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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

PREMIÈRE PARTIE :
FONDAMENTAUX DE L’ECONOMIE ET
HISTOIRE DE LA PENSEE ECONOMIQUE
Chapitre 1 : LES FONDAMENTAUX DE L’ÉCONOMIE
 Objectif général
Connaître le champ d’intervention de la science économique et se familiariser avec
les notions de base de l’économie.

 Objectifs spécifiques
­ Définir la science économique
­ Différencier les différents types de biens
­ Distinguer les différents types de besoins
­ Différenciation les
­ Présenter les principales lois économiques

INTRODUCTION
Le point de départ de l’activité économique réside dans certaines catégories de sentiments tels que
le désir de se nourrir, se loger, se vêtir, etc, que les humains éprouvent et qu’ils s’efforcent de
satisfaire par des moyens qu’ils chercheront dans leur environnement. Cependant, en tant que
matière d’enseignement, l’analyse économique est relativement récente. En outre, Adam Smith
(1723-1790) en publiant son ouvrage, La Richesse des nations, en 1776, est considéré comme le
pionnier de l’analyse économique moderne. L’étude de l’économie suscite par ailleurs plusieurs
interrogations dont celle-ci nous semble fondamentale : pourquoi étudier l’économie ?

Section 1 : PRÉSENTATION DE L’ÉCONOMIE


1- Origine de l’économie
Le mot économie provient du grec « oîkos », qui signifie maison, et « nomos » qui représente les
règles. L’économie serait donc, dans un premier temps, l’ensemble des règles de conduite des
activités domestiques. Le terme va connaître par la suite un élargissement de son domaine d’action
à la cité ou à la nation et prendre l’appellation d’« économie politique », à ne pas confondre avec
la notion de « politique économique » qui désigne l’action de l’État sur l’économie afin d’atteindre
des objectifs économiques.
2- Définition de l’économie
Plusieurs définitions de l’économie sont proposées par des auteurs selon leur époque et leur
courant de pensée. Selon Paul A. Samuelson dans l’Économique 1, les économistes contemporains
sont généralement d’accord sur une définition libellée à peu près comme suit : « la science
économique recherche comment les hommes et la société décident, en faisant ou non usage

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de la monnaie, d’affecter des ressources productives rares à la production à travers le temps


de marchandises et services variés et de répartir ceux-ci, à des fins de consommation
présentes ou futures, entre les différents individus et collectivités constituant la société. Elle
analyse donc les coûts et profits qui résultent de meilleures structures d’utilisation des
ressources ».
Toutefois, nous proposons la définition de l’économiste français Edmond MALINVAUD, qui
nous semble relativement plus simple. Selon lui, « l’économie est la science qui étudie comment
des ressources rares sont employées pour la satisfaction des besoins (illimités) des hommes vivant
en société. Elle s’intéresse d’une part aux opérations essentielles que sont la production, la
distribution et la consommation des biens, d’autre part aux institutions et aux activités ayant pour
objet de faciliter ces opérations ».
3- Objet de l’économie
La science économique pour se distinguer des autres sciences sociales et humaines qui ont aussi
pour objet l’être humain, se définit une façon particulière d’étudier les comportements humains
qui lui est propre.
Elle part du constat que les hommes éprouvent des besoins illimités mais que les ressources dont
ils disposent pour les satisfaire n’existent qu’en nombre limité (phénomène de rareté) et qu’en
conséquence ils doivent faire des choix. La science économique est ainsi perçue comme la science
des choix ou science des décisions.
En somme, l’économie en tant que science s’attache dans un premier temps à décrire, mesurer, et
comprendre les choix effectués par les agents économiques. Dans un second temps, elle cherche à
bâtir des lois et des modèles pouvant servir à guider l’action politique.
4- Problème économique fondamental
La rareté constitue le problème fondamental en économie, c’est à dire le fondement de
l’économie. Elle désigne le fait qu’une ressource n’est pas disponible à volonté ou à satiété. Elle
implique trois questions fondamentales qui constituent des problèmes majeurs que toute société
s’attèle à résoudre à savoir :
 Que ou quoi produire ? C'est-à-dire quels biens faut-il produire et en quelles quantités ?
En d’autres termes, lesquels des multiples biens et services doit-on choisir de produire et
dans quelles proportions ?
 Comment produire ? C'est-à-dire de quelle manière ces biens doivent-ils être produits ?
En d’autres termes, par qui, avec quelles ressources et selon quels procédés techniques ?
 Pour qui produire ? C'est-à-dire pour qui ces biens doivent-ils être produits ? En d’autres
termes, qui doit être habilité à profiter des biens et services proposés par l’appareil
productif ?
Le problème de la rareté peut s’illustrer par la « frontière des possibilités de production » d’une
économie. Si l’on considère qu’il n’est possible de produire que deux biens X et Y, la « frontière
des possibilités de production » prend l’allure de la courbe de la figure 1 ci-après :

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Quantité de biens Y

Déplacement de la frontière

Totalité des A Frontière des possibilités


Ressources de production
affectées à la
production
de bien Y C B

Ensemble des
possibilités de production

0
Totalité des ressources Quantité de biens X
affectées à la production
de bien X
Figure 1 : Frontière des possibilités de production

 Les choix de production efficaces se situent sur la frontière (en A et B par exemple). A
l’intérieur de l’espace des possibilités de production, l’économie se priverait de la
possibilité de produire plus de biens X et Y (en C). Il convient donc de choisir entre
produire plus de biens X et relativement moins de bien Y, ou l’inverse.
 La frontière dépend des ressources dont dispose l’économie (volume de travail,
matières premières, biens fabriqués dans le passé), mais également de l’état
d’avancement du progrès technique. Ce dernier permet d’ailleurs de déplacer la
frontière vers la droite et vers le haut (le schéma indique en pointillé un déplacement
de la frontière des possibilités de production grâce au progrès technique dont bénéficie
la production de bien Y).

Section 2 : NOTION DE BESOIN


1- Définition
Le besoin est une sensation de manque qu’un individu ou un groupe d’individus cherche(nt) à
combler. On définit le besoin économique comme un manque qui peut être satisfait par
l’acquisition ou la consommation de biens et services, qui sont produits en quantités limités.
2- Caractéristiques des besoins
Les besoins sont caractérisés par leur multiplicité, leur satiabilité et leur interdépendance.
2-1- La multiplicité
Elle exprime le fait qu’il est quasiment impossible de dresser une liste exhaustive des besoins dans
la mesure où on distingue les besoins qui possèdent un caractère absolu, que l’on ressent quelle
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que soit la situation des autres individus, et ceux qui ont un caractère relatif, que l’on éprouve au
contact des autres ;
2-2- La satiabilité
Elle exprime le fait que l’intensité d’un besoin diminue au fur et à mesure qu’il est satisfait. C’est
le cas notamment des besoins à caractère absolu (boire et manger par exemple) ;
2-3- L’interdépendance
Elle désigne le fait qu’il peut exister des liens entre des besoins. Par exemple, l’achat d’une voiture
engendre le besoin de carburant.
3- Types de besoins
Les besoins peuvent être classés selon leurs natures ou selon leur champ d’application.
3-1- Selon la nature
On distingue :
­ Les besoins physiologiques, ou primaires, ou vitaux, ou fondamentaux : ce sont des
besoins de première nécessité ou de survie.
Exemple : Se nourrir, se loger, se vêtir.
­ Les besoins de civilisation, psychologiques, secondaires ou sociaux : ce sont des besoins
qui naissent avec l’appartenance à une société ou à une collectivité.
Exemple : se divertir, se déplacer….

3-2- Selon le champ d’application


On distingue :
­ Les besoins individuels : ce sont des besoins éprouvés ou exprimés individuellement.
Exemple : communiquer.
­ Les besoins collectifs : ce sont des besoins éprouvés ou exprimés par une collectivité ; ils
sont satisfaits par des biens utiles à plusieurs personnes en même temps.
Exemple : Être éclairé dans la rue par des lampadaires, s’instruire, se soigner.
Remarque : Les besoins dépendent de la période considérée, de l’individu, et de la société dans
laquelle celui-ci évolue. En outre, les besoins sont souvent interdépendants. Par exemple, l’achat
d’une voiture engendre le besoin de carburant.

Section 3 : NOTION DE BIEN


1- Définition
Un bien est un moyen ou une ressource qui permet de satisfaire un besoin. L’économie ne
s’intéresse qu’aux biens rares, que l’on appelle biens économiques, et écarte donc du domaine
d’étude les biens libres qui, par opposition aux biens rares, sont disponibles en abondance, comme
l’air, l’eau, le soleil, le vent.

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Les biens économiques se caractérisent par le fait qu’ils nécessitent un sacrifice pour être produits
(ils sont issus du travail humain ou sont susceptibles d’être commercialisé), tandis que les biens
libres s’obtiennent gratuitement et sans travail humain.
2- Les types de biens économiques
Les biens économiques peuvent être classés selon plusieurs critères.
2-1- Selon la durée
On distingue :
­ Les biens non durables : ce sont des biens qui sont détruits ou qui disparaissent par usage.
Exemple : les aliments, le carburant, etc.

­ Les biens semi-durables : ce sont des biens qui ont une durée d’utilisation relativement
courte.
Exemple : les fournitures, les petits matériels, etc.

­ Les biens durables : ce sont des biens qui ont une durée de vie longue. Ils représentent les
biens d’équipement.
Exemple : les biens immobiliers, les biens mobiliers, etc.
2-2- Selon l’emploi ou la finalité
On distingue :
­ Les biens de consommation finale ou biens finals : ce sont les biens qui servent à
satisfaire directement les besoins des individus.
­ Les biens de production : ce sont les biens qui servent à produire d’autres biens.
Remarque : on distingue deux types de biens de production que sont : les biens durables
(ou biens d’équipement des entreprises) et les biens intermédiaires qui sont détruits au
cours du processus de production, ou transformés et incorporés au produit final ; on les
appelle biens intermédiaires ou biens de consommation intermédiaire.
Exemple de biens intermédiaires : les matières premières.

2-3- Selon la nécessité


On distingue :
­ Les biens primaires : ce sont les biens de première nécessité.
­ Les biens secondaires : ce sont des biens nécessaires, mais pas indispensables.

2-4- Selon l’aspect ou la nature physique


On distingue :
­ Les biens matériels : ce sont les produits qu’on peut toucher, voir, sentir ou stocker. On
les appelle communément « biens ».
­ Les biens immatériels : ce sont des biens qu’on ne peut ni toucher, ni voir, ni sentir, ni
stocker. On les appelle communément « services ». Le service désigne une activité
humaine qui permet de satisfaire des besoins.

2-5- Selon les liens qui existent entre eux


On distingue :

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­ Les biens complémentaires : ce sont des biens qui sont utilisés conjointement pour
satisfaire un besoin. Ils sont appelés des « compléments ».
Exemple : la pile et la torche ; la voiture et le carburant, etc.
­ Les biens substituables : ce sont des biens qui sont susceptibles de satisfaire un même
besoin. On les appelle des « substituts ».
Exemple : le beurre et la margarine ; le parfum et l’eau de Cologne, etc.

3- Bien public et bien privé


3-1- Les biens publics
Ce sont des biens qui peuvent être consommés par une personne sans que les quantités
consommées par les autres individus ne soient réduites.
Exemple : l’éclairage public.
3-2- Les biens privés
Ce sont les biens dont la consommation par une personne exclut les autres individus.
Exemple : Les crèmes glacées
Remarque : La consommation d’une glace par un individu, empêche un autre individu de
consommer la même glace. Donc pour une offre donnée de crèmes glacées, la consommation d’un
individu réduit la quantité disponible que les autres individus peuvent consommer : il y a ici un
effet d’exclusion.
Section 4 : NOTIONS DE RATIONALITÉ ET D’ARBITRAGE
1- Notion de rationalité
La rationalité suppose en effet que l’acteur choisit toujours la ou les actions qui, parmi celles qui
lui sont disponibles, lui permet(tent) d’atteindre le mieux possible l’objectif qu’il poursuit. Cette
hypothèse de rationalité du comportement individuel est fondamentale en microéconomie.
Cependant tout comportement n’est pas nécessairement rationnel pour la microéconomie. Pour
arriver à restreindre le champ des comportements possibles, on fait toujours l’hypothèse que
l’objectif que vise à satisfaire le comportement d’un acteur possède un minimum de cohérence
interne. La propriété logique qui joue un rôle fondamental à cet égard est la notion de transitivité.
Tout objectif d’un acteur sera donc supposé avoir la propriété de générer un classement transitif
de tous les objets de choix (A doit toujours mieux satisfaire l’objectif de l’acteur que C dès lors
que B satisfait mieux l’objectif que C et que A satisfait mieux l’objectif que B). En d’autres termes
si A est préféré à B et B est préféré à C, alors A est préféré à C.
2- Notion d’arbitrage
Les agents économiques effectuent des choix afin de maximiser leur satisfaction en fonction de
leur moyen. Ces choix sont des arbitrages économiques entre différentes possibilités. Les agents
économiques sont considérés comme rationnels. C’est la rationalité qui conduit leur arbitrage.
Section 5 : LES AGENTS ÉCONOMIQUES
1- Définition

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Un agent économique est une personne physique ou morale qui prend des décisions d'ordre
économique et qui réalise des opérations économiques. L'agent économique dispose d’une
autonomie de décisions et d'actions économiques : c’est un centre de décision économique
indépendant.
2- Les différents agents économiques
On distingue traditionnellement cinq catégories d’agents économiques regroupés selon la fonction
principale qu’ils exercent. Ce sont :
­ les ménages dont la fonction principale est de consommer. On regroupe sous le terme «
ménages » l'ensemble des individus partageant le même domicile, qu’ils aient ou non des
liens de parenté. On distingue les ménages ordinaires (célibataires, familles) et les ménages
collectifs (casernes, hospices...) ;
­ les entreprises dont la fonction principale est de produire des biens et services destinés à
la vente (biens et services marchands) ;
­ les institutions financières qui ont pour fonction principale la production de services
d’intermédiation financière et/ou d’activités financières auxiliaires. Elles assurent le
financement de l’économie ;
­ les administrations privées qui produisent des services non marchands destinés à des
groupes particuliers de ménages et/ou des services marchands sans but lucratif destinés aux
ménages ;
­ les administrations publiques qui procèdent à la redistribution des revenus et permettent
la satisfaction des besoins collectifs.
Remarque : Les opérations effectuées entre les agents résidents et les agents non-résidents sont
retracées sous le nom de « Reste du monde » ou « Extérieur ».

Section 6 : LES OPÉRATIONS ÉCONOMIQUES


1- Définition
Une opération économique est un acte par lequel un agent économique manifeste sa participation
à la vie économique.
2- Les types d’opérations économiques
On distingue :
­ Les opérations sur biens et services : elles indiquent la provenance et la destination des
biens et services. Dans une économie nationale, les biens et services rencontrés proviennent
de la production nationale et des importations. Ces biens et services sont utilisés pour la
consommation, l’investissement et l’exportation ;
­ Les opérations de répartition : elles sont ainsi qualifiées car elles concernent la
répartition des revenus créés entre les différents agents. Cette répartition des revenus prend
différentes formes (rémunération du travail, paiement de dividendes, loyers et intérêts) ;
­ Les opérations financières : elles recouvrent l’ensemble des relations entre agents à
capacité de financement et agents à besoin de financement. Elles portent sur les créances
et les dettes entre agents, et montrent comment les agents à besoin de financement ont
couvert ce besoin et, symétriquement, comment les agents à capacité de financement ont
employé cet excédent (variations de monnaie ou devises, emprunts, remboursement, etc.).

Section 7 : NOTION D’ÉQUILIBRE


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De manière générale, un équilibre est une situation dans laquelle chaque acteur individuel atteint
au mieux son objectif particulier étant données les actions entreprises par les autres acteurs et le
contexte institutionnel qui les délimite. Exprimé autrement, un équilibre est une situation dans
laquelle aucun acteur individuel n’a d’intérêt particulier à modifier son comportement.
A un système de prix d’équilibre, les décisions individuellement optimales des uns et des autres
sont par définition mutuellement compatibles. Pour chaque bien de l’économie, la quantité totale
de ce bien que souhaitent consommer l’ensemble des consommateurs est, à l’équilibre,
précisément égale à la quantité totale de ce bien produite et vendue par les entreprises.
NB : L’insistance parfois trop importante que mettent les économistes sur les situations d’équilibre
n’est pas exempte de tout vice. En particulier, elle tend à occulter tous les phénomènes de transition
qu’entraîne le passage d’une situation d’équilibre à une autre. L’étude du passage d’un équilibre à
un autre est parfois appelée statique comparative. Comme son nom l’indique, la statique
comparative consiste en une comparaison de deux situations (statiques) d’équilibre distinctes. La
statique comparative répond ainsi à des questions de type : qu’est-ce qui arrive à la consommation
(d’équilibre) de sucre en poudre lorsque les revenus des consommateurs augmentent ? Comment
variera la quantité consommée (d’équilibre) de véhicules à carburant diesel suite à une
augmentation de la taxe actuellement prélevée sur ce type de carburant ?, etc. Quand les micro-
économistes répondent à des questions de ce genre, ils comparent deux situations d’équilibres :
celle prévalant avant le changement examiné (revenu dans un cas, taxe sur carburant diesel dans
l’autre) et celle prévalant après le changement.

Section 8 : LES MÉTHODES DE LA SCIENCE ÉCONOMIQUE


1- Hypothèses, lois et modèles en science économique
Les économistes font apparaître des lois qui semblent gouverner le comportement des agents. Une
loi est fondée sur des hypothèses plus ou moins contraignantes qui représentent des simplifications
de la réalité. Hypothèses et lois permettent alors de construire des modèles qui donnent une
représentation théorique du fonctionnement de l’économie. Comme dans toute démarche
scientifique, les modèles sont confrontés aux faits : la validité d’une théorie repose sur la capacité
de ses conclusions à expliquer les faits.
2- Approche positive et approche normative
Une analyse positive explique pourquoi les choses et les comportements sont ce qu’ils sont. Elle
vise donc à montrer le monde « tel qu’il est » : c’est une analyse descriptive. Par contre, une
analyse normative cherche à définir ce que doivent être les choses et les comportements, à
expliquer « comment doit être » le monde.
3- Individualisme méthodologique et holisme
L’individualisme méthodologique est une méthode d’analyse des faits économiques et sociaux qui
part du principe que les phénomènes étudiés peuvent être expliqués à partir des comportements
individuels, alors que le holisme considère que les comportements individuels s’inscrivent dans
un contexte global prédéterminé (les normes et les règles d’une société, la catégorie sociale
d’appartenance etc). En conséquence, l’étude du contexte global est nécessaire pour comprendre
les actes individuels.

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4- Microéconomie et macroéconomie
4-1- Définition
L’analyse microéconomique relève de l’individualisme méthodologique et prend pour point de
départ l’analyse économique à l’échelle d’un agent. Elle choisit un agent type puis, pour passer
aux grandeurs globales, elle propose d’agréger les décisions individuelles. A l’inverse, la
macroéconomie s’intéresse aux relations entre les grandeurs globales. Donc, en microéconomie,
le point de départ est l’analyse à l’échelle d’un agent économique, tandis qu’en macroéconomie il
se situe à l’échelle de tous les agents économiques.
Remarque : Les conclusions de l’analyse microéconomique ne sont pas forcément généralisables
au niveau macroéconomique. On distingue généralement quatre problèmes d’ordre
macroéconomique qui se traduisent en quatre objectifs fondamentaux (selon Kaldor) : la stabilité
des prix (l’inflation), le plein emploi (le chômage), la croissance économique (la crise
économique), l’équilibre extérieur (le déséquilibre des échanges extérieurs).
4-2- Les interactions entre microéconomie et macroéconomie
 Une décision microéconomique peut par effet d’entraînement avoir des conséquences
au niveau macroéconomique

Décisions microéconomiques Phénomènes macroéconomiques

Les entreprises décident d’augmenter leurs prix. Inflation

Les entreprises décident d’augmenter les salaires Hausse de la consommation nationale


de leurs employés.

Les entreprises licencient un grand nombre Hausse du chômage


d’employés.
Les entreprises renouvellent leurs parcs de Hausse de la productivité
machines.
Tableau 1 : Exemple de décisions microéconomiques qui peuvent avoir des répercussions au
niveau macroéconomique.
 Une décision macroéconomique peut par effet d’annonce avoir des conséquences au
niveau microéconomique

Phénomènes macroéconomiques Décisions microéconomiques

Annonce d’une hausse de la croissance Augmentation de la production par les


entreprises

Annonce de la baisse de l’inflation Baisse des prix par les entreprises pour ne pas
être chères que les concurrents.

Annonce de relance budgétaire par l’État Investissement par les entreprises

Tableau 2 : Exemple de décisions macroéconomiques qui par effet d’annonce a des conséquences
au niveau microéconomique.

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NB : il est important de noter que la macroéconomie ne s’appuie pas toujours sur une théorie
particulière des comportements individuels. Par exemple, quand une entreprise décide seule à son
niveau de diminuer les salaires de ses employés pour augmenter ses profits, elle peut atteindre ses
objectifs. Par contre, lorsque toutes les entreprises décident de diminuer les salaires de leurs
employés pour augmenter leurs profits, le profit global des entreprises peut au contraire tendre à
la baisse car la diminution des salaires de l’ensemble des employés tirerait les revenus à la baisse,
ce qui conduirait les employés à ne pas consommer convenablement les produits des entreprises.
Par conséquent, on aboutira à une baisse des profits de ces dernières.

CONCLUSION
L’économie, en tant que science et en tant qu’art, est étudiée pour toute une série de raisons : pour
comprendre les problèmes qui se posent aux citoyens et aux familles ; pour aider les
gouvernements tant des nations avancés que des nations sous-développées à promouvoir une forte
croissance et à améliorer la qualité de vie, tout en évitant la dépression et l’inflation ; pour analyser
les modèles les plus caractéristiques de comportements social ; pour comprendre et changer les
inégalités de la répartition du revenu et des chances.
Associée à d’autres sciences humaines ou sociales – la psychologie, la sociologie, l’histoire –, la
science économique utilise les méthodes déductives de la logique et de la géométrie et les
méthodes inductives faisant appel à l’observation statistique et empirique.

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Chapitre 2 : HISTOIRE DE LA PENSÉE


ÉCONOMIQUE
INTRODUCTION
L'histoire de la pensée économique examine les grandes théories économiques de manière
rétrospective. La réflexion économique apparaît chez les philosophes grecs (Aristote, Platon), qui
étudient l'économie domestique et la gestion de la cité. Au Moyen Âge, c'est la morale chrétienne
qui inspire la pensée économique (Saint Augustin, Saint Thomas d'Aquin). Entre le XVIe et le
XVIIIe siècle, les mercantilistes, qui préconisent l'abondance de métaux précieux, l'intervention de
l'État et le développement de la population, rendent la réflexion économique autonome, mais ne
constituent pas encore un courant économique structuré. Au milieu du XVIIIe siècle, les
Physiocrates, avec François Quesnay, donnent une analyse économique globale sous forme de
circuit et peuvent être considérés comme des précurseurs. À partir de la fin du XVIIIe siècle, de
véritables analyses théoriques se développent, avec des économistes dont les idées se rapprochent
suffisamment pour pouvoir être considérés comme appartenant à des « écoles de pensées ».

Section 1 : LES PRÉMICES DE LA PENSÉE ÉCONOMIQUE


1- L’antiquité gréco-romaine
La pensée antique n’est pas une pensée économique au sens propre, mais elle fait appel, par le
biais de la philosophie, à des concepts économiques intéressants. Les premiers signes de la pensée
économique apparaissent en Grèce Antique, notamment avec les philosophes. Trois auteurs se sont
particulièrement illustrés par leurs réflexions économiques : Xénophon, Platon et Aristote.
1-1- Xénophon : l’économique comme art de la gestion domestique
C’est à Xénophon (vers 426 – 354 av. J-C.), élève de Socrate, que l’on doit le terme « Économie
». En effet, L’Économique (Oikonomikos en grec), « L’art et la manière de bien manager un grand
domaine agricole », œuvre de Xénophon, traite du management d’un grand domaine foncier, au
plan humain et technique. Dans cette œuvre, Xénophon aborde divers sujets à savoir : l'essence de
la valeur, au sens économique du terme, l'éducation et le rôle de la femme, la supériorité de
l'agriculture sur l'artisanat, l'art de commander et de se faire obéir (le leadership) « un don des
dieux ». Xénophon s’intéresse particulièrement à l’agriculture et met en évidence son importance
dans la production des richesses. Selon lui la terre ne « ment pas » et « traite bien qui la traite
bien ».
Sur la façon de bien conduire un domaine, on retiendra aussi que pour Xénophon, c’est à la femme
que revient le rôle de l’entretien de la maison (oikos), tandis que la politique est l’affaire des
hommes et le travail celui des seuls esclaves.
1-2- Platon : de la cité « réelle » à la Cité « idéale »
Les réflexions économiques de Platon (428 - 347 av. J.- C.) sont principalement développées dans
ses deux ouvrages majeurs que sont « La République » et « Les Lois », dans lesquelles il imagine
une cité parfaite qui repose sur le partage des biens, la morale et la justice. Cette cité repose
également sur l’éducation qui doit être parfaite pour qu’elle perdure.
Dans La République, il imagine une cité parfaite fondée sur la division du travail où chaque
homme est spécialisé dans une activité. C’est en fonction des aptitudes de chacun que le système
est créé ; les classes inférieures (les artisans et les commerçants) sont ainsi chargées de la vie
économique, alors que les classes dites supérieures (les gardiens dirigeant la cité dont la principale
qualité doit être la sagesse et les guerriers la défendant dont la principale qualité doit être le
courage) sont écartées de toute activité économique (elles se chargent de la politique).

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Par ailleurs, Platon envisage également un communisme intégral (et donc une société sans
propriété privée) qui passe par un strict contrôle « collectif » des pratiques et des relations
économiques.
Lorsqu’il s’interroge dans Les Lois sur les cités possibles qui seraient à même de se rapprocher de
cet idéal, Platon y confirme que prospérité et richesse ne doivent pas être une fin en soi et que les
seules quêtes de ces cités doivent être la justice et l’harmonie sociale, fondées sur le respect des
vertus morales cardinales (sagesse, courage, justice, tempérance).
1-3- Aristote et la condamnation morale de l’enrichissement
Aristote (384-322 avant J.-C.) fut élève de Platon pendant 20 ans, avant de quitter l’école pour
cause de divergence théorique avec son maître. Il évoque les questions économiques dans deux
de ses écrits : La Politique et L’Ethique à Nicomaque, dans lesquels il expose sa méthode
d’observation des faits.
Aristote, au contraire de Platon, s’oppose au communisme, qui selon lui ne permet pas l’ordre au
sein de la société. La propriété privée est pour lui synonyme de paix sociale car les hommes ne
prennent pas soin de ce qui ne leur appartient pas directement. Ainsi, on ne peut faire reposer une
société sur la mise en commun des biens. Aristote opère également une distinction entre
l’économie (qui signifie l’autoconsommation, et donc le travail directement pour se nourrir) et
la chrématistique (l’acquisition de richesses, et donc la consommation), en se fondant sur le même
postulat que Platon : le but même de la vie ne doit pas être l’accumulation de richesse. Selon lui,
l’acquisition de richesses « naturelle » (et donc nécessaires à la vie) permet la satisfaction naturelle
et la survie du groupe. En revanche, il existe une forme dégénérée de la chrématistique, la
"chrématistique mercantile" par laquelle on acquiert des biens à outrance, des biens superflus.
On voit ainsi la distinction entre les biens utiles à la vie, et les biens superflus. L’activité
économique doit donc se limiter à la satisfaction des besoins familiaux, et ne pas rechercher
l’enrichissement, sans quoi elle remet en cause l’ordre naturel.
Aristote est le premier à définir les trois fonctions monétaires : étalon des valeurs, moyen
d’échange et réserve de valeur (instrument d’épargne). De son point de vue, la monnaie est avant
tout un « moyen » d’échange. Puisque telle est sa nature, faire de la monnaie une finalité de
l’activité économique, une richesse en elle-même, est donc lui faire jouer un rôle contre-nature, et
va donc à l’encontre de l’ordre naturel. C’est donc par perversion que la monnaie est devenue «
principe et fin de l’échange commercial ». L’activité économique est donc condamnée dès lors
qu’elle s’écarte de la seule juste satisfaction des besoins familiaux ; l’enrichissement (monétaire)
est banni et la pratique de l’usure (bien souvent confondue avec celle de l’intérêt) est également
condamnée : faire payer un intérêt, c’est faire du profit avec la monnaie elle-même, c’est encore
une fois faire de la monnaie la finalité et non le moyen de la transaction, alors qu’elle n’a pas été
instaurée pour cet usage.
2- L’économie médiévale
L’économie au Moyen Age est dominée par la religion, par le dogme et la foi, essentiellement
dans la formulation qu’en a donné Saint Thomas d’Aquin (1226 - 1274) dans sa Somme
Théologique, qui s’inscrit parfaitement dans le prolongement d’Aristote.
Elle est basée sur :
­ la méfiance vis-à-vis de la richesse
On s’en tient à la parole biblique : « il est plus facile à un chameau de passer par le chas d’une
aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume des cieux ».
­ la condamnation de l’usure
L’usure et l’intérêt étaient interdits condamnés (« tu ne prêteras point ton argent à intérêt, et tu ne
prêteras point tes vivres à usure ».
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­ l’exaltation du travail
Le travail est glorifié (« tu gagneras ton pain à la sueur de ton front »). Les moines donnent
l’exemple comme l’indique la devise des bénédictins ora et labora (prie et travaille)
­ la propriété privée
La propriété privée est acceptée mais le propriétaire a des devoirs vis-à-vis de Dieu et des pauvres.
­ le juste prix
Le prix ne doit contenir que la juste rémunération du travail. Profiter de la pénurie pour augmenter
les prix mène tout droit en enfer. Déjà à Rome les spéculateurs étaient condamnés à la lapidation.
La loi de l’offre et de la demande est donc connue mais elle est rejetée comme immorale.

Section 2 : LES PRÉCURSEURS


1- Les mercantilistes
1-1- Définition du mercantilisme
Le mercantilisme est une doctrine économique qui se situe historiquement à la fin du Moyen-âge
(XVIe et XVIIe siècle) et marque aussi la fin de la prééminence des doctrines de l'Église dans
l'organisation sociale. Il prône le développement économique par l'enrichissement des nations au
moyen du commerce en général, du commerce extérieur en particulier, mais aussi de
l'industrialisation.
NB : Les mercantilistes ne sont pas des « penseurs » et ils ne forment pas une école constituée
portant un regard commun sur les réalités économiques. Ce sont plutôt des « hommes de l’art »,
marchands et financiers le plus souvent, « fonctionnaires » parfois, qui, dans le cadre de leurs
activités, sont aux prises avec les questions économiques, en tirent des conceptions pratiques dont
ils essaient de déduire des convictions plus générales.
1-2- La doctrine mercantiliste
Le mercantilisme est très hétérogène (diversité dans le temps et dans l’espace). Les thèmes
économiques sont principalement la réflexion sur le commerce international, le rôle de la monnaie
et l’intervention de l’État dans l’économie.
 Le commerce international
Pour les auteurs mercantilistes, le commerce est source d’enrichissement, dans la mesure où il est
la meilleure manière d’accumuler de l’or. Comme la richesse repose sur l’or que détient un pays,
il faut exporter beaucoup et être payé en or ou convertir les gains en or.
Les importations sont limitées car elles sont considérées comme néfastes. Les mercantilistes
développent ainsi une pensée protectionniste, en instaurant des barrières tarifaires entre les pays.
 Le rôle de la monnaie
Pour les mercantilistes, la richesse est monétaire, la plupart des mercantilistes associant la
richesse à la possession de métaux précieux, notamment l’or.
Les auteurs mercantilistes des XVIe et XVIIe siècles considèrent donc l’accumulation de richesse
monétaire (or notamment) comme une finalité en soit, aboutissant au bullionnisme (issu du mot
anglais bullion qui désigne l’or en barre) ou au chrysohédonisme (attitude visant à atteindre le
bonheur par la possession d’or).

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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

Toutefois, il y a un clivage entre ceux qui pensent que l’augmentation de la quantité de monnaie
dans l’économie a des effets inflationnistes, et ceux qui pensent qu’elle permet de soutenir
l’activité économique.
Chez les bullionistes, la quantité de monnaie est confondue avec la richesse du pays : un pays
riche, est un pays qui dispose de beaucoup de monnaie (d’or). A ceux-là, on oppose les auteurs
dont l’analyse est plus fine et qui sont les précurseurs de la théorie quantitative de la monnaie (Jean
Bodin).
 Le rôle de l’État
Pour les mercantilistes, l’État doit intervenir dans l’économie, car la meilleure manière de
garantir un commerce extérieur excédentaire est que l’État mette en place une politique tarifaire
protectionniste. Il doit ainsi favoriser les importations de produits de base et de matières
premières, et l’exportation de produits finis et manufacturés. Il doit au contraire décourager, voire
interdire les importations des produits finis et manufacturés et les exportations de produits de base
et de matières premières.
Plus généralement, ils réclament une intervention systématique de l’État dans tous les domaines
de la vie économique visant à pérenniser, protéger et développer l’activité des marchands : établir
des règlements qui protègent les métiers nationaux de la concurrence extérieure, dicter des
normes de fabrication très strictes afin d’évincer la concurrence extérieure (protectionnisme de
norme), adopter une politique fiscale qui n’écrase pas trop les artisans, les marchands et les
financiers, etc.
1-3- Les variantes du mercantilisme
Le mercantilisme se décline différemment selon les pays. On distingue ainsi trois types de
mercantilisme :
 Le mercantilisme espagnol (ibérique)
Il a été plus particulièrement « bullionniste », car soucieux de tirer le métal précieux de
l’exploitation des colonies et de le garder. Il est né de la préoccupation spécifique de l'Espagne de
conserver l'or qui venait de ses conquêtes, en vue d’accroître sa richesse (au XVIe siècle, l'Espagne
a colonisé l'Amérique du sud et contrôlé l'exploitation des mines d'or du Mexique et du Pérou). Il
est représenté par Ortiz et Olivarès.
 Le mercantilisme français
Il est principalement « industrialiste ». Il préconise l’enrichissement de l’État, mais est surtout
caractérisé, à partir de la fin du XVIe siècle, par l’accent mis sur la nécessité du développement
de l’artisanat et de l’industrie à l’intérieur du royaume. En outre l’État doit donner l’exemple en
créant des manufactures (usines). Il est représenté par des hommes tels que Jean Bodin (1530-
1596), Antoine de Montchrestien (1575-1621) ou Jean-Baptiste Colbert (1619-1683).
 Le mercantilisme anglais
Il fait l'apologie de l'enrichissement par le commerce en général et le commerce maritime en
particulier. En effet, les auteurs anglais recommandent diverses mesures dont : l'augmentation des
droits de douane, source de recettes pour l’État et en même temps moyen de réduction des
importations ; la subvention des exportations pour accroître la compétitivité de l'économie ;
l'accumulation de métaux précieux en vue d’augmenter la masse monétaire, de maintenir des taux
d'intérêt très faibles, de stimuler l’investissement et la production. Il est représenté par Thomas
Gresham (1519-1579), Thomas Mun (1571-1641), William Petty (1623-1687), David Hume
(1711-1776), Josiah Child (1630-1699), John Locke.
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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

NB : L’écossais John LAW (1671-1729) a expérimenté le mercantilisme fiduciaire qui est basé
sur l'idée que le développement économique (donc l'enrichissement de l'État) ne peut se faire que
s'il existe un système bancaire, basé sur la circulation de billets émis par une banque centrale pour
suppléer à l'insuffisance de la monnaie en vue de financer les besoins de l'activité, ces billets étant
eux-mêmes gagés sur l'or détenu par la banque.
2- Les physiocrates
2-1- Définition
La physiocratie est une doctrine du XVIIIe sièècle qui soutenaient que la terre (c-à-d l’agriculture)
était la seule source de richesse. Les physiocrates considéraient par ailleurs la paysannerie comme
la seule classe productive, les autres activités (industrie, commerce) étant considérées comme
stériles. La physiocratie est l’œuvre d’économistes français dont le chef de file est le médecin
François Quesnay (1694 -1774), auteur du tableau économique (1758).
2-2- La doctrine physiocrate
La physiocratie s’oppose fondamentalement au mercantilisme. En effet, pour les physiocrates :
 La richesse est réelle, c'est-à-dire qu’elle est constituée de biens matériels et non pas de
monnaies (or ou argent). La monnaie apparaît essentielle à la circulation des richesses ;
 L’agriculture, seule, est productrice de richesses. En outre, les physiocrates,
contemporains de la « révolution agricole » qui précède immédiatement la Révolution
industrielle, considèrent que seule l’agriculture est à même d’accroître le montant de
richesses. Au contraire, l’industrie est réputé être « stérile », car ne faisant que transformer
les richesses, mais ne créant pas de surplus ;
 Il existe un ordre naturel qui décrit la circulation des richesses entre les différentes classes
de la société.
Les physiocrates posent les bases du libéralisme en considérant que la propriété privée est
primordiale. Ils préconisent déjà le « laissez faire, laissez passer ».

Section 3 : LES VÉRITABLES COURANTS DE LA PENSÉE


ÉCONOMIQUE
1- Les classiques
Les économistes classiques sont contemporains de la révolution industrielle. L'appellation
« classique » est due à Karl Marx qui constate chez les différents auteurs de cette époque une
convergence de critères d'analyse : une même théorie de la valeur, une étude des rapports de classe,
une défense du libéralisme économique.
Les principaux auteurs classiques sont :
­ Adam Smith (1723-1790), Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations
(1776) ;
­ Thomas Robert Malthus (1766-1834), Essai sur le principe de population (1798) ;
­ Jean Baptiste Say (1767-1832), Traité d'économie politique (1803) ;
­ David Ricardo (1772-1823), Principes de l'économie politique et de l'impôt (1817) ;
­ John Stuart Mill (1806-1873), Principes de l'économie politique (1848).

1-1- L'adhésion à la théorie de la valeur travail

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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

Adam Smith (1776) et David Ricardo (1817) distinguent, pour leur raisonnement, la valeur d'usage
et la valeur d'échange des biens. La valeur d'usage dépend de la satisfaction que le bien procure à
la société, la valeur d'échange correspond à la quantité d'autres biens que l'on peut obtenir en
échange du bien produit. Ils ne s'intéressent qu'à la valeur d'échange et indiquent que la valeur d'un
bien provient de la quantité de travail nécessaire à sa fabrication.
Ricardo précise que le travail est à la fois direct (le travail proprement dit) et indirect par
l'intermédiaire des machines utilisées en production (ces biens de production ont nécessairement
été créés grâce à du travail).
Les richesses produites proviennent donc de la plus ou moins grande quantité de travail disponible
dans l'économie. Pour cette raison, Smith considère qu'il est primordial de mieux produire pour
produire plus, en divisant le travail en tâches élémentaires. Il cite pour cela l'exemple d'une
manufacture d'épingles.
Il montre à travers cet exemple que la division du travail est source d'augmentation de la
productivité, grâce à l'élimination des pertes de temps de passage d'une tâche à l'autre, et à l'effet
d'expérience obtenue dans la répétition de la tâche.
1-2- Une analyse macroéconomique en termes de classes sociales
Les auteurs classiques voient l'économie comme une science de l'accumulation des richesses. Ils
s'interrogent logiquement sur la manière d'augmenter les richesses produites, mais aussi sur la
façon de les répartir. Ils proposent alors une division de la société en classes sociales (les
travailleurs, les capitalistes et les propriétaires terriens), chacune obtenant une partie du revenu
global.
Ainsi, les travailleurs sont rémunérés au minimum de subsistance, ou taux de salaire naturel.
Ricardo (1817) indique que « le prix naturel du travail est celui qui fournit aux ouvriers, en général,
le moyen de subsister et de perpétuer leur espèce sans accroissement ni diminution ». Les salaires
gravitent nécessairement autour du salaire naturel car, si les travailleurs percevaient des salaires
plus élevés ils seraient conduits à élever une famille plus nombreuse, augmentant le nombre de
bras disponibles sur le marché du travail. Il en résulterait automatiquement une baisse des salaires.
Cependant, Ricardo précise que le salaire naturel n'est pas absolument fixe et constant, mais qu'il
varie dans le temps et selon les lieux.
Le panier de biens qu'il permet d'obtenir dépend du contexte social.
Les propriétaires fonciers sont eux rémunérés grâce à la rente que leur procure la terre qu'ils
louent. Or, pour accroître la production agricole, il est nécessaire de mettre en culture des terres
de moins en moins fertiles (loi des rendements décroissants). Les récoltes réalisées sur ces terres
sont moins importantes que sur les premières, pour un même volume de travail.
Il en résulte que le loyer de la terre est moins élevé (sinon personne ne voudrait de ces terres), et
les prix des produits agricoles plus élevés. Par différence avec le loyer des terres les plus fertiles,
on obtient la rente des propriétaires terriens qui possèdent les meilleures terres.
Pour Ricardo, la hausse du salaire naturel consécutive à la hausse des prix des denrées agricoles
(puisque le salaire naturel se fixe au niveau du minimum de subsistance) grève les profits des
entrepreneurs. Il faudrait pouvoir payer le blé moins cher pour faire baisser le salaire naturel. En
ayant recours, par exemple, aux importations de blé en provenance de l'étranger.
1-3- Des adeptes du libéralisme économique
Pour les classiques, le libéralisme économique est l'état idéal et naturellement favorable à
l'augmentation des richesses produites. Ce libéralisme économique peut s'illustrer par la phrase
célèbre du physiocrate Vincent de Gournay : « laissez faire les hommes, laissez passer les
marchandises ». Elle indique que l'État ne doit pas intervenir et qu'aucun obstacle à la circulation
des marchandises ne doit être érigé.

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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

On retrouve cette idée dans le principe de la « main invisible » d'Adam Smith. Selon ce principe,
tout individu qui poursuit un intérêt purement individuel, voire égoïste, œuvre pour l'intérêt
collectif, ou la prospérité générale.
Pour Jean-Baptiste Say (1803), les crises générales de surproduction sont impossibles, simplement
parce que « les produits s'échangent contre les produits ». Cette « loi des débouchés », ou loi de
Say, a été reformulée par Keynes (1936) sous l'expression « l'offre crée sa propre demande ». La
production crée un montant de revenus distribués nécessairement égal en valeur à cette production,
puisque le prix d'un bien comprend des revenus distribués aux salariés, aux autres producteurs
auprès desquels l'entreprise s'approvisionne, aux propriétaires de l'entreprise, voire à l'État sous
forme d'impôts et taxes. Ces mêmes revenus donnent lieu à une consommation et à une épargne.
L'épargne est intégralement investie car sinon son détenteur se priverait d'une rémunération
possible. Finalement, que cela soit sous forme de biens de consommation, ou de biens de
production, les revenus contribuent entièrement à une demande de biens auprès des producteurs.
Si globalement la valeur des biens produits est égale à la valeur des biens demandés, il se peut tout
de même que des déséquilibres sectoriels apparaissent. Mais, si sur un marché l'offre est supérieure
à la demande, c'est qu'il existe nécessairement au moins un autre marché pour lequel la demande
est supérieure à l'offre. Dans ce cas, J.-B. Say montre que les mécanismes de l'offre et de la
demande conduisent à un rééquilibrage dans tous les secteurs, sans qu'une intervention de l'État
soit nécessaire.
Pour les économistes classiques en général, l'État doit se contenter de remplir ses fonctions
régaliennes (Police, Justice, Armée), même si l'on trouve déjà chez Adam Smith l'idée que l'État
doit prendre en mains les activités utiles à la nation, mais délaissées par le marché, dans le cadre
de la production de biens publics.
Enfin, Ricardo (1817) et Smith (1776), notamment, sont des partisans du libre-échange. Ils
montrent que chaque pays a intérêt à ouvrir ses frontières, et à se spécialiser dans les productions
pour lesquelles il est avantagé, car le total des richesses produites par l'ensemble des pays en
situation de libre-échange, est supérieur au total produit en autarcie.
D'ailleurs, Ricardo prône le libre échange pour favoriser l'importation en Angleterre de blé
français. L'abolition des corn laws en 1846 marquera la victoire du libre-échangisme sur le
protectionnisme. Favorisant la baisse du prix du blé, et donc du salaire naturel, l'ouverture des
frontières anglaises devait permettre aux capitalistes d'accroître leurs profits, donc leurs
investissements pour poursuivre la révolution industrielle.
2- L'économie chez Marx
Dans ce contexte de révolution industrielle, Karl Marx (1818-1883) est indigné par le spectacle de
la misère et de l'ampleur des crises capitalistes. À la fois philosophe, économiste et historien, il va
proposer la première analyse d'ensemble du système capitaliste et de ses crises. Mais Marx se veut
également un homme d'action, ce qui va l'amener à militer pour renverser le système capitaliste au
profit du communisme, le socialisme ne constituant qu'une période transitoire.
Il s'appuie, pour sa démonstration, sur la théorie de la valeur travail, et procède à une analyse en
termes de classes sociales (prolétaires et bourgeois capitalistes).
2-1- L'exploitation des prolétaires par les capitalistes
Marx (Le capital, 1857) reprend la théorie de la valeur travail dans sa version ricardienne.
Nous savons que la valeur des biens correspond au temps de travail moyen qu'ils incorporent pour
leur réalisation. Ainsi, cette valeur se décompose en travail « mort », déjà incorporé dans les
moyens de production, et en travail « vivant » mis en œuvre au cours de la production. Toutefois,
en économie capitaliste, la force de travail est considérée comme une marchandise qui s'échange
sur un marché. Le déséquilibre offre-demande, sur le marché du travail, conduit alors à une baisse
du prix de cette marchandise : le salaire. C'est parce qu'il existe une « armée industrielle de réserve
», ou population au chômage, que l'offre de travail est toujours supérieure à la demande. En
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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

définitive, la rémunération de la force de travail est inférieure à la valeur que celle-ci produit. La
différence, appelée plus-value, est accaparée par les propriétaires des moyens de production, qui
peuvent s'en servir pour exploiter d'autres individus ou classes.
En effet, l'exploitation est rendue possible par le fait que les prolétaires n'ont à vendre que leur
force de travail pour subsister, force de travail qui nécessite, pour être mise en œuvre, des moyens
de production détenus par d'autres, les bourgeois capitalistes. Ce qui distingue le capitaliste du
prolétaire c'est que seul le premier détient la propriété privée des moyens de production.
Si la journée de travail est de 8 heures et que 5 heures suffisent pour assurer l'entretien de la force
de travail (salaire fixé au minimum de subsistance), la plus-value dégagée est donc de
3 heures.
L'appropriation de la plus-value constitue le fondement de l'exploitation des prolétaires par les
capitalistes.
2-2- La baisse tendancielle du taux de profit
Marx note c la valeur du travail mort (machines et biens achetés déjà produits), qu'il appelle aussi
« capital constant » car sa valeur est simplement transmise dans le produit final à l'issue du
processus de production. Il note également v, le prix du travail vivant, ou « capital variable » au
sens où son utilisation dans le processus de production conduit à une création de valeur. En somme,
pour produire, le capitaliste avance une somme égale à c + v et récupère une somme égale à
c + v + p, si l'on note p la plus-value réalisée. On peut alors exprimer le taux de profit de ce
capitaliste comme le rapport entre le bénéfice réalisé (la plus-value p) et le capital investi (c + v) :
/
Taux de profit= p /(c + v) ou encore /
=
où e = p/v désigne le taux d'exploitation de la force de travail, ou taux de plus-value, et
g= c/v la composition organique du capital.
e correspond au pourcentage de plus-value extorquée aux prolétaires, g renvoie à l'intensité
capitalistique de la combinaison de production (plus ou moins de machines, ou plus ou moins
d'hommes, pour produire).
Marx indique que la concurrence entre capitalistes conduit à l'achat de machines toujours plus
récentes parce qu'elles intègrent le progrès technique et plus productives (elles permettent de
produire plus de marchandises dans un même temps de travail). La loi de l'accumulation (investir
toujours plus de plus-value réalisée) amène à une suraccumulation de capital. Ainsi, les capitalistes
investissent toujours plus de capital constant c, pour un volume donné de capital variable v. Il en
découle une hausse de c/v qui conduit à faire baisser le taux de profit.
La loi de la baisse tendancielle du taux de profit exprime que la hausse de la composition
organique du capital c/v tend à faire baisser les profits des capitalistes.
Cette loi n'est que tendancielle, pour Marx, car d'autres effets entrent en jeu qui contrecarrent la
baisse du taux de profit. Les capitalistes peuvent par exemple augmenter le taux d'exploitation p/v
en allongeant la durée de travail des ouvriers pour un même salaire versé (si les ouvriers travaillent
9 heures, la plus-value dégagée est désormais de 4 heures).
En somme, seul le travail vivant est à l'origine de la plus-value, mais la concurrence entre
capitalistes conduit à une hausse de la part du travail mort par rapport au travail vivant, ce qui
limite les possibilités de plus-value. Pour Marx, le capitalisme porte en lui les germes de sa propre
fin.
2-3- Crises du capitalisme et passage au socialisme
Les crises capitalistes résultent de la baisse tendancielle du taux de profit. Même si des effets
jouent en sens inverse, le fait d'utiliser de plus en plus de machines et des hommes de moins en
moins bien rémunérés réduit à la fois les possibilités de plus-value et les débouchés des entreprises.

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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

Les crises du système capitalistes sont donc à la fois des crises de surproduction et des crises de
sous consommation : surproduction de capital, et sous consommation de biens. La surproduction
entraîne une baisse des prix et la faillite des entreprises les moins performantes.
Les crises apparaissent donc comme des mécanismes de régulation du système capitaliste. Mais,
de crise en crise, le système est appelé à disparaître.
Puisque le système capitaliste repose sur l'exploitation des prolétaires, et que celle-ci n'est possible
que parce qu'existe la propriété privée, Marx préconise le passage à la propriété collective des
moyens de production qui permettra d'abolir l'exploitation. Ainsi disparaît la classe capitaliste et
avec elle la notion de classes sociales, puisqu'il n'en reste plus qu'une, celle des prolétaires.
3- Les néoclassiques
L'école néoclassique marque une rupture dans l'évolution de la théorie économique, contrairement
à ce que laisse entendre le préfixe « néo ». Si la science économique était jusque-là la science de
l'accumulation des richesses, elle devient la science de la rareté et de l'allocation des ressources,
au sens où Lionel Robbins (1932) la définit. Elle s'appuie sur une nouvelle conception de la valeur,
et une approche microéconomique en termes d'équilibre sur le marché. Comme les classiques, les
néoclassiques sont dans l'ensemble des défenseurs du libéralisme économique.
Les principaux auteurs néoclassiques sont :
­ Stanley Jevons (1835-1882), Théorie de l'économie politique (1871) ;
­ Carl Menger (1840 - 1921), Les fondements de l'économie politique (1871) ;
­ Léon Walras (1834-1910), Éléments d'économie politique pure ou théorie de la richesse
sociale (1874) ;04
­ Vilfredo Pareto (1848-1923), Manuel d'économie politique (1907) ;
­ Alfred Marshall (1842-1924), Principes d'économie politique (1890) ;
­ Arthur Cécil Pigou (1877-1959), L'économie du bien-être (1920).
3-1- La théorie de la valeur utilité
Au début des années 1870, trois auteurs ont mis en évidence, isolés les uns des autres, le concept
d'utilité marginale sous des appellations différentes : Stanley Jevons (1871), Carl
Menger (1871) et Léon Walras (1874).
Les insuffisances de la théorie de la valeur travail, sur lesquelles butaient Ricardo et Marx eux-
mêmes, ont conduit les auteurs néoclassiques à l'abandonner au profit de la valeur utilité que l'on
retrouvait déjà dans les écrits d'Aristote, mais aussi chez Richard Cantillon
(1697-1734) et Condillac (1714-1780).
Ce qui fait la valeur d'un bien n'est pas la quantité de travail nécessaire à sa fabrication, mais
l'utilité qu'il procure à celui qui le consomme. Plus précisément, la valeur d'un bien résulte de la
dernière unité du bien consommée. Celle-ci est décroissante à l'image de la satisfaction qu'apporte
la consommation successive de crêpes : si la première satisfait la gourmandise et la faim, la
dixième risque d'écœurer et être source de désutilité, ou insatisfaction. En somme, il faut distinguer
l'utilité totale d'un bien (celle procurée par les 10 crêpes mangées) qui est en général croissante, et
l'utilité marginale (celle apportée par la consommation de la dernière unité) qui est, elle,
décroissante. Mais l'acquisition du bien est aussi source d'insatisfaction, puisque l'on doit payer un
prix, c'est-à-dire se séparer d'une quantité de monnaie. Tant que l'insatisfaction liée au prix est
inférieure à l'utilité de la consommation, l'individu continuera à acheter du bien, pour peu qu'avec
une même dépense il ne puisse obtenir plus d’utilité en achetant un autre bien.
Avec l'utilité marginale, la valeur d'un bien devient subjective, puisqu'elle diffère d'un individu à
l'autre, et s'oppose à la valeur travail qui se voulait objective. Valeur et prix de marché se
distinguent à nouveau : la valeur d'un bien pour un individu se mesure au prix qu'il est disposé à
payer pour obtenir ce bien (son prix de réserve), prix qui peut être différent de celui constaté sur
le marché.
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3-2- Une approche microéconomique


L'approche des néoclassiques relève de l'individualisme méthodologique. En choisissant un
individu type pour étudier son comportement, on suppose que la somme des comportements types
donnera une explication des phénomènes globaux. Les détracteurs de l'approche microéconomique
des néoclassiques parlent d'homo economicus.
Cet individu type est supposé rationnel, qu'il ait un comportement de consommateur ou de
producteur. Le premier va chercher à maximiser sa satisfaction compte tenu des prix des biens et
du budget dont il dispose. Le second s'efforcera de maximiser son profit sous une contrainte
technique de production.
Tous deux utilisent le raisonnement à la marge. C'est pourquoi d'ailleurs, les premiers auteurs du
courant néoclassique étaient qualifiés de « marginalistes ». Par exemple, un producteur va
embaucher successivement des individus tant que ce que rapporte le dernier embauché (donc à la
marge) est supérieur à son coût. En somme, tant que la production marginale en valeur, supplément
de production en valeur qui découle du dernier employé, est supérieure au salaire nominal versé.
À l'image des terres de moins en moins fertiles, la production marginale, ou productivité
marginale, est décroissante. Les néoclassiques considèrent, en effet, que la loi des rendements
décroissants s'applique à l'industrie.
Il convient de préciser que cette approche exclut la notion de classes sociales que l'on trouvait chez
Marx et les classiques. Sont ici niés, dans un premier temps, les rapports de force sociaux.
3-3- Une théorie de l'équilibre
Les agents économiques expriment leurs besoins sur les marchés, qui permettent de déterminer les
prix. La théorie néoclassique distingue notamment : le marché des biens et services, le marché du
travail et le marché des capitaux.
On peut tout d'abord raisonner en terme d'équilibre partiel, sur un seul marché, comme le
fait Alfred Marshall (1890).
Sur le marché des biens et services, pour chaque consommateur par exemple, la demande de biens
est une fonction décroissante du prix, alors que pour chaque producteur l'offre est une fonction
croissante. L'agrégation des fonctions d'offre et de demande individuelles donne ensuite les
courbes d'offre et de demande sur le marché. L'équilibre est obtenu au point de rencontre des deux
courbes.
L'analyse montre que l'équilibre est efficace au sens de Pareto, ou encore est un optimum de Pareto
(Manuel d'économie politique, 1906).
Un optimum de Pareto désigne une situation dans laquelle on ne peut améliorer la satisfaction d'un
individu sans être obligé de détériorer celle d'au moins un autre.
Sous certaines conditions, le premier théorème fondamental de l'économie du bien-être montre
que tout équilibre de marché est une situation optimale au sens de Pareto. Ces conditions sont
celles de la concurrence pure sur des marchés parfaits :
­ Atomicité : présence d'une multitude d'agents de telle sorte qu'aucun ne puisse à lui seul
influencer le marché ;
­ Homogénéité : les agents et les biens ne se distinguent que par leurs caractéristiques
intrinsèques ;
­ Transparence : tous les agents disposent de la même information ;
­ Libre entrée : absence de positions acquises, de barrières légales, techniques ou financières.
La flexibilité des prix fait de l'équilibre obtenu un équilibre stable, y compris sur le marché du
travail. Les individus qui n'acceptent pas de travailler pour un niveau de salaire égal à celui du
marché du travail sont des chômeurs « volontaires ». On envisage enfin une approche en équilibre
général, présentée par Léon Walras, c'est-à-dire une analyse de l'équilibre simultané de tous les
marchés de l'économie. Dans cette économie où le rôle de la monnaie est joué par un bien, la loi
de Walras nous indique que si n-1 marchés sont en équilibres, le nième marché l'est aussi. Il s'agit

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d'une conséquence de la loi de Say puisque l'offre est globalement égale à la demande. Toutefois,
le rôle de la monnaie qu'implique la loi de Say est limité et ne semble pas correspondre à la réalité
observable. Keynes (1936) va proposer une explication différente du rôle de la monnaie, en
critiquant la loi de Say.
4- L'analyse keynésienne
John Maynard Keynes (1883-1946) observe la grande crise des années trente et refuse de croire
que les mécanismes autorégulateurs du marché permettent de résoudre les problèmes de chômage
et de déflation (baisse cumulée des prix et de la production).
Il ne raisonne donc pas en termes de marché mais plutôt sous l'angle du circuit économique qui
met en relation les grandes variables économiques, et ce à court terme. Il fait part de ses réflexions
dans un ouvrage fondamental de la science économique, La théorie générale de l'emploi, de
l'intérêt et de la monnaie en 1936.
4-1- Une analyse macroéconomique en termes de circuit
Dans ce circuit, ce n'est pas l'offre qui crée la demande, mais la demande qui constitue le point de
départ. Plus exactement, en situation d'incertitude sur l'avenir, les entrepreneurs font des prévisions
sur le volume de la demande qui va s'adresser à eux. Cette anticipation de la demande est appelée
« demande effective » par Keynes.
La demande effective est une anticipation de la demande globale à venir faite par les entrepreneurs.
C'est à partir de ces prévisions que les entrepreneurs vont déterminer le volume à produire et par
conséquent le niveau de l'investissement et de l'emploi, nécessaires pour réaliser cette production.
Cependant, si les prévisions des entrepreneurs sont pessimistes, le niveau de l'emploi peut très bien
être inférieur à celui qui permettrait d'embaucher toute la main d'œuvre disponible. On se situe
donc en équilibre de sous-emploi (des facteurs de production).
Le chômage n'est donc pas forcément volontaire : il existe bien des individus qui désirent travailler
au salaire en vigueur sur le marché du travail mais qui ne trouvent pas d'emploi.
4-2- La possibilité de crises de surproduction
Keynes montre que les déséquilibres peuvent être durables entre l'offre et la demande, simplement
parce que l'épargne n'est pas nécessairement réinvestie. La loi de Say indique une parfaite identité
entre épargne et investissement : toute épargne est nécessairement investie car il est rationnel pour
un individu de préférer une épargne rémunérée à une épargne non rémunérée.
John Maynard Keynes ne voit pas les choses ainsi. Selon lui, la monnaie peut être demandée pour
elle-même et thésaurisée par les agents économiques. En effet, elle est utile pour les transactions
que l'on prévoit sur une courte période (demande de monnaie pour motif de transaction), mais elle
constitue aussi une précaution en cas de dépenses exceptionnelles non prévues (demande de
monnaie pour motif de précaution). En outre, placer son épargne et détenir des titres financiers
n'est pas toujours rationnel. En cas de chute des cours, l'épargnant perd beaucoup plus que s'il
s'était contenté de conserver son épargne sous forme liquide. En situation d'incertitude sur
l'évolution des cours, les agents économiques sont parfois appelés à ne pas investir, et à conserver
la monnaie en attente d'une meilleure occasion de la placer (demande de monnaie pour motif de
spéculation).
Dès lors, la somme des revenus distribués à l'occasion de la production ne revient pas
intégralement sous forme de demande aux entreprises. Il peut y avoir une surproduction durable,
en raison de la fuite dans le circuit que représente la thésaurisation (épargne thésaurisée). L'offre
ne crée pas une demande strictement égale en valeur.
4-3- Une intervention nécessaire de l'État
Keynes a donné une explication des déséquilibres durables que connaît le système capitaliste.

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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

Il conteste en outre que la baisse des salaires sur le marché du travail, dans une logique de marché,
puisse résoudre le chômage. Au contraire, elle serait néfaste à la consommation des ménages et
réduirait la demande effective. Keynes n'en conclut surtout pas qu'il faudrait dans ce cas augmenter
les salaires, mais plutôt éviter de baisser les salaires nominaux, quitte à ce que les entreprises
relèvent leurs prix. Il se rapproche ici curieusement d'une logique néoclassique qu'il combat : la
résorption du chômage par la baisse du taux de salaire réel.
Par contre, un soutien de la demande, c'est-à-dire de la consommation des ménages et de
l'investissement, peut s'avérer judicieux pour modifier les anticipations des entrepreneurs.
Plus optimistes quant à leurs perspectives de débouchés, ceux-ci pourraient être à même de
produire plus et donc d'embaucher davantage. C'est dans le cadre de la politique budgétaire que
Keynes envisage ce soutien à court terme, s'opposant au laisser faire des auteurs néoclassiques qui
prônent les vertus des mécanismes automatiques de retour à l'équilibre des marchés à long terme.
Pour John Maynard Keynes, dans Essais sur la monnaie et l'économie, 1930 : « Le long terme est
un horizon peu intéressant. À long terme nous serons tous morts. Les économistes n'apportent rien
si, en pleine tempête, tout ce qu'ils trouvent à dire c'est qu'une fois l'orage passé, la mer sera calme
».
Si les idées keynésiennes ont longtemps inspiré les politiques économiques menées dans les pays
développés pendant les trente glorieuses, la crise des années soixante-dix a parfois conduit à les
contester.
Section 4 : LA PENSÉE ÉCONOMIQUE CONTEMPORAINE
Les analyses économiques contemporaines peuvent être classées en deux grandes catégories :
celles qui reprennent le champ d'analyse d'un grand courant et celles qui s'en distinguent.
Les premières sont qualifiées d'orthodoxes, les secondes d'hétérodoxes.
En tenant compte des problèmes économiques nouveaux rencontrés, et de l'insuffisance des
modèles de base, les idées des principaux courants sont alors renouvelées. Par contre, la pensée
hétérodoxe s'efforce de bâtir des modèles originaux grâce à l'apport d'autres disciplines telles que
la sociologie, l'histoire, les sciences de la décision.
1- Le prolongement de l'analyse keynésienne
Il existe plusieurs voies empruntées par ceux qui ont voulu reprendre l'esprit de Keynes : celle de
la synthèse des idées keynésiennes et classiques, celle qui oppose la logique de circuit économique
à celle de marchés en équilibres, et celle qui s’efforce de donner des fondements
microéconomiques à la macroéconomie keynésienne.
1-1- Une synthèse des modèles néoclassiques et keynésiens
Dès 1937, John Hicks tente de montrer que l'analyse keynésienne n'est qu'un cas particulier de
l'approche néoclassique, à prix fixes. C'est dans le cadre du modèle IS/LM de Hicks et
Hansen (1953) que sont réunies les principales conclusions de cette étude.
Ce modèle servira de base à la définition des politiques économiques menées dans l'après-guerre.
Celles-ci s'illustrent par le stop and go qui stipule qu'une politique budgétaire expansionniste se
heurte à des effets inflationnistes qu'il convient de limiter en pratiquant une politique de freinage
des dépenses publiques, laquelle induit un chômage que l'on combat en relançant l'activité
économique par le recours au déficit budgétaire, etc.
1-2- La pensée post keynésienne
Les principales avancées de l'analyse keynésienne résident dans le rôle attribué aux banques dans
le circuit économique. La monnaie ne serait pas exogène mais endogène, c'est le processus de
création monétaire qui est à l'origine de tout le circuit économique. La monnaie n'est créée qu'en
réponse à une demande des agents économiques qui font des paris sur l'avenir.

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En prolongeant la tradition de circuit qu'ils observent chez Quesnay (1758) et Marx (1857), les
post keynésiens écartent la vision walrasienne d'une économie comme simple juxtaposition de
marchés interdépendants. Pour eux, les flux économiques sont hiérarchisés avec, au sommet, les
flux de financement de l'économie.

1-3- La nouvelle école keynésienne


La nouvelle économie keynésienne (NEK) quant à elle s'efforce de suivre l'intuition féconde de
Keynes selon laquelle le fonctionnement des marchés est imparfait : les prix ne s'ajustent pas de
manière automatique aux variations de l'offre et de la demande, mais plutôt de manière lente. Ces
imperfections résultent pour les auteurs de la NEK, de l'information insuffisante dont bénéficient
les acteurs des marchés ou d'une information mal partagée (asymétrie d'information).
Par ailleurs, et contrairement à Keynes qui raisonnait essentiellement d'un point de vue
macroéconomique, les auteurs de la Nouvelle Économie Keynésienne s'efforcent de donner des
fondements microéconomiques à leurs modèles macroéconomiques.
2- Le renouveau des idées classiques et néoclassiques
Le modèle néoclassique de base est rapidement contesté dans ses hypothèses, notamment les
conditions de la concurrence pure et parfaite. C'est en relâchant une à une ces hypothèses que
de nouveaux modèles apparaissent.
2-1- Le monétarisme
Pour les monétaristes dont le chef de file est Milton Friedman, de l'École de Chicago, l'origine de
l'inflation est toujours monétaire. Par une reformulation de la théorie quantitative de la monnaie,
Friedman montre qu'il faut procéder à un contrôle strict de la masse monétaire en circulation dans
l'économie. Il conteste en outre l'efficacité des politiques keynésienne de soutien de la demande.
Selon lui, les ménages pensent que le supplément
de revenu dont ils bénéficient, à l'occasion de ces politiques, n'est que transitoire. Ne voulant pas
s'habituer à un niveau de consommation trop élevé, ils préfèrent épargner ce surcroît de revenu.
L'effet sur la demande est donc nul.
2-2- L'école des choix publics
Les principaux auteurs de ce courant sont James Buchanan et Gordon Tullock (1962). Ils
s'efforcent d'étudier la cohérence des décisions publiques. Pour cela, ils montrent que les dirigeants
politiques sont des individus comme les autres auxquels il convient d'appliquer le principe de
rationalité. L'homme politique recherche son intérêt personnel au travers de l'action publique : le
pouvoir. Pour se faire réélire, il peut très bien pratiquer une politique de hausse des dépenses
publiques juste avant un scrutin, même si la situation économique ne l'exige pas. Il faut donc en
conséquence encadrer de manière précise le champ d'action des décideurs publics, et toujours
comparer les vices et vertus de l'intervention de l'État à ceux des marchés.
2-3- La nouvelle économie classique (NEC)
Elle s'appuie sur la théorie des anticipations rationnelles de John Muth (1961) qui veut que chaque
agent économique prenne ses décisions en tenant compte de toute l'information disponible sur le
moment.
Robert Lucas (1971) et Robert Barro (1974) montrent ainsi que les politiques économiques
keynésiennes sont totalement inefficaces. Par exemple, si les dépenses de l'État augmentent,
chacun s'attend à une hausse future des impôts. En conséquence, le supplément de revenu perçu
serait épargné en vue du prélèvement fiscal futur. L'effet sur la consommation des ménages est
nul. En outre, selon le principe d'équivalence ricardienne, remis au goût du jour par Robert Barro,

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il revient au même que le déficit budgétaire soit financé par l'emprunt ou par l'impôt, puisque dans
les deux cas les ménages ne modifient pas leur consommation.
3- Les nouvelles voies de recherche en économie
On peut considérer qu'il existe des approches qui innovent tant au niveau macroéconomique
(croissance endogène) qu'au niveau microéconomique (avec les apports de l'outil que représente
la théorie des jeux).

3-1- Les nouvelles théories de la croissance


Les théories de la croissance endogène montrent que l'intervention de l'État dans l'économie se
justifie pour développer la recherche et la formation.
En effet, les théories traditionnelles de la croissance expliquent que la hausse de la production
résulte en grande partie d'un progrès technique exogène, résultat hasardeux des activités de
recherche isolées d'individus ingénieux. Les théories de la croissance endogène montrent au
contraire que le progrès technique ne peut naître qu'au sein de structures organisées (grandes
entreprises, organismes publics), et qu'il est donc endogène à l'activité économique, à la
production.
Parce qu'ils profitent à l'ensemble des agents économiques, et qu'ils ne peuvent être mis en œuvre
par un seul, les investissements en formation et en recherche, qui permettent l'émergence du
progrès technique, relèvent d'une logique publique. Ce sont eux qui sont à l'origine de la
compétitivité des agents économiques nationaux, compétitivité cruciale pour accroître la
production des richesses et développer les emplois dans l'avenir.
3-2- La nouvelle microéconomie
Elle s'appuie pour l'essentiel sur l'étude de la concurrence imparfaite grâce aux apports de la théorie
des jeux, de l'économie des incitations et de l'information.
Elle conserve l'hypothèse de rationalité des individus, mais montre que lorsque les individus ne
disposent pas de la même information, les mécanismes de marché peuvent conduire à des
impasses. Georges Ackerlof (1970), du courant de la NEK, étudie le marché des voitures
d'occasion et indique que les acheteurs et les vendeurs sont en situation d'asymétrie d'information.
Les vendeurs connaissent mieux l'état de leur véhicule que les acheteurs, et le dissimulent s'il est
mauvais. Si l'on ne peut distinguer les bons des mauvais véhicules, un prix unique s'établira sur le
marché. À ce prix, les possesseurs de voitures en bon état refuseront de vendre, jugeant qu'ils
pourraient obtenir un meilleur prix. Il ne reste donc plus sur le marché que les mauvaises voitures.
Les acheteurs, en raisonnant comme nous venons de le faire, penseront n'avoir affaire qu'à des
véhicules en mauvais état et n'achèteront pas au prix du marché. Le mécanisme de marché, en
asymétrie d'information, ne permet aucun échange si le prix ne baisse pas, et en tout cas élimine
les voitures de bonne qualité. L'intervention de l'État est alors nécessaire pour exiger, par exemple,
un contrôle technique au moment de la transaction.
Pour sa part, la théorie des jeux permet de souligner que la poursuite d'intérêts individuels ne
conduit pas toujours à l'intérêt général, ou que l'équilibre obtenu n'est pas efficace au sens de
Pareto. Elle trouve une application dans la compréhension des décisions d'entreprise en situation
de concurrence imparfaite, comme dans la coordination internationale des politiques économiques.
Au total, la nouvelle microéconomie s'éloigne du modèle purement libéral, elle modifie la
vision d'une économie régulée par la concurrence pure sur des marchés parfaits. Elle inspire autant
le courant de la nouvelle économie keynésienne que le courant de la nouvelle économie classique.

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DEUXIÈME PARTIE :
LES PROBLÈMES
ÉCONOMIQUES CONTEMPORAINS
ET LA DISSERTATION ÉCONOMIQUE
Chapitre 1 : LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE
INTRODUCTION
La croissance économique est une notion relativement récente dans l’histoire de l’humanité. Elle
constitue cependant le phénomène majeur qui va bouleverser les comportements traditionnels des
sociétés. L’étudier, c’est d’abord la présenter et comprendre les mécanismes qui l’animent, mais
c’est aussi prendre la mesure des mutations qu’elle entraîne tant sur le plan économique que social.
Section 1 : NOTIONS DE BASE
1- Définition de la croissance économique
La croissance est l’augmentation sur une ou plusieurs périodes longues d’un indicateur de
dimension pour une nation (le produit national brut, le produit intérieur brut, etc.).
Les comptables nationaux utilisent deux variantes du PIB pour calculer la richesse créée : le PIB
en volume (mesure de l’évolution du PIB entre deux périodes en corrigeant des effets de l’inflation.
L’évaluation du PIB s’effectue donc en prenant le prix des biens et des services à une année de
référence) et le PIB en valeur (mesure de l’évolution du PIB aux prix courants). En période
d’inflation, la croissance en valeur est gonflée par l’augmentation des prix.
Généralement, on retient le produit intérieur brut (PIB) à prix constants, comme indicateur de
croissance. La variation relative de cet agrégat sur deux périodes consécutives est appelée taux
de croissance (TC).

TC = × 100

2- Quelques précisions importantes

 La croissance économique ne veut pas dire forcément amélioration du bien-être, la


croissance peut en effet s’accompagner d’un creusement des inégalités.
 La croissance ne veut pas dire non plus économie saine, une croissance forte entraîne
généralement un regain d’inflation (une hausse des prix), elle peut également se traduire
par une hausse des importations et un déséquilibre de la balance commerciale.
 Quand l’augmentation de richesses enregistrées par une nation est de courte durée
(quelques trimestres), les économistes préfèrent parler d’expansion (phase d’un cycle).
 Quand l’augmentation de richesses provient d’une simple hausse quantitative des facteurs
de production (capital, travail), on parle de croissance extensive ; quand cette
augmentation de richesses a pour origine une meilleure organisation du travail (exemple
du taylorisme, du fordisme), on parle de croissance intensive.

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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

 Les économistes parlent encore de croissance autocentrée lorsqu’elle repose sur des
dynamiques internes (rôle de la consommation des ménages) et de croissance extravertie
lorsqu’elle découle de l’ouverture de l’économie.

3- La croissance équilibrée
Les économistes parlent généralement de croissance équilibrée, c’est-à-dire d’une croissance
telle que le taux d’accroissement de l’offre soit égal à celui de la demande sur le marché des biens
et services. Les forces du marché seraient ainsi autorégulées, dès qu’une hausse des prix apparaît,
la demande diminue, et l’offre s’ajuste. Une croissance équilibrée satisfait les conditions du carré
magique : création d’emplois, faible niveau d’inflation, budget et balance commerciale
équilibrés.
Section 2 : LES FACTEURS DE LA CROISSANCE
La croissance s’explique par la combinaison efficace de plusieurs facteurs : la quantité et la qualité
du travail, la quantité et la qualité des équipements et matières utilisés, et surtout un environnement
propice. Ces facteurs peuvent être regroupés en deux catégories, à savoir les facteurs de production
et les facteurs environnementaux.

1- Les facteurs de production


Classiquement, on distingue le facteur travail, le facteur capital et les ressources naturelles. A ceux-
ci, il faut ajouter le progrès technique, dont l’apport ne fait aucun doute.

1-1- Le facteur travail


Le facteur travail désigne la population disponible pour exercer une activité rémunérée, c’est-à-
dire la population active.
Une population active nombreuse et bien formée contribue fortement à la croissance. De plus une
forte démographie constitue un débouché important pour les entreprises, ce qui conditionne une
production importante, et donc la croissance économique.
Cependant, la croissance démographique n’est pas perçue par tous comme facteur de croissance
économique. En effet, les malthusiens, considérant qu’une population nombreuse est cause de
chômage, de misère et de conflits sociaux, préconisent la réduction de la fécondité, surtout celle
des pauvres.
1-2- Le facteur capital
Le capital est l’ensemble des ressources immobilisées, destinées à la production de biens et
services. Il contribue à la croissance dans la mesure où il permet :
­ une plus grande productivité (gains de productivité) ;
­ la mécanisation de la production et l’industrialisation des sociétés agricoles ;
­ une production de masse (standardisation) qui génère des économies d’échelle.
1-3- Les facteurs naturels
Le facteur « ressources naturelles » comprend essentiellement les matières premières agricoles,
minérales et énergétiques.
L’apport de ce facteur dans l’essor de la production est indéniable dans la mesure où il constitue :

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­ Le socle de l’industrialisation et notamment des industries lourdes (c’est le cas des


minerais) ;
­ La raison d’être des firmes de transformation (c’est le cas des matières premières
agricoles) ;
­ Le moteur de la production industrielle (c’est le cas des énergies).

1-4- Le progrès technique


Le progrès technique désigne les phénomènes permettant l’amélioration des techniques de
production ou l’apparition de nouveaux produits grâce à l’innovation. En d’autres termes
c’est l’amélioration des techniques qui sont utilisées dans un processus de fabrication.
La technologie désigne par ailleurs l’ensemble des procédés méthodiques fondés sur des
connaissances scientifiques, employés à la production.
Le progrès technique est facteur de croissance dans la mesure où il favorise :
­ L’augmentation de la production ;
­ Une plus grande productivité des facteurs (travail et capital notamment) ;
­ Des économies d’échelle, entrainant la baisse des prix et l’augmentation de la demande ;
­ De nouveaux débouchés ;
­ L’accroissement des profits des entreprises grâce aux gains de productivité, facilitant le
financement de nouveaux investissements ;
­ L’augmentation des salaires entrainant la hausse du pouvoir d’achat, ce qui permettra
d’étendre la demande à de nouveaux marchés ;
­ L’augmentation des recettes fiscales, permettant à l’État de développer une politique
d’investissements publics et de dépenses de transfert ;
­ La réduction du temps et de la pénibilité du travail, favorisant la consommation dans
le secteur des loisirs ou du tourisme.
En somme, il est important d’observer qu’aujourd’hui, le progrès technique explique presqu’à lui
seul l’enrichissement des nations.

2- Les facteurs liés à l’environnement

Outre les facteurs de production qui ont une incidence directe sur le niveau de croissance, d’autres
facteurs l’influence implicitement. Ce sont :
­ Un climat social apaisé ;
­ Une bonne conjoncture économique ;
­ Une justice crédible ;
­ Un système bancaire et financier approprié ;
­ La bonne gouvernance ;
­ Des infrastructures économiques conséquentes et en bon état ;
­ Des conditions d’investissement (un code d’investissement) attrayantes.

Section 3 : LES THÉORIES DE LA CROISSANCE


Comment expliquer la croissance ? Depuis plus de deux siècles, les économistes s’interrogent sur
les causes de la croissance.

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1- Les précurseurs et Joseph Schumpeter


­ Adam Smith (Recherches sur la nature et les causes de la Richesse des Nations, 1776),
met en évidence le rôle de la division du travail (surplus, marché, gains de productivité)
comme facteur de croissance. Cette division du travail se trouve renforcée par la
participation du pays au commerce international (théorie de l’avantage absolu).
L’optimisme de Smith apparaît à travers les traits d’une croissance illimitée (elle dure tant
que l’on peut étendre la division du travail et le marché) ;
­ Robert Malthus (Essai sur le principe de population, 1798) considère que la croissance
est limitée en raison de la démographie galopante. Il attribue la misère en Angleterre au
décalage entre deux lois : la loi de progression arithmétique des moyens de subsistances et
la loi de progression géométrique des populations. La sortie de cet état passe par la
mortalité, la baisse de la natalité et le célibat ;
­ David Ricardo (Des principes de l’économie politique et de l’impôt, 1817) souligne que
la croissance est limitée par la loi des rendements décroissants. La valeur ajoutée se répartit
entre trois agents : les propriétaires fonciers (rente foncière), les salariés (salaire de
subsistance) et les capitalistes (profit). Précisons que le profit des capitalistes est résiduel,
c’est-à-dire qu’il intervient une fois le salaire et la rente foncière payés. Lorsque la
population s’accroît, il convient d’augmenter la production agricole, or les nouvelles terres
mises en culture sont de moins en moins productives. Le coût de production va donc
s’élever, entraînant inévitablement la hausse des salaires et de la rente foncière. Les profits
vont se réduire jusqu’au moment où les capitalistes ne seront plus incités à investir.
L’économie atteint la situation d’état stationnaire. Afin de retarder cette situation, Ricardo
préconise d’augmenter les gains de productivité dans l’agriculture grâce au progrès
technique et de s’ouvrir au commerce international (théorie de l’avantage comparatif) ;
­ Karl Marx (Le Capital, 1867) a été le premier économiste à proposer un modèle formel
de croissance, à l’aide de ses schémas de reproduction élargie. Il considère que la
croissance est limitée dans le mode de production capitaliste en raison de la baisse
tendancielle des taux de profit. En effet, la recherche d’une plus-value toujours plus
importante (notamment grâce à des salaires bas, que Marx appelle ‘‘minimum de
Subsistance’’) et la concurrence entre capitalistes devraient provoquer une paupérisation
des ouvriers et un blocage dans le développement du système capitaliste (crise) ;
­ Joseph Schumpeter (Capitalisme, Socialisme et démocratie, 1942) fait du progrès
industriel la clé du changement. Pour lui, « l’impulsion fondamentale qui met et maintient
en mouvement la machine capitaliste est imprimée par les nouveaux objets de la
consommation, les nouvelles méthodes de production et de transport, les nouveaux
marchés, les nouveaux types d’organisation industrielle – tous éléments créés par
l’initiative capitaliste ». En d’autres termes, le progrès industriel est porté par des
innovateurs qui cherchent à emporter le gros lot.
L’analyse schumpetérienne est intéressante car elle ne repose pas seulement sur le progrès
technique, sur l’évolution des connaissances ou les grandes inventions (avec le cycle des
révolutions industrielles successives). Schumpeter y ajoute un héros – le chef d’entreprise
qui prend le risque de lancer un nouveau produit ou une nouvelle façon de produire , et une
structure (la concurrence monopolistique) qui assure à celui qui a réussi son pari d’en
percevoir une rétribution financière. Mais attention, il y aura peu d’élus pour beaucoup
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d’appelés. La « destruction – créatrice » laissera certains derrière elle, cependant elle finira
par être bénéfique pour tous. Le système tout entier produira plus de richesse.
2- Les postkeynésiens
A la suite de la crise de 1929, de nombreux économistes inspirés par les travaux de J. M. Keynes,
vont s’interroger sur les possibilités d’une croissance équilibrée. Les modèles de Domar et Harrod
vont chercher à rendre compte des conditions et caractéristiques essentielles de l’équilibre d’une
économie capitaliste en croissance.
Le point de départ de Domar est de considérer que l’investissement exerce une double influence
sur l’économie :
­ Dans un premier temps, il s’agit de l’effet revenu. A court terme, l’investissement constitue
une demande supplémentaire et entraîne une hausse des revenus via le principe du
multiplicateur. L’effet revenu associé à une augmentation de l’investissement de ∆I, est
égal à ∆I.[1/ (1- c)] c’est-à-dire ∆I.[1/s] où s = (1-c) sachant que c et s représentent
respectivement les propensions marginales à consommer et à épargner ;
­ Dans un second temps, il s’agit de l’effet capacité. A long terme, l’investissement doit
engendrer une stimulation de la capacité de production, via le principe de l’accélérateur.
L’investissement accroît les capacités de production dans une proportion égale à 1/v où v
est le coefficient de capital et correspond à l’inverse de la productivité moyenne du capital
soit v = K/Y (où K est le stock de capital et Y la production). L’effet de capacité est donc
égal à I(1/v).
Pour qu’il y ait croissance équilibrée, il faut que les revenus supplémentaires engendrés
par l’effet multiplicateur permettent d’absorber la production supplémentaire obtenue. En
d’autres termes, l’effet de revenu doit être égal à l’effet de capacité. Cette condition est
vérifiée si l’investissement augmente à un taux constant égal au rapport entre la propension
marginale à épargner et le coefficient de capital soit ∆I/I = s/v.
Harrod montrera par la suite que la croissance est par nature instable. Pour ce dernier, le
taux de croissance ∆I/I nécessaire pour les entrepreneurs (ou taux de croissance garanti)
pour réaliser leurs espérances de profit est compatible avec le chômage des hommes.
L’égalité entre s/v et le taux de croissance naturel de la population active (n) est purement
fortuite. Si (s/v) est inférieur à (n) c’est l’expansion permanente dans l’inflation. Dans le
cas contraire c’est la dépression sans fin.

3- Le modèle néoclassique de Solow (1956)


Robert Solow (Prix Nobel en 1987) attribue l’origine de la croissance par tête au montant de capital
technique investi (machines, équipements, logiciels, infrastructures…). Lorsque l’investissement
par tête dépasse le montant de la dépréciation du capital par tête existant, chaque travailleur dispose
d’un équipement plus performant et peut produire davantage. Toutefois, lorsqu’on augmente le
capital par tête, la production augmente, mais pas de façon proportionnelle (c’est le principe des
rendements décroissants). Ainsi à force d’augmenter le capital par tête, va venir un moment où
la production par tête augmentera moins vite que cela ne coûte. La croissance par tête va cesser,
c’est ce que Solow appelle l’état régulier. L’état régulier dépend du coût relatif du capital. Si ce
dernier diminue (un renchérissement du coût du travail incitera les entreprises à substituer du

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capital au travail), alors l’investissement par tête va augmenter de nouveau jusqu’à ce qu’un nouvel
état régulier soit atteint.
Pour résoudre cette situation, Solow a dû imaginer l’intervention d’un autre facteur, le progrès
technique, pour expliquer la croissance à long terme. Ce facteur permet de produire plus. Il est
miraculeux car il engendre des externalités positives.
4- La théorie de la croissance endogène
Le modèle de Solow n’expliquait pas la croissance, il signalait simplement que grâce au progrès
technique, la croissance peut perdurer. Pour les tenants de la théorie de la croissance endogène, le
progrès technique ne tombe pas du ciel. La croissance est ainsi assimilée à un phénomène
autoentretenu par accumulation de quatre facteurs principaux : la technologie, le capital physique,
le capital humain et le capital public.
­ Pour Romer (1986), le changement technique provient d’une idée mise en forme et testée.
Cependant, entre l’émergence d’une idée nouvelle et sa mise en œuvre concrète, il peut y
avoir un très long chemin (test, essais-erreurs, etc) qui nécessite le concours de plusieurs
personnes. Bref des coûts de mise au point qui peuvent être très élevés. En revanche, une
fois ces étapes franchies, si l’idée est acceptée, le produit qui en résulte peut être multiplié
avec un coût bien moindre (ainsi le premier disque compact, le premier ordinateur ont
nécessité des efforts colossaux de la part de ceux qui les ont mis au point, cependant leur
reproduction à l’identique a été beaucoup plus facile). Le propre des idées qui provoquent
des changements techniques, est qu’une fois les plâtres essuyés, elles donnent naissance à
des rendements croissants (les exemplaires suivants coûtent beaucoup moins chers), voire
fortement croissants (duplication d’un logiciel). Si bien que pour celui qui s’est efforcé de
transformer l’idée en produit, le risque existe que des concurrents en profitent et que lui ne
récupère jamais son investissement initial, alors que ces concurrents s’enrichissent. Des
droits de propriété intellectuelle limiteront ce risque : brevets ou copyright protègent
l’inventeur qui dispose d’un monopole d’exploitation (limité dans le temps) sur l’œuvre ou
le produit tiré de son travail. Le changement technique sera d’autant plus intense que
les innovateurs espèreront en tirer un profit important.
­ Le capital physique, c’est l’équipement dans lequel investit une entreprise pour la
production de biens et de services. Romer (1986) a cependant renouvelé l’analyse en
proposant un modèle qui repose sur les phénomènes d’externalités entre les firmes : en
investissant dans de nouveaux équipements, une firme se donne les moyens d’accroître sa
propre production mais également celles des autres firmes concurrentes ou non.
L’explication donnée à ce phénomène réside dans le fait que l’investissement dans de
nouvelles technologies est le point de départ à de nouveaux apprentissages par la pratique.
Parmi les formes d’apprentissage, on peut citer l’amélioration des équipements en place,
les travaux d’ingénierie (agencement des techniques existantes), l’augmentation de la
compétence des travailleurs…Or ce savoir ne peut être approprié par la firme qui le produit.
Il se diffuse inévitablement aux autres firmes. L’investissement a un double effet : il agit
directement sur la croissance et indirectement sur le progrès technique.
­ Le capital humain a été mis en évidence par deux économistes de l’École de Chicago,
Theodor Schultz et Gary Becker, et est au centre des études menées par R.E Lucas (1988).
Le capital humain désigne l’ensemble des capacités apprises par les individus et qui

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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

accroissent leur efficacité productive. Chaque individu est en effet, propriétaire d’un
certain nombre de compétences, qu’il valorise en les vendant sur le marché du travail. Dans
ce schéma, l’éducation est un investissement dont l’individu attend un certain retour. Il est
alors naturel de souligner que la tendance plus que séculaire dans les pays occidentaux à
un allongement de la durée moyenne de la scolarité est une cause non négligeable de la
croissance.
­ Le capital public correspond aux infrastructures de communication et de transport. Elles
sont au cœur du modèle élaboré par Barro (1990). En théorie, le capital public n’est qu’une
forme de capital physique. Il résulte des investissements opérés par l’État et les collectivités
locales. Le capital public comprend également les investissements dans les secteurs de
l’éducation et la recherche. En mettant en avant le capital public, cette nouvelle théorie de
la croissance souligne les imperfections du marché. Outre l’existence de situations de
monopole, ces imperfections tiennent aux problèmes de l’appropriation de l’innovation.
Du fait de l’existence d’externalités entre les firmes, une innovation, comme il a été dit
précédemment, se diffuse d’une façon ou d’une autre dans la société. La moindre rentabilité
de l’innovation qui en résulte, dissuade l’agent économique d’investir dans la recherche-
développement. Dans ce contexte, il pourra incomber à l’État de créer des structures
institutionnelles qui soutiennent la rentabilité des investissements privés et de
subventionner les activités insuffisamment rentables pour les agents économiques et
pourtant indispensables à la société.

5- L’École de la régulation
La théorie de la régulation est une théorie économique qui tente d’expliquer le passage de la
croissance à la crise, sans invoquer de chocs externes.
A partir des travaux fondateurs de Michel Aglietta et de Robert Boyer, elle apparaît au milieu de
la décennie de 1970, passable de la croissance à la crise aux Etats-Unis et en Europe, signifiant la
fin des Trente Glorieuses.
précise que la généralisation de l'échange marchand rend les crises possibles. Il introduit une
notion intermédiaire, celle de régime d'accumulation, suggérant que de telles contradictions
peuvent être surmontées : « On désignera sous ce terme l'ensemble des régularités assurant une
progression générale et relativement cohérente de l'accumulation du capital, c'est-à-dire permettant
de résorber ou d'étaler dans le temps les distorsions et déséquilibres qui naissent en permanence
du processus lui-même ». En ce sens, les crises économiques majeures sont des crises de mutation
entre une régulation ancienne qui ne permet plus la croissance économique et une nouvelle
régulation qui permettra de résoudre les causes profondes de la crise. L'origine même de ces
régularités apparaîtra au travers des formes institutionnelles, définies comme la codification d'un
ou plusieurs rapports sociaux fondamentaux. R. Boyer introduit cinq formes institutionnelles (la
monnaie, le rapport salarial, la concurrence, les modalités d'adhésion au régime international,
l'État) intervenant dans la détermination du régime d'accumulation.
Section 4 : LES ANALYSES EMPIRIQUES DE LA CROISSANCE

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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

Les analyses empiriques cherchent d’une part à rendre compte de la dimension historique de la
croissance, d’autre part à revenir sur les déterminants de cette croissance (productivité du travail,
productivité du capital et progrès technique).
1- Les étapes de la croissance de Rostow (1960)
Rostow (1960) considérait que l’on pouvait dire de toutes les sociétés qu’elles passent par l’une
des cinq phases suivantes : la société traditionnelle, les conditions préalables au démarrage
(ou décollage), le démarrage (ou décollage), le progrès vers la maturité, et l’ère de la
consommation de masse.
1-1- La société traditionnelle
Ce qui caractérise le plus la société traditionnelle, c’est que « le rendement potentiel par individu
ne peut dépasser un niveau maximum ». D’une façon générale, la société traditionnelle doit
consacrer une partie conséquente de ses ressources à l’agriculture. Par la même occasion, la
civilisation agricole lui a imposé une structure sociale hiérarchisée dans laquelle les liens de
famille et de clans jouent un rôle primordial. Le centre de gravité politique se trouve dans les
régions, entre les mains de ceux qui possèdent la terre (le propriétaire foncier).
1-2- Les conditions préalables au démarrage
La seconde étape est une voie de transition pour les sociétés qui sont parvenues à créer les
conditions nécessaires au décollage. D’un point de vue historique, cette étape est apparue en
Europe Occidentale fin du XVIIè et début du XVIIIè siècles. La Grande Bretagne a été le premier
pays à réunir l’ensemble de ces conditions. Le progrès économique permet d’atteindre d’autres
objectifs : amélioration des conditions de vie et de l’intérêt général, extension de l’instruction…
De nouveaux hommes animés de l’esprit d’entreprise sont prêts à mobiliser leurs énergies et leurs
moyens (épargne), à prendre des risques pour réaliser des profits. Les banques voient le jour. Les
investissements se concentrent dans les transports, les communications et les matières premières.
Le commerce international se généralise à un plus grand nombre de biens et de pays.
1-3- Le décollage
Durant la phase de décollage, la société finit par renverser les obstacles économiques, sociaux,
culturels et politiques qui s’opposaient à son émancipation. Dès lors, la croissance devient une
fonction normale de l’économie. D’une manière générale, la cause du décollage fût essentiellement
d’ordre technologique. L’économie n’a pu démarrer que lorsqu’un capital social s’est constitué et
que le progrès technique est passé de l’agriculture à l’industrie. Cette croissance est avant tout
quantitative, elle se traduit par une hausse des taux d’investissement et d’épargne réels (de 5% à
10%). Les capitaux étrangers ont constitué une grande proportion des investissements réalisés. La
mécanisation et l’industrialisation se développent rapidement grâce au réinvestissement des
profits, elles entraînent avec elles, l’essor des services et stimulent la demande. La classe des
entrepreneurs s’élargit.
1-4- La marche vers la maturité
La société entame une longue période de progrès soutenu, c’est la marche vers la maturité.
L’économie se développe à un rythme important dans tous les secteurs. Le volume des
investissements passe de 10 à 20% du revenu national. Les industries lourdes (charbon, sidérurgie,
industries mécaniques) cèdent progressivement leur place aux industries de machines-outils, aux
32
Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

industries électriques et chimiques. Le commerce international se structure autour des


spécialisations et de la division internationale du travail. La société renonce aux valeurs et aux
institutions anciennes de manière à stimuler le processus de croissance.
1-5- L’ère de la consommation de masse
Durant l’ère de la consommation de masse, la production de biens de consommation durables
(bicyclettes, appareils électriques, machines à coudre…) et de services constitue l’essence du
capitalisme et le symbole du consommateur souverain. D’un point de vue historique, l’élément
décisif serait l’apparition de l’automobile populaire à bon marché. Rostow situe le tournant en
1913-1914, période durant laquelle Ford mit au point la première chaîne de montage aux États-
Unis. Rostow considère que deux phénomènes sont à l’origine de cette transformation :
­ le revenu réel par habitant s’est élevé à un niveau tel que de nombreux individus peuvent
satisfaire leurs besoins élémentaires et consacrer une part importante de leur budget à
d’autres fins ;
­ la composition de la main d’œuvre s’est modifiée sous l’effet conjugué d’une montée de la
population urbaine et d’un accroissement de la population d’ouvriers qualifiés et
d’employés de bureau. Le progrès technique n’est plus une fin en soi, une grande partie
des ressources sont en effet destinées à la prévoyance et la Sécurité sociale (c’est l’ère de
l’État Providence).
2- Les travaux de Carré, Dubois et Malinvaud (1973)
Dans leur ouvrage « Abrégé de la croissance française », Carré, Dubois et Malinvaud ont montré
qu’une partie significative de la croissance économique française s’expliquait non par
l’augmentation des quantités de facteurs de production utilisés, mais par l’introduction du progrès
technique. Alors que le taux de croissance de l’économie française avait été de 5,2% par an de
1951-1973, les contributions des facteurs travail et capital étaient respectivement de 0,55% et
1,55%. Le progrès technique expliquerait à lui seul plus de 3% de cette croissance. Le progrès
technique joue en effet un double rôle sur la croissance économique. Il stimule la demande
(création de nouveaux biens et nouveaux besoins, amélioration des produits arrivés à maturité ou
en déclin). Il stimule l’offre (amélioration de la productivité des équipements, meilleure
organisation du travail) tout en modifiant l’utilisation des facteurs de production. Il contribue,
d’une part à la substitution du travail qualifié au travail non qualifié (l’introduction de machines
plus sophistiquées nécessite des niveaux de qualification plus élevés, on observe ainsi une
modification de la structure des emplois), d’autre part, à la substitution du capital au travail (le
progrès technique en perfectionnant les équipements les rend plus productifs et permet
d’économiser du travail. Ceci a bien sûr une conséquence non négligeable sur la montée du
chômage et la réduction de la durée du travail).
3- Les travaux de Madison (1994, 2001)
Madison (1994, 2001) a proposé une étude de la croissance et de la productivité du travail sur
longue période (1870 – 1998). Sur ces presque 130 années, la production par emploi a été
multipliée par un facteur d’environ 12 en France et 8,5 aux États-Unis. Compte tenu de la baisse
de la durée moyenne du travail sur la période, les gains de productivité sont près de deux fois plus
importants en termes horaires : la production par heure travaillée a été multipliée respectivement
par environ 24 et 15,5.

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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

Il distingue cinq grandes phases : une première phase correspond à la première révolution
industrielle (1820-1870) durant laquelle l’Europe et les pays neufs (États-Unis, Canada, Australie,
Nouvelle Zélande) réalisent plus de la moitié de la croissance mondiale ; une phase plus diffuse
(1870 – 1913) ; une période de ralentissement (1913-1945) ; les trente glorieuses (1945-1973), soit
l’âge d’or de la croissance pour les pays occidentaux ; enfin une phase de ralentissement dans les
anciens pays industrialisés (à partir des années 80).
Section IV : LES EFFETS DE LA CROISSANCE
On attend normalement de la croissance économique des effets positifs. Toutefois des situations
déplorables lui sont de plus en plus imputables.
1- Croissance économique, facteur de bien-être économique et social
La croissance économique favorise :
­ Une amélioration générale du niveau de vie des populations, ainsi que de leur cadre de vie ;
­ Une réduction progressive de la pénibilité et du temps de travail ;
­ Une amélioration de la qualité des produits et de leur diversité ;
­ Une restructuration des secteurs économiques conduisant à la tertiarisation de la société et
à l’émergence de nouveaux secteurs ;
­ La réduction de la pauvreté ;
­ La création d’emplois rémunérés ;
­ Le progrès économique (amélioration du revenu par tête et des principaux indicateurs
macroéconomiques) ;
­ La réalisation d’infrastructures socio-économiques ;
­ Le progrès scientifique (recherche-développement) ;
­ L’urbanisation et la modernisation de la société, notamment avec le développement des
TIC ;
­ L’élévation de l’espérance de vie.
2- Les coûts de la croissance
Les nuisances nées de la croissance sont :
­ Les catastrophes naturelles ;
­ Les menaces sur la santé des individus ;
­ Le renforcement des disparités sociales (catégorisation sociale de la population) et
régionales (dues à l’exode des populations) ;
­ L’épuisement des ressources naturelles (déforestation, exploitation abusive des ressources
non renouvelables), qui compromet le développement durable ;
­ La dégradation de l’environnement du fait de la pollution ;
­ La marginalisation des pauvres, notamment des pays pauvres.

CONCLUSION
La croissance économique est un phénomène accompagné généralement de changements
structurels. Elle se distingue des notions telles que l’expansion, le progrès et le développement.
Depuis la révolution industrielle, la croissance a fortement contribué à l’amélioration des

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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

conditions de vie des populations. Toutefois ces dernières décennies, les mécontentements nés des
catastrophes environnementales (écologiques et spatiales) lui sont en partie imputables.
La théorie de la croissance endogène met l’accent sur quatre facteurs qui influencent le taux de
croissance économique : les rendements croissants grâce aux gains d’échelle ; l’intervention de
l’État, notamment par l’investissement dans les infrastructures ; la recherche-développement ou
l’innovation et la connaissance ou capital humain qui s’accumule.

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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

Chapitre 2 : LE CHOMAGE
INTRODUCTION
Le marché du travail est le lieu théorique de rencontre entre l'offre de travail et la demande
de travail. L'offre de travail émane des travailleurs qui proposent leur force de travail, alors
que la demande de travail provient des entreprises qui ont besoin de la force de travail pour
produire. La demande de travail constitue l'offre d'emplois, alors que l'offre de travail représente
la demande d'emplois. On peut ainsi considérer l'offre de travail comme l'ensemble
des capacités physiques et intellectuelles que les hommes mettent en œuvre pour produire
des biens et services nécessaires à leurs besoins. La demande de travail, ou
offre d'emplois, représente l'ensemble des activités rémunérées proposées par les agents
économiques producteurs de biens et services.
Deux types de déséquilibres se rencontrent sur le marché du travail : la pénurie d'emplois
ou la pénurie de main d'œuvre. Toutefois, le déséquilibre majeur de ces dernières décennies, sur
le marché du travail, est le chômage. Lorsqu'il se prolonge, il débouche sur l'exclusion
d'une partie des travailleurs : ils n'ont plus accès à l'emploi tant la suspicion d'improductivité qui
pèse sur eux est forte. En outre, le chômage conduit les agents économiques à faire
des prévisions pessimistes, en matière de consommation et d'investissement, prévisions qui
rejaillissent sur l'activité économique et le niveau de l'emploi. Lutter contre le chômage
devient une nécessité sociale et économique. Au préalable, il faut en connaître les causes.

Section 1 : LES CARACTERISTIQUES DU MARCHE DU TRAVAIL


Dans une économie, le travail représente l'ensemble des capacités physiques et intellectuelles que
les hommes mettent en œuvre pour produire les biens et services nécessaires à la
satisfaction de leurs besoins. Il s'agit de l'ensemble des forces disponibles pour produire.
Ainsi, le marché du travail est caractérisé par l’offre et la demande de travail, ainsi que des relations
entre les deux.
1. L’offre de travail
La contribution du facteur travail peut s'expliquer par une plus grande utilisation de celui-ci
(aspects quantitatifs) ou par une efficacité accrue (aspects qualitatifs).
1.1 Les aspects quantitatifs de l'offre de travail
Le volume de travail dans une économie dépend à la fois du nombre d'actifs disponibles et
du nombre d'heures de travail qu'effectue en moyenne chaque actif.
1.1.1 La population active
La population active est définie comme l’ensemble des personnes exerçant ou cherchant à exercer
une activité rémunérée. Elle regroupe donc la population active occupée et les chômeurs (au sens
du Bureau international du travail – BIT).
Population active = Actifs occupés + Chômeurs
1.1.2 La durée du travail

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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

La durée du travail est le temps de travail qu'accomplit un salarié dans le cadre de la production
de biens et services. Elle revêt différentes formes : durée journalière, hebdomadaire, annuelle ainsi
que la durée de vie active qui est influencée d'une part par l'entrée des jeunes sur le marché du
travail, et d'autre part de la sortie du marché du travail due au départ à la retraite.
1.1.3 Le taux d’activité
Le taux d’activité (en %) est le rapport entre le nombre d’actifs (actifs occupés et chômeurs) et
l’ensemble de la population correspondante.
1.1.4 Le taux d’emploi
Le taux d’emploi d’une classe d’individus est calculé en rapportant le nombre d’individus de la
classe qui ont un emploi au nombre total d’individus compris dans celle-ci. On se limite le plus
souvent à la population en âge de travailler (définie, en comparaison, comme les personnes âgées
de 15 à 60 ans en Côte d’Ivoire).
1.1.5 Les causes de l'évolution de l'offre de travail
L'évolution de la population active est, tout d'abord, largement tributaire de l'évolution
démographique. Toutefois, le fait majeur de l'augmentation de la population active ces dernières
décennies est constitué par la montée de taux d'activité féminin.
Le taux d'activité est le rapport entre le nombre d'actifs d'une population concernée et la totalité
de cette population.
Par exemple :

Taux d'activité féminin =


â

1.2 Les aspects qualitatifs de l'offre de travail


1.2.1 La qualité du facteur travail
La qualité du facteur travail renvoie à la notion de productivité.
La productivité du travail est le rapport entre un volume de production réalisé et le volume de
travail nécessaire à cette production.

Productivité du travail =
é é

1.2.2 Les explications de l'évolution de la qualité du facteur travail


Si la productivité mesure la qualité de la main d'œuvre, cette dernière évolue dans le temps
en fonction de trois caractéristiques individuelles des personnes actives : le niveau de qualification,
l'âge, le sexe.
Tout d'abord, l'éducation est en effet une source de qualité de la main d'œuvre. Ainsi, l'âge
moyen de fin d'études et le niveau de diplôme peuvent représenter une source d'évaluation
de ce niveau d'éducation.
Ensuite, on indique traditionnellement que la productivité féminine est inférieure à celle de
la main d'œuvre masculine. L'explication ne tient pas dans d'hypothétiques inégalités
naturelles, mais dans le fait que les femmes subissent un certain nombre de handicaps au

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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

cours de leur vie active (maternité par exemple) qui freinent l'accès à de plus grandes qualifications
professionnelles.
Enfin, on observe une relation entre l'âge et la productivité. L'expérience, et donc la productivité,
augmente dans un premier temps avec l'âge, avant de décliner au fur et à mesure que les capacités
physiques et intellectuelles s'épuisent avec le vieillissement.
Mais l'évolution de la productivité est aussi le résultat d'un effet de structure, car il existe en effet
des différences de productivité entre branches.
1.2.3 Les sources d'amélioration de la qualité du facteur travail
Une explication fondamentale de la productivité du travail provient de la plus grande qualification
de la main d'œuvre obtenue grâce à la formation initiale et continue. Dès lors, on
parle de capital humain pour caractériser le facteur travail. L'économiste Gary Becker, prix
Nobel d'économie en 1992, avance l'idée selon laquelle les dépenses de formation contribuent à
constituer du capital humain, au même titre que les dépenses d'investissement d'une entreprise
amènent à introduire du progrès technique dans le capital technique. En conséquence, la formation
représente un facteur essentiel de la productivité du travail que les entreprises et l'État prennent de
plus en plus en compte.
La théorie du capital humain souligne que la productivité des travailleurs dépend pour une part
importante de leur expérience dans l'entreprise et à leur poste de travail dans cette entreprise.
2. La demande de travail
2.1 L'évolution des emplois
Les emplois proposés par les entreprises sont de plus en plus des emplois de types particuliers : on
parle de formes particulières d'emploi, ou encore de formes précaires d'emplois (FPE).
Les FPE concernent l'ensemble des emplois qui ne sont pas des contrats à durée indéterminée
(CDI), c'est-à-dire des emplois marqués par l'absence de relation stable et durable entre employeur
et salarié.
2.2 Les effets du progrès technique sur l'emploi
Le progrès technique est facteur de bouleversements et sa diffusion se heurte à ceux qui ont
intérêt à la conservation des situations acquises (résistance au changement). Il crée et détruit des
emplois (processus de « destruction créatrice » de Schumpeter, 1942), provoquant un changement
de la structure des emplois. Il ne conduit pas nécessairement à une augmentation des qualifications,
même s'il s'agit d'une tendance générale, car la machine élimine aussi du travail qualifié.
3. Les déséquilibres sur le marché du travail : le chômage
Les déséquilibres sur le marché du travail désignent les décalages entre l'offre et la demande de
travail. Ils déterminent généralement le chômage, ce qui n'exclut pas qu'il peut y avoir des
déséquilibres partiels en sens inverse, c'est-à-dire des offres d'emplois non satisfaites, en raison,
par exemple, d'un manque de mobilité géographique et professionnelle de la main d'œuvre. Il
convient donc de définir la notion de chômage, d'en présenter les principales mesures pour ensuite
repérer les inégalités face au phénomène.
3.1 Définition du chômage

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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

En application de la définition internationale adoptée en 1982 par le BIT, un chômeur est une
personne en âge de travailler (15 ans ou plus) qui répond simultanément à trois conditions :
­ être sans emploi, c’est-à-dire ne pas avoir travaillé, ne serait-ce qu’une
heure, durant une semaine de référence ;
­ être disponible pour prendre un emploi dans les quinze jours ;
­ avoir cherché activement un emploi dans le mois précédent ou en avoir
trouvé un qui commence dans moins de trois mois.
Le chômage, au sens du BIT, est la situation des personnes en âge de travailler qui sont sans
emploi, à la recherche d'un emploi, et disponibles pour occuper un emploi.
Il convient de préciser que la définition indique que seul le travail rémunéré est pris en
compte (dans le cadre d'une activité salariée ou non salariée, c'est-à-dire indépendante).
Le chômage se caractérise non pas par une absence de travail, mais par une absence
d'emploi rémunéré.
3.2 Les mesures du chômage
Le nombre de chômeurs constitue le stock de chômage à un instant donné.
Le rapport entre le nombre de chômeurs et la population active correspond au taux de chômage.

Taux de chômage =

On peut par ailleurs déterminer la part du chômage, qui est un indicateur qui rapporte le nombre
de chômeurs à la population totale (et non plus seulement aux actifs).
Part du chômage = taux de chômage x taux d’activité.
NB :
L’étude des taux de chômage n’est pas suffisante pour comprendre l'ampleur du chômage. Elle
doit être complétée par des analyses plus fines, prenant en compte les flux d’entrée et de sortie du
chômage. On détermine à cet effet des indicateurs de fluidité tels que :
­ l’indice d’ancienneté au chômage, qui mesure la durée moyenne de chômage que
subissent les chômeurs ;
­ l’indice de vulnérabilité au chômage, qui mesure pour l’ensemble des chômeurs, suivant
leur catégorie d’appartenance, le risque de se retrouver au chômage. Il est égal au nombre
de chômeurs recensés au sein de chaque catégorie, rapporté au nombre d’actifs
effectivement employés dans celle-ci ;
­ l’indice d’employabilité, qui équivaut au nombre de chômeurs à la recherche
d’un emploi depuis un an ou plus rapporté au nombre total de chômeurs. Il mesure la
difficulté à retrouver un emploi.

3.3 Les différents types de chômage


On distingue :
­ Le chômage conjoncturel : il est lié au ralentissement de l'activité économique.

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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

­ Le chômage structurel : il est lié aux modifications des structures de l'économie, telles
que le déclin d'activités traditionnelles (sidérurgie, textile), l'internationalisation des
économies, la tertiarisation des activités etc.
­ Le chômage frictionnel : c'est un chômage de courte durée qui correspond au temps
nécessaire pour passer d'un emploi à un autre. Il résulte d'une mobilité trop importante, ou
trop insuffisante de la main d'œuvre. On le considère comme un chômage incompressible.
­ Le chômage « naturel » : c'est la somme du chômage frictionnel et du chômage structurel.
­ Le chômage partiel : il correspond à une réduction forcée du temps de travail décidée par
l'entreprise pour un temps limité, en cas de réduction passagère de l'activité. Il est en partie
indemnisé.
­ Le chômage technique : il concerne un arrêt partiel ou total du travail qui résulte de causes
externes à l'entreprise (défaillance d'un fournisseur pour cause de grève par exemple).

3.4 Les inégalités face au chômage

­ Le chômage est différent selon le sexe : quel que soit l'âge, le taux de chômage des
femmes apparaît toujours supérieur à celui des hommes.
­ Le chômage est fonction du diplôme : selon des enquêtes emplois menées par l’INSEE,
plus on grimpe dans la hiérarchie des diplômes ou des niveaux d'études, plus le taux de
chômage diminue.
­ Le chômage est fonction de l'âge des actifs : le taux de chômage apparaît plus élevé pour
les jeunes travailleurs. Cependant, les différences entre travailleurs jeunes et âgés
s'observent surtout en matière d'employabilité et de vulnérabilité.
La vulnérabilité est le risque de tomber au chômage. Elle est mesurée par le rapport du nombre
de personnes au chômage depuis moins d'un mois à la population active occupée.
L'employabilité correspond à la probabilité de sortir du chômage. Elle se mesure par le rapport
du nombre de chômeurs ayant au moins un an d'ancienneté au nombre total de chômeurs.
NB : Les jeunes se caractérisent par une forte vulnérabilité, mais aussi par une forte
employabilité, tandis que les travailleurs âgés s'illustrent quant à eux par une faible vulnérabilité
et une faible employabilité.
3.5 Le chômage de longue durée
On appelle chômeur de longue durée (CLD) toute personne qui se trouve au chômage depuis plus
d’un an. Le chômage de longue durée a fortement augmenté depuis les années 1980. On note
toutefois une corrélation entre l’évolution du chômage global et le CLD à moyen et long termes.
Les analyses montrent que la probabilité de retrouver un emploi diminue au fur et à mesure que la
durée du chômage s’allonge. Seule une reprise forte et durable est susceptible de provoquer une
baisse significative du CLD.
Parmi les actifs, ce sont les jeunes qui ont le taux de chômage de longue durée le plus élevé alors
que parmi les chômeurs, la part de CLD croît avec l’âge.
Le chômage de longue durée est traditionnellement plus répandu chez les femmes mais, ces
dernières années, le CLD féminin s’est rapproché de celui des hommes.
Les plus diplômés sont moins exposés au CLD.
3.6 La structure du chômage
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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

Le chômage a fortement augmenté depuis le milieu des années 1970. Toutefois, certaines
catégories sont clairement plus touchées que d’autres (les femmes, les jeunes, les non diplômés et,
parmi les catégories socioprofessionnelles, les ouvriers et les employés - Source INSEE).
Pour les chômeurs de longue durée, la situation est particulièrement difficile car la probabilité de
retrouver un emploi est faible. Au-delà du chômage, la croissance du sous-emploi passe aussi par
le développement des emplois précaires et du temps partiel.
Le risque de chômage diminue à mesure que le niveau de diplôme s’élève.

Section 2 : LES ANALYSES THEORIQUES DU MARCHE DU TRAVAIL


Le chômage se caractérise par un décalage entre l'évolution de la population active et le
volume des emplois. L'explication de cet écart partage les économistes entre ceux qui pensent que
le chômage est « volontaire », voire naturel, et ceux qui considèrent qu'il est involontaire.
Le point de départ des analyses théoriques est le modèle de la concurrence pure et parfaite
dont on relâche peu à peu les hypothèses, pour mieux rendre compte de la réalité, des faits
observés ou « faits stylisés ».
1. Evolutions divergentes de l'offre et de la demande de travail
1.1 Évolutions comparées de l'emploi et de la population active
L’accroissement de la population active est dû à l'évolution démographique, à la montée de taux
d'activité féminin et à l'immigration. Toutefois, il semble que la croissance de la population active
est régulière alors que la croissance des emplois s'est ralentie ; en d’autres termes l'évolution de
l'emploi s'est modifiée et non l'évolution de la population active.
1.2 Les effets du progrès technique sur le chômage
Il est possible de dire que le chômage provient pour partie d'une inadéquation entre l'offre et la
demande de travail, surtout en raison du progrès technique.
En effet, le progrès technique est à la fois créateur et destructeur d'emplois. En ce sens, ses effets
sur l'emploi sont indéterminés. Il détruit des emplois dans les secteurs où il se diffuse au
détriment des personnes insuffisamment qualifiées. Bien entendu, il est créateur d'emplois dans
les secteurs dits « de pointe » ou émergents.
En somme, le progrès technique s'il ne s'accompagne pas lors de sa diffusion, d'actions de
formation, peut condamner au chômage une partie de la main d'œuvre. Tout dépend de la capacité
de réponse du système d'éducation et de formation, en temps et en qualité.
Le progrès technique est à l'origine d'un « déversement de main d'œuvre » selon A. Sauvy.
Ce déversement se produit depuis les secteurs dans lesquels s'implante le progrès technique vers
d'autres secteurs. Certes, on avance souvent l'idée que les emplois qui servent à construire des
machines compensent les emplois perdus. C'est en grande partie contestable car, au niveau
macroéconomique, cela signifierait que la production globale est obtenue avec un même volume
de population active : le progrès technique ne serait dans ce cas pas rentable. En outre, la
production de ces machines peut se faire à l'extérieur du pays. Et, pour finir, la qualification de la
main d'œuvre qui a perdu son emploi n'est pas forcément adaptée aux nouveaux emplois créés.
Cependant, le mécanisme du « déversement de main d'œuvre » trouve sa source ailleurs. On
peut en effet penser que le progrès technique conduit à faire baisser les prix des biens dans
les secteurs dans lesquels il est mis en œuvre. Cette baisse des prix a deux effets bien connus
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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

des microéconomistes. Tout d'abord, elle provoque un effet de substitution en vertu duquel
les ménages consomment une plus grande quantité du bien concerné. Mais elle est aussi à
l'origine d'un effet de revenu : la baisse du prix de ces biens accroît le pouvoir d'achat du
revenu des ménages et les amène à consommer d'autres biens, plus généralement des
services comme le montre la montée de l'emploi dans le tertiaire.
Déversement de main d'œuvre : c’est une théorie économique indiquant que des progrès
techniques améliorant la productivité engendrent un transfert (déversement) des emplois d'un
secteur d'activité vers un autre. Cette thèse est formulée par l'économiste et démographe français
Alfred Sauvy.
2. Le chômage « volontaire » : le chômage classique
3

2.1 Le chômage est fonction du prix du travail


Pour les économistes classiques et néoclassiques, le travail est considéré comme un bien qui
s'échange sur un marché. La demande de travail augmente au fur et à mesure que le prix du travail
(le salaire réel) diminue, alors que l'offre de travail diminue dans le même temps.
Les individus arbitrent en effet entre leurs loisirs et le travail (qui est une renonciation aux
loisirs). Leur budget temps est réparti entre travail et loisirs : plus le salaire réel est élevé sur le
marché du travail, plus il permet de compenser la renonciation aux loisirs, plus l'offre de travail
augmente. Il faut ici comprendre que le travail est source de désutilité, puisque l'on renonce au
temps libre, mais également d'utilité grâce à la quantité de biens que le salaire réel, obtenu en
contrepartie du travail, permet d’obtenir.
Toutefois, la hausse du salaire réel engendre deux effets sur l'offre de travail. Un effet de
substitution, tout d'abord, dans la mesure où l'individu remplace du temps libre par du
temps de travail, comme nous venons de le voir. Mais aussi un effet dit de revenu qui joue
en sens inverse : lorsque le salaire réel horaire augmente par exemple, l'individu peut être
incité à travailler moins longtemps tout en conservant un même salaire mensuel. En
somme, pour les néoclassiques, le lien croissant entre l'offre de travail et le salaire repose sur
l'hypothèse que, pour les individus, l'effet de substitution l'emporte sur l'effet de revenu.
Pour les auteurs néoclassiques, la demande de travail est fonction du prix du travail : l'entreprise
ne demande du travail que lorsque le salaire réel (prix du travail) est inférieur à la productivité
marginale. En d'autres termes, le niveau d'embauche s'arrête à partir du moment où le dernier
embauché coûte plus qu'il ne rapporte. En outre, le modèle néoclassique induit une substituabilité
des facteurs de production : lorsque le prix du travail est trop élevé, les entreprises adoptent une
combinaison de production plus intense en capital technique.
Ainsi, toute augmentation de l'offre de travail conduit à une situation de chômage puisque pour le
même niveau de salaire réel les individus disposés à travailler sont plus nombreux.
Un nouvel équilibre s’obtient alors par la baisse du salaire réel : la demande des entreprises
augmente et l'offre de travail diminue.
Au total, le chômage sur le marché du travail n'existe pas puisque l'offre et la demande s'ajustent
et déterminent un prix, le salaire réel pour lequel les individus arbitrent leur temps en faveur des
loisirs. Il ne peut y avoir que du chômage volontaire au sens où, pour un salaire donné, les individus
préfèrent l'oisiveté au travail. Selon Arthur-Cécil Pigou (1933), le chômage est volontaire car il
résulte de travailleurs qui n'acceptent pas de salaires réels plus faibles.

42
Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

2.2 Le chômage est fonction du coût du travail


Pour rester compétitives, les entreprises doivent maîtriser leurs coûts, en grande partie
constitués des charges de personnel. Aussi, un niveau trop élevé du coût du travail représente un
obstacle à l'embauche (le coût du travail est la somme des salaires, des cotisations sociales et
taxes assises sur la masse salariale).
Cet obstacle crée un déséquilibre sur le marché du travail théorique, déséquilibre qui peut être
durable si les mécanismes du retour à l'équilibre ne fonctionnent pas. C'est le cas lorsque l'on
observe une rigidité à la baisse des salaires du fait de la réglementation (SMIG) ou de la puissance
de négociation des syndicats. Le chômage serait donc le résultat d'un dysfonctionnement du
marché du travail qui empêche la baisse des salaires.
Jacques Rueff dénonce, dès 1931, la puissance des syndicats britanniques et l'existence d'un
système d'indemnisation du chômage dans un article célèbre, L'assurance chômage, cause du
chômage permanent. Ces deux éléments sont cause selon lui de la rigidité à la baisse des
salaires nominaux qui empêchent tout retour à l'équilibre sur le marché du travail.
Toutefois, David Card et Alan Krueger, in « Minimum wages and employment » (1994), ont pu
mener une expérience pour tester la relation entre la hausse du salaire minimum et le niveau de
l'emploi. Profitant de l'annonce d'un relèvement de ce salaire minimum dans l'État
du New Jersey, ils ont comparé la situation avec celle de l'État de Pennsylvanie, État dans lequel
aucune modification du salaire minimum n'était prévue. Ainsi, comme le soulignent Pierre Cahuc
et André Zylberberg (Les ennemis de l'emploi, 2015), la hausse du salaire minimum n'a pas eu
d'impact négatif sur l'emploi dans les fast-foods du New-Jersey, elle aurait même eu un effet
faiblement positif, en comparaison de la zone « test » de Pennsylvanie. L'explication réside dans
la position de monopsone dont bénéficient les employeurs : ils peuvent verser des salaires
inférieurs à la productivité marginale du travail, ce qui les incite à embaucher. Ainsi, la hausse du
salaire réel (salaire minimum revalorisé) conduit un plus grand nombre de personnes à vouloir
travailler sans que pour autant cette hausse ne conduise à dépasser la productivité marginale du
travail. Il demeure intéressant d'embaucher ces personnes pour les employeurs.
En somme, le chômage classique est celui qui résulte d'un niveau trop élevé des salaires, ou plus
généralement des entraves à la flexibilité du marché du travail.
2.3 Le chômage résulte du comportement des individus
Le modèle néoclassique repose sur une circulation parfaite de l'information sur le marché du
travail. Cette hypothèse lorsqu'elle n'est pas vérifiée conduit à une forme de chômage frictionnel.
Ainsi, la théorie de la recherche d'emploi (ou job search, mise en évidence par Alchian, 1972,
d'après une intuition de Stigler) explique que certains individus quittent leur emploi dans l'idée
d'en trouver un autre mieux rémunéré. S'ils sont obligés de quitter leur emploi, c'est justement
parce que l'information est imparfaite sur le marché du travail : ils doivent se consacrer à plein
temps à la recherche d'informations sur les emplois disponibles. Bien entendu, le comportement
rationnel des individus repose sur une analyse coût/avantage : le coût de la recherche d'emploi (y
compris l'abandon d'un salaire) doit être compensé par l'avantage obtenu en matière de salaire avec
le nouvel emploi trouvé en prenant le risque de ne pas trouver mieux.
On comprend aisément que ce comportement est source de passages au chômage, d'autant
plus réguliers et plus longs que l'information est imparfaite... et que le système d'indemnisation
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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

améliore la rentabilité de l'opération. Il s'agit à nouveau d'une forme de chômage volontaire, qui
apparaît d'autant plus incompressible que l'information disponible sur le marché du travail est
imparfaite.
De plus, le passage d'un emploi à un autre peut être rendu obligatoire pour l'individu par
l'évolution des structures de l'économie. Le temps de formation nécessaire pour passer des
emplois détruits aux nouveaux emplois conduit à un chômage qualifié de structurel.
Au total, Milton Friedman (1974) considère comme un « chômage naturel » le chômage
volontaire qui représente la somme des chômages frictionnel et structurel.
3. Le chômage involontaire
On peut dire qu'il existe du chômage involontaire, en référence à la théorie classique, s'il
existe des individus prêts à travailler pour un salaire inférieur à celui du marché du travail,
pour une qualification équivalente, et qui ne trouvent pas d'emploi.
3.1 Le schéma keynésien
Dans le cadre d'une approche positive, Keynes part du constat que les salaires nominaux sont
rigides à la baisse. Il n'y a donc pas d'espoir que le chômage disparaisse par une diminution du prix
du travail : celui-ci ne peut descendre en dessous d'un minimum du fait de la présence des
syndicats.
Le schéma du chômage keynésien nous indique que si la demande de travail des entreprises
baisse (en raison d'anticipations pessimistes de l'évolution de la consommation, de l'investissement
et des exportations), le salaire réel reste néanmoins au niveau initial (compte tenu de l'allure coudée
de l'offre de travail), ce qui occasionne un chômage.
Si la baisse des salaires apparaît impossible, elle est en outre peu souhaitable. En effet, un niveau
trop faible des salaires nuit à la consommation des ménages, et donc à la demande qui s'adresse
aux entreprises, conduisant à une aggravation du chômage. En quelque sorte, une baisse des
salaires pourrait conduire à des anticipations pessimistes de l'évolution de la demande globale.
Le chômage, dans la conception keynésienne, n'est pas volontaire mais peut être le signe d'un
équilibre de sous-emploi. Keynes considère que les entrepreneurs anticipent l'évolution de la
demande qui s'adresse à eux et en déduisent alors le niveau de la production à réaliser. Ce niveau
de production indique alors un niveau d'emploi. Il se peut fort bien que le niveau de la demande
effective (anticipation de la demande future) soit inférieur à la réalisation de la demande, ce qui
débouche alors sur un équilibre de sous-emploi des facteurs de production (capacités de production
inutilisées, chômage).
Il est à noter que si les entreprises ne peuvent obtenir une baisse des salaires réels par la
diminution des salaires nominaux, celle-ci devient possible grâce à une hausse des prix.
3.2 Le chômage est dû au ralentissement de l'activité économique
En vertu de la loi d'Okun (1962), on sait que l'on peut établir une relation inverse entre le
taux de croissance du PIB et le taux de chômage. Une forte croissance s'accompagne d'une
baisse du taux de chômage, une faible croissance d'une augmentation du taux de chômage.
Dans cette situation, la demande qui s'adresse aux entreprises stagne ou diminue et celles-ci
réajustent à la baisse leur volume de main d'œuvre pour l'adapter au volume de la production.
Ce faisant, les licenciements économiques se multiplient et augmentent le niveau du chômage.
En tout cas, même en l'absence de licenciements, le volume d'emplois créés peut s'avérer
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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

insuffisant face au solde des entrées (fin d'études) et sorties du marché du travail (retraites).
Dans ce cas d'insuffisance de la demande globale, on parle de chômage keynésien.
Le chômage keynésien est celui qui résulte d'une insuffisance de la demande effective, c'est-
à-dire de la demande globale anticipée. Si les entreprises font des anticipations pessimistes, elles
investissent moins et embauchent moins, contribuant de fait à une faible progression
de la demande, et donc à un accroissement du chômage. Les débouchés pour une entreprise
dépendent des revenus versés par les autres entreprises, c'est-à-dire des anticipations faites
par ces autres entreprises sur l'évolution de la demande. En somme, la demande effective
chez Keynes (ou demande globale anticipée) est le résultat des décisions de production de
toutes les entreprises sachant que chacune décide en anticipant la décision des autres...
Bien entendu, si elles font toutes des anticipations optimistes, les effets sur l'emploi sont
positifs. On comprend pourquoi les effets d'annonce des gouvernements sont essentiels pour
influencer les anticipations des ménages, et donc des entreprises : répéter inlassablement que la
situation économique s'améliore favorise les anticipations optimistes, lesquelles conduisent à une
amélioration de la situation économique.
3.3 La théorie du salaire d'efficience
Selon le schéma classique, l'existence du chômage devrait conduire à une baisse des salaires.
Cependant, les employeurs rationnels peuvent ne pas avoir intérêt à diminuer les salaires.
A l'origine, le salaire d'efficience vient des stratégies mises en place par les entreprises pour
dissuader les travailleurs de rechercher un emploi dans une autre entreprise, donc pour éviter
les coûts de rotation de la main d'œuvre (coût de licenciement, coût d'embauche, de recrutement
et de formation). Les firmes arbitrent en effet entre des salaires faibles accompagnés de coûts de
rotation importants, et des salaires élevés liés à de faibles coûts de rotation.
Les employeurs peuvent, en outre, juger qu'un salaire élevé est source de motivation et de
fidélisation des salariés selon Janet Yellen (1984). Cette dernière s'est appuyée sur les études
de Leibenstein (1957) dans le domaine de l'économie du développement. Selon Leibenstein,
la productivité individuelle dans les pays en développement est une fonction du salaire réel
mesuré par la ration alimentaire que reçoit chaque travailleur. Ce ne serait donc plus la productivité
marginale qui déterminerait le salaire, comme dans le modèle néoclassique, mais le salaire versé
qui agirait sur le niveau de productivité des travailleurs.
Le salaire d'efficience est le niveau optimal de salaire qui permet d'atteindre la productivité
maximale du travail de celui qui le perçoit. Comme la baisse des salaires serait source de
démotivation, il convient de maintenir leur niveau. Ce faisant, les salaires versés dans les
entreprises sont supérieurs au salaire d'équilibre, sur le marché du travail néoclassique, qui
garantirait la résorption du chômage. Dans tous les cas, il existe donc des individus qui
souhaiteraient travailler pour un salaire inférieur à ceux pratiqués par les entreprises et qui ne
trouvent pas d'emploi, il s'agit de chômeurs involontaires.
Mais le salaire d'efficience prend aussi sa source dans la théorie des incitations (théorie qui
étudie la manière d'inciter les agents à se comporter d'une manière attendue). La théorie des
incitations repose sur le modèle Principal/Agent (ou Mandant/Mandataire) de la théorie de
l'agence, avec asymétrie d'information : le principal est moins informé que l'agent qui
dispose d'informations privées sur ses propres actions. Malheureusement, la satisfaction du
principal dépend de l'information cachée de l'agent. Il s'agit donc de lui proposer des

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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

contrats de travail destinés à révéler cette information cachée, car la recherche d'indications
sur l'agent s'avère coûteuse (un peu comme pour les contrats d'assurance auto). Selon Weiss
(1980), le salaire de réservation est un signal révélateur de la qualité du candidat à un poste
dans l'entreprise. Le salaire de réservation peut en effet refléter ce que le candidat aurait pu
obtenir dans une autre entreprise (et donc justifier qu'il ne souhaite pas travailler à un
salaire inférieur). On suppose que le salaire de réservation est une fonction croissante des
aptitudes du candidat. Ainsi, lorsque l'entreprise propose un salaire élevé elle va sélectionner les
meilleurs : un travailleur qui se déclare prêt à travailler pour un salaire plus faible
signale qu'il a de moindres aptitudes à l'emploi (phénomène d'anti-sélection ou sélection
adverse). En raisonnant à l'inverse, si l'entreprise propose des salaires peu élevés elle attire
les individus qui disposent de plus faibles aptitudes à l'emploi : il en résulte un phénomène
d'anti sélection ou sélection adverse. De nouveau, le salaire est déconnecté du salaire sur le
marché du travail concurrentiel, ce qui provoque du chômage involontaire.
Enfin, Shapiro et Stiglitz (1984), dans le modèle dit du « tire-au-flanc », ont lié la théorie du
salaire d'efficience au risque moral, ou encore aléa moral. Au moment de l'embauche,
l'entreprise ne peut pas toujours détecter avec précision les individus « paresseux », en
raison de l'asymétrie d'information qui existe entre le recruteur et le recruté : seul ce dernier
sait s'il est un « tire au flanc » ou non... En leur proposant un salaire supérieur à celui qu'ils
pourraientt trouver sur le marché du travail, l'entreprise va encourager les salariés à maintenir
à un niveau élevé leur effort productif. En effet, adopter un comportement de « tire au
flanc » ne serait pas rationnel car les risques d'être détecté et licencié existent, avec la
certitude de ne pas trouver un emploi aussi bien rémunéré ailleurs.
Cependant, si toutes les firmes raisonnent ainsi, elles vont toutes choisir des salaires voisins et
aucune ne se distinguera des autres (le différentiel de salaire incitatif disparaît). De toutes les
façons, les salaires fixés dans les entreprises demeurent supérieurs à celui du marché du
travail concurrentiel, ce qui engendre un chômage involontaire durable.
3.4 La théorie des contrats implicites
La théorie des contrats implicites de Bailey (1974) et Azariadis (1975) montre que les
salaires dans les entreprises sont déconnectés du marché du travail parce que les salariés ont
une aversion pour le risque de fluctuations excessives de leurs revenus. En conséquence, ils
acceptent, dans des contrats plus ou moins implicites, une rémunération indépendante de
la conjoncture. Les entreprises jouent alors le rôle d'une compagnie d'assurance contre le
risque de chômage. En période de forte activité ils « payent » une prime d'assurance, c'est-
à-dire qu'ils renoncent à une hausse de salaire qu'ils auraient pu obtenir ailleurs (sur le
marché du travail les salaires sont plus élevés). Au contraire, en période de faible activité
économique, ils touchent une « indemnité » qui correspond à la différence entre le niveau
de leur salaire et le niveau plus faible du salaire sur le marché du travail.
Par conséquent, on observe de nouveau, en période de chômage, des individus qui sont
prêts à travailler à un salaire inférieur à celui que versent les entreprises à leurs employés, et
qui ne trouvent pas d'emploi. Il s'agit là encore d'une forme de chômage involontaire.
En complément, le modèle des contrats implicites peut s'envisager en raisonnant sur la
productivité des travailleurs. Au début de l'embauche, leur productivité est faible en raison
d'une période nécessaire à l'apprentissage, à la familiarisation avec l'organisation et les

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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

procédures de l'entreprise. Ils perçoivent un salaire qui serait donc supérieur à leur productivité
réelle (ils reçoivent une « indemnité »). Cette productivité s'accroît dans le temps grâce à
l'expérience, sans que leur salaire soit pour autant modifié (ils versent une « prime »).
3.5 Les théories de la segmentation du marché du travail
Selon ces théories, il n'existe pas un seul marché du travail.
3.5.1 Marché primaire et marché secondaire de Doeringer et Piore (1971)
Selon Peter Doeringer et Michael Piore (1971), le marché du travail est segmenté en :
­ un secteur primaire ou marché primaire, qui est caractérisé par des salaires élevés, la
stabilité de l'emploi et des perspectives de carrières pour ceux qui s'y trouvent. C'est
souvent le cas dans les grandes entreprises dans lesquelles on observe des marchés
internes du travail ;
­ un secteur secondaire ou marché secondaire, représenté par des salaires faibles, une
rotation importante de la main d'œuvre, pas de perspective de carrière dans l'entreprise.
Ce marché secondaire regroupe surtout des entreprises de petite taille pour lesquelles les
recrutements se font surtout en externe (marché externe du travail). On remarque que la
mobilité entre les deux secteurs est réduite, et que le dualisme s'observe à l'intérieur même
des firmes : elle garantit une forme de cohésion sociale de l'organisation. Il est à noter que
Doeringer et Piore expliquent ce dualisme par l'incertitude de l'environnement : une partie
de la firme demeure stable face aux changements de l'environnement, l'autre partie
servant de zone tampon face à ces changements (flexibilité organisationnelle).
A priori, on pourrait penser que le marché secondaire fonctionne selon un mode concurrentiel,
alors que le marché primaire serait imparfait. Toutefois, les chômeurs ne sont pas « volontaires
» car ils accepteraient de toute évidence un emploi du secteur primaire, même à un taux de
salaire inférieur à celui que proposent les firmes, y compris sur le marché secondaire.
3.5.2 Modèle insiders et outsiders de Lindbeck et Snower (1986)
Selon Lindbeck et Snower, un conflit oppose non pas les employeurs et les employés, mais
les insiders (qui disposent d'un emploi dans la firme) et les outsiders (les chômeurs), les deux
catégories étant définies par rapport à une entreprise donnée. Moins les insiders sont nombreux
plus ils peuvent obtenir, par l'intermédiaire des syndicats, des salaires élevés
pénalisant ainsi la création d'emplois et donc l'embauche des chômeurs.
On peut alors expliquer l'hysthérèse du chômage, ou effet d'hystérésis (persistance d'un
phénomène après que les causes qui en étaient à l'origine ont disparu), selon Blanchard et
Summers (1986). En effet, plus le nombre de chômeurs (outsiders) est important, plus le
nombre d'insiders est faible, plus les salaires négociés sont élevés, moins le nombre
d'emplois créés est grand.
L'effet d'hystérésis peut aussi s'expliquer, notamment pour les chômeurs de longue durée, par
la théorie du capital humain. Une longue période d'inactivité conduit à une perte de capital
humain pour les chômeurs (perte d'expérience, inadaptation aux nouvelles techniques et
technologies) qui les rend encore moins employables. Des actions de formations sont rendues
nécessaires pour reconstituer le capital humain des chômeurs de longue durée.
3.6 Action syndicale et chômage (théories de la négociation)
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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

Les théories de la négociation partent de la réalité de la fixation des salaires : les contrats de
travail résultent en grande partie de conventions collectives, et sont donc négociés entre les
institutions représentatives (syndicat/patronat). Les salariés trouvent un intérêt à l'action syndicale
dès que celle-ci élève le salaire au-delà de leur salaire de réserve (ou salaire de réservation). Si
tous les individus sont identiques, le salaire de réserve est le salaire d'équilibre en situation de
concurrence.
La défense d'un niveau de salaire au-delà du salaire d'équilibre sur le marché du travail, par
les syndicats, conduit à réduire le nombre d'emplois proposés par les entreprises, donc à la
pérennisation du chômage. C'est ce que met en évidence le modèle des droits à gérer de Nickell
(1982) : les négociations entre firmes et syndicats ne portent que sur le niveau des
salaires (l'emploi est déterminé unilatéralement par la firme). Dans ce cas, le salaire est
d'abord négocié entre firme et syndicat, puis la firme détermine le niveau de l'emploi en
égalisant salaire et productivité marginale. Ainsi, toute hausse du pouvoir de marchandage
du syndicat entraîne une hausse du salaire négocié et donc une baisse de l'emploi. L'action
syndicale serait donc défavorable à l'emploi. On constate que ce type d'analyse remet violemment
en cause l'existence même des syndicats : ils seraient non seulement inutiles, mais aussi néfastes
pour les chômeurs.

Section 3 : LES INTERPRETATIONS DU CHOMAGE


1. Les interprétations « classiques » du chômage

1.1 La théorie néoclassique du marché du travail


Selon les économistes néoclassiques, le marché du travail est un marché identique aux autres
(Lionel Robbins).
Sur ce marché, il existe un niveau de salaire réel (W/P)* pour lequel le plein emploi est assuré. Un
salaire réel supérieur à (W/P)* conduit à un chômage. La baisse du salaire réel doit permettre un
retour au plein emploi car elle provoque une diminution de l’offre de travail et une hausse de la
demande de travail.
La flexibilité du salaire réel permet de réguler les déséquilibres sur le marché du travail. Les
interventions publiques sont, dans cette optique, source de rigidités et donc de chômage. Le salaire
minimum, les allocations chômage et le contrôle des licenciements conduisent à un salaire réel
supérieur au salaire d’équilibre. La lutte contre le chômage passe par la restauration des
mécanismes concurrentiels sur le marché du travail.
1.2 La théorie du capital humain (Gary Becker)
Le capital humain (KH) désigne l’ensemble des capacités productives innées ou acquises de
l’individu. La productivité d’un individu dépend de son capital humain. L’accumulation du KH
s’effectue au sein de la famille, par le biais de l’expérience professionnelle et grâce à la formation.
L’investissement en KH peut être réalisé par les entreprises, qui en attendent un surcroît
d’efficacité, et par les individus, qui espèrent une hausse de leur rémunération.
Le modèle néoclassique de base ne fournit pas d’explication valable de la dispersion des salaires
puisque les individus sont supposés identiques.
Les différences de salaires s’expliquent par celles des dotations en KH puisque la productivité des
individus en dépend.
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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

Les salariés les moins qualifiés et les jeunes sont fortement touchés par le chômage en raison d’un
coût du travail trop élevé par rapport à leur productivité. Les plus âgés sont pénalisés par
l’évolution des qualifications que provoquent les mutations de l’appareil productif. Leur
adaptation nécessiterait un investissement coûteux en formation qui risquerait de ne pas être amorti
à cause de la proximité de la retraite.
La théorie du KH reprend à son compte les recommandations néoclassiques en faveur d’une
déréglementation du marché du travail. Elle préconise par ailleurs des efforts de formation en vue
d’améliorer l’employabilité des chômeurs.
1.3 La théorie de la recherche d’emploi (George Stigler)
Les salariés doivent faire des recherches afin de trouver les emplois correspondant à leurs
qualifications et à leurs exigences. L’appariement (compatibilité) entre les emplois offerts et
l’offre de travail n’est donc pas immédiat, ce qui explique l’existence d’un chômage de frottement
à court terme.
Cette recherche engendre un coût : les frais afférents à celle-ci, ainsi que les salaires non perçus.
Le salarié accepte d’assumer ce coût car il espère en retirer un gain en termes de salaires et de
conditions de travail. L’existence d’allocations chômage permet aux chômeurs de prolonger cette
recherche et de retarder leur entrée sur le marché du travail. Elles augmentent le salaire de
réservation, c’est-à-dire le salaire à partir duquel les personnes au chômage acceptent de reprendre
un emploi. Les allocations chômage sont ainsi accusées de faire tomber les chômeurs dans une
«trappe à inactivité» source de chômage de longue durée. Ces analyses justifient les réorientations
des politiques de l’emploi au cours des années 1990, en particulier le durcissement des critères
d’éligibilité aux allocations chômage ainsi que la réduction de leur durée et de leur montant.
1.4 La courbe de Beveridge
Les imperfections du fonctionnement du marché du travail aboutissent à la coexistence du
chômage et d’emplois non pourvus. La courbe de Beveridge relie les taux de chômage (U) aux
taux d’emplois vacants (V). Cette relation est décroissante. Lorsque le taux de chômage s’élève,
le taux d’emplois vacants diminue car les chômeurs ont tendance à accepter plus facilement
n’importe quel emploi. À l’inverse, quand le taux de chômage baisse, les chômeurs deviennent
plus sélectifs et le taux d’emplois vacants augmente. Le taux de chômage structurel correspond au
taux de chômage, qui est égal au taux d’emplois vacants.
Les explications de la courbe de Beveridge reposent sur des arguments multiples :
­ l’inadéquation des qualifications de certains salariés, due aux évolutions structurelles ;
­ la faiblesse des incitations à la reprise d’un emploi (dans la droite ligne des analyses de la
théorie de la recherche d’emploi) ;
­ l’insuffisante efficacité des politiques et des institutions de traitement du chômage (Pôle
emploi).
Des rigidités croissantes sur le marché du travail se traduisent par un glissement de la courbe de
Beveridge sur la droite. À l’inverse, un marché du travail plus flexible permettra un abaissement
de cette courbe et une diminution du chômage structurel.
Ci-dessous la courbe de Beveridge

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V*

U* U
2. Les interprétations « keynésiennes »

2.1 Le principe de la demande effective


Keynes et les post-keynésiens estiment que le niveau de l’emploi n’est pas déterminé par celui du
salaire réel. Il dépend de la demande effective, c’est-à-dire la demande anticipée par les entreprises.
Lorsque ces anticipations sont pessimistes, les entreprises réduisent l’investissement et le niveau
de l’emploi. Les revenus distribués diminuent et, avec eux, la demande globale (mécanisme du
multiplicateur). Dans ces conditions, la baisse du salaire réel risque d’entraîner une nouvelle
réduction de la demande globale et une dégradation des anticipations. Ce cercle vicieux peut
induire une récession. Rien n’assure que le niveau de la production mis en œuvre par les entreprises
garantisse le plein emploi et aucun mécanisme ne permet un retour automatique à l’équilibre. Seule
la hausse de la demande globale est de nature à réduire le chômage. Or les entreprises ne peuvent
pas augmenter les salaires car il est probable que la faiblesse de la demande réduise leur rentabilité.
L’État doit relancer l’économie grâce à la politique conjoncturelle, c’est-à-dire à un bon dosage de
politique budgétaire et fiscale et de politique monétaire.
2.2 La rigidité des salaires dans les analyses néo-keynésiennes
Les néo-keynésiens considèrent que si les salaires réels étaient flexibles, ils permettraient en effet
une réduction du chômage ; mais les salaires sont rigides. Ils estiment cependant que cette rigidité
est rationnelle. En effet, selon les théories du salaire d’efficience (Akerlof, Stiglitz et Yellen), la
motivation des salariés et donc leur productivité dépendent du salaire. Les entreprises préfèrent ne
pas réduire les salaires en période de chômage plutôt que risquer de subir une baisse de la
productivité. La théorie des contrats implicites (Azariadis, Baily et Gordon) envisage la relation
salariale comme une relation d’assurance. Les salariés, redoutant des fluctuations de revenus,
accepteraient implicitement des progressions de salaire plus faibles que celles de la productivité
en échange d’une stabilité de celui-ci en période de récession.

La rigidité des salaires conduit à un salaire réel supérieur au salaire d’équilibre. Dans ces analyses,
le chômage est bien une conséquence d’un coût salarial trop élevé. Il faut donc abaisser ce coût
sans diminuer le salaire net perçu par les salariés, afin de ne pas nuire à l’efficacité productive.
C’est pourquoi les néo-keynésiens préconisent de réduire les charges sociales, notamment pour les
emplois les moins qualifiés. Ils considèrent aussi que l’État doit lutter contre les rigidités du

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marché du travail, qui contribuent à élever le niveau des salaires. Ils se rapprochent, de ce point de
vue, des analyses libérales.

Section 4 : LES POLITIQUES D'EMPLOI


Étant donné que les causes du chômage apparaissent multiples sinon indéterminées, les
mesures de lutte seront elles aussi variées. Il ne s'agit pas ici de présenter les politiques
économiques globales mais les politiques spécifiques de l'emploi. De manière traditionnelle, on
peut opposer les politiques dites passives de l'emploi qui visent plus à agir sur l'offre de travail, et
les politiques actives de l'emploi qui cherchent à influencer la demande de travail.
1. Les politiques qui agissent sur l'offre de travail
1.1 L'indemnisation du chômage
La demande de travail est considérée comme une donnée. Il s'agit d'accompagner la
situation de chômage par un traitement social.
L'indemnisation du chômage a pour but d'éviter les effets récessifs des pertes d'emplois.
Sans indemnisation, le chômage conduit à une réduction massive de la demande qui est
préjudiciable aux débouchés des entreprises, et donc à l'emploi dans ces entreprises.
L'indemnisation repose essentiellement sur une logique d'assurance. Les allocations sont
payées grâce aux allocations versées par les actifs occupés. Pour bénéficier d'une indemnisation,
il faut avoir cotisé au préalable. Le niveau d'indemnisation doit tenir compte du phénomène « d'aléa
moral » qui, en cas d'indemnisation trop importante, pourrait conduire certains chômeurs à ne pas
rechercher véritablement un emploi. Selon les théoriciens néoclassiques, plus l'écart entre
l'indemnisation et le salaire minimum est faible, plus l'incitation à demeurer au chômage est forte.
1.2 Réduire l'offre de travail
Il s'agit de réduire la population active par diverses mesures : l'abaissement de l'âge de la retraite,
le développement des retraites anticipées, la limitation de l'immigration, l'incitation à quitter le
marché du travail (aides familiales etc.), retarder l'arrivée des jeunes sur le marché du travail.
Ces mesures présentent des coûts qui ne sont pas toujours couverts par les avantages qu'elles
apportent. Dans le cadre d'un départ en retraite (préretraite), le coût du remplaçant n'est pas
toujours inférieur à celui du sortant. Ainsi se trouvent limités les effets bénéfiques d'une diminution
de l'âge de la retraite pour l'entreprise :
­ le départ crée un appel d'air qui provoque des promotions en chaîne. Le coût financier de
ces progressions hiérarchiques et salariales peut dépasser l'économie apparente ;
­ si le partant avait bénéficié de formations et de promotions internes, s'il avait un salaire
inférieur à celui qu'il faut proposer pour attirer une personne confirmée (théorie des
contrats implicites), à compétence comparable mais formation initiale plus élevée,
certaines entreprises se rendent compte que leur positionnement salarial se situe en dessous
des moyennes externes.
1.3 Le partage du travail
L'idée part d'un calcul simple. Si 20 millions de salariés qui travaillent 40 heures acceptent
de ne travailler que 35 heures par semaines, 100 millions d'heures sont libérées, ce qui
correspond à peu près à 2 860 000 créations d'emplois. Cependant, la réduction de la durée du

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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

travail ne conduit pas automatiquement à l'embauche de nouveaux salariés si elle est compensée
par des gains de productivité, autrement dit si les salariés en place parviennent à effectuer le même
travail qu'avant en un temps réduit.
2. Les politiques en direction de la demande de travail

2.1 Réduire le coût du travail


Dans une optique néoclassique, la réduction du chômage passe par la baisse du prix du
travail, voire l'abandon du SMIG (Salaire Minimum Interprofessionnel garanti) qui constitue un
obstacle au bon fonctionnement du marché du travail. Cela permet de procéder à des embauches
puisque le coût du travail devient inférieur à la productivité marginale du travail. Il est alors
possible d'embaucher jusqu'à ce que la productivité marginale (supposée décroissante) atteigne le
nouveau coût du travail.
La baisse des salaires conduit à améliorer la compétitivité des entreprises : elles peuvent
gagner des parts de marché à l'étranger, augmenter leur production et créer des emplois.
Toutefois, pour que la baisse du coût du travail ne nuise pas à la consommation des ménages, il
est possible d'envisager une baisse des cotisations sociales patronales.
2.2 Améliorer le fonctionnement du marché du travail
Un certain nombre d'actions des pouvoirs publics visent à restreindre l'inadéquation entre
l'offre et la demande de travail. On pense notamment aux diverses actions de formation
professionnelle, aux contrats de qualifications, d'apprentissage, d'adaptation, d'orientation,
de retour à l'emploi, d'initiatives emplois, ainsi qu'aux stages de formation pour adultes et
pour les jeunes.
L'idée est aussi d'améliorer la flexibilité du travail qu'il s'agisse d'une flexibilité quantitative,
qualitative ou salariale. La flexibilité du travail concerne la capacité de l'offre de travail à s'adapter,
en qualité et en quantité, aux changements de l'environnement de l'entreprise.
2.3 Créer des emplois particuliers
L'État prend en charge, partiellement ou totalement le salaire et les charges sociales dans le cas
d'embauches qui concernent des cibles particulières : les jeunes, les chômeurs de longue durée, les
chômeurs âgés.
Il peut s'agir de la création d'emplois publics, de dispositifs visant à permettre l'insertion
des jeunes ou des travailleurs âgés. Cependant, ces aides à l'emploi présentent des effets
pervers : favoriser l'emploi d'une catégorie d'actifs peut conduire à un effet de substitution
au détriment d'autres catégories. C'est pourquoi le « Contrat de génération » lancé par le
gouvernement Ayrault en 2013, en France, se propose de lier l'embauche d'un travailleur jeune au
maintien dans l'emploi d'un travailleur âgé.
CONCLUSION
Comprendre et cerner le phénomène du chômage a fait dire à Bernard Gazier, spécialiste de
l'économie du travail, qu'il s'agissait d'aller « de la mesure du flou au flou de la mesure ». La
définition et la mesure sont arbitraires et ne règlent pas totalement le problème du chômage : les
frontières entre 1'emploi, l'inactivité et le chômage ne sont pas clairement identifiées.

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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

Les causes du chômage sont multiples. On peut cependant recenser des causes conjoncturelles,
comme l'insuffisance de la demande globale et/ou un coût du travail trop élevé, et des causes
structurelles comme les problèmes d'inadéquation de l'offre de travail à la demande.
Le chômage apparaît à la fois comme un problème social et un problème économique, et les
politiques de l'emploi sont souvent impuissantes à le réduire. Il n'y a alors que peu de chance que
ce volant de chômage soit réduit par des actions simplement conjoncturelles. L'action à long terme,
et notamment le soutien à l'innovation accompagné de politiques de formation de la main d'œuvre,
semble plus que jamais nécessaire.

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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

CHAPITRE 3 : L’INFLATION ET LES POLITIQUES DE


STABILITE DU NIVEAU
GENERAL DES PRIX
INTRODUCTION
Si la hausse des prix est un phénomène ancien, l’usage du terme inflation est récent ; les
dictionnaires économiques du XIXe siècle ne le mentionnaient pas encore. Ce n’est qu’au début
du XXe siècle, notamment au sortir de la première guerre mondiale, que le mot est apparu, et
signifiait une hausse abusive de la quantité de monnaie.
La maîtrise de l’inflation est un des éléments du carré magique de Kaldor, c’est à dire un des
quatre objectifs majeurs de la politique économique au même titre que la croissance, le plein
emploi et l’équilibre extérieur. A ce titre, la stabilité des prix est recherchée. Pourtant, les objectifs
en termes d’inflation ont évolué au cours du temps.
Pendant les années 1950 et 1960, l’inflation était tolérée, c’était un moindre mal. Dans les
années 1980 et 1990, elle était combattue avec vigueur par les banques centrales. Depuis la crise
de 2008, plusieurs banques centrales ont pratiqué des politiques d’abondance monétaire, allant
même jusqu’à monétiser la dette publique, ce qui peut laisser craindre un retour futur de l’inflation.
Comment expliquer alors ces changements d’attitude ? L’inflation serait-elle devenue bienfaisante
ou moins néfaste ? Nous répondrons à toutes ces questions dans ce chapitre. Après avoir défini
l’inflation, nous présenterons les causes, les conséquences ainsi que les moyens mis en œuvre pour
lutter contre l'inflation.

Section 1 : DEFINITION DE L’INFLATION ET DES TERMES AFFERENTS


1- L’inflation
L'inflation est définie comme la hausse durable du niveau général des prix. Une augmentation
ponctuelle de ceux-ci ne peut pas être considérée comme de l’inflation. La hausse des prix doit se
propager à l’ensemble de l’économie et se reproduire au cours des périodes suivantes. Elle suppose
l’existence de mécanismes d’ajustement favorisant la reproduction des hausses de prix. L’inflation
implique une perte de pouvoir d’achat de la monnaie.
On distingue l’inflation rampante, correspondant à une hausse modérée et l’inflation galopante
qui correspond à un taux d’inflation à deux (2) chiffres.
NB : On peut se centrer sur la monnaie et donner une autre définition. L’inflation peut alors être
définie comme la baisse du pouvoir d’achat de la monnaie.
2- La déflation
Elle se définit comme la baisse du niveau général des prix. Elle est généralement associée à une
récession, c’est-à-dire à une diminution du produit intérieur brut.
Il s'agit du phénomène inverse à celui de l'inflation. La plupart du temps, elle est associée à une
récession économique avec une hausse du chômage.
La déflation n'est pas un phénomène souhaitable en économie car elle témoigne d'une difficulté à
écouler la production et d'une insuffisance de la demande. Elle signifie concrètement moins

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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

d’entrées d'argent, moins de revenus donc de croissance et plus de chômage. Ce phénomène s’est
produit pendant la grande dépression des années 30.
On désigne par politique déflationniste une politique qui vise à contracter la demande globale par
une baisse des salaires par exemple pour baisser les coûts et les prix.
3- La désinflation
C’est la baisse du taux d’inflation : le niveau général des prix augmente toujours mais à un rythme
moins important qu’auparavant.
Exemple : si l’inflation passe de 10% à 7% puis à 4%, le niveau général des prix augmente toujours
mais à un rythme moins rapide.
4- L’hyperinflation
Elle est définie par un taux d’inflation d’au moins 50% par mois (soit un taux annuel supérieur ou
égal à 12 975%).
Par exemple une hyperinflation a été observée entre 1921 et 1925, parallèlement dans quatre (4)
pays : l’Allemagne, l’Autriche, la Hongrie et la Pologne, où elle s’est caractérisée par une
évolution de la masse monétaire et du niveau des prix.
5- La stagflation
Elle désigne une période au cours de laquelle on observe de manière concomitante une inflation
élevée et un ralentissement de la croissance économique accompagné d’une hausse du chômage.
Caractéristique de la situation du début des années 70, précisément après le premier choc pétrolier
(1973), le phénomène de stagflation remet en cause les théories de Phillips qui établissaient une
relation inverse entre le taux de chômage et le taux d'inflation. En effet, la courbe de Phillips est
remise en cause depuis les années 70 au cours desquelles il a été observé qu'un niveau élevé
d'inflation n'était pas incompatible avec une augmentation du taux de chômage.

Section 2 : MESURE DE L’INFLATION


L'indice des prix à la consommation (IPC) est l'instrument de mesure de l'inflation. Il permet
d'estimer, entre deux périodes données, la variation du niveau général des prix des biens et des
services consommés par les ménages sur le territoire national. Cet indice est obtenu en pondérant
l’ensemble des prix des biens et services qui composent le panier de consommation en fonction de
leur importance relative dans le budget total d’un consommateur typique.
1- Formule de calcul
L’indice des prix à la consommation est un indice de Laspeyres des prix. Il mesure l’évolution du
niveau moyen des prix d’un « Panier de provisions » dont la composition est gardée identique à
celle de la période de base.

Il se détermine de la manière suivante : I (P) = ∑ x 100

NB : Comme la composition du panier reste inchangée d’une année à l’autre, la variation en % de


l’IPC d’une année à l’autre, reflète uniquement l’évolution des prix et non pas l’évolution des
quantités.

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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

2- Application
Les mesures en 2003 et en 2005 des prix unitaires et des quantités consommées des articles A, B,
C et D sont données dans le tableau ci-après :
Articles 2003 2005

Prix P0 Quantité Q0 Prix P1 Quantité Q1

A 5 10 7 80

B 20 12 30 25

C 10 50 12 90

D 3 200 4 200

TAF : Calculer l’indice synthétique des prix (indice des moyennes arithmétiques pondérées) en
2005 calculé sur la base 100 en 2003 avec la pondération Laspeyres. Déduire le taux d’inflation
(TxI).
Résolution
∑ é é
= x 100 = x 100
∑ é é

( ) ( ) ( ) ( )
= ( ) ( ) ( ) ( )
x 100

I = 131,65

,
TxI = x 100 = 31,65 %

Section 3 : LES CAUSES DE L’INFLATION


1- L’inflation par la monnaie
Pour les auteurs néoclassiques et monétaristes, l’inflation résulte d’une émission de monnaie trop
importante. La justification de cette idée repose sur l’existence d’une relation économique, appelée
« Théorie Quantitative de la Monnaie » ou équation d’Irving Fisher. Cette dernière s’exprime ainsi
:
M.V = P.Y ou M.V = P.T, où :
M représente la masse monétaire en circulation ;
V la vitesse de circulation de la monnaie ;
P le niveau général des prix ;
Y le volume de production ou de transactions (T).
Cette équation souligne qu’une augmentation de la quantité de monnaie provoque de façon
mécanique une hausse du niveau général des prix, si on suppose la vitesse de circulation de la
monnaie et le volume des transactions stables. Il en découle que l’évolution de la masse monétaire
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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

doit être corrélée à l’évolution du volume de la production, afin d’éviter une situation
inflationniste.
2- L’inflation par la demande
Sur le marché concurrentiel d’un produit, l’excès de demande par rapport à l’offre entraine la
hausse du prix. Ce modèle micro-économique est transposé au niveau macro-économique et
permet d’expliquer l’inflation par la demande, qui est due au fait que la demande excède
durablement l’offre sur les marchés.
Comprendre l’inflation par la demande revient donc à rechercher les origines de l’excès de la
demande et de l’insuffisance de l’offre.
2-1- Origine de l’excès de demande
L’excès de demande de bien sur les marchés ou dans une économie, peut provenir de :
­ la hausse des dépenses de consommation du fait de la hausse des salaires ou de la hausse
du crédit (en 1976, R. Barre affirmait « Les Français vivent au-dessus de leur moyen ») ;
­ la hausse des dépenses d’investissement des entreprises financées par le crédit bancaire
sans épargne préalable ;
­ la hausse des dépenses publiques avec déficit budgétaire ;
­ la hausse de la demande extérieure ;
­ l’accroissement des revenus provenant d’un excédent courant (entrée de devises).

2-2- Origine de l’insuffisance de l’offre


L’insuffisance de l’offre sur les marchés ou dans une économie peut provenir :
­ du blocage des importations (contingentement, mesures prohibitives,…) ;
­ l’inélasticité de l’offre due à divers goulots d’étranglements : pénurie de matières
premières, d’énergie, d’outillage, de main d’œuvre spécialisée, absence de capitaux.
Keynes a en effet mis en évidence durant la seconde guerre mondiale, que dans une économie de
guerre, les facteurs de production sont en partie orientés vers l’armement, ce qui entraine la rigidité
de l’offre. Si le gouvernement fixe les prix, la population peut être confrontée à des pénuries, ce
qui la contraint à l’épargne (épargne forcée). Si les prix sont par contre libres, il y a hausse des
prix.
Keynes a aussi mis en évidence la notion d’écart inflationniste, qui traduit un excédent de la
demande globale sur l’offre globale en situation de plein emploi ou voisine du plein emploi. Ceci
est montré par le graphique à 45°, où il existe un niveau de revenu tel que l’offre égale à la demande
(O = D). Lorsque le revenu national est inférieur à ce niveau, la demande est supérieure à l’offre.
Il peut être comblé par la hausse des prix ou par une hausse de la production.
3- L’inflation par les coûts
L’inflation est due à la hausse excessive des coûts de production : matières premières
(chocs pétroliers), charges fiscales et financières, salaires et charges sociales. L’inflation importée
rentre dans cette catégorie.
L’idée directrice est que l’inflation provient d’un accroissement de la rémunération des facteurs
de production supérieur à celui de leur productivité. Cette hausse incite les chefs d’entreprise à

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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

relever le prix des biens et services offerts pour retrouver leur équilibre financier. Ce qui peut
entrainer des revendications de nouvelles hausses de salaires, d’où le mécanisme de propagation
de l’inflation.
Au niveau de l’enchainement, l’inflation est souvent causée au départ par la hausse des
prix des matières premières qui se répercute sur les produits finis. Les salaires étant en général
indexés sur l’inflation, cela entraine une hausse des salaires, par un phénomène d’inflation de
second tour.
Pour Keynes, l’inflation s’explique par l’évolution des coûts salariaux : « L’accroissement
de la quantité de monnaie ne produit aucun effet sur les prix tant que l’augmentation de la
demande effective se traduit par une baisse du chômage. Aussitôt que le plein-emploi est atteint,
la hausse de la demande effective entraîne la hausse des salaires et des prix ».
On peut traduire cette phrase par le schéma suivant :
Sous-emploi : hausse de la demande => baisse du chômage => salaires et prix sont stables
Plein emploi : hausse de la demande => hausse des salaires => hausse des prix (surchauffe
économique).
Pour le courant keynésien, l’inflation est le résultat plus ou moins inéluctable de la croissance
économique et des hausses de salaires qu’elle engendre. L’inflation par les coûts rejoint donc l’idée
d’inflation de croissance. La croissance exerce une pression sur les ressources disponibles, et
notamment une hausse des salaires, d’où la hausse de la demande et des coûts, ce qui peut faire
apparaître une spirale inflationniste.
4- L’inflation importée
La hausse des prix des produits importés a un effet direct sur l’indice des prix. Elle engendre un
processus inflationniste car elle incite les salariés à réclamer des hausses de salaire et les
entreprises à augmenter leurs prix. C’est clairement le mécanisme qui a été à l’œuvre à la suite du
premier choc pétrolier, en 1973.
5- L’inflation par les structures
5-1- Les structures économiques
En raison de l’obsolescence ou l’inadaptation de l’appareil de production, l’offre ne peut
suivre la demande en raison d’une productivité insuffisante.
Exemple : l’immédiat après-guerre.
5-2- Les structures institutionnelles : thèse des régulationnistes
Le XXe siècle fut particulièrement inflationniste. Or au XXe siècle est apparu le mode de
régulation monopoliste, avec de nouvelles formes institutionnelles : oligopoles, conventions
collectives, secteurs protégés de la concurrence, économie d’endettement ayant pour corollaire les
prix rigides à la baisse, salaires nominaux déterminés par des conventions collectives et/ou indexés
sur les prix.
Trois enseignements découlent de l’interprétation régulationniste :
­ l’inflation est cumulative, la baisse des prix comme mécanisme de rappel a disparu ;
­ l’inflation est associée à la croissance qu’elle contribue à entretenir : la hausse continue
des salaires assure des débouchés croissants ;

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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

­ l’inflation se manifeste différemment selon les pays car le cadre institutionnel est différent
: rôle de l’Etat, conventions collectives, degré de concurrence, système monétaire et
financier.
Michel Rocard, dans L’inflation au cœur, 1975, adoptait ce type d’analyse : « L’économie
française serait passée d’une économie de concurrence à une économie de domination. Or, en
économie de domination, le prix de vente qui était l’arbitre de l’économie de concurrence devient
une variable dominée par l’entreprise, et fixée par l’entreprise elle-même en fonction de ses critères
propres ».
5-3- Les structures psychologiques
Le sociologue Georges Katona, Analyse psychologique du comportement économique, 1951,
prétend que les causes de l’inflation sont d’ordre psychologique, en raison du rôle prépondérant
des anticipations. Les individus sont convaincus que le processus est cumulatif et sans fin (spirale).
Ces prévisions sont auto-réalisatrices : les anticipations d’inflation créent les conditions de sa
réalisation et renforcent sa poursuite. Le mimétisme des agents participe au mouvement.
Il propose donc comme solution de casser la spirale des anticipations.
5-4- Les structures sociales
Selon la théorie sociologique de l’inflation, présentée par Aujac (1950), l’inflation est due à la lutte
pour le partage du revenu national. Pour accroître sa part, chaque catégorie sociale tente d’infléchir
les prix relatifs en sa faveur. Chaque catégorie adopte plus ou moins la même stratégie et l’inflation
se trouve accrue, d’où de nouvelles revendications et une spirale prix/salaires. De plus, l’inflation
devient un mode de résolution des conflits. L’accroissement de certains prix ou salaires peut
résoudre certaines tensions sociales, masquer certaines contraintes (mécontentement des
agriculteurs, médecins) : Ex : la baisse des prix agricoles se transforme en hausse moins rapide
que les autres produits. Pour Jean Marczewski, Inflation et chômage en France, 1977, les prix
agricoles, fixés administrativement, sont responsables de l’inflation.
L’inflation arbitre en quelque sorte le fonctionnement social. Christian Goux, 1972, explique
l’inflation par l’affrontement entre salariés et entrepreneurs ; les premiers défendent leur niveau
de vie tandis que les seconds leurs profits nécessaires à l’investissement.
Pour Marx, l’inflation est le résultat d’un conflit entre patrons et salariés, mais aussi
le moyen d’augmenter les profits. Plus la masse des capitaux engagés est élevée, plus le prix des
produits doit être élevé pour financer et rentabiliser cette accumulation du capital. En outre, la
concentration des entreprises pousse au monopole et à la hausse des prix.
On ne peut ici citer toutes les explications structurelles de l’inflation tant elles sont nombreuses.
Pour terminer, on peut mentionner celle de Charles Levinson, L’Inflation mondiale et les Firmes
multinationales, 1976, pour qui l’inflation est due aux FMN qui ont un pouvoir excessif, elles ont
souvent une situation d’oligopole ou de monopole, elles ont la possibilité de se soustraire aux
mesures anti-inflationnistes prise dans tel ou tel pays en jouant sur leurs implantations ; selon lui
il faut édifier un syndicalisme mondial afin de constituer un pouvoir compensateur.

Section 4 : LES CONSEQUENCES DE L’INFLATION

Le débat sur les conséquences de l’inflation est complexe. Tous les économistes s’entendent pour
voir dans l’hyperinflation un mal absolu. Les débats sont plus vifs, en revanche, dès lors que les
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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

taux d’inflation restent raisonnables. Pour certains, l’inflation est nécessaire car elle serait un
« lubrifiant » indispensable au bon fonctionnement de l’économie alors que, selon d’autres,
combattre les tensions inflationnistes est une priorité pour les politiques économiques.
1- L’inflation favorise les agents endettés
La charge de remboursement d’un emprunt à taux fixe devient moins lourde dans un contexte de
hausse des prix. L’inflation diminue le coût réel de l’endettement en fonction de la différence entre
le niveau des taux d’intérêt nominaux et le niveau général des prix. Ainsi l’inflation favorise les
agents structurellement endettés comme l’État et les entreprises.
Par ailleurs elle améliore, « toutes choses égales par ailleurs », la rentabilité financière des
entreprises. En effet, en période d’inflation, les entreprises sont d’autant plus incitées à recourir au
financement externe que leurs taux de profit internes sont supérieurs au taux d’intérêt des capitaux
empruntés. Une telle situation élève la rentabilité de leurs fonds propres (effet de levier). Les
entreprises se trouvent ainsi stimulées par les perspectives de gains et incitées à investir. L’inflation
induit donc une croissance de la production et de l’emploi. D’après la courbe de Phillips, qui établit
une relation inverse entre l’inflation et le chômage, un haut niveau d’emploi apparaît compatible
avec un taux d’inflation élevé.
L’inflation peut aussi favoriser le crédit à la consommation et, donc, la consommation. L’effet
peut être amplifié si les ménages anticipent l’inflation (ils préfèrent acheter aujourd’hui des
produits qu’ils paieraient plus cher demain).
Ces effets positifs pour la croissance économique peuvent toutefois être contrebalancés par des
évolutions défavorables.
Les épargnants et les créanciers sont lésés. Ils risquent de réclamer une hausse des taux d’intérêt
afin de se couvrir contre le risque d’inflation. Une inflation durable peut donc pénaliser les futurs
emprunteurs.
Les conséquences sur le niveau d’épargne sont plus ambiguës. Les agents peuvent considérer que
l’inflation réduit la valeur de leur patrimoine et désirer le reconstituer (ils diminuent leur
consommation et accroissent leur épargne). Ils peuvent estimer au contraire que l’effort d’épargne
est mal rémunéré et augmenter excessivement leur consommation, ce qui attise les tensions
inflationnistes. L’insuffisance d’épargne risque alors de pénaliser l’investissement futur.
2- L’inflation entraîne des modifications dans la répartition des revenus
Tous les prix et revenus n’évoluent pas de manière identique, de sorte que les prix relatifs sont
modifiés. Certains y gagnent, d’autres y perdent.
Les agents pénalisés sont tout d’abord les titulaires de revenus fixes ou imparfaitement indexés sur
l’inflation (les retraités, par exemple). C’est aussi le cas des agents fortement exposés à la
concurrence internationale, qui peuvent difficilement obtenir des hausses de salaires leur
garantissant le maintien de leur pouvoir d’achat.
Les gagnants opèrent le plus souvent dans les secteurs abrités de la concurrence internationale, où
les contraintes de coûts sont plus faibles et les hausses de salaires plus supportables. Les salariés
les plus qualifiés sont également plus préservés que les autres. L’inflation favorise donc, dans
certains contextes, l’accroissement des inégalités. Les agents peuvent certes anticiper l’inflation
pour se prémunir contre les pertes de pouvoir d’achat, ce qui limite les distorsions évoquées ci-
dessus. Cependant, ces prévisions sont rarement parfaites ; par ailleurs, elles conduisent le plus

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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

souvent à accentuer les tensions inflationnistes. Certains considèrent pourtant que l’inflation
permet d’atténuer les tensions autour du partage de la valeur ajoutée. En effet, dans une économie
en croissance, il est normal que les prix relatifs évoluent (en fonction des gains de productivité et
des déséquilibres entre l’offre et la demande). L’inflation permettrait de dissimuler ces évolutions
et de les rendre plus acceptables, dans la mesure où tous les prix et revenus augmentent.
3- L’inflation, source d’incertitude, fausse l’allocation des ressources
En économie de marché, les prix relatifs doivent refléter les raretés relatives afin d’orienter les
agents économiques dans l’allocation de leurs ressources.
L’inflation bouleverse les prix de telle sorte qu’ils ne reflètent plus les fondamentaux de
l’économie. Les entreprises ne sont plus à même d’anticiper correctement l’évolution de leurs
coûts et de leurs recettes. Cela complique dangereusement l’évaluation de la rentabilité de
certaines stratégies, de l’investissement en particulier. On aboutit à des comportements attentistes
(des projets rentables ne sont pas entrepris par peur du risque) ou, au contraire, à des
investissements dont la rationalité économique n’est pas assurée mais dont la rentabilité est
artificiellement poussée à la hausse en raison de la baisse du poids réel des dettes. Dans les périodes
suivantes, les capacités de production risquent de ne pas correspondre à l’état de la demande et de
contraindre les entreprises à des ajustements brutaux. La croissance devient plus chaotique et
incertaine.
4- Inflation et déséquilibres extérieurs
Lorsqu’un pays a un taux d’inflation supérieur à celui de ses principaux partenaires économiques,
la compétitivité-prix de ses produits recule. Cela conduit plus ou moins rapidement à une
dégradation du solde des échanges extérieurs (les exportations diminuent alors que les
importations augmentent). Cette évolution peut exercer un effet défavorable sur la croissance
économique et l’emploi, dans une économie fortement ouverte sur l’extérieur. Il s’ensuit par
ailleurs des tensions sur le taux de change de la monnaie. La dépréciation de ce taux peut certes
rétablir théoriquement la compétitivité de la production nationale. Cependant, l’ajustement peut
être long et laisser place à une nouvelle dégradation du solde commercial à moyen terme (courbe
en J); la dépréciation provoque un renchérissement des prix des biens importés (particulièrement
de ceux qui ne peuvent pas être remplacés par une production nationale, comme les hydrocarbures
pour la France). Cela accentue les tensions inflationnistes (inflation importée) et risque de creuser
les déficits initiaux si les exportations n’augmentent pas (ce qui peut être le cas si le rétablissement
de la compétitivité n’est pas suffisant).
5- Inflation et chômage (courbe de Philips)

5-1- Les analyses keynésiennes de la courbe de Philips


Dans les années 1950, les économistes keynésiens se sont appuyés sur la courbe de Phillips pour
mettre en évidence une relation inverse entre le chômage et l’inflation (Solow et Samuelson) : si
le chômage diminue, l’inflation s’accélère ; à l’inverse, si le chômage augmente, l’inflation baisse.
Cette relation s’expliquerait par le fait que lorsque le chômage diminue, les entreprises doivent
consentir des augmentations de salaires plus élevées pour attirer la main-d’œuvre et elles subissent
donc des hausses de coûts de production (sous réserve que le taux de croissance des salaires soit
supérieur à celui de la productivité). Il existerait un taux de chômage permettant d’assurer la

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stabilité des prix (le Non Accelerating Inflation Rate of Unemployment – NAIRU). Selon cette
analyse, l’inflation serait un mal nécessaire dès lors que l’on cherche à atteindre le plein emploi.
Elle est un fondement des politiques de relance menées dans les années 1960 (à l’image des
politiques de «stop and go» en Grande-Bretagne) : lorsque le chômage atteint un niveau jugé
insupportable, l’État relance l’activité au risque d’une accélération de l’inflation ; lorsque celle-ci
menace l’équilibre extérieur et la stabilité de la monnaie, une politique restrictive est engagée pour
enrayer l’inflation au prix d’une hausse du chômage.
5-2- Les analyses monétaristes de la courbe de Philips
Les économistes monétaristes s’opposent à cette analyse, qui justifie les politiques de relance en
période d’augmentation du chômage. M. Friedman estime que le NAIRU est un taux de chômage
naturel. Le chômage naturel résulte de l’inadéquation entre les offres et les demandes de travail
(chômage structurel) et des frictions sur le marché du travail qui retardent les appariements entre
les offres et les demandes (chômage frictionnel). Les économistes monétaristes estiment que le
taux de chômage effectif gravite autour de son taux naturel, contrairement aux économistes
keynésiens, qui retiennent une forte composante conjoncturelle du chômage. Ainsi, si les pouvoirs
publics décident d’une politique de relance et qu’elle s’accompagne de création monétaire,
l’inflation s’accélère. Et elle réduit le salaire réel. À court terme, les salariés ne perçoivent pas la
baisse de leur pouvoir d’achat. Ils ne revendiquent pas de hausse de salaires. La demande de travail
des entreprises augmente et le chômage diminue. À la période suivante, les salariés perçoivent la
baisse de leur pouvoir d’achat et revendiquent des hausses de salaire (anticipations adaptatives).
La demande de travail diminue et le taux de chômage revient à son niveau initial mais avec des
prix plus élevés. La politique de relance est efficace temporairement mais au prix d’une
accélération de l’inflation.
Les «nouveaux classiques» (Lucas, Barro) radicalisent la critique monétariste. Pour eux, les agents
ne sont pas victimes d’illusion monétaire et ont des anticipations rationnelles. Ils anticipent
immédiatement l’accélération de l’inflation et le maintien du chômage. Ils réclament des hausses
de salaire et le chômage ne diminue pas. Il n’y a pas d’arbitrage entre l’inflation et le chômage,
même à court terme.
6- Les risques de la déflation
La baisse des prix peut également exercer des effets dangereux : les ménages préfèrent reporter
leurs achats (pour payer moins cher plus tard) et les entreprises subissent une hausse du taux
d’intérêt réel défavorable à l’investissement. Elles compriment par ailleurs leurs marges et les
salaires. Ces facteurs se combinent pour réduire fortement la demande et risquent d’engager
l’économie vers la récession.

Section 5 : LES POLITIQUES DE LUTTE CONTRE L’INFLATION

Durant les « Trente Glorieuses », l’inflation est tolérée dans les pays de l’OCDE au nom de la
croissance économique et du plein emploi. À la fin des années 1970 et surtout au début de la
décennie suivante, elle devient le principal objectif de la politique économique.
Les pouvoirs publics disposent en outre de plusieurs instruments pour lutter contre l’inflation.
1- La lutte contre l’inflation d’origine monétaire : les politiques monétaires restrictives

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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

Quand l’inflation est d’origine monétaire, on la combat en utilisant la politique monétaire.


En suivant la logique monétariste, la lutte contre l’inflation passe par un ralentissement de la
croissance de la masse monétaire. Initialement, ces politiques se sont traduites par la volonté d’agir
directement sur l’évolution de la masse monétaire (politique d’encadrement du crédit – plan Barre
de 1976) : la banque centrale fixait un taux de croissance de la masse monétaire et, donc, des
crédits. Cette politique s’est révélée relativement inefficace. On lui reproche d’être trop rigide et
de figer les positions concurrentielles des établissements de crédit. Par ailleurs, il s’est avéré de
plus en plus difficile de contrôler l’évolution de la masse monétaire, du fait de la liberté de
circulation des capitaux. Peu à peu, la politique monétaire appuyée sur les taux directeurs des
banques centrales s’est généralisée (la hausse des taux aboutit in fine à une diminution des crédits
et, donc, de la masse monétaire). Les banques commerciales répercutent la hausse des taux
directeurs sur les taux d’intérêt débiteurs qu’ils proposent aux entreprises et aux particuliers. Ainsi,
si les taux d’intérêt augmentent, il y aura moins de recours au crédit de l’économie. La
consommation et les investissements diminuent, la baisse de la demande entraîne donc une baisse
de l’inflation.
Pour être efficace, la politique monétaire doit être crédible auprès des agents. Ils doivent considérer
que les autorités ne changeront pas d’objectif en cours de route. C’est pourquoi les États ont rendu
les banques centrales indépendantes du pouvoir politique.
2- La lutte contre l’inflation par la demande : les politiques budgétaires et fiscales
Dans ce cas, l’Etat peut agir sur l’inflation en réduisant la demande, c’est-à-dire le revenu
disponible des ménages. Pour cela, l’Etat doit réduire le déficit budgétaire en réduisant les
dépenses publiques (baisse des allocations, réduction du nombre de fonctionnaires, ralentissement
du programme de travaux publics,…) et en accroissant la pression fiscale (TVA, IGR,…).
La réduction du déficit budgétaire (baisse des dépenses et hausse des impôts) permet d’agir
directement sur le niveau de la demande globale.
Le recours à l’emprunt sur les marchés financiers plutôt que le financement monétaire pour couvrir
le déficit budgétaire s’est par ailleurs généralisé dans la majorité des pays de l’OCDE.
3- Lutte contre l’inflation par les coûts : la politique des revenus
Cette politique vise à fixer des normes de progression des revenus compatibles avec la stabilité
des prix. En théorie, les salaires doivent progresser en fonction des gains de productivité. Dans la
pratique, ces politiques ont toutefois cherché à protéger le pouvoir d’achat des salariés, et les
salaires ont été indexés sur l’inflation. Ces indexations favorisaient les anticipations inflationnistes
; c’est pourquoi elles ont été supprimées dans tous les pays de l’OCDE à partir des années 1980.
Les politiques de revenus représentent par ailleurs une intrusion de l’État dans le mécanisme de
répartition primaire. Cette intrusion est peu appréciée des économistes libéraux, qui estiment que
seuls les mécanismes de marché permettent d’aboutir à une répartition optimale des revenus.
L’Etat peut aussi mener des politiques de réduction des coûts des facteurs de production en
subventionnant certains prix tels ceux de l’énergie ou en réduisant les impôts supportés par les
entreprises.
4- Lutte contre l’inflation structurelle : la politique de la concurrence

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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

Inspirée par les analyses de l’économie de l’offre dans les années 1980 (Laffer, Gilder et Stigler),
elle vise à lutter contre les entraves à la concurrence en vue de limiter les marges de manœuvre en
matière de prix. Elle repose sur le démantèlement des monopoles, notamment dans les services
publics en réseaux (téléphonie, électricité, gaz, transports). Les opérations de concentration
risquant de déboucher sur des positions dominantes sont écartées. Les ententes en matière de prix
et de répartition des marchés sont interdites et condamnées.
L’Etat peut donc s’efforcer de restaurer les lois du marché en permettant que se développe la
concurrence, facteur de baisse des prix (lutte contre les ententes, les abus de position dominante).
5- Le contrôle des prix (blocage partiel ou total de certains prix)
Cet instrument a été fréquemment mobilisé, en France, au cours des « Trente Glorieuses ». Il
permet de stopper momentanément l’augmentation des prix. Cependant, il agit sur les symptômes
et pas sur les causes. La sortie du blocage des prix peut être l’occasion de phénomènes de rattrapage
et, donc, d’un redémarrage de l’inflation.

CONCLUSION

L’inflation a depuis longtemps constitué un problème majeur de déséquilibre macro- économique.


Elle modifie la répartition initiale des revenus et favorise les agents endettés au détriment de ceux
qui détiennent des revenus fixes. Elle est source de déséquilibres extérieurs et de blocages de la
croissance car elle fausse l’allocation des ressources.
Elle est longtemps apparue comme un moindre mal pour favoriser la croissance économique et
l’emploi. Cette capacité à arbitrer entre l’inflation et le chômage a été remise en cause par les
économistes monétaristes.
Considérée essentiellement comme un phénomène monétaire, l’inflation est aussi le symptôme de
dysfonctionnements plus profonds de l’économie réelle : excès de demande par rapport aux
capacités d’offre, hausse des coûts des facteurs supérieure aux gains de productivité et, plus
généralement, dérèglement des mécanismes concurrentiels. Les politiques de lutte contre
l’inflation visent à agir sur chacun de ses déterminants. Depuis le milieu des années 1970, la
politique monétaire est cependant l’instrument principal de lutte contre l’emballement des prix.

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CHAPITRE 4 : L’ENDETTEMENT PUBLIC


INTRODUCTION
Le phénomène de l’endettement est une conséquence naturelle des activités économiques. Il
survient du fait que certains pays ou institutions ont des excédents financiers et d’autres des besoins
de financement. L’endettement permet donc à un pays d’investir des capitaux au-delà de ses
propres disponibilités financières en empruntant des excédents de capitaux. La dette ainsi créée
est supposée générer la croissance et favoriser le développement. Toutefois, pour générer des
ressources et pouvoir rembourser l’emprunt, ce dernier doit être utilisé de manière efficace et dans
des secteurs productifs. Aussi, dès le lendemain de leur indépendance et dans la perspective de
parvenir au développement économique et social, les pays africains se sont rendus compte que les
infrastructures d’équipement et de production déjà en place étaient insuffisantes pour amorcer un
quelconque décollage économique. L’écart entre le besoin d’investissements nécessaires et les
ressources disponibles était énorme. C’est pourquoi la plupart de ces pays ont dû s’appuyer sur un
fort endettement qu’ils doivent désormais gérer, l’augmentation des besoins ayant très vite dépassé
les capacités de financement.
La résultante est un ensemble d’augmentations successives du montant de la dette. La dette
extérieure a donc pris de l’ampleur et le cercle vicieux de l’endettement s’est installé. Le poids de
la dette aggravé par la pauvreté a ainsi freiné tout effort de développement.
Nous verrons, après la présentation de la dette, les causes de l’endettement des Etats, notamment
des PVD, les conséquences de l’endettement et les politiques de gestion de la dette.

Section 1 : PRESENTATION DE LA DETTE PUBLIQUE D’UN PAYS ET


TERMES CONNEXES
La dette publique d’un pays est le total des dettes contractées par des emprunteurs publics (Etat,
collectivités territoriales et organismes publics) auprès de particuliers, de banques, d’entreprises
ou d’autres Etats. La dette de l'État représente généralement la majeure partie de la dette publique
d'un pays. Elle se compose de la dette intérieure contractée auprès des agents économiques
résidents et la dette extérieure contractée auprès des prêteurs étrangers.
La dette extérieure peut revêtir diverses formes, selon la nature du créancier. On distingue ainsi :
­ La dette multilatérale, si l’emprunt est obtenu d’un organisme multilatéral (la
Banque Mondiale, le Fonds Monétaire International, la BAD, etc) ;
­ La dette bilatérale, si le créancier est un autre Etat ; son rééchelonnement et sa
remise sont négociés au sein du club de Paris ;
­ La dette bancaire, si le créancier est une banque privée extérieure ; son
rééchelonnement est négocié au sein du club de Londres.
Le Club de Paris est un groupement des principaux Etats créanciers, dont la présidence et le
secrétariat sont assurés par le trésor français.
Le Club de Londres est quant à lui le cadre de négociation entre gouvernements débiteurs et
banques créancières.

Section 2 : CAUSES DE L’ENDETTEMENT PUBLIC

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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

La dette publique varie au cours de l'histoire, suivant des processus souvent similaires qui se
déclinent toutefois en différents points. Les facteurs à l’origine de cette dette peuvent être exogènes
ou endogènes.
1- Causes exogènes

1-1- La crise pétrolière de 1973


En 1973 le premier choc pétrolier avec le renchérissement du pétrole qu'il comportait a été l'un des
facteurs déterminants de l’endettement des pays. Parmi les pays importateurs de pétrole, ceux qui
étaient suffisamment riches et qui pouvaient par conséquent obtenir du crédit auprès des banques,
ont évité de réduire leur niveau de vie suite à la détérioration des termes de l'échange. Ils ont
réglé la note pétrolière accrue en faisant des emprunts. Pour leur part, les pays de l'OPEP ont
déposé leurs excédents commerciaux auprès des banques. C'est ainsi que se sont développés les
« euromarchés ». Les banques internationales qui ont reçu cette manne pétrolière l’ont prêté aux
autres pays qui l'utilisaient pour financer leurs importations de pétrole. C'est ce qu'on a appelé le
recyclage des pétrodollars.
En plus des pays riches, les banques privées ont également accordé des crédits importants aux
« nouveaux pays industrialisés » (NPI) comme le Brésil, l'Argentine, le Mexique, la Corée du Sud
et quelques autres qui représentaient pour ces banques des débouchés réels à cause de leurs taux
de croissance impressionnants. En effet, lancés dans de vastes politiques de « développement »
par l'industrialisation, ces pays avaient besoin de sommes considérables pour financer leurs vastes
projets d'infrastructures.
1-2- La crise pétrolière de 1979
En 1979, le deuxième choc pétrolier a entrainé le rétrécissement des marchés mondiaux qui a eu
pour corollaire la baisse des prix de la plupart des matières premières et des produits agricoles, la
hausse des taux d'intérêt nominaux et réel et l’appréciation du dollar. Ces trois éléments ont
simultanément joué contre les pays débiteurs. Ceux-ci se mettent alors à contracter de nouveaux
emprunts dans le seul but de rembourser les anciens. La dette continue alors d’augmenter. En 1982,
le Mexique arrête ses remboursements. A sa suite, plusieurs autres pays ne sont plus capables de
payer leur dette. De nombreuses banques, parmi lesquelles les plus importantes des États-Unis,
ont prêté à ces pays insolvables des montants qui dépassent largement leurs fonds propres. C’est
alors que va intervenir le FMI en proposant une autre voie de règlement des dettes.
1-3- L’intervention du FMI
Les pays incapables de subvenir au service de leur dette extérieure ont la possibilité de faire appel
à l'aide du FMI. Celui-ci peut alors leur accorder de nouveaux crédits et jouer l’intermédiaire pour
organiser, avec l'accord des banques créditrices, le rééchelonnement des dettes. La stratégie du
FMI consiste en effet à convaincre les banques à accorder des délais supplémentaires au débiteur
et surtout à augmenter le montant total en ajoutant de nouveaux crédits. Les banquiers, ayant pour
règle d'or de ne jamais jeter l'argent encore bon après celui qui est perdu, l’ont pourtant fait avec
l’appui du Fonds. Cette stratégie qui ne fait que reporter l'éclatement de la crise tout en l'aggravant,
ne peut s'expliquer que parce que les banques se retrouvent le dos au mur. Si les pays endettés
arrêtaient de payer les intérêts les grandes banques américaines et internationales seraient en

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faillite, et le système bancaire entier s'écroulerait. Dès lors il vaut mieux continuer le jeu qui
s'éternise, au mépris des souffrances des populations innocentes.
1-4- Les politiques anti-inflationnistes des années 1980
Les politiques anti-inflationnistes menées par les pays industrialisés au début des années 1980 se
sont traduites par une poussée des taux d'intérêt, très préjudiciable aux pays endettés. En effet, leur
dette étant contractée presque exclusivement à taux variable, ces pays se sont vus étouffés par le
fardeau que constituait désormais la charge de la dette.
Un second effet de ces politiques a été le ralentissement très sensible de l'économie mondiale qui
par contrecoup a entraîné une diminution des exportations des PED et une baisse des cours des
matières premières, si bien qu’une pénurie en devises est apparue pour les débiteurs. A la suite du
Mexique, de nombreux pays vont se retrouver en cessation de paiement.
2- Causes endogènes
Les crédits obtenus par les gouvernements du sud n'ont pas toujours été utilisés rationnellement.
Au lieu de financer des investissements productifs, seuls susceptibles de renforcer leur capacité
exportatrice et de générer les flux de devises nécessaires au remboursement de la dette, des
gouvernements des pays endettés se sont lancés dans des programmes d'investissement à
rentabilité plus que douteuse et trop souvent inadaptés aux besoins locaux. De plus, certains
dirigeants du Sud ont détourné à leur profit, bien souvent avec la complicité des créanciers, des
sommes considérables si bien qu’aujourd’hui de nombreux pays doivent rembourser les dettes
contractées par d’anciens dictateurs tandis que ceux-ci profitent en toute impunité de fortunes
illégalement acquises.
La situation n’a cessée, depuis 1982, de se dégrader. D’après la Banque mondiale, la dette des
PED s’élève en 2001 à environ 2450 milliards de dollars tandis qu’elle était d’environ 560
milliards de dollars en 1980. Dans le même temps, les PED ont remboursé 3400 milliards de
dollars (à titre d’intérêt ou d’amortissement). Ainsi, les pays du Sud ont remboursé six fois leur
dette de 1980 pour se retrouver quatre fois plus endettés.

Section 3 : CONSEQUENCES DE L’ENDETTEMENT PUBLIC


1- Dette publique et croissance économique
Si l’origine du débat sur l’endettement public et la croissance est relativement ancienne, ce sont
les théories récentes sur la croissance endogène qui ont contribué à son renouveau.
1-1- Cadre théorique.
L'endettement permet à un pays d'investir des capitaux au-delà de ses propres disponibilités
financières en empruntant des excédents de capitaux (Klein, 1994). En général, trois raisons
théoriques justifient le recours d’un pays à l’emprunt extérieur.
 S’endetter pour financer un investissement, lorsque l’épargne est inférieure à
l’investissement. Un pays peut renfermer un potentiel d’investissement productif sans
pour autant disposer d’un niveau d’épargne intérieure suffisant pour financer cet
investissement. Dans ce cas, il peut recourir à l’épargne extérieure pour la réalisation de
cet investissement afin de donner lieu à une accélération de la croissance économique.

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 S’endetter pour échapper à un ajustement face aux déséquilibres intérieurs ou


extérieurs. Un déficit du compte courant insoutenable nécessite un ajustement par des
changements de politiques économiques. Cependant, pour éviter des changements de
politique économique, un pays peut recourir à l’emprunt extérieur. Toutefois, la théorie
suggère que les emprunts extérieurs ont un impact positif sur les investissements et la
croissance jusqu’à un certain seuil car au-delà, l'impact de l’endettement extérieur sur le
développement devient négatif.

 S’endetter pour lisser les fluctuations de la consommation en cas de baisse du revenu.


Si un déficit du compte courant résulte de chocs exogènes négatifs (dégradation des termes
de l’échange, catastrophes naturelles, récession du côté des principaux partenaires) qui
donnent lieu à une baisse du revenu, alors le pays peut :
­ soit réduire ses dépenses de consommation et d’investissement (absorption)
proportionnellement à la baisse du revenu pour remédier à ce problème. Dans ce
cas, il n'y a pas dégradation du compte courant ;
­ soit contracter une dette extérieure pour maintenir le niveau d’absorption. En effet,
si cette baisse du revenu n’est que temporaire, le pays sera convié à contracter une
dette extérieure.
Dans tous les cas, à long terme, le recours régulier aux emprunts extérieurs finit par relâcher les
efforts du pays emprunteur et par le rendre dépendant de l’épargne extérieure, mettant ainsi en
doute sa capacité à honorer ses engagements de remboursement de la dette antérieurement
contractée : il faut alors emprunter pour rembourser une dette antérieure tandis que les taux
d’intérêt s’y rapportant, augmentent : c’est la mise en route d’une spirale d’endettement qu’on
appelle « la trappe à l’endettement ».
1-2- Les théories de l’endettement

 La théorie du surendettement (ou Debt overhang) suggère que les emprunts extérieurs, au-
delà d’un certain seuil, ont des effets pervers sur la croissance économique. Cela signifie
que les emprunts supplémentaires vont décroître la probabilité de rembourser.

 Le modèle à double déficit de B. Chenery et Alan M. Strout (1966) souligne que


l’endettement est lié à un déséquilibre, et suivant les cas, il s’agit du déséquilibre épargne-
investissement, du déficit budgétaire et du déficit de la balance courante. Par conséquent,
le modèle préconise que l’épargne externe conditionne le développement économique si
les déséquilibres épargne-investissement et importation-exportation peuvent être comblés.
Sur le plan interne, il s’agit, selon ces auteurs, d’accumuler l’épargne nécessaire pour
financer l’investissement interne, et sur le plan externe, de trouver les ressources
nécessaires pour financer le déficit de la balance des paiements.

 Dittus (1989) a mis en évidence une relation entre la pression fiscale et le remboursement
de la dette. Il dénote l’existence des coûts associés à l’endettement, qui entraîne une
croissance artificielle basée sur un investissement supérieur à l’effort du pays et déclenche,
par la suite, un ajustement par l’inflation.

1-3- Etudes empiriques

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Les études empiriques relatives à l’impact de la dette sur la croissance économique ont connu de
l’ampleur dans les pays en voie de développement depuis la crise de l’endettement dans les années
80. Toutes les études effectuées sur un panel de pays telles que les études de Barry Eichengreen et
Richard Portes (1986), Elbadawi et al. (1996), Patillo et al. (2004), Clemens et al. (2003), ont
constaté que l’endettement excessif a un effet négatif sur le taux de croissance.
Les travaux de B. Eichengreen et R. Portes (1986) se sont intéressés à l’identification des
déterminants du stock de la dette d’une trentaine de pays à un moment donné de leur économie.
Ils ont abouti à la conclusion selon laquelle l’endettement excessif et le défaut de paiement tendent
à réduire le taux de croissance réelle et la crédibilité de l’Etat.
Elbadawi et al. (1996) ont confirmé l’effet du surendettement sur la croissance économique au
niveau de 99 pays en voie de développement et ont tenté d’identifier le canal par lequel
l’endettement agit négativement sur la croissance. Pour cela, ils ont identifié trois canaux de
transmission des impacts de la dette sur la croissance. Il s’agit de l’effet de la dette sur la
croissance, l’effet de la dette sur la liquidité en raison de la ponction due au service de la dette et,
enfin, l’effet de la dette (de manière indirecte) sur les dépenses du secteur public et sur les déficits.
L’étude a conclu que c’est l’accumulation de la dette qui a un impact négatif sur la croissance.
Quant à Clemens et al. (2003), ils ont estimé un modèle de croissance en retenant l’hypothèse du
fardeau virtuel de la dette. Ils aboutissent à la conclusion selon laquelle une diminution de 6 points
du service de la dette en pourcentage du PIB va accroître le taux d’investissement de 0,75 à 1 point
et la croissance de 2 points. Par ailleurs, ils estiment que si la moitié du service de la dette est
annulée sans hausse du déficit budgétaire, la croissance augmentera dans quelques PPTE de 0,5
point par an.
Dans une étude complémentaire de 2002, Patillo et al. ont appliqué un modèle de comptabilisation
de la croissance à un groupe de 61 pays en développement et ont constaté que le doublement du
niveau moyen de leur dette extérieure réduit de près d’un point la croissance tant du capital
physique par habitant que de la productivité totale des facteurs. Partis de la courbe de Laffer, leur
étude leur a permis de prouver que la dette aurait une relation en forme de U inversée avec la
croissance. Les résultats obtenus confirment la thèse du surendettement car ils trouvent qu’au-delà
de 160-170 % du ratio de la dette sur les exportations et 35-40% de la dette sur le PIB en valeur
nominale, la dette rend négative la croissance. Néanmoins, une limite apparaît dans leur analyse,
puisque le raisonnement est appliqué aux PPTE, mais est basé sur un échantillon incluant de non
PPTE.
S’agissant des études spécifiques menées au niveau des pays, les avis sont partagés. Pour
Borensztein (1990), le service de la dette est un déterminant essentiel qui influence négativement
l’endettement extérieur aux Philippines. Il a conclu que l’encours et le ratio du service de la dette
sur les exportations ont globalement un effet inverse sur la formation du capital privé et incitent
l’endettement du pays.
En analysant le problème d’endettement de l’Ouganda, Barungi et al. (2000) ont identifié les
problèmes liés à un endettement ainsi que ses implications sur l’économie du pays. Leur principale
préoccupation étant de savoir si l’économie peut atteindre un taux de croissance de 5 % tout en
maintenant un investissement intérieur adéquat, vu la forte dépendance du pays vis-à-vis des
capitaux étrangers. Cette inquiétude se justifie par le fait qu’une large portion de la dette de ce
pays n’est pas éligible au rééchelonnement.
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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

Pour Uzochukwu (2005), l’accroissement des indicateurs de la dette extérieur, notamment le ratio
du service de la dette et celui de l’encours sur exportations, constitue la principale cause de la
lenteur de la croissance au Nigeria.
Par contre, Wejeweera et al. (2005) ont mis en évidence le lien entre la croissance économique et
l’endettement au Sri Lanka durant la période 1952- 2002 et ont abouti à des résultats contraires.
Ils indiquent que le pays n’a pas un problème de surendettement et que l’endettement n’est pas le
principal obstacle à la croissance, parce que, probablement, le stock de la dette totale n’est pas trop
élevé.
L’étude de Desta (2005) a également abouti à la conclusion selon laquelle ce n’est pas le paiement
du service de la dette qui constitue un frein à la croissance en Ethiopie mais plutôt le taux de
change effectif réel et l’inflation.
Au terme de cette revue de la littérature qui nous a permis de fouiller en profondeur sur la question
relative au lien entre l’endettement extérieur et la croissance économique, force est de constater
que l’endettement extérieur a, pour la plupart des cas, un effet négatif sur la croissance économique
des pays en voie de développement, et plus particulièrement ceux de l’Afrique subsaharienne. Il
n’y a donc pas eu les résultats escomptés ; bien au contraire, les pays se retrouvent avec des niveaux
d’endettement élevés.
Si pour certains, c’est le paiement du service qui constitue un obstacle à la croissance, pour
d’autres, c’est l’accumulation de la dette elle-même, ou les deux. Ces contradictions peuvent
provenir soit de la variabilité des méthodes utilisées par les économistes, soit des particularités
(situation économique, secteurs porteurs de croissance et disponibilités de données) des pays
étudiés.
2- Lien entre le déficit budgétaire (public) et l’accroissement de la dette publique

2-1- Définition de déficit budgétaire


Le déficit budgétaire est la situation dans laquelle les recettes de l'Etat (impôts et cotisations
sociales) sont inférieures à ses dépenses (administration, éducation, dépenses sociales...) au cours
d'une année.
De façon mécanique, la dette publique résulte de l'accumulation des déficits budgétaires passés
des administrations publiques. Elle est en effet le produit de l'accumulation des besoins de
financement passés des administrations publiques, résultant des différences entre les produits (les
recettes fiscales, en particulier) et les charges (notamment les dépenses budgétaires) de ces
administrations. La dette augmente donc à chaque fois qu'un déficit public est financé par emprunt.
2-2- Impact du déficit budgétaire sur l’activité économique
Un déficit budgétaire a un impact économique qui peut, selon certains économistes, être un
stimulant pour l'activité économique par l'intermédiaire d'une politique de relance selon les
principes du keynésianisme, ou simplement être un moindre mal dans certaines situations de
récession.
Pour d'autres économistes, un déficit budgétaire est toujours le signe d'une mauvaise gestion des
fonds publics et de l'argent du contribuable et à ce titre il doit être évité.
Les économistes libéraux insistent sur les effets néfastes du déficit public, qui peut engendrer un
accroissement de la dette publique.
2-3- Comment financer le déficit ?
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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

Pour financer son déficit budgétaire, l'État peut recourir :


 à l'emprunt (ce qui déplace le problème dans le temps, suppose la confiance des créanciers,
et a de toute façon un coût puisqu'il faut payer des intérêts) ;
 à des réserves préalablement accumulées à partir d'excédents budgétaires réalisés les
années antérieures ;
 à une hausse d'impôt, en supposant que les taux n'atteignent pas le point de rupture où ils
détruisent le gisement fiscal ;
NB : Pour financer son déficit budgétaire, l'État peut également recourir au financement monétaire,
c'est-à-dire à la création monétaire. Dans ce cas la Banque centrale consent une avance à l'État en
créditant le compte du Trésor public ; la masse monétaire s'accroît donc. Toutefois ce mode de
financement du déficit budgétaire est risqué ; si l'accroissement de la masse monétaire est plus
rapide que celui de la production, alors le rythme de l'inflation va s'accélérer. Par ailleurs,
l’émission monétaire n'est plus une méthode utilisée depuis des décennies dans les pays
développés, et est même impossible dans les États qui ont confié la gestion de la monnaie à une
banque centrale indépendante. C'est le cas des États de l'Union européenne avec la Banque centrale
européenne.

Section 4 : LA GESTION DE LA CRISE DE LA DETTE


1- Cas des pays en développement (PED)
Face aux problèmes d’endettement et dans la perspective de stimuler la croissance des pays
pauvres, en particulier ceux de l’Afrique au Sud du Sahara, les pays créanciers se sont concertés
pour assouplir graduellement les modalités de remboursement. A cet effet, deux gammes de
solutions ont été proposées aux autorités des pays concernés pour adapter la charge de l’emprunt
à leur capacité réelle à servir durablement la dette. La première gamme se rapporte à des
réaménagements techniques de la dette provenant exclusivement du Club de Paris et du Club
de Londres. La deuxième gamme de solutions s’appuie sur un système d’allégement global de la
dette (y compris les emprunts multilatéraux) qui rendrait économiquement et socialement
supportable le poids de la charge de la dette. Il s’agit de l’initiative d’allégement de la dette des
pays pauvres très endettés (PPTE).
1-1- Les principaux acteurs

 Le FMI
Le FMI depuis les années 80 joue un rôle capital dans la gestion de la crise d'endettement qui sévit
et menace le monde entier surtout le système financier international.
Son statut de garant de la stabilité financière internationale l’oblige à intervenir concrètement dans
la gestion de cette crise de 1982 qui s'est propagé à l'ensemble des PED. Il a joué le rôle
d'interlocuteur entre les pays débiteurs et créanciers que se soit dans le cadre des dettes bilatérales
du club de Paris ou club de Londres. Plusieurs accords relatifs aux dettes publiques ont été conclus
dans le cadre du Club de Paris à travers la condition de Toronto en 1988 ainsi que ceux relatifs
aux dettes privées prérogatives du Club de Londres.
Les dettes multilatérales y compris ses dettes et celles de la Banque mondiale ont été aussi
restructurées. Face à la persistance du problème, malgré les efforts entrepris, il a fait l'objet de

71
Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

critique de la part des universitaires, des dirigeants mais aussi et surtout de la population des PED,
principale victime de l'échec des politiques appliquées. La crédibilité du FMI a été ainsi mise en
jeu.
 Le Club de Paris
Le Club de Paris, formé en 1956 face aux difficultés de paiement de l’Argentine, a pour but de
réaménager, voire de rééchelonner les dettes des pays débiteurs. Le Club n'est pas une organisation
internationale et n'a pas une liste de membres, mais il constitue un forum où le débiteur et ses
créanciers se rencontrent sous la supervision du trésor français.
Trois principes guident les assises du club :
 Le Club ne se penche que sur les cas de défaut imminent et, en règle générale, procède à
un rééchelonnement sur une période de 12 à 18 mois. Le Club ne se prononce pas sur les
besoins de nouveaux financements.
 Il ne se réunit que si le pays débiteur est déjà en accord avec le FMI pour la mise en œuvre
d'un programme d'ajustement structurel.
 Chaque créancier présent au club doit supporter une part du poids du programme de
rééchelonnement équivalente à son exposition vis à vis du débiteur.

1-2- Les solutions


 Les solutions précédant l’Initiative PPTE
Les premiers mécanismes traditionnels internationaux de réduction de la dette mis en œuvre sont,
entre autres, les Plans Baker et Brady, les Termes de Toronto (1988), les Termes de Londres
(1991), les Termes de Naples (1995) et les Termes de Lyon (1996). La technique de
réaménagement en rééchelonnement de la dette ne servant qu’à repousser les échéances dues, le
pays débiteur voit ses échéances futures s’alourdir. Et si la situation économique du
pays se détériore du fait d’une mauvaise conjoncture internationale sur les cours des principales
spéculations ou des facteurs internes, le pays se trouvera dans l’obligation de redemander des
rééchelonnements successifs.
 Le plan Baker (1985)
C'est en octobre 1985, lors de l'assemblée générale du FMI à Séoul, que le plan Baker fut présenté.
Il fut le premier plan d’envergure internationale pour répondre à la question des dettes souveraines,
du nom du Secrétaire américain du Trésor James Baker. Pour stimuler les banques dans une
opération à laquelle elles étaient particulièrement réticentes, les promoteurs du plan Baker
proposèrent une option : ou bien, elles acceptaient de réinjecter de l’argent frais, ou bien elles
acceptaient la restructuration des dettes avec, comme préalable, un abandon de créances. Baker
propose d'accorder des prêts supplémentaires de 20 milliards de dollars sur trois ans aux quinze
pays les plus endettés, essentiellement en Amérique latine, pour leur permettre de poursuivre leur
développement économique.
Salué au départ comme « une approche positive et constructive », ce plan sera enterré un peu plus
de trois ans après devant son échec évident, les banques commerciales internationales ayant
insuffisamment répondu à l'appel d'apport substantiel d'argent frais. Les grands pays occidentaux

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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

reconnaissent alors qu'il faut s'orienter dans une voie nouvelle : celle-ci prendra la forme d'une
réduction volontaire de la dette ou du service de la dette.
En somme, le plan Baker fut un semi-échec quatre (4) ans après sa mise en œuvre, de très
nombreux pays étant encore incapables de faire face à leurs échéances. A ce plan, succéda alors le
plan Brady.
 Le plan Brady (1989)
Le plan Brady, présenté le 10 mars 1989 par le secrétaire américain de l'époque, Nicholas Brady,
prévoit une réduction de la dette extérieure d'une quarantaine de pays, soit par le rachat, soit par
titrisation. Cette dernière consistait à échanger des créances anciennes sur lesquelles les banquiers
acceptaient une perte en valeur nominale ou en intérêts contre de nouveaux instruments
obligataires d'une maturité plus longue et bénéficiant d'une garantie de remboursement des
autorités monétaires internationales. Ces propositions ne se sont pas imposées sans mal. En
témoignent les réactions à chaud de Horst Schulmann, alors directeur de l'Institut de finance
international représentant l'ensemble des grandes banques internationales, et qui déclarait en mars
1989 : « Ni la dette, ni l'environnement international ne sont la cause des difficultés des pays
endettés du tiers-monde, mais la gestion de leur économie ». Ce plan a pourtant marqué le véritable
tournant de la crise de la dette.
Le Mexique fut le premier pays à l'appliquer, suivi par une quinzaine d'autres, sous des schémas
financiers qui ont légèrement évolué au fil du temps. Les derniers accords ont porté sur la dette
ivoirienne et vietnamienne. Nombre des pays concernés, grâce à cette réduction de dette, et avec
une politique stricte d'ajustement macroéconomique, ont pu, au cours des années 90, retrouver la
voie des marchés de capitaux internationaux.
 Les termes de Toronto
Lors du sommet économique de juin 1988 à Toronto, le Groupe des G7 (Canada, Etats-Unis,
Allemagne, France, Grande-Bretagne, Italie et Japon) accepte de réduire d'un tiers dans le cadre
du club de Paris, la dette officielle des pays éligibles à la FASR (Facilité d'ajustement structurel
renforcé). Plus tard, cet accord a été entériné par la FMI et la Banque mondiale en vue de réduire
les dettes publiques des pays d'Afrique admissible au club de Paris. L'accord fut ensuite étendu à
d'autres pays à partir de 1990.
Un menu d'options est offert aux créanciers et chacun a essayé de défendre sa proposition :
­ Option A : Réduire le stock de la dette d'un tiers et rééchelonner le reste sur quinze ans.
Ici, il y aura une annulation pure et simple d'un tiers des services de la dette (principal et
intérêt) et rééchelonnement du restant au club de Paris sur une période de grâce de huit ans
; proposition soutenue par la France.
­ Option B : Rééchelonner la dette sur vingt cinq ans. Cela se manifeste par un allongement
de la période de remboursement du service de la dette sur 25 ans au lieu de 15 ans. Cette
proposition est soutenue par les Etats-Unis.
­ Option C : Rééchelonner la dette à un taux d'intérêt réduit. Le taux d'intérêt sera réduit à
3,5% ou à la moitié du taux initial si celui-ci est inférieur à 7% et un rééchelonnement sur
14 ans incluant une période de grâce de 8 ans, proposition préférée par la Grande Bretagne,
l'Allemagne, la Suisse, la Norvège, l'Italie et le Pays–Bas.
Les critères d'admissibilité aux conditions de Toronto sont :
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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

­ Pays admissible aux prêts de l'Association Internationale pour le Développement de la


Banque mondiale, soit un pays dont le revenu par tête inférieur à 580 dollars en 1989 (610
dollars en 1990 et 635 en 1991) ;
­ Pays lourdement endetté s'il a un des deux ratios supérieurs à un seuil critique pour la
période 1989-1991:
 Valeur présente du service de la dette sur le PNB supérieur à 80% ;
 Valeur présente du service de la dette sur les exportations supérieures à 200%.
D'octobre 1988 à mars 1991, 26 accords ont été signés, impliquant 19 pays. Entre l988-1990, la
Banque mondiale estime que 29% des créanciers du club de Paris ont choisi l’option A, contre
26% pour la B et 45% pour la C.
Les initiatives françaises sur l'endettement deviennent plus généreuses. Le président Mitterrand
annonce l'annulation pure des créances de la France envers 35 pays africains. En juin 1990, la
France annonce, lors du sommet franco-africain de la Baule, un plan de réduction des taux d'intérêt
sur les prêts accordés par la caisse centrale de coopération économique en faveur des pays
intermédiaire d'Afrique.
Les différentes mesures prises dans le cadre du Club de Paris ont été toujours faits avec le concours
du FMI.
 Les termes de Londres
En décembre 1991, les créanciers du Club de Paris ont convenu de mettre en œuvre un nouveau
traitement pour la dette des pays les plus pauvres. Ce nouveau traitement, dit "des termes de
Londres", augmentait le niveau d'annulation de 33% tel que défini dans les termes de Toronto à
50%. 23 pays ont bénéficié des termes de Londres entre 1991 et 1994, date à laquelle ces termes
ont été remplacés par ceux de Naples.
Les crédits non-APD étaient annulés à hauteur de 50%.
En ce qui concerne les crédits APD, ils étaient rééchelonnés à un taux d'intérêt au moins aussi
favorable que le taux concessionnel initial qui s'appliquait à ces prêts. Par ailleurs, le
rééchelonnement mis en œuvre par le Club de Paris améliorait les perspectives de recouvrement
des dettes en réduisant la probabilité de défaut.
Les termes de Londres incluaient aussi la possibilité pour les pays créanciers de conduire, sur un
plan bilatéral et de manière volontaire, des conversions de dette avec le pays débiteur.
Ces opérations de conversions pouvaient en principe être menées sans limite pour les crédits d'aide
publique au développement, et, pour les crédits non-APD.
 L’Initiative PPTE
Cette nouvelle approche axée sur la lutte contre la pauvreté a une plus grande portée, car elle tient
compte des dettes des organismes multilatéraux.
Initiée par les institutions de Bretton Woods, ces dernières ont accepté d’assouplir les modalités
d’application de l’initiative de réduction de la dette des pays pauvres très endettés (PPTE). Elle a
ensuite été renforcée et soutenue par les pays industrialisés lors du Sommet du G7 de Cologne en
juin 1999, ce qui a conduit à la mise en œuvre de l’Initiative PPTE renforcée.
L’initiative PPTE renforcée a pour objectif de réduire à un niveau viable l’endettement de 42
pays représentant 8% de la dette totale des pays en développement. De ce point de vue, les objectifs
PPTE peuvent paraître modestes. L’initiative PPTE constituait néanmoins la première tentative de
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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

traitement de l’ensemble de la dette (bilatérale, multilatérale et privée) de manière globale, et c’est


aussi la première à inclure une réduction de la dette due aux institutions multilatérales. L’initiative
PPTE consiste en deux étapes. Durant la première, le pays potentiellement admissible établit un
bilan de sa mise en œuvre des programmes de la Banque mondiale et du FMI sur trois ans. À ce
stade, appelé point de décision, les institutions de Bretton Woods déterminent si, après mise en
œuvre de tous les mécanismes traditionnels d’allègement de dette, la dette du pays en cause
dépassera encore un seuil chiffré préétabli. En ce cas, un programme d’allègement de dette est
établi. Afin d’obtenir les remises maximales, le pays doit encore poursuivre une série de réformes
pendant trois ans ou plus. Ceci fait, le pays atteint ce que l’on appelle le point d’achèvement et les
allègements promis deviennent effectifs. Toutefois, entre les points de décision et d’achèvement,
le service de la dette est déjà allégé sur une base provisoire. Au total, lorsqu’elle est menée à bien,
l’Initiative apportera une réduction des deux tiers de leur dette aux pays admissibles.
 Le nouveau cadre de gestion de la dette des pays à faible revenu : le Cadre de
viabilité de la dette (CVD)
Le CVD a été adopté en 2005 par la Banque mondiale et le FMI comme nouveau cadre de gestion
de la dette des pays à faible revenu (PFR). Parmi les PFR, le CVD s’applique à ceux qui ne se sont
jamais engagés dans l’initiative PPTE, ou à ceux qui en ont mené à bien le processus.
Une caractéristique importante du CVD est, qu’à la différence de l’initiative PPTE, il ne sert pas
à calculer des allègements de dette. Sous le régime PPTE, l’abaissement du seuil d’endettement
avait pour conséquence de signaler la nécessité d’un plus large allègement. Sous le régime du CVD
au contraire, la conséquence de l’abaissement du seuil d’endettement est de réduire l’accès à des
prêts non concessionnels et de faire dépendre la couverture du financement des objectifs de
développement et de lutte contre la pauvreté par des dons, toute remise de dette supplémentaire
étant exclue. Une autre différence avec l’initiative PPTE est que le CVD ne repose pas sur des
indicateurs chiffrés préétablis mais sur des seuils d’endettement spécifiques à chaque pays. Les
seuils d’endettement particuliers à chaque pays sont établis sur la base de la qualité de leur situation
politique et institutionnelle, mesurée en utilisant la méthode des Évaluations des politiques et des
institutions nationales (EPIN). Cette méthode évalue le contexte politique et institutionnel d’un
pays par rapport à un ensemble de critères préétablis pour aboutir à une note fondée sur une
estimation fixée d’avance de ce qui peut être considéré comme un bon résultat. En fonction de leur
note EPIN, les pays sont classés en trois groupes (mauvais, moyen et bon), et se voient assigner
pour chacune des mesures budgétaires utilisées, une plage de seuils d’endettement.
2- Gestion du déficit public et de la dette publique : cas des pays de l’Union Européenne
Pour lutter contre un risque de dérapage de l’endettement des États membres de l’Union
européenne, une politique budgétaire européenne stricte a été mise en œuvre.

2-1- Règles budgétaires imposées aux États membres de l’Union européenne


Des règles strictes ont été imposées aux États membres de l’Union européenne par le Traité de
Maastricht (en 1992) et le Pacte de stabilité et de croissance (en 1997) pour éviter l’apparition de
déficits publics excessifs. Parmi elles :
 un déficit public maintenu en dessous du seuil de 3 % du PIB ;
 le montant de la dette publique limité à 60 % du PIB.
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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

Après la crise financière de 2008, de nombreux États membres de l’Union européenne ont dépassé
ces seuils et, dans certains cas, les déficits publics ont atteint des proportions inquiétantes. Des
plans d’austérité ont été instaurés dans plusieurs pays (en Grèce, en Irlande, au Portugal, en
Espagne et à Chypre). Un Fonds européen de stabilité financière (FESF) a été mis en place
temporairement en mai 2010 notamment afin d’éviter à la Grèce un défaut de paiement et de
préserver autant que possible la stabilité financière de la zone euro.
Pour renforcer la discipline budgétaire au sein de l’Union européenne, un nouveau pacte
budgétaire européen (le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union
économique et monétaire) a été signé le 2 mars 2012 par 25 pays de l’Union européenne (le
Royaume-Uni et la République Tchèque ayant refusé de le signer). Ce texte prévoit des contraintes
plus fortes :
 la « règle d’or budgétaire » impose un déficit structurel (c'est-à-dire un déficit corrigé des
effets du cycle économique, notamment sur les recettes, et hors dépenses inhabituelles
dues aux aléas de la conjoncture économique) qui ne doit pas dépasser 0,5 % du PIB ;
 des sanctions financières systématiques sont prévues en cas de non-respect des règles du
Pacte de stabilité.

2-2- Création du Mécanisme Européen de Stabilité Financière (MESF)


Le Mécanisme Européen de Stabilité Financière (MESF) a commencé à fonctionner fin 2012 en
remplacement du Fonds européen de stabilité financière (FESF). Le MESF peut, dans le cadre
d’un programme européen d’assistance financière, accorder des prêts aux États européens ayant
de graves difficultés de financement afin d’éviter des défaillances.
En contrepartie, les États bénéficiaires doivent s’engager à prendre des mesures précises qui
conditionnent l’octroi des prêts.
Le MESF dispose de fonds propres apportés par les États membres de la zone euro. Les États ne
faisant pas partie de la zone euro peuvent eux aussi participer aux opérations de soutien à la
stabilité. La France est le 2e contributeur du MESF derrière l’Allemagne avec une participation
qui s’élève à 20,4% de son capital (27,1% pour l’Allemagne). Le MESF peut également lever des
fonds en émettant des obligations sur les marchés financiers.

CONCLUSION
La crise de la dette qui a débuté en 1982 est la conséquence d’un certain laxisme de la part des
créanciers quant aux prêts accordés, d’une mauvaise utilisation des sommes reçues par les
dirigeants des pays en développement et de la politique anti inflationniste menée au début des
années 1980 par les pays occidentaux. Cette crise a été gérée, avec l’accord des créanciers, par les
institutions financières internationales. Ainsi, le FMI et la Banque mondiale ont conditionné toute
restructuration de dette à l’adoption de programmes d’ajustement structurel qui, loin de régler les
maux dont souffrent les PED, ont conduit à la crise des années 1990 et se sont traduits par une
mise sous tutelle des économies des pays en développement. Si les institutions financières
internationales tentent d’infléchir leurs politiques, celles-ci participent toujours d’une logique
libérale. En définitive, si l’on veut redonner une certaine liberté d’action aux PED, il convient de
supprimer cet instrument de domination que constitue leur dette extérieure. Une telle annulation
trouve des justifications tant économiques que politiques.
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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

CHAPITRE 5 : LES CRISES FINANCIERES


INTRODUCTION
De nombreuses crises ont affecté les économies nationales depuis plusieurs décennies. Celle de
1929, celle de 1973 ou plus récemment celle de 2008. Ces grandes crises ont à chaque fois touché
l’ensemble des agents économiques : les entreprises (entrainant des faillites), les ménages
(réduisant leur pouvoir d’achat ou faisant croitre le chômage), les banques (les rendant plus
réticentes à financer les projets), les États et les finances publiques. Dans un monde où les
économies nationales sont de plus en plus interconnectées et liées à la finance internationale, les
probabilités des crises à s’étendre à l’échelle mondiale sont immenses. Si on analyse les crises qui
se sont déroulées depuis le milieu des années 1980, on se rend compte que ce sont surtout les crises
bancaires et financières qui ont tendance à se multiplier. Ces crises s’expliquent en particulier par
un phénomène qui s’appelle la théorie du « cycle du crédit ». Dans ce chapitre, en premier lieu,
nous définirons les notions nécessaires à la compréhension des crises financières et présenterons
les différentes formes de crises financières. En second lieu, nous indiquerons les différentes phases
des crises et exposerons les causes des crises financières. Troisièmement, nous traiterons de la
manifestation des crises financières, et en dernier ressort, nous présenterons les processus de
régulation des marchés financiers.
Section 1 : DEFINITIONS

En économie, la crise est le moment où la conjoncture se retourne à la baisse, c’est- à-dire le


moment qui clôt une phase d’expansion économique et ouvre une phase de récession, voire de
dépression.
On parle de crise financière pour qualifier un retournement de la conjoncture dans le système
financier. Les crises financières sont favorisées par un contexte particulier : innovations
financières, système financier libéralisé, facilité d’accès au crédit.

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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

La titrisation est un procédé par lequel une banque qui détient une créance émet une obligation
adossée à cette créance, qu’elle vend sur les marchés financiers. En réalisant cette opération, elle
transfère le risque de non remboursement du prêt à un autre agent. Elle a entraîné une augmentation
du crédit en minimisant le risque de crédit.
L’aléa moral est un risque provenant d’une situation d’asymétrie d’information. Ainsi les
opérateurs financiers peuvent prendre des risques non anticipés, parce qu’ils savent qu’il existe un
prêteur en dernier ressort (Etat ou banque centrale) qui pourra les couvrir. L’assurance d’un
sauvetage financier conduit à prendre davantage de risques. Par exemple, avec le phénomène de
la titrisation, les banques ont pu prendre davantage de risques et ont accordé des crédits à des
ménages peu solvables, car elles savaient qu'elles pourraient revendre les crédits sous forme de
titres et se débarrasser du risque. Il y a eu une asymétrie d'information entre les banques qui
vendaient ces titres et les acheteurs, qui ont été mal informés des risques que représentaient ces
titres, fondés sur des créances faites à des ménages qui risquaient de faire défaut.

Un établissement "too big to fail" est un établissement "trop gros pour faire faillite". Son poids
financier rend impossible le fait que les autorités monétaires puissent le laisser tomber, en raison
de l’effet majeur qu’une faillite entraînerait. En l’absence d’intervention, l’économie risque la crise
systémique. Le poids d’une banque, mesuré par le total de son bilan permet d’estimer l’ampleur
des conséquences de sa faillite éventuelle. Les difficultés d’une banque s’étendent vite à d’autres
banques et à l’économie tout entière. Les pouvoirs publics se refusent donc à ne pas secourir une
banque trop importante. Le principe "too big to fail" part d’une bonne intention : éviter le risque
systémique dû à la faillite d’un grand établissement.
Risque systémique : risque de dégradation brutale de la stabilité financière qui compromet la
capacité du système financier à remplir sa fonction fondamentale, l’offre de services financiers,
avec des répercussions sur l’économie réelle ou risque de crise financière généralisée provoqué
par la défaillance d’un participant qui entraîne dans sa chute d’autres défaillances d’établissements
financiers (effet domino).
Plusieurs situations présentent des risques systémiques :
 L'interdépendance des institutions financières : si les institutions sont interdépendantes,
en se prêtant des fonds les unes aux autres, il peut y avoir un effet de contagion en cas de
difficulté d'une institution. En effet, suite à un choc, par exemple si une banque fait défaut,
les difficultés se propagent au système financier et provoquent des faillites en chaîne,
touchant l'ensemble des marchés financiers, c'est l'"effet domino".
 L'exposition commune des différentes composantes d'un marché à un choc (par
exemple si toutes les institutions du marché détiennent un grand nombre de parts dans une
entreprise, si celle-ci fait défaut, toutes les institutions seront en difficulté).
 Les déséquilibres financiers : lorsque certaines économies mondiales dégagent de forts
excédents (capacité de financement) et d'autres de grands déficits (besoins de financement),
le déséquilibre est un risque systémique. En effet, d'une part, dans les économies à capacité
de financement, l'accumulation d'excédents incite les agents à réaliser des placements
financiers de plus en plus risqués. D'autre part, les économies mondiales sont rendues très
interdépendantes, et un changement dans une économie peut avoir de grandes

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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

répercussions sur d'autres. Ainsi, lorsque les déséquilibres se creusent, la probabilité d'une
crise globale augmente.
Le risque systémique a des répercussions sur l'économie réelle. D'une manière générale :
 L'effondrement des cours de titres engendre un effet de richesse négatif (perte de revenu
pour les agents qui détiennent des titres).
 La structure financière des entreprises se dégrade (la valeur de leurs actifs financiers se
dégrade), elles ont plus de mal à obtenir des financements et deviennent plus vulnérables.
 L'offre de crédit se contracte et limite les capacités d'investissements des agents (ménages,
entreprises, Etat). Cela fait diminuer le niveau de production, ce qui affecte le niveau
d'emploi. * Dans cette situation de risque systémique, les agents formulent des
anticipations pessimistes, ce qui limite la reprise de la production. Dans ce cas, la crise
s'auto-entretient.
Credit crunch : phénomène d’assèchement des possibilités de crédit auprès des établissements
bancaires.
Réglementation prudentielle : normes contraignantes visant à réduire le risque systémique en
forçant les banques et les agents financiers à éviter une prise de risque excessive.
Une bulle spéculative : il y a bulle lorsque la différence entre le cours d’une action et le rendement
économique d’une entreprise est trop grande. La bulle spéculative est une situation où les cours
des actions augmentent du fait du comportement mimétique des spéculateurs, sans rapport avec la
valeur réelle des entreprises. Cette bulle se développe à cause d’anticipations auto-réalisatrices des
opérateurs de marché : tous se procurent des titres en espérant qu’ils vont prendre de la valeur, la
demande augmente, et les titres prennent effectivement de la valeur. Au moment où ces
anticipations se retournent, on parle d’éclatement de la bulle : les agents liquident leurs titres, qui
perdent alors de la valeur. Sur les marchés des capitaux, la hausse des prix ne se traduit pas
forcément par une baisse de la demande, en raison de comportements mimétiques. Il y a
mimétisme, car les investisseurs achètent parce que d’autres achètent. On peut considérer qu’une
des motivations de l’adoption du comportement mimétique est que l’information sur le marché
manque : l’agent suit alors des leaders supposés mieux informés que lui.
La volatilité désigne l'amplitude des fluctuations du cours d'un actif. Un actif est volatile si son
cours varie fortement sur une courte période.
Paradis fiscal : territoire sur lequel l’impôt sur les bénéfices ou les revenus de capitaux supporté
par les non-résidents est insignifiant et dont les autorités se montrent "peu coopératives" pour
fournir à des pays tiers des renseignements sur les patrimoines ou les revenus des personnes qui y
ont des comptes.

Section 2 : LES DIFFERENTES FORMES DE CRISES FINANCIERES

Les crises financières peuvent prendre la forme de :


 Krach boursier ou crise boursière : très forte chute des cours des actions. Ajustement
brutal à la baisse sur les marchés boursiers, lié à l'éclatement d'une bulle spéculative. Une
grande partie des titres perdent brusquement leur valeur, car tous les agents cherchent à les
revendre.
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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

 Crise de change : effondrement de la valeur de la monnaie. Ajustement violent du taux de


change de la monnaie d'un pays vis-à-vis des autres monnaies. Il peut par exemple s'agir
du cas où une monnaie est victime d'une attaque spéculative (les agents financiers
détenteurs de cette monnaie cherchent à la vendre pour faire diminuer sa valeur), comme
en a été victime la livre sterling en 1992.
 Crise bancaire : les banques sont en situation d'illiquidité ou d'insolvabilité, et de ce fait
n'arrivent plus à obtenir d'argent sur les marchés de capitaux. Elles ne peuvent alors plus
accorder de crédits et risquent de ne pas rembourser les agents qui leur ont confié leurs
fonds. C'est le cas des faillites bancaires de 2008.
 Crise de la dette souveraine : c'est une situation dans laquelle un Etat a des difficultés à
rembourser sa dette. Elle peut venir du simple doute des agents financiers sur les capacités
de l'État à rembourser sa dette, car si ces agents sont méfiants, ils cessent de prêter à l'État,
or cet Etat pouvait compter sur l'emprunt pour rembourser ses premiers créanciers. C'est
par exemple la crise qu'a connue la Zone Euro en 2010.

Section 3 : LES CAUSES DES CRISES FINANCIERES

Plusieurs explications permettent de comprendre ces crises financières :


 un système financier libéralisé laisse une grande liberté aux acteurs sur les marchés.
L’interdépendance entre les marchés financiers, entre les banques ainsi qu’entre le secteur
bancaire et les marchés financiers se propage à l’ensemble du système financier national
et international.
 L’abondance de liquidités et le crédit facile. Les prêteurs imprudents sont devenus
incapables de sélectionner les bons projets (risque de crédit).
 Le développement d’innovations financières. En créant des opportunités nouvelles de
placement, les innovations financières sont des facteurs de déstabilisation. La titrisation,
au cœur de la crise des subprimes, fournit un exemple de l’augmentation du risque
systémique issue des innovations financières (risque de marché).
 L’augmentation des inégalités. Quand les inégalités s’accroissent, les ménages les plus
modestes sont contraints d’emprunter, ce qui augmente le risque bancaire. A l’opposé les
ménages les plus aisés, dont les revenus et le patrimoine progressent rapidement,
alimentent la spéculation par leurs apports de capitaux sur les marchés d’actifs.

Section 4 : LES PHASES DE CRISES

Selon Charles Kindleberger la crise se déroule en cinq phases :


 Essor : période de croissance économique et d'expansion du crédit. Elle rend favorable une
hausse du prix des actifs (par exemple dans les années 1990 aux Etats-Unis).
 Euphorie : dans la continuation de l'essor, le crédit est accordé de plus en plus facilement,
car les investisseurs recherchent les placements les plus rentables et financent des projets
de plus en plus risqués. Les risques de crédit sont sous-estimés. (Cela a par exemple été le
cas aux Etats-Unis, avec le système des "subprimes". Les garanties hypothécaires des
prêteurs ont donné confiance aux investisseurs qui ont accordé des prêts à des ménages peu
solvables.)

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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

 Paroxysme et retournement : les agents peuvent brusquement prendre conscience des


risques trop grands qui ont été pris, notamment lorsque les projets risqués échouent et que
des débiteurs font défaut. Les fragilités du système apparaissent et les anticipations des
agents se retournent brusquement, c'est-à-dire qu'ils deviennent pessimistes (aux Etats-
Unis, en 2007, lorsque le prix des logements a diminué, il n'a plus été possible pour les
banques prêteuses de compenser les défauts de paiement des ménages en vendant leurs
habitations. On s'est alors rendu compte que des prêts avaient été accordés beaucoup trop
facilement).
 Reflux et pessimisme : dans un contexte pessimiste, les agents cherchent à tout prix des
liquidités, la méfiance s'accroît envers les autres agents. Plus personnes ne veut prêter
d'argent, et le crédit se fait rare. C'est le "credit crunch". Les agents cherchent alors à vendre
leurs titres pour avoir des liquidités, et les cours des titres chutent brutalement.
 Déflation de la dette et restructuration : la baisse des cours appauvrit les agents, qui
vendent alors d'autant plus de titres pour compenser cette baisse, ce qui fait à nouveau
baisser leurs cours. Il y a donc une baisse auto-entretenue des prix des actifs, ainsi que des
revenus, car les entreprises sont en difficulté. L'intervention publique est cruciale durant
cette phase pour amorcer la reprise (aux Etats-Unis, de grandes banques ont fait faillite,
nécessitant l'intervention du Trésor public. Cette crise s'est propagée au reste du monde).
Section 5 : MANIFESTATION DES CRISES FINANCIERES : CAS DE LA
CRISE DES SUBPRIMES

Quand une vague d’optimisme touche un domaine d’activité, le prix des actions des entreprises de
ce secteur grimpe et comme tout le monde pense que l’augmentation va se poursuivre, chacun
achète ces titres et une "bulle" se forme. Cette hausse fournit des garanties aux emprunteurs qui
s’endettent davantage et achètent plus d’actions. Les prix grimpent encore et l’emballement s’auto-
entretient jusqu’à l’explosion. La crise est systémique quand elle se diffuse à l’ensemble des
marchés financiers à l’échelle planétaire. Concernant le cas de la crise des subprimes intervenue
aux Etats-Unis, on note qu’à partir de 2002 le marché de l’immobilier connaît un essor
considérable. Les taux d’intérêt sont au plus bas et les banques développent un marketing très
persuasif pour vendre des crédits, d’abord à des ménages aisés (clientèle "prime"), puis à des
catégories moins favorisées ("subprime"). Chaque agent est gagnant : l’emprunteur qui espère
devenir propriétaire, le banquier qui transfère le risque à d’autres (titrisation), le courtier qui touche
une commission, le créancier qui ne risque rien tant que le prix de l’immobilier est orienté à la
hausse (il récupère son argent en saisissant le bien immobilier). . . Une subprime est un prêt
immobilier proposé à un emprunteur au revenu modeste avec un taux d’intérêt élevé. Aux Etats-
Unis, il s’est agi d’emprunts immobiliers accordés à des ménages à faibles revenus à taux variables.
Quand les taux d’intérêt ont augmenté, ces ménages se sont retrouvés dans l’impossibilité de
rembourser leurs crédits. Mais surtout ces crédits immobiliers ont été titrisés sous forme de titres
de créances que s’échangeaient les banques sur les marchés financiers. On parle de créances
douteuses, c’est-à-dire dont le risque de non-recouvrement est élevé. En 2006, les crédits
"subprime" ont représenté 24 % des nouveaux crédits immobiliers octroyés aux États-Unis. Ces
prêts ont participé à la création d’une bulle immobilière ; tant que le prix de l’immobilier augmente,
la maison acquise et mise en hypothèque, garantit le bon déroulement de l’opération. En cas de
défaillance, le crédit sera remboursé par la vente de la maison. Mais le prix de l’immobilier plonge.
81
Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

Les taux d’intérêt passent de 1 % à 5 %, ce qui provoque l’insolvabilité des clients. Des millions
d’américains perdent leur logement. Les établissements de crédits qui ont effectué ces prêts sont
au bord de la faillite (Lehman Brothers, l’une des plus prestigieuses banques d’investissement au
monde, fait faillite en septembre 2008). De nombreuses banques étrangères ont racheté les crédits
transformés en titres financiers (titrisation) et se retrouvent dans une situation délicate. Les actions
des banques s’effondrent ce qui entraîne une chute généralisée des cours boursiers. La crise est
financière. On parle de crise de liquidité quand plus aucun agent n’est prêt à prêter aux autres : le
financement est temporairement asséché.
Les défauts de paiement dans l’immobilier ont fragilisé les banques qui ont cessé de se prêter les
unes aux autres créant une crise de liquidité. Les banques ne se prêtant plus mutuellement ont des
difficultés à rembourser les titres arrivés à échéance, la valeur des titres diminuant, la valeur de
l’actif des banques diminue et devient inférieure à leur passif. La crise des subprimes engendre la
crise financière qui se transforme en crise économique et en crise de la dette en Europe selon le
cheminement suivant : les banques ayant des difficultés de paiement, elles accordent moins
facilement de crédits. Les entreprises n’arrivent plus à financer leurs productions et c’est alors la
sphère économique qui subit les conséquences de cette crise. Le taux de croissance ralentit, le
chômage augmente et les revenus baissent. C’est la crise économique. En 2009, les Etats-Unis,
l’Europe et le Japon enregistrent même un taux de croissance négatif. La mondialisation des
échanges internationaux propage la crise économique à l’ensemble des pays. La globalisation
financière propage l’instabilité sur toutes les places financières du globe. La crise finit par atteindre
les Etats qui augmentent les dépenses publiques pour sortir de la crise. Ils aident les banques pour
éviter leur faillite (too big to fail), les ménages défavorisés (aides sociales). La crise entraîne une
baisse des recettes fiscales et les déficits budgétaires prennent de l’ampleur. Les États doivent
emprunter (dette souveraine), alors que certains sont déjà fortement endettés. Les marchés
financiers s’interrogent sur leur capacité à être solvables. Par conséquent les taux d’intérêt des
obligations deviennent élevés pour certains pays qui doivent considérablement réduire leurs
dépenses publiques, ce qui se répercute négativement sur la croissance. C’est la crise de la dette
publique.

Section 6 : LA REGULATION DES MARCHES FINANCIERS


La régulation désigne l'ensemble des mécanismes et des règles qui assurent le bon fonctionnement
et la stabilité des marchés en évitant l'apparition de crises qui risquent de faire disparaître le
marché.
1- Les objectifs d'une régulation financière

 Assurer la confiance dans le système bancaire, notamment à travers l'établissement de règles


prudentielles et le choix d'une politique monétaire.
 Organiser le fonctionnement des marchés, en favorisant la transparence afin de réduire les
asymétries d'information.

2- Les réglementations prudentielles

Elles sont un ensemble de règles imposées aux acteurs par les pouvoirs publics pour éviter la
faillite des institutions financières.

82
Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

Les objectifs visés par les réglementations prudentielles : protéger les déposants et stabiliser le
système monétaire et financier pour limiter le risque systémique.

On distingue deux types de réglementation prudentielle :


 La réglementation microprudentielle porte sur le risque de faillite individuelle des
institutions financières. Elles imposent à chaque institution des règles pour qu'elle ne fasse pas
faillite, ou pour limiter les conséquences négatives de cette faillite.
 La réglementation macroprudentielle porte sur les risques d'une crise systémique. Elle tient
compte du fait que la faillite d'un établissement n'a pas seulement des conséquences sur cet
établissement, mais aussi sur tout le reste de l'économie. En effet, la faillite de cet établissement
peut entraîner la faillite d'autres institutions à qui le premier devrait de l'argent, mais cela peut
aussi avoir pour conséquence une diminution générale du niveau de confiance et mettre toute
l'économie en difficulté. La réglementation macroprudentielle consiste donc à trouver des
règles permettant de limiter les interdépendances et les conséquences sur d'autres
établissements des difficultés d'une institution financière. Depuis la fin des années 1980,
différents accords appelés « accords de Bâle » ont mis en place des règles prudentielles
internationales de sécurité bancaire et financière.
 Accords de Bâle I, 1988. Ils ont mis en place un dispositif prudentiel pour assurer la solvabilité
et la stabilité du système bancaire international en fixant un ratio de sovabilité, nommé ratio
Cooke. C'est un volume minimum de fonds propres (c'est-à-dire de capital disponible) dont une
banque doit disposer par rapport aux crédits qu'elle accorde, car on estime que ce volume de
fonds propres doit lui permettre d'éviter une situation d'insolvabilité. Il était alors de 8%, ce qui
signifie que les banques devaient toujours détenir en fonds propre au minimum 8% des crédits
qu'elles accordent afin d'éviter le risque de crédit.
 Accords de Bâle II, 2006. Ils modifient la définition des fonds propres et le calcul du ratio afin
de tenir compte à la fois des risques de crédit (risque que les débiteurs fassent défaut), des
risques de marché (risque que les actifs détenus par les banques perdent de leur valeur) et des
risques opérationnels (risques de pertes liés à un mauvais fonctionnement de l'établissement
bancaire). De manière générale, elles tendent à diminuer les exigences qui pèsent sur les
établissements bancaires.
 Accords de Bâle III, 2010 : après la crise financière de 2007 qui a révélé que les règles
prudentielles ne suffisaient pas à écarter le risque de crise systémique, les accords de Bâle III
redéfinissent ces règles. La nature des fonds propres est redéfinie afin de mieux tenir compte
des risques que comportent les actifs qui peuvent y être inclus. Au ratio de solvabilité (qui vise
à éviter une situation d'insolvabilité pour la banque) s'ajoute un ratio de liquidité, qui impose
aux banques de toujours disposer d'un volume minimal de liquidités en fonction du volume et
de la nature des titres qu'elles détiennent. La prise en compte de la liquidité en plus de la
solvabilité vient du lien entre les deux. La crise de 2007 a montré que si une banque a un
problème d'illiquidité (elle manque de liquidités à court terme tout en étant solvable à moyen
terme), cela peut faire perdre confiance aux investisseurs. Ceux-ci peuvent refuser de prêter de
l'argent à cette banque, ou faire augmenter les taux d'intérêt. La crise de liquidité se transforme
alors en crise de solvabilité, car la banque peut devenir insolvable (c'est-à-dire que ses créances
ne suffisent plus à rembourser ses dettes) si elle est obligée d'emprunter de l'argent à des taux
très élevés.
83
Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

Section 7 : CRISES JUMELLES DANS LES PAYS RECEMMENT


OUVERTS A LA GLOBALISATION FINANCIERE
Si les crises de change frappent maintenant plus rarement les pays développés, elles sont devenues
plus fréquentes pour les pays nouvellement financiarisés. En se combinant aux crises bancaires
renaissantes, elles ont engendré un type de crise financière nouvelle pour la période d’après-guerre
: les crises jumelles. Ces crises jumelles se manifestent par la combinaison d’une spéculation
intense contre la monnaie nationale et une vague de défaillances bancaires. Elles associent
une méfiance à l’égard de la stabilité du taux de change (et donc du régime de change), et une
méfiance à l’égard de la liquidité ou de la solvabilité des intermédiaires bancaires, qui rétroagissent
l’une sur l’autre en se renforçant mutuellement. Les pays asiatiques n’ont pas inventé la crise
jumelle, mais celle-ci a été la forme dominante de crise financière pendant l’épisode 1977-1998 :
Indonésie, Malaisie, Philippines, Thaïlande, Corée, ont eu à affronter simultanément une crise de
change et une crise bancaire. A priori, en avenir certain, il est possible de développer trois
hypothèses alternatives simples concernant cette simultanéité :
 selon une première conception, la crise de change et la crise bancaire ont les mêmes causes
(Reinhart et Végh, 1996). Une des causes communes étant souvent, pour les pays
émergents, un programme de stabilisation… trop réussi qui provoque une euphorie
excessive. In fine, ce sont les tensions sur le déficit courant et l’accroissement de
l’endettement extérieur, qui résultent du programme de stabilisation (de son succès, dans
un premier temps), qui provoquent le déclenchement d’une attaque spéculative contre la
monnaie dont la crise bancaire est la conséquence indirecte, les capitaux fuyant et le marché
des changes s’effondrant ;
 dans un deuxième modèle, la crise bancaire entraîne la crise de change (Velasco, 1987) par
l’intermédiaire de l’émission de monnaie domestique excessive provoquée par le secours
exceptionnel en liquidité que la Banque centrale apporte au système bancaire pour le
stabiliser ;
 dans un troisième modèle, c’est au contraire la crise de change qui entraîne la crise bancaire
(Stoker, 1994) ; les banques ne résistent pas aux pertes de change dues à la dévaluation,
qui s’ajoutent aux pressions sur leur solvabilité induites par la perte de réserves non
stérilisée (Réserves qui ne sont pas annulées par les effets des interventions des banques
centrales sur l’offre de monnaie par la réalisation des opérations opposées sur les marchés
d’actifs nationaux et étrangers) de la Banque centrale amenant une contraction du crédit
bancaire.
CONCLUSION
Depuis une trentaine d’années, les crises financières ont tendance à se multiplier. Ces crises
s’expliquent notamment par un mécanisme étroitement lié à la stratégie des banques : le cycle du
crédit. Par leurs comportements, les banques contribuent parfois à générer ou alimenter encore
davantage les situations de récession. En 2008, la crise des « subprimes » aux États-Unis est l’un
des exemples les plus révélateurs. Depuis pourtant, les pouvoirs publics, les chefs d’États, ont
décidé de mettre en place de nouvelles règles destinées à mieux encadrer les activités bancaires et
empêcher ce genre de situation de se renouveler.

84
Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

TROISIEME PARTIE : THEORIE DU


COMPORTEMENT DU CONSOMMATEUR ET DE LA
DEMANDE
CHAPITRE 1 : LA THÉORIE DU CONSOMMATEUR
INTRODUCTION
La théorie du consommateur occupe une place centrale dans la théorie néoclassique. Elle s’est
construite autour de la notion d’utilité, et s’est particulièrement intéressée à l’utilité marginale. Le
consommateur, selon la théorie microéconomique néoclassique, est rationnel. Il cherche à atteindre
le panier optimal de consommation étant donné le budget limité dont il dispose pour ses
acquisitions. Il doit donc opérer des choix entre les biens souhaités. Pour les effectuer à bon
escient, il établit une hiérarchie de ses préférences qu’il confronte avec ses moyens limités. Il
choisit la combinaison de bien lui apportant la plus grande satisfaction, c'est-à-dire l’utilité
maximale. La recherche de l’utilité maximale sera menée en deux étapes : une première approche
sera effectuée en termes d’utilité marginale impliquant une étude cardinale, la seconde en termes
d’indifférence aboutissant à une étude ordinale.

Section 1 : NOTION D’UTILITÉ


1- Mesure de l’utilité
Au sein de l’école néoclassique, deux approches de la détermination de l’utilité furent admises :
l’approche cardinale et l’approche ordinale.
1-1- Mesure cardinale de l’utilité
Les défenseurs de cette théorie (Stanley Jevons, Léon Walras, Carl Menger et Alfred Marshall qui
l’utilisa avec des réserves) admettaient que le consommateur était capable d’attribuer une valeur à
l’utilité que lui procurait tout bien ou combinaison de biens. En d’autres termes, la mesure
cardinale de l’utilité consistait à attribuer à chaque panier ou combinaison de biens un nombre qui
mesure la grandeur de l’utilité qui lui correspond : l’utilité est donc mesurable et additive.
Remarque : l’approche cardinale de la mesure de l’utilité est généralement contestée pour les
raisons suivantes :
 Il est quasiment impossible à un consommateur de déterminer une unité de mesure de la
satisfaction retirée de la consommation de biens. En d’autres termes, la mesure cardinale
de l’utilité n’est pas pertinente ;
 Le caractère additif de l’utilité reste peu convaincant.

1-2- Mesure ordinale de l’utilité


Pour les théoriciens de l’utilité ordinale (Vilfredo Pareto, Eugen Slutsky, John Hicks, Paul
Samuelson), qui ont d’ailleurs rejeté la théorie de l’utilité cardinale, ce qu’un consommateur peut
faire, c’est de classer raisonnablement les biens ou paniers de biens en fonction de l’utilité qu’ils
lui procurent. Ils ont alors admis que l’utilité est certes mesurable, et qu’elle dépend des quantités
85
Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

consommées, mais qu’elle n’est pas additive. L’utilité ordinale établit en outre une relation de
préférence - indifférence.
2- L’utilité totale
2-1- Définition
C’est la satisfaction totale qu’un individu retire de la consommation d’une certaine quantité de
bien ou combinaison de biens.
Soit X et Y les biens consommés par un individu. L’utilité totale de celui-ci est notée :
UT (X, Y) ou U(X, Y).
On peut ainsi définir pour un produit donné une fonction d’utilité de forme U = f(X).
La fonction d’utilité est l’expression mathématique de l’ordre de préférence dans lequel le
consommateur classe les biens qu’il consomme. Elle associe à chaque panier de consommation X
un nombre U (X) tel que le panier X2 est préféré au panier X1 si et seulement si le niveau d’utilité
de X2 est supérieur à celui de X1.

2-2- Conditions d’existence de la fonction d’utilité ou des préférences du


consommateur (hypothèses sur les préférences)
Il n’est pas évident que l’on puisse trouver pour les consommateurs des fonctions à valeur
réelle qui soient des fonctions d’utilité. Il faut que les préférences du consommateur
remplissent certaines conditions pour qu’elles puissent être représentées par une fonction
d’utilité. Il existe trois (3) conditions suffisantes d’existence d’une fonction d’utilité :
 La relation de préférence est une relation complète (ou symétrique) : c’est-à- dire que pour
tout panier de bien X et pour tout autre panier de bien Y, X ∈ ℝ*+ , Y ∈ ℝ*+ , il existe les
possibilités suivantes : X(x1, x2) est aussi préféré que Y(y1, y2) ou bien Y(y1, y2) est aussi
préféré que X(x1, x2), ou encore ces deux relations sont vérifiées simultanément, ce qui
implique alors que le consommateur est indifférent entre les deux paniers. X(x1, x2) ≈
Y(y1, y2). Cette relation implique que le consommateur est capable de faire un choix ;
 La relation de préférence est aussi réflexive : c’est-à-dire que tout panier est « au moins
aussi désiré » que lui-même ; X(x1, x2) est aussi préféré que X(x1, x2) ou encore que tout
panier est au moins aussi désirable qu’un panier identique ;
 La relation de préférence est transitive. A partir des paniers X, Y, et Z on définit les
relations suivantes :

Si (X1, X2) > (Y1, Y2)


alors (X1, X2) > (Z1, Z2)
Et (Y1, Y2) > (Z1, Z2)
La relation de transitivité permet au consommateur de faire le meilleur choix.
2-3- La fonction d’utilité dans le cas d’un seul bien X
Il s’agit de déterminer l’allure de la fonction d’utilité lorsque la consommation de tous les biens
autres que le bien X est supposée constante. Elle est notée U = f(X) = U(X). Une telle fonction
indique que les variations de l’utilité totale sont uniquement fonction du bien X. Les utilités
procurées par l’acquisition de différentes quantités du bien X sont additives, donc la fonction
d’utilité est continue et elle admet des dérivées de premier et deuxième ordres.
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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

L’expression U = f(X) indique que l’utilité est cardinale et mesurable et peut être représentée
comme suit :

Utilité

UT
U2

U1

0 X
x1 x2
Figure 1 : Fonction d’utilité additive et mesurable

3- L’utilité Marginale
3-1- Définition
C’est l’utilité apportée par la dernière unité consommée (acquise) d’un bien. Elle représente la
variation de l’utilité totale résultant de la consommation d’une unité supplémentaire d’un bien, les
quantités des autres biens restant constantes (inchangées).
Elle est notée :
( , ) ( , )
Umx = pour le bien X et Umy = pour le bien Y.

TABLEAU 1 : utilité totale et utilité marginale

Utilité totale Utilité marginale


Unité du produit A

1 10 10
2 19 9
3 27 8
4 34 7
5 40 6
6 44 4
7 45 1
8 45(satiété) 0
Il apparaît dans ce tableau que l’utilité apportée par chaque unité supplémentaire de produit (utilité
marginale) tend à diminuer avec l’accroissement des quantités consommées.
Remarque : La valeur d’un bien est fournie par l’utilité marginale et non l’utilité totale.

3-2- La loi d’égalisation des utilités marginales pondérées

87
Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

Compte tenu du caractère limité du revenu du consommateur, plus il achète un bien, moins il peut
acheter d’autres biens. Il met ainsi en balance le supplément de satisfaction procuré par chaque
acquisition avec les avantages supplémentaires inhérents à d’autres acquisitions possibles. Son
calcul économique se mène donc à partir d’un système de préférence hiérarchisé en termes de
comparaison d’utilités marginales.
APPLICATION 1
Un consommateur doit répartir un revenu de 10UM entre l’achat de deux biens A et B, et
rechercher la combinaison des quantités de A et de B lui permettant d’obtenir le bien-être
maximum. Les produits A et B coûtent respectivement 1UM et 3UM.
Le tableau des utilités marginales est le suivant :

Unité de produit 1 2 3 4 5 6
Utilité marginale A
(UmA) 10 9 8 7 6 4

Utilité marginale B
(UmB) 24 21 18 15 9 3

TAF : Déterminez les différentes décisions d’achat possibles, en sachant que :

­ L’utilité marginale pondérée (UmP) est : UmP = ;


­ Le consommateur achète le produit pour lequel l’utilité marginale pondérée est plus
grande.

88
Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

Tableau 2 : Loi d’égalisation des utilités marginales pondérées des biens A et B pour un revenu de 10 UM

(2) (3)

Produit A (prix 1UM) Produit B (prix 3UM) (4)


(1)
(5) Décision d’achat
Utilité Comparaison des utilités
Unité de Utilité Utilité marginale Utilité marginale
marginale marginales pondérées
produit marginale (Um) pondérée
pondérée (Um /franc)
(Um) (Um/Prix)
(Um/Prix)
(a) (a) (b)
(b)
Uma1 Umb1 Achat d’1 unité de A
1 10 10 24 8 = 10 > =8
Pa Pb

Uma2 Umb2 Achat de 2 unités de A


2 9 9 21 7 =9> =7
Pa Pb

Uma3 Umb3 Achat de 3 unités de A + 1unité


3 8 8 18 6 =8≥ =6 de B
Pa Pb

Uma4 Umb4 Achat de 4 unités de A + 2 unités


4 7 7 15 5 =7≥ =5 de B
Pa Pb

5 6 6 9 3

6 4 4 3 1

89
Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

Les colonnes 2a et 3a montrent les goûts des acheteurs dans l’absolu mais elles ne tiennent pas
compte de leurs préférences compte tenu des prix.
Les colonnes 2b et 3b tiennent compte des prix respectifs des 2 produits en indiquant une
pondération de l’utilité marginale par les prix (utilité marginale par franc).
Dans la colonne 4 on constate que l’utilité marginale de la première unité de A pondérée par le
prix de A (Uma1 /Pa) est supérieurs à l’utilité marginale de la première unité de B pondérée par
le prix de B (Umb1 /Pb). Le consommateur a donc intérêt à choisir le bien A et en acquérir une
unité.
Le consommateur poursuit ses comparaisons et obtient que les utilités marginales pondérées
d’une troisième unité de A et de la première unité de B le conduit à acquérir 3 unités de A et
1 unité de B puisque chaque bien lui apporte, dans cette hypothèse, la même utilité marginale
pondérée.
Cependant ces achats ne lui ont pas permis de répartir tout son revenu (10F) puisque :
(3A x 1F) + (1B x 3F) = 6F. Il doit donc poursuivre ses achats et il acquiert une quatrième unité
de A et une seconde unité de B, achats pour lesquels se vérifie l’égalisation des utilités
marginale pondérées :

Il a ainsi affecté tout son revenu puisque (4A x 1F) + (2B x 3F) = 10F et obtenu la combinaison
lui assurant le maximum de satisfaction ou d’utilité totale (34 utils de A + 15 utils de B soit au
total 49 utils). Toute autre combinaison lui apporterait une satisfaction inférieure.
L’exemple décrit ici montre que la combinaison optimale sera obtenue lorsque le
consommateur aura reparti son revenu disponible de sorte qu’il y ait égalité des utilités
marginales pondérées.

Uma Umb Uma Pa


= ⇒ =
Pa Pb Umb Pb

La loi d’égalisation des utilités marginales peut être libellée ainsi :


Le consommateur, pour atteindre une situation d’équilibre, doit répartir son revenu de
sorte que soient égalisées les utilités marginales par unité monétaire dépensée des
différents biens achetés.

4- Relation entre utilité totale et utilité marginale


L’utilité marginale (Um) est la variation de l’utilité totale (UT) résultant de la consommation
d’une unité supplémentaire d’un bien.
La théorie marginaliste considère que l’Um d’un bien est décroissante. Donc les dérivées
partielles des U’Xj si elles existent doivent être négatives c’est-à- dire : < 0.

APPLICATION 2

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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

On considère les utilités totales (UT) suivantes relatives à un bien X.


Quantités x UTx Umx
0 0 -
1 200 200
2 300 100
3 330 30
4 340 10
5 340 0
6 336 -4

TAF :
1- Déterminer à l’aide de deux graphiques superposés les relations entre UT et Um.
2- Commenter.
OBSERVATION : Ces données indiquent qu’au fur et à mesure que la consommation du bien
X augmente, l’UT croit à taux décroissant. Quant à l’Um, elle décroit dès la deuxième unité
consommée : c’est la loi de l’Um décroissante.

400
Point de
Utx

350
300 satiété ou de
250 saturation
200 Point
150 d'inflexion Utx
100
50
Qx
0
0 1 2 3 4 5 6 7

250
Umx

200
150
100
Umx
50
0 -4
Qx
-50 0 1 2 3 4 5 6 7

91
Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

Figure 2 : Relation entre Utilité totale et Utilité marginale


Commentaire :
­ Lorsque les quantités consommées du bien X augmentent, l’UT croit de façon plus que
proportionnelle de l’origine au point d’inflexion c'est-à-dire dans la partie convexe de
la courbe d’UT ;
­ A partir du point d’inflexion, l’UT devient concave, elle continue de croître mais à taux
décroissant jusqu’au point de satiété (ou point de saturation) qui est entre 4 et 5 unité de
X. Au point de satiété, l’UT atteint son maximum. A partie de ce point, l’UT décroit de
façon continue et l’Um est nulle. Au-delà du point de satiété l’UT devient décroissante
et l’Um < 0.
­ L’allure décroissante de la courbe d’Um étaie la loi de l’Um décroissante qui stipule
que l’Um des quantités additionnelles d’un bien diminue lorsqu’on augmente les
quantités consommées de ce bien.

Application 3

Soit la fonction d’utilité suivante : U(X, Y) = X1/2Y. Si le consommateur consomme X = 1 et


Y = 4, déterminer :
1- L’utilité totale
2- Les utilités moyennes UMx et UMy.
3- Les utilités marginales Umx et Umy.
Correction

1- UT = U (1, 4) = (1) x (4) = 2


( , ) /
2- UMx = = = /
=2

( , ) /
UMy = = = X1/2 =

3- Umx = U’X (X, Y) = YX-1/2 = 1

Umy = U’Y (X, Y) = X1/2 =

Section 2 : NOTION DE COURBE D’INDIFFÉRENCE


1- Définition
La courbe d’indifférence (imaginée par EDGEWORTH et reformulée par PARETO) est le lieu
géométrique des points ou combinaisons de biens X et Y qui procurent au consommateur le
même niveau de satisfaction. En d’autre termes c’est la courbe qui relie les combinaisons de
biens X et Y dont la consommation procure le même niveau de satisfaction ou d’utilité totale
au consommateur.

92
Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

Soit la fonction d’utilité suivante : U = U(X, Y). La courbe d’indifférence est définie comme
l’ensemble de toutes les combinaisons (X, Y) qui vérifient l’équation U(X, Y) = Ū, Ū étant le
niveau d’utilité totale constante.
2- Représentation graphique
L’ensemble des combinaisons (X, Y) qui procurent le même niveau d’utilité implique :
 que les biens X et Y sont infiniment divisibles ;
 qu’ils sont substituables, c'est-à-dire que le consommateur peut décider de consommer
moins d’un bien et plus de l’autre ou vice versa, tout en maintenant son utilité totale
constante.
La figure ci-dessous (ci-contre) indique l’allure possible de la courbe d’indifférence.
Y

U = cste
0 X
Figure 3 : courbe d’indifférence
Remarque :
Une série de courbes d’indifférence correspondant à différents niveaux de satisfaction constitue
une carte d’indifférence. En supposant que la satisfaction du consommateur augmente avec la
taille de son panier de biens, plus une courbe d’indifférence est éloignée de l’origine, plus elle
correspond à une utilité plus élevée.
La figure ci-dessous représente une carte d’indifférence.

U2

U1

Uo
O X
93
Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

Figure 4 : carte d’indifférence

3- Propriétés des courbes d’indifférence

 Le sujet garde la même satisfaction totale en se déplaçant le long de la même courbe


d’indifférence. Toute courbe d’indifférence située au-dessus ou à droite d’une autre
apporte au consommateur une satisfaction plus élevée.
 Deux courbes d’indifférence ne peuvent pas se couper. Soient deux courbes U1 et U2
s’interceptant en C, A un point de U2 et B un point de U1. Supposons que A est préféré
à B. A et C étant situés sur la courbe U2, alors le consommateur est indifférent aux deux
combinaisons et par transitivité C devrait être préféré à B. Or C et B sont situés sur la
même courbe U1. Il ya donc contradiction lorsqu’on considère que A est préféré à B.
Par conséquent l’intersection des courbes d’indifférence est logiquement impossible en
raison de la propriété de transitivité.

A
C
U2

B U1

0 X

 Les courbes d’indifférence sont décroissantes, convexes par rapport à l’origine (le TMS
est décroissant le long d’une courbe d’indifférence).
Remarque : les courbes d’indifférence dont il est question sont des courbes typiques et sont
de la forme U(X, Y) = AXαYβ, A > 0, 0 < α < 1 et 0 < β < 1. Ce sont des courbes du type Cobb-
Douglas.
4- Courbes d’indifférence atypiques

4-1- Cas des biens parfaitement substituables


Deux biens sont parfaitement substituables (substituts parfaits) si le consommateur est disposé
à substituer l’un des biens à l’autre à un taux constant. Le taux marginal de substitution du bien
X au bien Y noté (TMSX/Y) est constant et la courbe d’indifférence est linéaire. La fonction
d’utilité est de la forme U(X, Y) = aX + bY, avec a > 0 et b > 0.

Si U(X, Y) = U0, on a : aX + bY = U0

94
Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

Pour X = 0, Y = U0/b ; pour Y = 0, X = U0/a.

0 X
Figure 5 : Cas des biens substituts

4-2- Cas des biens parfaitement complémentaires


Deux biens sont dits parfaitement complémentaires lorsqu’ils sont toujours consommés
ensemble dans des proportions fixes.
La fonction d’utilité est de la forme U(X, Y) = min (aX, bY), a et b étant des nombres réels
positifs indiquant les proportions dans lesquelles les biens sont consommés. Les courbes
d’indifférence sont orthogonales.

0 X

Figure 6 : Cas de biens complémentaires


4-3- Cas où l’un des deux biens en présence n’est pas désiré (bien neutre)
Dans ce cas la courbe d’indifférence peut être une droite verticale ou une droite horizontale.
Les fonctions d’utilité sont respectivement U(X, Y) = X = a et U(X, Y) = Y = b.
Y Y

Uo Uo

0 0 X
X

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Figure 7 : Bien Y non désiré Figure 8 : Bien X non désiré

4-4- Courbe d’indifférence concave


Les fonctions d’utilité concaves sont de la forme U(X, Y) = aX2 + bY2.
Y

0 X
Figure 9 : Fonction d’utilité concave

5- Taux marginal de substitution


5-1- Définition
Le taux marginal de substitution du bien X au bien Y noté TMSX/Y mesure le nombre d’unités
de Y qui doivent être sacrifiées pour une unité supplémentaire de X, tout en maintenant constant
le niveau de satisfaction.
5-2- Formulation mathématique
Soit la fonction d’utilité totale U = U(X,Y). La variation de l’utilité totale résultant du
changement de valeur des variables explicatives X et Y s’exprime par la différentielle totale du
premier ordre de la fonction U.
Si la fonction d’utilité U est continue et dérivable, la différentielle totale de U est :
dU(X,Y) = dx + dy.
Sur une même courbe d’indifférence, les variations de X et de Y n’entraînant pas de changement
de valeur de U (car U = cste), on a donc :

dU(X,Y) = 0 ⟹ dx + dy = 0

⟹ Umx.dx + Umy.dy = 0 ⟹ =−

On en déduit que :

TMSx/y = − = ou TMSx/y = | |=

Mathématiquement, le taux marginal de substitution de X à Y noté TMSX/Y est donc égale à


l’opposé du rapport de la variation de Y (∆Y) sur la variation de X (∆X) ;

96
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TMSX/Y = -

Il est aussi égal à l’inverse du rapport de l’utilité marginale de Y(Umy) sur l’utilité marginale
de X (Umx) soit :

TMSx/y = − = TMSx/y = − = .

Graphiquement, le TMS est donné par la valeur absolue de la pente (ou l’opposé de la pente)
de la tangente à la courbe d’indifférence.

A
Y1

ΔY

B
Y2

0 X

X1 X2
ΔX

Figure 10 : Taux marginal de substitution de X à Y

Section 3 : LA DROITE DE BUDGET


1- Définition

La droite de budget représente l’ensemble des couples de biens X et Y qui peuvent être achetés
par le consommateur lorsqu’il dépense la totalité de son revenu.
Soit les biens X et Y et Px et Py leurs prix respectifs. L’équation de la droite de budget est ainsi
définie : X.Px + Y.Py = R, avec R le revenu du consommateur.
Il vient par ailleurs Y = - Px/Py . X + R/Py, avec –Px/Py le coefficient directeur et R/Py l’ordonnée
à l’origine.

2- L’espace budgétaire (espace de budget)

L’espace budgétaire représente l’ensemble de tous les couples de biens qui peuvent être achetés
par le consommateur lorsqu’il dépense tout ou partie de son revenu.

97
Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

L’ensemble (E) des combinaisons (X, Y) contenues dans l’espace budgétaire est défini par la
relation : E = {(X, Y) ∈ ℝ+xℝ+ / X.Px + Y.Py ≤ R, X ≥ 0 et Y ≥ 0}.

3- Les déplacements de la droite de budget

3-1- Les variations du revenu


La variation du revenu du consommateur entraîne un déplacement de la droite de budget
parallèlement à sa position initiale.
Une hausse du budget entraîne un déplacement de la droite de budget vers la droite, tandis
qu’une baisse du budget entraîne un déplacement de la droite budgétaire vers la gauche.

A’

A’’

B’’ B B’
Figure 11 : Effets des variations du revenu sur la droite de budget

3-2- Les variations de prix

 Variation du prix d’un bien


La variation du prix d’un des biens provoque un pivotement de la droite de budget et entraîne
ainsi le changement de la pente de celle-ci.
Par exemple lorsque Px augmente, la valeur absolue de la pente de la contrainte budgétaire
augmente.

B’’ B B’

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Figure 12 : Effets des variations du prix du bien X sur la droite de budget

 Variation simultanée des prix des deux biens


Une variation proportionnelle des prix des biens entraîne un déplacement de la droite de budget
parallèlement à sa position initiale (car la pente demeure la même).
Lorsque la variation des prix n’est pas proportionnelle, la droite de budget se déplace avec un
changement de pente.

Section 4 : DÉTERMINATION DE L’ÉQUILIBRE DU CONSOMMATEUR :


MAXIMISATION DE L’UTILITÉ DU CONSOMMATEUR
Le programme de maximisation de l’utilité du consommateur comporte des données, des
variables et des hypothèses.
Les données sont : la fonction d’utilité, le revenu du consommateur et les prix des différents
biens. Les
variables sont : les quantités des biens que le consommateur achète.
Les hypothèses sont : le consommateur est supposé rationnel.
On peut résoudre le problème de maximisation de l’utilité du consommateur par deux méthodes
de calcul :
­ La méthode de substitution ;
­ La méthode du multiplicateur de Lagrange.

1- La méthode de substitution

1-1- Présentation de la méthode


Soit la fonction d’utilité U = f(X, Y) (1) et la contrainte budgétaire R = Px .X + Py.Y (2).
Le problème du consommateur rationnel consiste à maximiser la fonction d’utilité sous
contrainte budgétaire. Il devra pour cela trouver la combinaison (X, Y) qui satisfasse sa
contrainte budgétaire et maximise en même temps son utilité.
On peut réécrire l’équation (2) sous la forme : Y = R/Py – Px/Py..X, pour Py ≠ 0 (3).
En substituant l’équation (3) dans l’équation (1), on obtient une fonction d’utilité fonction de
X1 seul, c'est-à-dire U = f (X, (R/Py – Px/Py.X)) (4).
Il suffit donc de dériver U (équation 4) par rapport à X pour obtenir la quantité de X et déduire
celle de Y en utilisant la valeur de X dans l’équation (3).

1-2- Conditions de détermination d’un optimum

La détermination d’un optimum résulte de la réalisation de deux conditions :

 Condition de premier ordre ou condition nécessaire : = U’(X) = 0

 Condition de second ordre ou condition suffisante :


­ = U’’(X1) < 0 ⟹ existence d’un maximum

99
Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

­ = U’’(X1) > 0 ⟹ existence d’un minimum.


1-3- Application 4
Soit la fonction d’utilité suivante : U(X, Y) = XY. Les prix des biens X et Y sont respectivement
Px = 2 et Py = 5 et le revenu du consommateur est R = 100.
T.A.F.

1) Déterminer l’équation de la contrainte budgétaire.


2) Déterminer les quantités X* et Y* qui maximisent l’utilité du consommateur.
Correction
1) Contrainte budgétaire
R = Px X + Py Y ⟹100 = 2X + 5Y

2) Détermination des quantités X*et Y* qui maximisent U


En exprimant Y en fonction de X, la contrainte budgétaire devient :
Y = 20 – 2/5.X et la fonction d’utilité devient à son tour :
U = X(20 – 2/5.X) = 20X – 2/5.X2.
Condition nécessaire (C.I.O.)

= 0 ⟹ 20 – 4/5X = 0 ⟹ X = 25.

En substituant X dans la contrainte budgétaire, on obtient :


Y = 20 – 2/5 x 25 ⟹ Y = 10.

Condition suffisante (C.II.O.)

Pour que cette combinaison maximise l’utilité du consommateur, il faut que soit négative,

c'est-à-dire < 0. = - 4/5 < 0. Donc le consommateur maximise son utilité en


consommant X* = 25 et Y* = 10.

2- La méthode de Lagrange

2-1- Présentation de la méthode


Supposons la fonction objectif U = f(X, Y) et la contrainte budgétaire
R = X.Px + Y.Py
La méthode de Lagrange consiste à former à partir de la fonction objectif et de la contrainte
budgétaire, la fonction L = f(X, Y) + λ (R – X.Px – Y.Py) où λ est un multiplicateur.
Cette méthode permet de trouver les valeurs de X et Y qui seront solutions du problème de
maximisation de la fonction U sous contrainte budgétaire.

Max U(X, Y)
Le programme de maximisation se pose comme suit :
sc R = XPx + YPy

Le Lagrangien (L) est : L(X, Y, ) = U(X, Y) + (R – X.PX - Y.PY)

100
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2-2- Conditions de détermination d’un maximum

 Les conditions nécessaires (CIO) de détermination du maximum


Elles sont obtenues par annulation de la différentielle totale première de la fonction L, c'est-à-
dire : dL = dX1 + dX2 + ......+ dXn + d = 0.

Or dL = 0 si = 0(i = 1,…,n) et = 0. Donc les conditions nécessaires de détermination du


maximum sont obtenues lorsque les dérivées partielles premières de la fonction L sont nulles,
c’est dire = 0(i = 1,…,n) et = 0.
Calculons et annulons les dérivées partielles du 1er ordre par rapport à X, Y et .
=U − λP = 0
=U − λP = 0
= R − XP − YP = 0

Les conditions nécessaires (CIO) sont obtenues en résolvant les deux (2) premières équations
du système précédent. On a:

Umx = λP
Umy = λP ⟹ =

 Les conditions suffisantes du maximum ou du minimum (C.II.O)


Elles nécessitent la détermination de la matrice hessienne bordée (H) à partir des dérivées
partielles secondes de la fonction de Lagrange. Soit :

L L Lλ U U −P
H = L L L λ = U U −P
Lλ Lλ Lλλ −P −P 0

Ensuite, on calcule le déterminant de cette matrice, noté det (H) ou │H│. En utilisant la
méthode de SARRUS, on calcule le déterminant de H :

U U −P U U
│H│ = U U −P U U
−P −P 0 −P −P

Enfin, on conclut en analysant le signe de det H.


En effet, lorsque :
│H│> 0, il s’agit d’un maximum ;
│H│< 0, il s’agit d’un minimum.

101
Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

2-3- Application 5
Soit la fonction d’utilité suivante : U(X, Y) = X.Y. Les prix des biens X et Y sont respectivement
PX = 2 et PY = 5 et le revenu du consommateur est R = 100.
T.A.F.
1) Déterminer les fonctions de demande marshallienne.
2) Déterminer les quantités X1* et X2* qui maximisent l’utilité du consommateur.
3) Déduire la valeur maximale de l’utilité du consommateur.

Solution
1) Détermination des fonctions de demande marshallienne
U = XY et R = XPX + YPY
Max U = XY
S/C R = XPX + YPY
L(X, Y, ) = XY + (R – XPX – YPY)

= Y – PX = 0 (1)

= X – PY = 0 (2)

λ
= R – XPX - YPY = 0 (3)
( )
( )
⟹ =

X= (4)

(4) dans (3) ⇒ R − P Y − YP = 0

⇒ R − YP − YP = 0

⇒ R – 2YP = 0

= (5)

×
(5) dans (4) ⇒ ∗
=


=

2) Détermination des quantités X* et Y* qui maximisent l’utilité du consommateur

A.N : Y ∗ = ×
= 10

X∗ = ×
= 25

102
Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

Remarque

A l’équilibre, TMSX/Y = =

Cette égalité (condition d’équilibre) permet de résoudre plus facilement le programme de


maximisation de l’utilité sous contrainte du revenu par la méthode de Lagrange.
En l’appliquant à notre exemple, on a :

=
= +

­ L(X, Y, ) = X Y + (R – XPX – YPY)


L(X, Y, ) = XY + (100 – 2X – 5Y)

= 0 ⟹ Y = 2 (1)

= 0 ⟹ X = 5 (2)

= 0 ⟹ 100 – 2X – 5X = 0 (3)

A l’équilibre, TMSX/Y =
( )
( )
⟹ = . Condition d’équilibre vérifiée car TMSX/Y = et =

= ⟹ Y = X (4)

En remplaçant (4) dans (3), on obtient les quantités d’équilibre X* et Y*.

100 – 2X – 5( X) = 0 ⟹ 100 – 2X – 2X = 0.
⟹ X = X* = 25.
⟹ Y = Y* = X* = 10.

3) Déduction de la valeur maximale de l’utilité du consommateur


R R R
U∗ = × ⇒ U∗ =
2P 2P 4P P

A.N : U ∗ = × ×
= 250

3- Détermination graphique de l’équilibre du consommateur

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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

R/Py
C

A
N

B
U0

0
M R/Px X

Figure 13 : Équilibre du consommateur

Au point A, la pente de la tangente à la courbe d’indifférence est égale à la pente de la droite


de budget. Or la Pente de la droite de budget est et TMSX/Y = = Pente de la courbe
d’indifférence.
La condition d’équilibre du consommateur est donc : = = TMSx/y.

Le consommateur maximise alors sa satisfaction globale compte tenu de son revenu s’il choisit
la combinaison A.
4- Les variations de l’équilibre du consommateur
Il s’agit de déterminer les effets des variations de prix ou du revenu sur l’équilibre du
consommateur.
4-1- Les variations du prix d’un bien : la courbe de « consommation – prix »
La courbe de « consommation – prix » est le lieu géométrique (représentation graphique) des
points d’équilibre du consommateur résultant des variations de l’un des prix, les autres prix et
le revenu nominal restant inchangés (constants).
Ci-dessous, l’illustration de la courbe de consommation-revenu (dans la pratique, elle est
soit horizontale soit verticale).

104
Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

R/PY
Courbe de consommation-prix

Y1 U3

Y2

Y3 U2

U1

0 X
X3 X2 X1 R/PX2 R/PX1

Figure 14 : Courbe de consommation-prix

4-2- Les variations du revenu nominal : la courbe de « consommation – revenu »


La courbe de « consommation – revenu » ou « chemin d’expansion du revenu » est le lieu
géométrique des points d’équilibre obtenus lorsque le revenu nominal du consommateur
change, les prix des biens restant constants. Elle permet de déterminer la courbe d’Engel, qui
désigne quant à elle la représentation de la demande par rapport au revenu, les prix étant
maintenus constants.
Illustration ci-dessous

U3 Courbe de consommation-revenu

U1
C
U2
B
A

0 x
R1 R2 R3
Figure 15 : Effet d’une variation de revenu

105
Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

CHAPITRE 2 : THEORIE DE LA DEMANDE


INTRODUCTION
La théorie de la demande cherche à identifier les raisons qui sous-tendent la demande d’un bien
par un consommateur. La demande d’un bien désigne la relation entre la quantité optimale de
ce bien et les valeurs possibles des variables qui la déterminent. Elle est fonction des variables
qui influencent le choix du consommateur à savoir : le prix du bien considéré, les prix des
autres biens, le revenu du consommateur, ses goûts et préférences, son patrimoine ou sa
richesse, etc. Cependant, l’analyse microéconomique élémentaire de la fonction de demande
privilégie les trois premières variables, c’est-à-dire le prix du bien, les prix des autres biens et
le revenu du consommateur.

Section 1 : CHOIX OPTIMAL DU CONSOMMATEUR


Le calcul du consommateur revient toujours, en définitive, à déterminer un panier optimal.
Cependant ce panier optimal peut-être déterminé à partir de deux situations différentes :
l’approche primale et l’approche duale.

1- L’approche primale

Elle consiste à maximiser la fonction d’utilité sous contrainte du revenu. Cette approche a déjà
été étudiée au chapitre 1.

2- L’approche duale

Elle consiste à minimiser le revenu dépensé sous contrainte d’un niveau d’utilité donné. En
d’autres termes dans l’approche duale, le niveau d’utilité est fixé et l’on cherche la dépense
minimale (revenu minimum) qui permet d’atteindre ce niveau d’utilité.
Le comportement du consommateur est alors formalisé par le programme suivant :

min ∑ , i = 1,2, … , n
s/c Uo = U( )
Le lagrangien, dans le cas de la résolution de ce programme d’optimisation se présente comme
suit : L(Xi, ) = ∑ + (Uo – U(Xi)).

Section 2 : LES FONCTIONS DE DEMANDE


1- Les fonctions de demande ordinaires ou marshalliennes
1-1- Détermination
Les fonctions de demande marshallienne (ou normale) des biens X et Y sont obtenues à partir
des conditions du premier ordre du programme de maximisation de l’utilité du consommateur
sous contrainte de son budget. Déjà fait au chapitre 1.

106
Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

1-2- Degré d’homogénéité


Une fonction est dite homogène de degré , si en multipliant les variables déterminantes par
une valeur positive k, la fonction est multipliée par kα , ∈ ℝ.
Soient les fonctions de demande X = X (Px,Py,R) et X’ = X’ (P’x,P’y,R’) avec P’x = kPx,
P’y = kPy et R’ = kR.
Si X’(P’x, P’y, R’) = X’(kPx, kPy, kR) = kαX (Px, Py, R), alors la fonction X est dite homogène
de degré .
Deux interprétations sont possibles :

­ Lorsque = 0, X’(P’x,P’y,R’) = 0X(Px, Py, R) = X. Cela traduit le fait que la hausse


des prix des biens et du revenu du consommateur d’un coefficient k n’affecte pas les
demandes des biens X et Y. On dit que le consommateur n’est pas victime d’illusion
monétaire.
­ Lorsque > 0, la hausse des prix des biens et du revenu du consommateur d’un
coefficient k affecte aussi les quantités demandées des biens X et Y, qui peuvent
augmenter ou diminuer selon la fonction de demande du consommateur. Dans le cas de
la diminution, on dit que le consommateur est victime d’illusion monétaire.

Application :
Soit la fonction d’utilité U(X,Y) = X1/2Y1/2 et la contrainte budgétaire R = X.PX + Y.PY.
T.A.F. :
1) Déterminer l’expression des fonctions de demande marshallienne des biens X et Y.
2) Déduire les arguments de ces fonctions.
3) Montrer que le consommateur n’est pas victime d’illusion monétaire.

1-3- La fonction d’utilité indirecte


Soient U = U(X1,X2,…,Xn) une fonction d’utilité directe et V une fonction d’utilité indirecte.
U a pour arguments les quantités physiques de biens Xi, i = 1,2,…, n (Xi ≥ 0).
Soit X*i = X*i(P1,P2, ....,Pn, R), i = 1,2,…, n, les fonctions de demande marshallienne.
La fonction d’utilité indirecte est déterminée de la façon suivante : V = U(X*i). Ses arguments
sont alors les prix et le revenu, c’est-à-dire V = V (P1, P2, Pn, R). En définitive, la fonction
d’utilité indirecte désigne la fonction d’utilité (V) obtenue en remplaçant les arguments de la
fonction d’utilité directe par l’expression des fonctions de demande marshallienne des biens.
Elle désigne l’utilité maximale que l’on peut atteindre pour des niveaux donnés de prix des
biens et de revenu du consommateur.

1-4- L’identité de Roy


L’utilité de l’identité de Roy est d’obtenir les fonctions de demande marshallienne à partir de
la fonction d’utilité indirecte, grâce à la formule : X*i = / où V désigne la fonction
d’utilité indirecte.

107
Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

Application

Un consommateur a une fonction d’utilité de la forme U(X,Y) = - -


Le revenu et les prix sont respectivement R, Px et Py.
T.A.F. :
1) Déterminer les fonctions de demande marshallienne des biens X et Y.
2) Montrer que la fonction d’utilité indirecte est V = -(Px1/2 + Py1/2)2 / R où R désigne le revenu
du consommateur et Px , Py les prix des biens x et Y.
3) Vérifier l’identité de Roy.
2- Fonctions de demande hicksienne ou compensées

2-1- Détermination
Les fonctions de demande hicksienne sont déterminées à partir du programme dual du
consommateur. Elles sont obtenues au point d’équilibre du consommateur où celui-ci minimise
ses dépenses d’achat des biens X et Y sous contrainte de son utilité constante. Elles ont pour
arguments les prix des biens et l’utilité, et se présentent sous la forme : Xi = (Pi, Uo).
Remarque : la demande hicksienne représente la demande que le consommateur exprimerait
si son revenu était ajusté de sorte qu’en dépit de la variation du prix d’un bien, il conserve son
revenu réel constant. Elle est donc appelée demande compensée.

2-2- Fonction de revenu compensé ou fonction de dépense


La contrainte budgétaire du consommateur étant donnée par la formule R = ΣPiXi , en
remplaçant les Xi par les fonctions de demande compensée, on obtient la fonction de revenu
compensé, soit = Pi i.
La fonction de dépense ainsi obtenue dépend des prix (Pi) et de l’utilité (Uo). On
démontre par ailleurs que la dérivée de la fonction de revenu compensé par rapport au
prix d’un bien est égale à la demande compensée de ce bien, c’est-à-dire
= (Lemme de Shephard).

2-3- Rationnement et prix implicite


Dans l’analyse du comportement du consommateur, on suppose qu’il n’y a pas de contrainte
quantitative sur le marché. Mais en réalité, il y a souvent des contraintes.
Soit Ū le niveau d’utilité optimale en l’absence de toute contrainte quantitative.
Le prix implicite est le prix qui prend en compte la contrainte en quantité, tout en préservant
le niveau d’utilité Ū.
La détermination du prix implicite P’i du bien Xi se fait de la manière suivante :
1ère étape : détermination des demandes marshalliennes et du niveau d’utilité optimale Ū ;
2ème étape : détermination des demandes hicksiennes pour le niveau d’utilité Ū, soit
i(Pi, Pj,Ū) et j (Pj,Pi,Ū).

108
Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

3ème étape : Comme Xi est limité à X°i, pour déterminer P’i, il suffit de résoudre l’équation i(Pi,
Pj, Ū) = X°i dans laquelle Pi est remplacé par P’i.

APPLICATION
Un consommateur a une fonction d’utilité de la forme U(X, Y) = X1/2Y1/2. La quantité
disponible du bien X est 4. On donne R = 20 et Px,y = (2 ; 5).
TAF :

1) Montrez que le consommateur est rationné par rapport à sa demande concurrentielle.


2) Déterminez le prix implicite P’X du bien X.

RÉSOLUTION

Section 3 : DÉCOMPOSITION DE L’EFFET TOTAL : L’EFFET DE


SUBSTITUTION ET L’EFFET REVENU
1- Généralités
L’analyse de la courbe de consommation-prix a permis de comprendre qu’une variation du prix
d’un bien ceteris paribus, se traduit par un déplacement du point d’équilibre du consommateur,
c'est-à-dire un réajustement des quantités des deux biens.
Ce réajustement des quantités demandées entre deux positions d’équilibre est appelée effet-
prix ou effet total. En d’autres termes l’effet total de la variation du prix d’un bien est égal à
la variation totale de la quantité demandée lorsque le consommateur se déplace d’un point
d’équilibre à un autre.
La variation du prix d’un bien modifie par ailleurs le rapport des prix des deux biens en
présence. A partir du moment où ces biens sont substituables, cela va inciter le consommateur
à réaliser une substitution entre eux. La variation de la quantité demandée consécutive à la
variation du prix représente l’effet de substitution.
Cette variation du prix entraîne également une variation du pouvoir d’achat, qui correspond à
l’effet-revenu. En d’autres termes, l’effet revenu désigne la variation de la quantité demandée
suite à la variation du pouvoir d’achat qu’entraîne la variation du prix d’un bien. Ces effets ont
été mis en évidence par Eugen Slutsky (1915) et John Richard Hicks (1946).
2- La méthode d’Eugen Slutsky (1880-1948) : mise en évidence de l’effet de
substitution à pouvoir d’achat constant

2-1- L’effet de substitution


Selon Slutsky, l’effet de substitution est la variation de la quantité demandée d’un bien
consécutive à la variation du prix de ce bien, le revenu réel du consommateur restant constant.
En d’autres termes malgré la variation du prix d’un bien, le consommateur désire accéder au
panier optimal, c'est-à-dire bénéficier du même pouvoir d’achat. Pour cela il lui faudrait une
variation compensatrice de son revenu nominal (∆R).

Application

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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

Un consommateur a une fonction d’utilité de la forme U(X, Y) = 2X1/2Y1/2.


Situation 1 : PX = 2 ; PY = 5 ; R = 20.
Situation 2 : P’X = 4 ; PY = 5 ; R = 20.
T.A.F : Déterminez l’effet de substitution.
Résumé
Supposons un ménage qui dispose d’un revenu R et qui consomme deux biens X et Y ayant
pour prix respectifs PX et PY (situation initiale S0).
On suppose par la suite que le prix du bien X varie et devient P’X. On a alors :
Situation 0 : R = PxX + PyY (1). Cette droite de budget est tangente à la courbe d’indifférence
initiale (équilibre initial E0) et coupe [OX) en R/PX.
Le consommateur désirant conserver son pouvoir d’achat initial, on aura :
Situation 1 : R’ = XP’X + YPY (2), avec R’ = RC = revenu compensé.
Le pouvoir d’achat étant constant, cette nouvelle droite de budget passe par l’équilibre initial
(E0) et coupe [OX) en R’/P’X.
(2) – (1) ⟹ R’ – R = X (P’X – PX), soit ΔR = XΔPX, avec ΔR la variation compensatrice du
revenu. L’effet de substitution XS est la variation de la demande du bien X quand le prix de
ce bien et le revenu deviennent respectivement P’X et R’.
XS = XS(P’X , R’) – X(PX , R).

2-2- L’effet - revenu


Le revenu du consommateur passe de R’ à R, les prix restant constants (P’X, PY).
L’effet - revenu (ΔXR) est la variation de la demande du bien X quand le revenu passe de R’ à
R et que le prix de ce bien reste P’X.
ΔXR = XR(P’X, R) – X(P’X, R’).
2-3- L’effet total
ET = ES + ER = XS + XR (appelée identité de Slutsky).
= X(P’X, R’) – X(PX, R) + X(P’X, R) – X(P’X, R’)
ET = X(P’X, R) – X(PX, R) = ΔX.
La variation totale de la demande, X, est la variation due au changement de prix du bien X, le
revenu étant maintenu constant.
Remarque : Il est plus fréquent d’utiliser l’identité de Slutsky exprimée en taux de variation.

3- La méthode de John Hicks (1904-1989) : mise en évidence de l’effet de substitution à


utilité constante
Selon Hicks, l’effet de substitution est la variation de la demande d’un bien suite à la variation
du prix de ce bien, le niveau d’utilité du consommateur demeurant constant.

3-1- Résolution graphique

110
Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

On détermine l’équilibre initial E0, lorsque le budget du consommateur est R = XPX + YPY et
que le niveau d’utilité est U0. Avec la variation du prix du bien X qui passe de PX à P’X, on
détermine le nouvel équilibre qu’on appelle E1, la contrainte budgétaire devenant
R = X’P’X + PyY. Le consommateur étant censé conserver son utilité, pour déterminer l’effet
de substitution, on dessine une droite de budget imaginaire parallèle à la deuxième
(R = P’xX + PyY) et tangente à U0.
3-2- Détermination algébrique
Algébriquement, l’analyse hicksienne peut être tenue par trois (3) raisonnements différents.
1ère Méthode
 Déterminer l’équation du chemin d’expansion (avec la nouvelle valeur du prix) ;
 Substituer l’équation déterminée dans la fonction d’utilité (U0 = U(Xi) avec U0 les
valeurs initiales) ;
 En déduire XS.
2ème Méthode
 Déterminer U0, avec les valeurs initiales ;
 Exprimer Y en fonction de X et U0 ;
 Déterminer la pente de la fonction obtenue,
 Déterminer la pente de la droite de budget de la période finale (période 2)
 Résoudre l’équation pente (U0) = pente (R), puis déduire XS.

3ème Méthode
Minimiser le revenu sous contrainte de l’utilité (avec les nouveaux prix).
min ∑ , i = 1,2, … , n
Soit
s/c Uo = U( )
3-3- L’effet - revenu
Il correspond à la variation de la quantité demandée suite à la variation du pouvoir d’achat
qu’entraîne la variation du prix du bien.

Section 4 : NOTION D’ÉLASTICITÉ


L’élasticité est la mesure de la sensibilité d’une variable par rapport à une autre. Elle se
détermine en faisant le rapport de deux variations relatives. Elle est sans unité. On distingue
l’élasticité prix directe, l’élasticité prix croisée et l’élasticité revenu.

1- L’élasticité prix directe

1-1- Définition
C’est la variation en pourcentage (%) de la quantité demandée d’un bien résultant d’une
variation de 1% du prix de ce bien. Soit X = f (Px, Py, R). L’élasticité prix directe est :

111
Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

. Pour des petites variations, c’est-à-dire lorsque ΔPx⇢ 0, au lieu de


Δ Δ Δ
x/px= / =Δ ×

calculer les variations on calcule les dérivées. L’élasticité est donc : x/px = × .

Application
La fonction de demande d’un bien est donnée par l’expression P = 10/X1/2.
TAF : déterminer l’élasticité de la demande de ce bien.

Résolution :
La demande peut s’exprimer sou la forme : X = 100/P2.

x/Px = . . En remplaçant X par sa valeur dans l’expression x/p , on obtient :

x/Px = -200/P3× P3/100 = -2.


Remarque : Lorsque les quantités demandées d’un bien et les prix varient sur différentes
périodes, le coefficient d’élasticité de la demande par rapport au prix se calcule de la façon
suivante :
Δ Δ Δ
x/Px = / =Δ × .

1-2- Interprétation des différentes valeurs


L’élasticité-prix directe est normalement négative, mais peut avoir un signe positif en cas
d’exception à la loi de la demande (effet Giffen, effet Veblen).
Les différentes interprétations de l’élasticité-prix directe sont :

 x/Px < 0 signifie que le bien X a une demande normale par rapport au prix. On distingue
par ailleurs quatre interprétations possibles :

­ Lorsque x/Px = -∞, la demande est dite parfaitement élastique ; une variation
infinitésimale du prix provoque une variation infiniment grande de la demande ;

­ Lorsque - ∞ < x/Px <-1, la demande est dite relativement élastique ; la variation du prix
provoque une variation finie, mais plus que proportionnelle de la demande ;

­ Lorsque x/Px = -1, on parle d’élasticité unitaire ou linéaire ; une variation du prix
provoque une variation proportionnelle de la demande ;

­ Lorsque -1 < x/Px < 0, la demande est dite relativement inélastique ; à une variation du
prix correspond une variation moins que proportionnelle de la demande.

 x/Px = 0 signifie que le bien X a une demande parfaitement inélastique ; une variation
du prix ne provoque aucune variation de la demande. En d’autres termes la demande est
totalement insensible aux variations de prix.

112
Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

 x/Px > 0 signifie que le bien a une demande anormale. La demande augmente avec le
prix, ce qui est paradoxal. On distingue deux types de bien :
­ Bien de Giffen : c’est un bien inférieur, qui n’a pas de bien substitut et qui représente
un pourcentage considérable du revenu de l'acheteur. Par exemple : le pain.
­ Bien de Veblen : Il a été introduit pour expliquer le gaspillage. L’effet Veblen concerne
avant tout les classes aisées, mais l'exemple des vêtements de marque auprès des jeunes
moins favorisés est une bonne illustration de l'effet Veblen.

En somme lorsque valeur absolue de x/Px > 1, la demande est dite élastique et lorsqu’elle
est < 1, la demande est dite inélastique ou rigide.
Remarque : lorsque l’augmentation du prix d’un bien entraîne une baisse de sa demande,
ceteris paribus, on dit que ce bien est ordinaire. Dans le cas contraire, on parle de bien de Giffen.
En effet, Sir Robert Giffen, économiste irlandais, a observé pendant la famine de 1850, une
augmentation de la consommation de pommes de terre par les paysans irlandais, tandis que le
prix des pommes de terre venait d’augmenter (le paradoxe de Giffen).

2- L’élasticité prix croisée

2-1- Définition

L’élasticité-prix croisée de la demande du bien X par rapport au prix du bien Y ( x/Py), est la
variation en pourcentage de la quantité demandée du bien X lorsque le prix du bien Y varie de
1%, le prix du bien X demeurant constant.
Δ Δ Δ
Elle a pour formule : x/Py = / =Δ × .

2-2- Interprétation des différentes valeurs


L’élasticité croisée permet de déterminer les relations entre deux biens X et Y. Ainsi :

 x/Py > 0 signifie qu’une augmentation du prix du bien Y entraine une augmentation de
la demande du bien X. Les deux biens X et Y sont donc concurrents ou substituables
(substituts bruts).

 x/Py < 0 signifie qu’une hausse du prix du bien Y entraine une diminution de la
demande de X. Les deux biens sont dits complémentaires (compléments bruts).

 x/Py = 0 signifie que les deux biens sont indépendants.

3- L’élasticité - revenu
3-1- Définition
C’est la variation en pourcentage de la quantité demandée d’un bien consécutive à la variation
du revenu du consommateur (de 1%). Elle mesure donc la sensibilité de la demande aux
variations du revenu du consommateur. Elle a pour formule :
Δ Δ Δ
x/R = / =Δ ×

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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

3-2- Interprétation des différentes valeurs


L’élasticité - revenu permet aussi de déterminer la nature des biens. Ainsi :

 0< x/r < 1 ⟹ biens normaux (biens nécessaires) ; il s’agit de biens dont la demande
varie moins que proportionnellement aux variations de revenu ; le consommateur
consomme donc une quantité incompressible (la consommation d’un tel bien ne varie
pratiquement pas) de ces biens quel que soit son pouvoir d’achat.

 x/r > 1 ⟹ biens supérieurs ou de luxe ; il s’agit de biens dont la demande varie plus
que proportionnellement aux variations du revenu.

 x/r < 0 ⟹ biens inférieurs ; il s’agit de biens dont l’augmentation du revenu


(notamment du niveau de vie) entraîne une diminution de la quantité. Ce sont des biens
de faible qualité auxquels existent des substituts de meilleure qualité et plus chers que
le consommateur ne peut acquérir avec l’augmentation de son revenu. Beaucoup de
biens alimentaires sont concernés par cette catégorie.

APPLICATION
La consommation de riz d’un ménage passe de 50 kg à 100 kg lorsque son revenu varie de
150 UM à 400 UM. Calculez l’élasticité-revenu ( R) de la demande de ce ménage.
Réponse

L’élasticité-revenu du consommateur est : R = ×

R = ×

R= 0,6 0 < 0,6 < 1 ⇒ le riz est un bien normal.

Interprétation : Lorsque le revenu augmente de 1%, la quantité de riz consommée augmente


de 0, 6%.
Exercice (élasticité de la demande par rapport au revenu)
Cissé gagne 400 UM par mois. Il dépense en achats de biens de consommation la totalité de
son salaire à raison de :
­ 50% en alimentation ;
­ 10% en logement, électricité et eau ;
­ 12% en habillement ;
­ 28% en dépenses diverses.
TAF
1) Quelle est sa dépense mensuelle en UM pour chacune de ces 4 catégories de dépenses ?
2) Il bénéficie d’une augmentation de salaire de 10%, les prix restant stables. Les
coefficients d’élasticité de sa demande de biens en fonction de son revenu sont :
­ 0,5 pour l’alimentation ;
­ 0 pour le logement, l’électricité et l’eau ;

114
Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

­ 0,8 pour l’habillement ;


­ 1 pour les dépenses diverses.
Calculer ce que sera, après l’augmentation de 10% du salaire :
a) La dépense mensuelle en UM de Cissé pour chacune des quatre catégories de
dépenses ;
b) Le coefficient d’élasticité de sa demande totale.

Solution

1) La dépense mensuelle du salarié pour chacune des quatre catégories de dépenses est :
­ Alimentation (D1) = 400 = 200
­ Logement, électricité, eau (D2)= 400 = 40
- Habillement (D3) = 400 = 48
- Dépenses diverses (D4) = 400 = 112
Total 1 = 200F + 40F + 48F + 112F
= 400 F

1) L’augmentation de 10% des salaires a entrainé une variation des salaires de

ΔR = 400F ×

ΔR = 40 F

a) La nouvelle dépense en alimentation (D’) est :


∆ ′
, × ×∆
= 0,5 ⇒ ∆ ′
=
0,5 × 200 × 40
∆ ′
= = 10
400

D′ = 200F + ∆D′ ⟹ D′ = 200F + 10F = 210F

- La nouvelle dépense en logement, éclairage, chauffage (D’’) est :


∆D′′
D2 = 0 ⟹ ∆D′′ = 0
DR
R
D′′ = 40F + 0 = 40F
- La nouvelle dépense en habillement (D’’’) est
∆ ′′′
3 = 0,8 ⇒ ∆ ′′′ = 0,8 × 3 × ∆

, × ×
⇒∆ ′′′
= = 3,84

115
Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

′′′
= 48 + 3,84 = 51,84

- La nouvelle dépense en dépenses diverses (D’’’’) est :


∆D′′′′
D4 = 1 ⟹ ∆D′′′′ = 1xD x∆R
∆R R
R
1 × 112 × 40
∆D′′′′ =
400
∆D′′′′ = 11,2
D′′′′ = 112F + 11,2F = 123,2F

Total 2 = 210 + 40 + 51,84 + 123,2


Total 2 = 425,04F

b) L’élasticité de sa demande totale est :

425,04 − 400
= 400
440 − 400
400

= 0,626

Section 5 : NOTION DE SURPLUS DU CONSOMMATEUR


1- Définition
Le surplus (ou rente) du consommateur désigne la différence entre la somme maximale qu’il
est disposé à payer pour obtenir une certaine quantité d’un bien et la dépense qu’il supporte
effectivement.
On appelle prix de réserve ou de réservation le prix unitaire qu’il est disposé à payer.

2- Illustration
Supposons que pour acquérir 3 unités d’un bien, un individu soit disposé à payer 4000 F par
unité. Le vendeur, lors de l’achat, facture le bien à 3500 F. le surplus (S) de cet individu est
donc :
S = 3 x 4 000 – 3 500 x3 = 12 000 – 10 500 = 1 500 F. On peut l’illustrer graphiquement de la
façon suivante : (faire le graphique).
En considérant la fonction de demande de façon générale, le surplus du consommateur se
calcule de la façon suivante : (faire le graphique).
S = aire OABQ0 – aire OP0BQ0

Aire OABQo = P(Q)dQ et aire 0P0BQ0 = P0Q0.

S= P(Q)dQ – P0Q0.

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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

APPLICATION

La demande d’un bien est Q = -1/2 P + 5. Un consommateur achète une certaine quantité de ce
bien au prix P0 = 2.

Calculer le surplus de ce consommateur.

Résolution :

Q = - ½ P +5 ⟹ P = -2Q + 10.

P0 = 2 ⟹ Q0 = -1/2 x 2 + 5 = 4.

S= ( −2 + 10) dQ – 2 x 4

= [- Q2 + 10 Q]04 – 2 x 4

= - 42 + 40 – 8 ⟹ S = 16 (faire la représentation graphique).

3- Variation du surplus du consommateur

Supposons qu’un consommateur achète une quantité Q0 d’un bien au prix P0, à la période t0. A
t1, le prix baisse à P1 et la quantité passe à Q1.

T.A.F :

1) Illustrer graphiquement la situation.

2) Déterminer la variation du surplus (∆S) du consommateur.

Résolution

Le surplus initial (S0) du consommateur est représenté par l’aire du triangle ABP0. Quant au
surplus final (S1), il est représenté par l’aire ACP1. La variation du surplus (∆S) est donc :

∆S = S1 – S0

= PdQ – P1Q1 - + P0Q0

= PdQ – PdQ + P0Q0 - P1Q1

= PdQ + PdQ + P0Q0 - P1Q1

∆S = PdQ + P0Q0 - P1Q1

4- Effets de l’intervention de l’État (la subvention et de la taxation des prix) sur le


surplus du consommateur

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L’un des principes essentiels de la théorie libérale est la non intervention économique de l’État.
Mais en réalité l’État intervient pour des raisons d’ordre socio-économique, soit en
subventionnant un bien, soit en taxant un bien.

4-1- L’effet de la subvention sur le bien-être du consommateur

Supposons un consommateur dont la demande d’un bien a pour expression P = aQ + A, avec


a < 0. Le consommateur achète initialement le panier B (Q0, P0). Le gouvernement dans un
souci d’améliorer le panier de la ménagère, le prix P0 étant considéré trop élevé par les
consommateurs, subventionne le bien en question d’un taux θ (θ = taux de subvention du prix
du bien).

T.A.F :

1) Déterminer la variation du surplus du consommateur, le nouveau panier étant C (Q1, P1).

2) Faire la représentation graphique.

3) Reprendre dans le cas d’une taxation du prix du bien en question

Résolution

θ étant le taux de subvention, on a : P1 = P0(1 - θ) ⟹ P1< P0 car > 0. L’équilibre initial du


consommateur étant B (Q0, P0), le surplus correspondant est le triangle ABP0. Avec la
subvention, le nouveau surplus est le triangle ACP1 (C étant le surplus). La variation du surplus
du consommateur due à la subvention est donc l’aire du trapèze P0BCP1.∆S = aire P0BCP1 =
(grande base + petite base) x hauteur/2.

4-2- L’effet de la taxation des prix sur le bien-être du consommateur

Reprenons l’exemple précédent mais supposons cette fois la taxation (imposition) du prix du
bien en question.

Résolution

L’équilibre initial du consommateur est représenté par le point B (Q0, P0). Avec la taxation du
prix du bien par l’État, le nouveau prix devient P1, tel que P1> P0.
Au prix P0, le surplus est l’aire du triangle ABP0. Il devient au prix P1 l’aire ACP1. On note
donc une variation négative du surplus représentée par l’aire du trapèze P0P1CB.

Section 6 : ARBITRAGE -TRAVAIL-LOISIR


1- Généralités
Le travail est une activité humaine caractérisée par une certaine pénibilité et ayant pour but de
rechercher un gain (revenu).

118
Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

Quant au loisir, il désigne toute activité ne donnant pas lieu directement à un revenu.
En d’autres termes, le loisir est perçu comme le temps dont on peut librement disposer en dehors
de ses occupations habituelles et des contraintes que celles-ci imposent.

2- Cas pratique

Soit L0 le temps maximal dont dispose un individu et R son revenu disponible, avec :

L0 = L + l où L = temps de travail et l = temps de loisir ;

R = wL + W0 où w = taux de salaire et W0 = revenu non salarial.

On suppose que cet individu achète une quantité Q d’un bien au prix P.

La contrainte budgétaire de cet individu est donc : R = P.Q

R = P.Q ⟹ wL + W0 = P.Q

⟹ w(L0 – l) + W0 = P.Q

⟹ wL0 - wl + W0 = P.Q

⟹ wL0 + W0 = P.Q + wl.

wL0 + W0 = ressources potentielles de l’individu. Ces ressources potentielles peuvent être soit
consacrées à des dépenses de consommation (P.Q), soit utilisées partiellement sous forme de
loisir. Tout se passe comme si l’individu achetait le temps de loisir (l) à un prix égal au taux
horaire de salaire (w).

3- Programme d’optimisation

La fonction d’utilité du consommateur dans ce contexte est de la forme U = U(q, l),


où q = quantité de bien de consommation et l = la consommation de loisir.

Le programme de maximisation se présente comme suit :

max U(q, l)
sc wLo + Wo = P. q + wl

Le lagrangien est donc :

L (q, l, ) = U (q, l) + (wL0 + W0 – P.q – wl)

4- Application

Soit un consommateur qui a pour fonction de consommation U (Q, l) = Q2l, où Q est un bien
de consommation et l la consommation de loisir. Il n’a que son temps libre (L0 = 14) comme
ressource. Il peut partager ce temps libre entre le travail (L) et le loisir (l).
Travail à faire

119
Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

1) Quelle est sa contrainte budgétaire sachant que est le taux de salaire et P le prix du
bien de consommation.
2) Déterminer sa demande de loisir, l’offre de travail et sa demande de bien de
consommation.

120
Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

QUATRIEME PARTIE : ANALYSE DU


COMPORTEMENT DU PRODUCTEUR
INTRODUCTION GENERALE
La théorie néoclassique du comportement du producteur se propose d’expliquer comment une
firme ou producteur devrait organiser sa production afin de maximiser le profit qui découlerait
de son activité. Le profit étant donné par la différence entre la recette et le coût de production,
le problème économique du producteur ou de la firme pourrait être posé comme un problème
de maximisation de la production sous une contrainte de coût ou un problème de minimisation
du coût sous une contrainte de production.
En effet si la firme se trouve en face de plusieurs technologies qui lui coûtent un même montant,
elle devra choisir celle qui donnerait lieu à une plus grande production. Par ailleurs si elle est
en présence de plusieurs technologies qui donnent lieu à un même niveau de production, elle
devrait choisir celle qui coûte le moins. La théorie postule à cet égard qu’une firme rationnelle
est celle qui utilise les facteurs de production (inputs) jusqu’au point où leur productivité
marginale en valeur sera égale à ce que le facteur lui coûte. Aussi, elle avance qu’une firme
rationnelle exploite toutes les possibilités d’affaires que l’économie ou le marché lui offre afin
de maximiser son profit.

Chapitre 1 : ANALYSE DE LA PRODUCTION


Introduction
La production est l’activité de l’homme qui consiste à combiner certains biens appelés inputs
selon une technologie donnée afin de générer un bien ou un ensemble de biens (appelés
outputs). La théorie de la production cherche à analyser la façon dont l’entrepreneur, pour un
état donné de la technologie, combine différents facteurs de production pour obtenir un produit
d’une manière économiquement efficace.
L’analyse de la production se construit essentiellement autour de la fonction de production qui,
par définition, est l’expression algébrique de la relation technologique entre l’output de la firme
et les inputs qu’elle utilise pour réaliser sa production. Si l’output est représenté par Y et les n
inputs par Xi (avec i = 1, 2, …, n), la fonction de production peut, sous une forme générale,
s’écrire : Y = f(X1, X2,…, Xn).
Il est important de mener l’analyse de la production en fonction de l’horizon temporel car dans
le court terme, il existe certains facteurs de production qui demeurent constants alors que dans
le long terme, tous les facteurs deviennent variables. Ainsi, nous procéderons à l’analyse de la
production en fonction des deux horizons temporels, à savoir le court terme et le long terme.
Dans la suite du cours, nous supposerons que la firme pour produire, utilise deux facteurs : L et
K. Le premier représente le facteur travail et le deuxième représente le facteur capital.

I- ANALYSE DE LA PRODUCTION DANS LE COURT TERME

121
Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

1- Définition de la fonction de production de court terme


Dans le court terme, on note que le facteur capital (K) est fixe car ce n’est pas du jour au
lendemain qu’une firme peut revoir ses équipements ou sa capacité productive installée. Seul
le facteur travail (L) peut varier dans le court terme. Ainsi, les variations de la production sont
dues aux variations de L mais cela ne veut pas dire que K cesse d’être un déterminant de Y.
L’utilisation du facteur variable devrait se faire en tenant compte de la capacité installée, c’est-
à-dire du facteur fixe. Il ne faudrait pas le sous-utiliser ni l’utiliser de manière abusive. La
fonction de production de court terme peut alors s’écrire sous la forme suivante :
Y  f(L,K0 ), avec L ˃ 0 et K0 ˃ 0 et Y = quantité produite,
où le capital K = K0 = ensemble des facteurs fixes ;
et le travail L = ensemble des facteurs variables.

2- Concept de productivité
Puisque le facteur capital (K) est fixe dans le court terme, il intervient comme paramètre et la
fonction de production définie ci-dessus devient fonction de (L) seul. Cette fonction de
production permet de déterminer 3 grandeurs : la productivité totale (PT), la productivité
moyenne (PM) et la productivité marginale (Pm).
2-1- Productivité totale ou produit totale (PT)
Elle se définit comme la quantité produite Y, obtenue en combinant une quantité de facteur
variable (L) avec un niveau donné de facteur fixe (K0).
PT = f(L,K0) = Y
2-2- Productivité moyenne ou produit moyen (PM)
La productivité moyenne du facteur travail (PML) est le rapport de la productivité totale à la
quantité de travail utilisé et renseigne sur la contribution moyenne de chaque unité de travail
(L) dans la production, soit :
(L, )
PML = =
L L
Exemple : Pour une fonction Cobb-Douglas notée Y  X1α X2β, les produits moyens des deux
facteurs sont donnés respectivement par PMX1  X1α-1X2β et PMX2  X1αX2β-1.
NB : il est possible que les unités de mesure de l’output et de l’input i soient discordantes. Pour
bien analyser la sensibilité de la production par rapport à l’input Xi, il est préférable de calculer
l’élasticité de la production par rapport au facteur. L’élasticité de Y par rapport à Xi est donnée
par :
εY,Xi = =

Exemple : Compte tenu des résultats obtenus ci-dessus, on établit que pour une technologie
Cobb-Douglas, l’élasticité de la production par rapport au facteur X1 est égale à α et pour X2,
elle est égale à β.
2-3- Productivité marginale ou produit marginal

122
Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

La productivité marginale ou rendement factoriel est donné par le rapport des variations de la
production et de l’input dont la variation a été à la base de la variation de la production.
La productivité marginale du facteur travail (PmL) exprime donc la variation de la productivité
totale résultant d’une variation de la quantité de travail.

PmL =

Lorsqu’on est en présence d’une fonction continue et dérivable, le produit marginal est donné
par la dérivée de Y par rapport à l’input concerné, soit :

PmL = = (L, ).

Exemple : Pour la fonction de production Cobb-Douglas retenu ci-dessus (Y  X1α X2β), le


produit marginal de X1 est PmX2  αX1α-1X2β et celui de X2 par PmX2  βX1α X2β-1.
NB : Lorsque la productivité marginale d’un facteur devient négative, cela suppose que la firme
en fait un mauvais usage ou un usage excessif et qu’il faudrait en réduire l’usage.
3- Représentation graphique
Y ou O’ M
PT

Zone I Zone II Zone III Y


C

O L
B
A
PM,
C
Pm
PML

PmL

O B’ M’ L

Figure 1 : Relation entre production totale, moyenne et marginale : loi de la


3-1-production
Commentaire de la figure
marginale 1
décroissante

123
Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

L’observation de la figure 1 montre que dans un premier temps, le produit marginal du facteur
variable est positif et évolue à un rythme croissant. Après un certain moment, il demeure positif
mais il évolue à un rythme décroissant. Après un certain seuil, il devient négatif et rejaillit
négativement sur l’échelle de production.
Par ailleurs, il ressort des deux graphiques superposés qu’une firme rationnelle ne peut pas
organiser sa production dans la zone III car dans cette zone, le produit marginal du travail est
négatif. Il en est de même pour la zone I car dans cette zone le produit marginal est supérieur
au produit moyen du travail. Ceci suppose que dans la zone I, le facteur fixe est sous-exploité
or la rareté des ressources nous impose de ne pas gaspiller. L’utilisation du facteur fixe devient
optimale lorsque le produit moyen du travail atteint son maximum et devient égal au produit
marginal.
La zone II est qualifiée de zone de validité de la fonction de production en ce qu’elle n’est pas
caractérisée par une sous-utilisation du facteur fixe ni par une sur-utilisation anti-économique
de ce dernier. Dans cette zone, on vérifie que le produit marginal de L est positif et évolue à un
rythme décroissant, soit : fL'(L, K0) > 0 et fL(L, K0)  0.
NB : On dit que le facteur fixe est sous-utilisé lorsque l’élasticité de l’output par rapport au
facteur variable est supérieure à un (zone I) et on dit qu’il connaît une sur-utilisation
économiquement tolérable lorsque l’élasticité est comprise entre zéro et un (zone II appelée
zone de validité). Lorsque l’élasticité devient négative, on parle d’une sur-utilisation anti-
économique (zone III).

3-2- Loi de la productivité marginale décroissante ou des rendements décroissants


Lorsqu'on associe de plus en plus de facteur variable X1 à une quantité donnée de facteur fixe
X2, l'accroissement de la production peut être, soit plus fort, soit identique, soit plus faible que
l'accroissement du facteur variable.
Même si dans la réalité toutes les situations sont possibles, le bon sens et la logique conduisent
cependant, lorsqu'on généralise, à privilégier la dernière hypothèse, connue sous le nom de
« loi des rendements décroissants » (ou loi de la productivité marginale décroissante, ou enfin
hypothèse des rendements factoriels décroissants) qui stipule que lorsque l’on accroit
l’utilisation d’un facteur de production variable, la quantité des autres facteurs étant fixe,
on atteint un point au-delà duquel le produit marginal décroit.

II- ANALYSE DE LA PRODUCTION DANS LE LONG TERME


Dans le long terme, tous les inputs deviennent variables. Ainsi, la firme a une plus grande marge
de manœuvre en termes de possibilité de combinaison des facteurs. Si les deux sont
substituables, la firme peut réaliser un même niveau de production en se servant de plusieurs
combinaisons d’inputs. Le lieu géométrique de ces différentes combinaisons d’inputs est appelé
isoquant ou courbe d’isoproduit.

1- Représentation graphique de l’isoquant (ou courbe d’isoproduit)

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A
K1

B Y0
K2

O L
L1 L2

Figure 2 : un isoquant
Les combinaisons A et B ne sont pas identiques mais puisqu’elles sont sur le même isoquant,
elles donnent lieu à un même niveau de production Y0. Le passage de A à B se traduit par une
diminution de la quantité utilisée de K et un accroissement de la quantité utilisée de L. Ces
variations n’ont pas altéré ou accru l’échelle de production car l’ajustement des quantités des
deux facteurs s’est fait en fonction de la productivité marginale de chaque input. Etant donné
que sur l’isoquant, le niveau de production est constant, on peut écrire :
Y0 = f(L, K).
Remarque : un accroissement de l’un ou l’autre des deux (2) facteurs variables engendre une
augmentation de l’output.
K

A D
K1

P2
K2 B
C
K3
P1

O L
L1 L2 L3

Figure 3 : Carte d’isoquants

L’output (P1) peut être obtenu indifféremment avec les combinaisons A,B ou C.
L’output (P2) est obtenu en maintenant constant le capital K1 mais en augmentant le facteur
L de L1 à L2.
2- Taux marginal de substitution technique (TMST)

125
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La différentielle de la relation Y0 = f(L, K) donne :


dY0 = PmL.dL + PmK.dK = 0.
Après arrangement, on arrive à définir le taux marginal de substitution technique (TMST)
comme étant le rapport des productivités marginales des deux inputs, soit :

/ =- =

Exemple : Pour une technologie Cobb-Douglas d’expression Y  LαKβ, le taux marginal de


substitution technique est donné par :

/ =

NB : Géométriquement, le taux marginal de substitution technique peut s’interprété comme la


pente à un point précis de l’isoquant. Lorsqu’on passe de A à B, on constate que la pente de
l’isoquant décroît. Ceci tient au fait que le facteur K en devenant relativement rare, voit son
produit marginal augmenter et le facteur L en devenant relativement abondant, voit son produit
marginal diminuer, d’où une baisse du TMST.
3- Elasticité de substitution
Lorsque l’on passe de A à B, on observe également un changement du rapport des facteurs
(K/L) ou de la combinaison des inputs. Ceci est dû au fait que le passage de A à B se traduit par
un changement du TMST, c’est-à-dire un changement du rapport des productivités marginales
des facteurs. Pour calculer la sensibilité du rapport des facteurs par rapport au TMST, Hicks a
proposé le concept d’élasticité de substitution. Il s'agit d'un indicateur permettant de mesurer
l'impact d'une modification de la structure des prix relatifs des facteurs sur la combinaison
productive. Ce dernier s’écrit comme suit :
( ) ( / ) ( ) ( )
= x /
= = /
/ /

Exemple : dans le cas d’une fonction de type Cobb-Douglas, le logarithme népérien du TMST
est : lnTMST = ln + ln . En calculant l’élasticité de substitution, on obtient 1.

4- Rendements d’échelle et fonctions de production homogène

4-1- Rendements d’échelle


Lorsque l’on s’intéresse à l’effet d’une variation équi-proportionnelle de tous les facteurs de
production sur l’output, on procède à l’analyse des rendements d’échelle. Ces derniers peuvent
être croissants, constants ou décroissants. Soit t, un scalaire par lequel on augmente les quantités
utilisées de tous les facteurs. On dira qu’une technologie est caractérisée par :
(1) des rendements constants à l’échelle si f(tL, tK) = tY ;
(2) des rendements croissants à l’échelle si f(tL, tK) < tY ;
(3) des rendements décroissants à l’échelle si f(tL, tK) > tY.

126
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Dans la situation (1), on observe un accroissement de la production dans les mêmes proportions
que les inputs alors que dans la situation (2), il y a accroissement plus que proportionnel et dans
la situation (3), il y a accroissement moins que proportionnel.
Exemple : Pour la fonction de production Cobb-Douglas notée Y  X1αX2β, m = α + β. La
nature des rendements d’échelle dépendra de la valeur prise par les différents paramètres. On
aura des rendements d’échelle constants si α + β = 1, des rendements d’échelle croissants si α
+ β > 1 et des rendements d’échelle décroissants si α + β < 1.
Représentation graphique des trois (3) cas de rendements d’échelle

K K K

4 C 4 C 80 4 C
40 30

2 B 2 B 2 B
30
20 15
1 A 1 A 1 A
10 10 O 10
O O
4 1 2 4 1 2 4 L
1 2 L L
Rendements d’échelle Rendements d’échelle Rendements d’échelle
constants croissants décroissants

4-2- Fonctions de production homogène


Une fonction de production est dite homogène de degré m, lorsqu’en multipliant tous les
facteurs de production par une constante t, on obtient une expression de la forme :
f(tL, tK) = tm f(L, K).
Dans ces conditions, une technologie à rendements d’échelle constants doit être homogène de
degré 1, une technologie à rendements d’échelle croissants doit être homogène d’un degré
supérieur et une technologie à rendements d’échelle décroissants doit être homogène d’un degré
inférieur de l’unité.
Propriétés des fonctions de production homogènes

1ère propriété : Les dérivées 1ères d’une fonction homogène de degré (m) sont des fonctions
homogènes de degré (m-1).
2ème propriété : Lorsqu’une fonction de production à deux (2) variables est linéairement
homogène (ou est à rendements d’échelle constants), il est possible de la ramener à une fonction
de production à une variable.

5- Théorème d’Euler
Lorsqu’une fonction de production est linéairement homogène, le théorème d’Euler s’exprime
sous forme d’identité.

127
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Soit Q = f(K,L) avec = = PmK et = = PmL

Alors ′
.K + ′
.L = Q.
Sous forme générale, le théorème d’Euler établit que pour une fonction de production
homogène de degré m, on vérifie l’égalité ci-après :

∑ = m.f(Xi) = m.Q avec = Pm (production marginale).

NB :
Si on suppose que les facteurs de production sont rémunérés à leur productivité marginale, en
appliquant, le théorème d’Euler, il s’en suit que la rémunération totale des facteurs est égale à
la production. En d’autres termes, la production est juste suffisante pour rémunérer les facteurs
de production. Puisque toute la production sert à rémunérer les facteurs de production, il n’y a
pas de résidu et on dit qu’il y a épuisement total du produit (règle de l’épuisement du produit
dans le cas d’une fonction de production homogène de degré 1) : dans ce cas, le profit est nul.
Si l’on considère un producteur quelconque, son offre sera soit nulle, soit indéterminée. En
effet, puisque les rendements sont constants, le coût unitaire est le même quelque soit le niveau
de production. Donc si le prix de l’output est inférieur à ce coût unitaire, il n’y aura pas de
production : s’il lui est juste égal, il peut y avoir production mais le niveau de celle-ci sera
indéterminé. Le profit étant nul, quelle que soit la quantité produite, le prix de vente est égal au
coût.
Enfin, si le prix de l’output est supérieur au coût unitaire, l’entrepreneur a intérêt à développer
indéfiniment sa production.

III- DIFFERENTES FONCTIONS DE PRODUCTION


1- La fonction Leontief
La fonction Leontief est une fonction à facteurs ou inputs complémentaires.
Supposons que pour obtenir une unité d’output, il soit nécessaire d’utiliser v unités de capital
et u unités de travail, v et u étant des coefficients techniques, fixes.
Pour obtenir une quantité Q d’output il faudra donc unités de capital et unités de travail, si
la firme dispose de K et L, les quantités respectives de capital et de travail.
Le capital et le travail étant utilisés dans des proportions fixes, on peut déduire que toutes les
combinaisons efficientes vérifient les égalités : Q = = ⟹ K = L.

Le rapport nous indique la proportion selon laquelle le travail et le capital doivent être
combinés dans la production. Les quantités de capital et de travail nécessaires pour obtenir Q
étant fixées, toute quantité excédentaire de K ou de L reste inutilisée. La fonction de
production se présente alors sous la forme :
Q = min ( , ), ce qui signifie que la production s’établit à un niveau défini par la quantité
disponible du facteur le moins abondant.

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Si on fait varier l’un des facteurs de production l’autre restant constant, le niveau de production
ne change pas. En d’autres termes la productivité marginale du facteur variable est égale à zéro.
La variation de la production est proportionnelle à la variation des inputs. Le TMST n’a donc
pas de signification ici, car la substitution n’est pas possible.
Cette fonction de production est homogène de degré un (1) car un accroissement équi-
proportionnel des deux facteurs entraîne une variation dans les mêmes proportions de l’output.
2- La fonction Cobb-Douglas
La fonction Cobb-Douglas a été introduite en 1928 par deux américains, Charles William Cobb
et Paul Douglas. Elle se présente comme suit :
Q = AKαLβ avec :
Q = quantité produite ;
A= constante de dimension ou paramètre d’efficacité technologique ;

K et L les quantités des facteurs capital et travail ;


α et β les élasticités de la production (output) ou les paramètres de distribution du


produit (Q) par rapport aux facteurs K et L. Ainsi α indique de quel pourcentage (%) Q

s’accroît lorsque la quantité de capital augmente de 1%.


La fonction Cobb-Douglas a les caractéristiques suivantes :
– Ses isoquants sont strictement convexes par rapport à l’origine des axes ;
– Elle est homogène de degré (α + β) ;
– Son élasticité de substitution est égale à 1.
Cette fonction est beaucoup utilisée à cause de la simplicité qui caractérise sa manipulation.
Mais fort malheureusement, elle présente un inconvénient majeur : elle a une élasticité de
substitution qui est toujours égale à l’unité et pourtant il est possible d’avoir des valeurs de
l’élasticité de substitution différentes de l’unité.
Remarque :
Dans le but de faire face à la faiblesse que présente la fonction Cobb-Douglas, à savoir rendre
compte d’observations où l’élasticité de substitution mesurée avait été trouvée différente de
l’unité, la fonction CES que l’on appelle aussi SMAC (des noms de Solow, Minhas, Arrow et
Chenery) a été proposé en 1961.

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Chapitre 2 : ANALYSE DES COÛTS


Introduction
La théorie néoclassique de l’entreprise admet que l’entrepreneur recherche un maximum de
profit. Ce comportement rationnel de l’entrepreneur le conduit à définir les choix optimaux de
production et de demandes rationnelles des facteurs. L’entreprise produit donc des biens et des
services en étant soumise à une contrainte technique traduite par sa fonction de production.
L’utilisation de facteurs entraîne des coûts de production de diverses natures. Les conditions
physiques de la production, le prix des ressources et la conduite économiquement efficiente
d’un entrepreneur concourent à déterminer le coût de production d’une entreprise. Etant donné
que l’analyse de la production a été envisagée en fonction de l’horizon temporel, nous
envisagerons aussi l’analyse des coûts en deux temps. La fixité d’un facteur dans le court terme
a des conséquences sur la structure des coûts et même sur les décisions à prendre par la firme
en termes de production.
I- GENERALITES
Pour produire son output Q, la firme doit acheter les inputs L et K sur le marché des facteurs
respectivement aux prix s et u. Ainsi, on peut définir le coût de production comme étant la
somme des dépenses engagées par la firme pour générer l’output Q.
On écrit : C = s.L + u.K.
Puisque les inputs L et K concourent à la réalisation de l’output Q, on peut également exprimer
le coût de production comme une fonction de Q.
On écrit alors : C = C(Q).

II- ANALYSE DES COUTS A COURT TERME


1- Le coût total de production (CT) de court terme
A court terme, le facteur K est maintenu constant alors que le facteur L est variable. Ainsi, la
fonction de coût total s’écrira :
CT  s.L  u.K0.
On distingue deux composantes du coût total, à savoir le coût variable et le coût fixe.
Le coût variable (CV) correspond au produit s.L tandis que le coût fixe (CF) correspond au
produit u.K0.
Ainsi, la fonction de coût total peut aussi s’écrire :
CT = CV + CF = g(Q) + CF.
Représentation graphique

Compte tenu de l’évolution de la production dans le court terme (rendements croissants,


constants et puis décroissants), la courbe de coût total aura dans un premier temps une pente
positive mais décroissante et ensuite une pente positive et croissante. Ainsi, la courbe de coût
total aura l’allure de la lettre S renversée.

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CT
Coût
total

CF

0 Q

Figure 1 : courbe de coût total de court terme

1-1- Le coût fixe total (CFT)


Le coût fixe représente l’ensemble les dépenses effectuées par l’entreprise pour l’acquisition
des facteurs fixes. Ces dépenses sont en effet effectués quel que soit le niveau de production
(même si la production est nulle). Le coût fixe ne dépend donc pas de l’échelle de production.
Remarque : on peut déterminer le coût fixe moyen (CFM), qui est égal au coût fixe total (CFT)
divisé par la quantité produite (Q).

CFM =
Représentation graphique
Coûts

CFT

CFM
0 Q
1
Figure 2 : courbes de coût fixe moyen et de coût fixe total de court terme

1-2- Le coût variable total (CVT)


C’est la somme des dépenses effectuées pour acquérir les facteurs de production variables. Ces
dépenses augmentent à mesure que la firme augmente sa production ; le coût variable dépend
du volume de la production Q.
Remarque : on peut déterminer le coût variable moyen (CVM), qui est égal au coût variable
total (CVT) divisé par la quantité produite (Q).

CVM =
Représentation graphique

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Coûts
CVM
unitaires

0 Q
Figure 3 : courbe du coût variable moyen
2- Le coût total moyen (CTM) de court terme
Le coût moyen ou coût total moyen désigne le coût de production d’une unité d’output. Il
s’obtient par le rapport entre le coût total de production et la quantité d’output généré, soit :

CTM =
Le coût moyen étant le rapport du coût total avec le volume de production y, on arrive à établir
que le coût moyen est égal à la somme du coût variable moyen et du coût fixe moyen, soit :

CTM = + = CFM + CVM

Remarque :
– A court terme, le CTM et le CVM sont distincts à cause de la présence de coûts fixes.
– Le prix du produit permettant de faire face à l’ensemble des coûts variables est la condition de
fonctionnement de l’entreprise ; le minimum du CVM est le seuil de fermeture de l’entreprise.
– Tout comme la courbe de coût total, la courbe de coût variable aura dans un premier temps
une pente positive mais décroissante et ensuite une pente positive et croissante. Ainsi, la
courbe de coût variable aura elle aussi l’allure de la lettre S renversée.

3- Le coût marginal
Il représente l’impact d’une variation de Q sur le coût total. En d’autres termes c’est le coût
supporté par la firme pour générer une unité additionnelle d’output.
En présence de données discrètes le coût marginal est donné par le rapport suivant :

Cm = ∆

Lorsqu’on se trouve par contre devant une fonction de coût continue et dérivable, on peut
calculer le coût marginal en calculant la dérivé de CT par rapport à Q, soit :

Cm = = g’(Q).

Remarque : La dérivée du coût total est égale à celle du coût variable car la dérivée du coût
fixe est nulle. Ceci montre que la courbe représentative du coût variable aura la même allure
que celle de la courbe de coût total.

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Représentation graphique
Coût
Cm
marginal
CVM

0
Q

Figure 4 : courbe du coût marginal


4- Représentation graphique de synthèse

CT
Coût total

CF

0 Q

Cm
Coûts CTM
unitaires

N CVM

CFM
0 Q
R R’
Figure 5 : courbe des coûts de court terme

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III- ANALYSE DES COUTS A LONG TERME


1- Le coût total de long terme

1-1- Définition
A long terme, tous les facteurs de production sont variables. En considérant que la firme
n’emploie que deux facteurs, le capital (K) et le travail (L), le coût total de production sera
CT = f (K, L).
En supposant que le capital et le travail ont pour coûts unitaires respectifs u et s, le coût total
sera : CT = uK + sL.
La représentation graphique de CT est appelée courbe d’isocoût et désigne le lieu de toutes les
combinaisons des facteurs K et L que l’entrepreneur est en mesure de se procurer pour un
niveau donné de coût. En d’autres termes, l’isocoût est l’ensemble des combinaisons de (K, L)
qui entraînent le même coût total. Il a une pente négative égale au rapport des prix des
facteurs de production.

Isocoût

0 L
Figure 6 : Courbe d’isocût

1-2- La courbe de coût total de long terme (CTL)


La courbe de coût de long terme est une courbe enveloppe des courbes de coût de différentes
sous-périodes qui forment la longue période.
Elle décrit le coût de production minimum de chaque volume de production quand la firme peut
ajuster de façon optimale tous ses moyens de production.

Représentation graphique

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CT
CTk1
CTk2
C’’ CTk3
CTL

C’

Q
Q1 Q2 Q3

Figure 7 : courbe de coût total de long terme

 A chaque taille d’usine correspond une courbe de coût total de court terme ;
 Une usine de petite taille à un coût total = CTk1 ;
 Celle de taille moyenne à un coût total = CTk2 ;
 Et celle de grande taille à un coût total = CTk3.
Chaque niveau de production (Q) peut être atteint avec différentes tailles d’usine, et à des
niveaux de coûts différents. Par exemple, le niveau de production (Q3) peut être atteint avec
l’un des trois coûts C, C’, C’’.
Si en longue période, l’entrepreneur pense qu’il devra produire la quantité (Q3), il choisira la
taille d’usine qui permet de produire avec le minimum de coût c’est-à-dire l’usine de grande
taille CTk3. En définitive, on retient que la courbe de coût total (CT) de long terme est
représentée par les minima des courbes de CT de court terme.
2- Le coût moyen de long terme

2-1- définition
Le coût moyen de long terme est le rapport entre le coût total de long terme (CTL) et la
production. Il est donné par l’expression :

CM 

2-2- La courbe de coût moyen de long terme (CML)


La courbe représentative du coût moyen de long terme a une concavité tournée vers le haut.
C’est une courbe enveloppe qui ramasse plusieurs courbes de coût moyen de courtes périodes.
La configuration générale des courbes de CM s’exprime par une courbe en forme de « U ».
Cette configuration particulière s’explique par la notion des rendements d’échelle.

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CMk1
CM CMk2
C’’
CMk3

CML
C’

C
A B
O Q
Q1 Q2 Q3

Figure 8 : Courbe de coût moyen de long terme

En définitive, la courbe de coût moyen de long terme, est celle qui joint les points minima
des courbes de coût moyen de court terme. C’est la courbe-enveloppe des courbes de CM
de court terme.
En longue période, pour un niveau donné d’output, l’entrepreneur choisit la taille de
l’équipement qui lui permet de produire avec le minimum de CM (c’est la même taille qui
permet également de produire avec le minimum de CT).
NB : Les courbes de coût moyen de court et de long termes se ressemblent dans la mesure où
elles ont chacune une forme en U. Les raisons sont cependant très différentes :
– La courbe de coût moyen de court terme (CMCT) a une forme en U, parce que la baisse
du coût fixe moyen finit par être plus que compensée par la hausse du coût variable
moyen, cette dernière survenant parce que le produit moyen atteint un maximum et puis
décline.
– La forme en U de la courbe de coût moyen de long terme (CMLT) s’explique par les
rendements d’échelle croissants ou décroissants dans la fonction de production.

3- Le coût marginal de long terme (CmLT)


La courbe de coût marginal de long terme indique le montant minimum d’accroissement du
coût lorsque le produit augmente et le montant maximum que l’on peut économiser lorsque le
niveau du produit est réduit. Elle a la même allure que la courbe de coût marginale de court
terme. Elle coupe la courbe de coût moyen lorsque cette dernière atteint son minimum.
Pour un niveau donné d’output Q, le coût marginal de long terme (CmLT) doit être égal au coût
marginal de court terme (CmCT) associé à la taille optimale de l’usine pour produire une quantité
Q.

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Représentation graphique
CM CmCT
Cm
CMCT
CmLT
CMLT

O B
Q
Q1 Q2

Figure 8 : Courbe de coût marginale de long terme


Analyse du graphique
– Le CMLT est minimum pour le volume de production tel que les courbes de CMLT et de
CmLT se coupent en un point C.
– Pour un établissement donné, au point A correspondant au produit Q1, CMCT et CMLT
sont égaux. Par conséquent, le coût total de court terme et aussi égal au coût total de
long terme. En effet, CMCT = CTCT/Q et CMLT = CTLT/Q ; si CMCT = CMLT, alors
CTCT = CTLT.
– Pour des produits plus petits que Q1, CMCT est plus élevé que CMLT et le coût total de
court terme est donc plus élevé que le coût total de long terme. Par conséquent pour un
accroissement du produit en direction de Q1, le coût marginal de long terme, quelle que
soit sa valeur, doit être supérieur au coût marginal de court terme. Donc CmLT se situe
au-dessus de CmCT à gauche du point A.
– Pour un accroissement du produit au-delà de Q1, CMCT est supérieur à CMLT et le coût
total de court terme dépasse le coût total de long terme.
– Le déplacement de Q1 vers les points situés à sa droite s’est fait d’un point où le coût
total de court terme et le coût total de long terme sont égaux vers des points où le coût
total de court terme excède le coût total de long terme. Par conséquent le taux de
variation du coût total ou coût marginal doit être plus important pour la courbe de court
terme que pour celle de long terme. En conclusion, on retient que quel que soit la valeur
du CmLT, elle doit être supérieure à celle du CmCT à gauche de Q1 ; par contre, elle doit
être inférieure à CmCT à droite de Q1.

IV- LE PROBLEME ECONOMIQUE DU PRODUCTEUR

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1- La maximisation du profit
Le problème économique de base de la firme est celui de maximiser son profit. Ce dernier est
fonction de la quantité d’output et a pour expression : (Q) = RT(Q) – CT(Q).
La recette totale (RT) de l’entrepreneur est égale au produit du nombre d’unités vendues (Q)
et du prix unitaire (P) de l’output, c’est-à-dire RT = P.Q.

Son profit ( ) peut alors s’écrire sous la forme : = PQ – CT(Q).


La maximisation du profit vérifie les deux conditions suivantes :
– Condition nécessaire : on annule la dérivée première de par rapport à Q, c’est-à-
dire = 0 = P – Cm ⟹ P = Cm (coût marginal).

– Condition suffisante : la dérivée seconde doit être négative, c’est-à-dire < 0.

Or = - CT’’(Q) = - Cm’ (Q). Donc < 0 ⟹ Cm’ (Q) > 0. On en déduit donc que le Cm
doit être croissant pour la valeur de l’output qui maximise le profit.
En somme, pour maximiser son profit, l’entrepreneur doit choisir le niveau de production
pour lequel le Cm est croissant et égal au prix de vente (généralement le prix du marché) du
produit.
2- La maximisation de la production sous-contrainte du coût total
Supposons qu’un entrepreneur dispose d’un montant M pour acheter les inputs (K, L) aux prix
unitaires respectifs u et s. Le coût total de production est donné par la relation M = uK + sL.
Si l’entrepreneur est disposé à dépenser totalement le montant M pour réaliser le niveau de
production le plus important possible, il est amené à résoudre le programme primal suivant :
max Q = f (K, L)
s. c. M = uK + sL
Le lagrangien associé à ce programme est : ℒ (K, L, ) = f (K, L) + (M – uK –sL).

3- La minimisation du coût de production (ou dépenses) sous-contrainte du niveau


d’output
L’entrepreneur s’étant fixé comme objectif la quantité Qo d’output, il veut déterminer le coût
minimum pour atteindre cet objectif. La détermination de ce coût minimum revient à résoudre
le programme dual de l’entreprise qui se présente de la façon suivante :

min uK + sL
s. c. Qo = f (K, L)
Le lagrangien qui en découle est : ℒ (K, L, ) = uK + sL + [(Qo – f (K, L)].

V- GESTION OPTIMALE DE LA FIRME


Il est question ici de définir les règles à observer par une firme qui se veut techniquement
efficace et qui voudrait faire une entrée réussie sur le marché dans lequel elle aura à vendre son
output.

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1- Gestion optimale dans le court terme

1-1- Méthode algébrique


Puisque K est fixe dans le court terme, le problème de maximisation du profit peut s’écrire :
Max   P.f(L,K0 )  (s.L  u.K0).
En dérivant la fonction de profit par rapport à L et en annulant la dérivée, on obtient :
P.PmL – s = 0.
Le produit P.PmL donne le produit marginal en valeur du facteur L, c’est-à-dire le produit
marginal du facteur L valorisé au prix auquel l’output est vendu, c'est-à-dire P.
On peut établir que : P.PmL = s.
Cette relation suggère que la firme arrêtera d’engager des unités additionnelles du facteur L
lorsque le produit marginal en valeur du facteur sera égal à ce que le facteur coûte à la firme.
On peut encore établir qu’à l’équilibre, on doit observer l’égalité :
PmL = s/P.
Ceci laisse entendre que la firme rémunère le facteur en fonction de sa productivité marginale.
Cette dernière correspond donc au salaire réel, c’est-à-dire au rapport salaire sur prix.
1-2- L’approche graphique
La fonction de profit peut être écrite comme suit :
  P.Q  (s.L  u.K0).
En résolvant cette relation par rapport à Q, on obtient l’isoprofit qui est une équation qui met
en relation Q et L afin de réaliser un même niveau de profit.
 . s
Soit Q = + L
En dérivant Q par rapport à L, on obtient la pente de la droite d’isoprofit qui est positive et égale
à s/P. On peut ainsi dans un plan (L, Q), représenter des droites parallèles représentant différents
niveaux de profit. Si on ajoute au graphique la courbe de production, la quantité du facteur (L)
à utiliser (L*) est celle qui égalise la pente de la fonction de production (PmL) à la pente de la
droite d’isoprofit (s/P). En d’autres termes, L* s’obtient au point de tangence entre la courbe de
production et la droite d’isoprofit.
2- Gestion optimale dans le long terme
Dans le long terme, le problème de maximisation du profit s’écrit comme suit :
Max   P.f(L, K )  (s.L  u.K).
En dérivant la fonction de profit par rapport à L et K et en annulant les deux dérivées, on obtient
:
P.PmL – s = 0 ou P.PmL = s,
P.PmK – u = 0 ou P.PmK = u.
Ces résultats montrent que la firme devrait engager les deux facteurs en fonction de leurs
productivités marginales. En faisant le rapport des productivités marginales en valeur des deux
facteurs, on arrive à établir que pour être techniquement efficace, la firme doit égaliser son taux
marginal de substitution technique au prix relatif des facteurs, soit :

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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

PmL s
TMST = =

Graphiquement, cette condition d’équilibre est établie en faisant un rapprochement de la pente


de l’isoquant avec la pente de l’isocoût.
3- Taille optimale de la firme
Admettons que l’on soit en présence d’une firme utilisant deux facteurs de production : L et K.
Dans le court terme, le facteur K est fixe alors que L est variable. Pour réaliser la production
Q0 dans le court terme, la firme doit utiliser la quantité du facteur LCT compatible à la norme
fixée par K.

Isoquant
K

KCT A

Isocoût
E
K*

Q0
0
LCT L* L
Figure 9 : Equilibre du producteur

Il se dégage de ce graphique que la réalisation de Q0 dans le court terme (point A) coûte plus
cher que si l’on se trouvait au point E, point qui peut être envisagé dans le long terme. Si la
firme avait la possibilité de faire varier le facteur K, elle l’aurait fait mais sa fixité ne le lui
permet pas. Ceci montre que dans le long terme, la firme a la possibilité de s’ajuster de manière
à maximiser son profit alors que dans le court terme, c’est le facteur fixe qui détermine les
possibilités de production.
4- Sentier d’expansion de la firme
Dans le graphique ci-dessous, on considère que le budget dont dispose la firme pour réaliser sa
production croît, ce qui lui permet aussi d’accroître sa production. Durant ce processus
d’accroissement de la firme, elle est appelée à observer les règles d’une bonne gestion. Ainsi,
elle est tenue de respecter le critère d’efficacité technique : TMST = s /u.

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Cours d’Economie Générale ECS 1 Année académique 2020-2021

K
Sentier d’expansion

E3

E2

E1

0 L

Figure 10 : Sentier d’expansion de la firme

On définit le sentier d’expansion de la firme comme étant la courbe ou droite faite des
différentes combinaisons d’inputs permettant à la firme de réaliser son équilibre pour différents
niveaux de budget alloué à sa production. Elle peut être représentée par une fonction appelée
eutope et qui met en relation K et L à partir de la condition d’efficacité technique.
Exemple : Pour une technologie Cobb-Douglas Q  LαKβ, à l’équilibre on doit vérifier l’égalité
suivante :
TMST = =

Ainsi, on peut écrire l’eutope comme suit : K = L

NB : Si l’on veut passer de la fonction de coût donnée par la somme des dépenses engagées
pour disposer des deux inputs à une fonction de coût qui dépend du niveau de l’output Q, on se
sert de l’eutope.
Exemple : En considérant la fonction de production de type Cobb-Douglas ci-dessus, on arrive
à établir que :
 le coût total est donné par : CT = sL
 la fonction de production s’obtient par : Q = [ ]β Lα+β, ce qui permet de déduire que
L=[ ]β/(α+β) Q1/(α+β)

 CT = s.[ ]β/(α+β) Q1/(α+β)

VI- OFFRE DE LA FIRME

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La fonction d’offre met en relation l’output et le prix auquel il est vendu sur le marché. La
décision d’offrir un bien sur le marché dépend du niveau du prix auquel il est vendu ainsi que
de la structure des coûts. La firme devra en effet observer l’égalité P = Cm.
1- Le seuil de fermeture
Si le prix du marché est PF, un niveau de prix qui permet à la firme de ne couvrir que son coût
variable, la firme pourrait arrêter de produire car la perte qu’elle va enregistrer sera identique à
celle qu’elle connaîtrait si elle ne produisait pas.
2- Le seuil de rentabilité
Si le prix se situe au niveau de PR, un niveau de prix qui permet de couvrir toutes les charges
productives, on dira que la firme est au niveau du seuil de rentabilité car elle ne réalise ni
bénéfice ni perte.
3- La courbe d’offre
Généralement c’est pour des niveaux de prix supérieurs à PR que la firme décide d’offrir son
bien sur le marché. On conclut ainsi que la courbe d’offre de la firme correspond à la partie
ascendante de la courbe de coût marginal en partant du seuil de rentabilité.

Cm
CM

CVM

PR

PF

0 Q

Figure 11 : courbe d’offre de la firme

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