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LA LEGENDE NAPOLEONIENNE
,·
ET LES POLONAIS
DESLÉGIONS DEDOMBROWSKI
-A L'ESCADRON
DESCHEVAU-LÉGERS
POLONAIS
A· L'ILED'ELBE
( 1796-1815)
L-----"'-~
Le Jnince Jose/Jh Po11ialowski, neveu du roi de Pologne (1ï63-1813f Sumo111111é le « Bayard /Jo/011ais "
Maréc/w/ de France en 1813 sur le cham/J de bataille de Lei/nig
Miniature sur wOLre (Collection R.aoul et Jean Brunon)
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La Légende Napoléonienne et les Polonais, 179&-1&15
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z1ew1cz et lui dit qu'il était altendu. Comme il
/Jarlait /Jolonais, nous devinâmes aussitôt que
c'était Jose/Jh Sullwwsl<i ... La /Jorle s'ouvrit taule
grande, et nous ct/JerçÎlmes le général Bona/JC1rte:
c'était l'officier qui venait de nous montrer la mai-
son du général en chef ! Après avoir salué les
officiers /Jrésents, il s'avança vers Kniaziewicz,
l'altira dans l'embrasure d'une fenêtre et se mit
à causer avec lui. ))
A la suite de cet entretien, la Légion polonaise
fut encore augmentée, elle put mettre en ligne
deux légions à pied, la première sous le comman-
dement du général Kniaziewicz, qui succédait à
Wielhorski, ce dernier ayant été mis à l.a tête de
la seconde en remplacement de Ryrnkiewicz. Cha-
cune d'elles comprenait trois bataillons à dix com-
pagnies de 125 hommes ; il y avait, en outre, trois
compagnies d'artillerie sous les ordres du chef de
bataillon Axamitû\-vski. Le général Dombrowski
exerçait le commandement en chef de tout le
corps.
CHEVAUlfuï~
NAPOLÉ
Etendard de l'escadron Na/Joléon de Cltevau-Léyers /Jolonais de la Garde lmJ,ériale ù l'île d'Elbe, 1S1-1-1S15. Fond de
taffetas blanc, de 5S centirnètres de côté, bande de taffetas cramoisi de 20 centimètres, abeilles et N couronnée brodées
de soie iattne, inscri/1tions brodées de soie cramoisie. (Au Musée de /'Armée. Collection du J1rince de la /\loskowa).
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cc Poniatowski /Htrlit à /Yied /Jar les boulevards.
C'était affreux de contem/Jler les débris en retraite
de la Grande Année, cette /Joignée d'hommes qui
entourait notre /Jmwre chef. R.e/Joussm1t toutes les
attaques, ils marchaient vers le /Jont sans savoir
qu'il 11'existait /Jlits. L'infanterie ennemie les sui-
vait, tirant sur eux.
cc Le /Jrince, voulant mettre un instant ses hom-
mes à l'abri, entra dans le jardin de R.eichel, déjà
jonché de cadavres. Les arbres du fxirc ne furent
/Jas suffisants /Joiir protéger notre chef, il fut con-
tusionné au côté /Jar un /Jrojectile qui le fit tomber
sans connaissance dans les bras d'un de ses aides
de cam/J. Enfin, il revint à lui, on le /Jansa et
on le hissa sur le meilleur des chevaux qui le sui-
vaient, mais à /Jeine /JOLtvait-il se tenir en selle.
cc Tous ses aides de cam/J le su/J/Jliaient de rester
et de se faire soigner sérieusement - c'est-à-dire
de se laisser faire /Jrisonnier et de céder son com-
mandement - cc Non, ré/Jondit-il d'une voix faible,
Dieu m'a confié l'honneur des Polonais, je ne le
Etendard du z,ne 1\égiment de J-lulans J;olonais au service rendrai qu'à Dieu ! )J
du JJrince Murat, grand-duc de Berg et de Clèves, 180ï. <c A ce moment, survint un officier du Génie
(Collection l\aoul el Jean Brunon). qui annonça cm /Jrince que le pont de l'Elsler avait
sauté /Jrémalurément /Jar suite d'un malentendu,
lentement, comme s'il eût pressenti qu'il ne le mais qu'il connaissait im endroit où l'on /Jourrail
reverrait jamais plus. facilement /Jasser la rivière à gué. Tout le monde
le suivit jusqu'au bord de l'Elster. Le /Jrince entra
Aux champs de Leipzig, exact~ment le 15 octo- dans l'eau, mais, affaibli /Jar ses blessures, par la
bre au matin, Napoléon annonça devant la ligne de dernière surtout, il laissa f lotier les rènes ; le che-
bataille qu'il venait d'élever Poniatowski à la di- val atteignit l'autre rive sous une pluie de balles,
gnité de maréchal de France. Le Bulletin du jour mais la berge était /Jresque à /Jic, très glissante ;
mentionnait que le prince cc s'était, dans toutes les le cheval n'y fnLt /Jrendre /Jied, le /Jrince tomba à
batailles, couvert de gloi1-e ii. Il avait été l.a veille, l'eau et fut emf;orté /Jar le courant. Il est /Jroba-
blessé à la main, en chargeant à la tête d'un régi- ble qu'il avait /Jerdu connaissance, car il venait
ment de Lanciers; il le fut une seconde fois le len- de recevoir encore une blessure, la troisième de la
demain. journée, la cinquième depuis le commencement
Et voici la fin du héros, le 19 octobre, telle
qu'elle est relatée dans les mémoires d'Ostrow-
ski : cc V ers une heure de l'a/Jrès-midi, Lei/JZiy
était déjà occu/Jée /Jar les trou/Jes alliées. Le /Jrin-
ce Poniatowski voyait bien que sa /Jetite /Jhalange,
com/Josée de ses aides de cam/J, de quelques offi-
ciers su/Jérieurs, de laal<us et de cuirassiers, ne
/Jouvait fx1.s tenir /Jlus longlem/Js ; c'est seulement
alors qu'il se décida à la retraite. Le général Bro-
nilwws!à s' a/J/Jroc/w de lui et le su/J'fJliade /Jasser
la Pleisse à la nage sans retard ; tout n'était /Jas
/Jerdu, l'année française se relirait seulement faute
de munitions. Ni l'un, ni l'autre ne savaient en-
core que le /Joni sur /'Elster était détruit et que
la retraite était COLL/Jée /Jarlout. Le /Jrince Jose/Jh
céda aux instances de son ami et se jeta dans la
Pleisse, suivi de son état-major, des laal<us et des
cuirassiers. La Pleisse, comme l'Elster, était gon-
flée /Jar une crue et le courant était violent. Le
/Jrince, blessé au bras, ne /Joiwait maintenir son
cheval que le courant entraîna. Le ca/Jitaine Blé-
cham/J•s, un de ses aides de cam/J, qui était excel-
lent nageur, s'élança vers le /Jrince qu'il réussit ù
ramener sur la rive o/J/Josée, mais le cheval fui En taffetas de soie J;eint aux couleurs du Grand-Duché, blanc
noyé. et rouge; ornements et inscriptions J;ein.ts en or et couleurs.
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de la bataille de LeiJJZig, et il avait /Jerdu beau-
cou/J de sang. Le ca/Jitaine Blécham/Js se jeta à
l'eau /Jour essayèr de le sauver encore une fois ;
il arriva à lui, et l'on vit le chevaleresque officier
français re/Jaraître /Jlus d'une fois à la surf ace avec
le /Jn·nce qu'il tenait par la taille,. /nLÏs tous deux
s'enfoncèrent et on ne les revit /Jlus.
« Trois jours a/Jrès cette scène dramatique, des
/Jécheurs retirèrent avec leurs crocs, JHès du bar-
rage de l'Elster, les cor/Js des deux victimes.
« Le /Jrince Schwarzenberg, ancien camarade
du /JrÎnce, le fit enterrer avec les honneurs mili-
taires, dans le jardin de R_eichel. C'est là que, neuf
mois plus tard, les trou/Jes /Jolonaises, en rentrant
dans leur /Jatrie, reprirent le cur/Js de leur chef
/Jour le ramener à Varsovie. ii
Le 4 novembre 1813, Napoléon écrivit, de
Mayence, la lettre suivante à la sœur de Ponia-
towski : « Madame la Comtesse Tyskiewicz, la
/Jerte que nous avons faite est bien grande. Le
/Jrince Poniatowski est mort glorieusement a/nès
m'avoir rendu les plus grands services /Jour les-
quels je l'avais nommé maréchal de France. Vous
trouverez toujours /Jrès de moi, /Jrotection et le
/Jlus vif intérêt. Jl
Si le prince Joseph appartient ù l.a Pologne, le Cza/Jska de trou/Je de Lancier de la Légion de la Vistule,
111aréchal Poniatowski appartient i1 la France. Son 1808-1811, ou des 7me et 3me Régiments de Chevau-Légers,
nom, inscrit au côté Est de !'Arc de Triomphe de 1811-1814. On remarquera la croix polonaise, argentée,
sur la cocarde aux couleurs françaises. C'est le seul s/>é-
!'Etoile, reste cher aux cœurs français. c1111en connu. (Collection Raoul et Jean Brunon).
Fidélité. - Peu de jours avant mage de cette fidélité que nous avons conservée
son abdication, à Fontaine- dans les circonstances les plus critiques et jus-
bleau (6 avril 1814), l'empe- qu'au dernier moment à un prince malheureux ll.
reur Napoléon appela auprès La réponse de l'empereur de Russie fut des plus
de lui le général Krasinski, flatteuses ; il avait depuis longtemps de la sympa-
colonel des Chevau-Légers thie pour les Polonais et nourrissait pour eux des
Lanciers polonais de la Gar- projets qui aboutirent ù la création d'un Royaume
de, l'un de ses chambellans, de Pologne sous un statut' particulier : ainsi les
et lui demanda ce qu'il dési- efforts persévérants des Polonais, les sacrifices
rait qu'il fit pour les troupes polonaises. Le général consentis depuis vingt ans ù la cause de la patrie,
lui répondit que l'armée polonaise priait !'Empe- au souffle puissant de l'épopée française, n'avaient
reur de vouloir bien lui accorder son congé et de donc pas été perdus ; ils eurent certainement une
lui donner un témoignage officiel de sa satisfaction. inHuence sur les décisions cl'Alexandre.
!}Empereur écrivit alors la lettre qui suit : « Mon- Le 11 avril, le général Krasinski quitta Fontaine-
sieur le général comte Krasinski, vous recevrez bleau ù la tête des deux régiments polonais de la
un déci-et par lequel je réunis sous votre comman- Garde et, dès le lendemain, il prit les ordres clù
dement tous vos compatriotes qui se trouvent dans grand duc Constantin de Russie.
l'armée ; je désire que vous témoigniez de ma part Le 7 juin 1814, les débris de l'armée du Duché de
;, ces braves Polonais la satisfaction que j'ai de Varsovie, réunis aux Chevau-Légers de la Garde
leurs bons et fidèles services. Su.r ce, je prie Dieu Impériale, se mirent en route de Saint-Denis, sous
qu'il vous ait en sa sainte garde. Fontainebleau, la conduite du général Sokolniczki, pour retourner
le 4 av1-il 1814. Signé : Napoléon ll. en Pologne ; ils emportaient avec eux l'estime et
Le général en chef de l'année polonaise, après les regrets de toute l'armée française.
avoir reçu de Napoléon la liberté de tout engage- En traversant Nancy, les officiers polonais se
ment pour tous ses compatriotes, résolut, d'ac- rendirent clans la basilique de Notre-Dame de
cord avec eux, d'utiliser la bienveillance de l'em- Bon-Secours pour s'incliner devant le tombeau du
pereur Alexandre. li lui adressa une lettre dans roi Stanislas Leczinski ; ils voulurent marquer
laquelle on lisait : « Polonais, nous avons servi leur passage par un ex-voto qui existe toujours.
l'homme le plus étonnant du siècle, et nous ne C'est une dalle de marbre noir, scellée dans la
l'avons quitté que quand il nous a quittés lui-mê- muraille et que surmonte l'aigle polonaise ; une
me. Sire, décidez de notre sort, et agréez l'horn- inscription latine, noble et émouvant hommage de
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ces errants, peut se traduire ainsi : « Après avoir fidélité qu'il dédia au Grand Homme dont il suivit
« cherché par le monde, avec l'aide de la France, le destin et partagea la gloire ; le lecteur y trou-
« une patrie qu'ils ont méritée par leur courage et vera le touchant souvenir de Marie Walewska :
« leur persévérance, les débris de l'armée polo-
« naise, rassemblés par la bienveillance d' Alexan- Vers l'Elbe, l'Empereur voguait;
Devais-je revenir, où et pourquoi ?
« dre le pacificateur, et regagnant leurs pénates
Je sais comment, me payeront les Allemands,
« sous la conduite de Michel Sokolnicki, aux cen- Je sais que les chemins de mon destin
cc dres d'un père et d'un bienfaiteur, de Stanislas Sont éclairés par une étoile
cc Leszcinski, bisaïeul du roi très chrétien, disent Et que, quand elle pâlira,
cc en pleurant un éternel adieu. 11 juin 1814. >> Pâliront avssi nos destinées.
En passant par Leipzig, l'année polonaise Donc, triste et endolori,
reprit .avec elle, comme nous l'avons déjà relaté, Je voguais vers un rocher,
le corps du prince Poniatowski ; il fut inhumé à Après Elle, après Lui ; peut-être encore
Dieu aidera Napoléon.
Varsovie, puis, en 1817, transporté à Cracovie dans Souvent, étant de garde,
la sépulture des rois de Pologne. Je le voyais sur ces rochers,
Mais, pour terminer, revenons auprès de ce Ré- Regardant des heures entières
giment des Chevau-Légers polonais de la Garde Si quelque navire passait.
Impériale qui, après la chute de l'Empire, s'assura Les flots de la mer frappaient les roches,
pour toujours dans le souvenir des Français une Les nuages obscurcissaient le ciel,
place d'honneur. Et Lui, sur cette montagne
Me semblait une étoile dans la· nue.
cc Venus des bords lointains de la Vistule, ces Une fois, il passa avec une jeune dame;
cavaliers aussi brillants qu'intré/Jides, restés sans Je l'examinai de côté;
/Jalrie a/Jrès tant d' ex/Jloits et jugés dignes par Il lui dit : « Regardez-le,
/'Empereur de fournir sa dernière escorte à l'île << Avance à l'ordre, grognard ! »
d'Elbe, fra/J/Jèrent les imaginations françaises ; « C'est votre compatriote >>. Mes yeux se mouillèrent;
on se /Jlut à voir en eux la /Jersonnification cheva- « Où êtes-vous né ? » - << Au bord de la Vist11le... »
leresque de la fidélité au héros vaincu. Aussi, le « - Si tous m'aimaient ainsi,
c< Nous vaincrions encore ».
Lancier /Jolonais apparaît-il alors, en des grou/Jes Ayant mis l'arme à l'épaule,
symboliques que vulgarisa la lithogra/Jhie, aux Je dis : - « Sire !
côtés du Grenadier à /Jied de la Vieille Garde. Le << Dieu voit que je ne mens pas,
souvenir de la téméraire vaillance du cavalier, de « Cent mille hommes se lèveront encore,
la froide bravoure du fantassin, se dé/Jensant li « Faites seulement un appel aux armes
l'envie, l'une et l'autre, dans un absolu dévoue- <t Et il ne manquera pas d'hommes en Pologne ! »
ment au grand ca/Jitaine, semble avoir fait de ce (« Wiarus Na/Jo/eonslâ », Le Grognard Napoléonien »).
cou/Jle fraternel, l'image favorite de l'armée dis-
/Jarne » (Général Vanson). JEAN BRUNON.
Le traité de Fontainebleau avait accordé à Napo-
léon d'emmener avec lui, à l'île d'Elbe, six compa-
gnies de Grenadiers et de Chasseurs de la Vieille
Garde, une compagnie de Marins et un escadron
de Chevau-Légers polonais.
Cet escadron prit le nom d'Escadron Napoléon ;
il était commandé par le chef d'escadrons Jerma-
nowski, ayant sous ses ordres les capitaines Ba-
linski et Szulti, les lieutenants Finkowski, Sko-
wrowski, Koch et Piotrowski. Son effectiI au dé-
part était de 109 hommes. Sa composition fut
arrêtée le 10 avril 1814, à Fontainebleau, et un
grand nombre de Chevau-Légers, désireux de se
consacrer au service de l'Empereur, ne purent
être admis. Par ailleurs, quelques Chasseurs et
Mamelucks de la Garde réussirent à se faire incor-
porer dans la petite troupe.
L'Escadron Napoléon rentra à Paris le 20 mars
1815, après avoir accompli avec !'Empereur ce
retour triomphal et accompagné le vol de l'Aigle
de l'île d'Elbe jusque dans la capitale. Il fut alors
incorporé dans le Régiment des Chevau-Légers
Lanciers de la Garde, dont il forma le premier
escadron. Czapska du /Jrince Jose/Jh Poniatowski comme général de di-
L'instant est venu de laisser la parole au Chevau- vision du Duché de Varsovie (1807~1814). En feutre nôir,
Léger polonais et de chanter avec lui l'hymne de garni en argent. (Au Musée Zamoyski, à Varsovie).
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Etendard du ter escadron de la Cavalerie de la Légion J;olonaise, dite du Danube, sous le Consulat. En soie darnassée,
tricolore, broderies d'argent el de soie de cou.leur. Les inscriJ;lions du revers sont en langue J;olonaise. (Musée
de /'Armée, collection du /Jrince de la Mosi<owa).
Nic placzmy nad naszym losem, Ne pleurons pas sur notre sort,
Do chwaly na111 trzeba spiesszc, Courons vers la gloire ;
I raczej slawy odglosem Et que plutôt l'écho de la gloire
Stesknione serca pocieszyc. Console les cœu,·s attristés !
Przydzie czas, gdy mi tej zicrni, Le jour viendra oi,, sur cette terre,
"'srod swietnych zwycieztwa znakow, Au milieu des marques brillantes de la victoi,·e,
Polacy ... wposrod Polakow. Nous nous verrons tous heureux :
Ujrzyrny sie szczesliwemi : Polonais. . . au milieu des Polonais.
Extraits de la Marche du Régiment de la Garde polonaise de Napoléon, en 1808, par Louis Osinski.
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-- MARSEILLE --
Imp. du PETIT MARSEILLAIS
15, COUI1Sdu Vieux-Port, 15
1940