire celles le calcaire, de matériaux
qui ont déjà connu un premier basiques tels que la chaux
cycle de vie dans d’autres do- ou le ciment, lesquels vont
maines industriels ou urbains. permettre de construire des
Pour donner une idée de produits plus complexes, al-
l’ampleur, trente-quatre mil- lant des briques jusqu’aux
lions de tonnes de déchets matériaux d’isolation les plus
de chantiers du bâtiment élaborés, recouvrant un do-
sont générées chaque année maine industriel important.
Figure 1 en France, aussi bien pour la Arrive le domaine de « la vie
construction et la réhabilita- en œuvre », également très
Les trois phases du cycle des
tion que pour la démolition. important d’un point de vue
matériaux de construction –
élaboration, vie en œuvre et Si l’on regarde la consom- règlementaire car on y est
déconstruction – génèrent mation dans le domaine des notamment confronté à la
d’immenses quantités de déchets. travaux publics, ce sont par proximité de l’être humain
Comment les recycler ? exemple 20 000 tonnes de ma- qui va occuper les lieux. En-
fin arrive le domaine de la fin
de vie, c’est-à-dire la phase
de déconstruction suivie de
la phase de démolition (Fi-
gure 1), du recyclage et in fine
du stockage des matériaux
non recyclables.
Ces trois phases de vie –
élaboration, vie en œuvre et
démolition – génèrent des
déchets que l’on envisage dé-
sormais de plus en plus de
valoriser… Aussi la commu-
nauté européenne a fixé des
engagements en matière de li-
mitation et de valorisation des
déchets (voir le paragraphe 4).
Mais il n’existe aujourd’hui pas
de réglementation cadre et/ou
spécifique concernant l’usage
de matières premières secon-
daires dans les matériaux et
produits de construction pour
262 le bâtiment…
Recyclage des matériaux et évaluation environnementale
2 Bâtiments et
travaux publics :
des exigences différentes

2.1. Le secteur du bâtiment


Le bâtiment et les travaux pu-
blics représentent deux do-
maines chacun aux exigences
mécaniques et techniques
propres : dans le bâtiment,
les exigences techniques
sont dues aux besoins de
résistance mécanique, mais
aussi de résistance aux in-
tempéries, nécessitant d’uti-
liser par exemple les bétons
les plus performants, ainsi
qu’illustré dans les Chapitres
d’A. Ehrlacher, P. Hamelin et
J.-P. Viguier. S’y ajoute une
exigence sanitaire, liée à un
souci croissant de la qualité
de l’air qui règne à l’intérieur
des bâtiments, comme l’abor-
dent les Chapitres de M.J. Le-
doux et V. Pernelet-Joly (Fi-
gure 2). Sont également très
surveillées les émissions de
polluants par l’eau à travers
un important réseau urbain
d’eau captive. Des chercheurs
de l’INSA travaillent sur l’hy-
drologie urbaine et ont pour temps utilisées en substitu- Figure 2
projet, avec le CSTB (voir le tion ou en complément du ci-
Chapitre de V. Pernelet-Joly, ment dans les bétons, comme Les exigences du secteur
Encart : « Le CSTB et l’OQAI »), du bâtiment sont multiples :
nous le verrons dans le para-
résistance mécanique, résistance
un programme de recherche graphe 3). aux intempéries, mais également
sur le terme source du bâti. qualité sanitaire des matériaux
Le secteur du bâtiment uti- pour les futurs occupants et
2.2. Le secteur des travaux performance énergétique (voir la
lise-t-il des déchets recy-
publics partie 2 de cet ouvrage).
clés ? Pour l’instant, on a peu
de retours d’expériences de Le domaine des travaux pu-
recyclage et de valorisation blics impose quant à lui des
de matières premières secon- exigences techniques et mé-
daires, tout au moins en ce qui caniques plus faibles, avec
concerne les matériaux dits une sensibilité moindre à
de structures, c’est-à-dire l’impact sanitaire. Pourtant,
ceux qui donnent la solidité il existe bien un impact sa-
aux bâtiments (les cendres nitaire indirect à prendre en
de centrales thermiques au compte, à travers le milieu
charbon sont depuis long- naturel, les sols agricoles, 263
La chimie et l’habitat

Figure 3
Les chaussées bitumées sont
composées de différents types de
couches : la couche de roulement
(généralement en béton bitumeux),
la structure de chaussée (graves,
granulats), l’ensemble reposant
sur le sol par l’intermédiaire de
la couche de forme et le remblai.
Certaines chaussées sont
plus perméables car conçues
pour permettre de ralentir le
ruissellement d’eau en cas de pluie,
pour empêcher les inondations. On
estime que selon son intensité, 10 à
30 % de la pluie peut s’infiltrer dans
les ouvrages routiers.

Figure 4
En France, les routes sont construites avec du bitume, substance noire les nappes phréatiques et les
très visqueuse correspondant à un mélange d’hydrocarbures obtenus par eaux de surface auxquelles
distillation du pétrole. sont reliés directement les
ouvrages de travaux publics.
En revanche, ce contact direct
avec le milieu naturel rend
l’impact environnemental
particulièrement sensible.
Le retour d’expérience sur la
valorisation des déchets de
travaux publics est quant à lui
très important, puisque depuis
plusieurs dizaines voire cen-
taines d’années, de grandes
variétés de déchets ont été
utilisés en technique routière.
Pour construire ces routes, on
a recours à plusieurs types
de matériaux, en fonction des
linéaires (autoroutes, routes
nationales…), mais aussi
en fonction des couches de
routes (Figure 3). Leur nature
diffère aussi selon les pays :
en France, les routes sont gé-
néralement construites avec
des matériaux dits « noirs »,
c’est-à-dire avec beaucoup de
bitumes à plusieurs étages
(Figure 4), alors qu’aux États-
Unis ce sont plutôt des maté-
riaux dits « blancs », principa-
lement constitués de béton et
264 de ciment.
Recyclage des matériaux et évaluation environnementale
3 Quels matériaux
valorisés pour
la construction ?2
Quelles sont les voies de valo-
risation de déchets pour le bâ-
timent et les travaux publics ?
Pour rappel, les matériaux
utilisés dans la construction
sont de trois types :
- les matériaux dits « non
liés », constitués de granu-
lats (Figure 5), fragments de
roches (ou graviers) qui for-
ment la base des systèmes et
qui sont par exemple utilisés
dans les remblais pour le ter-
rassement des routes (voir la
Figure 3) ;
– les matériaux « liés » avec sée) utilisés principalement Figure 5
des liants hydrauliques (En- pour les remblais routiers.
cart : « Le béton, un matériau Pour réaliser ces remblais, Transport de granulats par
de construction inégalé ») ; on peut également utiliser des convoyeur à bande en vue
du stockage. Utilisés dans la
– les matériaux dits « noirs », cendres volantes (résidus de construction de routes et de
liés avec du bitume. combustion du charbon), des bâtiments, les granulats peuvent
laitiers 3 de sidérurgie cristal- provenir du milieu naturel
Pour fournir des granulats,
lisés, ou encore des granulats (sable, roche concassée) ou de la
les principaux flux de ma- valorisation des déchets ménagers.
de bétons recyclés : une part
tières premières secondaires
du recyclage des déchets de
(hors laitiers de haut four-
démolition trouve une place
neaux et cendres volantes de
en travaux publics.
charbon) viennent du traite-
ment des déchets ménagers, Pour des usages à plus hautes
sous forme de mâchefers valeurs ajoutées, la fumée de
d’incinération d’ordures mé- silice 4 se révèle particuliè-
nagères (MIOM). Leur valori- rement intéressante, comme
sation dépend des pays, avec l’a mentionné J.-P. Viguier.
par exemple une forte utili- Ce sous-produit de la métal-
sation proche de 100 % aux lurgie et de la production de
Pays-Bas, alors qu’elle est silicium peut être utilisé dans
plus modeste en France où
l’on dispose d’une importante
réserve de granulats natu- 3. Un laitier est un sous-produit
de la sidérurgie ou de la mé-
rels (sable ou roche concas- tallurgie contenant des oxydes
métalliques, généralement des
2. Nous nous limiterons aux ma- silicates, des aluminates et de la
tériaux de structures, bien qu’il y chaux, formés en cours de fusion
ait également beaucoup à dire ou d’élaboration de métaux par
sur des matériaux fonctionnels, voie liquide.
qui vont de la paille – déchet de 4. Les fumées de silice sont for-
l’agriculture qui peut être utilisé mées de particules très fines de
pour l’isolation de bâtiments –, le moins de cent millimètres ayant
bois ou de nombreux matériaux une très haute teneur en silice
techniques (polymères…). amorphe. 265
La chimie et l’habitat

certains bétons leur permet- ment, le ciment s’hydrate en


tant d’atteindre d’importantes présence d’eau pour libérer
performances en termes de de la chaux Ca(OH)2, laquelle
résistance à la flexion et à la va pouvoir se combiner à la
compression. cendre volante pour former
Principal liant utilisé dans des composants qui vont s’hy-
le béton, le ciment peut être drater à leur tour, se durcir
remplacé entièrement ou par- avec le temps et compléter
tiellement par d’autres ma- la compacité du ciment, tout
tériaux qui vont améliorer la en le rendant imperméable.
fluidité, la mise en œuvre et Depuis peu, on valorise éga-
la compacité du béton (En- lement des cendres volantes
cart « Le béton, un matériau de de papeterie, de même que
construction inégalé »). Parmi l’INSA mène actuellement des
ces matériaux on trouve les recherches en vue de valori-
laitiers de hauts-fourneaux ser les cendres volantes d’in-
sous forme granulée, c’est- cinération de boues de sta-
à-dire sous forme vitreuse et tions d’épuration, lesquelles
finement broyée. On utilise sont par ailleurs de moins en
également des cendres vo- moins valorisées pour l’agri-
lantes de charbon et, de façon culture.
plus exploratoire, des cendres
volantes d’incinération de dé-

4
chets non dangereux, prin-
cipalement constituées de
Recyclage
silice amorphe (SiO2) générée
des matériaux
dans des conditions particu-
et évaluation
lières d’incinération. La pré-
environnementale :
sence de cette silice amorphe
quelles règlementations ?
confère aux cendres des pro-
priétés dites pouzzolaniques, 4.1. Le contexte
car proches de celles des réglementaire européen
pouzzolanes5, ces roches vol- Quel est le contexte règlemen-
caniques utilisées à l’époque taire européen concernant les
romaine dans la fabrication déchets et la construction ?
de bétons particulièrement Parmi les nombreuses régle-
résistants à l’eau6. Quelle est mentations existantes sur les
cette propriété de pouzzola- déchets, citons la Directive
nicité ? Lorsqu’on prépare du Cadre Déchets, qui a connu
béton (Figure 7), au moment plusieurs modifications de-
du processus de durcisse- puis sa première parution en
1975, et dont la dernière date
5. Pouzzolane, du latin pulvis
de novembre 2008, avec une
puteolana, désigne les sables de ordonnance en 2010. Dans
Pouzzoles, ancienne Dikearchie cette directive, figurent deux
(Cité de la Justice), port italien articles intéressants vis-à-vis
riche en sable volcanique, situé au de la valorisation : l’article
pied du Vésuve. Sa composition est 5 concerne la notion de sous-
proche de celle du basalte.
produits et l’article 6 porte
6. Le béton romain était fabriqué
avec de la chaux éteinte mélangée sur la fin du statut de déchet
à de la silice issue des cendres vo- (Encart « La Directive Cadre
266 lantes d’un volcan et à de l’eau. Déchets »).
Recyclage des matériaux et évaluation environnementale
LE BÉTON, UN MATÉRIAU DE CONSTRUCTION INÉGALÉ
Le béton est un matériau très ancien déjà utilisé par les Romains, comme en témoigne le
pont du Gard qui a environ deux mille ans (voir le Chapitre de J.-P. Viguier) ! Cependant,
les architectes de l’époque privilégiaient encore la pierre, et c’est en 1756 que l’ingénieur
britannique John Smeaton redécouvre le principe du béton, dont l’utilisation s’est ensuite
généralisée au milieu du XX e siècle. Avec un volume se chiffrant en milliards de tonnes
par an, le béton reste aujourd’hui le matériau de construction le plus utilisé au monde
(Figure 6).

Figure 6

Déjà utilisé depuis l’époque


romaine, le béton est aujourd’hui
le matériau de construction le
plus utilisé.

Qu’est-ce que le béton chimiquement ?


Le béton est un matériau de construction composite, résultat d’un mélange intime de
granulats – le plus souvent du sable et des pierres – agglomérés par un liant. Ce liant est
qualifié d’hydraulique car il se forme et durcit par réaction chimique avec de l’eau (voir aussi
le Chapitre d’A. Ehrlacher). Le liant le plus utilisé est le ciment, matière pulvérulente qui
forme avec l’eau ou avec une solution saline une pâte plastique capable d’agglomérer des
substances variées en durcissant.
En agrégeant du sable fin avec du ciment, on obtient un mortier qui conduit à ce qu’on appelle
le béton de ciment. L’ajout d’un maillage de tiges de fer torsadées conduit au béton armé,
largement répandu dans les constructions civiles nécessitant une grande solidité.
L’ajout d’adjuvants permet de modifier certaines propriétés physico-chimiques du béton :
par exemple l’ajout de plastifiants permettent d’augmenter sa fluidité, facilitant sa mise en
œuvre ; l’adjonction d’une résine polymère permet de le rendre hydrofuge, etc. (Figure 7).

Figure 7

Au cours de la préparation
du béton, l’ajout de divers
adjuvants permet de changer les
propriétés du béton en fonction
des utilisations : plasticité,
fluidité au moment de la mise en
œuvre, ou imperméabilité une
fois durci.

Pour aller plus loin :


Pichat P. (2008). Dix milliards de tonnes par an de béton. L’Act. Chim., 315 : 12.
267
La chimie et l’habitat

Au cours des trente dernières usage à nouveau un statut de


années, des procès ont eu matière première, et non plus
lieu entre des industriels et celui de déchet valorisé. Au-
la commission européenne trefois, toute la valorisation
autour de la notion de « sous- de matière première secon-
produit » : certains industriels daire était de la valorisation
défendaient l’idée qu’un cer- de déchets, ceux-ci ne perdant
tain nombre de matières pro- pas leur statut. Mais dans le
duites par des procédés, et cadre de valorisations très ré-
qui ne sont pas le produit visé gulières, sans aucun impact
par ce procédé, ne devraient environnemental, avec un cer-
pas être considérées comme tain nombre de précautions,
des déchets mais comme des on pourra maintenant assister
sous-produits. Quasiment à la fin de statuts de déchets…
tous les procès ont été rem- une véritable révolution juri-
portés par la commission, se dique qui a bénéficié au do-
basant sur un principe intan- maine de la construction.
gible : un procédé ne génère Qu’en est-il de la réglemen-
qu’un seul produit et toutes tation européenne dans le
les sorties alternatives de ma- domaine spécifique de la
tières sont considérées soit construction ? Les textes
comme des effluents, soit concernant les déchets de
comme des déchets. C’est construction sont peu nom-
ce principe qui a été suivi au breux. Citons principalement la
cours du travail effectué dans Directive Produits de Construc-
le catalogue européen des dé- tion (Encart : « La Directive
chets à la direction générale Produits de Construction ») qui
environnement du ministère. établit des exigences d’ordre
La nouvelle directive ouvre environnemental. Une exigence
désormais une fenêtre juri- essentielle est l’« hygiène,
dique et règlementaire dans santé et environnement »,
ce domaine en considérant qui concerne la garantie que
que, moyennant un certain doivent apporter les produits
nombre de critères et de de construction vis-à-vis des
dossiers que l’industriel doit objectifs d’hygiène, de santé
fournir, d’autres sorties al- et d’environnement. Objectifs
ternatives des procédés que qui ont impliqué un immense
celles du produit et des dé- travail normatif, décrit dans les
chets peuvent être considé- paragraphes qui suivent.
rées comme des sous-pro- Une nouvelle exigence a ré-
duits, les critères tenant à cemment été ajoutée, qui
la régularité, l’utilisation et concerne le domaine de la
la qualité de ces sorties, ces valorisation et qui met l’accent
nouveaux flux de matières. sur l’importance d’utiliser des
Un deuxième aspect régle- matériaux recyclés et recy-
mentaire important, récent clables dans la construction,
et avec encore peu de retours et d’autre part d’intégrer des
d’expériences, est la possibi- matières premières venant
lité, pour un déchet qui aura d’autres domaines (exigence
fait l’objet de traitements, de n° 7 : voir l’Encart : « La Di-
valorisations, d’améliorations, rective Produits de Construc-
268 etc., d’avoir dans son nouvel tion »).
Recyclage des matériaux et évaluation environnementale
LA DIRECTIVE CADRE DÉCHETS

19 novembre 2008
(Ordonnance-n° 2010-1579 du 17 décembre_2010)

Article 5 - Sous-produits
1. Une substance ou un objet issu d’un processus de production dont le but premier n’est
pas la production dudit bien ne peut être considéré comme un sous-produit et non comme
un déchet au sens de l’article 3, point 1, que si les conditions suivantes sont remplies :
a) l’utilisation ultérieure de la substance ou de l’objet est certaine ;
b) la substance ou l’objet peut être utilisé directement sans traitement supplémentaire
autre que les pratiques industrielles courantes ;
c) la substance ou l’objet est produit en faisant partie intégrante d’un processus de pro-
duction ; et
d) l’utilisation ultérieure est légale, c’est-à-dire que la substance ou l’objet répond à toutes
les prescriptions pertinentes relatives au produit, à l’environnement et à la protection de la
santé prévues pour l’utilisation spécifique et n’aura pas d’incidences globales nocives pour
l’environnement ou la santé humaine.
Article 6 - Fin du statut de déchet
1. Certains déchets cessent d’être des déchets au sens de l’article 3, point 1, lorsqu’ils ont
subi une opération de valorisation ou de recyclage et répondent à des critères spécifiques
à définir dans le respect des conditions suivantes :
a) la substance ou l’objet est couramment utilisé à des fins spécifiques ;
b) il existe un marché ou une demande pour une telle substance ou un tel objet ;
c) la substance ou l’objet remplit les exigences techniques aux fins spécifiques et respecte
la législation et les normes applicables aux produits ; et
d) l’utilisation de la substance ou de l’objet n’aura pas d’effets globaux nocifs pour l’envi-
ronnement ou la santé humaine.
Les critères comprennent des valeurs limites pour les polluants, si nécessaire, et tiennent
compte de tout effet environnemental préjudiciable éventuel de la substance ou de l’objet.

4.2. Le contexte ressources naturelles en gra-


réglementaire national nulats bien plus faibles que
Le contexte réglementaire est celles de la France. Ils avaient
malheureusement pauvre en alors édité un texte, le « Buil-
France. Avec aucune règle- ding material decree » qui
mentation environnemen- s’appelle maintenant le « Soil
tale actuellement pour les quality decree », définissant
produits de construction, les conditions d’acceptation
la France est en retard par d’un certain nombre de pro-
rapport à des pays euro- duits en construction, qu’ils
péens comme l’Allemagne et soient d’origine déchets ou
les Pays-Bas. Ces derniers non, avec des critères d’émis-
avaient réagi très tôt, plus de sion de polluants, sur lequel
dix ans auparavant, face à des la France avait beaucoup 269
La chimie et l’habitat

LA DIRECTIVE PRODUITS DE CONSTRUCTION

89/106 du 21 décembre 1988

Six (+ 1) exigences essentielles (ou fondamentales) :


1. Résistance mécanique et stabilité.
2. Sécurité en cas d’incendie.
3. Hygiène, santé et environnement.
4. Sécurité d’utilisation.
5. Protection contre le bruit.
6. Économie d’énergie et isolation thermique.
7. + Utilisation durable des ressources naturelles.
Exigence fondamentale n° 7 : utilisation durable des ressources naturelles
Les ouvrages de construction doivent être conçus, construits et démolis de manière à as-
surer une utilisation durable des ressources naturelles et à permettre :
a) la recyclabilité des ouvrages de construction, de leurs matériaux et de leurs parties
après démolition ;
b) la durabilité des ouvrages de construction ;
c) l’utilisation, dans les ouvrages de construction, de matières premières primaires et
secondaires respectueuses de l’environnement.

collaboré à l’époque, ce qui a 4.3. Le contexte


abouti aux travaux normatifs environnemental normatif
décrits dans le paragraphe européen
suivant.
La France a quant à elle 4.3.1. Les normes
consacré ces trente dernières
L’ensemble des règlementa-
années à la production, non
sans peine, d’un guide à la tions portant sur les déchets
fin 2010, grâce à la réunion et sur la construction ont
de quelques industriels et de conduit à la mise en place
collectivités locales autour d’outils normatifs.
du ministère de l’Environ- En ce qui concerne les dé-
nement. Ce guide, édité par chets, un travail conséquent
le Service d’études sur les qui a commencé en 1991, et
transports, les routes et leur auquel a particulièrement
aménagements (SETRA) au participé la France, a permis
nom du ministère de l’Écolo- de mettre en place le Comité
gie, de l’énergie, du dévelop- technique européen TC292
pement durable et de la mer avec un certain nombre de
(MEEDDM), permet de fixer commissions miroirs à l’Afnor
des règles environnementales telles que X30Y et X30L (voir
pour utiliser des matériaux l’Encart « La normalisation eu-
alternatifs, donc des matières ropéenne »). Les principaux
premières secondaires, en résultats de ces travaux sont,
270 technique routière. d’une part, l’établissement
Recyclage des matériaux et évaluation environnementale
LA NORMALISATION EUROPÉENNE

Instrument des politiques européennes, les normes eu-


d’une méthodologie permet- ropéennes (EN) sont élaborées grâce à des groupes de
tant d’avoir une appréhension travail constitués d’experts, sous la responsabilité d’un
d’une fraction lixiviable7, qui comité technique. Une fois ratifiées, ces normes doivent
est une part du déchet ris- être adoptées à l’identique au niveau national. Un moyen
quant de partir dans l’eau na- efficace d’influencer leur contenu consiste à participer à la
turelle de surface ou de pro- commission miroir du pays respectif : cette instance délè-
fondeur. De très nombreuses gue des experts au sein des organismes de normalisation
méthodes existent dans ce européens (comme Afnor), décide au niveau national de la
domaine. La plus utilisée a position à prendre sur des projets de normes européennes
été développée sur la base du et accompagne le processus de normalisation dans ses
test dit « INSA » dans les an- différentes étapes.
nées 1980, puis normalisé en
La normalisation des déchets (TC292)
France par AFNOR (X31-210),
puis enfin au niveau européen Groupe de travail 1 : échantillonnage
par le CEN TC 292 (norme Groupe de travail 2 : procédures d’essais de lixiviation
EN12457-2). L’essai final est Groupe de travail 3 : paramètres liés aux espèces solubles
très proche de celui qui avait dans de l’acide ou de l’eau : les méthodes d’analyse et de
déjà été développé initiale- digestion
ment en France. D’autre part,
un travail important, auquel la Groupe de travail 4 : terminologie
France a œuvré pour établir un Groupe de travail 5 : analyse de déchets/paramètres du
guide méthodologique, a porté groupe sélectionné
sur le comportement des dé- Groupe de travail 6 : tests basiques de caractérisation du
chets dans différents scéna- comportement de la lixiviation
rios, et en particulier des scé- Groupe de travail 7 : propriétés éco-toxicologiques.
narios de valorisations. Tout
ce travail a abouti à la norme La normalisation des produits de construction (TC351)
EN12920 (dont la méthodo- Mandat M/366 de la commission SDR : « émissions de
logie est présentée dans le substances dangereuses par les produits de construction »
paragraphe 4.3.2). Parmi les Groupe de travail 1 : émission des produits de construction
nombreux essais effectués, dans le sol, les eaux souterraines et les eaux de surface
certains portent sur l’évalua-
Groupe de travail 2 : émission des produits de construction
tion du risque pour un déchet
dans l’air intérieur.
d’émettre des polluants sous
l’effet de contraintes physico-
chimiques extérieures comme Trois normes sont en cours de validation :
les pluies acides ou les mi- – TS1 : guide d’orientation,
lieux très alcalins comme
– TS2 : lixiviation des produits monolithiques (béton,
la proximité avec des liants
briques…),
hydrauliques. Pour l’étude
des déchets destinés à être – TS3 : lixiviation des produits granulaires (remblais…).
utilisés en sous-couche rou-
tière, par exemple les mâ-
chefers d’incinération d’or-
dures ménagères, un essai de
percolation a été développé. lisation des déchets pour la
7. La lixiviation consiste à extraire D’autres essais ont été consa- mise en décharge de déchets
des produits solubles par un sol- crés aux déchets stabilisés, de classe I, à savoir les dé-
vant, par exemple par circulation
par exemple les déchets mo- chets industriels présentant
d’eau dans un sol pollué ou encore
dans une décharge industrielle. Le nolithiques (blocs massifs de un caractère dangereux pour
lixiviat est le liquide résiduel issu grandes dimensions), dans le le milieu naturel ou les êtres
de ce processus. contexte français de la stabi- vivants. 271
La chimie et l’habitat

Dans le domaine de la nor- 4.3.2. Les étapes d’évaluation


malisation des produits de des candidats au recyclage
construction, en application pour la construction
de l’exigence 3 de la Direc- Un déchet peut devenir
tive Produits de Construction matière première secon-
(voir l’Encart : « La Directive daire pour le domaine de la
Produits de Construction »), le construction s’il correspond
comité technique TC351 a été à toutes les normes impo-
créé en 2005, avec une com- sées par la réglementation
mission miroir également européenne. Pour ce faire, il
très active au niveau français, doit passer un certain nombre
la Commission Substances d’étapes :
Dangereuses Réglementées
− faisabilité technique : on
(SDR). Par un mandat spéci-
ne cherche pas à valoriser
fi que, la Commission euro-
des déchets en construction
péenne a demandé au TC351
s’ils n’amènent pas une qua-
de développer des outils pour
lité intrinsèque en termes de
appréhender les émissions
structure ou s’ils ne présentent
de substances dangereuses
pas au moins les mêmes quali-
par les produits de construc-
tés que les matières de struc-
tion, d’une part dans le but de
tures d’origine, c’est-à-dire
préserver la qualité de l’air
celles d’origine naturelle. On
intérieur des bâtiments (sujet
va donc étudier et vérifier les
abordé dans les Chapitres de
propriétés physico-chimiques
M.J. Ledoux et de V. Pernelet-
des matières premières secon-
Joly) et d’autre part de déter-
daires candidates, par exemple
miner les émissions dans les
la granulométrie, la compo-
sols et les eaux naturelles.
sition, et également éviter la
Pour cela, un autre groupe
présence d’inhibiteurs de prise
de travail s’est penché sur
du béton. Sont également véri-
l ’étude de l ’émission de
fiées les propriétés pouzzola-
substances à partir de pro-
niques pour éventuellement
duits de construction via la
envisager l’ajout d’une plus-
lixiviation. Ce qui a conduit
value économique par rapport
à trois normes, en cours
au ciment classique, ce qui
de validation (voir l’Encart :
permettra également d’avoir
« La Directive Produits de
un avantage d’un point de vue
Construction »), à savoir un
environnemental en faisant
guide d’orientation général
baisser le bilan carbone de la
et deux essais sur la lixivia-
construction, puisque le bilan
tion : l’un concerne les pro-
carbone du ciment est élevé ;
duits monolithiques comme
le béton, les briques ou les − vérification des performances
tuiles, très majoritaires dans mécaniques des nouveaux pro-
le domaine du bâtiment, et duits de construction, qui vont
l’autre concerne les produits intégrer généralement des
de construction granulaires pourcentages entre 5 et 20 %
normalisés, très majori- de déchets ;
taires quant à eux dans le − vérification des classes
domaine des travaux pu- d’usage : à quels usages ces
blics, par exemple pour les nouveaux produits peuvent-ils
272 remblais. être proposés et comment les
Recyclage des matériaux et évaluation environnementale
100 000 Figure 8
inertes non dangereux dangereux
Concentration d’éléments (mg/kg) 10 000 Les candidats au recyclage pour la
construction doivent se situer en
1 000 dessous de la courbe rose.
100

10

0,1

0,01
As Ba Cd Cr Cu Hg Mo Ni Pb Sb Se Zn Cl F S

intégrer ainsi dans le marché Figure 9


de la construction ?
Évaluation de l’émission de
− vérification de l’acceptabilité polluants à l’échelle du laboratoire.
environnementale du candi- Un monolithe est plongé dans un
dat en veillant notamment à lixiviant (ici : de l’eau déminéralisée)
ce qu’il soit peu polluant. La soumis à agitation pendant quinze
Directive cadre et la Directive jours. Des échantillons du liquide
sont prélevés régulièrement et
Décharge permettent de clas-
analysés.
ser les déchets en trois catégo-
ries : inertes, non-dangereux
ou dangereux. Quel est le seuil
d’acceptabilité en France ? Les
déchets, ainsi que tous leurs
éléments de relargage, doivent rience mise en œuvre pour
être non dangereux, c’est-à- mesurer l’émission de pol-
dire que toutes la valeurs de luants par un monolithe dans
relargage soient inférieures des conditions de lixiviation ;
aux valeurs limites de non dan- − validations à l’échelle pilote :
Figure 10
gerosité (sous la ligne rose de la Figure 10 montre un test
la Figure 8), l’idéal étant que réalisé sur un mur de béton Évaluation à l’échelle pilote de
les déchets soient inertes ; qui a été construit à partir l’émission de polluants à partir
d’une formulation élaborée d’un mur de béton exposé pendant
− étude du comportement : huit mois à la lixiviation (eau
après examen des types de par le CSTB. Sur la plate- de pluie en façade et fondation
scénarios/ouvrages (sous- forme EEDEMS8 est reconsti- immergée). Des échantillons de
couche routière, murs en tué un scénario où le mur est l’eau sont prélevés toutes les
béton banché, etc.) et des exposé à de la pluie sur une semaines et analysés.
types de produits (grave grande partie de sa surface
hydraulique, grave bitume ou et baignerait dans une nappe
béton prêt à l’emploi, conte- phréatique, comme s’il s’agis-
nant des matières premières sait d’une fondation profonde
secondaires), on réalise une ou d’un parking. L’évaluation
prédiction sur l’émission de est alors réalisée à la fois dans
polluants sur la durée de vie l’eau de ruissellement et dans
de l’ouvrage ; l’eau de profondeur.
− essais au laboratoire : on
évalue la quantité de pol- 8. EEDEMS (Évaluation Environ-
luants émis (essais relatifs nementale des Déchets, Sols pol-
lués et Matériaux), est un groupe
aux déchets et aux produits de
d’intérêt scientifique regroupant
construction : voir l’Encart « La l’INSA de Lyon, le CSTB, le BRGM,
normalisation européenne »). l’ENTPE et l’ENSMSE.
La Figure 9 montre une expé- Voir : www.eedems.com. 273
La chimie et l’habitat

Gestion des déchets des matériaux


de construction et évaluation
environnementale : encore
des progrès à faire
Nous disposons maintenant de méthodologies
bien développées, avec un bon positionnement
des partenaires français notamment, bien
que relayé lentement par le ministère dans
la réglementation. Pourtant, il existe un réel
besoin de cadre réglementaire dans le domaine
des déchets qui soit cohérent et spécifique à
la construction. Il est par ailleurs souhaitable
de mettre en place des stratégies d’incitation à
la valorisation en vue d’appliquer la septième
exigence de la Directive Cadre Déchets, avec
notamment l’inscription des variantes avec
matières premières secondaires dans les
appels d’offres pour encourager les industriels
du BTP à mieux se lancer dans l’intégration
des matières premières secondaires dans leurs
ouvrages. Enfin, il restera à veiller à l’accepta-
tion de la valorisation de ces matières premières
secondaires de la part des maîtres d’ouvrages
publics et privés, qui sont les commanditaires
de la construction, ainsi que de la part du grand
public.

274
La chimie et l’habitat

Crédits
photographiques
Figure 7 – Licence CC-BY-3.0.,
Achim Hering.

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