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PAPAUTÉ SCHISMATIQUE
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OUVRAGES DU MEME AUTEUR
PAPAUTÉ SCHISMATIQUE
R0ME
DANS SES RAPP0RTS AVEC L'ÉGLISE 0RIENTALE
M. L'ABBÉ GUETTÉE.
PARIS
LIBRAIRIE DE L'UNION CHRÉTIENNE
1 863
Le pape est roi et se prétend souverain pontife de
l'Église chrétienne.
Le pape.
II
III
(1) Saint Irénée, Contre les hérésies, liv. III, ch. III.
— 38 —
Au livre II, ch. xxII (édit. Migne, col. 785), saint Iré
née dit : « Tous les prêtres qui sont allés en Asie, auprès
de Jean, disciple du Seigneur, en rendent témoignage. »
Texte grec : Kai 7 avTeç 0! 7psgévTºpoi uapTv poÛair, o «ata
IIToxeuaio. )
de Firmilien, mais les plus érudits d'entre eux s'accordent, avec les
autres savants de toutes les écoles, à la regarder comme authentique.
La raison la plus forte qu'apporte Barruel pour contester l'authenti
cité, c'est que Firmilien ne pouvait écrire une telle lettre, puisque,
d'après saint Denys d'Alexandrie, il s'était réconcilié avec le pape
avant l'époque où il l'aurait écrite. Si Barruel eût été un peu plus
érudit, il eût su que dans la lettre de saint Denys d'Alexandrie à
Étienne, lettre à laquelle il fait allusion, Denys ne dit pas que toute
l'Église était en paix au sujet du baptême des hérétiques, puisque
la discussion ne faisait que commencer, mais qu'il dit seulement à
Étienne qu'il aurait tort de troubler par cette discussion l'Église, qui
se trouvait si heureuse de jouir de la paix après les troubles suscités
par Novat. Les autres prétendues preuves de Barruel sont encore plus
faibles et ne méritent pas d'être discutées. Disons seulement qu'il lui
a fallu une audace peu ordinaire pour s'élever contre les érudits les
plus illustres de toutes les écoles, qui admettent sans contestation
la lettre de Firmilien comme authentique.
(1) Lettre de saint Denys, dans l'Hist. Eccl. d'Eusèbe, liv. VII,
C. IX.
— 54 —
(1) Ibid.
(2) Eusèbe, Hist. Eccl., liv. VII, chap. xxvIII et xxx. Bibliothéque
des Péres, t. XI.
5
— 66 —
IV
(1) On entendait par ce mot l'Asie Mineure, dont Éphèse était l'an
cienne métropole.
La partie de l'Asie soumise à la juridiction de l'évêque d'Antioche
s'appelait Orient.
— 77 —
dir aux dépens des Églises dont les priviléges, établis par
les canons des saints Pères et fixés par les décrets du vé
nérable concile de Nicée, ne peuvent être ni ébranlés par
la perversité, ni violés par aucune nouveauté. »
L'Église de Rome a bien oublié ce principe de l'un de
ses plus grands évêques.
Dans sa lettre à l'impératrice Pulchérie (1), saint Léon
déclare « qu'il a cassé le décret de Chalcédoine par l'au
torité dubienheureux apôtre Pierre. » Ces paroles semblent,
au premier abord, faire croire qu'il s'attribuait une autorité
souveraine dans l'Église, au nom de saint Pierre; mais, en
examinant avec plus d'attention, et sans idée préconçue,
ses lettres et ses autres écrits, on reste convaincu que saint
Léon ne parlait que comme évêque d'un siége apostolique ;
qu'à ce titre il s'attribuait le droit, au nom des apôtres qui
avaient fondé son Église et des contrées occidentales qu'il
représentait, de s'opposer à ce que l'Église d'Orient prît
à elle seule une détermination importante dans une affaire
qui intéressait l'Église universelle.
La preuve qu'il envisageait ainsi les choses, c'est qu'il
ne s'attribue aucune autorité personnelle qui lui serait
venue, par saint Pierre, d'une source divine, mais qu'il
se donne, au contraire, comme le défenseur des canons,
et qu'il regarde les droits et les devoirs réciproques des
Églises comme ayant été établis par les Pères et fixés
par le concile de Nicée. Il ne prétend pas que son
Église ait des droits exceptionnels, émanant d'une autre
source; seulement, de droit ecclésiastique, il est le pre
mier évêque de l'Église; il est, en outre, sur le siége
corde-t-elle pas avec les actes et les relations les plus dignes de
foi. » En bon ultramontain, Feller affirme que Gélase a eu d'excel
lents motifs ; et c'est ce qui lui a fait broder un peu son histoire.Ainsi,
d'après Feller, Gelase de Cysique a menti; mais ses mensonges sont
excusables parce qu'il avait dirigé son intention, et que ses motifs
étaient bons. Feller était fidèle à l'esprit de sa Compagnie.
— 91 —
(1) Toutes les pièces auquelles nous faisons allusion dans ce récit
se trouvent dans la Collection des Conciles du P. Labbe. V. aussi les
OEuvres de saint Léon.
— 98 —
ques orthodoxes que comme une injure qui leur était faite ;
car ils avaient approuvé dès le commencement la croyance
du concile de Nicée, et ils avaient persévéré jusqu'alors
dans les mêmes sentiments. C'est pourquoi ils reçurent
avec bienveillance Athanase qui venait à eux, et ils pré
tendirent avoir le droit de juger sa cause. Eusèbe (de Ni
comédie) en fut vivement chagrin et en écrivit à Jules. »
C'est Eusèbe de Nicomédie qui représente les Orientaux
ariens, et c'est l'évêque de Rome qui représente les évêques
d'Occident. Cet évêque était Jules. Il prit la défense des
évêques persécutés, les soutint contre les Orientaux, et,
usant de la prérogative de son siége (1), reconnut comme
véritables évêques ceux que les Ariens avaient injuste
ment déposés. Ceux-ci se réunirent à Antioche et adressè
rent à Jules une lettre dans laquelle ils lui dirent avec ai
greur qu'il n'avait pas plus à se mêler de ceux qu'ils
avaient expulsés, qu'ils ne s'étaient eux-mêmes occupés de
l'affaire de Novat qu'il avait chassé de son Église. Sozo
mène (2) donne plus de détails sur cette lettre. Il nous
apprend que les évêques orientaux dirent : « Que l'Église
des Romains était glorieuse, parce qu'elle avait été habi
tée par les apôtres; et qu'elle avait été, dès le commence
ment, la métropole de la piété, quoique les docteurs de
la foi lui fussent venus de l'Orient. Il ne leur paraissait pas
juste cependant d'être regardés comme inférieurs, parce
qu'ils étaient surpassés en nombre et en magnificence par
une Église, lorsqu'ils étaient supérieurs en vertu et en
courage. » Jules ne leur répondit pas qu'il était chef de l'É-
(l) Eusèbe, lqç. cit.; saint Optat, liv. I°r; lettres de saint Augustin,
passim ; Collect. des Conc. du P. Labbe ;Collect. des Conc. des Gaules,
par le P. Sirmond.
— 116 —
(1) Les faits que nous allons analyser sont tous appuyés sur l'au
torité de Pallade, historien et disciple de saint Jean Chrysostome; sur
les Histoires Ecclésiastiques de Socrate, Sozomène et Théodoret; sur
les OEuvres de saint Jean Chrysostome, et sur les pièces officielles in
sérées, soit dans Baronius, soit dans la Collection des Conciles du
P. Labbe.
— 118 —
Oûro;74p èatt zzr& t#v do0stazv &ur5 rap& toû xuptov ôopsxv , 2pp.27n;
xxi ayvp»tátn rirpz s ?' #v th, ixx)iatzy 6 Sorhp õzoôöun7t. (Greg.
Nyss )
— 157 —
que tout ce qui lui était accordé l'était à l'Église (1). Tel
est le vrai commentaire de cette croyance des Pères, que
Pierre figurait l'Église lorsqu'il s'adressait à Jésus-Christ
ou que le Seigneur lui parlait. Saint Augustin admet, il est
· vrai, que Pierre a joui de la primauté, mais il explique
lui-même ce qu'il entendait par ce mot. « Il n'avait pas,
dit-il, la primauté sur les disciples (in discipulos), mais
parmiJes disciples(in discipulis). Sa primauté était, parmi
les disciples, la même que celle d' Etienne parmi les dia
cres. » Il appelle Pierre le premier (primus) comme il ap
pelle Paul le dernier (novissimus), ce qui ne donne qu'une
idée de temps. Cette idée était bien celle de saint Augus
tin, puisque dans ce texte, dont les Romains abusent tant
parce que saint Augustin y accorde la primauté à Pierre,
il dit formellement que Pierre et Paul, le premier et le
dernier, ont été égaur dans l'honneur de l'apostolat (2).
Saint Pierre n'a donc reçu, d'après saint Augustin, que
la grâce excellente d'avoir été appelé le premier à l'apo
stolat. Cette distinction, dont le Seigneur l'a honoré, fait sa
gloire, mais ne lui a conféré aucune autorité.
Saint Augustin, d'après les théologiens romains, aurait
reconnu l'autorité suprême de l'Eglise romaine en disant
que « la principauté de la chaire apostolique y a toujours
été en vigueur (3). » Mais qu'entendait-il par ces paroles?
Un fait certain, c'est que l'Église d'Afrique, sous l'inspi
ration de saint Augustin lui-même, qui était son oracle,
écrivit fortement à l'évêque de Rome pour l'avertir de ne
(2) Epist., Conc. Eph. ad Cœlest.V. Et. St. Prosp. Op. ; Phot. Biblioth.;
Cardinal Noris, Hist. Pelag., lib. II, ch. Ix; édit. rom.
-- 172 —
son nom de Pierre ? que c'est à lui qu'il a été dit par la
Vérité : Je te donnerai les clefs du royaume des cieux...
quand tu seras converti, affermis tes frères... Simon, fils
de Jean, m'aimes-tu ? Pais, mes brebis. C'est pourquoi,
quoiqu'il y ait de nombreux apôtres, le seul siége du prince
des apôtres a prévalu par sa principauté, lequel siége
existe en trois lieux ; car c'est lui qui a rendu glorieux le
siége dans lequel il a daigné reposer (quiescere) et finir la
vie présente. C'est lui qui a illustré le siége où il envoya
l'évangéliste son disciple. C'est lui qui a affermi le siége
sur lequel il s'est assis pendant sept ans, quoiqu'il dût le
quitter. Donc, puisqu'il n'y a qu'un siége unique du même
apôtre, et que trois évêques sont maintenant assis sur ce
siége, par l'autorité divine, tout ce que j'entends dire de
bien de vous, je me l'impute à moi-même. »
On doit remarquer que saint Grégoire, en parlant de
Rome, dit seulement que saint Pierre s'y reposa et qu'il y
mourut : à Alexandrie il n'envoya que son disciple ; mais
à Antioche il siégea sept ans. Si un évêque a hérité du
siége de Pierre, dans la rigoureuse acception du mot, ce
serait donc, d'après saint Grégoire, celui d'Antioche. Le
grand pape n'ignorait pas que saint Pierre n'était venu à
Rome que pour y mourir ; que l'Église romaine était alors
fondée et gouvernée par un évêque ; aussi se contente-t-il
de dire qu'il a rendu glorieux le siége de Rome par le
martyre qu'il a souffert, tandis qu'il désigne Antioche
comme la vraie chaire épiscopale de Pierre. Nous croyons
que saint Pierre ne fut pas plus évéque d'Antioche que de
Rome, dans la stricte acception du mot; mais il nous
suffit de constater l'opinion de saint Grégoire, et cette
opinion, quelle qu'elle soit, n'en est pas moins un ar
15
— 226 —
n'a pas été évêque de Rome. Nous avons déjà cité des
textes positifs. En voici un autre qui vient les confirmer :
« Il est certain, dit-il, qu'au temps où les saints apôtres
Pierre et Paul souffrirent le martyre, des fidèles vinrent
d'Orient pour redemander les corps de ces apôtres, qui
étaient leurs compatriotes. On conduisit les corps jusqu'au
deuxième mille et on les déposa à l'endroit dit les Cata
combes. Mais lorsqu'on voulut les soulever pour continuer
le chemin, le tonnerre et la foudre jetèrent une telle épou
vante parmi ceux qui essayaient de le faire, que jamais
depuis on n'a osé tenter de les emporter (1). »
Nous n'avons pas à examiner si ce fait est authentique ;
mais une vérité qui ressort évidemment de ce récit, c'est
que les Orientaux pouvaient revendiquer le corps de saint !
Pierre, parce qu'il était de leur pays, et que les Romains
ne songeaient même pas à leur répondre que son corps
leur appartenait à meilleur titre puisqu'il avait été leur
évêque.
Ainsi la doctrine de saint Grégoire le Grand sur l'Église
détruit pièce à pièce tout le système papal. On peut défier
les Romains de trouver dans les écrits du grand pape un
seul mot qui puisse donner une idée de cette monarchie
universelle, dont le centre serait l'Église de Rome, dont le
chef souverain serait l'évêque de cette ville. Cette doctrine
est en complète contradiction avec celle de saint Grégoire.
L'unité de l'Église ressort, d'après le saint docteur, des
rapports réciproques de ses chefs. « Que votre charité,
écrivait-il à Anastase, archevêque de Corinthe (2), ré
trône.
— 239 —
(1) On trouve les Lettres de Grégoire lII dans la Collection des Con
ciles du P. Labbe, t. VII.
— 254 —
VI
qui méritent pitié? Ne sont-ce pas ceux qui ont été vio
lentés? Si quelqu'un laissait en paix ceux qui ont fait vio
lence pour retomber sur celui qui l'a subie, je pouvais es
pérer de votre justice que vous le condamneriez.
« Les canons de l'Église, dit-on, ont été violés parce
que, du rangdes laïques, vous êtes monté au faîte du sacer
doce. Mais qui les a violés? Est-ce celui qui a fait vio
lence, ou celui qui a été entraîné de force et malgré lui ?
— Mais, il eût fallu résister. — Jusqu'à quel degré?-J'ai
résisté, et plus même qu'il n'eût fallu. Si je n'avais craint
d'exciter de plus grandes tempêtes, j'eusse résisté encore,
et jusqu'à la mort. Mais quels sont ces canons que l'on pré
tend avoir été violés? Ce sont des canons que, jusqu'à ce
jour, l'Église de Constantinople n'a pas reçus. On trans
gresse des canons quand on a dû les observer; mais lors
qu'ils ne vous ont pas été transmis, vous ne commettez
aucun péché en ne les observant pas.
« J'en ai assez dit, et même plus qu'il n'était opportun.
Car je ne prétends ni me défendre ni me justifier. Com
ment vouloir me défendre lorsque la seule chose que
je désire est d'être délivré de la tempête, d'être dé
chargé du poids qui m'accable ? C'est à ce point que j'ai
désiré ce siége, à ce point que je veux le retenir. — Mais
si le siége épiscopal vous est à charge aujourd'hui, il n'en
a pas été ainsi au commencement ? — Je m'y suis assis
malgré moi, j'y reste malgré moi. La preuve, c'est que, dès
le commencement, on me fit violence, c'est que dès le com
mencement j'ai voulu, comme aujourd'hui je voudrais, le
quitter. — Mais si l'on devait m'écrire des choses polies,
on ne pouvait m'écrire avec bonté et me louer. — Nous
avons reçu tout ce qui nous a été dit avec joie et en ren
— 296 —
(1) A cette époque [866] l'empereur Michel fit tuer Bardas, et mit
Basile, qui l'avait servi en cette circonstance, à la têtes des affaires.
On voit par la correspondance de Photius que ce patriarche avait
reproché vivement à Bardas les violences qu'il exerçait contre Ignace
et ses partisans. Lorsque Bardas fut mort, Pohtius écrivit à l'empereur
pour le féliciter d'avoir échappé aux intrigues de Bardas. De ces
lettres, rapprochées les unes des autres, il en résulte que Photius
et Bardas n'étaient pas en rapports tellement intimes que l'on puisse
attribuer au patriarche les violences du César. Mais cette conclusion
ne convient pas aux ennemis de Photius qui veulent faire retomber
sur ce dernier toutes les violences. Ils affirment donc que Photius fut
assez lâche pour incriminer Bardas après sa mort, lorsqu'il l'avait
lâchement adulé pendant sa vie et l'avait fait servir à ses vengeances.
Des ennemis et des fanatiques peuvent écrire ainsi l'histoire, mais
de tels procédés ne peuvent provoquer que le dégoût dans les con
sciences honnètes.
(2) V. Phot. Epist., lib I, epist. vIII.
— 309 —
(1) Ses ennemis ont écrit qu'il avait eu recours à la magie pour
disposer Basile en sa faveur, et de graves historiens ont accepté cette
accusation ridicule !
— 331 —
VII.
(1) Il paraît certain que l'addition au symbole fut faite par un con
cile de Tolède de 633, et qu'elle fut confirmée par un autre qui se
tint dans la même ville en 653.N. Alexandre, Hist. Eccl., Dissert. xxvII,
tn saecul. 4, prétend qu'elle fut admise dans le concile de Tolède
de 589; mais on a prouvé que les actes de ce concile furent altérés
sur ce point.
— 336 —
(1) Parmi les lettres de Photius (lib. Il, Epist. 24) on en trouve une
au métropolitain d'Aquilée. Il y répond aux textes des Latins en di
sant que, si l'on peut en citer dix ou vingt en faveur de l'innovation
on peut en citer six cents contre, d'où il suit que la tradition sera
toujours claire. Il y développe aussi les mêmes arguments que dans
son encyclique.
— 344 —
de la foi, parce que cette foi est sortie de son sein; l'Eglise
de Rome est la mère des fidèles, parce qu'elle a été placée
au-dessus d'eux tous par le privilége de sa dignité. » Inno
cent félicite ensuite le patriarche sur son désir de l'union ;
puis il ajoute qu'il doit respect et obéissance à l'Eglise
romaine ét à son évêque comme à son chef; qu'il le recevra,
à condition qu'il sera soumis comme un membre doit l'être
à la tête; mais que s'il refuse le respect et l'obéissance, il
procédera contre lui et contre l'Eglise grecque.
Innocent III aimait à parler en maître. Il s'exprime de
la même manière dans sa réplique à l'empereur : il dé
clare qu'il veut bien réunir un concile, quoique la con
stitution de l'Eglise ne soit pas synodale; qu'il y appellera
le patriarche ; que s'il veut s'y soumettre à l'Eglise ro
maine et lui rendre l'obéissance qu'il lui doit, la paix sera
fuite avec lui. Il prie l'empereur d'avoir soin que le pa
triarche se rende au concile avec ces dispositions. ll ter
mine encore cette lettre par des menaces.
Il ne les exécuta pas, cependant, car il comprenait que,
pour le succès de la croisade qui s'organisait alors, il fal
lait ménager l'empereur grec. Il écrivit donc aux croisés,
qui venaient de quitter Venise et qui se dirigeaient sur
Constantinople : « Que personne d'entre vous ne se flatte
qu'il lui soit permis d'envahir ou de piller la terre des
Grecs, sous prétexte qu'elle n'est pas assez soumise au
saint-siége, et que l'empereur a usurpé l'empire sur son
frère. Quelque crime que lui ou ses sujets aient commis,
ce n'est pas à vous d'en juger, et vous n'avez pas pris la
croix pour venger cette injure. n
Nicée en Bithynie.
Les Français et les Vénitiens entrèrent en lutte au sujet
du nouveau patriarche latin, et du partage des biens ecclé
siastiques. Thomas s'adressa au pape, qui lui répondit par
une longue lettre dont nous citerons cet extrait : « Entre
les quatre animaux qui sont autour du trône, Ezéchiel met
l'aigle au-dessus des autres, parce que, parmi les quatre
Eglises patriarchales figurées par ces animaux, et qui sont
autour du saint-siége comme ses servantes, celle de Con
stantinople à la prééminence. »
Ainsi Rome était le trône. L'aigle impérial, figure de
Constantinople, devait être le premier des animaux sym
boliques qui l'adoraient. Telle était la modeste idée qu'In
nocent lII avait de son autorité. Il donne ainsi une origine
divine à la prééminence de Constantinople, parce qu'elle
lui était venue du saint-siége, organe de Dieu. Après ce
préambule, le pape donne à Thomas des instructions
parmi lesquelles nous remarquons celles-ci : « Vous me
demandez comment vous devez régler les évêchés dans les
pays où il n'y a que des Grecs, et dans ceux où ils sont
mêlés avec des Latins. Dans les premiers vous devez or
donner des évêques grecs si vous en trouvez qui vous soient
fidèles et qui veulent bien recevoir de vous la consécration.
Dans les évêchés mêlés, vous ordonnerez des Latins et
vous les préférerez aux Grecs... Si vous ne pouvez rame
— 378 —
ner les Grecs au rite latin, vous devez les souffrir dans le
leur jusqu'à ce que le saint-siége en ordonne autrement. »
Telle fut la règle constamment suivie par la papauté à
l'égard des Grecs-unis : les supporter jusqu'à ce qu'on pût
les soumettre.
A dater de cette époque, on vit en Orient, par autorité
papale, deux Eglises catholiques opposées l'une à l'autre.
Le schisme fut dès lors un fait accompli [1206]. Comme
l'écrivait fort bien l'évêque de Thessalonique au pape
Adrien IV, le schisme n'existait pas réellement avant
cette époque. Il y avait simplement protestation de l'Eglise
orientale contre les innovations romaines. Cette protesta
tion était antérieure à Michel Cérularius et même à Pho
tius. Elle avait pris sous ces patriarches un caractère plus
acçentué, parce que Rome innovait toujours davantage,
et voulait imposer son absolutisme à toute l'Eglise; mais,
au fond, le schisme n'était pas constitué, comme le remar
que judicieusement Fleury à propos des relations de Ma
nuel Comnène avec Alexandre III : « On ne peut dire que
de son temps le schisme des Grecs fût encore formé (1). »
Cette remarque échappée au docte historien, qui ne peut
être suspect de partialité en faveur de l'Eglise orientale,
a une importance qui n'échappera à personne. On doit en
conclure que ni Photius ni Michel Cérularius ne créèrent
le schisme. Quel en fut donc l'auteur? ll serait impossible
d'en indiquer un chez les Grecs. Pour nous, c'est la pa
pauté qui , après avoir provoqué les protestations de
l'Eglise orientale et les avoir affermies par ses prétentions
autocratiques, a réellement fondé le schisme. L'auteur vé
TABLE
DES MATIÈ R ES
D -
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