Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
enseigner l’oral
aux élèves ?
Claire Lavedrine
Pratiques pédagogiques
Comment
enseigner l’oral
aux élèves ?
Se former pour mieux
former à la prise de parole
Pour toute information sur notre fonds et les nouveautés dans votre domaine
de spécialisation, consultez notre site web : www.deboecksuperieur.com
Dépôt légal :
Bibliothèque nationale, Paris : avril 2021 ISSN 0778-0451
Bibliothèque Royale de Belgique, Bruxelles : 2021/13647/047 ISBN 978-2-8073-3269-0
« Une société qui ne propose pas
à tous ses membres les moyens d’être citoyens,
c’est-à-dire d’avoir une véritable compétence à prendre la parole,
est-elle vraiment démocratique ? »
Philippe Breton, L’argumentation dans la communication
Table des compléments numériques
Au fil de votre lecture, retrouvez de nombreux QR codes, accompagnés chacun d’un
lien mini. Ces QR codes vous renverront vers de nombreux compléments en ligne qui
vous permettront de pousser plus loin encore votre expérience de l’oral. On vous pro-
pose des vidéos et des documents à télécharger et personnaliser selon vos besoins.
lienmini.fr/XX
Les vidéos
Avant-propos ................................................................................ 9
Introduction .................................................................................. 15
CHAPITRE 1
Engager une démarche d’apprentissage ..................................... 21
CHAPITRE 2
Oser être soi et s’exprimer .......................................................... 47
CHAPITRE 3
Mesurer la portée de sa communication ..................................... 77
CHAPITRE 4
Entrer en relation ......................................................................... 117
CHAPITRE 5
Exceller à l’oral : servir une intention ......................................... 153
CHAPITRE 6
Exceller à l’oral : l’art du discours............................................... 195
CHAPITRE 7
Animer des ateliers de prise de parole........................................ 237
ANNEXE
Les outils de l’enseignant-formateur ........................................... 271
— 8 —
Avant-propos
ENSEIGNER – FORMER
En préambule, il me semble intéressant de s’interroger sur la qualité et la pertinence
d’un enseignement à part entière de l’expression orale et de la prise de parole en
public au sein de notre cursus scolaire. Si la validité d’un tel enseignement n’est
pas contestable, les modalités de sa mise en place peuvent être questionnées, et en
particulier la problématique du décloisonnement. Car cette compétence n’est pas
nécessaire seulement lors d’un examen oral ou d’un entretien d’embauche, mais à
travers chaque discipline et au cours de notre vie tout entière.
Cet avant-propos s’adresse donc plus particulièrement aux enseignants-forma-
teurs de « prise de parole en public », et concerne davantage la posture et le ques-
tionnement induits autour de la notion d’apprentissage humain et en particulier
de l’expression de soi.
En effet, vous trouverez tout au long de ce livre une double lecture destinée à la
fois à celui qui voudrait approfondir sa propre pratique personnelle et dévelop-
per encore davantage ses compétences orales, mais aussi aux formateurs et aux
enseignants désireux d’accompagner et d’animer, au sein de leurs cours, des ate-
liers sur le sujet. Aussi, je laisse à chacun l’opportunité d’y puiser ce qui le nourrit.
Et je pense que ce type de remarque doit faire bondir beaucoup d’entre nous qui
intervenons auprès d’un public scolaire. Car si vous demandez à bon nombre
d’enseignants, ils vous diront qu’ils font de l’oral en classe, et ce bien avant les
dernières consignes ministérielles.
Nombreux sont les professeurs de français à faire du théâtre avec leurs élèves.
Les professeurs de musique travaillent quant à eux sur le corps et la voix avec la
maîtrise du souffle, la gestion émotionnelle, le travail articulatoire ou la posture.
Quant aux professeurs d’EPS, ils s’activent chaque jour à transmettre les clés de
la gestion relationnelle, de la communication non violente, de l’écoute de l’autre,
de la collaboration et du respect, au-delà des compétences transmises sur le corps
et le geste. À travers de nombreuses disciplines, dont l’histoire-géographie par
exemple, les notions de structuration du discours, d’articulation des contenus,
d’argumentation ou d’esprit critique, indispensables à toute prise de parole, sont
abordées. Les professeurs de sciences explorent aussi ces notions sous l’éclairage
de la démarche scientifique. Et que dire des cours de langues, où la pratique orale
est au cœur des activités ? Dire qu’en France il n’y a pas, ou peu, d’apprentissage
de la communication orale est réducteur et mériterait d’être quelque peu nuancé.
La réalité est plus subtile que cela. La réalité est qu’il y a autant d’accompagne-
ment à la prise de parole en classe qu’il y a d’enseignants. La réalité est qu’il
n’existe pas encore de cours spécifiques sur le sujet et que chacun fait selon ses
connaissances, ses compétences et son histoire personnelle. Et sur ce plan, les
approches sont autant multiples que disparates.
Il me semble donc intéressant de proposer une aide et des outils concrets et
communs aux enseignants désireux de mettre en place des activités, au sein de
leurs cours, destinées à améliorer la prise de parole, que ce soit en classe, pour
un examen, ou plus tard lors d’un entretien d’embauche. Et ce, dès le collège, où
la parole commence très fortement à s’inhiber.
— 10 —
Avant-propos
— 11 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
QUELQUES EXEMPLES
En tant que professeur de chant, combien de fois ai-je vu des élèves maîtriser
un élément technique de façon isolée et être incapables de le réinvestir dans le
cadre d’un chant plus complexe, réclamant de gérer simultanément divers para-
mètres ? J’ai d’ailleurs personnellement abandonné cette pratique généralisée de
la vocalise isolée, différenciant la notion d’échauffement ou de travail technique
— 12 —
Avant-propos
— 13 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
On retrouve les éléments d’une approche globale à travers les outils du théâtre.
Ce qui explique que de nombreux formateurs en prise de parole en public soient
issus de ce milieu. Cependant, à travers ces outils, l’analyse de la dimension rela-
tionnelle et du niveau rhétorique, tout comme le développement de la pensée
et de l’esprit critique, ne sont pas toujours suffisamment explorés. La connais-
sance avancée et l’utilisation de techniques vocales approfondies restent aussi
succinctes. (J’entends encore trop souvent qu’il faut respirer par le ventre et
chercher à le gonfler à l’inspiration.) Enfin, peu d’outils concrets permettant le
feed-back et l’auto-évaluation sont proposés. Ainsi, chaque formateur a dû être
conduit à développer lui-même ses propres connaissances et techniques dans
ces domaines, selon ses compétences d’origine. (Et cette acquisition morcelée
de techniques multiples peut aussi expliquer le cloisonnement que l’on retrouve
dans plusieurs formations sur le sujet.)
Et que dire des enseignants dont le cursus n’a pas favorisé ni l’interdisciplinarité
ni l’approche et l’acquisition de ces nombreux outils, indispensables à la mise en
place d’activités spécifiques sur l’expression orale ?
Comment alors installer des pratiques pertinentes, basées sur une progression
globale plutôt que sur le morcellement et la décomposition du geste oratoire ?
Comment parvenir à s’éloigner des trucs et astuces et des exercices remâchés sur
le corps ou la voix ? Et ce, au profit d’une approche holistique, enracinée dans
les fondements mêmes de ce qu’implique la prise de parole : la relation à l’autre,
la relation à soi.
Car enfin, comment penser l’expression orale comme une véritable prise de
position et comme l’affirmation de soi au sein d’un univers social de plus en plus
vaste ?
J’espère, à travers cet ouvrage, pouvoir offrir à tous et toutes les clés pour s’en-
gager sur cette voie, à travers une mutualisation et une interdisciplinarité essen-
tielle. Et ce, dans le but de questionner et d’enrichir les pratiques collectives au
profit d’une progression commune.
— 14 —
Introduction
— 16 —
Introduction
— 17 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
n’est pas de savoir comment avoir une gestuelle fluide, comment améliorer la
puissance de sa voix ou comment enrichir son vocabulaire. Mais ce sont bien des
raisons relationnelles et émotionnelles qui doivent motiver et orienter le travail
technique.
Comment entrer en relation ? Comment créer du lien ? Comment se faire
comprendre ? Comment se faire accepter ? Comment être reconnu au milieu
des autres ? Comment écouter avec bienveillance ? Comment s’enrichir de la
relation ? Et comment faire en sorte que sa parole compte, qu’elle ait une valeur
sociale et le pouvoir de nous rendre existants ?
Entreprendre un travail en PR ce n’est donc pas seulement considérer le « Soi »
dans sa globalité, mais appréhender aussi le « Hors Soi ». Et sur ce plan, il est
aussi essentiel de mesurer chaque fois l’impact sensoriel, émotionnel et intel-
lectuel de ce que l’on communique à l’autre. Et qu’offre-t-on à voir, à sentir,
à entendre ? Qu’offre-t-on à ressentir ? Que donnons-nous à comprendre ou à
penser lorsque nous nous exprimons ?
Cette approche transparaît au fur et à mesure des différents chapitres. Et les
exercices proposés sollicitent autant notre imaginaire et notre capacité à visua-
liser que notre pensée analytique. Ils font conjointement appel à notre voix (et
à notre énergie), à notre corps dans sa globalité et à nos sensations, tout en
stimulant nos compétences émotionnelles et notre réactivité. Parce qu’une prise
de parole équilibrée fait appel à toutes ces ressources en même temps.
— 18 —
Introduction
Par ailleurs, les lecteurs qui souhaiteraient ne s’intéresser qu’à un chapitre par-
ticulier pourront, par l’intermédiaire de ces répétitions, resituer le thème du
chapitre dans la complexité de son contexte global, sans en avoir une vision
réductrice.
À chaque fin de chapitre, vous trouverez aussi un plan de cours avec un résumé
des objectifs et des exercices ainsi qu’une grille d’auto-évaluation, afin de mesu-
rer le chemin parcouru.
Enfin, une double lecture est proposée avec une annexe, un chapitre dédié et
des encarts tout au long du livre, destinés à chaque enseignant-formateur qui
souhaiterait non seulement se former lui-même mais aussi animer au sein de son
cours des ateliers de formation à l’expression orale.
UN VOYAGE, ENSEMBLE…
J’ai eu le plaisir et la possibilité, depuis vingt ans, à travers mes activités de pro-
fesseur de chant, d’enseignante dans le cadre scolaire, ou en tant que coach et
formatrice à l’expression orale, de perfectionner des pratiques efficaces autour
de la prise de parole. J’ai testé ce qui fonctionnait, ce qui ne fonctionnait pas.
Ce livre n’est donc pas le résultat de régurgitations théoriques mais propose une
démarche pratique, performante, à mettre en place pour soi, lors d’une prise de
parole quelconque en conférence ou en classe, ou pour accompagner celui qui
voudrait prendre sa place et s’exprimer face à l’autre.
Car enfin, prendre la parole n’est pas toujours chose facile. J’étais moi-même
une enfant atypique, avec un fort désir de parler, mais peu armée et aguerrie aux
règles impitoyables de la communication et de l’art de briller en public. J’ai tré-
buché, appris, inventé, expérimenté et fait de ce parcours particulier un métier.
Aujourd’hui, je souhaite réparer les inégalités en offrant à chacun les clés pour
communiquer efficacement sa valeur, soigner son image et prendre sa place au
sein d’un monde souvent dirigé, non par ceux qui sont les plus compétents, mais
par ceux qui communiquent le mieux.
— 19 —
CHAPITRE
1
Engager une démarche
d’apprentissage
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
UN EXEMPLE
Pour Françoise, institutrice, « il existe une telle différence dans l’aisance à
l’oral, la gestuelle ou le vocabulaire des enfants, selon le niveau d’expression
de leurs parents et leur niveau social. Si nous parvenions à gommer ces
inégalités par nos exemples et nos pratiques en classe… mais il est difficile
de rivaliser avec tout un environnement familial et un programme
d’apprentissages autres bien chargé ».
Ainsi nous ne sommes pas tous égaux sur ce plan. Certains n’ont pas eu la
chance de bénéficier dans leur enfance de modèles riches, d’orateurs à la gest-
uelle impactante, à la voix vibrante, au langage étendu et au sens de la répartie
unique. Mais il n’est jamais trop tard pour élargir sa palette « oratoire ».
— 22 —
Engager une démarche d’apprentissage
— 23 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
Attention, dans cet exercice le but n’est pas de singer les expressions et mim-
iques de l’orateur ou d’imiter le timbre de sa voix, mais de s’approprier un
langage, une gestuelle, une posture, un rythme intérieur ou un comportement
afin d’acquérir un vocabulaire expressif plus large.
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment permettre aux élèves d’identifier la qualité des compétences
oratoires ? Comment les amener à acquérir une grille de jugement
objective et des critères de sélection fiables quant au choix du modèle
d’orateur ? Fournir des grilles d’évaluation est essentiel (plusieurs sont
proposées plus loin). Et développer le sens critique, la capacité à recon-
naître la qualité du langage, la justesse d’une approche et d’une pensée,
éléments du socle commun, peut être source d’un apprentissage trans-
disciplinaire pertinent.
Pratiquer régulièrement
Ensuite, avec l’entraînement, la répétition et la pratique fréquente, nous
ancrons ces nouveaux modes d’expression jusque dans nos gestes, nos attitudes,
nos inflexions vocales. Ainsi, nous faisons d’une simple expérience et approche
théorique, une véritable compétence.
UN EXEMPLE
Pour Pierre, acteur (et ancien timide), « on oublie souvent qu’il ne suffit pas
de connaître son texte pour être à l’aise dans sa performance. Il faut aussi
beaucoup s’entraîner pour maîtriser le moindre geste, la moindre inflexion
vocale ou la plus petite expression faciale. Cela demande beaucoup de travail.
Tout comme il ne suffit pas de savoir quoi dire pour être performant à l’oral. »
— 24 —
Engager une démarche d’apprentissage
UN EXEMPLE
Parmi mes élèves, nombreux sont ceux qui pensent ainsi qu’ils ne sont pas
performants sur le plan oratoire, car toutes leurs expériences n’ont pas été
positives. Il y a même chez certains un véritable blocage parce qu’un jour,
ils ont échoué à l’oral.
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment repenser l’évaluation non comme une succession de « sanc-
tions » ou de « récompenses » validant l’acquisition d’un savoir ou de
compétences au terme d’un apprentissage, mais comme un retour
d’information constructeur pour l’élève ? Concevoir l’évaluation comme
un indicateur, permettant un état des lieux instructif tout au long de son
parcours dans le cadre d’une progression continue, est essentiel.
L’échec est une étape indispensable de notre succès. Mais le considérer comme
une fin en soi rend la réussite impossible. Aussi il est intéressant de question-
ner cette vision et ce rapport aux différents échecs rencontrés, pour nos élèves
comme pour nous-mêmes.
• Alors, quelle posture adoptez-vous vis-à-vis des difficultés ?
• Comment ceux que vous accompagnez perçoivent-ils leurs erreurs ?
— 25 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
— 26 —
Engager une démarche d’apprentissage
UN EXEMPLE
Pour Maryse, enseignante, « certains de nos élèves s’écroulent totalement
lorsqu’ils ne réussissent pas quand d’autres rebondissent pour s’améliorer.
Ce qui fait la différence, c’est le niveau de confiance en soi. Quand on se
croit capable, on se dit juste qu’on n’a pas pris le bon chemin et on essaie
autrement. Mais beaucoup ne se sentent pas à la hauteur. Cultiver cette
confiance est aussi une de nos missions pédagogiques. »
Cette capacité à apprendre de nos actes et à renaître sans cesse permet non
seulement la réussite mais c’est aussi le chemin nécessaire vers le développement
et la connaissance de Soi.
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment conduire nos stagiaires ou nos élèves à prendre conscience
de leurs manques et à valoriser leurs « échecs » à l’oral comme un outil
nécessaire, constructeur de leur développement personnel ? Fournir des
critères objectifs d’évaluation et utiliser le feed-back comme indicateur
des exercices et des pratiques à proposer pour progresser initie une
démarche constructive d’apprentissage.
— 27 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
UN EXEMPLE
Pour François, enseignant, « notre programme est tellement chargé que
c’est actuellement une véritable prouesse d’intégrer les compétences du socle
commun. L’accent doit être mis sur le développement de l’oral et la maîtrise
de la langue, mais je ne vois pas comment trouver le temps en dehors du
temps habituel de participation en classe. Et moi-même, je ne suis pas sûr
d’être bien qualifié pour cela. »
Il est probable que si vous avez ce livre entre les mains, c’est que le sujet de la
prise de parole vous intéresse et que vous ressentez déjà un intérêt pour cette
discipline. Mais pour parvenir à réellement s’engager dans un travail oratoire, il
faut pouvoir trouver des liens entre le développement de ces compétences au
sein de notre activité professionnelle et ce qui nous motive profondément.
— 28 —
Engager une démarche d’apprentissage
• Alors quelles sont vos valeurs ? Quels sont vos besoins profonds ?
• Et qu’est-ce qui donne envie à chacun de s’engager malgré les obstacles
et les difficultés ?
— 29 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
UN EXEMPLE
Pour Michèle, enseignante, « on s’imagine que les connaissances discipli-
naires et les compétences pédagogiques sont essentielles. Pourtant, savoir
communiquer, être en capacité d’intéresser, d’inspirer, de partager et de
créer du lien, est déterminant de ce que l’on va vivre au quotidien en classe.
Lorsque l’on maîtrise les techniques d’art oratoire, on enseigne avec plus de
plaisir et d’efficacité ».
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment comprendre ce qui motive la prise de parole chez nos élèves afin
de donner du sens à une véritable pratique autour de l’expression orale ?
Quelle démarche engager pour véritablement inspirer les participants ?
En vue de quels bénéfices et pour quel résultat ? Initier une première
réflexion autour des enjeux et des bénéfices de cette activité, à travers
des échanges, des débats et des témoignages, est primordial. Chaque
pratique doit faire sens pour chacun.
— 30 —
Engager une démarche d’apprentissage
UN EXEMPLE
Je me lance le défi, dans dix jours (quand), d’avoir réussi à convaincre
trois de mes collègues à participer à la mise en place d’un « concours
d’éloquence » au lycée (quoi / combien), afin de répondre à mon besoin de
dépassement, de réalisation et de partage (pourquoi).
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment faire d’une difficulté un défi motivant ? Il y a une limite ténue,
inhérente à la notion de performance, entre l’émulation ou au contraire
le blocage. Comment tenir compte des représentations, des fragilités et
des personnalités de chacun de nos élèves pour stimuler sans freiner ?
Tester régulièrement le niveau des participants est indispensable afin de
proposer des exercices suffisamment difficiles et ambitieux tout en restant
accessibles pour eux.
— 31 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
Aussi chaque étape du parcours pourrait être questionnée ainsi : Est-ce que cet
objectif me nourrit, me grandit ? En quoi m’enseigne-t-il des choses ? En quoi
me permet-il de renforcer mes compétences, de me dépasser, de m’épanouir ?
« Sans destination pas de destinée », affirmait l’abbé de Rancé.
• Alors quelle est votre destination ?
Suivre une destination motivante, c’est bien. Mettre en place des actions
concrètes pour y parvenir, c’est mieux ! Car sans actes, nos objectifs ne restent
que de vagues projets. Sans actes, nous ne nous confrontons jamais au réel, à
la possibilité d’être remis en question et d’affiner notre démarche. Sans actes,
nous ne créons jamais l’occasion de nous dépasser, d’apprendre et de renforcer
notre maîtrise.
UN EXEMPLE
Pendant quelques années j’ai eu l’occasion d’accompagner en entreprise
des formateurs dont l’objectif était d’animer des ateliers de coaching vocal.
La maîtrise théorique était solide mais certains attendaient avant de se
lancer auprès des stagiaires et plus ils attendaient, moins ils se sentaient
capables d’assumer cette tâche. Ceux qui au contraire avaient testé et
expérimenté tout de suite ont pu confronter leur pratique, l’améliorer et
prendre confiance en leurs capacités.
— 32 —
Engager une démarche d’apprentissage
qui nous sont propres. Et ce, en conditionnant notre mental à trouver des solu-
tions plutôt qu’à relever des problèmes.
Au-delà du questionnement que cette démarche génère, elle implique une vérita-
ble gymnastique cérébrale qui nécessite observation, réceptivité et créativité, et
qui permet de saisir en chaque moment une opportunité pédagogique. Nous
pouvons trouver partout autour de nous l’occasion d’apprendre à mieux com-
muniquer et à nous exprimer. Comme le fait de choisir un modèle d’orateur peut
nous enseigner et nous montrer le chemin à suivre, chaque élément de notre envi-
ronnement peut être une ressource, un support ou une source d’apprentissage.
— 33 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
UN EXEMPLE
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment mettre en place une progression collective respectant des
besoins et des compétences individuelles multiples et disparates ?
Différencier sa pédagogie en fixant des objectifs communs, mais des
moyens personnalisés et impliquer l’élève dans la propre construction
de ces moyens sont des pistes à explorer.
— 34 —
Engager une démarche d’apprentissage
Je sais où je vais,
Je détermine d’où je pars.
Il s’agit uniquement de raisonner en termes d’objectifs et d’étapes pour y parvenir.
Cette observation objective doit être dénuée de considérations personnelles.
Car nos compétences ne sont pas représentatives de notre valeur, elles sont juste
le reflet de notre parcours, de notre avancée à un instant T : « Aujourd’hui j’ai
telles compétences, tels acquis, j’ai appris ceci ou cela et demain j’apprendrai et
je maîtriserai telle chose… ».
— 35 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
3. NOURRIR SA MOTIVATION
En effet, sur le plan neuro-cérébral, nos expériences de vie créent toute une
sécrétion d’hormones qui viennent conditionner notre état émotionnel.
Ainsi, la joie, le rire, le plaisir sont associés à la création de dopamine, de
noradrénaline, de sérotonine, d’endorphines… Encore appelées hormones
du plaisir ou hormones du bien-être, celles-ci agissent comme une véritable
drogue pour le cerveau qui cherchera à revivre encore et encore les situa-
tions générant cet état. La dopamine, par exemple, nous pousse à agir et
à avancer. Elle intervient donc tout particulièrement dans la motivation.
Cela explique que nous soyons particulièrement attirés par tout ce qui peut nous
faire rire, nous amuser, nous divertir ou nous procurer de la joie. Et injecter cette
— 36 —
Engager une démarche d’apprentissage
notion de plaisir dans les exercices choisis au fur et à mesure de son parcours
peut permettre de conserver enthousiasme et motivation. Alors, pourquoi ne
pas s’amuser ?
UN EXEMPLE
Pierre, passionné de motos, nous affirme : « J’aime lire des articles sur le
sujet et me renseigner sur les aspects techniques. Mais si je n’avais pas la
possibilité de pratiquer, d’explorer de nouveaux lieux, de sentir le vent sur
ma peau et la vibration du moteur, je crois que je me lasserais très vite. »
— 37 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
(La réussite est d’ailleurs génératrice de plaisir.) Et inversement une tâche trop
accessible est peu stimulante.
La problématique de l’enseignant-formateur
Favoriser l’autonomie dans la mise en place d’une progression personnelle
génère de la confiance en soi. Alors, comment parvenir à lâcher prise
sur le contrôle des apprentissages et à accorder sa confiance à l’élève
en lui laissant la place ? Questionner la posture de l’évaluateur, favoriser
l’auto-évaluation ou l’évaluation collective par les pairs, et permettre une
réflexion autonome autour des axes d’amélioration est essentiel.
Injecter une difficulté modérée dans une pratique ludique et active est donc très
porteur. Pourquoi ne pas utiliser un chronomètre, des dés, des cartes… ? Les
outils proposés dans les divers jeux de société existants peuvent être une
source d’inspiration pertinente. Et sur ce plan, apporter une dimension collective
en invitant plusieurs participants sera une source de sympathique compétition
et d’humour.
— 38 —
Engager une démarche d’apprentissage
— 39 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment développer l’aspect ludique des activités proposées au profit
d’un objectif collectif tout en créant une progression avec des difficultés
croissantes pour chacun ? Le jeu collectif est particulièrement porteur. Et
intégrer la notion de jeu aux apprentissages, c’est repenser la dimension
même de nos pratiques pédagogiques. Ainsi, les cartes Sujets et Objectifs
du jeu précédant peuvent être exploitées en classe, en faisant piocher
tour à tour les élèves avant leur prise de parole.
En termes de récompense, le plaisir direct et le jeu ne sont pas les seules sources
de motivation. Le plaisir indirect, lié à la reconnaissance d’autrui, au dépas-
sement de soi, à la réussite, à la satisfaction personnelle ou à la connaissance
de qui l’on est, génère aussi l’envie d’agir et de s’investir. Tout comme l’évite-
ment de la douleur liée à l’échec, à la perte ou au rejet fait également partie
des moteurs qui conditionnent nos actions.
— 40 —
Engager une démarche d’apprentissage
réponse à ces deux questions : « Est-ce que ça me plaît ou non ? » Et dans le cas
contraire : « À quoi cela va-t-il me servir ? »
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment, à travers les jeux, exercices ou défis proposés, mettre en
avant les bénéfices personnels, concrets et utiles dans le présent pour
chacun ? Explorer les besoins et le vécu quotidien des élèves, à travers
des échanges, questionnaires ou boîte à idées à disposition de tous,
permettra de créer des liens entre les objectifs théoriques d’un socle de
compétences et leur réalité d’apprenant.
UN EXEMPLE
Pour Marie, enseignante, « c’est parce que j’avais des difficultés à m’imposer
et à me faire respecter en classe que j’ai suivi ma première formation de
prise de parole en public. C’est ensuite que j’ai réalisé à quel point savoir
s’affirmer à l’oral change complètement votre vie. »
— 41 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment notre expérience liée à notre propre quête de sens peut-elle
être exploitée au profit de cette même problématique présente chez nos
stagiaires ou nos élèves ? S’exprimer et prendre sa place est une question
universelle. À travers les échanges, le partage et les retours d’expérience,
les parcours du stagiaire, de l’élève et du professeur peuvent s’enrichir
mutuellement.
— 42 —
Engager une démarche d’apprentissage
DES EXEMPLES
Pensez à un citron, à son acidité, et vous voilà déjà en train de saliver.
Tout comme il suffit de voir une scène triste sur un écran de cinéma pour
sentir en soi les larmes monter. De la même manière, nous ressentons la
peur à l’écoute d’une histoire terrifiante. Et ce, même si nous sommes
confortablement assis au fond de notre canapé, entourés par nos proches.
— 43 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
OBJECTIFS
Parcours et progression
Les étapes de mon succès
1. Trouver l’inspiration et un objectif motivant
2. Mettre en place un plan d’action avec des pratiques ludiques et
stimulantes
3. M’évaluer tout au long de mon parcours et raisonner en termes
de progression dont l’échec est une étape
Outils
— 44 —
Auto-évaluation et Feed-back : Un premier bilan
AUTO-ÉVALUATION ET FEED-BACK :
UN PREMIER BILAN
Partiellement
d’acquisition
Non acquis
En cours
Dépassé
Mes compétences d’orateur
Acquis
acquis
Je sais que je vais devenir un orateur
charismatique.
— 45 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
Partiellement
d’acquisition
Non acquis
En cours
Dépassé
Mes compétences d’orateur
Acquis
acquis
Mon articulation est claire et distincte.
— 46 —
CHAPITRE
2
Oser être soi et s’exprimer
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
1. VAINCRE LA PEUR
— 48 —
Oser être soi et s’exprimer
Il est donc important de renverser tout flot intérieur qui pourrait nous limiter
et de s’interdire tout sabotage. Mais encore faut-il en avoir conscience, avoir
— 49 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
— 50 —
Oser être soi et s’exprimer
Par ailleurs notre manière de respirer a aussi son importance. Lorsque nous
sommes stressés, nous avons tendance à bloquer l’air dans le haut de nos pou-
mons, en parasitant toute une partie de notre mécanique respiratoire. Lorsque
nous remplissons au contraire nos poumons par la partie basse, nous aug-
mentons notre réserve d’air, activons notre système nerveux et détendons notre
diaphragme. On parle alors de respiration diaphragmatique.
• Alors, comment respirez-vous ?
• Votre ventre se creuse ou se gonfle à l’inspiration ?
Lorsque le ventre se creuse à l’inspiration, il s’agit d’une respiration haute, dite
thoracique. La respiration diaphragmatique, quant à elle, provoque un abaisse-
ment du diaphragme et un léger relâchement du ventre à l’inspiration.
C’est une respiration que nous avons normalement lorsque nous sommes
détendus, en dormant par exemple. Et non, il ne s’agit pas de respirer avec
le ventre comme on l’entend encore trop souvent. Si vous cherchez à gonfler
de manière volontaire votre ventre à l’inspiration, vous allez perdre toute sen-
sation naturelle propre à une respiration que vous maîtrisez déjà, de façon
instinctive.
— 51 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
UN EXEMPLE
Lors de ses premières années en tant que professeur à l’université, Charles
était extrêmement anxieux avant d’entrer dans l’amphithéâtre. Pour évacuer
son anxiété, il avait l’habitude de se focaliser uniquement sur ses contenus,
coupé de ses sensations et sans mesurer réellement toute la portée de sa
communication. Il parvenait ainsi à faire cours, mais sans réel plaisir.
Et puis, il a choisi de reprogrammer positivement son cerveau, non
pas en niant son état, mais en l’observant et en se préparant. Avant ses
cours, il se concentrait sur son corps, ses sensations et sa respiration et se
visualisait à l’aise, heureux et serein face aux élèves. Au fur et à mesure,
cela a métamorphosé non seulement ses ressentis mais aussi sa manière
de faire cours.
— 52 —
Oser être soi et s’exprimer
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment accompagner et prendre en compte les blocages de nos élèves
ou de nos stagiaires à prendre la parole ? Valoriser notre propre expérience
à vivre et à gérer le stress nous permet de comprendre et de guider la leur.
Il est intéressant de sortir de la relation hiérarchique professeur-élève afin de
décharger les tensions et limites induites par notre position d’évaluateur. Et
apparaître davantage comme un soutien et comme un guide est une piste
à expérimenter lorsque l’on forme à la prise de parole en public.
— 53 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
UN EXEMPLE
Lorsque je dois animer une conférence, j’imagine mon intervention en
essayant de vivre la situation en pensée. Je visualise le lieu, l’environnement
sonore et visuel, le léger brouhaha dans la salle, les regards posés sur moi,
j’observe ma posture et mes sensations… Puis je mesure mon niveau de
stress sur une échelle de 1 à 10. Si je renouvelle plusieurs fois l’exercice,
ce niveau diminue. Je continue donc jusqu’à ce que le niveau de stress
descende jusqu’à 5.
Plus nous nous projetons dans une scène anxiogène, plus nous nous habi-
tuons à la situation et plus notre stress va diminuer. Cependant, il est
important de ne pas se laisser aller à imaginer les pires scénarios. Il s’agit
uniquement de se connecter sensoriellement et émotionnellement à la scène
angoissante et de constater que tout va bien, que nous sommes toujours là,
vivants. On s’habitue ainsi au contexte, aux images, aux sensations, à sa
parole… On s’habitue ainsi à sa peur. Il peut être nécessaire de reproduire
l’expérience plusieurs fois pour qu’elle soit pleinement efficace (même si ce
n’est pas toujours très agréable).
— 54 —
Oser être soi et s’exprimer
La problématique de l’enseignant-formateur
Quelles stratégies d’habituation puis-je mettre en place dans mon accom-
pagnement des élèves ? Certaines pistes sont à explorer, telles qu’engager
la répétition en multipliant les occasions de prise de parole à l’oral, ou
mettre en place un contexte qui sera anxiogène de façon graduée et
progressive (présenter seul à la maison, puis au sein de groupes isolés,
puis au sein de la classe, puis dans le cadre d’une évaluation…), etc.
— 55 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
S’autoriser à être
Aussi, en priorité, il s’agira davantage d’éliminer tout ce qui viendrait parasiter
le langage, afin de trouver son essence et l’envie de s’exprimer, plutôt que de
tenter d’acquérir de nouvelles techniques et outils de communication.
L’objectif n’est pas d’apprendre à paraître mais bien de s’autoriser à être et
d’oser être présent, d’oser s’affirmer face à l’autre, ou devant un public qui en
contexte scolaire n’est pas forcément toujours « acquis » ou bienveillant. Ce que
certains qualifieraient d’autorité naturelle n’est qu’un sentiment fort de légiti-
mité et d’alignement entre ses convictions, ses actes, ses valeurs et sa parole.
Croire en ce que l’on fait, croire en ce que l’on dit : l’essence même du langage
et de la parole investie qui fait sens pour soi comme pour l’autre, font autorité.
Il ne s‘agit donc pas tant de jouer un rôle, telle une cuirasse qui viendrait proté-
ger notre intégrité, mais d’oser être soi face à autrui. Et c’est bien ce Soi qu’il
faut nourrir : nourrir sa confiance, nourrir sa présence et sa force, nourrir son
esprit, sa culture, sa pensée et sa réflexion… La question du contenu devient
alors capitale. Bon nombre de formations de prise de parole en public laissent
cet aspect-là de côté pour se concentrer essentiellement sur des techniques cor-
porelles, vocales ou verbales. Mais c’est bien la substance du propos lui-même
qui donne sens à la prise de parole. Avant même d’ouvrir la bouche se pose
la question de la légitimité de ce que l’on souhaite transmettre. Car comment
pourrait-on véritablement prendre la parole sur un sujet qui ne nous inspire rien ?
— 56 —
Oser être soi et s’exprimer
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment, à partir d’un programme scolaire établi, parvenir à nourrir
une parole authentique et investie chez les stagiaires ou les élèves ? Et
comment répondre à ce questionnement anxiogène présent chez bon
nombre d’entre eux : « Et si je n’avais rien d’intéressant à dire ?… » Le
développement de la culture, de la réflexion et de l’engagement personnel
à travers l’exploration particulière et individuelle d’un contenu doit être
initié (recherches personnelles, pistes de lectures et supports de cours,
réflexion collective…).
2. NOURRIR SA PAROLE
Pour prendre la parole, il faut être suffisamment habité et concerné par son
sujet. S’exprimer vient du latin ex-premere qui signifie « presser hors ». Comme
si une force intérieure poussait notre pensée et notre désir hors de nous, en
direction de l’autre.
Pour prendre la parole, il faut de l’énergie. Il faut avoir non seulement des choses
à dire, mais aussi la force et l’envie de les dire. Il faut vouloir transmettre un mes-
sage qui nous porte. Et nous sommes toujours plus performants à l’oral dès lors
que nous parlons d’un sujet qui nous intéresse.
QUELQUES EXEMPLES
Gandhi se qualifiait lui-même de « trop timide et trop sensible » pour
plaider en Inde à la suite de ses études d’avocat. Il est pourtant devenu
le grand Mahatma, chef charismatique dont la parole est encore portée
aujourd’hui. On se souvient aussi du discours fort et impactant de Martin
— 57 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
Luther King « I have a dream »… Des hommes simples, qui n’avaient pas de
prédispositions à l’art oratoire, mais qui ont fait des discours inoubliables
parce que les circonstances les y ont poussés. Ils ne se posaient pas
la question de savoir s’ils étaient admirables ou ce que l’on pouvait bien
penser d’eux. Ils cherchaient juste à transmettre et à défendre une cause
qui les animait profondément.
L’orateur porte le message, mais c’est bien le message lui-même qui peut trans-
cender l’orateur. Alors qu’avons-nous à transmettre ? Car si pour prendre la
parole il faut être passionné, sachez que cette passion se cultive.
Certaines personnes n’osent pas s’exprimer ou sont peu charismatiques car elles
n’ont tout simplement pas plus que cela à dire. D’autres, à force de répéter tou-
jours les mêmes choses en contexte professionnel, finissent par s’user et ne plus
incarner vraiment leur prise de parole.
Or il ne tient qu’à nous de cultiver notre énergie et d’entretenir notre curio-
sité. C’est nous-mêmes qui alimentons notre passion et enrichissons nos réfé-
rences. C’est nous encore qui construisons notre parole. Et nourrir et construire
sa parole, c’est être à même de donner du sens au sujet dont on parle. Et ce, bien
au-delà des références universitaires dont nous avons été nourris, mais en lien
avec nos valeurs, notre environnement quotidien et l’actualité.
• Alors, dans quelle mesure vos contenus se renouvellent-ils ?
• Dans quelle mesure sont-ils en lien avec ce qui vous anime ?
UN EXEMPLE
Pierre, enseignant passionné, a toujours gardé en mémoire le modèle de
son instituteur qui lui a transmis sa passion pour l’histoire. Et le propre
même de l’enseignant ou du formateur est d’avoir matière à dire. Pourtant,
certains sont dans le trop-plein d’énumérations théoriques et de références
universitaires, déconnectés de toute vie et d’exaltation. (Sommes-nous
toujours passionnés nous-mêmes par chaque idée que nous transmettons ?)
Pour Sophie, professeur de musique, enrichir chaque année ses contenus
de nouvelles œuvres en lien avec l’actualité, le quotidien des élèves et ses
goûts personnels lui permet d’alimenter son engouement.
— 58 —
Oser être soi et s’exprimer
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment cultiver le goût du savoir ? Sachant que ce savoir ne peut alors
être qu’individualisé car il répond aux besoins et aspirations de chacun, il
est intéressant de s’interroger sur la manière dont on peut fournir un cadre
ouvert aux contenus et par conséquent à la parole. Poser des questions
ouvertes, proposer plusieurs sujets, engager la recherche personnelle à
travers les outils numériques et se laisser la possibilité d’être surpris…
Pour oser s’exprimer, il faut donc être animé par un sujet qui nous inspire. Sans
engagement, il sera difficile de porter et de projeter sa parole. Or nous n’avons
pas toujours le choix du sujet. Cependant, nous pouvons choisir de nous y inté-
resser, d’enrichir et de cultiver une parole forte et investie, quel qu’en soit l’objet.
Et ce, en identifiant les valeurs qui nous touchent personnellement.
— 59 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
Nous prenons souvent la parole, mais à quel moment nous exprimons-nous vrai-
ment ? Nous expliquons, transmettons des informations et remplissons l’espace
sonore, mais à quels moments sommes-nous engagés, transportés et authen-
tiques ? À quel moment transmettons-nous une vision ? À quel moment sommes-
nous inspirés et inspirons-nous en retour ?
Nous savons que les émotions positives telles que l’insouciance, la joie ou la passion
nourrissent notre énergie. Et si le mental prend une large part dans la construction
de notre force intérieure, le corps n’en est pas moins un puissant déterminant.
— 60 —
Oser être soi et s’exprimer
— 61 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment puis-je utiliser la suggestion et la visualisation au profit de
l’expression et de l’affirmation de soi pendant le travail corporel et vocal ?
Je cherche des visualisations et formulations constructives à même d’aider
l’élève à se dépasser et à s’affirmer selon les difficultés qu’il rencontre :
visualiser sa détente, visualiser sa confiance, visualiser sa force, visualiser
son énergie, visualiser sa passion, visualiser son charisme…
— 62 —
Oser être soi et s’exprimer
cette énergie est perçue de manière sensorielle et émotionnelle par notre inter-
locuteur. Il convient donc d’y prêter attention.
— 63 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment prendre en compte les plus timides à travers les pratiques ?
La notion d’unité de groupe et de pratique collective, où l’individu ne
se démarque pas, est à explorer dans un premier temps. Il peut être
intéressant d’utiliser cet exercice de PR en ce sens : passer d’une pra-
tique collective, pour le début de l’exercice, à une pratique individuelle
seulement sur la dernière partie (Phase 2, étape 2 : « je me lève pour »,
chacun affirmant à tour de rôle la valeur qui lui est chère). Ce qui permet
une première phase de mise en confiance, où tous sont au même niveau.
Ainsi, par des étirements et des exercices de respiration adaptés, nous nous
apaisons et prenons place en nous-mêmes. En décuplant notre énergie, en nour-
rissant notre pensée et en projetant notre voix, nous libérons progressivement
notre parole. Car pour oser s’affirmer face à l’autre, il faut être présent à soi-
même, en soi-même. Et notre posture est sur ce plan capitale.
— 64 —
Oser être soi et s’exprimer
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment mesurer et contrôler l’impact de la posture de nos élèves ou
de nos stagiaires sur leur physiologie ? C’est-à-dire non seulement dans
la projection de leur parole, mais aussi dans le cadre de leurs ressentis
internes, en corrélation avec ce sentiment d’assurance propice à toute
expression orale. Apprendre à regarder, à analyser et à accompagner le
« corps » dans les pratiques est essentiel. (Des grilles d’observations sont
fournies en ce sens au dernier chapitre.)
Les travaux de la psychologue sociale Amy Cuddy révèlent que les postures
corporelles que nous prenons modifient la chimie de notre sang. Ainsi,
adopter une position d’ouverture et de puissance (comme tendre les bras,
bomber le torse et étendre ses jambes) pendant deux minutes, permettrait
de diminuer son taux de cortisol (hormone du stress) et d’augmenter son
taux de testostérone (hormone de virilité et de puissance). Tandis qu’une
posture de fermeture et de protection (corps recroquevillé, tête baissée, bras
croisés…) produirait l’effet inverse.
Si ces travaux ont pu être controversés, ils révèlent néanmoins la place de notre
posture dans nos ressentis intérieurs. Et de nombreuses expériences révèlent à
quel point le fait de nous tenir droit, bien ancré dans le sol, souple et ouvert,
permet non seulement de nous sentir présents et plus à l’aise, mais aussi de
manifester une plus grande assurance.
Ceux qui pratiquent le yoga, le Qi Gong ou n’importe quel art martial ont un res-
senti assez précis de ce qu’est cet ancrage. Pour ma part, j’aime particulièrement
— 65 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
le terme d’enracinement car il véhicule l’idée d’être relié à la terre, d’être là,
solide et affirmé.
— 66 —
Oser être soi et s’exprimer
être, c’est-à-dire à travers des pratiques globales, seul moyen d’éliminer ses
différents niveaux de blocages dans le but de s’exprimer avec force.
Parvenir à réaliser cette pratique réclame une certaine capacité à oser « sortir de
soi » et à se débarrasser de ses inhibitions. En plus de nourrir votre force inté-
rieure, cet exercice va donc renforcer votre aptitude à vous affirmer et à projeter
votre voix et votre intention.
— 67 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment prendre en compte et dépasser les inhibitions de chacun ?
Oser se projeter en groupe, mettre en scène son corps, sa voix, son
intériorité réclame une certaine désinhibition qui ne peut s’acquérir que par
« habituation » à une pratique régulière et par l’augmentation progressive
du degré d’inhibition.
— 68 —
Oser être soi et s’exprimer
Ainsi, on ne peut s’affirmer si l’on n’est pas investi, sûr de soi et de ce que l’on
transmet. Porter un avis solide implique de construire un avis solide. Car
l’on s’affirme par le langage et la force des idées.
• Alors, comment construire cette parole impeccable et assurée ?
• Et comment présenter ses idées avec force et détermination ?
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment puis-je permettre à l’élève d’acquérir la capacité de juger par
lui-même tout en l’incitant à participer activement à l’amélioration des
enjeux de notre société ? Organiser des débats, porter un projet au sein
de l’établissement et montrer que la parole est une force et qu’elle contri-
bue à construire notre place dans le monde est une façon de redonner
du sens à une approche argumentative. C’est là le principe même de
toute démocratie.
Savoir argumenter
L’art de penser et de parler passe par notre capacité à argumenter, à expliciter
et à justifier notre avis ou notre position de façon rationnelle et morale. Il faut
être en mesure de prouver le bien-fondé de nos propos, non seulement vis-à-vis
de l’autre, mais avant tout pour nous-mêmes, par pure conscience morale. Car
s’exprimer, c’est porter des valeurs qui nous sont chères. C’est confronter sa
pensée et son expérience. Et c’est assumer sa responsabilité pour prendre place
dans la société. (Cela se manifeste de façon encore plus intense et significative
lorsque l’on a des ambitions éducatives.) S’exprimer relève d’une véritable pos-
ture citoyenne.
Ainsi, notre cursus éducatif français accorde une large part à l’argumentation
dans le cadre de la formation de la personne et du citoyen. Parmi les compé-
tences du socle commun, l’élève doit ainsi pouvoir « fonder et défendre ses juge-
ments en s’appuyant sur sa réflexion et sur sa maîtrise de l’argumentation », « il
apprend à justifier ses choix et à confronter ses propres jugements avec ceux des
autres ; il sait les remettre en cause après un débat argumenté »…
Sur ce plan, la rhétorique, qualifiée d’ars bene dicendi (art du bien parler) par
Quintilien, nous offre de nombreux outils. Apparu dès le Ve siècle av. J.-C.,
suite au soulèvement démocratique du peuple de Syracuse et aux nombreux
procès associés, cet art de débattre et de persuader s’est révélé comme un
outil politique majeur de la démocratie athénienne, où la parole du peuple
était constitutive de la vie de la cité. Ainsi, l’art rhétorique, dont Aristote
observait la complémentarité entre l’exposition des faits et la démonstration,
tire véritablement son essence de l’argumentation.
— 69 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
EXERCICE N° 6 : L’AVOCAT
Je suis l’avocat d’une cause qui me tient à
cœur (à choisir et à préparer brièvement).
Face aux jurés, influencés et convaincus par
le point de vue de mes détracteurs, j’impro-
vise une plaidoirie :
– engagée : j’adhère aux valeurs qui
m’animent et que je défends (identifiées
dans la partie 2.1 « Nourrir sa pensée et ce
qu’il y a en soi »).
– affirmée : mon cœur, mon corps et ma voix
sont au service de mon message. Je me
tiens solide et ancré (parties 2.2 et 3.1).
– et argumentée : à l’aide de l’exercice pratique précédent, je mets en avant deux
arguments qui justifient les causes et les conséquences de ce que j’avance.
(J’expérimente une pratique argumentative qui sera approfondie dans les chapitres
suivants.) Entre 2 et 4 min
— 70 —
Oser être soi et s’exprimer
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment aborder la prise de parole improvisée ? On ne peut exprimer
que ce que l’on a en soi. La notion d’improvisation est toujours relative.
Car improviser, c’est « recombiner » à partir de ce que l’on possède déjà.
Permettre aux élèves de mesurer l’importance des connaissances per-
sonnelles et d’une réflexion solide en amont est une piste à explorer à
travers la mise en place de débats préparés et non préparés par exemple,
ou à travers l’analyse de débats politiques ou de joutes présentes sur les
réseaux sociaux, de leur pertinence et de leur impact.
Assumer l’éloquence
La question de l’outil rhétorique et de son utilisation soulève encore le débat
aujourd’hui quant à nos préoccupations éthiques. Il y aurait la « mauvaise rhéto-
rique », fallacieuse et manipulatoire, au service des politiques ou de la publicité, et
une rhétorique « acceptable », celle du cœur et de l’esprit, celle de la philosophie
au service d’un humanisme éclairé. Et la limite peut sembler ténue entre la vision
négative du beau parleur, dont la parole s’appuie sur la figure de style et le vraisem-
blable, et l’exigence dialectique platonicienne en quête du juste, du bien et du vrai.
Il y a ainsi dans l’inconscient collectif français une suspicion très forte liée à l’art
du discours. Et oser s’affirmer revient aussi à assumer l’éloquence, à assumer le
« bien parler » face aux représentations négatives fortement ancrées vis-à-vis
de l’art de « manier le langage ». Il faut pouvoir oser se mettre en avant et s’affir-
mer à l’oral sans craindre de paraître arrogant ou prétentieux. Il faut pouvoir
assumer de briller en public.
UN EXEMPLE
Sarah, une de mes stagiaires, me disait : « Chaque fois que je demande la
parole en assemblée et que les regards et l’attention se tournent vers moi,
je me sens mal à l’aise. Comme si je m’imposais aux autres et que j’avais un
culot énorme à me démarquer ainsi, considérant que mes opinions doivent
être entendues. Et plus mes arguments sont forts, plus j’ai peur que l’on me
trouve arrogante. »
— 71 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
— 72 —
Objectifs
OBJECTIFS
Parcours et progression :
De la peur à l’envie
1. Identifier ses peurs et les obstacles à sa prise de parole
2. Nourrir sa pensée, sa parole, son énergie et l‘envie de s’exprimer
3. Dépasser ses blocages et s’affirmer
Outils
— 73 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
AUTO-ÉVALUATION ET FEED-BACK :
LE BILAN DE MES COMPÉTENCES
Partiellement
d’acquisition
Non acquis
En cours
Dépassé
Mes compétences d’orateur
Acquis
acquis
Je sais identifier ce qui limite ma prise de parole.
Je cultive ma curiosité.
— 74 —
Auto-évaluation et Feed-back : Le bilan de mes compétences
Partiellement
d’acquisition
Non acquis
En cours
Dépassé
Mes compétences d’orateur
Acquis
acquis
Je sais soutenir et projeter ma voix.
V Mon articulation est claire et distincte.
O
C Mon volume est affirmé et ne s’affaisse pas en fin
A de phrase.
L
Mon débit n’est ni trop rapide, ni trop lent
et je sais marquer des pauses.
— 75 —
CHAPITRE
3
Mesurer la portée
de sa communication
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
Chacun comprend selon son vécu, son histoire, sa personnalité et ses réfé-
rences propres. On entend souvent qu’entre ce que l’on souhaite dire, ce
que l’on croit dire, ce que l’on dit vraiment, ce que l’autre entend, ce qu’il
veut entendre et ce qu’il comprend, il existe de nombreuses occasions de ne
pas se comprendre. Et communiquer est une affaire complexe, tout d’abord
parce qu’il n’est pas toujours facile d’exprimer sa pensée de manière claire et
aussi parce que nous avons des difficultés à écouter, à vraiment écouter,
sans filtres.
UN EXEMPLE
Pour Mathias, professeur de mathématiques, les élèves sont inattentifs et
oublient toujours leur matériel. Un jour, exaspéré, il prend le carnet d’un
élève et inscrit : « Adam fait ses calculs sans sa calculatrice. »
La mère de l’enfant se dit alors qu’elle devrait faire tester son fils, car
aujourd’hui presque tous les enfants sont surdoués. Fière, elle s’empresse
de répondre : « Je vous remercie. Je vais le féliciter. »
— 78 —
Mesurer la portée de sa communication
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment sensibiliser nos élèves à prendre en compte les représentations
multiples du réel propres à chacun ? Permettre un entraînement régulier,
sans dénigrer les expressions maladroites ou les termes erronés, favoriser
l’écoute mutuelle et le développement d’un vocabulaire riche et varié, instal-
ler des exercices de reformulation ou retranscrire à tour de rôle le discours
d’un camarade ou d’un orateur quelconque, avec son propre langage,
permettent à chacun de confronter sa vision et d’enrichir ses outils verbaux.
— 79 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
En pratique : Le VAKOG
Acronyme de Visuel, Auditif, Kinesthésique, Olfactif, Gustatif, cet outil
issu de la PNL invite à identifier les canaux sensoriels préférentiels de son
interlocuteur à travers son langage, afin de lui parler la « même langue ».
Si cette vision est particulièrement restrictive (voire erronée car nous
percevons via tous nos sens), nous pouvons cependant utiliser cet outil
pour élargir notre vocabulaire sensoriel afin de toucher plus largement.
Ainsi, les mots stimulant le canal visuel seront : regarde, montre-moi,
bleu, flou, obscur…
Les mots du canal auditif, quant à eux, peuvent être : écoute, dis-moi,
cliquetis, bruyant…
— 80 —
Mesurer la portée de sa communication
UN EXEMPLE
Dire à une personne terrorisée par les chiens, « ne vous inquiétez pas, mon
chien n’est pas méchant », n’aura pas du tout le même impact inconscient
que « rassurez-vous, mon chien est gentil », même si le sens est finalement
— 81 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
— 82 —
Mesurer la portée de sa communication
UN EXEMPLE
Dire que le ciel est d’un bleu éclatant et que le soleil se reflète sur la mer
sera évocateur sur un plan visuel, mais bien moins stimulant que de parler
aussi, simultanément, du bruissement des vagues, du sifflement du vent, de
la moiteur du jour ou de la fraîcheur de l’eau.
Ainsi, utiliser des images et des exemples à la fois visuels, auditifs, kinesthé-
siques, olfactifs, gustatifs, tout en ayant recours à une explication la plus claire,
la plus logique et la plus simple possible permet de satisfaire tous les « cerveaux ».
Il est donc intéressant, à travers notre langage verbal, de mesurer chaque fois
ce que nous donnons à voir, à entendre, à sentir et à ressentir, et ce que nous
suggérons tout autant que ce que nous donnons à comprendre. (Et d’autres
outils techniques seront fournis en ce sens, un peu plus loin.)
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment sensibiliser nos élèves ou nos stagiaires à la dimension senso-
rielle, intellectuelle et émotionnelle des mots et à leur impact ? Proposer
une grille d’écoute et d’analyse telle que la DISE (fournie en chapitre 5),
engager la création d’images mentales corrélées au système sensoriel à
travers des ateliers d’écriture, ou travailler sur l’analyse de suggestions
et l’enrichissement du vocabulaire, participent au développement de
l’intelligence verbale.
— 83 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
Vos mots ont donc un pouvoir suggestif très fort et un impact différent selon
l’interlocuteur, mais ils révèlent également la valeur que vous vous attribuez par
rapport à l’autre. Si vous vous sentez inférieur et peu sûr de vous, cela se traduira
aussi dans votre langage, par exemple à travers des excuses ou des justifications
permanentes, ou pire : des critiques à l’encontre de votre propre valeur.
Ces postures relationnelles sont motivées d’une part par le contexte ou par notre
interlocuteur, qui peut nous placer en situation de réaction ou de défense par
exemple, et d’autre part en fonction de notre personnalité, qui est elle-même
façonnée selon ce que nous avons reçu de nos parents, de notre environnement,
de l’école, etc. S’entendre ainsi répéter régulièrement dans l’enfance : « mais
applique-toi, dépêche-toi, sois gentil, ne pleure pas, cesse de te plaindre, fais-
moi plaisir, fais des efforts, comporte-toi bien… » a un impact sur notre compor-
tement et notre manière de nous exprimer. Lorsque nous prenons la parole,
notre langage reflète aussi cette posture.
DES EXEMPLES
Lorsque nous critiquons ou moralisons : « Il faut que je sois plus éloquent,
il y a des règles à respecter… », ou que nous ordonnons : « Tu dois dire ceci,
les choses ne se font pas comme cela », nous nous jugeons durement dans
le premier cas et infantilisons notre interlocuteur dans le second, c’est le
Moi Parent qui s’exprime. Inversement lorsque nous perdons nos moyens,
— 84 —
Mesurer la portée de sa communication
que nous nous effaçons ou à l’inverse que nous sur-réagissons « Je n’ai pas
envie de prendre la parole mais bon je n’ai pas le choix » ou « De toute façon
ces gens ne m’apprécient pas… », nous adoptons l’attitude du Moi Enfant.
— 85 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
Résultats :
p entre 4 et 5 : L’orateur « Pile électrique »
Mon driver est « Dépêche-toi ». J’ai tendance à perdre mon interlocuteur avec
une structure de discours souvent peu claire et un enchaînement rapide des
idées, parfois au détriment du sens. Je ne prends pas toujours le temps de
bien comprendre ce qu’attend mon interlocuteur, étant trop préoccupé par
le désir d’en dire le plus possible. Je parle vite, marque peu de pauses et j’ai
une tendance à l’agitation et à la nervosité.
— 86 —
Mesurer la portée de sa communication
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment utiliser l’identification de ces drivers chez nos élèves pour
mettre en place des exercices adaptés et les aider à devenir des orateurs
plus accomplis ? À travers l’observation et le questionnement autour des
résultats de ce test, ainsi que le jeu de rôle ou la mise en scène, nous
favorisons à la fois la prise de conscience et l’amélioration de ses « fai-
blesses naturelles » à l’oral.
UN EXEMPLE
Pour François, professeur de français, le test des drivers a été très révélateur :
« J’ai réalisé qu’en classe, j’avais souvent tendance à parler très vite, à presser
les élèves par peur de ne pas finir le programme. Le résultat est qu’une fois
arrivé au point que je m’étais fixé, la plupart d’entre eux n’avaient même pas
retenu la moitié du cours. Je me sentais aussi en difficulté lorsqu’ils avaient
une question à laquelle je n’avais pas de réponse. Aujourd’hui, j’ai pris
conscience que de répondre “je ne sais pas” ne fait pas de moi un ignorant et
ne nuit pas à ma crédibilité. Personne n’est parfait ! »
— 87 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
Ainsi, nos expressions, nos mots, nos formulations ont un impact fort sur notre
interlocuteur. À travers le langage que nous employons, nous créons non seu-
lement des suggestions mentales particulières et influençons l’état de l’auditeur,
mais nous communiquons aussi ce que nous sommes, ce que nous pensons
et la place que nous prenons dans la relation. Et ce, de façon bien souvent
inconsciente.
Mesurer et maîtriser la portée de ce langage, c’est donc passer de l’inconscient
au conscient, en observant les mots et l’attitude que nous adoptons et en en
choisissant de plus appropriés.
— 88 —
Mesurer la portée de sa communication
Les mots ont donc un pouvoir considérable dans notre communication. Pour
autant, on ne saurait limiter celle-ci au seul langage verbal. Nos gestes, notre
posture, les expressions de notre visage ou encore nos intonations vocales ont
aussi un impact essentiel sur notre interlocuteur.
— 89 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
UN EXEMPLE
Imaginez un homme déclarant sa flamme avec un visage renfrogné, une
gestuelle fermée, le regard fuyant et le corps orienté vers la sortie. Il enverrait
ainsi des signaux corporels contradictoires venant remettre en cause la
crédibilité de son propos. Que pourrait alors penser son interlocutrice ? Qu’il
est peu honnête, peu aimable et peu sympathique.
Notre posture, nos expressions, notre gestuelle représentent donc une part
essentielle de notre communication. Or quelle conscience avons-nous de notre
propre corps et de ce qu’il communique ?
En contexte scolaire, nous sommes souvent préoccupés par le contenu de notre
propos, de façon parfois exclusive, mais nous ne sommes pas toujours attentifs à
tous les petits signaux non verbaux que nous transmettons. Et de façon géné-
rale, nous accordons souvent plus d’attention à notre mental qu’à notre corps,
trop préoccupés par le flot de pensées constantes qui nous submergent.
• Vous-même, à chaque moment de la journée, avez-vous conscience de ce
qui se passe dans votre corps ?
• Mesurez-vous votre état, vos mouvements et l’impact de votre physiologie ?
• Écoutez-vous vos sensations autant que vos pensées ?
Il y a, de façon culturelle, une tendance à valoriser davantage les activités intel-
lectuelles que les activités manuelles. Le corps serait le témoin direct de notre
animalité quand le mental refléterait ce qui « élève » et fonde notre humanité.
Même si les mentalités sont en train d’évoluer considérablement à ce sujet, il y a
encore du chemin à faire. Et, contrairement aux cultures asiatiques notamment,
en dehors des pratiques d’hygiène de base et du sport hebdomadaire, il existe un
rapport quotidien au corps peu investi et peu conscientisé.
— 90 —
Mesurer la portée de sa communication
Si nous pouvons facilement contrôler notre langage verbal, ce n’est pas tou-
jours le cas concernant notre langage corporel. Et ce, parce que notre corps
est le siège d’un ensemble de manifestations physiologiques pas toujours
maîtrisables. C’est le cas lorsque l’on rougit sous l’effet de la honte ou lorsque
nos pupilles se dilatent sous l’effet du désir. Notre corps révèle ainsi ce que nous
vivons intérieurement, ce que nous ressentons et ce que nous pensons. Et ce
langage est perçu par notre interlocuteur.
UN EXEMPLE
Beaucoup d’enseignants ont pu en faire l’expérience et constater qu’ils
pouvaient « fatiguer » leur classe ou générer une certaine agitation par un
débit de parole trop rapide ou une gestuelle particulièrement énergique.
Inversement, un rythme trop lent conduit à « endormir » les élèves.
— 91 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
UN EXEMPLE
Pour Élodie, en jury d’examen, c’est chaque fois le même scénario :
« Lorsque je vois les candidats s’avancer stressés, crispés, avec le souffle
coupé, je commence à me sentir tendue. Je suis un vrai buvard. »
— 92 —
Mesurer la portée de sa communication
Tous les signaux que nous envoyons constamment sont reçus et interprétés par
notre « public » parfois consciemment, parfois de façon inconsciente, mais ils ont
toujours un impact.
Tout comme le sourire appelle le sourire, sous l’action des neurones miroirs,
nous pouvons adopter jusqu’aux émotions de la personne face à nous. On parle
alors dans certains cas de véritable contagion émotionnelle.
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment aider nos élèves ou nos stagiaires à prendre consciemment
place dans leur corps et à mesurer, à chaque instant, l’impact de leur
communication non verbale ? L’observation par les pairs, les exercices
de pleine conscience, l’utilisation du miroir, d’une caméra ou la mise en
place de feed-back collectif sont à installer de façon écologique et cadrée,
afin de respecter chaque sensibilité.
Notre corps a son propre langage. Nos gestes, par exemple, font sens et peuvent
servir ou desservir le contenu de notre propos. On parlera de gestes illustra-
teurs et ponctuateurs dans le premier cas, ou à l’inverse de gestes parasites,
dans le second.
— 93 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
— 94 —
Mesurer la portée de sa communication
UN EXEMPLE
Durant mon cursus universitaire, j’avais lu dans un ouvrage de ce que
l’on nomme aujourd’hui la synergologie, que porter sa bague à l’index
était le signe, chez une femme, d’une personnalité castratrice. Voilà que
je me découvrais ce « talent » à travers une analyse aussi simpliste que
contestable. Personnellement, j’ai de très petits doigts et parfois je n’ai pas
d’autre choix que l’index pour porter une bague qui me plaît.
Nous devrions toujours faire preuve de prudence, lorsque l’on souhaite aborder
ces notions et comprendre que notre corps et nos mouvements sont la consé-
quence d’un état interne, lui-même conditionné par nos pensées, nos émotions
et des mécanismes physiologiques multiples.
Aussi, il n’est guère pertinent d’analyser un geste isolé, mais l’on doit approcher
l’analyse non verbale sous forme de Cluster, c’est-à-dire un ensemble de gestes
dans le cadre d’une posture globale. Tout comme il ne sera pas pertinent
d’apprendre divers gestes à singer lors de sa prise de parole, mais il conviendra
plutôt de créer cet état « corporel intérieur » propice.
DES EXEMPLES
Lorsque nous sommes agités, notre gestuelle est plus vive, notre respiration
plus rapide et nous avons tendance à faire plus de mouvements. Lorsque
nous sommes calmes et détendus, notre gestuelle est inversement plus
« molle », notre respiration plus lente et nous faisons moins de gestes.
Cette simple observation, qui relève avant tout du bon sens, est perçue par
l’interlocuteur. Il est probable que notre propre expérience de nos vécus et
ressentis corporels nous permette de les identifier chez les autres.
— 95 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
et sans vie. La plupart des gens se sentent mal à l’aise, voire anxieux, face à un
langage corporel éteint et « dévitalisé ».
— 96 —
Mesurer la portée de sa communication
UN EXEMPLE
Caroline est une jeune enseignante et vit parfois sa petite taille comme
un handicap dans sa posture d’autorité : « Autrefois, nous avions des
estrades pour nous élever hiérarchiquement face au groupe d’élèves. Avec
les nouvelles pédagogies, il faut s’affirmer différemment. Et comme je
suis minuscule, je dois compenser par mes mouvements, ma gestuelle, ma
présence vocale et mon attention au groupe. »
— 97 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
— 98 —
Mesurer la portée de sa communication
DES EXEMPLES
Nicolas, jeune professeur des écoles, rapporte qu’on lui reproche souvent
son visage renfrogné : « Je suis tellement pris par mon contenu, ou par les
impératifs logistiques ou disciplinaires, que j’oublie de sourire, de regarder
et d’être ouvert à chacun. » En situation d’enseignement, face à un groupe
conséquent, nous avons d’ailleurs tendance à porter notre attention sur les
plus investis, oubliant quelquefois les plus discrets.
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment permettre à nos élèves ou à nos stagiaires de conscientiser
et de maîtriser leurs mimiques et expressions ? Une mise en place des
jeux de mime et d’activités de feed-back collectif doit s’organiser sans
heurter la pudeur des plus timides ou des plus inhibés.
— 99 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
EXERCICE N° 3 : LE MIME
À l’aide de mon corps, de ma posture, de mon visage et de mes gestes, je mime la
métamorphose suivante : Je me réveille le matin
et je suis un gnome aigri et renfrogné. Je me lave,
je prends mon petit déjeuner et avale une pilule
magique. Celle-ci agit sur moi et me transforme
progressivement en géant, joyeux et fort. Je mime
les situations et aventures de ma journée au fur
et à mesure de ma métamorphose.
Je fais preuve d’imagination et de créativité. Mes
gestes et mes mouvements racontent l’histoire.
Mon corps et mon visage expriment les émo-
tions. Et ma posture décrit la métamorphose.
Le langage verbal est proscrit.
Le retour de mon public (ou de mon smartphone)
me permet de mesurer le niveau d’expressivité et
de clarté de mon langage corporel. Cet exercice
développe aussi ma créativité.
— 100 —
Mesurer la portée de sa communication
UN EXEMPLE
Sous l’effet de la colère et de la pression forte de l’air arrivant sur les cordes
vocales, la voix « part » dans les aigus, en plus d’une nette augmentation de
l’intensité (décrédibilisant au passage la personne qui perd ses moyens).
Et lorsque l’on a la gorge serrée, ou des contraintes diverses au niveau du
larynx, il est difficile de moduler la hauteur de sa voix.
— 101 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
et la bouche à peine ouverte, le son est alors « éteint », sourd et peu coloré. La
voix traduit ainsi non seulement les expressions de notre visage, mais il existe
même une dimension universelle du langage liée aux inflexions vocales,
vecteurs directs de nos émotions et de notre état.
Les expériences de la psycholinguiste Disa Sauter ont par exemple révélé que
des émotions primaires étaient perceptibles et intelligibles à travers la voix,
quels que soient le peuple, la langue et la culture. Car nous ressentons tous la
peur, la colère, la tristesse ou la joie de façon identique sur un plan physiolo-
gique. Il est logique que la manifestation vocale qui en résulte soit, par consé-
quent, identique et universellement identifiable.
UN EXEMPLE
Maxime affirme que, lorsqu’il est au téléphone, il sait instantanément
comment se tient la personne au bout du fil et quelle est son humeur. Et il
ajoute « si c’est quelqu’un que je connais, alors je peux dire au son de sa voix
s’il y a quelque chose qui cloche ».
Nous percevons non seulement les émotions ou l’état d’une personne à travers
ses inflexions vocales, mais nous identifions aussi sa posture et tous les signes de
rigidité et de fermeture. Par exemple lorsque la voix est étouffée, peu sonore,
avec un son « pincé », sec et dur, résultant de « serrage » et de contractions. Or ces
paramètres sont associés à un manque d’affirmation, de présence et de crédibi-
lité. Ils ont de plus un impact anxiogène sur l’interlocuteur, comme c’est le cas
aussi pour le langage corporel. (Bien que le simple stress ne soit pas lié nécessai-
rement à un danger de vie ou de mort, il est toutefois appréhendé comme tel et
traqué aussi dans nos inflexions vocales.)
— 102 —
Mesurer la portée de sa communication
UN EXEMPLE
Sous l’effet de la peur, le cœur s’accélère, la pression de l’air devient plus
forte. Ainsi le volume augmente et le rythme de la parole s’accélère. De
la même manière, l’agitation est marquée par une rythmique saccadée et
une diction rapide. Inversement, lorsque nous sommes calmes et détendus,
notre débit est plus lent et notre voix plus posée.
DES EXEMPLES
Qui n’a pas souvenir, lors de son cursus scolaire, d’un professeur à la voix
monocorde et au débit particulièrement lent qui finissait par endormir toute
la classe ?
Et lorsqu’on a un caractère énergique et vif, écouter un débit lent avec une
voix douce et posée, à défaut de nous endormir, peut agacer et apparaître
comme de la mollesse ou de la mièvrerie.
Car la façon dont nos inflexions vocales sont perçues dépend aussi de l’état
et de la « personnalité vocale » de l’individu face à soi. Imaginons que l’on soit
particulièrement dynamique, avec une diction très rapide et une voix tonique.
Si la personne à qui nous nous adressons est sur un mode beaucoup plus lent
et calme, elle va alors se sentir heurtée par notre expression qu’elle jugera trop
« agitée » ou « fatigante ».
• Or quelle conscience avez-vous de ces interactions ?
• Quels sont ces changements subtils qui s’opèrent dans votre voix, selon
votre posture, vos émotions ou vos expressions ?
• Avez-vous connaissance de ce qui transparaît dans chaque inflexion vocale ?
• Et mesurez-vous réellement la portée de ce que votre propre voix
communique ?
— 103 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
— 104 —
Mesurer la portée de sa communication
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment gérer la pratique individuelle au sein du collectif ? Il est capital
d’intégrer chaque fois tous les participants et l’on peut s’interroger sur les
moyens à mettre en œuvre pour développer les compétences d’écoute et
d’analyse de ceux qui observent : fournir des grilles d’évaluation, aider au
diagnostic collectif, initier aux notions théoriques des paramètres vocaux
et de leur impact…
La voix est ainsi une projection de soi, de sa pensée, de sa parole, de son état et
de ses émotions. Elle renvoie une image assez précise de qui nous sommes, de
nos dispositions et possède son propre langage.
— 105 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
DES EXEMPLES
Une personne timide, n’osant affirmer sa parole face à l’autre aura une voix
en retrait avec un volume faible. Inversement, une voix bien présente avec
un volume assez fort est la marque d’une personnalité affirmée et sûre d’elle.
Et une personne cherchant à exister au sein de la relation, désirant se faire
entendre ou qu’on la remarque, aura tendance ainsi à augmenter le volume.
Or réquisitionner l’espace sonore avec un volume trop fort, que j’aurais tendance
à qualifier de totalitarisme vocal, peut marquer une prise de pouvoir. On se
sent rapidement agressé par des voix trop puissantes perçues comme autori-
taires. En coaching, il m’arrive fréquemment d’accompagner des personnes à
qui l’on reproche d’être agressives alors qu’elles ont juste des difficultés à adapter
le volume de leur voix. Les cordonniers étant les plus mal chaussés, la phrase
fétiche de mon père est d’ailleurs « je ne crie pas, je parle avec passion » !
Cependant, le volume est aussi dépendant du type d’échange et du contexte. Un
volume faible, impliquant un certain rapprochement, témoigne aussi du niveau
d’intimité. Parler doucement n’est donc pas nécessairement signe de retrait ou
de timidité mais peut être aussi une marque de proximité. Tout comme il semble
logique de parler plus fort lorsqu’il y a du monde et que l’espace est grand, sans
pour autant faire preuve d’autoritarisme vocal.
Enfin, comme le volume symbolise notre présence, il manifeste aussi ce à quoi
nous accordons de l’importance. Lorsqu’un mot est plus fort par exemple, cela
souligne le fait que nous mettons notre intention sur ce mot-là plutôt qu’un autre
et cela fait sens.
— 106 —
Mesurer la portée de sa communication
DES EXEMPLES
À travers le chant, dans les livrets d’opéra, le personnage le plus âgé, faisant
preuve de sagesse et de modération, ou détenteur du pouvoir, aura toujours
un registre de basse. Tandis que la jeunesse et l’impétuosité, ou la passion
et la fougue d’un personnage masculin, seront associées au registre de
ténor (registre aigu d’homme).
Musicalement, il y a même cette notion de « poids » symbolique attribué à
la hauteur en lien avec le poids réel du personnage ou de l’objet. L’éléphant
sera représenté par une figure mélodique grave, la souris par des notes
aiguës. (Les instruments les plus gros produisent d’ailleurs les fréquences
les plus basses.) Ampleur, taille, « aura », prestance, épaisseur, poids, force
et densité sont véhiculés par la hauteur de la vibration émise.
— 107 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
se teinter d’accents divers. Et elle influe par conséquent sur la sonorité de la voix,
car selon la position de la langue, des lèvres ou de la mâchoire, le son sera pro-
jeté dans des zones différentes.
DES EXEMPLES
Les « M » ou les « N » résonneront ainsi dans le nez, les « K » et les « R » dans
l’arrière-gorge ou encore les « D » ou les « T » seront projetés vers l’avant
de la bouche. Les différentes consonnes vont ainsi structurer et apporter
du relief à la voix en lui conférant une certaine scansion et un aspect quasi
percussif. Essayez de prononcer en chuchotant « P K T CS K T TS », et vous
mesurerez à quel point l’articulation contribue à la rythmique d’une voix. Et
lorsque les voyelles sont ouvertes et marquées, le son est alors plus rond,
plus doux et plus mélodieux.
— 108 —
Mesurer la portée de sa communication
— 109 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
Le docteur Christophe Haag, par exemple, constate que les patients dépres-
sifs ont un débit ralenti, une voix inexpressive aux intonations peu variées et
une élocution peu précise. Pour le chercheur Michael Argyle, les personnes
extraverties auraient un volume plus fort avec un ton plus aigu et un débit
plus rapide. Je rajouterai une grande variation dans les intonations vocales
et lorsque l’on comprend comment fonctionne la physiologie vocale, ces
résultats relèvent du bon sens.
Ainsi, il précise que les jeunes ont une plus grande vélocité et une intensité
plus forte que les personnes âgées, et que la voix véhicule davantage l’émotion
que le visage. Notons cependant que la sonorité vocale est une conséquence
des expressions faciales. Mais nous pouvons plus facilement contrôler nos
mimiques que nos états internes. Il est donc logique qu’il soit ardu de maîtriser
parfaitement ses inflexions vocales, à l’inverse de son apparence.
Enfin, on ne peut analyser la portée d’une voix que dans le cadre d’une situation
relationnelle précise.
— 110 —
Mesurer la portée de sa communication
— 111 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
La problématique de l’enseignant-formateur
Je m’interroge sur mes propres compétences de formateur à l’expres-
sion vocale et sur ma capacité à « écouter » et à identifier les différentes
inflexions de la voix. Je m’entraîne à écouter et à analyser les voix autour
de moi selon leurs différents paramètres : volume, hauteur, timbre, débit,
rythmique.
La richesse de notre palette vocale est donc un élément de notre langage à part
entière. Elle donne une image de notre personnalité et traduit notre état et
nos émotions. D’où l’importance de créer un état de cohérence interne entre
notre pensée, notre discours, nos ressentis et notre personnalité, générateur de
postures et d’inflexions vocales spécifiques. Car choisir de contrôler sciemment
chacun des éléments techniques et paramètres corporels ou vocaux relève non
seulement de l’exploit mais finit par parasiter l’authenticité de notre prise de
parole.
Et c’est bien cette authenticité qu’il convient de préserver afin d’être congruent.
Car tous les signaux présentant un désaccord entre la gestuelle, la voix et le
langage verbal parasitent totalement la communication et ont un impact très
négatif.
— 112 —
Objectifs
OBJECTIFS
Parcours et progression
Les étapes de mon succès
1. Prendre conscience des différents vecteurs de la communication
(Écoute)
2. Mesurer et contrôler la portée de ces vecteurs (Outils)
3. Apprendre à analyser ces vecteurs au sein de ma communication et
de celle de mon interlocuteur (Feed-back)
Outils
— 113 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
AUTO-ÉVALUATION ET FEED-BACK :
UN PREMIER BILAN
Partiellement
d’acquisition
Non acquis
En cours
Dépassé
Mes compétences d’orateur
Acquis
acquis
J’ai conscience de mes mécanismes cérébraux
et des filtres qui parasitent ma vision du monde.
— 114 —
Auto-évaluation et Feed-back : Un premier bilan
Partiellement
d’acquisition
Non acquis
En cours
Dépassé
Mes compétences d’orateur
Acquis
acquis
En situation j’ai conscience et je mesure l’impact
de ma posture sur mon interlocuteur.
— 115 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
— 116 —
CHAPITRE
4
Entrer en relation
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
Prendre la parole c’est faire entendre sa voix. C’est prendre position lors d’un dis-
cours et affirmer son point de vue. C’est soumettre sa pensée à autrui. C’est ren-
contrer l’autre et partager. C’est prendre sa place et se confronter au monde.
Et il y a une grande différence entre se mettre en scène et livrer sa parole.
Réduire un échange à des trucs et astuces gestuelles, corporelles, vocales, ou à
des outils rhétoriques reviendrait à dénaturer la parole. Aucune congruence n’est
possible sans sentiment d’adhérence et de cohérence interne.
Être Soi
Pour autant, la problématique existentielle du « Qui suis-je ? » et « Quelle est ma
place dans cette relation ? » ne saurait être résolue ici. Le conseil généraliste le
plus cliché en prise de parole en public, le plus déstabilisant et le moins construc-
tif étant sans doute : « Soyez vous-même ! ». Ce qui impliquerait une certaine
connaissance de Soi, celle-là même qui par essence naît de l’expérience, d’un
cheminement continu et d’un apprentissage constant. Alors, on pourrait être
tenté de se demander « que faire en attendant ? ». Et peut-on véritablement être
autre chose que soi-même ?
Par ailleurs, être soi-même lorsque l’on est naturellement peu à l’aise à l’oral, gros-
sier ou perpétuellement en conflit et vindicatif, n’est pas l’un des meilleurs conseils
qui soit. Les notions de progression personnelle, d’amélioration, d’apprentis-
sage et pire, d’adaptation à l’autre et au contexte semblent évincées. Comme
ces personnes qui, sous prétexte d’honnêteté, disent tout ce qu’elles pensent
alors qu’elles devraient uniquement se contenter de penser ce qu’elles disent pour
paraphraser Hypolite de Livry. Et livrer sa parole sans tenir compte du contexte
relationnel et de la personne face à soi, est-ce véritablement communiquer ?
— 118 —
Entrer en relation
Et il en est de même pour lui. Son comportement est une réponse au nôtre. (Les
jeux relationnels, de manipulation ou de rapports de force, qui peuvent d’ailleurs
se jouer au sein d’un échange n’ont d’existence que si les différents protagonistes
y participent.) On peut parler d’une véritable dimension systémique de la
communication, impliquant le Soi, l’autre et la relation.
Être Soi se conçoit donc au sein d’une dynamique relationnelle. Il s’agit d’un
positionnement. Et nous avons précédemment abordé la question sensible du
Soi face à l’autre et de la nécessité de trouver une parole juste, assurée, qui nous
inspire avant tout. Et ce, dans un but d’alignement personnel et d’authenticité.
Car c’est bien d’authenticité qu’il s’agit, d’être en accord avec ses valeurs, d’être
à l’écoute de ses besoins et de ses ressentis tout en considérant son interlocuteur.
Cette même authenticité qui réclame à la fois humilité et capacité à poser un
regard honnête sur ses propres croyances et opinions, où tester la validité de son
propos, nous l’avons vu, relève d’une véritable exigence citoyenne. (Cette pos-
ture a été abordée précédemment et je vous propose à présent de l’approfondir.)
Trouver sa voix
La voix représente l’essence, la vibration de l’être et l’incarnation de sa pensée
dans la matière. Or beaucoup s’expriment avec une voix contrainte et retenue,
sous l’influence des nombreuses injonctions sociales ; ou alors « travestie », modi-
fiée pour correspondre davantage au contexte.
— 119 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
UN EXEMPLE
Certaines femmes tentent de baisser le registre de leur voix parce qu’elles
évoluent dans un milieu d’hommes. On se souviendra de Margaret
Thatcher prenant des cours au Royal National Theater de Londres dans
le but d’abaisser son registre et d’augmenter l’amplitude de sa voix afin
de présenter une image plus crédible, plus « dominante » et charismatique,
digne d’un chef d’État.
Les personnalités politiques ne sont pas les seules à avoir recours à ce type de
« rééducation », même si tous ne se font pas nécessairement accompagner. Qui
d’ailleurs n’a pas cherché, à un moment de sa vie, selon le « public » et l’envi-
ronnement, à avoir une voix plus solide, plus séduisante, plus impactante, plus
chaude, plus ample, plus « belle » ?…
En pratique : Le coquillage
Nous entendons notre voix plus grave, plus chaude et plus sourde que ce
qu’elle n’est réellement, puisque filtrée par nos tissus et notre ossature.
Et certains sont très déstabilisés par l’écoute de leur voix « réelle », très
différente de cette perception interne. Or, pour présenter sa voix à l’autre,
il faut pouvoir l’assumer. Se familiariser régulièrement avec son propre
son est une manière de l’accepter.
Je place mes deux mains en quinconce pour orienter le son de ma
bouche à mon oreille afin d’avoir une écoute plus extérieure de ma voix.
Je m’habitue et prends plaisir à écouter régulièrement ce son, la vibration
de mon timbre.
Notre voix est la chair de notre identité. Elle laisse entrevoir ce qui se passe
en nous, notre intériorité et relève de l’intime. On peut véritablement parler
d’image vocale. Et la recherche d’une « apparence sociale » idéale, adaptée à
une profession ou à un contexte relationnel particulier (désir de reconnaissance
ou de séduction), se révélant particulièrement à travers notre apparence phy-
sique et notre style vestimentaire, se manifeste donc aussi dans notre voix.
Toute la difficulté étant de trouver un équilibre satisfaisant entre cette image
sociale et une expression libérée et authentique. On utilise d’ailleurs le terme
de « voix naturelle ». Car si les questions de l’autre, du contexte et de la relation
sont nécessairement prises en compte dans le cadre de l’expression de Soi, on
peut se demander jusqu’à quel point nous devons nous adapter. Et jusqu’à quel
point sommes-nous encore naturels et authentiques ?
Sur le plan vocal, la réponse est simple : la voix est naturelle jusqu’à ce que
l’on mette en place des mécanismes non naturels, qui nuisent à notre santé
vocale. (Sachant qu’il est plus facile d’identifier ce qui ne nous convient pas
— 120 —
Entrer en relation
DES EXEMPLES
Pour Mathilde, enseignante en lycée professionnel, les journées sont parfois
si éprouvantes qu’elle finit par perdre sa voix. « J’essaie toute la journée
de m’imposer vocalement, de faire en sorte que l’on m’entende et que l’on
me respecte en adoptant une voix grave et forte. L’année dernière, j’ai été
aphone pendant une semaine. »
Maryline, institutrice, quant à elle, tente de modifier son registre, trouvant
sa voix trop grave et manquant de douceur et de féminité : « Le fait de
parler plus doucement et dans les aigus rassure davantage les petits, mais
j’ai souvent la voix fatiguée ou cassée. »
— 121 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
— 122 —
Entrer en relation
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment laisser émerger chez les participants une parole sincère et
vraie, sans besoin de jouer un rôle ou d’être dans la performance ? Il
est indispensable de créer un environnement bienveillant et accueillant
pour libérer la parole : convenir d’une charte des échanges, interdire les
jugements de valeur, différencier le « faire » de « l’être »…
— 123 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
Nos mots, nos phrases, notre corps, notre voix portent notre pensée. Ainsi, être
congruent et aligné avec sa parole implique, d’une part, de libérer son expres-
sion et, de l’autre, de nourrir cette conviction intérieure en affinant, en question-
nant et en validant sa pensée.
— 124 —
Entrer en relation
avec une éthique propre, à même ou non d’inspirer confiance et respect (ethos).
Il y a le contenu du message, fruit d’une expérience ou d’un raisonnement
logique et référencé, nourri de preuves et d’arguments, révélant une position cré-
dible, ou non (logos). Et il y a la relation, un échange humain, sensible et rempli
d’affect, à la recherche de sens et de reconnaissance, à même de créer du lien
et d’inciter à agir ou non (pathos), où le cœur a ses raisons que la raison ignore.
— 125 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
UN EXEMPLE
Pour ou contre l’obligation du port du masque ? Un sujet qui semble
faire polémique en pleine crise de coronavirus, où les détracteurs
soulignent la dictature et le mépris de nos libertés individuelles et où les
partisans critiquent l’irrespect et l’indiscipline des citoyens qui mettent
en danger la vie d’autrui. Une vision nuancée questionnerait la notion
de liberté et ses limites (espace privé, public…), la notion de respect
et la mesure réelle du danger pour autrui, pour soi. Elle questionnerait
l’évaluation des risques et définirait des contextes « pour » et « contre »,
sans généraliser.
UN EXEMPLE
Pour Mélanie, qui anime souvent des débats au cours de ses ateliers, « le
plus difficile, c’est de faire comprendre aux élèves que l’objectif n’est pas
de prouver que l’autre a tort mais d’être à l’écoute de ce qu’il défend pour
enrichir et améliorer ses propres propositions ».
— 126 —
Entrer en relation
Les vécus et les parcours différents des personnes impliquent nécessairement des
expériences différentes, des visions du monde multiples et des points de vue aussi
éloignés qu’ils sont féconds. Et cela ne saurait remettre en question la valeur
des individus. Alors, pourquoi devrait-on se sentir remis en cause car l’opinion
adverse est différente ?
• Que ressentez-vous lorsque l’on vous contredit ?
• Et quelle est votre attitude ?
UN EXEMPLE
Sébastien se sent souvent déstabilisé lorsque l’on remet en question son
point de vue, « j’ai beau savoir que ce n’est pas une attaque directe contre
moi, ma première réaction est de me sentir bafoué et non reconnu, alors
qu’il me suffit bien souvent d’écouter l’autre et de prendre en compte ses
arguments pour qu’il soit plus réceptif aux miens ».
Comme nous l’avons vu, la confiance en soi vient avec l’oubli de soi. Oublier ses
considérations personnelles au profit de la compréhension de l’autre est un pas vers
l’échange et la sécurité intérieure. Oublier sa valeur au profit de l’enrichissement
lié au contact d’un point de vue adverse est un pas vers l’épanouissement. Laisser
de côté les implications émotionnelles déplacées pour se recentrer sur ce qui
n’est qu’un débat d’idées, une piste foisonnante d’informations, est un pas vers
l’enthousiasme et le désir d’échanger. Et passer du Soi à la Relation, est non seu-
lement le chemin vers la confiance, mais c’est aussi l’unique condition de la Paix.
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment cultiver l’art du débat au regard des notions de respect, de
coopération, d’écoute de l’autre, d’empathie et de tolérance ? Et comment
développer « l’esprit de contestation » comme prétexte à l’expression
des valeurs citoyennes ? S’appuyer sur l’enseignement moral et civique,
développer l’écoute, le doute et le questionnement, comparer des points
de vue contraires et identifier les valeurs sous-jacentes sont des pistes
à explorer.
— 127 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
2. LA RELATION D’ÉCHANGE
— 128 —
Entrer en relation
— 129 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
UN EXEMPLE
Franck, professeur d’histoire-géographie, a dû fortement revoir son
langage face aux élèves : « Au début, je me disais qu’ils allaient enrichir leur
vocabulaire à mon écoute et puis j’ai réalisé que les trois quarts de ma classe
ne me comprenaient pas et qu’un fossé se creusait. Aujourd’hui, je les prends
en compte en simplifiant mon langage. Et pour ce qui est du vocabulaire, j’ai
mis en place des activités dédiées. »
Avant toute intervention orale, il est donc aussi nécessaire d’écouter et d’observer
afin d’adapter sa prise de parole au contexte, à la relation et aux personnes face
à soi. Certains perçoivent intuitivement le décalage entre leurs propres codes et
ceux de l’interlocuteur et finissent par ne plus savoir « comment » dire. Il y a donc
aussi un langage à développer sur ce plan.
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment conduire ses élèves ou ses stagiaires à acquérir un langage
et des « codes » plus élargis afin d’être en mesure d’adapter leur prise
de parole selon le contexte et l’auditeur ? Et comment, à travers ceux-ci,
favoriser ce sentiment de reconnaissance et d’acceptation ? Enseigner
l’écoute active et la bienveillance, favoriser les jeux d’imitation ou de rôle
en identifiant différents contextes, développer le vocabulaire, la syntaxe
et enrichir la culture littéraire des élèves sont des pistes à explorer.
— 130 —
Entrer en relation
— 131 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
DES EXEMPLES
Avoir une voix expressive et enjouée en réponse à l’annonce d’un décès
risque de ne pas être très bien perçu par exemple.
Inversement, Maxime, d’un naturel peu démonstratif, reconnaît : « Je me
rends bien compte que le fait d’adopter une expression contenue face à un
interlocuteur enthousiaste et démonstratif peut freiner ses élans, mais j’ai
parfois du mal à m’adapter. »
UN EXEMPLE
Pour Camille, enseignante au lycée, se rapprocher physiquement des élèves
permet d’échanger de façon plus humaine : « Au début de ma carrière, je
restais beaucoup derrière mon bureau, ce qui créait une distance avec ma
classe. Puis, j’ai découvert l’importance de se déplacer, de venir vers les uns et
les autres. J’essaie d’englober tout le groupe classe par ma présence. Les élèves
ont d’ailleurs tendance à venir plus vers moi, cela crée une vraie complicité. »
Si les strokes physiques sont assez naturels dans le cadre d’une conversa-
tion amicale, il est beaucoup plus difficile d’y avoir recours, lors d’une prise de
parole en public, face à un groupe. Sur ce plan, un regard, un sourire, un geste,
adressés à chacun, non pas en balayant la salle, comme j’ai pu l’entendre à de
nombreuses reprises, mais en prenant le temps de se poser sur, ou plutôt avec,
chacun. De la même manière, trouver des liens entre son sujet et l’expérience
de l’auditeur et utiliser un langage « multiple » (faisant autant appel aux images
sensorielles qu’aux émotions et à la pensée logique), apte à être reçu par tous,
est un des piliers de la prise de parole en public.
— 132 —
Entrer en relation
UN EXEMPLE
Certains oublient, lorsqu’ils sont devant trente personnes, qu’ils ne sont pas
en train de « performer » comme l’acteur face à son public, mais qu’ils sont
face à trente fois une personne, avec des ressentis propres, une perception
particulière, une compréhension et des dispositions uniques à un instant
précis. On ne fait jamais un discours ou un cours « en général » mais on
s’adresse toujours à des individus en particulier.
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment repenser les échanges en classe hors de la relation unilatérale
élève-professeur afin d’intégrer une dimension relationnelle plus large ?
Varier les schémas de communication (interactions entre participants, etc.)
et créer des situations de parole variées (débats collectifs, participa-
tion, expression orale en continu, etc.) offrent à chacun l’occasion de
s’exprimer.
— 133 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
Solliciter l’échange
Lors d’une prise de parole en public, beaucoup ont tendance à privilégier le
contenu du message et à en oublier la relation à l’autre. L’enseignant face à sa
classe est d’ailleurs particulièrement attentif à la transmission et à la compréhen-
sion du contenu qui priment sur la dimension affective. Or, lorsque l’on mesure
à quel point les enjeux affectifs sont des moteurs de la compréhension et de
l’apprentissage, cela peut faire réfléchir.
De la même manière, lors d’une prise de parole, à trop se concentrer sur sa pres-
tation ou l’objectif de sa présentation, l’erreur serait de perdre de vue le naturel
et la substance de l’échange. Il est pourtant capital d’inclure son « public » et
d’installer la relation dès le début. Et certaines techniques familières aux ensei-
gnants permettent de faire participer l’auditeur, que ce soit lors d’une conférence
ou d’une présentation orale.
— 134 —
Entrer en relation
Il y a conflit, non pas lorsque des idées s’opposent, mais lorsque les valeurs
derrière ces idées sont niées. (Je fais volontairement abstraction du biais affectif
consistant à confondre « je ne suis pas d’accord avec toi » avec « je ne t’aime pas ».)
Être en capacité d’entrer dans un échange de positions contradictoires sans alter-
cation, c’est donc pouvoir comprendre quelles sont les valeurs sous-tendues par
les arguments avancés.
DES EXEMPLES
Ainsi, une personne peut être pour la peine de mort parce qu’elle considère
que la sécurité collective est prioritaire et qu’il y a une injustice terrible à
participer financièrement à la survie de personnes qui nuisent à la société.
Une autre peut être farouchement opposée au fait de tuer un être humain,
quel que soit le motif parce que le respect de la vie humaine est précieux
et que celui qui commet un tel acte s’abaisse au même rang que le criminel
lui-même. Si les deux positions s’opposent, les valeurs de justice pour l’un,
ou de respect de la vie pour l’autre, ne sont en rien contradictoires.
Parallèlement tous les interlocuteurs ne font pas toujours preuve d’autant d’égards
en retour. L’objection directe de nos propos et la confrontation doivent donc
aussi pouvoir être gérées. Et cultiver l’art de la répartie, inhérent à toute forme
d’échange, de débat ou de prise de parole en public, est par conséquent salvateur.
• Alors, comment pouvez-vous passer de l’argumentation simple au traite-
ment efficace de l’objection ?
— 135 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
UN EXEMPLE
Dans l’Antiquité, afin d’élargir sa vision et de développer ses références, il
existait un exercice de rhétorique : la chrie. Les élèves devaient défendre
une position tranchée d’un auteur quelconque, en développant d’abord
des arguments prenant en compte et réfutant la thèse opposée, puis en
— 136 —
Entrer en relation
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment stimuler l’esprit critique chez nos élèves et les amener à faire
la part entre l’objectif et le subjectif ? La quête du savoir, de la justesse
et de la vérité, conduit au doute permanent quant à la signification et au
fondement de nos croyances, de nos intuitions ou de nos observations.
Engager une démarche analytique est alors essentiel.
— 137 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
UN EXEMPLE
Pour Michel, une préparation approfondie est la clé d’une parole solide :
« À chaque fois que j’ai eu à prendre la parole sur un sujet particulier, j’ai
toujours vérifié la moindre information, de telle sorte que je savais toujours
quoi répondre aux petits malins qui cherchaient la petite bête. »
UN EXEMPLE
Hugo, jury d’examen, regrette la culture ambiante de la langue de bois
véhiculée par les médias : « Je suis fatigué de ces candidats qui éludent les
questions en rebondissant sur un autre sujet, avec force détails qui n’ont
aucun rapport, dans le seul but de brouiller les pistes. Cela me rappelle le
sophisme du “hareng fumé” qui consiste à détourner le sujet initial avec un
objet qui attire l’attention. C’est une pratique courante dans la communication
actuelle, qui se retrouve malheureusement jusque dans la salle d’examen. »
Plutôt qu’éviter les questions embarrassantes, il est plus judicieux d’initier soi-même
cette démarche « réflexive ». Ainsi, poser différentes problématiques ou s’interroger
ponctuellement sur certains points tout au long de sa prise de parole et y répondre
est non seulement une manière de « court-circuiter » la question, mais cela véhicule,
— 138 —
Entrer en relation
de plus, une certaine exigence intellectuelle. Tout comme le fait d’admettre que
l’on ne sait pas répondre et de reconnaître les limites de nos références et de nos
arguments, de savoir lorsque nous ne sommes pas dans l’analytique mais dans
l’intuitif, ne disposant pas toujours du temps et des ressources nécessaires aux
multiples recherches.
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment permettre aux élèves de saisir la nécessité de rechercher, d’ex-
plorer, d’approfondir et de tester leurs arguments en amont ? Expérimenter
la différence entre un débat non documenté et non préparé et un débat
dont les ressources et les arguments ont été approfondis au préalable
permet de mesurer l’impact positif de cette démarche.
— 139 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
L’objet d’une prise de parole réussie n’est donc pas lié aux seules compétences
oratoires mais à notre capacité à entrer en relation. La parole a naturellement
un objectif relationnel.
• Alors, quelle est votre intention ?
• Qu’est-ce que vous aimeriez que votre interlocuteur ressente, pense, sache,
fasse ?…
— 140 —
Entrer en relation
Ces différents objectifs ne sont pas nécessairement conscients, mais ils sous-
tendent nos échanges parce qu’ils répondent à nos besoins divers. Et selon le
contexte, les attentes et les besoins sont différents.
DES EXEMPLES
Les besoins de subsistance ou de protection peuvent ainsi conduire à
désirer un environnement sécurisant et nourrissant. Dans ce cas, on peut
tenter d’ordonner, de demander, de convaincre ou d’émouvoir dans le but
d’obtenir une action précise de l’autre (objectif d’action). Quand Charles,
lors d’un conflit, exhorte son interlocuteur à rester à sa place, il tente de
satisfaire son besoin de sécurité.
Ces objectifs relationnels ne sont pas exclusifs et peuvent même être la plupart
du temps interconnectés. On peut souhaiter simultanément que notre inter-
locuteur fasse une chose précise, tout en adoptant un point de vue particulier,
— 141 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
et qu’il ressente certaines émotions à notre égard. L’être humain entre d’ailleurs
en relation à ces multiples niveaux. Et définir un objectif principal permettra
d’orienter efficacement la communication.
DES EXEMPLES
Pour Frédéric, jeune professeur, « on a souvent de belles aspirations mais
on comprend très vite quand on fait cours que l’objectif prioritaire est de
capter l’attention ». Pourtant, ce n’est qu’un moyen pour atteindre l’objectif
réel qui peut être par exemple que l’élève comprenne ou retienne une
chose particulière (objectif de compréhension) et qui satisfait le besoin de
nombreux enseignants de partager et de transmettre.
Pour Sarah, il est important d’aider ses stagiaires à définir le but réel d’une
prise de parole : « Les amener à répondre à la question “pourquoi” les aide
à affiner leur véritable objectif et les besoins associés. Cet exercice mène
d’ailleurs souvent au besoin d’affection ou de reconnaissance. »
— 142 —
Entrer en relation
— 143 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
UN EXEMPLE
Pour Françoise, institutrice à la retraite, être expressif est essentiel avec les
enfants : « Plus mon langage était imagé, plus mes intonations étaient variées
et ma gestuelle vivante et plus cela créait du lien avec eux. Aujourd’hui,
j’imagine qu’il doit falloir en faire beaucoup pour capter leur attention. »
Parmi les plus significatifs, nous retiendrons le discours narratif qui raconte,
le discours descriptif qui illustre et donne à « voir », le discours explicatif qui
transmet et développe une information, le discours argumentatif qui prouve
par des exemples et expose des arguments, ou le discours injonctif qui
ordonne ou énonce des règles ou des consignes.
Toutefois, une prise de parole ne se résume pas à l’emploi d’un seul type de
discours. Ainsi, lors d’un débat, si le discours argumentatif permet d’apporter du
poids et de la crédibilité au propos, il implique aussi une contre-argumentation.
Lorsque l’on souhaite rassembler, alors montrer plutôt que démontrer, en uti-
lisant un discours à la fois descriptif et narratif peut être beaucoup plus porteur.
On peut ainsi faire le récit d’un événement illustrant les valeurs que l’on souhaite
transmettre par exemple.
UN EXEMPLE
Jean-Paul, conseiller à la mairie, affirme : « Quand je veux faire passer certaines
idées, plutôt que de chercher à prouver ce que j’avance, je raconte toujours une
anecdote qui va donner du sens, qui va inspirer et toucher mon auditoire. C’est
beaucoup plus efficace que de rentrer dans un débat souvent conflictuel et stérile. »
— 144 —
Entrer en relation
De la même manière, l’utilisation seule d’un discours explicatif lorsque l’on sou-
haite instruire ou informer n’est pas suffisante. Dans ce monde d’hyperstimula-
tion, capter l’attention est un prérequis indispensable à toute prise de parole.
Combien d’enseignants, malgré un contenu de qualité ne parviennent pas à
intéresser ? Captiver en faisant appel en parallèle aux dimensions sensorielles
et émotionnelles du langage, avec l’utilisation d’un discours à la fois narratif et
descriptif, pourra être efficace.
L’ensemble de ces techniques seront mises en pratique et approfondies au
cours des chapitres suivants. Et vous trouverez parallèlement plusieurs outils
destinés aux enseignants à ce sujet dans mon livre précédent Assumer son
autorité et motiver sa classe, De Boeck Supérieur.
— 145 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
— 146 —
Entrer en relation
UN EXEMPLE
Dans le genre démonstratif, un professeur pourrait dire : 1 – Exorde :
« Aujourd’hui, découvrons le célèbre Thalès et son théorème (sujet) »,
2 – Narration : « Certains rapportent qu’un jour où il souhaitait mesurer la
grande pyramide de Kéops, l’illustre philosophe eut l’idée… (faits illustrant
sujet ) », 3 – Confirmation : « En effet, selon les lois de la proportionnalité…
et… (arguments) », 4 – Péroraison : « Les maths, chaque jour dans votre vie
permettent donc…, et on retiendra… (conclusion et émotions). »
— 147 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment introduire un objectif relationnel et une intention à travers
la structuration du discours ? Permettre aux élèves de s’approprier et
d’expérimenter ces différentes structures est essentiel. Et repenser la
notion de plan, c’est être à même de passer d’un simple exposé oral à
un exercice rhétorique.
UN EXEMPLE
Dans le genre délibératif : 1 – Le réchauffement climatique n’est pas un
mythe. J’ai longuement étudié… (Exorde avec crédibilisation de l’orateur),
2 – L’année dernière, alors que… (Narration avec appel à l’émotionnel),
3 – Les études prouvent… (Confirmation avec appel à l’intellectuel), 4 – Alors
je vous demande de ne plus… (Péroraison avec appel à l’action).
— 148 —
Objectifs
OBJECTIFS
Parcours et progression
Intégrer l’aspect systémique de la relation
1. Soi
Trouver sa parole et se positionner face à l’autre
2. L’autre
Reconnaître, prendre en compte son interlocuteur et entrer en
interaction
3. La relation
Définir un objectif relationnel qui sous-tend la structure et la forme
de la parole
— 149 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
Outils
AUTO-ÉVALUATION ET FEED-BACK :
LE BILAN DE MES COMPÉTENCES
Partiellement
d’acquisition
Non acquis
En cours
Dépassé
Mes compétences d’orateur
Acquis
acquis
— 150 —
Auto-évaluation et Feed-back : Le bilan de mes compétences
Partiellement
d’acquisition
Non acquis
En cours
Dépassé
Mes compétences d’orateur
Acquis
acquis
Je ne me sens pas attaqué personnellement
M
par les remises en cause de mon avis.
E
N J’ai un objectif relationnel bien défini.
T
J’ai conscience de la nature systémique
A
des échanges et de leur dimension sensorielle,
L intellectuelle et émotionnelle.
Je sais adapter mon vocabulaire et mon niveau
de langage à mon interlocuteur.
— 151 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
Partiellement
d’acquisition
Non acquis
En cours
Dépassé
Mes compétences d’orateur
Acquis
acquis
Je sais adapter mon volume et mon débit
à mon interlocuteur et à la situation.
— 152 —
CHAPITRE
5
Exceller à l’oral :
servir une intention
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
Si l’on ne parvient pas à capter l’attention de son auditoire, alors aucune prise de
parole ne peut véritablement avoir d’effet. Mais comment parvenir à intéresser
voire à captiver son public ?
Sur le plan des neurosciences, nous avons observé qu’il existe, à travers
les mécanismes cérébraux, une merveilleuse combinaison et de multiples
interactions entre réception sensorielle, processus cognitif et système
émotionnel.
Ainsi, le cerveau est d’abord perceptif, nous sommes naturellement attirés par
tout ce qui stimule nos sens. Parallèlement, le besoin de sens et de compré-
hension de notre système cognitif est un moteur de notre attention et de
notre intérêt et les enjeux affectifs impactent l’ensemble du système cérébral.
UN EXEMPLE
Dans la préface d’Art poétique, Roger Caillois rapporte qu’un inconnu avait
soudain fait rapporter beaucoup d’argent à un mendiant en changeant
uniquement l’inscription indiquée sur sa pancarte. Cette anecdote montre ainsi
l’impact du langage sur nos dispositions et nos actions. Or quelle était cette
inscription ? Il avait simplement remplacé « Aveugle de naissance » par « Le
printemps va venir, je ne le verrai pas ». Il avait transformé un langage purement
informatif par un langage rempli d’affect et suggérant des images mentales.
— 154 —
Exceller à l’oral : servir une intention
La plupart des enseignants ou des formateurs ont d’ailleurs déjà pu en faire l’expé-
rience en observant que les élèves ou les stagiaires retiennent toujours les exemples
imagés ou les anecdotes, bien davantage que les énoncés formels et théoriques. Et
tout ce qui sera « stimulant » sur un plan sensoriel permettra donc non seulement de
capter l’attention, mais s’ancrera aussi davantage dans la mémoire.
En pratique : le romancier
À partir d’objets autour de moi ou de photos prises au hasard, je raconte
une brève histoire en incluant des dialogues, de la description, des
images sensorielles, des analogies, des comparaisons et des exemples.
Tel le romancier, l’endroit où je pose mon regard est prétexte à raconter.
Tel le poète, j’utilise des formules évocatrices et imagées. Ainsi, je stimule
ma créativité, je me familiarise avec les éléments et les formes du langage
et je développe ma prise de parole.
La problématique de l’enseignant-formateur
Il est intéressant de s’interroger sur la place de la lecture (et de la culture)
dans la maîtrise des outils et des formes du langage, et par conséquent
dans l’enseignement de l’oral. À travers la pratique de la lecture en classe,
nous pouvons intégrer les enjeux de la prise de parole : lire à voix haute
pour améliorer sa voix, sa posture et sa présence, lire pour enrichir ses
références et penser, lire pour enrichir son langage et parler…
— 155 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
UN EXEMPLE
Au lieu de dire « elle le retrouvera à 20 h 35 », il sera plus captivant de
demander : « Et voulez-vous savoir à quelle heure, ils se retrouveront ? Je
vous donne un indice… C’est à l’heure exacte où le soleil se couche. Alors ?
(L’heure exacte arrivant ensuite) », faisant appel à l’imagerie mentale et à la
curiosité.
Or tout l’art d’un discours captivant est de réussir à conserver cet intérêt sur la
durée. Aussi, amener son sujet de façon détournée ou s’appuyer sur une pro-
blématique et en retarder le dénouement maintiendra l’engagement du « public ».
UN EXEMPLE
Ludovic, conférencier, s’inspire de certains romanciers et des publicitaires
devenus maîtres dans cet art du teasing : « Pour chaque phrase lancée,
j’essaie d’induire la question “Et alors ?” ou bien “Et puis ? Que va-t-il se
passer ?”, de telle sorte que chacun soit suspendu à mes lèvres. »
— 156 —
Exceller à l’oral : servir une intention
UN EXEMPLE
Imaginons une conférence sur la fabrication du couteau. L’orateur explique
alors les différentes étapes et processus de fabrication et de production. Il
est probable, à moins d’être passionné par le sujet, que la moitié du public
finisse par décrocher. Imaginons à présent qu’il commence à interroger
une personne, puis une autre sur les couteaux qu’elle possède, sur la
manière dont elle les utilise ou dont elle les aiguise… Alors subitement,
les oreilles se dressent. Subitement le public se sent concerné. Parce que,
subitement, l’orateur fait des liens entre son sujet et la vie quotidienne de
son audience.
— 157 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
de plus, à résoudre un problème en lien avec ses besoins, alors nous conser-
vons son attention et son implication.
• Alors, quel est le problème de votre auditoire ?
• Quels bénéfices retire-t-il à vous écouter ?
• Et quelles sont les valeurs qui lui sont chères ?
Certes, connaître son public n’est pas toujours facile, mais nous savons qu’il existe
de grands besoins communs à tous : les besoins de subsistance et de protection,
les besoins d’affection, de lien, de reconnaissance, le besoin de loisirs et de jeu, le
besoin de créer et d’inventer, le besoin de participer, de coopérer, de s’engager,
d’exister, de choisir, d’être libre… Et débuter sa prise de parole en soulevant une
problématique en lien avec ces besoins ou poser une question en rapport avec un
bénéfice personnel va ainsi intriguer, susciter la curiosité et l’intérêt.
UN EXEMPLE
Charlotte, formatrice en entreprise, débute toujours son intervention par un
tour de table : « Tous se présentent et me parlent de leurs attentes, cela me
permet de mieux les connaître et de pouvoir ensuite faire des liens avec ce
qu’ils recherchent précisément. »
— 158 —
Exceller à l’oral : servir une intention
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment permettre aux élèves ou aux stagiaires de trouver des pas-
serelles entre leur sujet et les besoins de l’auditoire ? Mettre en place
un questionnement autour du profil de l’auditeur et de ses attentes, et
favoriser la connaissance de l’humain et de ses besoins fondamentaux
sont des activités à initier.
— 159 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
UN EXEMPLE
Pour Maryse, professeur, jouer avec le volume de sa voix permet d’apporter
du relief et du « piquant » sur le plan sensoriel : « Lorsque je sens qu’ils sont
moins attentifs, je diminue soudainement l’intensité. Ou alors je vais parler
plus fort, afin de créer une rupture qui va attirer leur attention. L’important,
c’est d’éviter le ton monocorde qui les perd à coup sûr. »
— 160 —
Exceller à l’oral : servir une intention
UN EXEMPLE
Pour Vanessa, le chuchotement est une véritable extase : « J’adore ces bruits
de bouche, les chuchotis ou le son de la respiration. Comme avec le clapotis
de la pluie, ça me procure un bien-être profond et des frissons tout le long
du crâne. »
— 161 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
— 162 —
Exceller à l’oral : servir une intention
UN EXEMPLE
Pour Marc, coach sportif : « Les stagiaires ne sont jamais autant intéressés
et attentifs que lorsque je m’anime et me mets en scène pour montrer
l’exercice parce que si je leur explique de façon théorique, la plupart vont
décrocher. Bien sûr, ma discipline s’y prête, mais je crois que, dans n’importe
quel domaine, le corps devrait toujours illustrer le propos. »
La problématique de l’enseignant-formateur
Les jeux théâtraux peuvent apporter de nombreuses ressources, à la fois
ludiques et engageantes, dans nos pratiques scolaires. Mais comment parvenir
à faire le lien entre deux objets apparemment aussi antagonistes que sont les
outils de l’acteur d’un côté et l’expression véritable, sincère et spontanée de
sa propre parole, de l’autre ? Comment ne pas perdre de vue son authenticité
et l’essence même de ce qu’est l’expression orale : le déploiement du soi ?
Laisser un cadre ouvert à l’improvisation et à la parole de l’élève, à travers des
échanges collectifs ou des ateliers d’écriture, est indispensable.
EXERCICE N° 2 PR : LE CONTEUR
Cet exercice de PR permet de
cultiver l’aspect expressif et
émotionnel de votre expression
au profit d’un véritable échange.
Phase 1 : le Soi
Plusieurs fois, avec mes mains,
les bras tendus, je définis autour
de moi le contour d’une bulle
qui m’englobe le plus largement
possible en partant du centre
vers le haut. Tout en me relevant
sur la pointe des pieds, solide,
je prononce un Mmm vibrant et
sonore, bouche fermée, jusqu’à
prononcer « MOT » en ouvrant
— 163 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
2. CONVAINCRE
Si les aspects sensoriel et émotionnel sont essentiels lorsque l’on souhaite capter
l’attention, lorsque l’on veut convaincre, il faut s’adresser davantage au cognitif
— 164 —
Exceller à l’oral : servir une intention
UN EXEMPLE
D’ailleurs, juxtaposer plusieurs arguments, plus ou moins bancals et sans
véritable rapport est une technique manipulatoire, nommée le mille-feuille
argumentatif par le sociologue Gérald Bronner. Elle est fréquemment
utilisée par les complotistes en tout genre comme outil de persuasion :
« Le congrès international de la “terre plate” fait salle comble, de plus les
médias et les pouvoirs politiques nous manipulent ; par ailleurs, Aristote
affirmait que si la terre était en mouvement, un objet lancé à la verticale
ne retomberait pas au même endroit et on peut apercevoir les gratte-ciels
de Chicago à plus de 80 km quand le ciel est dégagé. C’est bien la preuve
que la terre est plate. »
— 165 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
DES EXEMPLES
Affirmer « tel scientifique a dit que… » peut être légitimement contestable. Car
qui est ce scientifique exactement ? Est-il bien qualifié pour juger de cela ?
Quelles sont les expériences qui confirment son propos ? Ses recherches
sont-elles récentes ? N’y a-t-il pas conflit d’intérêt ?… Tout comme le fait
que le jardinier reconnu du village ait cassé sa tondeuse de la marque X
n’est pas une preuve du manque de solidité de cette marque.
— 166 —
Exceller à l’oral : servir une intention
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment développer l’esprit critique et l’art de l’argumentation chez
nos élèves ? Et comment les amener à différencier l’argument solide du
sophisme fallacieux ? La connaissance et l’identification des sophismes,
tout comme l’exploration des différents types d’arguments, doivent être
mis en place à travers des activités d’observation et d’analyse, puis de
recherche et de production, en fournissant les moyens d’acquérir des
sources fiables et objectives.
— 167 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
DES EXEMPLES
Parmi les sophismes les plus utilisés dans notre société, on relèvera
l’appel à l’exotisme (la médecine indienne l’utilise c’est donc que c’est
efficace), l’appel à la nature (si c’est naturel, c’est forcément bon), l’appel
à l’ancienneté (mon lave-linge a plus de 15 ans, à cette époque on
fabriquait des appareils solides), l’appel à la tradition (on fait ainsi depuis
des générations, c’est donc que c’est la meilleure façon de faire), l’appel
à la popularité (tout le monde a une télévision, c’est donc bien un objet
indispensable), etc.
— 168 —
Exceller à l’oral : servir une intention
Plus l’orateur construira une image crédible, plus il fera autorité et plus sa
parole aura de poids. (L’argument d’autorité consiste d’ailleurs à citer
des experts. Inversement, lorsque l’on veut discréditer une personne, on
utilisera l’argument ad hominem, en s’attaquant à sa personne pour
décrédibiliser sa parole : « Rousseau est-il bien placé pour nous parler
d’éducation alors qu’il a abandonné ses cinq enfants ? »)
Parmi les arguments de valeurs ou de principes universels, on trouve :
la vérité, la justice, l’équité, la sincérité, le courage, l’honneur, la patrie,
le respect… Par exemple : « Fumer n’est pas seulement dangereux pour
soi mais cela l’est aussi pour l’entourage, intoxiqué de manière passive.
S’abstenir de fumer en public c’est donc faire preuve de respect, de
bienveillance et de civisme. »
– la preuve logique (logos) : elle est issue d’un raisonnement logique
(hypothèse-conséquence) qui peut être inductif (énoncer une loi à partir
de cas particuliers), déductif (qui déduit une conséquence particulière
à partir d’une loi générale), dialectique (qui consiste à peser le pour et
le contre, thèse/anti-thèse/synthèse), ou par analogie (qui utilisera une
comparaison pour en tirer une conclusion)…
Parmi les arguments logiques, on trouve donc le syllogisme (si A implique
B et que B implique C alors A implique C), l’argument d’expérience
(l’expérience a révélé que telle cause produisait telle conséquence),
l’argument a fortiori, par exemple « si la violence faite aux femmes est
pénalisée, elle le sera d’autant plus pour un enfant », l’argument d’ana-
logie avec le célèbre exemple d’Aristote : « les magistrats ne doivent pas
être tirés au sort, c’est comme si on choisissait les athlètes par hasard et
non parce qu’ils ont les aptitudes physiques pour concourir », l’argument
de réciprocité : « si l’on condamne le meurtre, alors il faut s’interdire de
tuer le criminel », ou l’argument du bon sens…
– la preuve pathétique (pathos) : elle s’appuie sur l’émotion pour
convaincre, ce peut être la pitié, la compassion, la haine, la crainte,
la colère… De nombreux arguments peuvent servir le pathos tels que
l’argument de propagation, par exemple : « Le réchauffement clima-
tique entraîne la fonte du permafrost qui aurait provoqué l’effondrement
d’un réservoir de diesel en Russie, polluant encore davantage les sols
et les rivières. Plusieurs réservoirs sont encore fixés dans le permafrost
et la fonte des glaces va encore créer de nombreuses catastrophes
naturelles. Ne pensez-vous pas qu’il est temps d’agir ? », l’argument
d’expérience : « Tous ces enfants battus sont devenus des parents
maltraitants. Et lui a reçu des coups durant toute son enfance »…
Parmi les preuves extra-techniques, j’utilise :
– les arguments factuels : ce sont les faits objectifs qui viennent prou-
ver un élément de vérité par exemple : « Vous dites que vous étiez à
— 169 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
— 170 —
Exceller à l’oral : servir une intention
UN EXEMPLE
Laurent souligne les dérives des recherches sur internet : « Il y a tellement
de contenus que finalement il suffit de chercher des preuves de ce que l’on
avance pour en trouver. J’ai un ami, preuves à l’appui, qui est convaincu
que les taureaux sont excités par le rouge. Alors que le meilleur moyen de
prouver une croyance serait plutôt de chercher la preuve du contraire. »
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment amener nos élèves ou nos stagiaires à percevoir les liens entre
la structure du discours, le rythme et l’impact de la parole ? Expérimenter
différentes structures à l’oral autour d’un même sujet permet d’en saisir
tout l’impact et la pertinence.
Parallèlement, le corps et la voix sont aussi porteurs de sens et ont un fort impact
intellectuel. Le célèbre exemple « on mange les enfants » peut ainsi être un appel
affectueux ou pencher sérieusement du côté du cannibalisme, selon les pauses et
les intonations vocales adoptées.
UN EXEMPLE
Dans la Vie de Démosthène, Plutarque rapporte que ce dernier avait affirmé
à un homme, victime d’une attaque violente, qu’il ne le croyait pas. L’homme
s’était alors mis à hurler et Démosthène avait lancé : « Maintenant j’entends
la voix d’une victime. »
— 172 —
Exceller à l’oral : servir une intention
DES EXEMPLES
Lorsque j’affirme « il a la chance d’avoir un emploi bien payé mais il souffre
d’être déshumanisé » en augmentant le volume sur « chance », « avoir un
emploi » et « bien payé » et en marquant des pauses, je mets l’accent sur
ces avantages, leur nombre et suggère qu’ils ont de la valeur, insinuant par
conséquent une certaine ingratitude ou une attitude de victimisation de la
personne. L’argument devient « à charge » pour celle-ci. (Sous-entendu : il a
la chance d’avoir ces bénéfices extraordinaires et pourtant il se plaint. Que
doit-on penser de son état d’esprit ?)
Si à présent je mets l’accent sur les mots « souffre » et « déshumanisé », avec
des appuis vocaux, un volume plus fort et un ralentissement sur ces notions,
le message n’est alors plus du tout le même. Je mets en valeur sa souffrance
et attire compassion et compréhension pour sa cause. L’argument sert
sa « défense ». (Sous-entendu : tout l’argent du monde ne justifie pas de
telles conditions inhumaines. Comment peut-on accepter l’injustice ?) Les
variations de volume ont apporté force et sens aux arguments.
• Alors, quels sont les mots clés et les arguments à mettre en avant sur le
plan vocal ?
• À quel moment est-il judicieux de marquer des pauses afin de laisser un
temps d’imprégnation de votre propos ? Et à quel moment est-il judicieux
d’enchaîner et d’accumuler les arguments en vue d’en augmenter l’impact ?
— 173 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment conduire nos élèves ou nos stagiaires à percevoir et à expéri-
menter l’impact des différentes inflexions vocales sur le sens et la portée
d’un argument ? Comment les amener à mesurer la dimension cognitive
de ce que la voix peut induire chez l’interlocuteur ? Mettre en place des
pratiques faisant le lien entre le volume, le débit et le sens du propos, et
en permettre le feed-back (collectif, smartphone…) est essentiel.
— 174 —
Exceller à l’oral : servir une intention
— 175 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
UN EXEMPLE
Pour Marc, le regard, témoin d’une attitude générale, est capital : « Un
regard fuyant montre un désengagement, un relâchement, comme lorsque
le corps se referme ou que la voix retombe et diminue. J’ai du mal à accorder
ma confiance à celui qui n’a pas un regard soutenu et franc. »
Et, de manière plus générale, nous nous laissons davantage convaincre lorsqu’il
y a un enjeu émotionnel ajouté aux seuls arguments logiques. Les politiciens
ont d’ailleurs bien saisi l’importance du capital sympathie dans leur capacité à
influencer et à rassembler l’opinion. Ainsi, ils évitent toute posture, gestuelle ou
expression qui pourrait sembler menaçante au profit de marques d’affection
ou de signes d’apaisement tels que la poignée de main et n’importe quel
geste de contact bienveillant, les attitudes chaleureuses, le sourire, ou pencher
— 176 —
Exceller à l’oral : servir une intention
légèrement la tête sur le côté et montrer « son flanc » (qui sont pourtant des
marques de soumission dans le règne animal).
EXERCICE N° 3 : LE POLITICIEN
Sur le sujet de mon choix, je fais un dis-
cours argumentatif en suivant la structure
proposée précédemment (plan : le politi-
cien). Je soigne mon langage verbal, non
verbal et paraverbal !
Plan verbal : Liens de causalité, mots de
liaison, structuration logique, arguments
pertinents…
Plan vocal : Mise en valeur des mots clés,
silences, articulation soignée, voix soutenue
en fin de phrase…
Plan corporel : gestes ponctuateurs et illus-
trateurs, ancrage, souplesse et ouverture…
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment permettre aux stagiaires ou aux élèves de mesurer et de
contrôler l’impact de leur attitude et de leur gestuelle au cours d’un
discours argumentatif, sans pour autant se laisser parasiter par ces élé-
ments ? Parvenir à gérer les multiples paramètres verbaux, non verbaux
ou paraverbaux entrant en jeu dans la prise de parole sans perdre son
« naturel » nécessite un entraînement global, fréquent et régulier dans un
contexte sécurisant.
— 177 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
Ainsi, les mots que nous utilisons, mais aussi ce que nous donnons à voir et à
entendre, ont un impact multiple sur le cerveau. Sur le plan verbal par exemple,
la partie cognitive et logique du cerveau sera davantage stimulée et attentive à la
structure des phrases, aux mots de liaison, aux verbes d’action. Tandis que le cer-
veau émotionnel et notre potentiel imaginaire seront stimulés par un vocabulaire
sensoriel, par l’utilisation d’adjectifs descriptifs ou par la narration.
UN EXEMPLE
D’après Xavier, chercheur et conférencier, « le risque avec les anecdotes
amusantes ou touchantes, c’est que l’on peut vite tomber dans le “discours
spectacle” très à la mode aujourd’hui. Et dans mon domaine, cela peut être
plutôt décrédibilisant ».
Inversement, un discours plus orienté sur des arguments logiques, des faits, des
chiffres, s’il apparaît plus crédible et vrai, est aussi peu attractif, voire ennuyeux.
Le mieux est donc d’alterner entre les deux modes de discours abordés dans le
chapitre précédent : un discours à la fois épidictique ou démonstratif, qui décrit,
illustre et convainc par l’exemple et l’image, et un discours argumentatif, qui
prouve et s’adresse à la raison. Et ce, dans le but de susciter crédibilité et intérêt.
UN EXEMPLE
Marie, enseignante, souligne l’importance d’utiliser des modes de discours
multiples en classe : « Si je ne me contente que d’informations théoriques, je
sais que je vais les perdre. Il est indispensable aussi d’apporter de l’émotion,
d’illustrer et de raconter. »
— 178 —
Exceller à l’oral : servir une intention
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment, à travers un enseignement littéraire inscrit dans le cursus édu-
catif des élèves (et dans notre propre formation), parvenir à faire le lien entre
arts oratoires et discours littéraire sans confusion ni raccourci ? Permettre
d’identifier les différences existantes entre les deux, malgré un vocabulaire
souvent identique, ou comparer les structures ou les techniques de ces
deux disciplines est essentiel. (Les nombreuses interventions du linguiste
Dominique Maingueneau à ce sujet sont des pistes fertiles de réflexion.)
— 179 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
— 180 —
Exceller à l’oral : servir une intention
UN EXEMPLE
Le biais de « l’humeur », observé par les chercheurs en finance
comportementale, révèle l’impact de « l’humeur » sur les comportements des
agents de la finance. Ainsi, le vendredi soir, avant la perspective réjouissante
du week-end, les rendements des actions réalisées par les traders sont plus
importants que ceux du lundi matin, en raison d’une humeur plus négative
liée à la reprise du travail. Ils ont constaté également que les jours de beau
temps les achats étaient plus importants (ce qu’ils qualifient d’anomalie
météorologique.)
Il est intéressant d’observer à quel point, dans un milieu aussi cartésien et analy-
tique que la finance, les prises de décisions peuvent être si peu rationnelles. Car
finalement on peut s’interroger sur la notion même de rationalité. Et ce que
nous considérions jusqu’alors comme rationnel ne s’est-il pas déplacé ?
Il n’y a en effet rien d’irrationnel ou de déraisonnable à subir l’influence de
nos émotions dans nos jugements ou nos actions. Ce qui l’est, c’est que nous
n’en prenions ni conscience ni acte. C’est d’ailleurs notre méconnaissance de
ces mécanismes qui nous rend manipulables, profitant aux stratèges divers de la
politique, de l’économie ou de la communication qui savent en tirer avantage.
Et lorsque nous prenons la parole, nous devrions mesurer chaque instant la
portée de ces éléments qui entrent en compte dans nos perceptions et nos juge-
ments. C’est la prise de conscience de ces mécanismes cérébraux qui rend pos-
sible l’objectivité et l’esprit critique. Une parole efficace est une parole éclairée,
produit d’une conscience aiguisée des enjeux à la fois rationnels et affectifs,
à mi-chemin entre corps, cœur et esprit.
— 181 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
UN EXEMPLE
Pour susciter l’intérêt et convaincre, je pourrais dire : « Ce petit coker a un
pelage flamboyant et des yeux vifs. Ne trouves-tu pas ? Il est prouvé que les
gens qui ont un chien ont davantage d’activité physique et sont en meilleure
santé. » (Description et argumentation)
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment ajuster notre enseignement de l’oral en fonction de la diver-
sité des niveaux de langage, de compétence et de référence de chaque
élève ? Multiplier les activités permettant à tous, chacun à sa mesure,
d’alterner avec aisance ces deux modes de discours et mettre en place
des jeux d’écriture permettant de développer son champ sémantique,
son vocabulaire, son sens de la description et sa créativité sont essentiels
dans cet apprentissage. (Des outils complémentaires sont présents dans
L’oral ? J’excelle !, De Boeck Supérieur. Et la recherche en ligne d’outils
autour des ateliers d’écriture est très fertile.)
— 182 —
Exceller à l’oral : servir une intention
UN EXEMPLE
Patrick, professeur d’histoire-géographie, souligne l’impact de la stimulation
sensorielle dans les apprentissages : « En classe, je m’appuie beaucoup sur
l’image et le son quand je prends la parole, j’illustre avec des photos, des
— 183 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
Ainsi notre communication est perçue à différents niveaux. Et lorsque nous nous
adressons réellement à une personne, complète et entière, en tenant compte de
sa raison, de ses sensations et de ses affects, nous ne sommes plus seulement
dans l’art du discours mais bien dans l’art de la relation.
Nous savons aujourd’hui à quel point le processus de décision est subjectif et lié
à nos affects. Les images mentales que nous suggérons à travers notre langage
et les émotions que nous générons agissent sur la perception, la prédisposition
et l’opinion de notre interlocuteur. Ce modèle d’influence n’exige d’ailleurs pas
nécessairement que le « sentiment » soit vécu consciemment.
UN EXEMPLE
Maryse se rappelle son cursus scolaire : « Je n’ai jamais eu de matière favorite.
En réalité, quand j’aimais le prof, je trouvais la discipline passionnante. Je
pouvais adorer les maths une année et les détester l’année d’après, juste
parce que l’enseignant ne me plaisait pas. »
Et les études actuelles n’ont fait ni plus ni moins que confirmer ce qu’Aristote
énonçait déjà dans l’Antiquité : « On ne rend pas les jugements de la même
façon selon que l’on ressent peine ou plaisir, amitié ou haine. » La personna-
lité de l’orateur et la forme du langage employé ont un rôle prépondérant dans
l’impact du discours.
— 184 —
Exceller à l’oral : servir une intention
UN EXEMPLE
En 2015, le Huffington Post a organisé un sondage auprès de républicains
et de démocrates concernant le système de santé américain. Ces derniers,
ayant pourtant une opinion sur le sujet, n’ont pas hésité à revoir leur position
dès lors qu’on leur annonçait celle tenue par leurs leaders respectifs, Trump
ou Obama. Leurs choix étant très fortement influencés par leur attachement
et leurs prédispositions vis-à-vis de ces personnalités politiques.
DES EXEMPLES
Cialdini rapporte ainsi l’histoire de la marque Tupperware qui, vendue par des
anonymes en boutique, avait peu de succès et qui a ensuite explosé dans
un contexte privé, entre amis à la maison. Il souligne que la relation d’amitié
implique les notions de plaisir, de chaleur, de sécurité mais aussi d’obligation,
car il est bien plus difficile de refuser quelque chose à un ami qu’à un vendeur.
Il cite aussi les résultats exceptionnels du vendeur Joe Girard, figurant dans le
livre des records et liés à son fort capital sympathie. Celui-ci savait présenter
une image joviale et créer du lien en manifestant écoute et bienveillance,
compliments, encouragements, gestes de contact chaleureux…
Ce capital sympathie est ainsi inhérent à l’ensemble des strokes positifs témoi-
gnés, mais aussi à un certain effet « miroir ». Car nous nous sentons compris et à
l’aise avec les personnes qui ont les mêmes modes de communication, on
se sent d’ailleurs être sur la même « longueur d’onde ». Et c’est ce mécanisme de
synchronisation qui permet en retour à notre interlocuteur de se synchroniser
lui aussi sur nos propres états. À travers la relation de sympathie nous pouvons,
— 185 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
EXEMPLE 1 :
Rassurer et apaiser (état 2) une personne agitée et anxieuse (état 1)
Étape 1 : J’entre en synchronisation en m’approchant de l’état 1.
Plan corporel et vocal : débit rapide, volume fort, gestuelle rapide, repli corporel…
Étape 2 : Je vérifie l’état de synchronisation de mon interlocuteur.
Plan corporel et vocal : je commence à ralentir légèrement le débit, à diminuer
progressivement le volume, à ralentir et à assouplir ma gestuelle, à ouvrir ma
posture en contrôlant que mon interlocuteur me « suit ».
Étape 3 : J’adopte progressivement l’état 2.
Plan corporel et vocal : débit lent, volume moyen, gestuelle ample, souple et
posée, ouverture corporelle…
EXEMPLE 2 :
Énergiser et dynamiser (état 2) une personne apathique et sur la
réserve (état 1)
Étape 1 : débit lent, articulation molle, volume doux, ton monocorde, gestuelle
réduite, posture relâchée…
Étape 2 : accélérer progressivement le débit, articuler, augmenter légèrement
le volume, varier un peu le ton, enrichir la gestuelle, se redresser…
Étape 3 : débit rapide, articulation soignée, volume moyen à fort, ton expressif,
gestuelle dynamique, posture droite et mouvements du buste…
— 186 —
Exceller à l’oral : servir une intention
Le biais de confirmation
Tout d’abord les principes de cohérence et de renforcement (le cerveau tend
à valider les croyances et comportements déjà acquis) conduisent par exemple
l’auditeur à conserver sa position et son point de vue, ou celui de la personne
qui a son « allégeance » (je vote pour tel parti, j’adopte donc les positions de ce
parti). Il s’agit du biais de confirmation, déjà abordé. C’est la raison pour laquelle
il est particulièrement difficile de modifier la vision de quelqu’un. Cela reviendrait
à créer une dissonance cognitive particulièrement déstabilisante pour le sys-
tème cérébral. Ce système est donc figé et il convient davantage de le contour-
ner plutôt que de chercher à le renverser.
En psychologie sociale, ces techniques sont largement explorées à travers la
communication d’influence par exemple. Contourner ce système de croyances
pour s’appuyer sur un exemple, une émotion, une valeur chère à son interlocu-
teur sera ainsi bien plus porteur.
UN EXEMPLE
Pour Ève, « lors d’un débat, je ne m’attarde jamais sur un désaccord. Lorsqu’une
personne a une opinion bien tranchée, il est impossible de lui faire changer
d’avis. Je préfère me concentrer sur ce qui nous rassemble et m’appuyer sur
des éléments illustrant des valeurs communes pour la convaincre. »
L’effet de focus
De la même manière, le cerveau ne peut gérer un trop grand nombre d’informa-
tions et se trouve vite face au paradoxe de choix. Il va par conséquent réduire
et sélectionner le nombre de paramètres à prendre en compte. Ce biais, mis en
lumière par David A. Schkade et Daniel Kahneman, est l’effet de focus. Dans
une présentation, il est donc capital de ne pas chercher à en dire un maximum
mais de bien sélectionner ses arguments et de choisir les propos les plus perti-
nents selon son objectif.
— 187 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
UN EXEMPLE
Pour Mohamed, enseignant : « Au début de ma carrière, j’avais tendance à
essayer de présenter le plus d’éléments possible pour permettre une meilleure
compréhension de la notion. J’ai vite compris que cela les embrouillait et qu’il
était plus efficace de me concentrer sur un exemple pertinent et de leur
laisser le temps de comprendre et d’assimiler. Moins mais mieux. »
— 188 —
Exceller à l’oral : servir une intention
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment faire percevoir la notion d’influence en termes de biais cognitifs
tout en sensibilisant aux notions de manipulation ? Développer la connais-
sance des élèves en neurosciences, leur permettre de comprendre que
la communication est nécessairement une communication d’influence
et que la notion d’intention est corrélée aux questions d’éthique et de
relation, sont un prérequis.
— 189 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
UN EXEMPLE
Pour apaiser celui qui craint de prendre l’avion, en passant d’un état de
tension à un état de souplesse et d’ouverture, le visage souriant, on peut
dire, avec une voix douce, posée, et une respiration lente : « Dans les airs, on
peut contempler la magie du monde : le vert de la plaine et les couleurs de la
ville qui s’entremêlent, les lumières qui scintillent et les voitures comme des
points qui avancent, les étendues d’eau en dessous et l’aspect cotonneux
des nuages qui nous englobent… les êtres si petits et le monde si vaste…
c’est une expérience sensorielle et spirituelle fascinante. » On ne cherche
pas à contrer la croyance initiale, mais à renforcer des valeurs universelles
(biais de confirmation), les éléments clés se situant à la première et à la
dernière place (biais de position en série). Et l’on utilise la synchronisation
pour conduire vers un état de calme.
On ne peut donc envisager la prise de parole comme « acte » interactif sans mesu-
rer l’impact des biais cognitifs, affectifs ou instinctifs intervenant dans nos percep-
tions, dans notre compréhension et nos décisions. Servir une intention implique
nécessairement la connaissance et la prise en compte de la psychologie humaine.
— 190 —
Objectifs
OBJECTIFS
Parcours et progression
Explorer les liens entre neurosciences et langage
1. Maîtriser l’aspect sensoriel et émotionnel de sa communication pour
intéresser
2. Maîtriser l’aspect cognitif et intellectuel de sa communication pour
convaincre
3. Comprendre et mesurer l’impact sensoriel, intellectuel et émotionnel
du langage et être à même de stimuler l’ensemble de ces mécanismes
cérébraux au service d’un objectif de communication
Outils
— 191 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
AUTO-ÉVALUATION ET FEED-BACK :
LE BILAN DE MES COMPÉTENCES
Partiellement
d’acquisition
Non acquis
En cours
Dépassé
Mes compétences d’orateur
Acquis
acquis
J’ai conscience et connaissance des biais affectifs,
M sensoriels et cognitifs qui entrent en compte dans
E la communication.
J’ai conscience de mes propres mécanismes
N
cognitifs.
T Je sais quand il est judicieux de raconter
A ou d’argumenter.
Je développe ma culture et mes références.
L
Je fais preuve d’éthique et d’intégrité.
Je sais utiliser un langage descriptif et narratif
et créer des images mentales.
Je sais utiliser un langage qui suscite des émotions.
Je sais trouver des problématiques en lien avec
les centres d’intérêt de mon public.
Je sais maintenir le suspens par la structure
V de ma prise de parole.
E Je sais utiliser à bon escient les preuves techniques et
extra-techniques en vue d’une argumentation réussie.
R Je sais différencier l’argument valable du sophisme
B fallacieux.
A Je sais utiliser des exemples illustrant
intelligemment ma problématique et en lien
L avec le vécu de mon interlocuteur.
Je sais structurer une prise de parole argumentée.
Je sais utiliser tour à tour un procédé épidictique
ou argumentatif selon le contexte.
Je sais analyser la dimension intellectuelle,
sensorielle et émotionnelle du langage.
— 192 —
Auto-évaluation et Feed-back : Le bilan de mes compétences
Partiellement
d’acquisition
Non acquis
En cours
Dépassé
Mes compétences d’orateur
Acquis
acquis
Je sais occuper l’espace et être présent
par ma posture et ma gestuelle.
C Je sais utiliser des gestes ponctuateurs
O et illustrateurs au service de mon discours
et je maîtrise des gestes d’influence.
R
Mon visage est expressif et mon corps animé.
P
Je cultive mon capital sympathie avec un visage
O
ouvert et souriant et une gestuelle et une attitude
R avenante.
E Je sais amener mon interlocuteur à se
L synchroniser sur ma communication non verbale.
Je sais mesurer la portée intellectuelle, sensorielle
et émotionnelle de mon langage corporel.
Je sais varier mes intonations, mon volume
et la rythmique de mon débit pour apporter
du relief et susciter l’intérêt.
Je sais marquer des pauses judicieusement,
pour créer du mystère ou mettre en valeur
mon discours.
V
O Je sais placer des appuis sur les mots clés,
selon l’intention et le sens de ma prise de parole
C et l’objectif relationnel.
A Je sais, à l’aide d’un visage ouvert et souriant
L et d’une bonne respiration, avoir une voix
chaleureuse et agréable.
Je sais amener mon interlocuteur
à se synchroniser sur ma voix.
Je sais mesurer la portée intellectuelle, sensorielle
et émotionnelle de ma voix.
— 193 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
— 194 —
CHAPITRE
6
Exceller à l’oral :
l’art du discours
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
1. TOUCHER ET INSPIRER
1.1 Le storytelling
UN EXEMPLE
Lorsqu’Albert Einstein nous dit « Placez votre main sur un poêle une minute
et ça vous semble durer une heure. Asseyez-vous auprès d’une jolie fille
une heure et ça vous semble durer une minute. C’est ça la relativité », il
suscite non seulement l’intérêt, mais nous aide à mieux comprendre et à
retenir ce concept que s’il s’était étalé en explications théoriques dans un
langage purement informatif.
— 196 —
Exceller à l’oral : l’art du discours
UN EXEMPLE
Pour Philippe, journaliste, le storytelling est une technique de communication
essentielle mais qui ne doit pas devenir une finalité : « Notre rôle est
d’humaniser l’information. Ce sont les histoires de vie qui donnent du sens aux
chiffres, qui touchent et permettent une meilleure compréhension. Mais il y
a problème quand la priorité devient l’émotion à tout prix, le spectaculaire au
détriment de la précision et de la justesse de l’information. Et avec des formats
de plus en plus courts, l’histoire qui devrait être au service de la complexité,
devient le fruit d’une pensée simplificatrice. C’est ce que l’on peut déplorer. »
— 197 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
Annoncer par exemple « je vais vous enseigner des techniques orales efficaces
pour vous affirmer » sera toujours moins percutant que de raconter son parcours,
sa propre histoire et ses difficultés. Et si nous faisons appel à des valeurs univer-
selles telles que la justice, l’équité, l’élévation, l’entraide, la liberté, l’amour…,
notre parole n’en sera que plus efficace.
UN EXEMPLE
« Je ne sais pas si vous avez déjà vécu cette situation où vous êtes face à
un groupe en train de parler et vous percevez très nettement que vous
n’intéressez personne. C’est comme si vous n’existiez pas. Enfant, j’avais
souvent cette impression. J’étais la petite fille assise au fond de la cour, les
mains moites et le genou écorché, avec le sentiment d’être transparente.
Pourtant j’adorais parler. Je pouvais énumérer des listes et détailler des
informations multiples pendant des heures. L’aspect technique et mécanique
du monde me passionnait. Mais voilà, cela ne semblait passionner que moi.
J’avais même l’air d’une sorte d’animal étrange aux yeux des autres, en
constant décalage. Je voyais Alex, le petit caïd de l’école, attirer tous les
regards lorsqu’il se mettait en scène alors que son propos était d’un creux
abyssal et cela me semblait tellement injuste. Pire, je me sentais très seule.
Et puis un jour, sans que je ne m’y attende vraiment, tout a changé. Alors que je
le regardais déblatérer ses platitudes, j’ai pensé « quelle compétence a-t-il que
moi je n’ai pas ? ». Et je ne saurais pas expliquer pourquoi mais ce jour-là
j’ai décidé que j’allais observer et apprendre d’Alex. Comment il bougeait
son corps, comment il grimpait sur le banc et agitait ses bras, comment il
écarquillait les yeux et ouvrait grand la bouche, comment il marquait des
pauses, comment il variait sa voix, comment il prenait chacun à partie et
avait toujours une histoire à raconter… Puis je me suis lancée moi aussi et je
l’ai imité. Je n’ai pas toujours eu les résultats escomptés mais j’ai testé, je me
suis mise en action, je me suis observée et j’ai appris. J’ai appris que la forme
pouvait parfois primer sur le fond. J’ai appris que ce ne sont pas toujours les
plus compétents ou les plus intelligents qui sont sur le devant de la scène, mais
ceux qui communiquent le mieux. Et surtout… jamais je n’aurais imaginé
que des années plus tard je serais là face à vous, devenue experte d’un sujet
si peu naturel pour moi et que j’enseigne pourtant aujourd’hui. »
— 198 —
Exceller à l’oral : l’art du discours
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment aider nos élèves ou nos stagiaires à construire et à choisir une
histoire pertinente à même non seulement d’illustrer leur propos mais
de convaincre et d’inspirer ? Et ce, avec authenticité, sans se perdre
dans une pratique artificielle de la narration pour la narration ? Mettre en
avant l’honnêteté, la véracité et la rigueur dans la sélection de l’histoire,
déterminer les émotions porteuses à véhiculer, définir le message le plus
important sur lequel axer son histoire et choisir une structure pertinente
sont des phases essentielles du travail.
Le climax
Une bonne histoire doit éveiller la curiosité en questionnant, en apportant du
mystère, en ménageant le suspense, la résolution n’arrivant que dans un second
temps. Sa structure même doit suivre une progression qui maintient une cer-
taine tension jusqu’à un climax, point culminant de l’action. Et cette tension est
non seulement corrélée à l’action mais aussi à l’empêchement de l’action. Ainsi,
un élément perturbateur qui viendrait bouleverser l’état initial, créer une difficulté
ou un conflit avant de trouver une résolution en un rebondissement inattendu,
permettra de cultiver l’espoir et de donner du sens.
DES EXEMPLES
Certaines formules sont particulièrement efficaces pour tenir en haleine :
subitement, soudain, d’un seul coup, et alors, contre toute attente, mais
ce n’est pas tout, et pourtant, vous vous demandez peut-être, savez-
vous ?, qui ?… je vais vous le dire, comment ?… eh bien c’est très simple,
pourquoi ?… peut-être le devinerez-vous, et savez-vous ce qui est le plus
surprenant ?…
L’emphase est aussi très porteuse, avec des adjectifs tels que : extraordinaire,
fantastique, incroyable, exceptionnel, fabuleux, effroyable, stupéfiant,
effrayant, bouleversant, inexprimable, extravagant, phénoménal… Mais
— 199 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
UN EXEMPLE
Observez comment la description d’un petit persan gris au pelage cotonneux
et aux yeux bleu marine semble plus intense, plus intéressante et plus réelle
que la simple évocation d’un petit chat.
Cependant, le but n’est pas de se perdre dans des détails dont nous n’avons que
faire et qui diluent l’action, mais de rendre le discours le plus vivant et le plus
réaliste possible. Interpeller ou introduire des dialogues contribuera ainsi à ren-
forcer cet aspect, tout comme le fait de vivre soi-même réellement la situation.
L’authenticité de la communication
En s’impliquant et en se projetant dans l’histoire, nous laissons transparaître nos
émotions. À travers notre corps, notre voix, nous insufflons notre conviction et
notre énergie, nous colorons notre discours et nous apportons du relief et une
dimension affective forte. Car pour susciter les passions, il faut commencer par
être animé et passionné. Quintilien affirmait que le grand secret pour émouvoir
les autres, c’était d’être ému soi-même. Et la mise en scène de la parole, tout
comme l’histoire elle-même, est capitale pour transporter l’auditoire.
UN EXEMPLE
Pour Dominique, conteuse, la manière de raconter a autant d’importance
que l’histoire elle-même : « Le secret d’une bonne histoire, c’est de raconter
avec tout son corps : mimer les situations, transformer sa voix sur les
dialogues, ou porter l’émotion sur son visage. »
— 200 —
Exceller à l’oral : l’art du discours
La structure narrative
— 201 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment permettre à nos élèves ou à nos stagiaires de mesurer les liens
entre l’étendue de leur culture et de leurs références et leur capacité à
intéresser à l’oral et à donner du sens ? Analyser l’impact des histoires et
des exemples vivants dans une prise de parole ou comparer la différence
entre un discours illustré et non illustré tant dans la pratique que dans
l’écoute, sont des pistes à explorer.
La rhétorique, outre les structures oratoires qu’elle propose, nous offre aussi
toute une palette d’éléments techniques, dont les figures de style, qui
apportent davantage d’éclat et de profondeur à nos mots. Ainsi, comme nous
l’avons abordé, grâce aux images, aux métaphores ou aux comparaisons,
nous créons une dimension sensorielle et émotionnelle forte. Mais ce ne sont
pas les seules figures permettant de marquer les esprits et de renforcer nos
propos.
• Alors, quelle est votre connaissance des figures de style ?
• Et dans quelle mesure les utilisez-vous dans vos prises de parole ?
— 202 —
Exceller à l’oral : l’art du discours
L’anadiplose
Maître Yoda par exemple, génération après génération, n’a pas fini d’être cité
avec sa célèbre formule : « La peur mène à la colère, la colère mène à la haine, la
haine mène à la souffrance. » Ce procédé, qui reprend ainsi le dernier mot d’une
proposition au début de la proposition suivante, est appelé anadiplose. Et un
discours véritablement mémorable ne devrait jamais se passer de figures de style.
UN EXEMPLE
On se rappellera de la célèbre symploque de Manuel Valls en 2016 (reprise
généreusement dans la presse) : « On nous dit que… rien n’est écrit ! On nous
dit que… rien n’est écrit ! On nous dit que… rien n’est écrit ! »
L’accumulation
L’accumulation pourtant permet d’apporter de la force et de la grandeur à une
idée. Elle a, en ce sens, un grand pouvoir persuasif. Mais ce procédé d’amplifi-
cation n’est pas lourd dans le sens où la répétition est subtile et utilise des syno-
nymes ou un même champ sémantique. L’accumulation juxtapose ainsi un grand
nombre de mots de même nature, de même catégorie ou de même sonorité,
afin de créer des associations d’idées, des images expressives qui vont élargir
ou renforcer le propos : la nuit était sombre, obscure, noire et dense sous son
manteau de brume, troublante et lugubre.
— 203 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
L’oxymore et l’antithèse
Outre les effets de répétition, les effets de contraste sont aussi particulièrement
percutants et peuvent marquer durablement les esprits. Ainsi, opposer des mots
contraires permet d’attirer l’attention en créant du relief ou en suscitant la sur-
prise. Lorsqu’Honoré de Balzac nous parle de sublime horreur ou que François
Mitterrand se qualifie de « force tranquille », ils interpellent et créent un large
spectre d’images mentales. Ce procédé célèbre est appelé oxymore. Et lorsque
l’on ne juxtapose plus seulement deux mots contraires mais que l’on rapproche
deux idées opposées au sein d’une phrase plus large, on parle alors d’antithèse.
DES EXEMPLES
Quand Jean-Paul Sartre titre son livre L’être et le néant, il ne surprend
pas seulement mais pousse véritablement à la réflexion. Pour Vincent,
professeur de lettres, « l’antithèse n’est pas qu’un effet de style ou un procédé
lyrique mais elle permet de questionner et d’explorer de véritables concepts
métaphysiques tels que la vie et la mort, la lumière et l’obscurité, le vrai et le
faux, l’intelligible et l’absurde… ».
Parfois, l’antithèse va même jusqu’à exprimer une idée qui heurte le bon
sens, ce qui pousse non seulement à la réflexion mais génère un besoin
naturel de résolution. En écrivant « Paris est tout petit, c’est là sa vraie
grandeur », Jacques Prévert nous suggère une véritable énigme que l’on
s’empresse de vouloir comprendre.
— 204 —
Exceller à l’oral : l’art du discours
UN EXEMPLE
Pour Amel, professeur de français, « on néglige trop souvent la place de la
culture littéraire dans le développement de la parole. J’oriente souvent le
sujet d’une rédaction autour de thèmes dont ils peuvent débattre dans la
cour ou en famille. Et je leur demande d’apprendre des textes utilisables
ensuite à l’oral. Pour parler avec aisance, il faut disposer d’une banque de
données. »
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment créer des supports de travail pour l’expression orale à même
d’enrichir le langage et les ressources de nos élèves ? Quand l’appren-
tissage de la poésie devient source de culture et d’outils en termes de
— 205 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
prise de parole, nous entrons alors dans la compétence pratique avec une
démarche éducative plus large. La pratique du théâtre et l’apprentissage
de dialogues permettent aussi d’enrichir cette culture.
La problématique de l’enseignant-formateur
Il est intéressant de s’interroger sur la place de l’écrit dans la maîtrise du
langage et par conséquent dans l’enseignement de l’oral. Comment, à
travers la pratique de l’écrit en classe, intégrer les enjeux liés à la prise
de parole ? Écrire afin de mieux parler ou parler de ce que l’on écrit sont
des pistes à explorer.
— 206 —
Exceller à l’oral : l’art du discours
— 207 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
Ainsi, imaginez ce que serait une prise de parole dont l’introduction déclenche-
rait intérêt et attention, dont la force du contenu transporterait les cœurs comme
les esprits et dont la conclusion laisserait à chacun le souvenir brûlant de votre
passage.
— 208 —
Exceller à l’oral : l’art du discours
2. PERSUADER
Nos perceptions sont modulées par nos expériences ou nos sentiments, ainsi que
nous l’avons abordé. Et le raisonnement logique ne serait pas à l’origine de nos
choix mais il nous permettrait de les justifier dans notre environnement social.
C’est ce qu’avancent les chercheurs en sciences cognitives Hugo Mercier et Dan
Sperber.
— 209 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
UN EXEMPLE
Les gens achètent pour des raisons émotionnelles puis justifient leur choix
de façon rationnelle. Le marketing identifie donc aujourd’hui les différents
profils émotionnels en vue d’un ciblage efficace. On parle de marketing
émotionnel ou sensoriel, jouant sur les émotions des gens pour favoriser
l’acte d’achat, l’attachement à un produit, ou pour améliorer la mémorisation
du message publicitaire.
UN EXEMPLE
François, enseignant, souligne l’impact des enjeux affectifs en classe :
« Tout le monde sait que les élèves travaillent davantage quand ils aiment le
prof et pourtant, la plupart des collègues vous diront que nous ne sommes
pas là pour nous faire aimer. »
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment prendre en considération la dimension émotionnelle dans nos
propres échanges en tant qu’enseignant ou formateur ? Au-delà d’une
communication expressive, le langage de la reconnaissance ou l’utilisation
de strokes, abordés au chapitre 3, sont à explorer.
— 210 —
Exceller à l’oral : l’art du discours
négatives il est possible d’opposer toute une palette émotionnelle qui inspire et
qui engage de façon positive. On peut ainsi citer l’utopie, la satisfaction, l’eupho-
rie, l’espoir, la fierté…
• Alors, quelles émotions allez-vous mettre en avant à travers vos prises de
parole ?
En pratique : Le Vendeur
Pour persuader, je suis le Plan n° 3 : Discours persuasif / Résolution
de problème
1. Quoi ? : mettre l’accent sur un problème qui concerne l’interlocuteur
(montrer, illustrer, à l’aide exemples, à quel point le problème est impor-
tant, grave, sérieux) Ò dimension émotionnelle
2. Pourquoi ? : poser un diagnostique en présentant une expertise
(chiffres, témoignages, études, etc.) et donner un avis personnel
Ò dimension analytique
3. Comment ? : apporter une solution (conserver le ton de l’expertise)
et la justifier (pourquoi est-elle valable, pourquoi est-ce la meilleure ?)
4. Conclure sur la dimension émotionnelle afin de susciter l’action. On
peut décrire une utopie et les changements qui interviendraient suite
à la mise en œuvre de la solution afin de susciter l’enthousiasme du
public et demander une action précise.
— 211 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
Ainsi, pour persuader, il faut non seulement faire le lien entre arguments logiques
et émotionnels mais il faut de plus déterminer quelles sont les actions concrètes
à mettre en place pour résoudre un problème en rapport avec les besoins de
l’interlocuteur. Il s’agit de considérer l’autre, de considérer ses attentes, ses émo-
tions, ses difficultés et ses aspirations, et de trouver des ponts avec son vécu.
Car aucune persuasion n’est possible sans reconnaissance. Aussi, être à même
d’appliquer ce type de structure oratoire implique de comprendre réellement ce
qui compte pour son public.
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment aider l’élève ou le stagiaire à reconnaître et à appréhender
son public afin de faire le lien entre le sujet traité et les besoins ou les
problèmes de l’auditoire ? Au-delà des pistes fournies précédemment,
raisonner en termes de bénéfices personnels et de besoins de l’auditeur,
permet d’explorer son sujet différemment.
— 212 —
Exceller à l’oral : l’art du discours
Que l’on en prenne conscience ou non, les relations sont des relations d’in-
fluence. Comme l’expliquait le psychologue Paul Watzlawick, on ne peut pas
ne pas influencer. Déjà, et nous l’avons vu, parce que nos mots, notre gestuelle
ou nos inflexions vocales ont un impact sur l’interlocuteur. Et ensuite parce que
le fait même d’entrer en relation implique des attentes, des enjeux et des jeux
relationnels, que ce soient des tentatives de séduction, des jeux de pouvoir, des
efforts de persuasion ou des recherches d’attention. Qui n’a pas envie d’exister
face à l’autre ? Qui n’a pas envie d’être apprécié ? Qui n’a pas envie d’être en
sécurité ?
UN EXEMPLE
Pour Sarah, « en milieu éducatif, dès que l’on parle de persuasion, on passe
pour un manipulateur sans vergogne, alors que nous pourrions tout aussi
bien utiliser les termes de motivation au travail, d’engagement, de quête de
sens et d’inspiration ».
— 213 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment parvenir à réconcilier les questions d’éthique et d’influence ?
Comment sensibiliser nos élèves ou nos stagiaires aux notions de mani-
pulation et de liberté, aux notions de manipulation et de respect, ou aux
notions de manipulation et de culture ? Une réflexion, une connaissance
et un travail autour des techniques de communication sociale peuvent
être initiés.
En réalité, ce sont bien les finalités liées à la communication d’influence qui sont
souvent contestées d’une part. Et de l’autre, c’est l’aspect inconscient et non
avoué de ces mécanismes qui les rend détestables. Pourtant, si la manipula-
tion n’était pas tant diabolisée, nous serions moins manipulables. Si nous avions
chaque fois conscience des jeux tacites qui se jouent au cœur des échanges et
de la communication, nous serions plus à même de nous positionner. Si nous
apprenions à maîtriser ces outils, nous serions non seulement capables d’avoir
une vision plus claire des rouages qui actionnent nos comportements et nos
relations, mais nous aurions, de plus, les moyens de réaliser et d’assumer
consciemment nos objectifs d’interaction.
L’art de l’influence et de la persuasion, que nous pratiquons par nature, la plupart
du temps de façon inconsciente et maladroite, est une discipline à explorer (en
particulier à travers la connaissance de nos différents biais cognitifs, affectifs ou
comportementaux.) En cela, nous pouvons nous inspirer de ceux qui dépensent
des fortunes pour étudier la psychologie sociale et tester les moyens efficaces de
la persuasion, à savoir : les maîtres du marketing.
S’inspirer du copywriting
Ainsi le copywriting, art d’écrire pour vendre, promouvoir ou persuader, nous
offre de nombreux outils très efficaces en termes de prise de parole. Il condense
les avancées en neuroscience et en psychologie utilisant par exemple la tech-
nique du saupoudrage, héritée de l’hypnose, consistant à répéter de façon
subtile la même information afin de la rendre familière et de la faire accepter
(biais de simple exposition). Les nombreuses répétitions utilisées vont aussi
ancrer le message dans notre mémoire.
Parallèlement, l’utilisation d’un langage imagé et de nombreux liens de causa-
lité est au cœur de cette technique, présentant de multiples similitudes avec la
— 214 —
Exceller à l’oral : l’art du discours
DES EXEMPLES
Les « 3 clés de… », les « 7 façons de… », les « 10 techniques pour… » sont
dans tous les magazines ou articles en ligne « attractifs ». Ces chiffres sont
régulièrement testés par les « marketeurs », les plus efficaces étant : 3, 5, 7,
9, 10, 14, 17.
Résoudre un problème
Mais ce qui fait l’intérêt et la spécificité du copywriting, c’est sans doute la mise en
avant du bénéfice personnel. Les besoins du client (et pour ce qui nous concerne
de l’auditeur) sont l’axe central du discours. Ainsi, le texte de vente débute toujours
par ce que l’on nomme l’accroche, petite phrase accrocheuse justement, mettant
en avant un avantage, le plus souvent à l’aide d’une question : « Aimeriez-vous ?
Et si vous pouviez ? Comment serait… si… ? Imaginez que… ».
Cette accroche « Promesse » fait ainsi miroiter la promesse d’un accomplis-
sement, d’un intérêt. Elle est propice au rêve, à la projection. Elle fait appel au
besoin de réalisation et stimule le désir.
Lorsque le bénéfice est présenté comme une solution à une difficulté rencontrée
et mise en avant, on parle alors d’accroche « Problème / Solution » : « Faites-
vous cette erreur lorsque… Combien de temps perdez-vous chaque jour
parce que… ».
Pourtant, si elle suggère une solution, cette accroche joue cependant sur les
peurs et les obstacles. Aussi la version moins négative serait l’accroche
« Formule / Méthode », qui ne se concentre que sur les solutions en présentant
les moyens de parvenir à un résultat : « Découvrez les 5 moyens de… Si vous
souhaitez… alors… Voici 3 techniques pour… 10 solutions qui… ».
Mais, d’une manière générale, plus le problème est grand, plus les complications
ont un impact, plus il y a de danger ou de risque et plus l’accroche présentant
une issue engage et active le public.
D’autres types d’accroches permettent aussi de capter l’attention et d’impliquer.
C’est le cas de l’accroche « Mystère / Découverte », qui consiste à questionner
et à éveiller la curiosité : « Savez-vous combien… ? Savez-vous comment… ?
Savez-vous pourquoi… ? ».
Toutes ces accroches jouent sur les ressorts des comportements humains parce
qu’elles proposent de répondre à un besoin tout en s’appuyant sur les divers
biais cognitifs : notre tendance naturelle à relever le surprenant, le bizarre,
— 215 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
DES EXEMPLES
« Découvrez une astuce surprenante qui… », « la méthode rapide et efficace
pour… », « 3 outils qui vont… » ou « ce que veulent réellement… » sont des
accroches très utilisées en marketing.
UN EXEMPLE
Avec la marque innocent :
Envie de boissons délicieuses, 100 % naturelles ? (Accroche)
— 216 —
Exceller à l’oral : l’art du discours
Tout a commencé lors d’un festival de musique. Alors que trois garçons
élaborent leurs premiers smoothies, ils inscrivent sur un panneau : « Devons-
nous quitter nos jobs pour lancer des boissons saines ? ». Ils installent
deux poubelles : OUI et NON. A la fin du festival, le public était conquis :
la poubelle OUI était pleine ! Ainsi naissait la marque innocent : des fruits
mixés ou pressés et rien d’autre... Jamais ! (Histoire, promesse, arguments)
Envie de goûter ? (Appel à l’action)
— 217 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
Cette structure est très proche du plan précédent auquel elle ajoute une partie
finale utilisant la preuve sociale et des garanties pour finir de persuader. Elle a
pour objectif de déclencher une émotion dans le but de pousser à l’action.
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment permettre de faire le lien entre la culture « marketing » qui nous
environne chaque jour et les moyens d’une prise de parole efficace et
éthique, sans tomber dans le cliché et la vulgarisation ? Apprendre à
identifier les ressorts psychologiques sous-jacents et les techniques uti-
lisées tout en s’imposant une approche analytique rigoureuse et morale
est essentiel.
— 218 —
Exceller à l’oral : l’art du discours
EXERCICE N° 3 : LE VENDEUR
À l’aide des plans vus précédemment (le vendeur et les 4P), je fais un discours
persuasif dont l’objectif est d’obtenir l’adhésion à une cause inspirante, en lien avec
le sujet de mon choix.
Plan verbal : je soigne mon accroche
et mon appel à l’action, j’alterne entre
procédé épidictique et argumentatif…
Ò Je soigne mon SCI :
Plan mental : je suis engagé et convaincu.
Plan corporel : gestes ponctuateurs,
gestes illustrateurs, posture souple et
ancrée, regard expressif et dirigé vers
l’autre…
Plan vocal : musicalité de la voix, varia-
tions de l’intensité, du rythme et des
intonations, gestion des temps de silence
et mise en valeur des mots clés…
UN EXEMPLE
1. N’avez-vous jamais ressenti un manque d’endurance avec la sensation
que votre coeur s’emballe, une sensation de fatigue en pleine journée,
de tension ou un sommeil difficile ? La raison ? Un excès de glucose.
Selon l’OMS nous consommons quatre fois plus de sucre que la quantité
journalière recommandée, ce qui crée une oxydation intense de l’organisme.
(Peindre / Quoi / Pourquoi)
— 219 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
3. EXCELLER À L’ORAL
L‘art d’un discours fort et influent fait ainsi appel à de nombreuses techniques
et compétences, qu’elles soient verbales, corporelles ou vocales. Et une prise
de parole efficace est une prise de parole naturelle, non parasitée par l’obser-
vation constante de sa gestuelle ou de sa voix, ou par des efforts continus de
mémoire, d’analyse et de maîtrise, liés à son sujet. Il ne s’agit pas, en situation,
de faire appel à ses souvenirs ou à sa conscience, mais bien d’acquérir tout
un langage, large et diversifié. Il convient d’assimiler de nouvelles connais-
sances et compétences, comme l’on s’enrichirait d’un vocabulaire plus nuancé
et étendu, afin d’être disponible pour l’autre et pour l’échange. D’où l’impor-
tance de s’entraîner régulièrement en amont et d’intégrer sa pratique à ses
échanges quotidiens.
— 220 —
Exceller à l’oral : l’art du discours
UN EXEMPLE
Alice s’est beaucoup entraînée pour ses différents entretiens d’embauche :
« Ce n’est pas facile de parler de soi. Dès que j’en avais l’occasion, je me
présentais à des amis, à ma famille, à de nouvelles personnes, en essayant
d’être la plus authentique et la plus naturelle possible. Ensuite à chaque
nouvel entretien, je mettais en avant des qualités différentes selon le poste.
Si je devais être face aux clients, je parlais de ma patience et de mes qualités
d’écoute. S’il me fallait gérer une équipe, alors je mettais en avant mon sens
de l’organisation et mon bon relationnel. On ne peut pas tout dire, il faut
sélectionner le plus pertinent selon le contexte et l’interlocuteur. »
Une prise de parole en public, quelle qu’elle soit, ne s’improvise pas. (L’improvisation
elle-même ne s’improvise pas.) Elle demande non seulement une préparation au
niveau des contenus mais aussi une mise en condition mentale, corporelle et
vocale. La question étant alors : comment se préparer concrètement ?
Se mettre en condition
Il ne viendrait pas à l’idée d’un sportif d’entamer un marathon sans entraînement
régulier en amont, ni sans échauffement le jour J. Il en est de même pour le
corps et la voix lors d’une prise de parole, car celle-ci réclame une technique par-
ticulière et une énergie considérable. Un professeur de chant vous dirait qu’une
heure de chant équivaut à une dépense physique de six heures de footing. Ceux
qui ont eu l’occasion de faire des conférences savent à quel point cet exercice
est énergivore. Et un échauffement complet et efficace n’est pas nécessairement
long, mais il mobilise l’être dans sa totalité.
— 221 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment reconsidérer la présence à soi et le rapport au corps en
contexte scolaire ? Il est pertinent de se questionner sur l’importance du
rituel et la façon d’introduire un échauffement corporel et vocal rapide
en début de cours ou d’activité. (Des pistes sont fournies en ce sens
au chapitre 7.)
Prendre place en soi améliore l’affirmation de soi à l’oral, tout comme le travail
respiratoire permet une meilleure gestion émotionnelle. Et lors d’une prise de
parole en public, la question de la confiance en soi est une question récurrente.
Or, si un travail corporel, vocal ou mental aide à la renforcer, elle est surtout
fortement corrélée au sentiment de légitimité et par conséquent à la maîtrise que
— 222 —
Exceller à l’oral : l’art du discours
l’on a, ou pas, de son sujet. Pour être à l’aise à l’oral, nous l’avons vu, il faut être
à l’aise avec ce dont on parle.
— 223 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
Notez que ces structures peuvent aussi être utilisées lors d’une conférence ou
encore pour expliciter sa démarche ou son parcours à l’occasion d’un entretien
professionnel. Être capable d’argumenter autour de ses choix et de poser un
regard critique objectif sur soi, ses actions ou une situation, sont des compé-
tences très recherchées, quel que soit le milieu professionnel.
Par ailleurs, tous ces plans répondent à un objectif relationnel. Ils sont donc éloi-
gnés des plans scolaires habituels, dont le but est de transmettre l’information et
de présenter ses connaissances et sa réflexion. Ils en sont d’autant plus efficaces.
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment résoudre cet apparent paradoxe à l’oral qui consiste à faire
preuve d’esprit critique, à cultiver le doute tout en ayant une posture
affirmée et une attitude sûre de soi afin d’être crédible et de convaincre ?
Faire la distinction entre le point de vue et la valeur personnelle, trouver
— 224 —
Exceller à l’oral : l’art du discours
— 225 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
politiques, mais les écoles de commerce et d’ingénieurs, tout comme les universités
ont, elles aussi, leur propre formation. Des concours de Pitch aux concours d’élo-
quence, les grandes écoles se mettent en scène chaque année. Et le président de
l’Université Panthéon Sorbonne à Paris affirme même : « Nous plaçons l’éloquence
au cœur de l’humanisme universitaire. »
La problématique de l’enseignant-formateur
La pédagogie expérientielle semble être tout indiquée concernant l’acqui-
sition des « soft skills », en favorisant les activités en groupe et les qualités
inter- et intra-personnelles. Faut-il alors reconsidérer nos pédagogies
« descendantes » dans la mesure où l’enseignant ne transmet plus seule-
ment un savoir mais accompagne à être ? Et comment mettre en œuvre
cette innovation pédagogique, non seulement au sein des universités mais
de manière plus généralisée, dans des classes souvent surchargées ?
(Tous nos élèves n’ont pas la chance de faire des études supérieures.)
La créativité dont font preuve beaucoup d’enseignants du primaire sur ce
plan est une source d’inspiration : jeu du cadavre exquis à l’oral, carnet
de voyage à présenter en classe, bataille d’oxymores ou chacun propose
l’alliance la plus percutante (magnifique grimace, répugnant bonbon…),
jeux de mimes…
— 226 —
Exceller à l’oral : l’art du discours
UN EXEMPLE
Pour Maryse : « Je crois que j’ai autant appris en observant les autres qu’en
participant moi-même. Et puis, étant d’un naturel assez introverti, ça m’a
aussi décomplexée, parce que finalement, on fait tous les mêmes erreurs. »
Il est toujours profitable de suivre une formation liée à l’expression orale. Pourtant
beaucoup présentent certaines limites et des écueils qu’il convient d’éviter.
— 227 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
Cette approche peut se concevoir dans les hautes écoles, dans la mesure où le
travail de réflexion critique, d’enrichissement de ses connaissances et de remise
en question de ses contenus s’est fait en amont. Pourtant se justifie-t-il toujours,
pour tous et en tout contexte ?
UN EXEMPLE
Je lisais dernièrement dans le powerpoint d’un cours donné à l’Université
Paul Valéry de Montpellier sur la prise de parole que « l’acceptation de
notre idée n’est due qu’à 7 % au choix des mots » et que « les gestes et
mimiques sont détenteurs de la majeure partie de l’impact : 55 % » (la voix
représentant les 38 % restants). Et ce, en référence à l’expérience célèbre
et souvent citée d’Albert Mehrabian, ici largement généralisée, balayant au
passage l’importance de l’idée elle-même.
La problématique de l’enseignant-formateur
De quelle manière la mise en place d’une nécessaire interdisciplinarité
peut-elle répondre aux enjeux d’une discipline aussi riche et diversifiée ? Et
la formation à la prise de parole doit-elle être portée par un cours réservé
ou se joue-t-elle au sein de chaque enseignement selon ses spécificités ?
La formation des enseignants concernant cette discipline peut alors se
poser et fait l’objet du dernier chapitre.
— 228 —
Exceller à l’oral : l’art du discours
UN EXEMPLE
L’un des exercices les plus utilisés est celui de l’orateur antique Démosthène,
qui consiste ainsi à parler avec un stylo entre les dents, en essayant de
rendre sa diction la plus claire possible. (La légende rapporte qu’il aurait
placé des cailloux dans sa bouche afin de renforcer son articulation.)
Pourtant, lorsque l’on a quelques connaissances en physiologie vocale,
cette pratique peut questionner à plusieurs niveaux. Tout d’abord le stylo
choisi a-t-il son importance ? Où faut-il le placer précisément ? Y a-t-il des
contre-indications ?
Si le problème d’articulation vient d’un manque d’ouverture et d’un
serrage important de la mâchoire alors cette technique peut très largement
empirer le problème, en augmentant encore la rigidité liée au serrage (et
les douleurs cervicales associées). Si le problème articulatoire est lié à
des lèvres « molles », alors le stylo devrait être placé à la commissure des
lèvres, créant une légère entrave lors de la prononciation, afin de renforcer
la musculature de cette partie-là. Et si le manque d’articulation vient d’une
langue paresseuse, dans ce cas le stylo placé cette fois-ci en travers de la
bouche peut obliger celle-ci à travailler davantage.
— 229 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
codification suivante : une seconde pour chaque virgule, trois secondes pour
chaque point… Ce qui a pour effet de dénaturer le sens même de la parole, où
l’on se concentre davantage sur la ponctuation et le comptage de sa diction plu-
tôt que sur le sens et l’énergie qui devraient porter la voix de manière naturelle.
Quant au non-verbal, il n’est pas épargné non plus. On assiste même parfois
à une véritable « gouroutisation » où le plus petit geste, puissant révélateur de
la parole, serait lourd de sens. Des théories très en vogue expliquent, grilles
d’analyse scientifiquement hasardeuses à l’appui, qu’en observant chaque zone
du corps présentant une réaction motrice nous pouvons retrouver précisément
la teneur des pensées situées dans le cerveau humain. Ainsi, l’œil gauche devien-
drait plus petit lorsque les gens sont fermés ou abattus.
Si le corps a son langage, il est prudent de faire preuve de bon sens et d’ap-
préhender le mouvement ou la posture de façon plus large et systémique,
comme la conséquence d’une mécanique globale, d’une intention vers l’autre,
d’un apprentissage social et d’un état physiologique à un temps T. La lecture de
pensée ou le décodage de la personnalité à travers le geste est plus qu’aléatoire.
Car sa fonction, comme le rappelle le professeur Jacques Cosnier, est d’accom-
pagner le discours et de manifester le lien ou l’attention à autrui. Et prendre la
parole avec la certitude que nos gestes peuvent ainsi nous « trahir », nous condi-
tionne à nous concentrer davantage sur notre gestuelle plutôt que sur l’échange
ou l’essence de notre propos.
UN EXEMPLE
Marc fait le bilan d’une formation mal vécue : « Je me concentrais sur mes
gestes, sur ma voix, j’essayais de placer les pauses au bon endroit et de
sourire, et finalement je n’arrivais plus à être naturel. Pire, je n’étais plus du
tout attentif aux signes que m’envoyait le public. »
— 230 —
Exceller à l’oral : l’art du discours
Cette mise en scène du discours conduit certains orateurs à apprendre leur texte
par cœur. Chris Anderson, le directeur des célèbres conférences TED, affirme
qu’il faut environ cinq à six heures pour apprendre le contenu d’une conférence
par cœur et qu’il y a de bons résultats même s’il reconnaît que cette pratique
nous rend moins réactifs au public et aux échanges.
Qu’une conférence s’apparente plus au one man show qu’à un véritable
échange peut être pertinent mais qu’en est-il de toutes les présentations orales
et prises de parole que nous aurons à faire tout au long de notre vie ? Faut-il
maîtriser parfaitement un discours particulier ou faut-il cultiver notre capa-
cité à discourir quels que soient le sujet et le contexte ? Il ne s’agit pas tant
de puiser dans sa mémoire mais bien dans ses connaissances, dans sa capa-
cité d’analyse et sa réactivité. C’est l’esprit qui doit être vif et aiguisé, non la
mémoire.
Certains se contentent d’apprendre les premières phrases de leur introduc-
tion, afin d’éviter le fameux trou noir dû au stress. Et d’autres utilisent un
support écrit. Sur ce point, je vous déconseille fortement d’avoir sous les
yeux votre contenu rédigé. Tout d’abord parce que le mécanisme passif de
la lecture ne fait pas appel aux mêmes zones cérébrales qui permettent au
contraire d’activer la parole et la pensée, ce qui vous couperait de vos res-
sources naturelles.
Ensuite, sur le plan corporel et vocal, l’exposé risquerait de se limiter à une lec-
ture insipide, le regard souvent rivé sur la feuille entravant le lien avec le public.
Car tous n’ont pas le talent d’acteur nécessaire pour apporter suffisamment d’au-
thenticité à un texte lu ou récité. (Ce qui ne nous empêche pas d’avoir la trace
écrite des points principaux de notre discours.)
— 231 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
UN EXEMPLE
Pour Marie, les prestations « formatées » de certains personnages publics
laissent un sentiment de malaise : « Il n’y a rien de plus désagréable que
d’avoir l’impression d’un discours mis en scène, où le moindre geste et le
plus petit sourire sont calculés. Les “heu” habituels sont remplacés par des
formules alambiquées qui laissent le temps à l’orateur de préparer une belle
réponse bien lisse. Mais cela sonne faux. »
— 232 —
Objectifs
OBJECTIFS
Parcours et progression :
Phase d’appropriation des techniques oratoires
et communication d’influence
1. S’approprier des outils techniques avancés (storytelling, rhétorique,
argumentation, structures…)
2. Mesurer et maîtriser l’impact de la communication d’influence et
acquérir les techniques « marketing » associées
3. Assimiler ces nouvelles compétences oratoires avec l’entraînement
et la répétition
Outils
— 233 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
AUTO-ÉVALUATION ET FEED-BACK :
LE BILAN DE MES COMPÉTENCES
Partiellement
d’acquisition
Non acquis
En cours
Dépassé
Mes compétences d’orateur
Acquis
acquis
J’ai une connaissance claire des mécanismes
cérébraux qui sous-tendent la communication.
— 234 —
Auto-évaluation et Feed-back : Le bilan de mes compétences
Partiellement
d’acquisition
Non acquis
En cours
Dépassé
Mes compétences d’orateur
Acquis
acquis
Je m’échauffe corporellement. Je suis détendu,
j’ai un bon enracinement et une respiration
bien placée.
C
Je sais utiliser un langage non verbal convaincant
O
et crédible. Je maîtrise les gestes d’influence.
R
Je sais occuper l’espace et « animer »
P ma communication sans agitation. Je sais capter
O l’attention et l’intérêt.
— 235 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
— 236 —
CHAPITRE
7
Animer des ateliers
de prise de parole
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
1. ANIMER UN ATELIER
Si vous êtes enseignants, au fur et à mesure des chapitres, vous avez peut-être
fait le lien entre certains des fondements de votre discipline ou spécialité et les
pratiques ou les idées véhiculées ici. Par exemple, les différents raisonnements
déductifs et logiques sont familiers à l’enseignement des mathématiques et des
sciences de manière générale. Tout comme le travail sur la construction du dis-
cours ou sur l’esprit critique et l’analyse documentaire est abordé en histoire-
géographie. Quant à celui sur l’argumentation ou sur les différents niveaux de
langage, il est largement exploré en cours de français.
— 238 —
Animer des ateliers de prise de parole
– Le Soi : il s’agit tout d’abord de prendre place en soi-même pour Être face
à l’autre. Et ce, en développant des compétences particulières à travers une
mise en condition physique, vocale, émotionnelle et mentale. Pour chaque
atelier, il s’agira donc de définir une thématique impliquant une compé-
tence relationnelle telle que développer son expressivité, développer
son empathie, développer sa réactivité, développer son capital sympathie,
développer son aisance, développer sa crédibilité, développer sa capacité
à raconter, développer sa présence et son assurance…
– Le Hors Soi : cette seconde phase consiste à partir du Soi pour aller
vers l’autre. Pour chaque atelier, il s’agira donc de définir une thématique
impliquant un objectif relationnel. Cet objectif implique certains moyens
techniques à mettre en œuvre et à définir, tels que convaincre, intéresser,
rassurer, inspirer, etc. Aussi qu’attend-on de l’échange ? Souhaite-t-on que
l’autre pense une chose particulière ? Qu’il ressente une chose particulière ?
Qu’il fasse une chose particulière ?…
Parallèlement donner du sens, c’est identifier un besoin derrière la pratique. Et
c’est aussi une manière d’impliquer et de motiver ses élèves ou ses stagiaires.
• Alors, quels besoins sous-tendent la prise de parole ? Se faire accepter,
apprécier, comprendre, respecter ?…
— 239 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
DES EXEMPLES
Le rituel d’échauffement et de mise en place en première phase de PR, par
exemple, peut être une excellente entrée en matière pour se concentrer,
prendre place en soi et s’installer dans une activité. Pour Élodie, institutrice,
« démarrer son cours par des exercices de respiration permet aux élèves
d’entrer dans une phase de travail, de se détendre et de se concentrer ».
Pour Philippe, professeur de français : « Je commence toujours les activités
orales, que ce soit lecture d’exposé, théâtre ou récitations, par un rapide
échauffement corporel et vocal. Non seulement les élèves sont plus concentrés
après, mais ils sont aussi plus performants. »
— 240 —
Animer des ateliers de prise de parole
Enseigner autrement
Par la mise en place de rituels, nous nous familiarisons aussi avec des pratiques
qui peuvent être déstabilisantes au début. Si les activités mettant la voix ou le corps
en scène sont ludiques et « impliquantes », elles peuvent mettre certains élèves mal à
l’aise. Et c’est aussi le cas de plusieurs enseignants, qui doivent non seulement gérer
leur propre rapport au corps et à l’émotion mais qui doivent aussi être en mesure
de renouveler leurs pratiques et d’adopter momentanément une posture nouvelle.
Car transmettre un savoir sous la forme d’un cours traditionnel, ou d’une confé-
rence, et animer des ateliers pratiques sont deux métiers bien différents, où la
posture de l’enseignant glisse subtilement vers celle du formateur et parfois de
l’animateur. Les professeurs de sport ou d’éducation musicale sont sans doute les
plus aguerris à ces techniques, qui impliquent la capacité à mettre soi-même en
scène son corps et sa voix dans la gestion de groupes « actifs ».
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment parvenir à dépasser certains freins liés à la mise en place d’ateliers
pratiques ? Par exemple, la peur de perdre en crédibilité et en « sérieux »
si l’on utilise des « jeux » ou celle de perdre le contrôle de sa classe si l’on
instaure des activités impliquant forcément des échanges (parfois virulents)
au sein du groupe et par conséquent du bruit… En installant des pratiques
progressives, on expérimente un nouveau positionnement, un autre regard
sur l’enseignement, et l’on prend confiance en ses capacités.
Le secret pour gérer un groupe efficacement, c’est que chaque individu au sein
du groupe soit impliqué et actif. Et il existe diverses façons d’animer ces temps
de pratique simultanée, où tous sont mobilisés dans un cadre délimité.
— 241 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
UN EXEMPLE
Pour François, enseignant, le corps est un instrument pédagogique à part
entière : « Du regard insistant face à l’élève bavard, au doigt qui montre les
consignes au tableau, j’utilise souvent mon corps pour communiquer. Les
élèves sont ainsi plus calmes et plus attentifs. Cela m’évite de participer au bruit
ambiant, à me perdre en paroles inutiles alors que le geste est plus direct. »
Par nos gestes, notre regard ou les expressions de notre visage, nous pouvons
indiquer le départ ou l’arrêt d’une pratique, insuffler une rythmique, illustrer une
intention, un volume ou une émotion particulière, ou encore induire une attitude
corporelle.
UN EXEMPLE
Lors d’une lecture collective dirigée, on peut faire un signe au groupe pour
le départ et indiquer gestuellement les mots clés à mettre en relief. On peut
aussi marquer une pulsation de la main, articuler silencieusement en même
temps que les participants afin d’impulser un tempo, ou suivre d’un geste le
texte indiqué au tableau. Cela permet à tous les élèves d’être synchronisés
lors de leur production.
Et une production d’abord collective permet aux plus timides d’oser projeter leur
voix, de mettre en scène leur gestuelle et de libérer leurs émotions. Car il n’est
pas facile d’oser s’exprimer seul devant les autres et une pratique en groupe,
impliquant le corps, la voix et la parole de manière générale, devrait en premier
lieu être collective avant d’être individuelle.
Notre corps est par conséquent un excellent outil qu’il convient d’explorer. Et il
existe une palette de gestes universellement compréhensibles, largement explo-
rée à travers la pratique musicale, que je vous propose d’expérimenter.
Tout d’abord, un bon ancrage du bas du corps est essentiel. C’est la mobilité de
votre du buste, de votre tête et des membres supérieurs qui va permettre de diri-
ger d’un bras une partie du groupe, d’insuffler de la main une énergie, de balayer
du regard l’ensemble des participants et d’engager chacun.
Le plus pertinent est que vous fassiez vos propres expériences, selon votre
aisance gestuelle, selon votre personnalité et le retour des participants. Leur
feed-back est un des meilleurs indicateurs de l’intelligibilité de vos gestes.
— 243 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
dans l’espace. Plus mes mains s’élèvent, plus le son est aigu et inversement.
Enfin, le rebond vu précédemment indique la vitesse d’élocution.
Un exemple : Sur le mot bonjour, je respecte le volume et la hauteur
indiqués par le mouvement des mains, symbolisées par les barres
Fort : I I ; Moyen : I I ; Doux : I I
https://lienmini.fr/
Remarque : Par un glissement du geste, il est possible d’in- lavedrinev13
diquer un glissement des intonations des graves aux aigus ou inversement.
Ainsi, au fur et à mesure de votre pratique, vous affinerez votre direction et enri-
chirez votre gestique, qui gagnera en variété, en précision, en expressivité
et en clarté. Un bon geste est un geste clair, simple, explicite et évident et qui
engage naturellement les participants.
Les émotions sont, quant à elles, directement transmises par l’expressivité de
notre visage. Et par notre propre posture, nous indiquons celle que doivent
adopter les élèves. Car nous reproduisons naturellement l’attitude de ceux que
nous observons. Et il s’agit là d’un autre axe d’apprentissage, sans doute le plus
naturel et le plus porteur : l’apprentissage par imitation.
— 244 —
Animer des ateliers de prise de parole
La problématique de l’enseignant-formateur
Il est pertinent de s’interroger sur ses propres compétences oratoires et
sur la manière de les renforcer, afin d’être soi-même un exemple inspi-
rant et un modèle d’apprentissage. La formation à la prise de parole est
naturellement inductive et la démonstration prévaut sur l’explication. Une
formation personnelle peut être à envisager.
DES EXEMPLES
Le billet d’humeur, souvent pratiqué en formation, consiste à exprimer
rapidement son humeur du jour, ou son retour d’expérience depuis la
séance précédente. L’objet insolite, lui, conduit à décrire et à montrer
la valeur d’un objet de son choix, que l’on présente aux autres. On peut
aussi pratiquer le débat express qui propose de fournir le plus possible
d’arguments, défendant ou réfutant une thèse donnée, en un temps limité.
— 245 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
UN EXEMPLE
On peut conduire les élèves à réfléchir et à échanger sous forme de questions-
réponses collectives autour de problématiques telles que la confiance en soi,
l’esprit critique, l’art de raconter des histoires, l’impact de l’émotion, la portée
du corps, de la voix, du langage…
— 246 —
Animer des ateliers de prise de parole
DES EXEMPLES
Quelques propositions de cours à fournir : les différents types de discours, les
techniques d’argumentation, les techniques du storytelling, la suggestion,
les techniques corporelles et vocales, l’art d’introduire et de conclure…
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment sortir de l’habituelle posture descendante de l’enseignant et
quelle posture d’accompagnant adopter ? Les techniques de leader-
ship développées en entreprise peuvent être des pistes intéressantes à
explorer, en particulier en matière de leadership visionnaire, collaboratif
ou participatif. (Ces pratiques sont développées dans le livre Assumer
son autorité et motiver sa classe, De Boeck Supérieur).
2. CONSTRUIRE UN ATELIER
— 247 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
Structurer sa pratique
Celle-ci se déroule en cinq temps, avec deux premières phases ritualisées permet-
tant, au fur et à mesure des séances d’installer rapidement cet état de concentra-
tion, de présence et le climat de confiance nécessaire à l’expression orale. Les
formats proposés ci-dessous correspondent à un atelier d’environ une heure. Mais
la durée est adaptable et dépend du nombre de participants. (Le nombre idéal
serait de dix maximum, afin de pouvoir fournir un feed-back à tous, mais j’ai bien
conscience qu’en contexte scolaire, il est parfois difficile de respecter ce quota, tant
les classes sont chargées, d’où l’intérêt du travail en îlot pour les phases 3 et 4.)
La phase d’accueil
Ainsi l’objectif de la phase d’accueil, au-delà de présenter le contenu de l’atelier,
est d’engager les participants en les impliquant autour d’une problématique qui
— 248 —
Animer des ateliers de prise de parole
les concerne. C’est-à-dire en lien avec des besoins humains. Il s’agira donc de
répondre à la question « comment » et d’illustrer plutôt que d’expliquer. (Vous
retrouverez ces problématiques et objectifs dans les fiches de cours présentes
à chaque fin de chapitre.)
DES EXEMPLES
L’accroche : si l’objectif de l’atelier est d’apprendre à débattre, nous
pouvons « accrocher » l’attention de tous en demandant : « Comment
pourriez-vous développer votre sens de la répartie, pour être à l’aise lorsque
vous êtes critiqué ? » ou encore « Comment défendre votre point de vue
pour être écouté et reconnu ? ».
Les techniques d’accroche du discours sont ainsi efficaces lors de la « mise
en scène » de nos propres ateliers.
L’exemple concret : si l’atelier porte sur l’affirmation de soi à l’oral, alors
parler avec une voix faible, le corps fermé, le regard fuyant et un vocabulaire
maladroit, pour ensuite adopter une posture ancrée, une gestuelle riche
et souple, une voix vibrante et claire et un langage construit et percutant,
permettra par effet de contraste d’illustrer clairement le thème de l’atelier.
Demander ensuite aux participants ce qui a changé dans nos deux
propositions, les conduira, non seulement à développer leur sens de
l’observation et à se questionner, mais aussi à s’engager et à participer.
Ainsi, cette phase d’introduction est déjà un exercice oratoire à part entière,
laissant la parole à l’élève. Certains formateurs utilisent aussi ce temps d’accueil
pour recueillir le ressenti des participants ou le feed-back lié à leur expérience
personnelle depuis le dernier atelier. Ces derniers sont alors amenés à exprimer
leurs difficultés, leurs forces, leurs astuces, leur vécu et leurs émotions.
La durée de cette phase dépendra donc de votre objectif et des participants eux-
mêmes. En effet, cette partie ne requiert non seulement pas de compétences tech-
niques, mais elle permet une mise en confiance et aide à libérer la parole. Aussi,
il est logique qu’elle soit plus longue au cours des premiers ateliers et qu’inverse-
ment, elle se réduise au profit de la phase 3, avec l’avancée de l’apprentissage.
— 249 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
DES EXEMPLES
Pendant l’exercice d’ancrage, on peut proposer de :
– visualiser son rayonnement et son ouverture à ce qu’il se passe autour,
si l’on souhaite par la suite aborder la question du capital sympathie ou
de l’écoute ;
– visualiser sa force et sa solidité dans le sol, si l’on traite par la suite de
l’affirmation de soi ;
– se connecter à ses convictions dans le but ensuite d’argumenter.
Chaque élément technique peut, de cette manière, être mis en lien avec
l’objectif relationnel et les besoins associés.
La pratique est, par conséquent, toujours globale et la personne est investie corpo-
rellement, intellectuellement et émotionnellement. Les pratiques de PR conduisent
d’ailleurs du Soi (phase 2) au Hors Soi (phase 3) et peuvent ensuite être complé-
tées par la réalisation d’un discours en public, selon la thématique abordée.
UN EXEMPLE
Placés en autonomie par groupe de quatre, les élèves peuvent tour à tour
prendre le rôle de l’orateur ou de l’observateur sur un exercice ciblé tel que :
argumenter avec l’exercice n° 2 du chapitre 4, ou l’exercice n° 3 plus avancé
du chapitre 5. Un feed-back est proposé à l’issue de chaque passage par le
— 250 —
Animer des ateliers de prise de parole
La phase de Feed-back
Le quatrième temps de l’atelier est ainsi une période de feed-back et d’auto-
évaluation de sa performance. Outre les supports donnés à cet effet aux par-
ticipants, il est nécessaire de mettre en place une charte éthique impliquant
un retour aidant et positif de la part du groupe, reconnaissant les points forts et
proposant des pistes d’amélioration. Être jugé par ses pairs étant probablement
l’une des choses les plus difficiles qu’il soit, mais entendre de l’autre ce que
l’on fait de bien et recevoir des conseils pour progresser est particulièrement
constructeur de la confiance en soi.
UN EXEMPLE
Quels sont les points forts de sa prise de parole ? Qu’est-ce qui vous a
touché ? Qu’avez-vous retenu ? Quelles sont ses qualités d’orateur ?
Qu’est-ce qui peut être amélioré et comment ?
La prescription
Enfin, la séance s’achève sur un temps de « prescription » qui propose à cha-
cun des pistes de travail et des exercices personnalisés à pratiquer à l’issue de
la séance, selon le bilan de l’auto-évaluation. Une pratique hors atelier est
indispensable, car les compétences oratoires se cultivent avec un entraînement
régulier. C’est aussi la raison pour laquelle les séances ne devraient pas être trop
espacées.
UN EXEMPLE
L’élève a des difficultés à projeter son souffle et sa voix ? Les pratiques de
respiration du chapitre 2 et les exercices vocaux du chapitre 4 peuvent être
proposés.
L’élève a des difficultés à gérer son stress ? Les pratiques de respiration et
de visualisation du chapitre 2 sont proposées.
Il n’est pas à l’aise avec son corps ? Les pratiques autour de la posture
(chapitre 2) et de la gestuelle (chapitre 5) sont adaptées. Etc.
— 251 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment parvenir à gérer les différentes contingences de temps et
d’espace nécessaires au passage d’une pratique collective à une pratique
individuelle et au travail en îlot avec des groupes pouvant aller jusqu’à
30 élèves ? Sortir de la classe pour « élargir » l’espace, pratiquer en exté-
rieur ou disposer de plusieurs salles, sont des pistes à explorer pour per-
mettre à chacun de pratiquer, tout en gérant les problématiques de bruit
et de temps. Parallèlement, la question des demi-groupes et des moyens
alloués à cette discipline au sein de chaque établissement se pose.
Enfin, cette structure est donnée à titre indicatif. C’est celle que j’ai mise au point
et que j’utilise, mais vous pouvez tout à fait l’adapter selon vos contraintes et
contingences personnelles.
— 252 —
Animer des ateliers de prise de parole
DES EXEMPLES
De l’inhibé (I) vers le désinhibé (D) :
Ò Sur un plan verbal, la lecture (I) est plus accessible que la parole
improvisée (D).
Ò Sur un plan corporel, la posture assise et les mains occupées par des
notes ou un stylo (I) seront plus confortables que de se déplacer face au
public avec une gestuelle large et expressive (D).
Ò Sur un plan vocal, un registre médium et un volume moyen (I) seront plus
sécurisants que de produire des sons avec une forte intensité dans les
sur-aigus (D) par exemple.
— 253 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
UN EXEMPLE
Un premier atelier découverte peut explorer les notions de posture, de
respiration, de technique vocale, d’ouverture et d’intention à travers
l’échauffement, puis de gestuelle et d’aisance verbale sur une présentation
improvisée. Il permet une prise de conscience des différents paramètres
verbaux, corporels et vocaux. (Les éléments du chapitre 3 peuvent être
abordés.)
C’est à l’issue de cet atelier que devraient s’engager une réflexion et un travail
approfondi sur ses futurs contenus. Cette démarche intellectuelle sera présente
tout au long du parcours.
— 254 —
Animer des ateliers de prise de parole
— 255 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
Cette proposition est fournie à titre d’exemple et vous pouvez tout à fait consa-
crer plusieurs ateliers à la même thématique. Vous enrichirez ensuite vos propres
cycles d’ateliers au fur et à mesure de votre pratique et de votre expérience.
3. FEED-BACK ET ÉVALUATION
— 256 —
Animer des ateliers de prise de parole
— 257 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
L’auto-évaluation
Parallèlement, le formateur n’est pas tout-puissant, l’élève lui-même est aussi
l’acteur principal de sa propre progression. Et notre rôle consiste essentiellement
à conduire cette démarche d’apprentissage en apportant les éléments techniques
nécessaires d’une part, mais aussi, de l’autre, en favorisant l’expérimentation et
en développant l’autonomie, à travers des activités permettant de :
– cultiver l’esprit critique et le sens de l’observation,
– générer une prise de conscience,
– acquérir les outils permettant de poser un feed-back constructif sur sa
propre production et celle de ses pairs.
• Comment alors aider l’élève à développer ces compétences d’analyse et à
affiner son sens critique ?
• Comment cultiver sa capacité à s’auto-évaluer et à faire preuve d’autonomie
dans sa propre démarche ?
Développer son sens critique et sa capacité à observer implique non seulement
de connaître précisément les éléments techniques sur lesquels porter son atten-
tion, mais c’est aussi questionner le discours et poser un regard curieux et ana-
lytique tant sur la forme que sur le fond, afin d’émettre un avis personnel. Nous
pouvons ainsi conduire les participants à relever, sur un plan formel, la gestuelle,
la posture, les qualités vocales, le niveau de langage, la structure du discours, le
niveau d’engagement et de congruence… Sur le fond, ils peuvent observer la
qualité des arguments, la richesse des informations et des références, l’équilibre
entre l’intellectuel, le sensoriel et l’émotionnel et par conséquent, le niveau de
crédibilité et de sympathie.
L’évaluation complète
Il est pertinent de fournir chaque fois un questionnaire ou une grille permettant
l’évaluation des pairs ou l’auto-évaluation de sa pratique selon l’objectif pour-
suivi et la thématique abordée. (En plus des outils fournis en fin de chapitre,
vous trouverez plusieurs grilles en annexe.)
— 258 —
Animer des ateliers de prise de parole
Sur le fond
Quel est le message de l’orateur ?
Quel est son objectif ?
A-t-il su créer un lien avec le public ? (Capital sympathie, exemples adap-
tés au quotidien du public, appel à des valeurs universelles, présence
d’histoire et d’éléments émotionnels, questions et interactions…)
L’orateur a-t-il utilisé des images et des suggestions appropriées à son
objectif ? Quelles sont les suggestions utilisées ?
Le discours est-il bien référencé ? (Recherches, parole d’experts,
citations…)
Les arguments utilisés sont-ils pertinents ? (Preuves techniques, extra-
techniques, types de raisonnement…)
Y a-t-il un bon équilibre entre les procédés épidictiques et argumentatifs,
entre l’impact sensoriel, émotionnel et intellectuel du discours ?
L’orateur a-t-il réalisé son objectif ? A-t-il su convaincre, intéresser,
inspirer ?…
— 259 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
Synthèse
Sur le fond, comme sur la forme quels sont les atouts de l’orateur ? Quels
sont les points positifs du discours ? Quels sont les axes d’amélioration ?
Toutes ces questions sont évidemment non exhaustives, et peuvent être
complétées à l’aide des différents chapitres ou des éléments présents
en ligne.
Un feed-back ciblé
La problématique de l’enseignant-formateur
Comment exploiter ce feed-back et permettre une progression indivi-
duelle, portant sur des items particuliers et spécifiques à chacun dans
un contexte de compétences multiples et disparates ? Lors de la phase
de prescription, il est utile de proposer des pistes personnelles de tra-
vail, adaptées à chaque profil et à explorer individuellement à l’issue de
la séance. En ce sens, des fiches pratiques des exercices vus peuvent
être fournies.
Il ne s’agira pas de tout observer à la fois mais de porter son attention sur cer-
tains éléments selon l’objectif de la séance. (Car, nous l’avons vu, il est judicieux
de construire son atelier autour d’une problématique relationnelle ou éventuel-
lement technique mais dans ce cas reliée à des enjeux relationnels bien définis.)
Tout comme les items constituant l’auto-évaluation doivent respecter le niveau
de connaissances techniques des participants.
Être en capacité de fournir un feed-back constructif, outre la nécessité de poser
un regard critique sur le fond, implique donc une démarche d’expérimentation
et d’appropriation des paramètres à la fois vocaux, verbaux ou corporels. Cette
démarche se fait tant par l’élève que par l’enseignant, particulièrement en début
de pratique. Et il est tout à fait normal que notre analyse ne soit ni exhaustive ni
parfaite.
Tout d’abord parce que nous sommes faillibles et qu’évaluer un nombre consé-
quent de paramètres nécessite un haut niveau de disponibilité et de concentra-
tion, qu’il est parfois difficile de conserver selon le contexte. Et ensuite, parce
qu’il s’agit, là aussi, d’une compétence qui se cultive avec la pratique et qui par
conséquent se consolidera avec le temps. C’est l’expérimentation qui permet
l’appropriation, aussi il est logique que les premières interventions de l’ensei-
gnant ne soient pas encore totalement abouties et cela ne devrait pas être un
frein.
— 260 —
Animer des ateliers de prise de parole
Ce qui est constructeur du parcours de l’élève l’est aussi pour notre propre par-
cours. Et, en plus du questionnement que nous avons l’habitude de poser sur nos
pratiques et nos disciplines, nous devrions régulièrement faire le point de nos
compétences et nous auto-évaluer.
UN EXEMPLE
Pour Isabelle, formatrice : « Dans les ateliers vocaux, le retour des stagiaires
a été pour moi un déclencheur important dans la prise de conscience de mes
propres compétences. Je me rendais instantanément compte quand mon
exemple n’était pas précis ou ma voix mal placée, parce que leur production
n’avait rien à voir avec ce que j’attendais. Cela m’a amené naturellement à
faire un travail personnel d’autodiagnostic. »
En s’appuyant sur des points techniques définis, cet état des lieux nous permet
non seulement de construire notre propre apprentissage, mais il permet aussi de
nous distancier des pensées limitantes que nous entretenons par réflexe.
DES EXEMPLES
Parmi les croyances erronées les plus fréquentes autour de la formation à
la prise de parole, on citera :
– il faut être un très bon orateur pour animer des ateliers sur la prise de
parole ;
– on ne peut pas faire grand-chose contre le trac ;
– savoir communiquer efficacement réclame des compétences trop
techniques ;
– trop d’élèves ne se sentent pas à l’aise à l’oral pour que l’on puisse mettre
en place une pratique ;
– le niveau de langage (ou de réflexion) de ma classe ne permet pas
l’approfondissement de telles pratiques ;
– animer un atelier demande des compétences hors de ma portée…
— 261 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
En réalité, il n’est pas possible d’être performant avant de faire. Tout comme il
n’est pas possible de progresser sans avoir défini précisément des objectifs d’ap-
prentissage en termes de compétences techniques. Alors concrètement, quelles
sont nos propres performances oratoires ?
• Et quelle est votre capacité à diriger un atelier ?
• Quelle est votre capacité à percevoir et à évaluer les différents paramètres
de la communication ?
• Quelle est votre capacité à créer du lien, à accompagner ou à motiver ?
https://lienmini.fr/
LAVEDRINE7
FORMER 1 2 3 4 5
Je sais fournir un exemple corporel de qualité. ¡¡¡¡¡
Je sais fournir un exemple vocal de qualité. ¡¡¡¡¡
Je sais proposer des structures de langage adaptées. ¡¡¡¡¡
Je sais fournir des références et des exemples riches sur le plan verbal. ¡¡¡¡¡
Je sais éveiller la curiosité et favoriser l’esprit critique. ¡¡¡¡¡
Je sais fournir des explications claires. ¡¡¡¡¡
Je sais donner un départ précis. ¡¡¡¡¡
Je sais impulser un tempo. ¡¡¡¡¡
Je sais diriger une pratique collective et adapter ma gestuelle. ¡¡¡¡¡
Je sais choisir des exercices adaptés. ¡¡¡¡¡
Je sais faire des liens entre la finalité technique et le vécu ¡¡¡¡¡
des participants.
Je sais choisir des visualisations appropriées. ¡¡¡¡¡
ÉVALUER 1 2 3 4 5
Je sais identifier les blocages. ¡¡¡¡¡
Je sais repérer les limites du langage non verbal. ¡¡¡¡¡
Je sais repérer les limites du langage verbal. ¡¡¡¡¡
Je sais identifier les problèmes vocaux. ¡¡¡¡¡
Je sais évaluer les difficultés des participants. ¡¡¡¡¡
— 262 —
Animer des ateliers de prise de parole
COMPÉTENCES GÉNÉRALES 1 2 3 4 5
SYNTHÈSE
— 263 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
Ces items sont bien sûr non exhaustifs, mais ils fournissent une piste de
feed-back assez précise sur nos compétences.
Enfin, enseigner la prise de parole implique une capacité à se réinventer et à
assumer plusieurs postures. L’enseignant doit à la fois engager, soutenir, animer
et accompagner la prise de parole tout en conduisant une démarche réflexive
autour des multiples ressources, connaissances et outils techniques.
Avec l’élargissement du savoir à la compétence, la question du « que transmettre »
s’est ainsi étendue aux pratiques et aux valeurs, au savoir-faire et à l’humain, à
l’expression et au développement de soi et à la reconnaissance de l’autre. Le
professeur est ainsi amené à cultiver davantage encore le lien et la relation. Et
ce, au profit d’une discipline aujourd’hui essentielle et qui devrait être enseignée
dès le plus jeune âge : savoir, savoir-faire et savoir-être à l’oral.
— 264 —
En conclusion
— 266 —
En conclusion
TECHNIQUES ORATOIRES
Et comprendre les rouages des interactions humaines, c’est pouvoir non seule-
ment mesurer la teneur de sa communication et maîtriser l’impact de sa parole,
mais c’est aussi devenir citoyen éclairé, conscient des possibles manipulations
dont nous faisons l’objet. La connaissance et la maîtrise des diverses techniques
oratoires sont un véritable pouvoir, pas seulement un pouvoir sur les dispositions,
la pensée et les actions d’autrui, mais le pouvoir de se connaître soi, d’expéri-
menter ses limites et ses propres biais cognitifs, sensoriels et émotionnels, de
développer sa pensée critique et de renforcer ses compétences.
Ainsi, à l’aide d’un vocabulaire adapté, nous suggérons des images, émotions et
pensées inconscientes dans l’esprit de notre interlocuteur, comme nous sommes
nous-mêmes impactés par l’ensemble des messages que nous recevons.
À l’aide d’un langage favorisant la reconnaissance et l’écoute de l’autre, à travers
l’utilisation du storytelling ou d’exemples vivants et de métaphores, nous stimu-
lons le cerveau sensoriel et émotionnel de l’auditeur, nous suscitons l’intérêt et
nous engageons une relation affective.
— 267 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
Tout comme nous captons l’attention en colorant notre parole à l’aide de tech-
niques verbales, corporelles et vocales diverses (figures de style, gestes illustra-
teurs, posture ancrée, voix vibrante et projetée, intonations variées…). Nous
apparaissons alors plus crédibles et sympathiques et en sommes d’autant plus
influents.
Enfin, à l’aide d’arguments logiques et d’un discours structuré, basé sur des rap-
ports de causalité, des sources scientifiques et privilégiant le raisonnement déduc-
tif, nous stimulons la pensée rationnelle. En nous adressant ainsi à l’intelligence
de notre interlocuteur, nous convainquons avec éthique. Cependant, nous le
savons, ce serait une erreur de vouloir distinguer l’argumentation « honorable »
des techniques rhétoriques. Car la communication, la plus factuelle et ration-
nelle soit-elle, implique nécessairement une dimension relationnelle tacite qui
conditionne l’échange, où le fond et la forme sont indissociables. Et en faisant
référence aux émotions et aux valeurs, en stimulant les affects, nous persuadons,
nous engageons et incitons à agir.
— 268 —
En conclusion
— 269 —
ANNEXE
Les outils
de l’enseignant-formateur
LECTURES DIRIGÉES
Exemple de légende
(Donnée à titre indicatif, vous pouvez l’adapter ou la modifier selon vos besoins.)
Volume
Chuchoté : c / Murmuré : m
Doux : p
Moyen : M
Fort : F
Crié : FF
Appuis : _
Hauteur et intonations
Registre aigu :
Registre médium :
Registre grave :
Vers l’aigu : Vers les graves :
Suivre une ligne mélodique (relief vocal) :
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
Rythmique, débit
Pause : /
Respiration : ‘
Rapide : +
Lent : –
Modéré : o
Outre les poèmes, monologues, pièces de théâtre ou discours célèbres que vous
pourrez trouver en ligne, dans un objectif d’approche globale, voici à présent un
texte permettant de travailler sa technique vocale et son articulation, tout comme
son langage corporel et sa capacité à raconter et à divertir. (Je l’ai construit sur
le principe de la narration, utilisant des vire-langues, mais vous pouvez aussi y
ajouter des figures de style et autres procédés littéraires permettant de travailler
sur différents plans.)
— 272 —
Annexe – Les outils de l’enseignant-formateur
PSYCORPOPHONIE RELATIONNELLE®
Diagnostic corporel et vocal
— 273 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
Observations :
GRILLES D’AUTO-ÉVALUATION
DESTINÉES AUX ÉLÈVES
https://lienmini.fr/ (Vous trouverez d’autres outils dans la version de ce livre destinée aux
LAVEDRINE8 élèves : L’oral ? J’excelle ! De Boeck supérieur.)
d’acquisition
Non acquis
En partie
En cours
Dépassé
Je suis sympathique.
— 274 —
Annexe – Les outils de l’enseignant-formateur
d’acquisition
Non acquis
En partie
En cours
Dépassé
Capacité à capter l’attention et à intéresser
Acquis
acquis
Je sais utiliser des figures de style pour apporter
du relief à ma parole.
— 275 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
d’acquisition
Non acquis
En partie
En cours
Dépassé
Capacité à convaincre
Acquis
acquis
Je suis convaincu et mon sujet me tient à cœur.
— 276 —
Annexe – Les outils de l’enseignant-formateur
d’acquisition
Non acquis
En partie
En cours
Dépassé
Capacité à convaincre
Acquis
acquis
J’ai un registre adapté à la situation (registre
médium et peu de variations de hauteur
pour une posture neutre, ou registre grave
pour une posture d’autorité, etc.).
— 277 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
Le paradoxe de choix
Mis en lumière par le psychologue américain Barry Schwartz, ce biais révèle à
quel point nos choix sont parasités lorsqu’il y a une abondance d’informations.
— 278 —
Annexe – Les outils de l’enseignant-formateur
Le biais de négativité
Nous apportons plus d’importance aux éléments négatifs. Nous sommes ainsi
davantage attentifs et réactifs aux informations négatives plutôt que positives.
La malédiction du savoir
Plus nous maîtrisons un sujet et plus il nous est difficile d’appréhender le niveau
de compréhension des néophytes.
— 279 —
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
L’effet d’attente
Nos attentes influencent nos perceptions ou nos comportements. Ainsi, les
élèves sont plus ou moins performants selon les attentes de leur enseignant
(effet Pygmalion). Tout comme l’effet d’un traitement est lié à la croyance que
nous avons qu’il fonctionne (effet placebo). Nous évaluons aussi comme meil-
leures les performances d’une personne qui nous a fait une impression positive
(effet de halo).
Le repère du regard
Nous sommes naturellement attirés par le regard des autres, pour suivre une
direction ou regarder une personne lors d’un échange.
Cette liste est non exhaustive et vous trouverez de nombreux compléments
en ligne. Par ailleurs, je vous invite à vous inspirer du jeu sur les biais cogni-
tifs créé par Stephanie Walter et Laurence Vagner, et disponible en téléchar-
gement libre (référence en webographie).
— 280 —
Bibliographie
— 282 —
Bibliographie
— 283 —
Webographie
http://psycorpophonie-relationnelle.fr
http://univoix.fr
https://lejournal.cnrs.fr/neurosciences
https://www.atelier-mediation-critique.com (avec le recueil à télécharger de sophismes
et paralogismes, ainsi que de nombreux cours en ligne)
https://www.youtube.com/user/fauxsceptique/videos (la chaîne Hygiène mentale, outils
pour le développement de l’esprit critique)
https://www.penser-critique.be
https://theoriesducomplot.be
https://stephaniewalter.design/fr/blog/a-la-decouverte-des-biais-cognitifs-le-jeu-de-
52-cartes/ (cartes à télécharger sur les biais cognitifs pour organiser des jeux autour
de cette activité)
http://mooc-francophone.com/liste-mooc-en-francais/
https://www.clemi.fr
https://www.cairn.info
https://www.ted.com
https://www.youtube.com/playlist?list=PLsRNoUx8w3rOxsAerY6UFmtRXMzcX6vgF
(conférences TED en français)
— 284 —
Table des matières
Sommaire ...................................................................................... 7
Avant-propos ................................................................................ 9
Introduction .................................................................................. 15
CHAPITRE 1
Engager une démarche d’apprentissage ..................................... 21
1. Développer son charisme .............................................................. 22
1.1 Inné et acquis ...................................................................... 22
1.2 Valoriser ses erreurs............................................................. 25
2. Définir son parcours et ses objectifs................................................ 28
2.1 Sur le chemin de la connaissance de soi ............................... 28
2.2 État des lieux : d’où je pars et où je vais ............................... 32
3. Nourrir sa motivation .................................................................... 36
3.1 Neurosciences et motivation : créer l’envie de….................... 36
3.2 Bénéfices personnels ........................................................... 40
CHAPITRE 2
Oser être soi et s’exprimer .......................................................... 47
1. Vaincre la peur ............................................................................. 48
1.1 Les obstacles à la prise de parole ......................................... 48
1.2 Vaincre la peur .................................................................... 53
2. Nourrir sa parole .......................................................................... 57
2.1 Nourrir sa pensée et ce qu’il y a en soi ................................. 57
2.2 Nourrir son énergie et sa force intérieure ............................. 60
3. Être soi et s’affirmer ..................................................................... 64
3.1 Présence et ancrage ............................................................. 64
3.2 Argumentation et capacité à porter son opinion ................... 68
COMMENT ENSEIGNER L’ORAL AUX ÉLÈVES ?
CHAPITRE 3
Mesurer la portée de sa communication ..................................... 77
1. Évaluer son langage verbal ............................................................ 78
1.1 La portée des mots .............................................................. 78
1.2 Langage et transactions ....................................................... 84
2. Évaluer son langage corporel ......................................................... 89
2.1 États internes et communication .......................................... 89
2.2 Posture et gestuelle ............................................................. 93
3. Mesurer la portée de sa voix .......................................................... 100
3.1 États internes et inflexions vocales ....................................... 100
3.2 Petit précis de grammaire vocale .......................................... 105
CHAPITRE 4
Entrer en relation ......................................................................... 117
1. Être face à l’autre ......................................................................... 118
1.1 Être soi : parler vrai parler juste ........................................... 118
1.2 Prendre position .................................................................. 124
2. La relation d’échange ................................................................... 128
2.1 Connaissance et reconnaissance de l’autre ........................... 128
2.2 Réactivité et échange ........................................................... 134
3. Définir un objectif relationnel ......................................................... 140
3.1 Situations de communication et objectif relationnel ............. 140
3.2 Structurer sa prise de parole ................................................ 145
CHAPITRE 5
Exceller à l’oral : servir une intention ......................................... 153
1. Capter l’attention et intéresser ....................................................... 154
1.1 Plan verbal .......................................................................... 154
1.2 Plan corporel et vocal .......................................................... 159
2. Convaincre .................................................................................. 164
2.1 Plan verbal .......................................................................... 164
2.2 Plan corporel et vocal .......................................................... 172
3. Neurosciences et capital sympathie ................................................ 178
3.1 Neurosciences et portée du discours ..................................... 178
3.2 Biais perceptifs et capital sympathie..................................... 184
CHAPITRE 6
Exceller à l’oral : l’art du discours............................................... 195
1. Toucher et inspirer ....................................................................... 196
1.1 Le storytelling ..................................................................... 196
1.2 L’art de la rhétorique .......................................................... 202
2. Persuader .................................................................................... 209
2.1 L’art de la persuasion : cognitif et émotionnel...................... 209
2.2 Discours d’influence et techniques marketing ....................... 213
3. Exceller à l’oral............................................................................. 220
3.1 Une maîtrise parfaite ........................................................... 220
— 286 —
Table des matières
ANNEXE
Les outils de l’enseignant-formateur ........................................... 271
— 287 —