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LE TRAITÉ DES DIVERGENCES DU ḤADĪṮ D’IBN QUTAYBA 

Chapitre III. Des ḥadīṯ-s offrant [prétendûment] des


contradictions internes [ou des affirmations contestables] ;
des ḥadīṯ-s [prétendûment] en contradiction avec le coran. des
ḥadīṯ-s [prétendûment] infirmés par la spéculation (Naẓar), le
raisonnement (ḥuğğat al-‘aql), [l’expérience (‘iyān), la
tradition historique (ḫabar), le consensus (iğmā’), le
raisonnement analogique (qiyās)]1
p. 99-382
TEXTE NOTES
TEXTE INTÉGRAL
I. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ EN CONTRADICTION AVEC LE
CORAN
 1 On a complété les sous-titres en fonction des divers critères
utilisés dans ce chapitre. Voir notre (...)

 2 ḤAN. I, 272 ; VI, 441 ; cf. III, 127 ; V, 135.

1125. — Proposition : Vous enseignez que Dieu passa la main sur


le dos d’Adam, en fit sortir sa descendance jusqu’au jour du
Jugement, tels des fourmis, et leur fit porter témoignage contre
eux-mêmes [en demandant :] « Ne suis-Je pas votre Seigneur ? » ;
ils répondirent : « Que si ! »2.
 3 Coran, VII, 172.

2Or ceci est en contradiction avec le Coran, où il est dit : « …ton


Seigneur tira une descendance du dos des fils d’Adam et les fit
témoigner à l’encontre d’eux-mêmes : — Ne suis-Je point votre
Seigneur ? Ils répondirent : — Que si ! »3. En effet, le ḥadīṯ affirme
que Dieu tira la descendance du dos d’Adam, alors que le Coran
dit qu’il la tira du dos des fils d’Adam.
3126. — Réponse : Il n’en est point comme ils l’imaginent. // Le
sens des deux textes concorde, grâce à Dieu, et tous deux sont
justes. En effet, le Coran fournit des développements que

1
le ḥadīṯ passe sous silence, mais il peut aussi présenter des
raccourcis que développe la Sunna. Il est clair que lorsque Dieu
passa la main sur le dos d’Adam comme le dit le ḥadīṯ, et en fit
sortir sa descendance, tels des fourmis, jusqu’au jour du
Jugement, cette descendance comprenait les fils, les petits-fils et
leur descendance jusqu’au jour du Jugement. S’il conclut le Pacte
avec tous ceux-là et leur fit porter témoignage contre eux-
mêmes, c’est donc du dos de tous les fils d’Adam sans exception
qu’il tira une descendance, et c’est eux tous qu’il fit témoigner.
 4 Coran, VII, 11.

4126 a. — On comparera le verset : « Nous vous  avons créés, puis


Nous vous  avons formés, puis Nous avons dit aux anges : —
Prosternez-vous devant Adam ! »4. Il dit aux anges :
« Prosternez-vous devant Adam ! » après avoir dit :
« Nous vous  avons créés, puis nous vous  avons formés », ce qui
veut dire : « Nous avons créé Adam, puis nous l’avons formé »,
puis Nous avons dit aux anges : « Prosternez-vous devant
Adam ! » C’est parfaitement admissible, car lorsqu’il a créé Adam,
Il nous a tous créés dans ses reins, et nous a façonnés à Sa guise.
Lorsqu’il a créé Adam, Il nous a donc créés, puisque nous
descendons de lui.
5126 b. — Il en est de même lorsque un homme reçoit en cadeau
de toi un couple de moutons, mâle et femelle, et que tu lui dis :
« Je te donne là beaucoup de moutons ! » Tu veux dire : « En te
faisant cadeau d’un couple de moutons, je te donne aussi les
nombreux petits qui naîtront d’eux ».
 5 Voir Ši‘r, 592-593 où cette anecdote est développée.

6126 c. — ‘Umar b. ‘Abd al-‘Azīz // donna mille dirhems à


Dukayn, le rāğiz.  Dukayn acheta avec cette somme un certain
nombre de chameaux. Dieu les bénit, et ils crûrent et

2
multiplièrent Dukayn disait : « Je les dois à la générosité de ‘Umar
b. ‘Abd al-‘Azīz ! » Or tous ne lui avaient pas été donnés en
gratification. ‘Umar ne lui avait donné que les pères et les mères,
mais il les attribuait tous à ‘Umar, car ils étaient le produit de
ceux qu’il lui avait donnés5.
7126 d. — On constatera une analogie avec les vers d’al-‘Abbās b.
‘Abd al-Muṭṭalib sur le Prophète :
« Avant nous, tu étais bienheureux à l’ombre, et dans le dépôt où
furent cousues les feuilles »
8c’est-à-dire : « Tu étais bienheureux à l’ombre » du paradis
terrestre ; « dans le dépôt », l’endroit où il était à l’abri ; « où
furent cousues les feuilles », celles qu’Adam et Ève cousirent entre
elles pour s’en revêtir ». En d’autres termes : Il était à ce moment-
là bienheureux dans les reins d’Adam.
9Le poète ajoute :
 6 Allusion à Coran, XXIII, 13-14.

« Puis tu es descendu sur terre, ni homme,


ni chair, ni caillot »6
10c’est-à-dire qu’Adam descendit sur terre, et que « tu
descendis » dans ses reins, mais tu n’étais alors « ni homme, ni
chair, ni sang ».
11Le poète continue : //
 7 Allusion à Coran, LXXI, notamment 23 et 25.

« Puis tu devins semence qui monta dans l’Arche, alors que le


Déluge engloutissait Nasr et ses fidèles »7
12c’est-à-dire : Tu étais semence dans les reins de Noé, lorsqu’il
monta dans son navire.
13Puis :

3
« Tu fus transmis de rein en entrailles ;
lorsque disparaissait un monde, apparaissait une nouvelle
[génération »
14c’est-à-dire : Il était transmis des reins des hommes aux
entrailles des femmes. Le poète représente donc le Prophète
bienheureux, puis descendant sur la terre, enfin montant dans
l’Arche avant d’être créé, faisant simplement allusion par là à tous
ses ancêtres, qui le contenaient virtuellement dans leurs reins.
***

II. — EXEMPLE DE DEUX ḤADĪṮ-S CONTRADICTOIRES


 8 BUḪ. 4, 12, 14 = HM I ; 69, 70 ; ḤAN. III, 12, 13 ; V, 300,
etc…

15127. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit : « Ne


vous tournez pas vers la qibla  pour faire vos défécations ou
uriner »8.
 9 BUḪ. 4, 11 = HM I, 69 ; 8, 29 = HM I, 149 ; 57, 4 = HM II,
386.

16D’autre part, vous transmettez d’après ‘Isā b. Yūnus — Abū


‘Uwāna — Ḫālid al-Ḥaḏḏa’ — ‘Irāk b. Mālik — ‘Ā’iša : « On raconta
au Prophète que certaines gens évitaient de se tourner vers
la qibla  pour faire leurs défécations ou uriner. Alors le Prophète
fit apporter sa tinette et se plaça en direction de la qibla »9. Il y a
là contradiction. //
 10 Amr wa nahy, c’est-à-dire de l’éthique bien plus que du
droit proprement dit.

17128. — Réponse : Nous dirons qu’il est licite de considérer l’un


de ces deux ḥadīṭ-s  comme abrogeant l’autre ; il s’agit en effet
d’une affaire relevant de l’ordre et de l’interdiction10. Comment

4
n’ont-ils pas pensé que l’un de ces deux ḥadīṯ-s  était abrogeant,
et l’autre abrogé, même si leur véritable sens leur échappait ?
18Toutefois, pour nous, ils ne sont ni abrogeants, ni abrogés,
mais chacun doit être utilisé en son heu et place. Il n’est pas licite
de se tourner vers la qibla  pour aller à la selle ou pour uriner
lorsqu’on se trouve dans une plaine ou un lieu découvert. En effet,
lorsque les contemporains du Prophète mettaient pied à terre au
cours de leurs voyages et se mettaient en devoir d’accomplir la
Prière, certains se tournaient vers la qibla  pour la Prière, mais
d’autres se tournaient vers elle pour aller à la selle ou uriner.
Alors, le Prophète leur interdit de se tourner vers la qibla  pour
satisfaire à ces besoins, par respect pour la qibla  et pour éviter
les souillures [pouvant compromettre la validité de] la Prière. Or
certains pensèrent que cela était également répréhensible dans
les maisons, et pour les latrines creusées à même le sol. Alors le
Prophète fit apporter sa tinette, et on la lui orienta vers la qibla.  Il
voulait ainsi leur montrer que cela n’est pas répréhensible dans
les maisons, ni pour les excavations creusées dans le sol et
destinées à recevoir les immondices, ni pour les lieux d’aisance, à
condition que ce fût dans un lieu où la Prière n’est pas licite.
***

III. — EXEMPLE DE DEUX ḤADĪṮ-S CONTRADICTOIRES


 11 BUḪ. 77, 40 = HM IV, 113 ; ḤAN. I, 321, etc…

19129. — Proposition : Vous rapportez d’après Wakī‘ — al-A‘maš


— Abū Ṣāliḥ — Abū Hurayra que le Prophète // a dit : Lorsque la
courroie d’une sandale se casse, il ne faut pas marcher avec une
seule sandale »11.
 12 TIR, 22, 35.

20D’autre part, vous rapportez d’après Mindal — Layṯ — ‘Abd al-


Raḥmān b. al-Qāsim — son père que ‘Ā’iša a dit : « Il est arrivé
5
que la courroie de sandale du Prophète se rompît. Il marchait
alors avec une seule jusqu’à ce que l’autre fût séparée »12. Il y a
là contradiction.
21130. — Réponse : Pour nous, nous prétendons qu’il n’y a là
aucune contradiction, grâce à Dieu. En effet, il pouvait arriver que
quelqu’un vît sa courroie de sandale se rompre, qu’il l’ôtât, la prît
à la main et marchât avec une seule sandale jusqu’à ce qu’il
trouvât une autre courroie. Ce procédé est incorrect et indécent
en ce qui concerne les sandales, les chaussures, et toutes les
pièces de vêtement qui vont par paire, si l’on n’en utilise qu’une
pièce en abandonnant l’autre. De même pour le vêtement qu’on
jette sur une épaule sans utiliser l’autre. Par contre, si une
courroie se rompt et que l’on fait un, deux ou trois pas en
attendant qu’elle soit réparée, ceci n’a rien de répréhensible ni
d’indécent. La qualification juridique d’un acte est souvent
différente selon qu’il est accompli un petit nombre ou un grand
nombre de fois. //
22130 a. — On n’ignore pas que l’homme en Prière peut fort bien
faire un ou deux pas, voire plusieurs, en position d’inclination,
jusqu’à la rangée qui est devant lui. Mais il n’est pas licite de
parcourir dans cette position cent ou deux cents coudées. Il est
licite de replacer son manteau sur les deux épaules lorsqu’il a
glissé, mais il est illicite de rouler son vêtement au cours de la
Prière, ou de faire quoi que ce soit qui dure longtemps. De même,
la Prière n’est pas annulée si l’on sourit, mais elle l’est si l’on
éclate de rire.
***

IV. — EXEMPLE DE DEUX ḤADĪṮ-S CONTRADICTOIRES


 13 ḤAN. IV, 196 ; VI, 136, 192, 213.

6
23131. — Proposition : Vous enseignez que ‘Ā’iša disait : « Le
Prophète n’a jamais uriné debout »13.
 14 BUḪ. 4, 60-62 = HM I, 91 ; 46, 27 = HM II, 151 ; ḤAN. IV,
246 ; V, 382, 394, etc…

24D’autre part vous rapportez d’après Ḥuḏayfa que [le Prophète]


urinait debout14. Il y a là contradiction.
25132. — Réponse : Nous affirmons qu’il n’y a pas là
contradiction, grâce à Dieu. Il n’a jamais uriné debout dans sa
demeure, ni là où ‘Ā’iša se tenait. Mais il urinait debout dans les
endroits inconfortables, soit que le terrain fût boueux, argileux ou
sale. Ainsi, l’endroit // où Ḥuḏayfa vit le Prophète uriner debout
était le dépôt d’immondices d’une tribu. Il ne pouvait donc
s’accroupir, en raison du manque de confort. La qualification
juridique des actes accomplis en cas de force majeure est
différente de celle des actes accomplis après libre choix.
 15 Ibid.

 16 Lisān,  IX, 181 = Tāğ, V, 149 : subāṭa = dépôt d’ordures


ménagères, de balayures.

26132 a. — Abū Muḥammad dit : D’après Muḥammad b. Ziyād al-


Ziyādī — ‘Isā b. Yūnus — al-A‘maš — Abū Wā’il, Ḥuḏayfa dit : « Je
vis le Prophète se diriger vers le dépôt d’ordures d’une tribu et y
uriner debout. Je m’éloignai, mais il me dit : — Approche ! Je
m’approchai jusqu’à me trouver debout derrière lui. Alors il fit ses
ablutions, et frotta ses chaussures »15. Le mot subāṭa  (dépôt
d’ordure) est synonyme de mazbala,  de même
que kusāḥa  et qumāma16.
***

V. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ EN CONTRADICTION AVEC LE


CORAN

7
 17 Lisān,  XI, 151 (où ce ḥadīṯ  est reproduit) : ‘asīb,  « salarié
de basse classe », ou « esclave ».

27133. — Proposition : Vous rapportez d’après Sufyān b. ‘Uyayna


— al-Zuhrī — ‘Ubayd Allāh b. ‘Abd Allāh b. ‘Utba — Abū Hurayra,
Zayd b. Ḫālid et Šibl : « Un homme se rendit auprès du Prophète et
lui dit : — Envoyé de Dieu, je t’en conjure par Dieu, ne veux-tu
pas trancher entre nous conformément au Livre de Dieu ? Son
adversaire — qui était plus versé dans le fiqh  — se leva et dit : —
Il a raison ! Juge notre affaire conformément au Livre de Dieu, et
permets-moi de parler. Le Prophète lui donna la parole. — Mon
fils était journalier17 chez cet homme, et il a forniqué avec sa
femme. J’ai versé une amende compensatoire de cent moutons
et // un serviteur. Puis j’ai interrogé les docteurs, et ils m’ont
appris que mon fils devait recevoir cent coups de verges et être
banni pendant un an ; quant à la femme, elle devait être lapidée.
Le Prophète dit : — Par Celui qui tient mon âme entre ses mains,
je jugerai votre affaire conformément au Livre de Dieu : Les cent
moutons et le serviteur te seront rendus ; ton fils recevra cent
coups de verges, et sera banni pour un an ; la femme sera lapidée.
Va, Unays, vers cette femme ; si elle avoue, lapide-la. L’homme se
rendit auprès de la femme, elle avoua et fut lapidée ».
28Abū Muḥammad dit : Ce ḥadīṯ  m’a été rapporté dans ces termes
par Muḥammad b. ‘Ubayd — Ibn ‘Uyayna.
29Or ceci serait en contradiction avec le Coran. En effet, l’homme
demanda au Prophète de juger leur affaire conformément au
Coran. Le Prophète dit : « Par Celui qui tient mon âme entre Ses
mains, je jugerai votre affaire conformément au Livre de Dieu ! »
puis il ordonna la lapidation et le bannissement. Or la lapidation
et le bannissement ne figurent pas dans le Coran. Ou bien
ce ḥadīṯ  est faux, ou il est exact ; dans ce dernier cas, il manque

8
dans le Coran [le passage relatif] à la lapidation et au
bannissement.
 18 Coran,  IV, 24.

 19 Coran,  II, 178.

 20 Coran,  IV, 77.

 21 Coran,  V, 45.

30134. — Réponse : Lorsqu’il disait : « Je jugerai conformément


au Livre de Dieu », le Prophète ne visait pas le Coran. Il voulait
seulement — // — dire : « Je jugerai votre affaire conformément à
la prescription (ḥukm) de Dieu ». Le mot « livre » (kitāb) peut être
compris de plusieurs manières, par exemple dans le sens de
« décret », ou d’« obligation » (farḍ). Ainsi dans le verset :
« Prescription (kitāb) de Dieu pour vous ! Il vous est licite de
rechercher des épouses en dehors de cela… »18. Kitāb  veut dire
ici « obligation ». De même : « La loi du talion vous est prescrite
(kutiba) »19, c’est-à-dire « obligatoire ». De même : « Ils
s’écrient : — Seigneur, pourquoi nous as-tu prescrit ( katabta) de
combattre ? »20, c’est-à-dire « imposé ». De même : « Nous
avons prescrit (katabnā)  pour eux : — Ame pour âme !… »21,
c’est-à-dire : « Nous avons décrété et imposé ».
31Al-Nābiġa al-Ğa’dī dit :
 22 ḤAN. II, 151 ; V, 409 ; VI, 162.

« Les liens de clientèle ont fait rejaillir sur vous notre


[noblesse (?),
or ce n’est pas cela que Dieu a dit lorsqu’il a prescrit
[(yaktubu) »22

9
32c’est-à-dire : « La parenté a attiré sur vous notre noblesse
ancestrale ; or ce n’est pas cela que Dieu a imposé dans ses
décrets ».
***

VI. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ INFIRMÉ PAR LE CONSENSUS


33135. — Proposition : Vous rapportez d’après al-Zuhrī — ‘Urwa,
— ‘Ā’iša qu’une femme empruntait des bijoux dans d’autres
familles et les vendait. Le Prophète en fut averti et il lui fit couper
la main. //
34[Nos adversaires] disent : Or les Musulmans s’accordent
(ağma‘a) sur le fait qu’on ne saurait condamner l’emprunteur à
l’amputation car il est considéré comme dépositaire (mu’taman).
35136. — Réponse : Nous considérons que ce ḥadīṯ  est sain,
mais // que toutefois il n’emporte pas obligation, car on n’y dit
pas que l’amputation eut effectivement lieu. Il y est seulement dit
que le Prophète ordonna l’amputation. On peut admettre que
l’ordre n’ait pas été suivi d’exécution. Les imām-s  peuvent
éventuellement se permettre cela, à titre d’avertissement et de
leçon, sans que cela implique l’exécution de la sentence.
 23 ḤAN. V, 11, 12, 18, 19.

 24 ABŪ DĀ’ŪD, 38, 7 ; MĀLIK, 43, 3 ; cf. aussi ḤAN. V, 19.

 25 Ibid., et TIR. 14, 16.

36136 a. — On comparera le ḥadīṯ  rapporté par al-Ḥasan —


Samura b. Ğundab, d’après lequel le Prophète a dit : « Celui qui
tue son esclave, nous le tuons ; celui qui mutile son esclave, nous
le mutilons »23. Or tout le monde est d’accord sur le fait qu’on
ne tue pas un homme [libre] pour le meurtre de son esclave24, et
qu’on n’exerce pas contre lui le talion pour sévices envers son

10
esclave25. Le Prophète a seulement voulu effrayer le maître et
l’avertir d’avoir à ne pas tuer son esclave, ou encore se servir de
son cas comme exemple ; mais il n’a pas voulu l’exécution.
 26 ḤAN. II, 136, 166, 191, 211, 214, ; IV, 93, 95, etc…

 27 BUḪ. 86, 4 = HM IV, 376 ; cf. ḤAN. I, 125, 130.

37136 b. — La sentence n’aurait été exécutoire qu’au cas où il eût


été dit dans le ḥadīṯ  :  « Le Prophète a tué un homme pour meurtre
de son esclave, ou appliqué le talion à quelqu’un pour sévices
envers son esclave ». Mais puisqu’il s’est contenté de dire : « Celui
qui agit ainsi, nous agissons ainsi envers lui », c’est-à-dire
d’avertissement et de leçon. De même lorsqu’il a dit : « Si
quelqu’un boit du vin, flagellez-le ; s’il récidive, flagellez-le ; s’il
récidive, flagellez-le ; s’il récidive encore, exécutez-le ! »26. Il
s’agit là d’effrayer les coupables pour qu’ils ne récidivent pas. La
preuve en est qu’on lui amena un buveur récidiviste pour la
quatrième fois, et qu’il le flagella sans l’exécuter27.
 28 Cf. ḤAN. V, 325.

38Ainsi, nous affirmons que toute espèce de menace peut être


mise à exécution ou non en vertu du ḥadīṯ  du Prophète rapporté
par Abū Hurayra : // « Si Dieu a promis à quelqu’un une
récompense pour un acte, Il remplit Sa promesse ; mais s’il a
menacé quelqu’un d’une sanction, Il reste libre de l’appliquer ou
non »28.
***

VII. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ INFIRMÉ PAR LA SPÉCULATION


ET LE RAISONNEMENT
 29 BUḪ. 60, 11 = HM II, 486 ; ḤAN. II, 326.

 30 BUḪ., ibid.  et 60, 19 = HM II, 491 ; ḤAN. II, 326, 332, 350.

11
 31 BUḪ. 60, 11 = HM II, 486.

39137. — Proposition : Vous rapportez d’après al-Zuhrī — Abū


Salama — Abū Hurayra que le Prophète a dit : « Je suis encore plus
sujet au doute que mon père Abraham ! »29 ; « Dieu aurait eu
pitié de Loth s’il avait trouvé refuge auprès d’un soutien
puissant ! »30 ; « Si j’avais été sollicité comme le fut Joseph,
j’aurais cédé ! »31.
40Ils déclarent : Ce sont là des attaques contre Abraham, contre
Loth et contre lui-même.
 32 Coran,  II, 260.

41138. — Réponse : Nous prétendons qu’il n’en est rien, grâce à


Dieu. Le Prophète a dit : « Je suis encore plus sujet au doute que
mon père Abraham » lorsque fut révélé le verset : « Abraham dit :
— Seigneur, fais-moi voir comment Tu fais revivre les morts ! Le
Seigneur lui répondit : — Eh quoi ! Ne croirais-tu point ? — Si !
répondit Abraham, mais c’est pour que mon cœur soit
tranquille ! »32. Or des gens qui entendirent ce verset
affirmèrent : « Abraham a douté, mais notre Prophète n’a pas
douté ! » Le Prophète dit alors // : « Je suis encore plus sujet au
doute que mon père Abraham ! » par humilité, et pour montrer la
prééminence d’Abraham par rapport à lui-même. Il voulait dire :
« Nous-même ne doutons pas, et nous valons moins que lui.
Comment aurait-il pu douter ? »
42L’interprétation des paroles d’Abraham : « …mais c’est pour
que mon cœur soit tranquille ! » est la suivante : « C’est pour que
mon cœur soit tranquillisé par la certitude due à la
constatation de visu ».
 33 ḤAN. I, 215, 271.

 34 Cf. Exode, 32, 1-20.

12
43138 a. — Il y a deux sortes de certitude : l’une est la certitude
due à la constatation de visu, et l’autre est la certitude acquise par
témoignage auditif. La première est la plus noble, c’est pourquoi
le Prophète a dit, en parlant du peuple de Moïse adorant le veau
d’or : « Un fait rapporté ne vaut pas un fait constaté »33. Dieu
ayant appris à Moïse que son peuple adorait le veau d’or, il ne jeta
pas encore les Tables ; mais lorsqu’il les vit de ses yeux ainsi
occupés, il jeta les Tables, qui se brisèrent34.
44De même, les hommes qui croient en la résurrection, le
jugement, le paradis et l’enfer ont la certitude que tout cela est
vrai ; mais au moment de la résurrection, lorsqu’ils verront et
observeront de leurs yeux, leur certitude sera encore plus forte.
45Abraham voulait donc tranquilliser son cœur par la constatation
visuelle, qui apporte la certitude la plus noble.
 35 Coran,  XI, 80.

 36 Cf. Coran, XI, 77 sqq.

46138 b. — Lorsqu’il disait : « Dieu aurait eu pitié de Loth, s’il


avait trouvé refuge auprès d’un soutien puissant » //, il faisait
allusion aux paroles de Loth à son peuple : « Ah ! si j’étais de
force contre vous ! Ah ! si j’avais refuge auprès d’un soutien
puissant ! »35. Le Prophète voulait parler de la perplexité de Loth,
de son embarras et de son tourment à l’occasion des menaces de
son peuple36, qui le firent s’écrier : « Ah ! si j’avais refuge auprès
d’un soutien puissant ! », alors même qu’il se réfugiait auprès de
Dieu, qui est le plus puissant des soutiens.
 37 Qui pussent lui apporter leur appui le cas échéant.

47[Les gens du ḥadīṯ]  disent : Par la suite, Dieu n’envoya plus de


prophète après Loth qu’au sein d’un groupe de gens de son
peuple37.

13
 38 Cf. Coran, XII, 31.

48138 c. — Lorsqu’il dit : « Si j’avais été sollicité comme le fut


Joseph, j’aurais cédé ! », il s’agit du jour où Joseph fut invité à
sortir de prison, après une longue peine. Il dit au messager :
« Retourne auprès de ton maître et demande-lui : — Qu’avaient
ces femmes à se taillader les mains ? »38, et il ne sortit pas de sa
prison sur le champ. Il voulait montrer la patience et la
résignation de Joseph, en disant : « Si j’avais été à sa place, et que
j’eusse été invité à sortir de prison comme lui, j’aurais accepté, et
je n’aurais pas tergiversé. C’est encore là un aspect de son
humilité. Il ne s’agissait pas de montrer qu’il y aurait eu faiblesse
ou crime de la part du Prophète s’il se fût empressé de sortir à la
place de Joseph, ou de la part de // Joseph s’il fût sorti de prison
avec le messager. Il voulait seulement dire que Joseph ne trouvait
pas dure l’épreuve imposée par Dieu, au point de s’empresser de
sortir immédiatement, mais qu’il était résigné et escomptait la
récompense divine.
***

VIII. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ INFIRMÉ PAR L’EXPÉRIENCE


 39 ḤAN. III, 322, 345, 379, 384.

 40 On rappelle ici que le K. Muḫtalif al-ḫadiṯ a été rédigé entre
256/869 et 270/883.

49139. — Proposition : Vous rapportez d’après Abū Sa‘īd al- Ḫidrī,


d’après Ğābir b. ‘Abd Allāh et d’après Anas b. Mālik que le
Prophète a dit en parlant de l’année 100 : « Il ne restera plus sur
terre ce jour-là âme qui vive »39. Ceci est visiblement faux, car
nous sommes en plein IIIe siècle40 et il y a beaucoup plus
d’hommes qu’à ce moment-là !

14
50140. — Réponse : Nous prétendons que les transmetteurs ont
omis un mot dans ce ḥadīṯ,  soit qu’ils l’aient oublié, ou que le
Prophète l’ait sous-entendu — auquel cas ils n’ont donc pu le
transmettre. A notre avis, on ne peut douter qu’il ait voulu dire :
« Il ne restera sur terre ce jour-là, d’entre vous, âme qui vive »,
c’est-à-dire d’entre ceux qui étaient présents à cette réunion, ou
encore d’entre les Compagnons en général. Le transmetteur a
omis : « d’entre vous ».
 41 Cf. supra,  § 40 g 37 e.

51140 a. — Ceci rappelle la phrase d’Ibn Mas‘ūd sur la nuit des


Génies : « Personne d’entre nous n’y a assisté, sauf moi », dans
laquelle le transmetteur a omis : // « sauf moi »41.
 42 Aḥtā’at istuka l-ḥafra… Métaphore triviale pour dire : « Tu
n’y as rien compris ! »

 43 L’éd. signale trois leçons : rağā’ (espérance) ; raḥā’  (vie


aisée) ; dağğāl  (Antéchrist). On a rete (...)

52Comme preuve de ce que j’avance, je rapporterai d’après Abū


Kudayna — Muṭarrif — al-Minhāl b. ‘Amr que ‘Alī dit à Ibn
Mas‘ūd : « Tu donnes des consultations juridiques aux gens ? —
Parfaitement ! Je leur apprends que ce qui vient en dernier est
mauvais ! — Alors, dis-moi, as-tu entendu cela de la bouche [du
Prophète] ? — Je l’ai entendu dire : Les gens ne verront pas
l’année 100, et il n’y aura pas sur la terre [à ce moment] un œil
pour cligner ». ‘Alī s’écria : « Tu es tombé à côté !42. Le Prophète
n’a dit cela un jour que pour les gens qui étaient autour de lui.
Pourquoi n’y aurait-il rien à espérer après l’année 100 ? »43.
 44 On n’a pas retrouvé cette variante du ḥadīṯ de l’année cent.

53140 b. — Autre exemple de ḥadīṯ  comportant une erreur


matérielle : J’ai entendu d’après Muḥammad b. Ḫālid b. Ḫidāš —

15
son père — Ḥammad b. Zayd — Ayyūb — al-Ḥasan — Ṣaḫr b.
Qudāma al-‘Uqaylī : Le Prophète a dit : // « Après l’année 100, il
ne naîtra pas un enfant dont Dieu ait besoin »44. Je rencontrai
Sahr, et l’interrogeai sur ce ḥadīṯ  ;  il me répondit : « Je ne le
connais pas ! »
54Abū Muḥammad dit : C’est le même ḥadīṯ  dans lequel s’était
glissée une erreur, et qui comporte des versions différentes.
***

IX. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ INFIRMÉ PAR LA SPÉCULATION


ET LE RAISONNEMENT
 45 BUḪ. 59, 4 = HM II, 425.

55141. — Proposition : Vous transmettez d’après ‘Abd al-‘Azīz b.


al-Muḫtār al-Anṣārī — ‘Abd Allāh al-Dānāğ : J’ai vu Abū Salama b.
‘Abd al-Raḥmān dans la mosquée de Baṣra ; vint al-Ḥasan, qui
s’assit auprès de lui. Abū Salama déclara que le Prophète avait
dit : « Le soleil et la lune seront deux taureaux enveloppés de
feu »45. Alors al-Ḥasan demanda : « Quel crime ont-ils donc
commis ? » Et l’autre répliqua : « Je ne fais que te rapporter les
paroles du Prophète ! ». Et al-Ḥasan se tut.
 46 En l’occurrence informateur d’Abū Salama.

56Al-Ḥasan avait raison ! Quel crime ont-ils donc commis ? Ces


paroles // d’al-Ḥasan constituent une attaque contre [le Prophète]
ou contre Abū Hurayra46.
 47 Cf. ḤAN. II, 207.

 48 On n’a pas retrouvé ce ḥadīṯ.  On soupçonne qu’il serait


possible de le découvrir dans la rubrique n (...)

 49 BUḪ. 9, 9 = HM I, 190 ; ḤAN. II, 229, 266 ; III, 52, etc…

16
57142. — Réponse : Nous prétendons que le soleil et la lune n’ont
pas été précipités au Feu en punition de quelque crime qui pût
leur être imputé. Ils ont été créés de feu et ont été rendus au feu.
Le Prophète n’a-t-il pas dit à propos du soleil couchant : « C’est
le feu ardent de Dieu ! N’était que la volonté de Dieu le retient, il
détruirait tout ce qui est sur la terre ! »47. Il a dit aussi : « Au fur
et à mesure que le soleil s’élève d’un degré dans le ciel, une porte
de l’enfer s’ouvre devant lui. Lorsqu’arrive l’heure de midi, toutes
les portes sont ouvertes »48. Ceci montre bien qu’il tire toute sa
chaleur de la fournaise infernale. C’est pourquoi le Prophète a dit :
« Remettez la Prière [de midi] aux heures fraîches, car cette
chaleur ardente émane de la fournaise de l’enfer »49.
 50 Allusion à Coran  LII, 6. On peut se demander s’il convient
ici d’adopter la trad. BLACHÈRE (« la me (...)

 51 Coran,  II, 24 ; cf. aussi LXVI, 6.

58Si quelque chose provient du feu, puis lui est rendu, on ne


saurait dire qu’il subit une punition. Une chose condamnée à
accomplir une fonction déterminée et exclusive comme le feu, ou
le ciel qui est condamné à tourner, // la mer à se gonfler50, etc.,
ne saurait subir de sanction ni recevoir de récompense. Il serait
aussi absurde de dire, à propos du verset : « Préservez-vous du
Feu, dont l’aliment est constitué par les hommes, et les
pierres… »51 : « Quel est donc le crime des pierres ? »
***

X. — EXEMPLE DE DEUX ḤADĪT-S CONTRADICTOIRES


 52 BUḪ. 76, 19, 43, 54 = HM IV, 62, 82, 89 ; ḤAN. I, 174,
180… ; II, 152, etc…

 53 En effet, la plupart des ḥadīṯ-s  disent : « Qui  (man) a


infecté le premier ? ». Notamment BuḪ. 76, (...)

17
59143. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit :
« Pas de contagion, et pas de superstition ! »52. On lui dit alors :
« Lorsque les premières traces de gale apparaissent sur le museau
d’un chameau, c’est alors que tout le troupeau attrape la gale ! » Il
répliqua : « En ce cas, qu’est-ce qui a infecté le premier ? ». Si tels
ne sont pas là ses propres termes, c’était au moins le sens de ses
paroles53.
 54 BUḪ. 76, 53, 54 — HM IV, 88, 89 reproduit une discussion
entre Abū Salama et Abū Hurayra qui citait (...)

 55 BUḪ. 76, 19 = HM IV, 69 ; ḤAN. II, 443.

 56 BUḪ. 56, 47 = HM II, 302 ; 67, 18 = HM III, 554 ; 76, 43 =


HM IV, 82 ; ḤAN. I, 174, 180 ; II, 8, 36 (...)

60D’autre part, vous rapportez : « On ne met pas un individu sain


en contact avec un individu malade »54 ; « Fuyez celui qui est
atteint d’éléphantiasis comme vous fuyez le lion ! »55. Un homme
atteint de ce mal vient lui prêter le serment d’allégeance. Il lui
envoya sa bay‘a,  et lui ordonna de s’en aller, sans le recevoir. Il
dit encore : « La femme, la maison et la bête de selle sont de
mauvais augure »56.
61Tout cela est incohérent et ne concorde pas.
62144. — Réponse : Nous affirmons qu’il n’y a là aucune
contradiction. Chacune de ces sentences s’applique en temps et
lieu. Si on les utilise à bon escient, il n’y a plus de contradiction.
63Il y a deux sortes de maladies contagieuses : La première est
l’éléphantiasis. Celui // qui en est atteint exhale une odeur forte,
dangereuse pour quiconque reste longtemps en présence du
malade, ou mange en sa compagnie. De même, la femme qui doit
le subir ou coucher dans le même linge peut se voir communiquer

18
le mal, et souffrir ensuite d’éléphantiasis ; son enfant est aussi
dans ce cas : ils ont beaucoup d’affinités avec lui.
64On peut en dire autant de quiconque est atteint de phtisie, de
consomption ou de gale. Les médecins prescrivent de ne pas se
tenir en compagnie du phtisique ou de l’éléphantiasique. Ils ne
pensent pas tant à la contagion qu’à la mauvaise odeur, car elle
peut incommoder quiconque la respire trop longtemps. Or les
médecins sont les gens les moins enclins à la superstition, bonne
ou mauvaise.
65De même, lorsqu’un chameau est atteint de gale — il s’agit de
la gale purulente —, et qu’il entre en contact avec le reste du
troupeau, se frotte à ses congénères et s’installe dans le même
parc, il leur communique une maladie analogue à cause du mucus
et du pus qui s’écoulent de lui. C’est pourquoi le Prophète a dit :
« On ne met pas un individu sain avec un individu malade ». Il
craignait que l’individu malade ne fréquentât l’individu indemne
et ne lui communiquât une maladie analogue à cause du pus et du
contact. //
66Certains pensent que le Prophète n’a pas voulu qu’on croie à la
culpabilité du propriétaire des chameaux contaminés. Abū
Muḥammad dit : Ceci est exclu, car ce que je viens d’exposer peut
être constaté de visu.
67144 a. — L’autre type de maladie contagieuse est la peste, qui
s’installe dans un pays d’où les gens s’enfuient par peur de la
contagion.
68Abū Muḥammad dit : Sahl b. Muḥammad m’a rapporté d’après
al-Aṣma‘ī qu’un Basrien fuyant la peste monta sur un âne et se
rendit dans sa famille à Safawān. Il entendit alors un chamelier
chanter derrière lui ces vers :

19
« On ne dépasse pas Dieu sur un âne,
ni sur un coursier rapide.
La mort vient au moment prescrit ;
Dieu passe parfois devant celui qui s’en va ».
 57 BUḪ. 76, 30, 36 = HM IV, 74, 76 ; 90, 13 = HM IV,
445 ; ḤAN. 173 ; IV, 177 ; V, 200.

69Le Prophète a dit : « Lorsque elle (la peste) sévit dans le pays où
vous vous trouvez, n’en sortez pas ». Il a dit encore : « Lorsqu’elle
sévit dans un pays, n’y entrez pas »57. La première phrase
signifie // qu’il est vain d’imaginer qu’en fuyant [l’endroit où se
manifeste] le décret de Dieu, vous échapperez à Dieu Lui-même ;
et la seconde phrase que si vous restez là où la peste ne sévit pas,
vous serez plus tranquilles et vivrez plus agréablement.
70Il faut classer dans la même rubrique le caractère pernicieux de
la femme ou de la maison, qui peuvent attirer sur l’homme
désagréments ou calamités. Il dit alors : « Elle m’a contaminé par
son mauvais œil ! » et c’est là la contamination à laquelle le
Prophète faisait allusion en disant : « Pas de contagion ! ».
 58 BUḪ. 76, 53 = HM IV, 88. Il semble que les trois ḥadīṯ-s  sur
la gale des chameaux, la promiscuité d (...)

71144 b. — Le ḥadīt-s  transmis par Abū Hurayra, où le Prophète


dit : « La femme, la maison et la bête de selle sont de mauvais
augure » est suspect d’avoir été transmis de façon erronée par
Abū Hurayra58. Il a dû entendre de la bouche du Prophète
quelque chose qu’il n’a pas compris.
 59 Coran,  LVII, 22.

72Abū Muḥammad dit : J’ai entendu Muḥammad b. Yaḥyā al-Qaṭ‘ī


d’après ‘Abd al-A‘lā — Qatāda — Abū Ḥassān : « Deux hommes
entrèrent chez ‘Ā’iša et lui dirent : — Abū Hurayra raconte que le

20
Prophète a dit : — La femme, // la bête de selle et la maison sont
de mauvais augure ! Elle bondit avec un air de commisération puis
s’écria : — Par Celui qui a révélé le Coran à Abū l-Qāsim, il en a
menti, l’homme qui attribue de telles paroles au Prophète ! Le
Prophète n’a pas dit autre chose que : — Les gens de la Ğahiliyya
disaient : La bête de selle, la femme et la maison sont de mauvais
augure ! Puis elle récita : « Nul coup du sort n’atteint la terre et
vos personnes, qui ne soit consigné dans un Écrit, avant que nous
ne les ayons créés »59.
 60 ABŪ DĀWŪD, 27, 24 ; MĀLIK, 54, 23.

73144 c. — J’ai entendu Aḥmad b. al-Ḫalīl — Mūsā b. Mas‘ūd al-


Nahdī — ‘Ikrima b. ‘Ammār — Isḥāq — Ibn ‘Abd Allāh b. Abī Ṭalḥa
— Anas b. Mālik : L’un de nous alla trouver le Prophète et dit : « O
Envoyé de Dieu, nous nous sommes installés dans une maison et
nous y avons prospéré en nombre et en richesse ; puis nous avons
déménagé, et dans cette nouvelle demeure nos richesses et notre
nombre ont diminué ». Le Prophète dit : « Allez-vous en de cette
maison et abandonnez-la : elle est funeste »60.
74144 d. — Abū Muḥammad dit : Ceci ne contredit pas plus le
premier ḥadīṯ  que le premier ne contredit celui-ci. Le Prophète ne
leur a conseillé de déménager que parce qu’ils y demeuraient
dans une atmosphère pesante, et que tous les malheurs qu’ils y
enduraient les rendaient moroses //. Il leur a donc conseillé de
déménager. Dieu a ainsi fait l’instinct et le tempérament de
l’homme que ce dernier prend en grippe l’endroit où il a souffert,
même s’il n’y a aucune relation de cause à effet, qu’il s’attache à
quiconque lui fait du bien, même involontairement, et qu’il
déteste quiconque lui fait du mal, même involontairement.
Comment le Prophète aurait-il pu être superstitieux, puisque la
superstition relève de la magie ? Beaucoup de gens, avant l’Islam,
la dédaignaient, et louaient ceux qui la stigmatisaient.

21
75Le poète dit dans un panégyrique :
 61 Ces vers seraient dûs à AL-RAQQĀS AL-KALBĪ ; Tāğ,  X, 397.

« Il n’a pas d’appréhension lorsqu’il se prépare au départ,


et ne dit pas : — Aujourd’hui, j’ai été en butte à l’hostilité
[du pivert et du corbeau !
Mais il agit résolument,
alors que l’homme superstitieux cherche à se garer de
[ces sornettes »61.
 62 Lisān,  IV, 236 = Tāğ,  X, 397 ; wāq = surad. Cf. Tarbī’, s.
surad.

76Abū Muḥammad dit : Le mot ḫuṯārim  désigne l’homme


superstitieux ; Wāq  désigne le pivert (ṣurad)62 et // ḥātim  le
corbeau. Al-Muraqqiš a dit :
 63 Tāğ, X, 397, où ces vers sont également attribués à AL-
MURAQQIŠ.

« Je suis parti, alors que je ne partais jamais


[après avoir vu] un pivert ou un corbeau.
Mais voilà que le mauvais augure est comme le bon augure,
et le bon augure comme le mauvais…
Ainsi, aucun bien ni aucun mal
ne durent éternellement pour personne »63.
 64 Ce ḥadīṯ ne paraît pas avoir été retenu par les compilateurs.

77144 e. — J’ai entendu Isḥāq b. Rāhawayh — ‘Abd al-Razzāq —


Ma‘mar — Ismā’īl b. Umayya : Le Prophète a dit : « Il est trois
choses auxquelles personne n’échappe : la superstition, le doute
et l’envie ». On lui demanda : « Mais comment s’en délivrer ? » Il
répondit : « Si tu as cédé à une superstition, n’y reviens pas ; si tu
es en proie au doute, ne cherche pas à acquérir la certitude ; si tu

22
es en proie à l’envie, ne cherche pas à nuire ! » Telles furent à peu
près ses paroles64.
78144 f. — J’ai entendu Abū Ḥātim — al-Aṣma‘ī — Sa‘īd b.
Muslim : Le père de ce dernier // s’étonnait des gens qui
croyaient aux augures et leur faisait de vifs reproches. Il dit :
« Une de nos chamelles s’éloigna pour mettre bas alors que j’étais
à Ṭaff. Je me mis en route sur sa trace, et je rencontrai Hāni’ b.
‘Ubayd, des Banū Wā’il, qui se hâtait et disait :
« Le mal fréquente le haut des collines ».
79Puis je rencontrai un autre homme de la même tribu qui disait :
« Et si tu nous envoyais des chercheurs,
les chercheurs ne nous trouveraient pas ».
80Puis nous poussâmes jusqu’à un jeune garçon qui, dans son
enfance, était tombé dans le feu et avait été brûlé. Son visage était
laid et abîmé. Je lui demandai : — Aurais-tu entendu parler d’une
chamelle isolée (fāriq) ? Il répondit : — Il y a là un groupe de
bédouins ; va voir ! J’y allai, et j’y retrouvai la chamelle qui avait
mis bas. Je la récupérai, avec son chamelon.
81Abū Muḥammad dit : La chamelle dite fāriq  (isolée) est celle qui
est pleine et quitte ses congénères.
82144 g. — ‘Ikrima dit : « Nous étions assis chez Ibn ‘Abbās,
lorsqu’un oiseau passa en criant. L’une des personnes présentes
dit : — Tant mieux ! Tant mieux ! Ibn ‘Abbās répliqua : — Ni tant
mieux, // ni tant pis ! »
 65 Cf. BUḪ. 78, 107 sqq. = HM IV, 201 sqq.  Sur le fa‘l, cf. BUḪ.
76, 43, 44 = HM IV, 82, 83 ; ḤAN. I, (...)

83Toutefois, le Prophète préférait les noms agréables et les


présages favorables65.
 66 Ce mot, qui signifie « en bonne santé », est aussi un nom
propre courant.
23
 67 Ce mot, signifiant « celui qui trouve », est l’un des noms de
Dieu (Lisān, IV, 408), ce qui paraît (...)

84144 h. — J’ai entendu al-Raqāši rapporter d’après al-Aṣma‘ī


que ce dernier interrogea Ibn ‘Awn sur le présage favorable, et
qu’il répondit : « C’est d’être malade et d’entendre dire : — O
Sālim66, ou d’être en train de chercher quelque chose et
d’entendre dire : — O Wāğid67.
85144 i. — Abū Muḥammad dit : Dieu a donc fait que les hommes
aiment et apprécient instinctivement les présages heureux ; de
même, Il a fait en sorte qu’ils profèrent des salutations à base
de salām,  qu’ils se répandent en souhaits et en congratulations.
C’est ainsi que les Arabes disent : « Sois à l’aise et en bonne
santé ! » ou « Sois à l’aise ce matin ! », ou que les Persans disent :
« Puisses-tu vivre mille nouvelles années ! » Quiconque entend
ces formules sait fort bien que cela ne saurait rien avancer ni rien
retarder, rien augmenter ni rien diminuer, mais Dieu a mis au
cœur de l’homme l’amour de ce qui est bon, et l’euphorie en
présence d’une bonne nouvelle, d’un spectacle agréable, d’un
beau visage ou d’un nom léger à porter. Un homme peut passer
devant un jardin en fleurs et s’en trouver réjoui sans qu’il lui
profite en rien, devant de l’eau limpide et être émerveillé sans //
en boire ni même avoir des velléités de le faire.
 68 Cf. BUḪ. 70, 30 = HM III, 669 ; ḤAN. IV, 397,
etc… ; SUYŪṬĪ, Ğāmi‘, 119.

 69 SUYŪṬĪ, Ğāmi‘, 119.

 70 Le ḥadīt  se trouve dans Tāğ,  X, 282, et


dans SUYŪṬĪ, Ğāmi‘, 118.

 71 Fils du Feu.

 72 Fils des Incendiaires ( ?)

24
 73 Fils de l’Adultère.

 74 Fils de la Tristesse. Cf. BUḪ. 78, 107 = HM IV, 201.

86Le ḥadīṯ  dit que le Prophète aimait le cédrat68, les pigeons


rouges69 et la fāġiya,  qui est la fleur du henné70. On peut
rapprocher ces faits de sa prédilection pour les beaux noms et
des bons présages, et de son aversion pour les noms péjoratifs
comme Banū l-Nār71, Banū Ḥurrāq72, Banū Zinya73, Banū
Ḥuzn74, etc… //
***

XI. — EXEMPLE DE DEUX ḤADĪṮ-S CONTRADICTOIRES


87145. — Proposition : Vous enseignez que Ḫabbāb b. al-Aratt
dit : « Nous nous plaignions auprès du Prophète de la torridité de
l’air, mais il ne nous écouta pas ». En d’autres termes, ils se
plaignaient de la chaleur intense et des inconvénients de la
torridité de l’air, et ils demandaient au Prophète de repousser la
Prière aux heures fraîches, mais il ne les écouta pas, c’est-à-dire
qu’il n’accepta pas de repousser l’heure de la Prière.
 75 BUḪ. 9, 9 = HM I, 190 ; ḤAN. II, 229, 266 ; III, 52 etc…

88D’autre part, vous enseignez que le Prophète a dit : « Faites la


Prière à une heure plus fraîche, car cette chaleur ardente émane
de la fournaise infernale »75. Il y a là divergence évidente et
contradiction.
 76 Cf. Lisān, VIII, 35 ; Cf. BUḪ. 9, 11, 21 = HM I, 191, 199 ;
10, 104 = HM I, 256 ; ḤAN. I, 23, 210, (...)

89146. — Réponse : Nous affirmons qu’il n’y a là, grâce à Dieu, ni


divergence, ni contradiction, car l’agrément de Dieu préside au
début de la période [admise pour une Prière donnée], et Son
indulgence à la fin de cette période. Or l’indulgence n’est

25
accordée qu’en raison d’un manquement. Le moment le plus
proche du début [de la période] est plus impérieusement
recommandé, et le moment le plus tardif n’est qu’une tolérance. Il
n’était licite pour le Prophète de prendre sur lui que l’acte le plus
recommandable, et le plus agréable à Dieu. Il ne pouvait
s’autoriser à user de la tolérance qu’une ou deux fois, pour
montrer aux Musulmans qu’elle était licite. Quant à faire la Prière
en permanence dans les conditions les moins recommandables en
délaissant les conditions les plus impératives et les meilleures,
c’était là chose illicite. C’est pourquoi, lorsque ses Compagnons
se plaignirent // auprès de lui d’être obligés de prier avec lui aux
heures torrides, et voulurent qu’il repoussât la Prière jusqu’à ce
que la chaleur fût tombée, il refusa précisément parce qu’ils
étaient avec lui ; mais il donna ensuite l’autorisation de repousser
la Prière aux heures fraîches pour les gens qui n’étaient pas
présents à ses côtés, par mesure d’allègement et de simplification
pour la Communauté. Il en fut de même pour la Prière de l’aube,
qu’il accomplissait alors qu’il faisait encore noir ( taġlīs) en disant :
« Mettez-vous en route à l’aube ! »76.
 77 Ibid.

90D’autre part, il ressort d’un autre ḥadīṯ  que le Prophète


accomplissait la Prière de midi jusqu’au moment où le soleil
commençait à décliner, sans la retarder davantage ; il s’agit
du ḥadīṯ  d’Ismā‘īl b. ‘Ulayya — ‘Awf — al-Minhāl — Abū Barza
disant que le Prophète faisait la Prière de midi — celle qui se place
à l’heure dite « la première » — lorsque le soleil baissait — c’est-
à-dire déclinait77.
***

XII. — EXEMPLE DE DEUX ḤADĪṮ-S CONTRADICTOIRES


 78 On n’a pas retrouvé ce ḥadīṯ.

26
 79 BUḪ. 8, 1 = HM I, 133 ; 25, 76 = HM I, 527 ; 59, 6 = HM II,
428 ; 60, 5 = HM II, 467 ; 63, 42 = HM (...)

91147. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit :


« Jamais aucun prophète n’a été infidèle envers Dieu »78. Vous
dites que deux anges lui furent envoyés lorsqu’il était petit et lui
ôtèrent du cœur un caillot. Puis ils lavèrent son cœur et le
remirent à sa place79.
92D’autre part, vous enseignez qu’il observa la religion de sa tribu
pendant quarante années, et qu’il donna ses deux filles en
mariage respectivement à ‘Utba b. Abī Lahab et à Abū l-’Āṣ b. al-
Rabī‘, qui étaient infidèles.
93Il y a là contradiction et divergence, et cela tend à diminuer le
mérite du Prophète. //
 80 Ibn Qutayba prend ici nettement position sur le problème de
la généalogie yéménite. On sait qu’il e (...)

 81 Sur certains de ces points, voir Lévitique, notamment 3, 12,


15, 20… Sur d’autres notamment la répu (...)

94148. — Réponse : Nous affirmons que grâce à Dieu, ce ḥadīṯ  ne


concerne personne [en particulier] et qu’il n’y a rien à en dire dès
lors qu’on en comprend le sens. En effet, tous les Arabes (sauf les
Yéménites)80 descendent d’Ismaél, fils d’Abraham, ils ont
conservé des vestiges de la religion de leur ancêtre Abraham.
Ainsi le pèlerinage et la visite de la maison de Dieu, la
circoncision, le mariage, la répudiation à condition qu’elle soit
prononcée trois fois, le droit de reprise du mari si elle n’a été
prononcée qu’une ou deux fois, le prix du sang évalué à cent
chameaux en cas d’homicide, l’ablution majeure après une
souillure majeure, la qualification juridique de l’hermaphrodite
d’après l’appareil urinaire, l’interdiction d’épouser les femmes si
elles sont proches parentes, alliées, ou apparentées

27
généalogiquement81. Toutes ces choses étaient bien connues des
[anciens Arabes]. Ils croyaient aussi aux deux anges comptables.
95Al-A‘šā, qui est un poète préislamique, a dit :
 82 Ši‘r, 222, où Ibn Qutayba commente : « Le témoin de Dieu,
c’est l’ange auquel il était confié ; cec (...)

« Ne crois pas que je me montre infidèle envers toi par grâce
pour ma langue, Témoin de Dieu, témoigne donc ! »82.
 83 Ou en tout cas avant que l’Islam ne se fût implanté chez les
Ġaṭafān, sa tribu d’adoption. EI,  II, (...)

96Zuhayr b. Abī Sulmā, autre poète préislamique // qui ne connut


pas l’Islam83, dit dans sa célèbre qaṣīda  comptant au nombre des
sept [Mu‘allaqāt] :
« [Vos actions] vous seront retenues, inscrites dans un Livre,
 84 Mu‘allaqa, vers 28.

[et mises en réserve


jusqu’au jour du Jugement ; ou encore il vous en sera
[demandé compte en ce monde »84.
97Les Arabes disaient à propos de la baliyya,  c’est-à-dire de la
chamelle qu’on entravait sur la tombe de son maître, et qu’on
laissait sans nourriture ni boisson jusqu’à ce qu’elle crève : « Son
maître arrivera sur son dos au jour de la résurrection ! Car si ses
proches n’agissaient pas ainsi, il arriverait sur ses jambes, et nu-
pieds ! » Abū Zubayd en parle en ces termes :
« …Comme les balāyā,  la tête dans le tapis de selle,
offrant au vent brûlant la pommette de leurs joues ».
Waliyya  (pl. walāyā)  est synonyme de barḏa‘a  (pl. barāḏi‘).
 85 Cf. Tarbī‘, ١١٨, s. baliyya. Lisān, XVIII, 92 = Tāğ X, 45 (où
on lit māniğāt au lieu de māniḥāt, ce (...)

28
98Les Arabes découpaient une ouverture dans le tapis de selle, et
y introduisaient le cou des chamelles en question85.
99Al-Nābiġa dit :
 86 Panégyrique de ‘Amr b. al-Ḥāriṯ, vers
24. Dīwan,  DERENBOURG, 1869.

« Leur séjour est la Terre de Dieu, et leur religion


est droite ; ils n’espèrent qu’en les fins dernières »86.
 87 Le vers concerne les Banū Ğafna, Ğhassanides
chrétiens. Cf. Ši‘r,  265, 565.

100Le poète veut dire par là : la récompense de leurs actions. Leur
« séjour », c’est la Syrie87.
 88 Coran,  XCIII, 6-7.

101148 a. — Le Prophète // adhérait donc à la religion de son


peuple, qui consistait à croire en Dieu, à respecter ses lois —
circoncision, ablution majeure, pèlerinage — et à reconnaître la
résurrection, le jugement et la récompense finale. Malgré cela, s’il
ne s’attaquait pas [encore] à leurs idoles, il ne s’en approchait
pas. Il disait : « Je les exècre ». Mais jusqu’au jour où Dieu lui
envoya la révélation, il ne connut pas les obligations rituelles
(farā’iḍ)  ou légales (šarā’i‘) qu’il imposa ensuite à Ses fidèles par
son truchement. C’est ainsi que Dieu dit : « Ne te trouva-t-il point
orphelin si bien qu’il te donna un refuge ? Ne te trouva-t-Il point
égaré si bien qu’il te guida ? »88. C’est-à-dire : « égaré pour ce
qui est des points de détail du dogme de l’Islam, et des
prescriptions légales, si bien qu’il te guida ».
 89 Coran,  XLII, 52.

102148 b. — De même, Dieu a dit : « Tu ne connaissais pas ce que


sont l’Écriture et la foi, antérieurement »89, ce qui veut dire : « Tu
ne savais ce qu’est le Coran, ni les prescriptions légales attachées
29
à la foi. Il ne s’agit pas là de la foi qui est adhésion du cœur, car
ses ancêtres, morts dans // l’infidélité et le polythéisme
connaissaient Dieu, croyaient en Lui et faisaient le pèlerinage en
Son honneur, mais admettaient d’autres divinités que Lui ; ces
divinités leur servaient d’intermédiaires pour se rapprocher de
Lui, et, à ce qu’ils disaient, les rapprochaient effectivement de Lui.
Ils redoutaient l’injustice et se gardaient des sanctions qu’elle
appelle ; ils s’engageaient mutuellement par serment à ne se
montrer ni oppresseurs, ni injustes envers quiconque.
103‘Abd al-Muṭṭalib déclara au roi des Abyssins qui lui demandait
ce qu’il voulait : « Des chameaux à moi ont disparu ! ». [Le roi]
s’étonna qu’il ne lui eût pas demandé de s’en aller loin de la
Ka‘ba ; il répliqua : « Cette maison a Quelqu’un pour en interdire
l’entrée ! » ou une phrase similaire.
104148 c. — Ils reconnaissaient donc l’existence de Dieu et
croyaient en Lui ; comment le Bon et le Pur aurait-il pu ne pas
croire en Lui avant la Révélation ? Ceci n’échappe à personne, et
chacun comprend que lorsque Dieu dit : « Tu ne connaissais pas
ce que sont l’Écriture et la foi, antérieurement », Il entend par
« foi » les prescriptions légales relevant de la foi.
 90 Coran,  XIV, 36.

 91 Cf. Coran, XI, 46. L’expression n’est que sous entendue


dans le verset.

105148 d. — Abū Muḥammad dit : Le ḥadīṯ  en question signifie


que le Prophète adhérait à la religion d’Abraham et d’Ismaél, ainsi
que sa tribu, mais non Abū Ğahl et les autres infidèles, car Dieu
fait dire à Abraham : « Celui qui me suivra sera [issu] de moi, mais
celui qui me désobéira… Car Tu es absoluteur et
miséricordieux »90. Il a dit à Noé : « Il n’est pas de ta famille »91,
à propos de son fils, qui n’était pas de sa religion. //

30
106Lorsque le Prophète maria ses deux filles à des infidèles, cela
relevait de prescriptions légales qu’il ne connaissait pas [encore].
Les actes ne sont considérés comme mauvais que du fait de leur
interdiction, et ne sont considérés comme bons que lorsqu’ils
sont déclarés autorisés et licites. Lorsqu’il maria ses filles à deux
infidèles avant que la révélation ne fût intervenue, il n’y avait de
sa part aucune infidélité envers Dieu.
***

XIII. — EXEMPLE DE DEUX ḤADĪṮ-S CONTRADICTOIRES


 92 TIR. 41, 91.

107149. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit :


« Ma communauté est comme la pluie : on ne sait si c’est le début
ou la fin qui sera le meilleur »92.
 93 ḤAN. I, 398 ; IV, 73.

 94 ḤAN. V, 357 ; cf. BUḪ. 62, 1 = HM II, 582.

108D’autre part, vous dites que l’Islam a commencé « proscrit » et


redeviendra « proscrit »93. Enfin, le Prophète aurait dit : « Le
meilleur de ma communauté est le siècle dans lequel j’ai été
envoyé »94.
109Il y a là contradiction et divergence.
 95 Ibn Qutayba joue ici de l’ambiguïté du mot ģarīb  qui signifie
« étranger à son milieu », mais aussi (...)

 96 Lisān,  III, 42, où ce ḥadīṯ est reproduit.

110150. — Réponse : Nous prétendons qu’il n’y a là ni


contradiction, ni divergence. En effet, lorsque le Prophète disait :
« L’Islam a commencé proscrit et redeviendra proscrit », il voulait
seulement dire que les Musulmans étaient peu nombreux lorsque
l’Islam a commencé, et qu’ils seront également peu nombreux à la

31
fin des temps, mais de qualité95. J’en veux pour preuve
le ḥadīṯ  du Prophète, d’après Mu‘āwiya b. ‘Amr — Abū Isḥāq — al-
Awzā‘ī — Yaḥyā (ou ‘Urwa b. Ruwaym) : // « Les meilleurs de ma
communauté sont venus au début et viendront à la fin. Entre les
deux viendront le médiocre et le tortueux, qui ne Te sont rien et
auxquels je ne suis rien » (Le mot ṯabağ  signifie : milieu)96
 97 Cf. ḤAN. II, 390.

 98 Cf. ABŪ DĀWŪD, 36, 10.

 99 Cf. TIR, 39, 16.

111On rapporte d’autres faits dans le même sens : Ainsi, parlant de


la fin des temps, le Prophète dit : « Celui qui, ce jour-là,
s’accrochera à sa religion sera comme celui qui tient à la main une
braise »97 ; ou encore ce ḥadīṯ  où il dit : « Le témoin parmi eux
ce jour-là sera comme le martyr de Badr »98 ; ou cet autre où,
interrogé sur les proscrits (ġurabā’), il dit : « Ils ressusciteront de
ma Sunna ce que les autres en auront tué »99.
 100 Ce ḥadīṯ  figure dans Lisān,  IX, 353.

 101 Lisān précise : « outre neuve », loc. cit.

112150 a. — Le Prophète a dit : « Le meilleur de ma communauté


est le siècle où j’ai été envoyé » ; en effet, il est impossible de
douter que ses Compagnons étaient meilleurs que les gens qui
viendront à la fin des temps, et que personne pût avoir les mêmes
mérites que ceux qui leur étaient impartis. Lorsque le Prophète dit
par ailleurs : « Ma communauté est comme la pluie : on ne sait si
c’est le début ou la fin qui sera le meilleur », ce n’est que pour
mettre en parallèle les hommes qui viendront à la fin et les
Compagnons, tout comme lorsqu’on dit : « Je ne sais si c’est
l’envers ou l’endroit de cette étoffe qui est le plus beau ».

32
L’endroit est plus beau, mais il s’agit seulement de les mettre en
parallèle. De même, lorsqu’on dit : « Je ne sais si cette femme est
plus belle de face ou de dos ». Elle est plus belle de face, mais il
s’agit seulement de comparer la beauté du devant et celle du dos.
On peut aussi comparer les paroles [du Prophète] sur la Tihāma
disant : « Elle ressemble à du miel dans une outre neuve : on ne
sait s’il est meilleur au début ou à la fin »100. Le mot badī‘  est
synonyme de ziqq  (outre)101. Lorsque le miel est // dans une
outre, sa qualité ne s’altère pas comme s’altère celle du lait dans
l’outre à lait ; en effet, le lait est meilleur au début qu’à la fin,
alors que [pour le miel], la qualité du début est sensiblement la
même qu’à la fin, et guère meilleure.
***

XIV. — EXEMPLE DE DEUX ḤADĪṮ-S CONTRADICTOIRES


 102 BUḪ. 65, s. 6, v. 4 = HM III, 317 ; 65, s. 37 = HM III,
428 ; 97, 50 = HM IV, 643 ; ḤAN. I, 205, 24 (...)

113151. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit :


« Ne me préférez pas à Jonas, fils de Mattā, et ne faites pas un
choix parmi les prophètes ! »102.
 103 ḤAN. I, 5 ; V, 388.

114D’autre part, vous enseignez qu’il a dit : « Je suis le chef des
fils d’Adam ; quel honneur ! Je suis le premier pour lequel la terre
se fendra ; quel honneur ! »103.
115Il y a là divergence et contradiction.
 104 BUḪ. 60,8 = HM II, 473 ; 81, 53 = HM IV, 315 ; ḤAN. I,
235, 453 ; V, 50.

116152. — Réponse : Nous prétendons qu’il n’y a là ni divergence,


ni contradiction. Il a seulement voulu dire qu’il serait le chef des
fils d’Adam au jour du Jugement ; il sera ce jour-là l’Intercesseur

33
et le Témoin ; c’est lui qui tiendra l’étendard de la louange et de
la vasque104 ; il est le premier pour lequel la terre se fendra. Par
les mots : « Ne me préférez pas à Jonas », il a simplement voulu
faire preuve de modestie. C’est pour la même raison qu’Abū Bakr
a dit : « Je vous ai pris en charge, mais je ne suis pas le meilleur
d’entre vous ». Le Prophète a choisi particulièrement Jonas, car
celui-ci est mineur par rapport aux autres prophètes, comme
Abraham, // Moïse ou Jésus. Il voulait dire : « Si je ne veux pas
qu’on me préfère à Jonas, c’est qu’à plus forte raison [je ne veux
pas qu’on me préfère] à d’autres prophètes supérieurs à Jonas ».
 105 Coran, LXVIII, 48.

117Dieu a dit : « Supporte le décret de ton Seigneur ! Ne sois pas


comme l’Homme au Poisson… »105, voulant dire par là que Jonas
n’avait pas la résignation des autres Prophètes.
 106 Ḥanīfiyya sahla ; on trouve aussi samḥa  qui a le même
sens : simple, libéral, par contraste avec le (...)

118152 a. — Ce même verset prouve d’ailleurs que le Prophète


Muḥammad était meilleur que lui, puisqu’il dit : « Ne sois pas
comme lui ». Il prouve aussi que le Prophète, dans le ḥadīṯ  :  « Ne
me préférez pas à Jonas », voulait faire preuve de modestie. On
peut aussi interpréter : « Ne me préférez pas à lui dans mes
œuvres, car peut-être a-t-il œuvré plus que moi ; ni pour les
épreuves et les peines, car il a souffert plus que moi ». Or si Dieu
a accordé à notre Prophète au jour du Jugement une autorité et
une supériorité sur les autres prophètes et envoyés, ce n’est pas
en raison de ses œuvres, mais parce qu’il lui accorde Sa
préférence et lui donne une place à part. De même, la
communauté du Prophète est celle dont les épreuves sont les
moins lourdes ; Dieu l’a envoyé vers elle pour lui enseigner une
religion naturelle simple106, et Il a exempté [cette communauté]

34
des fardeaux et des entraves qui accablaient les Fils d’Israël dans
leurs obligations rituelles. Elle n’est est pas moins la meilleure //
Communauté qui ait été constituée, grâce à Dieu.
***

XV. — EXEMPLE DE DEUX ḤADĪṮ-S CONTRADICTOIRES


 107 BUḪ. 81, 51 = HM IV, 309 ; 97, 36= HM IV, 626 ; cf. 97,
19, = HM IV, 591 ; ḤAN. I, 399, 412, 451 ; (...)

119153. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit :


« Le paradis n’accueillera pas quiconque a dans le cœur le poids
d’un grain de sénevé d’orgueil ; l’enfer n’accueillera pas
quiconque a dans le cœur le poids d’un grain de sénevé de
foi »107.
120D’autre part, vous dites : « Quiconque dit : — Il n’y a d’autre
divinité que Dieu ! » entrera au paradis, même s’il a forniqué ou
volé ! » Or le vol et la fornication sont plus graves aux yeux de
Dieu qu’un grain de sénevé d’orgueil. Il y a là divergence.
 108 C’est ainsi qu’il nous a paru pouvoir rendre le plus
clairement le mot ḥukm  en fonction du contexte (...)

 109 Ibn Qutayba joue ici du double sens de kibr -


kibriyā’  :  d’abord grandeur, sublimité, puis orgueil.

121154. — Réponse : Nous prétendons qu’il n’y a là aucune


divergence. Cette sentence peut être expliquée du point de vue de
la qualification (ḥukm)108. Le Prophète veut dire : « La
qualification de celui qui a dans le cœur un grain de sénevé
d’orgueil n’est pas d’entrer au paradis, et la qualification de celui
qui a dans le cœur un grain de sénevé de foi n’est pas d’entrer en
enfer », car la grandeur109 n’appartient qu’à Dieu, et non aux
hommes. Si quelqu’un dispute à Dieu cette grandeur, sa
qualification n’est pas d’entrer au paradis, mais pour ce qui est du
reste, Dieu fait ce qu’Il veut.
35
122154 a. — De même lorsqu’on dit à propos d’une maison : « J’ai
vu qu’elle était petite : un prince ne s’y installerait pas ! », on fait
allusion à sa qualification et à la qualification des maisons
analogues, qui est de ne pas // être propres à recevoir les
princes ; mais rien n’empêche qu’ils s’y installent tout de même.
123De même lorsqu’on dit : « Un homme libre n’entrerait pas dans
ce pays ! », pour dire : « La qualification de ce pays n’est pas que
les hommes libres y entrent ».
124154 b. — Il en est de même lorsqu’on dit : « Quiconque jeûne
constamment sera étouffé par la Géhenne, car il aura fait fi des
dons et des aumônes de Dieu, et qu’il aura dédaigné Sa
permission et Sa tolérance ». Or celui qui fait fi d’une tolérance
est comme celui qui néglige délibérément un acte de rigueur :
tous deux méritent d’être punis, si toutefois Dieu [décide de] les
punir.
 110 Coran, IV, 93.

125154 c. — De même, le verset : « Quiconque tue un Croyant


volontairement aura pour récompense la Géhenne »110 signifie :
sa qualification est d’être récompensé de cette façon ; mais au
reste, Dieu fait ce qu’il veut.
 111 Voir ḤAN. V, 325.

126154 d. — Ceci est conforme au ḥadīṯ  d’Abū Hurayra : « Si Dieu


a promis à quelqu’un une récompense pour un acte, Il tient Sa
promesse ; mais s’il a menacé quelqu’un d’une sanction, Il reste
libre de l’appliquer ou non »111.
 112 Coran, IV, 48 = 116.

127154 e (= 114). — J’ai entendu Isḥaq b. Ibrāhīm b. Ḥabib b. al-


Šahīd rapporter l’anecdote suivante qu’il tenait de Qurayš b.
Anas : ‘Amr b. ‘Ubayd déclara : « Au jour de la résurrection, on

36
m’amènera en face de Dieu qui me demandera : — Pourquoi as-tu
dit que le meurtrier est destiné à l’enfer ? Je dirai : — C’est Toi-
même qui l’as dit dans le verset : « Quiconque tue un Croyant
volontairement aura pour récompense la Géhenne, où il restera
éternellement ». Je dis alors — j’étais le plus jeune de l’assemblée
— : — As-tu réfléchi qu’il pourrait bien te rétorquer : — Mais J’ai
dit aussi : « Dieu ne pardonne pas qu’il Lui soit donné des
associés, alors qu’il pardonne // à qui Il veut des péchés autres
que celui-là »112 ; comment sais-tu donc que Je ne veux pas
pardonner [à celui qui a tué] ? ‘Amr b. ‘Ubayd fut incapable de me
répondre ».
***

XVI. — EXEMPLE D’UN ḤADĪṮ-S INFIRMÉ PAR LE CORAN


 113 BUḪ. 60, 54 = HM II, 532.

128155. — Proposition : Vous enseignez qu’un homme dit à ses


fils : « Lorsque je serai mort, brûlez-moi et dispersez [mes
cendres] dans la mer. De cette façon, peut-être égarerai-je
Dieu ! » Ils agirent conformément à ses ordres, mais Dieu
rassembla [ses cendres] et lui dit : « Qu’est-ce qui t’a poussé à
faire cela ? » (c’est là au moins le sens de ce qu’il lui dit). Il
répondit : « C’est la crainte de Toi, Seigneur ! » Alors, Dieu lui
pardonna113.
129Ils disent : Cet homme était un infidèle. Dieu ne pardonne pas
aux infidèles : c’est dans le Coran.
 114 Coran, XX, 52.

130156. — Réponse : Nous disons que l’expression « j’égarerai


Dieu » signifie ici « j’échapperai à Dieu ». On peut employer ce
verbe à la première et à la quatrième forme (ḍalla  et aḍalla). Ainsi
le verset : « …dans une Écriture que le Seigneur n’égare ni
n’oublie »114, c’est-à-dire qui n’échappe pas au Seigneur.
37
 115 L’Omnipotence (qudra).

131C’était là un homme croyant, reconnaissant l’existence de Dieu


et Le craignant, mais qui ignorait l’un de Ses attributs115. Il
pensait qu’une fois brûlé et dispersé aux vents, il échapperait à
Dieu. Dieu lui pardonna d’ignorer cet attribut parce qu’il
connaissait Sa réprimande et craignait Son châtiment.
 116 Allusion à Coran IX,  106. Cf. index, s. Murği’ite.

132Il arrive que certains Musulmans se trompent au sujet des


attributs ; // on ne les déclare pas voués à l’enfer pour autant : on
renvoie116 leur affaire à Qui les connaît mieux, eux et leur
intention.
***

XVII. — EXEMPLE D’UN ḤADĪṮ INFIRMÉ PAR LE CORAN


 117 ḤAN. I, 230 ; cf. BUḪ. 59, 15 = HM II, 455 ; 65, s. 77 = HM
III, 493.

 118 Coran, IV, 31.

133157. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit :


« Quiconque refuse de tuer les serpents par crainte de la
vengeance est un infidèle »117. Dieu dit d’autre part : « Si vous
évitez ceux des grands péchés qui vous ont été interdits, Nous
effacerons pour vous vos mauvaises actions »118. Or si c’est là
un péché, c’est un péché véniel. Comment Dieu ne lui effacerait-Il
pas (ses mauvaises actions) ?
 119 Cf. BUḪ. 3, 49 = HM I, 62 ; 59, 11 = HM II, 451 ; 60, 47 =
HM II, 516 ; 88, 3 = HM IV, 426 ; ḤAN. I (...)

134D’autre part, vous dites : « Quiconque fornique et vole, s’il


déclare : — Il n’y a d’autre divinité que Dieu ! est un Croyant et

38
entrera au paradis »119. Et vous seriez des infidèles en ne tuant
pas les serpents ? Il y a là divergence et contradiction.
135158. — Nous prétendons qu’il n’y a là ni divergence, ni
contradiction. Il ne s’agit pas de montrer que quiconque ne tue
pas les serpents commet un grand péché qui range son auteur au
nombre des infidèles ; le grand péché est de ne pas les tuer par
crainte de la vengeance.
136C’était là un trait de mœurs de la Ğāhiliyya. Les Arabes disaient
que les génies poursuivaient la vengeance de celui d’entre eux qui
avait été tué, et faisaient parfois mourir le meurtrier, ou lui
infligeaient une infirmité quelconque ; il leur arrivait aussi de faire
mourir son enfant. Le Prophète leur enseigna // que cela était
faux, et leur dit : « Quiconque croit cela est un infidèle », c’est-à-
dire : Quiconque croit en ces choses fausses.
137158 a. — L’infidélité, selon nous, a deux degrés : La première
est l’infidélité touchant les dogmes essentiels (aṣl), comme celle
relative à Dieu, à Ses prophètes, à Ses anges, à Ses Livres, à la
résurrection. Tels sont les dogmes essentiels ; quiconque fait
preuve d’infidélité à l’égard d’un de ces dogmes se place en
dehors de la communauté des Musulmans. S’il meurt, aucun de
ses proches parents musulmans ne peut hériter de lui, et on ne
peut faire sur lui la prière des morts.
138L’autre sorte d’infidélité est celle relative aux points
secondaires (far‘), dans la mesure où ils sont sujets à
interprétation ; ainsi, l’infidélité relative au Qadar (sic), ou le refus
de pratiquer la friction des chaussures, ou de ne considérer
comme valide qu’une répudiation par trois fois, etc… De telles
dérogations n’excluent pas le Musulman de la Communauté, et on
ne traite pas d’infidèle celui qui rejette une de ces doctrines
[secondaires], tout comme on qualifie l’hypocrite d’ āmin  (fidèle)
et non de mu’min  (croyant).

39
***

XVIII. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ INFIRMÉ PAR LA


SPÉCULATION, L’EXPÉRIENCE, LA TRADITION
HISTORIQUE ET LE CORAN
 120 Tur‘a. Lisān,  IX, 381 et Tāğ, V, 289 rapportent le ḥadīṯ  et
discutent abondamment le sens de ce mot (...)

 121 ḤAN. II, 360, 406, 450… ; III, 389 ; IV, 41 etc… Cf. BUḪ.
20, 5 = HM I, 384, où toutefois le mot tu (...)

 122 Coran, LIII, 14-15. Nous ne pouvons naturellement pas


suivre ici la trad. Blachère, qui voit dans a  (...)

 123 Coran, III, 133 ; cf. LVII, 21.

139159. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit :


« Mon minbar  que voici se trouve au-dessus d’une des
entrées120 du paradis ; entre mon tombeau et mon minbar  se
trouve un des jardins du paradis »121. Or Dieu dit : « …le jujubier
de la Limite, près duquel est le jardin de la Retraite »122. // Il dit
encore : « …un Jardin aussi large que les cieux et la terre, préparé
pour les gens pieux »123.
 124 Voir les nombreux excursus de la littérature ancienne
sur sidrat al-muntahā, notamment les commenta (...)

140D’autre part, vous rapportez dans plus d’un ḥadīṯ  que le


paradis se trouve au septième ciel124.
141Il y a là divergence et contradiction.
142160. — Réponse : Nous affirmons qu’il n’y a là ni divergence,
ni contradiction. Lorsqu’il disait : « Entre mon tombeau et
mon minbar  se trouve un des jardins du paradis », il ne
l’entendait pas au sens propre, mais il voulait dire que la Prière et
le ḏikr  en cet endroit conduisent au paradis ; c’est donc un
morceau du paradis.

40
143Dans « Mon minbar  que voici se trouve au-dessus d’une des
entrées du paradis », le mot tur‘a  désigne l’entrée du canal
d’adduction de l’abreuvoir. Ce ḥadīṯ  signifie donc : « C’est une
porte d’accès au paradis ».
 125 Lisān et Tāğ ; loc. cit.

144160 a. — Abū Muḥammad dit : J’ai entendu Abū l-Ḫaṭṭāb — Bišr


b. al-Mufaḍḍal — ‘Umar b. ‘Abd Allāh, mawlā  de Ġufra — Ayyūb b.
Ḫālid al-Anṣārī — Ǧābir b. ‘Abd Allāh al-Anṣārī : Le Prophète sortit
pour nous rejoindre et dit : « Profitez de l’abondance des jardins
du paradis ! » Ils dirent : « Mais où sont les jardins du paradis, ô
envoyé de Dieu ? » Il répondit : « Ce sont les endroits où l’on
s’assemble pour le ḏikr »125.
 126 Cf. ḤAN. I, 81, 91 et surtout Lisān  et Tāğ, loc. cit.  ;
Lisān, X, 411 : maḫrafa  = allée entre deux (...)

145160 b. — On comparera cet autre ḥadīṯ  qui dit : « Celui qui


visite un malade est sur les allées du paradis »126 (les
allées, maḫarif,  sing. maḫrafa,  sont les chemins — turuq  ;  //
‘Umar b. al-Ḫaṭṭāb a dit : « Je vous ai laissés comme sur l’allée
— maḫrafa —  des délices », c’est-à-dire sur le chemin des
délices). Le Prophète voulait dire que la visite des malades conduit
au paradis, et qu’elle en est comme le chemin. De même, les
séances de ḏikr  conduisent aux jardins du paradis, et elles en font
en quelque sorte partie.
 127 BUḪ. 56, 22, 112, 156 = HM II, 292, 336, 355.

146De même les mots de ‘Ammār b. Yāsir : « Le paradis est sous
le flamboyant », c’est-à-dire le sabre : « Le paradis est à l’ombre
des sabres », ce qui veut dire : La guerre sainte mène au paradis,
c’est donc comme si le paradis dépendait d’elle127.

41
147160 c. — Certains pensent que l’espace situé entre son
tombeau et son minbar  est « en face » d’un des jardins du
paradis, et que son minbar  est « en face » d’une des entrées du
paradis ; il aurait considéré ces deux endroits comme une partie
du paradis parce que, sur terre, ils se trouvaient vis-à-vis des
deux endroits du ciel correspondants. Mais la première
explication est à mon avis meilleure. Dieu seul connaît la vérité.
***

XIX. — EXEMPLE DE DEUX ḤADĪṮ-S CONTRADICTOIRES


 128 ḤAN. III, 129, 183 ; IV, 421.

 129 La saqīfa  est l’endroit où se déroula l’une des phases de


l’élection d’Abū Bakr. BUḪ. 86, 31 = HM I (...)

148161. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit :


« Les imām-s  sont de Qurayš »128. Vous rapportez qu’Abū Bakr
se réclame de ce ḥadīṯ  contre les Anṣār le jour de la saqīfa  des
Banū Sā‘ida129.
 130 ḤAN. VI, 201.

149160 D’autre part, vous rapportez que ‘Umar dit au moment de


mourir : « Si Šālim, mawlā  d’Abū Ḥuḏayfa, était vivant, je
n’hésiterais point à son sujet ». Or, Šālim n’était pas mawlā  d’Abū
Ḥuḏayfa, mais bien mawlā  d’une femme des Anṣār, qui // l’avait
affranchi et élevé130. Il n’était attaché à Abū Ḥuḏayfa que par le
serment d’alliance (ḥilf).
150Vous considérez donc que l’imāmat  peut revenir à
un mawlā  des Anṣār ; si au moins il avait été mawlā  de Qurayš,
vous auriez pu prétendre que le mawlā  d’une tribu fait partie à la
fois de cette tribu et de sa tribu d’origine. Il y a là divergence et
contradiction.

42
151162. — Réponse : Nous prétendons qu’il n’y a là aucune
contradiction. Il y aurait eu contradiction si ‘Umar avait dit : « Si
Šālim avait été vivant, je n’aurais point eu de doute sur sa
désignation comme votre chef, ou votre émir ». Mais comme il a
dit : « Je n’aurais point eu de doute à son sujet », cela peut
s’interpréter autrement qu’ils ne l’ont fait. Comment peut-on
supposer que ‘Umar ne se fût pas arrêté aux meilleurs des
Émigrés, et à ceux auxquels le Prophète avait promis le paradis, et
n’eût point choisi parmi eux, alors même qu’il remettait la chose à
leur conseil ? Comment n’aurait-il pas douté de l’opportunité de
désigner Šālim comme leur chef ? Cela aurait été un lapsus et une
erreur de jugement. Mais en remettant l’affaire à l’appréciation
[des Émigrés et des promis au paradis], il chercha quelqu’un pour
diriger la Prière, jusqu’à ce qu’ils eussent choisi un imām  parmi
eux ; il les pressa de choisir par trois fois, et leur fit porter ses
ordres par son fils ‘Abd Allāh. C’est alors qu’il parla de Šālim et
dit : « S’il avait été vivant, je n’aurais pas eu de doute à son
sujet ». // Il parla aussi d’al-Ğārūd al-‘Abdī et dit : « Si U‘aymiš,
des Banū ‘Abd al-Qays, avait été vivant, je l’aurais mis en avant ».
Les mots : « je l’aurais mis en avant » montrent bien qu’il ne
songeait pas à autre chose, pour Sālim comme pour ce dernier,
qu’à les placer au premier rang pour diriger la Prière. Par la suite,
on se mit d’accord sur la personnalité de Suhayb al-Rūmī, et
‘Umar lui ordonna de diriger la Prière jusqu’à ce qu’un membre de
la communauté fût élu.
***

XX. — EXEMPLE D’UN ḤADĪṮ INFIRMÉ PAR LA


SPÉCULATION ET LA TRADITION HISTORIQUE
 131 ḤAN. II, 13, 19, 24, 106, 210 ; IV, 349.

43
152163. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit :
« Le soleil monte à l’horizon entre les deux cornes du Démon. Ne
faites donc pas la Prière lorsqu’il monte »131.
 132 BUḪ. 33, 8, 11, 12 = HM I, 646, 648 ; 93, 21 = HM IV,
510 ; ḤAN. III, 156, 285, 309 ; VI, 337.

153Vous attribuez au Démon des cornes qui atteignent le ciel et


vous prétendez que le soleil, qui est beaucoup plus gros que la
terre, court entre ses cornes. Vous n’en affirmez pas moins que le
Démon circule dans l’homme comme le sang132. Il serait dans ce
dernier cas plus ténu que tout, et dans le premier cas plus gros
que tout.
154Vous dites que la raison pour laquelle il convient de ne pas
faire la Prière au lever du soleil est qu’il monte entre les cornes du
Démon. L’homme en Prière n’est tenu de rien envers Dieu si le
soleil court entre les cornes du Démon, et il n’y a rien là qui
empêche de prier Dieu. //
155164. — Réponse : Nous affirmons que s’ils nient ce ḥadīṯ,  c’est
parce qu’ils ne croient pas que Dieu a créé les démons et les
génies, et leur a donné la faculté de changer d’état, et de prendre
tantôt l’aspect d’un vieillard, tantôt d’un jeune homme, d’un feu,
d’un chien, d’un génie même, et de se manifester tantôt au ciel,
tantôt dans le cœur, voire de courir dans les veines comme le
sang.
 133 Allusion à Coran, XXXVII, 8.

 134 Coran, IV, 119.

156Ils sont d’ailleurs mis en échec par le Coran, par toutes les
traditions historiques concordantes relatives au Prophète
Muḥammad et aux prophètes antérieurs, par les anciens Livres
divins, et par tous les peuples disparus. En effet, Dieu nous

44
enseigne dans son Livre que les démons occupent au ciel des
postes d’écoute, et qu’ils sont lapidés avec des étoiles133. Dieu
nous enseigne que Satan a dit : « Je les égarerai ; je les bernerai
de désirs ; je leur ordonnerai de fendre les oreilles des [bêtes de]
troupeaux ; je leur ordonnerai de changer la création de
Dieu ! »134. Or le Démon ne nous apparaît pas. Comment
pourrait-il nous ordonner toutes ces choses si Dieu ne lui avait
donné le pouvoir de s’introduire dans les cœurs, pour suggérer
les mauvaises pensées, faire miroiter les choses et insuffler le
désir comme Dieu le dit ?
 135 Cf. Tarbī‘, 36 s.v. aš-Šayḫ an-Nağdī, avec toutes les
références. On n’a pas trouvé de tradition re (...)

 136 Coran, LXXII, 6.

 137 Coran, LV, 56 = 74.

157154 On rapporte aussi dans le ḥadīṯ  que [le Démon] a été vu


tantôt sous l’aspect d’un vieillard // du Nağd, tantôt d’une
grenouille135, tantôt d’un génie. Dieu a d’ailleurs appelé certains
génies des « mâles », tout comme Il parle des « mâles » parmi les
humains. Il a dit : « Des mâles parmi les humains cherchaient
refuge auprès des mâles parmi les génies »136. Il a dit sur les
vierges [du paradis] : « Ni homme, ni génie ne les aura déflorées
avant eux »137, ce qui montre que les génies ont le pouvoir de
déflorer, tout comme les humains. La défloration ( tamṯ)  est le coït
accompagné de saignement.
158164 a. — Abū Muḥammad dit : Dans ce livre, notre intention
n’est pas de réfuter les zindīq-s,  ni les gens qui nient les signes
de Dieu et les signes de Ses Envoyés. Nous voulons seulement
répondre à ceux qui voient à tort dans le ḥadīṯ  des contradictions,
des incohérences et des non-sens, bien qu’ils se réclament de
l’Islam.

45
159Si la raison pour laquelle quelqu’un rejette ce ḥadīṯ  est qu’il est
incapable de le concevoir, et qu’il ne voit pas de sens à
l’interdiction d’accomplir la Prière parce que le soleil se lève entre
les cornes du Démon, nous allons lui en montrer le sens, afin qu’il
parvienne à le comprendre — avec la permission de Dieu — et
qu’il lui apparaisse recevable et digne d’être examiné.
160164 b. — Le Prophète ne nous a ordonné de renoncer à la
Prière au lever du soleil que parce que c’était là le moment où les
adorateurs du soleil se prosternaient pour le vénérer. //
 138 Coran, XXVII, 24.

161Beaucoup de peuples anciens vécurent en adorant le soleil et


en se prosternant devant lui. Par exemple, Dieu fait dire à la
huppe, dans l’histoire de la reine de Saba : « Je l’ai trouvée, elle et
son peuple, se prosternant devant le soleil à l’exclusion de Dieu.
Le Diable a paré pour eux leurs actions de fausses
apparences »138.
162Il y avait parmi les Arabes des gens qui adoraient le soleil, le
vénéraient et l’appelaient « la Déesse ». Al-A‘šā dit :
« Je ne connus point la crainte jusqu’à ce que je me fusse incliné
devant la Déesse, tout près ».
163Il s’agit du soleil.
 139 Coran, VII, 127 ; la Vulgate dit : ālihataka,  « tes dieux » ;
la lecture en question est « ilāhatak (...)

164Certain Lecteur lit : « Laisserez-vous Moïse et son peuple


semer le scandale sur la terre et te délaisser (Pharaon), ainsi que
ta Déesse ? », c’est-à-dire : Toi, ainsi que le Soleil que tu adores ?
139.
165164 c. — Le Prophète répugnait donc à ce que nous fissions la
Prière au moment où les adorateurs du soleil se prosternaient

46
devant lui. Il nous enseigne que les démons, ou Satan lui-même,
se trouvent à ce moment-là dans la direction du Levant, et qu’en
se prosternant en l’honneur du soleil, ils se prosternaient aussi
devant le Démon, et en faisaient l’objet de leur adoration.
166164 d. — Par le mot « corne » (qarn), il n’entendait pas —
comme ils l’imaginent — quelque chose d’analogue aux cornes
des vaches ou des moutons. Le mot corne désigne ici le côté de la
tête. La tête a deux « cornes », // c’est-à-dire deux côtés, deux
bords. Je pense que la « corne » qui pousse à cet endroit n’a été
appelée ainsi qu’en raison du nom de l’endroit lui-même. C’est
ainsi que les Arabes appellent une chose du nom de l’endroit où
elle se manifeste, ou avec lequel elle a un certain rapport. Ils
disent par exemple «  rafa‘a ‘aqīratahu  »  (lever le jarret), pour
« élever la voix » : en effet, un homme eut le pied coupé et leva la
jambe en criant à l’aide ; depuis, on dit pour « élever la voix »,
« lever le jarret ». Il y a bien d’autres exemples de ce genre en
arabe.
167C’est pourquoi l’on dit à propos du Levant : « C’est là que
monte la corne du Démon », non pas dans le sens de « corne de
vache », comme l’auditeur se l’imagine, mais pour dire : « C’est là
que monte la tête du Démon ».
168164 e. — Wahb b. Munabbih disait à propos de Dū l-Qarnayn
(l’homme aux deux cornes) que c’était un homme d’Alexandrie
nommé Alexandre. Il avait rêvé qu’il s’approchait du soleil et
attrapait ses deux cornes, à l’Orient et à l’Occident. Il raconta son
rêve à son entourage, et c’est ainsi qu’on l’appela « l’homme aux
deux cornes ». Lorsque Wahb disait qu’il avait attrapé les deux
« cornes » du soleil, il voulait dire les deux côtés.
169164 f. — Les « cornes » désignent aussi les mèches de
cheveux. Chaque mèche peut être appelée « corne ». C’est
pourquoi on appelle les Byzantins « les hommes cornus » (ḏāt al-

47
qurūn),  car ils gardent les cheveux longs. Le Prophète a donc
voulu nous apprendre que lorsque le soleil se lève et que ses
adorateurs se prosternent en son honneur, le Démon se déplace
en même temps que // le soleil et le soleil court près de sa tête. Il
nous a donc ordonné de ne pas faire la Prière au moment où ces
gens se livraient à l’idolâtrie, et priaient en l’honneur du soleil et
du Démon. C’est là d’ailleurs une chose mystérieuse pour nous, et
nous n’en savons que ce qui nous en a été appris. Les explications
que je viens de te donner constituent une interprétation
admissible et irréprochable. Mais Dieu sait le mieux les choses.
170164 g. — Si les sceptiques produisent de tels arguments et
d’autres analogues, c’est uniquement parce qu’ils réduisent tout
ce qui leur échappe à des éléments sensibles, ramènent tout à ce
qu’ils savent d’eux-mêmes, des animaux et des choses
inanimées, et appliquent aux êtres spirituels les normes des êtres
corporels. Lorsqu’ils entendent parler des anges qui portent sur
leurs épaules le Trône, et ont les pieds sur la terre inférieure, ils
regimbent, car cela est contraire au témoignage de leurs yeux. Ils
disent : Comment les corps de ces êtres peuvent-ils traverser les
cieux, la terre, les espaces situés au-dessus d’eux et entre les
deux, sans que nous y voyions rien ? Comment une créature peut-
elle être aussi grande ? Comment peut-il s’agir d’esprits,
puisqu’ils ont des épaules, et des pieds ?
171Lorsqu’on leur dit que Gabriel se manifesta au Prophète tantôt
sous l’aspect d’un bédouin, tantôt de Diḥya al-Kalbī, tantôt d’un
jeune homme, et tantôt qu’il recouvrait de ses ailes tout l’espace
qui sépare le Levant du Couchant, ils disent : Comment pouvait-il
se métamorphoser // ainsi ? Comment peut-il être tantôt si petit,
tantôt si grand, sans que rien soit ajouté à son volume, ni à son
corps, ni à ses attributs ? C’est qu’ils ne peuvent voir que ce qui
est doué de ces attributs.

48
172Lorsqu’on leur dit que Satan se fraye un chemin jusqu’au cœur
de l’homme pour y semer le trouble et les pensées mauvaises, ils
disent : Par où entre-t-il ? Est-il possible que deux esprits
cœxistent dans un même corps ? Comment peut-il circuler
comme le sang ?
173164 h. — Abū Muḥammad dit : S’ils considéraient ce qui leur
échappe à la lumière des manifestations sensibles de la toute
puissance de Dieu, ils comprendraient que Celui qui fait s’écouler
vers la mer depuis la création toutes les eaux de la terre sans en
ajouter ni en retirer, et qui pourrait, en déviant le cours d’un
grand fleuve comme le Tigre, l’Euphrate ou le Nil, et en le faisant
passer pendant un mois sur les villes et les villages, les
monuments et les ruines, supprimer toute trace de vie à la surface
de la terre, a aussi le pouvoir de faire ce qu’ils nient. Ils
comprendraient que Celui qui a le pouvoir de faire trembler cette
terre malgré son énormité, son épaisseur, ses mers, ses
montagnes, ses neuves, au point de faire s’entrechoquer les
montagnes, tarir les eaux, ou de déplacer les montagnes, // peut
aussi être bon envers l’objet de son décret. Ils comprendraient
que Celui qui a donné à l’œil humain, si petit et si fragile, assez
de portée pour percevoir la moitié du firmament, malgré son
immensité, pour voir à la fois une étoile à l’Orient et celle qui lui
fait vis-à-vis à l’Occident, ainsi que toutes celles qui les séparent,
de sorte que son regard accomplit ainsi un voyage de cinq cents
années, a aussi bien pu créer un ange ayant entre le lobe de
l’oreille et l’épaule une distance de cinq cents années. Y a-t-il
tant de différence entre ce qu’il nie et ce qu’il connaît, entre ce
qu’il voit et ce qu’il ne voit pas ?
174Gloire à Dieu, le meilleur des Créateurs.
***

XXI. — EXEMPLE DE DEUX ḤADĪṮ-S CONTRADICTOIRES

49
 140 BUḪ. 23, 80, 93 = HM I, 437, 446 ; 65, s. 30 = HM III,
413 ; 82, 3 = HM IV, 320 ; ḤAN. II, 233 etc…

175165. — Proposition : Vous prétendez que le Prophète a dit :


« Tout enfant naît dans la religion naturelle ; ce sont ses parents
qui en font un Juif ou un Chrétien »140.
 141 Cf. BUḪ. 82. 1 = HM IV, 320.

 142 BUḪ. 59, 6 = HM II, 431 ; 82, 1 = HM IV, 319 ; ḤAN. I,


374‘ 382, etc…

 143 ḤAN. V, 239.

176Vous rapportez d’autre part : « Le bienheureux est


bienheureux dès le sein de sa mère ; le réprouvé est réprouvé dès
le sein de sa mère »141 ; « Lorsque la goutte de sperme se
coagule, Dieu lui envoie un ange qui inscrit son terme et son lot,
ainsi que le mot bienheureux ou réprouvé »142 ; « Dieu frotta le
dos d’Adam, prit une poignée [du limon dont il l’avait créé], et
dit : — Au paradis, par Ma miséricorde. Puis Il en prit une autre et
dit : — En enfer ; Je M’en désintéresse ! »143.
177Il y a là contradiction et divergence. Cela divise les Musulmans,
en fournissant des arguments aux gens du Qadar comme à ceux
qui affirment l’existence des attributs (iṯbāt).
178166. — Réponse : Nous prétendons qu’il n’y a là ni
contradiction ni // divergence, grâce à Dieu. Si les Mu‘tazilites
comprenaient bien ce dont il s’agit, et s’il n’existait d’autre cause
de malentendu que ce ḥadīṯ,  ils ne se sépareraient pas de ceux
qui affirment l’existence des attributs.
 144 Coran, XXXV, 1 ; cf. VI, 14 et XIV, 10.

 145 Coran, XXX. 30.

 146 Cf. Coran,  VII, 172.

50
179Le mot fiṭra  signifie ici « commencement », « création ». C’est
en ce sens que Dieu dit : « Louange à Dieu, créateur (fāṭir) des
cieux et de la terre »144, c’est-à-dire « Celui qui les a fait
commencer ». De même le verset : « La conception originelle
(fiṭra) selon laquelle il a conçu (faṭara) les hommes »145, c’est-à-
dire « la constitution naturelle selon laquelle il a constitué les
hommes ». Par la phrase : « Tout enfant naît dans la fiṭra  »,  il
faisait allusion au pacte que Dieu impose aux hommes dans les
reins de leurs parents, et au témoignage qu’il leur demande de
porter à l’en-contre d’eux-mêmes : « Ne suis-je pas votre
Seigneur ? » et ils répondent : « Si ! »146.
 147 Coran, XLIII, 87.

180166 a. — Je ne connais personne qui n’avoue avoir un créateur


et un régent (mudabbir), même s’il ne L’appelle pas par Son nom
ou adore autre chose que Lui qui puisse — du moins le croit-il —
le rapprocher de Lui, ou même s’il Lui accorde d’autres attributs
que les Siens, ou s’il Lui attribue des qualités fortement
incompatibles avec Sa majesté. Dieu a dit : « Si tu leur demandes
qui les a créés, ils répondent : — Dieu ! »147.
 148 ḤAN. IV, 126.

181Donc, tout nouveau né, dans le monde, est astreint à ce pacte


et à cet aveu, qui constituent la ḥanīfiyya.  Elle existait au
commencement de la création, et régnait dans tous les esprits
créés. Le Prophète a dit : « Dieu dit : — J’ai fait des ḥanīf-s de
toutes mes créatures. Ce sont les démons qui les ont détournés
de leur religion, si bien que les Juifs font de leurs fils des Juifs, et
que les Mages font de leurs fils des Mages »148, c’est-à-dire
qu’ils leur enseignent // leur religion. Or la première profession
de foi n’entraîne pas le statut [définitif] ni la récompense [finale].
On sait que l’enfant de polythéistes, tant qu’il est parmi ses

51
parents, a un statut conforme à sa religion, et n’a pas droit à la
Prière des morts ; mais lorsqu’il échappe à l’emprise de sa famille
et passe aux mains d’un maître musulman, il reçoit le statut
conforme à la religion de son maître, et on fait sur lui la prière des
morts. Derrière tout cela est l’Omniscience de Dieu s’appliquant à
lui.
182166 b. — La différence entre les partisans de l’iṭbāt  et les gens
du Qadar à propos de ce ḥadīṯ  est que pour les gens du
Qadar, fiṭra  est synonyme d’Islam, en sorte que pour eux les
deux ḥadīṯ-s sont contradictoires, alors que pour les partisans du
déterminisme, ce mot désigne le pacte qui lui a été imposé à leur
création.
183Ces deux ḥadīṯ-s sont donc parfaitement compatibles et ne
divergent nullement. Mais chacun d’eux doit être appliqué en ses
lieu et place.
***

XXII. — EXEMPLE DE ḤADĪT DONT LE DÉBUT INFIRME LA


FIN
 149 BUḪ. 4, 26 = HM I, 74 ; ḤAN. II, 241, 253, etc…

184167. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit :


« Lorsque quelqu’un d’entre vous se lève après le sommeil, qu’il
ne plonge pas sa main dans le pot à eau avant de l’avoir lavée
trois fois, car il ne sait pas où était sa main pendant la nuit »149.
 150 ḤAN. VI, 95.

185Ce ḥadīṯ  serait valable, n’était la fin : « …car il ne sait pas où


était sa main pendant la nuit ». Il n’est personne qui ne sache que
sa main était là où était son corps, où étaient ses jambes, son
oreille, son nez, et le reste de ses membres. Le plus grave serait
que sa main // eût touché ses parties pendant le sommeil. Or si
quelqu’un touche ses parties en état de veille, cela ne détruit pas
52
la pureté légale150 ; comment serait-elle détruite lorsqu’il les
touche en étant inconscient ? Dieu ne saurait reprocher aux
hommes [ce qu’ils font] lorsqu’ils sont inconscients. Il peut arriver
que quelqu’un délire dans son sommeil, et répudie, blasphème,
profère des mensonges, rêve à la femme de son voisin et fornique
pendant son sommeil ; mais aucune loi humaine ni divine ne
saurait lui reprocher cela.
 151 ḤAN. II, 223, 333, etc…

 152 Les compilateurs semblent avoir retenu surtout


le ḥadīṯ  contraire : « Il mangea de la viande, et pr (...)

186168. — Réponse : Nous prétendons que cet ergoteur sait des


choses, mais en ignore d’autres. Ne sait-il pas que beaucoup de
spécialistes du fiqh  pensent que l’ablution est obligatoire
lorsqu’on a touché les parties, que ce soit dans le sommeil ou à
l’état de veille, [justement à cause] de ce ḥadīṯ,  et aussi de cet
autre : « Quiconque touche ses parties doit faire l’ablution »151 ?
Toutefois, nous ne sommes pas de cet avis, et nous considérons
que l’ablution imposée lorsqu’on a touché les parties consiste à
se laver la main. En effet, les parties sont l’exutoire des
excréments et des impuretés. De même, l’ablution imposée après
avoir [touché des aliments] cuits au feu consiste à se laver la main
de la crasse, des résidus de cuisine et de rôti152. Nous avons
exposé cela en plus d’un endroit, et nous en avons administré les
preuves. //
187Puisque l’ablution imposée après qu’on ait touché les parties
consiste à se laver les deux mains, il est évident que si le Prophète
a ordonné à l’individu qui se réveille de laver sa main avant de la
plonger dans le pot à eau car il ne sait pas où était sa main
pendant la nuit, c’était pour signifier que pendant le sommeil, il
peut toucher avec la main ses parties ou son anus, risquant ainsi

53
de recevoir sur la main une goutte d’urine ou une trace de sperme
s’il a coïté avant de s’endormir ; s’il plonge alors sa main dans le
pot à eau sans la laver, l’eau se salit et se gâte. Il a parlé en
particulier de l’homme endormi à ce propos, parce que l’homme
endormi peut mettre inconsciemment la main à cet endroit ou sur
son anus. Quant à l’homme en état de veille, s’il touche
quelqu’une de ces parties et que sa main en subisse quelque
souillure dont il soit conscient, il ne doit pas le négliger, mais
laver sa main avant de la plonger dans le vase, de manger ou de
serrer une main.
***

XXIII. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ DONT LE DÉBUT INFIRME LA


FIN
 153 ḤAN. IV, 85, 86.

188169. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a interdit


la Prière dans les enclos (a‘ṭān)  des chameaux, car ceux-ci ont été
créés à partir des démons153.
189Cette interdiction de faire la Prière dans les enclos des
chameaux ne peut être // outrepassée : elle est admise dans la
pratique rituelle. Mais lorsque vous y ajoutez que les chameaux
ont été créés à partir des démons, il est évident que le Prophète
savait que les chameaux naissent des chameaux, comme les
bovins naissent des bovins, les chevaux des chevaux, les lions des
lions et les mouches des mouches !
190170. — Réponse : Nous affirmons que le Prophète — comme
tout un chacun — savait que le chameau est engendré par la
chamelle, et qu’il est impossible qu’un démon femelle engendre
un chameau, ou qu’une chamelle engendre un démon. Il a
seulement voulu nous laisser entendre qu’à l’origine de la

54
création, les chameaux ont été créés à partir d’une espèce dont
sont également issus les démons.
 154 A‘nān- Tāğ, IX, 282 = aḫlāq  (mœurs) ou nawāḥī  (côtés).

191J’en veux pour preuve cet autre ḥadīṯ  où le Prophète déclare


que les chameaux ont été créés à partir des a‘nān  des
démons154, c’est-à-dire de leurs côtés, de leurs environs. On
dit : « Untel a atteint les a‘nān  du ciel », c’est-à-dire ses côtés,
ses environs. S’ils avaient été créés de la même race, il aurait dit :
Ils ont été créés de la même race, des mêmes entrailles, des
mêmes reins, ou autres termes analogues.
 155 Cf. Tarbī‘, ١٣٣ s. ḥūš.

192Les Arabes ont toujours qualifié une certaine espèce de


chameaux de « sauvage » (ḥūš.)  Ils disent : Une chamelle
« sauvage », des chameaux « sauvages ». Ce sont les chameaux
les plus rétifs, les plus difficiles. Ils affirment // que les génies ont
des troupeaux dans le pays des ḥūš155, que ces bêtes se sont
mêlées au bétail des hommes, et qu’il en est résulté ces
chameaux « sauvages » (ḥūšiyya).
193Ru’ba a dit :
« Notre troupeau est accouru du pays des hūš ».
194Il est possible, de ce point de vue, que les chameaux soient le
produit des animaux des génies, et non des génies eux-mêmes.
C’est pourquoi le Prophète a employé l’expression :
« des a‘nān  des démons », c’est-à-dire de leurs côtés. Seuls
pourraient le nier ceux qui nient l’existence des génies et les
démons eux-mêmes, et ne croient qu’en ce que voient leurs yeux
et perçoivent leurs sens. Or ce trait est particulier à la doctrine
des zindīq-s  et des faylasūf-s que l’on qualifie de dahriyya.  Ce
n’est pas un dogme musulman.

55
***

XXIV. — EXEMPLE D’UN ḤADĪṮ COMPORTANT UNE


CONTRADICTION INTERNE
 156 ḤAN. IV, 85 ; V, 54, etc…

 157 On n’a pas retrouvé ce ḥadīṯ.

195171. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit :


« Si les chiens ne constituaient pas une communauté
(umma),  j’ordonnerais qu’on les tue ; toutefois, tuez ceux qui
sont entièrement noirs »156. Il a dit encore : // « Le [chien] noir
est un démon »157.
196Ils disent : Tout se passe comme s’il avait ordonné de les tuer
parce qu’ils étaient noirs, ou parce que c’étaient des démons, bien
qu’il recommandât d’épargner les chiens en général parce qu’ils
constituaient une communauté. Or le fait que [les chiens]
constituent une communauté n’est pas [en soi] une raison qui
empêche ou impose de les tuer.
197Vous dites par ailleurs qu’il a ordonné de tuer les chiens
jusqu’à ce qu’il n’en restât plus un seul à Médine. Comment a-t-il
pu donner cet ordre, puisqu’ils constituent une communauté ?
Cela ne l’a-t-il pas retenu de les tuer ?
198[En somme, la raison pour laquelle il leur a accordé l’immunité
est aussi celle pour laquelle il [a ordonné] de les tuer !
 158 Coran, VI, 38.

 159 Coran, VI, 130.

199172. — Réponse : Nous affirmons que toute espèce d’animaux


créés par Dieu constitue une communauté, que ce soient chiens,
lions, bovidés, moutons, fourmis, sauterelles, etc., au même titre
que les humains. De même, les génies sont aussi un peuple. Dieu

56
a dit : « Il n’est bête sur la terre, ni oiseau volant de ses ailes qui
ne forment des communautés semblables à vous »158. Il veut
dire : Semblable à nous en ce qui concerne la recherche des
aliments de midi et du soir, de la subsistance ( rizq),  et la
protection contre les périls. En outre, Dieu s’adresse aux génies
tout comme aux hommes, lorsqu’il dit : « O assemblée des génies
et des humains ! Des Apôtres sortis de vous ne sont-ils pas venus
à vous ? »159.
 160 Coran),  V, 4.

200Donc, si le Prophète avait ordonné de tuer les chiens en //


toute circonstance, il aurait provoqué la disparition d’une
communauté, et réduit à néant son rôle sur terre. Or les chiens
sont utiles aux hommes ; ils gardent leurs demeures, ils
surveillent leurs troupeaux et leurs champs, et en outre servent
d’auxiliaires aux hommes à la chasse. Beaucoup de bédouins et
d’habitants du désert n’auraient ni nourriture, ni subsistance sans
les chiens. Dieu a dit : « Mangez de ce qu’ils prennent pour
vous »160. Ceci prouve que Dieu les a créés pour nous être
utiles.
201172 a. — Abū ‘Ubayda raconte que deux hommes partirent en
voyage. L’un d’eux avait un chien. Ils furent assaillis par les
brigands. L’un d’eux lutta jusqu’à ce que, vaincu, il fût pris et
enterré de façon que sa tête sortît de terre. Alors arrivèrent les
corbeaux et les oiseaux de proie qui planèrent autour de lui pour
le mordre et lui arracher les yeux. Le chien qui accompagnait
l’homme, voyant cela, ne cessa de creuser la terre pour le dégager
jusqu’à ce qu’il l’eût sauvé. Or auparavant, son compagnon s’était
enfui, sans lui apporter aucune aide. Un poète dit à ce propos :
« Son voisin, son compagnon de route s’enfuit,
mais son chien creuse la terre pour le dégager, bien qu’il
[l’eût frappé ».

57
202Aucun animal ne défend les siens comme le chien ; aucun ne
leur est aussi dévoué // même s’ils le maltraitent, le chassent ou
le frappent.
203Les anecdotes sur les chiens sont nombreuses et
authentiques, mais nous ne voulons pas les multiplier.
 161 Cf. Tarbī‘, ١٣٢ s. ḥinn.

 162 Allusion au mauvais œil.

204Les chiens ne sauraient être autre chose qu’une communauté


de fauves, ou qu’une communauté de génies. Ibn ‘Abbās a dit :
« Les chiens sont une communauté de ḥinn-s » lesquels sont des
génies inférieurs161. « S’ils se présentent à vous lorsque vous
mangez, jetez-leur de la nourriture, car ils ont des âmes », c’est-
à-dire des yeux avec lesquels ils frappent162. Nafs  (âme) et
‘ayn  (œil) sont synonymes. On dit : « Untel a été victime
du nafs »,  c’est-à-dire du [mauvais] œil.
 163 Cf. Tarbī‘, ١٩٧ s. misḫ.

205Ibn ‘Abbās a dit encore : « Les ğānn-s  sont les avatars des


génies tout comme les singes sont les avatars des Israélites163 ;
il n’est pas impossible que les chiens soient dans le même cas ».
206172 b. — Ce sont là choses rebelles à la spéculation, à
l’analogie et au raisonnement. On en revient toujours à leur sujet
à ce qu’en a dit le Prophète, ou les gens qui l’ont vu et entendu.
Ceux-là ne portent de jugement sur ces choses qu’en fonction de
ce qu’ils lui ont entendu dire, ou de ce qu’ils ont entendu dire aux
gens qui l’avaient écouté, ou d’une tradition historique
authentique figurant dans les anciens livres. // Il ne s’agit pas là
d’affaires touchant aux prescriptions juridiques ou aux traditions
normatives, et cela ne nous entache ni ne nous diminue en rien

58
que les chiens soient des fauves, des génies ou le produit d’une
métamorphose.
207Si ce sont des fauves, le Prophète a ordonné de tuer les noirs
en disant « Ce sont des démons » parce que les noirs unis sont les
plus nuisibles et les plus féroces, et ils attrapent la rage plus
facilement que les autres. En outre, ils sont les moins utiles et les
plus mauvais gardiens, les moins aptes à la chasse, les plus
paresseux. Il a dit : « Ce sont des démons » pour dire : Ce sont les
plus mauvais, tout comme on dit : « Untel est un démon » ou
« C’est un vrai démon rebelle » ou « C’est un vrai lion de ‘Ād », ou
« un vrai loup de ‘Ād », c’est-à-dire : il est comparable à…
208Si les chiens sont des génies ou sont le produit de leur
métamorphose, il a voulu dire seulement que les noirs sont des
démons, et qu’il faut les tuer parce qu’ils sont nuisibles. En effet,
un démon est un génie rebelle ; les ḥinn-s  sont faibles, [et en tout
cas] inférieurs aux génies.
 164 Cf. BUḪ. 59, 7 = HM II, 435 ; ḤAN. VI, 143, 330, etc…

209172 c. — S’il a ordonné de tuer les chiens de Médine, cela ne


contredit nullement son autre propos : « Si les chiens ne
constituaient pas une communauté, j’ordonnerais qu’on les tue ».
En effet, à son époque, Médine était le lieu // où la révélation
descendit par l’intermédiaire des anges ; or les anges ne
pénètrent pas dans une maison où il y a un chien ou une
représentation figurée, comme l’a dit le Prophète : d’après
Muḥammad b. Ḫālid b. Ḥidāš — Salm b. Qutayba — Yūnus b. Abī
Isḥāq — Muğāhid — Abū Hurayra, le Prophète a dit : « Gabriel me
déclara : — Ce qui m’a empêché de venir à toi hier, c’est
seulement que tu avais à la porte de ta maison un rideau avec des
dessins figurés, et qu’il y avait avec toi dans la pièce un chien ;
fais-le sortir ! »164. Or ce chien était un chiot appartenant à al-
Ḥasan et à al-Ḥusayn, [et qui se tenait] sous leur lit. Ceci prouve
59
que les anges ont horreur des chiens dans les grandes villes
comme ils en ont horreur dans les maisons. Le Prophète ordonna
donc de les tuer, ou d’en réduire le nombre dans les endroits
proches de [Médine], alors qu’il s’abstint de donner cet ordre pour
les endroits éloignés du lieu où descendaient les anges, et de
l’endroit de la révélation.
210Abū Muḥammad dit : Le mot naḍd  veut dire « ht », car on
entasse (naḍada)  du linge dessus.
***

XXV. — EXEMPLE D’UN ḤADĪṮ DONT LE DÉBUT INFIRME LA


FIN
 165 BUḪ. 28, 7 = HM I, 588 ; 59, 16 = HM II, 456 ; ḤAN. I,
257 ; II, 52 ; III, 3. — Il est à noter que (...)

211173. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit : « Il


est cinq animaux pervers (fāsiq)  qu’on peut tuer en territoire
sacré ou non : le corbeau, le vautour, le chien, le serpent et la
souris »165.
212S’il avait dit : « Tuez ces cinq animaux, et cinq autres avec », //
cela aurait pu passer en tant que pratique rituelle. Mais les tuer
sous prétexte qu’ils sont pervers est illicite, car la perversité ni la
rectitude ne peuvent s’appliquer à aucun de ces objets ; les petits
carnassiers (hawāmm),  les fauves ou les oiseaux ne sont ni des
démons, ni des génies, ni des humains, auxquels on peut seuls
appliquer les termes de perversité et de rectitude.
 166 Coran, XXVII, 20-21.

213174. — Réponse : Nous prétendons que quiconque croit que


les reptiles, les fauves et les oiseaux sont en dehors de toute
obéissance ou désobéissance est en contradiction avec le Coran,
les prophètes et les envoyés de Dieu, ainsi qu’avec les Livres
divins antérieurs. En effet, Dieu nous enseigne que Son prophète

60
Salomon inspectait les oiseaux : « Il dit : — Pourquoi ne vois-je
pas la huppe ? Serait-elle absente ? Certes, je la tourmenterai
cruellement ou l’egorgerai à moins qu’elle ne m’apporte une
justification explicite ! »166, c’est-à-dire : une excuse valable et
une justification de son absence. Il n’était pas licite qu’il la punît,
sauf en cas de péché ou de désobéissance. Or les péchés et les
désobéissances constituent justement des « perversions » (fusūq).
Quiconque peut à juste titre être qualifié de désobéissant peut
donc être aussi bien appelé pervers.
 167 Texte : an lā ; Vulgate : allā.  BAYḌĀWĪ, 502 : al-Kisā’i et
Ya‘qūb b. Isḥāq lisent alā,  avec le sen (...)

 168 Coran, XXVII, 22-25.

214Puis Dieu poursuit l’histoire de la huppe, après qu’elle se fût


excusée auprès de Salomon en ces termes : « J’embrasse en ma
connaissance ce que tu n’embrasses point, et je t’apporte sur les
Saba’ une nouvelle sûre. J’ai trouvé qu’une femme est leur reine,
que de toute chose elle a été comblée // et qu’elle a un trône
magnifique. Je l’ai trouvée, elle et son peuple, se prosternant
devant le soleil, à l’exclusion de Dieu. Le Démon a paré pour eux
leurs actions de fausses apparences, les a détournés du Chemin,
et ils ne sont pas dans la bonne direction, de sorte qu’ils
ne167 se prosternent pas devant Dieu qui fait sortir ce qui est
latent, dans le ciel et sur la terre, et qui sait ce que vous cachez et
ce que vous divulguez ! »168. Si cela n’était qu’un propos de
sage, ou même de prophète, ce serait [déja] une belle parole, une
exhortation efficace et une preuve évidente. Comment dès lors les
termes d’obéissant et de désobéissant, de pervers ou de bien
guidé ne pourraient-ils être appliqués à ces objets ?
 169 Coran, XXVII, 16.

 170 Coran, XXVII, 18.

61
 171 Coran, XVII, 44.

215174 a. — Dieu a en outre fait parler les fourmis dans la même


sourate : « Salomon hérita de David et dit : — Hommes, on nous a
enseigné le langage des oiseaux »169 — il fait ici parler les
oiseaux, tout comme les hommes — puis plus loin : « Quand enfin
elles arrivèrent à la vallée des fourmis, l’une d’elles dit : — O
Fourmis… » etc.170, et les fourmis de parler comme les humains.
Il dit encore : « Il n’est aucune chose qui n’exalte Sa louange, mais
vous ne comprenez pas leur exaltation ( tasbīḥ) »171, et ailleurs :
« O montagnes, reprenez avec lui (ses hymnes) et vous aussi,
oiseaux ! », où awwibī  (reprenez ses hymnes) équivaut
à sabbiḥī  (exaltez).
 172 C’est la trad. à peine abrégée de Gen.  VIII, 6-12. Seul le
dernier trait n’est pas biblique. Sur ce (...)

216174 b. — Abū Muḥammad dit : J’ai lu dans la Thora que Noé,


au bout de quarante jours, ouvrit la lucarne qu’il avait faite à
l’Arche // puis lâcha le corbeau, qui sortit et ne revint pas. Puis
l’eau baissa sur la face de la terre, et il lâcha la colombe à
plusieurs reprises. Elle revint le soir, ayant dans son bec une
feuille d’olivier. Il sut alors que l’eau avait diminué sur la terre.
Alors Noé invoqua Dieu pour qu’il mît un collier au cou de la
colombe, et lui colorât les pattes172.
 173 Texte : ḥīna tawarraka l-nahār.  L’expression est si insolite
qu’on est en droit de suspecter le tex (...)

 174 Gen.  II, 16-17 puis III, 1-19. On a indiqué les principales


omissions par des points de suspension. (...)

217Abū Muḥammad dit : J’ai encore lu dans la Thora que Dieu dit à
Adam après l’avoir créé : « Mange ce que tu veux dans les arbres
du Jardin, mais ne mange pas de l’arbre de la connaissance du
bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras… »

62
c’est-à-dire : Tu recevras la condition des mortels. « Or le serpent
était le plus rusé de tous les animaux terrestres. Il dit à la
femme… : — Vous ne mourrez point si vous en mangez, mais vos
yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux, connaissant le
bien et le mal… La femme prit de son fruit et en mangea ; elle en
fit manger à son époux… Leurs yeux s’ouvrirent, ils connurent
qu’ils étaient nus, et ayant réuni des feuilles de figuier, ils en
firent des pagnes (izār).  Alors ils entendirent la voix de Dieu
tandis que le jour tombait173 ; Adam et sa femme se cachèrent
dans les arbres du Jardin. Mais Dieu les appela et Adam dit : — J’ai
entendu Ta voix dans // le jardin, et je me suis vu nu, et je me
suis caché à Ta vue. Dieu dit : — Qui t’a appris que tu es nu ? As-
tu mangé de l’arbre que je t’avais défendu ? Il dit : — C’est la
femme qui m’en a donné à manger !… La femme dit que le
serpent l’y avait contrainte. Dieu dit au serpent : — Puisque tu as
fait cela, tu seras maudit… Tu marcheras sur ton ventre et tu
mangeras de la poussière… Je mettrai inimitié entre toi, la femme,
et ses enfants : ils t’écraseront la tête et toi, tu les mordras au
talon. Il dit à la femme : — Quant à toi, j’augmenterai tes
souffrances et tes grossesses ; tu enfanteras dans la douleur ; tu
viendras à ton mari, mais il dominera sur toi. Il dit à Adam : — …
Maudit sera le sol à cause de toi. Il te produira des ronces et des
épines, et tu en tireras ta nourriture à force de peine et à la sueur
de ton front, et tu reviendras à la poussière, car tu es
poussière »174.
218174 c. — Abū Muḥammad dit : Qui ne voit que le serpent s’est
montré tyrannique et perfide, si bien que Dieu l’a maudit, a
modifié sa constitution, et a fait de la terre sa subsistance ? Ne
peut-on à bon droit // qualifier cet animal de pervers et de
désobéissant ? De même le corbeau, qui désobéit à Noé ?
 175 Cf. Tarbī‘, 174 s. ‘anqā’. Tāğ, I, 410, est le seul à
rapporter une opinion intéressante… et courag (...)

63
219Les partisans de la spéculation pensent qu’il fut nommé
« corbeau de la séparation » (ġurāb al-bayn)  uniquement parce
qu’il abandonna Noé et s’en alla. C’est pourquoi ils voient en lui
un mauvais présage, et prétendent que son croassement annonce
la séparation et Péloignement ; ils font dériver de son nom le
mot ġurba  (l’absence). Ils disent : « L’absence (ġurba)  l’a jeté au
loin » ; ou « Voici des moutons étranges (muġrib) »,  ou « un
griffon étrange (‘anqa’ muġrib) »175, c’est-à-dire : venant de
loin, pour désigner l’aigle. Tout cela dériverait du nom du
corbeau, parce qu’il abandonna Noé et s’éloigna de lui.
220174 d. — Abū Muḥammad dit : J’en veux pour preuve aussi
le ḥadīṯ  de Muḥammad b. Sinān al-‘Awfī — ‘Abd Allāh b. al-Ḥāriṯ
b. Abzā al-Makkī — sa mère Rā’iṭa bint Muslim — son père :
« J’étais avec le Prophète à Ḥunayn, et il me dit : — Quel est ton
nom ? — Ġurāb. — Tu seras désormais Muslim ! » Il ne voulait pas
qu’il s’appelât Gurāb, parce que le corbeau (ġurāb)  est pervers, et
désobéissant. Il l’appela Muslim, qui était dans son esprit
l’antonyme de Ġurāb, car le corbeau est désobéissant, et le
Musulman (Muslim) est soumis : ce mot dérive en effet de
l’istislām,  qui signifie : « action de se laisser guider et d’obéir ».
221Le Prophète aimait les beaux noms et détestait les noms
péjoratifs, // comme nous l’avons dit plus haut.
 176 Coran, XVIII, 50.

 177 Ibn Dāya semble être pour Ibn Qutayba de la même racine


que dā’. Or les dictionnaires ne rangent pa (...)

222Mais pour le cas où nous renoncerions à la conception des


Musulmans, qui appliquent l’obéissance et la désobéissance au
serpent, au corbeau ou à la souris, pour nous en tenir aux
ressources de la langue et du vocabulaire arabes, nous pourrions
rappeler que fisq  est [à l’origine] synonyme de ḫurūğ  (sortie)

64
effectuée contre quelqu’un pour chercher à lui nuire. On dit : « La
datte fraîche fasaqat  »  lorsqu’elle « sort » de son enveloppe. Tout
ce qui « sort » de quelque chose peut être appelé fāsiq.  Dieu a
dit : « …Iblīs était un génie qui était sorti de l’ordre de Dieu »176,
c’est-à-dire : qui s’est dégagé de l’ordre de son Seigneur, et de
l’obéissance qu’il Lui devait. C’est ainsi que le serpent sort de son
trou pour nuire aux hommes, en gâtant leur nourriture, en les
mordant, en buvant leur boisson et en y déversant son venin.
C’est ainsi que la souris sort de son trou pour gâter leurs
aliments, pour grignoter leurs vêtements, et pour mettre le feu à
leur maison avec la mèche de la lampe : aucune des bestioles de
la terre n’est plus nuisible que la souris. Quant au corbeau, il se
jette sur le mal du chameau appelé dabar  (abcès) et le becquette
jusqu’à ce qu’il en crève ; c’est pourquoi les Arabes l’appellent Ibn
// Dāya177 ; il ne fait rien de bon et dérobe la nourriture des
hommes. Le chien, de son côté, blesse et mord, tout comme les
bêtes féroces. Tous ces animaux peuvent donc être qualifiés de
pervers, car ils « sortent » contre les hommes, et leur nuisent par
leurs méfaits.
223Ils étaient loin de la solution, ceux qui répugnaient à appliquer
l’obéissance ou la désobéissance à l’un ou l’autre de ces
animaux !
***

XXVI. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ INFIRMÉ PAR LA


SPÉCULATION
 178 BUḪ. 34, 14, 33, 88 = HM II, 10, 18, 44 ; 48, 2, 5 = HM
II, 164, 165, etc… ḤAN. I, 300 ; VI, 42, 16 (...)

 179 bayyāḍ : terres « blanches », c. à.d. incultes. Cf. Tāğ, V,


15 : arḍ  bayḍā’≠ sawdā’ (qui porte des (...)

65
224175. — Proposition : Vous enseignez que lorsque le Prophète
mourut, il avait mis sa cotte de mailles en gage chez un Juif pour
quelques mesures d’orge178. Grand Dieu ! n’y avait-il donc
parmi les Musulmans aucun remède, aucun bienfaiteur ou aucun
prêteur ? Dieu avait pourtant multiplié leurs richesses ; Il leur avait
permis de conquérir bien des pays, et ils bénéficiaient du revenu
des impôts des confins du Yémen jusqu’aux confins du Baḥrayn et
du ‘Umān, sans compter les terres blanches179 du Nağd et du
Ḥiğāz ; il y avait en outre la fortune personnelle des Compagnons
comme ‘Uṯmān, ‘Abd al-Raḥmān, et tant d’autres. Où étaient-ils
donc ?
 180 ḤAN. III, 316, 353, etc. ; cf. III, 292, 304, 318, 335, etc…

 181 La ‘umrat al-qaḍā’ (de la convention) eut lieu un an après


la tentative manquée de Ḥudaybiyya.

 182 Ḥawā’it : vergers, enclos plantés de palmiers ; Lisān,  IX,


149.

225C’est là un mensonge, et celui qui l’a proféré voulait louer


l’ascétisme et la pauvreté du Prophète. Ce n’est pas ainsi qu’on
loue les prophètes ! Comment pourrait-il avoir faim, celui qui
équipe des armées, qui sacrifie des centaines de victimes en
offrande, et auquel Dieu a accordé à titre de butin des terres
comme Fadak et autres ? Mālik b. Anas rapporte // d’après Abū l-
Zuhayr — Ğābir : Le Prophète égorgea à Ḥudaybiyya soixante-dix
chamelles, chacune au nom de sept personnes180. Au cours de
la ‘umrat al-qaḍā’181, en compensation de la ‘umra  que les
Polythéistes l’avaient empêché d’accomplir, il offrit soixante
chamelles. Comment aurait-il pu avoir faim, celui qui érigea en
bien de mainmorte sept vergers dans la ‘Āliya182, au point de
mettre en gage sa cotte de mailles, ne trouvant personne pour lui
prêter quelques mesures d’orge ?

66
 183 ḤAN. VI, 293, 314.

226176. — Réponse : Nous prétendons qu’il n’y a pas là de quoi


jeter les hauts cris ou s’offusquer, car le Prophète se privait de la
meilleure part de ses biens, et la distribuait aux plus méritants de
ses Compagnons, aux pauvres et aux malheureux, ainsi que lors
des périodes néfastes aux Musulmans. Il ne repoussait jamais un
mendiant, et lorsque l’occasion se présentait, il ne lésinait pas
pour donner. Il n’entassait pas les dirhems. Umm Salama lui dit
un jour : « O Prophète, je te vois le visage défait ; serais-tu
malade ? » Il répondit : « Non ! C’est à cause des sept dinars qu’on
nous a apportés hier. Je les ai oubliés au coin du fit // et j’ai
passé la nuit sans les distribuer ! »183.
 184 Cf. BUḪ. 70, 23 = HM III, 666.

 185 Coran, LIX, 9.

227176 a. — ‘Ā’iša disait en le pleurant : « Par mon père ! Il n’a


jamais dormi dans un lit bien doux, et il ne s’est jamais rassasié
de pain d’orge ! »184. Cette phrase ne saurait s’expliquer que
d’une des deux manières suivantes : Ou bien il distribuait ce qu’il
possédait au point de n’avoir plus de quoi manger à sa faim —
c’était là une de ses qualités ; Dieu ne dit-Il pas : « A eux-mêmes
ils les préféreront, même si la pénurie existe chez eux »185 —,
ou bien il ne mangeait jamais de pain d’orge ni autre chose à
satiété, parce qu’il détestait avoir trop mangé : beaucoup
d’hommes vertueux et de muğtakid-s  détestaient cela, et il est le
plus méritant et le plus éminent d’entre eux.
 186 ḤAN. IV, 132.

228176 b. — J’ai entendu Abū l-Ḫaṭṭāb — Abū ‘Āṣim ‘Ubayd Allāh


b. ‘Abd Allāh — al-Muḥarrar b. Hārūn — Abū Yazīd al-Madanī —
‘Abd al-Raḥmān b. al-Muraqqi‘ : Le Prophète a dit : « Dieu n’a

67
créé aucun récipient plus plein de mal // que le ventre. Si c’est
indispensable, mettez-y un tiers de nourriture, un tiers de
boisson, et un tiers de vent »186.
229Mālik b. Dīnār a dit : « Le Croyant est comme la
brebis ma’būra »,  c’est-à-dire celle qui a avalé une aiguille dans
son fourrage, et à laquelle le peu qu’elle en mange ne profite plus
guère.
 187 Lisān, XVI, 239 : « ce n’est pas un mot arabe ».

230Comme on parlait à Ibn ‘Umar du remède gastrique


dit ğawrišn187, il dit : « Qu’ai-je à en faire, puisque je n’ai pas
mangé à ma faim depuis tant de temps ? » Il voulait dire qu’il avait
négligé de s’alimenter alors qu’il en avait grand besoin.
231Al-Ḥasan dit à un homme qui entrait auprès de lui en
mangeant : « Mange ! » L’autre répondit : « J’ai fini ! Je n’ai plus
envie de rien ! » Al-Ḥasan s’écria : « Grand Dieu ! Comment peut-
on manger jusqu’à ne plus avoir envie de rien ? ».
232Mālik b. Dīnār — ou un autre — a dit : « Je voudrais pouvoir
me sustenter en suçant des cailloux ! J’ai honte que Dieu me voie
entrer si souvent au cabinet ! ».
 188 C. à. d. des aliments dépourvus de graisse.

233Bakr b. ‘Abd Allāh a dit : « Je n’ai trouvé de goût à la vie qu’à
partir du moment où j’ai remplacé la satiété par la faim, où j’ai
cessé de mettre des vêtements dont j’étais l’esclave, et où je me
suis mis à manger des aliments qui ne m’obligeaient pas à me
laver les mains ! »188. //
234‘Ā’iša disait donc en le pleurant : « Par mon père, il ne se
rassasiait jamais de pain d’orge ». C’est qu’il lui arrivait de
manger du pain de froment ou d’orge, mais sans s’en rassasier,
pour l’une ou l’autre des raisons exposées plus haut. Et si elle

68
citait en exemple la nourriture la plus grossière, c’était pour
laisser entendre que si le Prophète ne s’en rassasiait pas, à plus
forte raison ne l’eût-il pas fait avec autre chose.
 189 ṣināb : condiment composé de moutarde et de raisins
secs ; Lisān,  II, 19.

 190 Coran, XLVI, 20.

235‘Umar a dit : « Si je voulais, je me ferais apporter du rôti,


du ṣināb189, de la poitrine et de la bosse ! » Il dit encore : « Si je
voulais, je me ferais apporter une jeune bête qu’on égorgerait, de
la semoule qu’on bluterait, du raisin sec qu’on ferait revenir dans
la graisse jusqu’à ce que cela ressemblât à du sang de gazelle, et
bien d’autres choses encore. Mais Dieu a dit à des gens : — Vous
avez dissipé // vos biens excellents durant votre vie terrestre et
en avez joui. Aujourd’hui, vous en êtes récompensés par le
tourment de l’humiliation ! »190.
236176 c. — Le riche avare peut être victime de circonstances où
il n’a à sa disposition aucune richesse, bien qu’il ait fermes,
meubles et créances, et où il lui faut emprunter et engager. A plus
forte raison est-ce le cas de l’homme auquel il ne reste pas un
dirhem, et auquel ses libéralités et ses malheurs n’ont pas laissé
de quoi vivre. Comment les Musulmans et ses Compagnons aisés
auraient-ils pu savoir qu’il manquait de nourriture, puisqu’il ne le
leur disait pas et ne les importunait pas ? Nous constatons parfois
ce phénomène chez nous-mêmes ou chez nos semblables : on
voit des gens dans le besoin ne pas importuner leurs enfants, leur
famille ou leurs voisins, et vendre ce qu’ils ont de précieux ou
emprunter à un étranger ou à quelqu’un qui ne leur est rien.
 191 ḤAN. I, 21.

237176 d. — Le Prophète engagea sa cotte de mailles chez un Juif


pour la simple raison qu’à cette époque, c’étaient les Juifs qui
69
vendaient la nourriture : les Musulmans n’en vendaient pas parce
que le Prophète leur avait interdit d’accaparer191.
 192 Al-A‘maš est le transmetteur du ḥadīṯ en question. Il figure
dans les isnād-s,  aux réf. de la note (...)

238Que lui reprochent-ils donc ? Pourquoi s’étonnent-ils à ce


point, et pourquoi un hérétique accuse-t-il // al-A‘maš de
mensonge à ce propos ?192.
***

XXVII. — EXEMPLE D’UN ḤADĪṮ INFIRMÉ PAR LE


RAISONNEMENT ANALOGIQUE
 193 ḤAN. II, 187.

239177. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète ordonna


à ‘Amr b. al-‘Āṣ de rendre un jugement, et que ‘Amr lui dit : « Je
jugerais en ta présence, ô Prophète ? » Le Prophète répondit :
« Fais-le ! Si tu juges sainement, il te sera compté dix bonnes
actions ; si tu te trompes, il t’en sera compté une seule ! »193.
240Une telle sentence ne saurait être imputée à Dieu. En effet,
l’effort personnel (iğtihād) de ‘Amr pouvait aussi bien aboutir à un
jugement sain qu’à un jugement erroné. Il n’était pas tenu de
juger sainement, mais seulement de s’y efforcer. Le travail, la
résolution, le zèle et la peine qui auraient été son lot pour juger
sainement ne différaient en rien de ce qu’un autre aurait enduré
pour aboutir à un jugement erroné. Quel sens cela a-t-il de lui
compter dix bonnes actions dans un cas, et une seule dans
l’autre ?
241178. — Réponse : Nous prétendons que l’effort personnel pour
aboutir à une réussite n’est pas identique à l’effort personnel
conduisant à l’échec. Si ce principe était valable, les Juifs, les
Chrétiens, les Mages et les Musulmans se vaudraient. Les
partisans des diverses doctrines auraient droit à la même

70
récompense pour leur effort personnel, et leurs personnes comme
leurs doctrines se vaudraient ; leur raison // les persuaderait
qu’ils sont dans le vrai, et que leurs adversaires sont dans
l’erreur.
242Abū Muḥammad dit : Mais nous affirmons que derrière l’effort
personnel de chaque individu se cache l’assistance de Dieu. Il y
aurait beaucoup à dire sur ce sujet, mais ce n’en est pas le lieu.
243Supposons qu’un individu envoie deux messagers à la
recherche d’une bête égarée lui appartenant, en leur ordonnant
de faire effort et de mettre tout en œuvre pour la retrouver, et en
leur promettant une récompense en cas de réussite. L’un d’eux
parcourt cinquante parasanges à sa recherche, se fatigue, veille et
revient bredouille ; l’autre marche tranquillement un parasange, et
revient avec l’animal. Celui qui a retrouvé l’animal mérite la plus
grosse récompense et le cadeau le plus précieux, bien que l’autre
ait enduré plus de peine et de difficulté que lui. A plus forte
raison s’ils ont déployé le même effort. Or il arrive que les actes
des hommes se valent, mais Dieu n’en donne pas moins la
préférence à qui Il veut. En effet, Il n’a de dette envers personne,
et personne n’a de droits sur Lui.
 194 Matt.  XX, 1-16. La première moitié de la citation est
rigoureusement littérale. Les points de suspe (...)

244178 a. — Abū Muḥammad dit : J’ai lu dans l’Évangile que le


Messie // dit aux Apôtres : « Il en est du Royaume des cieux
comme d’un homme qui sortit avant l’aube afin de louer des
ouvriers pour sa vigne. Il convint avec eux d’un denier par jour et
les envoya à sa vigne. Vers la troisième heure, quand il sortit…, il
en vit d’autres qui restaient oisifs sur la place et leur dit : — Allez
vous aussi à ma vigne, et ce qui sera juste, je vous le donnerai. Ils
y allèrent. Il sortit encore à la sixième, à la neuvième… et à la
onzième heure et fit de même… Le soir venu, le maître dit à son

71
intendant : — Donne aux ouvriers leur salaire ; commence par les
derniers jusqu’à ce que tu arrives au premier. Il les paya et leur
donna même salaire. Lorsqu’ils eurent perçu leur dû, ils furent en
colère contre le maître de la vigne et dirent : — Ces derniers ont
travaillé une seule heure, et tu leur donnes même salaire qu’à
nous ? Il dit : — Je ne vous ai pas fait de tort. Je vous ai donné le
prix convenu et je me suis montré généreux pour ceux-là.
L’argent est à moi, j’en fais ce que je veux. Ainsi, les premiers
seront les derniers et les derniers seront les premiers »194.
***

XXVIII. — EXEMPLE DE DEUX ḤADĪṮ-S CONTRADICTOIRES


 195 ḤAN. I, 279, 310 ; II, 234, etc…

245179. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit :


« Quiconque médite une bonne action et ne l’exécute pas se verra
compter une seule bonne action. // S’il l’exécute, il s’en verra
compter dix »195.
 196 Il paraît s’agir d’une interprétation un peu sollicitée de la
tradition célèbre : « Les actes ne va (...)

246D’autre part vous enseignez que l’intention, chez l’homme,


vaut mieux que l’acte196.
247Donc, dans le premier ḥadīṯ,  l’intention vaut moins que l’acte,
et dans le second, elle vaut mieux. Il y a contradiction et
divergence.
248180. — Nous prétendons qu’il n’y a là aucune contradiction,
grâce à Dieu. Celui qui médite une bonne action sans l’accomplir
est à l’opposite de celui qui l’accomplit, car celui qui médite n’agit
pas, tandis que celui qui accomplit l’acte n’agit pas sans l’avoir
médité au préalable.

72
249Quant au ḥadīṯ  du Prophète : « L’intention vaut mieux que
l’acte », [on peut en dire] que Dieu accorde au Croyant l’éternité
du paradis pour ses intentions, et non pour ses actes. Si le
Croyant était récompensé pour ses actes, ceci n’impliquerait pas
l’éternité, car on n’agit que pendant quelques années en nombre
limité, et la récompense ne saurait intervenir que pendant une
période analogue ou un multiple de [cette période]. Dieu ne
saurait accorder l’Éternité que pour les intentions, car s’il avait fait
vivre le Croyant éternellement, celui-ci aurait nourri éternellement
l’intention d’obéir à Dieu. Puisqu’il le fait mourir sans préjudice de
son intention, c’est qu’il le récompense pour cette intention.
250De même, en ce qui concerne l’infidèle, son intention est plus
mauvaise que ses actes, car si Dieu l’avait fait vivre éternellement,
il aurait nourri éternellement l’intention d’être infidèle. Puisque
Dieu l’a fait mourir sans préjudice de l’intention, c’est qu’il le
récompense pour cette intention.
***

XXIX. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ INFIRMÉ PAR LE CORAN ET LA


SPÉCULATION
 197 BUḪ. 64, 8, 12 = HM III, 76, 77, 90 ; ḤAN. I, 26 ; II, 31,
131 ; III, 104, 145, etc...

251181. — Proposition : Vous rapportez que // le Prophète se mit


debout au bord de la fosse de Badr et dit : « ‘Utba b. Rabī‘a, Šayba
b. Rabī‘a, Untel et Untel, voyez-vous [maintenant] si ce que votre
Seigneur vous a promis est vrai ? Pour nous, nous voyons que ce
que notre Seigneur nous a promis est vrai ! » Comme on lui faisait
une observation, il répliqua : « Par Celui qui détient mon âme en
Sa main, en vérité ils entendent comme vous entendez ! »197.
 198 Coran, XXXV, 22.

 199 Coran, XXVII, 80 ; cf. XXX, 52.

73
252Or Dieu a dit : « Tu ne peux faire entendre ceux qui sont dans
les tombes ! »198 ; Il a dit ailleurs : « Tu ne saurais faire entendre
les morts ! »199.
 200 On n’a pas retrouvé cette expression.

253D’autre part, vous enseignez que le Prophète a dit le jour des


Factions : « Seigneur, Dieu des corps périssables et des esprits
consumables… ! »200.
254Vous dites aussi qu’on demanda à Ibn ‘Abbās où passent les
esprits lorsqu’ils se séparent des corps, et où vont les corps
lorsqu’ils se consument. Il répondit : « Où va la [lumière de la]
lampe, lorsqu’elle s’éteint ? Où va le regard lorsqu’on devient
aveugle ? Où va la chair de l’homme en bonne santé lorsqu’il
tombe malade ? » On lui répondit alors : « Il n’y a pas d’où ! » —
« Eh bien ! il en est de même pour les esprits qui se séparent des
corps ! ».
 201 P. ex. BUḪ. 3, 24 = HM III, 46 ; 16, 7 = III, 345 ; ḤAN. I,
26, etc…

255Tout cela ne ressemble guère au propos du Prophète : « Ils


entendent comme vous entendez ! » ni à tout ce que vous
rapportez au sujet du châtiment de la tombe201. //
256182. — Réponse : Nous prétendons que s’il est parfaitement
conforme à la raison, à la spéculation, au Coran et à la tradition
historique que Dieu ressuscite ceux qui sont dans la tombe après
qu’ils auront été des corps consumés et des os vermoulus, il est
tout aussi conforme à la raison, à la spéculation, au Coran et à la
tradition historique qu’ils soient tourmentés après la mort sur
le barzaḫ.
 202 Coran, XL, 46.

 203 Coran, III, 169-170.

74
 204 Yataṯannawn : se laissant plier.

257Pour ce qui est du Coran, Dieu a dit : « Au Feu ils seront offerts
matin et soir, et au jour où se dressera l’Heure, [on criera] : —
Introduisez la famille de Pharaon au plus intense
tourment ! »202. Il a dit ailleurs : « Et ne crois point que sont
morts ceux qui ont été tués dans le chemin de Dieu ! Au contraire,
ils sont vivants auprès de leur Seigneur, pourvus de leur
subsistance, joyeux de la faveur que Dieu leur a accordée et, à
l’égard de ceux qui, après eux, ne les ont pas encore rejoints, ils
se réjouissent à l’idée que ceux-ci n’éprouveront aucune crainte
et ne seront pas attristés »203. Il s’agit d’une faveur que Dieu a
accordée aux martyrs de Badr — qu’il les ait en Sa miséricorde ! —
lesquels, lorsqu’on creusa le canal, furent exhumés dans toute
leur fraîcheur, les membres souples204, si bien que // quelqu’un
dit : « Nous ne nierons plus rien après cela ! ».
258182 a. — J’ai entendu Muḥammad b. ‘Ubayd — Ibn ‘Uyayna —
Abū l-Zubayr — Ğābir rapporter : Lorsque Mu‘āwiya voulut
canaliser la source qu’il avait creusée — Sufyān affirme qu’il s’agit
du ‘Ayn Abī Ziyād, à Médine — on invita ceux des Médinois qui
avaient eu un parent tué [à Badr] à emporter leurs morts. Ğābir
dit : Alors on les fit venir, et on exhuma les cadavres. La pelle
ayant heurté l’un d’eux, il sortit du sang de la plaie. C’est alors
qu’Abū Sa‘īd al-Ḫidrī déclara : « Personne ne peut plus rien nier
après cela ! ».
259‘Ā’iša bint Ṭalḥa vit en rêve son père qui lui dit : « Ma petite
fille, ôte-moi de ce lieu, car je souffre de l’humidité ! » Elle
l’exhuma, environ trente ans après sa mort, et l’enleva de cet
endroit humide. Il était dans toute sa fraîcheur, et rien n’était
altéré en lui. Il fut enterré aux Hiğriyyīn, à Basra. Ce fut ‘Abd al-
Raḥmān b. Salama al-Taymī qui se chargea de l’exhumation.
 205 Allusion à Coran III, 169-170, déjà cité.

75
260Ce sont là des faits si connus qu’ils valent des témoignages
visuels. // Dès lors qu’il est possible que ces martyrs soient
« vivants auprès de leur Seigneur, pourvus de leur subsistance »,
qu’ils soient « joyeux » et « se réjouissent »205, pourquoi serait-
il impossible que leurs ennemis qui les ont combattus et tués
fussent vivants et tourmentés en enfer ? Et s’il est possible qu’ils
soient vivants, pourquoi serait-il impossible qu’ils fussent en
mesure d’entendre ? Notre Prophète l’a dit, et il a nécessairement
raison.
 206 BUḪ. 62, 10 = HM II, 611 ; cf. ḤAN. II, 413 ; TIR. 46, 29.

261182 b. — Pour ce qui est de la tradition historique, on peut


rappeler que le Prophète a dit à propos de Ğa‘far b. Abī Ṭālib qu’il
volait au paradis avec les anges ; il l’a appelé : « L’homme aux
deux ailes »206.
 207 ḤAN. II, 288 ; BUḪ. 80, 38 = HM IV, 257.

 208 BUḪ. 96, 26 = HM IV, 495 ; ḤAN. II, 185, 288, 414, etc…

 209 BUḪ. 56, 25 = HM IV, 293 ; 80, 37 = HM IV, 256 ; ḤAN. II,


185, 288 etc…

262On connaît aussi toutes les traditions rapportées au sujet de


Munkar et de Nakīr, du tourment de la tombe, au sujet de
l’invocation : « Je me réfugie auprès de Toi contre la séduction de
la vie et de la mort »207 ou « Je me réfugie auprès de Toi contre
le tourment de la tombe »208 et « contre la séduction de
l’Antéchrist »209. Toutes ces traditions sont authentiques, et il
n’est pas permis de s’interroger à leur sujet. Si de telles traditions
sont fausses, rien n’est vrai dans notre religion. Mais rien n’est
plus vrai que les traditions historiques émanant de notre
Prophète.
 210 Coran, XXXV, 19 = XL, 58 ; cf. VI, 50 = XIII, 16.

76
 211 Coran, XIII, 16 = XXXV, 20.

 212 Coran, XXXV, 21.

 213 Coran, XXXV, 22.

263182 c. — Quant aux versets : « Tu ne peux faire entendre ceux


qui sont dans les tombes » et « Tu ne saurais faire entendre les
morts », ils n’ont rien à voir dans cette affaire, car le mot
« morts » désigne ici les « ignorants », qui sont [déjà] dans la
tombe. Le sens est : Tu serais incapable // de faire comprendre
quoi que ce soit aux gens que Dieu a créés ignorants, et tu ne
saurais faire entendre ceux que Dieu a créés sourds à l’égard de
la bonne doctrine. Au sein même de ces versets, nous trouvons la
preuve de ce que nous avançons, car Dieu a dit : « L’aveugle ne
saurait être égalé au clairvoyant »210 ; l’aveugle désigne ici
l’infidèle, et le clairvoyant le croyant. Dans le verset : « Ni les
ténèbres à la lumière »211, Il veut dire : Ni l’infidélité à la foi.
Dans : « Ni l’ombre à la chaleur »212, il veut dire : Ni le paradis à
l’enfer. Dans : « Les morts ne sauraient être égalés aux
vivants »213 il fait allusion à ceux qui comprennent et aux
ignares. Il dit ensuite : « Dieu fait entendre qui Il veut, mais tu ne
peux faire entendre ceux qui sont dans les tombes », ce qui
signifie : « Tu ne peux faire entendre les ignares, qui sont tels des
morts dans leurs tombes ». On trouve de nombreux passages
analogues dans le Coran.
264[En tout cas], les « morts » dont il parlait par métaphore pour
les « ignorants » ne sont en aucun cas les martyrs de Badr, et nos
adversaires sont mal venus d’en tirer argument contre nous : ces
martyrs sont vivants, comme Dieu le dit.
265182 d. — Lorsqu’il disait : « Seigneur, Dieu des corps
périssables et des esprits consumables », il parlait de choses
connues de chacun et constatables de visu.  Lorsque les hommes

77
perdent quelque chose, // cette chose est pour eux anéantie et
disparue. Mais pour Dieu, elle ne disparaît pas : Il sait ce qu’elle
est devenue.
266On sait qu’un homme gros et gras lorsqu’il est en bonne santé
peut perdre la moitié ou les deux tiers de son poids après avoir
été malade un ou deux jours ; nous ne savons pas où est allée
toute cette chair. Pour nous, elle est disparue, consumée, mais
Dieu, Lui, sait où elle est allée et ce qu’elle est devenue. Si on
laisse séjourner de l’eau dans un grand récipient de verre
plusieurs jours, l’eau disparaît en partie, ou en totalité si l’on
prolonge l’expérience, à cause de la chaleur. Or le verre ne saurait
absorber l’eau, car il n’est pas poreux. Nous ne savons pas où est
allé le contenu du récipient. Dieu, Lui, le sait. Si nous soufflons
sur une lampe, sa lumière s’éteint et disparaît. Pour nous, elle est
évanouie, et nous ne savons pas où elle est partie. Mais Dieu sait
où et comment elle est partie.
 214 ḥawṣāla,  pl. ḥawāṣil, « gésier ». Lisān,  XIII, 163
= Tāğ,  VII, 279. Voir ḤAN. I, 266.

 215 ‘illiyūn, Tāğ,  X, 251. Voir aussi BLACHÈRE, trad., p. 642.

 216 Lisān, XVII, 65 ; Tāğ, X, 251. D’après Tāğ,


‘illiyyūn et siğğīn se font vis-à-vis.

 217 ḤAN. III, 455, 456.

267Il en est de même pour les esprits : pour nous, ils se


consument, mais comme l’a dit le Prophète, ils sont « dans le
jabot d’oiseaux verts »214, ou bien ils se trouvent « dans les
régions supérieures du ciel »215, ou « dans la vallée de
l’enfer »216, ou encore « ils planent dans l’air »217, etc… //
***

XXX. — EXEMPLE DE DEUX ḤADĪṮ-S CONTRADICTOIRES

78
 218 Cf. ḤAN. III, 24, 34, 36 ; IV, 118, 121, etc…

 219 Cf. ḤAN. III, 399 (première partie seulement).

268183. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit :


« Que les meilleurs d’entre vous vous servent d’imām-s :  ils
seront votre délégation vers le paradis »218 ; « Votre Prière est
votre offrande : ne mettez en avant de vous que les meilleurs
d’entre vous »219.
 220 Cf. BUḪ. 10, 56 = I, 235 ; ḤAN. V, 159.

269D’autre part, vous dites : « Faites la Prière derrière n’importe


quel individu, qu’il soit homme de bien ou impie »220. Il y a là
divergence et contradiction.
270184. — Réponse : Nous affirmons qu’il n’y a là, grâce à Dieu,
ni divergence, ni contradiction. Le premier ḥadīṯ  comme le second
doivent être employés en temps et lieu. Si chacun d’eux est
considéré dans son contexte, il n’y a plus de contradiction.
 221 Cf. ḤAN. III, 24, 34, 84, 163, etc…

271Lorsqu’il disait : « Que les meilleurs d’entre vous vous servent


d’imām-s,  ils seront votre délégation vers le paradis ; ne mettez
en avant de vous que les meilleurs d’entre vous », il pensait
aux imām-s  des mosquées, dans les tribus et les campements. [Il
voulait dire] : « Ne mettez en avant que le meilleur d’entre vous,
l’homme craignant Dieu et récitant le Coran ; ne choisissez pas
l’impie analphabète »221.
272184 a. — Mais lorsqu’il disait : « Faites la Prière derrière
n’importe quel individu, homme de bien ou pervers. Un imām  est
indispensable, qu’il soit homme de bien ou pervers », il pensait au
souverain, ciment de la communauté, qui dirige les gens aux
Prières du Vendredi et pendant les fêtes. // [Il voulait dire] : « Ne

79
vous soulevez pas contre lui, n’entrez pas en rébellion, ne vous
séparez pas de la communauté des Musulmans, même si votre
chef est pervers, car un imām  est indispensable, qu’il soit homme
de bien ou pervers. Les hommes ne se tiendront bien et ne vivront
dans la discipline qu’à cette condition ».
 222 Ce ḥadīṯ  figure dans Lisān,  X, 270 et Tāğ, V, 540.

273On comparera le propos d’al-Ḥasan : « Les hommes ne


peuvent se passer de tuteurs (waza‘a) », c’est-à-dire de
souverains qui les empêchent de se nuire, de se montrer
gravement injustes, de verser le sang et de s’approprier des biens
abusivement222.
***

XXXI. — EXEMPLE DE DEUX ḤADĪṮ-S CONTRADICTOIRES


 223 BUḪ. 46, 33 = HM II, 153 ; ḤAN. I, 79, 188 ; II, 163, 193,
etc…

274185. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit :


« Quiconque est tué en défendant son bien est un martyr »223.
 224 ḤAN. IV, 226 ; cf. BUḪ. 92, 9 = HM IV, 481.

 225 Cf. BUḪ. 87, 2 = HM IV, 407 ; cf. aussi Ḥan. II, 100.

275D’autre part, vous dites : « Reste dans ta maison ; si l’on vient


t’y trouver, entre dans ton cabinet ; si l’on force ta porte, dis : —
Expie mon péché et le tien ! »224 ; « Sois ‘Abd Allāh qui est tué,
et non ‘Abd Allāh qui tue : Dieu vous a donné en exemple les
deux fils d’Adam ; choisissez la meilleure [attitude] et laissez la
plus mauvaise »225. Ce ḥadīṯ  est incompatible avec
le ḥadīṯ  précédent. //

80
276186. — Réponse : Nous affirmons que chacun des deux ḥadīṯ-
s  a un emploi différent. S’ils sont employés chacun à leur lieu et
place, il n’y a pas d’incompatibilité.
 226 On n’a pas retrouvé ce ḥadīṯ.

277En disant : « Quiconque est tué en défendant son bien est un


martyr », il entendait : « Quiconque combat des brigands qui en
veulent à ses biens, et est tué chez lui ou au cours de ses
voyages ». C’est pourquoi un autre ḥadīṯ  dit : « Si tu trouves un
individu dans ta maison, ne sois pas le plus poltron des
deux »226, ce qui signifie : Affronte-le l’arme à la main. Telle est
l’application du premier ḥadīṯ.
 227 BUḪ. 87, 2 = HM IV, 407 ; 92, 10 = HM IV, 481 ; ḤAN. IV,
401.

278En disant : « Reste dans ta maison, etc… », il entendait : Fais


cela en période de troubles, de divergence d’opinions entre les
hommes ou de rivalité entre deux souverains, chacun d’eux
réclamant le pouvoir et prétendant y avoir droit pour telle ou telle
raison. Ce ḥadīṯ  veut dire : « Reste chez toi, à ce moment, ne tire
pas le sabre et ne tue personne, car tu ne sais laquelle des deux
factions est dans son droit et laquelle est dans son tort ; mets
[aussi] ton propre sang à l’abri de l’une comme de l’autre ».
D’ailleurs, à propos de telles périodes, il a dit : « Celui qui tue et
celui qui est tué sont destinés à l’enfer »227.
 228 Coran, XLIX, 9.

279186 a. — Il y a bien le verset : « Si deux partis de Croyants se


combattent, rétablissez entre eux la concorde. Si // l’un d’eux
persiste en sa rébellion contre l’autre, combattez le parti rebelle
jusqu’à ce qu’il s’incline devant l’ordre de Dieu ! »228. Mais cet
ordre est valable pour l’ensemble [des Musulmans] après la
tentative de réconciliation, et si l’un d’eux a fait acte de rébellion.
81
Lorsqu’il s’agit d’un, deux ou trois individus et que la grande
masse des gens ne se rassemble pas pour réconcilier les deux
groupes, il nous est ordonné de rester chez nous, et de protéger
notre religion, en y dévouant nos personnes et nos biens.
***

XXXII. — EXEMPLE D’UN ḤADĪṮ INFIRMÉ PAR LA


SPÉCULATION ET LA TRADITION HISTORIQUE
 229 ḤAN. I, 111 ; Cf. I, 83, 88, 136, 146, 156.

280187. — Proposition : Vous enseignez d’après al-A‘maš — ‘Amr


b. Murra — Abū l-Baḫtarī que ‘Alī a dit : « Le Prophète m’envoya
au Yémen pour y rendre la justice. Je lui objectai : — Je n’ai
aucune expérience du métier de juge ! Alors il frappa ma poitrine
de sa main en disant : — Seigneur ! Guide son cœur et raffermis
sa langue ! Depuis lors, je n’ai jamais hésité dans un jugement à
rendre jusqu’à ce que je m’assoie parmi vous ! »229.
 230 Voir l’index, s. ğadd.

 231 BUḪ. 88, 2 = HM IV, 425 ; ḤAN. I, 217, etc… Cf. ḤAN. I,


247.

 232 Cette anecdote ne figure pas dans le ḥadīṯ.

281D’autre part, vous rapportez qu’il rendit des jugements


différents sur les umm walad  ;  il disait une chose, puis revenait
sur sa décision ; il rendit des jugements différents sur le statut du
grand père ; tout cela bien qu’il ait dit : « Quiconque veut pénétrer
au tréfonds de la Géhenne n’a qu’à rendre des jugements sur le
statut du grand-père ! »230. Il se repentit d’avoir condamné des
renégats au bûcher après avoir entendu parler de la fatwā  d’Ibn
‘Abbās231 ; il fit administrer quatre-vingts coups de verges à un
ivrogne qui en mourut : il paya alors le prix du sang en disant :
« J’ai payé le prix du sang, car c’est une règle // que nous avons

82
établie entre Musulmans » ; or il avait préconisé à ‘Umar une
sanction de quatre-vingts coups de verges pour consommation de
vin. Il avait décidé de lapider l’affranchie ( mawlāt) d’un marchand
de bois ; or il entendit dire à ‘Uṯmān : « Il ne faut appliquer les
sanctions canoniques qu’à ceux qui les connaissent : cette femme
ne les connaît pas ! » ; en effet, c’était une persane. Il se conforma
à l’avis de ‘Utmān232. Il eut une discussion avec Zayd b. Ṯābit à
propos de l’esclave qui se rachète (mukātab)  et Zayd le réduisit au
silence. A propos de l’affaire des deux arbitres, il dit :
« J’ai fait un faux pas dont je ne me relèverai pas !
Je serai plus habile à l’avenir, et je persévérerai !
Je rassemblerai les opinions éparses et dispersées ! »
 233 Il paraît s’agir ici de la formule de répudiation triple
prononcée en une seule fois — ce qui est u (...)

282187 a. — Dāwūd b. Abī Hind rapporte d’après al-Ša‘bī que ‘Alī


revint sur son opinion considérant comme interdit le fait de
bloquer les trois répudiations en une seule233, ainsi que ses
opinions concernant l’amputation de la main à la racine des
doigts, et le fait de frotter les doigts des enfants coupables de vol.
 234 Coran, LXV, 2.

 235 Coran, II, 282.

 236 On sait qu’une révélation (Coran, III, 123) intervint pour


reprocher au Prophète d’avoir fait du qu (...)

 237 Il s’agissait du cas d’un homme ayant tué une femme : le


talion fut appliqué, mais la diya  de la fe (...)

 238 En vertu du même principe que ci-dessus, celui d’une


péréquation entre talion et prix du sang.

 239 La question de savoir si les Prières des Fêtes doivent avoir


lieu au muṣallā ou à la mosquée est tr (...)
83
283Il admit le témoignage des enfants les uns sur les autres ; or
Dieu a dit : « Requérez témoignage de deux personnes intègres
parmi vous »234 et ailleurs : « …ceux que vous agréerez comme
témoins »235. Au cours du qunūt du matin, il proféra à voix
haute des noms d’hommes236. Il préleva la moitié du prix du
sang d’un homme sur les ayants-droit du mort237. Il préleva la
moitié du prix du sang relatif à un œil sur une personne qui
exerçait le talion sur un borgne238. Alors que l’imām  se rendait
au muṣallā  pour la Prière de la fête, il chargea un homme de
guider la Prière des impotents dans la grande mosquée239. //
284Tous ces faits contredisent l’ensemble des juristes, des juges
et des gouverneurs, ses émules, et ne sont guère conformes à ses
paroles : « Je n’ai jamais hésité pour rendre un jugement jusqu’à
ce que je me trouve assis parmi vous ». Ils ne confirment guère
davantage l’invocation du Prophète : « Seigneur, raffermis sa
langue et son cœur ». Tout se passe comme s’il avait dit le
contraire dans son invocation !
285188. — Réponse : Nous prétendons que lorsque le Prophète
demanda à Dieu de raffermir sa langue et son cœur, il n’entendait
pas qu’il ne fît jamais un faux pas, qu’il n’omît ou ne négligeât
jamais rien ou qu’il ne se trompât en aucune circonstance, car ces
qualités n’existent chez aucune créature. Ce sont des qualités
propres au Créateur. Le Prophète connaissait trop bien Dieu, ainsi
que ce que l’on peut attendre ou ne pas attendre de Lui, pour Lui
demander [par exemple] de ne pas faire mourir telle ou telle
personne, puisque Dieu a décrété la mort pour toutes Ses
créatures ; ou pour Lui demander de ne pas faire vieillir telle ou
telle personne devenue très âgée, puisqu’il a fait de la décrépitude
une des constituantes et l’un des fondements de la nature
humaine.
 240 Coran, LXXXVII, 6.

84
286Comment le Prophète aurait-il pu demander en faveur de ‘Alī
[cette infaillibilité] en invoquant Dieu // puisque lui-même
pouvait à l’occasion omettre ou oublier quelque chose du Coran ;
d’ailleurs, Dieu a dit : « Nous te ferons réciter de telle sorte que tu
n’oublieras pas »240.
 241 Coran, VIII, 68. La « révélation précédente » pose un
problème. R. BLACHÈRE suppose qu’il peut s’ag (...)

 242 ḤAN. I, 30, 32.

287Il admit la rançon des captifs le jour de Badr, et le verset


suivant fut révélé : « N’était une prescription de Dieu venue
précédemment, un tourment immense vous aurait touchés à
propos de ce que vous avez pris »241. Et le Prophète dit : « Si un
tourment vous frappait, seul ‘Umar y échapperait ! », car ‘Umar
avait proposé de renoncer à la rançon et de mettre [les captifs] à
mort242.
 243 Coran, XVII, 74-75.

288188 a. — Le jour des Factions, il voulut se prémunir contre les


Polythéistes [en leur livrant] une partie de la récolte de Médine, si
bien qu’un Anṣārī  dut protester. Il faillit accepter la demande des
Polythéistes pour se les concilier, mais Dieu révéla : « Si nous ne
t’avions pas confirmé, tu aurais certes failli d’incliner vers eux
quelque peu. Nous t’aurions alors fait goûter le double de la vie et
le double de la mort. Ensuite, tu n’aurais plus trouvé de secours
contre Nous »243.
289Les prophètes antérieurs étaient également sujets à
l’inadvertance et à l’oubli. Il serait trop long d’énumérer tous ces
faits. Ils sont d’ailleurs bien connus des gens avertis.

85
290188 b. — Le Prophète a donc invoqué Dieu en faveur de ‘Alī
uniquement pour qu’il tombe juste le plus souvent possible, et
qu’il juge selon la vérité dans le plus grand nombre de cas.
 244 Coran, XIX, 13. BLACHÈRE : « tendresse ». Ce mot ne
paraît pas offrir de difficulté.

 245 Coran, IX, 114 = XI, 75. BLACHÈRE : « longanime ».

 246 Coran, LXIX, 36. BLACHÈRE, transcrit en supposant qu’il


s’agit d’un nom étranger de sens obscur. Mu (...)

 247 Coran, XVIII, 9. BLACHÈRE transcrit. Ce peut être un nom


propre attribué soit au chien des sept dor (...)

291On peut comparer l’invocation qu’il fit en faveur d’Ibn ‘Abbās,


pour que Dieu lui enseigne l’exégèse ( ta’wīl)  et le rende savant en
matière de religion. Or Ibn ‘Abbās, malgré cette intervention, ne
connaissait pas tout le Coran. // Il disait : « Je ne sais ce que
signifient ḥanān244, ni awwāh245, ni ġislīn246, ni al-
raqīm  »247. On lui prête des sentences juridiques inacceptables
et délaissées, comme celles qu’il émit sur la mut’a,  l’échange
(ṣarf,)  le [mariage] avec deux sœurs esclaves.
 248 BUḪ. 23, 81 = HM I, 438 ; 63, 40 = HM III, 36 ;
cf. BUḪ. 81, 51 = HM III, 310.

 249 Coran, IX, 113.

 250 Coran, XXVIII, 56.

292En outre, toutes les demandes que les prophètes ont pu faire
dans leurs invocations n’ont pas été exaucées. Notre Prophète
avait invoqué Dieu en faveur d’Abū Ṭālib et avait demandé la
rémission de ses fautes248, mais le verset suivant fut révélé : « Il
n’est ni du Prophète, ni des Croyants de demander pardon à Dieu
pour les Polythéistes, fussent-ils leurs proches, après qu’il s’est

86
avéré qu’ils sont promis à l’enfer »249. Il disait aussi : « Seigneur,
guide mon peuple ! », et c’est pourquoi Dieu révéla : « Tu ne
conduis point qui tu aimes, mais Dieu conduit qui Il veut »250.
293188 c. — Enfin, les opinions exprimées par ‘Alî et mentionnées
ci-dessus ne sont pas toutes condamnées, et leur auteur ne doit
pas être taxé d’erreur pour autant. Parmi les plus fautives, il faut
citer la question de la vente des umm walad : on les vendait à
l’époque du Prophète et sous le califat d’Abū Bakr en cas de dette
ou de nécessité. Ce fut ‘Umar qui interdit cette pratique par égard
pour leurs enfants, afin qu’ils ne soient pas en butte à la
réprobation et que la honte ne rejaillisse pas sur eux pour de
nombreuses raisons inhérentes à leurs mères // qui ne sont pas
libres. Tout le monde est d’accord sur le fait qu’une esclave ne
saurait sortir du patrimoine de son maître que par vente, donation
ou affranchissement. Or, l’umm walad  n’encourt aucun de ces
risques, et le statut des femmes esclaves lui est appliqué jusqu’à
la mort du maître. Pour quelle raison son enfant constituerait-il
un empêchement à la vente ? C’est là un principe que ‘Umar a
établi par appréciation subjective, en considération du sort des
enfants.
294Il va de soi que nous ne prenons point ce raisonnement à
notre compte, car il ne constitue pas notre doctrine ; nous avons
voulu attirer l’attention sur l’argument dont pouvait se prévaloir
‘Alī — tout comme ses prédécesseurs — pour préconiser ce
procédé et négliger l’interdiction qui avait pu en être faite.
 251 Cf. ḤAN. IV, 373, 374.

295188 d. — Ces gens sont loin des remarquables jugements de


‘Alī, si pénétrants dans leur complexité, si subtils qu’aucun grand
compagnon n’aurait été capable de les rendre, tels sa sentence
sur l’œil lésé ou crevé, ou atteint de telle sorte que l’acuité
visuelle s’en trouve diminuée en raison des rayures de la cornée ;
87
ou sa sentence sur la langue coupée qui diminue la faculté
d’élocution, // et qu’il rendit en tenant compte des sons séparés,
ou sa sentence sur la pinceuse, la sauteuse et la briseuse de cou ;
c’étaient trois petites filles qui jouaient ; la première monta sur les
épaules d’une de ses compagnes, et la troisième pinça cette
dernière. Celle qui servait de monture sursauta, celle qui était
montée tomba et brisa le cou de la troisième. ‘Alī ordonna alors le
partage du prix du sang en trois, mais supprima la part de celle
qui était montée, car elle avait cherché ce qui lui était arrivé ; ou
comme sa sentence au sujet de deux hommes qui se disputaient
le fils d’une femme avec laquelle ils avaient tous deux eu des
rapports pendant la même période intermenstruelle, prétendant
tous deux qu’il était leur fils. ‘Alī décida qu’il hériterait des deux
hommes, qui devaient lui léguer tous deux leurs biens, mais qu’il
appartiendrait au dernier vivant251.
296Ḥammād rapporte d’après Ibrāhīm que ‘Umar rendit le même
jugement et qu’il se trouva en accord avec lui sur ce point.
 252 Sakīna. Ce membre de phrase confirme la
trad. BLACHÈRE par « présence divine ». Cf. trad. BLACHÈRE, (...)

 253 BUḪ. 62, 6 = HM II, 597 ; ḤAN. II, 339 ; VI, 55.

297188 e. — ‘Umar rendait des jugements dignes du Coran ; le


moindre mot sorti de sa bouche effarouchait le Diable ; la
présence divine252 se manifestait par sa bouche. ‘Ā’iša déclarait
à propos de lui : « Par Dieu, c’était un homme habile, sans rival,
qui avait l’art d’équilibrer les choses », c’est-à-dire // habile
politique. Al-Mugīra parle de lui en ces termes : « Par Dieu, il
dédaignait d’avoir recours à la tromperie, et il était trop avisé
pour être trompé ». Al-Aḥnaf b. Qays dit à son sujet : « Par Dieu, il
connaît mieux ce qui sera que nous ne connaissons ce qui a
été ! » Il voulait dire qu’il savait choisir dans ses options et ne se

88
trompait pas. Le Prophète a dit de lui : « Chaque communauté a
ses inspirés et ses perspicaces. S’il en est un dans notre
communauté, c’est bien ‘Umar ! »253.
298Il cria à Sāriya b. Zunaym al-Du’alī, qui était en première ligne,
face à l’ennemi : « Sāriya ! la montagne ! la montagne ! » Et Sāriya,
comprenant ce qu’il voulait dire, s’adossa à la montagne et
combattit l’ennemi sur un seul front.
 254 Abū Ḥasan = ici ‘Alī. Habituellement : Abū l-Ḥasan.

299Néanmoins, ‘Umar déclarait à propos d’une affaire où il avait


été conseillé par ‘Alī : « Sans l’avis de ‘Alī, ‘Umar aurait péri ». Il
disait encore : « Que Dieu me préserve de toute affaire grave
qu’Abū Hasan ne sait résoudre »254.
 255 Coran, XLVI, 15.

 256 Coran, II, 233.

300J’ai entendu al-Zivādī — ‘Abd al-Wāriṯ — Yūnus — al-Ḥasan


dire que l’on amena à ‘Umar une femme qui avait accouché à six
mois, et sur laquelle on murmurait. ‘Alī lui dit : « Cela peut
arriver ; Dieu a dit : — Du [début de] la gestation jusqu’au
sevrage, [il y a] trente mois255. Il a dit en outre : — Les mères //
allaitent leurs enfants deux années entières »256.
***

XXXIII. — EXEMPLE DE DEUX ḤADĪṮ-S CONTRADICTOIRES


 257 MĀLIK, 54, 35 ; Ḥan. II, 186, 214.

301189. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit :


« Dans le voyageur solitaire, il y a un démon ; dans deux
voyageurs, il y a deux démons ; trois voyageurs constituent [déjà]
une caravane (rakb) »257.
 258 Voir p. ex. ABŪ DĀWŪD, 11, 96.

89
 259 Voir p. ex. BUḪ. 61, 25 = HM II, 570.

302D’autre part, vous dites que le Prophète dépêchait un courrier


tout seul258 et que lorsqu’il émigra, il partit avec Abū Bakr259.
303Comment un voyageur solitaire peut-il être un démon ? En
effet, il est exclu qu’il ait voulu dire autre chose que « le voyageur
solitaire doit être considéré comme un démon » ; ou « devient un
démon ». Voilà qui est impossible !
304190. — Réponse : Nous prétendons qu’en disant : « Dans le
voyageur solitaire, il y a un démon », il songeait à l’isolement et à
la désolation, car le Démon menace [les isolés] tout comme les
voleurs ou les fauves. Lorsqu’un individu part seul, il s’expose
[aux entreprises] du Démon, tout comme [à celles] de n’importe
quel ennemi, bête féroce ou brigand, auquel le Démon est
assimilable.
305Il a dit : « Dans deux voyageurs, il y a deux démons » car
chacun d’eux est [personnellement] exposé à tous ces dangers ;
ce sont donc deux démons. Mais dès qu’ils se réunissent à trois,
on ne peut plus parler de solitude, mais de compagnie, si bien
que personne ne les menace plus.
 260 Coran, V, 75.

 261 Coran, XXV, 7.

306La langue // arabe est toute en démonstrations, en allusions


et en comparaisons. On dit : « Untel est long du baudrier » (c’est
la courroie qui maintient le sabre), même si cet homme n’a jamais
porté un sabre de sa vie ; pour dire : Il est de haute taille. On fait
allusion à sa taille par la longueur de son baudrier, car un
baudrier court ne convient pas à un homme grand. Les Arabes
disent encore : « Untel possède un gros tas de cendres », même
s’il n’y a pas de cendre chez lui, ni à sa porte. Ils veulent dire : Il a

90
l’hospitalité facile et son feu brûle en permanence. Or si l’on
allume beaucoup de feu, il y a beaucoup de cendre. Dieu dit dans
le Coran : « Le Messie, fils de Marie, n’est qu’un Apôtre avant
lequel les apôtres antérieurs ont passé. Sa mère était une sainte.
Ils prenaient de la nourriture »260. Dans le fait de prendre de la
nourriture, il est fait allusion à la rupture de la pureté (ḥadaṯ), car
quiconque mange doit nécessairement rompre sa pureté. Dieu fait
dire aux Polythéistes à propos du Prophète : « Qu’a donc ce
[prétendu] Envoyé à prendre de la nourriture et à aller dans les
marchés ? »261. Il est fait allusion ici, par le fait d’aller dans les
marchés, aux nécessités qui assaillent les hommes et les obligent
à fréquenter les marchés. Les Polythéistes étaient censés
s’imaginer que le Prophète, envoyé de Dieu sur terre, était
exempté par Lui d’avoir recours à ses semblables et n’avait pas
besoin d’eux.
307190. — Ils disent : « Il dépêchait un courrier tout seul ». Il
s’agit du messager qu’on envoie // de ville en ville pour échanger
de la correspondance. On l’appelle aussi fayğ.  On l’envoyait de
ville en ville tout seul, mais on lui conseillait de se joindre en
cours de route à des compagnons qui lui seraient une société.
Ceci se pratique en tout temps. Quiconque veut écrire une lettre
et la faire parvenir par courrier à une ville éloignée n’est pas tenu
de louer les services de trois hommes en vertu de la phrase du
Prophète : « Un seul homme est un démon, deux hommes sont
deux démons, mais trois sont une caravane ». Mais le messager
est tenu, lorsqu’il part, de se chercher une compagnie et d’éviter
la solitude.
308190 b. — En ce qui concerne le départ du Prophète avec Abū
Bakr lors de leur émigration, ils redoutaient à ce moment là les
entreprises des Polythéistes contre leur vie, et ils furent contraints
de s’en aller. On peut penser qu’ils souhaitèrent s’intégrer à une
caravane, tout comme l’homme qui quitte sa maison tout seul
91
espère trouver des compagnons de route. Dès qu’il leur fut
possible de rechercher de la société, Abū Bakr loua les services
d’un guide des Banū l-Dīl, et s’adjoignit la compagnie de ‘Āmir //
b. Fuhayra, son mawlā.  Ils entrèrent à Médine à quatre ou cinq.
***

XXXIV. — EXEMPLE DE DEUX ḤADĪṮ-S CONTRADICTOIRES


 262 BUḪ. 86, 7 = HM IV, 377.

309191. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit :


« Que Dieu maudisse le voleur ! S’il vole un œuf, on lui coupera la
main ; s’il vole une corde, on lui coupera la main ! »262.
 263 BUḪ. 86, 13 = HM IV, 380.

310Vous enseignez d’autre part qu’il a dit : « Pas d’amputation


pour [un vol inférieur à] un quart de dinar »263.
311Le premier ḥadīṯ  sert d’argument aux Ḫāriğites, car ils
déclarent : « L’amputation pour vol vaut pour un petit larcin
comme pour un grand ».
 264 Coran, V, 38.

312192. — Réponse : Nous affirmons que lorsque Dieu révéla le


verset : « Au voleur et à la voleuse, tranchez les mains en
récompense de ce qu’ils se seront acquis et en châtiment de
Dieu »264 ; le Prophète dit : « Que Dieu maudisse le voleur ! S’il
vole un œuf, on lui coupera la main ; etc… » conformément à la
lettre de la révélation à ce moment. Puis Dieu lui inspira que
l’amputation ne pouvait avoir lieu pour moins d’un quart de dinar.
Or le Prophète ne connaissait des sentences de Dieu que ce qu’il
lui enseignait, et Dieu ne lui enseignait pas cela en bloc, mais Il le
lui révélait petit à petit.
 265 DĀRIMĪ, intr., 48.

92
313Gabriel lui transmettait les traditions normatives tout
comme // il lui transmettait le Coran. C’est pourquoi il a dit : « Le
Coran me fut apporté, ainsi que des choses analogues »265,
c’est-à-dire les traditions normatives.
 266 BUḪ. 56, 152 = HM II, 352 ; ḤAN. III, 107, 163, etc…

314On sait qu’au début de l’Islam, il coupa les mains et les pieds
des gens de ‘Urayna, leur brûla les yeux et les abandonna dans le
désert de rocaille jusqu’à ce que mort s’ensuivît266. Par la suite,
il interdit la mutilation (muṯla)  parce que les peines légales ne lui
avaient pas encore été révélées à ce moment. Ainsi, il leur infligea
le talion le plus dur pour leur trahison et leur ingratitude ; il les fit
exécuter par ses gardiens de troupeaux et leur ordonna de
ramener leurs chameaux. Par la suite, les peines légales furent
révélées et il interdit la mutilation.
 267 Sur idāwa, voir Tāğ,  X, 12, s.v. et II, 163, s. saṭīḥ.

315192 a. — Il est des juristes pour prétendre que le


mot bayḍa  (œuf) désigne dans ce ḥadīṯ  le casque de fer qui
protège la tête des combattants et que le mot ḥabl  (corde)
désigne les câbles de marine, car chacun de ces deux articles
coûte de nombreux dinars. Cette interprétation est irrecevable
pour qui connaît bien sa langue, et les modes d’expression des
Arabes. En effet, il ne s’agit pas ici d’insister sur la valeur
considérable de l’objet volé ni de mettre l’accent sur un « œuf »
valant plusieurs dinars, ou sur une « corde » énorme qu’un voleur
ne saurait emporter. En effet, il n’est pas dans les habitudes de
langage des Arabes ni des Persans de dire : « Que Dieu enlaidisse
Untel, qui s’est exposé // à la bastonnade pour un collier de
perles, ou qui s’est exposé à être jeté aux fers pour un sac de
musc ». Ils disent bien plutôt dans ce cas : « Que Dieu le

93
maudisse, car il s’est exposé à l’amputation de la main pour une
vieille corde, ou une pelote de laine, ou une outre usée »267.
 268 En d’autres termes, les Arabes — et semble-t-il aussi les
Persans — n’hésitent pas à proférer les i (...)

316Plus l’objet [volé] est insignifiant, plus l’expression porte268.


***

XXXV. — EXEMPLE DE DEUX ḤADĪṮ-S CONTRADICTOIRES


 269 Ḥan. III, 453.

317193. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète demanda


à Dieu de le préserver de la pauvreté et dit : « Je Te demande de
me faire riche, et de faire riche mon mawlā ! »269.
 270 Ce ḥadīṯ  se retrouve dans Lisān, XVII, 79 = Tāğ, IX, 237.

 271 Ce ḥadīṯ  se trouve dans Tāğ,  III, 387, s. ‘iḏār.

318Vous enseignez d’autre part qu’il a dit : « Seigneur, fais-moi


vivre misérable (miskīn), fais-moi mourir misérable et ressuscite-
moi au nombre des misérables »270. Il a dit encore : « La
pauvreté, pour le Croyant, vaut mieux qu’une bonne longe sur la
joue du cheval »271.
319Il y a là contradiction et divergence.
 272 Tāğ,  IX, 238.

 273 Voir Lisān,  XVII, 80.

 274 Voir Lisān,  XVII, 80, où tout ce passage figure presque


dans les mêmes termes.

320194. — Réponse : Nous prétendons qu’il n’y a là, grâce à Dieu,


aucune divergence. Ils se sont trompés dans leur interprétation et
ont confondu malencontreusement. Ils ont confondu « pauvreté »

94
et « misère », qui sont deux choses différentes. S’il avait dit :
« Seigneur, fais-moi vivre pauvre, fais-moi mourir pauvre et
ressuscite-moi au nombre des pauvres ! », il y aurait
contradiction, comme ils le prétendent. Dans l’expression
« ressuscite-moi au nombre des misérables », la « misère » //
représente l’humilité et l’abaissement. Tout se passe comme s’il
demandait à Dieu de ne pas le compter au nombre des
oppresseurs et des orgueilleux et de ne pas le ressusciter dans
leur lot. Le mot maskana  (misère) dérive de sukūn  (calme,
douceur). On dit tamaskana  dans le sens d’être doux, modeste,
humble, soumis. C’est en ce sens que le Prophète a dit à celui qui
fait la Prière : « Soumets-toi, sois humble (tamaskan)  et baisse la
tête ! »272, c’est-à-dire : fais preuve d’humilité et de modestie
devant Dieu. Les Arabes disent : « C’est sur moi, malheureux,
qu’est descendu l’ordre ! »273 ; il ne s’agit pas de « pauvreté »
mais d’« abaissement » et de « faiblesse ». De même lorsque le
Prophète dit à Qayla : « O misérable (miskīna) »,  il ne voulait pas
dire : O pauvresse ! mais il faisait allusion à sa faiblesse274.
 275 Coran, XCIII, 6-8.

321La preuve de ce que j’avance, c’est que si le Prophète avait


demandé à Dieu la « pauvreté », Dieu la lui aurait refusée,
puisqu’il le rappela à Lui riche et aisé, après l’avoir comblé, bien
qu’il n’eût jamais cherché à entasser les dirhems. Lorsqu’un
homme laisse des vergers comme ceux que le Prophète laissa à
Médine, des propriétés comme les siennes — notamment Fadak
—, on ne saurait dire qu’il est mort « pauvre ». Dieu a dit : « Ne te
trouva-t-il point orphelin // si bien qu’il te donna un refuge ? Ne
te trouva-t-Il point égaré si bien qu’il te guida ? Ne te trouva-t-Il
point pauvre, si bien qu’il t’enrichit ? »275. Le mot ‘ā’il  signifie
« pauvre », qu’on ait des personnes à charge ou non. La situation
du Prophète au début de son apostolat et sa situation à sa mort

95
confirment les paroles de Dieu, car il débuta pauvre et mourut
riche. Cela prouve aussi que la « misère » qu’il demandait à Dieu
n’était pas la « pauvreté ».
322194 a. — Lorsque le Prophète a dit que la pauvreté vaut mieux
pour le Croyant qu’une bonne longe sur la joue d’un cheval, c’est
que la pauvreté est un des pires fléaux de ce monde, et une
épreuve douloureuse. Lorsque quelqu’un supporte patiemment
les malheurs pour plaire à Dieu et se contente de son lot, Dieu lui
confère par là une auréole en ce monde et lui réserve une grande
récompense dans l’autre. La pauvreté et la richesse sont
comparables à la maladie et à la santé : Celui que Dieu éprouve
par la maladie et qui prend son mal en patience est comme celui
qui subit la pauvreté avec résignation. La récompense que Dieu
attache à cette attitude ne nous empêche d’ailleurs pas de lui
demander la santé ni de le prier de nous accorder l’immunité.
323Certains, préférant la pauvreté à la richesse, pensent // qu’il
demandait à Dieu de le préserver de la pauvreté d’âme. Ils arguent
de l’expression « Untel est pauvre d’âme » même lorsqu’il est en
bonne condition et « Untel est riche d’âme » même lorsqu’il est en
mauvaise condition. Mais c’est là une erreur.
 276 Allusion à Coran, VI, 152 ; XVI, 125 ; XXIII, 97 ; XXIX,
44 ; XLI, 33.

 277 Coran, XXI, 35.

324Je ne sache pas qu’aucun prophète, ni aucun compagnon de


prophète, ni aucun fidèle, ni aucun muğtahid  ait jamais dit :
« Seigneur, rends-moi pauvre » ou « fais-moi tomber malade ! ».
Dieu n’a jamais exigé qu’on l’adorât de cette façon, mais bien
plutôt en disant : « Seigneur, accorde-moi ma subsistance !
Seigneur, accorde-moi la santé ! » Les hommes disaient :
« Seigneur, éprouve-moi de la manière la meilleure ! »276 ; c’est-

96
à-dire : ne nous mets à l’épreuve que par le bien, et non par le
mal ; en effet, Dieu peut éprouver Ses serviteurs par l’un ou par
l’autre, afin de connaître soit leur gratitude, soit leur résignation.
Dieu a dit : « Nous vous éprouvons par le mal et par le bien en
manière de tentation »277, c’est-à-dire d’épreuve. Mutarrif
disait : « J’aime mieux être épargné et manifester ma gratitude
que d’être éprouvé et de manifester ma résignation ».
325Abū Muḥammad dit : J’ai parlé de cela dans mon livre sur
le Ġarīb al-ḥadīt-s  avec un commentaire plus développé.
Toutefois, il convenait d’y faire allusion également dans le présent
ouvrage afin de ne rien omettre de ce qui concerne la matière
traitée ici.
***

XXXVI. — EXEMPLE DE DEUX ḤADĪṮ-S CONTRADICTOIRES


 278 BUḪ. 46, 30, = HM II, 151 ; 74, 1 = HM IV, 86 ; 86, 1 =
HM IV, 375 ; 86, 6 = HM IV, 377.

326195. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète // a dit :


« Le fornicateur, au moment où il fornique, n’est plus Croyant ; le
voleur, au moment où il commet le vol, n’est plus Croyant »278.
 279 BUḪ. 60, 47 = HM II, 516 ; ḤAN. III, 135, 224.

327D’autre part, vous enseignez qu’il a dit : « Quiconque proclame


qu’il n’y a d’autre divinité que Dieu est promis au paradis, même
s’il commet l’adultère et le vol »279.
328Il y a là contradiction et divergence.
 280 Coran, XII, 17.

329196. — Réponse : Nous prétendons qu’il n’y a là ni


contradiction ni divergence, car la « foi » (imān)  en arabe désigne
le fait d’« ajouter foi » (taṣdīq).  Dieu dit : « Tu ne vas pas avoir foi
en nous, bien que nous soyons sincères »280 ; c’est-à-dire : tu
97
ne vas pas ajouter foi à nos paroles. C’est ainsi qu’on dit
couramment : « Je n’ai foi en rien de ce que tu dis », pour dire : je
n’y ajoute pas foi.
 281 Coran, LXIII, 3.

 282 Coran, II, 62 ; cf. XXII, 17. On notera que le texte porte à


deux reprises : « man āmana  minhum bil (...)

 283 Il semble qu’il faille compléter le texte ainsi ; à moins de


supposer que la négation lā est de tro (...)

330196 a. — Les gens qu’on qualifie de « croyants » se divisent en


trois catégories : d’abord, ceux qui croient de la langue, mais non
du cœur, comme les Hypocrites, et qui disent : « Nous avons
cru ». Dieu a dit au sujet des Hypocrites : « Ils ont cru en effet,
puis ont été infidèles »281 ; Il a dit ailleurs : « Ceux qui croient,
ceux qui pratiquent le Judaïsme, les Chrétiens et les Sabéens »,
puis « ceux qui croient en Dieu et au Dernier Jour »282, car [les
gens de cette première catégorie] ne croient ni en Dieu ni au
Dernier Jour. S’il avait voulu désigner les Musulmans par
l’expression : « ceux qui croient », Il n’aurait pas dit : « ceux qui
croient en Dieu et au Dernier Jour », car ce sont [les autres] qui ne
croient pas en Dieu ni au Dernier // Jour283. Il s’agit donc en fait
des Hypocrites, qui croient de la langue, de ceux qui pratiquent le
Judaïsme et des Chrétiens.
 284 Irhāṣ = iṯbāt  ; Tāğ, IV, 400.

331Les gens de cette catégorie, de même que les Hypocrites, ne


sont pas pour nous des « Croyants », même si nous disons : « Ils
ont cru », car leur « croyance » ne résulte ni d’une adhésion, ni
d’une intention. De même, nous disons de celui qui désobéit aux
prophètes : « Il a désobéi, il s’est égaré », mais nous n’employons
pas à leur égard les participes « désobéissant » et « égaré », car sa

98
faute ne procède ni d’une affirmation284, ni d’une adhésion,
comme c’est le cas pour les ennemis de Dieu.
332196 b. — Il y a ensuite les gens qui croient de la langue et du
cœur, mais qui, bien qu’ils se souillent par le péché et qu’il y ait
des failles dans leur soumission, ne persévèrent pas [dans
l’erreur]. Nous disons : « Ils croient, et ce sont des Croyants » tant
qu’ils se tiennent à l’écart des péchés graves. Mais lorsqu’ils y
succombent, ils ne sont plus des Croyants — c’est-à-dire de ceux
qui ont une foi parfaite — au moment où ils commettent de tels
péchés.
333On voit que le Prophète a dit : « Le fornicateur, au moment où
il fornique, n’est plus croyant », entendant par là le moment exact
où il commet sa faute, car auparavant, ce n’était pas un pécheur
endurci et on pouvait le qualifier de « Croyant », et après la faute,
ce n’est pas davantage un pécheur endurci, et on peut le qualifier
de « Croyant repentant ».
 285 BUḪ. 86, 20 = HM IV, 384.

334Un autre ḥadīṯ  éclaire encore mieux cette question. Le voici :


« Lorsque l’individu adultère fornique, il est privé de la foi ;
lorsqu’il se repent, il en est de nouveau revêtu »285.
335196 c. — Une troisième catégorie est celle des gens qui croient
de la langue et du cœur, accomplissent les devoirs rituels et
évitent // les péchés graves : ce sont là les vrais Croyants qui
remplissent les conditions de la foi.
 286 BUḪ. 78, 29 = HM IV, 151 ; ḤAN. I, 387 ; II, 288, 336,
etc…

336Le Prophète a dit : « Il n’est pas croyant, celui dont le voisin
n’est pas à l’abri de ses méchancetés »286, c’est-à-dire : ce n’est
pas un croyant accompli.
 287 ḤAN. III, 154.
99
337Il a dit encore : « Il n’est pas croyant, celui dont la langue et la
main n’épargnent pas les Musulmans »287, c’est-à-dire : ce n’est
pas un croyant accompli.
 288 Cf. BUḪ. 2, 21 = HM I, 19.

338Il a dit encore : « Il n’est pas croyant, celui qui passe la nuit
rassasié tandis que son voisin dort le ventre creux »288, c’est-à-
dire : ce n’est pas un croyant accompli.
 289 ḤAN. II, 418 ; V, 381 ; VI, 382.

339On peut comparer le ḥadīṯ  :  « Il n’y a pas d’ablution pour


quiconque ne mentionne pas le nom de Dieu en la faisant »289,
ce qui signifie : il n’y a pas d’ablution parfaite, ni méritoire.
 290 Cf. BUḪ. 2, 1 = HM I, 11, où une sentence analogue est
attribuée à ‘Umar b. ‘Abd al-‘Azīz.

340C’est dans le même sens que ‘Umar a dit : « Quiconque


n’accomplit pas le pèlerinage n’a pas la foi »290, c’est-à-dire :
une foi parfaite.
341Enfin, on dit : « Untel n’a pas de raison » pour dire : il n’a pas
beaucoup de raison ; ou « Untel n’a pas de religion » pour dire : il
n’a pas une religion parfaite.
342196 d. — Le ḥadīṯ  :  « Quiconque déclare : Il n’y a d’autre
divinité que Dieu, est promis au paradis, même s’il commet
l’adultère et le vol » suppose l’une ou l’autre des deux
explications suivantes : 1) il peut avoir dit cela en considération
des conséquences ; c’est-à-dire : la conséquence de sa conduite
sera le paradis, même s’il est puni pour avoir forniqué et volé ; 2)
ou encore il peut bénéficier de la miséricorde divine et de
l’intercession du Prophète, et entrer au paradis grâce au
témoignage qu’il n’y a d’autre divinité // que Dieu.

100
 291 Cette sentence ne paraît pas avoir été retenue par les
compilateurs.

343196 e. — J’ai entendu Isḥāq b. Ibrāhīm b. Ḥabīb b. al-Šahīd —


son père — son grand père — al-Ḥasan dire que la formule : Il n’y
a d’autre divinité que Dieu est le prix du paradis291.
 292 Cf. TIR. 34, 27.

344J’ai entendu Muḥammad b. Yaḥyā al-Qaṭa’ī — ‘Umar b. ‘Alī —


Mūsā b. al-Musayyab al-Ṯaqafī — Sālim b. Abī l-Ğa’d — al-Ma’rūr
b. Suwayd — Abū Ḏarr : Le Prophète a dit : Votre Seigneur a dit :
— Fils d’Adam, m’apporter l’équivalent de la terre serait une
erreur ; si seulement tu ne M’associes personne, je t’accorderai
son équivalent en pardon ; sans M’occuper du reste »292.
 293 ḤAN. II, 75 ; IV, 404… ; V, 232, etc…

345J’ai entendu Abū Mas‘ūd al-Dārimī, descendant de Ḫirāš — son


grand père — Anas b. Mālik : Le Prophète a dit : « Il m’a été donné
de choisir entre [la faculté] d’intercession et l’admission [d’office]
de la moitié de ma communauté au paradis. J’ai choisi
l’intercession, car elle est plus générale et plus large. Peut-être
pensez-vous qu’elle est réservée à ceux qui craignent Dieu ? Pas
du tout : elle concerne tous ceux qui sont entachés de
péchés »293.

XXXVII. — EXEMPLE DE DEUX ḤADĪṮ-S CONTRADICTOIRES


 294 ḤAN. VI, 35, 43, 67, etc...

346197. — Proposition : Vous enseignez d’après Ḥammād —


Ibrāhīm — al-Aswad — que ‘Ā’iša a dit : « Je frottais le sperme qui
tachait le vêtement du Prophète afin qu’il puisse le revêtir pour
prier »294. // Certains en ont déduit qu’il était licite de frotter le
sperme sur le vêtement et de prier dans ce vêtement. Ils en ont
fait une Sunna.

101
 295 BUḪ. 4, 64, 65 = HM I, 92, 93 ; ḤAN. III, 485 ; VI, 47.

347D’autre part, vous rapportez d’après ‘Amr b. Maymūn b.


Mihrān — Sulaymān b. Yasār : J’ai entendu ‘Ā’iša dire qu’elle lavait
les traces de sperme [restées] sur le vêtement du Prophète. Elle
aurait dit cela, puis lui aurait montré un ou plusieurs endroits sur
le vêtement en question295.
348Certains se sont réclamés de cette tradition pour refuser de
frotter les traces de sperme, et ne considèrent comme licite que le
lavage du vêtement dans lequel on veut faire la Prière. Il y a là
divergence et contradiction.
349198. — Réponse : Nous prétendons qu’il n’y a là ni divergence,
ni contradiction. En effet, ‘Ā’iša opérait par frottement lorsque le
sperme était sec (on ne peut enlever par frottement
350que ce qui est sec). En effet, du sperme restait parfois sur son
sous-vêtement jusqu’à ce qu’il fût sec (le sperme sèche vite,
surtout l’été). Mais elle le lavait lorsqu’elle constatait qu’il était
encore humide : il est impossible d’ôter par frottement ce qui est
humide. Il n’y a donc pas d’inconvénient à le laisser sécher, puis à
l’ôter par frottement.
351217 J’ai appris d’Isḥāq b. Ibrāhim, dit Ibn Rāhawayh que la
Sunna a fait une pratique courante de l’enlèvement du sperme par
frottement. //
***

XXXVIII. — EXEMPLE DE DEUX ḤADĪṮ-S


CONTRADICTOIRES
 296 BUḪ. 72, 30 = HM IV, 20 ; ḤAN. I, 227, etc…

352199. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit :


« Toute peau brute devient pure après tannage ». Il passa près
d’une brebis morte et dit : « N’allez-vous pas vous servir de sa

102
peau ? »296. Certains juristes ont adopté cette façon de voir et
ont rendu leurs consultations en ce sens.
 297 ḤAN., IV, 310, 311.

353D’autre part, vous enseignez qu’il a dit : « Ne vous servez ni de


la peau ni des nerfs d’une bête non égorgée rituellement »297.
Certains juristes ont admis cela et ont jugé en conséquence. Il y a
là contradiction et divergence.
 298 Tāğ,  I, 152, précise qu’il s’agissait de peaux « en cours de
tannage » (fī dibāġihā) ; = Lisān, I, (...)

354200. — Réponse : Nous prétendons qu’il n’y a là grâce à Dieu


ni contradiction, ni divergence, car le mot ihāb  en arabe désigne
toute peau qui n’a pas été tannée. Lorsqu’elle est tannée, ce mot
devient impropre. Le ḥadīṯ  dit que ‘Umar entra [un jour] chez le
Prophète, dans la maison duquel se trouvaient des peaux brutes
nauséabondes — c’est-à-dire des peaux non tannées et
puantes298.
 299 Cf. Lisān,  I, 211.

355’Ā’iša a dit à propos de son père : « Il laissa des têtes sur les
épaules et empêcha des peaux de se vider de leur sang »299,
c’est-à-dire des corps. Elle utilisa donc le mot ihāb  (peau) pour
désigner des corps. Si le mot ihāb  avait désigné des peaux
tannées, elle n’aurait pu utiliser cette métaphore.
356218 Al-Nabiġa al-Ğa‘dī dit au sujet d’une vache sauvage qui
s’était // éloignée de son petit, puis en revenant l’avait trouvé
dévoré par un loup :
 300 Ši‘r,  95. Texte : wa-lāqat  ; Ši‘r  : fa-lāqat.

« Elle trouva comme preuve au premier coup d’œil


une peau et des débris d’entrailles sanguinolents »300.

103
357Le Prophète a dit : « Toute peau brute devient pure après
tannage ». Passant devant une brebis morte, il demanda : « Ses
propriétaires ne se sont-ils pas servi de sa peau ? » Il voulait dire :
Ne l’ont-ils pas tannée et utilisée ?
358Par la suite, il prescrivit : « Ne vous servez pas de la peau ni
des nerfs d’une bête non égorgée rituellement », c’est-à-dire : Ne
vous en servez pas tant qu’elle est brute, tant qu’elle n’est pas
tannée. J’en veux pour preuve l’allusion faite aux nerfs, car les
nerfs ne se tannent pas. Or il les a associés à la peau brute, non
tannée.
 301 ḤAN. I, 227.

359Ceci ressort clairement du ḥadīṯ  :  rapporté par Ibn ‘Uyayna —


al-Zuhrī — ‘Ubayd Allāh b. ‘Abd Allāh — Ibn ‘Abbās et déclarant
que le Prophète, passant auprès d’une brebis [morte] appartenant
à une affranchie de Maymūna, demanda : « N’ont-ils pas pris sa
peau pour la tanner et s’en servir ? »301.
***

XXXIX. — EXEMPLE DE DEUX ḤADĪṮ-S CONTRADICTOIRES


 302 ḤAN. VI, 101.

360201. — Proposition : Vous rapportez d’après al-Aš‘at —


Muḥammad b. Sīrīn — ‘Abd Allāh b. Šaqīq — que ‘Ā’iša dit : « Le
Prophète ne faisat pas la Prière dans notre linge de corps ni dans
nos draps »302.
 303 Tāğ,  V, 221 : vêtement léger de laine, de soie ou de lin
servant d’izār. Tāğ  ajoute que dans ce ḥad  (...)

 304 Cf. BUḪ. 6, 4, 21, 22 = HM I, 111, 119, 120, où l’héroïne


de cette histoire est Zaynab, et non ‘Ā’i (...)

104
361Par ailleurs, vous rapportez d’après Wakī‘ — Ṭalḥa b. Yaḥyā
— // ‘Ubayd Allāh b. ‘Abd Allāh b. ‘Utba que ‘Ā’iša a dit : « Le
Prophète faisait la Prière la nuit à mes côtés. J’avais mes
menstrues, et j’étais recouverte d’un mirṭ303 qui le recouvrait en
partie aussi »304.
362Il y a là contradiction et divergence.
 305 BUḪ. 64, 56 = HM III, 196 ; ḤAN. II, 419, etc…

363202. — Réponse : Nous prétendons qu’il n’y a entre ces


deux ḥadīṯ-s  ni divergence ni incompatibilité. En effet, il est dit
dans le premier ḥadīṯ  :  Il ne faisait pas la Prière dans nos šu‘ur.  Le
mot šu‘ur  est le pluriel de ši‘ār  qui désigne tout linge de corps.
On ne peut appeler ši‘ār  que le linge qui est en contact avec le
corps. J’en veux pour preuve la phrase du Prophète aux Anṣār :
« Vous êtes pour moi un ši‘ār,  et les [autres] hommes sont
mon diṯār »305. Il voulait dire : « Vous êtes les hommes les plus
proches de moi, tout comme le ši‘ār  qui est en contact avec le
corps ; les autres sont mon diṯār,  c’est-à-dire qu’ils sont plus loin
de moi, tout comme le diṯār  se met par dessus le ši‘ār ».  C’est
le ši‘ār  qui reçoit le sperme, la transpiration, l’humidité, lorsque
l’individu a encore une goutte d’urine ou se souille
accidentellement.
364Donc, il ne faisait pas la Prière dans le linge de corps de ses
femmes, qui pouvait avoir subi quelque souillure après le coït, ou
si elles étaient enceintes ou avaient leurs menstrues.
365202 a. — Il est dit // dans le second ḥadīṯ  :  « Il faisait la Prière
la nuit à mon côté, alors que j’étais recouverte d’un mirṭ  qui le
recouvrait aussi en partie ». Le mirṭ  n’est pas une pièce de linge
de corps, comme l’izār,  par exemple. C’est un vêtement de laine,
de poil ou de soie. Il se jette par dessus l’izār.
 306 MUS. 44, 61 ; cf. ḤAN. VI, 99, 199.

105
 307 Lisān, XIII, 295. On appellerait muraḥḥal  tout vêtement
sur lequel serait figuré un raḥl  (selle). O (...)

366202 b. — Abū Muḥammad dit : Un autre ḥadīṯ  nous éclaire sur


ce point. Il est transmis par ‘Abda b. ‘Abd Allāh — Muḥammad b.
Bišr al-‘Abdī — Zakariyā b. Abī Zā’ida — Muṣ‘ab b. Šayba —
Ṣafiyya bint Šayba — ‘Ā’iša : Le Prophète sortit un matin vêtu
d’un mirṭ  muraḥḥal  en poil noir306. Muraḥḥal  signifie brodé. On
appelle ce genre de travail le tarḥīl307. Imru’ al-Qays dit en
parlant de sa femme :
« Je l’emmenai en marchant ;
elle traînait derrière elle, sur nos pas, le pan
d’un mirṭ  muraḥḥal  ».
367Ce qui montre bien que le mirṭ  n’était pas un vêtement de
corps de ‘Ā’iša, c’est qu’elle dit : « Il faisait la Prière ayant sur lui
une partie du mirṭ  qui me recouvrait ». Si le mirṭ  était
un ši‘ār,  elle se serait trouvée découverte, car le ši‘ār  est un
vêtement léger impropre à recouvrir le Prophète pendant sa Prière
tout en enveloppant ‘Ā’iša.
***

XL. — EXEMPLE D’UN ḤADĪṮ INFIRMÉ PAR LE


RAISONNEMENT ET LA SPÉCULATION
 308 Ḏū Arwān ou Ḏarwān. Lisān, XVII, 52 et Tāğ, IX 231 ne
savent de ce puits que ce qu’en dit Ibn Qutay (...)

 309 BUḪ. 59, 11 = HM II, 446 ; 76, 47 = HM IV, 85,


etc… ; ḤAN. VI, 57 ; cf. ḤAN. IV, 367, etc…

 310 Coran, XLI, 42.

 311 Coran, LXXII, 26-27.

368203. — Proposition : Vous enseignez // que le Prophète fut


l’objet d’une pratique de sorcellerie, et que l’instrument de cette
106
pratique fut jeté dans le puits de Ḏū Arwān308. ‘Alī le récupéra,
et chaque fois qu’il en dénouait un nœud, le Prophète retrouvait
[un peu] d’énergie. Enfin, le Prophète se leva comme si on lui avait
ôté des entraves309. Ceci est incompatible avec la qualité de
Prophète de Dieu, car la sorcellerie est de l’infidélité, et, à ce que
l’on dit, œuvre démoniaque. Comment le Démon aurait-il pu se
frayer un chemin jusqu’au Prophète, malgré la protection que
Dieu lui accordait, malgré les anges qui le guidaient en Son nom,
et malgré le soin avec lequel Il préservait la révélation contre
l’œuvre du Démon ? Dieu a dit dans le Coran : « Le Faux ne s’y
glisse ni par devant, ni par derrière »310 ; vous prétendez que
« le Faux » désigne ici le Démon. Le Coran dit encore : « Il sait
l’inconnaissable et il ne met personne au fait de cet
inconnaissable, excepté ceux qu’il agrée comme émissaires et
ceux qui cheminent, gardés par devant et par derrière »311, ce
qui signifie : Il place devant lui et derrière lui une escorte d’anges
qui le protègent // et préserve la révélation des éléments
étrangers que le Démon pourrait y introduire.
 312 Texte : tamā’im  (amulettes) ; l’éd. signale une
leçon namā’im  qu’on a adoptée car d’une part le mot (...)

369203 a. — [Les rationalistes] pensent que la « sorcellerie » [n’est


autre] qu’une ruse amenant l’homme à se détourner de son frère,
et le mari à éviter sa femme, de la même nature que les
entreprises calomnieuses312 et le mensonge. Ils disent : C’est là
du sortilège, et c’est aussi du sortilège que relève la drogue
administrée à un homme pour l’éloigner des femmes, changer sa
nature et faire tomber ses cheveux et sa barbe.
 313 Coran, XX, 66.

370Ils pensent que les magiciens de Pharaon firent voir à Moïse


des choses imaginaires, et disent : Lorsque par exemple on prend

107
du mercure, qu’on l’introduit dans une enveloppe ayant la forme
d’un serpent et qu’on l’expose à la chaleur, l’objet rampe comme
un serpent. Ils en voient une preuve évidente dans le verset : « Et
voici qu’il lui sembla que, du fait de leur sortilège, les cordes et
les bâtons qu’ils tenaient rampaient »313. Pour eux, ce n’est là
que de l’illusionnisme, sans rien de réel.
 314 Coran, II, 102.

 315 BAYḌĀWĪ ne signale pas cette lecture. Il signale toutefois


« malikayn » (les deux rois). D’autre pa (...)

 316 Il s’agissait donc pour les Mu‘tazilites de ramener ce verset


à une interprétation matérialiste.

371Pour ce qui est du verset : « Ils ont suivi ce que


communiquaient les démons, sous le règne de Salomon. Salomon
ne fut pas infidèle, mais les démons furent infidèles. Ils
enseignaient aux hommes la sorcellerie et ce qu’on avait fait
descendre, à Babylone, sur les deux anges Hārūt et Mārūt »314,
ils prétendent que dans mā unzila  (ce qu’on avait fait
descendre), mā //  est une négation, et que l’expression
signifierait « on n’a pas fait descendre ». Ils Usent en outre al-
milkayn,  avec la voyelle i315. Ils rapportent qu’al-Ḥasan lisait ce
verset de cette façon et disait : « Il s’agit de deux esclaves blancs
de Babylone »316.
372204. — Réponse : Nous affirmons que leur opinion sur ce sujet
s’oppose à celle des Musulmans, des Juifs, des Chrétiens et de
tous les gens du Livre, et à celle de tous les peuples : Hindous —
les plus férus de magie —, Byzantins et Arabes d’avant l’Islam ;
elle est en outre contraire au Coran et en opposition avec lui, sans
équivoque.
 317 Coran, CXIII, 1-4.

108
373En effet, Dieu a dit à son Prophète : « Dis : — Je me réfugie
auprès du Seigneur de l’aube, contre le mal de ce qu’il créa,
contre le mal d’une obscurité quand elle s’étend, contre le mal de
celles qui soufflent sur des nœuds »317. Il nous a donc révélé
que les sorcières soufflaient sur des nœuds qu’elles avaient
noués, tout comme crachent le sorcier et le faiseur d’amulettes.
Les Qurayš appelaient la sorcellerie ‘iḍah.  Le Prophète a maudit la
‘āḍiha  et la musta‘ḍiha,  c’est-à-dire la jeteuse de sorts et celle
qui a recours à ses offices. // Le poète a dit :
« Je me réfugie auprès de mon Seigneur contre celles qui soufflent
dans les nœuds du sorcier menteur », c’est-à-dire les sorcières.
 318 EI, s.v. Zakariyā,  IV, 1270. Le Zacharie de l’Évangile est
visiblement confondu avec le petit proph (...)

 319 EI, s.v. Yaḥyā,  IV, 1211. C’est une réminiscence de


l’épisode d’Hérodias, Matt.,  14 ; Marc, 6, 17 s (...)

 320 Coran, IV, 157 ; les commentaires sont formels : šubbiha


lahum fait allusion à une substitution. P. (...)

374204 a. — Ibn Numayr rapporte d’après Hišām b. ‘Urwa — son


père — ‘Ā’iša (ce qui constitue un isnād  sans reproche) que le
Prophète déclara lorsqu’il fut victime du sortilège : « Deux
hommes vinrent me trouver, dont l’un s’assit près de ma tête et
l’autre près de mes pieds. L’un d’eux dit : — De quoi souffre ce
pied ? — Il est ensorcelé ! — Qui l’a ensorcelé ? — Labīd b. al-
A’sam. — De quoi s’est-il servi ? — D’un peigne et de peignures,
et d’un spathe de palmier mâle. — Et où est ce charme ? — Au
puits de Ḏū Arwān… » Il n’y a rien là qui puisse profiter ni attirer
des désagréments à quiconque, ni appeler sur le Prophète //
faveurs ou louanges ; les transmetteurs de ce ḥadīṯ  ne sont ni
menteurs, ni suspects, ni hostiles au Prophète. On ne saurait nier
que Labīd b. al-A‘ṣam, ce Juif, ait ensorcelé le Prophète : les Juifs

109
n’avaient-ils pas déjà tué Zacharie, fils d’Āḏan en sciant l’arbre
dans lequel il se trouvait [caché] ? Wahb b. Munabbih ou un autre
raconte que lorsque la scie lui entama les côtes, il gémit, et Dieu
lui révéla : « Ou tu cesses de gémir, ou Je fais périr la terre et ses
habitants ! »318. Ils ont ensuite tué son fils Jean sur les racontars
et les menées tortueuses d’une mauvaise femme319. Ils ont
encore prétendu avoir tué et crucifié le Messie. N’était que Dieu a
dit : « Ils ne l’ont ni tué, ni crucifié, ce n’était qu’un sosie »320,
nous ne saurions pas, pour notre part, que ce n’était qu’une
apparence, car les Juifs étaient ses ennemis. Or les Juifs
prétendent [l’avoir effectivement tué], et les Chrétiens, ses
adeptes, les suivent sur ce terrain. Ils ont donc tué des prophètes,
ils en ont fait bouillir, et ils en ont tourmenté de toutes les
manières. Si Dieu avait voulu, Il les aurait protégés contre eux.
 321 BUḪ. 58, 7 = HM II, 412 ; 64, 41 = HM III, 171 ; ḤAN. II,
451.

 322 BUḪ. 64, 83 = HM III, 238. Cf. muškil, 118.

 323 Texte : ‘alā l-nabiyyīn,  qui est incompatible avec ce qui


précède. Il faut lire : ‘alā-l-nabī.

375204 b. — Le Prophète fut intoxiqué par un gigot de mouton


rôti qu’une Juive avait empoisonné. Le poison ne cessa de le
tourmenter périodiquement jusqu’à sa // mort321. Il disait : « Le
repas de Ḫaybar n’a cessé de me tourmenter périodiquement ;
voici le moment où va s’arrêter mon artère »322. Dieu a donc
permis à cette Juive de trouver un moyen de tuer le Prophète.
Auparavant, Il ne leur avait pas donné le moyen de nuire au
Prophète323.
376Or jeter un sort est une affaire plus facile que de tuer, de faire
bouillir ou de tourmenter quelqu’un.
 324 Coran, XXII, 52.

110
 325 Cette anecdote est [relatée en détail dans BAYḌĀWĪ, 447,
après le commentaire du verset. Il s’agit (...)

 326 Coran, XXII, 52, suite.

 327 Coran, XXII, 53.

377Si [les rationalistes] contestent cela sous le seul prétexte que


Dieu n’a pas permis au Démon de se frayer un chemin jusqu’au
Prophète Muḥammad ou jusqu’aux autres prophètes, ils peuvent
néanmoins lire dans le Coran : « Avant toi, Nous n’avons envoyé
nul Apôtre et nul prophète sans que le Démon jetât [l’impureté]
dans leur souhait lorsqu’ils le formulaient »324, c’est-à-dire :
jetât l’impureté dans leur prédication. [Ce verset était destiné] à
consoler le Prophète des incongruités que le Démon lui avait fait
proférer lorsqu’il récita au cours de la Prière : « Ce sont les
Déesses sublimes, et leur intercession est espérée »325. Or il lui
est impossible d’ajouter ou de retrancher quoi que ce soit à la
[révélation]. Dieu n’a-t-Il pas dit ensuite : « Dieu abrogera donc
ce que le Démon jette [dans la révélation], puis Il confirmera ses
signes »326, puis « [Dieu en a décidé ainsi] afin de faire de ce que
jette le Démon une tentation pour ceux au cœur desquels est un
mal »327. Ainsi en est-il du verset : // « Le faux ne s’y glisse ni
par devant, ni par derrière », qui signifie : « Le Démon ne peut
ajouter à [la révélation] ni au début, ni à la fin ».
 328 Coran, II, 255, dont les vertus prophylactiques sont
célèbres. Cf. BUḪ., 59, 11 = HM II, 447 ; 40, (...)

378204 c. — Abū Muḥammad dit : J’ai entendu Abū l-Ḫaṭṭāb —


Bišr b. al-Mufaḍḍal — Yūnus — al-Ḥasan dire : Le Prophète a dit :
« Gabriel vint à moi et me dit : — Un rebelle (’ifrīt) parmi les
génies te guette. Lorsque tu te rends à ton lit, dis : « Dieu — nulle
divinité excepté Lui — est le Vivant, le Subsistant… » et ainsi de
suite jusqu’à la fin du verset du Trône328.

111
 329 Coran, XXXVIII, 41.

379Dieu fait dire à Job : « Le Démon m’a touché d’une peine et
d’un tourment »329.
380204 d. — Abū Muḥammad dit : Ils disent, à propos du tour de
sorcellerie dont Moïse fut témoin, que c’était de l’illusionnisme et
que cela n’avait rien de réel. Nous ne le nions pas et nous ne
refusons pas [de l’admettre], car nous savons que si toutes les
créatures rassemblaient leurs efforts pour créer un moustique,
elles ne le pourraient pas. Mais nous ne saurions dire si ce tour
consistait à mettre du mercure dans des peaux pour les faire
ramper ou à employer un autre système. Seul un sorcier ou une
personne mise dans le secret par les sorciers pourrait connaître la
réalité des faits. //
 330 Texte : laysa hāḏā bi-munkar min ta’wīlātihim  ;  var.
signalée par l’éd. : laysa hāḏā bi-awwali ta’w (...)

381204 e. — Dans le verset « Et ils suivirent ce que


communiquaient les démons… Ils enseignaient aux hommes la
sorcellerie… etc. », ils prétendent qu’il faut comprendre (au lieu
de : « ce qu’on avait fait descendre, à Babylone, sur les deux
anges) : « on n’avait pas fait descendre, à Babylone, sur les deux
anges ». Ceci est bien dans le style330 de leurs interprétations
impossibles et à contre sens. Car si une telle révélation n’est pas
descendue sur les deux anges Hārūt et Mārūt à Babylone, la
phrase est superflue et n’a pas de sens. Une telle interprétation ne
serait admissible que si quelqu’un avait prétendu que la
sorcellerie fut révélée aux deux anges, et qu’il y ait été fait
mention ou allusion plus haut ; Dieu aurait alors pu dire : « Ils ont
suivi cela, mais cela n’a pas été révélé aux deux anges », comme
ils le suggèrent.

112
382Supposons que quelqu’un dise d’emblée : « J’ai enseigné le
Coran à cet homme, et ce qui ( mā)  a été révélé à Moïse ». En
entendant cela, personne n’imaginerait que l’on veut dire « Le
Coran n’a pas été révélé à Moïse », car nul n’avait dit auparavant
que le Coran a été révélé à Moïse. Chacun comprendrait : « Je lui
ai enseigné le Coran et la Thora ».
383L’interprétation de ce verset devient claire, selon nous, dès
lors qu’on connaît l’anecdote historique relatée à son sujet.
 331 Allusion à Coran, XXXVIII, 34 où les commentateurs
expliquent que le « fantôme » (ğasad) était un d (...)

 332 Allusion à Coran, XXXVIII, 36-37.

384204 f. — Bref, d’après Ibn ‘Abbās, lorsque Salomon // fut puni


et que le Démon prit sa place sur le trône331, les [autres]
démons furent enterrés dans son trésor et dans son oratoire par
sortilège, magie et charme. Lorsque Salomon mourut, les démons
vinrent chez les hommes et leur dirent : « Ne [voulez-vous pas
que] nous vous montrions le charme par lequel le vent et les
génies furent soumis à Salomon332, et grâce auquel les hommes
lui obéirent ? » Ils acceptèrent. Alors ils vinrent à son oratoire et
au lieu de son trône, et en retirèrent le charme en question. Les
docteurs d’Israël dirent : « Cela est incompatible avec la religion
de Dieu : Salomon n’était pas un sorcier ! » Mais le vulgaire dit :
« Salomon était bien plus savant que nous ! Nous agirons comme
il l’a fait ! » C’est pourquoi Dieu a dit : « Ils ont suivi ce que
communiquaient les démons sous le règne de Salomon », ce qui
signifie : Les Juifs suivirent ce que rapportaient les démons. Les
mots tilāwa  (communication) et riwāya  (rapport) sont synonymes.
Dieu dit ensuite : « Salomon ne fut point infidèle, mais les démons
furent infidèles. Ils enseignèrent aux hommes la sorcellerie et ce
qu’on avait fait descendre sur les deux anges ».

113
 333 Légende célèbre, sur laquelle voir Tarbī‘, 46,
d’après EI,  IV, 1309 (HARTNER).

385204 g. — Il s’agit de deux anges qui furent envoyés sur la


terre // lorsque les fils d’Adam eurent désobéi, afin de juger entre
les hommes. L’amour des femmes fut jeté en leur cœur, mais il
leur fut ordonné de ne pas forniquer, de ne pas tuer et de ne pas
boire du vin. Alors Vénus vint se plaindre à eux, et elle leur plut.
Ils la désirèrent, mais elle se refusa à eux jusqu’à ce qu’ils lui
eussent enseigné le nom grâce auquel ils [avaient le pouvoir] de
monter au ciel. Ils le lui révélèrent donc, mais elle se refusa
encore jusqu’à ce qu’ils eussent bu du vin. Ils en burent, et
obtinrent ce qu’ils désiraient. En la quittant, ils rencontrèrent un
homme et le tuèrent ; pensant qu’il les avait surpris. C’est alors
que Vénus prononça le nom, monta au ciel et disparut. Dieu la
métamorphosa en astre, et fut irrité contre les deux anges. Il les
appela Hārūt et Mārūt, et leur donna le choix entre le tourment de
la terre et le tourment de l’autre monde. Ils choisirent le tourment
de la terre ; ce sont eux qui enseignent aux hommes le moyen
d’éloigner le mari de sa femme333. A ce que croient les partisans
de la spéculation (mais Dieu seul le sait), ce que Dieu fit
« descendre sur les deux anges », c’est le Nom suprême qui
permit à Vénus de monter au ciel et qui, avant que Dieu ne
s’irritât contre eux, le leur permettait à eux-mêmes. Elle le révéla
aux démons, qui l’enseignent à leur tour à leurs adeptes, en
même temps que la sorcellerie. // On entend dire parfois que tel
ou tel sorcier prononce certaines paroles qui [lui permettent] de
voler entre ciel et terre et de marcher sur les eaux.
 334 C.-à-d. probablement : changez de méthode !

386204 h. — Abū Muḥammad dit : J’ai entendu Zayd b. Aḫzam al-


Ṭā’ī — ‘Abd al-Ṣamad — Hammām — Yaḥyā b. Katīr dire que le
gouverneur du ‘Umān écrivit à ‘Umar b. ‘Abd al-‘Azīz : « On nous

114
a amené une sorcière ; nous l’avons jetée à l’eau, mais elle a
surnagé ». Alors ‘Umar b. ‘Abd al-‘Azīz lui répondit : « Si la
preuve testimoniale est établie, nous n’avons rien à voir avec
l’eau !334. Sinon, relâchez-la ! »
387J’ai entendu Zayd b. Aḫzam al-Ṭā’ī — ‘Abd al-Ṣamad — Zayd b.
Abī Laylā — ‘Umayra b. Šukayr dire : « Nous étions avec Sinān b.
Salamā au Baḥrayn. On lui amena une sorcière. Il la fit jeter à
l’eau, mais elle flotta ; il ordonna de la crucifier, mais elle nous
tint à distance. Alors arriva son mari, semblable à une broche
rongée par le feu. [Sinān] lui dit : — Ordonne-lui de se délivrer de
moi ! L’homme dit alors : — Délivre-toi de lui ! Elle répondit : —
Soit ! mais il me faut une porte et du fil. Elle s’assit sur la porte, et
se livra à des pratiques de sorcellerie en nouant le fil. Alors, la
porte s’éleva en l’air. // On chercha à la retenir à droite et à
gauche, mais sans succès.
 335 Variante : Muḥammad b. Muslim b. Sālim al-Ṭā’ī.

388J’ai entendu Abū Ḥātim — al-Aṣma‘ī — Muḥammad b. Muslim


b. Sawsan al-Ṭā’ifī335 déclarer dans un ḥadīṯ  que les démons ne
peuvent pas changer leur nature physique, mais qu’ils [modifient
leur aspect] par des sortilèges.
389J’ai entendu Abū Ḥātim — al-Aṣma‘ī — Abū ‘Amr b. al-‘Alā’
dire que les ġūl-s  sont des génies sorciers.
 336 BUḪ. 60, 50 = HM II, 521.

390J’ai entendu Abū l-Ḫaṭṭāb — al-Mu‘tamir b. Sulaymān —


Mansūr — Rib‘ī b. Ḫirāš — Ḥuḏayfa rapporter que le Prophète a
dit : « Je sais fort bien les circonstances qui accompagneront
l’Antéchrist : il est accompagné d’un feu dévorant et d’un fleuve
d’eau froide. Celui d’entre vous qui le verra, qu’il ne périsse point
pour autant. Qu’il ferme les yeux et se précipite dans ce qui lui

115
semblera être un feu, car ce sera en réalité un fleuve d’eau
froide »336.
 337 Cf. EI, II, 289, s. Hārūt et Mārūt  (WENSINCK), qui signale
que d’après QAZWĪNĪ (‘Ağā’ib al-maḫlūqāt (...)

391204 i. — J’ai entendu Abū Ḥātim — al-Aṣma‘ī — Abū l-Zanād


dire : Une femme vint demander une consultation. Elle constata
que le Prophète était déjà mort et ne trouva // qu’une de ses
femmes, qui, paraît-il, était ‘Ā’iša. Elle lui dit : « Mère des
Croyants, une femme m’a demandé : — Veux-tu que je t’aide à
attirer sur toi l’attention de ton époux ? » Je crois que le narrateur
a ajouté : Elle apporta deux chiens. Elle monta sur l’un d’eux et
moi sur l’autre. Nous allâmes ainsi un moment, puis elle dit : —
Sais-tu que tu es à Babylone ? » La femme entra alors chez un
homme (ou deux hommes) qui lui dirent : « Urine dans cette
cendre ! » Elle ajouta : « Je me rendis à l’écart, mais n’urinai pas ;
puis je revins. Les deux hommes me demandèrent ce que j’avais
vu. Je dis : — Je n’ai rien vu ! Alors ils insistèrent : — C’est de toi
que cela dépend ! Alors je m’éloignai encore et fis effort pour
uriner. Je réussis, et il sortit de moi quelque chose qui ressemblait
à un cavalier voilé qui monta vers le ciel. Je revins vers eux et ils
me demandèrent encore ce que j’avais vu. Je le leur racontai. Ils
dirent : — C’est ta foi qui t’a abandonnée. Je sortis alors pour
rejoindre cette femme et je lui dis : Ma foi ! Je n’ai rien vu ; ils ne
m’ont rien appris et ils ne m’ont pas dit comment faire. Elle me
demanda : — Qu’as-tu vu ? Je lui rapportai l’affaire et elle
s’exclama : — Tu es la plus douée pour le sortilège qui soit parmi
les Arabes ! Agis et fais des vœux ! » La narratrice ajouta : « Alors
elle traversa des ruisseaux [d’irrigation ?] en disant : — Qu’il y ait
des champs ! Et voilà que des céréales se mirent à onduler. Elle
dit : // — Qu’il soit mûr et bon à battre ! Et les grains séchèrent.
Elle en prit, les frotta et m’en donna en disant : — Mouds cela,

116
fais-en une bouillie (sawīq) et fais-la absorber à ton mari. Je n’en
fis rien et les choses en restèrent là. Puis-je espérer revenir dans
le droit chemin ? » En disant cela, elle vit un homme de Ḫuzā‘a lui
demeurait à Amağ. Elle dit : « Mère des Croyants, cet homme
ressemble trait pour trait à Hārūt et Mārūt »337.
392Abū Muḥammad dit : Cette histoire est rapportée par Ibn
Ğurayğ — Ibn Abī Mulayka — ‘Ā’iša.
393204 j. — Abū Muḥammad dit : Ce sont là choses auxquelles
nous ne croyons pas, ni en vertu de l’analogie, ni en vertu du
raisonnement. Nous y croyons seulement à cause des Livres
[révélés] et des traditions historiques relatives aux prophètes, et
parce que les peuples de tous les temps sont d’accord là-dessus,
à l’exception de ces gens qui ne croient qu’en ce que leurs yeux
voient, en vertu de la spéculation et de l’analogie.
394En ce qui concerne l’opinion d’al-Ḥasan prétendant qu’il
s’agissait de deux esclaves blancs de Babylone et
lisant milkayn  avec la voyelle i,  il est le seul lecteur à être de cet
avis, et à ce que je sais le seul // exégète. C’est une des lectures
les plus suspectes et les moins spontanées. Comment se
pourrait-il que soit révélé à deux esclaves blancs une chose leur
permettant de désunir le mari et la femme ?
***

XLI. — EXEMPLE DE DEUX ḤADĪṮ-S INCOMPATIBLES ET


CONTRADICTOIRES
 338 Cf. ḤAN. I, 184 et surtout ḤAN. II, 182, 212.

395205. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit :


« Pas de prophète après moi, et pas de communauté après la
mienne ; le ḥalāl  est ce que Dieu a déclaré licite par ma bouche, et
ceci jusqu’au jour du Jugement ; le ḥarām  est ce que Dieu a

117
déclaré interdit par ma bouche, et ceci jusqu’au jour du
Jugement »338.
 339 BUḪ. 34, 102 = HM II, 51 ; 46, 31 = HM II, 152 ; ḤAN. II,
— 240 etc…

 340 Cf. BUḪ. 61, 18 = HM II, 548 ; 65, s. 17, n. 5 = HM III,


364.

396D’autre part, vous déclarez que le Messie descendra, tuera le


porc, brisera la croix et augmentera ce qui est licite339. Vous
rapportez que ‘Ā’iša a dit : « Dites en parlant du Prophète : — Le
sceau des prophètes. Ne dites pas : — Il n’y aura pas de Prophète
après lui »340.
397Il y a là contradiction.
 341 Coran, XLIII, 61. Ce passage paraît confirmer la lecture
‘alam —  au lieu de ‘ilm  de la Vulgate — si (...)

 342 Il est difficile de déterminer le jeu de ‘alam - ‘ilm  dans ce


passage. L’éd. a cru pouvoir vocalise (...)

398206. — Réponse : Nous prétendons qu’il n’y a là ni divergence


ni contradiction, car le Messie est un prophète antérieur que Dieu
a élu, et qu’il fera descendre à la fin des temps comme signal
(‘alam) de l’Heure. Dieu a dit : « C’est un signal de l’Heure. Ne
contestez pas celle-ci ! »341. Un « lecteur » lit : ‘alam  (ou
‘ilm)342. Lorsque le Messie descendra, rien de ce qui a été révélé
à Muḥammad ne sera abrogé. // L’imām  de sa communauté ne se
mettra pas en avant, mais il le mettra en avant et fera la Prière
derrière lui.
399Pour l’expression « et il augmentera ce qui est licite », je
rappellerai qu’un homme ayant dit à Abū Hurayra : « En fait de
licite, il n’augmentera que [le nombre] des femmes ! », Abū
Hurayra s’exclama : « Tiens ! » puis se mit à rire.

118
 343 Ibn Qutayba fait ici d’une pierre deux coups. En réfutant
les Mu‘-tazilites, il réfute aussi le dog (...)

400206 a. — Abū Muḥammad dit : L’expression « il augmentera ce


qui est licite » ne signifie nullement qu’il autorisera l’homme à
épouser cinq ou six femmes. Elle signifie seulement que le Messie
n’avait épousé aucune femme jusqu’à ce que Dieu le rappelât à
Lui. Mais lorsqu’il l’enverra sur terre, il épousera une femme et
augmentera ce que Dieu a rendu licite pour lui, c’est-à-dire qu’il y
ajoutera quelque chose. Il ne restera alors personne parmi les
gens du Livre qui ne sache que le Messie est un serviteur de Dieu
et ne soit convaincu que c’est un être humain343.
401206 b. — Lorsque ‘Ā’iša disait : « Dites qu’il est le sceau des
prophètes, mais ne dites pas qu’il n’y aura pas de prophète après
lui ! », elle pensait à la descente ( nuzūl) de Jésus ; ceci n’est
nullement incompatible avec les paroles du Prophète : « Pas de
prophète après moi », qui signifient : « Il n’y aura pas après moi
de prophète pour abroger ce que j’ai révélé, comme les [anciens]
prophètes qui étaient envoyés pour abroger [les textes
antérieurs] ». ‘Ā’iša voulait dire : « Ne dites pas que le Messie ne
viendra pas après lui ». //
***

XLII. — EXEMPLE DE DEUX ḤADĪṮ-S INCOMPATIBLES ET


CONTRADICTOIRES
 344 BUḪ. 38, 3 = HM II, 74 ; 39, 3 = HM II, 77, etc… ḤAN. II,
290, 380, etc…

402207. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète ne faisait


pas la Prière des morts sur un débiteur qui n’avait pas laissé de
quoi honorer sa dette344.
 345 BUḪ. 65, s. 33, ch. 1 = HM III, 416 ; 69, 15 = HM III,
652 ; ḤAN. II, 287, 290, etc…

119
 346 BUḪ. 69, 15 = HM III, 652.

403D’autre part, vous enseignez qu’il a dit : « Quiconque laisse de


l’argent, c’est pour sa famille ; quiconque laisse une dette, je la
prends à ma charge »345. Un autre ḥadīṯ  dit : « Si quelqu’un
laisse des personnes à charge (kall),  [elles passent à la charge] de
Dieu et de son Prophète »346. Par « personnes à charge », il faut
entendre une famille pauvre, des enfants sans tuteur. Comment
pouvait-il refuser de faire la Prière sur une personne dont il
prenait les dettes à sa charge, ainsi que les enfants et la famille,
après sa mort ? Il y a là contradiction.
404208. — Réponse : Nous prétendons qu’il n’y a pas là
contradiction, grâce à Dieu. En effet, il refusait de faire la Prière
sur un débiteur qui n’avait pas laissé de quoi régler sa dette au
début de l’Islam, avant que les conquêtes ne se développassent et
que l’argent n’affluât. Il voulait que les gens ne traitassent point
une dette trop à la légère et n’empruntassent point de l’argent
qu’ils eussent été incapables de rembourser. Mais lorsque Dieu
accorda du butin, lorsque les conquêtes s’étendirent et que
l’argent afflua, il réserva une part du butin aux pauvres, et pour
que les descendants pussent prélever le montant des dettes du
Musulman décédé.//
***

XLIII. — EXEMPLE DE DEUX ḤADĪṮ-S INCOMPATIBLES ET


CONTRADICTOIRES
 347 ḤAN. III, 61.

 348 C.-à-d. 4 fois, puisque quatre témoins à charge sont


requis. Cf. WENSINCK, Hwb., 826, s. Zinā’.

405209. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète ne lapida


pas Māiz avant qu’il n’ait avoué devant lui par quatre fois être
coupable d’adultère. Il se détournait à chaque fois, puis il le lapida

120
à la quatrième347. Certains de vos jurisconsultes ont adopté
cette procédure et disent : « Nous ne décrétons pas la lapidation
tant qu’il n’y a pas eu aveu autant de fois qu’il y a de témoins à
charge348. Telle était la doctrine de ‘Alī b. Abī Ṭālib.
 349 BUḪ. 53, 5 = HM II, 234 ; 54, 9 = HM II, 246 ; 83, 3 = HM
IV, 331, etc…

406D’autre part, vous dites que deux hommes se présentèrent


devant le Prophète et que l’un d’eux déclara : « Mon fils était
journalier chez cet homme et il a forniqué avec sa femme. J’ai
payé pour lui une amende compensatoire de cent moutons et d’un
serviteur. Nous avons interrogé ensuite des docteurs qui ont
décrété que mon fils devait recevoir cent coups de verges et être
banni pendant un an. Quant à la femme, elle devait être lapidée ».
Le Prophète dit : « Par Celui qui tient mon âme dans Sa main, je
jugerai entre vous conformément au Livre de Dieu : les cent
moutons et le serviteur te seront rendus ; ton fils recevra cent
coups de verges et sera banni pendant un an ; la femme sera
lapidée ». Il rendit donc cette sentence et dit : « Va, Unays, auprès
de cette femme ; si elle avoue, lapide-la ! » Elle avoua et fut
lapidée349.
407Mais nul n’a jamais dit qu’il ait ajouté « quatre fois » à telle //
ou telle occasion.
408Ceci est en contradiction avec le ḥadīṯ  relatif à Mā‘iz.
 350 MĀLIK, 41, 12.

409210. — Réponse : Nous prétendons qu’il n’y a là, grâce à Dieu,


ni divergence, ni contradiction. En effet, si le Prophète s’est
détourné de Mā‘iz quatre fois de suite, c’est en réalité parce qu’il
lui répugnait pour s’être accusé lui-même de fornication et avoir
ainsi arraché le voile, et non parce qu’il voulait qu’il avouât quatre
fois de suite. Il voulait aussi apaiser sa conscience dans cette

121
affaire, et savoir si c’était vrai, ou s’il était possédé d’un génie ;
mais le résultat de sa tentative fut le même par quatre fois. S’il
avait été le même deux, trois, cinq ou six fois, cela n’aurait pas
constitué une preuve décisive. Je veux pour preuve de sa
répugnance à l’aveu du fornicateur devant lui le ḥadīṯ  rapporté par
Mālik — Zayd b. Aslam au sujet d’un homme qui avoua être
coupable d’adultère au temps du Prophète. Il le fit flageller, puis il
déclara : « O gens ! Le temps est venu pour vous d’en finir avec
les peines légales fixées par Dieu. Celui d’entre vous qui
commettra cette malpropreté, qu’il se cache derrière le voile de
Dieu ; car s’il en est un qui nous ouvre sa page, on lui appliquera
[la sanction prévue par] le Livre de Dieu »350.
 351 IBN MĀĞA, 21, 36.

410210 a. — Un autre ḥadīṯ  de Yaḥyā b. // Sa‘īd — Hišām al-


Dustuwa’ī — Yaḥyā b. Abī Kaṯīr — Abū Qilāba — Abū l-Muhallab
— ‘Imrān b. Ḥuṣayn prouve aussi que l’aveu peut intervenir plus
ou moins de quatre fois dans le cas où il est impossible de douter
de la réalité des faits : « Nous étions avec le Prophète lorsqu’arriva
une femme de Ğuhayna enceinte par adultère. Elle dit : O Envoyé
de Dieu ! j’ai mérité la peine légale : applique-la moi ! Alors le
Prophète fit appeler son tuteur et lui ordonna de la bien traiter et
de la lui amener lorsqu’elle serait délivrée de son fardeau. Il la lui
amena donc après l’accouchement, et le Prophète lui ordonna de
nourrir son enfant, et de revenir après le sevrage. Le tuteur la lui
amena le moment venu. Le Prophète fit déchirer ses vêtements et
la fit lapider. Puis il récita sur elle la Prière des morts. Nul ne dit
dans ce ḥadīṯ  qu’elle avoua quatre fois351.
411C’est donc la confirmation du ḥadīṯ  où le Prophète dit :
« Unays, va vers cette femme et si elle avoue, lapide-la ! »
 352 Ce dernier trait ne figure pas dans le ḥadīṯ de Mā‘iz, ḤAN.
III, 61. Toutefois, voir un exemple de (...)

122
 353 Tawqīt peut être synonyme de taqdīr sans aucune idée de
temps. Cf. LAOUST, Qudāma, 255, note 1, qui (...)

412210 b. — J’en veux pour preuve aussi que lorsque Mā‘iz b.


Mālik fut lapidé, il fut très déprimé et chercha à s’enfuir. On le
lapida donc, puis on rapporta au Prophète qu’il avait été très
déprimé. Le Prophète dit alors : « Pourquoi ne me l’avez-vous pas
ramené afin que j’examine son cas ? »352. Si le fait d’avouer
quatre fois était la condition nécessaire et suffisante pour
l’application de la sanction, la phrase du Prophète : « Pourquoi ne
me l’avez-vous pas ramené ? » n’aurait pas de raison d’être, car il
venait de lui appliquer la sentence de Dieu et il n’aurait pas été
licite, // après le quadruple aveu, d’admettre une rétractation
éventuelle. Par contre, si l’aveu n’était assorti d’aucune définition
légale353, il lui était loisible de se rétracter quand il le voulait et
le Prophète pouvait l’admettre.
***
[N.B. Les [trois] chapitres suivants contiennent des exemples de
prises de position (aḥkām) bénéficiant du consensus,  mais
infirmées par le Coran et servant d’arguments aux Ḫāriğites.]

XLIV. — EXEMPLE D’UNE PRISE DE POSITION SUR LA


LAPIDATION INFIRMÉE PAR LE CORAN
 354 Coran, IV, 25.

413211. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète pratiqua


la lapidation, et que les imām-s  postérieurs l’imitèrent sur ce
point. Or Dieu a dit au sujet des femmes esclaves : « Si elles
commettent une turpitude, elles subiront la moitié du châtiment
encouru par les muḥṣana  »354. Or la lapidation consiste dans
l’anéantissement de la personne, et ne saurait être divisée.
Comment peut-on en appliquer la moitié aux esclaves ?

123
414Ils croient que la muḥṣana  est une femme en puissance de
mari, et disent : C’est bien là la preuve que la muḥṣana  ne peut
subir que la flagellation.
415212. — Réponse : Nous prétendons que si les muḥṣana  étaient
en l’occurrence des femmes en puissance de mari, leur thèse
serait juste et cet argument s’y appliquerait. Mais les muḥṣanas  ici
ne sont autres que les femmes libres. On les
appelle muḥṣana  même si elles sont vierges, car l’iḥṣān  leur
appartient et leur est inhérent, alors qu’il n’est pas inhérent aux
esclaves. Le verset signifie donc : « Elles subiront la moitié du
tourment encouru par les femmes libres », // c’est-à-dire les
vierges.
 355 Allusion à Coran, II, 71, où tuṯīru a le sens de « remuer la
terre ».

416Les Arabes appellent parfois la vache muṯīra,  alors même


qu’elle n’a nullement « soulevé » (aṯāra)  la terre, [simplement]
parce que le fait de « soulever » la terre est le propre des bovins, à
l’exclusion des autres animaux domestiques355.
 356 C’est le mot employé dans Coran, II, 196.

417Les Arabes appellent les chameaux, [même] au


pâturage : hady,  parce qu’ils constituent l’offrande
(hady)356 qu’on guide vers la Ka‘ba. On les appelle ainsi même
s’ils ne sont point destinés à l’offrande.
 357 Le verset se termine par « comme esclaves croyantes ».

 358 Puisqu’elles sont opposées aux esclaves.

418Un autre passage du même verset témoigne en faveur de notre


interprétation du mot muḥṣana  dans le sens de « femme libre et
vierge » : « Quiconque parmi vous ne peut épouser par ses
moyens des muḥṣana-s  croyantes, [qu’il épouse] celles que vous

124
détenez… »357. Les muḥṣana-s  sont ici les femmes libres358 et
ce ne saurait être les mariées, puisqu’on n’épouse pas de femmes
mariées.
***

XLV. — EXEMPLE D’UNE PRISE DE POSITION SUR LES


DISPOSITIONS TESTAMENTAIRES INFIRMÉE PAR LE
CORAN
 359 ḤAN. IV, 186, 238 ; V, 266.

419213. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit :


« Pas de disposition testamentaire en faveur de l’héritier »359.
 360 Coran, II, 180.

420Or Dieu a dit : « Quand la mort se présente à l’un de vous, s’il


laisse un bien, à lui de tester en faveur de ses père et mère et des
plus proches »360. Mais les père et mère héritent de toute façon,
et personne ne saurait avoir priorité sur eux pour percevoir
l’héritage. Cette tradition est en contradiction avec le Coran. //
 361 En réalité plusieurs versets : IV, 7-12.

 362 Coran, IV, 13-14.

421214. — Réponse : Nous prétendons que ce verset a été abrogé


par le verset des « parts successorales »361. Si l’on demande ce
qui, dans le verset des parts successorales, abroge [le premier
verset] — puisqu’il est licite que les père et mère reçoivent leur
part d’héritage, et qu’ils reçoivent également le legs qui pourrait
leur être constitué — nous répondrons : ceci n’est nullement
licite, car la part d’héritage que Dieu leur assigne consiste dans la
quotité qu’il leur accorde en vertu de leur qualité d’héritiers
légaux. Dieu dit, après le verset des parts successorales : « Voilà
les lois de Dieu. Quiconque obéit à Dieu et à son Envoyé, Dieu le
fera entrer en des jardins sous lesquels couleront des ruisseaux,

125
où il restera, immortel. C’est là le succès immense. Quiconque au
contraire désobéit à Dieu et à Son Envoyé et transgresse Ses lois,
Dieu le fera entrer dans un feu où il restera, immortel. Il aura un
tourment avilissant »362. Donc, Dieu a promis la récompense
suprême à qui respectera les parts successorales qu’il a définies,
et Il a menacé du châtiment suprême quiconque ne les respectera
pas. Nul ne peut donc transmettre à un héritier plus de bien que
Dieu ne l’a déterminé impérativement.
422On dit aussi que ce verset est abrogé par le ḥadīṯ  :  « Pas de
dispositions testamentaires en faveur de l’héritier ». Nous
exposerons plus loin des cas d’abrogation du Coran par la Sunna,
si Dieu le permet.
***

XLVI. — EXEMPLE D’UNE PRISE DE POSITION RELATIVE AU


MARIAGE INFIRMÉE PAR LE CORAN
 363 BUḪ. 67, 28 = HM III, 560.

 364 BUḪ. 52, 7 = HM III, 211 ; 67, 21, 117 = HM III, 555,


602… ḤAN. I, 275, 290, 329… ; IV, 4, 5, etc…

423215. — Proposition : Vous enseignez que // le Prophète a dit :


« N’épousez pas une femme en même temps que sa tante
paternelle ou que sa tante maternelle »363, et encore : « La
parenté de lait est une cause d’interdiction au même titre que la
parenté naturelle »364.
 365 Coran, IV, 23.

 366 Coran, IV, 23.

 367 Coran, IV, 24.

424Dieu a dit : « Illicites sont pour vous vos mères et vos filles… »
etc.365. Il n’a pas fait allusion à l’existence [sous un même toit]

126
d’une femme avec sa tante paternelle ou maternelle. En ce qui
concerne l’allaitement, Il n’a déclaré comme illicites que la
nourrice et la sœur de lait366. Puis Il a dit : « Licite est pour vous
de rechercher [des épouses] en dehors de celles qui ont été
énumérées »367.
425Donc, une femme peut cohabiter [en tant qu’épouse] avec sa
tante paternelle ou maternelle, et les parentes par le lait à tous les
degrés, hormis la nourrice et la sceur qui font partie de ce que
Dieu a déclaré licite.
 368 Coran, II, 106.

 369 Les docteurs musulmans se plaisent à mettre l’accent sur


l’allègement apporté par le Coran par rapp (...)

426216. — Réponse : Nous prétendons que Dieu éprouve ses


serviteurs par le moyen des obligations légales afin de connaître
leur degré d’obéissance ou de désobéissance, et pour
récompenser celui qui agit bien ou mal sans qu’il existe à ce qu’il
déclare licite ou interdit de cause intrinsèque entraînant la licéité
ou l’interdiction. Tout ce qui est mauvais l’est parce que Dieu l’a
interdit, et tout ce qui est bon l’est parce que Dieu l’ordonne,
hormis certaines choses dont Dieu a voulu qu’elles fussent
considérées comme mauvaises instinctivement : ainsi le
mensonge, l’intrigue, la médisance, l’avarice, l’injustice, etc… S’il
est possible que Dieu envoie un prophète révéler une loi
religieuse destinée à être respectée pendant des années par des
hommes qui, ce faisant, Lui obéissent, // puisqu’il envoie un
autre prophète révéler une autre loi abrogeant la première à des
gens qui, en la respectant, obéissent aussi à Dieu — ainsi en est-il
du [repos du] samedi révélé par Moïse, et abrogé par le Messie ;
de la circoncision du septième jour révélée par Moïse et
également abrogée par le Messie — il est également admissible

127
qu’il impose une chose à ses fidèles à un moment, puisqu’il
l’abroge à un autre moment, sous le même Prophète. Il a dit :
« Dès que Nous abrogeons un verset ou le faisons oublier, Nous
en apportons un meilleur ou un semblable »368. Par « meilleur »,
il faut entendre « plus facile [à observer] »369.
 370 Par « Coran », il faut évidemment entendre ici « destiné à
être récité ».

 371 DĀRIMĪ, intr., 48.

427216 a. — S’il est admissible que le Coran soit abrogé par le


Coran, il est également admissible que le Coran soit abrogé par la
Sunna, car la Sunna a été apportée au Prophète par Gabriel, de la
part de Dieu. Ainsi la Parole de Dieu qui est Coran peut se trouver
abrogée par la révélation de Dieu qui n’est pas Coran370. C’est
en ce sens que le Prophète a dit : « Le Coran me fut apporté, ainsi
que des choses analogues »371, c’est-à-dire la Sunna.
 372 Coran, LIX, 7.

428Dieu a dit : « Ce que l’Envoyé vous apporte, prenez-le ; ce


qu’il vous interdit, abstenez-vous en ! »372. Dieu savait bien que
les hommes admettraient aisément ce qui leur serait révélé de Sa
parole ; mais il savait aussi qu’il abrogerait certains [textes] du
Coran // par des révélations faites au Prophète, et que lorsque
cela arriverait, cela choquerait certains cœurs et frapperait
certaines consciences. C’est pourquoi Il nous dit : « Ce que
l’Envoyé vous apporte, prenez-le », c’est-à-dire : Ce que Dieu
vous apporte, même si ce n’est pas dans le Coran ou si cela
abroge le Coran, admettez-le.
429216 b. — Abū Muḥammad dit : Les traditions normatives, pour
nous, sont de trois sortes :
 373 ḤAN. IV, 4, 5 ; cf. Ḥan. I, 432. C’est à dire : il faut un
allaitement plus prolongé.
128
 374 Cf. EI, I, 243, s. ‘āḳila.

4301) La Sunna transmise par Gabriel de la part de Dieu, comme


la sentence : « Une femme ne peut être épousée en même temps
que sa tante paternelle ou maternelle » ou « La parenté de lait est
une cause d’interdiction au même titre que la parenté naturelle »
ou « Une ou deux gorgées ne constituent pas une cause
d’interdiction »373 ou « Le prix du sang est dû par les contri-
butes solidaires de l’auteur de l’homicide ( ‘āqila) »374, et autres
principes.
 375 Très nombreux ḥadīṯ-
s. Voir WENSINCK, Handbook,  s. Clothes,  p.
45. Notamment BUḪ. 51, 27 = HM II, 1 (...)

 376 BUḪ. 56, 91 = HM II, 321 ; 77, 29 = HM IV, 108 ; ḤAN. III,


122, 180, etc…

 377 BUḪ. 87, 8 = HM IV, 408.

431216 c. — 2) La Sunna que Dieu a permis au Prophète


d’instituer en l’autorisant à faire preuve d’initiative personnelle
(ra’y),  et à propos de laquelle il avait la faculté d’établir des
tolérances en faveur de qui il voulait pour une raison impérieuse
ou un motif valable. C’est ainsi que le port de vêtements de soie
fut interdit aux hommes375 mais que ‘Abd al-Raḥmān b. ‘Awf fut
autorisé à en porter pour une raison impérieuse376. C’est aussi
le cas des paroles qu’il prononça lors de la prise de la Mekke :
« On n’en fauchera point l’herbe, et on n’en coupera point les
arbres ». Alors al-‘Abbās b. ‘Abd al-Muṭṭalib dit : « Sauf l’iḏḫir,  ô
Prophète ! Il est destiné à nos artisans ! » Et le Prophète
acquiesça : « Sauf l’iḏḫir  ! »377. Si Dieu avait frappé d’interdit
tous les arbres de la Mekke, il n’aurait pas fait d’exception pour
l’iḏḫir  comme le lui demandait // al-‘Abbās. Mais Dieu lui avait
donné la faculté de mettre à part ce qu’il considèrerait comme

129
utile. Il fit donc une exception pour l’iḏḫhir  en raison des services
qu’il leur rendait.
 378 BUḪ. 56, 94 = HM II, 376 ; cf. aussi 63, 45 = HM III, 44 et
la note des trad.

432Son crieur annonça : « Plus d’Émigration après la conquête [de


la Mekke] ». Al-‘Abbās vint alors intercéder en faveur du frère de
Muğāši‘ b. Mas‘ūd, afin qu’il lui donne [le titre] d’Émigré après la
conquête. Le Prophète dit alors : « J’accepte l’intercession de mon
oncle, mais [au reste] plus d’Émigration »378. Si cette sentence
avait fait l’objet d’une révélation, aucune intercession n’aurait été
licite.
 379 BUḪ. 41, 15 = HM II, 97 ; cf. ḤAN. III, 304, 327, 338, etc…

 380 BUḪ. 25 ; 81 = HM I, 533, etc… C.-à-d. : « Je me


désacraliserais maintenant » (la scène se passe ap (...)

433A cette catégorie appartiennent aussi les ḥadīṯ-s  suivants :


« Les vieilles terres sont à Dieu et à Son Envoyé ; puis elles sont à
vous, venant de moi ; quiconque revivifie une terre morte en
devient propriétaire »379 ; et celui-ci, relatif à la ‘umra  :  « Si je
pouvais intervertir les choses, j’aurais pris l’ iḥrām  pour la
‘umra  ! »380.
 381 Cf. BUḪ. 9, 24 = HM I, 199, etc…

434Il dit à propos de la Prière du ‘ išā’ :  « N’était que cela est


pénible pour ma communauté, je décréterais qu’il faut la faire en
ce moment »381.
 382 ḤAN. III, 237, 250.

 383 Ibid.

 384 Ibid. et IV, 406.

130
435Il avait interdit de conserver la viande des victimes au delà de
trois [jours], de visiter les tombeaux et de boire du nabīḏ  dans
certains cas. Par la suite, il déclara : « Je vous ai interdit de
conserver la viande des victimes au-delà de trois jours. Mais j’ai
constaté que les gens [en] font cadeau à leur hôte et en mettent
de côté // pour les absents. Alors, mangez et conservez ce que
vous voulez ! »382 ; « Je vous ai interdit de visiter les tombeaux :
visitez-les, mais ne proférez point d’indécences. Il m’est apparu
que cela attendrit le cœur ! »383 ; « Je vous ai interdit
le nabīḏ  dans certains cas : buvez-en, mais ne buvez pas de
boissons enivrantes ! »384.
 385 Ibid. et cf. BUḪ. 74, 3 = HM IV, 35.

436Abū Muḥammad dit : tout cela s’éclaire encore si l’on


considère le ḥadīṯ  rapporté par Muḥammad b. Ḫālid b. Ḫidāš —
Muslim b. Qutayba — Yūnus — Mudrik b. ‘Umāra : Le Prophète
pénétra dans la cour d’un homme des Anṣār, et vit un individu
portant du nabīḏ  dans un récipient fait d’un tronc de palmier
creusé. Il lui dit : « Verse-le à terre ! » L’autre dit : « Me permets-
tu de le boire et de ne plus recommencer ? » Le Prophète dit :
« Bois, et n’y reviens pas ! »385.
 386 Index, s. kalāla.

 387 Cf. ḤAN. IV, 295, 301.

 388 Index, s. ẓihār.

 389 On n’a retrouvé que des ḥadīt-s où au contraire le


Prophète prend position. P. ex. ABŪ DĀWŪD 13, 17

437Tout cela montre que Dieu a donné au Prophète la faculté de


prononcer des interdictions, puis d’accorder des tolérances à qui
il voulait. Si cela avait été illicite dans les cas ci-dessus, il se serait
abstenu, comme il le fit lorsqu’on l’interrogea sur la kalāla386 : il
131
dit à celui qui l’interrogeait : « C’est là ce que j’ai reçu, et je ne
t’en dirai pas davantage tant que je n’en aurai pas reçu
davantage »387. Il s’abstint aussi lorsqu’une femme en désaccord
avec son mari vint l’interroger sur le ẓihār388. Il ne // lui répondit
pas, mais dit : « C’est Dieu qui juge sur ce point ! »389.
 390 BUḪ. 26, 10 = HM I, 573 ; cf. BUḪ. 25, 17 = HM I, 499.

438Un bédouin vint le trouver en état de sacralisation ; il était vêtu


d’une ğubba  de laine conservant un relent de parfum et lui
demandait une consultation. Le Prophète ne lui répondit pas ; il
s’enveloppa dans son vêtement et se mit à ronfler comme un
cheval. Lorsqu’il fut réveillé, il lui donna sa consultation390.
 391 Ce ḥadīṯ  figure dans Lisān,  IX, 260 : « Il a ordonné de
faire passer le turban sous le menton (tala(...)

 392 Le mot ğallāla s’applique aux animaux qui se nourrissent


de détritus ou de fiente ; Lisān,  XIII, 12 (...)

 393 P. ex. BUḪ. 34, 25 = HM II, 15, etc…

 394 BUḪ. 59, 20 = HM II, 406 ; 72, 28 = HM III, 18, etc…

 395 BUḪ. 72, 28 = HM III, 19 ; 76, 57 = HM IV, 90 ; ḤAN. I,


147, 244, 326, III, 323, etc…

 396 Coran, VI, 145.

 397 Coran, V, 3.

439216 d. — 3) La troisième catégorie de tradition normative est


la Sunna qu’il a établie pour nous corriger. Si nous en tenons
compte, nous aurons du mérite, mais si nous n’en tenons pas
compte, aucun crime ne nous sera imputé, s’il plaît à Dieu. Ainsi
en est-il de la Sunna relative au port du turban sans le faire
passer sous le menton391 ; à l’interdiction de manger la viande

132
des animaux dits ğallāla392, de tirer bénéfice de la pratique des
saignées393 ; on peut en dire autant de l’interdiction frappant la
viande des ânes domestiques394, de tous les animaux sauvages
à canines et de tous les oiseaux porteurs de serres395 ; et ceci
malgré le verset : « Dis : — Dans ce qui m’a été révélé, je ne
trouve rien d’illicite pour qui se nourrit, sauf s’il s’agit d’une bête
morte, ou d’un sang répandu, ou de viande de porc, car elle est
impure, ou de ce qui a été consacré à un autre que Dieu »396. Il
voulait dire [par ces ḥadīṯ-s] qu’au moment de la révélation, de
cette sourate, il ne trouvait rien d’autre que cela à interdire. Mais
par la suite fut révélée la sourate « La table servie », où sont
déclarées illicites la chair « de la bête étouffée, de la bête tombée
sous des coups, de la bête morte d’une chute ou d’un coup de
corne, la chair de [la bête] dévorée par les fauves, sauf si vous
l’avez purifiée »397. Dieu a donc augmenté [à cette occasion] les
choses déclarées illicites par le Coran, et il y a encore ajouté par le
truchement de Son Envoyé l’interdiction de manger les bêtes
féroces, // les oiseaux [de proie] et les ânes domestiques.
 398 Coran, IV, 101.

 399 Notamment en voyage ; BUḪ. 18, 1, 5, 11 = HM I, 356,


358, 360 ; ḤAN. I, 30, 215, etc…

440On peut en dire autant [des ḥadīṯ-s  autorisant] à abréger la


Prière en période de sécurité, malgré le verset : « Il n’y a pas de
grief à vous faire d’abréger la Prière, si vous craignez que les
infidèles ne vous tourmentent »398. Ce verset nous enseignait
qu’il n’y avait aucun crime de notre part d’abréger la Prière en cas
de danger. Mais le Prophète nous a enseigné en outre de la part
de Dieu qu’il n’y avait pas d’inconvénient à l’abréger aussi bien en
période de sécurité399.
 400 Coran, V, 6. Sur la friction des chaussures, très
nombreux ḥadīṯ-s ;  voir Handbook, s. wuḍū,  262. P (...)

133
441Il en est de même pour la madéfaction des chaussures,
[prescrite] malgré le verset : « Lavez-vous le visage et les mains
jusqu’au coude ! passez-vous la main sur la tête et les pieds
jusqu’aux chevilles ! »400.
 401 DĀRIMĪ, introd., 48.

442‘Isā b. Yūnus rapporte d’après al-Awzā‘ī que Yaḥyā b. Abī Kaṯīr


a dit : « La Sunna l’emporte sur le Coran, mais le Coran ne
l’emporte pas sur la Sunna »401. Il entendait par là qu’elle
explicite le Coran et expose ce que Dieu a voulu dire dans Son
Livre.
***

XLVII. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ-S CONTRADICTOIRES SUR


L’ABLUTION MAJEURE DU VENDREDI
 402 Litt. : « qui a des pollutions » BUḪ. 10, 161 = HM I, 284,
etc… ; ḤAN. III, 6, 30, etc…

443217. — Proposition : Vous enseignez d’après Mālik — Ṣafwān


b. Salīm — ‘Aṭā’ b. Yasār — Abū Sa‘īd al-Ḫidrī que le Prophète a
dit : « L’ablution majeure est obligatoire le vendredi pour tout
individu pubère »402.
 403 Cf. BUḪ. 11, 5 = HM I, 290 ; ḤAN. I, 29, 45 ; II, 424 etc…

444D’autre part, vous rapportez d’après Hammām — Qatāda — //


al-Ḥasan — Samura que le Prophète a dit : « Faire l’ablution
rituelle (wuḍū’)  le vendredi, c’est beau et c’est excellent ; mais
faire l’ablution majeure (ġusl),  c’est encore mieux »403.
445Ce ḥadīṯ  contredit le premier.
 404 ḤAN. IV, 78.

 405 P. ex. BUḪ. 5, 14 = HM I, 103, etc… Nombreux ḥadīṯ-


s. Voir Handbook,  184, s. Perfumes.

134
 406 Cf. BUḪ. 11, 7 = HM I, 291 ; ḤAN. III, 65, etc…

446218. — Réponse : Nous prétendons que la phrase :


« L’ablution majeure est obligatoire (wāğib)  le vendredi pour tout
individu pubère » ne signifie pas qu’elle est d’obligation stricte
(farḍ).  C’est là une pratique que [le Prophète] a déclarée
obligatoire pour les Musulmans — comme d’ailleurs l’ablution
majeure des deux fêtes404 — en vertu d’une préférence et d’un
choix, afin qu’ils assistent à l’assemblée avec des corps propres
n’exhalant aucune odeur désagréable. Il a ordonné en outre de se
parfumer405, de nettoyer son vêtement et de revêtir le vendredi
deux vêtements qui ne soient pas deux vêtements de travail406.
Tout cela est laissé au choix de l’intéressé, et est obligatoire en
vertu d’une préférence, et non en vertu de l’obligation.
447218. — Il nous a enseigné en outre qu’il pouvait exister des
malades, des gens occupés, ou qu’il pouvait s’agir d’une région
très froide, où la pratique de l’ablution majeure est très pénible.
C’est pourquoi il a dit : « Faire l’ablution rituelle, c’est très bien et
c’est excellent », c’est-à-dire : c’est licite. Mais il a déclaré que
l’ablution majeure valait mieux pour qui pouvait la pratiquer.
C’est également pourquoi il a interdit de conserver plus de trois
jours la viande des victimes, puis // a dit : « J’ai constaté que les
gens en offrent à leurs hôtes et en mettent de côté pour les
absents. Mangez et conservez ce que vous voulez ». C’est
pourquoi encore il a interdit de visiter les tombeaux, puis a dit :
« Il m’est apparu que cela attendrit le cœur : visitez-les, mais ne
proférez point d’indécences ».
***

XLVIII. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ INFIRMÉ PAR L’EXPÉRIENCE


 407 DĀRIMĪ, 23, 1 ; Ḥan. IV, 151, IV, 151, etc…

135
448219. — Proposition : Vous enseignez d’après Ibn Lahī‘a —
Mišraḥ b. Hā‘ān — ‘Uqba b. ‘Āmir : que le Prophète a dit : « Si le
Coran était placé dans une peau (ihāb)  puis jeté dans le feu, cela
ne brûlerait pas »407.
449C’est là une tradition historique manifestement fausse, car on
voit parfois des exemplaires du Coran brûler ou subir les mêmes
vicissitudes que les autres objets ou livres.
 408 Hāḏihi l-maṣāḥif  : il peut s’agir des livres chrétiens ou juifs.
Le mot muṣḥaf  désigne habituelleme (...)

450220. — Réponse : Nous prétendons que cela peut s’interpréter


d’une façon qui leur a échappé et qu’ils ignorent. J’ai entendu
Yazīd b. ‘Amr rapporter l’interprétation qu’al-Aṣma‘ī en donne :
Cela veut dire : « Si le Coran était placé // dans un homme, puis
précipité au feu, il ne brûlerait pas ». Al-Aṣma‘ī voulait dire que le
Musulman auquel Dieu a enseigné le Coran, et qui l’a retenu ne
sera pas brûlé en enfer au jour du Jugement, s’il y est précipité
pour ses fautes. C’est ainsi qu’Abū Umāma a dit : « Apprenez le
Coran ; récitez le Coran ; ne soyez pas dupes de ces livres408,
car Dieu ne condamne pas à l’enfer un cœur qui a servi de
réceptacle au Coran ». Il considérait donc le corps humain comme
un réceptacle du Coran, au même titre que la « peau » [dont il est
question dans le ḥadīṯ].
 409 Cf. supra. § 200.

451Le mot ihāb  désigne la peau non tannée409. Si ce mot


désignait la peau tannée, il ne servirait pas de métaphore pour
désigner le corps humain. On comparera la phrase de ‘Ā’iša qui,
parlant de son père dans une ḫuṭba,  disait : « Il a laissé des têtes
sur des épaules et il a empêché des peaux de se vider de leur
sang », c’est-à-dire des corps.

136
 410 Allusion probable aux miracles des prophètes antérieurs,
notamment Jésus. Les Musulmans orthodoxes (...)

 411 BUḪ. 62, 6 = HM II, 597.

 412 ḤAN. IV, 172, 173.

 413 BUḪ. 61, 25 = HM II, 61. Sur tous ces points, voir § 40 c


37 a.

452220 a. — Il existe aussi une autre opinion. Certains disent


qu’au temps du Prophète, c’était là un signe de la prophétie, une
preuve que le Coran est bien la Parole de Dieu et qu’il a bien été
révélé de Sa part. Dieu en a administré la preuve par ce miracle à
un moment donné, lorsqu’il était contesté par les Polythéistes.
Après la disparition du Prophète, cela a cessé. Les miracles se
produisent au // temps des prophètes — résurrection des
morts410, loup qui parle411, chameau qui se plaint412, cadavre
restitué par la terre413… — puis cessent après eux.
453220 b. — D’autres pensent que l’expression « ne brûle pas »
s’applique au Coran, et non à la peau. Ce qui signifierait : Si le
Coran est copié sur du parchemin et qu’on le jette au feu, le
parchemin et l’encre brûlent, mais non le Coran lui-même. Tout
se passe comme si Dieu l’ôtait et le préservait du feu.
 414 Coran, LVI, 77-79,

 415 BUḪ. 56, 129 = HM II, 343 ; ḤAN. II, 6, 10, 63, etc…

454220 c. — Pour nous, nous ne doutons pas que le Coran existe


dans les muṣḥaf-s  au sens propre, et non au sens figuré, alors
que les gens du kalām  prétendent que le contenu des muṣḥaf-
s  est le symbole (dalīl)  du Coran, et non le Coran lui-même. Mais
Dieu a dit : « Voici une prédication bienfaisante, contenue dans un
écrit caché que seuls touchent les Purifiés »414. D’autre part, le

137
Prophète a dit : « N’emportez pas le Coran lorsque vous voyagez
en terre ennemie »415 ; le « Coran » désigne ici le « muṣḥaf ».
***

XLIX. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ INFIRMÉ PAR LE CORAN


 416 Cf. BUḪ. 78, 12 = HM IV, 143.

455221. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit :


« Le respect des liens utérins ajoute à la vie »416.
 417 Coran, VII, 34 = X, 49 = XVI, 61.

456Or Dieu a dit : « Quand vient leur terme, ils ne peuvent le


reculer ni l’avancer d’une heure »417.
457Comment le respect des liens utérins peut-il repousser une
échéance qu’on ne peut « ni reculer, ni avancer » ? //
 418 On n’a pas trouvé trace de cette anecdote.

458222. — Réponse : Nous prétendons que l’expression « ajoute à


la vie » peut être comprise dans deux sens. Le premier est
l’élargissement et l’accroissement des ressources matérielles et
de la santé du corps. On dit parfois : « La pauvreté est la suprême
mort ». Un ḥadīṯ  dit : « Dieu fit savoir à Moïse qu’il ferait mourir
son ennemi. Par la suite, Moïse vit l’ennemi en question tresser
des feuilles de palmier ; il dit : — Seigneur, tu m’avais promis de
le faire mourir ! Dieu répondit : — C’est ce que J’ai fait : Je l’ai
rendu pauvre »418. Un poète a dit :
« Quiconque meurt et repose n’est pas mort,
le [vrai] mort est celui qui est mort parmi les vivants ». C’est-à-
dire le pauvre.
459Puisqu’il est admis d’appeler la pauvreté « mort », et de la
considérer comme une diminution de la vie, il est également

138
admissible d’appeler la richesse « vie » et de la considérer comme
un accroissement de la vie.
460222 a. — L’autre acception possible de cette expression est la
suivante : Dieu a fixé le terme extrême de [la vie] humaine à cent
années. Il a conçu sa constitution physique, sa nature et son
comportement pour vivre quatre-vingts ans ; mais s’il respecte les
liens utérins, Dieu améliore sa constitution et sa nature physique,
et comble la lacune. L’homme vit alors vingt ans de plus et
parvient à cent ans, c’est-à-dire au terme extrême qu’il est
impossible de reculer ou d’avancer. //
***

L. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ INFIRMÉ PAR LE CORAN ET LE


CONSENSUS
 419 On n’a pas retrouvé ce ḥadīṯ.

461223. — Proposition : Vous enseignez que l’aumône légale


repousse le décret fixé419.
 420 Coran, XVI, 40.

462Or Dieu a dit : « Quand Nous voulons une chose, Notre unique
parole à son propos est : — Sois ! et elle est »420.
 421 Ce qui prouve à l’évidence que les Mu‘tazilites ne sont en
rien partisans du libre arbitre.

463Enfin, tout le monde s’accorde sur le fait que rien ne peut


repousser le décret [de Dieu], et que rien ne peut différer Sa
sentence421.
 422 TIR. 5, 28.

464224. — Réponse : En ce qui concerne l’interprétation de


ce ḥadīṯ,  nous prétendons qu’un homme, par ses fautes, peut
avoir été l’objet d’un décret de châtiment ; mais s’il fait l’aumône,

139
il peut repousser [le châtiment] qu’il avait mérité en raison de ses
fautes. J’en veux pour preuve la phrase du Prophète : « L’aumône
faite en secret éteint la colère du Seigneur »422. Or on sait que
quiconque a irrité Dieu s’expose à Son châtiment, et que si l’on
éteint Sa colère par l’aumône, on éteint aussi Son châtiment.
465On peut comparer le cas d’un homme qu’on aurait lésé
gravement, et dont on craindrait les entreprises vengeresses, et la
riposte rapide. Si on lui fait alors un cadeau qui l’apaise, on peut
dire : « Ce cadeau a repoussé le châtiment mérité ».
***

LI. — EXEMPLE D’UN ḤADĪṮ DONT LE DÉBUT ET LA FIN


SONT INCOMPATIBLES
 423 Cf. ḤAN. II, 161, 191, où le ḥadīṯ  est plus précis, et
confirme la réfutation du § 226.

466225. — Proposition : Vous rapportez le ḥadīṯ  suivant : « Il y


aura // à votre tête des imām-s  tels que si vous leur obéissez,
vous serez dans l’erreur, et que si vous leur désobéissez vous
serez égarés »423.
467Cela est déraisonnable : Comment pourra-t-on être égaré en
leur désobéissant, et dans l’erreur en leur obéissant ?
468226. — Réponse : Nous affirmons qu’il n’y a pas dans
ce ḥadīṯ  de contradiction interne si on l’interprète. A notre avis, il
signifie que l’erreur consistera à leur obéir s’ils donnent l’ordre de
désobéir à Dieu, d’opprimer le peuple et de verser le sang
indûment, et que l’égarement consistera à leur désobéir, à se
rebeller contre eux et à « briser le bâton » des Musulmans,
comme l’ont fait les Ḫāriğites. Ce ḥadīṯ  revient à dire qu’il ne
faudra rien faire pour eux ni se rebeller contre eux.
***

140
LII. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ INFIRMÉ PAR LE CORAN ET LE
RAISONNEMENT
 424 BUḪ. 97, 24 = HM IV, 598 sqq. ; Ḥan. IV, 360, etc…

469227. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit :


« Vous verrez votre Seigneur au jour de la résurrection comme
vous voyez la lune lorsqu’elle est pleine ; vous [n’aurez pas
besoin] de vous rassembler pour Le voir »424.
 425 Coran, VI, 103.

 426 Coran, XLII, 11.

470Or Dieu dit : // « Les regards ne sauraient L’atteindre, alors


qu’il peut atteindre les regards »425 et ailleurs : « Rien n’est à Sa
ressemblance »426.
 427 Coran, 143.

471Il est impossible de par le raisonnement que le Créateur


ressemble à la créature par un quelconque de Ses attributs. Moïse
a dit : « Seigneur ! montre-Toi à moi, que je Te regarde ! Le
Seigneur répondit : — Tu ne Me verras point ! »427.
 428 Coran, XXV, 45.

 429 Coran II, 259 : «  qāla a‘lamu anna-llāha…  »  (Vulgate) ;


Texte du Muḫtalif  :  « a lam tara anna-llāha(...)

472Si ce ḥadīṯ  est authentique, le verbe « voir » y signifie


« connaître », comme dans les versets : « Ne vois-tu point
comment ton Seigneur a fait mouvante l’ombre ? »428 ; « Ne
vois-tu pas (a lam tara)  que Dieu, sur toute chose, est
omnipotent ?429.
 430 Voir notamment IBN MĀĞA, 8, 9, 16 (sadaqat al-ibil al-
baqar) et DĀRIMĪ, 3, 4 (zakāt al-ġanam).

141
 431 Zakāt al-nāḍḍ.  Voir le ḥadīṯ  dans Tāğ, V, 90 : « Le
Prophète percevait la zakāt sur les espèces ».

473228. — Nous prétendons que ce ḥadīṯ  est authentique, et qu’il


n’est pas permis de suspecter un ḥadīṯ  semblable, en raison de sa
transmission ininterrompue par des chaînes d’autorités diverses.
S’il se pouvait que de tels ḥadīṯ-s  soient mensongers, il serait
aussi licite de taxer de mensonge tous les éléments de notre
religion régissant notre vie. Ainsi le tašahhud  que nous ne
connaissons que par tradition historique, l’aumône légale [payée]
en bétail430, la zakāt  [payée] en espèces431, la répudiation,
l’affranchissement, et autres choses que nous n’avons apprises
que par tradition historique, sans qu’elles fussent exposées dans
le Coran.
474228 a. — En ce qui concerne le verset « Les regards ne
sauraient l’atteindre, alors qu’il peut atteindre les regards » ainsi
que les paroles de Moïse : « Seigneur, montre-Toi à moi que je Te
regarde ! etc… », tout cela n’infirme en rien les paroles du
Prophète : // « Vous verrez votre Seigneur au jour de la
résurrection… » En effet, Dieu a voulu dire dans le Coran que les
regards ne peuvent Le percevoir sur la terre. Il a voulu dire à
Moïse qu’il ne Le verrait point sur la terre. En effet, Il s’est dérobé
à la vue de toutes les créatures terrestres, mais Il se manifestera à
elles au jour du règlement de comptes, de la récompense et du
talion. Les Croyants Le verront alors comme ils voient la lune la
nuit où elle est pleine, et il n’y aura plus de contestations entre
eux à Son sujet, de même qu’il ne saurait y en avoir au sujet de la
lune. La comparaison ne s’applique d’ailleurs pas à toutes les
qualités de la lune : rondeur, mouvement, mansions, etc. La
comparaison implique seulement que nous regarderons Dieu
comme nous regardons la lune lorsqu’elle est pleine, et que tout
le monde sera d’accord sur Lui comme on est d’accord sur la lune.

142
475Les Arabes se servent de métaphore où intervient la lune pour
parler de notoriété ou d’évidence. Ils disent : « Cela est plus clair
que le soleil ; que l’aurore » ; ou « plus apparent que la lune ». Ḏū
l-Rumma a dit :
« Elle brille de tout son éclat ; elle n’est cachée à personne, sauf à
ceux qui ne savent pas voir la lune ».
476228 b. — L’expression « Vous n’aurez pas besoin de vous
rassembler pour Le voir » est parfaitement explicite, car les gens
se rassemblent au début du mois, pour guetter le premier
quartier. Ils se réunissent, et l’on entend dire : « Le voici ! — Le
voilà ! — Ce n’est pas lui ! » // Or tel n’est pas le cas pour la lune
[dans son plein] car chacun peut la voir de l’endroit où il est et n’a
pas besoin de se joindre à d’autres pour en guetter l’apparition.
 432 Voir § 216d.

477228 c. — Le ḥadīṯ  du Prophète l’emporte sur le Coran et


l’explicite432. Lorsque Dieu dit : « Les regards ne L’atteignent
point » et que l’on rapporte de la bouche du Prophète une
tradition historique authentique telle que : « Vous verrez votre
Seigneur au jour de la résurrection », il n’échappe à aucun homme
doué d’entendement, de bon sens, de cœur et de discernement
que chacune de ces phrases s’applique à des circonstances
différentes.
 433 Allusion aux entretiens de Moïse avec le Seigneur sur le
Sinaï, Cf. notamment Coran,  VII et XXVIII.

 434 Allusion à Coran, XXVIII, 30.

 435 C’est à dire la période au cours de laquelle Moïse séjourna


au Sinaï et où Dieu se manifesta à lui.

 436 Suite de Coran,  VII, 143. Le contexte permet de corriger


en ce sens la trad. BLACHÈRE : « si elle s (...)

143
 437 Lisān, XVIII, 164 ; mais le verbe ğalā est également
intransitif ; « se dévoiler ».

478228 d. — La phrase de Moïse : « Seigneur, montre-Toi à moi


que je Te regarde ! » renferme la preuve la plus évidente qu’on Le
verra au jour de la résurrection. Si Dieu ne pouvait être vu en
aucune circonstance, et qu’il ne soit pas possible de Le
contempler, Il ne se serait jamais manifesté à Moïse comme nul ne
l’ignore433. En effet, à en croire [les gens du kalām],  ceux qui
disent que Dieu sera perçu par les regards // au jour de la
résurrection Le définissent déjà ; or celui pour qui Dieu est défini
l’assimile déjà aux créatures, et quiconque assimile Dieu aux
créatures, selon eux, est un Infidèle. Dans ces conditions,
considérant [l’expérience de] Moïse entre le moment où Dieu lui a
révélé Son message et lui a parlé du haut de l’arbre434 et le
moment où Moïse Lui a dit : « Seigneur, montre-Toi à moi, que je
Te regarde »435, vont-ils le condamner sous prétexte qu’il faisait
œuvre d’anthropomorphisme et définissait Dieu ? Certes non !
Jamais il n’aurait été possible que Moïse fît preuve d’une telle
ignorance à propos de Dieu — en admettant leurs assertions. Au
contraire, Moïse savait que Dieu serait visible au jour de la
résurrection, et il demanda à Dieu de réaliser pour lui sur la terre
ce qu’il a reporté au jour de la résurrection pour Ses prophètes et
Ses fidèles. Dieu répondit donc à Moïse : « Tu ne me verras
point » sur terre « mais regarde la montagne : Si elle ne bouge
pas, tu Me verras »436 pour lui faire comprendre que la
montagne ne saurait résister à Son apparition sans être réduite en
poussière, et que si les montagnes ne peuvent y résister, qu’en
serait-il alors des pauvres hommes ! Mais au jour de la
résurrection, Dieu leur donnera la force de résister à Sa vision, et
déchirera le voile qui Le dérobait à leurs regards pendant leur vie
terrestre. Le mot tağallī  (apparition) est synonyme de ẓuhūr.  On
dit, de la même racine ğalawtu l-‘arūs,  j’ai dévoilé la mariée,

144
lorsqu’on l’a fait apparaître437 ; ou ğalawtu l-mir’āt, al-sayf,  j’ai
révélé le miroir, le sabre, lorsqu’on // les a fait apparaître en les
dégageant de la rouille.
 438 Cf. note 811. Ce passage laisse à penser qu’une
lecture a‘lamu, primitivement -‘lam, inspirée par l (...)

479228 e. — Lorsqu’ils disent que « voir » dans l’expression


« vous verrez votre Seigneur » signifie « connaître », comme dans
le verset : « Ne vois-tu pas que Dieu est sur chaque chose
omnipotent », où il faut entendre « ne sais-tu pas »438, cela est
impossible, car nous Le connaissons aussi bien sur la terre. Quel
serait l’intérêt de cette tradition si les choses étaient identiques
au jour de la résurrection et dans la vie de ce bas monde ?
 439 Matt.  V, 7(8.

 440 Coran, LXXV, 22-23.

 441 Coran, LXXXIII, 15.

480228 f. — J’ai lu dans l’Évangile que lorsque le Messie proclama


la révélation, il dit : « Bienheureux les miséricordieux, car ils
obtiendront eux-mêmes miséricorde ; bienheureux ceux qui ont
le cœur sincère, car ils verront Dieu »439. Dieu a dit : « Des
visages, ce jour-là, seront éclatants, et regarderont vers leur
Seigneur »440 ; Il a dit encore à propos des gens qui l’auront
irrité : « Qu’ils prennent garde ! En vérité, ce jour-là, ils seront
cachés à leur Seigneur ; ils seront ensuite exposés à la
fournaise »441. N’y a-t-il pas dans ce verset la preuve que les
« visages éclatants » qui « regarderont vers leur Seigneur » sont
ceux devant lesquels il n’y aura aucun voile — si tant est qu’un
voile tombe devant les visages [à cette occasion] ?
481228 g. — Si l’on nous demande le comment de cette vision, et
le comment de son objet, nous répondrons : Nous ne prétendons

145
parvenir à la connaissance des attributs divins que dans la mesure
extrême où le Prophète lui-même y est parvenu ; nous ne
repoussons pas les propos authentiques du Prophète sous
prétexte que cela n’est point conforme à notre imagination ni
logique // à nos yeux. Nous y croyons sans nous en demander le
comment ou la définition, et sans préjuger l’avenir en fonction du
passé par analogie. Nous espérons que demain, cette façon de
dire et de croire sera la voie du salut et de la sauvegarde contre
toutes les passions, si Dieu le permet.
***

LIII. — EXEMPLE D’UN ḤADĪṮ SUR


L’ANTHROPOMORPHISME INFIRMÉ PAR LE CORAN ET PAR
LE RAISONNEMENT
 442 ḤAN. II, 173 ; VI, 182, 251, 310.

482229. — Proposition : Vous enseignez que le cœur du Croyant


est entre « deux doigts de la main de Dieu »442. Si vous
entendez ici par « les doigts » : les grâces, et que le ḥadīṯ  est
authentique, c’est une façon de voir. Mais si vous entendez par là
les « doigts » au sens propre, cela est impossible, car on ne
saurait attribuer de membres à Dieu, qui ne saurait être assimilé
aux créatures.
483(Ils pensent aux « grâces » pour interpréter le mot « doigts »,
parce que les Arabes disent : « Quel bon doigt Untel a sur ce qu’il
possède ! », c’est-à-dire : quelle bonne influence ! Le Rā‘ī a dit,
dans la description de ses chameaux :
 443 Ši‘r,  591. « Il » représente le chamelier et « eux » les
chameaux.

« Le jarret maigre, les veines saillantes, tu constates qu’il a sur


eux lorsque les gens sont dans la disette, un doigt »443 ce qui
signifie : Tu constates qu’il a sur eux une bonne influence.)

146
484230. — Réponse : Nous prétendons que ce ḥadīṯ  est
authentique // et que leur interprétation est incompatible avec
[l’esprit] du ḥadīṯ,  En effet, le Prophète invoqua Dieu en ces
termes : « Ô Toi qui retournes les cœurs, raffermis mon cœur
dans Ta religion ! » Une de ses épouses lui dit : « Crains-tu pour
toi-même, ô Prophète ? » Il répondit : « Le cœur du Croyant est
entre deux doigts de la main de Dieu ». Si, comme ils le
suggèrent, le cœur est entre deux « grâces » de Dieu, elles sont là
pour le protéger ; pourquoi donc aurait-il demandé à Dieu
d’affermir son cœur, donnant ainsi à la femme qui lui demandait :
« Crains-tu pour toi-même ? » une réponse affirmative ? Si le
cœur est protégé par deux grâces, il n’avait rien à craindre.
 444 BUḪ. 97, 16, 26, 36 = HM IV, 590 sqq.  ;  609, 629.

 445 Coran, XXXIX, 67.

485230 a. — Si on nous demande alors : Mais que représente ici le


mot « doigt » ? nous répondrons en rappelant cet autre ḥadīṯ  :  « Il
porte la terre sur un doigt » ou « telle chose sur deux
doigts »444. Il est impossible que le mot doigts signifie ici
« grâces ». Il en est de même pour le verset : « Ils n’ont point
mesuré Dieu à Sa vraie mesure. La terre en totalité, au jour de la
résurrection, sera une poignée en Sa main et les cieux seront
ployés en Sa dextre »445, où cela est également impossible.
486Pour nous, il ne s’agit pas d’un doigt comme nos doigts, d’une
main comme nos mains ni d’une poignée comme nos poignées,
car tous ces termes, appliqués à Dieu, [désignent des choses] qui
ne ressemblent pas à [ce qu’ils désignent] chez les humains.
***

LIV. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ ANTHROPOMORPHISTE

147
487231. — Proposition : Vous enseignez que « chacune de ses
deux mains est une dextre ». // Or cela est impossible si vous
entendez par là les deux membres. Comment peut-on concevoir
deux mains dont chacune soit une dextre ?
488232. — Réponse : Nous affirmons que ce ḥadīṯ  est authentique
et qu’il n’a rien d’impossible. Le Prophète a voulu exprimer par là
l’idée d’achèvement et de perfection, car en toute chose, les
éléments de gauche sont inférieurs aux éléments de droite pour la
force, le courage, la perfection. Les Arabes aimaient commencer
par la droite et détestaient commencer par la gauche, en raison de
la perfection inhérente au côté droit et de l’imperfection inhérente
au côté gauche. C’est pourquoi ils opposent le présage favorable
(yumn)  au présage sinistre (šu’m)  en disant : « Le yumn  dérive
de yumnā  (la dextre) et le šu’m  de šu’mā  (la sénestre, c’est-à-
dire la main gauche) ». C’est là une explication claire.
489Il est possible aussi qu’il ait voulu faire allusion à l’expression
« donner des deux mains », car la dextre est la main qui donne. Si
les deux mains sont qualifiées de dextres, c’est parce qu’elles
donnent toutes les deux.
 446 BUḪ. 65, s. 11, ch. 2 = HM III, 344 ; ḤAN. II, 242, 313,
500. Sur saḥḥā’, voir Tāğ,  II, 160 où ce ḥ(...)

490On rapporte dans un autre ḥadīṯ  que le Prophète a dit : « La


dextre de Dieu est une éternelle verseuse. // Rien ne la tarit la
nuit ni le jour »446. Ce qui signifie : elle prodigue ses dons, mais
ne se vide jamais. C’est en ce sens qu’al-Marrār a dit :
 447 L’iwāna  est un puits bien connu que Lisān,  XVI, 183,
et Tāğ,  IX, 132 localisent tous deux en citant (...)

« A l’Iwanā  de ‘Uqayl


est un jeune homme dont les deux mains sont deux
[dextres »447.

148
***

LV. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ ANTHROPOMORPHISTE


 448 BUḪ. 63, 10 = HM III, 8, etc…

 449 Ibid. et 56, 28 = HM II, 294.

491233. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit :


« Votre Seigneur s’étonne de vos gémissements et de votre
désespérance, et de Son empressement à vous exaucer »448 ; il a
dit aussi : « Il a ri de ceci ou de cela »449.
492Seul peut s’étonner et rire quelqu’un qui ne connaissait pas,
puis connaît [soudain] ; c’est alors qu’il rit et s’étonne.
 450 Ibid. et MUS. 36, 172.

493234. — Nous prétendons que l’étonnement et le rire ne


consistent point dans ce qu’ils croient. Il faut comprendre : Telle
ou telle chose était de nature à l’étonner // ou à Le faire rire — en
effet, on ne rit que d’une chose étonnante. C’est pourquoi le
Prophète a dit à l’Anṣārī qui, recevant un hôte et n’ayant que juste
assez de nourriture pour lui-même, ordonna à sa femme
d’éteindre la lampe afin que l’invité ne s’aperçût point que son
hôte ne mangeait pas : « Dieu s’est étonné de votre procédé
d’hier »450. Ce qui signifie : Ce procédé était de nature à étonner
n’importe qui.
 451 Coran, XIII, 5.

494Dieu a dit à son Prophète : « Si tu dois t’étonner, étonnante est


la parole des incrédules »451. Il ne voulait pas dire : Cela est
étonnant à Mon avis, mais seulement : Cela est étonnant pour qui
l’entend.
***

LVI. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ ANTHROPOMORPHISTE


149
 452 Cf. ḤAN. II, 268, 409, 518.

495235. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit :


« N’injuriez pas le vent, car c’est un souffle du
Miséricordieux »452. Ceci implique que le vent est pour vous une
chose incréée, car rien de ce qui émane du Miséricordieux n’est
créé.
 453 Coran, XXXIII, 9.

 454 On n’a pas retrouvé ce ḥadīṯ. Mais voir p. ex. BUḪ. 61, 2 =


HM II, 536, où sont vantées les vertus (...)

496236. — Réponse : Nous prétendons que ce qu’il appelait


« souffle » n’a rien de commun avec ce qu’ils croient. Il a
seulement voulu dire que le vent est l’émanation du réconfort et
de la sérénité du Miséricordieux. On dit : « Seigneur, dissipe
(naffis)  de moi le mal ! » Dieu a envoyé un vent pour soulager son
Prophète // le jour des Factions. Il a dit : « Nous envoyâmes
contre eux un vent et des légions invisibles pour vous »453.
Enfin, le Prophète a dit : « Je trouve que le souffle de votre
Seigneur vient du Yémen »454.
 455 On sait que les Anṣār (Aws et Ḫazrağ) sont unanimement
considérés comme de souche yéménite. Cf. EI, (...)

497Abū Muḥammad dit : C’était là une métaphore, car il voulait


dire : « Les gens de la Mekke m’avaient causé difficultés, soucis et
chagrins, mais Dieu m’a réconforté grâce aux Anṣār, qui sont
originaires du Yémen »455. Donc le « souffle » est l’émanation du
réconfort et de la sérénité de Dieu, tout comme les Anṣār étaient
l’instrument de Son réconfort.
498Abū Muḥammad dit : J’ai exposé cela plus longuement dans
mon livre sur le Ġarīb al-ḥadīṯ.  Il était néanmoins indispensable
d’en parler ici, afin que le présent ouvrage soit complet.

150
***

LVII. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ ANTHROPOMORPHISTE


 456 On a retenu la leçon du texte : tuḥabbabūn wa
tubağğalūn,  ignorée par les recueils de ḥadīṯ,  qui ne (...)

499237. — Vous enseignez que le Prophète a dit à l’un des deux


fils de sa fille : « Par Dieu, on vous aimera et on vous vénèrera ;
vous êtes le parfum de Dieu. Le dernier pas que Dieu a fait sur la
terre était à Wağğ »456.
 457 BUḪ. 65, s. 44, ch. 3 = HM III, 441 ; ḤAN. I, 380, 431,
441.

500238. — Réponse : Nous prétendons que ce ḥadīṯ  a une


explication // satisfaisante qu’ont admise certains partisans de la
spéculation et certains partisans du ḥadīṯ.  Ils interprètent : La
dernière défaite que Dieu infligea aux polythéistes eut lieu à Ṭā’if,
et la dernière expédition entreprise par le Prophète eut lieu à
Wağğ — Wağğ est une vallée aux environs de Ṭā’if. Telle était
l’opinion de Sufyān b. ‘Uyayna, qui disait : On peut rapprocher
ce ḥadīṯ  de l’invocation du Prophète : « Seigneur, renforce Ton
oppression contre Muḍar ; envoie-leur des années comme les
années de Joseph »457. Alors la disette s’abattit sur eux pendant
sept ans, au point qu’ils mangèrent la peau et les os des moutons.
On dit couramment : L’oppression du souverain s’est appesantie
sur ses sujets ; il les a piétinés lourdement, comme le ferait un
homme enchaîné. Le poète a dit :
 458 Ce vers serait de ZUHAYR ; Lisān, XVI, 89.

« Tu nous a piétinés bel et bien dans ta colère,


comme l’homme entravé piétine le harm  sec »458.
 459 D’après KAZIMIRSKI : solsola imbricata.

151
501En effet, un homme entravé a beaucoup de mal à fouler aux
pieds, car il se déplace péniblement dans ses liens et pose ses
deux pieds ensemble. Le harm  est une plante fragile : si on la
piétine, elle se brise et s’écrase459.
 460 Al-Inğīl al-ṣaḥīḥ.  On incline à voir là la traduction de
l’expression : « le Saint Évangile » dans (...)

 461 Matt.  V, 33-37. Texte remarquable de fidélité à l’original.

502238 a. — Cette manière de voir est loin d’être détestable, et


flatte le cœur, Mais je n’oserais affirmer que telle était l’intention
du Prophète, car j’ai lu dans le Saint Évangile460 que le Messie a
dit aux Apôtres : « N’avez-vous pas appris qu’il // a été dit aux
anciens : — Ne vous parjurez point lorsque vous jurez par Dieu
mais soyez fidèles. Mais moi, je vous dis de ne jurer aucunement,
ni par le ciel parce que c’est le trône de Dieu, ni par la terre parce
que c’est Son marchepied (mawṭi’),  ni par Jérusalem, parce que
c’est la ville du grand roi. Ne jure pas non plus par ta tête, parce
que tu ne peux y ajouter un seul cheveu blanc ou noir. Que votre
parole soit oui, oui, non, non ; ce qu’on y ajoute vient du
Démon »461.
 462 Ce ḥadīṯ  se retrouve dans Tāğ,  II, 110.

503238 b. — Abū Muḥammad dit : J’y ajouterai un


autre ḥadīṯ  rapporté par Yazīd b. ‘Amr — ‘Abd Allāh b. al-Zubayr
al-Makkī — ‘Abd Allāh b. al-Ḥāriṯ — Abū Bakr b. ‘Abd al-Raḥmān
— Ka‘b : « Wağğ est sacré ; c’est de là que le Seigneur monta au
ciel après avoir décrété la création de la terre »462.
***

LVIII. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ ANTHROPOMORPHISTE


 463 On trouve plutôt ḏirā‘ al-ğabbār. Voir § 101. ḤAN. II, 334,
547.

152
504239. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit :
« La dent de l’infidèle en enfer est de la taille du mont Uḥud, et
l’épaisseur // de sa peau est de quarante coudées [mesurées]
au bā‘ al-ğabbār »463.
 464 Coran, L, 45.

505240. — Réponse : Nous prétendons que ce ḥadīṯ  a une


explication satisfaisante — si c’est du moins ce que le Prophète a
voulu dire : le mot ğabbār  ici signifie « roi ». Dieu a dit : « Tu n’es
pas pour eux un ğabbār »464, c’est-à-dire un roi souverain. Les
Ğabābira sont des rois.
506C’est ainsi que les gens disent : « Ceci mesure tant et tant de
coudées [mesurées] à la coudée du roi », pour dire « à la grande
coudée ». Je crois qu’il s’agit d’un roi des Persans qui avait le bras
très développé et qui lui donna son nom.
***

LIX. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ ANTHROPOMORPHISTE


 465 SUYŪṬĪ, Ğāmi‘,  151.

507241. — Proposition : Vous enseignez qu’Ibn ‘Abbās a dit : « La


Pierre Noire est la dextre de Dieu sur terre. Il donne la main à qui
Il veut parmi les créatures »465.
 466 Cette réflexion de ‘Ā’iša ne paraît pas avoir été retenue par
les compilateurs de ḥadīṯ.

508242. — Réponse : Nous prétendons que cela est langage


figuré et comparaison. A l’origine, lorsqu’un roi tendait la main à
quelqu’un, c’était pour qu’on la lui baisât. Tout se passe comme
si la Pierre Noire était la main de Dieu, que l’on touche et que l’on
baise. Il m’est parvenu que ‘Ā’iša a dit : « Lorsque Dieu reçut // le
pacte des fils d’Adam et que, leur demandant de porter
témoignage à l’encontre d’eux-mêmes, en disant : — Ne suis-Je

153
pas votre Seigneur ? ils répondirent : — Que Si ! Il déposa [ce
pacte] dans la Pierre Noire et dit : — Ne les entendez-vous pas
dire lorsqu’ils l’embrassent : — C’est par foi en Toi et par fidélité
envers Ton pacte ! » C’est-à-dire : — Nous respectons Ton pacte,
c’est Toi notre Seigneur. Or les gens de la Ğāhiliyya
l’embrassaient déjà bien qu’ils fussent polythéistes ; mais ils ne
l’embrassaient pas pour la bonne cause, car ils étaient
infidèles466.
***

LX. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ ANTHROPOMORPHISTE


 467 ḤAN. V, 243 ; cf. IV, 66 ; V, 58.

509243. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit :


« J’ai trouvé en mon Seigneur la plus belle des figures. Il a posé Sa
paume entre mes omoplates, et j’ai senti le froid de Ses doigts
entre mes pectoraux »467.
 468 Coran, CII, 143. Toute cette argumentation fait double
emploi avec celle du n° LII.

 469 Coran, XVII, 60.

510244. — Réponse : Nous prétendons que Dieu ne peut être


atteint par les regards, mais qu’il atteint les regards, au moins sur
terre. Mais lorsque viendra le jour de la résurrection, les Croyants
Le verront comme ils voient la lune lorsqu’elle est pleine. Moïse
Lui demanda : « Seigneur ; montre-Toi à moi, que je Te
voie ! »468 pour devancer le moment auquel Dieu a reporté Sa
vision, tant pour Moïse que pour les autres hommes, amis de
Dieu. Mais Il lui répondit : « Tu ne me verras point ! » C’est
pourquoi certains disent que notre Prophète ne L’a jamais vu
qu’en // rêve, lorsque l’Inspiration le visitait, et que la nuit de son
Ascension, il voyagea en esprit, et non physiquement. On connaît

154
le verset : « Et Nous avons placé seulement en manière de
tentation pour les hommes la vision que nous t’avons fait voir et
l’arbre maudit dans la Prédication »469. La « vision » désigne ici
ce qu’il lui montra la nuit où Il le fit monter au ciel. Le Prophète
révéla cela, mais certains le nièrent en disant : « Comment aurait-
il pu aller à Jérusalem, puis monter au ciel, puis redescendre sur
la terre en une nuit ? » Ils s’imaginaient qu’il prétendait avoir fait
cette ascension corporellement. Abū Bakr fut de ceux qui crurent
ses paroles et le soutinrent ; c’est pourquoi il fut surnommé « le
Véridique ».
 470 On n’a pas retrouvé ce trait, qui pourrait bien avoir été
forgé pour la circonstance.

511On affirme qu’une de ses épouses a dit au sujet de la nuit de


l’Ascension : « Nous n’avons point été privées de son corps »470.
 471 Coran, LXXXI, 23.

 472 BUḪ. 59, 7 = HM II, 436 ; 65, s. 53, ch. 2 sqq. = HM III,


456 ; ḤAN. I, 395, 460. Tous ces ḥadīṯ-s (...)

512244 a. — A propos du verset : « Certes, il l’a vu à l’horizon


éclatant »471, j’ai entendu Abū l-Ḫaṭṭāb d’après Mālik b. Su‘ayr —
al-A‘maš — al-Walīd b. al-‘Ayrār — Abū l-Aḥwaṣ dire : « Il vit
Gabriel sous son apparence ; il avait sept cents ailes »472.
 473 Cf. ḤAN. IV, 181.

513Ils disent : Un autre ḥadīṯ  // constitue également une preuve. Il


est rapporté par ‘Abd Allāh b. Wahb — ‘Amr b. al-Ḥāriṯ — Sa‘īd b.
Abī Hilāl — Marwān b. ‘Uṯmān — ‘Umāra b. ‘Āmir — Umm al-
Ṭufayl, épouse d’Ubayy b. Ka‘b : « Cette dernière entendit le
Prophète raconter qu’il avait vu le Seigneur pendant son sommeil
sous la forme d’un jeune homme à la chevelure abondante

155
environné d’une lueur verte. Il avait sur son trône un tapis d’or et
portait aux pieds des sandales d’or »473.
 474 Coran, XVII, 1.

514244 b. — Nous n’avons d’ailleurs jamais dit que nous


partagions l’opinion de ceux qui interprètent ce ḥadīṯ  comme
nous venons de le rapporter. Si nous l’avons fait, c’est pour que
l’on sache que certains l’interprètent ainsi et arguent des
deux ḥadīṯ-s  que nous venons de citer. Comment peut-on
admettre cette interprétation lorsque Dieu dit : // « Gloire à Celui
qui a transporté Son serviteur, la nuit… » etc.474 ?
515Cette interprétation ne saurait être la bonne, et on ne peut
arguer de tels ḥadīṯ-s  pour l’imposer. Nous demandons à Dieu de
nous préserver de tels errements, afin que nous interprétions
toujours les révélations divines à l’avantage de Muḥammad.
 475 Ẓāhir. Importante prise de position sur l’exégèse
coranique.

516Nous admettons bien le ḥadīṯ,  mais nous recevons le Coran


avec son sens apparent475.
***

LXI. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ ANTHROPOMORPHISTE


 476 Cf. BUḪ. 79, 1 = HM IV, 214 ; ḤAN. II, 244, 251, 310.

517245. — Proposition : Vous enseignez après le Prophète que


Dieu créa Adam à Son image476. Or Dieu, de par Sa majesté, ne
saurait avoir ni image ni figure.
 477 Coran, XLII, 11. On a ici quelque peu torturé le français
afin de rendre intelligible la démonstrat (...)

 478 En somme, il faudrait distinguer miṯl,  qui n’est


qu’une kināya  désignant le sujet lui-même, et naẓī  (...)

156
518246. — Réponse : Nous affirmons comme eux que la majesté
de Dieu est incompatible avec une figure ou une image.
Cependant, il est fréquent que les hommes soient habitués à une
chose qu’ils connaissent bien, mais n’en disent rien et lui dénient
toute ressemblance [avec autre chose]. On n’ignore pas que Dieu
se décrit en ces termes : « Rien n’est comme son analogue ; Il est
audient et clairvoyant »477. La lettre de ce verset signifie que ce
qui Lui est analogue ne ressemble à rien d’autre. Or l’analogue de
quelque chose est distinct de cette chose. D’après la lettre de ce
verset, Dieu aurait donc un analogue. Or dans le langage
[courant], le mot « analogue » (miṯl)  ne désigne pas autre chose
que la chose elle-même. On dit : « Un homme analogue à moi, on
ne lui dit pas de telles choses ! » ou « Un homme analogue à moi,
on ne fait rien sans son ordre ! » // Cela ne veut pas dire : « A
mon semblable (naẓīrī),  on ne lui dit pas cela » ou « Mon
semblable, on ne fait rien en dehors de lui » mais « A moi-même,
on ne dit pas cela » etc… De même, dans le verset en question,
« Rien n’est comme son analogue » signifie « rien n’est comme
Lui », ce qui correspond bien à la locution courante478.
519On peut aussi considérer que le kāf  (comme) est explétif,
comme dans l’expression : « Il m’a parlé avec une langue comme
l’analogue d’un javelot », ou « Elle a des doigts comme l’analogue
du ‘anam »,  ou encore dans le vers du rāğiz  :
 479 Le texte porte kakamā, où ka-  fait évidemment double
emploi avec -kamā.  On admettra que cette tourn (...)

« [Il ne reste que] les pierres du foyer, telles comme si elles


étaient brûlées pour avoir servi »479.
520où il a accolé un kāf  au kāf,  qui est synonyme de miṯl.
521246 a. — Mais les // gens sont perplexes quant à
l’interprétation de la parole du Prophète : « Il a créé Adam à Son
image ». Certains adeptes du kalām  prétendent qu’il a voulu dire :
157
« Il a créé Adam à l’image d’Adam », sans plus. Si tel était le sens
du texte, il n’aurait aucun intérêt. Qui douterait que Dieu a créé
l’homme à l’image de l’homme, les fauves à l’image des fauves et
les animaux domestiques à l’image des animaux domestiques ?
522Certains autres prétendent que Dieu a créé Adam
conformément à une image qu’il avait par devers Lui, mais ceci
est impossible, car Dieu n’a pu créer ses créatures d’après un
modèle.
523246 b. — S’agissant du ḥadīṯ  :  « N’enlaidissez pas le visage,
car Dieu a créé l’homme à Son image » d’aucuns prétendent que
Dieu a créé Adam à l’image du visage, mais cela, comme la
première interprétation, n’a aucun intérêt. Les hommes savent
bien que Dieu a créé Adam sous la même forme que ses
descendants, et son visage sous la même forme que leur visage.
524246 c. — Certains ajoutent un commentaire au ḥadīṯ  et
déclarent que comme le Prophète passait auprès d’un homme qui
en frappait un autre au visage, il dit : « Ne le frappe pas, car Dieu
a créé Adam // à son image », c’est-à-dire à l’image de l’homme
frappé. Cette opinion comporte le même vice que la première. En
présence de ces interprétations suspectes, et des controverses
qu’elles ont suscitées, certains, dans leur aveuglement, ont été
portés à compléter le ḥadīṯ.  Ils disent — d’après Ibn ‘Umar — que
le Prophète a dit : « Dieu créa Adam à l’image du Miséricordieux »,
et ceci pour bien montrer que le pronom, dans « son image » se
rapporte à Dieu, et que la phrase devient claire en remplaçant le
pronom par « le Miséricordieux », comme pour dire : le
Miséricordieux a créé l’homme à Son image. Ils commettent ainsi
une erreur déplorable, car il n’est pas permis de dire : « Dieu a
créé le ciel par la volonté du Miséricordieux » ou « par le vouloir
du Miséricordieux ». Cette façon de dire serait licite si le second
nom désignait un objet distinct du premier ou si le ḥadīṯ  disait :

158
« N’enlaidissez point le visage, car il a été créé à l’image du
Miséricordieux ». Or dans leur version, tout se passe comme si le
Miséricordieux était distinct de Dieu, et vice-versa. Si la version
d’Ibn ‘Umar est exacte, il en est bien comme l’a dit le Prophète, et
ce ḥadīṯ  n’admet ni interprétation, ni controverse. //
 480 Nūr, sic.

525246 d. — Abū Muḥammad dit : Parmi les diverses


interprétations, je n’en connais pas de plus plausible et de moins
contestable que celle d’un partisan de la spéculation qui disait à
propos de ce ḥadīṯ  :  Il signifie : « Dieu a créé Adam au paradis  à
sa propre image sur la terre  ».  Tout se passe en ce cas comme si
l’on affirmait qu’Adam avait au paradis telle taille, tel aspect, telle
lumière480, tel parfum, pour distinguer ses caractéristiques au
paradis de celles qu’il eut [ensuite] sur la terre. Le Prophète aurait
ainsi voulu dire : « Dieu créa Adam (au paradis) à sa propre image
(celle qu’il avait sur la terre) ».
 481 Gen.  I, 25 et II, 7.

526Je n’affirmerai pas que cette explication s’applique à


ce ḥadīṯ,  et je ne décréterai pas que telle était l’intention du
Prophète à cette occasion, car j’ai lu dans la Thora que lorsque
Dieu créa les cieux et la terre, Il dit : « Nous créerons une espèce
humaine à Notre image ! Et Il créa Adam de la couche superficielle
de la terre ; Il souffla dans son visage un souffle de vie »481.
Voilà qui ne saurait autoriser l’interprétation en question.
 482 Réminiscence d’Exode XVII, 6, épisode du rocher d’Horeb.

527246 e. — Il en est de même pour le ḥadīṯ  d’Ibn ‘Abbās où il


rapporte que lorsque Moïse frappa la pierre qui se fendit pour les
fils d’Israël, il leur dit : « Buvez, ô ânes ! » Alors Dieu // lui révéla :
« Tu es allé vers des hommes, Mes créatures que J’ai créées à Mon

159
image, et tu les as comparés à des ânes ! » Mais Moïse ne cessa
point jusqu’à ce qu’il fût puni482. Ceci est conforme au sens
du ḥadīṯ.
528246 f. — Abū Muḥammad dit : Pour moi (mais Dieu sait le
mieux la vérité) le mot « image » n’a ici rien de plus insolite que
les « mains », le « doigt » ou « l’œil ». Ces termes nous sont
familiers parce qu’ils figurent dans le Coran, et le mot « image »
ne nous paraît étrange que parce qu’il ne figure pas dans le
Coran.
529En ce qui nous concerne donc, nous croyons à tout cela sans
nous interroger en aucun cas sur ses modalités ( kayfiyya)  ou sa
délimitation (ḥadd).
***

LXII. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ ANTHROPOMORPHISTE


 483 ḤAN. IV, 11.

530247. — Proposition : Vous rapportez dans un ḥadīṯ  d’Abū


Razīn al-‘Aqīlī que Ḥammād b. Salama dit au Prophète : « Où était
le Seigneur avant qu’il ne créât les deux et la terre ? » Il répondit :
« Il était dans des ténètres, avec de l’air au-dessus et en-
dessous ! »483.
531Cela est de la délimitation (taḥdīd)  et de l’anthropomorphisme.
532248. — Réponse : Nous prétendons que l’on n’est pas d’accord
sur le ḥadīṯ  d’Abū Razīn en question. On le trouve, émanant d’une
autre source, dans des termes également répréhensibles. Les
transmetteurs en sont des bédouins. Le nommé Wakī‘ b. Ḥudus,
de la bouche duquel on rapporte entre autres le ḥadīṯ  de Ḥammād
b. Salama, est un inconnu. Cependant, il y a sur l’interprétation de
ce ḥadīṯ  les propos // d’Abū ‘Ubayd al-Qāsim b. Sallām ; Aḥmad
b. Sa‘īd al-Liḥyānī rapporte qu’il a dit : « Les ténèbres
(‘amā’)  désignent un nuage ». Il apparaît que ceci est exact dans
160
la langue si la dernière lettre du mot est un alif long ; mais si c’est
un alif bref, à savoir ‘imä  (aveuglement), il veut dire qu’il se
dérobait à la connaissance des hommes, comme dans
l’expression : « Je suis aveugle dans cette affaire » (‘amiya, ya‘mā,
‘aman)  qui signifie : elle est compliquée, on ne la connaît pas, on
ignore ses tenants et ses aboutissants. De toute chose cachée, on
peut dire qu’elle est dans les « ténèbres » (‘aman)  par rapport à
nous.
533Quant à l’expression : « avec de l’air au-dessus et au-
dessous », certains y ajoutent la négation mā,  et disent : « sans
air au-dessus, ni au-dessous » pour éviter qu’on se représente de
l’air au-dessus et au-dessous, et Dieu entre les deux. Or la
version transmise est bien la première, et le caractère suspect du
texte ne change pas en ajoutant une négation, car les expressions
« au-dessus » et « au-dessous » demeurent. Mais Dieu sait mieux
la vérité.
***

LXIII. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ ANTHROPOMORPHISTE


 484 MĀLIK, 56, 3.

534249. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit :


« N’insultez pas le destin (dahr)  car Dieu est Lui-même le
destin »484. Vous rejoignez par là la thèse des Dahriyya.
535250. — Réponse : Pendant la période préislamique, les Arabes
disaient : « Le destin m’a frappé dans mon bien de telle et telle
manière ou « Je suis victime des calamités, ou des sévices, // ou
des malheurs du destin ». Le vieillard disait : « Le destin m’a
courbé ». Ils attribuaient au destin toutes les manifestations du
décret de Dieu : mort, infirmité, perte des enfants, vieillesse, et
disaient : « Que Dieu maudisse le destin ! » Ils l’appelaient al-

161
manūn,  car c’est lui qui leur apportait la mort. Al-manūn  est
synonyme d’al-maniyya  (la mort). Abū Ḏu’ayb a dit :
 485 Il s’agit d’ABŪ ḎU’AYB AL-HUḎALĪ, ḪUWAYLID B. ḪĀLID, sur
lequel voir Ši‘r, 635-642.

« Est-ce de la mort (manūn)  et de son incertitude que tu


souffres ?
Le destin n’apaise pas celui qui s’afflige »485.
536Abū Muḥammad dit : C’est sous cette forme que je tiens ce
vers d’al-Riyāšī — al-Aṣma‘ī — Ibn Abī Ṭarafa al-Huḏalī — Abū
Ḏu’ayb. Certains le transmettent sous la forme : «  wa raybihā  »  au
lieu de « wa raybihi »  (son incertitude). Ils assimilent
grammaticalement manūn  à maniyya.  C’est une erreur, car le
verbe « n’apaise pas » est au masculin.
 486 Coran, LII, 30.

 487 Coran, XLV, 24.

537Dieu a dit : « Nous l’attendons lors de l’incertitude du


trépas »486, c’est-à-dire : « l’incertitude du destin et ses
manifestations ». Ailleurs, Dieu fait parler les hommes d’avant
l’Islam, qui attribuaient au destin les décrets // et les actes de
Dieu : « Ils ont dit : — Il n’existe que cette vie immédiate. Nous
mourons et nous vivons, et seul le destin nous fait périr. De cela
ils n’ont aucune science ; ils ne font que conjecturer »487. Le
Prophète a donc voulu dire : « N’insultez pas le destin lorsque
vous êtes accablés par les malheurs. Ne les lui imputez pas, car
c’est Dieu qui vous les envoie, non la fatalité. Si vous insultez
l’agent, c’est Dieu que vous insultez ! »
538N’est-il pas évident que lorsqu’un homme est frappé d’une
calamité ou d’un malheur dans ses biens, ses enfants ou sa

162
propre personne, et en insulte l’agent, c’est Dieu qu’il insulte par
là même ?
539250 a. — Je vais tenter par un apologue de rendre plus
accessible l’interprétation de ce propos — quoique elle soit déjà
assez accessible, grâce à Dieu. Supposons un homme du nom de
Zayd qui ordonnerait à un de ses esclaves nommé Fath de tuer
quelqu’un. L’ordre exécuté, les gens insulteraient et maudiraient
Fath. On pourrait alors leur dire : « N’insultez pas Fatḥ, car Fatḥ,
c’est Zayd ! » C’est-à-dire : C’est Zayd le meurtrier, car c’est lui
l’instigateur. La phrase voudrait donc dire : Le meurtrier est Zayd,
et non Fatḥ. De même, le destin implique des malheurs et des
catastrophes qui dépendent des décrets de Dieu. Les hommes
insultent le destin parce que c’est lui qui implique ces malheurs et
ces catastrophes, mais ce n’est pas lui le véritable agent.
540On peut donc dire : // « N’insultez pas le destin, car le destin,
c’est Dieu ».
***

LXIV. — EXEMPLE DE ḤADĪT ANTHROPOMORPHISTE


 488 BUḪ. 97, 50 = HM IV, 643 ; ḤAN. II, 251, 316, 413… ; III,
40, 127, etc…

541251. — Proposition : Vous enseignez d’après Abū Ḏarr et Abū


Hurayra que le Prophète a dit : « Dieu dit : Quiconque s’approche
de Moi d’un empan, Je M’approche de lui d’une coudée ;
quiconque s’approche de Moi d’une coudée, Je M’approche de lui
d’une brasse ; quiconque vient vers Moi au pas, Je viens vers lui
en courant »488.
542252. — Réponse : Nous prétendons que cela est comparaison
et langage figuré. Ces paroles veulent dire : « Quiconque M’obéit
rapidement, Je le récompense encore plus rapidement ». Pour
exprimer cela, Il a utilisé une métaphore à base de marche et de

163
course, tout comme lorsqu’on dit : « Untel marche rapidement
dans l’égarement » (awḍa‘a  veut dire : marcher rapidement). Cela
ne veut pas dire qu’il y marche au sens propre, mais qu’il s’y
précipite, au sens figuré. Dans cette métaphore, la
racine WḌ‘  désigne donc la précipitation.
 489 Coran, XXII, 51 = XXXIV, 5.

543Il en est de même pour le verset : « Ceux qui


marchent (sa‘aw)  contre nos Signes pour nous réduire à
l’impuissance… »489. Sa‘y  est synonyme d’isrā‘,  et signifie :
marche rapide. Cela ne veut pas dire qu’ils marchent
continuellement, mais qu’ils s’évertuent en intention et en actes.
Mais Dieu sait le mieux la vérité.
***

LXV. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ INFIRMÉ PAR LE CONSENSUS


ET PAR LE CORAN
 490 ḤAN. VI, 296.

544253. — Proposition : Vous rapportez que le fils d’Umm


Maktūm demanda audience au Prophète // alors que celui-ci avait
auprès de lui deux de ses femmes. Il leur ordonna de se voiler,
mais elles dirent : « Ô Envoyé de Dieu, il est aveugle ! » Il
répliqua : « Et vous, êtes-vous aveugles ? »490.
 491 P. ex. BUḪ. 10, 163 = HM I, 287.

545Or tout le monde s’accorde sur le fait qu’il n’est pas illicite que
les femmes regardent les hommes quand elles sont voilées. A
l’époque du Prophète, elles allaient à la mosquée et faisaient la
Prière avec les hommes491.
 492 Coran, XXIV, 31.

 493 C.-à-d. des yeux et des mains.

164
546A propos du verset : « …qu’elles ne montrent de leurs atours
que ce qui en paraît »492, vous affirmez qu’il s’agit du kuḥl  et de
la bague493.
 494 Coran, XXXIII, 53.

547254. — Réponse : Nous affirmons que Dieu a ordonné aux


épouses du Prophète de se voiler, puisqu’il a imposé aux hommes
de ne leur parler que de derrière un voile dans le verset : « Quand
vous demandez quelque chose [aux épouses du Prophète],
demandez-le de derrière un voile ! »494. Que ce fût un aveugle
ou un clairvoyant qui entrait auprès d’elles sans qu’un voile les
dérobât à sa vue, il désobéissait également à Dieu ; quant à elles,
elles Lui désobéissaient également si elles l’autorisaient à entrer
auprès d’elles.
548C’était là un privilège des épouses du Prophète, auxquelles il
était en outre spécialement interdit d’épouser aucun
Musulman. // Mais lorsqu’elles sortaient pour accomplir le
pèlerinage, ou toute autre obligation rituelle, ou en raison d’une
affaire quelconque les obligeant à quitter leur maison, elles
n’étaient plus tenues de se voiler ; en effet, en l’occurrence,
personne n’entrait auprès d’elles. [Toutefois], elles étaient tenues
de se voiler si elles partaient en voyage, mais cette obligation ne
leur était imposée que dans les demeures où elles s’arrêtaient.
***

LXVI. — EXEMPLE DE DEUX ḤADĪṮ-S CONTRADICTOIRES


 495 ḤAN. VI, 49, 208, 237. Le cas auquel s’applique cet adage
est bien défini ici.

549255. — Vous enseignez que le Prophète a décrété : « Les


revenus suivent le risque »495. Par exemple, un individu achète
un esclave, l’emploie un moment, puis se rend compte qu’il a un
vice rédhibitoire. Il le restitue alors en raison de ce vice, mais il ne

165
restitue pas le bénéfice qu’il en a tiré, ou ḫarāğ  ;  en effet, il en
était responsable, et si l’esclave était mort, c’est son patrimoine
qui en aurait subi le préjudice.
 496 BUḪ. 34, 64 = HM II, 33 ; ḤAN. I, 430, 431 ; II, 248, 460,
481.

550D’autre part, vous enseignez que quiconque achète une brebis


dite muṣarrāt  conserve l’option pendant trois jours. S’il le désire,
il la restitue, mais il y joint une mesure de nourriture496. Cela est
contraire à la première sentence, car le lait tiré est un
produit (ġalla),  et [l’acheteur] était responsable [de la brebis] : si
elle était morte, c’est son patrimoine qui aurait subi le préjudice.
Ce cas est identique à celui du « revenu suivant le risque » et il n’y
a aucune différence.
551256. — Réponse : Nous prétendons qu’il y a entre les deux une
différence évidente, car // une brebis muṣarrāt  et une
brebis muḥaffala  sont une seule et même chose : c’est celle qui
demeure pendant plusieurs jours sans être traite, si bien que le
lait s’accumule dans son pis, qui devient énorme. Lorsque
quelqu’un l’achète et la trait, il l’épuise en une ou deux traites.
Puis quand le lait se trouve tari et que l’acheteur se rend compte
qu’elle était muḥaffala,  il la restitue avec une mesure de
nourriture, car le lait qui était dans le pis était la propriété du
vendeur, et non la sienne ; il lui restitue donc la valeur du lait.
552Mais en ce qui concerne l’esclave vendu avec un vice rédhi-
bitoire, dont l’acheteur ne se rend pas compte, aucun
produit (ġalla)  n’est vendu en même temps, si bien que tout
bénéfice [procuré par cet esclave] rentre dans le patrimoine de
l’acheteur, qui n’est pas tenu d’en restituer quoi que ce soit.
***

LXVII. — EXEMPLE DE DEUX ḤADĪṮ-S CONTRADICTOIRES

166
 497 BUḪ. 36, 2 = HM II, 60 ; ḤAN. VI, 10, 390.

 498 ḤAN. IV, 388, 390 ; V, 8, 12, etc…

553257. — Proposition : Vous enseignez que ‘Amr b. al-Šarīd a


entendu Abū Rāfi‘ rapporter de la bouche du Prophète : « Le voisin
a droit de préemption sur le bien contigu »497. De plus, d’après
Qatāda — al-Ḥasan — Samura — le Prophète a dit : « Le voisin de
la maison a droit de priorité sur la maison du voisin »498.
 499 BUḪ. 90, 14 = HM IV, 446.

554D’autre part, vous transmettez d’après al-Zuhrī — Abū Salama


b. ‘Abd al-Raḥmān — Ǧābir que le Prophète a établi le droit de
préemption uniquement sur tout bien indivis ; mais si un bornage
est intervenu et que des chemins ont été tracés, il n’y a plus de
droit de préemption499.
555Cela est en contradiction // avec le premier ḥadīṯ.
556258. — Réponse : Nous prétendons que rien ne prouve, dans
ce second ḥadīṯ,  que Ğābir a entendu ce qu’il rapporte de la
bouche même du Prophète. On constate qu’il déclare : « Le
Prophète a établi le droit de préemption sur tout bien indivis ».
C’est donc là une sentence émanant de Ğābir lui-même, ou une
présomption de sa part, ou un propos qu’il a entendu
indirectement de la bouche du Prophète.
 500 Texte : muttaṣilāni, wa ‘alā annahumā  ;  il faut
supprimer wa.

557Les deux premiers ḥadīṯ-s  sont connexes, car500 ils ont tous


deux la même interprétation. Le premier veut dire : Le voisin est
prioritaire quant aux éléments contigus de la maison de son
voisin. Le mot ṣaqb  désigne la proximité avec contiguité. Le poète
a dit :

167
« Une Koufienne dont le quartier est éloigné,
dont la maison n’est ni vis-à-vis, ni contiguë ».
558Il veut dire dans le second hémistiche : « ni proche, ni
contiguë ».
559Passons au ḥadīṯ  :  « Le Prophète a établi le droit de
préemption uniquement sur tout bien indivis ; etc… » Supposons
un endroit où dix familles auraient des maisons en indivis. Si l’un
d’eux vend une part de ces maisons, tous les autres ont un droit
de préemption sur cette part, // et chacun a droit à un neuvième.
Mais si les maisons sont divisées avant que l’un des
copropriétaires vende quoi que ce soit, chacun d’eux reçoit une
maison donnée. Les autres n’ont plus le droit de préemption, et
seul en bénéficie le voisin immédiat.
560Ce ḥadīṯ  vise à montrer que lorsque le partage est effectué, les
règles concernant la propriété indivise ne jouent plus.
***

LXVIII. — EXEMPLE D’UN ḤADĪT INFIRMÉ PAR LA


SPÉCULATION
 501 BUḪ. 59, 16, 17 = HM II, 456 sqq.  ;  76, 58 = HM IV,
91 ; ḤAN. II, 229… ; III, 67.

561259. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit :


« Si une mouche tombe dans un récipient vous appartenant,
noyez-la, car une de ses ailes contient un poison et l’autre le
remède. Elle met le poison en avant, et le remède en arrière »501.
562Comment peut-il exister dans un seul et même objet un
poison et son remède ? Comment la mouche peut-elle savoir où
se trouve ce poison, pour le mettre en avant, et celui où se trouve
ce remède, pour le mettre en arrière ?
563260. — Réponse : Nous prétendons que ce ḥadīṯ  est
authentique, car on le rapporte aussi en termes différents.

168
D’après Abū 1-Ḫaṭṭāb — Abū ‘Itāb — ‘Abd Allāh b. al-Muṯannā,
Ṯumāma rapporte : « Une mouche tomba dans un récipient. Anas
la saisit, la plongea dans l’eau et dit : — Au nom de Dieu ! // Il fit
cela trois fois et dit : — Le Prophète leur a ordonné d’agir ainsi ; il
a dit : Il y a dans une de ses ailes un poison, et dans l’autre un
remède ».
 502 Ce passage rappelle curieusement le Tarbī‘,  qui pourrait
bien être visé.

564260 a. — Abū Muḥammad dit : Nous prétendons que s’il est


des gens pour rejeter l’Islam, et des négateurs, ce sont bien ceux
qui subordonnent les affaires religieuses au témoignage des sens,
nient que les bêtes parlent, que les oiseaux nagent, que les
collines se plaignent à leur sœur, que les mouches connaissent
l’endroit où elles portent un poison et un remède, s’opposent à ce
qu’ils trouvent dans le ḥadīṯ  dans la mesure où ils ne le
comprennent pas, en demandant : Comment un qirāt  peut-il être
égal au mont Uḥud ? Comment Jérusalem peut-elle parler ?
Comment le Démon peut-il manger ou boire de la main gauche,
et de quelle main gauche s’agit-il ? Comment Adam a-t-il pu
rencontrer Moïse, et s’entretenir avec lui sur le Qadar, alors que
des générations les séparent ? Où eut lieu cette entrevue ? etc…
502.
 503 Texte : yasta‘idd ; l’éd. propose yastatir, sans réf. à un
manuscrit. On peut penser également à ya (...)

565Toutefois, les mêmes [sceptiques] ne manquent pas de puiser


dans un arsenal503 de choses analogues, d’affirmations du
même genre, et de semblables futilités ; ils tirent parti de
semblables controverses, d’anecdotes et de traditions
comparables, [à condition] que cela s’oppose à ce qu’a enseigné
le Prophète, et aux règles de vie des meilleurs Compagnons et
Suivants.

169
566260 b. — Quiconque taxe de mensonge une partie de ce qu’a
enseigné le Prophète // est comme celui qui condamnerait le tout
en bloc. S’il voulait répudier l’Islam pour adopter une religion
dans laquelle on ne croie point à cela ou à des choses analogues,
il ne saurait où s’adresser, car les Juifs, les Chrétiens, les Mages,
les Sabéens et les Manichéens croient à de telles choses, et en
trouvent mention dans leurs écritures.
567Je ne connais personne pour nier cela, sinon un groupe de
Dahriyya, suivis en cela par certains adeptes du kalām  et des
Ğahmiyya.
568260 c. — Bref, rien n’empêche qu’une mouche renferme un
poison et un remède, même si nous laissons de côté l’aspect
religieux [des choses] et si nous nous référons à la falsafa.  Où
voit-on une différence entre la mouche et le serpent, dont la chair
— au dire des médecins — constitue un antidote contre leur
venin, au point qu’on en fait la thériaque majeure, efficace contre
la piqûre du scorpion, la morsure des chiens enragés, la fièvre
quarte, l’hémiplégie, la paralysie faciale, la chorée, l’épilepsie. Les
médecins disent aussi que si l’on ouvre le ventre d’un scorpion et
qu’on en frotte l’endroit de la piqûre, cela est efficace. Si on le
calcine et qu’on en fait boire la cendre // à quelqu’un qui a des
calculs, il fait effet également. Il arrive qu’un hémiplégique
retrouve l’usage de ses membres après avoir été piqué par un
scorpion. On peut aussi le faire macérer un moment dans la
graisse, et cette graisse fait percer de gros abcès. Les anciens
médecins prétendent que si l’on jette des mouches dans
l’antimoine et qu’on écrase le tout, pour s’en servir
comme kuḥl,  ce mélange augmente la luminosité du regard et
raffermit la racine des cils au bord des paupières. Ils tiennent
d’Aristote que certains peuples mangeaient des mouches et ne
connaissaient pas la chassie. Ils disent que des mouches broyées

170
et posées à l’endroit de la morsure du scorpion apaisent la
douleur.
569Mais ils disent que la personne mordue par un chien doit se
couvrir le visage de telle sorte que les mouches ne s’y posent pas,
car cela l’achèverait. Ce [dernier trait] prouve que les mouches ont
une nature pernicieuse et venimeuse.
570260 d. — Abū Muḥammad dit : Pourquoi refuserions-nous
l’intelligence aux animaux et aux insectes, même en laissant de
côté le point de vue religieux, et en raisonnant en faylasūf,  c’est-
à-dire en fonction de ce que perçoivent nos yeux ? Nous voyons la
fourmi accumuler l’été des provisions pour l’hiver ; si elle craint
que le grain emmagasiné ne moisisse, elle le sort à la surface du
sol et l’étale par les nuits de lune. Si elle craint que les grains ne
germent, elle en perce // le milieu afin d’éviter cela. Ibn ‘Uyayna a
dit : « Seuls font des provisions l’homme, la fourmi et la souris ».
571On constate que les corbeaux ne s’intéressent pas à un palmier
chargé de fruits. Mais lorsque le palmier est émondé, ils se jettent
dessus et en picorent la moelle, à l’endroit de la cicatrice.
572Les faylasūf-s  prétendent que lorsqu’un chameau est mordu
par un serpent, il mange des écrevisses. Ibn Māsawayh dit :
« C’est pourquoi nous pensons que l’écrevisse est efficace contre
les morsures [de serpent] ». Ils disent encore : Lorsque une tortue
a mangé une vipère, elle s’administre du serpolet. Lorsque la
belette a combattu un serpent, elle mange de la rue. Lorsque les
chiens ont des vers, ils mangent des épis de blé.
573260 e. — Abū Muḥammad dit : Je constate donc qu’au dire
même des faylasūf-s,  les animaux en question font preuve
d’intelligence et d’expérience thérapeutique. C’est pourtant
beaucoup plus extraordinaire que la connaissance qu’a la mouche
de l’endroit où elle détient un poison et un remède, dans ses
ailes. Comment ne s’étonnent-ils pas que la pierre magnétique

171
attire le fer de loin, et le fait se déplacer en même temps qu’elle à
droite ou à gauche ? // Comment peuvent-ils ajouter foi aux
propos d’Aristote sur la pierre de sinfīl  qui, attachée sur le ventre
d’un hydropique, en absorbe l’eau ? Ce qui le prouve, c’est que si
on pèse cette pierre après qu’elle ait été attachée sur le ventre du
patient, on constate qu’elle a augmenté de poids.
574J’ai entretenu de cela Ayyūb, le médecin, — ou peut-être
Ḥunayn, — et il était au courant. Il m’a dit : « Cette pierre est
mentionnée dans la Thora » ou dans un autre livre révélé.
575Comment peuvent-ils ajouter foi aux affirmations d’Aristote
sur une pierre qui nage dans le vinaigre comme un poisson ; sur
une concrétion qui se forme dans les lombes d’une femme, de
sorte qu’elle ne peut plus concevoir ; sur une pierre qui, placée au
bord d’un four à pain, fait retomber toute la fournée ; sur une
pierre qui, prise dans les mains, provoque l’expulsion de tout ce
que l’on a dans le ventre ; sur l’acacia de Haute Égypte (sanṭa)  qui
se dessèche lorsqu’on dégaine un sabre devant lui en faisant mine
de le couper.
576260 f. — Un de nos maîtres m’a rapporté d’après ‘Alī b. ’Āṣim,
— Ḫālid al-Ḥaḏḏā’ que Muḥammad b. Sīrīn raconte : « Deux
hommes se disputaient devant Šurayḥ. L’un d’eux dit : — J’ai
confié un dépôt à cet homme, et il refuse de me le rendre ! Šurayḥ
ordonna alors : — Rends à cet homme son dépôt ! L’autre
déclara : C’est une pierre, Abū Umayya ; si une femme enceinte la
voit, elle perd son enfant ; si elle tombe dans le vinaigre, elle se
met à bouillonner ; si elle est mise dans un four à pain, il
refroidit ! Alors Šurayḥ garda le silence // et ils s’en allèrent ».
577Ces faits — que Dieu te pardonne ! — sont absolument
inconcevables, et pour la plupart sont rebelles à tout
raisonnement analogique. D’ailleurs, si nous cherchions à

172
énumérer tout ce que la création comporte de bizarreries de cette
sorte, il y en aurait trop et nous n’en finirions pas.
***

LXIX. — EXEMPLE D’UN ḤADĪṮ DONT LES RĀFIḌITES


TIRENT ARGUMENT POUR TAXER D’INFIDÉLITÉ LES
COMPAGNONS DE MUḤAMMAD
 504 BUḪ. 60, 8 = HM II, 473 ; 81, 53 = HM IV, 315 ; ḤAN. I,
235, 453 ; V. 50.

578261. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit :


« En vérité, des gens viendront me retrouver à la Vasque, puis
seront attirés ailleurs et se sépareront de moi. Je dirai alors : —
Hélas, Seigneur ! Mes chers Compagnons ! Mes chers
Compagnons ! Il me répondra : — Tu ne sais donc pas ce qu’ils
ont inventé après toi ! Ils n’ont pas cessé d’apostasier depuis que
tu les as quittés ! »504.
579C’est là un argument qui plaide pour les Rāfiḍites, lorsqu’ils
taxent d’infidélité les Compagnons du Prophète — sauf ‘Alī, Abū
ḏarr, al-Miqdād, Salmān, ‘Ammār b. Yāsir et Ḥuḏayfa.
580262. — Réponse : Nous prétendons que s’ils examinaient
ce ḥadīṯ  et en comprenaient les termes, ils y trouveraient la
preuve qu’il entendait ne désigner par là qu’un petit nombre de
gens. J’en veux pour preuve qu’il a dit : « Des gens viendront me
retrouver à la Vasque ». S’il avait voulu les désigner tous // —
sauf les précités — il aurait dit : « Vous viendrez me retrouver…
puis vous serez attirés ailleurs… » Il est clair que lorsqu’on dit :
« J’ai reçu aujourd’hui des gens de Tamīm, ou des gens de Kūfa »,
il s’agit d’un petit groupe pris parmi un grand nombre. Si on
voulait dire qu’on les a reçus tous, à l’exception de quelques
unités, on dirait : « J’ai reçu les Banū Tamīm, ou « J’ai reçu les
habitants de Kūfa ». On ne pourrait pas dire « des gens », car ce
mot désignerait ceux qui ne sont pas venus.

173
581262 a. — J’en veux pour preuve également que dans
l’expression : « Seigneur ! mes chers Compagnons », il a employé
le diminutif (Uṣayḥābī),  pour insister sur leur petit nombre,
comme lorsqu’on dit : « Je suis passé près d’un petit groupe de
maisons (ubayyāt)  dispersées » ou « près d’une petite
assemblée (ğumayyi‘a) ».
 505 Sur cette histoire, cf. Tarbī‘,  s. ‘Uyayna…  p. 44, et EI, IV,
874 — (VACCA), s. Ṭulayḥa.

582Nul n’ignore que parmi ceux qui furent témoins des


événements en même temps que le prophète et qui participèrent
avec lui aux expéditions de conquête, on trouvait des hypocrites
qui ne cherchaient que leur profit, des tièdes, des sceptiques, des
hésitants ; nous savons qu’il y eut des apostats après sa mort, tels
‘Uyayna b. Ḥiṣn qui apostasia, rejoignit le faux prophète Ṭulayḥa b.
Ḫuwaylid et crut en lui. Lorsque Ṭulayḥa fut défait, il s’enfuit, mais
fut repris par Ḫālid b. al-Walīd qui l’envoya chargé de fers à Abū
Bakr. Il le fit amener à Médine, et les gamins de Médine se mirent
à l’aiguillonner avec des branches de palmier pointues et à le
frapper en disant : « Eh ! ennemi de Dieu ! tu es redevenu infidèle
après avoir été croyant ! » Alors l’ennemi de Dieu répondait : « Je
jure que je n’étais pas croyant ! » Puis lorsqu’il s’entretint avec
Abū Bakr, il revint à l’Islam. Abū Bakr accepta sa résipiscence // et
lui rédigea un acte de sauvegarde. Mais par la suite, il demeura un
piètre croyant jusqu’à sa mort505. C’est lui qui attaqua les
chameaux du Prophète dans la Ġāba. Al-Ḥārit b. ‘Awf lui dit : « Tu
es bien ingrat envers Muḥammad ! Tu engraisses ton troupeau sur
ses terres, puis tu l’attaques ! » Il répondit : « Comme tu dis ! » Le
Prophète l’a traité d’« imbécile obéi ».
 506 Coran, IX, 101.

 507 Coran, XLVIII, 29.

174
 508 Coran, XLVIII, 18.

583262 b. — ‘Uyayna b. Ḥiṣn eut des émules qui apostasièrent au


moment de la rébellion des Arabes. Il en est qui vinrent à
résipiscence et firent de bons Musulmans ; mais il en est qui
s’endurcirent dans l’hypocrisie. Dieu dit : « Parmi ceux des
bédouins qui sont autour de vous et parmi les habitants de
Médine, il est des hypocrites qui sont endurcis dans l’hypocrisie.
Vous ne les connaissez point, mais Nous, Nous les connaissons »
etc…506. Tels sont ceux qui « seront attirés ailleurs ». Quant à
l’ensemble des Compagnons, moins les six personnages en
question, comment pourraient-ils être « attirés ailleurs » alors que
le Coran dit : « Muḥammad est l’Envoyé de Dieu ? Ceux qui sont
avec lui sont violents à l’égard des infidèles et compatissants
entre eux » etc.. jusqu’à la fin de la sourate507, et ailleurs :
« Dieu a été satisfait des Croyants quand // ils te prêtaient
serment d’allégeance sous l’arbre »508.
 509 BUḪ. 61, 25 = HM II, 557.

584262 c. — Abū Muḥammad dit : D’après Zayd b. Aḫzam al-Ṭā’ī


— Abū Dāwūd — Nāqira b. Ḫālid — Qatāda demanda à Sa‘īd b. al-
Musayyab : « Combien étaient-ils à la bay‘a al-riḍwān  ? » Il
répondit : « Quinze cents ». Qatāda répliqua : « Mais Gābir b. ‘Abd
Allāh a dit de son côté qu’ils étaient quatorze cents ! » Et l’autre
déclara : « Il se trompe ! Que Dieu lui pardonne ! C’est lui-même
qui m’a rapporté qu’ils étaient quinze cents ! »509.
 510 L’expression n’est pas très claire. Il peut y avoir une
allusion aux prophéties que les Musulmans p (...)

585Comment se peut-il que Dieu Se déclare satisfait de certaines


gens, qu’Il les loue, qu’Il les cite en exemple510 dans la Thora et
l’Évangile, tout en sachant qu’ils apostasieront après la mort du

175
Prophète ? Il faudrait alors supposer que Dieu n’en savait rien, ce
qui serait la pire des infidélités !
***

LXX. — EXEMPLE D’UN ḤADĪṮ RELATIF AU QADAR


 511 Sur Moïse-Adam, BUḪ. 60, 31 = HM II, 504… ; ḤAN. II, 248
etc… Les traditionnistes ne paraissent pas (...)

586263. — Proposition : Vous enseignez que Moïse était qadarite.


et qu’il argumenta avec Adam, qui eut le dernier mot ; vous
enseignez qu’Abū Bakr // était qadarite, et qu’il argumenta avec
‘Umar, mais que ce dernier eut le dernier mot511.
587264. — Réponse : Nous prétendons que c’est là pure calomnie
et mensonge à l’encontre de la tradition historique. Je ne sache
pas qu’il soit affirmé nulle part dans le ḥadīṯ  que Moïse était
Qadarite, ou qu’Abū Bakr était Qadarite.
588D’après Abū l-Ḥaṭṭāb — Bišr b. al-Mufaḍḍal — Dāwūd b. Abī
Hind — ‘Āmir — Abū Hurayra, le Prophète a dit : « Moïse
rencontra Adam et lui dit : — C’est toi, Adam, père du genre
humain, qui a apporté le malheur aux hommes en les faisant
expulser du paradis ? — Oui ! Et toi, n’es-tu pas Moïse, que Dieu a
élu parmi les hommes pour leur transmettre Son message et Sa
parole ? — Oui ! Adam lui demanda alors : — N’est-il pas dit, dans
la révélation qu’Il t’a faite, qu’Il me ferait sortir du paradis avant
qu’Il ne m’y fît entrer ? — Si ! Alors Adam eut le dernier mot ».
 512 Texte : na‘tadd  (?). Nous lisons na‘tadī.

589264 a. — Abū Muḥammad dit : Dans ces propos, rien ne


montre que Moïse fût Qadarite ; nous savons que tout arrive par
la prédestination (qadar) et le décret (qaḍā’)  de Dieu, ce qui ne ne
nous empêche pas d’attribuer les actes à leurs auteurs, de louer
celui qui fait le bien // pour le bien qu’il fait, de blâmer celui qui

176
fait le mal pour le mal qu’il fait, et de manifester notre
réprobation512 à celui qui commet des fautes en raison de ses
fautes.
590Lorsqu’ils disent qu’Abū Bakr était Qadarite, c’est aussi par
détournement du sens, et par addition au ḥadīṯ.  Si [Abū Bakr et
‘Umar] se sont disputés à propos du Qadar, c’est uniquement
parce qu’ils ne savaient pas. Lorsqu’ils connurent la vérité, ils
s’accordèrent sur une seule et même doctrine. De même, ils
ignorèrent bien des choses sur la religion et l’unicité divine
jusqu’à ce que le Prophète les leur eût enseignées, que le Coran
fût révélé, et que les traditions normatives fussent établies. Ce
n’est qu’après qu’ils surent.
 513 Voir index, s.v.

591Il reste que le ḥadīṯ  sur ‘Umar et Abū Bakr est faible aux yeux
des gens du ḥadīṯ  ;  il est rapporté par Ismā’īl b. ‘Abd al-Salām —
Zayd b. ‘Abd al-Raḥmān — ‘Amr b. Šu’ayb — son père — son
grand père ; d’autre part, il est aussi transmis par des Ḫurā-
sāniens d’après Muqātil b. Ḥayyān — ‘Amr b. Šu’ayb. La plupart de
ces gens sont des inconnus513.
***

LXXI. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ INFIRMÉ PAR LA


SPÉCULATION
 514 BUḪ. 2, 15 = HM I, 17 ; ḤAN. II, 56, 147, 392, etc...

592265. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit :


« La pudeur est une partie de la foi »514.
593Or la foi s’acquiert, alors que la pudeur est une qualité innée
chez l’homme. Comment une qualité innée peut-elle être
acquise ?//
 515 Coran, IX, 103.

177
 516 Coran, XXV, 77.

 517 Coran, IX, 103. On peut se demander s’il n’y a pas ici une


phrase recopiée deux fois à deux lignes (...)

 518 Coran, XXIII, 56.

594266. — Nous affirmons que l’individu pudique se détache du


péché par sa pudeur comme il s’en détache par la foi. Tout se
passe donc comme si la pudeur était une partie de la foi. Les
Arabes pratiquent la métonymie lorsque les mots désignent des
choses analogues ou semblables, ou ayant un rapport de cause à
effet. On sait qu’ils ont appelé l’inclination et la prosternation
Prière (ṣalāt)  alors qu’à l’origine, la prière est une invocation
(du‘ā’).  Ils ont aussi appelé l’invocation Prière, comme dans le
verset : « Fais la prière sur eux ! »515, qui signifie : « Fais une
invocation en leur faveur ; ou encore : « [Mon Seigneur ne se
souciera pas de vous] sans votre invocation »516, c’est-à-dire :
sans votre Prière. Ibn ‘Umar dit que lorsque le Prophète était invité
à un repas, s’il était en rupture de jeûne, il mangeait, mais s’il
était à jeûn, il faisait une prière — c’est-à-dire une invocation. La
base de la Prière est l’invocation. Dieu a dit : « Fais la prière sur
eux ; ta prière est pour eux un apaisement »517, c’est-à-dire :
fais une invocation en leur faveur. Dieu a dit : « Dieu et Ses anges
prient sur le Prophète. O vous qui croyez, priez sur le Prophète et
appelez sur lui le salut »518 c’est-à-dire : invoquez [Dieu] en sa
faveur.
 519 Divers ḥadīṯ-s affirment que le prélèvement de
la ṣadaqa  ne diminue en rien le patrimoine, car il s (...)

595266 a. — Beaucoup de choses ont été dites à ce sujet. Lorsque


l’invocation était contenue dans la prière, la prière était appelée
« invocation ». Il en est de même pour la zakāt,  qui est la
purification et l’augmentation du patrimoine. Étant donné que

178
cette augmentation avait lieu par prélèvement de l’aumône légale
(ṣadaqa)  sur le patrimoine, on l’appela zakāt519. Il y a beaucoup de
faits analogues.
 520 BUḪ. 60, 54 = HM II, 533 ; ḤAN. IV, 121, 122 ; V, 273.

596302 D’après Abū l-Ḫaṭṭāb — al-Mu‘tamir b. Sulaymān —


Layṯ // b. Abī Salīm — Wāṣil b. Ḥayyān — Abū Wā’il, Ibn Mas‘ūd a
dit : « La dernière parole qui a été conservée de la Prophétie est la
suivante : — Si tu n’as pas de pudeur, fais ce que tu veux ! »520.
Ce qui veut dire que quiconque n’a pas de pudeur et est pervers
[peut] commettre tous les scandales, se rendre coupable de toutes
les vilenies, car rien ne le réfrène, ni religion, ni pudeur.
597On voit bien par là que la pudeur et la foi ont les mêmes
effets, et que tout se passe comme si elles étaient une seule et
même chose.
***

LXXII. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ-S CONTRADICTOIRES SUR LA


PRIERE
 521 ḤAN. IV, 161.

598267. — Proposition : Vous rapportez d’après Šu‘ba — Yazīd b.


‘Aṭā’ — Ğābir b. Yazīd — al-Aswad que le père de ce dernier
faisait un jour la Prière avec le Prophète ; mais deux hommes qui
se trouvaient aux environs de la mosquée ne la firent pas. Le
Prophète les appela, et ils arrivèrent, le cœur battant. Il leur dit :
« Qu’est-ce qui vous empêche de faire la Prière avec nous ? » Ils
déclarèrent : « Nous avons fait la Prière en chemin ! » Alors le
Prophète dit : « Eh ! bien, ne le faites pas ! Si quelqu’un d’entre
vous a fait la Prière en chemin, puis qu’il rencontre sur son
chemin un imām  qui n’ait pas encore terminé la Prière, qu’il prie
avec lui : ce sera pour lui une œuvre surérogatoire »521.

179
599Vous rapportez aussi d’après Ma’n b. ‘Ῑsā — Sa‘īd b. al-Sā’ib
al-Ṭā’ifī — Nūḥ b. Ṣa’ṣa’a que Yazīd b. // ‘Āmir a dit : « J’arrivai un
jour alors que le Prophète était en Prière ; je m’assis sans me
joindre au groupe. Lorsque le Prophète se retourna, il dit : —
N’as-tu pas prononcé le salām,  Yazīd ? Je répondis : — Si, ô
Prophète ! Il me demanda : — Pourquoi t’es-tu abstenu de te
joindre au groupe pendant la Prière ? Je répondis : — J’ai déjà fait
la Prière chez moi, et je pensais que vous aviez déjà fini la vôtre.
 522 ABŪ DĀWŪD, 2, 56 ; cf. ḤAN. V, 147.

600Alors le Prophète déclara : — Si tu viens pendant la Prière et


que tu vois un groupe en train de prier, joins-toi à eux ; si tu as
déjà fait une Prière, elle te sera comptée comme surérogatoire ;
quant à celle-ci, elle comptera comme Prière
prescrite (maktūba) »522.
 523 Ces paroles d’Ibn ‘Umar ne paraissent pas avoir été
retenues.

601D’autre part, vous rapportez d’après Yazīd b. Zuray’ — Ḥusayn


— ‘Amr b. Šu’ayb que Sulaymān, mawlā  de Maymūna a dit : « Je
passai près d’Ibn ‘Umar alors qu’il se tenait sur le dallage pendant
la Prière. Je lui demandai s’il ne priait pas avec les autres. Il
répondit : — J’ai déjà fait la Prière. N’as-tu pas entendu le
Prophète dire : — Ne faites pas une Prière deux fois le même
jour ! »523.
602Il y a là divergence et contradiction. Chacun de ces ḥadīṯ-
s  impose un comportement différent.
603268. — Réponse : Nous prétendons qu’il n’y a dans ces ḥadīṯ-
s  aucune divergence ni contradiction. Le premier ḥadīṯ  dit : « Si
l’un de vous a fait la Prière // en chemin, puis rencontre
un imām  qui n’ait pas encore terminé la Prière, qu’il prie avec lui :
ce sera pour lui une œuvre surérogatoire ». Cela signifie que la

180
Prière faite avec l’imām  sera une œuvre surérogatoire, et que c’est
la première qui comptera comme Prière prescrite. En effet,
[l’intéressé] avait alors formulé l’intention de faire la Prière [à
l’heure prescrite à titre exécutoire] (adā’)  et effectivement, cette
Prière a été entièrement accomplie [à titre exécutoire, et non
surérogatoire]. Or les actes valent par l’intention.
604268 a. — Le second ḥadīṯ  dit : « Si tu viens pendant la Prière et
que tu vois un groupe en train de prier, joins-toi à eux ; si tu as
déjà fait une Prière, elle te sera comptée comme surérogatoire ;
quant à celle-ci, elle comptera comme Prière prescrite ». Tout se
passe comme s’il avait voulu dire : Cette prière-ci, accomplie avec
l’imām,  est surérogatoire, et cette autre que tu as accomplie chez
toi est la Prière prescrite. Si, au lieu de « quant à celle-ci » il avait
dit « quant à celle-là », le sens aurait été plus clair. Il n’y a aucune
différence entre ces deux démonstratifs, mais l’expression est
moins claire avec « celle-ci ». L’un des transmetteurs [doit avoir]
omis « celle-ci » dans la première proposition, et avoir introduit
ce pronom dans la seconde, à la place de « celle-là ». J’ai déjà cité
des cas où un transmetteur a négligé telle ou telle particule ou tel
ou tel élément insignifiant, altérant ainsi le sens.
605268 b. — Quant au troisième ḥadīṯ,  où Ibn ‘Umar rappelle que
le Prophète a interdit de faire une Prière deux fois dans la même
journée, // il signifie : Ne faites pas deux fois dans la même
journée une Prière obligatoire. Ainsi en serait-il si l’on faisait la
Prière du ẓuhr  chez soi une première fois, puis une seconde ; ou
avec un imām,  puis une seconde fois avec un autre imām.
 524 Il semble que le sujet de cette phrase soit Sulaymān,
s’adressant à Ibn ‘Umar dans le troisième ḥad  (...)

606L’on a confondu les circonstances d’application de


ce ḥadīṯ  avec celles du ḥadīṯ  où le Prophète autorise un homme à
recommencer une Prière en la considérant comme surérogatoire.

181
Peut-être d’ailleurs n’avait-il pas entendu ce dernier ḥadīṯ,  ou ne
lui était-il pas parvenu524.
607Quiconque accomplit à son domicile une Prière d’obligation et
fait de nouveau la même prière avec un imām  en la considérant
comme surérogatoire n’a pas fait la même Prière deux fois dans la
journée, car elles sont essentiellement différentes : l’une est
d’obligation, l’autre est surérogatoire.
***

LXXIII. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ-S CONTRADICTOIRES SUR


L’ABLUTION PARTIELLE
 525 Cf. BUḪ. 4, 75 = HM I, 97 ; ḤAN. II, 392 ; III, 55.

608269. — Proposition : Vous transmettez d’après Sufyān — al-


Zuhrī — Abū Salama — ‘Ā’iša que lorsque le Prophète était en état
d’impureté majeure et voulait dormir, il faisait la même ablution
que pour la Prière525.
 526 ABŪ DĀWŪD, 1, 88 ; cf. ḤAN. I, 16, 17, 44, etc…

609Vous rapportez encore d’après Šu‘ba — al-Ḥakam — Ibrāhīm


— al-Aswad — ‘Ā’iša que lorsque le Prophète voulait manger ou
dormir, il faisait l’ablution — c’est-à-dire quand il était en état
d’impureté majeure526.
 527 ḤAN. VI, 43.

610D’autre part, vous rapportez d’après Sufyān — Abū Isḥāq — al-


Aswad // que ‘Ā’iša a dit : « Le Prophète dormait en état
d’impureté majeure sans avoir touché l’eau »527.
611270. — Réponse : Nous prétendons que tous ces
comportements sont licites. On peut, si l’on veut, après les
relations sexuelles, faire la même ablution que pour la Prière
avant de dormir ; on peut aussi laver [seulement] la main et la
verge, puis dormir ; on peut enfin dormir sans toucher à l’eau.

182
Toutefois, il est préférable de faire l’ablution. Le Prophète agissait
parfois ainsi pour indiquer que c’est préférable, et parfois
autrement pour montrer qu’il y a une tolérance. Les gens peuvent
se prévaloir de l’une ou l’autre attitude : celui qui veut adopter la
meilleure méthode est libre, et libre aussi celui qui veut profiter
de la tolérance.
***

LXXIV. — EXEMPLE DE DEUX ḤADĪṮ-S CONTRADICTOIRES


 528 BUḪ. 4, 58 = HM I, 91 ; 78, 80 = HM IV, 181.

612271. — Proposition : Vous rapportez d’après Sufyān — al-Zuhrī


— Sa‘īd b. al-Musayyab — Abū Hurayra qu’un bédouin ayant uriné
dans la mosquée, le Prophète ordonna : « Qu’on verse dessus un
grand seau (sağl)  d’eau ». D’aucun emploient le mot ḏanūb528.
 529 Cette version n’a pas été retenue par les compilateurs.

613Vous rapportez d’autre part d’après Ǧarīr b. Hāzim — ‘Abd al-


Malik b. ‘Umayr — ‘Abd Allāh b. Ma’qil b. Muqarrin que le
Prophète a dit à cette occasion : « Qu’on prenne la terre sur
laquelle il a uriné, // qu’on la jette et qu’on verse de l’eau à
l’endroit où elle était »529.
614272. — Réponse : Nous prétendons qu’en l’occurrence, la
contradiction est imputable au transmetteur. Le ḥadīṯ  d’Abū
Hurayra est plus sain, car il était présent et a été témoin. Quant à
‘Abd Allāh b. Ma‘qil b. Muqarrin, ce n’est pas un Compagnon, ni
même un contemporain du Prophète. Nous ne saurions mettre sa
parole en balance avec celle d’un témoin oculaire. Son père, Ma’qil
b. Muqarrin Abū ‘Umara al-Muzanī a transmis directement de la
bouche du Prophète. Quant à son fils ‘Abd Allāh, c’est pour nous
un inconnu.
***

183
LXXV. — EXEMPLE DE DEUX ḤADĪṮ-S CONTRADICTOIRES
SUR LE JEÛNE
 530 BUḪ. 30, 33 = HM I, 621 ; ḤAN. VI, 46, 193, etc…

615273. — Proposition : Vous rapportez dans plus d’un ḥadīṯ  que


le Prophète, interrogé sur le jeûne pendant un voyage, déclara :
« Jeûne si tu veux, mange si tu veux ! »530.
 531 NASĀ’Ī, 22, 53.

616Vous rapportez d’autre part d’après ‘Ubayd Allāh b. Mūsā —


Usāma b. Zayd — Ibn Šihāb — Abū Salama — son père que le
Prophète a dit : « Le jeûne de Ramaḍān pendant un voyage
équivaut à sa rupture dans la vie sédentaire »531. //
 532 ḤAN. IV, 24, 426, 431, etc…

 533 ḤAN. IV, 414.

617274. — Réponse : Nous affirmons que ce dernier propos du


Prophète était destiné aux gens qui dédaignent la tolérance
établie par Dieu, et les facilités qu’il a accordées aux voyageurs.
Ils s’imposaient des peines et des difficultés, mais il leur enseigna
qu’il était aussi coupable de jeûner en voyage que de ne pas
jeûner dans la vie sédentaire. Dans un autre ḥadīṯ,  il appelle ces
gens des « désobéissants », car ils refusent d’accepter les grâces
que Dieu leur accorde, et les allègements qu’il a établis.
Quiconque dédaigne les facilités de Dieu est comme celui qui
néglige Ses prescriptions de rigueur. C’est pourquoi le Prophète a
dit à propos de celui qui jeûne continuellement : « Il n’a ni jeûné,
ni rompu le jeûne »532 ; il a dit encore : « Quiconque jeûne
continuellement, la Géhenne le tourmentera ! »533.
618Mais le jeûne n’a rien de pénible pour celui qui voyage par
temps frais, dans les jours courts, ou dispose d’un abri, de ses
aises et de serviteurs ; c’est à celui-là que Dieu a donné le choix

184
entre le jeûne et sa rupture en disant : « Jeûne si tu veux, mange
si tu veux ! ».
***

LXXVI. — EXEMPLE DE DEUX ḤADĪṮ-S CONTRADICTOIRES


SUR LE JEÛNE
 534 P. ex. BUḪ. 30, 24 —= HM, I, 616.

619275. — Proposition : Vous enseignez dans plus d’un ḥadīṯ  que


le Prophète embrassait pendant le jeûne534.
 535 Les compilateurs ne paraissent pas avoir retenu ce ḥadīṯ.

620Par ailleurs, vous rapportez d’après Abū Nu’aym — Isrā’īl —


Zayd b. Ğubayr — // Abū Yazīd al-Ḍabbī — Maymūna bint
Sa‘d, mawlāt  du Prophète que ce dernier, interrogé sur un homme
qui avait embrassé sa femme pendant le jeûne, déclara : « Il a
rompu le jeûne ! »535.
 536 BUḪ. 6, 5 = I, 112 ; 30, 23 = HM I, 615 ; ḤAN. VI, 40, 44,
98, 126, 156, etc…

621276. — Nous prétendons qu’un baiser donné par un homme


en état de jeûne gâte son jeûne, car il excite le désir et provoque
l’éjaculation. Nous en dirons autant des attouchements. Mais pour
ce qui est du Prophète, il était impeccable, et lorsqu’il embrassait
sa femme pendant le jeûne, c’était comme le père embrasse son
fils, et le frère son frère. J’en veux pour preuve le propos de
‘Ā’iša : « Qui d’entre vous sait maîtriser son désir comme le
Prophète sait maîtriser le sien ? »536.
 537 BUḪ. 4, 5 = HM I, 67 ; 19, 16 = HM I, 372 ; 61, 24 = HM
II, 554 ; ḤAN. I, 220, 278, etc…

622Nous dirons de même, en ce qui concerne le sommeil du


Prophète, qu’il ne l’obligeait pas à pratiquer l’ablution, car il
disait : « Mon œil dort, mais mon cœur ne dort pas »537. C’est

185
pourquoi il lui arrivait de dormir si profondément qu’on
l’entendait ronfler, puis de faire la Prière sans pratiquer l’ablution.
623Les règles s’appliquant au Prophète // sont différentes en bien
des cas de celles qui s’appliquent à sa communauté.
***

LXXVII. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ INFIRMÉ PAR LA


SPÉCULATION
 538 On n’a pas retrouvé ce ḥadīṯ relatif aux chèvres.

624277. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit :


« Je vous recommande les chèvres, car c’est un bétail doux, qui
est du paradis »538.
625Comment sont-elles du paradis, puisqu’elles mettent bas
parmi nous ? Et si les chèvres sont du paradis, il serait normal
qu’il s’y trouvât aussi des vaches, des chameaux, des ânes et des
chevaux !
 539 Cf. ḤAN. V, 352 pour chevaux et chameaux ; II, 436 pour
moutons.

626278. — Réponse : Nous prétendons que le Prophète n’a pas


voulu dire par là que les chèvres [de ce monde] sont au paradis.
Comment seraient-elles à la fois parmi nous et au paradis ? Il a
seulement voulu dire qu’il y a des chèvres au paradis, et que Dieu
en a créé sur terre à leur image. Il en est de même pour les
moutons, les chameaux et les chevaux : tous ont leur réplique au
paradis539. Seuls sont absents du paradis les animaux nuisibles,
comme les singes, les porcs, les serpents et les scorpions.
 540 Coran, LVI, 21.

627S’il est admissible qu’il existe au paradis de la viande, il est


également admissible qu’il y ait des chèvres et des moutons. S’il
est admissible qu’il y ait des oiseaux à manger, il est également

186
possible qu’il y ait du bétail à manger. Or Dieu a dit : « …avec de
la chair d’oiseaux qu’ils convoiteront… »540 //
 541 Le mot idām  désigne toute nourriture ou condiment à
manger avec du pain : Tāğ,  VIII, 181, où se tro (...)

628278 a. — Abū Muḥammad dit : D’après Ahmad b. al-Ḫalīl —


al-Aṣma‘ī — Abū Hilāl al-Rāsibī — ‘Abd Allāh b. Burayda — son
père Burayda al-Aslamī, le Prophète a dit : « La reine des
nourritures pour les hommes de ce monde et de l’autre est la
viande ; le roi des parfums pour les hommes de ce monde et de
l’autre est la fāġiya »541.
 542 ḤAN. II, 436.

629Le ḥadīṯ  suivant prouve ce que j’avance : « Essuyez le mucus


de leur museau, car elles sont des bêtes du paradis »542 ; il
signifie : elles font partie des bêtes créées au paradis.
***

LXXVIII. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ INFIRMÉ PAR LE CORAN A


DEUX TITRES
 543 BUḪ. 23, 33 = HM I, 416 ; ḤAN. IV, 414, 437 ; VI, 39, 57
etc…

630279. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit :


« Le mort sera tourmenté à cause des pleurs que le vivant versera
sur lui »543.
 544 Coran, VI, 164 = XVII, 15 = XXXV, 18 = XXXIX, 7 = LIII,
38.

 545 Coran, XLV, 26.

 546 Coran, XXIII, 12-16.

631Ceci est faux pour deux raisons : d’abord parce que Dieu a
dit : « Nulle âme ne portera le faix d’une autre »544 ; ensuite

187
parce qu’il a dit : « Réponds-leur : — Dieu vous donne la vie.
Ensuite Il vous fera mourir, puis Il vous réunira pour le jour
indubitable de la Résurrection »545. Il a dit en outre, en parlant
de la condition de la créature depuis le stade où elle était argile
jusqu’à ce qu’il la ressuscite : « Nous avons créé l’homme d’une
masse d’argile. Puis nous l’avons fait éjaculation dans un
réceptacle solide. Puis nous avons fait l’éjaculation adhérence.
Nous avons fait l’adhérence masse flasque. Nous avons fait la
masse flasque ossature et Nous avons revêtu de chair l’ossature.
Ensuite nous instituâmes une seconde création. Béni soit Dieu, le
meilleur des créateurs. // Ensuite, en vérité, après cela vous serez
des morts, puis au jour de la résurrection, vous serez
rappelés »546.
632Dieu n’a jamais dit qu’il faisait revivre [les hommes] entre leur
mort et la résurrection finale, ni qu’il tourmentait ou récompensait
le mort soit lorsqu’il rassemble, soit lorsqu’il sépare [ses
membres ?].
 547 Coran, II, 185.

633280. — Réponse : Nous affirmons que le Coran use de la


concision, du raccourci, de l’allusion et de l’indication. Il peut
énoncer une qualité dans un cas et ne point l’énoncer dans un
autre. On découvre la preuve qu’elle a été omise à un endroit dans
le fait qu’elle apparaît à un autre. D’autre part, le ḥadīṯ  du
Prophète [peut] expliciter le Coran et montrer ce qu’il faut y
entendre. Parmi les ellipses du style coranique, on peut citer celle
du verset suivant : « Celui qui, parmi vous, sera malade ou en
voyage, un nombre égal d’autres jours »547. Le sens apparent de
ce passage est : « Celui d’entre vous qui est malade doit jeûner un
nombre égal d’autres jours », même s’il a jeûné pendant le
voyage, ou en étant malade ». Mais en réalité, il faut comprendre :
« Celui d’entre vous qui est malade ou en voyage et rompt le

188
jeûne  doit jeûner un nombre égal d’autres jours ». L’ellipse
concerne « et rompt le jeûne ».
 548 Il s’agit de la vermine, ou encore d’une blessure ; BAYḌĀWĪ,
43.

 549 Coran, II, 196.

634De même, dans le verset : « A quiconque parmi vous sera


malade ou atteint // d’un mal affectant sa tête548, incombera
rachat par un jeûne, une aumône ou un sacrifice rituel »549. Le
sens apparent de cette phrase est que le malade, ou celui qui
attrape des poux est tenu du rachat. En réalité, le verset veut
dire : Celui qui est malade ou est atteint d’un mal affectant sa
tête et se rase les cheveux  est tenu de se racheter par un jeûne,
une aumône ou un sacrifice rituel. Les exemples de cet ordre sont
nombreux.
 550 Coran, LXV, 2.

 551 Coran, II, 282.

635280 a. — Pour illustrer le cas où une qualité se trouve énoncée


à un endroit, et non à un endroit analogue, le premier servant de
référence pour le second, on citera la phrase : « Requérez alors le
témoignage de gens intègres pris parmi vous »550 et la phrase
« Requérez témoignage de deux témoins pris parmi vos
hommes »551, où l’adjectif « intègre » ne figure pas, cette qualité
étant énoncée dans le premier passage seulement.
 552 Coran, IV, 93.

 553 Coran, LVIII, 3.

636Le Coran dit en un endroit : « …la libération d’un esclave


croyant »552 et ailleurs « …affranchissement d’un esclave avant

189
qu’ils n’aient eu commerce mutuel »553, où la qualité de croyant
n’est point énoncée.
 554 Les passages coraniques relatifs à ces matières sont en
effet recoupés et complétés par le ḥadīṯ.  N (...)

637280 b. — Quant aux cas où c’est le ḥadīṯ  du Prophète qui sert


à recouper [le Coran], on peut citer la description des Prières, la
nature de l’inclination et de la prosternation, du tašahhud,  leur
nombre, le montant des aumônes et de la zakāt  à prélever sur le
patrimoine, le montant du vol entraînant l’amputation, les cas
d’interdiction [du mariage] entraînés par l’allaitement, etc., etc…
554.
 555 Coran, XL, 46.

 556 Coran, XIX, 62.

 557 Traduction conjecturale. Cette phrase comporte deux


démonstratifs, hāḏā et ḏālika  dont la valeur ne (...)

 558 Ta’wīl muškil al-Qur’ān,  Caire 1373/1954

 559 Coran, LII, 47.

638280 c. — Dieu nous apprend dans le Coran qu’il


tourmentera // certaines gens avant le jour de la résurrection
lorsqu’il dit : « Au Feu, ils seront exposés matin et soir et, au jour
où se dressera l’Heure, [on criera] : — Introduisez la famille de
Pharaon au plus intense tourment ! »555. Il est impossible que
ces gens soient exposés au feu sur la terre, ni au jour du
jugement, car Dieu dit dans ce verset « au jour où se dressera
l’Heure », et que le jour où se dressera l’Heure n’aura ni matin, ni
soir, si ce n’est par métaphore, comme dans la phrase : « …et ils y
auront leur subsistance matin et soir »556. Cette [métaphore] est
admissible dans ce cas, mais ne le serait pas dans le premier557.

190
J’en ai parlé dans mon livre intitulé Ta’wīl muškil al-Qur’ān558.
Dieu a dit ailleurs après avoir parlé du jour du Jugement : « En
vérité, à ceux qui auront été injustes revient un tourment en deçà
de cela, mais la plupart ne le savent pas »559.
639280 d. — Beaucoup de traditions émanant du Prophète,
transmises de toutes parts par des autorités sûres, rapportent à
l’envi qu’il demandait à Dieu de le préserver du tourment de la
tombe. En voici quelques-unes :
 560 BUḪ. 92, 26 = HM IV, 495 ; ḤAN. II, 185, 288, 414 etc…

 561 P. ex. BUḪ. 80, 38 = HM IV, 257.

640D’après Mālik — Abū l-Zubayr — Ṭāwūs — Ibn ‘Abbās, le


Prophète disait : « Seigneur, je me réfugie auprès de Toi contre la
séduction de l’Antéchrist »560 ; « Je me refugie auprès de Toi
contre la séduction de la vie et de la mort, et contre le châtiment
du tombeau »561.
 562 P. ex. BUḪ. 80, 39 = HM IV, 257.

641D’après Šu‘ba — Budayl b. Maysara — ‘Abd // Allāh b. Šaqīq —


Abū Hurayra, le Prophète disait : « Seigneur, je me réfugie auprès
de Toi contre la séduction et le tourment de la tombe, et contre la
séduction de l’Antéchrist »562.
 563 P. ex. BUḪ. 80, 37 = HM IV, 256. Il semble au reste qu’il
soit possible de trouver toutes sortes de (...)

642D’après Hišām — Qatāda — Anas, le Prophète disait :


« Seigneur, je me réfugie auprès de Toi contre la séduction de la
vie, contre la séduction de la mort, et contre le châtiment de la
tombe »563.
 564 ḤAN. III, 126, IV, 288.

191
643280 e. — Il existe aussi beaucoup d’autres traditions
historiques sur Munkar et Nakīr, et leur interrogatoire. Ainsi,
d’après Hammād b. Salama — ‘Āṣim — Zirr — ‘Abd Allāh b.
‘Abbās disait : « On fera asseoir de force l’un de vous dans son
tombeau ; on lui dira : — Qui es-tu ? — Je suis l’esclave de Dieu,
vivant ou mort. Je témoigne qu’il n’y a d’autre divinité que Dieu ;
je témoigne que Muḥammad est Son esclave et Son Envoyé. On lui
dira alors : — Tu as dit vrai. On lui donnera alors de l’espace dans
son tombeau, et on lui fera voir la place qui lui est destinée au
paradis. Quant à l’autre, on lui dira : — Qui es-tu ? — Je ne sais !
répondra-t-il. Alors on lui dira : — Eh ! bien, tu ne sauras point !
Et on rétrécira son tombeau jusqu’à ce que ses côtes
éclatent »564. Ce sont là des choses que seul un Prophète peut
connaître. ‘Abd Allāh n’aurait pu les rapporter s’il ne les avait
entendues de la bouche même du Prophète.
 565 BUḪ. 3, 24 = HM I, 46 ; 4, 37 = HM I, 80, etc…

644280 f. — D’après ‘Abbād b. Rāšid — Dāwūd b. Abī Hind — Abū


Naḍḍara — Abū Sa‘īd al-Ḫidrī, le Prophète a // dit : « L’ange
viendra auprès de l’esclave [de Dieu] lorsqu’il sera mis en terre. Si
c’est un Infidèle ou un Hypocrite, on lui dira : — Que penses-tu de
cet homme (à savoir Muḥammad) ? Il répondra : — Je ne sais. J’ai
entendu les gens dire quelque chose, et je l’ai répété. L’ange
dira : — Tu n’as point su, tu ne t’es point gardé, tu n’es point
demeuré dans le droit chemin »565. Ces traditions historiques
prouvent que le tourment de la tombe est réservé aux Infidèles.
 566 Il ressort de ce passage que le mot wāzira  ne désigne pas
nécessairement l’âme pécheresse  pour Ibn (...)

645[Nos adversaires] disent : Comment le mort pourrait-il être


tourmenté à cause des pleurs des vivants, puisque Dieu a dit :
« Nulle âme ne portera le fardeau d’une autre ». Nous pensons

192
également que le tourment est réservé à l’Infidèle, à cause des
pleurs que sa famille versera sur lui566.
 567 Cf. ḤAN. I, 26, 36, etc…

646De même, Ibn ‘Abbās déclare que le Prophète a dit, en passant


près du tombeau d’un Juif : « Il sera tourmenté, et sa famille
pleurera sur lui »567. S’il en est ainsi, il n’y a rien là
d’extraordinaire, car l’Infidèle sera tourmenté de toute façon.
 568 BUḪ. 23, 89 = HM I, 445 ; ḤAN. V, 39. Il s’agit de deux
hommes enterrés côte à côte et dont le Prop (...)

647Si cela concerne seulement le Musulman piètre, comme celui


dont le Prophète déclara qu’il était puni pour sa médisance ou sa
façon d’uriner, la phrase « Nulle âme ne portera le fardeau d’une
autre » ne s’applique qu’aux choses de ce monde568.
 569 Cf. Coran,  LIII, 38, et comparer VI, 164. Voir aussi tous
les passages relatifs au châtiment de Sod (...)

 570 Cf. ḤAN. III, 499 ; IV, 163, etc…

648280 g. — Les gens de la Ğāhiliyya poursuivaient la vengeance


d’un homme assassiné ; on tuait son père, son frère, ou un parent
utérin pour ce meurtre. Si l’on ne pouvait atteindre ni ‘aṣaba,  ni
parent utérin, on tuait un homme de son groupe tribal. Dieu
révéla alors : « Nulle // âme ne peut porter le fardeau d’une
autre ». Il nous a également enseigné que cela figurait dans la
révélation faite à Abraham569. C’est pourquoi le Prophète dit à
un homme qu’il voyait en compagnie de son fils : « Ne pèche pas
contre lui, il ne pèchera pas contre toi ! »570.
 571 Coran, VIII, 25.

 572 Coran, XXX, 41.

193
649280 h. — Pour ce qui est de la punition de Dieu lorsqu’elle
survient et englobe indistinctement celui qui fait le bien ou le mal,
Dieu a dit : « Préservez-vous d’une tentation qui n’atteindra pas
uniquement ceux qui parmi vous auront été injustes »571. Il veut
dire que cette tentation englobera les injustes et les autres. Dieu a
dit : « A cause de ce qu’ont accompli les mains des hommes, le
scandale est apparu sur terre et sur mer, afin que Dieu leur fasse
goûter [la punition] d’une partie de ce qu’ils ont fait »572.
 573 On n’a pas retrouvé ce ḥadīṯ.

650Umm Salama a dit : « O Prophète, allons-nous périr, alors qu’il


y a parmi nous des gens de bien ? » Il répondit : « Oui, si la
corruption abonde »573.
 574 BLACHÈRE, op. cit.,  s. Noé  ;  cf. notamment
sourate Nūḥ, LXXI ; LIV, 9-7, etc…

 575 BLACHÈRE, s. ‘Ād ; cf. LI, 41 ; LIV, 18-20 ; LXIX, 6, etc..

 576 BLACHÈRE, s. Thamoud  ;  p. ex. LIV, 23-32.

 577 BLACHÈRE, s. Loth, notamment LIV, 34.

 578 Légende fort répandue dans l’Islam primitif. Voir


notamment Tarbī‘,  197, s. misḫ ; Ibn Qutayba la r (...)

651[Le Prophète] a exposé que Dieu a englouti en entier le peuple


de Noé ; bien qu’il y eût parmi eux des enfants et des animaux, et
ceci en raison des fautes des adultes574 ; qu’il fit périr les ‘Ādites
par un vent dévastateur575, les Ṯāmūdites par la foudre576 et
les compagnons de Loth par une grêle de pierre577 ; qu’il
métamorphosa les gens du Sabbat en singes et en porcs578,
frappant les enfants du même châtiment.
 579 Exode, XX, 5 = XXXIV, 7 ; cf. LECOMTE, Citations,  38.

194
652Un Kūfien m’a dit avoir lu dans les anciens livres révélés la
phrase suivante : « Je suis le Dieu jaloux, qui punis les péchés des
pères sur les pères »579.
 580 Le Livre  de Daniel ne paraît pas renfermer une phrase
semblable.

653Ibn ‘Abbās rapporte que Daniel // a dit : « Il convient, fils


d’Israël, que je sois tourmenté à cause de vos péchés »580.
654Anas b. Mālik dit que le lézard meurt d’épuisement dans son
trou à cause des péchés des hommes.
 581 Allusion à Coran, XII, 48 = Gen.  XLI, 27 ; BUḪ. 65, s. 44,
ch. 2 = HM III, 441, etc…

 582 Aliment de fortune composé de sang cuit avec des poils


d’animaux Lisān, VII, 248 = Tāğ, IV, 61.

 583 Cf. BUḪ. 81, 17 = HM IV, 283 ; ḤAN. III, 44, 300.

655280 i. — Le Prophète fit une invocation contre Mudar, et dit :


« Seigneur, renforce ton oppression contre Mudar et envoie-leur
des années comme les années [prédites par] Joseph »581. Alors,
la sècheresse et la disette les affligèrent pendant sept années sans
interruption ; au point qu’ils mangèrent de la peau, des os et du
‘ilhiz582. Cette disette gagna le Prophète et ses Compagnons, qui
furent donc punis à cause de son invocation, au point que lui et
les Musulmans attachèrent des pierres sur leur estomac pour
tromper leur faim583.
 584 Qūmis  :  Région située au pied des monts du
Tabaristan ; BARBIER DE MEYNARD, Dictionnaire de la Pers  (...)

 585 C’est évidemment ainsi qu’il faut lire. Le texte


porte Mihriğān wa Qaḏaq. Mihriğān-Qaḏaq est une vi (...)

195
656280 j. — Abū Muḥammad dit : Nous avons d’ailleurs été
témoins de faits qui rendent superflues les informations
historiques. Que de pays où vivaient des hommes pieux et saints,
où des enfants de tous âges ont été victimes de séismes qui firent
périr l’homme pieux et le libertin, le bon et le méchant, l’enfant et
l’adulte ! Ainsi en fut-il de Qūmas584, de Mihriğānqaḏaq585, de
Rayy et de nombreuses villes // de Syrie et du Yémen. C’est là un
point sur lequel s’accordent tous les fidèles de Dieu, quelle que
soit leur religion et leurs divergences.
 586 Il s’agit apparemment de ‘Ubayd Allāh. On n’a pas trouvé
trace d’un fils du dernier calife umayyade (...)

657280 k. — Abū Muḥammad dit : Un historien m’a rapporté


qu’une nuit d’insomnie, al-Manṣūr vint à parler des califes umay-
yades et de leur mode de vie. [On déclara] qu’ils demeurèrent
dans le droit chemin tant que leur autorité ne passa pas aux
mains de descendants corrompus par le luxe. La seule ambition
de ces gens imbus de leur grandeur royale et de leur majesté fut
de s’abandonner à leurs passions, de se livrer avec prédilection au
plaisir, et de sombrer dans la désobéissance à l’égard de Dieu. Ils
encoururent ainsi la colère de Dieu, parce qu’ils ignoraient qu’il
les menait à leur perte, et se croyaient en sécurité contre Ses
embûches. Alors, Il les priva de l’autorité et leur enleva Sa grâce.
[A ce point de l’entretien], Ṣāliḥ b. ‘Ali dit au calife : « Prince des
Croyants, // lorsque ‘Ubayd Allāh b. Marwān en fuite entra au
pays de Nubie avec ses gens, le roi des Nubiens s’informa à leur
sujet ; lorsqu’il fut renseigné, il se rendit à cheval auprès de
‘Ubayd Allāh et lui dit en ce sens des paroles que je n’ai point
retenues, puis il l’expulsa de son royaume. Le Prince des Croyants
veut-il le586 faire sortir de sa prison, le convoquer en notre
présence et l’interroger sur cette histoire ? Al-Manṣūr ordonna
donc qu’on l’amenât devant lui, et le questionna. Il répondit :

196
« Prince des Croyants, je suis entré au pays des Nubiens avec du
mobilier que j’avais pu sauver. Je l’installai et m’établis pour trois
jours. C’est alors qu’arriva le roi des Nubiens, qui avait été
informé de nos affaires. Je vis entrer un homme de haute taille, au
nez aquilin et au beau visage. Il s’assit à même le sol sans
s’occuper des étoffes. Je lui demandai : — Pourquoi ne t’assieds-
tu pas sur nos étoffes ? Il répondit : — Je suis roi ; il convient que
tout roi s’humilie devant la majesté divine, puisque c’est Dieu qui
l’a élevé ! Puis il se tourna vers moi en disant : — Pourquoi buvez-
vous des boissons enivrantes, puisque votre Livre vous les
interdit ? Je dis : — Ce sont nos esclaves et les inconscients parmi
nous qui osent agir ainsi ! Il poursuivit : — Pourquoi piétinez-vous
les champs ensemencés avec vos montures, puisque votre Livre
vous interdit de détruire ? Je répondis : — Ce sont les ignorants
parmi nous qui le font ! Il continua : — Pourquoi revêtez-vous les
brocarts et la soie, et utilisez-vous l’or et l’argent, qui sont
illicites pour vous ? Je dis : — Notre autorité s’est écroulée, nos
fidèles se sont raréfiés, et nous avons appelé à l’aide un groupe
d’étrangers (‘Ağam) // qui sont entrés dans notre religion. Ils ont
revêtu ces atours malgré notre réprobation. Alors le roi baissa
longtemps la tête, se mit à se tordre les mains et à graver des
signes à terre, puis il dit : — Rien de ce que tu m’as dit n’est vrai.
C’est vous, qui avez considéré comme licite ce qui était interdit,
qui avez commis des actes répréhensibles, qui avez été des
souverains injustes. Alors Dieu vous a frustrés, et vous a revêtus
d’opprobre à cause de vos péchés. Dieu a une vengeance à
exercer contre vous, qui n’est point encore consommée. Je crains
que le châtiment ne s’abatte sur vous alors que vous êtes sur mes
terres, et qu’il ne m’atteigne en même temps que vous. On n’est
tenu à l’hospitalité que pendant trois jours. Munissez-vous pour
la route de ce dont vous avez besoin, et quittez mon pays. Ce que
je fis ».

197
 587 Coran, XVIII, 82.

658280 l. — Dieu nous enseigne dans le Coran qu’il protège les


fils en considération de leurs pères. Il dit : « Quant au mur, il
appartient à deux adolescents de la ville. Sous ce mur est un
trésor qui leur est destiné. Leur père était vertueux et ton
Seigneur a voulu qu’ils atteignissent leur majorité et qu’ils
découvrissent [alors] leur trésor par une bonté de ton
Seigneur »587.
 588 BUḪ. 15, 3 = HM I, 331 ; 62, 11 = HM II, 611.

659Le jour où il invoqua le nom d’al-‘Abbās pour faire les


rogations, ‘Umar dit dans son oraison : « Seigneur, nous nous
recommandons à Toi de l’oncle de Ton Prophète, du reste de ses
ancêtres et de ses grands Compagnons. Tu as dit — et Ta parole
est véri-dique : — Quant au mur, il appartient à deux adolescents
orphelins de la ville. Sous ce mur est un trésor qui leur est
destiné. Leur père était vertueux et ton Seigneur a voulu qu’ils
atteignissent leur majorité et qu’ils découvrissent [alors] leur
trésor. Puisque Tu les a protégés en raison des vertus de leur
père, Seigneur, protège // Ton Prophète en la personne de son
oncle, car nous le prenons comme médiateur auprès de Toi, en
demandant intercession et pardon »588.
660Puisque Dieu préserve les enfants de Ses fidèles en
considération de leurs pères, il est donc possible qu’il refuse de
protéger les enfants de Ses ennemis à cause de leurs pères. Il fait
ce qu’il veut.
 589 Il s’agit du ḥadīṯ  incriminé au début du chap. LXXVIII :
« Le mort est tourmenté à cause des pleurs (...)

661280 m. — ‘Ā’iša rejetait ce ḥadīṯ  et disait : « Quiconque en


admet les termes est un libertin »589. C’était là une présomption
et une interprétation de la part de ‘Ā’iša. Il n’est pas licite de
198
rejeter le ḥadīṯ  du Prophète en raison de la présomption de ‘Ā’iša.
Si elle avait rapporté de la bouche du Prophète quelque chose qui
contredît ce ḥadīṯ,  on aurait pu prendre ses paroles en
considération.
662Si ‘Abd Allāh b. ‘Umar était seul à l’avoir transmis, on aurait pu
supposer — comme elle le prétend — qu’il y a erreur. Mais il a été
transmis par toute une série de Compagnons parmi lesquels
figurent ‘Umar, ‘Imrān b. Ḥuṣayn, Ibn ‘Umar et Abū Mūsā l-Aš‘arī.
 590 Coran, L, 29.

663S’ils disent : C’est injuste — alors que Dieu s’est défendu


d’être injuste en disant : « Je ne serai point injuste envers Nos
serviteurs »590 — nous leur répondrons par la bouche d’Iyās b.
Mu’āwiya qui a dit : « J’ai demandé à quelqu’un : — Qu’est-ce que
l’injustice, dans la langue des Arabes ? Il me répondit : — Elle
consiste à prendre ce qui ne vous appartient pas ! Je m’écriai
alors : Mais tout appartient à Dieu ! »
***

LXXIX. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ INFIRMÉ PAR LA


SPÉCULATION
 591 ḤAN. V, 154, 161.

664281. — Proposition : Vous rapportez qu’Abū Ḏarr demanda au


Prophète, à propos des rapports d’un homme avec sa femme : « Il
prend du plaisir, // ô Prophète, et il sera récompensé ? » Le
Prophète répondit : « A ton avis, si tu accomplis cet acte dans des
conditions illicites (ḥarām),  n’es-tu point coupable ? — Si !
répondit-il. — Eh ! bien, si tu l’accomplis dans des conditions
licites (ḥalāl),  tu seras récompensé ! »591.
665Or l’acte accompli dans des conditions illicites est un péché, et
l’acte accompli dans des conditions licites est juridiquement
indifférent (ibāḥa).  Comment peut-on être récompensé pour un
199
acte accompli dans des conditions indifférentes ? Si cela était
possible, il serait également possible d’attendre une récompense
pour avoir mangé quand on a faim et bu de l’eau quand on a soif !
666Comment le Prophète a-t-il pu dire cela, lui qui, de toutes les
créatures, connaît le mieux les subtilités du langage, et ce qui est
admissible ou non ?
667282. — Réponse : Nous prétendons qu’un homme ayant une
femme vieille et laide et en désirant une autre qui est illicite pour
lui, mais qui s’offre à lui et est à sa portée, peut repousser la
seconde par obéissance à Dieu. Il sera alors récompensé pour
avoir choisi celle qui était licite pour lui, bien qu’il ne la désirât
point.
668Un homme peut aussi avoir deux femmes, dont l’une est noire
et difforme, et l’autre blanche et jolie. S’il fait part égale entre
elles, alors qu’il n’en désire qu’une seule, et qu’il doit se forcer
pour venir auprès de l’autre, il sera récompensé pour cela.
 592 On n’a pas retrouvé ce ḥadīṯ.

669Si un homme mange du pain d’orge licite // et se prive d’un


pain blanc illicite, alors qu’il pouvait s’en procurer, il sera
récompensé — de l’avis de tout le monde — pour avoir mangé du
pain d’orge. Bien plus, si quelqu’un affirme que le Croyant sera
récompensé pour avoir bu, mangé et eu des rapports sexuels, en
se basant sur les paroles du Prophète : « Le Croyant sera
récompensé de toute chose, même d’avoir porté une bouchée à
ses lèvres »592, à mon avis, il a raison.
***

LXXX. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ INFIRMÉ PAR LA


SPÉCULATION
 593 Cf. BUḪ. 63, 27 = HM III, 24, etc…

200
 594 Cf. § 211 sqq.

670283. — Proposition : Vous enseignez que des singes


lapidèrent une guenon pour adultère593. Si les singes l’ont
lapidée en état d’iḥṣān594, le ḥadīṯ  est [encore] plus intéressant !
671Conformément à l’analogie impliquée par ce ḥadīṯ,  qui sait si
les singes n’observent pas un grand nombre de prescriptions de
la Thora, et si leur religion n’est pas encore le judaïsme ?
 595 Cf. Tarbī‘, s. misḫ.

672Et si les singes sont juifs, peut-être les porcs sont-ils


chrétiens ?595.
673284. — Réponse : En réponse à leurs railleries, nous affirmons
que le ḥadīṯ  sur les singes n’émane pas du Prophète ni de ses
Compagnons. C’est en réalité une phrase proférée par ‘Amr b.
Maymūn.
 596 BUḪ. 63, 27 = HM III, 24, etc…

674D’après Muḥammad b. Ḫālid b. Ḫidāš — Muslim b. Qutayba —


Hāšim — Ḥuṣayn, ‘Amr b. Maymūn aurait dit : « Une guenon se
rendit coupable d’adultère, avant l’Islam. Les singes la
lapidèrent, // et je les imitai »596.
675Abū Muḥammad dit : Il peut se faire qu’il ait vu des singes
lapider une guenon, et ait présumé qu’ils la lapidaient parce
qu’elle avait forniqué. Mais nul ne peut le savoir que par
conjecture, car les singes ne disent rien sur eux-mêmes. Celui qui
les voit s’accoupler ne sait s’ils sont adultères ou non. C’est une
conjecture. Peut-être le vieil homme a-t-il su qu’elle commettait
l’adultère en raison d’une preuve que nous ignorons. En effet, les
singes sont les animaux les plus enclins à la fornication. Les
Arabes en ont fait Un proverbe, et ils disent : « Plus fornicateur
qu’un singe ». Or si leur penchant à la fornication n’était si

201
notoire, on n’en aurait point fait un proverbe, car aucun animal ne
ressemble plus à l’homme que le singe pour ce qui est des
habitudes matrimoniales et de la jalousie. Il arrive aux animaux de
se battre, de s’affronter, de se châtier ; il en est qui mordent, il en
est qui griffent ; il en est qui brisent et piétinent. Les singes, eux,
lapident avec les mains que Dieu leur a données, tout comme aux
hommes. Dans cette circonstance, il est fort possible qu’ils se
soient lapidés pour tout autre chose que pour adultère, et que le
vieil homme se soit imaginé que c’était pour adultère. Mais il est
également plausible qu’il ait trouvé une preuve de l’adultère de
cette guenon, car comme je l’ai dit, ce sont les animaux les plus
enclins à la jalousie, et les plus comparables aux humains par
l’intelligence. //
 597 Coran, V, 60.

 598 On ne voit pas à quel ḥadīṯ il est fait allusion ici.

676284 a. — Abū Muḥammad dit : Pour moi, je présume que les


singes sont bien le produit d’une métamorphose, et que ce
produit a crû et multiplié. J’en veux pour preuve le verset : « Vous
donnerai-je avis de ceux dont la récompense sera pire que cela
auprès de Dieu ? Ceux que Dieu a maudits, contre qui Il s’est
courroucé, dont il a fait les singes et les porcs… »597. La
présence de l’article défini dans « les singes et les porcs » est un
signe de détermination, et prouve qu’il s’agit bien des singes que
nous avons sous les yeux. S’Il avait voulu parler d’une chose
passée et disparue, il aurait dit : « …dont Il a fait des singes et
des porcs », à moins que le ḥadīṯ  d’Umm Ḥabība sur la
métamorphose ne soit authentique, et qu’il en soit comme le
Prophète l’a dit598.
677284 b. — Nous ne prétendons point qu’ils ont agi ainsi pour se
conformer aux prescriptions de la Thora, comme le déclare notre

202
railleur, mais nous affirmons qu’ils ont appliqué la lapidation soit
pour adultère, soit pour tout autre chose, tout comme d’autres
animaux griffent, mordent ou brisent, parce qu’ils ont des mains
semblables à celles des humains. Or les humains n’ont d’autre
moyen que la lapidation pour faire du mal à distance.
678Ce qui confirme que les singes sont bien le produit de la
métamorphose en question, c’est que tout le monde est d’accord
pour déclarer leur chair illicite au même titre que la chair
humaine, en dehors de toute révélation et de toute tradition. //
***

LXXXI. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ-S PROUVANT QUE LE CORAN


EST CRÉÉ
 599 Sourate XXXVI.

 600 Sourate II.

 601 Sourate III.

 602 Cœur et bosse : ḤAN. V, 26 ; nuages, ombrages, vols


d’oiseaux : ḤAN. IV, 183 ; V, 249, 361, etc…
Pou (...)

 603 Cf. ḤAN. IV, 183.

679285. — Proposition : Vous enseignez que le cœur du Coran est


[la sourate] « Yā’ Sīn »599, que la bosse du Coran est [la sourate]
« la Génisse »600 ; que les [sourates] « la Génisse » et « la famille
de ‘Imrān »601 viendront, au jour de la résurrection, comme
deux nuages, ou deux ombrages, ou deux vols d’oiseaux aux
ailes étendues602 ; que le Coran viendra vers l’homme dans son
tombeau et lui dira telle ou telle chose603.

203
680Tout cela prouve que le Coran est créé. Il est impossible que
ce qui a un cœur, une bosse, ou ce qui est un nuage ou un
ombrage soit incréé.
681286. — Réponse : Nous affirmons qu’il aurait convenu que ces
gens, amateurs de kalām  et de raisonnement analogique, se
rendissent compte que le Coran n’est point un corps, et qu’il n’a
ni limites, ni régions.
 604 Cette phrase se rapporte au ḥadīṯ de la note précédente.
Ce passage, ainsi que les lignes suivantes (...)

682Par l’expression « la bosse du Coran », il voulait dire


seulement que // la sourate « la Génisse » en est le point
culminant, tout comme la bosse du chameau en est le sommet.
Par l’expression « le cœur du Coran est la sourate « Yā’ Sīn », il
voulait dire que cette sourate est au Coran ce que le cœur est au
corps. Par la phrase : « Les sourates la Génisse et la famille de
‘Imrān, viendront comme deux nuages », il a voulu dire que la
récompense [inhérente à la récitation] de ces deux sourates
viendra ombrager le récitant au jour de la résurrection. [Enfin], la
récompense [inhérente à la lecture du Coran]604 viendra sur
l’homme dans son tombeau.
683[Le Coran] viendra auprès de l’homme au jour de la
résurrection afin de discuter son cas. On peut admettre que Dieu
incarne [à ce moment] le Coran dans un être qui plaidera sa cause
et le sauvera.
 605 Cf. ḤAN. IV, 183 ; V, 249, 361 etc…

684286 a. — Abū Muḥammad dit : D’après Abū l- Ḫaṭṭâb Ziyād b.


Yaḥyā — ‘Abd al-A’lā — Muḥammad b. Isḥāq — ‘Amr b. Šu‘ayb —
son père — son grand-père, le Prophète a dit : « Au jour du
jugement, le Coran sera incarné dans un homme. On fera alors
comparaître l’être humain qui aura négligé les obligations

204
rituelles, [prévues par le Coran], outrepassé ses lois, refusé de s’y
conformer et résolu de lui désobéir. [Le Coran] s’érigera alors en
accusateur et dira : — Hélas, Seigneur ! Tu m’a confié à un
mauvais porteur qui a négligé mes obligations, outrepassé mes
lois, refusé de m’obéir et péché contre moi ! Il ne cessera de
porter témoignage contre lui jusqu’à ce qu’on lui dise : — Alors,
fais-en ce que tu veux ! // Et le Coran saisira l’homme par un
bras et ne le lâchera que pour le précipiter la tête la première
dans le Feu. [Puis] on amènera un homme qui aura respecté les
lois coraniques, accompli les obligations rituelles, accepté de lui
obéir et évité de pécher contre lui. [Le Coran] s’érigera en avocat
et dira : — Seigneur, Tu m’as confié à un bon porteur. Il a
respecté mes lois, accompli mes obligations, accepté de m’obéir
et évité de pécher contre moi ! On lui dira : — Alors, fais-en ce
que tu veux ! Et il le saisira par un bras et ne le lâchera pas avant
de l’avoir revêtu d’une tunique de soie brodée d’or, d’avoir placé
sur sa tête une couronne royale, et de l’avoir abreuvé avec la
coupe de l’éternité »605.
685286 b. — N’y a-t-il pas, dans l’expression « le Coran sera
incarné » une preuve qu’il lui sera donné une apparence, afin que
l’homme qui l’aura suivi et respecté sache que c’est le Coran qui
le sauve ? Le Coran en lui-même n’est ni un homme ni un corps
matériel, et il ne parle pas, car il est lui-même la Parole.
686Si ces gens réfléchissaient attentivement et bénéficiaient d’un
tant soit peu d’aide divine, ils sauraient qu’il est impossible
d’admettre que le Coran est créé, car il est la Parole de Dieu. La
Parole de Dieu est de Dieu, et ce qui est de Dieu ne saurait être
créé.
687Considérons cela en nous référant à la parole humaine, qui
leur est plus accessible. Notre parole n’est pas un acte qui nous
est propre. Ce n’est qu’un bruit, des sons isolés, // et ni ce bruit,

205
ni ces sons ne sauraient être des actes qui nous sont propres, car
ils sont tous créés par Dieu. La seule part de l’acte qui puisse
nous être attribuée dans ces phénomènes est leur reproduction
(adā’). C’est elle qui nous vaut la récompense divine.
688286 c. — On peut comparer le cas d’un homme auquel on
aurait confié un bien, puis auquel on l’aurait réclamé et qui le
restituerait de sa main. Ni le bien, ni la main ne justifieraient une
récompense. La récompense serait due uniquement du fait de la
restitution (adā’).
689Ainsi, la récompense n’est due à l’homme que pour avoir
reproduit le Coran par la voix et en sons isolés. Mais sous la
forme ordonnée et composée [que nous lui connaissons], le Coran
est la Parole de Dieu, et c’est de Lui qu’il émane. Quiconque le
reproduit reproduit la Parole de Dieu, mais cela ne lui ôte en rien
la qualité de Récitant du Coran. Si quelqu’un rédige un discours
ou compose un poème, puis qu’un autre transmette cela, la parole
ou les vers ne sont pas le fait du transmetteur : l’œuvre poétique
est due à l’auteur, et le transmetteur ne fait que la reproduire.
***

LXXXII. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ-S INFIRMÉS PAR LE


CONSENSUS
 606 Les ḥadīṯ-s  en ce sens que l’on a trouvés ne font pas
mention de la friction du turban. Voir toutef (...)

 607 TIR. 1, 75 ; ḤAN. IV, 135 ; V, 281, etc…

 608 ABŪ DĀWŪD, 1, 60.

690287. — Proposition : Vous rapportez d’après Ayyūb — Ibn Sīrīn


— ‘Amr b. Wahb al-Ṯaqafī — qu’al-Mugīra b. Šu‘ba dit : « Le
Prophète étant sorti pour satisfaire à un besoin, je le suivis avec
de l’eau. Il fit son ablution, pratiqua la friction du turban, puis fit

206
la Prière du matin »606. Vous rapportez d’après Abū Mu‘āwiya
— // al-A‘maš — al-Ḥakam — ‘Abd al-Raḥmān b. Abī Laylā —
Ka‘b b. ‘Ağra — Bilāl que le Prophète pratiquait la friction du voile
de tête607. Vous rapportez d’après al-Walīd b. Muslim — al-
Awza‘ī — Yaḥyā b. Abī Kaṯīr — Abū Salama b. ‘Abd al-Raḥmān —
que ‘Amr b. Umayya al-Ḍamrī dit : « J’ai vu le Prophète faire ses
ablutions et pratiquer la friction du turban »608.
691Ce sont là d’après vous des isnād-s irréprochables, et
cependant, vous avez renoncé à mettre ces ḥadīṯ-s en pratique
sans qu’aucune tradition les abrogeât.
 609 Cette importante affirmation est assez conforme à la
position hanbalite. D’après H. Laoust, Ibn Tay  (...)

 610 Le problème est de savoir s’il convient de prononcer une


seule formule de salutation après la Prièr (...)

692288. — Réponse : Nous prétendons que la vérité s’affirme


chez nous par le consensus  plus encore que par la tradition
(riwāya)609. Le ḥadīṯ,  en effet, est sujet à des accidents provoqués
par l’omission ou la négligence. Il peut être sujet à caution, à
interprétations ou à abrogation. Un transmetteur de confiance
peut le recevoir d’un autre qui ne l’est pas. Il peut véhiculer deux
prescriptions divergentes qui soient toutes deux licites — comme
la taslīma  unique ou les deux taslīma-s610. Un transmetteur peut
aussi avoir été présent lorsque le Prophète donnait un ordre, et ne
pas avoir été personnellement présent lorsqu’il donnait l’ordre
contraire par la suite : il transmettra alors le premier, mais non le
second // et pour cause.
 611 Mālik est en effet un des grands docteurs du Ḥiğāz, et il est
fondé à connaître des faits ignorés d (...)

 612 Akṯar (?), ; on se demande s’il ne faut pas comprendre :


« plus solide, plus sain ». En effet, l’iğ (...)

207
693Le consensus,  lui, est à l’abri de ces vicissitudes. C’est
pourquoi il arrive à Mālik de rapporter un ḥadīṯ,  puis de déclarer :
« Toutefois, l’usage dans notre pays est tel ou tel » pour une
raison contraire à ce ḥadīṯ,  car son pays est le pays du
Prophète611. Et si, à son époque, l’usage était tel ou tel, il en est
de même pour le siècle suivant, pour le troisième, le quatrième, et
ainsi de suite. Il est impossible qu’un groupe humain abandonne
un usage en vigueur dans son pays et à son époque pour en
adopter un autre ; or [un usage transmis] d’une génération à une
autre est plus fréquent612 que d’un individu à un autre.
 613 ḤAN. I, 223, 283, etc… ; II, 33.

 614 Cf. TIR. 2, 24.

 615 Cf. MĀLIK,,9 4.

694288 a. — Il peut arriver aussi que des gens transmettent, avec


une chaîne de garants ininterrompus des ḥadīṯ-s  auxquels ils ont
cessé de se conformer. Ainsi en est-il du ḥadīṯ  de Sufyān et
Ḥammad b. Zayd — ‘Amr b. Dīnār — Ğābir — Ibn ‘Abbās déclarant
que le Prophète groupait les Prières du ẓuhr,  du ‘aṣr,  du maġrib  et
du ‘išā’  à Médine, même lorsqu’il était en sécurité et n’avait rien à
redouter613. Or tous les juristes ont abandonné cet usage, soit
parce qu’il a été abrogé614 ; soit parce qu’il agissait ainsi par
nécessité — qu’il s’agît de pluie615 ou d’une occupation
quelconque.
 616 ḤAN. I, 221 ; ABŪ DĀWŪD, 18, 8.

 617 Tout repose sur le rôle de huwa (lui-même), qui est à vrai


dire rien moins que clair dans ce ḥadīṯ, (...)

 618 On sait que le patron (mawlā)  est le dernier sur la liste de


la ‘aṣaba,  c’est-à-dire des ayants dro (...)

208
695Ainsi en est-il également du ḥadīṯ  de Sufyan — ‘Amr b. Dīnār
— ‘Awsağa — Ibn ‘Abbās qui dit : « Un homme mourut du temps
du Prophète sans laisser d’autre héritier // qu’un mawlā  que lui-
même avait affranchi. Le Prophète lui donna son héritage616. Or
les juristes sont opposés à cela soit parce qu’ils suspectent
‘Awsağa et que ce dernier est un individu qui ne saurait garantir
l’authenticité d’une prescription ou d’une tradition normative, soit
parce qu’ils altèrent l’interprétation du ḥadīṯ  et comprennent : « Il
ne laissa d’autre héritier qu’un mawlā  qui avait lui-même
affranchi le mort617 » — conformément à cette interprétation, il
est licite qu’il soit l’héritier, car il était le patron (mawlā)  du
mort618 —, soit en vertu d’une abrogation.
 619 TIR. 2, 177 ; NAS. 12, 30. Cf. aussi EI, II, 1184,
s. ḳunūt  (WENSINCK).

696Ainsi enfin un ḥadīṯ  de Šu‘ba — ‘Amr b. Murra — ‘Abd al-


Raḥmān b. Abi Laylā — al-Barā’ disant que le Prophète pratiquait
le qunūt  à la Prière du ṣubḥ  et à celle du maġrib619. Or les
Musulmans discutent sur le qunūt  de la Prière du ṣubḥ,  mais
s’accordent pour le délaisser à la Prière du maġrib.
 620 On n’a pas trouvé de ḥadīṯ où soient associés le toupet et
le turban.

 621 Coran, V, 6 : « Passez-vous la main sur la tête… » Il ne


faut donc pas prendre ici le mot « toupet  (...)

697288 b. — Les exemples de cet ordre sont nombreux, et il faut


y ajouter la question de la friction du turban ou du voile. Les
juristes sont d’accord pour délaisser cette pratique. S’ils la
délaissent bien que ce ḥadīṯ  soit transmis par une voie
irréprochable à leurs yeux, ce ne peut être qu’en raison d’une
abrogation, ou parce que le Prophète a été vu en train de
pratiquer la friction du turban en même temps que celle de la tête

209
sous le turban. Le transmetteur a rapporté l’information la plus
insolite, car si la friction de la tête n’est ni répréhensible, ni
insolite — en effet, tout le monde la pratique —, celle du voile est
[au contraire] une pratique insolite. Ils ont cherché un témoignage
// pour justifier cette attitude dans un autre ḥadīṯ  dû à al-Muġīra
et transmis par al-Walīd b. Muslim — Ṯawr — Rağā’ b. Ḥaywa —
Warrād : al-Muġīra y déclare que le Prophète frotta son toupet et
son turban620. Or le fait de frotter le toupet est une obligation
rituelle prévue par le Coran621 ; il ne saurait être rejeté en vertu
d’un ḥadīṯ  dont existent des versions différentes.
 622 P. ex. ḤAN. IV, 252, où effectivement il n’y a qu’un
seul ḥadīṯ.

698Il en est de même pour une version d’un ḥadīṯ  déclarant que le


Prophète pratiquait la friction des deux sandales, et une autre
version déclarant qu’il frottait ses deux chaussettes. Or il frottait
ses chaussettes à l’intérieur de ses sandales : chacun des deux
transmetteurs a rapporté une moitié du ḥadīṯ622.
***

LXXXIII. — EXEMPLE DE DEUX ḤADĪṮ-S


CONTRADICTOIRES RELATIFS AUX ENFANTS DES
POLYTHÉISTES
 623 MUS. 32, 28 ; ABŪ DĀWŪD, 15, 111.

699289. — Proposition : Vous enseignez qu’al-Ṣa‘b b. Ğuṯāma


dit : « O Prophète, nos chevaux piétinent les enfants des
Polythéistes dans les ténèbres de la nuit, lors des expéditions ». Il
répondit : « Ils [sont sortis] de leurs pères ! »623.
 624 Les compilateurs ne paraissent pas avoir retenu ce ḥadīṯ.

700D’autre part, vous rapportez que le Prophète envoya un corps


expéditionnaire qui tua des femmes et des enfants ; il réprouva
cela très énergiquement. Ils objectèrent : « O Prophète, ce sont

210
des enfants de Polythéistes ! » Mais il répliqua : « Les meilleurs
d’entre vous ne sont-ils pas des enfants de Polythéistes ? »624.
701290. — Réponse : Nous affirmons qu’il n’y a nulle
contradiction entre ces deux ḥadīṯ-s, // car al-Ṣa‘b b. Ğutāma lui
ayant appris que les chevaux des Musulmans les piétinaient la
nuit pendant les expéditions, il répondit : « Ils sont [sortis] de
leurs pères », ce qui veut dire que sur terre, ils ont le même statut
que leurs pères. Si au cours d’une expédition nocturne, une
occasion se présente d’attaquer les Polythéistes, ne vous abstenez
pas à cause des enfants, car ils ont le même statut que leurs
pères ; [toutefois], ne les massacrez pas délibérément. Mais dans
le second ḥadīṯ,  il reprocha aux troupes d’avoir tué des femmes et
des enfants, car ils l’avaient fait exprès, sous prétexte que leurs
pères étaient Polythéistes. C’est alors qu’il dit : « Les meilleurs
d’entre vous ne sont-ils pas des enfants de Polythéistes ? » pour
dire : « Il y en aura peut-être parmi eux qui deviendront de bons
Musulmans lorsqu’ils seront adultes ».
***

LXXXIV. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ COMPORTANT UNE


CONTRADICTION INTERNE
 625 Cf. BUḪ. 63, 12 = HM I, 10.

 626 SUYŪṬĪ, Ğāmi‘,  132 (d’après Ṭabarāmī).

702291. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit à


propos de Sa‘d b. Mu‘āḏ : « Le Trône fut ébranlé par sa mort.
Soixante-dix mille anges se sont précipités pour faire sa dernière
toilette ; j’ai failli ne pas pouvoir me frayer un chemin jusqu’à son
brancard »625. Vous rapportez en outre qu’il a dit : « Si
quelqu’un peut échapper au tourment du tombeau, c’est bien Sa‘d
b. Mu‘āḏ ; il a subi une pression à en faire éclater ses côtes »626.

211
 627 BUḪ. 16, 1, 13 = HM I, 342, 349 ; 59, 4 = HM II,
425 ; ḤAN. II, 109, 118 ; IV, 122, 245 ; VI, 168, (...)

 628 BUḪ. 59, 4 = HM II, 425.

703Comment le Trône d’Allāh peut-il bouger à cause de la mort


d’un homme ? Si cela était possible, il ne pourrait s’agir que des
prophètes. Vous rapportez en effet que le Prophète a dit : // « Le
soleil et la lune ne subissent point d’éclipse lorsque quelqu’un
meurt ou vit »627. Si cela est vrai pour le soleil et la lune, qui
sont — comme vous l’enseignez — deux taureaux entourés de
feu628, comment [ne le serait-ce pas] pour le glorieux Trône ?
Ajoutons que si le Trône bougeait, il entraînerait dans son
mouvement les cieux et la terre.
704Comment le trône pourrait-il bouger en raison de la mort d’un
homme que Dieu tourmente et oppresse dans son tombeau au
point de faire éclater ses côtes ? Comment en outre peut-Il
tourmenter un homme que soixante-dix mille anges sont venus
laver, et dont le brancard n’a pu être approché par un prophète,
en raison de la foule des anges qui se pressait autour de lui ?
705292. — Réponse : Nous prétendons que des gens ont cherché
à interpréter ce ḥadīṯ,  et ont pensé que l’ébranlement du Trône
était un mouvement réel et physique, comme la vibration d’une
lance ou d’un arbre agité par le vent. Si l’on interprète de cette
manière, c’est un scandale, car les arguments de nos adversaires
prennent toute leur valeur.
706D’autres ont dit : « Le mot ‘arš  (trône) signifie ici sarīr  (lit) ; il
s’agit de la civière sur laquelle fut emporté Sa‘d b. Mu‘āḏ ; c’est
donc cette civière qui bougea. // Si cette interprétation était la
bonne, le ḥadīṯ  en question ne conférerait aucun mérite à Sa‘d, et
la phrase n’aurait aucun intérêt, car n’importe quelle civière sur
laquelle est un mort bouge lorsqu’on la transporte !

212
 629 BUḪ. 63, 12 = HM I, 10.

707292 a. — Ensuite, comment le mot ‘arš  pourrait-il désigner la


civière sur laquelle fut emporté Sa‘d b. Mu‘āḏ, puisqu’un
autre ḥadīṯ  dit : « Le trône (‘arš)  du Miséricordieux fut ébranlé à
cause de sa mort »629.
708L’ébranlement ne saurait représenter le mouvement auquel
certains pensent, pas plus que le trône [l’objet] auquel pensent les
autres.
709L’« ébranlement » désigne l’émotion et la joie. On dit : « Untel
est ébranlé par les bonnes actions », c’est-à-dire : en tire émotion
et joie. On dit encore : « Lorsqu’on le loue, Untel est ébranlé ». Le
sens est le même dans le proverbe : « Lorsqu’on l’invite, Untel est
ébranlé ; lorsqu’on le sollicite, il reste barricadé ». L’expression
est d’Abū l-Aswad al-Du’alī. Cela veut dire que lorsqu’on l’invite à
manger, il est ému et joyeux, et que si on lui demande quelque
chose, il reste sur ses positions et ne s’ouvre pas. Tel est le sens
du mot « ébranlement » dans ce ḥadīṯ.
 630 Coran, XLIV, 29.

 631 Coran, XII, 82.

 632 BUḪ. 96, 16 = HM IV, 566 ; ḤAN. III, 140, etc…

710Quant au mot ‘arš,  il désigne bien le trône du Miséricordieux,


comme il est dit dans le dernier ḥadīṯ.  Son « ébranlement » est la
joie des anges qui le portent et l’entourent, à cause de [l’arrivée]
de l’âme de Sa‘d b. Mu‘āḏ. [Le Prophète] a employé le mot
« trône » au heu de parler des anges qui le portent et
l’entourent, // comme dans le verset : « Ni le ciel, ni la terre ne
pleurèrent sur eux… »630, c’est-à-dire : Ni les habitants du ciel,
ni ceux de la terre ne pleurèrent sur eux. « Le ciel » et « la terre »
désignent ici leurs habitants. Dieu a dit ailleurs : « Interroge la

213
cité »631, c’est-à-dire : Interroge ses habitants. Le Prophète a dit
à propos du mont Uḥud : « Ceci est un mont qui nous aime et que
nous aimons »632 ; il voulait dire : Ses habitants — les Anṣār —
nous aiment et nous aimons ses habitants. Pour la même raison, il
a parlé du trône au heu de parler des anges qui le portent et qui
se tiennent autour de lui.
 633 Cf. p. ex. BUḪ. 59, 6 = HM II, 433, et ḤAN. II, 364, etc…

711On trouve dans le ḥadīṯ  que les anges se réjouissent [de


l’arrivée] de l’âme du croyant, et que chaque croyant dispose au
ciel, d’une porte par laquelle ses œuvres passent lorsqu’elles
montent, ainsi que sa subsistance lorsqu’elle descend, et par
laquelle il apporte son âme à sa mort, puis est renvoyé633.
712Cette interprétation est confirmée par le propos du Prophète :
« Soixante-dix mille anges se sont précipités pour faire sa toilette
mortuaire ». Grâce à Dieu, cette interprétation est facile et
immédiate ; tout se passe comme si le Prophète avait dit : Les
porteurs du Trône et les [autres] anges se réjouirent autour de lui
à cause de l’âme de Sa‘d.
713292 b. — Ils disent : Comment un homme vers lequel se sont
précipités soixante-dix mille anges pour le laver peut-il avoir été
tourmenté ?
714La mort, la Résurrection et le Jugement s’accompagnent de
violents séismes et de terreurs // auxquels n’échappe aucun
prophète, ni aucun ami de Dieu. J’en veux pour preuve que le
Prophète demandait à Dieu de le protéger contre le tourment du
tombeau. Si ces tourments avaient été inconcevables, il ne l’aurait
pas fait. Mais il redoutait ce que Dieu a décrété dans cet ordre
d’idées pour tous les hommes, en les laissant dans l’incertitude,
de sorte que nul être humain ne peut vivre dans la sécurité et la
tranquillité.

214
 634 BUḪ. 97, 36 = HM IV, 627.

715J’en veux pour preuve également les paroles des prophètes au


jour du Jugement : « Seigneur ! mon âme ! mon âme » et celles de
notre Prophète : « Seigneur ! ma communauté, ma
communauté ! »634.
 635 Coran, XIX, 71.

 636 Cf. Coran,  XIX, 72.

716J’en veux pour preuve enfin le verset : « Il n’est parmi vous
personne qui n’arrive point à elle (= la Géhenne) ! C’est, pour ton
Seigneur, un arrêt décidé » etc…635, où Il nous apprend qu’il
n’est personne qui n’aborde l’enfer, mais que Dieu sauve ceux qui
ont été pieux et y laisse les injustes agenouillés636.
 637 BUḪ. 62, 6 = HM II, 598 ; ḤAN. III, 208, 218, 239…

717‘Umar b. al-Ḫaṭṭāb a dit : « Si j’avais gros comme la terre d’or,


je m’en servirais pour me racheter des terreurs de l’autre
monde ! »637. //
 638 Coran, V, 109.

718A propos du verset : « Au jour où Dieu réunira les Prophètes et


qu’il leur demandera : — Que vous a-t-il été répondu ?, ils
diront : — Nulle science à nous, mais Toi, tu as toute
connaissance des Inconnaissables »638, Ibn ‘Abbās a dit : « Ils
seront stupéfiés par les terreurs du jour de la résurrection ».
***

LXXXV. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ INFIRMÉ PAR LA


SPÉCULATION
 639 ḤAN. II, 5 ; cf. BUḪ. 51, 7 = HM II, 186 ; 70, 8 = HM III,
659, etc…

215
719293. — Proposition : Vous rapportez d’après ‘Abd Allāh b.
Numayr — ‘Ubayd Allāh — Nāfi‘ — Ibn ‘Umar que le Prophète a dit
à propos du lézard : « Je n’en mange pas, mais je ne l’interdis
pas ; je ne le déclare ni licite, ni illicite »639.
720S’il n’en mange pas ni ne l’interdit pas, s’il ne le déclare ni
licite, ni illicite, à qui se vouer alors pour connaître le licite et
l’illicite ? Les bédouins mangent des lézards et s’en délectent. Abū
Wā’il dit : « J’aime mieux un lézard plein d’œufs qu’une poule
grasse ! » Ḫālid b. al-Walīd en mangeait avec lui, ainsi que ‘Umar.
Il est impossible que ces derniers aient osé le faire dans
l’équivoque.
 640 ḤAN. I, 29.

721294. — Réponse : Nous prétendons que ce ḥadīṯ  comporte une


erreur due à l’inadvertance de la part d’un des transmetteurs. Le
Prophète a dit : « Je n’en mange pas et je ne l’interdis pas » sans
plus. // Mais le transmetteur a pensé qu’il ne le déclarait ni licite
ni illicite, puisqu’il n’en mangeait pas et ne l’interdisait pas. Or il
importe de ne pas confondre les deux attitudes, car le Prophète
ne s’abstenait pas d’en manger en raison de son caractère illicite,
mais il s’en abstenait tout simplement parce qu’il en avait un
dégoût. Lorsqu’on servit un lézard à ‘Umar et qu’il porta la main
aux filets de l’animal, il déclara : « Le Prophète ne l’a pas déclaré
illicite, mais il lui inspirait du dégoût »640.
 641 BUḪ. 95, 6 = HM IV, 543.

722Une autre anecdote nous éclaire également sur ce point : Wahb


b. Ğarīr rapporte d’après Šu‘ba — Tawba al-Anbārī — al-Ša‘bī —
Ibn ‘Umar qu’un groupe de Compagnons du Prophète, parmi
lesquels Sa‘d b. Mālik, étaient en train de manger quelque chose,
lorsqu’une des épouses du Prophète leur cria : « C’est du
lézard ! » Sur quoi ils s’interrompirent ; mais le Prophète leur dit :

216
« Mangez ! ce mets est licite, et il n’y a pas d’inconvénient, mais
ce n’est pas une nourriture de chez moi ! »641. Ce ḥadīṯ  montre
bien l’erreur de l’homme qui a transmis [le premier] de la bouche
d’Ibn ‘Umar, car il est illicite de rapporter les deux ḥadīṯ-
s  ensemble, dès lors qu’ils sont contradictoires.
 642 Cf. Coran,  VI, 145-146.

723294 a. — Quant au fait que le Prophète refusait d’en manger


quoiqu’il fût licite à ses yeux, [il s’explique si l’on considère] que
tout ce qui est licite // n’est pas agréable ni convenable. Ainsi,
Dieu a décrété que le mouton était licite pour nous, à l’exception
de son sang répandu642. Or le Prophète en détestait la vessie, le
ris, les tripes, les testicules et la rate.
 643 P. ex. ḤAN. III, 31, 39, 45, 53.

724La tradition historique rapporte que le fœtus est considéré


comme égorgé rituellement lorsque la mère l’a été643, mais nul
ne le mange de bon cœur.
 644 Il est bien difficile de déterminer les variétés de sauriens
que désignent les différents mots empl (...)

 645 Coran, VII, 157.

725Il est des choses qu’aucune révélation ni aucune tradition


n’ont déclarées illicites ; en ce qui les concerne, les hommes s’en
remettent à leur instinct et à leur nature. Ainsi en est-il de la chair
humaine, de la viande de singe, de serpent, de gecko, de ‘izāya644,
de souris, etc… Il n’est aucun de ces animaux que l’on ne déteste
instinctivement. Allāh nous apprend dans son livre que le
Prophète a déclarées illicites les [nourritures] immondes645. Or
tous ces animaux sont immondes par nature.
726294 b. — Parmi les choses licites, mais inconvenantes, on peut
citer le fait, pour un adulte, de courir dans la rue sans qu’il y ait

217
urgence, de se disputer à propos du douaire de la mère, de laisser
tomber son manteau de ses épaules, de filer du coton sur la voie
publique, de se parer // d’atours féminins, de manger dans les
rues.
 646 SUYŪṬĪ, Ğāmi‘,  123 (d’après Ṭabarānī).

727Abū Muḥammad dit : D’après Abū l-Ḫaṭṭāb — Abū ‘Itāb —


Muḥammad b. al-Furāt — Sa‘īd b. Luqmān — ‘Abd al-Raḥmān al-
Anṣārī, Abū Hurayra a dit : « J’ai entendu le Prophète dire : —
Manger dans les rues est laid ». Un ḥadīṯ  déclare : « Dieu aime les
choses élevées et déteste les choses basses »646.
***

LXXXVI. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ ANTHROPOMORPHISTE


INFIRMÉ PAR LE CORAN ET LE CONSENSUS
 647 BUḪ. 80, 14 = HM IV, 245 ; ḤAN. IV, 16, etc…

 648 Cf. ḤAN. III, 501.

 649 ḤAN. VI, 176, 238.

728295. — Proposition : Vous enseignez que Dieu descend dans le


ciel inférieur pendant le dernier tiers de la nuit et dit : « Quelqu’un
m’invoque-t-il, afin que je l’exauce ? Quelqu’un se repent-il, pour
que je lui pardonne ? »647 ; qu’il descend parmi les pèlerins, le
soir de ‘Arafa648 ; qu’il descend la nuit de la mi-ša‘bān649.
 650 Coran, LVIII, 7.

 651 Coran, XLIII, 84.

729Cela est en contradiction avec le verset : « Il n’est conciliabule


à trois où Il ne soit le quatrième — à cinq où Il ne soit le sixième,
à moins ou à plus [de trois ou de cinq] où Il ne soit avec eux où

218
qu’ils se trouvent »650 et avec cet autre : « Il est Celui qui est
Dieu dans le ciel et Dieu sur terre »651.
730Enfin, tout le monde s’accorde // sur le fait qu’il est en tout
lieu et que ceci ne saurait le distraire de cela.
731296. — Réponse : Pour ce qui est du verset : « Il n’est
conciliabule à trois où Il ne soit le quatrième… », nous prétendons
qu’Il est avec eux par la seule connaissance de leurs faits et
gestes. Ainsi en est-il d’un homme que tu enverrais dans un pays
éloigné en lui confiant une affaire te concernant, et auquel tu
dirais : « Garde-toi d’être négligent ou insouciant sur un point de
l’affaire que je te confie, car je suis avec toi ! » Cela voudrait dire :
Ni ta négligence, ni ton zèle ne m’échapperont, car je te surveille
et je suis tes affaires ». Si cela est possible pour la créature qui
ignore l’inconnaissable, à plus forte raison l’est-ce pour le
Créateur, qui connaît l’inconnaissable.
 652 Coran, XX, 4 ; cf. XXV, 59.

 653 Coran, XXIII, 28.

 654 Coran, XXXV, 10.

732De même, lorsqu’on dit : « Il est en tout lieu », on entend par
là que rien ne Lui échappe de ce qui se passe en ces lieux. Il y est
parce qu’il les englobe dans Sa connaissance. Comment est-il
permis de dire qu’il est en tous lieux par incarnation (ḥulūl) alors
qu’il a dit : « Le Miséricordieux se tient sur le Trône »652, c’est-
à-dire « demeure » ; on comparera aussi le verset : « Et quand tu
te tiendras sur l’arche, toi et ceux qui sont avec toi »653 où il faut
comprendre « quand tu demeureras », sans parler du verset :
« Vers Lui s’élève la parole excellente. Il élève les actions
pies »654. Comment pourrait-il élever vers Lui une chose à

219
proximité de laquelle Il se trouve, ou élever // un acte s’Il est près
de lui ?
 655 Allusion aux ḥadīṯ-s du § 292 a.

 656 Ma‘āriğ : allusion au titre de la sourate LXX.

733Comment les anges et les âmes pourraient-ils monter au jour


de la résurrection655 ? Le verbe ‘arağa  est synonyme
de ṣa‘ida  (monter). On dit « ‘arağa ilā-l-samā’ », c’est-à-dire :
monter au ciel. Dieu est le maître des ma‘āriğ,  c’est-à-dire des
degrés656. Que seraient ces degrés et vers qui les anges
apporteraient-ils les actes [des hommes] si Dieu, dans Son séjour
supérieur, est identique (miṯl) à Lui-même dans Son séjour
inférieur ?
 657 Toutes ces formules sont des réminiscences coraniques.

 658 Coran, XXI, 19-20.

 659 Coran, III, 169.

 660 Coran, XXI, 17. On ne peut évidemment suivre ici la


trad. BLACHÈRE (min ladunnā =  spontanément), ét (...)

734296 a. — Si [nos adversaires] faisaient un retour sur leur


nature innée et sur la connaissance instinctive du Créateur qui est
partie intégrante de leur nature, ils sauraient que Dieu est le Très-
Haut, le Sublime, qu’Il réside dans le Lieu suprême, que les cœurs
s’élèvent vers Lui pendant le ḏikr,  que les mains s’élèvent vers Lui
pendant l’invocation, que c’est d’En-Haut que les hommes
espèrent la consolation, attendent l’assistance et reçoivent la
subsistance, que c’est là que se trouvent le Siège ( kursiyy), le
Trône (‘arš), les Voiles (ḥuğub) et les anges657. Dieu a dit :
« Ceux qui sont auprès de Lui ne se trouvant pas trop grands pour
L’adorer, n’en soupirent point. Ils L’exaltent la nuit et le jour sans

220
se lasser »658. Il a dit à propos des martyrs : « Ils sont vivants
auprès de leur Seigneur et pourvus de leur subsistance »659. On
les appelle šuhadā’  parce qu’ils sont témoins de la majesté de
Dieu. Le singulier est šahīd,  comme ‘alīm,  pl. ‘ulamā’,
kafīl,  pl. kufalā’.  Dieu a dit : // « Si Nous avions voulu y prendre
un plaisir, Nous l’aurions pris auprès de Nous »660, c’est-à-dire :
Si Nous avions voulu prendre femme et enfants, Nous les aurions
pris près de Nous, et non près de vous, car l’épouse et les enfants
d’un homme sont près de lui et en sa présence, et non près d’un
autre.
 661 Cette étrange affirmation obscurantiste est d’autant plus
stupéfiante que toute l’œuvre d’Ibn Qutay (...)

735Tous les peuples, arabes ou persans, confessent que Dieu est


au ciel, dans la mesure où ils sont demeurés dans leurs
dispositions naturelles (fiṭar) et n’en ont pas été arrachés par
l’enseignement661.
 662 Dans ḤAN. II, 291, etc… l’anecdote est encore beaucoup
plus savoureuse, car l’esclave ne peut répon (...)

736296 b. — Un ḥadīṯ  rapporte qu’un homme vint trouver le


Prophète avec une servante persane, afin de l’affranchir. Le
Prophète demanda à la servante : « Où est Dieu ? » — « Au ciel ! »
— « Et qui suis-je ? » — « Tu es l’envoyé de Dieu ! » Le Prophète
dit alors : « Elle est croyante ». Et il ordonna à son maître de
l’affranchir. Telle est à peu près l’anecdote662.
737Umayya b. Abi l-Ṣalt dit :
« Glorifiez Dieu ! Il est digne d’être glorifié.
Notre Seigneur du ciel est devenu grand
Par l’édifice suprême qui a précédé les hommes ;
Il a établi un trône au-dessus du ciel.

221
Un trône immense que n’atteint pas le regard ;
On voit au-dessous les anges courbés ».
 663 ABŪ DĀWŪD, 39, 18.

 664 Cf. Lisān,  VI, 145 = Tāğ  III, 343, où un autre ḥadīṯ de


‘Ikrima vient étayer la définition : « Tous (...)

738Le mot ṣūr,  pl. de aṣwar,  signifie : « à la nuque penchée ».


Le ḥadīṯ  //  dit aussi que les porteurs du trône sont « courbés »
(ṣūr)663. On emploie également ce mot pour désigner quiconque
porte une chose lourde sur son épaule ou sa hanche et doit
garder le cou penché664.
 665 Matt.  V, 34.

 666 Matt.  VI, 14, 26. Sur ces citations


voir LECOMTE, Citations. Le texte porte rabbukum  (votre
Seigneu (...)

739On ht dans le Saint Évangile que le Messie a dit : « Ne jurez pas
par le ciel, car il est le trône de Dieu »665 ; il a dit à ses Apôtres :
« Si vous pardonnez aux hommes leurs offenses, votre Père qui
est au ciel vous pardonnera aussi vos offenses… » « Regardez les
oiseaux du ciel : ils ne sèment ni ne moissonnent et ils
n’amassent rien dans des greniers ; et votre Père céleste les
nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux ? »666.
740On pourrait multiplier les citations, ce qui allongerait le
présent ouvrage.
741296 c. — Quant au verset : « Il est Celui qui est Dieu dans le
ciel et Dieu sur la terre », il ne renferme rien qui permette de
conclure à l’incarnation dans un séjour ou dans l’autre. Il signifie
qu’il est le Dieu du ciel et de ses habitants, et le Dieu de la terre
et de ses habitants.

222
742Voici un exemple analogue dans la langue courante :
Lorsqu’on dit : « Il est émir au Ḫurāsān et émir en Égypte » cela
signifie qu’il cumule les fonctions d’émir dans ces deux provinces,
et qu’il séjourne soit dans l’une, soit dans l’autre. Cela est clair et
ne saurait échapper à personne.
743Si l’on nous demande comment il faut entendre le verbe
« descendre » lorsqu’il s’agit de Dieu, nous répondrons : On ne
saurait définir // en aucune façon l’action de descendre lorsqu’il
s’agit de Dieu. Nous pouvons définir l’action de descendre
lorsqu’il s’agit des hommes et les acceptions de ce verbe dans le
langage, mais Dieu seul sait ce qu’Il a voulu dire.
744296 d. — Le verbe « descendre », pour les hommes a deux
acceptions :
1. passer d’un lieu à un autre, comme dans l’expression
« descendre de la montagne vers la vallée » ou « de la terrasse
dans la maison » ;
2. aborder quelque chose en pensée et en intention. Il en est de
même pour les
mots hubṭ  (montée), irtiqā’  (ascension), bulūġ  (arrivée), maṣīr  (
devenir) et autres expressions.
745Ainsi, si quelqu’un te demande où se trouve le campement
d’une tribu nomade, sans avoir l’intention de s’y rendre, tu
répondras : « Lorsque tu arrives au mont Untel, redescends-le et
prends à droite ; après être parvenu à telle et telle vallée,
descends dedans et prends à gauche ; quand tu as atteint tel et
tel terrain, gravis le plateau, et tu arrives en un heu qui domine ce
campement ». Tu n’entends par là en aucun cas « fais cela en
chair et en os », mais seulement en intention et en pensée. On dit
parfois « Tu t’es frayé un chemin jusqu’aux hommes libres pour
les insulter » ou « Tu t’es rendu // chez les califes pour les
attaquer » ou « Tu es venu à la science en en faisant peu de cas »

223
ou « Tu es descendu de la noblesse à la bassesse ». Dans aucun
de ces cas il ne faut entendre un déplacement physique, mais
seulement que l’on a visé à un but par la volonté, la décision et
l’intention.
 667 Coran, XVI, 128.

746Il en est de même dans le verset : « Dieu est avec ceux qui
sont pieux et ceux qui sont bienfaisants »667. Il ne signifie point
que Dieu est avec eux par Son incarnation, mais par Son aide, Son
assistance et Sa sauvegarde.
 668 BUḪ. 97, 50 = HM IV, 643 ; ḤAN. II, 251, 316, 413… ; III,
40, 127, etc…

747De même pour le ḥadīṯ  :  « Quiconque s’approche de Moi d’une


coudée, Je M’approche de lui d’une brasse ; quiconque s’approche
de Moi en marchant, Je viens à lui en courant »668.
748296 e. — Abū Muḥammad dit : D’après ‘Abd al-Mun‘im — son
père — Wahb b. Munabbih, lorsque Moïse s’entendit appeler du
buisson en ces termes : « ôte tes sandales ! », il s’empressa
d’obéir et de rester à la disposition [de Dieu]. Il voulait se
familiariser avec la Voix et l’écouter en silence. Il dit : « J’entends
Ta voix et je sens Ton murmure, mais je ne vois pas où Tu es. Où
es-Tu donc ? » Dieu dit : // « Je suis au-dessus de toi, devant toi,
derrière toi, autour de toi et plus près de toi que toi-même ! » Ce
qui veut dire : Je te connais mieux que tu ne te connais toi-même,
car si tu regardes devant toi, tu ne peux voir ce qui est derrière
toi ; si tu lèves les yeux en l’air, tu perds la connaissance de ce
qui est au-dessous de toi. Or rien ne m’échappe de ce que tu
caches, en aucune circonstance.
749296 f. — On comparera le propos de Rābi’a la Dévote : « Ils ont
occupé leurs cœurs par l’amour du monde, en dehors de Dieu.
S’ils avaient laissé leurs cœurs libres, ils auraient fait le tour du

224
royaume de Dieu et seraient revenus avec des connaissances
passionnantes ». Elle n’entendait pas par là que les corps et les
cœurs voguent au ciel sous une forme incarnée, mais qu’ils s’y
rendent en esprit, en désir et en intention.
750De même pour le propos d’Abū Mahdiyya al-A‘rābī : « J’ai
regardé l’enfer, et j’ai vu les poètes animés de convulsions »,
c’est-à-dire de contorsions. Il déclama :
 669 Cf. Lisān,  VIII, 253, où ce vers est attribué à IMRU’ AL-
QAYS.

751« Les criquets de [cet endroit ?] gisent, animés de


convulsions », c’est-à-dire de contorsions669.
 670 ḤAN. I, 234, 359, etc… où al-bulh est remplacé par al-
fuqarā’  ;  BuḪ. 59, 8 = HM II, 439.

752A propos de la parole du Prophète : « Je suis monté pour voir


le paradis, // et j’ai constaté que la plupart de ses habitants
étaient des simples ; je suis monté pour voir l’enfer, et j’ai
constaté que la plupart de ses habitants étaient des
femmes »670, la bonne interprétation consiste à dire que cette
ascension eut heu en pensée et en intention.
***

LXXXVII. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ INFIRMÉ PAR LA


RÉFLEXION
 671 On n’a pas retrouvé ce ḥadīṯ.

753297. — Proposition : Vous rapportez d’après Ḥammād b.


Salamā — ‘Ammār b. Abī ‘Ammār — Abū Hurayra que le Prophète
a dit : « Moïse frappa du poing l’ange de la mort et l’ébor-
gna »671.
 672 Matt.  XXVI, 39 ; Marc,  XIV, 36 ; Luc,  XXII, 42.

225
754Si l’ange de la mort pouvait devenir borgne, il pourrait tout
aussi bien devenir aveugle. Il est d’ailleurs possible que Jésus ait
frappé l’autre œil, car Jésus, fils de Marie, détestait la mort encore
plus que Moïse. N’a-t-il pas dit : « Seigneur, si [tant est que Tu
puisses] détourner cette coupe d’un homme, détourne-la de
moi »672.
755298. — Réponse : Nous prétendons que pour les gens
du ḥadīṯ, l’isnād  de celui-ci est solide. Je crois qu’il tire son
origine d’anciennes traditions historiques. Il donne heu à une
interprétation saine que ne saurait réfuter aucune spéculation.
 673 Nisbat al-ḫilqa : cette expression paraît s’opposer à la
relation de dépendance ou d’origine en -iy  (...)

 674 Coran, XXXV, 1.

756352 Notre opinion sur ce point est que les anges sont des être
spirituels (rūḥāniyyūn). Rūḥāni  est un terme de relation tiré
de // rūḥ  (esprit), en vertu de la relation de nature ( nisbat al-
ḫilqa)673. Tout se passe en effet comme s’ils étaient des esprits
sans corps perceptible aux regards, sans yeux comme les nôtres
ni enveloppes corporelles comme les nôtres. Nous ignorons
comment Dieu les a conçus, car nous ne connaissons que les
choses visibles et dont nous voyons l’apparence. De même, les
génies, les démons et les goules sont des esprits dont nous
ignorons la modalité. La limite de nos connaissances en ce qui
concerne leurs qualités est précisément celle que Dieu et son
Prophète ont observée dans les descriptions qu’ils en ont faites.
Dieu a dit : « …Il prend pour émissaires des anges munis d’ailes
par deux, trois et quatre » puis à la suite : « Il ajoute à la création
ce qu’il veut »674, comme s’Il ajoutait au nombre de ces ailes ce
qu’il veut — de même d’ailleurs qu’à toute autre chose. Les

226
Arabes appelaient les anges des « génies », car ils sont « cachés »
aux regards (iğtannū) tout comme les génies (ğinn).
757Al-A’šā a dit à propos de Salomon, fils de David :
« Il a imposé corvée à des génies parmi les anges, au nombre
[de neuf,
qui sont debout devant lui et travaillent sans salaire ».
 675 ḤAN. II, 107.

 676 Cf. p. ex. BUḪ. 2, 37 = HM I, 28, où Gabriel se présente


sous la forme d’un homme quelconque.

 677 BUḪ. 59, 7 = HM II, 436 sqq. ; 65, s. 53, 1 sqq. =  HM III,


456.

 678 Coran, XIX, 17.

758298 a. — Dieu a donné aux anges la faculté de se manifester


sous des formes diverses. Le Prophète reçut la visite de // Gabriel
sous la forme de Diḥya al-Kalbī675, et sous la forme d’un
bédouin676 ; enfin, il le vit une fois recouvrir de ses ailes l’espace
entre les deux horizons677. De même, Il a accordé aux génies de
se manifester et d’apparaître sous des formes diverses, comme Il
l’a fait pour les anges. Dieu a dit : « Nous envoyâmes [à Marie]
Notre Esprit et il se manifesta à elle sous la forme d’un mortel
accompli »678.
 679 Voir plus haut, section XX, § 163 sqq.

 680 Coran, VII, 27.

 681 Coran, VI, 8-9.

759Ils ne prennent pas successivement ces aspects différents en


réalité, mais ce ne sont que des manifestations et des apparences
qui leur permettent d’être perçus par les regards. La réahté de

227
leur nature créée consiste dans des esprits subtils qui circulent
comme le sang, se frayent un chemin jusqu’aux cœurs, rentrent
sous terre, se laissent apercevoir ou ne se laissent pas
apercevoir679. Dieu a dit au sujet d’Iblīs : « Le Démon, ainsi que
sa cohorte, vous voient d’où vous ne les voyez point »680, c’est-
à-dire que nous ne les voyons pas sous leur aspect réel. Il a dit
encore : « [Les Infidèles] ont dit : — Que n’a-t-on fait descendre
un ange ! Si l’on avait fait descendre un ange sur lui, l’ordre eût
été décrété » ; puis ensuite : « Si [de cet envoyé] Nous avions fait
un ange, Nous aurions fait un homme de celui-ci »681 ; cela veut
dire : Si Nous avions envoyé un ange, leurs sens ne l’auraient
point perçu, car ils ne peuvent percevoir l’aspect réel des anges ;
de sorte que Nous en aurions fait un homme comme eux pour
qu’ils puissent le voir et comprendre ses paroles.
760298 b. — Ibn ‘Abbās rapporte comme suit l’histoire de Vénus :
Lorsque Dieu fit descendre les deux anges sur terre, afin qu’ils
jugent entre les hommes, Il les métamorphosa en hommes // et
incorpora le désir des femmes dans leur nature. En effet, il était
indispensable que jugeassent entre les hommes des êtres visibles
et audibles, conformés comme eux et à leur ressemblance.
761En sorte que lorsque l’ange de la mort se manifesta à Moïse,
ange de Dieu contre prophète de Dieu, et qu’ils luttèrent
ensemble, Moïse le frappa d’un coup de poing qui lui fit perdre un
œil ; mais cet œil n’était que simulacre et apparence, et non
réahté. L’ange de la mort revint alors à sa nature véritable, celle
d’un être spirituel, tout comme auparavant, sans qu’il lui manquât
rien.
***

LXXXVIII. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ INFIRMÉ PAR LA


SPÉCULATION
 682 Sur ‘ŪG, voir l’index.

228
762299. — Proposition : Vous enseignez que ‘Ûğ arracha une
montagne d’une parasange sur une parasange, de la dimension
de l’armée de Moïse, et la transporta sur sa tête pour la précipiter
sur eux ; elle se transforma en un collier qui resta à son cou
jusqu’à sa mort. [Vous racontez] que lorsqu’il se plongeait dans la
mer, l’eau ne dépassait pas ses genoux ; qu’il pêchait des
poissons dans les ondes, et qu’il les faisait rôtir dans l’orbite du
soleil ; que lorsqu’il mourut, il tomba dans le Nil d’Égypte et fit le
pont pendant un an, c’est-à-dire : servit de pont aux hommes
pour qu’ils passent d’une rive à l’autre ; que la taille de Moïse
était de dix coudées, que telle était également la longueur de son
bâton, mais qu’il avait beau sauter d’autant pour le frapper, il
n’atteignait pas à sa cheville682.
763Tout cela est mensonge flagrant, et ni l’individu
raisonnable, // ni l’ignorant ne s’y trompent. Comment pouvait-il
y avoir à l’époque de Moïse des êtres aussi différents de nos
contemporains ? Comment se peut-ils qu’il se soit trouvé dans la
descendance d’Adam des hommes présentant un tel contraste
avec Adam ? Comment un être humain pourrait-il porter ainsi sur
sa tête une montagne d’une parasange sur une parasange ?
764300. — Réponse : Nous prétendons que ce ḥadīṯ  n’émane
point du Prophète ni d’un de ses Compagnons. Ce n’est là qu’une
tradition, une des vieilles anecdotes rapportées par les gens des
religions révélées. Certains d’entre eux l’ont entendue jadis et
l’ont racontée.
765300 a. — Le ḥadīṯ  peut être mélangé et corrompu par trois
facteurs :
7661°) les zindīq-s. Ils ourdissent des ruses contre l’Islam et le
corrompent en forgeant des ḥadīṯ-s  détestables et
invraisemblables ; tels sont les ḥadīṯ-s dont nous avons déjà
parlé, relatifs à la sueur des chevaux, à la visite des anges, à la

229
cage d’or // sur un chameau gris, au duvet de la poitrine, à la
lumière des deux bras et bien d’autres sornettes que les gens
du ḥadīṯ  connaissent bien.
767Parmi ces zindīq-s figurent Abū l-‘Awğā’, le Zindīq, et Ṣālih b.
‘Abd al-Qaddūs, le Dahrī.
768300 b. — 2°) les conteurs (quṣṣāṣ) de l’ancien temps. Ils
attiraient l’attention des gens du peuple et les escroquaient avec
des ḥadīṯ-s  répréhensibles, insolites ou mensongers. Les gens du
peuple ont pour habitude de rester d’autant plus volontiers
auprès du conteur que son ḥadīṯ  est insolite, sort du raisonnable
et du naturel, ou est attendrissant, attriste les cœurs et fait
monter les larmes,
769S’il parle du paradis, il dira : « On y trouve une vierge de musc
ou de safran ayant une croupe d’un mille sur un mille ; Dieu
installera Son serviteur dans un palais formé d’une perle blanche ;
le palais renfermera soixante-dix mille boudoirs ; chaque boudoir
renfermera soixante-dix mille alcôves ; chaque alcôve renfermera
soixante-dix mille lits ; // sur chaque lit, il y aura soixante-dix
mille ceci ou cela… » et il ne cessera d’aligner les soixante-dix
mille comme s’il ne connaissait aucun nombre inférieur ou
supérieur à celui-là. Il dira : « Le moindre des favorisés qui
occuperont une place auprès de Dieu au paradis recevra de Dieu
tant et tant de fois [la valeur] de ce bas monde ».
 683 Sur les conteurs populaires et la réaction contre leurs
affabulations, cf. GOLDZIHER, Etudes,  195 s  (...)

 684 Coran, III, 133.

 685 Coran, XLI, 51.

770Plus il en ajoutera, plus l’émerveillement sera grand, plus


longtemps on fera cercle autour de lui, plus facilement on lui fera

230
des cadeaux683. Or dans le Coran, Dieu nous renseigne sur ce
qu’il y a au paradis en des termes qui remplacent
avantageusement les racontars des conteurs (quṣṣāṣ) ou autres
individus : décrivant le paradis, Il dit que le paradis a « la largeur
du ciel et de la terre »684, c’est-à-dire leur étendue. Les Arabes
se servent du mot ‘arḍ  (largeur) comme synonyme
de sa‘a  (étendue), car lorsqu’une chose est étendue ( ittasa‘a), elle
devient large (‘aruḍa), et lorsqu’elle est mince (daqqa) et longue
(istatāla) elle devient étroite (ḍāqa).  Ils disent : « La large terre —
c’est-à-dire la terre étendue » — est devenue trop étroite pour
moi » ; ou « Il y a un passage sur la large terre — c’est-à-dire la
terre étendue ». Le Prophète dit aux Musulmans qui s’étaient
enfuis le jour de Uhud : « Vous êtes partis au large ! » c’est-à-dire
au loin. Dieu a dit : « Il est plein d’une large prière »685, c’est-à-
dire d’une prière abondante.
771Puisque le paradis est aussi « large » que le ciel et la terre,
comment Dieu pourrait-Il accorder au moindre de Ses
bienheureux plusieurs fois [la valeur] de ce bas monde ?
 686 Coran, XLIII, 71.

 687 Coran, LVI, 15-23.

 688 Coran, LVI, 27-33.

 689 Coran, XXII, 23 = XXXV, 33.

772Dieu dit // pour nous inspirer le désir du paradis : « Là est ce


qui est désiré et dont les yeux se délectent »686. Il dit en parlant
des Proches du Seigneur : « [Ils seront] sur des lits tressés
s’accoudant et se faisant vis-à-vis, parmi eux circuleront des
éphèbes immortels, avec des cratères, des aiguières et des coupes
d’un limpide breuvage dont ils ne seront ni entêtés, ni enivrés,
avec des fruits qu’ils choisiront, avec de la chair d’oiseaux qu’ils

231
convoiteront ; là seront des Houris aux grands yeux, semblables à
la perle cachée »687. Il a dit plus loin à propos des Compagnons
de la Droite : « Ils seront parmi des jujubiers sans épines et des
acacias alignés, dans une ombre étendue, près d’une eau
courante et de fruits abondants, ni coupés, ni défendus »688. Il a
dit encore : « Ils seront parés de bracelets d’or et de perles, leurs
vêtements seront de soie »689. Il y a beaucoup de passages de
cette nature dans le Coran vénérable, et il n’est rien, dans ces
passages, qui ne soit comparable à ce dont les hommes disposent
sur la terre, et aux commodités dont jouissent les gens aisés,
sinon certaines choses propres au paradis, notamment le
caractère éternel de tout cela.
 690 Coran, XXVII, 10 = XXVIII, 31.

 691 Coran, VII, 107 = XXVI, 32.

773Lorsque les conteurs populaires décrivent Adam, ils disent :


« Sa tête atteignait les nuages — ou le ciel — c’est pourquoi il fut
atteint par la calvitie. Lorsqu’il descendit sur la terre, il pleura le
paradis au point que ses larmes formèrent une mer où des
bateaux purent naviguer ». Parlant de David, ils déclarent : « Il se
prosterna devant Dieu // pendant quarante nuits et pleura si bien
que ses larmes firent pousser de l’herbe. Puis il soupira au point
de faire onduler toute cette végétation ». Parlant du bâton de
Moïse, ils disent : « Son bois ressemblait à un grand palmier ; sa
pointe était dévastatrice telle l’éclair ; son pommeau était tel ou
tel » alors que Dieu dit : « Il ressemblait à un ğānn »690 ; or
le ğānn  est un serpent vif. Dieu dit encore ailleurs : « …et
soudain, ce fut un serpent véritable »691.
 692 Coran, IX, 69.

 693 Coran, II, 247.

232
 694 Coran, XXVI, 128-130.

 695 Gén.  V, 5 : neuf cent trente.

 696 Gén.  IX, 29 : sic.

 697 Cf. Tarbi‘, s. Nasr  (201). Le vautour est d’une longévité


proverbiale. Ibn Qutayba lui attribue don (...)

 698 Ces considérations désabusées n’empêchent pas Ibn


Qutayba de se faire l’écho de ces histoires suspe (...)

774Lorsque le conteur populaire parle des hommes que Jonas vint


trouver dans le mont Liban, il raconte que l’un d’eux faisait
une rak‘a  par an, à peu près autant de prosternations, et qu’il ne
mangeait que tant et tant de fois ; or Dieu parle des hommes qui
vécurent avant nous en ces termes : « Ils avaient plus de force,
plus de biens et plus d’enfants »692. Il dit encore : « Il lui a
donné plus de grandeur qu’à vous en ce qui touche la science et
le corps »693. Et ailleurs : « Continuerez-vous à construire, sur
chaque heu élevé, un édifice pour vous divertir et continuerez-
vous à fonder des châteaux ? Peut-être serez-vous immortels !
Quand vous êtes violents, vous êtes violents comme des
géants »694. Il n’est rien, dans les descriptions que Dieu a
données des hommes qui nous ont précédés qui approche de
leurs exagérations. Nous savons certes qu’ils étaient
physiquement plus grands et plus forts que nous, mais l’écart
n’est pas plus grand entre eux et nous dans ce domaine que dans
le domaine de la durée de l’existence. Adam, père // du genre
humain, vécut mille ans. Les traditions historiques concordent, et
je l’ai lu dans la Thora695. Noé demeura au sein de son peuple
neuf cent cinquante ans696. Après Noé, la durée de l’existence
humaine diminua, sauf celle que les traditions historiques prêtent
à Luqmān, l’homme aux vautours, [ainsi appelé] parce qu’il vécut

233
aussi longtemps que sept vautours, soit deux mille quatre cent
cinquante et quelques années »697. C’est là une affaire ancienne,
que n’enseigne aucun Livre révélé ni aucune autorité, et qui ne
bénéficie de l’appui d’aucune chaîne de garants. Ces faits sont
rapportés par ‘Abīd b. Šarya al-Ğurhumī et les généalogistes de
son acabit. Il en est de même pour la durée de l’existence des
anciens rois du Yémen et des rois de Perse698. Pour ce qui est
des hommes qui ont vécu à des époques proches de la nôtre, la
durée de leur existence n’est pas aussi différente de celle d’Adam
ou de Noé — telle qu’elle apparaît certaine — que [le suggère] la
différence de stature [dont parlent les conteurs].
 699 Ši‘r,  345, reproduit cette anecdote dans les mêmes
termes.

775D’après Abū Ḥātim — al-Aṣma‘ī — Abū ‘Amr b. al-‘Alā’, al-


Mustawġir b. Rabī’a passa par le marché de ‘Ukāẓ en compagnie
de son petit-fils qui radotait, // et qui se faisait guider par al-
Mustawġir. Quelqu’un lui dit : « Homme, traite bien [ce vieillard]
qui t’a si longtemps bien traité ! » Il répliqua : « Qui [crois-tu
donc] qu’il est ? » — « Ton père, ou ton grand-père ! » — « Je te le
jure, c’est mon petit-fils ! » L’autre déclara : « Ma foi, je n’ai
jamais rien vu de tel. C’est un vrai Mustawġir b. Rabī‘a ! » — « Al-
Mustawġir b. Rabī‘a, c’est moi ! » Abū ‘Amr ajoute : Al-Mustawġir
b. Rabī‘a vécut trois cent vingt ans699.
776Abū Muḥammad dit : Dieu nous a donné matière à réflexion
avec les vestiges qu’ils ont laissés sur terre, les villes et les
citadelles qu’ils ont construites, les passages qu’ils ont creusés au
cœur des montagnes et les gradins qu’ils ont taillés. Dans ce
domaine, la différence de proportions est la même qu’entre la
durée de leur vie et la nôtre : il en est de même pour la stature.
 700 Un ms. dit Ḥafr al-Manāzik.  Cf. index.

234
777Je crois n’avoir jamais entendu parler d’une anomalie de
proportions plus extraordinaire que lorsqu’al-Riyāšī m’a rapporté
l’anecdote suivante, d’après Muslim b. Ibrāhīm — Nūḥ b. Qays —
‘Abd al-Wāhid b. Nāfi‘. Ce dernier raconte : « Ḫālid b. ‘Abd Allāh
me confia [l’administration] du Ḥafr al-Mubārak700. Les agents
du fisc vinrent me trouver avec une molaire qui, vérification faite,
pesait neuf livres. Nul ne sait si c’était une dent // d’homme, de
chameau ou d’éléphant ! »
778D’après al-Riyāšī — ‘Abd Allāh b. Maslama — Anas b. ‘Iyāḍ —
Zayd b. Aslam, on trouva, dans l’orbite [du crâne] d’un Amalécite,
une hyène et ses petits. Le narrateur ajoute : « Il se peut que ce
fût un crâne de chameau, ou de tout autre animal. Celui qui l’a
trouvé a opté pour un crâne humain. D’ailleurs, si c’était un crâne
humain, les proportions n’en eussent point été anormales, car
l’orbite [du crâne] humain, quand elle est vide, est large, et
d’autre part communique avec le crâne. Il n’est pas niable qu’eu
égard aux dimensions du corps de nos ancêtres on ait pu trouver
les [animaux] en question dans l’orbite et dans le crâne ».
 701 Cf. Tarbī‘, ‫ד‬١٣ , sv. ḍabb.

779300 c. — 3°) Le troisième mode de corruption du ḥadīṯ  consiste


dans les vieilles légendes que transmettaient les gens de la
Ğāhiliyya, et qui ne le cèdent en rien aux ḥadīṯ-s  de fantaisie
(ḥurāfa). Par exemple, ils racontaient que le lézard était un Juif
irrespectueux envers ses parents que Dieu métamorphosa en
lézard. C’est pourquoi on dit couramment : « Plus ingrat qu’un
lézard ». Or les Arabes ne disent pas « plus ingrat envers ses
parents // qu’un lézard » pour cette raison, mais simplement
parce qu’il dévore ses petits lorsqu’il a faim701. Le poète a dit :
« Tu as mangé tes fils comme le fait le lézard, si bien que tu as
laissé des fils en petit nombre ».

235
 702 Cf. Tarbī‘, s. hudhud,  ٢٠‫ד‬.

780Ils disaient encore, à propos de la huppe, que lorsque sa mère


mourut, elle lui donna sa propre tête pour sépulture. C’est
pourquoi son odeur est repoussante702. Umayya b. Abi l-Ṣalt y
fait allusion en ces termes :
 703 Ces vers figurent dans le Ši‘r, 430, avec quelques
variantes. Celle du vers 1 : ayyāma kaffana / iḏ(...)

« Nuages, ténèbres et encore nuages…


Un jour la huppe ensevelit [sa mère] et partit,
Cherchant un lieu de repos pour l’enterrer.
Alors elle bâtit un tombeau dans sa nuque et aplanit
[le terrain,
Cessant de ployer en marchant sous le poids du funèbre fardeau :
le ḥadīṯ bien étayé n’est point en défaut ! »703 //
 704 Cf. Tarbī‘, s. dīk ١, où l’on signale seulement que le coq
est réputé garder une maison contre les (...)

781Les Arabes disaient aussi que le coq et le corbeau étaient


compagnons de plaisir, et que lorsque leur boisson fut épuisée, le
corbeau laissa le coq en gage chez le tavernier, s’en alla et ne
revint pas. Le coq resta chez le tavernier comme gardien704.
Umayya b. Abī l-Salt dit :
 705 Ši‘r,  429.

« Par miracle, toute chose se leva et parla,


et le corbeau trahit la confiance du coq »705.
 706 Voir les notes du § 15, et Tarbī‘,  s. ğirrī, ١٣٣.

782Ils disent aussi que le chat est [le produit] de l’éternuement du


lion, le porc [celui] de l’éternuement de l’éléphant, que la

236
langoustine était une couturière qui vola du fil et fut
métamorphosée, que le ğirrī  est aussi un Juif métamorphosé706.
783A notre avis, le ḥadīṯ  relatif à ‘Ūğ est de cette catégorie. Ce qui
est étrange, c’est que ce ‘Uğ, à les en croire, vivait à l’époque de
Moïse, et avait cette taille extraordinaire, alors qu’à la même
époque, Pharaon était au contraire de petite taille, d’après al-
Ḥasan : J’ai entendu Abū Ḥātim (ou un homme qui se trouvait chez
lui) rapporter d’après le grammairien Abū Zayd al-Anṣārī — ‘Amr
b. ‘Ubayd qu’al-Ḥasan déclara : « La taille // de Pharaon était
d’une coudée, et sa barbe mesurait une coudée ».
***

LXXXIX. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ-S CONTRADICTOIRES


 707 ḤAN. III, 12 ; 21 ; 39.

784301. — Proposition : Vous rapportez d’après Humām — Zayd


b. Aslam — ‘Aṭā’ b. Yasār — Abū Sa‘īd al-Ḫudrī que le Prophète a
dit : « Ne transcrivez de moi rien d’autre que le Coran. Quiconque
a transcrit de moi [autre] chose, qu’il l’efface ! »707.
 708 Cf. ḤAN. II, 215, 403.

785D’autre part, vous rapportez d’après Ibn Ğurayğ — ‘Aṭā’ —


‘Abd Allāh b. ‘Amr dit au Prophète : « O Prophète, enregistrerai-je
la science ? » Il répondit affirmativement. Comme on lui
demandait ce que signifiait « enregistrer », il répondit :
« Écrire ! »708.
 709 ḤAN. II, 162, 192, 207.

786Enfin, vous rapportez d’après Ḥammād b. Salama —


Muḥammad b. Isḥāq — ‘Amr b. Šu‘ayb — son père — son grand-
père que ce dernier dit : « O Prophète, transcrirai-je tout ce que
j’entends de ta bouche ? » Il répondit par l’affirmative. L’autre
insista : « Que tu sois de bonne humeur ou en colère ? » Le

237
Prophète déclara alors : « Parfaitement ! D’ailleurs, je ne dis que la
vérité dans les deux cas ! »709.
 710 Voir sur cette question GOLDZIHER, Etudes,  chap. VII, et
notamment 245-6.

787Il y a divergence et contradiction710.


788302. — Réponse : Nous prétendons qu’il y a là deux
hypothèses :
1. ou bien il s’agit d’un cas d’abrogation de la Sunna  par
la Sunna  ;  tout se passe comme si le Prophète avait au début
interdit qu’on transcrivît ses paroles, puis par la suite, ayant
compris que les traditions devenaient trop nombreuses pour
être toutes retenues, avait jugé bon qu’on les transcrivît et les
enregistrât ;
2.
 711 Nous sommes loin du chiffre total d’une quarantaine de
« secrétaires » auquel aboutit BLACHÈRE, Int (...)

ou bien le Prophète a voulu réserver ce privilège à ‘Abd Allāh b.


‘Amr parce qu’il lisait les livres anciens et écrivait le syriaque et
l’arabe, alors que les autres Compagnons étaient analphabètes,
sauf un ou deux qui savaient écrire, mais bien imparfaitement
et sans orthographe711. Redoutant qu’ils ne fissent des
erreurs dans ce qu’ils transcrivaient, il le leur interdit. Mais
ayant constaté la compétence de ‘Abd Allāh b. ‘Amr, il l’y
autorisa.
 712 Cf. BUḪ. 24, 9 = HM I, 459, etc…

789Abū Muḥammad dit : D’après Ishāq b. Rāhawayh — Wahb b.


Ğarīr — son père — Yūnus — ‘Ubayd — al-Ḥasan — ‘Amr b.
Taġlib, le Prophète a dit : « Voici plusieurs signes de l’Heure :
l’argent abondera, le calame apparaîtra, les marchands se
multiplieront »712.

238
 713 Traduction conjecturale. Ce propos paraît signifier que les
seuls hommes sachant écrire étaient les (...)

790‘Amr a dit : « Si l’on cherchait dans une grande agglomération


un secrétaire, lorsque quelqu’un veut procéder à une vente, il
dirait : — Attendez que je consulte le marchand des Banū
Untel ! »713.
***

XC. — EXEMPLE DE DEUX ḤADĪṮ-S CONTRADICTOIRES


 714 ḤAN. I, 307, 329, 373, etc…

791303. — Proposition : Vous rapportez d’après Ḥammād b. //


Salama — ‘Aṭā’ b. al-Sā’ib — Sa‘īd b. Ğubayr qu’Ibn ‘Abbās a dit :
« La pierre noire vient du paradis ; elle était plus blanche que la
neige, mais les péchés des Polythéistes l’ont noircie »714.
792D’autre part, vous enseignez qu’Ibn al-Ḥanafiyya, interrogé sur
la pierre noire, déclara : « En fait, elle provient d’une de nos
vallées ! »
793Il y a là contradiction.
794D’ailleurs comment se peut-il que Dieu fasse descendre une
pierre du paradis ? Y a-t-il des pierres au paradis ? Si ce sont les
péchés qui l’ont noircie, elle aurait dû blanchir lorsque les
hommes se sont faits Musulmans, et revenir à son état primitif !
795304. — Réponse : Nous prétendons qu’il n’y a rien de
condamnable à ce que Ibn al-Hanafiyya se trouve en contradiction
avec Ibn ‘Abbās, ‘Alī avec ‘Umar et Zayd b. Ṯābit avec Ibn Mas‘ūd,
en matière d’exégèse et de thèses juridiques ( aḥkam).  La seule
chose condamnable consiste à rapporter de la bouche du
Prophète deux traditions historiques divergentes, sans en
chercher l’interprétation. Pour ce qui est des divergences entre de
tels personnages, elles sont fréquentes. Il en est qui agissent

239
conformément à ce qu’ils ont entendu, d’autres qui font intervenir
la conjecture (ẓann),  d’autres qui suivent leur opinion personnelle,
c’est pourquoi ils divergent dans l’exégèse coranique et dans la
plupart des thèses juridiques. Quoi qu’il en soit, Ibn ‘Abbās n’a pu
que rapporter // sur la pierre noire des propos qu’il avait
entendus. Aucune autre hypothèse n’est admissible, car il est
inconcevable qu’en disant : « Elle était blanche et provenait du
paradis », il ait exprimé une opinion personnelle. Quant à Ibn al-
Hanafiyya, il a parlé par conjecture, car il l’a mise sur le même
plan que les autres piliers d’angle de la maison de Dieu, et a
décrété qu’elle avait été prise là où les autres piliers avaient été
pris.
 715 ḤAN. I, 266 etc…

 716 SUYŪṬĪ, Ğāmī, 151.

 717 ḤAN. I, 307, 329, 373, etc…

796304 a. — Les traditions historiques confirmant le propos d’Ibn


‘Abbās, à savoir que la pierre provenait du paradis, sont légion.
Par exemple : « Elle viendra au jour de la résurrection avec une
langue et deux lèvres, et témoignera sincèrement en faveur de
ceux qui l’auront baisée »715. Par exemple : « Elle est la dextre
de Dieu sur terre, et avec elle Il donne la main à qui Il veut parmi
Ses créatures »716. Nous avons déjà cité ce ḥadīṯ.  Par exemple
encore la déclaration de Wahb b. Munabbih disant qu’elle était
blanche, mais fut noircie par les Polythéistes717.
 718 Allusion à Coran, LVI, 15-22, et à maints traits du ḥadīṯ.

 719 A notre connaissance, la distinction entre ces deux mots


n’est faite que par Abū Mūsā al-Aš‘arī, ap  (...)

 720 Cette affirmation tendancieuse est le reflet de


plusieurs ḥadīṯ-s  où sont exaltées les vertus de la (...)

240
797304 b. — Ils demandent : « Y a-t-il donc des pierres au
paradis ? » Qu’y a-t-il de contestable dans cette affirmation,
puisqu’il y a des rubis — qui sont des pierres —, des émeraudes
— qui sont des pierres —, de l’or et de l’argent — qui sont des
minéraux ?718. Qu’y a-t-il de blâmable à ce que Dieu donne sa
préférence à une pierre, au point qu’elle soit touchée et baisée,
puisque Dieu impose à ses serviteurs tous les actes et toutes les
paroles d’adoration qu’il Lui plaît et que [par ailleurs] il donne
aussi la préférence à certaines des choses qu’il a créées, à
l’exclusion des autres ? Ainsi, la nuit de la Prédestination est
préférable à mille mois qui ne la renferment pas ; // le ciel vaut
mieux que la terre ; le Siège (kursī) vaut mieux que le ciel ; le
Trône (‘arš) vaut mieux que le Siège (kursī)719 ; la mosquée de la
Mekke vaut mieux que la mosquée de Jérusalem ; la Syrie vaut
mieux que l’Irak720.
798369 Tous ces principes ont été énoncés en vertu d’une simple
préférence, et non en raison de faits particuliers inhérents à ces
objets, ou d’un acte de soumission particulier. De même, la pierre
noire vaut mieux que l’angle yéménite [de la Ka‘ba], l’angle
yéménite vaut mieux que les autres angles de la maison de Dieu,
la mosquée [de la Mekke] vaut mieux que l’ensemble du territoire
sacré, et le territoire sacré vaut mieux que les collines de la
Tihāma.
799304 c. — Ils disent : Si ce sont des péchés qui l’ont noircie, elle
aurait dû blanchir lorsque les gens se sont convertis à l’Islam.
Pourquoi une chose devrait-elle blanchir parce que des hommes
se convertissent à l’Islam ? Si Dieu l’avait voulu, Il l’aurait fait sans
nécessité.
800Bref, ce sont des amateurs d’analogie et de falsafa.  Comment
a-t-il pu leur échapper que le noir teint, mais ne se teint pas, et
que le blanc se teint, mais ne teint pas ?

241
***

XCI. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ-S CONTRADICTOIRES


 721 Le mot dad est ignoré des Concordances. Toutefois,
le ḥadīṯ  figure dans Tāğ, II, 346.

 722 ḤAN. II, 162, 192, 207.

801305. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit :


« Je n’ai rien à voir avec le badinage, et le badinage rien à voir
avec moi ! »721 ; que lorsque ‘Abd Allāh b. // ‘Amr lui dit :
« Transcrirai-je tout ce que j’entends de ta bouche, que tu sois de
bonne humeur ou en colère ? » il répondit : « Oui ! Je ne dis jamais
que la vérité en toute occasion »722.
 723 On n’a pas retrouvé cette anecdote.

802D’autre part, vous enseignez qu’il était enclin à la plaisanterie,


et que, s’approchant d’un homme par derrière, il mit ses mains
devant ses yeux en s’écriant : « Qui veut m’acheter cet
esclave ? »723.
 724 BUḪ. 8, 69 = HM I, 165 ; 13, 2, 25 = HM I, 312, 324.

 725 Lisān, XIII, 259 = Tāğ, VII, 322 connaissent ce ḥadīṯ, que


les Concordances  ignorent. D’après ces d (...)

803Il s’arrêta devant la députation des Abyssins et les regarda


danser724. Il regarda aussi les danseurs de dirakla  qui se
livraient à leur jeu725.
 726 ḤAN. VI, 39, 129, etc…

804Il lui arrivait de lutter de vitesse avec ‘Ā’iša ; tantôt il arrivait le


premier, tantôt c’était elle726.
805306. — Réponse : Nous prétendons que Dieu envoya son
Prophète révéler un ḥanīfisme indulgent ; Il exempta le Prophète

242
et son peuple des charges et des entraves qui paralysaient les fils
d’Israël dans leur rehgion ; // ce fut là une grâce qu’il leur
accorda et dont ils doivent Le remercier.
806Il n’est nul trait de caractère chez un homme dont on ne
trouve l’opposé chez un autre : il est des gens qui se maîtrisent et
des impulsifs ; des poltrons et des courageux, des chastes et des
impudiques, des sereins et des sombres.
 727 Curieux passage (= ‘Uyūn,  II, 62) où il ne faut
naturellement pas voir une citation biblique. Notre (...)

807306 a. — On lit dans la Thora que Dieu a dit : « Lorsque je


créai Adam, Je composai son corps d’humidité, de sècheresse, de
chaleur et de froid. En effet, Je l’ai créé de terre et d’eau, puis Je
lui ai donné un souffle et un esprit. La sècheresse de tout corps
créé procède de la terre, l’humidité de l’eau, la chaleur du souffle
et le froid de l’esprit. Du souffle procèdent la vivacité, la légèreté,
la passion et l’enjouement, le jeu, le rire, l’impudence, la
tromperie, la dureté et la violence ; de l’esprit procèdent le
flegme, la dignité, la retenue, la pudeur, l’intelhgence, la
magnanimité, la sincérité, la patience727.
808On voit donc que le jeu et la gaîté font partie des instincts de
l’homme, et que ces instincts ne se maîtrisent pas. Si l’homme les
maîtrise en dominant le souffle, et en extirpant ce qui émerge, la
nature ne tarde pas à reprendre le dessus. On disait : « La nature
est la plus forte ». Le poète a dit : //
 728 Vers de KUṮAYYIR, Ši‘r, 493.

« Quiconque entreprend ce qui n’est pas dans la nature de


[son âme,
devra abandonner : la nature de son âme prendra le
[dessus »728.
809Un autre a dit :

243
 729 Entre le texte et le Ši‘r,  les éd. ne signalent pas moins de
cinq variantes : aqṣād, iqṣār, idġāl,  (...)

 730 Vers de ‘ABD ALLĀH AL-‘ARĞĪ Ši‘r,  557.

« O toi qui te pares de ce qui n’est pas dans ta nature,


alors que dans ton tempérament est l’hypocrisie729 et
[la flatterie,
Reviens à tes mœurs, elles te sont habituelles et familières ;
les mœurs refusent de se laisser réformer »730.
810Un autre a dit :
« Tout homme revient un jour à sa nature,
même s’il se crée des mœurs pour un temps ». //
Al-Riyāšī m’a cité les vers suivants :
« Ne t’attache pas à un homme pour sa noblesse ancestrale. J’ai
constaté que les vertus ancestrales étaient sujettes
[à caution.
Que te sert-il qu’on dise : Il avait
un père noble dans une génération passée ?
Mais attache-toi à lui pour ses qualités naturelles,
car toute âme vit selon sa nature ».
 731 Coran, LXX, 19-21.

 732 Coran, XXI, 37.

811306 b. — Dieu a dit : « En vérité, l’homme a été créé versatile,


timide quand le malheur le touche, violent quand le bonheur le
touche ! »731. Il a dit encore : « L’homme a été créé
d’impatience »732.
 733 Coran, XXXIII, 21.

 734 Voir la note sur dirakla. On signale ici que la version


du ḥadīṯ  dans Lisān, loc. cit.  porte ğuddū,  (...)

244
812Les hommes prenaient exemple sur le Prophète et se
modelaient sur sa conduite et son comportement, car Dieu a dit :
« Vous avez, dans l’Envoyé de Dieu, un bon exemple »733. Si le
Prophète avait abandonné la voie de la gaîté, de la douceur et de
la sérénité pour celle de la sévérité, de l’austérité et de la dignité
hautaine, // les Musulmans en auraient fait autant, contrariant
ainsi leur nature, au prix de quelles peines et de quelles
difficultés ! Si le Prophète plaisantait, c’était pour qu’ils en fissent
autant. Il s’arrêta donc auprès des danseurs de dirakla  pendant
leur jeu et dit : « Allez, fils d’Arfada ! Ainsi, les Juifs sauront que
notre religion est large ! »734.
813Il pensait à toutes les cérémonies nuptiales destinées à donner
de la publicité au mariage, et aux festins où l’on manifeste sa joie.
 735 On n’a pas retrouvé cette anecdote dans les recueils
de ḥadīṯ..

 736 On n’a pas retrouvé cette anecdote.

814306 c. — Dans la phrase : « Je n’ai rien à voir avec le


badinage ; et le badinage n’a rien à voir avec moi », le mot
badinage (dad) est synonyme de lahw  (jeu) et de bāṭil  (frivolité). Il
plaisantait, mais ne disait jamais que la vérité ; et s’il ne disait que
la vérité, même en plaisantant, cette plaisanterie n’était ni
badinage, ni frivolité. Ainsi, lorsqu’il déclara à une vieille femme :
« Le paradis ne reçoit pas les vieilles ! »735, il voulait dire qu’elles
redeviendraient jeunes. Il dit à une autre : « Ton époux a du blanc
dans l’œil » ; il s’agissait du blanc de l’œil qui entoure la prunelle,
mais elle s’imagina qu’il s’agissait d’une taie blanche, sur la
prunelle736. Lorsqu’il surprit un homme par derrière en disant :
« Qui veut m’acheter cet // esclave ? », il voulait dire qu’il était
l’esclave de Dieu.

245
815Grâce à Dieu, notre religion est facile et ne comporte nulle
contrainte. La meilleure des œuvres est celle qui est durable,
même si elle est rare.
 737 BUḪ. 77, 43 = HM IV, 114 ; cf. 19, 18 = HM I, 373.

816306 d. — Abū Muḥammad dit : D’après al-Ziyādī — ‘Abd


al-‘Azīz al-Durāwardī — Muḥammad b. Taḥlā — Abū Salama b.
‘Abd al-Raḥmān — ‘Ā’iša, le Prophète a dit : « Entreprenez les
œuvres dont vous êtes capables, car Dieu ne se lasse pas avant
que vous ne vous lassiez ; la meilleure des œuvres est la plus
durable, même si elle est rare »737.
 738 BUḪ 2, 29 = HM I, 22.

817D’après Muḥammad b. Yaḥyā al-Qaṭ’ī — ‘Umar b. ‘Alī b.


Muqaddam — Ma‘n al-Ġifārī — al-Maqbarī — Abū Hurayra, le
Prophète a dit : « La religion est facile. Nul ne saurait s’attaquer à
elle sans être vaincu. Donc dirigez [autrui] dans la bonne voie,
soyez aimables et réjouissez-vous »738.
 739 Ce ḥadīṯ  ne paraît pas avoir été retenu sous cette forme.
Cf. toutefois BUḪ. 30, 51 sqq. =  HM I, 62 (...)

818D’après Muḥammad b. ‘Ubayd — Mu‘āwiya b. ‘Amr — Abū Isḥā


— Ḫālid al-Ḥaddā’ — Abū Qulāba — Muslim b. Yasār, un groupe
d’Aš‘arī-s étaient en voyage, et lorsqu’ils arrivèrent, ils dirent :
« O Prophète, // après l’Envoyé de Dieu, nous n’avons vu
personne de plus méritant qu’Untel, qui jeûne toute la journée.
Lorsque nous nous arrêtons, il se met à prier jusqu’à ce que nous
levions le camp ! » Le Prophète leur demanda : « Qui donc le
servait, l’alimentait et travaillait pour lui ? » — « Nous ! » — « Eh !
bien, vous êtes tous meilleurs que lui ! »739.
819306 e. — Les saints et les hommes pieux ont vécu en
conformité avec les mœurs du Prophète : ils souriaient, étaient

246
gais et plaisantaient avec des mots qui confinaient à la médisance,
à l’injure ou au mensonge. ‘Alī était très facétieux et Ibn Sīrīn riait
à en baver.
820Ğarīr a dit à propos d’al-Farazdaq :
 740 ĞARĪR, Dīwān,  1353, p. 88. Variante : texte rumḥa stihi/
rišḥa stihi. On a retenu la première leçon

« La femme d’al-Farzadaq lui est devenue rebelle ;


Si elle avait été satisfaite de sa verge, elle serait restée
[tranquille ! »740
821Et al-Farzadaq a dit, repris par Ibn Sīrīn :
 741 Ces vers ne figurent pas au Dīwān de FARAZDAQ. (éd.
Ṣāwī), 1354/1936.

« J’ai appris que la jeune fille que je demandais en mariage


avait le jarret long comme un jour sans pain. //
Ses dents sont au nombre de cent, ou une de plus,
et le reste de son corps ne vaut rien »741.
 742 Coran, XXXIX, 42.

822377 378 Quelqu’un demanda au Prophète des nouvelles de


Hišām b. Ḥassān, et il répondit : « Il a été rappelé hier. Ne le sais-
tu pas ? » L’homme fut affligé et le lui fit répéter. Lorsque le
Prophète vit son affliction, il récita : « Dieu rappelle les âmes au
moment de leur mort, ainsi que celles qui ne meurent point
durant leur sommeil »742.
823Zayd b. Ṯābit était le plus grave des hommes au dehors, et le
plus amusant en privé.
824Abū l-Dardā’ a dit : « Je repose mon âme avec des futilités, de
peur de la fatiguer en la surchargeant de choses sérieuses ».
Surayh plaisantait au tribunal du juge. Al-Ša‘bī était un homme

247
des plus amusants. Šuhayb était un plaisantin invétéré, de même
qu’Abū l-’Āliya.
825Tous ces hommes, lorsqu’ils plaisantaient, ne causaient pas de
scandale, n’injuriaient personne, ne médisaient pas, ne mentaient
pas. Les seules plaisanteries blâmables sont celles qui sont
entachées de ces défauts // ou tout au moins de l’un d’eux.
 743 Le ḥadīṯ est expliqué dans Lisān,  XIV, 3. Ġirbāl  est
synonyme de duff  (tambourin). BUḪ. 67, 49 = HM (...)

826306 f. — Quant aux divertissements, rien ne s’y oppose dans


les festins. Le Prophète a dit : « Donnez de la publicité au mariage
et jouez du ġirbāl  à cette occasion »743.
827Abū Muḥammad dit : « D’après Abū l-Ḫaṭṭāb — Muslim b.
Qutayba — Šarīk — Ğābir — ‘Ikrima— Ibn ‘Abbās, à l’occasion de
la circoncision de ses fils, envoya [‘Ikrima] chercher des musiciens
(la‘‘āb) ; ils jouèrent, et il leur donna quatre dirhams ».
828D’après Abū Ḥātim — al-Aṣma‘ī — Ibn Abī l-Zannād — son
père raconte : « Je demandai à Ḫāriğa b. Zayd : — Pouvait-on
chanter dans les cérémonies nuptiales ? Il répondit : — Cela s’est
produit, mais le chant n’était pas prétexte à toutes sortes
d’outrances comme aujourd’hui. Nos oncles, les Banū Nabīṭ, nous
invitèrent à l’occasion d’une cérémonie qui avait lieu chez eux.
Ḥassān b. Ṯābit était présent, ainsi que son fils ‘Abd al-Raḥmān.
Deux esclaves se mirent à chanter :
« Regarde, ami, à la porte de Ğilliq si elle
a d’autres compagnes qu’al-Balqā’ ».
829Alors Ḥassān, l’aveugle, se mit à pleurer, et ‘Abd al-Raḥmān se
mit à leur faire des signes pour qu’elles continuent. Je ne sais
pourquoi il lui plaisait qu’elles fissent pleurer son père ».
830D’après // Abū Ḥātim — al-Aṣma‘ī, Tuways chantait à un
mariage. Al-Nu’mān b. Bašīr entra alors que Tuways disait :

248
« Est-il sérieux, le dédain de ‘Amra,
au point qu’elle nous évite ? Ou son affaire est-elle la
[nôtre ? »
831Or ‘Amra était le nom de la mère d’al-Nu’mān. On lui dit :
« Tais-toi ! Tais-toi ! » Mais al-Nu‘mān dit : « Il n’y a pas de mal !
Le [même poète ?] n’a-t-il pas dit :
« ‘Amra compte parmi les femmes nobles !
Ses manches exhalent une odeur de musc ! »
***

XCII. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ-S CONTRADICTOIRES


 744 ḤAN. II, 165, 187.

832307. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit :


« Dieu aime le pudique, le timide, le chaste, et Dieu // déteste
l’homme éloquent (balīġ) »744.
 745 SUYŪṬĪ, Ğāmi’,  145 (d’après al-Ḥākim).

833Vous enseignez d’autre part qu’al-‘Abbās lui ayant demandé


ce qu’était la beauté, il déclara : « [Elle réside] dans la
langue »745.
 746 BUḪ. 76, 51 = HM IV, 88, etc… ḤAN. I, 269, etc…

834Il a dit enfin : « Il y a dans le langage clair ( bayān) de la


magie »746.
 747 Coran, LV, 3-4. On a tenté de conserver un même terme
pour tous les emplois de bayān et mubīn.

835Or Dieu a dit : « Il a créé l’homme ; il lui a enseigné le langage


clair (bayān) »747. Il a donc répandu le langage clair comme une
grâce.
 748 Coran, XLIII, 18.

249
836Il attribue aux femmes peu de langage clair et dit : « [Elle]
grandit parmi les colifichets et n’est pas douée de clarté dans le
langage »748. Il veut ainsi montrer l’infériorité des femmes parce
qu’elles ont peu de langage clair.
837Tous ces passages sont contradictoires.
838308. — Réponse : Nous prétendons qu’il n’y a là, grâce à Dieu,
aucune contradiction. Chacun de ces ḥadīṯ-s  a son emploi, et s’il
est utilisé à bon escient, l’objection tombe.
839Lorsque le Prophète dit que Dieu aime le pudique, le timide et
le réservé, il entend celui qui a le cœur sain, discute peu et a peu
de besoins en raison d’une grande retenue. J’en veux pour preuve
qu’il a dit à la suite : « …mais Il déteste l’impudent, l’ergoteur et
l’ambitieux ». Ce sont là les antonymes des termes précédents.
Dieu n’aime pas ses serviteurs lorsqu’ils ergotent trop, ont la
langue trop longue et l’esprit retors ; même s’il y a là des
avantages, et en certains cas une brillante [façade].
 749 ḤAN. I, 234, 359, etc… BUḪ. 59, 8 = HM II, 439.

840Le ḥadīṯ  dit : « La plupart des habitants du paradis sont des //


simples »749, c’est-à-dire des gens dont le cœur est sain à
l’égard de leurs semblables, et chez lesquels l’insouciance
l’emporte.
841Nous avons entendu réciter les vers suivants d’al-Namir b.
Tawlab :
« Je me suis joué d’une fillette confiante
et simple qui m’a laissé deviner ses secrets ».
842308 a. — A propos d’une certaine époque, ‘Alī disait : « Les
meilleurs de ce temps là étaient tous les effacés (nūma) », c’est-
à-dire les gens incapables de mal faire (mayyit al-dā’). Ceux-là
étaient les imām-s de la bonne voie, les lampes de la science ; ce

250
n’étaient point les impulsifs, qui répandent la semence à tous les
vents.
 750 IBN MĀĞA, 36, 16.

843Mu‘ād b. Ğabal rapporte du Prophète que Dieu aime les


discrets, les pieux, les innocents qu’on ne regrette point lorsqu’ils
sont absents et qu’on ne connaît point lorsqu’ils sont
présents750.
844‘Alī a dit dans un prône : « En vérité, Dieu a des serviteurs
dont on dirait qu’ils ont la vision des hommes qui jouissent
éternellement du paradis et des hommes qui sont torturés en
enfer. [Leurs semblables] sont à l’abri de leurs méfaits ; leurs
cœurs sont tristes ; leurs âmes sont pudiques ; leurs besoins sont
légers. Ils patientent peu de jours // pour jouir ensuite d’un long
repos. La nuit, ils mettent leurs pieds en rang, leurs larmes
coulent sur leurs joues parce qu’ils supplient leur Seigneur :
Seigneur ! Seigneur ! Le jour, ils sont maîtres d’eux-mêmes,
savants, pieux, résignés comme s’ils étaient des flèches [pour le
tirage au sort]. Quand on les voit, on dit : — Ils sont malades !
mais il n’est point chez eux de maladie. Ils ont l’esprit inquiet, car
une grande affaire les occupe ».
845308 b. — Ibn ‘Abbās rapporte en ces termes les paroles du
jeune homme qui parla à Job dans son épreuve : « O Job ! ne sais-
tu pas que Dieu a des serviteurs qui ont été réduits au silence par
la crainte de Dieu, sans qu’ils aient perdu la faculté de parole, ni
soient muets ? Ils sont nobles, ils parlent, ils sont éloquents, ils
connaissent Dieu et ses jours ; mais lorsqu’ils parlent de la
majesté de Dieu, leurs cœurs se brisent, leurs langues se
paralysent, leurs esprits s’étourdissent par crainte et par respect
de Dieu ».
 751 L’allusion à al-Ğāḥiẓ est transparente. Voir la notice sur
Ğāḥiẓ,
251
 752 ḤAN. II, 369 ; IV, 193.

846308 c. — Telles sont les vertus que Dieu aime, et qui con-
conduisent au salut dans l’autre monde. Nul ne nie d’ailleurs qu’il
puisse y avoir de la beauté dans la langue, ni des qualités
humaines dans le langage clair, ni qu’elle soit un ornement et un
agrément de cette vie, tant qu’elle s’accompagne de modération
et est animée par la raison, et que la faculté de parole n’aboutit
pas à // diminuer ce qui est grand aux yeux de Dieu, et à grossir
ce qui est petit, à défendre une cause, puis la cause adverse,
comme le font ceux qui n’ont pas de religion751. Tel est
l’homme « éloquent » détesté par Dieu, et à propos duquel le
Prophète a dit : « Ceux que je hais le plus parmi vous sont les
bavards, les emphatiques, les beaux parleurs »752.
847Les gens que Dieu déteste le plus sont ceux que leurs
semblables craignent à cause de leur langue. [Lorsque le Prophète
a dit] « Le langage expressif relève de la magie » Il voulait dire :
elle est capable de rapprocher ce qui est éloigné, d’éloigner ce qui
est proche, d’embellir ce qui est laid et de grandir ce qui est petit,
tout comme la magie. Or tout ce qui fait office de magie, lui
ressemble ou y ressortit est répréhensible, car la magie est
interdite.
848308 d. — Abū Muḥammad dit : D’après Ḥusayn b. al-Ḥasan al-
Marwazi — ‘Abd Allāh b. al-Mubārak — Ma‘mar Yaḥyā b. Muḫtār,
al-Ḥasan a dit : « Si tu le veux, tu lui trouves la peau claire et fine,
l’œil vif, mais le cœur mort et les œuvres défuntes. Tu le vois
mieux que lui-même ; tu vois des corps, et non des cœurs. Tu
entends une voix, mais il n’est pas de compagnon plus fertile de
langue et plus stérile de cœur ».
***

XCIII. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ INFIRMÉ PAR LE CORAN

252
 753 BUḪ. 57, 1 = HM II, 381 sqq.

849309. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète // a dit :


« Nous autres prophètes, ne laissons point d’héritage ; ce que
nous laissons est aumône »753.
 754 Coran, XIX, 5-7.

 755 Coran, XXVII, 16.

850Or ceci est en contradiction avec les propos que Dieu prête à
Zacharie : « Je crains les miens après ma mort. Bien que ma
femme soit stérile, accorde-moi un descendant venu de Toi, qui
hérite de moi et de la famille de Jacob ; et fais, Seigneur, qu’il Te
soit agréable ! — O Zacharie ! Nous t’annonçons un garçon dont le
nom est Jean, à qui, dans le passé, Nous n’avons pas donné
d’homonyme »754. C’est aussi contraire au passage : « Salomon
hérita de David »755.
 756 L’affaire est relatée par IBN SA‘D, Ṭabaqāt, VIII, 18.

851Fāṭima réclama à Abū Bakr l’héritage du Prophète son père, et


comme il ne le lui accordait pas, elle jura de ne plus jamais lui
adresser la parole. Elle recommanda qu’on l’enterrât de nuit pour
qu’il n’assistât pas à ses obsèques ; ce qui fut fait756.
852‘Alī et al-‘Abbās eurent un litige devant Abū Bakr au sujet de
l’héritage du Prophète.
 757 Cf. Luc, I, 5. Voir aussi Ma‘ārif,  24, où le nom est Azan. Il
peut s’agir d’une corruption d’Abia, (...)

853310. — Réponse : Nous prétendons que le ḥadīṯ  :  « Nous


autres prophètes ne laissons point d’héritage » n’est nullement
contraire aux paroles de Zacharie : « Accorde-moi un descendant
venu de Toi, qui hérite de moi et de la famille de Jacob ». Zacharie
ne voulait pas dire : « qui hérite de mes biens » — ce qui aurait

253
justifié // les allégations de [nos adversaires]. Quels biens
Zacharie aurait-il pu vouloir mettre à l’abri de ses agnats ( ‘aṣaba)
au point de demander à Dieu de lui accorder un fils qui hérite de
lui ? Ces biens auraient-ils donc eu tant de prix et tant de valeur à
ses yeux ? Aurait-il donc été aussi jaloux de ses biens que les
mondains qui ne travaillent que pour l’argent et ne cherchent qu’à
en gagner ? Zacharie fils d’Ādan était un simple menuisier et aussi
un sacrificateur757 — ainsi parle Wahb b. Munabbih. Ces deux
qualités montrent bien qu’il n’avait point de fortune. On sait aussi
que Jean, comme Jésus n’avait ni biens, ni demeure. C’étaient
d’éternels pèlerins.
854Une autre preuve que Jean n’avait rien hérité de [Zacharie] est
qu’il arriva tout jeune à Jérusalem et y servit. Puis, se trouvant en
grand danger, il se fit pèlerin, s’installa au sommet des
montagnes et dans des grottes inaccessibles.
 758 Coran, XIX, 12.

 759 Coran, XIX, 14.

 760 Cette étrange histoire est composée d’éléments forts


disparates dont quelques-uns sont facilement d (...)

855310 a. — Abū Muḥammad dit : D’après al-Layṯ b. Sa‘d — Ibn


Lahī‘a — Abū Qubayl — ‘Abd Allāh b. ‘Amr b. al-‘Āṣ, Jean, fils
de // Zacharie, entra dans Jérusalem à huit ans. Il vit les
adorateurs du Temple vêtus de cilices et de manteaux de laine. Il
vit ceux d’entre eux qui priaient la nuit ; ils avaient percé des
clavicules et y avaient introduit des chaînes qu’ils avaient
attachées aux arcades du Temple. Il fut effrayé et revint auprès de
ses parents. Il passa auprès d’enfants qui jouaient et lui dirent : —
Jean, viens jouer ! Il répondit : — Je ne suis pas fait pour le jeu !
(Dieu dit à ce sujet : — Nous lui donnâmes l’Illumination en son
enfance !758. Il revint donc chez ses parents et leur demanda de

254
le revêtir de calices, ce qu’ils firent ; puis il revint au Temple, où il
servit le jour et pria la nuit jusqu’à l’âge de quinze ans. C’est alors
qu’il fut pris de crainte et s’installa au sommet des montagnes
dans des grottes inaccessibles. Ses parents partirent à sa
recherche et le retrouvèrent en descendant des monts de Batanée,
sur le lac du Jourdain. Il était assis sur le rivage du lac et trempait
ses pieds dans l’eau, quasi mort de soif. Il disait : — Par Ta
Majesté, je ne goûterai pas de boisson fraîche tant que je ne
saurai pas ce que je suis pour Toi ! Ses parents lui dirent de
manger une galette // d’orge qu’ils avaient sur eux et de boire de
l’eau. Il obtempéra et devint parjure à son serment. On ne l’en
loue pas moins pour sa piété. Dieu a dit : « Il était pieux envers
ses parents et ne fut ni violent, ni désobéissant »759. Ses parents
le ramenèrent à Jérusalem. Lorsqu’il se mettait en prière, il
pleurait et Zacharie pleurait avec lui jusqu’à l’évanouissement. Il
ne cessa d’agir ainsi jusqu’à ce que ses larmes creusassent un
sillon dans ses joues. Sa mère lui dit : « Jean, si tu me le permets,
je chercherai du feutre pour cacher ces sillons ». Il accepta. Alors
elle se procura deux morceaux de feutre et les colla sur ses joues.
Lorsqu’il pleurait, les larmes imbibaient les deux morceaux. Sa
mère venait alors les essorer. Lorsqu’il voyait les larmes couler sur
les bras de sa mère, il disait : « Seigneur, voici mes larmes et voici
ma mère. Je suis Ton serviteur et Tu es le Miséricordieux »760.
 761 Coran, XXI, 89-90.

856310 b. — D’après ce qu’on vient d’entendre, de quels biens


Jean hérita-t-il ? Que lui légua Zacharie, qui n’était qu’un
menuisier et un sacrificateur ? A propos du verset : « Accorde-moi
un descendant venu de Toi, qui hérite de moi… » Ibn ‘Abbās a dit
— d’après la version d’Abū Ṣāliḥ — : c’est-à-dire : qui hérite des
fonctions de sacrificateur, puisque son père les remplissait ; « …et
de la famille de Jacob », c’est-à-dire : qui hérite de la royauté,

255
puisqu’il était de la descendance de David, lui-même de la
généalogie de Juda, fils de Jacob, fils d’Isaac, fils d’Abraham. Dieu
l’exauça // en ce qui concerne l’héritage de l’office de
sacrificateur, mais non en ce qui concerne l’héritage de la royauté.
Zacharie redoutait que ses parents mâles (‘aṣaba) héritassent de
cet [office] et priait Dieu de lui accorder un fils qui le remplaçât et
héritât de sa science. Dieu a dit : « Lorsque Zacharie implora son
Seigneur : — Seigneur, ne me laisse point seul, Toi qui es le
meilleur de ceux qui donnent héritage ! Nous l’exauçâmes et Nous
lui accordâmes Jean et rendîmes son épouse capable d’enfanter
de lui »761.
857310 c. — Lorsque Dieu dit : « Salomon hérita de David », Il veut
dire qu’il hérita de lui la royauté, la prophétie et la science. Tous
deux furent prophètes et rois. Or la royauté consiste dans la
souveraineté, la justice, le gouvernement, mais ce n’est point un
bien. S’Il avait fait allusion à l’héritage des biens, cette
information n’aurait eu aucun intérêt, car chacun sait que les fils
héritent [toujours] des biens de leurs pères, mais nul ne sait si le
fils sera digne du père dans la science, la royauté et la prophétie.
858Le Prophète ne pouvait évidemment rien léguer, car il n’avait
[lui-même] bénéficié d’aucun héritage après le début de la
révélation, ses parents lui ayant légué leurs biens auparavant.
 762 Coran, LXXXIX, 17-20.

859310 d. — Abū Muḥammad dit : D’après Zayd b. Aḫzam al-Ṭā’ī


— ‘Abd Allāh // b. Dāwūd, Umm Ayman faisait partie de l’héritage
maternel du Prophète, et Šuqrān de son héritage paternel.
Comment le Prophète aurait-il pu dilapider [son] héritage, alors
que Dieu accusait des gens en ces termes : « Prenez garde ! Vous
n’honorez pas l’orphelin ! Vous n’incitez pas à nourrir le pauvre !
Vous dévorez l’héritage [du faible] goulûment ! Vous aimez la
richesse d’une passion sans borne ! »762 ?

256
 763 On n’a pas retrouvé cette anecdote.

860D’après Isḥāq b. Rāhawayh — Wākī‘ — Mis‘ar — ‘Abd al-


Raḥmān b. al-Iṣbahānī — Muğāhīd b. Wirdān — ‘Urwa b. al-Zubayr
— ‘Ā’iša, le Prophète intervint dans [l’attribution] de l’héritage
d’un de ses affranchis qui était tombé d’un palmier. Il demanda :
« A-t-il laissé un fils ? » Ils répondirent négativement. Il
poursuivit : « A-t-il laissé un proche (ḥamīm) ? » — « Non ! » —
« Alors, donnez-le à un homme de son village ! »763. Tout se
passe comme s’il voulait éviter de dilapider [lui-même] l’héritage
en question et l’attribuer par préférence à un homme du même
village.
861Pour ce qui est du différend de Fāṭima avec Abū Bakr au sujet
de l’héritage du Prophète, il n’y a rien là de condamnable, car elle
ignorait ce qu’avait dit le Prophète et pensait qu’elle allait hériter
de lui, comme n’importe quel enfant hérite de son père. Mais
lorsqu’il l’informa des propos du Prophète, elle s’abstint.
 764 Sur l’héritage d’Abū Bakr, voir IBN SA‘D, III/I, 136 sqq.

862310 e. — Comment peut-on imaginer // qu’Abū Bakr ait


spolié Fāṭima de son droit à l’héritage de son père, lui qui
accordait leur droit au rouge comme au noir ? Quel aurait été son
but en l’en privant puisqu’il ne le prenait pas pour lui-même, ni
pour ses enfants, ni pour personne de sa famille, et le
transformait seulement en aumône ? Il était l’homme le plus
enclin à respecter les droits de chacun. Comment aurait-il
commis une telle faute, et déclaré licite ce qui appartenait à
Fāṭima, lui qui restitua aux Musulmans le surplus de leurs biens
qui était resté entre ses mains depuis son investiture ? Il ne
prenait [cet argent] qu’à titre de salaire, et considérait leur
entretien comme une aumône qui leur était due. Il dit à ‘Ā’iša :
« Cherche, ma fille, ce qui est en surplus dans le patrimoine d’Abu

257
Bakr depuis qu’il a été investi du pouvoir, et restitue-le aux
Musulmans. Par Dieu, nous n’avons prélevé sur leurs biens que la
quantité de grosse semoule suffisant à notre nourriture ; parmi
leurs vêtements, nous n’avons choisi que les plus grossiers ». Elle
regarda, et trouva en tout et pour tout un vêtement, une
couverture élimée ne valant pas cinq dirham-s et une chamelle
noire. Lorsque le messager apporta cela à ‘Umar, il déclara : « Que
Dieu ait pitié d’Abū Bakr ! Que de soucis il cause à ses
successeurs ! »764.
863En outre, si la décision // d’Abū Bakr en l’occurrence
constituait une injustice envers Fāṭima, ‘Alī en fit réparation aux
enfants [de Fāṭima] lorsqu’il prit le pouvoir.
 765 En effet, la fille reçoit la moitié du patrimoine lorsqu’il n’y a
pas d’héritier mâle (BERGSTRÄSSER(...)

 766 L’oncle du Prophète, fils de son grand-père paternel, ‘Abd


al-Muṭṭalib, avait droit à la même part (...)

864310 f. — Quant à la dispute entre ‘Alī et al-‘Abbās devant Abū


Bakr au sujet de l’héritage du Prophète, l’idée m’en semble bien
suspecte. Comment auraient-ils pu se disputer une chose qui ne
leur revenait pas, ou revendiqué le droit à une chose qui leur était
interdite ? Il ne pouvait échapper à aucun d’eux que s’ils avaient
eu quelque droit à cet héritage, il eût fallu d’abord indemniser les
femmes [du Prophète] ; ‘Alī en aurait alors perçu la moitié en
raison des droits de Fāṭima765, et al-‘Abbās la moitié, Fāṭima
recevant l’autre moitié766. A quel propos se seraient-ils alors
disputé, puisqu’ils eussent dû adopter une attitude commune
contre Abū Bakr ?
 767 Toute l’affaire de l’héritage du Prophète figure en détail
dans le ḥadīṯ,  notamment BuḪ. 57, 1 = HM (...)

258
865Ils soumirent aussi leur litige à ‘Umar, lorsqu’il leur confia la
gestion de [l’héritage du Prophète]767, puis à ‘Uṯmān.
 768 Ibn Qutayba n’est donc pas dupe de ce pseudo ḥadīṯ. Il est
trop évident que cette polémique date de (...)

866Il s’agit d’ailleurs là d’une polémique intéressée et partiale.


Que Dieu ait pitié d’eux tous768 !
***

XCIV. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ-S CONTRADICTOIRES


 769 Cf. BUḪ. 67, 22 = HM III, 557.

 770 En d’autres termes, la parenté de lait ne saurait être


constituée artificiellement en allaitant un (...)

867311. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit :


« Pas de parenté de lait après le sevrage »769, et aussi :
« Attention à vos frères ! La parenté de lait [ne peut être établie]
que par l’allaitement [destiné à] la nutrition »770 — il s’agit de ce
que l’enfant tette // pour apaiser sa faim.
 771 ḤAN. VI, 39, 356.

868D’autre part, vous rapportez d’après Ibn ‘Uyayna — ‘Abd al-


Raḥmān b. al-Qāsim — son père — ‘Ā’iša que Sahla bint Suhayl b.
‘Amr vint trouver le Prophète et lui dit : « Je vois sur le visage
d’Abū Ḥuḏayfa qu’il n’aime pas voir Šālim entrer chez moi ! Il lui
dit : — Eh ! bien, allaite-le ! Elle objecta : — Vais-je donc allaiter
un adulte ? Le Prophète se mit à rire, et lui dit : — Ne sais-je pas
mieux que tout autre que c’est un adulte ? »771.
 772 Cf. BUḪ. 67, 22 = HM III, 557.

869Enfin, vous rapportez d’après Mālik — al-Zuhrī que ‘Ā’iša


déclara toute sa vie que l’allaitement constitue un cas de

259
prohibition même après l’âge du sevrage772. Elle tirait les
conséquences logiques du ḥadīṯ  de Sālim.
870Il s’agit là pour vous d’un isnād  valable et bien établi, qu’on
ne saurait repousser ni rejeter.
871312. — Nous prétendons en effet que ce ḥadīṯ  est sain, car
Umm Salama et d’autres épouses du Prophète affirmaient que
Sālim avait bénéficié d’une faveur. Toutefois, elles n’expliquaient
pas en quel sens le Prophète avait accordé [cette faveur] à Sālim.
Nous allons donner ci-dessous l’histoire d’Abū Ḥuḏayfa et de
Sālim, et du lien qui les unissait, si Dieu le permet.
 773 Texte : qīla  ;  il faut évidemment lire qutila.

 774 Voir § 161 sq.

872Abū Ḥuḏayfa était le fils de ‘Utba b. Rabī‘a b. ‘Abd Šams b.


‘Abd Manāf. // Il émigra en Abyssinie à l’occasion des deux
émigrations. Son fils, Muḥammad b. Abi Ḥuḏayfa, naquit dans ce
pays. Il fut tué773 pendant le califat d’Abū Bakr, à la bataille de la
Yamāma. Il n’a pas de descendance. Quant à Šālim, mawlā  d’Abū
Ḥuḏayfa, il était à Badr et le Prophète rétablit l’amitié entre Abū
Bakr et lui. C’était un homme bon et vertueux. C’est pourquoi
‘Umar déclara sur son ht de mort : « Si Sālim était vivant, je
n’hésiterais point à son sujet ! »774. Il voulait dire : Je l’aurais mis
en avant pour qu’il guide la Prière des Musulmans, jusqu’à ce que
les gens du Conseil se missent d’accord sur l’un d’entre eux. Il
désigna donc Ṣuhayb. Sālim était l’esclave de l’épouse d’Abū
Ḥuḏayfa, une femme des Anṣār. On n’est pas d’accord sur le nom
de cette femme. Certains disent qu’il s’agit de Sulma, des Banū
Ḫaṭma ; d’autres qu’elle avait nom Ṯubayta ; // mais tous
s’accordent sur le fait qu’elle était des Anṣār. Elle l’affranchit, et il
devint le mawlā  d’Abū Ḥuḏayfa qui l’adopta pour fils. Dès lors, il
fut rattaché à lui généalogiquement par le statut de mawlā. Sālim

260
tomba en martyr à la bataille de la Yamāma. La femme qui l’avait
affranchi hérita de lui, car il n’avait pas de descendance, ni d’autre
héritier qu’elle.
 775 Mağbūb : émasculé radicalement (Lisān, I, 242).

 776 Cf. index, s. muḫannaṯ.

 777 Coran, XXIV, 31. BAYḌĀWĪ, 467, explique ainsi cette


restriction : « Il convient que les femmes ne s (...)

 778 Coran, XXIV, 31.

 779 Ce qui impliquerait une assimilation ipso facto.

873395 Ce que je viens de dire montre bien la place privilégiée


qu’Abū Ḥuḏayfa et Sālim occupent dans l’Islam ; leur grandeur, et
la faveur dont ils jouissaient de la part du Prophète. Sahla bint
Suhayl lui rapporta donc qu’Abū Ḥuḏayfa voyait d’un mauvais œil
Sālim entrer chez elle, alors qu’il entrait chez sa mawlāt,  celle qui
l’avait affranchi, comme l’esclave qui a grandi dans la maison de
son maître puis, lorsqu’il est affranchi, continue de la fréquenter
par suite d’une vieille habitude et parce qu’il y a été élevé. Nul ne
peut blâmer pour cela un homme comme Sālim, ni même
quelqu’un de moins recommandable, car Dieu tolère que les
femmes reçoivent les hommes dont elles sont la propriété, ainsi
que les hommes qui n’ont pas de vues particulières sur les
femmes, comme les vieillards, les enfants, les eunuques, les
émasculés775, ou les insexués776. Il les assimile aux //
hommes au degré de parenté prohibitif dans le verset : « Qu’elles
montrent seulement leurs atours à leurs époux, ou à leurs pères,
ou aux pères de leurs époux, ou à leurs fils, ou aux fils de leurs
époux, ou à leurs frères, ou aux fils de leurs frères, ou aux fils de
leurs sœurs, ou à leurs femmes » (à condition qu’elles soient
Musulmanes)777 « ou à ce qui est leur propriété » (c’est-à-dire

261
leurs esclaves) « ou aux serviteurs mâles que n’habite pas le
désir… »778, c’est-à-dire les hommes attachés à la personne de
l’époux, et qui constituent son entourage immédiat comme le
salarié, le mawlā,  l’allié, et les gens assimilés. Or Sālim ne peut
être considéré que comme un « serviteur mâle que n’habite pas le
désir ». Peut-être faut-il songer à ce propos au fait qu’il n’avait
pas de postérité779, ou qu’il avait été doué par Dieu de
continence, de dévotion et de mérite, et qu’en raison de ces
privilèges, le Prophète le jugea digne de l’amitié d’Abū Bakr et de
sa propre confiance, indifférent aux femmes et à leurs appas.
874D’ailleurs, le Prophète a autorisé que les femmes se dévoilent
lorsqu’elles doivent produire leur identité devant le juge, les
témoins, et les voisins honnêtes. Il a également autorisé les
femmes dites qawā‘id  — c’est-à-dire celles qui sont avancées en
âge — à déposer leurs voiles lorsqu’elles sont dépourvues de tout
charme.
875312 a. — Donc, Sālim entrait chez elle, et elle voyait la
réprobation sur le visage d’Abū Ḥuḍayfa ; mais si // cette
fréquentation avait été illicite, il ne serait point entré, et Abū
Ḥuḏayfa l’en aurait empêché. En raison de la situation de [cette
femme] par rapport à [Sālim], de l’amitié qu’il voulait voir régner
entre [Abū Ḥuḏayfa et Sālim], et pour éviter que ces deux
personnages fussent en froid, le Prophète voulait faire tomber la
réprobation d’Abū Ḥuḏayfa et le ramener à de bons sentiments à
l’égard de Sālim lorsqu’il entrait chez cette femme. C’est alors
qu’il lui dit : « Eh ! bien, allaite-le ! » Il ne voulait pas dire par là :
Donne-lui le sein, comme on fait avec les enfants, mais
simplement : Tire un peu de ton lait et donne-le lui à boire. Cette
méthode était seule licite, car il était interdit à Sālim de voir ses
seins pour boire son lait. Comment le Prophète aurait-il pu
autoriser de sa part une pratique illicite qui pouvait susciter en lui
le désir ?
262
876312 b. — La suite de l’anecdote prouve que cette
interprétation, est la bonne. La femme répondit : « O Prophète !
Vais-je l’allaiter, lui qui est un adulte ? » Alors il se mit à rire et
dit : « Ne sais-je pas bien que c’est un adulte ? » Le fait qu’il ait ri
à cette occasion montre bien qu’il voyait d’un bon œil cet
« allaitement », parce qu’il voulait voir régner la bonne entente et
cesser la froideur, sans pour autant conférer un caractère illicite
aux fréquentation de Sālim, et sans que cet « allaitement » créât
un précédent en posant comme licite une pratique interdite, ou en
faisant de Sālim ipso facto  le fils de cette femme.
 780 ABŪ DĀWŪD, 38, 3.

877312 c. — Un autre exemple de la bienveillance du Prophète est


rapporté par ‘Abd al-Wāḥid b. Ziyād — ‘Āṣim al-Aḥwal — al-
Ḥasan : Un homme lui // amena un autre individu qui avait tué un
de ses parents. Le Prophète lui demanda : « Vas-tu accepter le
prix du sang ? » Il refusa. Le Prophète poursuivit : « Veux-tu
pardonner ? » — « Non ! » — « Eh ! bien, va-t-en et tue-le ! »780.
Le narrateur ajoute : Lorsque l’homme fut passé devant lui, le
Prophète dit : « S’il le tue, il sera dans le même cas que lui ! »
L’homme fut informé de ce qu’avait dit le Prophète et laissa [en
paix] sa victime. Puis il revint sur ses pas, une courroie au cou…
Or le Prophète ne voulait pas dire que s’il le tuait son acte aurait
le même caractère criminel et serait également passible de l’enfer.
Comment aurait-il pu penser une telle chose, puisque Dieu a
toléré le meurtre à titre de talion ? Il répugnait seulement à voir
cet homme appliquer le talion et voulait qu’il pardonne. Il lui
laissa alors supposer que s’il tuait son ennemi, il commettrait le
même crime, pour l’inciter à pardonner. Or il voulait dire en
réalité qu’ils auraient tous deux tué un homme, et qu’ils seraient
tous deux des meurtriers, se trouvant ainsi « dans le même cas »

263
pour ce qui est du meurtre lui-même ; mais si l’un était un
meurtre injuste, l’autre eût consisté dans l’application du tahon.
***

XCV. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ-S INFIRMÉS PAR LE CORAN ET


LE RAISONNEMENT
 781 Nécessaires pour constituer la parenté de lait.

 782 ḤAN. V, 131, 132, 183 ; VI, 269.

878398 313. — Proposition : Vous rapportez d’après Muḥammad


b. Isḥāq — ‘Abd Allāh b. Abī Bakr — ‘Umara que ‘Ā’iša dit : « Le
verset sur la lapidation et sur l’allaitement de l’adulte à dix
reprises781, après sa révélation, figurait dans un cahier (ṣaḥifa)
sous mon ht à la mort du Prophète. // Lorsqu’il mourut et que
nous nous occupâmes de lui, une brebis du quartier entra et
mangea ce cahier »782.
 783 Coran, XLI, 41-42.

 784 Coran, V, 3.

879Cela est en contradiction avec le verset : « En vérité, elle est


certes une Écriture précieuse. Le Faux ne s’y glisse par aucun
côté »783. Comment ce texte pouvait-il être précieux,
puisqu’une brebis l’a mangé, anéantissant ainsi ses prescriptions
et détruisant la preuve ? N’importe qui ne peut-il détruire [le
Coran], puisqu’une brebis l’a fait ? Comment a-t-il pu dire :
« Aujourd’hui, J’ai parachevé votre religion »784, alors qu’il avait
envoyé un animal manger [ce cahier] ? Comment pouvait-il
exposer la révélation à être dévorée par une brebis, n’ayant pas
ordonné de la protéger et de la mettre à l’abri ? Pourquoi enfin
aurait-il révélé [ce passage] s’il ne désirait pas que les hommes
s’y conformassent ?

264
880314. — Réponse : Nous prétendons que tout ce dont ils
s’étonnent n’a rien d’extraordinaire, et que ce qu’ils trouvent si
grave n’a rien de dramatique. S’ils s’étonnent de l’existence d’un
« cahier », nous dirons que le « cahier » constituait à l’époque du
Prophète le moyen le plus perfectionné de transcrire le Coran. En
effet, ils écrivaient sur // des stipes de palmier, sur des pierres,
des tessons, etc …
 785 BUḪ. 65, s. 9, 20 ; ḤAN. V, 185.

881Zayd b. Ṯābit déclare : « Abū Bakr m’ordonna d’en faire une


recension. Je me mis donc à en rechercher [les passages
transcrits] sur des pièces de cuir, des stipes de palmier et des
pierres plates »785. Le mot ‘asīb,  pl. ‘usub  signifie « palme » ; le
mot laḫfa,  pl. liḫāf,  signifie « pierre plate ».
 786 Cf. Lisān,  XI, 207.

882Al-Zuhrī raconte : « Lorsque le Prophète mourut, le Coran était


[transcrit] sur des pierres plates, des parchemins et des stipes de
palmier »786. Le mot qaḍīm,  pl. quḍum,  désigne des « peaux » ;
le mot kurnāfa,  pl. karanīf,  désigne la base épaisse des feuilles de
palmier.
 787 Pour en fabriquer.

883Ainsi, le Coran se trouvait dispersé parmi les Musulmans qui


ne disposaient ni de livres, ni d’outillage787. J’en veux pour
preuve que le Prophète correspondait avec les rois de la terre sur
des bouts de parchemin.
 788 Cf. BUḪ. 60, 48 = HM II, 519.

 789 Coran, XX, 12.

884314 a. — S’ils s’étonnent du fait qu’elle avait placé ce cahier


sous son lit, nous dirons que ses contemporains n’étaient point

265
des princes, pour avoir des armoires, des serrures ou des coffres
d’ébène ou de teck. Lorsqu’ils voulaient préserver quelque chose
ou le mettre à l’abri, ils le plaçaient sous leur lit pour éviter de le
piétiner, et empêcher les enfants ou les animaux d’y toucher.
Comment des gens qui n’avaient chez eux ni cachette, ni serrure,
ni armoire, auraient-ils pu abriter leurs biens autrement que par
les moyens simples dont ils disposaient ? La Prophétie elle-même
s’accommode bien de peu de chose et de vieilleries. Le
Prophète // rapiéçait ses vêtements, recousait ses sandales,
raccommodait ses bottines, se faisait servir par sa famille et
mangeait à même le sol en disant : « Je ne suis qu’un esclave ; je
mange comme les esclaves »788. Ainsi faisaient les Prophètes.
Salomon, qui avait été doté par Dieu d’un royaume sans précédent
et tel qu’on n’en a jamais vu de semblable depuis lors, se vêtait
de laine, et mangeait du pain d’orge, bien qu’il donnât à manger
aux gens toutes sortes de nourritures. Lorsque Moïse s’entretint
avec Dieu, il avait sur lui un cilice de poil ou de laine, et aux pieds
des sandales en peau d’âne crevé. On lui dit : « ôte tes sandales !
Tu es dans la vallée sainte de Ṭuwā ! »789. Jean ceignait une
corde de fibre de palmier. Les exemples sont innombrables, et
trop célèbres pour que nous en encombrions ce livre.
 790 Ḥubla : désigne soit la vigne, soit diverses plantes
épineuses. Il semble qu’on soit fondé à reteni (...)

885314 b. — Si c’est la brebis qui les étonne, nous dirons que la


brebis est le meilleur bétail. J’ai lu dans les conversations de
‘Uzayr avec son Seigneur qu’il dit : « Seigneur, tu as élu parmi les
troupeaux la brebis, parmi les oiseaux le pigeon, parmi // les
plantes la ḥubla790, parmi les villes Bakka et Ayliyā’, et dans
Ayliyā’ le Temple ».
 791 On n’a pas trouvé ce ḥadīṯ sous cette forme. Mais d’assez
nombreux ḥadīṯ-s  prescrivent de bien trai (...)

266
886Wakī‘ rapporte d’après al-Aswad b. ‘Abd al-Raḥmān — son
père — son grand-père que le Prophète a dit : « Dieu n’a créé
aucun animal qui lui fût plus cher que la brebis »791.
 792 Toutes ces propositions font allusion à diverses légendes :
déluge = histoire de Noé ; grenouilles (...)

887Pourquoi s’étonner de ce que la brebis ait mangé ce cahier ? La


souris, qui est la pire des bestioles, grignote les exemplaires du
Coran et urine dessus ; les termites les mangent. Si le cahier en
question avait été détruit par le feu ou emporté par les hypocrites,
ils se seraient moins étonnés. Lorsque Dieu veut anéantir une
chose, Il choisit indifféremment de petits ou de grands moyens. Il
a fait périr des gens par les fourmis comme Il en a fait périr par le
déluge. Il a puni par les grenouilles comme il a puni par les
pierres. Il a fait périr Nemrod par un moustique et a englouti le
Yémen à cause d’une souris792.
 793 BUḪ. 25, 67 = HM I, 524 etc… ḤAN. I, 3, 79, etc…

888314 c. — Ils disent : Comment la religion pouvait-elle « être


parachevée », puisque Dieu a révélé des choses qu’il a anéanties
[ensuite] ? Le verset en question fut révélé le jour du pèlerinage
d’adieu, lorsque // Dieu raffermit l’Islam, condamna le
polythéisme et expulsa les Polythéistes de la Mekke. Cette année-
là, seuls les Croyants firent le pèlerinage793. C’est ainsi que Dieu
paracheva sa religion, et compléta les grâces qu’il avait accordées
aux Musulmans. Le « parachèvement » de la religion représente ici
l’apogée de sa puissance et de sa manifestation, ainsi que
l’abaissement et l’effacement du polythéisme, mais non le
« parachèvement » des prescriptions légales et des traditions
normatives, qui ne cessèrent d’être révélées jusqu’à la mort du
Prophète. Telle était l’opinion d’al-Ša‘bī sur ce verset.

267
889Il est possible aussi que le « parachèvement » de la religion
désigne la suppression du principe d’abrogation à partir de ce
moment.
 794 BUḪ. 86, 30 = HM IV, 390 ; ḤAN. I, 23 ; etc…

 795 Servant de couverture.

 796 BUḪ. 67, 28 = HM III, 560.

 797 BUḪ. 86, 13 = HM IV, 380.

 798 ḤAN. I, 16, 22, 49.

 799 ḤAN. I, 46.

 800 BUḪ. 97, 50 = HM IV, 643 ; ḤAN. II, 251, 316, 413… ; III,


40, 127, etc…

 801 DĀRIMĪ, intr., 48.

 802 En somme, la seule différence entre la Sunna et le Coran


est que ce dernier fait l’objet d’une réci (...)

890314 d. — Pour ce qui est de l’anéantissement de ce cahier, il


est possible que Dieu l’ait révélé comme partie intégrante du
Coran, puis qu’il ait exempté [les hommes] de le réciter tout en
maintenant l’obhgation d’agir conformément à ce texte. Tel était
du moins l’avis de ‘Umar à propos du verset de la lapidation794,
et l’avis de plusieurs autres relativement à certains textes qui
faisaient partie du Coran avant qu’il ne fût recueilli entre deux
planchettes795, puis qui disparurent. S’il est admissible que le
texte destiné à la récitation (tilāwa) demeure, et que la
prescription soit annulée, il est également admissible que le texte
soit annulé et que l’acte demeure obligatoire. Il est concevable
que cela lui ait été révélé, tout comme d’autres choses concernant
la religion, mais que cela n’ait point été [destiné à figurer dans] le
268
Coran. Ainsi en est-il de l’interdiction d’épouser la tante
paternelle en même temps que la fille de son frère et la tante
maternelle en même temps que la fille de sa sœur796 ; de
l’interdiction de l’amputation pour moins d’un quart
de dīnār797 ; de l’interdiction d’apphquer le talion au père ou au
maître798 ; de l’adage : Pas d’héritage pour le meurtrier799.
Ainsi en est-il également des paroles du Prophète : // « Dieu dit :
— J’ai créé tous Mes serviteurs ḥanīf-s ! » ; ou de celles-ci : « Dieu
dit : — Quiconque s’approche de Moi d’un empan, Je M’approche
de lui d’une coudée… »800, etc… Le Prophète a d’ailleurs dit :
« On m’a apporté le Livre, et d’autres choses avec lui »801, à
savoir les traditions normatives que Gabriel lui transmettait802.
891D’ailleurs, le Prophète a pratiqué la lapidation, les Musulmans
l’ont imité ensuite, et les juristes ont entériné cet usage.
 803 ḤAN. III, 61.

 804 MUS. 18, 25.

892314 e. — En ce qui concerne le principe de « l’allaitement de


l’adulte à dix reprises », nous constatons qu’il s’agit d’une erreur
due à Muḥammad b. Isḥāq. Il n’est pas impossible non plus que [le
texte relatif à] la lapidation, dont on prétend qu’il figurait dans ce
cahier, fût faux, car le Prophète avait lapidé Mā‘iz b.
Mālik803 ainsi que d’autres avant cette époque ; comment lui
aurait-il été révélé une seconde fois ? D’autre part, Mālik b. Anas
rapporte le même ḥadīṯ  d’après ‘Abd Allāh b. Abi Bakr — ‘Umara
sous la forme : « ‘Ā’iša dit : — La Révélation coranique prescrivait
à l’origine que dix actes d’allaitement connus constituaient un cas
de prohibition ; [ce texte] fut ensuite abrogé par la prescription de
cinq [actes d’allaitement] connus pour aboutir au même résultat.
Le Prophète mourut alors ; et c’est cette dernière [prescription]
qui doit faire l’objet d’une récitation coranique »804.

269
 805 Voir WENSINCK, Hwb.,  s. Raḍā‘.

 806 ḤAN. II, 12, 23, etc…

893Ce ḥadīṯ  a été exploité par certains // juristes, dont al-Šāfi’ī et


Isḥāq. Ils ont adopté le chiffre cinq comme limite entre la quantité
prohibitive et celle qui ne l’est pas805, de même qu’ils
considèrent la valeur de deux cruches ( qulla) comme la limite
entre la quantité d’eau qui peut devenir impure et celle qui ne le
peut pas806.
 807 Le caractère suspect des informations transmises par M. b.
Isḥāq a été souvent relevé. Il remonte d (...)

894Les termes du ḥadīṯ  de Mālik diffèrent de ceux du ḥadīṯ  de


Muḥammad b. Isḥāq, mais Mālik a plus de poids chez les gens
du ḥadīṯ  que Muḥammad b. Isḥaq. Abū Muḥammad dit : D’après
Abū Ḥātim — al-Aṣma‘ī — Ma‘mar, le père de ce dernier lui dit :
« N’écoute rien de Muḥammad b. Ishāq, c’est un menteur. Il
transmettait des propos de Fāṭima bint al-Munḏir b. al-Zubayr,
épouse de Hišām b. ‘Urwa ; ils parvinrent aux oreilles de Hišām
qui protesta et dit : — Est-ce lui qui entrait chez ma femme, ou
moi ? »807.
895314 f. — Quant au verset : « Le Faux ne s’y glisse par aucun
côté », il ne signifie pas que les exemplaires du Coran ne sont
point en butte aux mêmes accidents que les autres meubles ou
objets ; il signifie que le Démon ne peut y introduire ce qui n’en
fait point partie, ni avant, ni après la révélation. //
***

XCVI. — EXEMPLE D’UN ḤADĪṮ INFIRMÉ PAR LE CORAN ET


LE RAISONNEMENT
 808 ḤAN. III, 286 ; šaṭr al-ḥusn,  au lieu de niṣf —.

270
896315. — Proposition : Vous enseignez que « Joseph reçut en
partage la moitié de la beauté »808.
 809 Coran, XII, 20.

897Or Dieu dit : « Ils s’en défirent à vil prix —


quelques dirhams  — car ils ne tenaient pas à le garder »809. Il
est inconcevable que quelqu’un qui a reçu en partage la moitié de
la beauté ait été vendu à vil prix, pour quelques dirhams  qu’on
pouvait compter, tant il y en avait peu, et que l’acheteur dans ces
conditions en ait fait si peu de cas, à en juger par ce prix
dérisoire.
 810 Coran, XII, 58.

898Lorsque ses frères revinrent auprès de lui à plusieurs reprises,


le Coran dit qu’il « les reconnut, mais qu’eux ne le reconnurent
point »810. Comment ne pas reconnaître quelqu’un qui a reçu en
partage la moitié de la beauté, et qui n’a pas son pareil au
monde ? Il eût été plus normal qu’il ne les reconnût point, mais
qu’eux le reconnussent.
899315. — Réponse : L’opinion courante, à propos de l’expression
« la moitié de la beauté » accordée à Joseph, est que Dieu lui
accorda la moitié de la beauté et l’autre moitié au reste du genre
humain, en la partageant entre les hommes. C’est une erreur
flagrante qui ne saurait échapper à un homme réfléchi, s’il a bien
compris ce que nous avons dit.
900Mon avis personnel est que Dieu a fixé un maximum et une
limite à la beauté [d’un être] et qu’il a attribué ce maximum à
celles de Ses créatures qu’il Lui a plu — soit aux anges, // soit
aux houris ; Joseph a reçu la moitié de cette beauté [idéale] et de
cette perfection. Il est possible qu’il en ait attribué à certains êtres
le tiers, à d’autres le quart, à d’autres encore le dixième, et peut-
être même à certains pas une parcelle.

271
901Il en est de même pour quelqu’un qui prétendrait avoir reçu en
partage la moitié du courage. Il est inconcevable qu’il ait reçu la
moitié du courage, et que l’autre moitié ait été répartie entre le
reste des hommes. Si telle était l’idée, il conviendrait que
l’individu qui aurait reçu en partage la moitié du courage se
mesurât seul au reste de l’humanité ! Cette expression veut dire
que le courage [individuel] a une limite que Dieu connaît, et qu’il
accorde le maximum à celles de ses Créatures qu’il Lui plaît, et à
d’autres la moitié de ce maximum, à d’autres encore le tiers, le
quart, le dixième, etc…
902316 a. — Ils disent : Comment a-t-on pu l’acheter pour un
prix dérisoire et en faire si peu de cas, malgré cette beauté ? La
beauté de Joseph, si elle était bien telle que nous le pensons,
n’était point aussi extraordinaire qu’ils le présument, mais devait
approcher celle de maint autre beau visage. Wahb b. Munabbih
rapporte que Joseph ressemblait pour la beauté à Sarah. C’est
là // un témoignage qui confirme notre interprétation de
l’expression : « la moitié de la beauté ».
 811 Coran, XII, 31.

 812 Coran, XII, 30.

 813 Il paraît s’agir d’une sorte d’œuf brouillé à la viande, ou


peut-être simplement d’œuf au plat, car (...)

903316 b. — Ils tirent argument du verset : « Ayant ouï leur


artifice, la coupable dépêcha quelqu’un vers elles, leur fit préparer
un repas et donna à chacune d’elles un couteau. — Entre après
elles ! ordonna-t-elle à Joseph. Quand les femmes l’eurent
aperçu, elles le trouvèrent si beau qu’elles se tailladèrent les
mains et s’écrièrent : — A Dieu ne plaise ! Ce n’est pas un mortel,
c’est un noble archange ! »811. Ils disent : Si elles se tailladèrent
les mains en le voyant et si elles s’écrièrent « C’est un noble

272
archange ! », ce ne peut être qu’en raison de sa beauté
surnaturelle, très supérieure à celle des autres hommes. Pour
interpréter ce verset, il faut faire appel à ce qui précède :
Lorsqu’elle entendit les ragots des femmes qui murmuraient : « La
femme du Puissant a tenté de ses charmes son valet qui l’a percée
d’amour pour lui. En vérité, nous la voyons certes dans un
égarement évident »812 ; elle voulut leur démontrer qu’elle était
excusable d’avoir été séduite par lui. Elle leur prépara un repas
(muttaka’)  — Certains lisent mutkan,  c’est-à-dire une nourriture
qui se coupe au couteau ; certains commentateurs affirment qu’il
s’agit du cédrat, et certains autres du zumāward813. Quoi qu’il
en soit, // on ne peut le manger sans le couper. L’origine
de mutk  et de butk  est la même : ce sont des synonymes
de qat’  (action de couper). Le passage du son B au son M est
fréquent, étant donné la proximité (sic)  de leur point
d’articulation —. Elle dit donc à Joseph : « Entre auprès d’elles ! »
Lorsqu’elles le virent, elles le trouvèrent beau — c’est-à-dire
remarquable et admirable, et leur cœur fut rempli du même
amour que le sien. Elles demeurèrent interdites et stupéfaites et
ne purent en détacher leurs regards au point qu’elles se
tailladèrent les mains avec les couteaux qui leur servaient à
découper leur nourriture. Elles s’écrièrent : « Ce n’est pas un
mortel, c’est un noble archange ! » Elles ne voulaient pas dire par
là que c’était réellement un ange ; elles ne disaient cela que par
métaphore, tout comme on dit d’un homme pour caractériser sa
beauté : « C’est un soleil » ou « une lune », ou d’un autre pour
caractériser son courage : « C’est un vrai lion ! » Comment
auraient-elles pu vouloir dire qu’il était à la fois homme et ange,
puisqu’elles désiraient de lui la même chose que l’épouse du
Puissant, et demandaient qu’on l’emprisonnât. Or les anges ne
cohabitent pas avec les femmes et ne se mettent point en prison.
Il n’est rien d’étonnant // à ce qu’elles se soient tailladé les mains

273
en voyant un visage beau et rayonnant, car il faut tenir compte de
l’amour et de la passion, ni qu’elles soient restées interdites et
stupéfaites : bien des gens peuvent éprouver de tels sentiments,
ou même pis.
904316 c. — ‘Urwa b. Ḥizām a dit :
 814 Si‘r,  605 ; a‘dadtu  au lieu de ‘addadtu. Variante
indifférente.

« Je suis pris à ton souvenir d’un frisson


qui se glisse entre ma peau et mes os.
Si je la voyais soudain,
je resterais interdit au point de ne pas pouvoir répondre.
Je ne verrais plus les choses comme avant,
et j’oublierais [les discours] que je prépare lorsqu’elle
[n’est pas là ! »814.
905Qays b. al-Mulawwaḥ, connu sous le nom de Mağnūn devint
fou ; sa raison s’envola, et il erra avec les fauves sans plus rien
comprendre que lorsqu’on lui parlait de Laylā. Il dit :
 815 Si‘r,  548.

« Malheur à celui auquel la raison a été ravie


et se trouve désormais ballotté au gré des vents. //
Lorsqu’on me parle de Laylā, je retrouve la raison et je
[retrouve
les merveilles de mon esprit grâce à une passion
[multiforme »815.
906Lorsque son père l’emmena à la Mekke afin de se réfugier
auprès de la maison [de Dieu] pour chercher à le guérir, il entendit
à Minā quelqu’un qui disait : « O Laylā ! » Il tomba évanoui.
Lorsqu’il revint à lui, il dit :
 816 Si‘r,  550.

274
« Quelqu’un a appelé lorsque nous étions sur le versant de
[Minā,
et a ressuscité les chagrins de mon cœur sans le savoir.
Il a appelé du nom de Laylā une autre qu’elle, et je crois
qu’il a fait s’envoler un oiseau qui était dans mon
[cœur »816.
907Des gens sont morts de chagrin sentimental, comme ‘Urwa b.
Ḥizām et ‘Abd Allāh b. ‘Ağlān al-Nahdī.
908Abu Muḥammad dit : J’ai entendu Abd al-Rahmān b. ‘Abd
Allāh b. Qurayb rapporter d’après son oncle al-Aṣma‘ī : « ‘Abd
Allāh b. ‘Ağlān est l’un des amoureux arabes célèbres qui
moururent d’amour. Un poète en parle en ces termes : //
 817 Si‘r,  695, où le nom du poète ne figure pas davantage.

« Si je meurs d’amour,


Ibn ‘Ağlān en est mort avant moi ! »817.
909D’après Abū Ḥātim — al-Aṣma‘ī — ‘Abd al-‘Azīz b. Abī Salama
— Ayyūb — Muḥammad b. Sīrīn, ‘Abd Allāh b. ‘Ağlān, l’amant de
Hind, a dit :
« En vérité, Hind t’est devenue illicite,
tu es devenu un de ses plus proches parents. //
Tu es maintenant comme celui dont l’arme est retournée au
[fourreau,
et qui retourne entre ses mains un arc et des flèches ».
 818 Si’r,  695.

910Le narrateur ajoute : « Il prolongea la voix sur cette dernière


syllabe, puis s’écroula et mourut »818.
911A en croire les informateurs, al-Ḥāriṯ b. Ḥilliza improvisa devant
‘Amr b. Hind son poème qui commence par :
« Asmā’ nous a appris son départ… »
275
 819 Si’r,  150.

912Ce poème était un véritable sermon, et le javelot sur lequel il


s’appuyait pour parler se planta dans sa poitrine sans qu’il s’en
rendît compte819.
 820 Apparemment, la seule émotion poétique est responsable
de l’accident. Cf. Aġānī, IX, 171-174.

913Tout cela est encore bien plus extraordinaire que de se


taillader les mains ! Encore le motif pour lequel ces femmes se
tailladèrent les mains était-il beaucoup plus impérieux que celui
pour lequel le javelot se planta dans la poitrine d’al-Hārit b.
Ḥilliza ! //820.
 821 Texte : ištarawhu.  Le Coran, dans le passage parallèle,
dit šarawhu, que BLACHÈRE, Coran, 260, trad (...)

 822 En effet, Gén. XXXVII, 12-36, parallèle à Coran, XII, 8-20.


Il semble y avoir une certaine confusio (...)

914316 d. — En ce qui concerne le fait que les voyageurs le


vendirent pour un prix dérisoire car ils en faisaient peu de cas ; [il
convient de dire] qu’ils le revendirent821 au titre d’esclave en
fuite indemne de tout défaut. Ils prétendirent l’avoir extrait d’un
puits où ses maîtres l’avaient jeté en raison de fautes commises,
et de crimes graves. En outre, ils stipulèrent [aux acheteurs ?] de
l’entraver et de le ligoter jusqu’à ce qu’ils arrivassent en Égypte. Il
en faut moins que cela pour faire baisser un prix, et pour que
l’acheteur fasse peu de cas de la marchandise ! Cette aventure est
rapportée dans la Thora822.
 823 Cet adjectif (asīr)  s’applique à un homme capturé par
d’autres, mais non à un homme emmuré dans un (...)

915316 e. — Ils demandent : Comment ses frères ont-ils pu ne


pas le reconnaître malgré la beauté qu’il avait reçue en partage ?

276
Or j’ai déjà exposé plus haut que la beauté accordée à Joseph,
bien qu’elle fût supérieure à celle de la moyenne des humains,
n’en était guère différente, et que s’il avait reçu « la moitié de la
beauté », d’autres en reçoivent le tiers, le quart ou presque la
moitié. L’écart n’est pas si grand. Ils l’avaient quitté enfant, ils le
retrouvaient adulte. Ils l’avaient quitté captif823 et misérable, et
le retrouvaient puissant et grand. Il faut moins de temps et des
circonstances moins différentes // pour modifier la parure
extérieure et l’aspect physique.
***

XCVII. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ INFIRMÉ PAR LA


SPÉCULATION
 824 BUḪ. 34, 113 = HM II, 55 ; 37, 20 = HM II, 72 ; ḤAN. II,
287, 347, 382, etc…

916317. — Proposition : Vous rapportez d’après Šu‘ba —


Muḥammad b. Ǧuḥāda — Abū Ḥāzim — Abū Hurayra : « Le
Prophète a interdit le gain des servantes »824.
917Or le gain des servantes est hcite. Si un homme rémunère sa
servante ou son esclave pour leur travail, leurs gains ne sont pas
illicites, tout le monde est d’accord sur ce point. Comment le
Prophète a-t-il pu l’interdire ?
 825 Coran, XXIV, 33.

918318. — Réponse : Nous prétendons que le gain interdit par le


Prophète était le salaire de la prostitution. Les hommes de la
Ğāhiliyya ordonnaient à leurs esclaves de se prostituer et
confisquaient leurs bénéfices. ‘Abd Allāh b. Ğiḏ’ān avait des
esclaves qui se livraient au trafic de leur corps. C’était le chef des
Taym. Alors Dieu révéla : « Ne forcez pas vos esclaves femmes à
la prostitution alors qu’elles veulent // vivre en muḥsana »825. Le

277
Prophète a interdit le gain de la zammāra,  c’est-à-dire de
la zāniya,  ou esclave femme exploitée par son maître.
 826 Ce ḥadīṯ  figure dans Tāğ, III, 240, qui signale une
variante rammāza, sans la retenir. Détail piqua (...)

919Abū Muḥammad dit : D’après Abū l-Ḫaṭṭāb — Abū Baḥr —


Ḥišām b. Ḥassān — Muḥammad b. Sīrīn, Abū Hurayra a dit : « La
vente des chiens et le salaire de la zammāra  constituent des
profits illicites »826.
***

XCVIII. — EXEMPLE DE DEUX ḤADĪṮ-S CONTRADICTOIRES


 827 On n’a pas retrouvé ce ḥadīṯ.

920319. — Proposition : Vous rapportez d’après Mālik — Sālim b.


Abī l-Naḍr — Ibn Ğurhud — son père que le Prophète passa près
de lui alors qu’il avait la cuisse découverte et lui dit : « Couvre-la,
car la cuisse relève des parties honteuses (‘awra) »827.
 828 Cf. ḤAN. I, 71.

921D’autre part, vous rapportez d’après Ismā‘īl b. Ğa’far — ‘


Muḥammad b. Abī Ḥarmala, // ‘Atā’ b. Yasār et Abū Salama b. Abd
al-Raḥmān que ‘Ā’iša a dit : « Le Prophète était couché dans sa
chambre, la cuisse découverte. Abū Bakr se fit annoncer et fut
reçu alors qu’il était en cette posture. Puis ‘Umar se fit annoncer
et fut reçu de même. Enfin, ce fut le tour de ‘Uṯmān. Alors, le
Prophète s’assit et arrangea ses vêtements. Lorsque [’Uṯmān]
sortit, ‘Ā’iša en fit la remarque au Prophète qui dit : — Pourquoi
n’aurais-je pas honte devant cet homme ? Les anges eux-mêmes
ont honte devant lui ! »828.
922Cela est contraire au premier ḥadīṯ.

278
923320. — Réponse : Nous prétendons qu’il n’y a pas là de
contradiction. Chacun de ces deux ḥadīṯ-s  a son usage propre. Si
on l’emploie en temps et lieu, la prétendue contradiction cesse.
924Dans le ḥadīṯ  de Ǧurhud, le Prophète le rencontra alors qu’il
avait la cuisse découverte sur la voie publique et dans la foule. Le
Prophète lui dit alors : « Cache ta cuisse, car elle relève des parties
honteuses ». Il n’a pas dit en l’occurrence : « Car elle est une
partie honteuse ». Les parties honteuses (‘awra)  sont autre chose.
925Les parties honteuses // sont de deux sortes :
1. les parties sexuelles et anales de l’homme et de la femme. Ce
sont là les parties honteuses proprement dites, qu’il faut cacher
en tous lieux et en toutes circonstances ;
2. les parties du corps avoisinantes, cuisses et bas ventre. Ces
parties sont dénommées « honteuses », car elles entourent et
avoisinent les parties honteuses proprement dites. Ce sont
elles que l’homme peut exhiber au bain, dans les endroits
déserts, chez lui, auprès de ses femmes. Mais il est indécent de
les montrer en public, dans les assemblées, dans les sūq-s.
926De même, il est licite de manger sur la voie publique, mais
c’est laid. Il est licite qu’un homme ait des relations avec son
esclave, mais il n’est pas permis de le faire devant quiconque.
 829 On remarquera l’emploi très fréquent de l’imparfait
(avec kān  comme exposant temporel), signe infai (...)

 830 Le mot wağs paraît désigner exclusivement cette sorte de


bruit ; Tāğ, IV, 266.

927Ils réprouvaient829 le « bruit », c’est-à-dire les relations


sexuelles avec une des femmes accomplies de telle sorte que
l’autre perçoive le mouvement // et entende le bruit830.
 831 On remarquera qu’Ibn Qutayba se garde de relever le fait
que c’est la personne de ‘Uṯmān qui provoq (...)

279
928Le Prophète était donc dans sa chambre vide, et exhibait sa
cuisse devant ses femmes. Un de ses familiers entra, et il ne la
couvrit pas. Mais lorsqu’ils furent trois ensemble, il craignit que
cela puisse être assimilé à l’attitude de Ǧurhud qui montrait sa
cuisse en public, et se couvrit831.
***

XCIX. — EXEMPLE D’UN ḤADĪṮ INFIRMÉ PAR LE


CONSENSUS ET LE CORAN
 832 TIR. 7, 96.

929321. — Proposition : Vous transmettez d’après al-Ḥağğāğ al-


Ṣawwāf — Yaḥyā b. Abī Kaṯīr — ‘Ikrima — Ḥağğāğ b. ‘Amr al-
Anṣārī que le Prophète a dit : « Quiconque se brise [un membre]
ou se fait une entorse est en rupture de sacralisation et doit faire
un autre pèlerinage »832. Le transmetteur ajoute : « J’ai rapporté
ce ḥadīṯ  à Ibn ‘Abbàs et à Abū Hurayra qui m’ont dit : — C’est
exact ! »
 833 Coran, II, 196.

930Or les gens ne se conforment pas à ce ḥadīṯ,  car Dieu a dit :


« Faites entièrement le pèlerinage et la ‘umra,  pour Dieu ! Si vous
êtes empêchés, [libérez-vous] parce qu’il vous sera aisé [de
sacrifier] comme offrande ! Ne vous rasez point la tête avant que
l’offrande ait atteint le heu de son immolation ! »833. Il n’a donc
pas laissé la possibihté de rompre la sacralisation avant d’être
parvenu au moment de l’offrande et d’avoir sacrifié la victime.
 834 Cf. index, s. ihlāl.

931322. — Réponse : Nous prétendons que le Prophète n’a édicté


cette prescription que pour le Mekkois qui prononce
l’ihlāl834 pour le pèlerinage au départ de cette ville, // fait la
tournée rituelle, la course rituelle, puis se brise un membre, se

280
fait une entorse ou tombe malade et ne peut assister aux stations.
Celui-là est en rupture de sacralisation ipso facto,  et doit
recommencer le pèlerinage plus tard, et offrir une victime.
932Il en est de même pour l’homme qui arrive à la Mekke pour
accomplir la ‘umra  pendant les mois du pèlerinage ; si, après
avoir accomph la ‘umra,  il prononce l’ihlāl  pour le pèlerinage au
départ de la Mekke puis se brise un membre ou est victime d’un
accident qui lui interdit d’assister aux stations avec les autres
[pèlerins], il est en rupture de sacrahsation et doit accomphr par
la suite un autre pèlerinage et sacrifier une victime.
933Quant à ceux auxquels Dieu ordonne : « Si vous êtes
empêchés, [libérez-vous] par ce qu’il vous sera aisé [de sacrifier]
comme offrande ! Ne vous rasez point la tête avant que l’offrande
ait atteint le heu de son immolation ! », ce sont les gens qui ont
eu un empêchement avant d’arriver à la Mekke. La qualification
juridique de ces derniers est différente de celle des habitants de la
Mekke et des gens qui prononcent l’ ihlāl  pour le pèlerinage au
départ de cette ville. En effet, quiconque se brise un membre ou
se fait une entorse en chemin et est incapable de voyager [par ses
propres moyens], ou tombe malade après avoir prononcé
l’ihlāl  pour le pèlerinage, en vertu de sa qualification juridique, ne
peut rompre la sacralisation que lorsqu’il est à la Mekke, et doit
faire un autre pèlerinage l’année suivante. Quant à ceux qui se
brisent un membre à la Mekke, ou ceux qui sont en tamattu‘  et
résident à la Mekke ou près de la Ka‘ba, ils sont en rupture de
sacrahsation et sont tenus d’un pèlerinage dans l’avenir.
***

C. — EXEMPLE DE ḤADĪṮ INFIRMÉ PAR LE RAISONNEMENT


 835 ḤAN. II, 8, 33, etc…

281
934323. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit à
un homme : « Mange avec ta main droite, car le // Démon mange
avec la gauche ! »835.
935Or le Démon est un être spirituel, comme les anges. Comment
peut-il manger et boire, et avoir une main pour prendre (les
choses) ?
 836 BUḪ. 4, 18, 19 = HM I, 71, etc… ; ḤAN. II, 247, 250.

936324. — Réponse : Nous prétendons que Dieu n’a créé nulle


chose sans créer la chose contraire : ainsi, la lumière et les
ténèbres, le blanc et le noir, la soumission et la désobéissance, le
bien et le mal, la perfection et l’imperfection, la droite et la
gauche, la justice et l’injustice. Tout ce qui relève du bien, de la
perfection, de la justice, de la lumière doit être attribué à Dieu,
car Il l’aime et l’a ordonné ; mais tout ce qui relève du mal, de
l’imperfection, des ténèbres doit être attribué au Démon, car c’est
lui qui y incite et y pousse. Dieu a réservé à la main droite la
perfection et l’accomplissement ; Il l’a destinée à la nourriture et à
la boisson, à la salutation et à la préhension. Il a mis dans la main
gauche la faiblesse et l’imperfection, et l’a destinée à l’ablution
après les selles (istinğā’), au curage du nez (istinṯār)  et [en
général] à l’enlèvement des saletés836. Le chemin du paradis est
celui de la droite ; les gens du paradis sont les compagnons de la
droite ; le chemin de l’enfer est celui de la gauche ; les gens de
l’enfer sont les compagnons de la gauche. Dieu a mis le bon
augure en rapport avec la dextre, et le mauvais augure en rapport
avec la sénestre, c’est-à-dire la main gauche. On dit : « Untel est
chanceux ou malchanceux (maymūn — maš’ūm) »  et ces deux
mots sont en rapport avec yamīn  (droite) et šimāl  (gauche).
937324 a. — Lorsqu’il dit que le Démon mange avec sa main
gauche, cela ne peut s’expliquer // que par l’une des deux
raisons suivantes :
282
 837 Cf. Tarbī‘, s. ğadaf,  et par. 76, où il apparaît qu’il s’agit
des génies. Ğadaf désigne soit l’écum (...)

9381°) ou bien il mange réellement, et cet acte ne saurait avoir


heu que par le flair et l’odorat, et non en mâchant et en avalant.
Ceci est rapporté dans un ḥadīṯ  où il est dit que « Leur nourriture
est la rimma  — c’est-à-dire les os — et leur boisson
le ğadaf  —  c’est-à-dire la mousse et l’écume »837. Or ils ne
peuvent en percevoir que les odeurs, et cela leur tient lieu de la
mastication et de l’ingestion des êtres de chair.
939De même, le Démon flaire du côté gauche, et c’est ainsi qu’il
s’associe à ceux qui ne prononcent point le nom de Dieu au
moment du repas, qui ne lavent point leur main, ou qui servent de
la nourriture découverte, de sorte que son caractère bénéfique
(baraka)  et bienfaisant (ḫayr)  s’en vont.
 838 En d’autres termes, le démon ne peut agir
qu’indirectement, par l’intermédiaire d’agents corporels. (...)

940[Dans le même ordre d’idées], le Démon s’associe [aux


hommes] dans leurs biens lorsqu’ils les dépensent pour des
achats illicites ; il s’associe à eux dans leur procréation à
l’occasion de l’adultère838.
9412°) ou bien il s’agit d’une métaphore. Le fait, pour un homme,
de manger // avec sa main gauche symbohserait alors les visées
du Démon sur cet homme, et la séduction qu’il exerce sur lui.
Lorsqu’on dit en parlant de celui qui mange de la main gauche :
« Il mange comme le Démon », on ne veut pas dire par là que le
Démon mange, mais en fait que c’est la manière de manger
préférée par le Démon. De même, lorsqu’on dit que le rouge est la
parure du Démon, cela ne signifie pas que le Démon s’habille de
rouge et se pare de cette couleur, mais seulement que c’est une
parure inspirée par le Démon.

283
942On rapporte de même à propos de l’iqtu‘āt,  qui consiste à
porter un turban sans le passer sous le menton, que c’est le port
de turban du Démon ; cela ne signifie pas que le Démon porte un
turban, mais que c’est le port de turban qu’il préfère et qu’il
recommande.
 839 ḤAN. VI, 439, 464.

943324 b. — De même, lorsque [le Prophète] dit que le flux de


sang accidentel (mustaḥāḍa)  est une impulsion du Démon839 —
le mot rakḍa  est synonyme de daf‘a,  poussée —, cela ne saurait
être interprété que dans l’un des deux sens suivants :
1.
 840 BUḪ. 33, 8, 11, 12 = HM I, 646, 648 ; 93, 21 = HM IV,
510 ; ḤAN. III, 156, 285, 309 ; VI, 337.

ou bien que le Démon donne une « impulsion » à la veine en


question et provoque ce flux sanguin afin de rendre caduque la
prière de la femme en supprimant sa pureté rituelle. Il n’y
aurait rien d’étonnant à ce que celui qui « circule dans l’homme
comme le sang »840 soit en mesure de donner l’impulsion
nécessaire pour faire sortir ce sang ;
2. ou bien cette impulsion est un phénomène naturel qui a été
imputé au Démon par le seul fait qu’il détruit la pureté rituelle,
tout comme on associe au Démon // le fait de manger avec la
main gauche, le port du turban sur la tête sans le faire passer
sous le menton, et enfin la couleur rouge.
 841 Cf. ḤAN. I, 105, 119, etc…

 842 BUḪ. 77, 33 = HM IV, 111 ; ḤAN. I, 71, 81, etc…

944324 c. — Abū Muḥammad dit : D’après Ziyād b. Yaḥyā — Bišr


b. al-Mufaḍḍal — Yūnus — al-Ḥasan, le Prophète a dit : « Le rouge
est la parure du Démon »841. Le Démon aime le rouge, et c’est

284
pourquoi le Prophète détestait les vêtements teints au carthame
pour les hommes842.
945Ibrāhīm dit : « Je porte des vêtements teints au carthame, bien
que je sache que le rouge est l’ornement du Démon ; je porte une
bague en fer, bien que je sache que c’est la parure des gens de
l’enfer ». Il considérait donc le fer comme la parure des gens de
l’enfer, alors que les gens de l’enfer ne portent pas de bijoux. Il
voulait dire seulement qu’au lieu de bijoux, ils portent des
chaînes, des entraves et des fers : le fer est donc leur parure.
 843 Il paraît s’agir d’Ibrāhīm al-Naẓẓām.

946Ibrāhīm agissait ainsi pour se cacher et donner le change sur


ses actes843.
***

CI. — EXEMPLE DE DEUX ḤADĪṮ-S CONTRADICTOIRES


 844 ḤAN. IV, 249, 251, 252.

947325. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit :


« Celui qui applique le cautère ou fait appel à la sorcellerie n’a pas
confiance en Dieu ! »844.
 845 BUḪ. 76, 4 = HM IV, 63.

948Par ailleurs, vous enseignez qu’il appliqua le cautère à As‘ad b.


Zurāra en disant : « S’il y a quelque effet salutaire dans tous vos
remèdes, c’est bien dans la scarification du barbier ou dans la
pointe de feu ! »845.
949Ce ḥadīṯ  est en contradiction avec le premier. //
950326. — Réponse : Nous prétendons qu’il n’y a pas là
contradiction. Chaque ḥadīṯ  a son emploi. S’il est employé à bon
escient, il n’y a plus de divergence.
951Il y a deux sortes de cautérisation :

285
9521°) La cautérisation des tissus sains en vue de les immuniser.
Elle est pratiquée par beaucoup de peuples étrangers ( ‘ağam)  qui
appliquent le cautère à leurs enfants et à leurs jeunes gens sans
qu’ils soient malades. Ils considèrent que cette cautérisation
conserve leur santé et les préserve des infirmités.
 846 Cette anecdote personnelle prouve au moins que
le Muḫtalif  est postérieur à un séjour au Ḫurāsān. L (...)

953Abū Muḥammad dit : J’ai vu au Hurāsān un médecin turc


réputé qui traitait par cautérisation. Il m’a déclaré — par le
truchement d’un interprète — qu’il guérissait par cautérisation la
fièvre, la pleurésie, les vers, la tuberculose, l’hémiplégie et autres
maux graves. Il entreprenait le malade, l’emmaillotait étroitement
pour contraindre le mal à se concentrer en un point du corps, puis
appliquait le cautère à cet endroit et y pratiquait des pointes de
feu. Il cautérisait également // l’individu sain pour le préserver
des infirmités et faire durer sa bonne santé. En outre, il prétendait
faire encore bien d’autres choses, comme provoquer la pluie, faire
naître des nuages hors saison, provoquer le vent et autres
mensonges et sottises particulièrement évidentes. Mais son
entourage y croyait et se portait garant de la véracité de ses
paroles. Nous l’avons mis à l’épreuve sur certaines des choses
qu’il prétendait, mais il n’a voulu en démordre ni peu, ni
prou846.
954Les Arabes avaient la même attitude pendant la Ğāhiliyya. Ils
pratiquaient la même cautérisation sur des chameaux victimes de
la gale (naqba,  synonyme de ğarab)  ou de l’ulcère de la face et
des babines (‘urr).  Ils prenaient le chameau et cautérisaient
l’endroit de la gale ou de l’ulcère pour qu’il guérisse.
955Al-Nābiġa, s’adressant à al-Nu‘mān, y fait allusion en ces
termes :
 847 Ši‘r,  111, sic.
286
« Tu m’as chargé des péchés d’un autre, et lui, tu l’as laissé
[en paix,
comme le chameau affligé d’un ulcère : on en cautérise
[un autre et lui, on le laisse paître librement »847. //
 848 C’est ainsi qu’on pense pouvoir interpréter ici le
mot mawḍi’ (sujet, et non endroit), par référenc (...)

956Or c’est là la pratique que le Prophète condamne en disant :


« Celui qui applique le cautère n’a pas confiance en Dieu ! », car
celui-là pense qu’en appliquant le cautère et en effarouchant la
nature alors que [les tissus] sont sains, il repoussera le décret de
Dieu. S’il avait confiance en Dieu et était persuadé qu’on ne
saurait échapper au décret divin, il ne soignerait pas [un chameau]
en bonne santé et ne cautériserait pas un sujet sain pour guérir
un malade848 !
 849 Contre l’avis de l’éd., on pense pouvoir conserver le texte
« kayyu ‘uḍwin qad qutïa aw ḥasmuhu.  Le (...)

 850 Saqy al-baṭn : hydropisie ; saqy al-badan  :  probablement


dépôt de liquide séreux en n’importe quel (...)

957326 a. — 2°) La seconde sorte de cautérisation consiste à


cautériser une blessure qui s’envenime et dont le sang coule sans
arrêt, ou à cautériser un membre coupé, ou à en cautériser [les
vaisseaux coupés]849, ainsi que la cautérisation des vaisseaux en
cas d’hydropisie ou d’œdème850.
958Ibn Aḥmar raconte comment il a guéri en se soignant : //
 851 Il s’agit d’Ibn Ahmar al-Bāhilī qui, atteint d’hydropisie,
décrit ses souffrances et les soins qui (...)

« J’ai bu de la šukā‘ā,  et j’ai subi des instillations buccales, et j’ai


livré l’extrémité de mes veines aux cautères »851.
 852 BUḪ. 76, 1 ; ḤAN. I, 377, 413 ; III, 156 ; IV, 278, etc…

287
959C’est là le type de cautérisation dont le Prophète vantait l’effet
salutaire. Il appliqua la cautérisation à As’ad b. Zurāra qui
souffrait d’un mal dans la région du cou, et cela n’a rien de
commun avec le premier type de cautérisation. Si quelqu’un se
soigne lorsqu’il est atteint // d’une maladie, on ne dit pas qu’il
n’a pas confiance en Dieu ! C’est pourquoi le Prophète a ordonné
aux hommes de se soigner en disant : « Il y a un remède à chaque
mal »852, non que le remède guérisse infailliblement, mais parce
qu’on l’absorbe en espérant que Dieu rendra la santé par
l’intermédiaire de ce remède ; en effet, Dieu a créé pour chaque
chose une cause instrumentale (sabab).
 853 Coran, XI, 6.

 854 Précisément, le Coran ne contient nulle part le verset en


question sous cette forme. Tous les verse (...)

960326 b. — On peut comparer le cas de la subsistance que Dieu


garantit à ses serviteurs, puisqu’il dit : « Il n’est bête sur la terre
dont la subsistance n’incombe à Dieu »853. Or le Prophète nous a
ordonné de la rechercher et de la gagner en pratiquant un métier,
car Dieu a dit : « Mangez des excellentes [nourritures] que Nous
vous avons attribuées »854.
961On peut comparer encore les précautions que [les hommes]
prennenta contre les dangers, tout en sachant que ces
précautions ne repoussent pas le décret divin ; ou encore la
conservation des biens dans des coffres et derrière des serrures,
alors qu’on sait que ce que Dieu garde ne saurait se perdre, et
que ce que Dieu veut perdre ne saurait se garder.
962On pourrait citer bien d’autres exemples de cas où il ne faut
pas examiner des éléments qui nous échappent, mais [néanmoins]
agir avec résolution.

288
963Le Prophète a dit : « Sois sage et aie confiance [en Dieu] ! » A
un homme qu’il avait entendu dire : « Dieu me suffit ! Je Lui
présente mes excuses ! », il dit : « Si tu ne peux faire une chose,
dis : — Dieu me suffit ! » //
 855 ḤAN. II, 167, 223.

964326 c. — La thériaque est comparable au cautère sous ses


deux formes. Le Prophète a dit : « Je ne veux pas savoir ce qui
m’arriverait si je buvais une thériaque, si je m’attachais une
amulette ou si je disais des vers que j’aurais composés ! »855.
965Les Arabes entendaient parler de la thériaque majeure, qui
existait dans les trésors des rois de Perse et de Byzance, et qui est
un remède des plus efficaces et des plus salutaires pour les maux
graves. Ils décrétèrent que c’était une panacée infaillible, lui
attribuèrent toutes les vertus, et décrétèrent même qu’elle
repoussait la mort pour un temps ; allongeait la vie et préservait
des calamités. Le poète dit en parlant du vin : //
« Elle m’a versé un vin clair, une thériaque,
qui finira bien par assouplir mes jointures ! »
966Il prend donc la thériaque comme symbole de la guérison, et
veut dire : Elle m’a versé un vin capable de me guérir de tous mes
maux, tel une thériaque. Les amants comparent la salive des
femmes à la thériaque, pour dire qu’elle guérit du mal d’amour,
comme une thériaque.
967Ce qui prouve [le caractère suspect de la thériaque majeure],
c’est que le Prophète a assimilé l’absorption de la thériaque avec
l’usage des amulettes. Les amulettes sont des verroteries
(ḫaraz)  multicolores que les hommes de la Ğāhiliyya se mettaient
au cou et aux membres en leur attribuant un pouvoir magique. Ils
pensaient qu’elles évitaient les calamités et prolongeaient la vie.
Le poète a dit :

289
« S’il meurt, Muzayna n’aura plus de succès après lui !
Accroche-lui donc, ô Muzayn ! des amulettes ! »
968C’est-à-dire : Attache à son cou ces verroteries pour qu’elles
le préservent de la mort ! ‘Urwa b. Ḥizām dit :
 856 Ši‘r,  606. Texte : Nağd, variante signalée par
l’éd. : Hağr, comme dans Si‘r.

« J’ai accordé crédit au voyant de la Yamāma


et au voyant de Ḥağr : ils ne m’ont point guéri.
Ils n’ont négligé aucun sortilège qu’ils connussent,
ni aucun calmant (salwa)  qu’ils ne m’eussent fait boire !
Ils ont dit : Que Dieu te guérisse ! Par Dieu, nous sommes
désarmés devant le fardeau que tes côtes doivent sup-
[porter ! »856.
969Le mot salwa  (soulagement) désigne des cailloux dont on
disait que l’eau dans // laquelle ils avaient séjourné consolait et
guérissait l’amoureux.
970Telle est la thériaque que réprouvait le Prophète, si on
l’utilisait dans cette intention et si on lui accordait ces facultés.
Mais si on la boit au même titre qu’un autre remède dont on
espère l’utilité et dont on redoute les inconvénients, tout en
demandant la guérison à Dieu, il n’y a aucun inconvénient, à
condition toutefois que la thériaque ne contienne pas de chair de
serpent. En effet, Ibn Sīrīn réprouvait la thériaque dans la mesure
où elle contenait de la ḥuma,  c’est-à-dire le venin qui existe dans
la chair [des serpents].
 857 ḤAN. V, 211.

971326 d. — Il existe d’ailleurs d’autres sortilèges. Sont répré-


hensibles ceux qui font appel à autre chose qu’à la langue arabe,
aux noms de Dieu, au ḏikr  de Dieu, à la parole de Dieu dans les
Livres [révélés], et dont on croit l’efficacité certaine. Ce sont ces

290
procédés qu’il a voulu désigner en disant : « Celui qui fait appel à
la sorcellerie n’a pas confiance en Dieu ! » Mais il ne faut pas
rejeter tout ce qui ressortit à la prophylaxie par le Coran ou les
noms de Dieu ; c’est pourquoi le Prophète a dit à l’un de ses
Compagnons qui pratiquait la prophylaxie par le Coran
moyennant finances : « Il en est qui perçoivent un salaire pour un
sortilège de fausseté, mais toi, tu as perçu un salaire pour un
sortilège de vérité ! »857.
***

CII — EXEMPLE DE DEUX ḤADĪṮ-S CONTRADICTOIRES SUR


LA [MANIÈRE] DE BOIRE DE L’EAU (sic)
 858 ḤAN. III, 277.

972327. — Proposition : Vous rapportez d’après // Ibn al-Mu-


bārak — Ma‘mar — Qatāda — Anas que le Propdète a interdit à
l’homme de boire debout. Anas lui demanda : « Et manger ? » Il
répondit : « Manger à plus forte raison ! »858.
 859 BUḪ. 74, 16 = HM IV, 43.

973Par ailleurs vous rapportez d’après ‘Abd al-Razzāq — Ma‘mar


— Ayyūb — Nāfi’ — Ibn ‘Umar que le Prophète buvait debout859.
974Il y a là contradiction.
975328. — Réponse : Nous prétendons qu’il n’y a là aucune
contradiction, car dans le premier ḥadīṯ,  il a interdit que l’homme
bût ou mangeât en marchant. En d’autres termes, il convient de
boire et de manger en toute tranquilhté, et de ne pas boire en
marchant, lorsqu’on est pressé, au cours d’un voyage ou d’une
affaire quelconque : on pourrait être frappé de suffocation, ou
d’une coagulation dans la poitrine provoquée par l’eau. Les
Arabes disent : « Lève-toi pour notre affaire ! » non seulement
pour dire « Mets-toi debout ! » mais aussi pour dire : « Marche,
démène-toi pour notre affaire ! » C’est en ce sens qu’ai-A’šā dit :
291
« Il se dresse en justicier dans sa tribu,
et pardonne s’il veut, ou bien se venge ! » //
976Par l’expression : Il se dresse en justicier, il veut dire : Il
poursuit la vengeance et fait tous ses efforts pour la prendre. Il
n’entend nullement : Il se lève et reste immobile.
 860 Coran, III, 75.

977Cette expression est également illustrée par le verset : « Il en


est qui, si tu leur confies un dīnār,  ne te le rendent que lorsque tu
les harcèles »860, c’est-à-dire lorsque tu continues à te rendre
auprès d’eux, à réclamer et à exiger. Il ne faut pas comprendre
« …à rester debout », sans plus.
978Quant au second ḥadīṯ  :  « Il buvait debout », il signifie : sans
marcher ni courir. Il n’y a aucun inconvénient à cela, car on boit
alors en toute tranquilhté, tout comme si l’on était assis.
***

CIII. — EXEMPLE DE DEUX ḤADĪṮ-S CONTRADICTOIRES


SUR LA QUANTITÉ D’EAU QUI PEUT DEVENIR IMPURE
 861 ABĀ DĀWŪD, 1, 34, 35 ; ḤAN. I, 235, etc…

979329. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a déclaré


dans plus d’un ḥadīṯ  :  « Rien ne saurait rendre l’eau impure »861.
 862 ḤAN. II, 12, 23, 26, etc…

980Par ailleurs, vous enseignez qu’il a dit : « Lorsque la quantité


d’eau atteint deux jarres (qulla), elle ne peut devenir
impure »862, ce qui signifie que si la quantité d’eau n’atteint pas
deux jarres, elle peut fort bien devenir impure. Il y a
contradiction.
981330. — Réponse : Nous prétendons qu’il n’y a aucune
contradiction. Le Prophète a dit : « Rien ne saurait rendre l’eau

292
impure » // d’une façon très générale et dans la plupart des cas,
c’est-à-dire dans le cas des puits, et des étangs, lorsqu’il y a
beaucoup d’eau. Il a exprimé cette sentence [générale] comme si
elle était applicable à tous les cas particuliers. C’est comme
lorsqu’on dit : « Rien n’arrête les torrents ! » ; or il en est qui sont
arrêtés par un mur ! On veut dire en ce cas : les torrents
abondants, et non les torrents de faible débit. On comparera aussi
l’expression : « Rien ne résiste au feu ! » Il ne s’agit pas en ce cas
de la flamme de la lampe, qu’un souffle suffit à éteindre, ni d’une
étincelle, mais du feu de l’incendie.
982Après ce premier ḥadīṯ,  parlant des deux jarres, il a distingué
pour nous la quantité d’eau qui ne supporte pas l’impureté de
celle qui est assez importante pour ne pas être souillée par quoi
que ce soit.
***

CIV. — EXEMPLE DE DEUX ḤADĪṮ-S CONTRADICTOIRES


SUR LE PÈLERINAGE
 863 ABŪ DĀWŪD, 11, 23 ; ḤAN. I 280 ; II, 97.

983331. — Proposition : Vous rapportez d’après Ismā’īl b. ‘Ulayya


— Ayyūb — ‘Abd Allāh b. Mulayka — al-Qāsim — que ‘Ā’iša a dit :
« J’ai prononcé l’ihlāl  pour le pèlerinage ! »863.
 864 ABŪ DĀWŪD, 11, 23 (p. 285, milieu).

984‘Abd Allāh dit : « Mais ‘Urwa m’a rapporté qu’elle a dit : — J’ai
prononcé l’ihlāl  pour la ‘umra  !  »864.
 865 Ibid. ; cf. BUḪ. 25, 31, 33 = HM I, 505, 506.

 866 BUḪ. 25, 33, 34 = HM I, 506 sqq.  Le mot « offrande »


désigne les victimes destinées au sacrifice.

293
985332. — Réponse : Nous prétendons que ces deux ḥadīṯ-s  ont
chacun leur explication, si toutefois il n’y a aucune erreur de la
part d’al-Qāsim ou de ‘Urwa. En effet, les Compagnons du //
Prophète arrivèrent à la Mekke après avoir prononcé
la talbiya  pour le pèlerinage. Le Prophète leur ordonna de faire la
tournée et la course rituelles, puis de se désacraliser et d’en faire
une ‘umra.  Ainsi, les hommes se désacralisèrent et se trouvèrent
en tamattu‘865. Le Prophète dit : « Si je n’avais avec moi [les
bêtes destinées à] l’offrande, je me désacraliserais »866.
 867 Cette affaire a donné lieu à une prolifération de ḥadīṯ-
s, considérable dont on trouvera les référe (...)

986Abū Ḏarr disait : « Cela constitua la disjonction du pèlerinage,


pour eux en particulier. » C’est ce que pensent beaucoup de
juristes. On peut admettre que ‘Ā’iša ait d’abord prononcé
l’ihlāl  pour le pèlerinage, puis ait dit à al-Qāsim : « J’ai prononcé
l’ihlāl  pour le pèlerinage, puis je l’ai disjoint et en ai fait une
‘umra  ! » Ainsi, elle aurait fort bien pu dire à ‘Urwa : « J’ai
prononcé l’ihlāl  pour la ‘umra  ! » Elle aurait eu raison dans les
deux cas, car le pèlerinage pour lequel elle avait prononcé
l’ihlāl  était devenu une ‘umra  sur l’ordre du Prophète867.
***

CV. — EXEMPLE DE HADĪT INFIRMÉ PAR LE


RAISONNEMENT
 868 On n’a pas trouvé ce ḥadīṯ sous cette forme, mais il est
question de la réalité du mauvais œil dans (...)

 869 Cf. BUḪ. 76, 35 = HM IV, 78.

987333. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit :


« Le mauvais œil va presque plus vite que le décret divin »868. En
outre, on lui amena les deux fils de Ğa’far b. Abī Ṭālib, qui étaient
malingres. Il demanda : « Pourquoi sont-ils si malingres ? » On lui

294
répondit : « Le mauvais œil s’est jeté sur eux ! » Il ordonna :
« Désenvoûtez- // les ! »869.
988Or, dans plus d’un ḥadīṯ,  il a interdit les pratiques de
sorcellerie. Comment l’œil peut-il agir à distance, au point de
rendre malade ou infirme ? Voilà qui est inimaginable et ne résiste
pas à la réflexion !
989334. — Réponse : Nous prétendons que cela est imaginable et
résiste à la réflexion, tant du point de vue de la religion que du
point de vue de la falsafa, dont ils se satisfont et à laquelle ils
ramènent tout.
990Les hommes diffèrent par leur tempérament. Il en est dont
l’œil est nuisible lorsqu’il frappe quelque chose, et il en est dont
l’œil est inoffensif. Il en est dont la morsure est aussi nuisible que
celle du chien enragé, ou que celle du serpent, qui sont fatales. Il
en est qui ne souffrent pas d’une piqûre de scorpion : c’est le
scorpion qui crève !
991334 a. — On amena à al-Mutawakkil un nègre originaire du
désert qui mangeait les vipères vivantes ; il commençait par les
mordre du côté de la tête. Il mangeait aussi les belettes vivantes
en commençant par les mordre // du côté de la tête.
992On lui amena un autre qui mangeait des braises ardentes, tout
comme l’autruche mâle, sans que cela le piquât ou le brûlât.
 870 Voir la note 1044.

 871 Tarbī’,  s.v., ١١٩, sorte d’aconit. L’éd. disposait de deux


leçons : bīš  (2 ms.) et tinnīn (dragon, (...)

993Les bédouins pauvres qui vivent loin des campagnes mangent


des serpents et toutes sortes de bestioles qui rampent ou se
traînent. Il en est qui mangent les geckos870, dont la chair est
encore plus vénéneuse que celle des vipères, ainsi que du bīš871.

295
994Abū Zayd cite les vers suivants :
« Par Dieu, si je lui étais sincèrement soumis,
je serais un esclave qui mange des lézards ! »
995Il nous apprend dans ce vers que les esclaves [noirs] mangent
du lézard.
996Comment n’existerait-il pas parmi les hommes des gens qui
portent en eux quelque venin ou quelque vertu nuisible, et qui,
lorsqu’ils portent les yeux sur un objet qui leur plaît, véhiculent
par leur regard une vertu de cette // sorte ou un venin qui se fixe
sur l’objet et le rend malade ?
997L’auteur de la Logique  prétend qu’un homme ayant frappé un
serpent avec un bâton, ce fut l’homme qui mourut. Il dit aussi
qu’il existe des vipères qui tuent un homme rien qu’en le
regardant ; et d’autres qui tuent un homme rien qu’en émettant
un certain son. Telle est l’opinion des amateurs de falsafa  !
998En outre, on nous a rapporté d’après al-Naḍr b. Šumayl
qu’Abū Ḫayra a dit : « Le serpent dit abtar  est vif, bleu, a la queue
tronquée et fuit tout le monde. Nul ne le voit sans en mourir ;
toute femme enceinte qui le regarde perd son enfant. C’est le
Démon des serpents ! » C’est là une description qui concorde avec
celle de l’auteur de la Logique. Il est clair que si ce serpent tue à
distance, c’est parce que son regard véhicule dans l’atmosphère
un venin qui se fixe sur l’objet qu’il atteint. De même, celui qui
tue rien qu’en émettant un son véhicule au moyen de sa voix un
venin qui pénètre dans l’oreille et dont l’effet est mortel.
999334 b. — Al-Aṣma‘ī cite un cas analogue à propos du mauvais
œil. On m’a rapporté directement de sa bouche // l’anecdote
suivante : « Je connais un homme doué du mauvais œil. On
invoqua [Dieu] contre lui, et il devint borgne. Il disait : — Lorsque

296
je vois un objet qui me plaît, je sens de la chaleur sortir de mon
œil ! »
1000Il existe un phénomène analogue : c’est le cas de la femme
indisposée qui s’approche d’un récipient de lait qu’elle veut
battre. Elle a beau avoir nettoyé ses mains et ses vêtements, le lait
tourne. Ceci est bien connu et ne saurait s’expliquer que par un
effluve qui émane d’elle et atteint le lait. [Cette même femme], en
pénétrant dans un verger, peut faire du tort à beaucoup de
plantes qui s’y trouvent sans les toucher. Une pâte qui lève peut
retomber dans une pièce où il y a un melon. Celui qui égrène une
coloquinte, qui pile de la moutarde ou découpe des oignons a les
yeux qui pleurent. Il arrive qu’un homme regarde un œil rouge, et
que son œil à lui se mette à pleurer, voire à rougir. Cela ne saurait
être imputable qu’à un effluve émanant de l’œil malade qui
l’atteint en traversant l’atmosphère. //
1001Lorsqu’un homme baille, les autres baillent souvent aussi. Les
Arabes disent : « Plus rapide qu’une épidémie de baillement ».
Bien souvent, les sorciers circonviennent [leur client] en baillant :
ils baillent eux-mêmes, et provoquent ainsi son baillement. A
force de répéter ce stratagème, ils persuadent le malade que c’est
l’effet du sortilège, et que cela libère la maladie.
 872 On a déjà vu (§ 143 sqq.) que la contagion était
incompatible avec le déterminisme.

1002Lorsque dans une maison où vivent plusieurs enfants l’un


d’eux attrape la variole, il arrive que les autres l’attrapent
également. La seule explication est que quelque chose se détache
du malade et traverse l’atmosphère pour aller frapper l’individu
non encore contaminé. Cela n’a rien de commun avec la
contagion (‘adwā)  : c’est un venin qui se transmet de l’un à l’autre
et relève authentiquement du mauvais œil872.

297
 873 C’est le jeteux de sort, qui est de tous les temps et de tous
les pays.

1003Les bédouins prétendent que le possesseur du mauvais œil


tue qui il veut, rend infirme qui il veut avec son œil ; et que s’il se
poste sur le chemin qui conduit les troupeaux à l’abreuvoir, il
peut frapper de son œil et tuer n’importe quelle bête873. Mais
cela est faux. //
 874 Coran, LXVIII, 51. Trad. BLACHÈRE : « te perceront de leur
regard ».

1004A propos du verset : « En vérité, ceux qui sont incrédules,


ayant entendu cette Édification, te feront glisser par leurs
regards »874, al-Farrā’ affirme que cela signifie : Ils te jetteront
le mauvais œil, c’est-à-dire : Ils te frapperont de leur œil, comme
certains frappent les chameaux qui reviennent du point d’eau. A
mon avis, son interprétation n’est pas la bonne. Le sens est : Ils te
regarderont avec inimitié et hostilité, d’un regard qui te ferait
presque faire un faux pas, tant il est mauvais.
1005J’en veux pour preuve les vers du poète :
 875 On croit pouvoir adopter yuzillu au lieu de yuzīlu (de
même à la ligne suivante), en raison du cont (...)

« Ils échangent, lorsqu’ils se rencontrent dans un campement, un


regard qui ferait glisser les pieds sur le sol ! »875. C’est-à-dire :
qui ferait presque glisser les pieds sur le sol à cause de sa dureté
et de sa méchanceté. C’est le regard de l’ennemi plein de haine.
 876 Coran, XLVII, 20.

 877 Coran, LXXV, 7. Toutefois, la Vulgate porte bariqa et


justifie la trad. BLACHÈRE « Quand la vue ser (...)

1006On dit : « Il m’a regardé de travers » ou « Il m’a regardé //


fixement » ou « Je lui ai lancé un regard perçant ». On comparera

298
le verset : « Ils te regardent comme s’ils étaient tombés
morts »876, parce que celui qui est tombé mort a le regard fixe
et ne cille pas. Dieu a dit : « Quand le regard lancera des éclairs »
— si on lit baraqa  comme certains, c’est-à-dire que le regard sera
éclatant877.
1007Si ce que les bédouins affirment dans cet ordre d’idées était
exact, ils pourraient tuer ou rendre infirme qui bon leur
semblerait. Or Dieu n’a donné ce pouvoir à personne.
 878 L’éd. signale que ce paragraphe ne figure que dans un seul
ms., et manque dans les autres. Il se po (...)

1008334 c. — Je crois savoir que l’individu doué du mauvais œil,


et redoutant d’en frapper une personne qui lui plaît [doit ?] le faire
accompagner de la formule de bénédiction et d’une invocation ; le
Prophète a dit : « Si quelqu’un d’entre vous a de l’amitié pour son
frère, qu’il prononce sur lui la formule de bénédiction »878.
1009Tout ce dont on est sûr à propos du mauvais œil est que celui
qui en est doué a la faculté d’en frapper un objet qui lui plaît ou le
charme, afin que cet objet lui appartienne de ce fait. C’est
pourquoi on appelle [aussi] le mauvais œil // nqfs  (âme), car il
agit en relation avec l’âme.
 879 HAN. III, 118 ; cf. BUḪ. 76, 17 = HM IV, 67.

1010Le ḥadīṯ  dit : « Pas de sortilège, sauf contre le mauvais œil, les


bêtes venimeuses, les furoncles et l’âme » — qui est donc
synonyme de mauvais œil879. Le mot huma  désigne les serpents,
les scorpions et autres bêtes venimeuses. Le mot namla  désigne
des abcès qui sortent sur les flancs.
1011Le Prophète a dit au guérisseur (?) : « Enseigne donc à Hafsa le
sortilège [contre] les furoncles, l’âme et le mauvais œil ».
 880 Voir § 172 a.

299
1012Ibn ‘Abbās a dit : « Les chiens sont des ḥinn-s  (c’est-à-dire
des génies inférieurs) ; s’ils viennent à vous pendant le repas,
jetez-leur à manger, car ils ont des âmes »880, c’est-à-dire : ils
ont des yeux qui peuvent nuire aux gens qui mangent. //
***

CVI. — EXEMPLE DE DEUX ḤADĪṮ-S CONTRADICTOIRES


SUR LES VENTES
 881 BUḪ. 34, 108 = HM II, 53 ; ḤAN. III, 310, 380, etc…

1013335. — Proposition : Vous rapportez d’après Ḥammād —


Qatāda — al-Ḥasan — Samura que le Prophète a interdit la vente à
terme d’un animal pour un autre881.
 882 On n’a pas retrouvé ce ḥadīṯ.

1014D’autre part, vous rapportez d’après Muḥammad b. Isḥāq —


Yazīd b. Abī Ḥabīb — Muslim b. Ğubayr — Abū Sufyān — ‘Amr b.
Ḥarīš — ‘Abd Allāh b. ‘Amr que le Prophète ordonna à ce dernier
d’équiper une troupe. Les chameaux de l’aumône étant épuisés, il
lui ordonna de réquisitionner (aḫada)  un chameau pour deux à
verser au troupeau de l’aumône882.
1015Cela est en contradiction avec le premier ḥadīṯ.
 883 ḤAN. II, 189.

1016336. — Réponse : Nous prétendons qu’il n’y a aucune


incompatibilité entre ces deux ḥadīṯ-s,  grâce à Dieu. Le premier
interdit la vente à terme d’un animal pour un autre. En effet, il est
illicite d’acheter un objet qui n’est pas aux mains du vendeur, car
le Prophète l’a interdit883. C’est ce qu’on appelle la vente sur
description (muwāsafa).  Or si l’on vend à terme un animal pour un
autre, on verse le prix d’un objet qui n’est pas aux mains de
l’autre partie ; c’est donc illicite.

300
1017336 a. — Dans le second ḥadīṯ,  le Prophète ordonne de
réquisitionner un chameau pour deux à verser au troupeau de
l’aumône. Il s’agissait d’un prêt (salaf).  // La Sunna  relative au
prêt (salaf)  le définit comme le versement anticipé d’espèces, d’or
ou d’animaux contre de la nourriture, des dattes ou des animaux
dans des conditions déterminées et à terme préfixé, étant
entendu que le montant du remboursement n’est pas
actuellement aux mains de l’emprunteur, qui est tenu de le verser
à l’échéance. Ainsi, la qualification juridique du prêt est différente
de celle de la vente. En effet, si, lors de la vente, il est illicite
d’acheter un objet qui n’est pas aux mains de l’autre partie au
moment du contrat, en ce qui concerne le prêt, il était (sic)  licite
de verser le montant du prêt contre des valeurs ne se trouvant pas
aux mains de l’autre partie au moment de l’emprunt.
 884 Ḥiqq,  pl. ḥiqāq : chamelle de trois ans révolus (Lisān,  XI,
338) ; ğaḏā‘,  pl. ğiḏā‘ : chamelle de q (...)

 885 On peut se demander si telle est bien la question. En effet,


le libellé du ḥadïṯ  de la note 3, p. 3 (...)

1018Étant donné que les chameaux étaient épuisés, le Prophète


ordonna [à ‘Abd Allāh b. ‘Amr] d’emprunter un chameau jeune,
grand et fort pour deux chameaux de l’aumône, de quatre ou cinq
ans884, impropres à la guerre et au voyage. Il se pouvait qu’un
seul chameau jeune et fort valût mieux que deux, trois ou quatre
chameaux de l’aumône885.
***

CVII. — EXEMPLE DE DEUX ḤADĪṮ-S CONTRADICTOIRES


SUR LES MENSTRUES
 886 BUḪ. 6, 5 = HM I, 112 ; BUḪ. dit fawr  au lieu de fawḥ. Il
semble qu’il faille distinguer la mubāšar  (...)

301
1019337. — Proposition : Vous rapportez d’après Garīr — al-
Šaybānī — ‘Abd al-Raḥmān b. al-Aswad — son père que ‘Ā’iša //
a dit : « Au plus fort de nos menstrues, le Prophète nous faisait
revêtir un izār,  puis nous approchait. Lequel d’entre vous est
capable de maîtriser son désir comme le faisait le
Prophète ? »886.
 887 Ce ḥadīṯ  ne paraît pas avoir été retenu.

1020D’autre part, vous rapportez d’après ‘Abd al-‘Azīz b. Mu-


ḥammad — Abū l-Yamān — Umm Ḏarra que ‘Ā’iša a dit :
« Lorsque j’avais mes menstrues, je descendais du lit et
m’installais sur la natte. Nous n’approchions le Prophète ni de
près, ni de loin avant d’être pures »887.
1021Il y a contradiction.
 888 BUḪ. 6, 5 = HM I, 112 ; ḤAN. VI, 336, etc…

1022338. — Réponse : Nous prétendons que le premier hadït  est


le bon. Il est rapporté par Šu‘ba — Mansūr — Ibrāhim — al-Aswad
— ‘Ā’iša. Elle déclare : « Lorsque l’une de nous avait ses
menstrues, le Prophète lui ordonnait de revêtir l’ izār,  puis il
couchait avec elle »888. Cet isnād  est différent de l’isnād  Abū 1-
Yamān — Umm Darra — ‘Ā’iša. Il est inconcevable que ‘Ā’iša
déclare tantôt « Je l’approchais pendant les menstrues », tantôt
« Je ne l’approchais pas // pendant les menstrues, je descendais
du lit, m’installais sur la natte et ne l’approchais pas avant d’être
pure ». L’une de ces informations doit être un mensonge, et un
menteur ne se démentit pas. Comment dès lors soupçonner une
personne sincère, bonne et pure ? Il n’y a nul vice, nulle faiblesse
et nulle contravention à une tradition normative ou à une
prescription révélée dans la fréquentation d’une femme qui a ses
menstrues, lorsqu’elle revêt l’izār.

302
1023Seuls les Mages réprouvent ce procédé de la part d’une
femme qui a ses menstrues, ainsi que d’autres pratiques
analogues.
***

CVIII. — EXEMPLE D’UN ḤADĪṮ INFIRMÉ PAR LE


RAISONNEMENT
 889 ḤAN. IV, 10.

1024339. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit :


« Le rêve reste sur la patte d’un oiseau tant qu’il n’est pas
interprété. Lorsqu’il est interprété, il se réalise »889.
1025Comment le rêve peut-il rester sur la patte d’un oiseau ?
Comment peut-il être en retard sur l’événement qu’il annonce ou
dont il avertit dans la mesure où son interprétation est elle-même
en retard, et se réalise dès qu’il est interprété ? Ceci tendrait à
prouver que si le rêve n’est pas interprété, il ne se réalise point.
1026340. — Réponse : Nous prétendons que c’est là une façon de
parler chère aux Arabes. Lorsqu’une chose n’est pas fixée, ils
disent qu’elle est « sur la patte d’un oiseau » ou « entre les griffes
d’un oiseau » ou « sur la corne d’une gazelle », ce qui signifie que
cette chose n’est // ni tranquille, ni stable. Quelqu’un a dit,
parlant d’al-Ḥağğāğ b. Yūsuf :
« On dirait que mon cœur est entre les griffes d’un oiseau
planant bien haut dans l’infini du ciel, effrayé,
Pour éviter un homme dont je savais que
lorsqu’il menaçait de faire le mal, il disait vrai. »
1027Al-Marrār dit en parlant d’un désert qui faisait battre le cœur
des guides, tant ils le redoutaient :
« On dirait que les cœurs des guides de ce désert
étaient attachés aux cornes des gazelles ! »

303
1028C’est-à-dire qu’ils sautaient et battaient comme s’ils avaient
été attachés aux cornes des gazelles, car les gazelles ne sont
jamais en repos, et donc ce qui est sur leurs cornes.
1029Imru’al-Qays a dit :
« En vérité, c’est comme la journée que j’ai vécue à Qidār, où mes
compagnons et moi avions l’impression d’être sur [la corne d’une
gazelle grise. » //
1030C’est-à-dire : Nous n’étions ni stables, ni tranquilles, et on
aurait dit que nous étions sur la corne d’une gazelle.
1031340 a. — Il en est de même pour le rêve. Lorsqu’on dit qu’il
est sur la patte d’un oiseau tant qu’il n’est pas interprété, on veut
dire qu’il plane dans l’atmosphère jusqu’à ce qu’on l’interprète ;
dès qu’il est interprété, il se réalise.
 890 Coran, XII, 43.

1032On n’entend d’ailleurs point par là qu’il se réahse


conformément à l’interprétation de n’importe qui. Il s’agit du
spécialiste, de celui qui tombe juste avec l’assistance de Dieu.
Comment le profane qui fournit des interprétations erronées
pourrait-il être considéré comme un « interprète » des rêves,
puisqu’il se trompe et reste bien loin [de la vérité] ? On ne saurait
considérer comme « interprète » des rêves que celui qui ne se
trompe pas. Dieu a dit : « …si vous interprétez les rêves »890,
c’est-à-dire : Si vous êtes capable de les interpréter.
 891 Ainsi pense-t-on pouvoir interpréter l’expression fi-l-ḥīn
ba‘d al-ḥīn.  On pense entre autres aux d (...)

1033Le Prophète n’a pas voulu dire non plus que n’importe quel
rêve s’exphque ou s’interprète, car la plupart sont des
hallucinations. Il en est qui sont dus à l’emprise du tempérament,
d’autres qui sont des entretiens intimes, d’autres enfin qui sont

304
inspirés par le Démon. Le seul rêve [constituant une vision]
authentique est celui qu’apporte l’ange des visions et qui provient
de l’Archétype de l’Écriture, et cela à plusieurs reprises891.
 892 BUḪ. 91, 26 = HM IV, 461 ; ḤAN. II, 269, 395.

1034340 b. — Abū Muḥammad dit : D’après Yazīd b. ‘Amr b. al-


Barā’ — ‘Ubayd Allāh b. ‘Abd al-Mağīd al-Ḥanafi — Qurra b. Ḫālid
— Muḥammad b. Sīrīn — Abū Hurayra, le Prophète a dit : « Il y a
trois sortes de rêves : le rêve euphorique, qui vient de Dieu ; le
cauchemar, // qui vient du Démon ; le rêve où l’homme se voit en
train de s’entretenir seul à seul avec lui-même pendant son
sommeil »892.
1035D’après Sahl b. Muḥammad — al-Aṣma‘ī — Abū l-Miqdām (ou
Qurra b. Ḫālid) a dit : « J’étais en compagnie d’Ibn Sīrīn alors
qu’on l’interrogeait sur les rêves. J’évalue à un sur quarante le
nombre des rêves qu’il interprétait » — je ne sais plus s’il a
dit aḥzūhu  (je conjecture) ouaḥzūhu  (j’évalue).
1036C’est donc bien le rêve [constituant une vision] authentique
qui plane jusqu’à ce qu’il soit interprété par un homme expert en
raisonnement analogique qui connaît bien les principes
méthodologiques (usūl)  [régissant l’interprétation des songes] ; et
qui bénéficie de l’assistance divine. Dès lors qu’il a été interprété
par un [tel spécialiste], il se réalise conformément à son
interprétation.
***

CIX. — EXEMPLE D’UN ḤADĪṮ INFIRMÉ PAR LA


SPÉCULATION
 893 BUḪ. 19, 18 = HM I, 373 ; 77, 43 = HM IV, 114.

1037341. — Proposition : Vous enseignez que le Prophète a dit :


« Entreprenez les œuvres dont vous êtes capables, car Dieu ne se
lasse pas tant que vous ne vous lassez pas »893.
305
1038Vous prétendez donc que Dieu se lasse lorsqu’ils se lassent !
Or Dieu ne saurait se lasser ni se fatiguer en aucun cas.
1039342. — Réponse : Nous prétendons que si l’interprétation
qu’ils suggèrent était retenue, ce serait une grave et pernicieuse
erreur. Mais le Prophète a voulu dire : Dieu ne se lasse pas lors
même que  vous vous lassez ! On rapprochera de cela l’expression
courante : // « Ce cheval ne faiblira pas tant que la cavalerie ne
faiblira pas », ce qui ne signifie pas qu’il faiblira en même temps
qu’elle. Si tel était le sens, le cheval en question n’aurait aucune
supériorité sur [le reste de] la cavalerie, puisqu’il faiblirait en
même temps qu’elle. Cela signifie en réalité que ce cheval ne
faibht pas lors même que  la cavalerie faiblit.
1040On dit de même à propos d’un homme éloquent, prolixe et
intarissable : « Untel ne s’interrompt pas tant que ses
contradicteurs ne s’interrompent pas », c’est-à-dire : Il ne
s’interrompt pas lors même que les autres s’interrompent. Si l’on
voulait dire qu’il s’interrompt en même temps qu’eux, cette
expression ne lui confèrerait aucun mérite par rapport aux autres,
et il ne serait digne d’aucune louange.
 894 Cette notation est à ajouter au dossier de Ḫalaf al-Aḥmar,
qui est déjà bien compromettant. Cf. BLA (...)

1041Une expression exactement semblable existe dans des vers


attribués au neveu de Ta’abbata Šarran — bien que certains
prétendent qu’ils sont dus à Halaf al-Ahmar894 :
« Hudayl a enduré les entreprises d’un brave
qui ne se lassera pas de nuire tant qu’ils ne se lasseront
[pas ! »
1042Il ne veut pas dire qu’il se lassera de nuire lorsqu’ils en seront
las. Si tel était le sens, le héros n’aurait aucun mérite, puisqu’il

306
serait sur le même pied qu’eux. Il veut dire en fait qu’ils se
lasseraient de nuire, mais que lui ne s’en lasserait pas.
NOTES
1 On a complété les sous-titres en fonction des divers critères
utilisés dans ce chapitre. Voir notre Introduction.

2 ḤAN. I, 272 ; VI, 441 ; cf. III, 127 ; V, 135.

3 Coran, VII, 172.

4 Coran, VII, 11.

5 Voir Ši‘r,  592-593 où cette anecdote est développée.

6 Allusion à Coran,  XXIII, 13-14.

7 Allusion à Coran,  LXXI, notamment 23 et 25.

8 BUḪ. 4, 12, 14 = HM I ; 69, 70 ; ḤAN. III, 12, 13 ; V, 300, etc…

9 BUḪ. 4, 11 = HM I, 69 ; 8, 29 = HM I, 149 ; 57, 4 = HM II, 386.

10 Amr wa nahy,  c’est-à-dire de l’éthique bien plus que du droit


proprement dit.

11 BUḪ. 77, 40 = HM IV, 113 ; ḤAN. I, 321, etc…

12 TIR, 22, 35.

13 ḤAN. IV, 196 ; VI, 136, 192, 213.

14 BUḪ. 4, 60-62 = HM I, 91 ; 46, 27 = HM II, 151 ; ḤAN. IV, 246 ;


V, 382, 394, etc…

15 Ibid.

16 Lisān,  IX, 181 = Tāğ,  V, 149 : subāṭa =  dépôt d’ordures


ménagères, de balayures.

307
17 Lisān,  XI, 151 (où ce ḥadīṯ  est reproduit) : ‘asīb,  « salarié de
basse classe », ou « esclave ».

18 Coran,  IV, 24.

19 Coran,  II, 178.

20 Coran,  IV, 77.

21 Coran,  V, 45.

22 ḤAN. II, 151 ; V, 409 ; VI, 162.

23 ḤAN. V, 11, 12, 18, 19.

24 ABŪ DĀ’ŪD, 38, 7 ; MĀLIK, 43, 3 ; cf. aussi ḤAN. V, 19.

25 Ibid.,  et TIR. 14, 16.

26 ḤAN. II, 136, 166, 191, 211, 214, ; IV, 93, 95, etc…

27 BUḪ. 86, 4 = HM IV, 376 ; cf. ḤAN. I, 125, 130.

28 Cf. ḤAN. V, 325.

29 BUḪ. 60, 11 = HM II, 486 ; ḤAN. II, 326.

30 BUḪ., ibid.  et 60, 19 = HM II, 491 ; ḤAN. II, 326, 332, 350.

31 BUḪ. 60, 11 = HM II, 486.

32 Coran,  II, 260.

33 ḤAN. I, 215, 271.

34 Cf. Exode,  32, 1-20.

35 Coran,  XI, 80.

36 Cf. Coran,  XI, 77 sqq.

308
37 Qui pussent lui apporter leur appui le cas échéant.

38 Cf. Coran,  XII, 31.

39 ḤAN. III, 322, 345, 379, 384.

40 On rappelle ici que le K. Muḫtalif al-ḫadiṯ  a été rédigé entre
256/869 et 270/883.

41 Cf. supra,  § 40 g 37 e.

42 Aḥtā’at istuka l-ḥafra…  Métaphore triviale pour dire : « Tu n’y


as rien compris ! »

43 L’éd. signale trois leçons : rağā’  (espérance) ; raḥā’  (vie


aisée) ; dağğāl  (Antéchrist). On a retenu rağā’,  que confirme ḤAN.
I, 93. Toutefois ḤAN. I, 140 porte raḫâ’.  Cf. aussi ḤAN. II, 88, 121,
131.

44 On n’a pas retrouvé cette variante du ḥadīṯ  de l’année cent.

45 BUḪ. 59, 4 = HM II, 425.

46 En l’occurrence informateur d’Abū Salama.

47 Cf. ḤAN. II, 207.

48 On n’a pas retrouvé ce ḥadīṯ.  On soupçonne qu’il serait


possible de le découvrir dans la rubrique nār  des Concordances
et Indices,  dont malheureusement nous ne disposons pas.

49 BUḪ. 9, 9 = HM I, 190 ; ḤAN. II, 229, 266 ; III, 52, etc…

50 Allusion à Coran  LII, 6. On peut se demander s’il convient ici


d’adopter la trad. BLACHÈRE (« la mer portée à ébullition ») qui ne
paraît pas convenir dans ce contexte. Le premier sens
de masģūr  signalé par BAYḌĀWĪ, 694, est mamlū’  (rempli »). Il

309
semble y avoir une allusion aux phénomènes naturels
permanents, peut-être tout simplement les marées.

51 Coran,  II, 24 ; cf. aussi LXVI, 6.

52 BUḪ. 76, 19, 43, 54 = HM IV, 62, 82, 89 ; ḤAN. I, 174, 180… ; II,
152, etc…

53 En effet, la plupart des ḥadīṯ-s  disent : «  Qui  (man) a infecté le


premier ? ». Notamment BuḪ. 76, 25, 53 = HM IV, 72, 88 ; ḤAN. I,
269, II, 24.

54 BUḪ. 76, 53, 54 — HM IV, 88, 89 reproduit une discussion


entre Abū Salama et Abū Hurayra qui citait justement des
deux ḥadīṯ-s contradictoires. Ḥan. II, 406, 434, 455.

55 BUḪ. 76, 19 = HM IV, 69 ; ḤAN. II, 443.

56 BUḪ. 56, 47 = HM II, 302 ; 67, 18 = HM III, 554 ; 76, 43 = HM


IV, 82 ; ḤAN. I, 174, 180 ; II, 8, 36, 85… ; V, 335, 338, etc…

57 BUḪ. 76, 30, 36 = HM IV, 74, 76 ; 90, 13 = HM IV, 445 ; ḤAN.


173 ; IV, 177 ; V, 200.

58 BUḪ. 76, 53 = HM IV, 88. Il semble que les trois ḥadīṯ-s  sur la


gale des chameaux, la promiscuité des individus sains et malades,
et le caractère funeste de la femme, de la maison et des animaux
de selle n’en font qu’un en réalité. Les deux premiers sont réputés
transmis par Abū Salama d’après Abū Hurayra. Or Abū Salama
ajoute après le second  (et non après le troisième  comme on
pourrait l’attendre d’après ce passage d’Ibn Qutayba) : « Abū
Hurayra renia alors le premier ḥadīṯ  ;  nous lui dîmes : N’es-tu pas
transmis qu’il n’y a pas de contagion ? Alors, il se mit à
baragouiner quelque chose en abyssin ». Abū Salama ajoute : « Je
ne sache pas qu’Abū Hurayra ait jamais oublié un autre ḥadīṯ  que
celui-là ! ».
310
59 Coran,  LVII, 22.

60 ABŪ DĀWŪD, 27, 24 ; MĀLIK, 54, 23.

61 Ces vers seraient dûs à AL-RAQQĀS AL-KALBĪ ; Tāğ,  X, 397.

62 Lisān,  IV, 236 = Tāğ,  X, 397 ; wāq = surad.  Cf. Tarbī’, s.


surad.

63 Tāğ,  X, 397, où ces vers sont également attribués à AL-


MURAQQIŠ.

64 Ce ḥadīṯ  ne paraît pas avoir été retenu par les compilateurs.

65 Cf. BUḪ. 78, 107 sqq. =  HM IV, 201 sqq.  Sur le fa‘l,  cf. BUḪ. 76,


43, 44 = HM IV, 82, 83 ; ḤAN. I, 257 ; III, 118 etc…

66 Ce mot, qui signifie « en bonne santé », est aussi un nom
propre courant.

67 Ce mot, signifiant « celui qui trouve », est l’un des noms de
Dieu (Lisān, IV, 408), ce qui paraît exclure son emploi comme nom
de personne. On peut supposer que notre malade ou notre
chercheur entend par hasard appeler un autre homme, ou
invoquer Dieu.

68 Cf. BUḪ. 70, 30 = HM III, 669 ; ḤAN. IV, 397,


etc… ; SUYŪṬĪ, Ğāmi‘,  119.

69 SUYŪṬĪ, Ğāmi‘,  119.

70 Le ḥadīt  se trouve dans Tāğ,  X, 282, et


dans SUYŪṬĪ, Ğāmi‘,  118.

71 Fils du Feu.

72 Fils des Incendiaires ( ?)

311
73 Fils de l’Adultère.

74 Fils de la Tristesse. Cf. BUḪ. 78, 107 = HM IV, 201.

75 BUḪ. 9, 9 = HM I, 190 ; ḤAN. II, 229, 266 ; III, 52 etc…

76 Cf. Lisān,  VIII, 35 ; Cf. BUḪ. 9, 11, 21 = HM I, 191, 199 ; 10,


104 = HM I, 256 ; ḤAN. I, 23, 210, III, 80, etc…

77 Ibid.

78 On n’a pas retrouvé ce ḥadīṯ.

79 BUḪ. 8, 1 = HM I, 133 ; 25, 76 = HM I, 527 ; 59, 6 = HM II,


428 ; 60, 5 = HM II, 467 ; 63, 42 = HM III, 37 ; 97, 37 = HM IV,
630 ; ḤAN. III, 121, 149, 288 ; IV, 207 ; V, 122, 139 etc…

80 Ibn Qutayba prend ici nettement position sur le problème de la


généalogie yéménite. On sait qu’il est douteux que Qaḥṭān puisse
être assimilé au Yaqṭan biblique. Voir EI,  II, 669,
s. Kaḥṭān.  Cf. Tarbī‘,  § 41, où le problème est posé.

81 Sur certains de ces points, voir Lévitique,  notamment 3, 12,


15, 20… Sur d’autres notamment la répudiation, Ibn Qutayba
semble annexer les dispositions de la loi hébraïque un peu à la
légère. Cf. VIGOUROUX, Dictionnaire de la Bible,  V, 1051.

82 Ši‘r,  222, où Ibn Qutayba commente : « Le témoin de Dieu,


c’est l’ange auquel il était confié ; ceci montre la foi des Arabes
dans les deux anges, résidu de la religion d’Ismaél ».

83 Ou en tout cas avant que l’Islam ne se fût implanté chez les
Ġaṭafān, sa tribu d’adoption. EI,  II, 153 s. Ghatafān  (WEIR).

84 Mu‘allaqa,  vers 28.

312
85 Cf. Tarbī‘, ١١٨, s. baliyya. Lisān,  XVIII, 92 = Tāğ  X, 45 (où on
lit māniğāt  au lieu de māniḥāt,  ce qui paraît peu satisfaisant).

86 Panégyrique de ‘Amr b. al-Ḥāriṯ, vers 24. Dīwan,  DERENBOURG,


1869.

87 Le vers concerne les Banū Ğafna, Ğhassanides


chrétiens. Cf. Ši‘r,  265, 565.

88 Coran,  XCIII, 6-7.

89 Coran,  XLII, 52.

90 Coran,  XIV, 36.

91 Cf. Coran,  XI, 46. L’expression n’est que sous entendue dans


le verset.

92 TIR. 41, 91.

93 ḤAN. I, 398 ; IV, 73.

94 ḤAN. V, 357 ; cf. BUḪ. 62, 1 = HM II, 582.

95 Ibn Qutayba joue ici de l’ambiguïté du mot ģarīb  qui signifie


« étranger à son milieu », mais aussi « rare », comme dans
l’expression ġarīb al-luġa.

96 Lisān,  III, 42, où ce ḥadīṯ  est reproduit.

97 Cf. ḤAN. II, 390.

98 Cf. ABŪ DĀWŪD, 36, 10.

99 Cf. TIR, 39, 16.

100 Ce ḥadīṯ  figure dans Lisān,  IX, 353.

101 Lisān  précise : « outre neuve », loc. cit.

313
102 BUḪ. 65, s. 6, v. 4 = HM III, 317 ; 65, s. 37 = HM III, 428 ; 97,
50 = HM IV, 643 ; ḤAN. I, 205, 242, 440 ; II, 405, 451, 468. Il faut
remarquer que tous ces ḥadīṯ-s  disent : « Nul  ne doit être préféré
à… ».

103 ḤAN. I, 5 ; V, 388.

104 BUḪ. 60,8 = HM II, 473 ; 81, 53 = HM IV, 315 ; ḤAN. I, 235,


453 ; V, 50.

105 Coran,  LXVIII, 48.

106 Ḥanīfiyya sahla  ;  on trouve aussi samḥa  qui a le même sens :


simple, libéral, par contraste avec les religions révélées aux lois
draconiennes, notamment le Judaïsme.

107 BUḪ. 81, 51 = HM IV, 309 ; 97, 36= HM IV, 626 ; cf. 97, 19, =
HM IV, 591 ; ḤAN. I, 399, 412, 451 ; cf. III, 94.

108 C’est ainsi qu’il nous a paru pouvoir rendre le plus clairement


le mot ḥukm  en fonction du contexte. Ce mot englobe un
ensemble de notions dont on trouvera le détail dans l’index, s.v.

109 Ibn Qutayba joue ici du double sens de kibr -


kibriyā’  :  d’abord grandeur, sublimité, puis orgueil.

110 Coran,  IV, 93.

111 Voir ḤAN. V, 325.

112 Coran,  IV, 48 = 116.

113 BUḪ. 60, 54 = HM II, 532.

114 Coran,  XX, 52.

115 L’Omnipotence (qudra).

314
116 Allusion à Coran  IX,  106. Cf. index, s. Murği’ite.

117 ḤAN. I, 230 ; cf. BUḪ. 59, 15 = HM II, 455 ; 65, s. 77 = HM III,


493.

118 Coran, IV, 31.

119 Cf. BUḪ. 3, 49 = HM I, 62 ; 59, 11 = HM II, 451 ; 60, 47 = HM


II, 516 ; 88, 3 = HM IV, 426 ; ḤAN. III, 135, 174.

120 Tur‘a. Lisān,  IX, 381 et Tāğ,  V, 289 rapportent le ḥadīṯ  et


discutent abondamment le sens de ce mot. Tous deux
reproduisent d’ailleurs le commentaire d’Ibn Qutayba. Le
mot tur‘a  paraît être pris le plus souvent dans le sens de « canal
d’adduction d’eau à un bassin ».

121 ḤAN. II, 360, 406, 450… ; III, 389 ; IV, 41 etc… Cf. BUḪ. 20, 5
= HM I, 384, où toutefois le mot tur‘a  ne figure pas.

122 Coran,  LIII, 14-15. Nous ne pouvons naturellement pas suivre


ici la trad. Blachère, qui voit dans al-Muntahā  et al-Ma’wā  deux
lieux dits. Il s’agit au contraire de montrer ici que le Paradis n’a
rien de commun avec la terre.

123 Coran,  III, 133 ; cf. LVII, 21.

124 Voir les nombreux excursus de la littérature ancienne


sur sidrat al-muntahā,  notamment les commentateurs et BUḪ. 8, 1
= HM I, 135 ; 60, 5 = HM II, 469 ; ḤAN. I, 422.

125 Lisān  et Tāğ  ; loc. cit.

126 Cf. ḤAN. I, 81, 91 et surtout Lisān  et Tāğ, loc. cit.  ; Lisān,  X,


411 : maḫrafa  = allée entre deux rangées de palmiers.

127 BUḪ. 56, 22, 112, 156 = HM II, 292, 336, 355.

315
128 ḤAN. III, 129, 183 ; IV, 421.

129 La saqīfa  est l’endroit où se déroula l’une des phases de


l’élection d’Abū Bakr. BUḪ. 86, 31 = HM IV, 393 ; 93, 51 = HM IV,
527.

130 ḤAN. VI, 201.

131 ḤAN. II, 13, 19, 24, 106, 210 ; IV, 349.

132 BUḪ. 33, 8, 11, 12 = HM I, 646, 648 ; 93, 21 = HM IV,


510 ; ḤAN. III, 156, 285, 309 ; VI, 337.

133 Allusion à Coran,  XXXVII, 8.

134 Coran,  IV, 119.

135 Cf. Tarbī‘,  36 s.v. aš-Šayḫ  an-Nağdī,  avec toutes les


références. On n’a pas trouvé de tradition relative au Démon se
présentant sous la forme d’une grenouille.

136 Coran,  LXXII, 6.

137 Coran,  LV, 56 = 74.

138 Coran,  XXVII, 24.

139 Coran,  VII, 127 ; la Vulgate dit : ālihataka,  « tes dieux » ; la


lecture en question est « ilāhataka ».

140 BUḪ. 23, 80, 93 = HM I, 437, 446 ; 65, s. 30 = HM III, 413 ;


82, 3 = HM IV, 320 ; ḤAN. II, 233 etc…

141 Cf. BUḪ. 82. 1 = HM IV, 320.

142 BUḪ. 59, 6 = HM II, 431 ; 82, 1 = HM IV, 319 ; ḤAN. I, 374‘


382, etc…

143 ḤAN. V, 239.

316
144 Coran,  XXXV, 1 ; cf. VI, 14 et XIV, 10.

145 Coran,  XXX. 30.

146 Cf. Coran,  VII, 172.

147 Coran,  XLIII, 87.

148 ḤAN. IV, 126.

149 BUḪ. 4, 26 = HM I, 74 ; ḤAN. II, 241, 253, etc…

150 ḤAN. VI, 95.

151 ḤAN. II, 223, 333, etc…

152 Les compilateurs semblent avoir retenu surtout


le ḥadīṯ  contraire : « Il mangea de la viande, et pria sans faire
d’ablution ». Toutefois, voir ABŪ DĀWŪD, 1, 75 ; TIR. 1, 58.

153 ḤAN. IV, 85, 86.

154 A‘nān-  Tāğ, IX, 282 = aḫlāq  (mœurs) ou nawāḥī  (côtés).

155 Cf. Tarbī‘,  ١٣٣ s. ḥūš.

156 ḤAN. IV, 85 ; V, 54, etc…

157 On n’a pas retrouvé ce ḥadīṯ.

158 Coran,  VI, 38.

159 Coran,  VI, 130.

160 Coran),  V, 4.

161 Cf. Tarbī‘,  ١٣٢ s. ḥinn.

162 Allusion au mauvais œil.

317
163 Cf. Tarbī‘, ١٩٧ s. misḫ.

164 Cf. BUḪ. 59, 7 = HM II, 435 ; ḤAN. VI, 143, 330, etc…

165 BUḪ. 28, 7 = HM I, 588 ; 59, 16 = HM II, 456 ; ḤAN. I, 257 ; II,


52 ; III, 3. — Il est à noter que la liste des animaux n’est pas la
même partout. Certaines remplacent le serpent par le scorpion, et
presque toutes précisent : « le chien méchant » (‘aqūr).

166 Coran,  XXVII, 20-21.

167 Texte : an lā  ;  Vulgate : allā.  BAYḌĀWĪ, 502 : al-Kisā’i et


Ya‘qūb b. Isḥāq lisent alā,  avec le sens exclamatif. C’est la version
reçue par Blachère, dont nous modifions la traduction en
conformité avec le texte d’Ibn Qutayba.

168 Coran,  XXVII, 22-25.

169 Coran,  XXVII, 16.

170 Coran,  XXVII, 18.

171 Coran,  XVII, 44.

172 C’est la trad. à peine abrégée de Gen.  VIII, 6-12. Seul le


dernier trait n’est pas biblique. Sur ce trait, voir Tarbī‘  ١٣
٣ s. ṭawwaqa.

173 Texte : ḥīna tawarraka l-nahār.  L’expression est si insolite


qu’on est en droit de suspecter le texte. On notera qu’on retrouve
ce même passage dans Ma‘ārif,  7, avec ḥīna būrika  ( ?)  l-nahār.  Il
est permis de se demander si l’original ne comportait pas une
traduction littérale du mithallek  biblique (= Dieu déambule  dans
le jardin) faisant appel au verbe tahallaka  (se balancer en
marchant).
Autre hypothèse, peut-être encore plus

318
plausible : tawarraka  pourrait être la corruption d’une trad.
littérale de lerūḥa hayyōm  (à la chute du jour), à savoir ḥīna
tarawwaḥa l-nahār.  Le problème reste posé.
174 Gen.  II, 16-17 puis III, 1-19. On a indiqué les principales
omissions par des points de suspension. On n’a pas de peine à
constater toutefois à quel point cette traduction arabe de la Thora
est fidèle.

175 Cf. Tarbī‘,  174 s. ‘anqā’.  Tāğ, I, 410, est le seul à rapporter


une opinion intéressante… et courageuse : d’après Ibn Durayd,
c’est un de ces clichés n’ayant pas de sens précis et qu’on a fini
par utiliser à tort et à travers.

176 Coran,  XVIII, 50.

177 Ibn Dāya semble être pour Ibn Qutayba de la même racine


que dā’. Or les dictionnaires ne rangent pas ce vocable
sous dw’,  mais sous d’y.

178 BUḪ. 34, 14, 33, 88 = HM II, 10, 18, 44 ; 48, 2, 5 = HM II,


164, 165, etc… ḤAN. I, 300 ; VI, 42, 160, 230, etc…

179 bayyāḍ : terres « blanches », c. à.d. incultes. Cf. Tāğ,  V,


15 : arḍ  bayḍā’≠ sawdā’  (qui porte des fruits).

180 ḤAN. III, 316, 353, etc. ; cf. III, 292, 304, 318, 335, etc…

181 La ‘umrat al-qaḍā’  (de la convention) eut lieu un an après la


tentative manquée de Ḥudaybiyya.

182 Ḥawā’it  :  vergers, enclos plantés de palmiers ; Lisān,  IX, 149.

183 ḤAN. VI, 293, 314.

184 Cf. BUḪ. 70, 23 = HM III, 666.

185 Coran,  LIX, 9.

319
186 ḤAN. IV, 132.

187 Lisān,  XVI, 239 : « ce n’est pas un mot arabe ».

188 C. à. d. des aliments dépourvus de graisse.

189 ṣināb  :  condiment composé de moutarde et de raisins


secs ; Lisān,  II, 19.

190 Coran,  XLVI, 20.

191 ḤAN. I, 21.

192 Al-A‘maš est le transmetteur du ḥadīṯ  en question. Il figure


dans les isnād-s,  aux réf. de la note 2, p. 159.

193 ḤAN. II, 187.

194 Matt.  XX, 1-16. La première moitié de la citation est


rigoureusement littérale. Les points de suspension signalent les
omissions. La seconde moitié n’est qu’un résumé.
Cf. LECOMTE, Citations.

195 ḤAN. I, 279, 310 ; II, 234, etc…

196 Il paraît s’agir d’une interprétation un peu sollicitée de la


tradition célèbre : « Les actes ne valent que par l’intention » (BUḪ.
1, 1 ; 2, 41, etc…), car nulle part ce ḥadīṯ  ne figure sous cette
forme.

197 BUḪ. 64, 8, 12 = HM III, 76, 77, 90 ; ḤAN. I, 26 ; II, 31, 131 ;


III, 104, 145, etc...

198 Coran,  XXXV, 22.

199 Coran,  XXVII, 80 ; cf. XXX, 52.

200 On n’a pas retrouvé cette expression.

320
201 P. ex. BUḪ. 3, 24 = HM III, 46 ; 16, 7 = III, 345 ; ḤAN. I, 26,
etc…

202 Coran,  XL, 46.

203 Coran,  III, 169-170.

204 Yataṯannawn  :  se laissant plier.

205 Allusion à Coran  III, 169-170, déjà cité.

206 BUḪ. 62, 10 = HM II, 611 ; cf. ḤAN. II, 413 ; TIR. 46, 29.

207 ḤAN. II, 288 ; BUḪ. 80, 38 = HM IV, 257.

208 BUḪ. 96, 26 = HM IV, 495 ; ḤAN. II, 185, 288, 414, etc…

209 BUḪ. 56, 25 = HM IV, 293 ; 80, 37 = HM IV, 256 ; ḤAN. II, 185,


288 etc…

210 Coran,  XXXV, 19 = XL, 58 ; cf. VI, 50 = XIII, 16.

211 Coran,  XIII, 16 = XXXV, 20.

212 Coran,  XXXV, 21.

213 Coran,  XXXV, 22.

214 ḥawṣāla,  pl. ḥawāṣil,  « gésier ». Lisān,  XIII, 163 = Tāğ,  VII,


279. Voir ḤAN. I, 266.

215 ‘illiyūn, Tāğ,  X, 251. Voir aussi BLACHÈRE, trad., p. 642.

216 Lisān,  XVII, 65 ; Tāğ,  X, 251. D’après Tāğ,


‘illiyyūn  et siğğīn  se font vis-à-vis.

217 ḤAN. III, 455, 456.

218 Cf. ḤAN. III, 24, 34, 36 ; IV, 118, 121, etc…

321
219 Cf. ḤAN. III, 399 (première partie seulement).

220 Cf. BUḪ. 10, 56 = I, 235 ; ḤAN. V, 159.

221 Cf. ḤAN. III, 24, 34, 84, 163, etc…

222 Ce ḥadīṯ  figure dans Lisān,  X, 270 et Tāğ,  V, 540.

223 BUḪ. 46, 33 = HM II, 153 ; ḤAN. I, 79, 188 ; II, 163, 193, etc…

224 ḤAN. IV, 226 ; cf. BUḪ. 92, 9 = HM IV, 481.

225 Cf. BUḪ. 87, 2 = HM IV, 407 ; cf. aussi Ḥan. II, 100.

226 On n’a pas retrouvé ce ḥadīṯ.

227 BUḪ. 87, 2 = HM IV, 407 ; 92, 10 = HM IV, 481 ; ḤAN. IV, 401.

228 Coran,  XLIX, 9.

229 ḤAN. I, 111 ; Cf. I, 83, 88, 136, 146, 156.

230 Voir l’index, s. ğadd.

231 BUḪ. 88, 2 = HM IV, 425 ; ḤAN. I, 217, etc… Cf. ḤAN. I, 247.

232 Cette anecdote ne figure pas dans le ḥadīṯ.

233 Il paraît s’agir ici de la formule de répudiation triple


prononcée en une seule fois — ce qui est unanimement réprouvé :
« Tu m’es désormais interdite (harām) ;  [considère que j’ai
prononcé la formule] trois fois ». Cf. BUḪ. 68, 7 = HM III, 612.

234 Coran,  LXV, 2.

235 Coran,  II, 282.

236 On sait qu’une révélation (Coran,  III, 123) intervint pour


reprocher au Prophète d’avoir fait du qunūt  une formule de

322
malédiction à l’égard d’individus déterminés et cités nommément.
Cf. EI,  s. Ḳunūt.

237 Il s’agissait du cas d’un homme ayant tué une femme : le


talion fut appliqué, mais la diya  de la femme étant la moitié de
celle de l’homme, les ayants-cause durent reverser la différence.

238 En vertu du même principe que ci-dessus, celui d’une


péréquation entre talion et prix du sang.

239 La question de savoir si les Prières des Fêtes doivent avoir


lieu au muṣallā  ou à la mosquée est très controversée. Cf. EI,  III,
797, s. Muṣallā —  (WENSINCK).

240 Coran,  LXXXVII, 6.

241 Coran,  VIII, 68. La « révélation précédente » pose un


problème. R. BLACHÈRE suppose qu’il peut s’agir d’un passage
perdu (p. 210).

242 ḤAN. I, 30, 32.

243 Coran,  XVII, 74-75.

244 Coran,  XIX, 13. BLACHÈRE : « tendresse ». Ce mot ne paraît pas


offrir de difficulté.

245 Coran,  IX, 114 = XI, 75. BLACHÈRE : « longanime ».

246 Coran,  LXIX, 36. BLACHÈRE, transcrit en supposant qu’il s’agit


d’un nom étranger de sens obscur. Muškil,  48 : « c’est ce qui
coule du corps des suppliciés de l’enfer ».

247 Coran,  XVIII, 9. BLACHÈRE transcrit. Ce peut être un nom


propre attribué soit au chien des sept dormants, soit à la cité où
ils vivaient.

323
248 BUḪ. 23, 81 = HM I, 438 ; 63, 40 = HM III, 36 ; cf. BUḪ. 81, 51
= HM III, 310.

249 Coran,  IX, 113.

250 Coran,  XXVIII, 56.

251 Cf. ḤAN. IV, 373, 374.

252 Sakīna.  Ce membre de phrase confirme la trad. BLACHÈRE par


« présence divine ». Cf. trad. BLACHÈRE, index, s.v.

253 BUḪ. 62, 6 = HM II, 597 ; ḤAN. II, 339 ; VI, 55.

254 Abū Ḥasan = ici ‘Alī. Habituellement : Abū l-Ḥasan.

255 Coran,  XLVI, 15.

256 Coran,  II, 233.

257 MĀLIK, 54, 35 ; Ḥan. II, 186, 214.

258 Voir p. ex. ABŪ DĀWŪD, 11, 96.

259 Voir p. ex. BUḪ. 61, 25 = HM II, 570.

260 Coran,  V, 75.

261 Coran,  XXV, 7.

262 BUḪ. 86, 7 = HM IV, 377.

263 BUḪ. 86, 13 = HM IV, 380.

264 Coran,  V, 38.

265 DĀRIMĪ, intr., 48.

266 BUḪ. 56, 152 = HM II, 352 ; ḤAN. III, 107, 163, etc…

324
267 Sur idāwa,  voir Tāğ,  X, 12, s.v. et II, 163, s. saṭīḥ.

268 En d’autres termes, les Arabes — et semble-t-il aussi les


Persans — n’hésitent pas à proférer les imprécations les plus
violentes pour les motifs les plus futiles.

269 Ḥan. III, 453.

270 Ce ḥadīṯ  se retrouve dans Lisān,  XVII, 79 = Tāğ,  IX, 237.

271 Ce ḥadīṯ  se trouve dans Tāğ,  III, 387, s. ‘iḏār.

272 Tāğ,  IX, 238.

273 Voir Lisān,  XVII, 80.

274 Voir Lisān,  XVII, 80, où tout ce passage figure presque dans


les mêmes termes.

275 Coran,  XCIII, 6-8.

276 Allusion à Coran,  VI, 152 ; XVI, 125 ; XXIII, 97 ; XXIX, 44 ; XLI,
33.

277 Coran,  XXI, 35.

278 BUḪ. 46, 30, = HM II, 151 ; 74, 1 = HM IV, 86 ; 86, 1 = HM IV,


375 ; 86, 6 = HM IV, 377.

279 BUḪ. 60, 47 = HM II, 516 ; ḤAN. III, 135, 224.

280 Coran,  XII, 17.

281 Coran,  LXIII, 3.

282 Coran,  II, 62 ; cf. XXII, 17. On notera que le texte porte à
deux reprises : « man āmana  minhum billāh  » ; or minhum  ne
figure pas dans la Vulgate. Il y a visiblement confusion avec II,
126, où figure minhum,  mais non la première moitié du verset II,

325
62. Il est difficile de dire dans quelle mesure cette confusion est
imputable à Ibn Qutayba.

283 Il semble qu’il faille compléter le texte ainsi ; à moins de


supposer que la négation lā  est de trop, ou simplement que le
membre de phrase « li’an-nahum lā yu’minūna bi-llāh wa-l-yawm
al-aḫir  » a été recopié une fois de trop à une ligne d’intervalle.

284 Irhāṣ  = iṯbāt  ; Tāğ,  IV, 400.

285 BUḪ. 86, 20 = HM IV, 384.

286 BUḪ. 78, 29 = HM IV, 151 ; ḤAN. I, 387 ; II, 288, 336, etc…

287 ḤAN. III, 154.

288 Cf. BUḪ. 2, 21 = HM I, 19.

289 ḤAN. II, 418 ; V, 381 ; VI, 382.

290 Cf. BUḪ. 2, 1 = HM I, 11, où une sentence analogue est


attribuée à ‘Umar b. ‘Abd al-‘Azīz.

291 Cette sentence ne paraît pas avoir été retenue par les


compilateurs.

292 Cf. TIR. 34, 27.

293 ḤAN. II, 75 ; IV, 404… ; V, 232, etc…

294 ḤAN. VI, 35, 43, 67, etc...

295 BUḪ. 4, 64, 65 = HM I, 92, 93 ; ḤAN. III, 485 ; VI, 47.

296 BUḪ. 72, 30 = HM IV, 20 ; ḤAN. I, 227, etc…

297 ḤAN., IV, 310, 311.

326
298 Tāğ,  I, 152, précise qu’il s’agissait de peaux « en cours de
tannage » (fī dibāġihā) ;  = Lisān,  I, 211.

299 Cf. Lisān,  I, 211.

300 Ši‘r,  95. Texte : wa-lāqat  ; Ši‘r  : fa-lāqat.

301 ḤAN. I, 227.

302 ḤAN. VI, 101.

303 Tāğ,  V, 221 : vêtement léger de laine, de soie ou de lin


servant d’izār. Tāğ  ajoute que dans ce ḥadīṯ, ‘Ā’iša l’emploie au
figuré : il s’agirait ici d’un vêtement de laine quelconque.
DOZY, s.v.  :  espèce de jupe traînante.
304 Cf. BUḪ. 6, 4, 21, 22 = HM I, 111, 119, 120, où l’héroïne de
cette histoire est Zaynab, et non ‘Ā’iša.

305 BUḪ. 64, 56 = HM III, 196 ; ḤAN. II, 419, etc…

306 MUS. 44, 61 ; cf. ḤAN. VI, 99, 199.

307 Lisān,  XIII, 295. On appellerait muraḥḥal  tout vêtement sur


lequel serait figuré un raḥl  (selle). On préfère la définition d’Ibn
Qutayba, un peu moins restrictive.

308 Ḏū Arwān ou Ḏarwān. Lisān,  XVII, 52 et Tāğ,  IX 231 ne savent


de ce puits que ce qu’en dit Ibn Qutayba. C’est un puits de
Médine « bien connu ».

309 BUḪ. 59, 11 = HM II, 446 ; 76, 47 = HM IV, 85, etc… ; ḤAN. VI,


57 ; cf. ḤAN. IV, 367, etc…

310 Coran,  XLI, 42.

311 Coran,  LXXII, 26-27.

327
312 Texte : tamā’im  (amulettes) ; l’éd. signale une
leçon namā’im  qu’on a adoptée car d’une part le mot est associé
à kaḏib  (mensonge) et d’autre part namīma  est considéré
par RĀZĪ comme une forme de siḥr  (sortilège). Cf. Tarbī‘,  ٢٠٥,
et EI,  s. Siḥr,  IV, 431.

313 Coran,  XX, 66.

314 Coran,  II, 102.

315 BAYḌĀWĪ ne signale pas cette lecture. Il signale toutefois


« malikayn » (les deux rois). D’autre part, il mentionne une autre
interprétation de « malakayn »  il s’agirait de deux hommes ainsi
appelés pour leur sainteté (21 in fine). Sur Hārūt et Mārūt, cf.
index.

316 Il s’agissait donc pour les Mu‘tazilites de ramener ce verset à


une interprétation matérialiste.

317 Coran,  CXIII, 1-4.

318 EI, s.v. Zakariyā,  IV, 1270. Le Zacharie de l’Évangile est


visiblement confondu avec le petit prophète de la Bible.

319 EI, s.v. Yaḥyā,  IV, 1211. C’est une réminiscence de l’épisode


d’Hérodias, Matt.,  14 ; Marc,  6, 17 sqq.

320 Coran,  IV, 157 ; les commentaires sont formels : šubbiha


lahum  fait allusion à une substitution. P. ex. BAYḌĀWĪ, 135.

321 BUḪ. 58, 7 = HM II, 412 ; 64, 41 = HM III, 171 ; ḤAN. II, 451.

322 BUḪ. 64, 83 = HM III, 238. Cf. muškil,  118.

323 Texte : ‘alā l-nabiyyīn,  qui est incompatible avec ce qui


précède. Il faut lire : ‘alā-l-nabī.

328
324 Coran,  XXII, 52.

325 Cette anecdote est [relatée en détail dans BAYḌĀWĪ, 447, après


le commentaire du verset. Il s’agit d’un verset supplémentaire (cf.
trad. BLACHÈRE, p. 561, 20bis  et 20ter) que le Démon aurait inspiré
au Prophète récitant la sourate LIII (l’Étoile).

326 Coran,  XXII, 52, suite.

327 Coran,  XXII, 53.

328 Coran,  II, 255, dont les vertus prophylactiques sont célèbres.


Cf. BUḪ., 59, 11 = HM II, 447 ; 40, 10 = HM II, 87 ; 66, 10 = HM
III, 529. — Cf. ḤAN. V, 128.

329 Coran,  XXXVIII, 41.

330 Texte : laysa hāḏā bi-munkar min ta’wīlātihim  ;  var. signalée


par l’éd. : laysa hāḏā bi-awwali ta’wīlātihim.  La trad. proposée est
conforme au sens, mais conjecturale en l’absence d’un texte sûr.
Peut-être faut-il lire : bi-ankar min,.  (ce n’est pas plus détestable,
plus absurde que…).

331 Allusion à Coran,  XXXVIII, 34 où les commentateurs


expliquent que le « fantôme » (ğasad) était un démon.
Cf. WENSINCK, Hwb.  s. Sulaiman,  702 ; BAYḌĀWĪ,
603 ; BLACHÈRE, Coran,  485 note 33.

332 Allusion à Coran,  XXXVIII, 36-37.

333 Légende célèbre, sur laquelle voir Tarbī‘,  46, d’après EI,  IV,


1309 (HARTNER).

334 C.-à-d. probablement : changez de méthode !

335 Variante : Muḥammad b. Muslim b. Sālim al-Ṭā’ī.

329
336 BUḪ. 60, 50 = HM II, 521.

337 Cf. EI,  II, 289, s. Hārūt et Mārūt  (WENSINCK), qui signale que


d’après QAZWĪNĪ (‘Ağā’ib al-maḫlūqāt,  éd. Wüstenfeld, 1849) ces
deux anges sont restés à Bābil après leur aventure avec
Vénus pour y enseigner la magie  ;  SAMARKANDĪ (Bustān
al-‘ārifīn,  Qazan 1298/1880, dans PELLAT, Tarbī‘,  46, s. az-
Zuhara) dit seulement que H. et M. restèrent à Bābil, emprisonnés.
La version de Qazwīnī est tout à fait conforme à l’anecdote
fantastique d’Ibn Qutayba

338 Cf. ḤAN. I, 184 et surtout ḤAN. II, 182, 212.

339 BUḪ. 34, 102 = HM II, 51 ; 46, 31 = HM II, 152 ; ḤAN. II, —


240 etc…

340 Cf. BUḪ. 61, 18 = HM II, 548 ; 65, s. 17, n. 5 = HM III, 364.

341 Coran,  XLIII, 61. Ce passage paraît confirmer la lecture ‘alam


—  au lieu de ‘ilm  de la Vulgate — signalée par BAYḌĀWĪ, 653, avec
une certaine faveur, et reçue par BLACHÈRE, 523.

342 Il est difficile de déterminer le jeu de ‘alam - ‘ilm  dans ce


passage. L’éd. a cru pouvoir vocaliser partout ‘alam,  sauf dans le
verset. Si Ibn Qutayba lit ‘ilm  (ce qui est rien moins que sûr), il est
clair qu’il le prend dans le sens de ‘alam.

343 Ibn Qutayba fait ici d’une pierre deux coups. En réfutant les
Mu‘-tazilites, il réfute aussi le dogme de la divinité du Christ.

344 BUḪ. 38, 3 = HM II, 74 ; 39, 3 = HM II, 77, etc… ḤAN. II, 290,


380, etc…

345 BUḪ. 65, s. 33, ch. 1 = HM III, 416 ; 69, 15 = HM III,


652 ; ḤAN. II, 287, 290, etc…

330
346 BUḪ. 69, 15 = HM III, 652.

347 ḤAN. III, 61.

348 C.-à-d. 4 fois, puisque quatre témoins à charge sont requis.


Cf. WENSINCK, Hwb.,  826, s. Zinā’.

349 BUḪ. 53, 5 = HM II, 234 ; 54, 9 = HM II, 246 ; 83, 3 = HM IV,


331, etc…

350 MĀLIK, 41, 12.

351 IBN MĀĞA, 21, 36.

352 Ce dernier trait ne figure pas dans le ḥadīṯ  de Mā‘iz, ḤAN. III,


61. Toutefois, voir un exemple de la mansuétude du Prophète en
cas de lapidation dans ḤAN. IV, 66.

353 Tawqīt  peut être synonyme de taqdīr  sans aucune idée de


temps. Cf. LAOUST, Qudāma,  255, note 1, qui renvoie au Šarḥ  al-
Muġnī,  de ŠAMS AL-DĪN B. QUDĀMA, en marge
du Muġnī  de MUWAFFAQ AL-DĪN B. QUDĀMA, Caire 1341-1348 /
1922-1930, IX, 621, 625.

354 Coran,  IV, 25.

355 Allusion à Coran,  II, 71, où tuṯīru  a le sens de « remuer la


terre ».

356 C’est le mot employé dans Coran,  II, 196.

357 Le verset se termine par « comme esclaves croyantes ».

358 Puisqu’elles sont opposées aux esclaves.

359 ḤAN. IV, 186, 238 ; V, 266.

360 Coran,  II, 180.

331
361 En réalité plusieurs versets : IV, 7-12.

362 Coran,  IV, 13-14.

363 BUḪ. 67, 28 = HM III, 560.

364 BUḪ. 52, 7 = HM III, 211 ; 67, 21, 117 = HM III, 555,


602… ḤAN. I, 275, 290, 329… ; IV, 4, 5, etc…

365 Coran,  IV, 23.

366 Coran,  IV, 23.

367 Coran,  IV, 24.

368 Coran,  II, 106.


369 Les docteurs musulmans se plaisent à mettre l’accent sur
l’allègement apporté par le Coran par rapport aux prescriptions
antérieures, notamment de la Bible. Cf. index, s. ḥanīfiyya.

370 Par « Coran », il faut évidemment entendre ici « destiné à être


récité ».

371 DĀRIMĪ, intr., 48.

372 Coran,  LIX, 7.

373 ḤAN. IV, 4, 5 ; cf. Ḥan. I, 432. C’est à dire : il faut un


allaitement plus prolongé.

374 Cf. EI,  I, 243, s. ‘āḳila.

375 Très nombreux ḥadīṯ-
s.  Voir WENSINCK, Handbook,  s. Clothes,  p.
45. Notamment BUḪ. 51, 27 = HM II, 198, etc…

376 BUḪ. 56, 91 = HM II, 321 ; 77, 29 = HM IV, 108 ; ḤAN. III, 122,


180, etc…

332
377 BUḪ. 87, 8 = HM IV, 408.

378 BUḪ. 56, 94 = HM II, 376 ; cf. aussi 63, 45 = HM III, 44 et la


note des trad.

379 BUḪ. 41, 15 = HM II, 97 ; cf. ḤAN. III, 304, 327, 338, etc…

380 BUḪ. 25 ; 81 = HM I, 533, etc… C.-à-d. : « Je me


désacraliserais maintenant » (la scène se passe après la
‘umra,  avant d’entreprendre la visite à Minā et de sacrifier les
victimes). Cf. index, s. ihlāl.

381 Cf. BUḪ. 9, 24 = HM I, 199, etc…

382 ḤAN. III, 237, 250.

383 Ibid.

384 Ibid.  et IV, 406.

385 Ibid.  et cf. BUḪ. 74, 3 = HM IV, 35.

386 Index, s. kalāla.

387 Cf. ḤAN. IV, 295, 301.

388 Index, s. ẓihār.

389 On n’a retrouvé que des ḥadīt-s  où au contraire le Prophète


prend position. P. ex. ABŪ DĀWŪD 13, 17.

390 BUḪ. 26, 10 = HM I, 573 ; cf. BUḪ. 25, 17 = HM I, 499.

391 Ce ḥadīṯ  figure dans Lisān,  IX, 260 : « Il a ordonné de faire


passer le turban sous le menton (talaḥḥī)  et non le contraire
(iqti‘āṭ) ».

333
392 Le mot ğallāla  s’applique aux animaux qui se nourrissent de
détritus ou de fiente ; Lisān,  XIII, 126. ḤAN. I, 219, 226, 241,
etc….

393 P. ex. BUḪ. 34, 25 = HM II, 15, etc…

394 BUḪ. 59, 20 = HM II, 406 ; 72, 28 = HM III, 18, etc…

395 BUḪ. 72, 28 = HM III, 19 ; 76, 57 = HM IV, 90 ; ḤAN. I, 147,


244, 326, III, 323, etc…

396 Coran,  VI, 145.

397 Coran,  V, 3.

398 Coran,  IV, 101.

399 Notamment en voyage ; BUḪ. 18, 1, 5, 11 = HM I, 356, 358,


360 ; ḤAN. I, 30, 215, etc…

400 Coran,  V, 6. Sur la friction des chaussures, très


nombreux ḥadīṯ-s ;  voir Handbook,  s. wuḍū,  262. P. ex. BUḪ. 4,
48 = HM I, 86.

401 DĀRIMĪ, introd., 48.

402 Litt. : « qui a des pollutions » BUḪ. 10, 161 = HM I, 284,


etc… ; ḤAN. III, 6, 30, etc…

403 Cf. BUḪ. 11, 5 = HM I, 290 ; ḤAN. I, 29, 45 ; II, 424 etc…

404 ḤAN. IV, 78.

405 P. ex. BUḪ. 5, 14 = HM I, 103, etc… Nombreux ḥadīṯ-


s.  Voir Handbook,  184, s. Perfumes.

406 Cf. BUḪ. 11, 7 = HM I, 291 ; ḤAN. III, 65, etc…

407 DĀRIMĪ, 23, 1 ; Ḥan. IV, 151, IV, 151, etc…

334
408 Hāḏihi l-maṣāḥif  : il peut s’agir des livres chrétiens ou juifs.
Le mot muṣḥaf  désigne habituellement un livre révélé, mais
parfois aussi toute espèce de livre. Au § 56, il désigne les
ouvrages d’Aristote.

409 Cf. supra. § 200.

410 Allusion probable aux miracles des prophètes antérieurs,


notamment Jésus. Les Musulmans orthodoxes ne paraissent pas
avoir attribué à Muḥammad ce type de miracles.

411 BUḪ. 62, 6 = HM II, 597.

412 ḤAN. IV, 172, 173.

413 BUḪ. 61, 25 = HM II, 61. Sur tous ces points, voir § 40 c 37 a.

414 Coran,  LVI, 77-79,

415 BUḪ. 56, 129 = HM II, 343 ; ḤAN. II, 6, 10, 63, etc…

416 Cf. BUḪ. 78, 12 = HM IV, 143.

417 Coran,  VII, 34 = X, 49 = XVI, 61.

418 On n’a pas trouvé trace de cette anecdote.

419 On n’a pas retrouvé ce ḥadīṯ.

420 Coran,  XVI, 40.

421 Ce qui prouve à l’évidence que les Mu‘tazilites ne sont en rien


partisans du libre arbitre.

422 TIR. 5, 28.

423 Cf. ḤAN. II, 161, 191, où le ḥadīṯ  est plus précis, et confirme


la réfutation du § 226.

335
424 BUḪ. 97, 24 = HM IV, 598 sqq.  ;  Ḥan. IV, 360, etc…

425 Coran,  VI, 103.

426 Coran,  XLII, 11.

427 Coran,  143.

428 Coran,  XXV, 45.

429 Coran  II, 259 : «  qāla a‘lamu anna-llāha…  »  (Vulgate) ; Texte


du Muḫtalif  :  « a lam tara anna-llāha… » Sur cette importante
variante, qui ne saurait être en aucune façon une erreur de
copiste, puisque la démonstration d’Ibn Qutayba porte justement
sur ra’ā / ‘alima,  on prépare un article.

430 Voir notamment IBN MĀĞA, 8, 9, 16 (sadaqat al-ibil al-


baqar)  et DĀRIMĪ, 3, 4 (zakāt al-ġanam).

431 Zakāt al-nāḍḍ.  Voir le ḥadīṯ  dans Tāğ,  V, 90 : « Le Prophète


percevait la zakāt  sur les espèces ».

432 Voir § 216d.

433 Allusion aux entretiens de Moïse avec le Seigneur sur le Sinaï,


Cf. notamment Coran,  VII et XXVIII.

434 Allusion à Coran,  XXVIII, 30.

435 C’est à dire la période au cours de laquelle Moïse séjourna au


Sinaï et où Dieu se manifesta à lui.

436 Suite de Coran,  VII, 143. Le contexte permet de corriger en ce


sens la trad. BLACHÈRE : « si elle s’immobolise… ». En
fait, istaqarra  signifie ici « demeurer ferme sur sa base, ne pas
bouger, ne pas être ému ».

336
437 Lisān,  XVIII, 164 ; mais le verbe ğalā  est également
intransitif ; « se dévoiler ».

438 Cf. note 811. Ce passage laisse à penser qu’une


lecture a‘lamu,  primitivement -‘lam,  inspirée par l’exégèse
mu‘tazilite, a pu prévaloir sur une lecture a lam tara,  plus
orthodoxe.

439 Matt.  V, 7(8.

440 Coran,  LXXV, 22-23.

441 Coran,  LXXXIII, 15.

442 ḤAN. II, 173 ; VI, 182, 251, 310.

443 Ši‘r,  591. « Il » représente le chamelier et « eux » les


chameaux.

444 BUḪ. 97, 16, 26, 36 = HM IV, 590 sqq.  ;  609, 629.

445 Coran,  XXXIX, 67.

446 BUḪ. 65, s. 11, ch. 2 = HM III, 344 ; ḤAN. II, 242, 313, 500.


Sur saḥḥā’,  voir Tāğ,  II, 160 où ce ḥadīṯ  figure également.

447 L’iwāna  est un puits bien connu que Lisān,  XVI, 183,


et Tāğ,  IX, 132 localisent tous deux en citant le vers.

448 BUḪ. 63, 10 = HM III, 8, etc…

449 Ibid.  et 56, 28 = HM II, 294.

450 Ibid.  et MUS. 36, 172.

451 Coran,  XIII, 5.

452 Cf. ḤAN. II, 268, 409, 518.

337
453 Coran,  XXXIII, 9.

454 On n’a pas retrouvé ce ḥadīṯ.  Mais voir p. ex. BUḪ. 61, 2 = HM


II, 536, où sont vantées les vertus du Yémen.

455 On sait que les Anṣār (Aws et Ḫazrağ) sont unanimement


considérés comme de souche yéménite. Cf. EI,  II, 993, s. Ḵhazraḏj.

456 On a retenu la leçon du texte : tuḥabbabūn wa


tubağğalūn,  ignorée par les recueils de ḥadīṯ,  qui ne connaissent
que tağbunūn wa tabḫalūn  (?). ḤAN. VI, 409 ; cf. ḤAN. IV, 172.

457 BUḪ. 65, s. 44, ch. 3 = HM III, 441 ; ḤAN. I, 380, 431, 441.

458 Ce vers serait de ZUHAYR ; Lisān,  XVI, 89.

459 D’après KAZIMIRSKI : solsola imbricata.

460 Al-Inğīl al-ṣaḥīḥ.  On incline à voir là la traduction de


l’expression : « le Saint Évangile » dans le texte original d’où fut
traduit l’exemplaire dont disposait Ibn Qutayba.
Cf. LECOMTE, Citations,  44-45.

461 Matt.  V, 33-37. Texte remarquable de fidélité à l’original.

462 Ce ḥadīṯ  se retrouve dans Tāğ,  II, 110.

463 On trouve plutôt ḏirā‘ al-ğabbār.  Voir § 101. ḤAN. II, 334,


547.

464 Coran,  L, 45.

465 SUYŪṬĪ, Ğāmi‘,  151.

466 Cette réflexion de ‘Ā’iša ne paraît pas avoir été retenue par


les compilateurs de ḥadīṯ.

467 ḤAN. V, 243 ; cf. IV, 66 ; V, 58.

338
468 Coran,  CII, 143. Toute cette argumentation fait double
emploi avec celle du n° LII.

469 Coran,  XVII, 60.

470 On n’a pas retrouvé ce trait, qui pourrait bien avoir été forgé
pour la circonstance.

471 Coran,  LXXXI, 23.

472 BUḪ. 59, 7 = HM II, 436 ; 65, s. 53, ch. 2 sqq. =  HM III,


456 ; ḤAN. I, 395, 460. Tous ces ḥadīṯ-s attribuent à Gabriel six
cents ailes seulement.

473 Cf. ḤAN. IV, 181.

474 Coran,  XVII, 1.

475 Ẓāhir. Importante prise de position sur l’exégèse coranique.

476 Cf. BUḪ. 79, 1 = HM IV, 214 ; ḤAN. II, 244, 251, 310.

477 Coran,  XLII, 11. On a ici quelque peu torturé le français afin


de rendre intelligible la démonstration qui suit.

478 En somme, il faudrait distinguer miṯl,  qui n’est


qu’une kināya  désignant le sujet lui-même, et naẓīr,  qui désigne
un « semblable », c’est-à-dire un « autre ».

479 Le texte porte kakamā,  où ka-  fait évidemment double


emploi avec -kamā.  On admettra que cette tournure est aussi
insolite que la traduction qu’on lui donne ici pour les besoins de
la cause. Le rāğiz  serait AL-ḤAṬṬĀM AL-MUĞA-ŠI‘Ī. Pour le
commentaire de ce vers, voir IBN HIŠĀM, Muġnī,  avec le
commentaire de DASŪQĪ, Caire 1358, 193.

480 Nūr, sic.

339
481 Gen.  I, 25 et II, 7.

482 Réminiscence d’Exode  XVII, 6, épisode du rocher d’Horeb.

483 ḤAN. IV, 11.

484 MĀLIK, 56, 3.

485 Il s’agit d’ABŪ ḎU’AYB AL-HUḎALĪ, ḪUWAYLID B. ḪĀLID, sur lequel


voir Ši‘r,  635-642.

486 Coran,  LII, 30.

487 Coran,  XLV, 24.

488 BUḪ. 97, 50 = HM IV, 643 ; ḤAN. II, 251, 316, 413… ; III, 40,


127, etc…

489 Coran,  XXII, 51 = XXXIV, 5.

490 ḤAN. VI, 296.

491 P. ex. BUḪ. 10, 163 = HM I, 287.

492 Coran,  XXIV, 31.

493 C.-à-d. des yeux et des mains.

494 Coran,  XXXIII, 53.

495 ḤAN. VI, 49, 208, 237. Le cas auquel s’applique cet adage est
bien défini ici.

496 BUḪ. 34, 64 = HM II, 33 ; ḤAN. I, 430, 431 ; II, 248, 460, 481.

497 BUḪ. 36, 2 = HM II, 60 ; ḤAN. VI, 10, 390.

498 ḤAN. IV, 388, 390 ; V, 8, 12, etc…

499 BUḪ. 90, 14 = HM IV, 446.

340
500 Texte : muttaṣilāni, wa ‘alā annahumā  ;  il faut supprimer wa.

501 BUḪ. 59, 16, 17 = HM II, 456 sqq.  ;  76, 58 = HM IV, 91 ; ḤAN.


II, 229… ; III, 67.

502 Ce passage rappelle curieusement le Tarbī‘,  qui pourrait bien


être visé.

503 Texte : yasta‘idd  ;  l’éd. propose yastatir,  sans réf. à un


manuscrit. On peut penser également à yastamidd,  mais la leçon
du texte est claire.

504 BUḪ. 60, 8 = HM II, 473 ; 81, 53 = HM IV, 315 ; ḤAN. I, 235,


453 ; V. 50.

505 Sur cette histoire, cf. Tarbī‘,  s. ‘Uyayna…  p. 44, et EI,  IV, 874


— (VACCA), s. Ṭulayḥa.

506 Coran,  IX, 101.

507 Coran,  XLVIII, 29.

508 Coran,  XLVIII, 18.

509 BUḪ. 61, 25 = HM II, 557.

510 L’expression n’est pas très claire. Il peut y avoir une allusion


aux prophéties que les Musulmans prétendent découvrir dans les
Écritures antérieures relativement aux personnages de l’Islam. P.
ex. BUḪ. 34, 50 = HM II, 27. — On pourrait aussi interpréter :
« qu’il leur trouve des termes de comparaison dans la Thora et
l’Évangile ». Ce dernier sens serait confirmé par le § 41 ≠ 36 in
fine,  où l’expression ḍaraba lahu maṯalan  signifie nettement :
« imaginer quelque chose à titre de démonstration ou
d’exemple ».

341
511 Sur Moïse-Adam, BUḪ. 60, 31 = HM II, 504… ; ḤAN. II, 248
etc… Les traditionnistes ne paraissent pas avoir retenu une
discussion sur ce sujet entre Abū Bakr et ‘Umar.

512 Texte : na‘tadd  (?). Nous lisons na‘tadī.

513 Voir index, s.v.

514 BUḪ. 2, 15 = HM I, 17 ; ḤAN. II, 56, 147, 392, etc...

515 Coran,  IX, 103.

516 Coran,  XXV, 77.

517 Coran,  IX, 103. On peut se demander s’il n’y a pas ici une
phrase recopiée deux fois à deux lignes d’intervalle.

518 Coran,  XXIII, 56.

519 Divers ḥadīṯ-s  affirment que le prélèvement de la ṣadaqa  ne


diminue en rien le patrimoine, car il s’accroît d’autant dans l’autre
monde ; ḤAN. II, 235, 438.

520 BUḪ. 60, 54 = HM II, 533 ; ḤAN. IV, 121, 122 ; V, 273.

521 ḤAN. IV, 161.

522 ABŪ DĀWŪD, 2, 56 ; cf. ḤAN. V, 147.

523 Ces paroles d’Ibn ‘Umar ne paraissent pas avoir été retenues.

524 Il semble que le sujet de cette phrase soit Sulaymān,


s’adressant à Ibn ‘Umar dans le troisième ḥadīṯ.

525 Cf. BUḪ. 4, 75 = HM I, 97 ; ḤAN. II, 392 ; III, 55.

526 ABŪ DĀWŪD, 1, 88 ; cf. ḤAN. I, 16, 17, 44, etc…

527 ḤAN. VI, 43.

342
528 BUḪ. 4, 58 = HM I, 91 ; 78, 80 = HM IV, 181.

529 Cette version n’a pas été retenue par les compilateurs.

530 BUḪ. 30, 33 = HM I, 621 ; ḤAN. VI, 46, 193, etc…

531 NASĀ’Ī, 22, 53.

532 ḤAN. IV, 24, 426, 431, etc…

533 ḤAN. IV, 414.

534 P. ex. BUḪ. 30, 24 —= HM, I, 616.

535 Les compilateurs ne paraissent pas avoir retenu ce ḥadīṯ.

536 BUḪ. 6, 5 = I, 112 ; 30, 23 = HM I, 615 ; ḤAN. VI, 40, 44, 98,


126, 156, etc…

537 BUḪ. 4, 5 = HM I, 67 ; 19, 16 = HM I, 372 ; 61, 24 = HM II,


554 ; ḤAN. I, 220, 278, etc…

538 On n’a pas retrouvé ce ḥadīṯ  relatif aux chèvres.

539 Cf. ḤAN. V, 352 pour chevaux et chameaux ; II, 436 pour


moutons.

540 Coran,  LVI, 21.

541 Le mot idām  désigne toute nourriture ou condiment à


manger avec du pain : Tāğ,  VIII, 181, où se trouve la première
partie du ḥadīṯ.  La seconde se trouve dans Tāğ,  X, 282, s. fāġiya.

542 ḤAN. II, 436.

543 BUḪ. 23, 33 = HM I, 416 ; ḤAN. IV, 414, 437 ; VI, 39, 57 etc…

544 Coran,  VI, 164 = XVII, 15 = XXXV, 18 = XXXIX, 7 = LIII, 38.

545 Coran,  XLV, 26.


343
546 Coran,  XXIII, 12-16.

547 Coran,  II, 185.

548 Il s’agit de la vermine, ou encore d’une blessure ; BAYḌĀWĪ, 43.

549 Coran,  II, 196.

550 Coran,  LXV, 2.

551 Coran,  II, 282.

552 Coran,  IV, 93.

553 Coran,  LVIII, 3.

554 Les passages coraniques relatifs à ces matières sont en effet


recoupés et complétés par le ḥadīṯ.  Notamment en ce qui
concerne le rituel de la Prière pour lequel le Coran est assez
laconique, mais que le ḥadīṯ  expose abondamment et
minutieusement. Cf. WENSINCK, Hwb.,  s. Salāt,  et le
même, Handbooks. Prayer(s),  où cette rubrique ne comporte pas
moins de 15 colonnes (à titre de comparaison, la
rubrique Ḳur’ān  du même Handbook  ne compte que 8 colonnes).

555 Coran,  XL, 46.

556 Coran,  XIX, 62.

557 Traduction conjecturale. Cette phrase comporte deux


démonstratifs, hāḏā  et ḏālika  dont la valeur ne paraît pas
respectée.

558 Ta’wīl muškil al-Qur’ān,  Caire 1373/1954

559 Coran,  LII, 47.

560 BUḪ. 92, 26 = HM IV, 495 ; ḤAN. II, 185, 288, 414 etc…

344
561 P. ex. BUḪ. 80, 38 = HM IV, 257.

562 P. ex. BUḪ. 80, 39 = HM IV, 257.

563 P. ex. BUḪ. 80, 37 = HM IV, 256. Il semble au reste qu’il soit


possible de trouver toutes sortes de combinaisons de ces diverses
formules.

564 ḤAN. III, 126, IV, 288.

565 BUḪ. 3, 24 = HM I, 46 ; 4, 37 = HM I, 80, etc…

566 Il ressort de ce passage que le mot wāzira  ne désigne pas


nécessairement l’âme pécheresse  pour Ibn Qutayba.

567 Cf. ḤAN. I, 26, 36, etc…

568 BUḪ. 23, 89 = HM I, 445 ; ḤAN. V, 39. Il s’agit de deux


hommes enterrés côte à côte et dont le Prophète déclare qu’ils
sont punis l’un pour sa mauvaise langue (ġība),  l’autre pour sa
façon d’uriner malproprement (bawl).

569 Cf. Coran,  LIII, 38, et comparer VI, 164. Voir aussi tous les
passages relatifs au châtiment de Sodome et
Gomorrhe, BLACHÈRE, Coran,  index, s. Loth  ;  réminiscences
de Gen.  XVIII et XIX.

570 Cf. ḤAN. III, 499 ; IV, 163, etc…

571 Coran,  VIII, 25.

572 Coran,  XXX, 41.

573 On n’a pas retrouvé ce ḥadīṯ.

574 BLACHÈRE, op. cit.,  s. Noé  ;  cf. notamment sourate Nūḥ,  LXXI ;


LIV, 9-7, etc…

345
575 BLACHÈRE, s. ‘Ād  ;  cf. LI, 41 ; LIV, 18-20 ; LXIX, 6, etc..

576 BLACHÈRE, s. Thamoud  ;  p. ex. LIV, 23-32.

577 BLACHÈRE, s. Loth,  notamment LIV, 34.

578 Légende fort répandue dans l’Islam primitif. Voir


notamment Tarbī‘,  197, s. misḫ  ;  Ibn Qutayba la reprend à son
compte, § 172 a.

579 Exode,  XX, 5 = XXXIV, 7 ; cf. LECOMTE, Citations,  38.

580 Le Livre  de Daniel ne paraît pas renfermer une phrase


semblable.

581 Allusion à Coran,  XII, 48 = Gen.  XLI, 27 ; BUḪ. 65, s. 44, ch. 2


= HM III, 441, etc…

582 Aliment de fortune composé de sang cuit avec des poils


d’animaux Lisān,  VII, 248 = Tāğ,  IV, 61.

583 Cf. BUḪ. 81, 17 = HM IV, 283 ; ḤAN. III, 44, 300.

584 Qūmis  :  Région située au pied des monts du


Tabaristan ; BARBIER DE MEYNARD, Dictionnaire de la Perse,  464.
L’éd. pense également à une région d’Andalousie, ce qui est
hautement improbable, car Ibn Qutayba a toujours ignoré
l’Occident. Cf. LECOMPTE, L’Occident et l’Ifriqiya dans l’œuvre d’Ibn
Qutayba, Cahiers de Tunisie,  1957, 253-255.

585 C’est évidemment ainsi qu’il faut lire. Le texte porte Mihriğān


wa Qaḏaq. Mihriğān-Qaḏaq  est une ville et un district du Ǧabal,
près de Saymar Cf. BARBIER DE MEYNARD, op. cit.,  552.

586 Il s’agit apparemment de ‘Ubayd Allāh. On n’a pas trouvé


trace d’un fils du dernier calife umayyade du nom de ‘Ubayd
Allāh. Il s’agit probablement soit d’un diminutif, soit d’une

346
altération involontaire de ‘Abd Allāh fils de ce calife ayant joué un
rôle non négligeable dans les événements ayant immédiatement
précédé l’effondrement du calife umayyade, et mort en prison à
Bagdad ; cf. Index, s.v.

587 Coran,  XVIII, 82.

588 BUḪ. 15, 3 = HM I, 331 ; 62, 11 = HM II, 611.

589 Il s’agit du ḥadīṯ  incriminé au début du chap. LXXVIII : « Le


mort est tourmenté à cause des pleurs des vivants ». En effet, BUḪ.
23, 33 = HM I, 417, rapporte ce ḥadīṯ  et signale que ‘Ā’iša en
aurait minimisé la portée.

590 Coran,  L, 29.

591 ḤAN. V, 154, 161.

592 On n’a pas retrouvé ce ḥadīṯ.

593 Cf. BUḪ. 63, 27 = HM III, 24, etc…

594 Cf. § 211 sqq.

595 Cf. Tarbī‘,  s. misḫ.

596 BUḪ. 63, 27 = HM III, 24, etc…

597 Coran,  V, 60.

598 On ne voit pas à quel ḥadīṯ  il est fait allusion ici.

599 Sourate XXXVI.

600 Sourate II.

601 Sourate III.

347
602 Cœur et bosse : ḤAN. V, 26 ; nuages, ombrages, vols
d’oiseaux : ḤAN. IV, 183 ; V, 249, 361, etc…
Pour les « vols d’oiseaux », le texte dit ḫirq,  et l’éd. signale une
variante ḥizq.  Les concordances ignorent ḫirq,  et ne signalent
que ḥizq,  avec une variante firq.

603 Cf. ḤAN. IV, 183.

604 Cette phrase se rapporte au ḥadīṯ  de la note précédente. Ce


passage, ainsi que les lignes suivantes, paraissent abrégés.

605 Cf. ḤAN. IV, 183 ; V, 249, 361 etc…

606 Les ḥadīṯ-s  en ce sens que l’on a trouvés ne font pas mention


de la friction du turban. Voir toutefois ABŪ DĀWŪD, 1, 58.

607 TIR. 1, 75 ; ḤAN. IV, 135 ; V, 281, etc…

608 ABŪ DĀWŪD, 1, 60.

609 Cette importante affirmation est assez conforme à la position


hanbalite. D’après H. Laoust, Ibn Taymiyya,  239, «  l’iğmā‘  est une
preuve catégorique qui ne comporte ni abrogation, ni
interprétation allégorique. Il doit être pris en
considération avant  le Coran et la Sunna  ».

610 Le problème est de savoir s’il convient de prononcer une


seule formule de salutation après la Prière (ḤAN. VI, 236) ou deux
(ḤAN. V, 59).

611 Mālik est en effet un des grands docteurs du Ḥiğāz, et il est


fondé à connaître des faits ignorés des docteurs moins proches
du berceau de l’Islam.

348
612 Akṯar  (?), ; on se demande s’il ne faut pas comprendre :
« plus solide, plus sain ». En effet, l’iğmā‘  a naturellement priorité
sur le ḫabar aḥād  dans la hiérarchie des critères méthodologiques.

613 ḤAN. I, 223, 283, etc… ; II, 33.

614 Cf. TIR. 2, 24.

615 Cf. MĀLIK,,9 4.

616 ḤAN. I, 221 ; ABŪ DĀWŪD, 18, 8.

617 Tout repose sur le rôle de huwa  (lui-même), qui est à vrai


dire rien moins que clair dans ce ḥadīṯ,  et sur l’ambiguïté du
mot mawlā,  qui désigne aussi bien le patron que l’affranchi.

618 On sait que le patron (mawlā)  est le dernier sur la liste de la


‘aṣaba,  c’est-à-dire des ayants droit à l’héritage. Il a donc droit à
l’héritage s’il n’existe pas d’ayants droit prioritaires
(cf. Hwb,  s. Mirāṯ).

619 TIR. 2, 177 ; NAS. 12, 30. Cf. aussi EI,  II, 1184,


s. ḳunūt  (WENSINCK).

620 On n’a pas trouvé de ḥadīṯ  où soient associés le toupet et le


turban.

621 Coran,  V, 6 : « Passez-vous la main sur la tête… » Il ne faut


donc pas prendre ici le mot « toupet » au pied de la lettre.

622 P. ex. ḤAN. IV, 252, où effectivement il n’y a qu’un seul ḥadīṯ.

623 MUS. 32, 28 ; ABŪ DĀWŪD, 15, 111.

624 Les compilateurs ne paraissent pas avoir retenu ce ḥadīṯ.

625 Cf. BUḪ. 63, 12 = HM I, 10.

349
626 SUYŪṬĪ, Ğāmi‘,  132 (d’après Ṭabarāmī).

627 BUḪ. 16, 1, 13 = HM I, 342, 349 ; 59, 4 = HM II, 425 ; ḤAN. II,


109, 118 ; IV, 122, 245 ; VI, 168, etc…

628 BUḪ. 59, 4 = HM II, 425.

629 BUḪ. 63, 12 = HM I, 10.

630 Coran,  XLIV,  29.

631 Coran,  XII, 82.

632 BUḪ. 96, 16 = HM IV, 566 ; ḤAN. III, 140, etc…

633 Cf. p. ex. BUḪ. 59, 6 = HM II, 433, et ḤAN. II, 364, etc…

634 BUḪ. 97, 36 = HM IV, 627.

635 Coran,  XIX, 71.

636 Cf. Coran,  XIX, 72.

637 BUḪ. 62, 6 = HM II, 598 ; ḤAN. III, 208, 218, 239…

638 Coran,  V, 109.

639 ḤAN. II, 5 ; cf. BUḪ. 51, 7 = HM II, 186 ; 70, 8 = HM III, 659,
etc…

640 ḤAN. I, 29.

641 BUḪ. 95, 6 = HM IV, 543.

642 Cf. Coran,  VI, 145-146.

643 P. ex. ḤAN. III, 31, 39, 45, 53.

644 Il est bien difficile de déterminer les variétés de sauriens que


désignent les différents mots employés par Ibn Qutayba. On a vu

350
déjà le mot wazaġa  (gecko ?). Le
mot burṣ,  d’après WEHR, Arabisches Wörterbuch,  désignerait aussi
le gecko en arabe moderne. Dans Adab,  208, Ibn Qutayba semble
considérer les deux mots comme synonymes (wazaġa = sāmm
abraṣ).  Quant à ‘izā’  qui figure ici (collectif de ‘izāya  du § 15),
c’est un « lézard » d’une autre espèce. Voir aussi les notices
du Tarbī‘,  s. ‘iẓāya,  ١٧٢, et wazaġa,  31. DOZY, II, 800
(d’après Voc.  et Alc. : salamanquesa animal)  traduit wazaġa  par
tarente. On peut se demander s’il ne convient pas de rapprocher
la légende de la wazaġa  crachant le feu et la vieille croyance
occidentale (?) de l’immunité de la salamandre ; quant à la
‘iẓāya  qui crache de l’eau, ce pourrait être une sorte de triton.

645 Coran,  VII, 157.

646 SUYŪṬĪ, Ğāmi‘,  123 (d’après Ṭabarānī).

647 BUḪ. 80, 14 = HM IV, 245 ; ḤAN. IV, 16, etc…

648 Cf. ḤAN. III, 501.

649 ḤAN. VI, 176, 238.

650 Coran,  LVIII, 7.

651 Coran,  XLIII, 84.

652 Coran,  XX, 4 ; cf. XXV, 59.

653 Coran,  XXIII, 28.

654 Coran,  XXXV, 10.

655 Allusion aux ḥadīṯ-s du § 292 a.

656 Ma‘āriğ  :  allusion au titre de la sourate LXX.

657 Toutes ces formules sont des réminiscences coraniques.

351
658 Coran,  XXI, 19-20.

659 Coran,  III, 169.

660 Coran,  XXI, 17. On ne peut évidemment suivre ici la


trad. BLACHÈRE (min ladunnā =  spontanément), étant donné le
commentaire qui suit.

661 Cette étrange affirmation obscurantiste est d’autant plus


stupéfiante que toute l’œuvre d’Ibn Qutayba est une œuvre de
pédagogue. Peut-être faut-il entendre « l’enseignement d’autres
doctrines ». Quoi qu’il en soit, on a déjà noté par ailleurs
(L’Introduction au K. Adab al-Kātib,  56) quelle méfiance Ibn
Qutayba nourrissait à l’égard des études profanes.

662 Dans ḤAN. II, 291, etc… l’anecdote est encore beaucoup plus


savoureuse, car l’esclave ne peut répondre que par gestes.

663 ABŪ DĀWŪD, 39, 18.

664 Cf. Lisān,  VI, 145 = Tāğ  III, 343, où un autre ḥadīṯ  de ‘Ikrima


vient étayer la définition : « Tous les porteurs du Trône
sont sūr  ».

665 Matt.  V, 34.

666 Matt.  VI, 14, 26. Sur ces citations voir LECOMTE, Citations.  Le


texte porte rabbukum  (votre Seigneur) ; l’éd. signale une
variante abūkum  (votre Père) que l’on a retenue, car les citations
des Évangiles dans l’œuvre d’Ibn Qutayba sont toujours
remarquables de fidélité.

667 Coran,  XVI, 128.

668 BUḪ. 97, 50 = HM IV, 643 ; ḤAN. II, 251, 316, 413… ; III, 40,


127, etc…

352
669 Cf. Lisān,  VIII, 253, où ce vers est attribué à IMRU’ AL-QAYS.

670 ḤAN. I, 234, 359, etc… où al-bulh  est remplacé par al-


fuqarā’  ;  BuḪ. 59, 8 = HM II, 439.

671 On n’a pas retrouvé ce ḥadīṯ.

672 Matt.  XXVI, 39 ; Marc,  XIV, 36 ; Luc,  XXII, 42.

673 Nisbat al-ḫilqa  :  cette expression paraît s’opposer à la


relation de dépendance ou d’origine en -iyy,  et désigner
la nisba  en -āniyy  qui n’exprime jamais une relation
d’origine. SĪBAWAYH ignore cette expression (communication de M.
G. Troupeau).

674 Coran,  XXXV, 1.

675 ḤAN. II, 107.

676 Cf. p. ex. BUḪ. 2, 37 = HM I, 28, où Gabriel se présente sous


la forme d’un homme quelconque.

677 BUḪ. 59, 7 = HM II, 436 sqq.  ;  65, s. 53, 1 sqq. =  HM III, 456.

678 Coran,  XIX, 17.

679 Voir plus haut, section XX, § 163 sqq.

680 Coran,  VII, 27.

681 Coran,  VI, 8-9.

682 Sur ‘ŪG, voir l’index.

683 Sur les conteurs populaires et la réaction contre leurs


affabulations, cf. GOLDZIHER, Etudes,  195 sqq.

684 Coran,  III, 133.

353
685 Coran,  XLI, 51.

686 Coran,  XLIII, 71.

687 Coran,  LVI, 15-23.

688 Coran,  LVI, 27-33.

689 Coran,  XXII, 23 = XXXV, 33.

690 Coran,  XXVII, 10 = XXVIII, 31.

691 Coran,  VII, 107 = XXVI, 32.

692 Coran,  IX, 69.

693 Coran,  II, 247.

694 Coran,  XXVI, 128-130.

695 Gén.  V, 5 : neuf cent trente.

696 Gén.  IX, 29 : sic.

697 Cf. Tarbi‘,  s. Nasr  (201). Le vautour est d’une longévité


proverbiale. Ibn Qutayba lui attribue donc plus de 350 ans
d’existence.

698 Ces considérations désabusées n’empêchent pas Ibn Qutayba


de se faire l’écho de ces histoires suspectes dans le K. al-
Ma‘ārif,  271 sqq.,  chap. sur « les rois du Yémen » et « les rois de
Perse » (‘Ağam).

699 Ši‘r,  345, reproduit cette anecdote dans les mêmes termes.

700 Un ms. dit Ḥafr al-Manāzik.  Cf. index.

701 Cf. Tarbī‘, ‫ד‬١٣ , sv. ḍabb.

702 Cf. Tarbī‘,  s. hudhud,  ٢٠‫ד‬.


354
703 Ces vers figurent dans le Ši‘r,  430, avec quelques variantes.
Celle du vers 1 : ayyāma kaffana / iḏ  kāna kaffana  est sans
importance ; mais en comparant les deux versions, nous
proposons pour le dernier vers : «  Fa yazālu yadlahu  (au lieu
de yadlağu)… wa mā-htalafa l-ḥadītu  (au lieu de ğadīdu,  voire
de ḥadītu,  signalés par l’éd.) ».

704 Cf. Tarbī‘,  s. dīk  ١, où l’on signale seulement que le coq est


réputé garder une maison contre les entreprises de Satan.

705 Ši‘r,  429.

706 Voir les notes du § 15, et Tarbī‘,  s. ğirrī,  ١٣٣.

707 ḤAN. III, 12 ; 21 ; 39.

708 Cf. ḤAN. II, 215, 403.

709 ḤAN. II, 162, 192, 207.

710 Voir sur cette question GOLDZIHER, Etudes,  chap. VII, et


notamment 245-6.

711 Nous sommes loin du chiffre total d’une quarantaine de


« secrétaires » auquel aboutit BLACHÈRE, Introduction,  12, après
confrontation des diverses listes et études critiques antérieures.

712 Cf. BUḪ. 24, 9 = HM I, 459, etc…

713 Traduction conjecturale. Ce propos paraît signifier que les


seuls hommes sachant écrire étaient les marchands (?).

714 ḤAN. I, 307, 329, 373, etc…

715 ḤAN. I, 266 etc…

716 SUYŪṬĪ, Ğāmī,  151.

355
717 ḤAN. I, 307, 329, 373, etc…

718 Allusion à Coran,  LVI, 15-22, et à maints traits du ḥadīṯ.

719 A notre connaissance, la distinction entre ces deux mots


n’est faite que par Abū Mūsā al-Aš‘arī, apud  TABARĪ, Tafsīr,  III, 7,
qui entend par ‘arš un tabouret sur lequel Dieu poserait ses pieds
lorsqu’il est sur le kursī.  Les autres auteurs, notamment al-Ḥasan
al-Baṣrī, ibid.,  considèrent les deux mots comme synonymes.
Cf. aussi WENSINCK, Hwb,  s. Kursī.

720 Cette affirmation tendancieuse est le reflet de


plusieurs ḥadīṯ-s  où sont exaltées les vertus de la Syrie (Ša’m). P.
ex. ḤAN. IV, 110 ; V, 184 ; VI, 457, etc…

721 Le mot dad  est ignoré des Concordances.  Toutefois,


le ḥadīṯ  figure dans Tāğ,  II, 346.

722 ḤAN. II, 162, 192, 207.

723 On n’a pas retrouvé cette anecdote.

724 BUḪ. 8, 69 = HM I, 165 ; 13, 2, 25 = HM I, 312, 324.

725 Lisān,  XIII, 259 = Tāğ,  VII, 322 connaissent ce ḥadīṯ,  que


les Concordances  ignorent. D’après ces dictionnaires,
la dirakla  serait un jeu (danse ?) étranger, peut-être abyssin. Ce
mot se prononcerait aussi diraqla.  Par ailleurs, les recueils
de ḥadīṯ-s connaissent une anecdote fort voisine, où les Abyssins
jouent avec la lance et la daraqa  (bouclier) (BUḪ. 56, 81 = HM II,
317). Ces faits laissent à penser que toute cette série de ḥadīṯ-s
ne sont que des variantes anciennes d’un seul et unique récit,
d’où il devait ressortir que le Prophète ne détestait pas les
divertissements guerriers.

726 ḤAN. VI, 39, 129, etc…

356
727 Curieux passage (= ‘Uyūn,  II, 62) où il ne faut naturellement
pas voir une citation biblique. Notre auteur a dû se laisser abuser
par un informateur philosophe… Cf. LECOMTE, Citations,  p. 38.

728 Vers de KUṮAYYIR, Ši‘r,  493.

729 Entre le texte et le Ši‘r,  les éd. ne signalent pas moins de cinq


variantes : aqṣād, iqṣār, idġāl, ikṯār (?), aḥqād.  On a retenu idġāl.

730 Vers de ‘ABD ALLĀH AL-‘ARĞĪ Ši‘r,  557.

731 Coran,  LXX, 19-21.

732 Coran,  XXI, 37.

733 Coran,  XXXIII, 21.

734 Voir la note sur dirakla.  On signale ici que la version


du ḥadīṯ  dans Lisān, loc. cit.  porte ğuddū, yā B. A.  ;  ici, on
a ḫuḏū,  qui n’est pas satisfaisant. Comme dans HM II, 317, on a
interprété ğuddū  par « allez, continuez ! »

735 On n’a pas retrouvé cette anecdote dans les recueils


de ḥadīṯ..

736 On n’a pas retrouvé cette anecdote.

737 BUḪ. 77, 43 = HM IV, 114 ; cf. 19, 18 = HM I, 373.

738 BUḪ 2, 29 = HM I, 22.

739 Ce ḥadīṯ  ne paraît pas avoir été retenu sous cette forme. Cf.
toutefois BUḪ. 30, 51 sqq. =  HM I, 628 sqq.

740 ĞARĪR, Dīwān,  1353, p. 88. Variante : texte rumḥa stihi/ rišḥa


stihi.  On a retenu la première leçon.

357
741 Ces vers ne figurent pas au Dīwān  de FARAZDAQ. (éd. Ṣāwī),
1354/1936.

742 Coran,  XXXIX, 42.

743 Le ḥadīṯ  est expliqué dans Lisān,  XIV, 3. Ġirbāl  est synonyme


de duff  (tambourin). BUḪ. 67, 49 = HM III, 572.

744 ḤAN. II, 165, 187.

745 SUYŪṬĪ, Ğāmi’,  145 (d’après al-Ḥākim).

746 BUḪ. 76, 51 = HM IV, 88, etc… ḤAN. I, 269, etc…

747 Coran,  LV, 3-4. On a tenté de conserver un même terme pour


tous les emplois de bayān  et mubīn.

748 Coran,  XLIII, 18.

749 ḤAN. I, 234, 359, etc… BUḪ. 59, 8 = HM II, 439.

750 IBN MĀĞA, 36, 16.

751 L’allusion à al-Ğāḥiẓ est transparente. Voir la notice sur Ğāḥiẓ,

752 ḤAN. II, 369 ; IV, 193.

753 BUḪ. 57, 1 = HM II, 381 sqq.

754 Coran,  XIX, 5-7.

755 Coran,  XXVII, 16.

756 L’affaire est relatée par IBN SA‘D, Ṭabaqāt,  VIII, 18.

757 Cf. Luc,  I, 5. Voir aussi Ma‘ārif,  24, où le nom est Azan. Il


peut s’agir d’une corruption d’Abia, un des ancêtres de Zacharie,
père de Jean-Baptiste, ou d’Addo/Iddo, grand-père de Zacharie,
le petit Prophète.

358
758 Coran,  XIX, 12.

759 Coran,  XIX, 14.

760 Cette étrange histoire est composée d’éléments forts


disparates dont quelques-uns sont facilement décelables :
Évangiles de Matt., Marc, Luc, passim,  et peut-être Jean,  car la
Baṯaniyya (habituellement la Batanée, ou Batan, cf. index) pourrait
être simplement la Béthanie de Jean, I, 28 (voir une confusion
semblable dans VIGOUROUX, Dictionnaire de la Bible,  I,
1662) ; Coran,  XIX ; variations de Wahb b. Munabbih. Pour le
reste, ce sont des thèmes d’imagination qu’on n’a retrouvé nulle
part. Tout ce passage est à verser au dossier des rapports entre la
tradition islamique et la tradition judéo-chrétienne.
Voir WENSINCK, Hwb,  s. Yaḥyā,  805.

761 Coran,  XXI, 89-90.

762 Coran,  LXXXIX, 17-20.

763 On n’a pas retrouvé cette anecdote.

764 Sur l’héritage d’Abū Bakr, voir IBN SA‘D, III/I, 136 sqq.

765 En effet, la fille reçoit la moitié du patrimoine lorsqu’il n’y a


pas d’héritier mâle (BERGSTRÄSSER, Grundzüge,  91).

766 L’oncle du Prophète, fils de son grand-père paternel, ‘Abd al-


Muṭṭalib, avait droit à la même part que la fille (BERGSTRÄSSER, op.
cit.,  93).

767 Toute l’affaire de l’héritage du Prophète figure en détail dans


le ḥadīṯ,  notamment BuḪ. 57, 1 = HM II, 380 sqq.

768 Ibn Qutayba n’est donc pas dupe de ce pseudo ḥadīṯ.  Il est


trop évident que cette polémique date de la rivalité entre les

359
‘Alides et les ‘Abbāsides pour l’accession au califat. Voir à ce
sujet GOLDZIHER, Études,  124-5. La dernière phrase signifie en
fait : « Tous ces grands ancêtres sont innocents des propos qu’on
leur prête ».

769 Cf. BUḪ. 67, 22 = HM III, 557.

770 En d’autres termes, la parenté de lait ne saurait être


constituée artificiellement en allaitant un adulte sans
nécessité. BUḪ. 52, 7 = HM II, 211 ; 67, 22 = HM III, 557.

771 ḤAN. VI, 39, 356.

772 Cf. BUḪ. 67, 22 = HM III, 557.

773 Texte : qīla  ;  il faut évidemment lire qutila.

774 Voir § 161 sq.

775 Mağbūb  :  émasculé radicalement (Lisān,  I, 242).

776 Cf. index, s. muḫannaṯ.

777 Coran,  XXIV, 31. BAYḌĀWĪ, 467, explique ainsi cette


restriction : « Il convient que les femmes ne se dévoilent pas
devant des femmes infidèles car celles-ci n’hésiteraient pas à aller
les décrire à n’importe qui ! » Les commentateurs sont
visiblement déconcertés par l’expression «  wa nisā’ihinna  »,  qui
paraît désigner les suivantes de la maîtresse de maison. Il est
curieux de constater que l’interprétation suivante, apparemment
la plus simple, n’a pas été retenue : on peut penser que le
mot banī  est en annexion à la fois avec aḫawātihinna  et
avec nisā’ihinna,  et qu’à l’origine, les enfants des suivantes
pouvaient aller et venir dans la maison au même titre que les
enfants des sœurs.

360
778 Coran,  XXIV, 31.

779 Ce qui impliquerait une assimilation ipso facto.

780 ABŪ DĀWŪD, 38, 3.

781 Nécessaires pour constituer la parenté de lait.

782 ḤAN. V, 131, 132, 183 ; VI, 269.

783 Coran,  XLI, 41-42.

784 Coran,  V, 3.

785 BUḪ. 65, s. 9, 20 ; ḤAN. V, 185.

786 Cf. Lisān,  XI, 207.

787 Pour en fabriquer.

788 Cf. BUḪ. 60, 48 = HM II, 519.

789 Coran,  XX, 12.

790 Ḥubla  :  désigne soit la vigne, soit diverses plantes épineuses.


Il semble qu’on soit fondé à retenir la vigne.

791 On n’a pas trouvé ce ḥadīṯ  sous cette forme. Mais d’assez
nombreux ḥadīṯ-s  prescrivent de bien traiter telle ou telle bête
domestique.

792 Toutes ces propositions font allusion à diverses légendes :


déluge = histoire de Noé ; grenouilles = histoire de Moïse ;
pierres = histoire de Loth ; sur Nemrod, voir EI,  III, 900 (HELLER) ;
Yémen = histoire de la digue de Ma’rib.

793 BUḪ. 25, 67 = HM I, 524 etc… ḤAN. I, 3, 79, etc…

794 BUḪ. 86, 30 = HM IV, 390 ; ḤAN. I, 23 ; etc…

361
795 Servant de couverture.

796 BUḪ. 67, 28 = HM III, 560.

797 BUḪ. 86, 13 = HM IV, 380.

798 ḤAN. I, 16, 22, 49.

799 ḤAN. I, 46.

800 BUḪ. 97, 50 = HM IV, 643 ; ḤAN. II, 251, 316, 413… ; III, 40,


127, etc…

801 DĀRIMĪ, intr., 48.

802 En somme, la seule différence entre la Sunna  et le Coran est


que ce dernier fait l’objet d’une récitation liturgique.

803 ḤAN. III, 61.

804 MUS. 18, 25.

805 Voir WENSINCK, Hwb.,  s. Raḍā‘.

806 ḤAN. II, 12, 23, etc…

807 Le caractère suspect des informations transmises par M. b.


Isḥāq a été souvent relevé. Il remonte d’ailleurs aux différends qui
l’opposèrent au Ḥiğāz à Mālik b. Anas et aux autres
traditionnistes. Cf. WENSINCK, Hwb.,  s. Ibn Isḥāḳ..

808 ḤAN. III, 286 ; šaṭr al-ḥusn,  au lieu de niṣf —.

809 Coran,  XII, 20.

810 Coran,  XII, 58.

811 Coran,  XII, 31.

812 Coran,  XII, 30.


362
813 Il paraît s’agir d’une sorte d’œuf brouillé à la viande, ou
peut-être simplement d’œuf au plat, car
le Qāmūs  l’appelle : narğis al-mā’ida  !  Sur cette variante,
v. Muškil,  32.

814 Si‘r,  605 ; a‘dadtu  au lieu de ‘addadtu.  Variante indifférente.

815 Si‘r,  548.

816 Si‘r,  550.

817 Si‘r,  695, où le nom du poète ne figure pas davantage.

818 Si’r,  695.

819 Si’r,  150.

820 Apparemment, la seule émotion poétique est responsable de


l’accident. Cf. Aġānī,  IX, 171-174.

821 Texte : ištarawhu.  Le Coran,  dans le passage parallèle,


dit šarawhu,  que BLACHÈRE, Coran,  260, traduit par « ils se défirent
de lui ». Coran,  XII, 20.

822 En effet, Gén.  XXXVII, 12-36, parallèle à Coran,  XII, 8-20. Il


semble y avoir une certaine confusion dans la version islamique,
entretenue par l’ambiguïté du verbe šarā-ištarā.  La Bible est
formelle : Joseph fut d’abord vendu par ses frères à une
caravane,  au moment où ils allaient l’abandonner dans le puits
(Gén.  XXXVII, 28), puis une seconde fois par la caravane à
Putiphar  (ibid.,  36). Or le Coran  peut soit admettre une
interprétation parallèle à la version biblique (cf. BAYḌĀWĪ, 311,
pour qui sarā  peut signifier bā‘a,  ou ištarā min iḫwatihi),  soit une
autre où les frères de Joseph ont déjà quitté la scène au moment
où intervient la caravane. On se demande si, dans ce paragraphe,

363
Ibn Qutayba a dans l’esprit la version coranique, ou la version
biblique.

823 Cet adjectif (asīr)  s’applique à un homme capturé par


d’autres, mais non à un homme emmuré dans un puits (on
dirait masğun,  ou maḥbūs).  C’est un autre argument en faveur de
l’adoption par Ibn Qutayba de la version biblique.

824 BUḪ. 34, 113 = HM II, 55 ; 37, 20 = HM II, 72 ; ḤAN. II, 287,
347, 382, etc…

825 Coran,  XXIV, 33.

826 Ce ḥadīṯ  figure dans Tāğ,  III, 240, qui signale une


variante rammāza,  sans la retenir. Détail piquant, Tāğ  prétend
que rammāza  est dans ce ḥadīṯ  la lecture d’« al-Qutaybi » (c.-à-d.
Ibn Qutayba). Faut-il corriger le Muḫtalif  en conséquence ? C’est
sans intérêt, car le sens est le même. Zammāra  est synonyme
de zāniya  ; rammāza,  c’est « celle qui lance des œillades » !

827 On n’a pas retrouvé ce ḥadīṯ.

828 Cf. ḤAN. I, 71.

829 On remarquera l’emploi très fréquent de l’imparfait


(avec kān  comme exposant temporel), signe infaillible de
l’attachement à la tradition.

830 Le mot wağs  paraît désigner exclusivement cette sorte de


bruit ; Tāğ,  IV, 266.

831 On remarquera qu’Ibn Qutayba se garde de relever le fait que


c’est la personne de ‘Uṯmān qui provoque cet accès de pudeur.
Le ḥadīṯ  en question est bien davantage destiné à exalter les
vertus de ‘Uṯmān que celles du Prophète.

364
832 TIR. 7, 96.

833 Coran,  II, 196.

834 Cf. index, s. ihlāl.

835 ḤAN. II, 8, 33, etc…

836 BUḪ. 4, 18, 19 = HM I, 71, etc… ; ḤAN. II, 247, 250.

837 Cf. Tarbī‘, s. ğadaf,  et par. 76, où il apparaît qu’il s’agit des


génies. Ğadaf  désigne soit l’écume du vin (peut-être en
fermentation), soit une plante sud-arabique (comme
dans Lisān,  X, 367). Ibn Qutayba opte apparemment pour la
première définition. Rimma, Lisān,  XV, 144, désigne les os en
décomposition.

838 En d’autres termes, le démon ne peut agir qu’indirectement,


par l’intermédiaire d’agents corporels. Cette doctrine est à
rapprocher de celle de l’istiṭā‘a  (voir § 54 et 55, et l’Introduction).

839 ḤAN. VI, 439, 464.

840 BUḪ. 33, 8, 11, 12 = HM I, 646, 648 ; 93, 21 = HM IV,


510 ; ḤAN. III, 156, 285, 309 ; VI, 337.

841 Cf. ḤAN. I, 105, 119, etc…

842 BUḪ. 77, 33 = HM IV, 111 ; ḤAN. I, 71, 81, etc…

843 Il paraît s’agir d’Ibrāhīm al-Naẓẓām.

844 ḤAN. IV, 249, 251, 252.

845 BUḪ. 76, 4 = HM IV, 63.

846 Cette anecdote personnelle prouve au moins que


le Muḫtalif  est postérieur à un séjour au Ḫurāsān. Les fonctions de

365
qādī qu’Ibn Qutayba occupa en Perse se terminent probablement
à une date assez tardive. C’est un indice supplémentaire de la
composition tardive de cet ouvrage.

847 Ši‘r,  111, sic.

848 C’est ainsi qu’on pense pouvoir interpréter ici le


mot mawḍi’  (sujet, et non endroit), par référence
à ĞĀḤIẒ, Hayawān,  I, 9 = 16, cité par PELLAT, Tarbī’, ١٦٩ s. ‘urr.  Cf.
aussi Tarbī‘,  s. kayy.

849 Contre l’avis de l’éd., on pense pouvoir conserver le texte


« kayyu ‘uḍwin qad qutïa aw  ḥasmuhu.  Le ḥasm  est la
cautérisation de l’extrémité des vaisseaux coupés (Lisān,  XVI,
23) ; le kayy ‘uḍw  pourrait désigner la cautérisation de tout un
moignon, ou simplement d’un endroit quelconque d’un membre.

850 Saqy al-baṭn  :  hydropisie ; saqy al-badan  :  probablement


dépôt de liquide séreux en n’importe quel endroit du corps, d’où
œdème.

851 Il s’agit d’Ibn Ahmar al-Bāhilī qui, atteint d’hydropisie, décrit


ses souffrances et les soins qui lui furent prodigués dans
une qaṣida  d’où ce vers est extrait ; Ši‘r,  316-317.

852 BUḪ. 76, 1 ; ḤAN. I, 377, 413 ; III, 156 ; IV, 278, etc…

853 Coran,  XI, 6.

854 Précisément, le Coran  ne contient nulle part le verset en


question sous cette forme. Tous les versets qui renferment
l’impératif kulū  portent : kulū min tayyibāti ma razaqnākum  (II,
57, 172 ; VII, 160 ; XX, 81). Il paraît y avoir confusion avec II, 267
qui dit : « dépensez (anfiqū)  les excellentes choses que vous avez
gagnées (kasabtum) ».  On peut penser qu’il y a là confusion de la
part d’un scribe. Toutefois, il n’est pas interdit de penser que
366
cette version constitue bien la lecture d’Ibn Qutayba, car il s’agit
bien dans le contexte de subsistance.

855 ḤAN. II, 167, 223.

856 Ši‘r,  606. Texte : Nağd,  variante signalée par


l’éd. : Hağr,  comme dans Si‘r.

857 ḤAN. V, 211.

858 ḤAN. III, 277.

859 BUḪ. 74, 16 = HM IV, 43.

860 Coran,  III, 75.

861 ABĀ DĀWŪD, 1, 34, 35 ; ḤAN. I, 235, etc…

862 ḤAN. II, 12, 23, 26, etc…

863 ABŪ DĀWŪD, 11, 23 ; ḤAN. I 280 ; II, 97.

864 ABŪ DĀWŪD, 11, 23 (p. 285, milieu).

865 Ibid.  ;  cf. BUḪ. 25, 31, 33 = HM I, 505, 506.

866 BUḪ. 25, 33, 34 = HM I, 506 sqq.  Le mot « offrande » désigne


les victimes destinées au sacrifice.

867 Cette affaire a donné lieu à une prolifération de ḥadīṯ-


s,  considérable dont on trouvera les références
dans WENSINCK, Hwb,  s. ihrām  (où le mot iḥlāl  est orthographié
tout au long iḥlāl,  erreur typographique fâcheuse puisque les
deux mots signifient pratiquement le contraire). Elle se résume en
fait à savoir quelle formule de talbiya  il convient de prononcer au
moment de la prise de l’iḥrām,  selon le type de pèlerinage qu’on a
l’intention d’accomplir (hağğ, ‘umra  ou tamattu’). La solution la

367
plus commode est énoncée dans un ḥadīṯ  rapporté par MUSLIM, 15,
129 : «  labbayka  »  tout court.

868 On n’a pas trouvé ce ḥadīṯ  sous cette forme, mais il est
question de la réalité du mauvais œil dans ḤAN. I, 294 ; II, 222,
etc…

869 Cf. BUḪ. 76, 35 = HM IV, 78.

870 Voir la note 1044.

871 Tarbī’,  s.v., ١١٩, sorte d’aconit. L’éd. disposait de deux


leçons : bīš  (2 ms.) et tinnīn  (dragon, 1 ms.). Il a adopté la
seconde leçon. Nous pensons pouvoir adopter la première, car
d’une part on accorde assez de bon sens à Ibn Qutayba pour
rester ici dans le domaine des faits expérimentaux, et d’autre part
parce que le bīš  est associé au par. 79 du Tarbī,  à toutes sortes
d’animaux venimeux déjà cités (scorpions, serpents, etc.), alors
qu’il fait allusion au tinnîn  ailleurs, dans un tout autre contexte
(par.78). Sur le tinnīn,  voir Tarbī’,  s.v., ١٢•.

872 On a déjà vu (§ 143 sqq.) que la contagion était incompatible


avec le déterminisme.

873 C’est le jeteux de sort, qui est de tous les temps et de tous


les pays.

874 Coran,  LXVIII, 51. Trad. BLACHÈRE : « te perceront de leur


regard ».

875 On croit pouvoir adopter yuzillu  au lieu de yuzīlu  (de même à


la ligne suivante), en raison du contexte d’une part, et aussi en
raison d’exemples analogues où le même thème est exposé avec
le verbe zalla.  Cf. p. ex. AŠĞA‘ AL-SULAMĪ, Ši‘r,  858.

876 Coran,  XLVII, 20.

368
877 Coran,  LXXV, 7. Toutefois, la Vulgate porte bariqa  et justifie
la trad. BLACHÈRE « Quand la vue sera éblouie ». BAYḌĀWĪ, 772,
signale que baraqa  est la lecture de Nāfi‘, et soit constitue une
variante dialectale, soit a le sens de « lancer des éclairs ».

878 L’éd. signale que ce paragraphe ne figure que dans un seul


ms., et manque dans les autres. Il se pourrait donc qu’il s’agisse
d’une addition de copiste. C’est d’autant plus vraisemblable que
ce ḥadīṯ  ne figure pas dans les recueils.

879 HAN. III, 118 ; cf. BUḪ. 76, 17 = HM IV, 67.

880 Voir § 172 a.

881 BUḪ. 34, 108 = HM II, 53 ; ḤAN. III, 310, 380, etc…

882 On n’a pas retrouvé ce ḥadīṯ.

883 ḤAN. II, 189.

884 Ḥiqq,  pl. ḥiqāq  :  chamelle de trois ans révolus (Lisān,  XI,


338) ; ğaḏā‘,  pl. ğiḏā‘  :  chamelle de quatre ans (Lisān,  IX, 394) ;
cf. LAOUST, Qudāma,  52.

885 On peut se demander si telle est bien la question. En effet, le


libellé du ḥadïṯ  de la note 3, p. 376 laisse à penser qu’il ne s’agit
pas en pratique d’un prêt  remboursable, mais bien d’un
versement anticipé de la ṣadaqa  avec escompte. Il semble bien
qu’on puisse interpréter les faits comme suit : Le Prophète
demanda à ‘Abd Allāh de prélever immédiatement le montant de
la ṣadaqa  de deux chameaux due par un particulier, en lui faisant
remise d’un chameau. Il est vrai que pratiquement, il n’y a pas de
différence, le bénéfice étant toujours d’un chameau. On peut
toutefois se demander si Ibn Qutayba n’assimile pas une avance  à
un prêt  pour les besoins de la démonstration.

369
886 BUḪ. 6, 5 = HM I, 112 ; BUḪ. dit fawr  au lieu de fawḥ.  Il semble
qu’il faille distinguer la mubāšara  (qu’on a traduit ici par
« approcher ») du ğimā‘  proprement dit.

887 Ce ḥadīṯ  ne paraît pas avoir été retenu.

888 BUḪ. 6, 5 = HM I, 112 ; ḤAN. VI, 336, etc…

889 ḤAN. IV, 10.

890 Coran,  XII, 43.

891 Ainsi pense-t-on pouvoir interpréter l’expression fi-l-ḥīn


ba‘d al-ḥīn.  On pense entre autres aux deux songes successifs de
Pharaon dans la Bible (Gén.  XLI, 1-7), mais non dans le Coran, XII,
43 sqq., où Pharaon ne rêve qu’une fois. Ce ne serait pas la
première fois que les connaissances d’Ibn Qutayba dans les
Écritures judéo-chrétiennes interfèrent avec son interprétation de
la tradition islamique.

892 BUḪ. 91, 26 = HM IV, 461 ; ḤAN. II, 269, 395.

893 BUḪ. 19, 18 = HM I, 373 ; 77, 43 = HM IV, 114.

894 Cette notation est à ajouter au dossier de Ḫalaf al-Aḥmar, qui


est déjà bien compromettant.
Cf. BLACHÈRE, Littérature,  105 sqq.  ;  PELLAT, Milieu,  139.

© Presses de l’Ifpo, 1962


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