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OLIVIER DE PRAT

MEDECINS
MI LIT AIRES
1
D A UTREFOIS

Contribution à l'Étude du Costume


des Officiers de Santé de 1660 à 1870

ÉDITÉ PAR LE LENIFORME


26, Rue Pétrelle, 26 - PARIS (9e)
Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation
réservés ponr tous pays, y compris la Russie.
Copyright by Edition LENIFORME, 1935.
CHAPITRE PREMIER
FRESQUE DE GIBELIN (brûlée en 1889)
Amphithéâtre de l'Ecole de Médecine

LES PRÉCURSEURS

Certains font remonter l'origine du Corps de Santé militaire à la


guerre de Troie. Ne disent-ils pas en effet qu'à cette époque fabuleuse
Podalyre et Machaon, fils d'Esculape, traitaient déjà les blessés, selon ce
principe que nous retrouvons exprimé dans un ouvrage du xvu• siècle (1) :
« Le brave médecin est celuy-là qui jette »
« Hors les membres blessez la meurtrière sagette. »

Je ne les imiterai pas et, comme Petit-Jean, je passerai au déluge ou,


du moins, à un siècle plus rapproché de nous.

( l) « La Cl1irurgic Françoise», par Jacques Guillcmeau, 1G12.


8

Certes, il y eut, à toutes les époques, des hommes de science qui se


dévouèrent, par devoir professionnel et aussi par curiosité, à leurs sem-
blables frappés en combattant; mais ce sont là des cas isolés, dus à
l'initiative personnelle de grands seigneurs ou de chefs d'armées soucieux
de leur propre conservation et il ne faut point y voir le reflet d'une \
institution à but collectif.
Jusqu'ici, les différents ouvrages qui ont traité de l'histoire française
l
du Corps de Santé n'ont pas dépassé la date, fort récente, de sa création
officielle. Heureusement que de nos jours, une certaine réaction se mani-
feste contre cette tendance un peu simpliste et que des auteurs, coura-
geux et érudits (1) mettent en lumière l'existence bien antérieure à cette
époque, d'établissements rationnellement compris en vue de l'assistance
médicale aux armées.
Pour moi qui ne m'occuperai ici que du costume porté par les
médecins et chirurgiens attachés aux troupes, je me bornerai à prendre,
comme point de départ, l'époque où l'organisation générale de l'armée
française, due à la suprématie définitive du pouvoir central sur les
puissances qui lui faisaient encore obstacle à l'intérieur du pays, néces-
sita l'institution ,d'une tenue uniforme et à peu près semblable pour tous
les membres d'une même formation. Cette époque reste encore bien diffi-
cile à définir exactement, car l'organisation de l'armée royale ne se fit
pas d'un seul coup et fut le fruit d'une série très longue d'ordonnances
souvent remaniées et que les circonstances obligèrent parfois à retarder
ou à avancer dans leur effet. Quoi qu'il en soit, c'est avec le début du
gouvernement effectif de Louis XIV qu'il convient de faire coïncider
l'établissement à peu près général d'un costume uniforme pour les
troupes.
Nous savons par ailleurs qu'au cours des grandes guerres qui mar-
quèrent son règne, ce monarque fit dresser, suivant en cela l'exemple de
ses prédécesseurs immédiats, des hôpitaux provisoires à proximité des
places qu'il assiégeait pour secourir et assister les soldats blessés au cours

( 1) En parlicu.lier, les très intéressants travaux de M. Bouvet sur les apothicaires


des armées.
--..-
...... ~ ·- _.-.,:.--$

MEDECJN DO:\'NA:\'T LES PREMIERS SOINS VERS 1660


GRAVURE DE GEORGES-PH. RUGENDAS
Musée du Val-de~Grâce
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des opérations. Et comme ces guerres furent longues et peu espacées, la


nécessité d'une organisation permanente de ces établissements charitables
se fit de plus en plus sentir. Disons tout de suite que l'honneur de la
création officielle des hôpitaux militaires ne revient pas à Louis XIV, r
mais à son père. C'est en effet par un édit de Janvier 1629, inspiré par
le Cardinal ,de Richelieu, que fut décidée l'installation, dans un certain
nombre de villes fortes, d'hôpitaux spécialement destinés à l'usage des
troupes. Le nombre de ceux-ci fut augmenté par la suite, à mesure que de
nouvelles provinces étaient réunies au domaine et que des places de
guerre y étaient construites, mais leur sii:uation autour des frontières
demeura toujours la même et servit de cadre à toute l'organisation du
Service de Santé sous l'ancien régime. Au contraire, les hôpitaux provi-
soires, créés à l'occasion d'un siège et auxquels j'ai ,déjà fait allusion plus
haut, peuvent être considérés, dans une certaine mesure, comme les
précurseurs des ambulances de campagne plus ou moins mobiles dont
nous ne verrons le complet développement qu'au moment de la Révo-
lution. Retenons bien ces deux aspects différents de l'assistance médicale
aux armées, ils subsisteront encore longtemps côte à côte et joueront même
un rôle, comme nous le verrons par la suite, sur l'uniforme porté par ]es
hommes chargés de l'assurer.
Voyons maintenant rapidement quels étaient ces hommes. Les uns,
ceux que le Roi chargeait de l'organisation des hôpitaux en campagne,
étaient le plus souvent de grands personnages. Sous la direction de son
premier médecin, cette élite, composée en majeure partie de praticiens
célèbres déjà dans la vie civile, trouvait à la guerre d'excellentes occasions
pour exercer ses talents et faire des observations nombreuses. C'était là,
en effet, un champ merveilleux d'expériences où les cas, bien plus variés
que dans la vie courante du temps de paix, offraient à ces hommes de
haut mérite le moyen de perfectionner leurs savantes recherches; car
c'est un fait qu'à cette époque il n'y a de véritable chirurgie que celle
pratiquée aux armées. Membres pour la plupart de confréries ou, comme l
on disait alors, de « co'llèges » parmi lesquels celui ,de Saint-Côme était
le plus réputé, ces praticiens qui avaient le titre de « chirurgiens de robe
longue », portaient, dans l'exercice de leurs fonctions à la ville, le fameux
~ ~'
- ....1

AMBULANCE PROVISOIRE DE CAMPAGNE sous LOUIS xrv


GRAVURE DE GEORGES-PH. RuGENDAS
Musée du Val-de-Grâce
12

costume immortalisé par Molière. Mais, en campagne, il est évident qu'ils


ne pouvaient s'embarrasser d'un tel vêtement et sans doute durent-ils se
contenter, comme nous le verrons plus loin, d'un quelconque justaucorps
semblable, en tous points à celui d'un bourgeois.
Quant aux autres, ceux que l'on voyait le plus souvent en contact
avec les troupes, leur recrutement était bien moins choisi. Héritiers des Ji
barbiers et autres « sangsues du soldat » dont les annales des :x:v• et
xvl" siècles nous ont laissé le souvenir, ces hommes étaient tout juste
capables d'assurer les premiers soins. D'aill.eurs, leur rôle se bornait, par
le fait des circonstances, h ces opérations très simples, car un engagement
important n'avait jamais lieu très loin d'une place, et les blessés étaient
transportés à l'hôpital le plus proche pour y être sérieusement traités.
1

Ces chirurgiens d'occasion ne portaient, eux, aucun costume spécial et,


comme on a pu le voir sur les deux gravures que j'ai données précédem-
ment, leur tenue se confondait absolument avec celle des soldats.
A ce propos, je dois ouvrir ici une parenthèse. Si les documents
iconographiques sur les guerres de ce temps sont nombreux, il n'en est
à peu près aucun où l'on puisse voir les médecins et les chirurgiens des
armées dans l'exercice de leurs fonctions. Cela tient à cette raison, qui
vaudra pour tout l'ancien régime, que le réalisme, au sens où nous
l'entendons aujourd'hui, est chose inconnue à l'époque. Les artistes
représentent des événements auxquels ils ont parfois eux-mêmes assisté,
mais suivant un certain nombre ,de données conventionnell.es. S'ils ont le
souci de l'exactitude pour bien des détails, il est néanmoins des scènes
qu'il ne faut pas représenter parce qu'elles choquent le goût du jour.
C'est la politesse du langage transposée dans la peinture et la gravure.
Voilà pourquoi j'ai donné ici ces ,deux gravures qui sortent de la règle
générale et nous donnent des aspects très véritables d'ambulances
volantes et, de postes de secours improvisés.
Tout au contraire, ce frontispice tiré des œuvres d'un célèbre chi-
rurgien militaire allemand (les Français avaient exactement le même cos-
.
tume) nous offre le type de ces représentations un peu rigides où la
convention et le « bon ton» empêchent d'entrer dans certains détails
CI-IIRURGIEN MILI'l'AIRE F,\TSAN'l' UNE OPERNl'lON
FRO:-ITISPICE DES OEUVRES DE GOT'lTRIED PURMANN - 1G90
Bibliothèque Nationale
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par trop réalistes. C'est ainsi que l'on voit notre praticien procéder à une
extraction de projectile sans que son patient ait même songé à enlever
son justaucorps ; inutile de dire que, dans la pratique, il n'en était rien.
Quoi qu'il en soit, cette gravure es.t, du point de vue qui nous inté-
resse ici, fort précieuse, car elle vient à l'appui de ce que je développais
tout à l'heure et nous montre l'aspect de ces hôpitaux provisoires instal-
lés près d'une place· à l'usage de l'armée assiégeante. On aperçoit, en effet,
dans le fond, suivant une perspective très en honneur à l'époque, les
batteries protégées derrière des fascines et tirant sur la ville forte tandis
que se livre dans la plaine environnante un combat acharné de cavalerie.
Le chirurgien et ses aides portent un costume absolument semblable
au costume civil qui d'ailleurs, à ce moment-là, ne se différenciait du
militaire que par les couleurs et, fait plus curieux, chacun est muni d'une
épée. C'est là un détail qui vaut la peine d'être signalé car c'est sans doute
le seul emblème qui ait distingué à l'époque les chirurgiens des armées de
leurs confrères civils.
Malheureusement, pour ce qui est des couleurs de ces justaucorps,
pas une peinture ne vient à notre aide pour nous les indiquer, et il est.
plus que probable qu'aucune règle ne les avait encore fixées d'une ma-
nière uniforme. Néanmoins, je citerai ici ce passage amusant tiré du
« Parfait chirurgien d'armée», publié en 1696 par Mr. Abeille, chirur-
gien-major des hôpitaux des armées du Roy en Flandre, qui, à défaut de
précisions, nous montrera l'opinion des contemporains sur le sujet.
Rédigé sous forme de catéchisme, ce recueil nous donne la réponse sui-
vante à la question : « Quelles sont les conditions du parfait chirur-
gien ? »

<< Qu'il soit grand ou petit, mais bon chirurgien, »


« Qu'il soit Normand, Gascon, Manceau, Parisien, »
« Qu'il porte le rabat, qu'il porte la cravate, » (1)
« Qu'il marche à pas comptez, ou qu'il marche à la hâte, »
« Qu'il soit vêtu de gris, qu'il soit vêtu de noir, »
« Qu'importe, à cela près, s'il sçait bien son devoir. »

( 1) Allusion aux deux catégories de chirurgiens.


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« Si des rigueurs du temps il craint trop pour sa nuque, »


« Qu'il quitte ses cheveux et prenne la perruque. »
« S'il aime les rubans, les diverse6 couleurs, »
« Qu'il en change, cela ne change point les mœurs. »
« Un peu d'ajustement sied fort bien au mérite. »
« Sous quelque habit qu'on soit, l'on rêve, l'on médite. »
« Qu'il soit civil, honnête et bon praticien »,
« Charitable surtout et fort homme de bien. »

Voilà, n'est-il pas vrai, qui nous éclaire singulièrement sur les usages
du temps!
Ceci m'amène à parler, pour terminer ce chapitre, de l'insti-
tution officielle du Corps de Santé militaire qui n'eut lieu que le
17 janvier 1708. Auparavant, le Roi, à l'image des grands seigneurs f éo-
daux, n'agissait encore que comme premier baron du royaume en délé-
guant ses propres médecins et chirurgiens pour l'installation des hôpi-
taux de campagne. Sitôt la guerre finie, tout disparaissait et seuls demeu-
raient les hôpitaux des places. A partir de 1708, au contraire, des cadres
permanents furent institués et entretenus par l'Etat pour assurer le
Service de Santé aux armées. A vrai dire, ce furent les mêmes person-
nages qui avaient déjà fait leurs preuves dans les campagnes précédentes,
mais après cette date ils durent, suivant l'usage d'alors, acheter leurs
charges; cette stipulation fut d'ailleurs abolie par la suite, en 1716.
Rien dans tout cela, malheureusement, qui ne nous donne une
indication quelconque sur le costume. Il faut croire, si nous en jugeons
par les documents postérieurs, que les chirurgiens des armées conti-
nuèrent à porter l'habit civil et l'épée. Celui que j'ai donné ci-après ne
nous apprend rien de particulièrement nouveau, sinon que les officiers de
Santé suivirent, tout comme les officiers des troupes, les fluctuations de
la mode dans la coiffure et le vêtement. J'ai cru néanmoins qu'il était inté-
ressant de représenter ici cette gravure car elle offre un aspect curieux
0

de salle d'hôpital militaire au début du xvm siècle et montre bien qu'à


cette époque, si le Corps de Santé commençait à avoir une certaine orga-
nisation, il n'y avait encore aucune règle pour l'habillement de ses diff é-
rents membres.
CHIRURGIEN DES HOPITAUX AU DEBUT DU XVIII' SIECLE
FRONTISPICE DES « ÜllSERY.ITlONES » DE HÜTTER, 1715
Bibliothèque t,ationate

Edition du LENIFORME
CHAPITRE DEUXIÈME
PORTRAl'r DE LA J\t[ARTINIERE,
PAR LA'l'l!\Vll,Li;;, VERS 1740,
Musée du Val-de-Grace
LE XVIIIe SIÈCLE

Il faut attendre la fin de la guerre de Succession de Pologne, en


1738, pour entrevoir les premiers symptômes d'une organisation nou-
velle de l'ar~ée, due à l'impulsion et à la clairvoyance de certains
grands chefs militaires grâce auxquels devait progressivement disparaître
tout ce qu'il y avait encore en elle ,de féodal; l'organisme rationnel et
bien coordonné qu'elle devint à la fin du XVIIIe siècle est né de là.
Le Corps de Santé eut, lui aussi, ses grands réformateurs et parmi
eux une figure qui mérite plus particulièrement d'être retenue : Ger-
main Pichault de la Martinière, qui fit campagne en Italie en 1733 et
devint chirurgien du Roi par quartier juste à la fin des hostilités, en 1737.
Cette place enviée qui lui donnait la facilité d'approcher le souverain
sans avoir à passer par son ministre, le temporisateur Cardinal de Fleury,
fut pour lui l'occasion de faire entendre la cause d'un développement
raisonné du Corps de Santé. Sans entrer dans les détails de son œuvre
administrative qui a déjà été étudiée ailleurs beaucoup mieux que je ne
pourrais le faire, je dirai seulement qu'il joua un rôle de premier plan
dans l'élaboration des différents règlements qui, de 1747 à 1780, allaient
donner un caractère de plus en plus militaire aux médecins et chirurgiens
employés aux armées.
Le très vivant portrait de ce personnage qu'exécuta le peintre Latin-
ville valait de figurer dans une étude consacrée à la tenue portée par les
officiers de santé d'autrefois. Conçu dans son ensemble avec l'esprit un
peu conventionnel du temps, il n'en restitue pas moins avec beaucoup de
vérité la physionomie particulière de l'homme et l'aspect général du cos-
tume au milieu du règne de Louîs XV.
La Martinière porte un justaùcorps très simple, entièrement en
velours ponceau. Malgré la situation élevée qu'il occupe, aucun galon,
aucune broderie d'or ou d'argent n'ornent son costume; les boutons,
même, sont de la couleur du fond de l'habit. Seul, le gilet jaune pâle,
brodé à petites fleurs, vient rehausser l'ensemble dont fa coupe fait toute
l'élégance. Le cordon noir de l'ordre de Saint-Michel, suprême récom-
- 20 -

pense réservée à cette époque aux artistes et en général aux intellectuels


que le souverain distinguait, barre la poitrine de sa note sombre.
Au-dessous ·d'un médaillon représentant le buste de Louis XV se
tient une figure allégorique de la France casquée et cuirassée en Minerve
tenant sur ses genoux, en liasses négligemment déroulées, les ordonnances
d'établissement des écoles pratiques de chirurgie, œuvres de La Marti-
nière. Enfin, une scène occupant tout le fond du tableau à gauche, repré-
sente quelques chirurgiens militaires penchés sur des soldats blessés et
occupés à les panser. L'uniforme de ce dernier est, autant qu'on peut le
voir, celui des Gardes françaises; sans aucun doute y a-t-il là une allusion
au passage de La Martinière en qualité de chirurgien-major dans ce régi-
ment de 1744 à 1748, avant de devenir premier chirurgien du Roi.
J'ai déjà fait mention dans le chapitre précédent du fait que les
chirurgiens et médecins des armées se mêlaient très exceptionnellement
aux troupes lors d'une bataille; le plus souvent, ils assistaient les
blessés dans l'hôpital se trouvant dans la ville la plus proche du lieu
des opérations.
Ceci tenait avant tout à la stratégie du temps qui voulait qu'aucune
action importante ne s'engageât sans être à proximité <l'une place forte
servant de point d'appui ou de protection aux armées affrontées.
Dans l'Examen de plusieurs parties de la chirurgie, publié en 1757
par Bagien, chirurgien-major des Gendarmes de la Garde ordinaire du
Roi, on lit cette phrase très significative des usages d'alors : « Rarement
opère-t-on les blessés sur le champ de bataille ... plus rarement encore y
fait-on des amputations. Parfois, comme à Fontenoy, l'hôpital était en
rase campagne, communément il est dans quelque village ... » Cette
allusion à l'ambulance improvisée de la bataille de Fontenoy se trouve
précisément fort bien illustrée par la gravure ci-contre.
Extraite d'un grand tableau, peint à la demande de Louis XV par
un contemporain d'ordinaire très scrupuleux dans ses représentations,
cette petite scène reproduit à coup sûr avec beaucoup de justesse le poste
de secours organisé par les chirurgiens de l'armée française. On peut
distinguer, en effet, dans la partie supérieure, les rangs serrés des régi-
ments de Cavalerie groupés ,derrière les troupes engagées et prêts à inter-
venir dans la grande charge qui décida du sort de la bataille.
A mi-chemin à gauche un fantassin blessé, soutenu par deux cama-
rades, revient se faire panser à l'abri des boulets ennemis. Au premier
CllIRURGIENS '\11Ll'I'f\1RES A LA BATAILLE DE FONTENOY,
PAR H. DE LA PENA.
illusée cle Versailles.
- 22 -

plan deux gardes françaises apportent sur un brancard un cavalier


encore tout botté, tandis que, couché sur de la paille, un autre fantassin
se fait examiner par un chirurgien en habit couleur puce et culotte
rouge. Plus loin, au milieu de la scène, deux aides ayant également des
costumes bariolés, transportent un soldat qui vient d'avoir la jambe
fracassée par un boulet. Enfin vers la droite~ un chirurgien, dont on ne
peut voir que l'habit de couleur grise légèrement violacée et qui porte
des guêtres tout comme les simples fantassins, est occupé à panser un
soldat suisse atteint, lui aussi, par la mitraille anglaise.
\
D'après cette rapide description, on pourra juger aisément du man-
que absolu d'uniformité existant alors dans le costume des chirurgiens
f
attachés aux armées; j'ai déjà montré dans le chapitre précédent qu'il
ne fallait pas s'en étonner outre mesure. De toute manière ce tableau,
qui a tout lieu d'être fidèle, situe en quelque sorte cet état de choses
et montre bien qu'en pleine guerre de Succession d'Autriche, il n'y avait
encore aucune règle quant à la tenue portée en campagne par les
membres du Corps de Santé.
Un autre document, descriptif, celui-là, va venir me confirmer dans
cette opinion tout en fournissant un certain nombre de détails que les
deux gravures reproduites plus haut ne nous donnaient pas. Il s'agit du
journal rédigé par François Pictet, chirurgien-major au régiment suisse
de Bettens (1) et dans lequel on trouve la description donnée par cet
officier de Santé de tout le vêtement qu'il emportait avec lui à l'armée
en 17 46. Je m'excuse de le citer ici à peu près en entier et dans sa séche-
resse qui exclut toute analyse :
« Un surtout de drap gris à boutons de pinchebec ,déjà un peu usé,
« sur mon corps ... Un broustout (sorte de gilet) de mouleton blanc, déjà \
« un peu usé, idem ... Un chapeau à large bor,d d'or, idem ... Une paire de
« bas de laine musqués neufs. Une paire de guêtres musquées déjà usées,
« à mes jambes; grands bas de bottes sur mon corps ... Une paire de bottes
l
« neuves, mais souples, à mes jambes ... un fouet de cheval... trente tours
« de col blancs, un de velours noir ... une culotte de peau sur mon coros ...
« deux vestes d'habit, une de damas noir sur moi et l'autre de taffetas
« violet déjà un peu usée ... Un ceinturon de peau de chamois presque
« neuf ... Une paire de gants ,de peau jaune à lacets brodés, sur moi ... Une
« autre de fine peau blanche ... Une épée de campagne avec une dragonne

(lj Publié dans Soldats Suisses au service étran,ger, Genève, Jullien, 1919.
- 23 -

« à rubans (cordons) frangés d'argent, sur moi ... un étui à lancettes, où


« il y en a quatre garnies d'argent ... une lisière de drap et une éponge
« pour la saignée ... un bonnet de coton blanc travaillé à l'aiguille, une
« bourse de cheveux ... une queue {dtt cheveux) avec sa rose, sur moi ...
« une paire de jarretières moitîf fil et soie bleues, sur moi ... une petite
« seringue pour seringuer les yeùx,. ~1!laiton... un étui de chagrin
« où il y a tous les instruments pour nettoyer les dents, de la cire à

'! «
«
cacheter les lettres, sur moi... une spatule... des petites pinces pour
lever les appareils, etc. »
Somme toute, s'il n'y avait pas allusion à un ceinturon avec épée à
dragonne, rien dans tout cela qui put faire croire qu'il s'agit là d'un
militaire.
C'est seulement au cours de la première campagne de la Guerre de
Sept ans qu'on vit enfin publier l'ordonnance initiale réglementant d'une
manière officielle la tenue des chirurgiens attachés aux armées. La guerre
moderne venait de naître et avec elle la chirurgie de bataille. Il ne conve-
nait plus seulement de faire accompagner les troupes par des praticiens
qui exercent surtout dans les hôpitaux des places, l'assistance médicale
immédiate, sur le champ même des opérations, est devenue nécessaire.
Nous allons voir que l'adoption d'un uniforme pour les chirurgiens
d'armée en fut une conséquence toute logique ainsi que l'apprennent les
considérants de la lettre du ministre, le marquis de Paulmy, en date
du 15 Juillet 1757 : « Sur le compte que j'ay rendu au Roy des repré-
sentations qui m'ont été faites par Monsieur ,de la Martinière et par Je
Sieur Desport, chirurgien-major de l'armée de Westphalie, sur la nécessité

\ de donner un uniforme aux chirurgiens employés à l'armée, afin de ws


reconnaître un jour de bataille et dans d'autres circonstances où on a un

l prompt besoin de leur secours, Sa Majesté désire qu'ils en fassent faire


un, etc. »
Cette tenue, nous avons la bonne fortune d'en avoir une repré-
sentation très exacte dans le portrait ci-après. L'habit est de la couleur
appelée « gris d'épine » avec un collet rabattu et des parements
écarlates, la veste et la culotte sont également écarlates et les bouton-
nières d'or qui ornent le devant de l'habit de chaque côté sont le signe
distinctif des chirurgiens-majors des hôpitaux et des places à l'encontre
de ceux des armées qui n'avaient qu'un simple bordé en galon d'or ou
en broderie. Il y a néanmoins une particularité à ce portrait c'est que les
boutons sont en argent au lieu d'or. Et justement, l'ordonnance prescrit
CHIRURGIEN MILT'l'AJRE POR'I'AN'r L'UNTT◄'Off\18 DE 1757
c/.'après un Pol'ti-ait de ta col/.ection Costanié.
- 25

aux chirurgiens~majors des régiments de porter le même uniforme que


ceux des places, mais en conservant le bouton du corps auquel ils sont
affectés; c'est donc à l'un de ceux-là que nous avons affaire.
On remarquera en outre deux choses curieuses. Alors que sur la
plupart des portraits de militaires du temps, l'épée, attribut essentiel de
leur état, est toujours représentée pendant à leur côté, notre chirurgien,
plus savant que belliqueux sans doute, s'est contenté de se faire peindre
tenant un livre à la main. Cela n'empêche pas d'ailleurs que les chirur-
giens attachés aux armées n'aient porté, je l'ai montré plus haut, l'épée
et la dragonne qu'aucun règlement ne leur avait encore refusés.
Par contre, on n'est pas peu surpris de lui voir sur l'épaule gauche
une épaulette. Evidemment, ce n'est encore qu'une timide manifestation
de vanité, un embryon d'insigne, mais le fait est là et c'est d'autant plus
extraor,dinaire que l'épaulette ne fut officiellement réglementée pour les
officiers combattants qu'en 1759. Notre chirurgien était singulièrement
en avance, même pour le corps auquel il appartenait, puisque les pou-
voirs publics firent toujours la sourde oreille aux réclamations, parfois
émouvantes comme celles de Percy en 1809, des officiers de Santé pour
avoir le droit de porter cet insigne; ils ne devaient, en effet, obtenir
satisfaction que tout à fait de nos jours.
L'ordonnance ,du 15 juillet 1757 resta en vigueur pendant la durée
de la Guerre de Sept Ans et fut conservée sans modification par la suite.
Elle présentait cependant une lacune, que l'on s'étonne de ne pas
avoir vu combler plus tôt; on n'y trouve, en effet, pas la moindre allu-
sion à l'uniforme des médecins, aussi bien ceux des hôpitaux que des
armées. Aussi, le 2 septembre 1775, sous le ministère du Maréchal du
Muy qui fut court mais fructueux en législation militaire, fit-on paraître
une nouvelle ordonnance. Celle-ci, sans rien changer à l'uniforme des
chirurgiens, prescrivait pour les médecins un habit gris de fer foncé avec
un collet rabattu en velours noir -orné de boutonnières d'or; l'importance
des fonctions devait être marquée par un galon d'or plus ou moins large
sur le devant de l'habit, les poches et les parements. C'est là qu'il faut
voir l'origine de L'affectation du velours à l'uniforme des officiers du
Corps de Santé militaire.
Cependant, environ un an après, le 14 Septembre 1776, c'était au
tour <les chirurgiens de voir 11rn1lifier les couleurs. d(' leur uniforme.
L'écarlate des parements, de la veste et de la culotte prêtait sans. doute
26

à trop de confusion avec la tenue des commissaires des guerres qui ne se


distinguaient des chirurgiens que par l'absence de boutonnières et le des-
sin différent ,de leurs broderies. Aussi fut-il décidé de leur donner égale-
ment le velours noir aux parements et collet, ce dernier droit et sans bou-
tonnières. Les distinctions établies par ailleurs dans l'ordonnance de
1757 : veste et culotte écarlates, boutonnières et galons d'or, étaient
maintenues sans changement.
Le portrait que voici du chirurgien-major attaché au régiment de
Royal-Roussillon Infanterie me permettra justement d'illustrer fort bien
cette sèche description. Il nous montre que l'ordonnance, si elle fut sui-
vie pour l'ensemble ,des couleurs, n'en subit pas moins de fortes entorses
quant aux détails. C'est ainsi que l'on s'étonnera de lui voir porter ses
boutonnières d'or sur des revers de velours noir qui, s'ils font un certain
'effet sur le fond de l'habit, n'ont rien de précisément réglementaire (1).
De même, au lieu d'avoir des parements fermés ornés de trois bouton-
nières en long, il a préféré s'en adjoindre une de plus et les disposer
en travers, en en mettant deux sur la manche; de cette façon, il a exacte-
ment la même coupe d'uniforme que les officiers du régiment auquel il
est attaché. Or c'est de là, précisément, que tirent leur origine la plupart
des fantaisies constatées par l'image ou les textes ·dans l'uniforme des
chirurgiens à la suite des corps.
Ne voyons-nous pas également le major de la Gendarmerie de Luné-
ville, corps privilégié doté d'un magnifique habit écarlate garni de brode-
ries en argent d'un dessin compliqué, demander en 1782 l'octroi de ces
mêmes broderies sur son habit gris de chirurgien? Seulement, comme il
faut bien s'en tenir à une juste mesure, le ministre accorde le port de ces
distinctions à condition qu'elles soient en galon d'or, ce métal ayant tou-
jours été jusqu'ici attribué spécialement à l'ornementation des uniformes
du Corps de Santé (2). Il ne serait pas téméraire d'affirmer qu'il dût en
être ainsi ,dans la plupart des corps spéciaux, Gardes françaises et suisses,
Carabiniers, régiment du Roi, etc.
On peut se rendre compte suffisamment, à l'aide de ces exemples,
que dès l'origine les chirurgiens des corps de troupe cherchèrent à se
distinguer, dans leur tenue, de leurs confrères des hôpitaux et places

(1) Cette même disposition se trouve représentée sur l'habit de 3 chirurgiens dans un
recueil contemporain <le costumes militaires. Bibl. Nat. Est : Oa 105 ha.
(2) Archives historiques de la Guerre.
CHIRURGIEN l\HLITAJRE APRES 1776
cl'après un Portrait de la collection Castanié.
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tout en rapprochant sensiblement leur uniforme de celui du corps auquel


ils étaient attachés; nous allons voir que cette tendance ne fit que
s'accentuer de plus en plus par la suite.
L'ordonnance ,du 14 septembre 1776 ne fut pas modifiée pendant
toute la fin de l'ancien régime, en ce qui concerne les médecins. Les
chirurgiens se virent retirer, par le règlement du 1 •' octobre 1786, sorte
de code général pour l'habillement des troupes, le collet droit de
velours noir qui les faisait par trop ressembler aux médecins, pour être
remplacé par un de même forme mais gris d'ardoise clair comme le fond
de l'habit. Enfin, l'innovation de ce règlement fut la création d'un
uniforme pour les apothicaires auxquels on attribua un habit entiè-
rement gris avec des boutons et des galons d'or disposés, selon les diffé-
rentes classes, de la même manière que pour les chirurgiens.
Ainsi, à la veille de la Révolution, alors que l'administration du
Corps de Santé était minutieusement organisée dans tous ses détails par
les différents règlements émanés du Conseil de la Guerre en 1788, les
trois professions de l'art de guérir aux armées se trouvaient pourvues d'un
uniforme; il avait fallu attendre exactement quatre-vingts ans depuis
sa création pour en arriver à ce résultat si souhaitable.

MEoE c1N s CIJfR.URGlf.~ s


'
DE:s ARMEES DE s ARMî.tS

~ D'après le Règlement d'uniformes de 1786 »

Edition du LENIFORME
CHAPITRE TROISIÈME
LA RÉVOLUTION

Avec la Révolution s'ouvre une époque féconde en péripéties les


plus diverses, souvent héroïques, parfois bien mesquines, pour le Corps
de Santé militaire. Avant de commencer dans ses détails l'histoire du •
costume porté par ses différents membres, il est bon de faire à ce sujet
une observation générale. Etant donnée la consommation considérable
,l'hommes de toutes sortes qui se fit pendant cette période et celle qui la
suivit, le Corps de Santé eut, en dehors des tentatives d'organisation of-
ficielle, un recrutement hâtif, insuffisant et souvent fort bariolé; ce ba-
riolage se traduisit également dans le costume. Auf'si ne donnerai-je ici
qu'un aperçu bien maigre des tenues qui furent réellement portées par
les médecins et chirurgiens aux armées. Il est incontestable que ceux-ci,
tout comme une bonne partie des militaires du temps, se contentèrent
avant tout de se couvrir le dos avec quelque chose et lorsqu'on le pouvait,
ce quelque chose rappelait de loin ou de près l'uniforme réglementaire.
En outre, les peintres et les graveurs eurent bien d'autres soucis,
pendant cette époque troublée, que de représenter les faits d'armes des
troupes et surtout leur côté douloureux. Aussi ne verra-t-on pour ainsi
dire aucun document iconographique permettant de se figurer la véri,
table physionomie des « toubibs » du temps, de ces praticiens civils ré-
quisitionnés à la hâte et dont l'invraisemblable accoutrement devait être si
pittoresque.
Ce n'est que lorsque les victoires retentissantes de nos armées eu-
rent ramené une certaine tranquillité à l'intérieur que l'on vit à nouveau
les artistes s'occuper de Bellone. Encore ne fut-ce bien souvent que pour
célébrer la gloire naissante de son jeune favori, le général Bonaparte,
tout en reléguant au second plan les modestes artisans de ses victoires,
et surtout ceux qui rappelaient par trop que le tribut de ces victoires
était le sang.
- 32 -

Néanmoins parmi les œuvres exécutées par les contemporains, quel-


ques années seulement après les événements, il en est certaines où les
officiers de santé n'ont pas été oubliés.
C'est ainsi que cette fort belle toile de Taunay peinte en 1801 et
représentant un épisode de la campagne de 1796 en Italie nous en offre
deux exemples particulièrement intéressants. L'artiste n'a d'ailleurs pas
sacrifié comme on pourrait le croire, au désir, si prononcé à l'époque,
de présenter de beaux spécimens d'académies, il nous a fait revivre la
scène comme sans doute elle a dû réellement se produire.
Le fait de dépouiller complètement les morts et les blessés était fré-
quent. L'exemple le plus marquant est celui du général Desaix que l'on
retrouva quelques heures seulement après sa mort glorieuse à Marengo
entièrement nu; seule sa chevelure noire particulièrement abondante
permit de le reconnaître. A plus forte raison, ne faut-il pas s'étonner que
d'humbles soldats aient subi le même sort !
Quoi qu'il en soit, le médecin militaire et son jeune aide que nous
voyons ici, nonobstant un aspect général datant incontèstablement de
l'époque révolutionnaire, portent encore les couleurs de l'habit régle-
menté pour le Corps de Santé sous l'ancien régime.
L'habit est gris de fer doublé d'écarlate avec un collet droit, des re-
vers et parements de velours noir ornés de boutonnières d'or. Chose plus
inattendue, la poche, très visible sur ce tableau est également en velours
noir avec un petit passepoil rouge sur le bord et des boutonnières d'or;
ce passepoil orne aussi l'ouverture de la manche et du parement. La
culotte courte écarlate de l'ancien régime est devenue un pantalon assez col-
lant rayé de gris. Quant au jeune aide, il a satisfait au goût du jour en
raccourcissant les basques de son habit et en arborant une culotte ainsi
que des bottes à la hussarde ornées de glands d'or qui sont du plus bel
effet.
Remarquons, en passant, l'encombrante caisse à médicaments et la
manière toute personnelle dont notre médecin a placé ses bandes à pan-
sements ... dans sa poche, que nous voilà loin des boîtes aseptisées !
Ainsi qu'on peut en juger par cet exemple, les médecins et chirur-
giens qui avaient exercé sous l'ancienne monarchie continuèrent pendant
quelques années encore à porter tout au moins les couleurs de l'uni-
MEDECINS MILITAIRES PENDAN'l' LA CAMPAGNE D'I'l'ALJE, 1796
D'APRÈS TAUNAY
llfusée de Versailles
- 34 -

forme réglementé en 1786 et cela n'est pas seulement vrai pour eux mais
aussi pour bien des militaires ayant servi auparavant dans l'armée royale.
Cependant, après l'avoir annoncé à plusieurs reprises dans le.s lois
du 7 août 1793 et du 3 Ventôse an II (21 février 1794), le gouvernement
révolutionnaire se décida à promulguer, le 30 Floréal an IV (19 mai
1796), un règlement décrivant les nouvelles tenues attribuées désormais
aux officiers de santé. Celles-ci, inutile de le dire, eurent bien des points
communs avec ce qui se portait déjà; elles en furent peut-être même la
confirmation officielle car leur simplicité correspond tout à fait avec les
nécessités du temps de guerre.
Le fond de l'habit demeurait gris dans l'ensemble, il était légèrement
plus bleuté qu'auparavant. La coupe différait en ce sens qu'au lieu d'être
droit par devant, avec ou sans revers boutonnés, l'habit se portait croisé,
les revers dégrafés dans le haut; huit gros boutons les ornaient et les bou-
tonnières étaient en simple poil de chèvre de la couleur du fond. Les
parements devaient être également gris bleuté avec une patte rectan-
gulaire couvrant l'ouverture de la manche.
Enfin, seul le collet qui suivant la mode du temps était ample et
rabattu, distinguait entre elles les trois professions du Corps de Santé.
Les médecins le portaient en velours noir, ce qui était de tradition, alors
que les chirurgiens l'avaient cramoisi et les pharmaciens vert. Voilà, ne
semble-t-il pas, des couleurs qui eurent la vie longue puisque, tout au
moins pour les deux dernières, elles subsistent encore aujourd'hui. Les
broderies d'or, réduites au minimum, ce qui était bien significatif de
l'époque, ornaient simplement ce collet et quelquefois le parement pour
différencier les nouvelles dénominations de médecins inspecteurs, de pre-
mière, deuxième et troisième classe.
Dans la scène tirée du grand tableau de Bacler Dalbe exécuté en
1803 pour célébrer la victoire d' Arcole, nous voyons deux chirurgiens
habillés, à peu de chose près, suivant les prescriptions de l'an IV. Celui
de droite est sans doute un chirurgien-major de deuxième classe portant
l'habit réglementaire de coupe mais non de couleur; j'ai déjà expliqué
plus haut qu'il n'y a rien d'étonnant à cela. Néanmoins si les broderies
qu'il porte au collet sont normales, la couleur et l'ornementation de ses
parements le sont moins, il devrait avoir, en effet, une patte et quatre
petits boutons seulement; encore une aimable fantaisie en marge des
prescriptions officielles!
CHIRURGIENS MILITAIRES A LA BATAILLE D'ARCOLE, 1796
D'APRÈS BACLER D'ALBE

Musée de Versailles
37

Au contraire, son vo1sm qui est vraisemblablement aussi son aide,


est dans une tenue irréprochable de chirurgien de troisième classe, à cela
près que son habit a encore conservé la coupe des règlements antérieurs. Il
r porte·, lui aussi, une boîte à instruments volumineuse, innovation cepen-
dant bien pratique pour le service en campagne et qui devait continuer
J à être fort en usage pendant toute la durée de l'Empire, comme on pourra
le constater plus loin.
Un autre exemple de cette bigarrure à laquelle j'ai fait allusion plus
haut nous est offert par le portrait ci-après. Il s'agit là sans conteste d'un
inspecteur général ou d'un chirurgien en chef aux armées. De même que
l'un de ceux représentés sur la gravure précédente, il porte une tenue
dont seule la coupe est conforme aux prescriptions du règlement de
l'an IV. L'habit et la culotte sont d'un bleu «national» foncé qui n'a rien
de commun avec le gris bleu piqué de blanc réglementaire. Par contre la
veste écarlate, aux poches et au devant bordés d'or, ainsi que le collet
rabattu de velours cramoisi sont parfaitement réguliers. Ce portrait qui
dans l'ensemble reflète bien l'aspect général des tenues militaires portéeE
au moment de la célèbre campagne de Bonaparte en Italie, présente, pour
le cas spécial qui nous occupe, quelques particularités qu'il est impossible
de ne pas signaler. Tout d'abord la patte en « carré long » du parement
que nous avons vu dédaigner par les chirurgiens de la gravure précédente;
les bottes à l'écuyère montant jusqu'au genou et les éperons qui décè-
lent chez notre personnage un état privilégié parmi ses confrères, ceux-ci
devant pour la plupart se contenter de marcher à pied. Enfin, constatons
avec plaisir que les bonnes traditions de l'ancien régime n'étaient pas per-
dues et que, malgré toutes les vicissitudes de l'époque, les officiers de santé
avaient encore le droit de porter une dragonne à leur épée, nous en avons
ici une très exacte représentation.
Cette tenue d'une austérité quelque peu républicaine présentait
cependant un aspect par trop sévère.
Alors que le Directoire, à l'abri des victoires de ses armées, voulait
donner à tous l'illusion d'un retour aux années heureuses d'antan et af-
fichait pour tout ce qui touchait aux fonctions publiques un luxe vesti-
mentaire inouï, il ne faut pas s'étonner que le Corps de Santé, lui aussi,
ait réclamé un peu plus de fantaisie dans l'uniforme qui lui avait été
attribué. Ce sont <;lt;spetites satisfactions de vanité tout à fait inoffensives
et qui souvent stimulent ardemment le zèle de ceux à qui on les accorde.
CHIRURGIEN EN CHEF PôRTA,~T LA 'i'ENUE FlEGLEME:--!TEE
LE 30 FLOREAL AN IV
D'APRÈS UN PORTRAIT DU TEMPS
Musée de l'Armée
- 39 -

Voilà pourquoi le 20 Thermidor an VI (7 août 1798) nous assistons


à l'éclosion d'un nouveau règlement. Cette fois, au moins, les officiers
de santé n'avaient plus rien à envier à leurs collègues <les unités combat-
tantes. Si, dans l'ensemble, ils conservaient les mêmes couleurs que pré-
cédemment, le fond de l'habit seul devenant nettement plus foncé, celui-
ci se voyait orner sur le devant de revers en velours des trois couleurs
spécifiques attribuées au corps; les parements devaient être également
de velours et le tout agrémenté, suivant les grades, de boutonnières bro-
dées en fil d'or. En outre, pour rehausser encore l'éclat de ce costume,
le chapeau, comme on l'a vu jusqu'ici, uni et sans aucun ornement fut
doté d'un plumet écarlate à sommet noir, « afin, dit le règlement, de
mieux faire reconnaître les officiers de santé sur les champs de bataille. »

Les représentations iconographiques de la tenue décrétée en l'an VI


sont fort rares, voici pourquoi : au moment de sa promulgation, la
France était en paix avec tous ses ennemis sauf l'Angleterre et par consé-
quent il n'y avait pour les artistes à peu près aucune occasion de représen-
ter des scènes militaires. D'autre part, si le luxe introduit dans l'uniforme
des officiers de santé répondait à une certaine nécessité de l'embellir,
il ne faut pas oublier qu'il le re1;1chérissait également beaucoup. Or, ne
perdons pas de vue que depuis la fin des hostilités, en l'an VII, la plupart
des officiers de santé s'étaient vus, par une de ces funestes mesures qui
devaient se répéter si souvent par la suite, retirer le plus clair de leur
traitement, quand ils n'étaient pas tout simplement réformés. Comment
auraient-ils pu dans ces conditions, affronter les dépenses assez considé-
rables que comportait l'achat d'une nouvelle tenue? Ils avaient tout
juste de quoi donner à l'ancienne un aspect à peine présentable.

C'est donc parmi les scènes, malheureusement bien peu nombreuses,


qui ont été exécutées tout de suite après la fameuse expédition d'Egypte,
qu'il nou~ sera possible de trouver des exemples de l'uniforme porté par
les officiers de santé après l'an VI.

En premier lieu se place le fort intéréssant portrait du célèbre


Alençonnais Desgenettes. La carrière de cet illustre représentant du Corps
de Santé pendant les guerres de la Révolution et de l'Empire est trop con-
- 40 -

nue pour que je la retrace ici. Disons seulement qu'après avoir été nom-
mé médecin en chef de l'armée d'Italie, il suivit la fortune de Bonaparte
en Egypte, pourvu des mêmes fonctions.

C'est à lui qu'incomba la tâche, combien difficile, d'organiser la lutte


contre ce fléau qui fit à l'armée d'Orient bien plus de victimes que les
combats : la peste.

Il porte ici sa tenue de médecin en chef d'armée. L'habit est bleu


foncé, à collet et revers de velours noir; les boutonnières en fil d'or sont
ornées de broderies dont le dessin est particulièrement bien visible. No-
tons, en passant, que les revers devaient être d'égale largeur en haut et
en bas, mais que pour rapprocher sans doute l'aspect de son habit de
celui d'un vêtement civil, il les a déboutonnés; ce qui leur donne cette
forme triangulaire assez spéciale. Le gilet croisé, en bassin blanc, a rem-
placé, pour la tenue des pays chauds, la veste réglementaire à un rang
de boutons de la même couleur que le fond de l'habit; les chirurgiens
et pharmaciens la portaient écarlate. On remarquera enfin le curieux
baudrier en cuir noir orné d'une plaque de cuivre en forme d'écusson
portant dans son centre le serpent d'Epidaure; il est dommage que la par-
tie inférieure du personnage ne soit pas visible, car la raison d'être de
ce baudrier semble assez problématique, surtout en regard du ceinturon
vert brodé d'argent que l'on peut voir au chirurgien de la bataille d'Arcole
pour suspendre son sabre.

Ce que le buste de Desgenettes empêchait de voir pour se figurer


l'aspect général de l'uniforme décrété en l'an VI, la scène extraite de la
grande toile peinte par Le Jeune pour commémorer la bataille d'Aboukir
nous l'offre en détail. Le personnage que l'on voit de dos en train de sou-
tenir un général blessé, est représenté dans ce que l'on pourrait appeler
une tenue de campagne. Les r·evers de l'habit, qui, à l'inverse du por-
trait précédent, ne sont pas visibles, ne permettent pas de juger à quelle
classe appartient ce personnage. Par •contre, le collet cramoisi, orné
d'une boutonnière d'or et le parement de même couleur dénotent chez
lui la profession de chirurgien. Un passepoil écarlate bordant les basques
fait trancher celles-ci sur le fond de l'habit et dessine également le
contour des poches; fait curieux, celles-ci sont en long alors que le
règlement les presàit en travers. Mais là où notre chirurgien fait preuve
DESGE:'sETTE,S E:'s TE:'-IUE DE MEDECIN EN CHEF D'ARMEE
D'APRÈS LE RÈGLEMENT DU 20 THERMIDOR AN VI

Musée de Versailles
42

d'originalité, c'est en arborant une culotte écarlate et des petites guêtres


en toile écrue qu'un « incroyable » n'eût pas dédaigné de porter dans les
jardins du Palais Royal. Que n'a-t-on pas vu comme tenues fantaisistes
en Egypte!

Disons, pour terminer, que jamais plus depuis cette époque le Corps
de Santé militaire ne se vit attribuer, officiellement, d'aussi brillants
uniformes et si bien peu de ses membres eurent assez de moyens pour
se les offrir, il faut quand mêine savoir gré au Directoire de les avoir
en quelque sorte récompensés de cette façon pour l'abnégation et le
dévouement dont ils avaient fait preuve pendant ces six années d'hosti-
lités et de misère.

BOUTO~S DU CORPS DE SANT~ SOUS LA REVOLUTION

D'APRÈS LE RÈGLEMENT DE L'AN IV D'APRÈS LE RÈGLEMENT DE L'AN VI


,J ~

•· •
CHiRURGIE~ MILITAIRE A LA BATAILLE D'ABOUKin
D'APRÈS LE JEUNE
Musée de Versailles
CHAPITRE QUATRIÈME
LE CONSULAT ET L'EMPIRE

C'est sous le Consulat que débute l'ère des humiliations pour le Corps
de Santé. Par une série de mesures aussi hâtives qu'injustifiées l'adminis-
tration consulaire, qui par ailleurs fit des réformes si salutaires, s'est ingé-
niée à détruire tout ce qui pouvait avoir donné pendant la période précé-
dente une élévation et une certaine indépendance au Corps de Santé. Je
ne snis pas qualifié pour apprécier ici les modifications d'ordre administra-
tif, j'insisterai seulement sur les conséquences qu'eut sur les uniformes ce
véritable acharnement du pouvoir central à amoindrir les trois professions
de l'art de guérir.
Par un arrêté du 27 Messidor an VIII (20 juillet 1800), il fut prescrit
aux officiers de Santé de porter un habit de même coupe que celui de
l'An VI mais d'un drap plus clair. Sans doute les officiers faisant partie
des états-majors, qui portaient presque la même tenue en campagne,
voyaient-ils d'un mauvais œil le bleu foncé des médecins et chirurgiens
prêter parfois à des confusions qu'ils jugeaient fâcheuses. En outre, fini
le luxe accordé généreusement sous le Directoire, toute espèce de galons et
de broderies sont interdits et supprimés !
Ceci n'était qu'un début, car le 15 Nivôse An XI, sous. le prétexte
fallacieux que les officiers de Santé n'étaient attachés au service que par
une commission temporaire, on crut bon d'en licencier le plus grand nom-
bre et de diminuer considérablement celui des hôpitaux d'instruction. De
ce fait deux cent trente médecins et chirurgiens à la suite des corps de
troupe furent supprimés. Enfin, pour achever cette œuvre de néfaste des-
truction, le Conseil de Santé, véritable organe central du Corps, fut lui
aussi licencié et remplacé par six inspecteurs généraux. Heureusement
que ceux-ci s'appelaient Larrey, Per.cy, Des Genettes, etc ... aussi leur
influence personnelle auprès du premier Consul, puis de !'Empereur,
suffirent-elles seules à maintenir l'existence du service de Santé par ail-
leurs si gravement compromise.
- 48

Mais revenons à l'uniforme ; nous allons voir qu'il subit, lui aussi,
les assauts du pouvoir central. Un règlement paru le rr Vendémiaire
An XII (24 Septembre 1303) fut promulgué pour confirmer celui de
l' An VIII et le compléter dans ses détails. La planche de Martinet que
j'ai donnée ici en fournit une très précise illustr~tion.
L'habit des chirurgiens, médecins et pharmaciens est de la couleur
bleu « barbeau », c'est-à-dire d'une teinte beaucoup plus claire que celle
des tenues portées par la majorité des troupes et les officiers faisant par-
tie des états-majors : .généraux, aides-de-camp, etc ... Les revers de cou-
leurs sont supprimés et seuls subsistent le collet et le parement pour dis-
tinguer entre elles les trois professions. Remarquons, en passant, que les
chirurgiens se virent de nouveau dotés de la couleur distinctive écarlate
qui leur avait été attribuée au xvnr siècle ; nous verrons par la suite
qu'aucun document matériel ou iconographique ne confirme que cette
couleur ait été réellement portée, alors que partout le velours cramoisi
subsistait.
Pour pallier à l'absence de revers, les professeurs dans les hôpitaux
et les officiers de Santé de première classe devaient avoir leur habit
garni par devant de neuf boutonnières brodées en galon d'or, comme on
peut le voir sur le modèle de Martinet. Quant à ceux appartenant aux clas-
ses inférieures, ils ne portaient ces boutonnières que sur le collet, les pare-
ments et les pattes de poches, celles-ci demeurant, comme auparavant, en
travers. Enfin, maigre compensation, la dragonne était maintenue avec des
franges plus ou moins grosses et le corps plus ou moins rayé de fils de soie
des couleurs distinctives, suivant les classes.
Ainsi qu'on peut le voir, cette tenue, dans son ensemble, n'avait rien
de particulièrement brillant. Elle était même fort terne pour les chirur-
giens attachés aux corps de troupe qui étaient presque tous de deuxième
classe et ne portaient aucune broderie sur le devant de leur habit ; seuls
les boutons empreints du numéro du régiment les distinguaient de leurs
confrères des hôpitaux. On conçoit donc très bien qu'ils aient cherché à
s'affranchir de la note par trop rigoureuse qui leur était imposée par le
règlement.
C'est de là que nous allons voir naître une mode qui semble, par les
divers exemples existant encore de nos jours, avoir été assez généralisée.
Les officiers de Santé attachés aux corps dont le fond de l'habit était bleu
CHIRURGIEN DE PREMIERE CLASSE DANS LA 'I'ENUE REGLEMENTAIRE
DU 1•, VENDEMIAIRE, AN XII
D'APRÈS MARTINET

ColLecti.on Dubois de !'Estang


- 50 -

foncé, dit « impérial », conservèrent l'uniforme prescrit par le règlement


de l'An XII. Toutefois, ceux dont les régiments comportaient dans leur
tenue un certain nombre de détails particuliers, forme des poches et des
parements par exemple, adoptèrent également ces distinctions ; c'est le
cas pour les habits de chirurgiens attachés aux ,régiments d'infanterie
légère que l'on trouve encore aujourd'hui dans les musées et collections
particulières.
Par contre, surtout dans les corps de Cavalerie, lorsque les habits
se trouvaient être d'une autre couleur que le bleu foncé, les officiers de
Santé adoptèrent un uniforme totalement différent de celui prescrit par le
règlement. Il est difficile, étant donné le nombre restreint de documents,
d'établir une règle générale à ce sujet, néanmoins pour tous les exem-
ples parvenus jusqu'à nous, les caractéristiques sont les mêmes. L'habit
du chirurgien est de la même couleur que ceux des officiers du corps
auquel il est attaché et dans les régiments de hussards, qui ont le dolman,
il porte le frac ou habit de petite tenue à pans longs et à revers. Pour se
distinguer des autres officiers, il a le collet et parfois les parements de
velours cramoisi ornés de boutonnières brodées d'or suivant les différen-
tes classes d'officiers de Santé. Le bouton reste toujours d'ailleurs, con-
formément aux prescriptions du règlement, des forme et couleur spécia-
les attribuées au corps.
On peut citer ainsi un habit dont la coupe, très archaïque pour
l'Empire, permet de faire remonter cet usage à l'époque du Consulat : il
s'agit d'un frac très caractérisé par l'absence de poches, les pattes à la
Soubise derrière et la doublure pareille au fond. De couleur bleue assez
claire, se rapprochant beaucoup du bleu barbeau réglementaire, cet uni-
forme comporte des revers simplement marqués par un liseré écarlate ;
le collet et les parements en pointe de velours cramoisi dénotent la pro-
fession de chirurgien et l'absence totale de boutonnières brodées le grade
d'élève surnuméraire. Les boutons d'étain, de la forme appelée «grelot»,
ainsi que la couleur de cet habit font présager qu'il a dû appartenir à l'un
des chirurgiens attachés aux régiments de hussards qui avaient le bleu
clair pour fond de leur uniforme. Une autre hypothèse, moins plausible
cependant, pourrait faire attribuer ce frac à un élève ,chirurgien ,d'un
quelconque régiment de chasseurs à cheval ; dans ce cas, la forme seule
de l'habit de Cavalerie légère aurait été conservée, alors que la couleur
HABIT DE CHIRURGIEN
Nf'l'ACHE A U:\1 REGIMENT DE CHASSEURS A CHEVAL OU DE HUSSARD-S
(Consulat)
Collection Raoul et Jean Brunon
- 52 -

.~erait le bleu barbeau du règlement de l'An XII. Malheureusement, le


manque absolu d'ornements aux retroussis m'empêche d'être affirmatif.
Quoi qu'il en soit, deux autres exemples encore plus frappants vien-
nent étayer ce premier document et nous montrer combien la peinture
officielle est souvent loin de la vérité. Cette belle toile de Meynier où l'on
sent si vivement l'influence de David, représente d'une façon quelque
peu théâtrale la célèbre scène où Napoléon, à la veille de Wagram, vint
dans l'île Lobau visiter les blessés de la bataille d'Essling et les récon- l

forter.
Au milieu et vers le haut on aperçoit, à demi caché par un blessé,
.tendant le bras vers l'Empereur, la vigoureuse physionomie de Larrey;
malheureusement on ne peut distinguer de son uniforme que le collet d~
'
.1
.,
l'habit orné d'une baguette et de deux rangs de galons brodés, signe dis-
tinctif des inspecteurs généraux du Corps de Santé. Par contre, en pre-
mier plan, un chirurgien de première classe penché sur un soldat imberbe
laisse voir tous les détails de sa tenue admirablement bien rendus par
l'artiste. L'habit, les parements et le collet, ainsi que les boutonnières bro-
dées qui les ornent, sont en tous points conformes au règlement ; deux
détails seulement qui ne concordent pas : l'absence de dragonne à l'épée
et la poche en long dépourvue de boutonnières. On peut en dire autant
des aides qui se trouvent à droite et à gauche, occupés, eux aussi, à soigner
les blessés et dont la tenue de chirurgien de deuxième classe n'est abso.
lument pas en marge des prescriptions officielles ; on remarquera seule-
ment qu'au lieu d'avoir des boutonnières brodées au collet, celles-ci sont
figurées par de simples galons cousus, ce qui devait être bien plus éco-
nomique. Tout cela est parfaitement plausible et semble, à première vue,
restituer la véritable physionomie des si dévoués collaborateurs de Lar-
rey : les chirurgiens de la Garde.
Or, si l'on examine de près les uniformes portés sur cette scène ou
jonchant le sol autour des soldats, il est aisé de constater que ceux-cj
appartiennent à deux corps de cavalerie de la Garde Impériale, les dra-
gons et les chasseurs à cheval.
Et voilà qu'il nous est donné précisément de connaître aujourd'hui,
par deux sources totalement étrangères l'une à l'autre, la tenue véritable
des chirurgiens atta.chés à ces deux régiments. En premier lieu l'uniforme
très connu du chirurgien-major Foucard, des dragons de la Garde, que
l'on peut voir dans les vitrines du Musée de l'Armée. Cet habit, sem-
,,__ ,._ __

LES CHIRURGIENS DE LA GARDE DANS L'ILE LOBAU - 1809


D'APRÈS MEYNIER

Musée de Versailles
- 54 -

blable à celui des officiers ,du corps, c'est-à-dire en drap vert doublé de
rouge, orné d'une aiguillette d'or et de grenades brodées aux retroussis,
n'en diffère que par le collet, les revers et parements qui sont en velours
cramoisi garnis à chaque bouton d'une boutonnière brodée en fil â.'or.
L'autre document, encore inédit, est une miniature faisant partie
d'une collection privée (celle de M. Brunon) qui représente un chirur-
gien appartenant aux chasseurs à cheval de la Garde. Il porte un frac vert
à revers liserés d'écarlate, un gilet à la hussarde rouge garni de boutons
et de tresses d'or et sur l'épa1ùe droite une aiguillette ; seuls, le collet
cramoisi et les deux boutonnières d'or en feuilles d'acanthe contournées
par le serpent d'Epidaure désignent un officier de Santé. Il pourrait
présenter, dans l'ensemble, l'aspect qu'a sur la toile de Meynier le chas-
seur coiffé d'un chapeau, que l'on voit à l'extrême gauche du tableau,
soutenant un camarade blessé. Ce simple rapprochement fait sur la même
peinture permet de mesurer combien cette œuvre, exécutée à la suite
d'une commande officielle pour commémorer un épisode célèbre de
l'épopée napoléonienne, trahit la réalité, même dans certains de ses
détails.
Nous avons étudié jusqu'ici les grandes tenues, celles que l'on portait
en temps de paix ou les jours de parade, il est non moins intéressant d'es-
sayer de se figurer la tenue journalière des officiers de Santé en campagne,
alors que suivant les troupes, la plupart du temps à pied, ils prodiguaient
leurs soins aux soldats et blessés. Rien ne traduit mieux ,cet aspect, à
mon sens, que ce fragment tiré d'un grand tableau d'Hersent reprodui-
sant l'attaque du pont de Landshut, pendant la même campagne de
1809 qui devait mener nos armées victorieuses jusqu'à Vienne. Nous
sommes ici en pleine action, une compagnie de carabiniers d'infanterie
légère vient de se poster de chaque côté du pont qui franchit l'Isar et
tiraille sur les Autrichiens à l'abri d'un mur. Tout est vrai dans cette
scène, depuis l'attitude calme des soldats du deuxième rang chargeant et
préparant les fusils pour ceux du premier, jusqu'au moindre détail du
paquetage et de l'équipement ; on dirait presque, si ce n'était trop
s'avancer, une photographie prise sur le vif par un témoin de l'affaire.
Quelle différence avec les attitudes guindées de la gravure précédente !
Au premier plan, accourant sous le feu de l'ennemi pour soulager
les premiers blessés, nous avons un admirable spécimen de chirurgien
militaire en tenue de campagne. Au lieu d'un habit à basques il porte
une espèce ,de capote courte bleu foncé recouverte d'une pèlerine ou plu-
tôt ,comme on disait alors, d'une « rotonde », de la même couleur. Seul,
'
CHIRURGIEN D'INFANTERIE LEGERE EN TENUE DE CAMPAG~E- 1809
D'APRÈS HERSENT

Musée de Versailles
56 -

le collet de cette pèlerine est orné des deux boutonnières d'or qui distin-
guaient les officiers de deuxième classe en petite tenue, les parements de
velours cramoisi étant unis et sans broderie. La culotte et les bottes ont
été recouverts, pour la marche, d'un pantalon de drap bleu sans passepoil
boutonnant sur le côté et le chapeau garni d'une coiffe en toile cirée,
curieusement maintenue par un ruban de soie noire noué. Voilà qui ne
ressemble guère aux uniformes que nous avons vus jusqu'ici ! Et cepen-
dant il faut se figurer les officiers de Santé du premier Empire bien plm
souvent sous ,cet aspect très simple et pratique pour la guerre que revê-
tus des tenues variées, réglementaires ou non, que j'ai décrites plus haut.
Une dernière observation sur ce personnage. On remarquera, sous
son bras et passé en sautoir, un large sac de toile ou de peau brune. C'est
également une transformation commode et plus portative de l'encom-
brante boîte à instruments que nous avons vue fréquemment en usage
sous la Révolution. Notons, en passant, cette transformation qui constitue
un pas vers une forme plus moderne de trousse de campagne pour aboutir
finalement à la fameuse giberne, symbole, elle aussi, des officiers du Corps
de Santé.
Mais, n'anticipons pas encore. Au cours des _années de paix relative
qui devaient précéder le départ de la grande armée pour Moscou, une
commission fut chargée par !'Empereur d'élaborer un nouveau règle-
ment complet pour l'habillement de toutes les troupes. Paru trop tard,
en Janvier et Février 1812, -ce règlement ne reçut un commencement
d'application qu'à la réorganisation générale de l'armée, en 1813, après la
désastreuse retraite où le corps de Santé, tout comme les autres, eut tant
à souffrir et à se prodiguer. _
Disons tout desuite qu'en ,ce qui nous concerne les dispositions de
l'An XII ne furent aucunement modifiées et qu'on ne vit pas les pouvoir,,
publics consacrer officiellement les nombreux changements que les c,hirur-
giens des corps de troupe avaient apportés d'eux-mêmes, dans le sens où
je les ai exposés ci-dessus, aux uniformes réglementaires. Pas plus que
!'Empereur ne crut bon d'accorder aux officiers de Santé l'épaulette que
Percy avait si chaleureusement réclamée pour eux.
Toutefois, de même que nous avons vu ,ces chirurgiens adopter la
tenue des autres officiers du corps auquel ils étaient attachés, tout en
conservant certains attributs spécifiques, nous trouverons quelques exem-
ples de modifications apportées dans la coupe de leurs habits suivant les
nouveaux modèles prescrits en 1812 pour les officiers combattants.
C'est ainsi que l'habit de chirurgien-major du 21" léger reproduit
ci-contre offre toutes les caractéristiques d'un habit -d'officier d'infante-
•. ~

HABITS DE CHIRURGIENS A'l'TACHES A DES CORPS DE TROUPE


21• RÉG!MEi\"T D'!i\"~'ANTERIE LÉGÈRE - 1812 55• RÉGIMENT D'INFANTERIE DE LIGNE - 1812

Collection Raoul et Jean Brunon


- 58 -

rie légère après 1812, à cela près que le collet et les parements de velours
cramoisi ornés de boutonnières en paillettes d'or désignent nettement la
profession médicale. Suivant l'usage auquel j'ai déjà fait allusion, les po-
ches ont la forme spéciale attribuée aux « légers » ainsi que les pattes à
la Soubise et les cors de chasse aux retroussis (1). •
Un exemple plus remarquable encore de ces modifications ·ex:_tr.a-
réglementaires est fourni par l'habit de chirurgien du 55°..dé ligne qui
figure à côté du précédent. Plusieurs documents, miniatures ou pièces de
musées, nous montrent qu'à la fin de l'Empire s'était généralisée pour les
officiers d'infanterie la mode des habits-surtouts, à basques demi-longues
et à un seul rang de gros boutons par devant au lieu de revers ; ce qui,
en somme, ressemblait fort, velours et broderies mis à part, à la tenue
prescrite pour les officiers de Santé en l' An XII. C'est ainsi que l'habit
d'un chirurgien du 53e d'une part et deux miniatures représentant les
majors des 14° et 45" de l'autre, offrent exactement les mêmes caractéris-
tiques. Il est donc curieux de voir ce chirurgien du 55° s'être fait con-
fectionner un habit réglementaire d'officier d'infanterie selon les pres-
criptions de 1812, drap du fond « bleu impérial », doublure et revers
(que l'on ne voit pas sur la gravure, mais qui ont la même forme sur
l'habit du 21 ° léger), en drap blanc, coupés carrés avec seulement les
parements et le collet de chirurgien. On remarquera en outre le fort
curieux ornement de taille brodé en feuilles d'acanthe, qui présentait
l'avantage de faire reconnaître le chirurgien, même vu de -dos. C'est, à
ma connaissance, le seul exemple d'habit de chirurgien d'un régiment
d'infanterie de ligne ainsi conçu.
Rien ne pouvait mieux servir de conclusion à ce chapitre que la
petite s-cène, peinte sur bois, reproduite ci-contre. Ce n'est certes pas une
œuvre d'art, loin de là, mais elle représente, dans toute sa naïveté, un
double intérêt chirurgical et historique. On y voit Dominique Larrey, à
l'issue de la bataille de Hanau, dernière victoire de nos armes en 1813,
occupé à exécuter sa fameuse désarticulation de l'épaule qui devait le
rendre à jamais célèbre dans les annales de la chirurgie. L'officier qui
subit l'amputation est un personnage connu, le capitaine Rebsomen,
alors lieutenant-aide-major aux chasseurs à pied de la vieille garde et

(1) L'habit de chirurgien du 27• léger qui ,ie trouve au ·Musée de !'Armée porte, fait
curieux, des grenades au lieu de cors de cha,s,se à ses retroussis.
LARREY OPERANT A LA BATAILLE DE HANAU - 1813
Musée du Val-de-Grace
60 -

l'officier, ainsi que les soldats qui l'entourent, portent l'uniforme de ce


glorieux régiment. On remarquera que tous sont en surtout de campagne
et que la tenue de Larrey tranche par sa couleur claire sur celles des
autres. C'est qu'en effet, -chose assez remarquable après tout ce que je
viens de dire sur l'inobservation presque générale du règlement de
l'An XII, le célèbre chirurgien en chef de la garde porte l'habit bleu
« barbeau » réglementaire. L'ens-emble de la scène paraît bien trop sin-
cère pour que ce détail ait pu être inventé.

BOU'l'O:'<S DU CORPS DE SA:\î'l'E SOUS LE PREMIER EMPIRE

GARDE IMPÉRIALE HOPITAUX ET ARMÉES


1804-1815 24 Septembre 1803

Edition du LENIFORME
CHAPITRE CINQUIÈME
LA,'- REST AURA TION

Le gouvernement de Louis XVIII, à la première Restauration,


n'innova pas beaucoup en matière d'uniformes; seuls les détails, cocar-
des, ornements de retroussis, plaques de schakos, aigles et N couronnés,
qui, par leur figure même, étaient le symbole du régime déchu, furent
remplacés partout par des fleurs de lys. Il en fut exactement de même,
mais dans le sens inverse, au retour de Napoléon et pendant les Cent
Jours. Il paraît donc fort probable que les officiers de Santé, dont nous
avons vu que l'uniforme ne comportait aucun de ces insignes jugés
séditieux, suivant les régimes, conservèrent tout simplement les tenues
qu'ils avaient auparavant.
Toutefois, le portrait reproduit ci-après de M. Hecquin, chirurgien
aux dragons du Roi, mérite pour l'époque une mention spéciale en tête
de ce chapitre. En effet, lors de la première abdication de Napoléon, un
des changements notables apporté par son successeur dans le domaine
militaire fut de doter à nouveau un certain nombre de régiments du nom
des princes de la famille royale, ainsi que cela s'était pratiqué sous l'An-
cien Régime. Par une faveur particulière, le premier régiment de chaque
arme avait le Roi pour colonel nominal. C'est ainsi que le 2e ,dragons,
le 1"' étant devenu l" chevau-légers en 1811, prit la tête de son arme en
même temps que le nom du souverain.
Bien entendu, la plupart des officiers de ce nouveau corps prove-
naient de l'ancien régiment et, parmi ceux-ci le chirurgien-major qui,
depuis 1808, faisait partie de son état-major. Suivant les usages bien con-
sacrés du Premier Empire dont j'ai fourni plusieurs exemples dans le
chapitre précédenL il porte l'habit de ,dragon vert foncé à collet et revers
écarlates, le tout agrémenté de broderies d'or. On remarquera que les
CI-IIRURGIENDES DRAGONS DU ROI - 1814
Appartient à 11'!. le Capitaine Boutmy
- 65 -

boutonnières, qui auraient dû normalement être placées sur le devant de


l'habit ont été reportées sur les revers, disposition que nous avons vue
déjà sur l'uniforme d'un çhirurgien de régime~t au xvm• siècle (1).
Enfin, ce portrait comporte encore deux particularités notoires. En
premier lieu, les deux contre-épaulettes et l'aiguillette, apanage exclusif
de la Garde que le Roi avait étendu à ses propres régiments de la ligne
par une dérogation spéciale. On peut voir que le chirurgien des dragons
ne s'est pas fait faute d'en profiter. Ensuite, le fait que ces distinctions,
ainsi que les boutons de l'uniforme, soient en or au lieu .d'argent, comme
le prescrivaient les ordonnances. Sans doute est-ce là, de la part de notre
chirurgien, un souci d'harmonie qui l'aura incité à ne pas opposer l'éclat
de ces deux métaux sur sa tenue puisque ses broderies devaient être néces-
sairement en or.
A la fin de 1815, au contraire, en même temps que s'opérait la réor-
ganisation générale de l'armée, entièrement dissoute et remise sur un nou-
veau pied après Waterloo, de grands changements furent apportés aux
uniformes. Si celui du Corps de Santé ne subit pas, en apparence, de très
notables modifications, il est bon cependant de les signaler ici, car une cer-
taine confusion règne sur ce point dans les ouvrages qui ont déjà traité de
la question. Les décisions des 23 septembre, 19 octobre et 6 décem-
bre 1815 maintiennent le fond de l'uniforme bleu « barbeau » et les dis-
positions générales du règlement de l'An XII. Seulement, par un retour en
arrière assez singulier et sans doute aussi par esprit d'économie, les bou-
tonnières richement brodées que l'on a vu orner la plupart des habits des
chirurgiens dans le chapitre précédent sont abolies et remplacées par de
simples galons, comme pour les uniformes prescrits au xvm• siècle.
La disposition ,de ces galons sur les collet, parements et devant d'habit
demeurent, d'ailleurs, absolument les mêmes que sous l'Empire.
J'en ai trouvé deux exemples assez frappants et qui semblent bien
montrer que ces changements reçurent une application effective.

(1) Chap. II, page 27.


- 66 -

En premier lieu, le médecin principal Guerre rapporte ,dans ses


souvenirs (1) que lorsqu'il était chirurgien sous-aide aux dragons de
la Garonne, en 1819, il portait un habit « bleu de ciel » (c'est le bleu
barbeau qu'il entend par là) à collet renversé en velours ainsi que les
parements. Il ajoute que les grades étaient indiqués <<comme dans l'uni-
forme de 1775 » par des galons dorés bordant les boutonnières, etc ... ;
il n'y a donc pas de doute quant à l'adoption, dans ce corps, des nou-
velles prescriptions. Ce qui paraîtra plus surprenant,
consacrés du Premier Empire et l'exemple caractéristique
après les usages
donné en tête
l
de ce chapitre, c'est de voir ce chirurgien de dragons porter un habit l
bleu ! Sans doute le colonel de ce régiment était-il très strict pour la
tenue, et ne faut-il voir là qu'un uniforme provisoire destiné à être modi-
fié par son propriétaire lorsqu'il monterait en grade.
Ce n'est pas précisément le cas du second exemple. En tête du
deuxième volume des Souvenirs du Maréchal de Castellane, se trouve la
reproduction d'un tableau où l'on voit tout l'état-major du 5e régiment
de Hussards (du Bas-Rhin), dont le Maréchal était alors colonel. Parmi
0

les officiers en grande tenue on distingue très b ien le chirurgien du


corps. Il porte un habit en frac, boutonnant sur le devant, de la couleur
bleu foncé des dolmans du régiment. Sa poitrine est barrée de neuf gran-
des boutonnières en galon d'or ; quant au collet droit et aux parements,
ils en sont aussi chacun respectivement garnis. A part le pantalon de
cheval garance à deux bandes d'argent, couleur également spéciale an
régiment, ce chirurgien présente absolument le même caractère que celui
dessiné par Martinet pour le règlement de l 'An XII (2), à la différence
près que les broderies sont remplacées par de simples galons.
Ce type d'uniforme dura jusqu'aux derniers mois de l'année 1821 (3) \
où intervint un nouveau règlement. Cette fois, la tenue des offi.
l
(1) Cités par H.011is Histoire de l'h'colc Im7JëriaLe, etc ... de Strasbourg.

(2) Voir le chapilre précédenl.

(3) li. septembre, !1 octobre, 22 décembre.


67

c1ers de Santé n'a plus nen de commun avec celle de l'An XII. Le
bleu barbeau disparaît définitivement pour être remplacé par le bleu
de roi., qui était devenu, à ce moment-là, une couleur très foncée. L'habit
boutonne droit devant avec une seule rangée de boutons, mais ne com-
porte plus, pour les chirurgiens-majors, ex-chirurgiens de première
classe, les neuf boutonnières en galon d'or qui avaient été maintenues à
ce grade en 1815. Le collet et les parements en velours noir, écarlate ou

r vert demeurent les trois signes spécifiques des médecins, chirurgiens et


pharmaciens. Notons toutefois que la décision du 22 décembre 1821 res-
l tituait aux chirurgiens la couleur cramoisie en place de l'écarlate ; mais
si l'on s'en rapporte aux nombreux documents que j'ai donnés plus haut
il semble que cette décision ait été toute platonique et qu'elle n'ait fait
que confirmer un usage depuis longtemps consacré. La culotte collante
et les bottes sont remplacées par un large pantalon qui se porte bleu de
roi l'hiver et en toile blanche pendant la saison chaude.

Enfin, les. broderies que le Corps médical s'était vu retirer en 1815,


lui sont restituées de la façon suivante : aux officiers de Santé pourvus
de la commission, devenue temporaire, de chefs aux armées, une longue
bande de broderie en feuilles d'acanthe entourées du serpent, faisant le
tour du collet, des parements et des poches. Ce même ornement est
accordé aux médecins, chirurgiens et pharmaciens· principaux, ainsi
qu'aux chefs des hôpitaux militaires d'instruction, mais seulement sur le
collet et les parements. C'est cette distinction que l'on peut très bien
voir sur le chirurgien placé au centre de la planche de Valmont (1) et qui
porte la tenue réglementaire d'hiver. Quant aux grades inférieurs, les
chirurgiens et pharmaciens-majors n'ont droit à la broderie que sur le
l collet tandis que les aides et sous-aides se contentent de boutonnières
longues seulement de huit centimètres. Bref, un uniforme encore plus
) terne que celui du Premier Empire, et qui, selon l'expression de Gama,
faisait ressembler les officiers de Santé à de quelconques huissiers.

(1) Page 68.


CHIRURGIENS MlLI'l'AJRES E)I 1821
CHIRURGIEN D'UN CIIIRURGIEN D'UN MJ::ME CHIRURGIEN PRINCIPAL CHIRURGIEN
RÉGIMENT SUISSE RÉGIMENT EN GRANDE EN TENUE D'UN RÉGIMENT
DE LA LIGNE EN PETITE TENUE D'ÉTÉ RÉGf,EMENTAIRE D'HIVER D'INFANTERIE LÉGÈRE
TENUE D'HIVER

D'APRÈS VALMONT (Bibliothèque Nationale)


- 69 -

Pour comble, on crut qu'il ne suffirait pas seulement d'humilier les


médecins et chirurgiens en ôtant à leur tenue tout ce qu'elle pouvait
avoir encore d'un peu brillant, on leur retira une distinction qu'ils avaient
toujours eue depuis l'origine sans avoir, à aucun moment, soulevé la
moindre objection : le port de la dragonne à l'épée. Après leur avoir
refusé, sous l'Empire, le droit à l'épaulette, c'était vraiment méconnaître
d'une façon absolue les services, souvent désintéressés, qu'ils avaient
rendus au cours des dernières campagnes.
Toutes ces dispositions ne devaient pas seulement s'appliquer aux
officiers de Santé ,des hôpitaux, ceux attachés aux corps de troupes
étaient, théoriquement, astreints aux mêmes règles. La seule différence
entre eux, résidait, comme toujours, dans le bouton qu'ils portaient sem-
blable à ceux du régiment auquel ils appartenaient, et dans la forme de
l'habit qui était pourvu de retroussis; encore cette dernière distinction
fut-elle étendue le 15 janvier 1822, à tous les membres du Corps de
Santé.
Mais les ~raditions ,de fantaisie léguées par les chirurgiens dn
Premier Empirè étaienJ les plus fortes, et les habits ou Jracs aux cou-
leurs du Corps continuèrent à être portés d'une façon presque générale.
Cette fois, de nombreux documents sont là pour nous éclairer, je n'ai
pas l'intention de les passer tous en revue dans ce travail, d'autres l'ont
fait a-vant moi d'une façon beaucoup plus complète et très entendue (1).
Je me bornerai seulement à donner ici les plus typiques.
Dans les différents Corps composant la Maison du Roi et la Gar,de
Royale, plusieurs régiments (gardes de Monsieur, dragons, chasseurs,
lanciers) avaient pour uniforme un habit d'une autre couleur que le
bleu de Roi. Il semble, d'après les documents contemporains, que les
chirurgiens attachés à ces corps n'aient pas seulement porté des aiguil-
lettes, ce qui était très normal, mais qu'ils aient encore suivi l'usage,
introduit comme nous l'avons vu dans la Garde Impériale, d'arborer
pour toutes leurs tenues les couleurs du régiment.

,(1) Dans la revue Le Passepoil, année 1927.


70 -

C'est le cas de ces deux chirurgiens des lanciers de la Garde Royale


que j'ai tirés d'une série de caricatures, un peu burlesques, mais très
exactes quant aux uniformes, exécutées aux environs de 1823 et repré-
sentant tous les officiers de ce Corps. On les voit ici en tenue du matin
faisant leur promenade à cheval journalière, dans un « négligé »
très romantique et, à coup sûr, étranger aux prescriptions du règlement.
Ils ont la grande redingote serrée à la taille, très à la mode à cette
époque, de la couleur verte affectée aux lanciers; de même, le pantalon de
cheval cramoisi à deux bandes d'argent qui était logiquement réservé
aux officiers combattants. Il est vrai que nous avons vu déjà, avant 1821,
ce même pantalon à bandes porté par le chirurgien du 5e Hussards,
cela ne constitue donc pas une innovation. Enfin, en guise d'épée, nos
chirurgiens arborent de magnifiques bancals « à la chasseur » qui
achèvent de leur ôter tout aspect pacifique. J'ajouterai que ,dans la même
série de caricatures se trouve un autre chirurgien, en grande tenue,
celui-là, qui porte au lieu de la houppelande, un frac vert à collet cra-
moisi orné de deux ,boutonnières, avec sur l'épaule droite une aiguil-
lette ; tout ceci montre bien qu'il ne s'agit pas là seulement ,d'une tolé-
rance mais d'un usage bien établi et quasi-officiellement consacré.

Ces tenues n'étaient pas, d'ailleurs, l'apanage exclusif ,de la Garde,


on les rencontre tout aussi bien chez les chirurgiens de la ligne. L'ou-
vrage manuscrit de Valmont, dont j'ai extrait plus haut une feuille (1)
nous en fournit plusieurs exemples assez curieux. Les personnages de.
gauche sont des officiers de Santé attachés aux régiments Suisses, ces héri-
tiers des vieilles bandes helvétiques qui avaient toujours servi nos divers
souverains avec tant de fidélité. Or, l'un d'eux, qui est en grande tenue
d'été, porte un habit écarlate tout comme les officiers de son régiment ; il
n'a conservé, bien entendu, de l'uniforme réglementaire de chirurgien que

( 1) Page 68.
CJ-llR RGI8N DU REGnlE:\'l' DE Lr\';'CIERS D@ LA GARDE ROYAL@
El\ PETITE 'l'E/\" E

d'après un document du Musée lle l' Armée


- 72 -

le collet cramoisi et les boutonnières brodées d'or. L'autre, au contraire,


en petite tenue d'hiver, a endossé un frac très simple bleu foncé passe-
poilé d'écarlate; on remarque très bien sa poche en long qui est celle
affectée à l'uniforme de son régiment et non à sa tenue réglementaire
d'officier de Santé.

De même, l'intéressant chirurgien d'infanterie légère qui se trouve


tout à fait à droite de la planche et dont la tenue est confirmée par un
personnage représenté sur une peinture d'Hyppolite Lecomte figurant la
prise de Pampelune, en 1823 ( 1). Imitant l'exemple de ses confrères du
Premier Empire, il a adopté l'uniforme spécial des officiers de l'arme,
passepoilé et ,doublé de jonquille avec des boutons blancs. L'épée, très
visible sur ce dessin, est du modèle réglementaire d'officier d'infanterie
1816, mais sans aucune dragonne. Cette prescription paraît du moins
être la seule qui ait été respectée par les Officiers de Santé sous la Restau-
ration, et cependant, c'est bien une de ceiles que l'esprit d'économie et
d'uniformité justifiait le moins !

BOUTO'.'! DU CORPS DE SAN'I'E APRES 1821

(1) Au Musée de Versaille8.

Edition du LENIFORME
CHAPITRE SIXIÈME
LE RÈGNE DE LOUIS-PHILIPPE
ET L'ALGÉRIE

Nous avons vu dans le chapitre précédent que les Bourbons


n'avaient guère modifié, lors de leur avènement, en 1814, les uniformes
dt> l'armée ; les journées de juillet 1830 qui provoquèrent leur chute,
n'apportèrent, elles non plus, aucunes transformations notables aux te-
nues militaires. C'est ainsi que le règlement particulier du Corps de
Santé, paru le 1•r avril 1831, reproduit exactement les termes de celui de
septembre 1821, qui avait précédemment réglé en détail la tenue Je ses
différents membres. A part la suppression des fleurs de lys aux retrous-
sis et la substitution de la cocarde tricolore à la cocarde blanche, rien ne
fut pratiquement changé.

Un détail cependant, qui vaut d'être signalé, car il va persister et


marquera très nettement l'aspect général des uniformes français jusqu'à
nos jours. Le pantalon garance qui se substitua progressivement au pan-
talon gris pour la presque totalité des troupes à cheval durant le règne
de Charles X fut, bien entendu, adopté .d'emblée non seulement par
les officiers combattants mais également par les chirurgiens attachés à
ces corps. La plupart durent le porter, d'ailleurs, orné d'une ou deux
bandes de couleur tranchante, ainsi que nous l'avons vu pratiquer par les
chirurgiens du 5° hussards et des lanciers de la Garde. A son tour, l'in-
fanterie de ligne et légère se voyait dotée, elle aussi, du pantalon garance,
si bien que presque toute l'armée française en était pourvue en juillet
1830. Il ne faut donc envisager la note du 27 juin 1833, en prescrivant
le port aux officiers de Santé, que comme une simple confirmation d'un
usage depuis longtemps établi.
- 76

Les campagnes d'Afrique allaient, à cause des nécessités inh,~rentes


au climat, modifier bien plus encore les tenues militaires que ne l'avaient
fait le'5 règlements. On s'en rendra compte aisément en considérant l'as-
pect de ce chirurgien représenté par Horace Vernet au siège de Constan-
tine, Je célèbre Baudens qui fit, en qualité d'attaché au duc de Nemours,
toutes les premières campagnes d'Algérie, et en laissa une fort jntéres-
sante et détaillée relation (1), dont on conserve aujourd'hui le précieux
manuscrit au Musée du Val-de-Grâce. On le voit ici portant l'uniforme
réglementaire de 1831, les basques dégrafées, avec le collet et les pare-
ments de velours cramoisi orné de broderies d'or et l'aiguillette que jus-
tifiait sa place auprès d'un prince du sang. Détail curieux, qu'Horace
Vernet n'a certainement pas dû inventer, ses parements, au lieu d'être
ronds, ont la forme en pointe spéciale à l'infanterie et à la cavalerie
légères. Le pantalon garance à bandes noires est également, comme je
l'ai expliqué plus haut, très classique.

Deux particularités donnent cependant à cet .officier un aspect tout


à fait nouveau. En premier lieu, la coiffure, cette célèbre casquette d'Afri-
que que le maréchal Bugeaud devait immortaliser et, d'autre part, l'étui
en cuir rouge de la banderole de giberne. Ce dernier point mérite qu'on
s'y arrête. Nous avons vu, au cours des chapitres précédents, bon nom-
bre de systèmes divers employés par les chirurgiens militaires pour trans-
porter leurs instruments en campagne. J'ai même fait remarquer com-
bien le sac porté en sautoir par un officier de Santé à la bataille de
Landshut en 1809 constituait un progrès sur les procédés dont nous
avions pu voir les exemples auparavant. Ce même sac est représenté,
par Bellangé en 1828, pendu au côté d'un chirurgien, appartenant à l'un
des régiments d'infanterie de la Garde Royale.

Or, par une note ministérielle du 29 novembre 1832, il était


prescrit aux chirurgiens de se fournir d'une giberne destinée à con-
tenir dans son coffret une trousse à instruments que l'on suspendait par
une banderole de cuir, ainsi qu'en portaient les officiers de cavalerie. Le

( 1) Parue en 1838.
LE CHIRURGIEN BAUDENS AU SIEGE DE CONS'I'AN'I'INE, 1837
D'APRÈS HORACE VERNET

(Musée de Versailles)
78 -

premier modèle, qui était laid et encombrant, ne fut pas accepté de bonne
grâce par les officiers de Santé qui devaient, par surcroît, en supporter
les frais d'achat. Néanmoins, un modèle plus pratique l'emporta par
la suite, et désormais l'on ne verra plus un chirurgien militaire sans
cet accessoire, recouvert ou non de sa gaine en cuir rouge. Perdant peu à \
peu de sa raison d'être primitive, il ne devait plus être à la fin qu'un
ornement parfaitement inutile et tout juste bon à contenir un paquet
{
de cigarettes !

Un autre aspect bien plus saisissant encore des modifications appor-


tées à leur tenue par les officiers de Santé en Algérie, nous est offert par
la composition de Raffet que l'on voit ci-contre. Nous sommes toujours
au siège de Constantine, le 12 octobre 1837, alors que le général de
Damrémont, commandant l'expédition, vient d'être frappé à mort par
un boulet arabe. Un jeune chirurgien se tourne vers le duc de Nemours
accouru aux nouvelles pour lui annoncer sans doute que toute interven-
tion est inutile. On remarquera qu'en place de l'habit à basques, il porte
une grande tunique à plis avec un collet brodé pour désigner son grade ;
cette tunique était celle que depuis plusieurs années tous les officiers
avaient unanimement adoptée en Afrique. Autre détail caractéristique,
le pantalon long réglementaire est remplacé ici par un pantalon basané
que les officiers de zouaves, chasseurs et autres troupes d'Afrique avaient
contribué à mettre à la mode. Dans tout cela, il n'est absolument plus
rien qui rappelle le règlement de 1831. Enfin, malgré que ce chirurgien
ait été représenté sans coiffure, il est plus que vraisemblable, à voir les
autres personnages de la scène et l'exemple cité plus haut de Baudens,
qu'il portait une casquette recouverte ou non de toile cirée noire.

Mais revenons aux prescriptions officielles. Le port de la giberne


devait amener, le 21 mai 1841, la création, sur l'habit et la capote, d'une
patte d'épaule en drap du fond pour contenir la banderole et l'empêcher
de gêner le chirurgien lorsqu'il se penchait sur les blessés. Cette patte
devait être brodée d'une branche de feuilles d'acanthe semblable à celle
qui ornait le collet.
Toutes ces petites modifications successives étaient les prémisses
l
{

CHIRURGIEN EN TENUE D'AFRIQUE, 1837


D'APRÈS RAFFET

(ilfusée de l'Armée)
- 80 -

d'un grand règlement général, comme l'avaient été ceux de l'An XII
et de 1821. Une série d'ordonnances et de décisions ministérielles (1)
parues au cours des premières années du règne de Louis-Philippe
avaient profondément modifié l'organisation et le recrutement du Ser- f

vice de Santé. Poursuivant l'œuvre néfaste du Premier Empire, arrêtée


un moment sous la Restauration, le gouvernement de Louis-Philippe
accroissait de jour en jour le rôle de l'Intendance ,dans l'administration
du service de Santé tout en restreignant, par une série de mesures que
l'on peut qualifier de délétères, le recrutement des élèves chirurgiens. Si
bien que lé Corps de Santé était à l'agonie.

L'ordonnance du 14 juillet 1844 co-difia définitivement tous ces


changements et servit de base à une nouvelle réglementation de l'uni-
forme des officiers de Santé. Je n'entrerai pas ici dans tous ses détails,
leur exposé serait trop fastidieux, je me contenterai d'en donner
seulement les grandes lignes. Tout en maintenant dans son ensemble
l'habit bleu de roi, boutonnant droit, du règlement de 1831, elle le dote
d'ornements spéciaux aux retroussis. Ces ornements que l'on peut voir sur
la planche ci-contre représentent le serpent d'Epidaure enroulé autour
d'un bâton et se mirant dans le miroir de la prudence, le tout entouré
d'une branche de chêne et de laurier ; en un mot ce qu'on appelle aujour-
d'lmi, à tort d'ailleurs, le « caducée » médical. Les trois couleurs distin-
guant les professions demeurent également toujours les mêmes ainsi que
la disposition des broderies aux collets et parements pour différencier les
grades entre eux. Un système assez compliqué de baguettes brodées au
collet sert à désigner les deux subdivisions nouvellement créées de l'" et
2° classe dans chaque grade. Enfin, le pantalon garance subsiste, officielle-
ment sans passepoil ni bandes de couleur ; en réalité, ainsi qu'on peut le
constater chez le chirurgien de cavalerie représenté par Lecomte qui nous
offre un type exact de la tenue réglementaire de 1844 cet ornement con-
tinua d'être porté par les officiers de Santé attachés à certains régiments
dont l'uniforme comportait un pantalon à bandes.

(1) 12 Août 1836, T4 Août 1837, 4 Février 1842.


CHJRURGJEN POR'l'ANT LA TENUE REGLEMEN'l'AIHE DE 18H
D'APRÈS H. LECOMTE:

(Musée de l' Armée)


- 82 -

Mais là où le règlement de 1844 innova réellement, c'est en don-


nant une description officielle et détaillée de la petite tenue. Le règle-
ment de l'An XII s'était borné à indiquer très succinctement ce qui
différenciait la tenue journalière de l'uniforme de parade - nous avons
vu d'ailleurs comment l'entendirent les officiers de Santé de l'époque -
et ce ne fut que bien plus tard, au début des campagnes d'Afrique,
que ceux-ci durent, au petit bonheur et suivant leurs disponibilités, se
constituer une tenue à la fois plus commode et moins fragile que celle
d'Europe. Disons tout de suite qu'ils suivirent en général les modes intro-
duites en Algérie par les officiers combattants, et qu'aucun règlement
n'avait encore officiellement reconnues. C'est ainsi qu'au siège de Cons-
tantine, nous avons vu le chirurgien Baudens se coiffer d'une casquette
dénuée d'ornements et de galons, tandis. qu'un de ses collègues arborait
un pantalon basané d'officier de zouaves.

En outre, le règlement de 1844, reprenant en cela une note du


25 juillet 1833, prévoit pour les officiers de Santé une capote semblable
à celle des officiers d'infanterie, à deux rangées de boutons, avec seule-
ment le collet en velours de couleur orné des broderies du grade. Il y
est ajouté d'autre part un « bonnet de police » qui n'est autre que la
casquette d'Afrique, entièrement en drap bleu, timbré sur le devant du
« caducée » et dont les coutures sont recouvertes, suivant les grades, de
tresses d'or plus ou moins larges.

La réalité fut tout autre, si l'on en croit les quelques documents


qui nous restent sur les dernières opérations effectuées en Algérie sous
le règne de Louis-Philippe. Le meilleur exemple que je puisse en
,donner c'est le chirurgien que l'on voit au premier plan de la célèbre
et monumentale composition d'Horace Vernet représentant la bataille
de l'Isly. On sait le soin qu'apporta l'artiste dans la confection de sa
toile jusqu'à noter le nom de chacun des acteurs de la scène et à les
représenter, d'après leurs dires, dans la position où ils se trouvaient
réellement. La tenue de cet officier de Santé n'a donc pas pu être inter-
prétée et c'est ce qui constitue sa grande valeur documentaire. Or, au
lieu d'habit ou de capote, il porte une tunique à grandes basques, du
i'

CHIRURGIEN EN TENUE DE CAMPAGNE, 1847


D'APRÈS HORACE VERNET

(Musée de Versailles)
84 -

type généralisé en Afrique, dont on ne peut voir les parements ni le


collet mais qui est ornée sur les deux épaules des pattes réglementaires
brodées en or de feuilles d'acanthe, l'une de celles-ci étant, comme on le
sait, destinée à maintenir la giberne. La casquette a seulement le fond
bleu alors que le turban est en velours cramoisi et que les coutures, en
place d'une tresse, sont recouvertes de quatre galons d'or; enfin, le
dessus est orné d'un nœud hongrois sur lequel le règlement est complè-
tement muet. Notons, pour terminer, que ce chirurgien n'a pas ,de
giberne mais que ses fioles et instruments sont contenus dans une sorte
de trousse en cuir étalée devant lui, et qu'il devait mettre vraisembla-
blement dans ses fontes. Dans tout cela, seul le pantalon garance sans
passepoil est réglementaire.

Bref, si l'ordonnance de 1844 mit un terme aux nombreuses tenues


bigarrées portées par les chirurgiens des corps de troupes depuis le
Consulat, toute fantaisie dans leur costume n'en fut pas exclue pour
cela. Ainsi qu'on peut en juger par les exemples cités plus haut, c'est en
Afrique qu'ils prirent l'habitude de certaines formes d'habillement que
le règlement ne prévoyait pas, et c'est désormais de là que viendront tou-
tes les modes et transformations nouvelles que je vais étudier dans le
chapitre suivant.

Edition du LENIFORME
CHAPITRE SEPTIÈME
LA DEUXIÈME RÉPUBLIQUE
ET LE SECOND EMPIRE

Nous avons vu l'administration, sous le règne du <-< roi citoyen ».


s'ingérer peu à peu dans les affaires du Service ,de Santé au point d'acca-
parer complètement tous ses organes. On crut un moment que la Révo-
lution de février 1848 allait tout sauver. Les mesures édictées par les
ordonnances du 2 Novembre 1833 sur le service intérieur et du 12 Août
1836 sur l'organisation du Service de Santé avaient eu des conséquences
désastreuses. Subordonnant étroitement les officiers de Santé des hôpi-
taux à la direction de !'Intendance et ceux ,des corps de troupes aux chefs
militaires qui les commandaient, il n'y avait plus entre eux aucun lien
susceptible de les tenir en contact avec un organe central dont les direc-
tives seraient capables de remédier aux carences du service. L'initiative
personnelle, due la plupart du temps à l'expérience acquise au cours
des campagnes, était la seule force qui soutînt encore un peu le Corps ;
encore ne devrait-elle durer que le temps ,où les hommes qui la prati-
quaient seraient encore en vie, et les réserves s'épuisaient vite en Afrique!
...
... Ce fut la principale raison pour laquelle, s'inspirant des mesures
administratives prises sous l'Ancien Régime et la Révolution, l'Assem-
blée Législative ,décida, par la loi du 3 Mai 1848, de rendre au Corps de
Santé toute son autonomie. Je ne puis malheureusement m'étendre ici
sur cette entreprise si salutaire qui aurait évité, sans doute, bien des
fautes commises par la suite et qui fait honneur à la clairvoyance des
représentants de Février. Disons seulement qu'à l'image de bien des
idées généreuses émises et propagées à -cette époque, ce projet fut vite
oublié, au point de se voir abandonné dès le commencement d'applica-
tion qui en avait été fait.
- 88

Pour ce qui est de l'uniforme des officiers de Santé pendant cette


période, on a vu que, ,depuis la promulgation de l'ordonnance de 1844,
les modifications notables n'existaient pour ainsi dire plu-s, en ce qui
concerne la grande tenue et que c'était surtout en Afrique, dans les
tenues de campagne, qu'il fallait les chercher.

Au cours de l'année 1849 eut lieu l'envoi d'un corps expéditionnaire


français sur Rome, qui fut composé de régiments venant en partie
d'Algérie. Le célèbre dessinateur Raffet accompagna les troupes et prit,
sur place, un certain nombre de croquis saisissants de vérité qui pré-
sentent le plus grand intérêt pour l'étude des uniformes de campagne à
cette époque.

C'est de ce recueil qu'est extrait le chirurgien du 13° Léger que l'on


voit ici. Au lieu de l'habit réglementaire, il porte une tunique à basques
longues d'officier d'infanterie légère avec des parements bleus en pointe
liserés de jonquille. Par contre, le collet de velours cramoisi orné de bro-
deries peu visibles, mais qui sembleut correspondre au grade d'aide-maj.or
de 2e classe, rappelle la profession de cet officier. La casquette est du
même type que celle donnée par Horace. Vernet au chirurgien de la
bataille d'Isly (1), bleue à bandeau cramoisi, sans attribut par devant,
mais ornée de galons sur les coutures.

Cet exemple de tunique d'officier combattant portée en petite tenue


par un chirurgien n'est pas le seul. Dans ce même recueil de dessins
exécutés par Raffet, on voit également deux autres Officiers ,de Santé,
tous deux attachés à des régiments d'infanterie de ligne. Le moins curieux
de ceux-ci n'est pas l'aide-major du 33• régiment qui présente un type
absolument parfait de ce que devaient être à ce moment-là les officiers
au combat (2). Dans l'ensemble, il ne diffère pas essentiellement, comme
tenue, du chirurgien d'infanterie légère cité précédemment ; néanmoins,
en place d'une casquette d'Afrique, on remarquera son schako rigide

( 1) Voir chapitre précédent, p. 83.


(2) Voir page 92.
LE CHlHURGlEN AIDE-MAJOR WAGI-IE'l"l'E, DU 13° LEGER, AU SIEGE DE HOME, 184~
D'APRÈS RAFFET

(Musée Condé, à Chantilly)


- 91

recouvert d'une coiffe en toile cirée que sa couleur noire faisait appeler
à l'époque la « boîte à cirage». De même, sa capote réglementaire roulée
et passée en sautoir dans le sens opposé à celui de la giberne, qui lui
donne tout de suite un aspect plus guerrier et permet de le rapprocher,
dans sa simplicité, de !'Officier de Santé du Premier Empire que nous
avons vu à la bataille de Landshut (1).

A ce propos, une observation curieuse est à faire. On n'est pas peu


surpris de voir les deux personnages reproduits ici porter moustache et
même la fameuse barbiche qui, plus tard, devait prendre le nom
d' « impériale ». C'est qu'en effet une décision de 1832 interdisait à
tous- les membres du Corps de Santé et en général à tous les non-combat-
tants, sauf les marins bien entendu, le port de la moustache- ; on peut
constater que cette prescription était fidèlement observée par le chirur-
gien Baudens, ainsi que par les trois Officiers de Santé représentés sur
les gravures du chapitre précédent (2). Il faut croire que les chirurgiens
des corps de troupes, en -contact perpétuel avec les officiers des régiments
dont ils cherchaient à se rapprocher le plus possible au point de porter
presque le même uniforme, avaient passé outre cette décision qui les
faisait par trop se différencier des autres, d'autant plus qu'à cette époque
tout le monde, dans l'armée, avait la lèvre et le menton abondamment
garms.

Il appartenait au gouvernement du Prince Président de modifier une


dernière fois, d'une façon importante, les couleurs de l'uniforme affecté
aux Officiers de Santé et de lui donner, à peu de choses près, l'aspect
qu'il avait encore avant la guerre de 1914. Par une décision du 23 Mars
1852 réorganisant le Service de Santé et le subordonnant, une fois de
plus, étroitement au contrôle de l'Intendance, le corps des officiers était
divisé, pour ce qui concerne les uniformes tout au moins, en deux sec-
tions, celle de médecine et celle de pharmacie.

( 1) Voir page 55.


(2) Pages 79, 81 et 83.
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J

1
I
LE CHIRURGIEN AIDE-MAJOR GOUGET, DU 33° DE LiüNE,
AU SIEGE DE HOME, 184.9
- 93

La première, qui comprend les médecins et chirurgiens, devait por-


ter l'uniforme décrété en 1844 avec la couleur distinctive cramoisie.
Ainsi, le velours noir qui, depuis soixante-dix-sept ans, distinguait les
médecins de leurs confrères chirurgiens, disparaît pour céder la place
à la couleur que nous connaissons encore aujourd'hui. Quant aux phar-

l maciens, ils conservaient simplement leur velours vert traditionnel. Le


règlement de 1852 comportait cependant une innovation intéressante,
j c'est la création d'un uniforme, semblable à celui des aides-majors, pour
les Officiers de Santé auxiliaires et les pharmaciens civils commissionnés.
Pour le reste de la tenue, et notamment en ce qui concerne le grand uni-
forme, en habit et chapeau, rien n'était changé aux prescriptions de 1844.
Enfin, le 4 mars 1854, paraissait le dernier grand règlement promul-
gué sur la tenue ,des Officiers de Santé avant la guerre de 1870. Mainte-
nant inchangée la grande tenue de 1844, il précise un certain nombre de
points encore laissés à la fantaisie dans l'uniforme de campagne. La
capote cr<0isée est remplacée par une capote-tunique du type de celles
que nous avons vu porter par les chirurgiens de l'expédition de Rome.
Le collet seul de cette tunique doit avoir les broderies réglementaires
sur un fond de velours ,cramoisi ou vert suivant les professions.
Le bonnet de police change, lui aussi, de couleurs. Au lieu du fond
entièrement bleu, il devient par moitié rouge au calot, bleu foncé au
bandeau et s.'orne par devant, outre le caducée, d'une fausse jugulaire
en gal<0n d'or. Les coutures sont, comme auparavant, recouvertes d'une
tresse d'or mais celle qui joint le bandeau au fond est marquée par les

1 baguettes brodées spéciales qui distinguent entre eux les différents grades.
Enfin le nœud hongrois ornant le dessus du bonnet est officiellement

'
consacré.
Le manteau qui, jusqu'ici, était le même que celui réglementé pour
les officiers de cavalerie, c'est-à-dire un ample manteau-capote entière-
ment bleu sans galon ni broderie, cède la place à un vêtement plus pra-
tique pour monter à cheval : le caban. C'est une sorte de houppelande à
collet rabattu, doublée à l'intérieur de flanelle garance et garnie sur le
pourtour, ainsi que sur toutes les coutures, d'un galon de laine noire.
- 94

Ce même galon est disposé sur le devant en cinq larges brandebourgs


permettant de fermer le caban sur la poitrine. Enfin, les poches et l'ouver-
ture du derrière, qui peut se boutonner, sont garnies de nœuds hongrois
également faits en galon. Le détail de toutes ces dispositions. n'empêcha
pas cependant qu'il n'y eut, de la part des Officiers de Santé, un certain
nombre d'accrocs aux prescriptions réglementaires. C'est toujours en
Algérie, bien entendu, qu'il faut en chercher l'origine. Certes, en compa-
raison des uniformes bigarrés que nous avons pu voir au cours des cha-
pitres précédents, ce sont là de bien maigres fantaisies dont la descrip-
tion semble être plutôt ,du domaine de la minutie. Toutefois, comme elles
furent très généralisées, il était nécessaire de les. mentionner ici.

Prenons l'exemple de cette scène représentant l'ambulance fran-


çaise à la bataille d'Inkermann. On y voit de face et de dos trois méde-
cins ,ou chirurgiens dont les détails de tenue sont as,sez nettement visi-
bles. Celui qui est au premier plan, de même que son confrère penché
sur un blessé, portent strictement l'uniforme de 1854. On distingue fort
bien la tunique bleu foncé passepoilée d'écarlate sur le devant, ainsi que
sur le contour des poches ; celles~ci sont en long et marquées par trois
gros boutons. Les pattes d'épaule brodées, la giberne et sa banderole
recouvertes. de cuir rouge, le képi rouge et bleu à tresses et jugulaire d'or,
tout cela est parfaitement correct. Mais si l'on regarde au contraire le
médecin principal qui est à la droite du tableau, debout au milieu d'un
groupe de blessés russes qu'il vient de panser, l'uniforme est tout diffé-
rent. Il porte, en effet, une tunique à petits plis d'un type spécial réservé
aux officiers, des troupes d'Afrique dont nous avons vu déjà plusieurs
représentations ; les manches ont une ouverture jusqu'au coude liserée
de jaune et garnie d'une série de petits boutons. Cette tunique qui se
portait d'habitude toujours ouverte laisse voir le gilet, également venu
d'Algérie, enserré à la taille par une ceinture de teinte rouge. Tout le
reste de la tenue est conforme aux décisions de 1854.

D'autres documents, mémoires, photographies, souvenirs nous per-


mettent également de croire que les Officiers de Santé des troupes d' Afri-
que portaient, outre cette tunique dont je viens de donner la descrip-
CHIRURGJENS PORTANT LA 1.'ENUE DE 1854, A LA BA'l'AlLLE DîNKERMANN
(Musée du Val-de-Grace)
- 96 -

tion, le pantalon « flottard » ou la culotte ornés des. bandes de couleur


réservées aux officiers combattants. Parmi ceux-ci, le moins curieux n'est
pas une photographie, qui se trouve au Musée de l' Armée, de tout un
groupe d'officiers appartenant à un régiment de chasseurs d'Afrique, au
milieu desquels on distingue très bien, grâce aux pattes d'épaule et à la
couleur foncée de leur tunique, les chirurgiens attachés au corps. Ils
portent la tunique réglementaire, mais ont leur pantalon enfoui dans
de grandes bottes à l'écuyère, tandis que leur képi disparaît sous une
coiffe à couvre-nuque en toile blanche et que l'épée est remplacée par
un sabre d'officier de cavalerie.

Ceci nous amène à parler, pour terminer la présente étude, des uni-
formes portés par les Officiers de Santé pendant la guerre de 1870.

Il reste encore presque tout à dire sur cette question car, chose à
première vue surprenante, les documents iconographiques font à peu
près complètement défaut pour cette période. Certes, les épisodes de
l'année terrible ont été abondamment représentés et souvent par des au-
teurs sérieux dont les plus connus sont Detaille et Alphonse de Neuville,
et cependant je n'ai trouvé chez aucun d'entre eux une tenue intéressante
d'Officier de Santé qui vaille d'être mentionnée. C'est pourquoi le dessin
humoristique de Draner que je donne ici constitue, à mon avis, ce qu'il y
a encore de plus caractéristique dans le genre.

A gauche, un chirurgien de la Garde Nationale, vieux professeur à


la Faculté, servant volontairement dans un bataillon levé pour la défense
de Paris et à droite, au contraire, un jeune chirurgien de première classe
venant d'un des régiments de la ligne qui faisaient partie de la garnison.
Ce dernier porte une tunique courte réglementaire à collet et parements
cramoisis ornés de broderies d'or, un gilet court d'Afrique à une rangée
de petits boutons et, en place de pantalon, des culottes de cheval et des
grandes bottes. Son képi a suivi la mode et n'est plus qu'un tout petit
calot aplati souligné d'un bandea?- alors que celui de son collègue a en-
/

-
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·.;.··~...:.;

CHIRURGIENS DE LA GARDE NA'l'IONALE E'l' DE L'ARMEE, 1871


D'APRÈS DRANER
Table des Matières

CHAPITRE PREMIER

LES PRECURSEURS

Création définitive des hôpitaux des places de guerre en 1629. - Leur diffé-
rence d'avec les hôpitaux provisoires des armées. - Cette différence se retrouve
également chez Je personnel médical attaché à ces établissements. - Absence
totale d'uniforme réglementé .................................... . . Page 7

CHAPITRE DEUXIÈME

LE XVIII• SIECLE

E. Pichault de la Martinière, son rôle. - L'ambulance de campagne à Fon-


tenoy. - Première mention d'un uniforme le 15 juillet 1757. - Compléments
apportés en 1775 et 1786 pour l'uniforme des médecins et apothicaires. Page 19

CHAPITRE TROISIEME

LA REVOLUTION

Bariolage des tenues et maintien pendant les premières campagnes des cou-
leurs de l'ancien régime. - Règlement du 30 Floréal an IV. - Agréments sensibles
apportés à l'austérité de la tenue de l'an VI. - Fantaisie des uniformes portés ....
en Egypte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Page 31

--
____
.........__ CHAPITRE QUATRIÈME

LE CONSULAT ET L'EMPIRE

Mesures fâcheuses pour le Corps de Santé décrétées en l'an VIH et l'an XI.
Règlement de l'an XII. - Dérogations presque générales pratiquées par les chi-
rurgiens des corps de troupes. - Exemples pour ceux de la Garde. - Tenues
de campagne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Page 47

CHAPITRE CINQUIÈME

LA RESTAURATION

Persistance des fantaisies apportées dans leur uniforme par les chirurgiens
des corps de troupes sous l'Empire. - Règlement de 1821, son peu d'effet.
Exemples variés pour la Garde Royale et les régiments de ligne . . . . . . Page 64
CHAPITRESIXIÈME
LE REGNE DE LOUIS-PHILIPPE ET L'ALGERIE

Modifications profondes apportées dans les tenues de campagne par suite du


climat de l'Algérie. - Exemples du siège de Constantine. - Règlement de 1844 et
description détaillée de la petite tenue. Exemples de quelques dérogations.
Page 75

CHAPITRESEPTIÈME
LA DEUXIEME REPUBLIQUE ET LE SECOND EMPIRE

Tentatives de retour à l'autonomie du Corps de Santé en 1848. - Les usages


d'Afrique se maintiennent ailleurs, notamment au siège de Rome. - Nouveaux
changements apportés à l'uniforme en 1852 et 1854. - Tenues de la guerre de
1870 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Page 87

ERRATA

CHAPITREPREMIER page 14, 14" ligne; lire: ce fut sans doute ... au lieu de c'est
sans doute.

CHAPITREDEUXIÈME:page 20, 22• ligne; lire: Bagieu au lieu de Bagien.

CHAPITRETROISIÈME:page 40, 21" ligne; lire: ceinturon vert brodé d'or au -!ie11
---------~
rie _____,. ~--
brodé d'argent. -- __,

CHAPITREQUATRIÈME:page 54, 23e ligne; lire: soldats malades et blessés au lieu de


soldats et blessés.

CHAPITRE SIXIÈME: page 76, 2• ligne; lire: bien plus encore au lieu de bien
plus encore.

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