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MEDECINS
MI LIT AIRES
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D A UTREFOIS
LES PRÉCURSEURS
par trop réalistes. C'est ainsi que l'on voit notre praticien procéder à une
extraction de projectile sans que son patient ait même songé à enlever
son justaucorps ; inutile de dire que, dans la pratique, il n'en était rien.
Quoi qu'il en soit, cette gravure es.t, du point de vue qui nous inté-
resse ici, fort précieuse, car elle vient à l'appui de ce que je développais
tout à l'heure et nous montre l'aspect de ces hôpitaux provisoires instal-
lés près d'une place· à l'usage de l'armée assiégeante. On aperçoit, en effet,
dans le fond, suivant une perspective très en honneur à l'époque, les
batteries protégées derrière des fascines et tirant sur la ville forte tandis
que se livre dans la plaine environnante un combat acharné de cavalerie.
Le chirurgien et ses aides portent un costume absolument semblable
au costume civil qui d'ailleurs, à ce moment-là, ne se différenciait du
militaire que par les couleurs et, fait plus curieux, chacun est muni d'une
épée. C'est là un détail qui vaut la peine d'être signalé car c'est sans doute
le seul emblème qui ait distingué à l'époque les chirurgiens des armées de
leurs confrères civils.
Malheureusement, pour ce qui est des couleurs de ces justaucorps,
pas une peinture ne vient à notre aide pour nous les indiquer, et il est.
plus que probable qu'aucune règle ne les avait encore fixées d'une ma-
nière uniforme. Néanmoins, je citerai ici ce passage amusant tiré du
« Parfait chirurgien d'armée», publié en 1696 par Mr. Abeille, chirur-
gien-major des hôpitaux des armées du Roy en Flandre, qui, à défaut de
précisions, nous montrera l'opinion des contemporains sur le sujet.
Rédigé sous forme de catéchisme, ce recueil nous donne la réponse sui-
vante à la question : « Quelles sont les conditions du parfait chirur-
gien ? »
Voilà, n'est-il pas vrai, qui nous éclaire singulièrement sur les usages
du temps!
Ceci m'amène à parler, pour terminer ce chapitre, de l'insti-
tution officielle du Corps de Santé militaire qui n'eut lieu que le
17 janvier 1708. Auparavant, le Roi, à l'image des grands seigneurs f éo-
daux, n'agissait encore que comme premier baron du royaume en délé-
guant ses propres médecins et chirurgiens pour l'installation des hôpi-
taux de campagne. Sitôt la guerre finie, tout disparaissait et seuls demeu-
raient les hôpitaux des places. A partir de 1708, au contraire, des cadres
permanents furent institués et entretenus par l'Etat pour assurer le
Service de Santé aux armées. A vrai dire, ce furent les mêmes person-
nages qui avaient déjà fait leurs preuves dans les campagnes précédentes,
mais après cette date ils durent, suivant l'usage d'alors, acheter leurs
charges; cette stipulation fut d'ailleurs abolie par la suite, en 1716.
Rien dans tout cela, malheureusement, qui ne nous donne une
indication quelconque sur le costume. Il faut croire, si nous en jugeons
par les documents postérieurs, que les chirurgiens des armées conti-
nuèrent à porter l'habit civil et l'épée. Celui que j'ai donné ci-après ne
nous apprend rien de particulièrement nouveau, sinon que les officiers de
Santé suivirent, tout comme les officiers des troupes, les fluctuations de
la mode dans la coiffure et le vêtement. J'ai cru néanmoins qu'il était inté-
ressant de représenter ici cette gravure car elle offre un aspect curieux
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Edition du LENIFORME
CHAPITRE DEUXIÈME
PORTRAl'r DE LA J\t[ARTINIERE,
PAR LA'l'l!\Vll,Li;;, VERS 1740,
Musée du Val-de-Grace
LE XVIIIe SIÈCLE
(lj Publié dans Soldats Suisses au service étran,ger, Genève, Jullien, 1919.
- 23 -
'! «
«
cacheter les lettres, sur moi... une spatule... des petites pinces pour
lever les appareils, etc. »
Somme toute, s'il n'y avait pas allusion à un ceinturon avec épée à
dragonne, rien dans tout cela qui put faire croire qu'il s'agit là d'un
militaire.
C'est seulement au cours de la première campagne de la Guerre de
Sept ans qu'on vit enfin publier l'ordonnance initiale réglementant d'une
manière officielle la tenue des chirurgiens attachés aux armées. La guerre
moderne venait de naître et avec elle la chirurgie de bataille. Il ne conve-
nait plus seulement de faire accompagner les troupes par des praticiens
qui exercent surtout dans les hôpitaux des places, l'assistance médicale
immédiate, sur le champ même des opérations, est devenue nécessaire.
Nous allons voir que l'adoption d'un uniforme pour les chirurgiens
d'armée en fut une conséquence toute logique ainsi que l'apprennent les
considérants de la lettre du ministre, le marquis de Paulmy, en date
du 15 Juillet 1757 : « Sur le compte que j'ay rendu au Roy des repré-
sentations qui m'ont été faites par Monsieur ,de la Martinière et par Je
Sieur Desport, chirurgien-major de l'armée de Westphalie, sur la nécessité
(1) Cette même disposition se trouve représentée sur l'habit de 3 chirurgiens dans un
recueil contemporain <le costumes militaires. Bibl. Nat. Est : Oa 105 ha.
(2) Archives historiques de la Guerre.
CHIRURGIEN l\HLITAJRE APRES 1776
cl'après un Portrait de la collection Castanié.
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Edition du LENIFORME
CHAPITRE TROISIÈME
LA RÉVOLUTION
forme réglementé en 1786 et cela n'est pas seulement vrai pour eux mais
aussi pour bien des militaires ayant servi auparavant dans l'armée royale.
Cependant, après l'avoir annoncé à plusieurs reprises dans le.s lois
du 7 août 1793 et du 3 Ventôse an II (21 février 1794), le gouvernement
révolutionnaire se décida à promulguer, le 30 Floréal an IV (19 mai
1796), un règlement décrivant les nouvelles tenues attribuées désormais
aux officiers de santé. Celles-ci, inutile de le dire, eurent bien des points
communs avec ce qui se portait déjà; elles en furent peut-être même la
confirmation officielle car leur simplicité correspond tout à fait avec les
nécessités du temps de guerre.
Le fond de l'habit demeurait gris dans l'ensemble, il était légèrement
plus bleuté qu'auparavant. La coupe différait en ce sens qu'au lieu d'être
droit par devant, avec ou sans revers boutonnés, l'habit se portait croisé,
les revers dégrafés dans le haut; huit gros boutons les ornaient et les bou-
tonnières étaient en simple poil de chèvre de la couleur du fond. Les
parements devaient être également gris bleuté avec une patte rectan-
gulaire couvrant l'ouverture de la manche.
Enfin, seul le collet qui suivant la mode du temps était ample et
rabattu, distinguait entre elles les trois professions du Corps de Santé.
Les médecins le portaient en velours noir, ce qui était de tradition, alors
que les chirurgiens l'avaient cramoisi et les pharmaciens vert. Voilà, ne
semble-t-il pas, des couleurs qui eurent la vie longue puisque, tout au
moins pour les deux dernières, elles subsistent encore aujourd'hui. Les
broderies d'or, réduites au minimum, ce qui était bien significatif de
l'époque, ornaient simplement ce collet et quelquefois le parement pour
différencier les nouvelles dénominations de médecins inspecteurs, de pre-
mière, deuxième et troisième classe.
Dans la scène tirée du grand tableau de Bacler Dalbe exécuté en
1803 pour célébrer la victoire d' Arcole, nous voyons deux chirurgiens
habillés, à peu de chose près, suivant les prescriptions de l'an IV. Celui
de droite est sans doute un chirurgien-major de deuxième classe portant
l'habit réglementaire de coupe mais non de couleur; j'ai déjà expliqué
plus haut qu'il n'y a rien d'étonnant à cela. Néanmoins si les broderies
qu'il porte au collet sont normales, la couleur et l'ornementation de ses
parements le sont moins, il devrait avoir, en effet, une patte et quatre
petits boutons seulement; encore une aimable fantaisie en marge des
prescriptions officielles!
CHIRURGIENS MILITAIRES A LA BATAILLE D'ARCOLE, 1796
D'APRÈS BACLER D'ALBE
Musée de Versailles
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nue pour que je la retrace ici. Disons seulement qu'après avoir été nom-
mé médecin en chef de l'armée d'Italie, il suivit la fortune de Bonaparte
en Egypte, pourvu des mêmes fonctions.
Musée de Versailles
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Disons, pour terminer, que jamais plus depuis cette époque le Corps
de Santé militaire ne se vit attribuer, officiellement, d'aussi brillants
uniformes et si bien peu de ses membres eurent assez de moyens pour
se les offrir, il faut quand mêine savoir gré au Directoire de les avoir
en quelque sorte récompensés de cette façon pour l'abnégation et le
dévouement dont ils avaient fait preuve pendant ces six années d'hosti-
lités et de misère.
•· •
CHiRURGIE~ MILITAIRE A LA BATAILLE D'ABOUKin
D'APRÈS LE JEUNE
Musée de Versailles
CHAPITRE QUATRIÈME
LE CONSULAT ET L'EMPIRE
C'est sous le Consulat que débute l'ère des humiliations pour le Corps
de Santé. Par une série de mesures aussi hâtives qu'injustifiées l'adminis-
tration consulaire, qui par ailleurs fit des réformes si salutaires, s'est ingé-
niée à détruire tout ce qui pouvait avoir donné pendant la période précé-
dente une élévation et une certaine indépendance au Corps de Santé. Je
ne snis pas qualifié pour apprécier ici les modifications d'ordre administra-
tif, j'insisterai seulement sur les conséquences qu'eut sur les uniformes ce
véritable acharnement du pouvoir central à amoindrir les trois professions
de l'art de guérir.
Par un arrêté du 27 Messidor an VIII (20 juillet 1800), il fut prescrit
aux officiers de Santé de porter un habit de même coupe que celui de
l'An VI mais d'un drap plus clair. Sans doute les officiers faisant partie
des états-majors, qui portaient presque la même tenue en campagne,
voyaient-ils d'un mauvais œil le bleu foncé des médecins et chirurgiens
prêter parfois à des confusions qu'ils jugeaient fâcheuses. En outre, fini
le luxe accordé généreusement sous le Directoire, toute espèce de galons et
de broderies sont interdits et supprimés !
Ceci n'était qu'un début, car le 15 Nivôse An XI, sous. le prétexte
fallacieux que les officiers de Santé n'étaient attachés au service que par
une commission temporaire, on crut bon d'en licencier le plus grand nom-
bre et de diminuer considérablement celui des hôpitaux d'instruction. De
ce fait deux cent trente médecins et chirurgiens à la suite des corps de
troupe furent supprimés. Enfin, pour achever cette œuvre de néfaste des-
truction, le Conseil de Santé, véritable organe central du Corps, fut lui
aussi licencié et remplacé par six inspecteurs généraux. Heureusement
que ceux-ci s'appelaient Larrey, Per.cy, Des Genettes, etc ... aussi leur
influence personnelle auprès du premier Consul, puis de !'Empereur,
suffirent-elles seules à maintenir l'existence du service de Santé par ail-
leurs si gravement compromise.
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Mais revenons à l'uniforme ; nous allons voir qu'il subit, lui aussi,
les assauts du pouvoir central. Un règlement paru le rr Vendémiaire
An XII (24 Septembre 1303) fut promulgué pour confirmer celui de
l' An VIII et le compléter dans ses détails. La planche de Martinet que
j'ai donnée ici en fournit une très précise illustr~tion.
L'habit des chirurgiens, médecins et pharmaciens est de la couleur
bleu « barbeau », c'est-à-dire d'une teinte beaucoup plus claire que celle
des tenues portées par la majorité des troupes et les officiers faisant par-
tie des états-majors : .généraux, aides-de-camp, etc ... Les revers de cou-
leurs sont supprimés et seuls subsistent le collet et le parement pour dis-
tinguer entre elles les trois professions. Remarquons, en passant, que les
chirurgiens se virent de nouveau dotés de la couleur distinctive écarlate
qui leur avait été attribuée au xvnr siècle ; nous verrons par la suite
qu'aucun document matériel ou iconographique ne confirme que cette
couleur ait été réellement portée, alors que partout le velours cramoisi
subsistait.
Pour pallier à l'absence de revers, les professeurs dans les hôpitaux
et les officiers de Santé de première classe devaient avoir leur habit
garni par devant de neuf boutonnières brodées en galon d'or, comme on
peut le voir sur le modèle de Martinet. Quant à ceux appartenant aux clas-
ses inférieures, ils ne portaient ces boutonnières que sur le collet, les pare-
ments et les pattes de poches, celles-ci demeurant, comme auparavant, en
travers. Enfin, maigre compensation, la dragonne était maintenue avec des
franges plus ou moins grosses et le corps plus ou moins rayé de fils de soie
des couleurs distinctives, suivant les classes.
Ainsi qu'on peut le voir, cette tenue, dans son ensemble, n'avait rien
de particulièrement brillant. Elle était même fort terne pour les chirur-
giens attachés aux corps de troupe qui étaient presque tous de deuxième
classe et ne portaient aucune broderie sur le devant de leur habit ; seuls
les boutons empreints du numéro du régiment les distinguaient de leurs
confrères des hôpitaux. On conçoit donc très bien qu'ils aient cherché à
s'affranchir de la note par trop rigoureuse qui leur était imposée par le
règlement.
C'est de là que nous allons voir naître une mode qui semble, par les
divers exemples existant encore de nos jours, avoir été assez généralisée.
Les officiers de Santé attachés aux corps dont le fond de l'habit était bleu
CHIRURGIEN DE PREMIERE CLASSE DANS LA 'I'ENUE REGLEMENTAIRE
DU 1•, VENDEMIAIRE, AN XII
D'APRÈS MARTINET
forter.
Au milieu et vers le haut on aperçoit, à demi caché par un blessé,
.tendant le bras vers l'Empereur, la vigoureuse physionomie de Larrey;
malheureusement on ne peut distinguer de son uniforme que le collet d~
'
.1
.,
l'habit orné d'une baguette et de deux rangs de galons brodés, signe dis-
tinctif des inspecteurs généraux du Corps de Santé. Par contre, en pre-
mier plan, un chirurgien de première classe penché sur un soldat imberbe
laisse voir tous les détails de sa tenue admirablement bien rendus par
l'artiste. L'habit, les parements et le collet, ainsi que les boutonnières bro-
dées qui les ornent, sont en tous points conformes au règlement ; deux
détails seulement qui ne concordent pas : l'absence de dragonne à l'épée
et la poche en long dépourvue de boutonnières. On peut en dire autant
des aides qui se trouvent à droite et à gauche, occupés, eux aussi, à soigner
les blessés et dont la tenue de chirurgien de deuxième classe n'est abso.
lument pas en marge des prescriptions officielles ; on remarquera seule-
ment qu'au lieu d'avoir des boutonnières brodées au collet, celles-ci sont
figurées par de simples galons cousus, ce qui devait être bien plus éco-
nomique. Tout cela est parfaitement plausible et semble, à première vue,
restituer la véritable physionomie des si dévoués collaborateurs de Lar-
rey : les chirurgiens de la Garde.
Or, si l'on examine de près les uniformes portés sur cette scène ou
jonchant le sol autour des soldats, il est aisé de constater que ceux-cj
appartiennent à deux corps de cavalerie de la Garde Impériale, les dra-
gons et les chasseurs à cheval.
Et voilà qu'il nous est donné précisément de connaître aujourd'hui,
par deux sources totalement étrangères l'une à l'autre, la tenue véritable
des chirurgiens atta.chés à ces deux régiments. En premier lieu l'uniforme
très connu du chirurgien-major Foucard, des dragons de la Garde, que
l'on peut voir dans les vitrines du Musée de l'Armée. Cet habit, sem-
,,__ ,._ __
Musée de Versailles
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blable à celui des officiers ,du corps, c'est-à-dire en drap vert doublé de
rouge, orné d'une aiguillette d'or et de grenades brodées aux retroussis,
n'en diffère que par le collet, les revers et parements qui sont en velours
cramoisi garnis à chaque bouton d'une boutonnière brodée en fil â.'or.
L'autre document, encore inédit, est une miniature faisant partie
d'une collection privée (celle de M. Brunon) qui représente un chirur-
gien appartenant aux chasseurs à cheval de la Garde. Il porte un frac vert
à revers liserés d'écarlate, un gilet à la hussarde rouge garni de boutons
et de tresses d'or et sur l'épa1ùe droite une aiguillette ; seuls, le collet
cramoisi et les deux boutonnières d'or en feuilles d'acanthe contournées
par le serpent d'Epidaure désignent un officier de Santé. Il pourrait
présenter, dans l'ensemble, l'aspect qu'a sur la toile de Meynier le chas-
seur coiffé d'un chapeau, que l'on voit à l'extrême gauche du tableau,
soutenant un camarade blessé. Ce simple rapprochement fait sur la même
peinture permet de mesurer combien cette œuvre, exécutée à la suite
d'une commande officielle pour commémorer un épisode célèbre de
l'épopée napoléonienne, trahit la réalité, même dans certains de ses
détails.
Nous avons étudié jusqu'ici les grandes tenues, celles que l'on portait
en temps de paix ou les jours de parade, il est non moins intéressant d'es-
sayer de se figurer la tenue journalière des officiers de Santé en campagne,
alors que suivant les troupes, la plupart du temps à pied, ils prodiguaient
leurs soins aux soldats et blessés. Rien ne traduit mieux ,cet aspect, à
mon sens, que ce fragment tiré d'un grand tableau d'Hersent reprodui-
sant l'attaque du pont de Landshut, pendant la même campagne de
1809 qui devait mener nos armées victorieuses jusqu'à Vienne. Nous
sommes ici en pleine action, une compagnie de carabiniers d'infanterie
légère vient de se poster de chaque côté du pont qui franchit l'Isar et
tiraille sur les Autrichiens à l'abri d'un mur. Tout est vrai dans cette
scène, depuis l'attitude calme des soldats du deuxième rang chargeant et
préparant les fusils pour ceux du premier, jusqu'au moindre détail du
paquetage et de l'équipement ; on dirait presque, si ce n'était trop
s'avancer, une photographie prise sur le vif par un témoin de l'affaire.
Quelle différence avec les attitudes guindées de la gravure précédente !
Au premier plan, accourant sous le feu de l'ennemi pour soulager
les premiers blessés, nous avons un admirable spécimen de chirurgien
militaire en tenue de campagne. Au lieu d'un habit à basques il porte
une espèce ,de capote courte bleu foncé recouverte d'une pèlerine ou plu-
tôt ,comme on disait alors, d'une « rotonde », de la même couleur. Seul,
'
CHIRURGIEN D'INFANTERIE LEGERE EN TENUE DE CAMPAG~E- 1809
D'APRÈS HERSENT
Musée de Versailles
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le collet de cette pèlerine est orné des deux boutonnières d'or qui distin-
guaient les officiers de deuxième classe en petite tenue, les parements de
velours cramoisi étant unis et sans broderie. La culotte et les bottes ont
été recouverts, pour la marche, d'un pantalon de drap bleu sans passepoil
boutonnant sur le côté et le chapeau garni d'une coiffe en toile cirée,
curieusement maintenue par un ruban de soie noire noué. Voilà qui ne
ressemble guère aux uniformes que nous avons vus jusqu'ici ! Et cepen-
dant il faut se figurer les officiers de Santé du premier Empire bien plm
souvent sous ,cet aspect très simple et pratique pour la guerre que revê-
tus des tenues variées, réglementaires ou non, que j'ai décrites plus haut.
Une dernière observation sur ce personnage. On remarquera, sous
son bras et passé en sautoir, un large sac de toile ou de peau brune. C'est
également une transformation commode et plus portative de l'encom-
brante boîte à instruments que nous avons vue fréquemment en usage
sous la Révolution. Notons, en passant, cette transformation qui constitue
un pas vers une forme plus moderne de trousse de campagne pour aboutir
finalement à la fameuse giberne, symbole, elle aussi, des officiers du Corps
de Santé.
Mais, n'anticipons pas encore. Au cours des _années de paix relative
qui devaient précéder le départ de la grande armée pour Moscou, une
commission fut chargée par !'Empereur d'élaborer un nouveau règle-
ment complet pour l'habillement de toutes les troupes. Paru trop tard,
en Janvier et Février 1812, -ce règlement ne reçut un commencement
d'application qu'à la réorganisation générale de l'armée, en 1813, après la
désastreuse retraite où le corps de Santé, tout comme les autres, eut tant
à souffrir et à se prodiguer. _
Disons tout desuite qu'en ,ce qui nous concerne les dispositions de
l'An XII ne furent aucunement modifiées et qu'on ne vit pas les pouvoir,,
publics consacrer officiellement les nombreux changements que les c,hirur-
giens des corps de troupe avaient apportés d'eux-mêmes, dans le sens où
je les ai exposés ci-dessus, aux uniformes réglementaires. Pas plus que
!'Empereur ne crut bon d'accorder aux officiers de Santé l'épaulette que
Percy avait si chaleureusement réclamée pour eux.
Toutefois, de même que nous avons vu ,ces chirurgiens adopter la
tenue des autres officiers du corps auquel ils étaient attachés, tout en
conservant certains attributs spécifiques, nous trouverons quelques exem-
ples de modifications apportées dans la coupe de leurs habits suivant les
nouveaux modèles prescrits en 1812 pour les officiers combattants.
C'est ainsi que l'habit de chirurgien-major du 21" léger reproduit
ci-contre offre toutes les caractéristiques d'un habit -d'officier d'infante-
•. ~
rie légère après 1812, à cela près que le collet et les parements de velours
cramoisi ornés de boutonnières en paillettes d'or désignent nettement la
profession médicale. Suivant l'usage auquel j'ai déjà fait allusion, les po-
ches ont la forme spéciale attribuée aux « légers » ainsi que les pattes à
la Soubise et les cors de chasse aux retroussis (1). •
Un exemple plus remarquable encore de ces modifications ·ex:_tr.a-
réglementaires est fourni par l'habit de chirurgien du 55°..dé ligne qui
figure à côté du précédent. Plusieurs documents, miniatures ou pièces de
musées, nous montrent qu'à la fin de l'Empire s'était généralisée pour les
officiers d'infanterie la mode des habits-surtouts, à basques demi-longues
et à un seul rang de gros boutons par devant au lieu de revers ; ce qui,
en somme, ressemblait fort, velours et broderies mis à part, à la tenue
prescrite pour les officiers de Santé en l' An XII. C'est ainsi que l'habit
d'un chirurgien du 53e d'une part et deux miniatures représentant les
majors des 14° et 45" de l'autre, offrent exactement les mêmes caractéris-
tiques. Il est donc curieux de voir ce chirurgien du 55° s'être fait con-
fectionner un habit réglementaire d'officier d'infanterie selon les pres-
criptions de 1812, drap du fond « bleu impérial », doublure et revers
(que l'on ne voit pas sur la gravure, mais qui ont la même forme sur
l'habit du 21 ° léger), en drap blanc, coupés carrés avec seulement les
parements et le collet de chirurgien. On remarquera en outre le fort
curieux ornement de taille brodé en feuilles d'acanthe, qui présentait
l'avantage de faire reconnaître le chirurgien, même vu de -dos. C'est, à
ma connaissance, le seul exemple d'habit de chirurgien d'un régiment
d'infanterie de ligne ainsi conçu.
Rien ne pouvait mieux servir de conclusion à ce chapitre que la
petite s-cène, peinte sur bois, reproduite ci-contre. Ce n'est certes pas une
œuvre d'art, loin de là, mais elle représente, dans toute sa naïveté, un
double intérêt chirurgical et historique. On y voit Dominique Larrey, à
l'issue de la bataille de Hanau, dernière victoire de nos armes en 1813,
occupé à exécuter sa fameuse désarticulation de l'épaule qui devait le
rendre à jamais célèbre dans les annales de la chirurgie. L'officier qui
subit l'amputation est un personnage connu, le capitaine Rebsomen,
alors lieutenant-aide-major aux chasseurs à pied de la vieille garde et
(1) L'habit de chirurgien du 27• léger qui ,ie trouve au ·Musée de !'Armée porte, fait
curieux, des grenades au lieu de cors de cha,s,se à ses retroussis.
LARREY OPERANT A LA BATAILLE DE HANAU - 1813
Musée du Val-de-Grace
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Edition du LENIFORME
CHAPITRE CINQUIÈME
LA,'- REST AURA TION
c1ers de Santé n'a plus nen de commun avec celle de l'An XII. Le
bleu barbeau disparaît définitivement pour être remplacé par le bleu
de roi., qui était devenu, à ce moment-là, une couleur très foncée. L'habit
boutonne droit devant avec une seule rangée de boutons, mais ne com-
porte plus, pour les chirurgiens-majors, ex-chirurgiens de première
classe, les neuf boutonnières en galon d'or qui avaient été maintenues à
ce grade en 1815. Le collet et les parements en velours noir, écarlate ou
( 1) Page 68.
CJ-llR RGI8N DU REGnlE:\'l' DE Lr\';'CIERS D@ LA GARDE ROYAL@
El\ PETITE 'l'E/\" E
Edition du LENIFORME
CHAPITRE SIXIÈME
LE RÈGNE DE LOUIS-PHILIPPE
ET L'ALGÉRIE
( 1) Parue en 1838.
LE CHIRURGIEN BAUDENS AU SIEGE DE CONS'I'AN'I'INE, 1837
D'APRÈS HORACE VERNET
(Musée de Versailles)
78 -
premier modèle, qui était laid et encombrant, ne fut pas accepté de bonne
grâce par les officiers de Santé qui devaient, par surcroît, en supporter
les frais d'achat. Néanmoins, un modèle plus pratique l'emporta par
la suite, et désormais l'on ne verra plus un chirurgien militaire sans
cet accessoire, recouvert ou non de sa gaine en cuir rouge. Perdant peu à \
peu de sa raison d'être primitive, il ne devait plus être à la fin qu'un
ornement parfaitement inutile et tout juste bon à contenir un paquet
{
de cigarettes !
(ilfusée de l'Armée)
- 80 -
d'un grand règlement général, comme l'avaient été ceux de l'An XII
et de 1821. Une série d'ordonnances et de décisions ministérielles (1)
parues au cours des premières années du règne de Louis-Philippe
avaient profondément modifié l'organisation et le recrutement du Ser- f
(Musée de Versailles)
84 -
Edition du LENIFORME
CHAPITRE SEPTIÈME
LA DEUXIÈME RÉPUBLIQUE
ET LE SECOND EMPIRE
recouvert d'une coiffe en toile cirée que sa couleur noire faisait appeler
à l'époque la « boîte à cirage». De même, sa capote réglementaire roulée
et passée en sautoir dans le sens opposé à celui de la giberne, qui lui
donne tout de suite un aspect plus guerrier et permet de le rapprocher,
dans sa simplicité, de !'Officier de Santé du Premier Empire que nous
avons vu à la bataille de Landshut (1).
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\
J
1
I
LE CHIRURGIEN AIDE-MAJOR GOUGET, DU 33° DE LiüNE,
AU SIEGE DE HOME, 184.9
- 93
1 baguettes brodées spéciales qui distinguent entre eux les différents grades.
Enfin le nœud hongrois ornant le dessus du bonnet est officiellement
'
consacré.
Le manteau qui, jusqu'ici, était le même que celui réglementé pour
les officiers de cavalerie, c'est-à-dire un ample manteau-capote entière-
ment bleu sans galon ni broderie, cède la place à un vêtement plus pra-
tique pour monter à cheval : le caban. C'est une sorte de houppelande à
collet rabattu, doublée à l'intérieur de flanelle garance et garnie sur le
pourtour, ainsi que sur toutes les coutures, d'un galon de laine noire.
- 94
Ceci nous amène à parler, pour terminer la présente étude, des uni-
formes portés par les Officiers de Santé pendant la guerre de 1870.
Il reste encore presque tout à dire sur cette question car, chose à
première vue surprenante, les documents iconographiques font à peu
près complètement défaut pour cette période. Certes, les épisodes de
l'année terrible ont été abondamment représentés et souvent par des au-
teurs sérieux dont les plus connus sont Detaille et Alphonse de Neuville,
et cependant je n'ai trouvé chez aucun d'entre eux une tenue intéressante
d'Officier de Santé qui vaille d'être mentionnée. C'est pourquoi le dessin
humoristique de Draner que je donne ici constitue, à mon avis, ce qu'il y
a encore de plus caractéristique dans le genre.
-
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CHAPITRE PREMIER
LES PRECURSEURS
Création définitive des hôpitaux des places de guerre en 1629. - Leur diffé-
rence d'avec les hôpitaux provisoires des armées. - Cette différence se retrouve
également chez Je personnel médical attaché à ces établissements. - Absence
totale d'uniforme réglementé .................................... . . Page 7
CHAPITRE DEUXIÈME
LE XVIII• SIECLE
CHAPITRE TROISIEME
LA REVOLUTION
Bariolage des tenues et maintien pendant les premières campagnes des cou-
leurs de l'ancien régime. - Règlement du 30 Floréal an IV. - Agréments sensibles
apportés à l'austérité de la tenue de l'an VI. - Fantaisie des uniformes portés ....
en Egypte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Page 31
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____
.........__ CHAPITRE QUATRIÈME
LE CONSULAT ET L'EMPIRE
Mesures fâcheuses pour le Corps de Santé décrétées en l'an VIH et l'an XI.
Règlement de l'an XII. - Dérogations presque générales pratiquées par les chi-
rurgiens des corps de troupes. - Exemples pour ceux de la Garde. - Tenues
de campagne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Page 47
CHAPITRE CINQUIÈME
LA RESTAURATION
Persistance des fantaisies apportées dans leur uniforme par les chirurgiens
des corps de troupes sous l'Empire. - Règlement de 1821, son peu d'effet.
Exemples variés pour la Garde Royale et les régiments de ligne . . . . . . Page 64
CHAPITRESIXIÈME
LE REGNE DE LOUIS-PHILIPPE ET L'ALGERIE
CHAPITRESEPTIÈME
LA DEUXIEME REPUBLIQUE ET LE SECOND EMPIRE
ERRATA
CHAPITREPREMIER page 14, 14" ligne; lire: ce fut sans doute ... au lieu de c'est
sans doute.
CHAPITRETROISIÈME:page 40, 21" ligne; lire: ceinturon vert brodé d'or au -!ie11
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rie _____,. ~--
brodé d'argent. -- __,
CHAPITRE SIXIÈME: page 76, 2• ligne; lire: bien plus encore au lieu de bien
plus encore.