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UNIVERSITE CLERMONT AUVERGNE

LICENCE – NIVEAU 1
AES-DROIT-ECONOMIE-GESTION

Introduction à l’économie
Chapitre 2 : La richesse économique

Partie 4 - Les alternatives au PIB pour mesurer la richesse

Enseignant : Sébastien Marchand, Maître de conférences en économie


(sebastien.marchand@uca.fr)

24 septembre 2022
© S. Marchand
Plan des 4 parties du chapitre II

Partie 1 – La nature et la mesure de la richesse économique : la théorie de la valeur


1. La théorie objective de la valeur : les économistes classiques
2. La théorie subjective de la valeur : la révolution marginaliste ou les économistes néoclassiques
2.1. La nature de la richesse : l'utilité
2.2. La rareté et la valeur d'un bien
3. Une tentative de synthèse avec A. Marshall

Partie 2 – Le PIB : la mesure de la richesse économique


1. Le PIB : une grandeur de la richesse aux multiples facettes
2. Le PIB : le diagramme de flux circulaire

Partie 3 – La Comptabilité Nationale : la fabrication du PIB


1. Présentation de la Comptabilité Nationale
o Objectif
o Historique
o Normalisation internationale
2. Les concepts de la Comptabilité Nationale
2.1. Les catégories d’agents
2.2. Le Tableau Economique d’Ensemble (T.E.E) : les opérations sur biens et services, et de répartition
3. Le PIB dans la Comptabilité Nationale
3.1. L'optique de la production : l'origine de la richesse
3.2. L'optique des revenus : la répartition de la richesse
3.3. L'optique des emplois : l'utilisation de la richesse

Partie 4 – Les alternatives au PIB pour mesurer la richesse


1. Les limites du PIB en tant qu’indicateur de richesse
2. Les alternatives et extensions
2.1. Un nouveau paradigme : le développement durable
2.2. Les indicateurs monétaires
2.3. Les extensions non-monétaires
2.4. Les indicateurs de bien-être

24 septembre 2022
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Partie 4 – Les alternatives au PIB pour mesurer la richesse

Regardez cette vidéo de La websérie DataGueule de France 4 sur le PIB avant de vous lancer dans la lecture
de cette partie !

24 septembre 2022
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1. Les limites du PIB en tant qu’indicateur de richesse
▪ Introduction
Le PIB est-il un bon indicateur de richesse ? A-t-il des limites ? Est-ce que la mesure qu’il donne de la richesse
est-elle bonne ? Pour comprendre les limites du PIB, il faut rappeler ce qu’il mesure et ce à quoi on l’utilise. Il
mesure les activités productives qui ont une valeur ajoutée et qui ont un coût de production déclarés ce qui
revient à dire qu’il recense que les activités productives qui sont monétaires et déclarées. C’est pour cette
raison que nous l’utilisons comme indicateur de richesse c’est-à-dire un indicateur qui permet de mesurer les
ressources dont dispose une économie dans le but de satisfaire des besoins. En effet, le PIB est une mesure
des ressources présentes dans une économie, une société pour satisfaire les besoins. Les ressources qu’il
mesure sont les valeurs ajoutées nouvellement créées chaque année. Néanmoins, est-ce suffisant ? Non, pour
quatre raisons qui apparaissent dans la figure ci-après qui fait le lien entre richesse, production et satisfactions
des besoins (bien-être).
▪ PIB, richesse et bien-être
Avant d’aborder les limites du PIB en tant qu’indicateur de richesse, il convient de rappeler que le PIB n’est
pas dans sa conception un indicateur de bien-être. Lui faire ce reproche n’a pas de sens. Le bien-être se définit
comme une situation dans laquelle les besoins de l’existence sont satisfaits. Ainsi, le bien-être est le résultat
alors que la richesse est le moyen. Comme nous l’avons vu dans le chapitre 1, les besoins des individus donc
leur bien-être sont satisfaits grâce aux ressources à disposition des individus. La richesse conditionne donc le
bien-être mais n’est pas celui-ci. Le PIB a été inventé pour proposer une mesure de la quantité de ressources
dans une économie, donc un indicateur de richesse. Pour évaluer le bien-être des individus, nous en
reparlerons plus bas, il convient d’utiliser d’autres indicateurs.

▪ Les limites du PIB en tant qu’indicateur de richesse

Besoins = satisfaction
= utilité = bien-être
Désutilité = non-
satisfaction des besoins

LIMITE 3
Bénéfices directs

Hors PIB PIB


LIMITE 2
Production de biens et services

Capital
Capital humain Capital social Capital naturel
économique

LIMITE 1 Base productive LIMITE 4

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▪ Première limite : Le PIB n’est qu’une partie de la richesse.
Le PIB ne peut pas être un bon indicateur de richesse car il oublie la dimension patrimoniale et intertemporelle
de cette dernière. Cela est dû au fait qu’il mesure qu’une partie de la richesse.
En effet, la richesse économique d’une société est quelque chose de beaucoup plus englobant que le PIB. La
richesse est à un instant donné la somme (1) de la production des biens et services nouvellement créés par
les êtres humains (que cherche à mesurer le PIB) et (2) de la base productive qui correspond aux quatre formes
de capital qui définissent le patrimoine d’une société. La richesse est donc patrimoniale et elle est un stock
contrairement au PIB qui est un flux1.
Quels sont les quatre formes de capital formant la base productive ?
Le capital économique ou productif : ce sont les ressources productives c’est-à-dire l’ensemble des biens qui
ont été produits dans une période précédente et utilisables pour produire à un moment donné. La
comptabilité nationale parle de biens d’équipements c’est-à-dire le capital fixe qui est nourri chaque année
par les dépenses d’investissement des entreprises (la FBCF dans la comptabilité nationale). Ici, nous
retrouvons toutes les machines dans les entreprises, les ordinateurs dans les bureaux, les camions sur les
routes, les infrastructures de transport, les bâtiments, etc.
Ces ressources sont donc un élément essentiel de la richesse et forme d’une certaine façon le patrimoine
matériel d’une société.
Le capital humain : ce sont les ressources cognitives c’est-à-dire les capacités mentales des êtres humains
(mémoire, intelligence, raisonnement, savoir résoudre des problèmes, comprendre leur environnement) qui
sont nécessaires pour satisfaire leur besoin et être dans une situation de bien-être. Nous le verrons dans les
indicateurs alternatifs au PIB mais il existe des mesures de cela notamment à travers les dépenses d’éducation
qui sont en quelques sortes la FBCF du capital humain.
Ces ressources sont essentielles pour fabriquer ce dont en a besoin et sont donc un élément essentiel de la
richesse d’une société. Elles forment le patrimoine immatériel d’une société.
Le capital social : ce sont les ressources sociales c’est-à-dire toutes les ressources que les êtres humains ont
du fait de vivre ensemble comme la confiance, le réseau social, etc. Ces ressources sont primordiales pour la
satisfaction des besoins des êtres humains notamment les besoins très sociaux comme trouver un sens dans
son travail, l’empathie, l’altruisme, etc. Pour le dire simplement, nous retirons de la satisfaction, du bien-être
au travers de notre relation avec les autres et cela passe par notre capital social.
Ces ressources sociales, à l’image du capital humaine, sont constitutives du patrimoine immatériel d’une
société.

1
Une variable de flux est une variable que l'on mesure entre deux périodes de temps comme le PIB. Une variable de
stock correspond à une quantité mesurée à un instant donné. Elle est donc le résultat d'une somme de flux précédent.
Ainsi, la richesse d’un pays se mesure à un moment donné et elle augmente ou baisse selon l’intensité des flux qui
entrent et sortent (PIB, dépenses d’investissement, dépenses d’éducation, extraction de minerais, etc.). Si ce n’est pas
clair, visitez ce site :
https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwiFyOSSw4Ts
AhU4UxUIHbwFAy8QFjASegQIBBAB&url=https%3A%2F%2Fwww.captaineconomics.fr%2F-variable-flux-variables-
stock-explication-difference&usg=AOvVaw0cRA-U7EcPSa7-qquEc1OG
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Le capital naturel : ce sont les ressources (naturelles) que procure la nature à l’être humain qu’elles soient
renouvelables (les ressources biotiques comme la forêt, l’eau, les poissons, etc.), non-renouvelables (le
pétrole, les minerais, le gaz, etc.) mais aussi les services écosystémiques dits de régulation (ex. qualité de
l’eau, régulation du climat, etc.) ou culturels (satisfaction retirée de la nature en matière récréative, culturelle,
etc.)2. Les ressources que procurent la nature sont des éléments indispensables de la richesse d’une société
et forme à la fois le patrimoine matériel (ex. ressources naturelles comme le bois, les terres, …) et immatériel
(ex. service de régulation du climat local par une forêt ou encore le service de recyclage des eaux par un
marais, …).
Remarque 1 : Stock et flux
Ainsi, la richesse d’un pays est la somme des toutes ces ressources qui permettent de satisfaire les besoins
des êtres humains. Le PIB est donc très loin de mesurer la richesse d’un pays puisqu’il ne mesure que la
production nouvelle de biens et services (et encore qu’une partie de celle-ci – c’est une autre limite que l’on
verra plus bas). Il faudrait en fait un PIB patrimonial, un PIB qui prennent en compte le stock de ressources
dont dispose une société pour satisfaire ses besoins puisque la richesse est un stock et non un flux.
La richesse étant patrimoniale, elle doit se mesurer à un moment donné. Par exemple, au 1er janvier d’une
année, la valeur de la richesse est différente d’un autre jour puisque les ressources sont en permanence en
évolution (certaines disparaissent et d’autres apparaissent). Néanmoins, la richesse en se remet pas à zéro
comme le PIB, qui est un flux (ex. le PIB annuel repart à zéro chaque début d’année civile). Ainsi, ce dernier
n’est pas patrimonial, il n’est pas un stock et ne peut donc pas capter cette dimension fondamentale de la
richesse en tant que patrimoine d’une société.

Remarque 2 : la durabilité et la richesse


Considérer la richesse comme un patrimoine avec des ressources qui forment différents types de capital a
pour but de prendre en compte la durabilité du développement des sociétés c'est-à-dire la capacité à
maintenir à long terme le même niveau de vie (satisfaire autant de besoins aujourd’hui que demain c’est-à-
dire faire en sorte que la richesse d’aujourd’hui n’empêche pas celle de demain).

2
La compréhension de la relation entre la nature et les sociétés humaines est souvent expliqué par le concept de
services écosystémiques mis en avant dans un premier temps par les écologues et repris par les économistes. Ces
services sont des bénéfices matériels (ex. le bois ou le pétrole) et immatériels (ex. avoir une eau de qualité ou se balader
en forêt pour se calmer ou être inspirer) que procure la nature. Ainsi, ces bénéfices sont autant de ressources
(matérielles et immatérielles) que procure la nature pour la satisfaction du bien-être des êtres humains. Les étudiants
qui étudieront l’économie de l’environnement et l’économie écologique en troisième année verront cela dans le détail.
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L’idée ici est que la richesse est un stock de ressources pour satisfaire des besoins dont la gestion est inter-
temporelle. La métaphore du capital renvoie à l’idée que les ressources économiques, sociales, cognitives et
naturelles constitutives de la richesse d’une société peuvent se détériorer si le capital n’est pas géré
durablement. Cet aspect dynamique de la richesse est complètement absent du PIB. Celui-ci ne retranscrit
donc pas à la fois le caractère patrimonial (« stock ») de la richesse mais aussi le caractère inter-temporel de
cette dernière.
Par exemple, avoir un « gros » PIB dans une société avec un nombre de morts élevés (donc un capital social
et humain dégradé), très atomisée (sans relation sociale et donc un capital social très réduit), des conditions
de travail très dégradées (un capital humain détérioré) et un patrimoine naturel complètement saccagé (à
cause d’une importante pollution de l’eau, de l’air ou des terres) est tout à fait possible. Dans cette société,
la production monétaire que mesure le PIB est importante mais la richesse est faible et cette production
monétaire n’est pas durable, viable à long terme car les ressources de la société à partir desquelles elle peut
satisfaire ses besoins s’épuisent.
▪ La seconde limite : le PIB oublie des activités productives.
Explications : le PIB n'inclut que les activités productives ayant un coût de production déclarés ce qui revient
à dire que le PIB recense que les activités productives monétaires et déclarées de sorte qu’il met de côté
d’autres activités considérées comme productives. En effet, les activités dites productives consistent à
produire un bien ou un service afin de satisfaire un besoin et de procurer une satisfaction. Le PIB en tant
qu’indicateur des activités productives oublie donc :
a. Toute les activités productives qui ne sont pas rémunérées (et donc non-monétaires) comme (1) les loisirs
lorsqu'ils n'impliquent aucun achat (se promener, nager dans un lac au lieu d’une piscine, une ballade avec
son propre vélo,...), (2) les activités domestiques en-dehors du marché c’est-à-dire sans acte d’achat ou
de vente (s'occuper de ses enfants, faire sa cuisine, etc.), (3) les activités productives sans coût de
production et sans acte de vente (ex. un cours fourni par un enseignant en dehors de l’Université ou un
repas d’un chef cuisinier chez lui).
b. Les activités productives monétaires (il y a un coût de production et un acte de vente/achat) qui ne sont
pas déclarées (secteur informel).
Autrement dit, la richesse créée au sens du PIB est liée à l'importance du marché pour l'échange d'un produit
et de ses facteurs de production (puisque le PIB ne s’intéresse qu’aux activités productives monétaires et
déclarées). Ainsi, les économies dans lesquelles la part du secteur informel est importante et/ou celle pour
lesquelles la part du « non-rémunéré » (autrement dit, qui ne passe pas par le marché) est grande ont un PIB
relativement faible par rapport au volume des activités productives totales. Néanmoins, ce n’est pas pour
cette raison que ces économies sont moins riches puisqu’elles produisent autant de biens et services (qui
viennent satisfaire des besoins) … sauf qu’ils ne sont pas déclarés ou rémunérés.
▪ La troisième limite : Le PIB compte des activités qui ne sont pas productives
Explications : Le PIB inclut de nombreuses activités qui ne sont pas complètement productives au sens où elles
ne permettent pas de satisfaire un besoin.

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Plus précisément le PIB prend en compte des activités qui visent à satisfaire un besoin mais dans le même
temps ces activités empêchent la satisfaction d’autres besoins. On parle d’externalités négatives3.

Pour comprendre cette limite, il faut comprendre que le PIB est en effet indifférent à la nature de l'activité
productive génératrice de revenus c'est-à-dire que tout est compté comme « positif » par le PIB alors que
certaines activités créent des dégâts et qu’il faudrait dans le même temps retirer une partie de la production
monétaire de cette activité. C’est par exemple le cas de certaines activités productives qui polluent
énormément4.
Ainsi le PIB augmente alors que la richesse baisse car certaines ressources sont détruites.

▪ La quatrième limite : le PIB est un agrégat


En effet, le calcul du PIB répond à une logique comptable qui consiste à agréger les activités productives
monétaires. Ainsi, les activités de prévention par exemple qui ont entraîné une moindre production d'activité
productive agissent négativement sur le PIB (car elles ont entraîné une absence de production monétaire)
alors que celle-ci sont cruciales pour des éléments non-monétaires de la vie (ex. la prévention de la santé,
etc.) et qui permettent donc d’enrichir la base productive de la société (le capital humain et social notamment)
et d’accroître la richesse.
Par exemple, lors des campagnes de prévention contre le tabagisme, la conséquence a été une forte baisse
de la consommation de tabac ce qui entraîne de facto une baisse du PIB (car la production de cigarette baisse).
Néanmoins, ce n’est pas pour cette raison que la richesse baisse car dans le même temps les ressources
cognitives (capital humain) et sociales ont augmenté.
Ainsi, le PIB baisse alors que la richesse augmente.

3
Ce concept d’externalité est très courant en économie et explique la chose qu’un individu A influence un individu B suite à son
activité économique (par exemple produire) sans que l’individu B soit dédommagé si l’influence est négative (externalité négative ;
ex. de la pollution) ou sans que l’individu A soit récompensé par l’individu B si l’influence est positive (externalité positive ; ex. les
apiculteurs avec leurs abeilles qui permettent la pollinisation des fleurs). Nous reparlerons de cela dans le chapitre 3 sur l’Etat.
4
De façon très simplifiée, si une entreprise A produit 1000 et pollue pour cette production de sorte que la satisfaction d’individus
baisse de 500 (il faudrait donner une valeur monétaire à cette perte de satisfaction ce que les économistes savent faire avec des
outils dits de monétarisation), sa production devrait être de 500 et non de 1000. Pour l’instant, la pollution n’est pas retirée de la
production d’une entreprise. On l’a vu, seules les consommations intermédiaires le sont pour avoir la valeur ajoutée.
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▪ PIB et richesse : Faut-il mettre le PIB à la poubelle ?

Malgré toutes ses limites, le PIB ne doit pas être abandonné. Il doit être « limité » au périmètre qui est le sien,
à savoir un indicateur de production qui mesure une partie de la richesse à savoir la production monétaire
déclarée d'un pays à un moment donné. Il n'est donc qu'un indicateur des « activités productives monétaires »
ou encore un indicateur de « transactions monétaires ».
Pour ces raisons, il est nécessaire d'utiliser en complément des indicateurs alternatifs pour mieux approcher
la richesse économique afin de mieux guider les choix des individus et de l'État vers une meilleure utilisation
de leurs ressources (NB : les quatre formes de capital) pour satisfaire au mieux leurs besoins.

2. Les alternatives et extensions


Introduction

Si le PIB est un indicateur imparfait de la richesse, il faut donc en trouver des meilleurs. Les extensions
s’articulent autour de deux axes : (1) des indicateurs de richesse monétaires c’est-à-dire des indicateurs ayant
une unité de mesure monétaire comme le PIB (sous-section 2.2 ci-après) ; (2) des indicateurs de richesse non-
monétaires c’est-à-dire des indicateurs ayant une unité de mesure différente de la monnaie associés à des
indicateurs monétaires pour fournir un tableau de bord d’indicateurs (sous-section 2.3 ci-après).

Il existe néanmoins une dernière extension qui consiste à mesurer directement le bien-être en contournant la
richesse. Au lieu de mesurer les ressources, ces indicateurs mesurent directement la satisfaction. Autrement
dit, il s’agit de mesurer la fin au lieu des moyens. Ce sont les indicateurs de bien-être (sous-section 2.4 ci-
après).

Avant d’aborder ces extensions, il convient de les replacer dans l’élan qu’à constituer l’émergence d’un
nouveau paradigme (modèle de référence) dans les années 1990 : le développement durable (et ses formes
diverses : la décroissance, la post-croissance, la transition écologique).

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2.1. Un nouveau paradigme : le développement durable
La prise de conscience des dégâts environnementaux de nos modes de vie

En 1972, un document scientifique appelé Les Limites à la croissance et publié par des
scientifiques du MIT dont Donella et Denis Meadows met en avant l’incompatibilité entre nos
modes de vie et notre capital naturel. Trois ans après le premier pas sur la Lune et la prise de
conscience de la fragilité de la Terre dans l’immensité de l’univers (notamment grâce aux
photographies de la Terre prise de la Lune), ce rapport commandé par le groupe de réflexion
du Club de Rome donne naissance à un mouvement international de prise de conscience des
dégâts naturels de nos modes de vie. Cette prise de conscience s’illustre autour de deux grandes
préoccupations : la détérioration de l'environnement et l'interdépendance entre le progrès à long terme et la
nécessité d'une protection de l'environnement. Ces deux préoccupations ont donné naissance au concept de
développement durable mais aussi de transition écologique, de post-croissance ou de décroissance. Ces
différents noms appellent des réponses parfois différentes mais partagent le constat des limites de nos modes
de vie par rapport aux conditions de fonctionnement de notre capital naturel.

Au fil des années et des preuves accumulées de ces limites (ex. la pollution des sols et des eaux, la disparition
d’une partie du vivant, l’augmentation des gaz à effets de serre dans l’atmosphère, …), des scientifiques issus
de diverses disciplines (climatologie, sciences des sols, biologistes, …) ont proposé d’inscrire l’histoire de la
planète Terre dans une nouvelle ère : l’anthropocène5. Ce nouvel âge de la Terre qui signifie littéralement
« l’ère de l’humanité » évoque l’idée que les êtres humains ont une influence profonde, durable et systémique
sur le fonctionnement des écosystèmes de la Terre (ex. atmosphère (air), hydrosphère (eau) ou encore
biosphère (vivant)) de sorte que celle-ci a changé de régime de fonctionnement (NB : elle était dans une ère
appelée l’holocène depuis environ 12 000 ans). Autrement dit, l’être humain laissera une trace indélébile de
son passage sur Terre.

Diverses initiatives ont ensuite été mené pour inscrire les questions environnementales dans les modes de vie
des êtres humains. Par exemple, l’ONU a organisé diverses conférences sur l’environnement et le
développement dont la première en 1972 à Stockholm a donné naissance au Programme des Nations unies
pour l'environnement (PNUE). La troisième est l’une des plus importante. Il s’agit du sommet
de Rio de 1992 connu sous le nom de Sommet « planète Terre ». Cette conférence a adopté
une déclaration qui a fait progresser le concept des droits et des responsabilités des pays
dans le domaine de l'environnement. Ce sommet a notamment conduit à l’adoption de la
Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) qui organise
les COP dont la 21ème a donné naissance au Traité de Paris en 2015. Cette convention-cadre de l’ONU sur le
climat se nourrit des travaux des scientifiques représentés par le Groupe d'experts intergouvernemental sur
l'évolution du climat (GIEC en anglais) qui a été créé en 1988 et qui a livré son 6ème rapport sur les causes, les
conséquences et les réponses au changement climatique actuel en 2021 et 2022. Enfin, la dernière
conférence dans sa configuration « sommet de la Terre » en 2012 à Rio a lancé le processus des 17 objectifs
du développement durable ODD qui ont remplacé les OMD lancé en 20026. Les ODD sont autant de besoins
que nos modes de vie doivent assurer à tous en prenant en compte les limites de notre capital naturel.

5
Le terme anthropocène a été utilisé la première fois dans les années 1980 notamment par le biologiste américain Eugène Stoermer
puis popularisé dans les années 2000 par le Prix Nobel de chimie et spécialiste de l’atmosphère, Paul Crutzen.
6
Si vous souhaitez en savoir plus sur ces conférences, visitez le site officiel de l’ONU consacré à celle-ci :
https://www.un.org/fr/conferences/environment/index.
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La théorie du donut

Une économiste anglaise, Kate Raworth qui a travaillé pour Oxfam et actuellement à l’Université
d’Oxford, a conceptualisé cette idée au travers de l’image du Donut7.

Le donut est la zone en vert qui assure des modes de vie écologiquement et socialement sûr. Au-delà, il y a les
limites du capital naturel matérialisées par les neuf limites planétaires mises en avant par plusieurs
scientifiques dans les années 2000 autour du biologiste suédois Johan Rocktröm. Ces limites concernent entre
autres le changement du climat, l’acidification des océans ou encore la perte de biodiversité. Nos modes de
vie ne doivent pas dépasser ce plafond écologique au risque de bouleverser notre capital naturel, de l’épuiser
voire de l’anéantir. En-dessous de la zone verte, il y a les besoins essentiels des êtes humains. Il ne faut pas
aller en deçà de ce plancher social. Ces besoins sont en lien avec entre autres l’accès à de la nourriture, de
l’énergie mais aussi un logement, la paix, la justice, un travail et des revenus…

Ce donut illustre donc ce vers quoi les sociétés doivent tendre pour assurer le bien-être de leurs membres
tout en utilisant au mieux leurs ressources donc leur richesse. Les ODD de l’ONU que doivent atteindre tous
les pays d’ici 2030 illustrent cette idée. Ils apparaissent sur l’image infra. Ces 17 objectifs font écho aux plafond
écologique et au plancher social illustré par le Donut de Kate Raworth. Les atteindre permet d’aboutir à des
modes de vie socialement et écologiquement sûr.

Pour y parvenir, il faut néanmoins avoir une métrique donc des indicateurs de richesse et de bien-être.

7
Pour aller plus loin : Kate Raworth, La théorie du donut, L'économie de demain en 7 principes, J'ai lu, 2021 + sa vidéo TED :
https://www.ted.com/talks/kate_raworth_a_healthy_economy_should_be_designed_to_thrive_not_grow?language=fr

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Le lien avec les indicateurs de richesse

En marge de ces évènements internationaux qui ont une traduction plus ou moins forte dans les politiques
publiques nationales et régionales, des initiatives sont apparues pour proposer des indicateurs de richesse
susceptible de mesurer cette influence profonde de nos modes de vie sur le capital naturel. En effet, si le
paradigme international s’oriente vers de nouveaux modes de pensée et d’action en faveur d’une prise en
compte des l’environnement dans les décisions des êtres humains, il est fondamental de pouvoir mesurer
cette prise en compte.

Les extensions récentes des indicateurs de richesse et de bien-être pour dépasser le PIB s’inscrivent dans ce
mouvement initié dans les 1970. Nous allons maintenant proposer quelques-unes de ces extensions.

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2.2. Les indicateurs monétaires
Il existe plusieurs tentatives consistant à proposer des indicateurs monétaires permettant de mieux mesurer
la richesse d’un pays.

Nous allons ici nous concentrer sur trois démarches bien qu’il en existe de nombreuses :
▪ L’épargne nette ajustée de la Banque Mondiale
▪ L’indice de richesse mondiale de l’ONU
▪ L’indicateur de progrès véritable

A. L’Epargne nette ajustée de la Banque Mondiale – ENA


Un indicateur pour calculer l’épargne d’un pays

Au sein du paradigme du développement durable, la Banque Mondiale, depuis 1999, calcule et publie pour
chaque pays du monde l’Épargne Nette Ajustée (Adjusted Net Savings en anglais) qui mesure la capacité d'une
économie à bien gérer ses ressources productives, éducatives et naturelles afin de maintenir son niveau vie
(satisfaction de ses besoins à l’aide de ses ressources).

Il s'agit de calculer l'épargne véritable d'un pays afin de savoir si un pays ne consomme pas trop ses ressources
(pour satisfaire ses besoins) par rapport à aux stocks de ses ressources ou, autrement dit, si sa richesse est
durable ou soutenable dans l'avenir (c’est-à-dire si les générations futures auront au moins le même niveau
de vie). En d’autres termes, l’idée est de savoir si un pays arrive à se constituer une épargne pour consommer
dans l’avenir ou bien s’il puise dans son capital (il désépargne) de sorte qu’il consommera moins dans l’avenir.
Le mérite de cet indicateur est donc de tenir compte du côté patrimonial de la richesse avec le capital
économique, naturel et humain d’une économie tout en y associant le caractère inter-temporel de la richesse.

Méthode de calcul

Pour y parvenir, l'hypothèse de départ est que chaque pays à un stock de ressources économiques (c’est-à-
dire le capital économique – ensemble de biens et services produits précédemment dans l’économie et qui
serviront à produire des biens et services), de ressources humaines (c’est-à-dire le capital humain du pays qui
approche l’intelligence collective du pays) et de ressources naturelles (c’est-à-dire le capital naturel du pays).
Ainsi, sa richesse dépend de ces trois stocks qui doivent être gérés durablement afin de garantir un
développement durable.

L’ENA est la somme des investissements que le pays entreprend pour maintenir ou accroître ces trois formes
de capital. A noter ici, que l’ENA est donc un flux qui alimente (s’il est positif) ou réduit (s’il est négatif) les
trois formes de capital.

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Plus précisément, cet indicateur est l’agrégation de :
▪ Dépense d’investissements en ressources économiques mesurées par l’épargne brute d’un pays : il s’agit
de ce qu’il reste du revenu d’une nation avant le paiement des dépenses d’investissement = cet indicateur
est très proche de la valeur des dépenses d’investissement (FBCF ; cf. partie 3 du chapitre 2)8  si cet
indicateur est positif alors il y a un accroissement du capital économique (hausse des biens d’équipements
dans l’économie) ; NB : cet indicateur peut être négatif ou positif de sorte que le capital économique peut
baisser ou augmenter.

+
▪ Dépense d’investissements en ressources « humaines » mesurées par l’accumulation de capital humain
(assimilés aux dépenses d'éducation)  si cet indicateur est positif alors il y a un accroissement du capital
humain (hausse des ressources cognitives/humaines dans l’économie) ; NB : cet indicateur ne peut pas
être négatif (au pire, il n’y a pas de dépenses d’éducation) ce qui veut dire que le stock de capital humain
ne pas baisser (au pire il se maintient).

-
▪ Dépenses d’investissements en ressources naturelles mesurées par la valeur de la dépréciation (baisse)
du capital naturel qui est mesurée par (1) la baisse des stocks de ressources naturelles consommées
(énergie, minerais et forêts) et (2) les dommages causés par la pollution (de dioxyde de carbone et des
émissions de particules fines uniquement) d'un pays à l'issue d'un cycle de production (au cours d’une
année)  Cet indicateur est au mieux égal à « zéro » s’il n’y a pas d’extraction, ni de pollution c’est-à-dire
que le capital naturel ne peut pas augmenter (au mieux se maintenir) contrairement au capital humain et
économique.

En résumé, l'épargne nette ajustée est égale à l'épargne nette nationale plus les dépenses en éducation,
moins l'épuisement en énergie, en minéraux et en ressources forestières et moins les dommages causés par
le dioxyde de carbone et les émissions de particules.

 Si cet indicateur est négatif, l'économie est dite « non soutenable » : l'économie surconsomme ou sous-
investi. Autrement dit, les générations futures ne consommeront pas autant, car elles seront moins riches
(c’est-à-dire que le stock de ressources baisse).
 Si l'indicateur est positif, alors le pays accroit son capital et donc garantit aux générations futures de
pouvoir consommer au moins autant que les générations présentes grâce à l'accroissement du capital fixe
et du capital humain, supérieur à la dépréciation du capital naturel.

8
L’épargne brute n’est pas tout à fait égale à la FBCF. En 2015, en France, l’épargne brute est de 444 milliards et la FBCF
de 469 milliards. Autrement dit, l’économie française doit emprunter 25 milliards au reste du monde pour ses dépenses
d’investissement. A noter que l’on compare l’épargne à l’investissement puisque l’investissement sur une année sert à
produire les biens et services des années d’après à l’image de l’épargne qui sont les revenus mis de côté pour
consommer les biens et services des d’années suivantes.
24 septembre 2022
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A noter que pour faciliter les comparaisons, la Banque Mondiale rapporte l'ENA non pas au PIB mais au RNB
(anciennement le PNB). Cet indicateur est égal au PIB diminué des revenus primaires versés par les unités
résidentes à des unités non résidentes et augmenté des revenus primaires reçus du reste du monde par des
unités résidentes (ex. RNB de la France en 2014 : 2174 milliards d’euros versus 2132 milliards d’euros pour le
PIB). Le RNB mesure donc les revenus des résidents ou leur niveau de vie.

Quelques données
Pour la France, l'ENA est d'environ +5,8% du RNB en 2020 contre +12,1% en 1990 ce qui veut dire que la
France a une épargne positive et donc un mode de vie soutenable. En revanche, le Liban est le pays qui a le
mode de vie le moins soutenable avec une ENA de -19,7% du RNB en 2020.

Si vous souhaitez voir le classement des pays ainsi que les évolutions temporelles, la Banque Mondiale met
en accès libre les données : cf. ce site pour les données complètes. La carte ci-dessous est une capture d’écran
montrant l’état de l’ENA dans le monde en 2020.

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Le concept de soutenabilité « forte » ou « faible »
Cet indicateur repose sur le principe d'une soutenabilité faible c'est-à-dire qu'il est possible de compenser une
perte de capital naturel par une hausse de capital économique et humain pour maintenir la richesse du pays.
En effet, puisque l’indicateur agrège trois « choses », s’il l’une d’entre elles baisse moins que n’augmentent
les deux autres, alors l’indicateur augmente. Pour l’ENA, le capital naturel ne peut que baisser ou au mieux se
maintenir. Ainsi si la hausse du capital économique ou humain est plus importante que la baisse du capital
naturel alors l’ENA augmente… autrement dit, un pays peut avoir un mode de vie soutenable (il se constitue
une épargne) même s’il dégrade fortement son capital naturel si dans le même temps il accroît son capital
économique ou humain. Pour le dire très simplement, il est possible de compenser la baisse de minerais dans
le sous-sol par la création de machine dans les usines… Il y a donc une substituabilité entre les trois formes de
capital. La soutenabilité forte est quant à elle l'idée selon laquelle la richesse d’un pays ne peut être maintenue
qu’à la condition qu’aucune forme de capital baisse. Ainsi, le capital naturel ne peut pas être remplacé par
des investissements en capital économique et humain. Il n’y a donc pas de substituabilité possible entre les
trois formes de capital.

La différence réside donc dans la croyance d'une substituabilité entre les formes de capital. Le dossier
préparatoire n°3 revient sur ces notions.

B. L’indice de richesse globale du PNUE (ONU) – IRG


Une mesure de la richesse dans sa globalité
Toujours dans le paradigme du développement durable, une idée de l'ONU en 2012 (lancé par
le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE)) a été au centre des discussions
du processus Rio+20.

Cette idée de l'ONU, connue sous le nom de « indice de richesse globale (IRG) » ou « inclusive wealth index »
(IWI) en anglais, consiste à évaluer la richesse en termes de soutenabilité à long terme des sociétés. L’idée est
donc ici de mesurer la richesse à travers sa dimension patrimoniale (stock et capital) et inter-temporelle (sens
de l’évolution de ce stock). Sa philosophie est proche de celle de l’ENA vu précédemment : voir si un pays a
un niveau de vie (la satisfaction de ses besoins) durable ou autrement dit si son niveau de vie est compatible
avec ses ressources productives, humaines (éducation, santé, …) et naturelles. La différence avec l’ENA est
qu’il prend en compte plus d’indicateurs pour mesurer ces ressources et qu’il a pour ambition de mesurer les
stocks de ressources : il est un indicateur de stock (alors que l’ENA est un indicateur de flux).

Cet indicateur synthétique (cela veut dire qu’il est lui-même l’agrégation d’indicateurs) consiste à :
✓ estimer le capital humain (ensemble des ressources cognitives mesurées par l’accès à l'éducation et la
qualité de la santé), le capital naturel (ensemble des ressources naturelles renouvelables comme
l’agriculture, la forêt et la pêche, et non-renouvelables comme les énergies fossiles (charbon, pétrole et
gaz) et les minerais) et le capital économique (mesuré par les ressources économiques physiques produites
par les êtres humains comme les routes, les bâtiments, les véhicules, les terrains, … ou autrement dit les
biens d’équipement) d’un pays en valeur monétaire (l’IWI est la somme des trois types de capital)
✓ voir les évolutions de ces trois stocks afin de déterminer le caractère durable ou non des niveaux de vie
des pays.

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Autrement dit, l’IWI fait le bilan des ressources restantes d’un pays (c’est-à-dire sa richesse) pour satisfaire
les besoins des individus de ce pays.
Que nous disent les données ?
Le PNUE a estimé la valeur de l’IWI pour 140 pays entre 1990 et 2014 dans son dernier rapport
2018 en ligne (en anglais). Dans ce rapport, nous apprenons :
1. La valeur monétaire des trois types de capital (par exemple, pour la France, le capital humain,
naturel et économique sont évalués respectivement à 5 500, 275 et 9 000 milliards de dollars en
2014 – p.249 et plus du rapport) et …
2. que certains pays ont vu leur IWI baissé sur cette période ce qui veut dire que le stock de
ressources dont ils disposent pour satisfaire leurs besoins s’est réduit donc, en d’autres termes,
que leur richesse a baissé.
Néanmoins, la plupart des pays ont vu leur IWI augmenté sur la période notamment car ils ont accru leur
capital économique. Plus concrètement, il est possible de voir dans le détail du rapport la contribution de
chacun des trois types de capital à l’évolution de l’IWI (p. 229 et plus du rapport).
Par exemple, la richesse de la France mesurée par l’IWI a augmenté de 1,9% par an entre 1990 et 2014 et
cette hausse est principalement due au capital économique (qui a augmenté de 1,4%) et dans une moindre
mesure au capital humain (qui a augmenté de 0,5%). Le capital naturel n’a pas, quant à lui, évolué (0%).

Si nous comparons ces taux de croissance annuel de l’IWI avec celui du PIB, on constate pour certains pays
peu de différence (le cas de la France) alors que pour d’autres la différence est très importante. La Chine par
exemple a vu son IWI croître de 2,4% par an entre 1990 et 2014 alors que le PIB chinois a crû chaque année
sur cette période à un taux supérieur à 8%. Cela veut dire que la production monétaire (PIB) chinoise
augmente plus vite que le stock de ressources en sa disposition laissant suggérer que le modèle de croissance
de la Chine est gourmand en ressources. En regardant dans le détail, il est possible de constater que l’IWI a
augmenté en Chine de 2,4% par an grâce au capital économique (1,4%) et au capital humain (1,1%) alors que
le capital naturel a lui baissé (-0,2%). Ainsi, la Chine est plus riche de ressources économiques et humaines
mais moins riche de ressources naturelles.

Globalement, 135 pays sur 140 ont connu un taux de croissance annuel moyen positif de leur IWI (cf. figure
suivante).

Taux de croissance annuel moyen de l’IWI entre 1990 et 2014

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Pour terminer, la principale critique de cet indicateur est qu’il est un indicateur de soutenabilité faible. Cette
critique est la plus forte et permet de comprendre pourquoi la très grande majorité des pays a connu une
hausse de sa richesse selon cet indicateur (cf. carte plu haut). En effet, les pays ont investi massivement dans
les biens d’équipements, l’éducation et la santé ce qui a permis de compenser très largement les dégradations
du capital naturel.

C. L’indicateur de progrès véritable – IPV


Un indicateur pour avoir un PIB vert
Dans les années 1990, à l'initiative d'une fondation californienne, « Redefining Progress », l’indicateur de
progrès véritable (l'IPV) ou Genuine Progress Indicator (GPI) en anglais apparaît au sein du même paradigme
du développement durable.

L'idée est de retrancher du PIB, les activités qui sont considérés comme non-productives c'est-à-dire qui ne
permettent pas d'augmenter le bien-être des individus (pas de satisfaction) et de prendre en compte celles
qui sont oubliées. Autrement dit, l'IPV permet une prise en compte des externalités sociales et
environnementales négatives liées à la production de biens et services comptabilisée dans le PIB.

Cet indicateur est souvent appelé « PIB vert » car il est aussi un flux qui cherche à rapprocher le PIB d’un
véritable indicateur de production de biens et services (au sens de satisfaction des besoins par
des biens et services nouvellement produits au cours d’une période). L’idée n’est donc pas ici de
mesurer la richesse à travers sa dimension patrimoniale et inter-temporelle mais uniquement
d’affiner le PIB en tant qu’indicateur de production c’est-à-dire la composante « flux » de la
richesse (cf. sous-partie 1 de cette partie).

Détails du calcul
Cet indicateur retranche (ou ajoute) donc plusieurs types d'activités économiques « nuisibles » (ou
« bénéfiques ») telles que les inégalités de revenus (indice de GINI), le travail domestique ou associatif ou
communautaire (valorisation sur la base d'un salaire moyen de femme de ménages par exemple), les
bénéfices d'une main d'œuvre qualifiée et en bonne santé, les déplacements travail/domicile, le coût de la
pollution (eau, air, sol), le coût de l'artificialisation des sols, de la pollution à long terme (émission de C02), de
la perte de couche d'ozone, les dépenses liées au crime, le temps gagné pour les loisirs, la dépendance au
reste du monde, etc. Pour avoir la liste des composantes de l’IPV, visitez cette page (en anglais :
https://genuineprogress.wordpress.com/the-components-of-gpi/).

Qui l’utilise ?
Enfin, cet indicateur n’est pas pour le moment développé à grande échelle comme l’IWI. Il n’y a que des
initiatives individuelles de chercheurs même si des acteurs publics comme certains Etats américains (ex. le
Vermont) et pays (comme la Finlande) utilisent cet indicateur pour piloter leurs politiques publiques.

A noter qu'il existe aussi l'indice de Bien être Durable (IBED) qui utilise exactement la même approche que
l'IPV.

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2.3. Les extensions non-monétaires
Les indicateurs monétaires ont le mérite de réduire à une dimension (la valeur monétaire) la mesure de la
richesse afin d’en simplifier son analyse. Néanmoins, il est parfois compliqué et contestable de donner une
valeur monétaire à des aspects intrinsèquement non-monétaires de la richesse comme le capital social ou
encore le capital naturel.

Ainsi, les indicateurs non-monétaires ont le mérite de dresser un état des lieux plus précis des différentes
dimensions de la base productive constitutive de la richesse (capital économique, social, humain et naturel)
ainsi que de la production non-monétaire de bien et service (ex. production domestique, associative,
communautaire).

 Néanmoins, il ne faut pas opposer indicateurs monétaires et non-monétaires. Ils sont complémentaires et
permettent d’affiner la mesure de la richesse d’un pays afin de mieux guider les décisions (notamment
politique) des individus qui le composent.

La suite de cette partie recense plusieurs indicateurs sans les détailler finement. L’objectif n’est pas de vous
faire comprendre précisément comment ils sont calculés mais simplement de vous informer de leur existence.
Si vous voulez en apprendre plus sur eux, des liens vers des sites internet vous y aideront.

A. Le SCEE et le verdissement de la comptabilité nationale

Le « verdissement de la comptabilité nationale » a été impulsé très tôt, dès les années 1990, avec le processus
de Rio (aussi appelé Agenda 21 (pour 21ème siècle) promulgué lors du sommet de Rio en 1992 puis réaffirmé
en 2012 qui est un plan d’action pour mettre en œuvre le développement durable (voir plus haut).
En effet, le processus de Rio encourage à la prise en compte des facteurs environnementaux (pollution,
déchet, extractions de ressources naturelles, etc.) et sociaux (santé, pauvreté et éducation) en plus des
facteurs économiques plus traditionnels (ex. PIB, FBCF, inflation, chômage, etc.) dans l'élaboration et la mise
en œuvre des politiques publiques afin d’assurer le développement de la génération actuelle et des
générations futures.
L'une des premières initiatives a ainsi consisté à prendre en compte le capital naturel (l’environnement) dans
la comptabilité nationale afin d’aboutir à une représentation plus fine du lien entre capital économique-
production (PIB) et capital naturel au cœur de la notion de richesse. Le but n’est donc pas d’avoir un indicateur
de richesse mais un ensemble d’agrégats révélant le capital économique, la production de biens et services
et l’état du capital naturel d’une économie. La comptabilité nationale se « verdit » …
Dans ce cadre-là, le « verdissement de la comptabilité nationale » apparaît comme un outil nécessaire dont la
concrétisation apparaît avec le SCEE en 2012.

La concrétisation avec le SCEE


Pour parvenir à un développement plus durable, l'Agenda 21 avait proposé le développement de comptes
intégrés de l'économie et de l'environnement (capital naturel) dans la comptabilité nationale. Cela s'est traduit
par un Système de Comptabilité Environnementale Économique (SCEE ou SEEA en anglais pour System of
Environmental Economic Accounting) porté par l'ONU.

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L'objectif en créant des comptes et des agrégats sur l’environnement est d’introduire le capital naturel
(ressources naturelles) dans la CN. Plus concrètement, le SCEE a pour but de :
▪ Appréhender les interactions entre l'économie (actifs et flux économiques) et l'environnement (services
rendus par la nature et déchets émis par les activités humaines) en décrivant les stocks d'actifs
environnementaux (ex. superficie des forêts, quantité de minerais, etc.) et leurs variations (les flux ; ex. la
quantité d’eau fourni) ;
▪ Elaborer des indicateurs (monétaires et physiques (en hectares, en tonnes, etc.)) cohérents permettant
d'éclairer la prise de décision sur (i) l'utilisation des ressources naturelles (appelé intensité
environnementale) et les déchets rejetés par le système économique (par la production et la
consommation) ; (ii) la production, l'emploi et les dépenses liées aux activités environnementales (ex.,
part de ressources naturelles dans les consommations intermédiaires des entreprises, emplois dans les
secteurs d’extraction des ressources naturelles, etc.), (iii) les taxes et subventions environnementales.
L’infographie de l’Office Fédéral de la Statistique suisse ci-dessous vous aidera à comprendre ce double but.

Source : https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/espace-environnement/comptabilite-
environnementale.html
Éléments de définition :
✓ Compte des stocks : quantité de ressources naturelles non-renouvelables présentes dans le sous-sol
comme le gaz, les minerais, le pétrole, etc. (une mesure du capital naturel).
✓ Compte des écosystèmes : quantité de ressources naturelles renouvelables comme les forêts, les
ressources halieutiques (poissons, etc.), etc. (une mesure du capital naturel).
✓ Compte des flux monétaires : la comptabilité nationale telle que nous la connaissons (opérations sur biens
et services et de répartitions)
✓ Compte de flux physiques : utilisation des ressources naturelles non-renouvelables et renouvelables (à
gauche « entrée ») et déchets (à droite « sortie ») rejetés par la production et la consommation (une
mesure de la variation du capital naturel).

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Nous en sommes où ?
Malgré son lancement en 1993 puis sa confirmation en 2003, il faut attendre 2012, pour
que le SCEE soit reconnu comme norme statistique internationale à suivre. En effet, cette
année-là l’ONU publie le cadre général du SCEE que vous pouvez consulter en suivant ce
lien (NB : document très technique) :
https://unstats.un.org/unsd/envaccounting/seearev/cf_trans/seea_cf_final_fr.pdf).

L’ONU promeut chaque année cet outil dans les pays du monde entier. Nombreux sont les pays à avoir mis
en place des programmes dans leur CN pour développer le SCEE. La carte du monde ci-après permet de
visualiser cela. En 2021 (dernier recensement de l’ONU), il y avait 90 pays dans le monde ayant un SCEE.
Néanmoins, il y a une grande disparité de pratique entre les pays qui ont développé le SCEE.

Par exemple, au Canada et en Suisse le SCEE est rattaché à l’office national des statistiques.

En France, ce n’est pas le cas. Le SCEE est principalement le fait du service des données et
études statistiques (SDES – site internet) qui est rattaché au Commissariat général au
développement durable (CGDD), au sein du ministère de la Transition écologique. Le SDES
publie les comptes de l’environnement dont le dernier porte sur l’année 2015 (à lire ici).

Source : https://seea.un.org/fr/content/global-assessment-environmental-economic-accounting (en anglais)

Lecture : stage 3 (publication sur une base régulière), stage 2 (publication sur base non régulière) et stage 1
(pas de publication mais données compilées) ; pays en blanc = aucune mise en œuvre de la SCEE.

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B. Les indicateurs du PNUD et les ODD
Le développement humain et la richesse
Une autre approche différente de la comptabilité nationale a été entreprise par le PNUD (Programme
des Nations Unies pour le Développement). Dès les années 1990, afin de concurrencer le PIB comme
indicateur de richesse, le PNUD a imaginé un indicateur qui est devenu le concurrent le plus sérieux
du PIB. Il s’agit de l’Indice de Développement Humain (IDH).

Cet indice est un indice synthétique à l’image de l’ENA, de l’IWI ou encore de l’IPV vus plus haut. Néanmoins,
il se différencie de ces indicateurs pour deux raisons. Premièrement, il n’est pas un indicateur monétaire mais
un score allant de 0 à 1. Deuxièmement, l’IDH a pour vocation d’être à la fois un indicateur de richesse et de
bien-être. En effet, il comprend trois dimensions : (1) l'espérance de vie à la naissance, (2) le niveau
d'éducation et (3) le niveau de vie (revenu par habitant). La prise en compte de ces trois dimensions (santé,
éducation et revenu) permet d’appréhender le développement humain comme double concept de richesse et
bien-être. En effet, le développement humain est une notion proche de celle du bien-être : un pays qui a un
niveau de développement humain élevé est un pays dans lequel le niveau de bien-être de ses habitants est
élevé c’est-à-dire que ces derniers ont la possibilité de satisfaire leurs besoins et donc, en arrière-plan, il doit
y avoir les ressources (économiques, sociales, naturelles et humaines) nécessaires pour y parvenir (= la
richesse). Les trois mesures de l’IDH reflètent cette double dimension. Une vie longue (sous-entend l’accès à
des ressources comme un environnement pas trop dégradé, …) avec des connaissances (ressources
cognitives) et un standard de vie (ressources économiques) doivent permettre d’atteindre le bien-être. Ces
trois mesures ne sont pas des mesures de bien-être à part entière (nous verrons qu’il y a des indicateurs pour
cela) car elles ne mesurent pas le degré de satisfaction des besoins.

Selon ce classement en 2021, la Suisse, la Norvège et l’Islande sont les trois premiers pays avec des scores
proches de 0,96. La France se classe 28ème avec un score de 0,903 (Allemagne 9ème - USA 21ème – Chine 79ème
place – le Soudan du Sud est en dernière position (191ème) avec un score de 0,385). Le graphique infra retrace
l’évolution de l’IDH depuis sa création (source : site internet de l’ONU). Il est possible de constater une légère
baisse en 2021 au niveau mondial.

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Pour tenir compte d'autres aspects du développement humain et ainsi affiner la mesure de la richesse qui en
découle et afin de proposer des indicateurs pour mesurer l’atteinte des ODD, l’IDH est complété par quatre
indicateurs synthétiques qui ajoutent des indicateurs aux trois de l’IDH. En effet, les trois indicateurs de l’IDH
font écho directement à trois ODD : le 3ème (vie en bonne santé), le 4ème (éducation de qualité) et le 8ème (travail
décent et croissance économique).

✓ Indice de Développement humain ajusté aux inégalités (IDHI) qui tient compte du degré d'inégalités en
termes de revenu, scolarisation et espérance de vie au sein de la population. Le but est de prendre en
compte les inégalités intergénérationnelles. Cet indicateur renseigne sur l’ODD n° 10.
✓ Indice des Inégalités de Genre (IIG) qui tient compte des déséquilibres entre les femmes et les hommes au
travers de plusieurs indicateurs en lien avec la santé reproductive pour les femmes (en lien avec l’ODD 3)
ainsi que leur autonomisation (en lien avec les ODD n°4 et 5 (égalité entre les sexes)) et participation à la
vie économique (ODD n°5 et 8).
✓ Indice de Pauvreté Multidimensionnelle (IPM) qui tient compte des privations en matière de santé,
d’éducation et de biens de première nécessité (électricité, eau potable, etc.)  cet indicateur est
indicateur de richesse à part entière car il mesure l’accès à certaines ressources jugées essentielles pour
permettre aux individus de mener une vie décente (sous-entendu : satisfaire les besoins les plus
importants). En fin, il est associé à l’ODD n°1 (pas de pauvreté).
✓ Indice de développement humain ajusté aux pressions planétaires (IDHP), publié la 1ère fois en 2020,
représente l'IDH d'un pays ajusté aux facteurs écologiques et environnementaux tels que les émissions de
dioxyde de carbone et l'empreinte matérielle par personne. Le but est de prendre en compte les pressions
exercées sur la planète afin de refléter une préoccupation pour l'inégalité intergénérationnelle, similaire
à l'ajustement de l'IDH ajusté aux inégalités qui est motivé par une préoccupation pour l'inégalité
intragénérationnelle. Les indicateurs utilisés pour mesurer cet indice sont en lien avec les ODD n° 9
(industrie propre) et 13 (lutte contre le climat) ainsi qu’avec l’ODD n°12 (consommation et production
responsable).

Ces indicateurs apportent donc des informations complémentaires à l’IDH pour avoir une image plus précise
des richesses présentes dans une société pour que ses membres puissent satisfaire leurs besoins. Ce sont
donc un ensemble d’indicateurs avec des unités différentes (ex. valeur monétaire, pourcentage, nombre
d’années, quantité en tonne, etc.).

Pour plus d’informations sur ces indicateurs, voir les rapports annuels du PNUD sur la situation du
développement humain dans le monde (exemple : celui de l’année 2019 sur les inégalités (voir l’évolution de
l’IDH page 24) : http://hdr.undp.org/sites/default/files/hdr_2019_overview_-_french.pdf) et le site internet
du PNUD consacré aux données des quatre indices du PNUD et des indicateurs utilisés dans leur
calcul (http://hdr.undp.org/en/data).

24 septembre 2022
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C. Quelques indicateurs supplémentaires

Il existe de nombreuses initiatives dans le sens du PNUD c’est-à-dire avoir un tableau de bord d’indicateurs
pour avoir une vue d’ensemble de la richesse d’un pays. Nous allons mettre l’accent sur deux de ces
initiatives : le Better Life Index de l’OCDE et l’Indice de Santé Sociale.
▪ Le Better Life Index de l’OCDE
L'OCDE s'est doté, depuis 2011 du Better Life Index (indice du mieux vivre) qui est un
indicateur composite c’est-à-dire une représentation schématique sur la base de
plusieurs indicateurs économiques, sociaux et environnementaux autour de 11
thèmes (voir image infra). Le but n’est pas avoir un indicateur synthétique comme ceux
du PNUD mais une myriade d’indicateurs illustrant la richesse d’un pays. Cette initiative s’inscrit dans un
programme de travail de l’OCDE dont le but est de comprendre ce qui contribue au bien-être des individus et
des pays, c’est-à-dire mieux caractériser la richesse, afin d’identifier comment susciter plus de progrès pour
tous.

Chaque pays membres de l’OCDE reçoit une note sur 10 pour les 11 dimensions ce qui permet de dessiner
une fleur reflétant l’indice de mieux-vivre. Vous avez en-dessous l’exemple de la France en 2021. Chaque
pétale de la fleur représente une dimension de la richesse du pays et est mesuré par un ou plusieurs
indicateurs. Par exemple, la dimension « liens sociaux » est mesuré par le pourcentage d’individus déclarant
pouvoir compter sur des proches et amis en cas de besoin. Pour la dimension « environnement », il s’agit de
la qualité de l’air et de l’eau. Pour en savoir plus dans le cas de la France, suiviez ce lien :
https://www.oecdbetterlifeindex.org/fr/countries/france-fr/

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Enfin, ces données existent aussi au niveau régional comme le montre l’image ci-dessous pour la région
Auvergne-Rhône-Alpes. Si vous voulez en savoir plus, voici le lien vers le site concernant la région AURA :
https://www.oecdregionalwellbeing.org/.

▪ L’indice de Santé Sociale – ISS


D’autres initiatives existent comme l'indice de Santé Sociale (ISS) du couple Miringoff du Fordham Institute for
Innovation in Social Policy (Fordham University - NY university) qui connaît un intérêt grandissant depuis 1996
en mesurant la santé sociale. Il s’agit d’un outil de mesure de la richesse non-monétaire. Le but est à l’image
de l’indice du mieux-vivre de l’OCDE est d’objectiver et d’étudier d’autres données que celle du PIB afin de
rendre compte de la richesse d’un territoire appréhendée au travers de la notion de « santé sociale ». Il
permet de mettre en avant que les territoires les plus « riches » ne sont pas les territoires qui ont la meilleure
« santé sociale ». L’intérêt de cette initiative est d’être mise en œuvre à un niveau local (comme l’indice du
mieux-vivre de l’OCDE au niveau régional).

Cet indicateur en France évalue les performances sociales des territoires. Il est fondé sur la synthèse de 14
indicateurs relatifs au travail, au revenu, à l'éducation, à la santé, au logement, à la sécurité ou encore au lien
social et interindividuel. Cet indicateur a été calculé au niveau régional en 2016 pour la dernière fois. Deux
articles dans le dossier ressources complémentaires en lien avec cette partie sur l’espace en ligne du cours
présentent cet indice. Vous verrez qu’il y a de grandes différences entre le classement du PIB (Ile de France
en 1ère position) et le classement de l’ISS (Ile de France est 11ème). Pour voir ces articles, suivez le lien :
https://ent.uca.fr/moodle/mod/folder/view.php?id=409012.

 Cet indice est l’objet d’une question du dossier préparatoire n°4.

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2.4. Les indicateurs de bien-être
Il existe des indicateurs dits de bonheur ou de bien-être dont le but est de mesurer la satisfaction des besoins
des individus et ce qu’elle implique, le bien-être (rappel : sensation agréable procurée par la satisfaction de
besoins). Ces indicateurs s’intéressent au bonheur subjectif qui est spécifique à chacun. Il existe de
nombreuses enquêtes à ce sujet comme celles de l’institut Gallup qui mesure le bonheur par des questions
du type « évaluez de 1 à 10 la qualité de votre vie ». Le bonheur subjectif ne permet pas de mesurer la richesse
en tant que telle mais est néanmoins intéressant car il permet de révéler l’état de bien-être des individus et,
ainsi, si ces derniers parviennent selon eux à satisfaire une grande partie de leurs besoins. Si la réponse est
oui, cela veut dire que le pays est riche !
Enfin, l’ONU propose une approche exhaustive en s’intéressant à la fois à la richesse et au bien-être au travers
d’un rapport annuel mondial sur le bonheur (cf. rapport 2022 qui traite de l’impact de la pandémie de COVID-
19). Ici, l’ONU mélange la richesse (mesure objective), qui est appréhendée par une batterie d’indicateurs (à
l’image de l’indice du mieux-vivre de l’OCDE ou des indices du PNUD) regroupés en six dimensions (PIB par
habitant, aide sociale, espérance de vie en bonne santé, liberté, générosité et corruption), et le bien-être
(mesure subjective) mesuré par les enquêtes de l’institut Gallup. A l’aide d’une analyse statistique, l’ONU
essaie de mesurer les composantes de la richesse qui contribuent le plus au bien-être.
Le tableau suivant montre le classement en 2022 des pays selon le niveau de bien-être. Il s’agit ici de la
moyenne par pays de la réponse apportée par ses habitants à une question relative à la satisfaction qu’ils
retirent de leur vie sur une échelle allant de 0 à 10.

24 septembre 2022
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Ensuite, le bien-être est expliqué par plusieurs indicateurs afin de voir ce qui l’explique le mieux. Voici les
résultats pour les 23 premiers pays. Il est possible de constater que différents éléments de la richesse
(représentés par les différentes couleurs ; exemple : bleu pour le PIB, vert pour la santé…) n’explique pas le
bien-être de la même façon selon les pays. A noter que la partie en violet « dystopie » renvoie à la partie non
expliquée du bien-être par les variables utilisées pour mesurer la richesse. Cela renvoie à la grande complexité
de la mesure de la richesse. Malgré la gamme d’indicateurs de plus en plus importante, la richesse reste un
objet de mesure complexe et ne peut être que partiellement mesurée.

Pour aller plus loin : https://worldhappiness.report/ed/2022/happiness-benevolence-and-trust-during-covid-


19-and-beyond/#ranking-of-happiness-2019-2021

24 septembre 2022
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Conclusion
La prise de conscience des limites de notre planète associée à l’importance d’assurer un niveau de vie décent
à l’ensemble de l’humanité nécessite de bâtir des modes de vie socialement et écologiquement sûr (à l’image
du donut de Kate Raworth). Cela passe par des systèmes de production de nos biens et services plus
respectueux de l’environnement (capital naturel) mais aussi plus inclusif et intelligent (capital social et
humain). Il faut également que les modes de consommation évoluent ce qui sous-entend de mieux connaître
les besoins des humains.
Pour ce faire, il faut inventer une métrique de la richesse et du bien-être permettant d’orienter les prises de
décisions des êtres humains (que soit en matière de politique publique ou bien dans les entreprises ou encore
les individus eux-mêmes). Mesurer la richesse dans toute sa complexité est une nécessité pour bâtir de
nouveaux modes de vie. Le PIB en tant qu'agrégat mesurant les transactions monétaires déclarées d'un pays
est nécessaire dans cet effort mais insuffisant à lui seul. C'est une batterie d'indicateurs qu'il faut mettre en
place afin de disposer d'une réelle capacité de pilotage de notre développement afin d’évaluer finement le
stock de nos ressources utiles pour satisfaire nos besoins et ainsi aller vers des sociétés socialement et
écologiquement sûres.

A ce titre, une loi française rentrée en vigueur en 2015 oblige de prendre en compte de nouveaux indicateurs
de richesse dans la définition et l'évaluation des politiques publiques (une dizaine d’indicateurs sont définis :
économiques (PIB, emploi et dette par exemple), sociaux (inégalité par exemple) et environnementaux
(artificialisation des soles par exemple)9). Ce texte prévoit notamment que le gouvernement français remette,
chaque année, au Parlement, un rapport présentant l'évolution sur les années passées de nouveaux
indicateurs de richesse en matière d'inégalité, de qualité de vie et de développement durable mais aussi que
les principales réformes passées, en cours et à venir, soient examinées au regard de ces critères (au moment
des lois de finance - première semaine d'octobre). Le PIB est donc progressivement en train de revenir à sa
place en tant qu’indicateur de production au profit de nouveaux indicateurs qui en les associant au PIB
permettent d’avoir une mesure plus fine et plus précise de la richesse d’une nation.

9
Pour aller plus loin : voir cet article du Monde publié en 2015 - https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/07/10/au-
dela-du-pib-10-indicateurs-pour-mesurer-autrement-le-progres_4678597_4355770.html)
24 septembre 2022
© S. Marchand

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