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Histoire de la langue

française
Synchronie - diachronie
• On peut étudier la langue selon deux dimensions
temporelles:
• Synchronie (la langue à un moment donné, avec ses différences
dialectales, langue des jeunes, langue populaire, spécialisée, etc.)
 VARIATION
• Diachronie (comparaison et évolution entre deux «états»
synchroniques de la langue)  CHANGEMENT

Vitam – vita – vida – vidhe - vie

Diachronie

Policier – poulet – flic – keuf …


VARIATION Synchronie
CHANGEMENT
Histoire interne –histoire externe
• Histoire interne = changement diachronique, comment la
langue a évolué au cours des siècles (langue «vivante»=elle
s’use, elle change; langue morte=elle ne change plus)
• Histoire externe = événements historiques qui
accompagnent et influencent la langue
• invasions ou migrations de peuples qui:
• Remplacent une langue précédente (substrat)
• apportent des éléments nouveaux (superstrat et adstrat)
• Événements diplomatiques permettant la diffusion de la langue (p.
ex. français langue diplomatique du XVIIIe au XXe siècle)
• Lois interdisant l’emploi d’une langue ou l’enseignement scolaire de
celle-ci (P. ex. Lois de la Révolution française contre les patois)
• L’étude de l’histoire externe est une pratique introduite par
Ferdinand Brunot (Histoire de la langue française, des origines à
1900, publié entre 1905 et 1938)
Les premières peuplades
• Les premières populations dont les noms nous sont
parvenus sont les Ligures et les Ibères (vers 600 av. J.-
C.)
• Les Ligures occupaient la région du sud-est (une partie
de la Provence actuelle, ainsi que les Alpes, l'Isère et
une partie du territoire de l'Italie d'aujourd'hui).
Conjectures sur leur langue (indoeuropéenne?)
• Les Ibères occupaient la région du sud-ouest et de
l’ouest (langue non indoeuropéenne  ancêtre du
basque?)
• Leurs langues ont disparu avec la colonisation romaine
de 120 av. J.-C. et ont laissé des traces surtout sur les
toponymes.
Quelques mots
• Ligure> suffixe toponymique –anque, -osc; mots
alpins
• Calanque
• Avalanche
• Chamois
• Chalet
• Luge
• Suffixe –asque. -osque (monégasque, roquebrunasque,
royasque, Manosque)
• Brèche
• Ibère: toponyme Céret (Pyrénées-Orientales) <
ibère Kerrete (peuple des montagnes)
Les Grecs
• Installés sur les rives de la méditerranée dès 650 av. J.-
C.
• Fondation de Massalia> Marseille (colons phocéens)
• Comptoirs commerciaux, jusqu’à Nice (Nikaia) à l’est, et
jusqu’à Leucate (leukas) à l’ouest
• Peu de rapports avec les populations locales  peu de
mots passés en français (les mots que le français a
empruntés au grec sont des emprunts «savants» bien
postérieurs)
• II siècle av. J.-C.: Pression des Gaulois  appel au
secours des Romains  première colonisation romaine
(120 av. J.-C.) création de la Provincia (Provence)
Les Celtes – les Gaulois
• Présents en France dès le IXe siècle av. J.-C. (en Champagne),
les Celtes sont une myriade de tribus qui proviennent
d’Europe Centrale et qui occupent peu à peu les territoires
de la France du Nord et centrale
• On dénombre une centaine de tribus sur le territoire
français: ils étaient souvent en guerre entre eux, ce qui
fournit le prétexte à l’invasion romaine
• Les Gaulois vont aussi en Angleterre, en Espagne, en Asie
Mineure (Galathes) et en Italie
• Les appellations Celtes (< kel-to: guerrier) et Gaulois (<
galatis: fort, vaillant) sont équivalentes.
• Gaulois est plus tardif (vers 168 av. J.-C.)
• Lorsqu’ils atteignent la Méditerranée (IIe siècle), Rome
intervient et fonde sa Provincia
Fonds gaulois
• Selon Le Robert, 147 mots du gaulois passés en français
• Aucun mot n’est passé directement en français: C’est le
latin qui a emprunté ces mots et, une fois adoptés par les
Romains, les mots gaulois ont continué d'évoluer comme
des mots latins assimilés par la suite par le roman.
• Domaines: plantes, animaux, objets agricoles
bruyère < bruko lieue < leuga
alouette < alauda
cervoise < cervesia lotte < lotta
arpent < arepennis
char < carru mouton < multo
balai < banatto
charpente < carpentu* quai < caio
benne < benna
charrue < carruca* sapin < sappus
barde < bard
chêne < cassanus soc < soccos
boisseau < bosta
cloche < cloc suie < sudia
bouc < bucco
druide < druida talus < talo
boue < bawa
galet < gallos valet < vasso
bouleau < betulla
jarret < garra vassal < gwas
Autres influences
• Prononciation [y] de la voyelle U (conjecture)
• Lénition (affaiblissement) des consonnes occlusives
intervocaliques du latin
• Ripam>rive
• Habere> avoir
• Vidam> vie
• Securum>segur>seür>sûr
• Numération sur base 20 (vigésimale) (perpétuée
par les Normands)
• Trois-vingts, quatre-vingts, etc
Les peuples gaulois de France
La conquête romaine
• Elle s’effectue en deux temps:
• II siècle av. J.-C. (160-120): conquête de la Gaule transalpine 
Provincia(>Provence); colonies de peuplement  latinisation forte
• Ier siècle av. J.-C. (58-51): expédition de Jules César avec 11 légions (66000
soldats): conquête de la Gaule du Nord (environ 5 millions d’habitants) et
subdivision du territoire en 4 provinces
• la Narbonnaise (ex-Provincia)
• l'Aquitaine
• la Lyonnaise
• la Belgique
• La Gaule narbonnaise  province «sénatoriale» (citoyens romains, dépendant
du Sénat)
• Les autres provinces  provinces « impériales » (territoires mal soumis, où on
garde des garnisons ou des armées complètes; administrés par un gouverneur
représentant l'empereur).
• Le décalage temporel et de peuplement explique la plus forte romanisation du
Sud.
• Présence romaine jusqu’au IVe-Ve siècle ap. J.-C.
De Bello Gallico
• Toute la Gaule est divisée en trois parties, dont l'une est habitée par les Belges,
l'autre par les Aquitains, la troisième par ceux qui, dans leur langue, se
nomment Celtes, et dans la nôtre, Gaulois. Ces nations diffèrent entre elles par
le langage, les coutumes et les lois. Les Gaulois sont séparés des Aquitains par
la Garonne, des Belges par la Marne et la Seine. Les Belges sont les plus braves
de tous ces peuples, parce qu'ils restent tout à fait étrangers à la politesse et à
la civilisation de la province romaine, et que les marchands, allant rarement
chez eux, et, par conséquent, n'y introduisent pas ce qui est propre à amollir
les cœurs, enfin parce qu'ils sont les plus voisins des Germains qui habitent sur
l'autre rive du Rhin, et avec qui ils sont continuellement en guerre. Par la
même raison, les Helvètes surpassent aussi en valeur les autres Gaulois ; car ils
engagent contre les Germains des luttes presque journalières, soit qu'ils les
repoussent de leur propre territoire, soit qu'ils envahissent celui de leurs
ennemis. Le pays habité, comme nous l'avons dit, par les Gaulois, commence
au Rhône, et est borné par la Garonne, l'océan et les frontières des Belges ; du
côté des Séquanes et des Helvètes, il va jusqu'au Rhin ; il est situé au nord.
Celui des Belges commence à l'extrême frontière de la Gaule, et est borné par
la partie inférieure du Rhin ; il regarde le Nord et l'Orient. L'Aquitaine s'étend
de la Garonne aux Pyrénées, et à cette partie de l'océan qui baigne les côtes
d'Espagne ; elle est entre le Couchant et le Nord. (Jules César, De bello Gallico,
La Guerre de Gaule)
Romanisation
• Présence de population latine (surtout au Sud)
• Intégration de l’aristocratie gauloise
• Colonisation, école (pour les élites) et échanges
commerciaux favorisent l’adoption du latin
• Latin: langue officielle
• Gaulois: langue maternelle
• Le latin utilisé est la langue non littéraire,
simplifiée, familière, contaminée avec les parlers
locaux  sermo cotidianus
Facteurs de latinisation
• 1) Le latin: langue de la promotion sociale
• 2) La langue de la puissance financière
• 3) La langue de l'armée
• 4) Les colonies de peuplement
• 5) Un réseau routier efficace
• 6) L'écriture latine (les Gaulois n’avaient pas d’écriture)
• 7) Le début des invasions germaniques  bi- / tri-
linguisme : le latin devient une langue véhiculaire
• 8) La christianisation
• 9) Le latin oral et le bilinguisme (latin scolaire –
conservateur – vs latin chrétien – sermo humilis –
ouvert aux changements)
Changements lexicaux
• Edere (ambigu) – comedere – manducare > manger
• Loquor, loqui – parabolare > parler
• Fervere – bullire > bouillir
• Mots davantage imagés, expressifs
• Crus – gamba > jambe
• Caput – testa > tête
• Diminutifs
• Auris > auricula > oreille
• Agnus > agnellus > agneau
• Abandon des formes irrégulières
• Ferre – portare > porter
• Ire – ambulare > aller / vadere > je vais
• Perte progressive de la déclinaison (remplacée par les prépositions)
• Création des articles
• Extension des auxiliaires du verbe
• Perte de la distinction phonétique vocalique longue-brève
Evolutions
• Désagrégation de la société à partir du IIIe siècle
• 212: édit de Caracalla (citoyenneté à tous les hommes libres
de l’Empire, y compris aux aristocrates gaulois)
• Diffusion du christianisme au III siècle: importance de ses
institutions pour le maintien du latin
• 275: invasion de la Gaule par les barbares
• 313: édit de Constantin (édit de Milan), donnant liberté de
culte au christianisme
• 380: édit de Thessalonique: le christianisme devient religion
unique de l’Empire
• Au IV siècle, la plupart de la population urbaine était
convertie  implantation d’abbayes – renforcement du
sentiment d’appartenance à la romanité
Les barbares
• A partir de la fin du IIIe siècle, les barbares s’introduisent en
Gaule (Alamans, Francs)
• 395: division de l’Empire romain d’Occident (Rome) et de
l’Empire romain d’Orient (Constantinople)
• 407: invasions des Alains, Suèves, Vandales, Burgondes,
Francs
• 410:première prise de Rome (Wisigoths)
• Les Romains se servent des Barbares comme soldats
mercenaires  germanisation de l’Empire + concession de
terres d’implantation
• 451: arrivée des Huns (Mongols asiatiques)
• 476: Prise de Rome et fin de l’Empire romain d’Occident
Les Francs
• 486: Etablis en Belgique, les Francs saliens occupent le royaume
gallo-romain (France du Nord: Austrasie Neustrie)  Clovis
(466-511), premier roi de France (dynastie des Mérovingiens)
• 496: Conversion au christianisme  assimilation
• 507-511: victoire sur les Wisigoths (France de l’ouest)
• 534: prise du royaume des Burgondes (France de l’est) et
unification avec celui des Francs
• Abandon du francique en faveur du latin comme langue officielle
(assimilation à l’Empire romain d’Orient et au christianisme)
• Permanence des écoles, des bibliothèques (latin)
• La Loi salique est rédigée en latin
• Bilinguisme francique/latin
Influences
germaniques/franciques
• Le superstrat francique a apporté du lexique et introduit des
prononciations dans le latin qu’ils avaient adopté
• Environ 600 mots sont passé en roman puis en français
• Noms de lieu (toponymes):
• Criquebeuf, Elbeuf, Caudebec, Honfleur, Trouville
• Suffixes dérivationnels:
• -and, -ard, -aud, -ais, -er et -ier (vieillard, soudard,badaud); verbes en –ir
(choisir, blanchir)
• Phonétique:
• h aspiré (ex. huit<octo; huître<ostrea)
• Amuissement du a final > ə (florem>fleur; sapam > sève)
• Voyelles toniques > changement de timbre (cantare>chanter; tela>toile
cane>chien)
• Palatalisation des consonnes intervocaliques (c > j; p > v; t > chute):
Emprunts au francique
abandon botte frapper marcher
allemand bûche gant maréchal
anglais canif garçon marquis
arquebuse crapaud gauche poche
attraper crotte germe rang
bande cruche gris [re]garder
baron danser guêpe riche
bâtiment déraper guérir rôtir
beignet dérober guerre saisir
blanc équipe guetter soupe
blé fauteuil guide taper
bleu fauve hache tas
blond félon héberger
bois fief jardin
bord flèche long
bordel franc marais
Les Vikings
• IXe-Xe siècle: les pirates scandinaves assaillent les
côtes nord et ouest de la France
• 911: Charles le Simple leur donne un territoire (la
Normandie)
• Pacification et conversion au christianisme vers la
fin du Xe siècle
• Les Normands porteront le français en Angleterre
et en Sicile
• Legs linguistique: quelques mots liés à la mer:
• Carlingue, crabe, crique, homard, joli, vague
Les mérovingiens
• VIe-VIIe siècles: désagrégation du royaume sous le
coup des barbares (siècles obscurs): il est partagé
parmi les fils des rois mérovingiens (descendants
de Clovis)  morcellement territorial sans pouvoir
central formation de dialectes
• Les écoles publiques disparaissent
• L’église perd elle aussi de son influence: clergé
assez ignorant  sermo humilis /incultus/simplex
• Les copistes aussi gardent seulement une
compétence passive, alors que la compétence
active avait cessé au début du VIIe
Charlemagne et la «Renaissance»
carolingienne
• La dynastie carolingienne est issue de Charles Martel (bataille de Poitiers, 732): son fils, Pépin Le Bref,
est le premier roi de la dynastie (751-768)
• 768: le royaume des Francs passe à Charlemagne (768-814)
• Il rétablit l'ancien Empire romain d’Occident, sauf la Grande-Bretagne (Anglo-Saxons) et l'Espagne
(Arabes).
• 800: il se fait couronner empereur du Saint Empire romain germanique
• Son royaume s'étend du nord de l'Espagne jusqu'aux limites orientales de l'Allemagne actuelle, de
l'Autriche et de la Slovénie
• Il utilise le francique rhénan, sa langue maternelle, comme langue courante à la cour
• Par ailleurs, il veut rétablir les études latines  il fait venir le moine Alcuin d’Angleterre pour
enseigner le latin aux moines (lecture de la Vulgate – édition de la Bible de Saint Jérôme)
• Renaissance latine: redécouverte des textes latins: reprise des copistes. Le latin devient la langue de
l’état et de l’Église pendant plusieurs siècles
• Enseignement sur trois niveaux:
• Élites (Aix-la-Chapelle)
• Religieux (écoles épiscopales)
• Enfants (par les curés dans les campagnes)

• Situation de diglossie: les élites utilisent un latin que les masses populaires ne comprennent plus
(langue haute, à cause de sa prononciation, entre autres); le peuple parle une langue désormais très
différente (langue basse ou « vernaculaire »). Dans les faits, la population ne comprenait plus le
discours de l'Église ni celui du pouvoir royal.
Concile de Tours (813)
• Constatant la difficulté pour le peuple de comprendre
la Parole de Dieu et, plus encore, la prédication des
prêtres, les différents chapîtres monastiques et le
concile des évêques ordonnèrent de prêcher en langue
romane
• […] ut easdem omelias quisque aperte transferre studeat
rusticam Romanam linguam aut Theodiscam, quo facilius
cuncti possint intellegere quae dicuntur (Tours, canon 17)
• Trad.: Et que chacun s’efforce de transposer clairement
lesdites homélies en langue romane rustique ou en tudesque,
afin que tous puissent plus facilement comprendre ce qui est
dit
• Rustique: « des illettrés » ou « des campagnes »
• On considère que c’est la date de naissance du français
(proto-français)
Les Serments de Strasbourg (842)
• Charlemagne meurt en 814, son fils, Louis le Pieux, meurt en 840
• Ses petits-fils se disputèrent l'Empire: Lothaire (795-855), Pépin
(803-838) et Louis (805-976), puis tardivement, d'un second lit,
Charles (823-877)
• Division territoriale en trois « bandes », ratifiée par le traité de
Verdun, en 843.
• En attendant, Charles le Chauve et Louis le Germanique
scellèrent une alliance contre leur frère aîné, Lothaire, par les
Serments de Strasbourg (842).
• Serment prêté en présence et dans la langue des soldats de
l’autre
• Le texte est contenu dans l’œuvre latine de Nithard (cousin de ces
trois princes)
• Premier témoignage écrit en protofrançais
• L’écriture est modelée sur le latin (le roman ne s’écrivait pas à
l’époque, il fallait inventer une graphie)
Texte 1:
Texte 2: Texte 6:
latin classique Texte 3:
latin populaire français contemporain
(ler siècle) roman original (842)
(VIIe siècle) Pour l'amour de Dieu et pour le salut
Per Dei amorem et per christiani po Pro deo amur et pro christian poblo et
Por deo amore et por chrestyano poblo et commun du peuple chrétien et le nôtre,
puli et nostram commumem salutem, nostro commun saluament d'ist di en
nostro comune salvamento de esto die en à partir de ce jour, autant que Dieu
ab hac die, quantum Deus scire et avant, in quant Deus savir et podir me
avante en quanto Deos sabere et podere me m'en donne le savoir et le pouvoir, je
posse mihi dat, servabo hunc meum dunat, si salvarai eo cist meon fradre
donat, sic salvarayo eo eccesto meon fradre soutiendrai mon frère Charles de mon
fratrem Carolum, et ope mea et in Karlo, et in aiudha et in cadhuna cosa, si
Karlo, et en ayuda et en caduna causa, sic aide et en toute chose, comme on doit
quacumque re, ut quilibet fratrem cum om per dreit son fradra salvar dift, in
qomo omo per drecto son fradre salvare justement soutenir son frère, à
suum servare jure debet, dummodo o quid il mi altresi fazet et ab
devet, en o qued illi me altrosic fatsyat, et ab condition qu'il m'en fasse autant, et je
mihiidem faciat et cum Clotario nullam Ludhernulplaid nunquam prindraiqui
Ludero nullo plagdo nonqua prendrayo, qui ne prendrai jamais aucun arrangement
unquam pactionem faclam, quæ mea meon vol cist meon fradre Karle in damno
meon volo eccesto meon fradre Karlo en avec Lothaire, qui, à ma volonté, soit au
voluntate huic meo fratri Carolo sit.
damno seat. détriment de mon dit frère Charles.
damno sit.
Traité de Verdun (843)
• Le traité divisa le royaume de Charlemagne en trois États:
• Charles II (dit «le Chauve»): la Francie occidentale (ce qui
deviendra la France)
• Louis Ier (dit «le Germanique»): la Francie orientale ou Germanie
• Lothaire Ier: la Francie médiane à l'est du Rhône, c'est-à-dire la
Lotharingie (dont le nom se transformera plus tard en Lorraine),
ainsi que la couronne impériale
• Charles II fut le premier «roi de France» (843-877) — il parlait le
francique rhénan —, mais son règne fut marqué par les premières
incursions des Vikings/Normands (856-861).
• Après la mort de Lothaire (855): guerres de conquête entre France et
Germanie et démembrement  c’est à cette époque que remonte
l’invasion des Vikings, devenus les Normands
• 987 : fin de la dinastie des Carolingiens
• Hugues Capet, duc de France (Paris et ses environs), est élu roi (987-
996)
Autres documents du proto-
français
• Gloses de Reichenau (VIIIe siècle): ce n’est pas un
texte mais un glossaire traduisant en langue
vulgaire les termes difficiles de la Vulgate
• Cantilène de Sainte Eulalie (882): hymne retraçant
la vie d’une martyre chrétienne: premier texte
littéraire en roman
• Sermon sur Jonas (Fragment de Valenciennes 938-
952) partiellement rédigé en proto-français
Cantilène de Sainte Eulalie
1. Buona pulcelle fut Eulalia ;
2. Bel avret corps, bellezour anima.
3. Voldrent la veintre li Deo inimi ;
4. Voldrent la faire diavle servir.
5. Elle non eskoltet les mals conselliers,
6. qu'elle Deo raniet chi maent sus en ciel.
7. Ne por or ned argent ne paramenz,
8. Por manatce, regiel, ne preiement,
9. Neule cose non la povret omque pleier
10. La polle sempre non amast lo Deo menestier ;
11. Et por o fut presentede Maximiien,
12. Chi rex eret a cels dis sovre pagiens .
13. El li enortet, dont lei nonq chielt,
14. Qued elle fuiet lo nom chritiien.
15.Ell' ent adunet lo suon element.
16. Melz sostiendreiet les empedemetz
17. Qu'elle perdese sa virginitet.
18. Por o s'furet morte a grand honestet.
19. Enz en l'fou la getterent, com arde tost.
20. Elle colpes non avret, por o no s'coist.
21. Aczo no s'voldret condreidre li rex pagiens ;
22. Ad une spede li roveret tolir lo chief. 1. Eulalie était une bonne jeune fille ;
23. La domnizelle celle kose non contredist, 2. Son corps était beau, son âme plus belle encore.
24. Volt lo seule lazsier, si ruovet Krist. 3. Les ennemis de Dieu voulurent la vaincre,
25. In figure de colomb volat a ciel. 4. Et lui faire servir le Diable.
26. Tuit oram que por nos degnet preier, 5. [Mais] elle n'écoutait pas les mauvais conseillers
27. Qued avuiset de nos Christus mercit 6. [Qui voulaient] qu'elle renie Dieu qui demeure au ciel.
28. Post la mort, et a lui nos laist venir 7. Ni pour de l'or, ni pour de l'argent ou des parures,
29. Par souue clementia. 8. Ni pour des menaces, des caresses ou des prières,
9. Nulle chose ne pouvait forcer (plier)
10. La fille à toujours n'aimer le service de Dieu.
11. Et pour cela, elle fut présentée à Maximien,
12. Qui était en ces jours-là le roi des païens,
13. Il l'exhorte, sans qu'elle y prête attention
14. [à ce] Qu'elle fuie le nom chrétien.
15. Elle en rassemble ses forces.
16. Mieux [valût ?] qu'elle soutînt les tortures,
17. Qu'elle ne perdît sa virginité.
18. Pour cela elle mourrait en grand honneur.
19. Ils la jetèrent dans le feu pour qu'elle y brûle.
20. Elle était sans pêché et pour cela ne brûla pas.
21. À cela, le roi païen ne voulut croire,
22. Avec une épée, il ordonna de lui trancher la tête.
23. La demoiselle ne contredit pas cela,
24. Et accepta de quitter ce monde, si le Christ l'ordonnait.
25. Sous la forme d'une colombe, elle monta au ciel.
26. Tous prions que pour nous [elle ?] daigne prier,
27. Que le Christ nous ait en sa pitié,
28. Après la mort, et qu'à lui il nous laisse venir
29. Par sa clémence.
Sermon sur Jonas
Périodisation du français
• Ve-IXe siècle: gallo-roman ou protofrançais
• IXe-XIIIe siècle: Ancien français
• XIVe-XVe siècle: moyen français
• XVIe-XVIIIe siècle: français classique
• Fin XVIIIe-aujourd’hui: français moderne
Ancien français
IXe-XIIIe siècle
Quelques traits de l’ancien
français
• Des poèmes tels que la Vie de Saint Léger (Xe
siècle), la Vie de Saint Alexis (XIe siècle) ou la
Chanson de Roland (XIe siècle) montrent déjà une
langue à l’identité bien définie
• Présence d’une déclinaison à deux cas (Cas Sujet et
Cas Régime): principalement pour les noms
masculins
Les articles
Numération
• Nombres de 1 à 16: système romain
• 17, 18, 19: formation populaire (dix+sept, dix+huit,
dix+neuf)
• Noms des dizaines: les formes latines (viginti, triginta,
quadraginta etc.) sont concurrencées par le système
vicésimal des Normands (XIIe siècle). On retiendra la
forme quatre-vingts, tandis que soixante-dix et quatre-
vingt dix sont des formes populaires (60+10, 80+10).
• Les formes septante, huitante et nonante seront encore
longtemps en concurrence dans de nombreuses régions
Verbes
• Création du futur et du conditionnel à partir de
formes du latin populaire
• Futur latin : cantabo, -is…> l’érosion phonétique efface
le morphème temporel
• Refection avec l’infinitif + des formes du verbe habeo:
cantare habeo> cantaraio>chanterai
• De même, pour le conditionnel: cantare habebam>
cantara(v)a(m)> chanterois> chanterais
• De nombreux changements de conjugaison
• Ex. IR: aveuglir, colorir, sangloutir, toussir
Phrase: l’ordre V2
• Ordre relativement libre du latin (fonctions grammaticales
marquées par les terminaisons des mots: désinences
flexionnelles), avec verbe souvent à la fin
• Ordre plus rigide des langues romanes, qui n’ont plus de
déclinaison  syntaxe positionnelle – ordre SVO
• Influence probable des langues germaniques sur le français
 place rigide pour le verbe (2eme position)
• Si la phrase commence par un mot autre que le sujet, celui-
ci se place après le verbe
• EX. des Serments de Strasbourg: SI SALVARAI EO cist meon fradre
Karlo (de même, je viendrai en secours de mon frère Charles)
• Ex. De la Vie de Saint Alexis: BONS FUT LI SECLES al tens ancïenur
(Le monde fut bon au temps passé)
Prononciation
• Grande abondance de sons non fonctionnels: ils vont se
réduire progressivement
• 33 voyelles (aujourd’hui: 16):
• de nombreuses voyelles et diphtongues nasales
• Toutes les lettres sont prononcées  beaucoup de diphtongues et
triphtongues (aujoud’hui, p. ex EAU [ɔ], en a.fr. [eaw])
• Palatalisation des consonnes C, G, J et Z
• Cire [tsirə], place [platsə]
• Riche [ritchə], chief [thcijef]
• Argile [ardjilə], jambe [djambə]
• Marz [marts], raizon [raidzon], treize [treidzə]
• Disparition (y compris dans la graphie) des h aspirés initiaux
(ils seront réintroduits pour marquer l’étymologie ou pour
bloquer la liaison)
Des Carolingiens aux Capétiens
• A l’époque des Carolingiens, le système féodal se répand: le roi lie
les vassaux par la concession de fiefs
• Base très locale
• Fermeture de la communauté
• Développement de dialectes autonomes
• Pouvoir royal très limité  le français est en réalité le francien (dialecte
de l’île de France)
• 987: Louis V, dernier roi carolingien, meurt sans héritier direct 
élection d’un nouveau roi
• Hugues Capet (surnom dû à la «chape»), comte de Paris
• Il est encore «roi des Francs», mais c’est le premier qui parle la langue
romane et pas le francique
• Avec lui, la transmission du pouvoir est héréditaire et non plus élective
• Il essaie de rétablir le pouvoir royal sur le territoire
• Il fixe son siège à Paris (avant, les rois se déplaçaient)
• Il faudra attendre 1119 pour qu’un roi (le Capétien Louis VI le
Gros) se déclare «roi de France» (dans une lettre adressée au
pape)
Le français en Angleterre
• Liens importants des Normands avec l’Angleterre (commerces)
• 1002: Emma, la fille du duc de Normandie, est mariée au roi
d’Angleterre
• 1066: A la mort du roi Edouard le Confesseur, Guillaume le Conquérant
revendique la couronne d’Angleterre  batailles
• 1066: bataille de Hastings (environ 7000 hommes et 1400 navires):
Guillaume gagne la bataille et tue le roi Harold II  le duc de
Normandie et roi d’Angleterre est plus puissant que le roi de France
• Cour et langue française:
• 20000 Normands s’installent en Angleterre
• Toute l’élite est remplacée par des Normands
• Le franco-normand (ou anglo-normand) devient la langue de l’administration,
de la loi et de la justice
• Le français se répand même chez l’aristocratie
• 1152: Henri II épouse Aliénor d’Aquitaine: plus vaste territoire européen
• 1259: Henri III d’Angleterre renonce à la Normandie  séparation
progressive des deux langues (anglais et français)
Exemples du remplacement de mots
du vieil anglais par des mots français
• vieil anglais ea « rivière » (vieux norrois ā) ≠ anglais river, emprunt à
l'anglo-normand rivere, variante de l'ancien français riviere
• vieil anglais earm « pauvre » (allemand arm) ≠ anglais poor, emprunt à
l'anglo-normand pore (normand paur, dialectal pour)
• vieil anglais ierfe « héritage » (allemand Erbe) ≠ anglais heritage,
emprunt à l'anglo-normand ou à l'ancien français heritage
• vieil anglais lyft « air » (allemand Luft) ≠ anglais air, emprunt à l'anglo-
normand air
• vieil anglais hæleð / helið « héros » (allemand Held) ≠ anglais hero
emprunt au moyen français hero, heroes ou directement au latin heros
• vieil anglais here-toga « chef, général » (allemand Herzog « duc ») ≠
anglais chief, general, (duke), emprunts à l'anglo-normand ou à l'ancien
français
• vieil anglais ðeod, ðiod « peuple, nation, tribu » (allemand deut-sch),
folc, même sens (allemand Volk) ≠ anglais people, nation, tribe
Diffusion progressive du français
• A partir du XIIe siècle, production littéraire
abondante: chansons de geste, chansons de
trouvère, fabliaux, contes, ouvrages historiques,
biographies de saints, traductions de la Bible
• Vers la fin du XIIIe siècle, Louis IX (Saint Louis)
élargit son pouvoir territorial grâce à ses victoires
militaires  les fonctionnaires sont bilingues
(français – patois)  agents de diffusion du français
• Sous Philippe le Bel (neveu de Louis IX),
l’administration de la justice se fait en français
La France à la mort de Louis IX
(1270)
Production littéraire de l’ancien
français
• Littérature courtoise, produite par les jongleurs (troubadours et
trouvères) (les « lais »): Marie de France (années 1160-1180).
• Chanson de geste: Chrétien de Troyes (années 1160-1180): Lancelot ou
le Chevalier de la charrette, Yvain ou le Chevalier au lion.
• Tristan et Iseut (l’une des premières versions est celle de Béroul, vers
1180). Au XIIIe siècle, versions en prose (1230)
• Roman de Renart (1174-1250): contes (parodie de la chanson de geste
et des romans courtois)
• Fabliaux
• Littérature historique: Geoffroy de Villehardouin (La conquête de
Constantinople, 1207-1213); Jean de Joinville (Livre des saintes paroles
et bons faits de notre saint roi Louis)
• Rutebeuf (deuxième moitié du XIIIe siècle): abandon de la poésie
courtoise et évolution vers une poésie réaliste (son successeur le plus
connu sera Villon, au siècle suivant)
Moyen français
XIVe-XVe siècle
Guerre de Cent Ans et Peste
• XIV et XV siècle sont une période obscure pour la
France, à cause des guerres et des maladies
• 1328: Charles IV (dernier des Capétiens) meurt sans
héritier. Le roi d'Angleterre (Edouard III) prétend lui
succéder au trône de France, mais Philippe VI de Valois
(qui régna de 1328 à 1350) fut préféré par les princes
français (1337).
• Commence alors la guerre de Cent Ans (1337-1453), qui
suscite des conflits innombrables  épisode de Jeanne
d’Arc (libération d’Orléans, 1429)
• Ravages dans les campagnes  famine, peste
• La séparation de France et d’Angleterre aboutit à établir
l’anglais en Angleterre, le français en France
Le français se répand
• Pendant cette période, où les dialectes sont très forts, le
français se répand, porté par les opérations militaires, qui
favorisent le brassage des populations et des troupes, y
compris au Sud.
• 1490: Charles VIII émet une ordonnance imposant le
français dans les tribunaux
• 1539: François Ier, dans l’ordonnance de Villers-Cotterêts,
rendra l’emploi du français obligatoire dans toute
l’administration et la justice (éviction du latin administratif)
• L’enseignement universitaire à la Sorbonne exerce une
influence très forte sur les élites européennes (la moitié des
étudiants viennent de l’étranger)
• Double bilinguisme: latin-français (classes dominantes) et
français-patois (peuple)
Changements dans la langue
• Réduction des diphtongues et triphtongues  voyelles simples
• L’orthographe, quant à elle, se complique et a tendance à garder
la trace des anciennes prononciations
• oiseau, peau, fou, fleur, cœur, saoul
• On introduit le h à l’initiale pour distinguer U et V (huitre vs vitre; huis
vs vis)
• Introduction de la cédille
• Accents sur les voyelles (^, ˊ, ˋ)
• Perte de la déclinaison et fixation de l’ordre SVO
• Diffusion du pronom ON comme substitut de NOUS
• Régularisation de la conjugaison
• Latinisation de la langue (surtout pour les disciplines
scientifiques): à côté des mots existants, on emprunte un grand
nombre de latinismes savants (on calcule qu’à l’époque,
seulement 2% de la population pouvait lire)
La Renaissance
Débuts du français classique
XVI siècle
Guerres d’Italie, Réforme,
découvertes
• Pendant une soixantaine d’années (1494-1559), se déroulent
plusieurs batailles entre la France (François Ier) et l’empire
germanique (Charles V).
• Italomanie: l’Italie, bien en avance par rapport à la France,
influence l’art, l’architecture, la science, l’art militaire…
• Catherine de Médicis épouse Henri II (1533) et fait venir de
nombreux intellectuels italiens. Elle continue d’exercer son
influence pendant sa régence et le gouvernement de ses fils
• La réforme se base sur l’accès aux Écritures en langue nationale
(vs église catholique qui utilise le latin)  les Calvinistes et les
Huguenots font la promotion du français comme langue du culte
 guerres de religion (1562-1598; édit de Nantes, 1598)
• Explorations: François Ier envoie Jacques Cartier pour fonder un
empire colonial  découverte du Canada (1534), mais pas
d’implantation jusqu’au siècle suivant
François I er (1515-1547)
• Il poursuit les guerres d’Italie, promeut les explorations en
Amérique et réprime la réforme protestante
• 1539: ordonnance de Villers-Cotterêts rendant le français
langue juridique, administrative et judiciaire
• 1530: fondation du Collège Royal (qui deviendra le Collège
de France): enseignement en français de nombreux
intellectuels et écrivains (Guillaume Budé, Robert Estienne)
• 1538: fondation de l’Imprimerie Nationale – diffusion des
œuvres en français (face à l’interdiction de l’Eglise qui
n’admettait que le latin)
• Il protège les hommes de lettres (Clément Marot, Claude
Chappuys). Sa soeur, Marguerite de Navarre, écrit
l’Heptaméron et protège à son tour Rabelais
• Mécène: il fait venir Léonard de Vinci
Ordonnance de Villers-Cotterêts
• 110. Que les arretz soient clers et • [110. Afin qu'il n'y ait cause de
entendibles et afin qu'il n'y ayt cause douter sur l'intelligence des arrêts
de doubter sur l'intelligence desdictz de nos cours souveraines, nous
Arretz, nous voullons et ordonnons voulons et ordonnons qu'ils
qu'ilz soient faictz et escriptz si soient faits et écrits si clairement,
clerement qu'il n'y ayt ne puisse qu'il n'y ait ni puisse avoir
avoir aulcune ambiguite ou ambiguïté ou incertitude, ni lieu à
incertitude, ne lieu a en demander demander interprétation.
interpretacion.
• 111. Nous voulons que doresenavant • 111. Nous voulons donc que
tous arretz, ensemble toutes aultres dorénavant tous arrêts, et
procedeures, soient de noz courtz ensemble toutes autres
souveraines ou aultres subalternes procédures, soient de nos cours
et inferieures, soient de registres, souveraines ou autres
enquestes, contractz, commisions, subalternes et inférieures, soient
sentences, testamens et aultres des registres, enquêtes, contrats,
quelzconques actes et exploictz de testaments et autres quelconques
justice ou qui en deppendent, soient actes et exploits de justice ou qui
prononcez, enregistrez et delivrez en dépendent, soient prononcés,
aux parties en langaige maternel enregistrés et délivrés aux parties
francoys et non aultrement. en langage maternel françoys et
non autrement.]
Du Bellay et la Pléïade
• 1549: Du Bellay publie La Deffence et Illustration de la
Langue Francoyse
• Paru 10 ans après l’ordonnance de Villers-Cotterêts
(reconnaissance envers François Ier qui a fondé le Collège de
France et une bibliothèque royale)
• Défense du français comme langue de la littérature
• Nécessité d’introduire de nouveaux mots, mais en les
adaptant au français
• Possibilité d’égaler les Anciens par l’imitation de leurs formes
littéraires
• Avec d’autres poètes (dont Ronsard, le fondateur), il fait
partie de la Pléiade (1553), mouvement poétique visant
à rendre le français autonome du latin, afin de le
répandre.
Défense et illustration de la
langue française
• Et qui voudra de bien près y regarder, trouvera que notre langue française n'est
si pauvre qu'elle ne puisse rendre fidèlement ce qu'elle emprunte des autres ; si
infertile qu'elle ne puisse produire de soi quelque fruit de bonne invention, au
moyen de l'industrie et diligence des cultivateurs d'icelle, si quelques-uns se
trouvent tant amis de leur pays et d'eux-mêmes qu'ils s'y veuillent employer.
Mais à qui, après Dieu, rendrons-nous grâces d'un tel bénéfice, sinon à notre feu
bon roi et père François premier de ce nom, et de toutes vertus ? Je dis premier,
d'autant qu'il a en son noble royaume premièrement restitué tous les bons arts
et sciences en leur ancienne dignité : et si a notre langage, auparavant scabreux
et mal poli, rendu élégant, et sinon tant copieux qu'il pourra bien être, pour le
moins fidèle interprète de tous les autres. Et qu'ainsi soit, philosophes,
historiens, médecins, poètes, orateurs grecs et latins, ont appris à parler
français. Que dirai-je des Hébreux ? Les saintes lettres donnent ample
témoignage de ce que je dis. Je laisserai en cet endroit les superstitieuses
raisons de ceux oui soutiennent que les mystères de la théologie ne doivent être
découverts, et quasi comme profanés en langage vulgaire, et ce que vont
alléguant ceux qui sont d'opinion contraire. Car cette disputation n'est propre à
ce que j'ai entrepris, qui est seulement de montrer que notre langue n'a point
eu à sa naissance les dieux et les astres si ennemis, qu'elle ne puisse un jour
parvenir au point d'excellence et de perfection aussi bien que les autres,
attendu que toutes sciences se peuvent fidèlement et copieusement traiter en
icelle, comme on peut voir en si grand nombre de livres grecs et latins, voire
bien italiens, espagnols et autres traduits en français par maintes excellentes
plumes de notre temps.
Lexicographes et Grammairiens
1539: Robert Estienne publie le Dictionnaire Francois latin contenant les motz et manieres de
parler françois tournez en latin (9000 mots français, chacun suivi d'une définition en latin; la
seconde édition passera à 13 000 entrées).
1530: John Palsgrave publie Lesclaircissement de la langue françoyse (en anglais).
Précédemment, les grammairiens écrivaient en latin.
Il introduit la terminologie française: adjectif, conjonction, adverbe, conjugaison, terminaison,
etc.
1550: Louis Meigret: Tretté de la grammaire francoeze, fet par Louis Meigret Lionoes.
Première grammaire en français. Tentative d’introduire une orthographe phonétique
(symboles nouveaux). Meigret est le premier à utiliser les adjectifs français et française (au
lieu de françois/françoise) pour désigner la langue.
1578: Honorat Rambaud publie La Declaration des Abus que l'on commet en escrivant Et le
moyen de les euiter, & de représenter nayuement les paroles: ce que iamais homme n'a faict,
où il propose à son tour une réforme de l’orthographe basée sur les sons prononcés (24
nouvelles lettres, alphabet de 52 lettres). – Peu d’influence. On préfère garder une
orthographe étymologique, dont l’avantage c’est qu’elle est immuable
1562: Gramere de Pierre de la Ramée (Petrus Ramus), sous la forme d’un dialogue
pédagogique entre un maître et son élève. Il a proposé des réformes grammaticales avec la
distinction de la lettre u et de la lettre v (confondues à cette époque), ainsi que des trois «e» :
e, é (accent aigu) et è (accent grave).
Page de la
grammaire
d’Honorat
Rambaud
Accueil de mots nouveaux
• Les mots nouveaux sont surtout des italianismes (on en
compte plus de 8000 à l’époque)
• Riz, porcelaine, galerie, trafic, brigand, police, arsenal,
escrime, banque, cavalier, infanterie, violon, ballet, ombrelle,
Pommade, balcon, gondole, sorbet, sérénade, appartement,
opéra, coupole, violoncelle, piano, mandoline
• Il y a aussi des mots issus des découvertes des colonies
• Pépite, mélasse, nègre, savane, cannibale, chocolat, tabac,
caramel, sieste, cigare, tomate, aubergine, cacahuète, maïs,
cacao, ananas, mandarine, avocat, coyote, abricot, pastille,
vanille
• Parallèlement, il y a une grande vogue des latinismes,
avec la création de «doublets» savants de mots
populaires
Ecrivains
• C’est à partir de cette époque qu’il y a une
production importante en français
• Poésie: Pierre de Ronsard, Clément Marot, Joachym
Du Bellay, François Malherbe
• Prose: François Rabelais, Michel de Montaigne
Le Grand Siècle
Français Classique
XVIIe siècle
Le pouvoir royal
• Henri IV (1553-1610): Absolutisme royal (1589-1610)
• 1598: Edit de Nantes, donnant la liberté de culte aux
protestants et mettant un terme aux guerres de religion
• 1601-1643 : Louis XIII avec le cardinal de Richelieu pour
principal ministre (1610-1640: Régence de Marie de
Médicis) renforcement de l’autorité royale (monarchie
absolue)
• 1638-1715: Louis XIV (Roi-Soleil), (1643-1651: Régence
d’Anne d’Autriche) – Ministre Cardinal Mazarin, puis Colbert
 expansion territoriale en France et à l’extérieur
• Imposition du français dans les actes officiels et comme
langue de l’école
• Très grand prestige de l’armée mais puissance navale
modeste (45 bateaux à la mort du roi)
L’Académie française et la
standardisation de la langue
• 1634: Richelieu crée l’Académie française (sur le modèle de l’Accademia
della Crusca)
• Sa mission (assignée par lettres patentes de Louis XIII): travailler à
« donner des règles certaines à notre langue et à la rendre pure,
éloquente et capable de traiter les arts et les sciences »
• Instrument: faire un dictionnaire, une grammaire, une rhétorique et une
poétique
• le Dictionnaire de l'Académie française (première édition publiée en
1694) – 17500 entrées
• Le dictionnaire va retenir ou rejeter les mots de la langue et fournir ainsi
un « standard » normatif à diffuser
• Français « idéal », pas de description du français réel  peu suivi
• Temps de composition très long: la neuvième édition, commencée en
1986, est actuellement arrivée à la lettre S
• La Grammaire de l’Académie française ne sera publiée qu’en 1935
Dictionnaire de l’Académie 1694
• Préface
C'est dans cet estat [de perfection] où la Langue
Françoise se trouve aujourd'huy qu'a esté composé ce
Dictionnaire; & pour la representer dans ce mesme estat,
l'Académie a jugé qu'elle ne devoit pas y mettre les vieux
mots qui sont entierement hors d'usage, ni les termes des
Arts & des Sciences qui entrent rarement dans le
Discours; Elle s'est retranchée à la Langue commune,
telle qu'elle est dans le commerce ordinaire des
honnestes gens, & telle que les Orateurs & les Poëtes
l'employent; Ce qui comprend tout ce qui peut servir à la
Noblesse & à l'Elegance du discours."
Avant l’Académie: Jean Nicot
• Thresor de la langue françoyse tant
ancienne que moderne, auquel entre
autres choses sont les mots propres
de marine, venerie et fauconnerie
(1606) de Jean Nicot et Aimar de
Ranconnet
• Premier dictionnaire entièrement en
français (sans passer par le latin)
• Classement des mots par familles et
non par ordre alphabétique
• Etiquettes d’usage données par des
phrases entières (non pas « vulg. »
mais « sonne toujours mal
[beuverie]»)
• Indications sur le «bon usage»
Autres lexicographes
• 1680: Dictionnaire françois contenant les mots et les choses,
publié à Genève par César-Pierre Richelet (1626-1698) –
environ 20 500 entrées. Il admet les mots bas (populaires)
• 1690: Dictionnaire universel d'Antoine Furetière (1619-
1688), publié aux Pays-Bas, à La Haye.
• Ce dictionnaire comprend les termes dialectaux, les mots «bas» et
les termes scientifiques.
• Précurseur: ouvrage de type encyclopédique (articles parfois très
longs)
• 45000 mots, considéré comme le meilleur dictionnaire du XVIIe
siècle
• Il inspira les rédacteurs de l’Encyclopédie
• 1704: Dictionnaire Universel François & Latin dit de Trévoux
Dictionnaire de Richelet 1680
• Avertissement
J'ai fait un Dictionnaire François afin de rendre quelque service aux
honnêtes gens qui aiment notre Langue. Pour cela j'ai lu nos plus excellens
Auteurs, & tous ceux qui ont écrit des Arts avec réputation. J'ai composé
mon livre de leurs mots les plus-reçus, aussi-bien que de leurs expressions
les plus-belles. […]
En faveur des Etrangers, on a ajouté aux mots, & aux phrases des bons
Ecrivains le genre de chaque nom avec la terminaison féminine des
adjectifs, & l'on en a donné des exemples. On a expliqué les diverses
significations d'un même mot, […]
Pour rendre l'ouvrage encore plus-utile, on y fait entrer les termes
ordinaires des Arts, & presque toutes les remarques qui jusques ici ont été
faites sur la Langue. On montre le diférent usage des mots, leur aplication
dans les divers stiles, & la maniere dont on les doit prononcer lorsqu'ils ne
se prononcent pas comme ils s'écrivent.
Dictionnaire de Furetière (1690
posthume)
• Préface
Mais pour Mr. Furetiere, il ne s'est pas proposé les termes
du beau langage, ou du stile à la mode, plus que les
autres. Il ne les a fait entrer dans sa Compilation que
comme des parties du tout qu'il avoit enfermé dans son
dessein. De sorte que le langage commun n'est icy qu'en
qualité d'accessoire. C'est dans les termes affectez aux
Arts, aux Sciences, et aux professions, que consiste le
principal. Outre cela, l'Auteur a declaré publiquement,
qu'il ne pretendoit rien à la fonction speciale et
essentielle de Messieurs de l'Academie; Qu'il ne donnoit
son Dictionaire que comme provisionnel, […] et qu'il ne
pretendoit rien decider sur la langue.
• Furetière, Préface du
Dictionnaire
Les Grammairiens
• Le XVIIe siècle est le siècle des «Remarqueurs» (>100): des auteurs qui font de
la grammaire sous forme de «remarques» sur des points spécifiques, litigieux.
Ouvrages peu systématiques, à la différence des grammaires structurées
• Notion de «bon usage»: on sélectionne un usage (celui de la cour) et on le
propose comme modèle pour tous les Français  visée normative
• Claude Fabre de Vaugelas (1585-1659), publia en 1647 les Remarques sur la
langue française
• Considéré comme le grammairien le plus important de l’époque, c’est lui qui a introduit la
notion de bon usage:
• « Le mauvais se forme du plus grand nombre de personnes, qui presque en toutes
choses n'est pas le meilleur, et le bon au contraire est composé non pas de la
pluralité, mais de l'élite des voix, et c'est véritablement celui que l'on nomme le
maître des langues. Voici donc comment on définit le bon usage : c'est la façon de
parler de la plus saine partie de la Cour. »
• 1660: Grammaire de Port-Royal (Antoine Arnault et Claude Lancelot:
Grammaire générale et raisonnée contenant les fondemens de l'art de
parler, expliqués d'une manière claire et naturelle). Grammaire élaborée à
l’intérieur du courant janséniste à l’usage des jeunes. Il s’agit d’une grammaire
philosophique, qui aura beaucoup d’influence sur Chomsky, au XXe siècle
Vaugelas, Remarques
Grammaire de Port-Royal 1660
La préciosité
• Mouvement artistique / mode littéraire qui a introduit des changements dans la
langue
• Origine: des rencontres de dames dans leur chambre à coucher, puis dans des
salons, pour discuter, lire des poèmes etc.
• Moquées par Molière dans Les Précieuses ridicules (1659)
• Lexique: chasse aux mots «bas» (sonorités ou sens désagréables, vulgaires etc.)
et introduction de néologismes ou de périphrases métaphoriques «nobles»
• Expressions qui ont subsisté: châtier la langue (la surveiller), billet doux (message
d’amour), le mot me manque (ne pas savoir quoi dire), être brouillé avec quelqu’un
(fâché), avoir de l’esprit (humour), briller dans la conversation (trouver de bons mots),
féliciter qqn., enthousiasmer, incontestable, furieusement (très), s’encanailler, pommade,

• Expressions abandonnées: « le conseiller des grâces » (miroir), « le visage de l’âme »
(discours), « donner dans l’amour permis » (se marier), « les miroirs de l'âme » (yeux),
importamment (de manière importante)
• Orthographe: simplifications retenues par l’Académie (suppression de lettres
non prononcées, réduction des graphèmes pour un même phonème)
• P. ex. autheurs  auteurs ; respondre  répondre, aisné  aîné
Le français classique
• Simplification de la langue
• Lexique appauvri
• Langue raffinée, élégante
• Ordre rigoureux et strict imposé par la Cour, ordre
social, formes de politesse dans la conversation et dans
la correspondance
• Mots nobles vs mots populaires, réalistes; interdiction
des proverbes dans les textes littéraires
• Exclusion des termes techniques, des mots de la
science
• Vocabulaire de l’honnête homme : précision
sémantique
Changements instables
• Langue écrite: assez semblable au français actuel (les textes nous
sont directement accessibles sans traduction)
• Beaucoup de lettres non prononcées (vostre  votre, maistre 
maître, mesme  même, je dist  je dis…). Distinction
inexistante entre V et U. V au début du mot (VNE – VNIS – VIN), U
à l’intérieur (NOUS DEUONS, ESCRIUAIN)
• Prononciation aristocratique vs populaire:
• chute des consonnes finales (aristocratique): mouchoi, plaisi, couri,
ifaut, i(l)s ont [izont], not(r) [not] (mouchoir, plaisir, courir, il faut, ils ont,
notre [notre])
• Suppression du «e» dans des mots comme désir, désert, secret
(prononcés [dzir], [dzèr], [skrè])
• prononciation de l'ancienne diphtongue oi (prononcé [we] ou [wɛ]):
moi [mwe], toi, [twe], roi [rwe], croire [krwɛr], boire [bwɛr], François
[franswɛ] (prénom et nom de peuple). Imparfait et conditionnel en OI,
prononcé [wɛ]: je faisois, tu dirois, ils venoient…)
• Dans le cas de OI, le peuple était déjà passé à la prononciation [wa]
Progression lente du français
• «Français du roy»: 1% de la population
• 99% d’analphabètes – éducation réservée aux riches. L’église
dispense l’enseignement du catéchisme en patois
• Catégories de locuteurs:
• Francisants: individus ayant une connaissance active de l'une des
variantes du français populaire (français du peuple), marqué de
provincialismes, d'expressions argotiques et d'archaïsmes: Centre à
Paris et dans la région environnante, employés dans la plupart des
villes du Nord.
• Semi-patoisants: locuteurs du patois avec une connaissance passive
du français populaire. Principalement dans les régions d'oïl du nord
de la France (Normandie, Champagne, Picardie, Loire, Poitou,
Bourgogne). Population urbaine ou périurbaine (pas à la
campagne). Dans les régions d'oc, bonne compétence passive mais
mauvaise compétence active, même chez les notables.
• Patoisants: locuteurs unilingues, sans compétence passive ou active
du français: population rurale
• Témoignage de Racine
(lettre à Lafontaine,
11 novembre 1661)
Autres changements
• Unification de la prononciation:
• Prononciation claire et nette
• Code basé sur la pronociation de Paris
• Dénasalisation des voyelles devant consonne nasale (ex.
Homme)
• -ill- commence à etre prononcé [j] (ex. fille) dans la
petite bourgeoisie parisienne
• l’Académie fixe certains mots (ex.
Formage/fromage; matelas/materas,
corbeau/courbeau; arroser/arrouser)
Le français hors d’Europe
• Implantation du français en Amérique du Nord
(Nouvelle France), aux Antilles, dans l’Océan Indien, en
Afrique

• (1534: Jacques Cartier explore le Canada)


• 1604 : Samuel Champlain fonde «Port-Royal en Acadie»
(Nouvelle Ecosse)
• 1608 : ville de Québec
• 1634-1640 : Guyane, Martinique Guadeloupe, Réunion,
Madagascar
• 1682: Louisiane
Français populaire au Canada;
Créoles (français approximatif des esclaves; Antilles)
Le français langue internationale
• Beaucoup de prestige à l’étranger (Royaume Uni principalement)
• Langue diplomatique remplaçant le latin
• Traité de Nimègue (10 août 1678): usage controversé (témoignage de Limojon de Saint
Disdier vs recherches de Ferdinand Brunot)  textes en latin et plurilingues
• Différend entre la France et l’empire (Mayence, 1682)
• 1714: Traité de Rastadt: premier traité rédigé uniquement en français  avec une réserve
écrite concernant les droits de la langue latine et l’emploi temporaire du français
• On garde cette mention de réserve dans tous les traités, jusqu’en 1763 (traité de
Hubertsbourg, traité de Paris)  le Français devient la langue de la diplomatie jusqu’en
1919 (traité de Versailles, rédigé en français et en anglais  débuts de la suprématie
anglophone
• 1946: à la création de l’ONU, le français est voté comme langue de travail à côté de
l’anglais (1 voix de majorité)
• Raisons:
• La Renaissance avait balayé le latin «vivant» du Moyen-Âge avec ses néologismes et avait
renoué avec le latin classique  langue morte, qu’on ne pouvait pas utiliser pour parler de
sujets actuels  risques d’ambiguïté
• Les accents différents rendaient le latin parlé par les uns inintelligible par les autres
• Présence de ministres ou de fonctionnaires français dans les cours européennes
• Niveau avancé de standardisation du français par rapport aux autres langues  faible
risque d’ambiguïté
• Témoignage du grammairien jésuite, Dominique
Bouhours (1628-1702) :
« Il n'y a guère de pays dans l'Europe où l'on n'entende le françois
et il ne s'en faut rien que je ne vous avoue maintenant que la
connaissance des langues étrangères n'est pas beaucoup
nécessaire à un François qui voyage. Où ne va-t-on point avec
notre langue? »
Le Siècle des Lumières
1715 (Mort de Louis XIV) – 1789 (Révolution
française)
Société et monarchie
• État critique des finances de l’état: dépenses et faiblesse du
régent Philippe d’Orléans, de Louis XV et de Louis XVI
• Émergence de la bourgeoisie manufacturière (richesse,
pouvoir, revendications)
• Diffusion de la presse dans la société (journaux + littérature
«poissarde»)
• Classe intellectuelle: philosophes et savants (L’Encyclopédie,
Diderot, D’Alembert, Voltaire, Rousseau): diffusion de la
pensée rationaliste et conflit avec l’Eglise
• Libéralisme et parlementarisme anglais (diffusé en
particulier par Montesquieu)
• Guerre d’Indépendance américaine (1775-1782) et diffusion
des idéaux de liberté
Progression du français
• Population: 25 millions
• Francisants: 3 millions (français populaire)
• Le rapport entre francisants (français populaire), semi-
patoisants et patoisants se maintient, mais le français
est de plus en plus compris
• Qualité du réseau routier  communications facilitées
(notamment en zone d’oïl)
• Manufactures, transports et migrations internes vers les villes
 brassage de la population
• Diffusion d’une littérature «de colportage» bon marché
(Bibliothèque bleue, Epinal), en français
• Glissement de la norme (bon usage): du «français du roy» on
va vers celui de la bourgeoisie parisienne
• Régions du Sud: patois comme forme unique et français
comme langue seconde pour les notables
L’Encyclopédie (1751-1772;
Diderot & D’Alembert)
• PATOIS PATOIS, (Gramm.) langage corrompu tel qu'il se parle presque
dans toutes les provinces : chacune a son patois ; ainsi nous avons le
patois bourguignon, le patois normand, le patois champenois, le patois
gascon, le patois provençal, &c. On ne parle la langue que dans la
capitale. Je ne doute point qu'il n'en soit ainsi de toutes les langues
vivantes, & qu'il n'en fût ainsi de toutes les langues mortes. Qu'est-ce
que les différens dialectes de la langue greque, sinon les patois des
différentes contrées de la Grece?
Enseignement du français
• L’école est encore réservée aux élites. L’église s’adresse aux
fidèles en patois local
• Les maîtres sont de condition très basse (sacristains le plus
souvent)
• 1738: introduction de l'enseignement de la grammaire, de
l'écriture et de la lecture (mais d’abord en latin)
• années 1760: progression de l'enseignement du français
(surtout garçons urbains).
• Filles: très peu (sauf les bonnes familles  précepteur)
• Années 1780 : à Paris, 40 % des domestiques possédaient
des livres en français. Dans les villes, 90 % des hommes et
80 % des femmes pouvaient signer un testament, donc en
français.
Voltaire, lettre à M. Damilaville
er
(1 avril 1766)
Je crois que nous ne nous entendons pas sur l’article du peuple,
que vous croyez digne d’être instruit. J’entends, par peuple, la
populace qui n’a que ses bras pour vivre. Je doute que cet ordre
de citoyens ait jamais le temps ni la capacité de s’instruire ; ils
mourraient de faim avant de devenir philosophes. Il me paraît
essentiel qu’il y ait des gueux ignorants. Si vous faisiez valoir,
comme moi, une terre, et si vous aviez des charrues, vous seriez
bien de mon avis. Ce n’est pas le manœuvre qu’il faut instruire,
c’est le bon bourgeois, c’est l’habitant des villes : cette entreprise
est assez forte et assez grande.
Evolution de la langue
• Simplification de la phrase
• Prononciation: rétablissement des consonnes
finales (finir, tiroir, il faut) sur la pression de l’écrit
• Orthographe: É remplace la graphie ES (despit >
dépit; mesgarde > mégarde)
• Orthographe «moderne» entérinée par la IV édition
du Dictionnaire de l’Académie Française (1762)
• Enrichissement lexical très fort (surtout domaines
de la vie pratique et des sciences et techniques – cf.
Encyclopédie)
Enrichissement de la langue
• Mots de la vie mondaine : mode, véhicules (ex. berline,
cabriolet, dormeuse), mobilier (divan, sofa, )
• Mots naturels et populaires (expressions populaires, genre
«poissard»)
• Termes de l’agriculture et du commerce : agronomie,
excédent, primeur, trafic, négoce
• Finance: bourse, cote, transfert
• Vocabulaire psychologique (sensation, sensibilité,
sentiment)
• ANGLOMANIE (Angleterre comme modèle: Montesquieu,
Voltaire): emprunts lexicaux (redingote, motion, vote,
session, jury, pair, budget ) vs GALLOMANIE
• Mots venus des colonies (patate, truffe, pomme de terre…)
Dictionnaires du XVIII e siècle
• 1704 : Dictionnaire universel de Trévoux (édition des Jésuites du Furetière)
• 1718: Dictionnaire de l’Académie (2e édition)
• 1740: Dictionnaire de l’Académie (3e édition)
• 1762: Dictionnaire de l’Académie (4e édition)
• 1798: Dictionnaire de l’Académie (5e édition)
• 1751-1772 : l’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts, des
métiers (Diderot et D’Alembert)
«un bon dictionnaire doit avoir pour but de changer la façon commune de
penser. » (Diderot)

• 1788 : Dictionaire critique de la langue française (Abbé Féraud): introduction


d’importantes rectifications orthographiques
• Suppression de toutes les consonnes géminées (dictionaire, gramaire, aplication, diférent,
persone, afirmatif, atention, doner, etc.)
• accent sur certaines voyelles allongées (phrâse, pâsser, faûsse, aûtre, chôse, encôre, ôser,
etc.)
• Remarques sur la prononciation, qui nous informent sur l’évolution de la prononciation à
cette époque
• Exemples d’auteurs (vs Académie qui utilise souvent des exemples fabriqués)
Féraud, Dictionnaire critique
La «gallomanie»
• Les aristocrates de toute l’Europe sont francophiles
• Prestige de Louis XIV et conquêtes françaises
• Éducation en français, parfois cour et vêtements à la française (p. ex. en Suède)
• Langue de la diplomatie: usage du français même en l’absence d’un traité
• Des centaines d’emprunts au français
• Concours de l’Académie de Berlin sur l’universalité du français:
• 1783: Antoine de Rivarol gagne le concours avec son Discours sur l’universalité
de la langue française
• « Mais cette honorable universalité de la langue française, si bien reconnue et si
hautement avouée dans notre Europe, offre pourtant un grand problème. Elle
tient à des causes si délicates et si puissantes à la fois que, pour les démêler, il
s'agit de montrer jusqu'à quel point la position de la France, sa constitution
politique, l'influence de son climat, le génie de ses écrivains, le caractère de ses
habitants, et l'opinion qu'elle a su donner d'elle au reste du monde, jusqu'à quel
point, dis-je, tant de causes diverses ont pu se combiner et s'unir pour faire à
cette langue une fortune si prodigieuse ».
• C’est à partir de ce moment que le français commence à reculer dans le
monde
• 1763: perte du Canada, de la Louisiane, de la Guadeloupe, de la Martinique, de
la Dominique, de la Grenade, de Tobago, de Sainte-Lucie, de Saint-Vincent et de
Pondichéry
• 1789: Révolution française (contre l’aristocratie, classe qui utilisait le français)
Révolution française et
e
XIX siècle
De la Révolution jusqu’à 1870
• Période de grands changements politiques, économiques et technologiques
- 1789-1799: la Révolution française
- 1799-1814: le Consulat et l'Empire (Napoléon)
- 1814-1830: la Restauration (Louis XVIII, Charles X)
- 1830-1848: la monarchie de Juillet (Louis-Philippe)
- 1848-1852: la IIe République
- 1852-1870: le Second Empire (Napoléon III)
- 1870: la IIIe République
• Disparition de l’aristocratie, le pouvoir passe à la bourgeoisie
• Nationalismes et création des états indépendants / unitaires (Grèce, Belgique,
Serbie, Bulgarie, Italie, Allemagne)
• Expansion coloniale en direction de l’Afrique (1830: conquête d’Alger)
• A l’origine de la révolution (1789), il y a les impôts introduits pour payer les frais
des guerres (> 8 milliards d’euros actuels) pour les colonies américaines
(perdues).
• Etas généraux convoqués en 1788  le tiers état réclame une constitution et
l’abolition des impôts  révoltes populaires
• La révolution est réalisée par le peuple, mais dirigée par la bourgeoisie, qui finit
par s’emparer du pouvoir
Unification linguistique et lutte
contre les patois
• La proclamation de la république «une et indivisible», ainsi que la devise
républicaine «Liberté, Egalité, Fraternité» ont pour conséquence l’imposition de
la langue nationale «une et indivisible» comme condition d’égalité des citoyens
devant la loi («nul n’est censé ignorer la loi»)
• Progression du statut du français comme langue de la Nation, partie essentielle
de sa culture, et pas comme simple instrument de communication
• Lutte contre les patois et la langue basse
• Les patois sont le signe du morcellement territorial et du pouvoir aristocratique
• Les révolutionnaires sont des bourgeois instruits en français (les «Lumières») et méprisent la
langue du peuple
• Recherche des moyens actifs de détruire les patois et d’imposer le français
• Influence de l’anglais (via le modèle de sa constitution) sur le français (emprunts)

• Tout le monde n’est pas du même avis: cf. l’encyclopédiste Marmontel:


Dans cette espèce d'aristocratie composée de deux puissances souvent contraires l'une à l'autre, on
ne savait à laquelle obéir. Le peuple, dit-on, s'exprime ainsi. Eh bien, alors, le peuple s'exprime
noblement. [...] Par quelle vanité voulons-nous que, dans... notre «langue», tout ce qui est à l'usage
du peuple contracte un caractère de bassesse et de vileté? Faut-il qu'une reine dise bonjour en
d'autres termes qu'une villageoise?
Du plurilinguisme…
• A la date de la révolution française, le français est encore
largement inconnu (compétence active, notamment)
• Au début (1789-1793) on est favorable au maintien des dialectes:
conviction que le multilinguisme est un droit
• 1790: proposition (acceptée) du député François-Joseph
Bouchette de «faire publier les décrets de l'Assemblée dans tous
les idiomes qu'on parle dans les différentes parties de la France».
• Les traductions sont faites principalement à Paris et, en partie, en
province mais cela prend de plus en plus de retard
• 1792: la Convention nomme une commission pour accélérer les
traductions.
• la traduction fut rapidement abandonnée
• manque de traducteurs
• coûts financiers
• absence réelle de vouloir conserver les langues régionales
… à la chasse aux patois
• Une partie des révolutionnaires pense que les
patois sont un obstacle à la diffusion des idées
révolutionnaires
• 1794: Bertrand Barère, membre du Comité de Salut
Public, présente un «rapport sur les idiomes» où il
attaque les patois et exige l’enseignement de la
langue nationale
• La Convention vote l’envoi d’instituteurs de français
dans chaque commune rurale (mesure réalisée en
partie seulement)
Extrait du Rapport sur les Idiomes
Si je parlais à un despote, il me blâmerait ; dans la monarchie même chaque maison, chaque commune,
chaque province, était en quelque sorte un empire séparé de mœurs, d'usages, de lois, de coutumes et de
langage. Le despote avait besoin d'isoler les peuples, de séparer les pays, de diviser les intérêts,
d'empêcher les communications, d'arrêter la simultanéité des pensées et l'identité des mouvements. Le
despotisme maintenait la variété des idiomes : une monarchie doit ressembler à la tour de Babel ; il n'y a
qu'une langue universelle pour le tyran : celle de la force pour avoir l'obéissance, et celle des impôts
pour avoir de l'argent.
Dans la démocratie, au contraire, la surveillance du gouvernement est confiée à chaque citoyen ; pour le
surveiller il faut le connaître, il faut surtout en connaître la langue.
Les lois d'une République supposent une attention singulière de tous les citoyens les uns sur les autres, et
une surveillance constante sur l'observation des lois et sur la conduite des fonctionnaires publics. Peut-
on se la promettre dans la confusion des langues, dans la négligence de la première éducation du peuple,
dans l'ignorance des citoyens ?
D'ailleurs, combien de dépenses n'avons-nous pas faites pour la traduction des lois des deux premières
assemblées nationales dans les divers idiomes parlés en France ! Comme si c'était à nous à maintenir ces
jargons barbares et ces idiomes grossiers qui ne peuvent plus servir que les fanatiques et les contre-
révolutionnaires !
Laisser les citoyens dans l'ignorance de la langue nationale, c'est trahir la patrie ; c'est laisser le torrent
des lumières empoisonné ou obstrué dans son cours ; c'est méconnaître les bienfaits de l'imprimerie, car
chaque imprimeur est un instituteur public de langue et de législation.
L’abbé Grégoire
• 1790-92: l’abbé Grégoire réalise une enquête sur l’usage de
la langue française en France à travers des questionnaires
envoyés aux préfets
• Résultats affligeants: sur 28 millions de personnes
• 3 millions parlent «purement» le français (15 départements sur 83)
• 6 millions ignorent la langue nationale
• 6 millions ne sont pas capables de suivre une conversation suivie en
français
• Grégoire recense au moins 30 patois différents, en plus des langues
allemande et italienne
• 1794: «Rapport sur la nécessité et les moyens d'anéantir les
patois et d'universaliser l'usage de la langue française ».
• Il y préconise l’enseignement généralisé du français, la diffusion
d’opuscules et de chansons en français et arrive même à demander
que les jeunes voulant se marier prouvent qu’ils savent parlent, lire
et écrire le français comme condition pour que le mariage puisse
avoir lieu.
• 1. L'usage de la langue française est-il universel dans votre contrée. Y parle-t-on un ou plusieurs patois ?

• 2. Ce patois a-t-il une origine ancienne et connue ?

• 3. A-t-il beaucoup de termes radicaux, beaucoup de termes composés ?

• 4. Y trouve-t-on des mots dérivés du celtique, du grec, du latin, et en général des langues anciennes et modernes ?

• 5. A-t-il une affinité marquée avec le français, avec le dialecte des contrées voisines, avec celui de certains lieux éloignés, où des émigrants, des colons de votre contrée sont allés anciennement s'établir ?

• 6. En quoi s'éloigne-t-il le plus de l'idiome national ? N'est-ce pas spécialement pour les noms des plantes, des maladies, les termes des arts et métiers, des instruments aratoires, des diverses espèces de
grains, du commerce et du droit coutumier ? On désirerait avoir cette nomenclature.

• 7. Y trouve-t-on fréquemment plusieurs mots pour désigner la même chose ?

• 8. Pour quels genres de choses, d'occupations, de passions, ce patois est-il plus abondant ?

• 9. A-t-il beaucoup de mots pour exprimer les nuances des idées et les objets intellectuels ?

• 10. A-t-il beaucoup de termes contraires à la pudeur ? Ce que l'on doit en inférer relativement à la pureté ou à la corruption des mœurs ?

• 11. A-t-il beaucoup de jurements et d'expressions particulières aux grands mouvements de colère ?

• 12. Trouve-t-on dans ce patois des termes, des locutions très-énergiques, et même qui manquent à l'idiome français ?

• 13. Les finales sont-elles plus communément voyelles que consonnes ?

• 14. Quel est le caractère de la prononciation ? Est-elle gutturale, sifflante, douce, peu ou fortement accentuée ?

• 15. L'écriture de ce patois a-t-elle des traits, des caractères autres que le français ?

• 16. Ce patois varie-t-il beaucoup de village à village ?

• 17. Le parle-t-on dans les villes ?

• 18. Quelle est l'étendue territoriale où il est usité ?

• 19. Les campagnards savent-ils également s'énoncer en français ?

• 20. Prêchait-on jadis en patois ? Cet usage a-t-il cessé ?

• 21. A-t-on des grammaires et des dictionnaires de ce dialecte ?

• 22. Trouve-t-on des inscriptions patoises dans les églises, les cimetières, les places publiques, etc. ?

• 23. Avez-vous des ouvrages en patois imprimés ou manuscrits, anciens ou modernes, comme droit coutumier, actes publics, chroniques, prières, sermons, livres ascétiques, cantiques, chansons, almanachs,
poésie, traductions, etc. ?

• 24. Quel est le mérite de ces divers ouvrages ?

• 25. Serait-il possible de se les procurer facilement ?

• 26. Avez-vous beaucoup de proverbes patois particuliers à votre dialecte et à votre contrée ?

• 27. Quelle est l'influence respective du patois sur les mœurs et de celles-ci sur votre dialecte ?

• 28. Remarque-t-on qu'il se rapproche insensiblement de l'idiome français, que certains mots disparaissent, et depuis quand ?

• 29. Quelle serait l'importance religieuse et politique de détruire entièrement ce patois ?

• 30. Quels en seraient les moyens ?

• 31. Dans les écoles de campagne, l'enseignement se fait-il en français ? Les livres sont-ils uniformes ?

• 32. Chaque village est-il pourvu de maîtres et de maîtresses d'école ?

• 33. Outre l'art de lire, d'écrire, de chiffrer et le catéchisme, enseigne-t-on autre chose dans ces écoles ?
Extrait du Rapport de Grégoire
La féodalité, qui vint ensuite morceler ce beau pays, y conserva soigneusement
cette disparité d'idiomes comme un moyen de reconnaître, de ressaisir les serfs
fugitifs et de river leurs chaînes. Actuellement encore, l'étendue territoriale où
certains patois sont usités, est déterminée par les limites de l'ancienne domination
féodale. C'est ce qui explique la presque identité des patois de Bouillon et de
Nancy, qui sont à 40 lieues de distance et qui furent jadis soumis aux mêmes
tyrans ; tandis que le dialecte de Metz, situé à quelques lieues de Nancy, en diffère
beaucoup, parce que, pendant plusieurs siècles, le pays Messin, organisé dans une
forme républicaine, fut en guerre continuelle avec la Lorraine.
Il n'y a qu'environ quinze départements de l'intérieur où la langue française soit
exclusivement parlée ; encore y éprouve-t-elle des altérations sensibles, soit dans
la prononciation, soit par l'emploi des termes impropres et surannés, surtout vers
Sancerre, où l'on retrouve une partie des expressions de Rabelais, Amyot et
Montaigne.
Nous n'avons plus de provinces, et nous avons encore environ trente patois qui
en rappellent les noms.

Dans certains cantons de la Suisse, celui qui veut se marier doit préalablement
justifier qu'il a son habit militaire, son fusil et son sabre. En consacrant chez nous
cet usage, pourquoi les futurs époux ne seraient-ils pas soumis à prouver qu'ils
savent lire, écrire et parler la langue nationale ?
La terreur linguistique
• 1793: suppression des Académies (Académie française,
Académie de peinture et sculpture, Académie des
inscriptions et belles-lettres, Académie des sciences,
Académie de musique, Académie d'architecture). Elles
seront réunies, en 1794, dans l’Institut de France
• 20 juillet 1794: loi linguistique. La période de la Terreur
(1793-94), avec ses exécutions de masse, essaie également
d’imposer l’usage du français par la force, et de punir les
fonctionnaires qui ne respecteraient pas cette loi (prison +
destitution)
• La destitution de Robespierre suspendra cette loi qui n’aura
qu’un effet modeste
• Il faudra attendre la scolarisation de masse pour que le
français se répande
Loi linguistique du 2 thermidor, an
II
Article 1er
À compter du jour de la publication de la présente loi, nul acte public ne pourra, dans
quelque partie que ce soit du territoire de la République, être écrit qu'en langue française.
Article 2
Après le mois qui suivra la publication de la présente loi, il ne pourra être enregistré aucun
acte, même sous seing privé, s'il n'est écrit en langue française.
Article 3
Tout fonctionnaire ou officier public, tout agent du Gouvernement qui, à dater du jour de
la publication de la présente loi, dressera, écrira ou souscrira, dans l'exercice de ses
fonctions, des procès-verbaux, jugements, contrats ou autres actes généralement
quelconques conçus en idiomes ou langues autres que la française, sera traduit devant le
tribunal de police correctionnelle de sa résidence, condamné à six mois
d'emprisonnement, et destitué.
Article 4
La même peine aura lieu contre tout receveur du droit d'enregistrement qui, après le mois
de la publication de la présente loi, enregistrera des actes, même sous seing privé, écrits
en idiomes ou langues autres que le français.
Innovations dans la langue
• Phonétique: OI passe de [we] à [wa]
• Il y a surtout des innovations lexicales (vocabulaire révolutionnaire)
• Calendrier révolutionnaire remplaçant le calendrier grégorien, considéré comme
trop religieux: 12 mois de 30 jours (3 décades de 10 jours à la place des semaines) à
partir du 22 septembre 1792 (fin de l’Ancien Régime) jusqu’au Ier janvier 1806
(abolition)
• Mois: Germinal, Florial, Prairial, Messidor, Thermidor, Fructidor, Vendémiaire,
Brumaire, Frimaire, Nivôse, Pluviôse, Ventôse
• Décades: primidi, duodi, tridi, quartidi, quintidi, sextidi, septidi, octidi, nonidi, décadi
• Vocabulaire des institutions liées à la révolution: Assemblée nationale, contre-
révolutionnaire, antipatriotisme, anti-aristocratique, patriotiquement, concordat,
convention, anticonstitutionnaire, antipopulaire, pacte républicain, sans-culottes
• Poids et Mesures: c’est la révolution qui lance la recherche d’un système de mesure
universel (Responsable: Lavoisier; mesure du méridien: Delambre): mètre, litre,
gramme
• Tutoiement révolutionnaire (abolition du vouvoiement de politesse)
• Toponymes (ex. Montmartre – Mont Marat; Versailles – Berceau de la liberté)
• Noms propres : Brutus, Marat, Messidor, Rose, Horace
L’école
• La nécessité de renouveler et d’étendre la scolarisation aux
masses se fait ressentir de plus en plus: en 1794, plusieurs
décrets fixent l’obligation de l’enseignement primaire
• création de 24000 écoles sur le territoire français
• Instituteurs à choisir parmi les patriotes (exclusion du clergé et des
nobles)
• ils sont en nombre insuffisant
• mal payés
• souvent maîtrisant mal le français
• Création de l’ «école normale» pour la formation des maîtres et des
règles à utiliser partout en France
• Réalisée pendant 4 mois et pour 1500 élèves en 1795: insuccès relatif
(l’expérience n’est pas répétée).  Ecole Normale Supérieure
• Fonction d’appartenance de la langue (appartenance à la
nation et facilité dans la gestion de l’armée formée de
conscrits de toute la France).
Sous Napoléon (1799-1815)
• Après le coup d’état de Napoléon (1799), il y a un retour aux règles
anciennes (conservatisme)
• Il fait un Concordat avec l’Eglise, à qui il rend ses propriétés. Il lui confie
les écoles, par souci d’économie)  retour du latin
• le français progressa néanmoins en France
• très grande centralisation
• guerres qui entraînèrent d'immenses brassages de population.
• enquête impériale (1810) montre que 25 départements sur 130 n'utilisaient que
le français
• Hors de France: discrédit du français à cause des conquêtes
impérialistes de Napoléon
• développement des nationalismes étrangers
• Français utilisé dans les traités de paix et les milieux scientifiques.
• Création d’organismes chargés de veiller sur la langue: l'Institut de
France, le Conseil grammatical, l'Athénée de la langue française, etc.
• l'Académie française fut reconstituée en 1803 au sein de l'Institut de
France
Le français sous la Restauration
• L’attitude conservatrice se confirme sous la Restauration (1815-1830)
• En 1830, la monarchie de juillet (Louis-Philippe) introduit des principes plus
libéraux
• 1833: Loi Guizot sur l’enseignement: chaque département doit se doter d’une
école normale et chaque commune d’une école pour les garçons (non
obligatoire). L’école se répand (on passe de 10000 à 23000 et l’analphabétisme
recule de 50% à 39%)
• Après la très conservatrice Grammaire des grammaires, ou analyse raisonnée
des meilleurs traités sur la grammaire française (1811), par Charles-Pierre
Girault-Duvivier reprenant les manuels existants, l’école de Guizot (et celle de
Jules Ferry) utiliseront la grammaire normative de Noël et Chapsal (François-
Joseph-Michel Noël et Charles-Pierre Chapsal, Grammaire française, 1823 – plus
de 80 éditions jusqu’à la fin du siècle) + orthographe de l’Académie Française
• La langue se fige dans une forme qui comprend un très grand nombre
d’exceptions  la grammaire et l’orthographe sont indispensable pour obtenir
un emploi public : la langue devient l’objet des concours.
• La norme est dictée par la langue de Paris, qui se répand grâce aux journaux.
• Anglophobie (1829) contre l’hégémonie grandissante de l’anglais
• Introduction de néologismes (domaines des sciences naturelles, physique,
chimie, médecine + naissance de nouvelles sciences, avec leur lexique:
l'archéologie, la paléontologie, l'ethnographie, la zoologie, la linguistique, etc.)
Les lois Ferry (1881-1882)
• 1863: enquête du ministre de l'Instruction publique, Victor
Duruy  7,5 millions (sur 38) ignorent le français
• Idéologie de lutte contre les patois (« tuer le breton »)
• 1881-1882: Lois Jules Ferry (ministre de l’éducation
nationale) rendant l’enseignement primaire laïc, gratuit et
obligatoire.
• Il veut surtout s’opposer à l’église et répandre l’idéal républicain
• Les patois sont pourchassés à travers la délation et des punitions
• Le « signal » est la technique la plus répandue: il s’agit d’un objet
qui est donné à l’enfant qui emploie un mot de patois à l’école.
Celui qui a le « signal » à la fin de la journée sera puni. Les autres
enfants vérifient dans le dictionnaire
• Le latin est également supprimé en faveur du français
• A partir de ce moment, il y aura un grand nombre de lois sur
la langue (gestion juridique)
Les dictionnaires du XIXe siècle
• Développement d’une activité intense vers le milieu du siècle
• Apparition d’entreprises économiques fondées sur la publication
d’ouvrages lexicographiques et didactiques: Hachette (1826) et Larousse
(1852)
• Forte influence de la pensée positiviste  méthodes «scientifiques»
dans l’élaboration des dictionnaires
• Pierre Larousse:
• Nouveau dictionnaire de la langue française (1856)
• Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle (1866-1877)
• (Petit Larousse: à partir de 1905)
• Émile Littré:
• Dictionnaire de la langue française (conçu en 1841, publié entre 1863 et 1872):
dictionnaire étymologique, historique et grammatical
• « Je n'ai prétendu à rien de moindre qu'à donner une monographie de chaque mot, c'est-
à-dire un article où tout ce qu'on sait sur chaque mot quant à son origine, à sa forme, à sa
signification et à son emploi, fût présenté au lecteur. Cela n'avait pas encore été fait. (p.
xxxviii) ».
• Académie Française: sixième et septième édition (1835; 1878)
• Hatzfeld – Darmesteter: Dictionnaire général de la langue française du
commencement du XVIIe siècle à nos jours (1895-1900): dictionnaire
historique - philologique
Second empire colonial
• A partir de 1830, la France se tourne vers l’Afrique
• 1830: prise d’Alger et conquête de l’Algérie
• Pendant cette décennie, les bases de l’empire sont
jetées:
• Afrique noire (Golfe de Guinée à partir de 1838-1842)
• Océan indien: Madagascar (à partir de 1839), Mayotte
(protectorat à partir de 1841)
• Îles du Pacifique (annexion des îles Marquises en 1842;
signature d’un traité de protectorat avec le royaume de Tahiti
en 1843)
• Pour l’Indochine, il faudra attendre les années 1860
• 1884: Conférence de Berlin, fixant les règles du
développement colonial des grandes puissances
européennes
L’Afrique française
• Trois blocs distincts:
• Le Maghreb (pays riverains de la méditerranée):
Algérie, Maroc, Tunisie
• L’Afrique-Occidentale française (Pays sahéliens et
riverains de l’Atlantique et du golfe de Guinée):
Mauritanie, Sénégal, République soudanaise (actuel
Mali), Guinée, Niger, Haute-Volta (actuel Burkina Faso),
Dahomey (actuel Bénin), Togo, Côte d'Ivoire
• L’Afrique-Equatoriale française (sub-sahéliens): Gabon,
Moyen-Congo (dont une partie correspond au Gabon,
une autre à l'actuelle République du Congo), Tchad et
Oubangui-Chari (devenu la République centrafricaine).
L’Afrique française
Le XXe siècle
• 1919: Traité de Versailles: fin du français comme langue diplomatique
• 1946: La Société des Nations devient l’ONU (Organisation des Nations
Unies). Le français y est voté comme langue de travail à côté de l’anglais,
à une seule voix de majorité
• Déferlement de l’anglais en France
• 1944 : débarquement en Normandie
• 1947 : plan Marshall
• Années 1950-1960: modèles de la culture pop anglophone (musique, films)
• Anglicismes et idéologie (franglais: Le livre d’Etiemble Parlez-vous franglais?
paraît en 1964)
• Importance croissante des médias pour la diffusion du français
• Radio (1920 environ)
• Télévision introduite en 1935 (expérimentale) et développée après la guerre:
démocratisée dans les années 1970
• 1951: Loi Deixonne qui autorise pour la première fois l’enseignement
des langues régionales à l’école (basque, breton, catalan, occitan)
Contrôle des pouvoirs publics sur
le français
• Réformes de l’orthographe:
• arrêté Leygues du 26 février 1901 (simplification de la syntaxe –
accord du participe passé)
• arrêté Haby du 28 décembre 1976 (tolérances grammaticales et
orthographiques)
• Rectifications du 6 décembre 1990.
• 1975: Loi Bas-Lauriol sur l’usage du français dans la
communication commerciale et sur la terminologie
• 1994: Loi Toubon (enrichissement, usage et défense de la
langue; le français sera inscrit dans la Constitution comme
langue de la République)
• Commission générale de terminologie (COGETER) et
commissions ministérielles pour la proposition de termes de
spécialité français au lieu des anglicismes correspondants)

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