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Mémoire de fin d’études

23/05/2022
17/10/2022

EVALUATION DE LA DOULEUR D’UN PATIENT


PAR L’INFIRMIER
&
SUBJECTIVITE

POUPPEVILLE Hadrien
Promotion 2019/ 2022
Référentes mémoire : Mme GLON Catherine session 1
Mme RASSINIER Maggy session 2
NOTE AUX LECTEURS

« Il s’agit d’un travail personnel et il ne peut faire l’objet d’une publication en tout ou
partie sans l’accord de son auteur »
REMERCIEMENTS

Je remercie mes référentes Catherine Glon et Maggy Rassinier, les infirmiers Pierre
et Céline pour leur cordialité et leur collaboration précieuse à ce mémoire.

Je remercie également toutes les personnes de mon entourage qui m’ont soutenu
pendant ce travail.
GLOSSAIRE

ECPA : Echelle Comportementale de la douleur chez la Personne Agée

EN : Echelle Numérique

EVS : Echelle Verbale Simple

IASP : Association Internationale pour l’Etude de la Douleur

IDE : Infirmier Diplômé d’Etat

INSERM : Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale

OMS : Organisation Mondiale de la Santé

SFETD : Société Française d’Etude et de Traitement de la Douleur,


TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION…………………………...………………………………………………...1
I. La situation d’appel...............................................................................................2
1.1 Exposé de la situation d’appel.............................................................................2
1.2 Analyse et questionnements............................................................................. 4
1.3 Question de départ…………………………………..……………………………….. 6
1.4 Intéréts personnels et professionnels ……………………..……………………….. 6
II. Le cadre référentiel de la douleur....................................................................... 7
2.1 La douleur............................................................................................................ 7
2.1.1 Douleur aigüe et douleur chronique………………………………………..…….. 8
2.2 Le rôle infirmier dans la prise en charge de la douleur ........................................9
2.3 L’évaluation de la douleur...................................................................................11
2.3.1.l’auto-évaluation de la douleur ....................................................................... 11
2.3.2 L'hétéroévaluation de la douleur…………………………………………..…….. 12
2.4. La représentation de la douleur…………………………………………….……... 13
2.4.1 La représentation de la douleur chez le soignant……………………………... 13
2.4.2 La représentation de la douleur chez le patient……………………………….. 15
2.5. Le soulagement de la douleur……………………………………………………..16
III. Le cadre exploratoire....................................................................................... 18
3.1 Méthodologie de l’enquête ................................................................................ 18
3.1.1 Choix de l'outil………………………………………………………….…………... 18
3.1.2 Population ciblée et modalités d'enquête……………………………………….. 18
3.1.3 Elaboration et réalisation des entretiens ......................................................... 18
3.1.4 Ressources et facilités des entretiens ............................................................ 18
3.1.5 Limites et freins rencontrés..............................................................................19
IV.Résultats des entretiens........................................................................................20
4.1 Présentation des résultats bruts..........................................................................20
4.2 Analyse croisée.................................................................................................. 28
4.2.1 La douleur.........................................................................................................28
4.2.2 Le rôle infirmier dans la prise en charge de la douleur………………………… 28
4.2.3 L’évalution de la douleur.................................................................................. 28
4.2.4 La représentation de la douleur chez le soignant et le patient……….……….. 29
4.2.5 Le soulagement de la douleur…………………………………………………….30
SYNTHESE………………………………………………………………….………………31
CONCLUSION……………………………………………………………………………...33
BIBLIOGRAPHIE…………………………………………………………………………….
ANNEXES…………………………………………………………………………………….
INTRODUCTION

Ce mémoire de fin d’études s’inscrit dans l’UE 3.4 « Initiation à la recherche » et 5.6
« Analyse et traitement de la qualité des données scientifiques et professionnelles ».

La thématique de mon travail de fin d’étude est liée à l’évaluation dans la prise en
charge de la douleur du patient. La situation d’appel que j’ai choisie a eu lieu lors de
mon stage du semestre 4 en chirurgie générale et digestive dans une clinique
parisienne.

Elle m’a interpellée dans ma posture de soignant en devenir et m’a permis de


m’interroger sur la validité de l’évaluation de l’infirmier dans la prise en charge de la
douleur compte tenu de la dimension subjective de la douleur éprouvée par le
patient.

Si la situation d’appel initiale concernait l’évaluation d’une douleur post opératoire, j’ai
choisi pour mon mémoire de traiter le problème de l’évaluation de la douleur en
général.

En première partie de mon mémoire, j’exposerai, analyserai et questionnerai ma


situation d’appel. En deuxième partie, je développerai dans mon cadre de référence
les notions de douleur, d’évaluation de la douleur, le rôle infirmier, la représentation
de la douleur chez le soignant et chez le patient et pour finir la notion de
soulagement. Dans la troisième partie, je présenterai dans mon cadre exploratoire
les résultats de mon enquête auprès de 2 infirmiers libéraux, puis en donnerai
l’analyse en regard des notions étudiées dans le cadre de référence.
I La situation d’appel

1.1 Exposé de la situation d’appel

Ma situation d’appel s’est déroulée pendant mon stage du semestre 4 dans le service
de chirurgie générale et digestive d’une clinique parisienne.

Mme L. âgée de 76 ans se rend à la clinique pour un acte chirurgical consistant à


remplacer l’articulation entre la tête du fémur et l’os iliaque droit par une prothèse
totale de hanche. La coxarthrose est à l’origine de la destruction progressive de son
cartilage articulaire.

A son entrée en clinique, la veille de l’opération, Mme L. m’a semblé très anxieuse.
Sa hanche malade la fait souffrir. Mme L. montre beaucoup de difficultés à se
déplacer dans sa chambre. En échangeant avec elle, je comprends qu’elle souffre
depuis longtemps et qu’elle espère que l’opération la soulagera. Elle m’avoue
appréhender les douleurs post-opératoires ainsi que la persistance des douleurs à
son retour à la maison. J’ai relaté cet échange à l’anesthésiste qui lui a prescrit un
anxiolytique pour diminuer son anxiété afin qu’elle aborde l’intervention plus
sereinement.

Le lendemain, Mme L. a quitté sa chambre vers 8h30 et la rejoint vers 12h45.


L’opération s’est bien passée. Vers 18h30, alors que j’étais dans le poste de soins à
regarder la planification, j’entends la sonnette de la chambre de Mme L. Je m’y
rends. Mme L. que je n’avais pas vue depuis son départ au bloc semble aller bien . Je
l’interroge sur le motif de son appel. Elle me dit qu’elle a mal.

Selon la définition officielle de l’Association Internationale pour l’Etude de la Douleur,


la douleur est « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée,
ou ressemblant, à celle liée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle. » Des textes
du ministère des Solidarités et de la Santé précisent qu’« aucun examen n’est
capable d’objectiver la douleur. La douleur se définit comme une expérience
sensorielle réelle ou potentielle que seul celui qui le vit peut exprimer ce qu’il ressent.
». « Les patients sont les acteurs actifs de leur prise en charge, eux-seuls sont
capables d’indiquer aux soignants ce qu’ils ressentent. Leur participation est
essentielle pour évaluer l’intensité de la douleur et l’efficacité des traitements,
médicamenteux ou non. Aucun examen, aucune prise de sang, aucun scanner ne
permet d’objectiver la douleur : la parole peut être un signal pouvant faire évoluer la
prise en charge. Ils doivent donc être informés et écoutés par les professionnels de
santé. «. « La loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé
du 4 mars 2002 reconnaît le soulagement de la douleur comme un droit fondamental
de toute personne. La lutte contre la douleur est également une priorité de santé
publique inscrite dans la loi de santé publique de 2004.

Du fait de la dimension subjective et problématique de la douleur, je cherche dans un


premier temps avec le concours de la patiente à objectiver sa douleur en m’appuyant
sur l’Echelle Numérique. Je lui demande d’attribuer une note de 0 à 10 pour évaluer
sa douleur en lui expliquant que 0 correspond à aucune douleur, 5 à une douleur
modérée et 10 à une douleur insupportable. Malgré son apparence très calme, elle
évalue sa douleur à 9. Je suis surpris par son autoévaluation car j’ai appris au cours
de ma formation qu’une telle intensité douloureuse s’accompagnait souvent
d’agitation, de crispations dans le visage, de cris, de pleurs. Je lui demande alors de
me confirmer son évaluation après avoir pris soin de lui réexpliquer ce que
représente chacun des échelons. La patiente maintient son évaluation. J’en prends
note et lui dis que je vais me renseigner auprès de l’infirmière responsable pour
administrer un traitement qui la soulagera.

J’expose à l’infirmière la valeur de l’auto-évaluation de Mme L. en lui décrivant


l’absence de signes laissant supposer des douleurs insupportables. Je la questionne
alors sur la conduite thérapeutique à tenir quand il y a comme ici divergence entre
l’évaluation de la douleur faite par la patiente et celle faite par l’infirmier.

Selon le protocole de soulagement de la douleur postopératoire établi par l’équipe


pluridisciplinaire de la clinique, la morphine est préconisée à partir de 3 sur une
échelle de 10. Je m’interroge sur cette médication appropriée car, en l’absence de
signes physiques de douleur, cet antalgique morphinique de palier 3 me semble
disproportionné. En effet, selon le cours « Douleurs et traitements », « Dépression
respiratoire, bradypnée, rétention urinaire, constipation, nausées vomissement et
prurit » de David Bouaziz, infirmier au GH des Diaconesses, nous sommes
sensibilisés aux effets indésirables et aux risques potentiels de la morphine. Cet
antalgique est souvent utilisé en dernier recours après avoir administré un antalgique
de palier 1, puis un autre de palier 2 en fonction des autoévaluations du patient.

Cette infirmière expérimentée m’explique qu’il est possible que Mme L., craignant de
fortes douleurs, préfère les anticiper. Elle me conseille de ne pas « prendre à la lettre
» cette évaluation à 9 en l’absence de signes physiques. Elle m’incite à la réévaluer
en m’appuyant sur mes observations sans pour autant nier la douleur exprimée par la
patiente. Craignant que la patiente ait surévalué sa douleur, je décide par prudence
d’administrer en première intention un paracétamol avec un Acupan pour vérifier son
efficacité sur la patiente avant d’utiliser des antalgiques de palier supérieur.
L’Acupan n'a pas suffi et il a donc fallu réadministrer un antalgique.

1.2 Analyse et questionnements

Cette situation met en lumière que la représentation par le soignant de la douleur de


la patiente peut diverger de celle ressentie et évaluée par celle-ci. Cette différence
d’appréciation a conduit le soignant dans ce cas, à ajuster de manière empirique
l’antalgique en fonction de son expérience professionnelle et non du protocole établi
par le médecin du service. Cette décision a eu pour conséquence la non prise en
compte de la verbalisation de la douleur de la patiente par l’infirmière.

En effet, cette liberté prise par l’infirmière avec l’évaluation faite par la patiente et
avec le protocole établi par le service m’a surpris.

Je me suis alors posé les questions suivantes : Le soignant peut-il ne pas écouter le
patient et se fier à son expérience ? En occultant ainsi les dires et ressentis du
patient, il m’a semblé qu’elle minimisait et banalisait le ressenti de la douleur de la
patiente. Peut-être qu’avec son expertise des suites opératoires d’une prothèse de
hanche et son habitude des soins infirmiers dans ce cadre, la prise en charge de ses
patients en devient comme automatisée ?
L’infirmière ayant une grande expérience dans ce service a pu penser que la patiente
avait surévalué son évaluation par anticipation anxieuse d’une douleur aigüe. De
mon côté, je me suis demandé si la douleur postopératoire ressentie par la patiente
pouvait influencer son autoévaluation et si son anticipation anxieuse d’une douleur
aigüe pouvant devenir chronique pouvait aussi l’influencer. Je pensais ainsi car je
savais qu’elle avait en mémoire une douleur chronique due à sa coxarthrose. .

Dès lors, surpris par le décalage entre ce que j’ai pu observer du ressenti de la
douleur de la patiente et ses dires, je m’interroge sur le crédit à accorder à
l’évaluation verbale et non-verbale du ressenti de la douleur du patient.

De cette situation, il résulte que la prise en charge de la douleur du patient ne s’est


pas basée sur la perception que le patient avait de sa douleur mais sur l’évaluation
du soignant en lien avec l’absence de signe clinique de douleur chez sa patiente.

Cette situation questionne ma pratique professionnelle de soignant sur l’ensemble


des facteurs à prendre en compte pour évaluer le plus objectivement possible la
douleur du patient et y remédier. Elle en interroge les bonnes pratiques. Elle
questionne également le respect des droits du patient hospitalisé. Dès lors, se fier à
son expérience n’est-il pas un dépassement de compétence ? De plus, quels sont les
risques pour l’infirmier de ne pas respecter un protocole médical ?

Par sa présence régulière au lit du patient, l’infirmier est l’interlocuteur privilégié auquel
il confie le soulagement de sa douleur. L’infirmier porte sa confiance et, de ce fait, une
grande responsabilité.

Pour élaborer et formuler ma question de départ, je suis parti de ce que j’ai compris de
la situation pour améliorer la pratique de la prise en charge de la douleur, mais aussi
de ce qui m’a interpellé et dérangé dans la construction de mon identité
professionnelle.

Je retiendrai la contradiction entre l’autoévaluation à 9 de Mme L. et mon observation


d’une absence de signes physiques de douleur. Cette situation m’embarrassait. D’un
côté, ne pas remettre en question l’évaluation de Madame L me conduisait à lui
administrer les antalgiques de palier 3 préconisés par le protocole de l’établissement
malgré les risques et les effets indésirables potentiellement graves de la morphine. De
l’autre, en me fiant à mon expérience acquise et celle de la soignante, je ne respectais
pas le protocole de l’établissement et j’avais l’impression de ne pas respecter mes
engagements d’écoute du patient.

Ma préoccupation en qualité d’infirmier de demain est l’amélioration des pratiques


soignantes dans la prise en charge de la douleur des patients que ce soit en lien
avec des douleurs aigües comme chroniques. Elle permettra ainsi de veiller à ce que
l’évaluation de la douleur du patient soit la plus objective possible pour soulager le
patient, mais aussi pour lui garantir une qualité des soins optimum.

1.3 Question de départ

Au vu des éléments en tension dans cette situation et de leurs conséquences sur la


prise en charge de la douleur, ma question de départ est la suivante : En quoi la
représentation de la douleur chez l’IDE peut s’opposer à l’objectivité de
l’évaluation de la douleur du patient et par conséquent à son soulagement ?

1.4 Intérêts personnels et professionnels

Le choix de ce sujet coïncide avec les valeurs qui m’ont amené à choisir ce métier.
Pour moi, l’infirmier a pour mission, dans le cadre de ses rôles sur prescription,
propres ou encore en collaboration, d’évaluer et de soulager la souffrance des patients
avant même de les soigner.

J’ai choisi ce sujet de mémoire dans le but d’améliorer ma pratique professionnelle car
le soignant est confronté chaque jour à la douleur. Envisageant de travailler dans un
service d’urgence, cet aspect est d’autant plus important.

La situation initiale ayant montré que malgré les moyens à disposition pour évaluer la
douleur, elle peut ne pas être soulagée à sa hauteur et qu’il convient de trouver les
moyens de bien l’évaluer pour bien la soulager.
Pour ce faire dans le cadre référentiel je retiendrai les concepts suivants : la douleur et
le rôle infirmier dans la prise en charge de la douleur.

II LE CADRE REFERENTIEL

2.1 La douleur

Selon la définition officielle de l’IASP, "la douleur est une expérience sensorielle et
émotionnelle désagréable associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle ou
décrite dans ces termes »1.

Dans son dossier sur la douleur, l’INSERM précise que : « Le ressenti de la douleur
est un phénomène très subjectif qui peut être extrêmement différent selon les
individus, mais aussi chez une même personne, selon son environnement : contexte
affectif, socio culturel, ethnologique ou religieux. » (ajouter note en bas de page)

Le ressenti de la douleur est aussi variable en fonction de l’état psychique de la


personne au moment de son surgissement comme le dit ci-dessous le Livre blanc
douleur chronique.

« Il n’y a pas une douleur, mais des douleurs, et la façon dont un homme ressent la
douleur physique, indépendamment de sa durée, relève de sa perception et de sa
sensibilité au moment où elle survient. Elle est auréolée d’une tonalité affective qui
dépend de l’état psychique dans lequel il se trouve et qui va jouer un rôle
considérable pour la rendre plus ou moins supportable. »2 Livre blanc douleur
chronique AFVD Fibromyalgie France.

Le ressenti de la douleur est donc subjectif et contextuel. Chaque patient à son vécu
de la douleur qui favorise résistance ou sensibilité à celle-ci.

1
IASP Définition de la douleur
2
Livre blanc de la douleur chronique AFVD Fibromyalgie France. SFETD
Cependant pour la prise en charge de la douleur il y a lieu de distinguer ce qui relève
de la douleur aigüe et de la douleur chronique.

2.1.1 Douleur aigüe et douleur chronique

L’INSERM, distingue deux catégories de douleur : la douleur aiguë et la douleur


chronique. La douleur aigüe est un signal d’alarme permettant de réagir et de se
protéger face à une agression extérieure : stimuli mécaniques, chimique ou
thermique. Elle est liée à des stimulations intenses transmises au cerveau par des
terminaisons nerveuses localisées au niveau de la peau, des muscles, articulations
ou viscères. La douleur aigüe est de courte durée, l’intensité n’est pas décrite,
disparaît en quelques heures ou semaines dès qu’elle est réglée. Elle est liée à une
cause ou problème précis par exemple : soins, examens ou interventions
chirurgicales. Lorsque la douleur aiguë dure plus de trois mois, elle se transforme en
douleur chronique. Le symptôme douloureux devient alors une maladie
douloureuse. On classifie les douleurs par les mécanismes physiopathologiques
qu’elles mettent en jeu : douleurs inflammatoires, douleurs neuropathiques, douleurs
mixtes.

D’après certaines études, la douleur chronique touche 10 millions de personnes en


France soit 1 adulte sur 5. 70% des malades souffrant de douleur chronique
présentent des répercussions psycho-sociales : anxiété, dépression, troubles
cognitifs. La douleur est un des premiers motifs de consultation dans les services
d’urgence et chez le médecin généraliste. Moins de 3% des patients douloureux
bénéficie d’une prise en charge dans un des centres spécialisés. La douleur
chronique peut venir de différentes causes, blessures, intervention chirurgicale,
certaines lésions, maladies chroniques ou mauvaises prises en charge. 3

Dans la situation initiale à l’origine de ce mémoire, la patiente a une douleur aigüe en


postopératoire.

3
INSERM – Douleur, un symptôme fréquent, parfois vécue comme une fatalité
On considérera donc que la subjectivité du ressenti de la douleur et l’aspect aigu ou
chronique de la douleur sont à prendre compte par l’infirmier dans sa prise en
charge.

2.2 Le rôle infirmier dans la prise en charge de la douleur

Les infirmiers sont confrontés régulièrement à la plainte douloureuse. La prise en


charge de la douleur fait partie de leur rôle propre et de leur rôle prescrit. Elle a été
renforcée par le programme national de lutte contre la douleur de 2002-2005 en
l’intégrant dans le décret relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la
profession d’infirmier comme précisé ci-dessous.

« L’infirmier :

- évalue la douleur dans le cadre de son rôle propre

- est habilité à entreprendre et à adapter les traitements antalgiques selon des


protocoles préétablis, écrits, datés et signés par un médecin

- peut sur prescription médicale, injecter des médicaments à des fins


analgésiques dans des cathéters périduraux et intra-thécaux ou placés à
proximité d’un tronc ou plexus nerveux. »

Ce programme de lutte contre la douleur de 2002-2005 a également mis en place la


création de postes d’infirmiers référents douleur au sein d’établissement de santé
leur rôle leur a été défini ainsi :

« L’infirmier référent douleur aura pour rôle au sein des établissements de santé :

- de dispenser et retransmettre son savoir-faire par une action transversale au


niveau de la structure de soins ;
- d'aider à la mise en place du programme de lutte contre la douleur de
l'établissement. Il participe à l'évaluation (audit de pratique, enquête…), la mise en
œuvre de protocoles (élaboration, mise en place, suivi), l'information, la formation et le
conseil aux professionnels de l'établissement ;

- d'assurer la coordination et la cohérence des actions engagées avec celles


mises en place dans le cadre de la politique de soins palliatifs de
l'établissement ;

- de participer à l'évolution des connaissances par des actions de recherche.4

La lutte contre la douleur suppose que chaque infirmier ait acquis un raisonnement
adapté. Le cadre supérieur de santé Pascale Thibault-Wanquet, responsable
pédagogique AMAE-SANTE et membre de la SFETD à Paris, Société Française
d’Etude et de Traitement de la Douleur en déroule ainsi le fil :

« « Penser douleur » : quelle que soit la situation, même si le patient ne se


plaint pas ou ne semble pas douloureux, le soignant doit être capable de
penser qu’il peut y avoir douleur. Par ailleurs, si des soins doivent être
réalisés, la douleur qu’ils peuvent occasionner doit être prévenue ;

- Identifier la ou les douleurs : à partir de la (des) pathologie(s) pour laquelle


le soignant prend en soin le patient, il doit être en mesure d’identifier la ou les
douleurs dont il peut potentiellement souffrir ;

- Évaluer la ou les douleurs (quantitativement et qualitativement), en adaptant


l’évaluation à la situation du patient ;

- Mettre en œuvre l’association de moyens thérapeutiques adaptée à la


situation : - Pharmacologiques (antalgiques et co-antalgiques) - Non
pharmacologiques (moyens physiques et physiologiques, méthodes cognitivo-
comportementales, pratiques psychocorporelles) »5

4
Programme de lutte contre la douleur – Ministères des solidarités et de la santé – Chef de projet Dr Daniel
Annequin
5
Rôle infirmier et douleur écrit par Pascale Thibault Wanquet
Pour Pascale Thibault-Wanquet, la lutte contre la douleur commence avant même
que le patient s’en plaigne. Elle recommande à l’infirmier de s’appuyer sur ses
connaissances pour rechercher l’éventuelle douleur du patient. L’infirmier peut retenir
que prévenir c’est déjà soulager.

Cet article est pertinent dans le cadre de ma réflexion sur la démarche à acquérir
pour appréhender la douleur du patient.

Une fois la douleur identifiée, l’infirmier doit l’évaluer afin de mettre en place les
moyens de la soulager.

2.3 L’évaluation de la douleur

Le premier but d’une évaluation de la douleur est de déterminer s’il y en a une. Dans
la pratique infirmière, elle est généralement faite lors du premier contact avec le
patient
(à l’admission en hôpital ou en clinique, à domicile), après un changement de l’état
de santé, après une intervention chirurgicale ou lors d’un examen à visée
diagnostique pour en voir l’évolution. Pour évaluer ou mesurer une douleur, un
certain nombre d’outils sont disponibles pour chiffrer son intensité et suivre son
évolution. Ces outils permettent de l’objectiver. L’évaluation est l’étape préalable au
soulagement de la douleur.

Dans ma situation initiale au cours d’un échange avec la patiente à son arrivée, j’ai
eu connaissance de la douleur chronique qui l’amenait à se faire opérer mais aussi
de la douleur psychique qu’elle manifestait au travers de son anxiété à l’approche de
l’opération. Après l’opération, la patiente a ressenti de la douleur dont il s’agissait
d’évaluer l’intensité pour la soulager. Pour cela j’ai fait une évaluation s’appuyant sur
celle qu’en fait le patient appelée auto-évaluation et sur celle qu’en fait le soignant
appelée hétéroévaluation

2.3.1 L’auto-évaluation de la douleur


Le patient est acteur dans sa prise en charge de la douleur. Sa participation est
indispensable dans son évaluation, il n’y a qu’eux pour la décrire. « Aucun examen,
aucune prise de sang, aucun scanner ne permet d’objectiver la douleur ».6 De ce fait,
l’infirmier propose au patient d’évaluer lui-même l’intensité globale de sa douleur
avec des échelles quantitatives entre deux extrêmes : de l’absence de douleur à la
douleur extrême inimaginable. Par exemple, l’EN propose des niveaux de 0 à 10
quand l’EVS permet de choisir le qualificatif le plus adapté : douleur absente, faible,
modérée, intense, extrêmement intense. Ces outils permettent à l’infirmier d’avoir
rapidement une évaluation de la douleur à soulager comme de vérifier l’efficacité d’un
traitement antalgique7. Ces deux outils sont simples et rapides à utiliser pour
l’infirmier mais ne donnent pas beaucoup d’informations sur la description de la
douleur. Il en existe d’autres comme le Questionnaire douleur de l’hôpital Saint-
Antoine (questionnaire d’auto-évaluation) qui est construit avec différentes sections
permettant d’en apprécier la qualité. Le patient est invité à choisir le qualificatif le plus
exact dans chaque groupe de mots et de le noter de 0 à 4. Par exemple, il peut
choisir entre piqûre, coupure, pénétrante, transperçant ou coups de poignard.
Dans la situation initiale j’ai pratiqué l’EN. La patiente a évalué sa douleur à 9 qui
correspond à une douleur très élevée. J’ai complété cette évaluation par l’observation
des signes cliniques appelée hétéroévaluation.

2.3.2 L’hétéroévaluation de la douleur

Cet outil repose sur l’observation par le soignant du comportement du patient :


expressions, attitudes, mouvements, positions, plaintes. L’infirmier s’aide d’une grille
d’observations comme l’ECPA ou le Doloplus 2 qui est un ensemble d’attitudes et
comportements notés de 0 à 4. L’hétéroévaluation est particulièrement utile à
l’infirmier lorsque le patient a des difficultés à s’exprimer. 7

Dans la situation initiale, l’observation ne montrait pas de signes cliniques de la


douleur.

6
Ministères des solidarités et de la santé – La douleur
7
Site Vidal, Comment mesure-t-on la douleur ? Outil d’auto-évaluation – Date vendredi 15 octobre 2021
L’auto-évaluation et l’hétéroévaluation participent à la représentation que se fait
l’infirmier de la douleur de son patient.

L’auto-évaluation rend objective la douleur du patient. Cependant comme dans la


situation initiale, il arrive que l’hétéroévaluation ne confirme pas l’auto-évaluation.
S’affirment alors deux représentations de la douleur qu’il me faut examiner dans leur
construction.

2.4 La représentation de la douleur

2.4.1 La représentation de la douleur chez le soignant


La représentation chez le soignant se construit à partir de l’évaluation faite par le
patient grâce à L’EN, de l’observation des signes physiques, de ses connaissances,
des échanges informels avec le patient sur son vécu de la douleur, du contexte quel
qu’il soit, mais aussi comme dans la situation initiale à partir de son expérience de
soignant. Des jugements peuvent influencer dangereusement sa représentation. Les
articles suivants en témoignent.

« Savoir écouter exige, en tant que soignant, de dépasser le réflexe d'évaluer la


douleur d'autrui sur la base de ses a priori : "Celui-ci n'a pas l'air de souffrir
beaucoup", "Celle-là, je trouve qu'elle en fait trop". S'en remettre à notre propre
définition de la douleur pour jauger celle d'un autre est toujours source d'erreur.
Turgay Tuna, coordinateur du centre multidisciplinaire d'évaluation et de traitement
de la douleur à l'hôpital Erasme, constate que si le médecin lui-même a souffert, il
aura tendance à minimiser la douleur de son patient. C'est pourquoi, Hubert Jamart,
généraliste et doctorant au département de médecine générale à l'université de
Liège, enjoint ses élèves à ne pas être aussi durs avec les patients qu'ils ne le
seraient avec eux-mêmes. Ce conseil vaut pour l'ensemble du personnel soignant :
infirmiers, kinés, dentistes… Il revient aussi au soignant de ne pas se laisser guider
par les préjugés les plus courants. Si le seuil de perception de la douleur (passer de
chaud à brûlant par exemple) est le même pour tous les individus, le seuil de
tolérance (capacité à la supporter, à vivre avec) diffère d'une personne à l'autre. "Il y
a des explications biologiques à cela, mais ces différences sont souvent
mésestimées par les médecins", déplorent les deux auteurs. Pour eux, toute
personne qui a mal devrait être crue sans réserve : " Il est moins grave de traiter la
douleur par excès que de laisser une personne souffrir." » 8Article de Stéphanie Van
Haesebrouck - 23 Avril 2020

Ainsi, pour éviter de minimiser la douleur du patient le soignant doit se garder de


l’évaluer sur la base de ses a priori et expériences personnelles de la douleur.

L’article suivant préconise au soignant de mettre à distance son savoir et son


expérience pour croire exclusivement ce que dit le patient de sa douleur. Il l’avertit
également des dangers à comparer des patients entre eux et à juger leur résistance
à la douleur.

« La difficulté à mettre en place des procédures d'évaluation tient à une contradiction


: d’une part il faut donner la parole aux patients ; d’autre part, la tentation est grande
de penser que, compte tenu de notre expérience, nous savons mieux que les
patients comment et combien ils ont mal. … Il est difficile au quotidien d'accepter que
la douleur est "ce que le patient en dit", parole vraie, parole à croire, mais trop
souvent encore remise en question. Suspicion du "il dit…mais il exagère", tentation
du "moi je connais bien cette pathologie, je sais". » Faculté de Médecine – U.L.P. –
Strasbourg –France – 2003.

« Le savoir concernant la douleur peut avoir plusieurs effets : soit il permet, à partir
de questions pertinentes, des échanges fructueux au cours desquels le patient peut,
dans un climat de confiance et d’écoute, décrire sa douleur ; soit il bloque l’échange,
et alors le patient ne se reconnaît pas dans les questions et les dires du soignant.
Donner la parole au patient engendre de l’insécurité, car nous ne savons pas à priori
ce qu’il va

dire. Il est important de résister à la tentation de vouloir comparer la douleur du


patient avec celle d’un autre, tout comme il faut se défier de l'envie de cataloguer les
patients de courageux, douillets, stoïques ou geignards. Nos représentations sur la
douleur peuvent, à notre insu, nous entraîner vers une banalisation des symptômes
8
Article de Stéphanie Van Haesebrouck – 23 avril 2020 « La douleur, l’écouter pour mieux la traiter »
que décrit le malade. L’utilisation systématique d’outils d’évaluation permet d’éviter
ces dérapages de l’interprétation. »9 Faculté de Médecine – U.L.P. – Strasbourg –
France – 2003

La complexité des facteurs entrant en jeu dans la représentation de la douleur chez


le soignant peut conduire à mal interpréter et donc à mal soulager. Le soignant risque
en effet de mal calmer la souffrance d’un patient s’il la minimise ou la banalise, s’il la
compare à celle d’un autre, s’il la juge selon ses a priori, …./
Dans la situation initiale, l’infirmière tutrice a jugé à partir de son expérience.
Inconsciemment elle a minimisé l’évaluation faite par la patiente en tenant compte de
l’anxiété que celle-ci manifestait en préopératoire.
Qu’il ait fallu réadministrer un antalgique m’a conduit à penser que l’attitude
empirique qu’elle avait adoptée n’était pas appropriée et qu’il aurait fallu s’en tenir
comme le dit Stéphanie Van Haesebrouck dans son article à ce que « toute
personne qui a mal devrait être crue sans réserve : « Il est moins grave de traiter la
douleur par excès que de laisser une personne souffrir » »

Ainsi l’écoute du patient est à privilégier. Etablir une relation de confiance entre
soignant et soigné pour éviter de bloquer la parole du patient permet de recueillir une
auto-évaluation « fiable » sur laquelle le soignant pourra établir une évaluation la plus
objective possible.

2.4.2 La représentation de la douleur chez le patient

La douleur est un ressenti individuel. Un groupe de patient douloureux souffrant du


même mal n’en aura pas forcément le même ressenti et ne l’exprimera pas de la
même façon. D’après un article du Cairn, la douleur est vécue différemment en
fonction du lieu où le patient vit et ses croyances, « les personnes attribuent à leur
douleur un sens et une valeur différente selon les orientations collectives propres au
milieu dans lequel ils vivent. Ainsi, les catégories de pensées et de perceptions, qui
soulèvent la crainte ou l’indifférence, sont établies par le modèle culturel auquel
l’individu appartient. Ces significations sont induites par le rapport du patient à la
9
Faculté de médecine ULP Strasbourg – France – 2003 Evaluation de la douleur
douleur et le sens qu’il lui donne. ». « Ce sens s’évalue à travers l’histoire de patient,
sa culture, ses règles sociales ainsi que son contexte « Ainsi, les Méditerranéens,
dans l’ensemble plutôt

affectifs, auraient des tendances à exagérer leur douleur. Par contre, les
Britanniques auraient une sensibilité très élevée et une tendance à moins se plaindre.
» 10

Cet article révèle l’influence du contexte culturel du patient sur son ressenti de la
douleur.

L’infirmier doit avoir connaissance de cet aspect et trouver les moyens d’en mesurer
l’influence pour mieux soulager.

2.5 Le soulagement de la douleur

Le soulagement de la douleur est un droit fondamental de toute personne, reconnu


dans la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé du 4
mars 2002. La lutte contre la douleur est également une priorité de santé publique
inscrite dans la loi de santé publique de 2004.

Pour soulager la douleur, les infirmiers mettent en place les thérapeutiques


antalgiques prescrites et les adaptent en fonction de la douleur du patient à l’aide des
protocoles des services s’il y a lieu. Il existe différents antalgiques de différents
paliers qui sont utilisés en fonction de l’intensité de la douleur.

L’OMS recommande l’utilisation des antalgiques par palier avec d’abord un


antalgique de palier 1, puis en cas d’inefficacité un palier 2 et enfin, toujours en cas
de nécessité, un palier 3.

Au cours de ma pratique professionnelle lors de la prise en charge d’un syndrome


douloureux, j’ai observé que mon attitude et ma façon de m’adresser aux patients
pouvaient commencer à atténuer leur douleur avant même l’administration des
10
L’influence de la culture dans l’expression verbale de la douleur : étude comparative entre des patients
cancéreux français et syriens – Romain Lebreuilly, Sam Sakour, Joëlle Lebreuilly - Cairn
antalgiques, comme si essayer de comprendre leur douleur était déjà le début du
soulagement.

« La reconnaissance de la souffrance, l’empathie peut diminuer la douleur »

Dans ce sens, une équipe de l’INSERM du centre de recherche en neurosciences de


Lyon a réussi à montrer dans une expérience scientifique que l’attitude empathique
du soignant pouvait diminuer la douleur des patients. L’expérience consistait d’abord
à reproduire le comportement empathique ou non des soignants. Cette
expérimentation a été réalisée avec des comédiens qui ont enregistré des
commentaires selon trois versions : neutre, empathique et non-empathique. Les
personnes qui étaient soumises à un stimulus à 60 sur 100 correspondant à une
douleur bien présente mais supportable entendaient les différentes phrases
enregistrées au préalable.

« Résultat de cette première expérience : les phrases empathiques diminuent la


douleur ressentie d’environ 12%. « C’est tout à fait significatif : certains médicaments
ne font pas mieux » insiste Camille Fauchon. En revanche, les commentaires
négatifs augmentent peu la douleur, en tout cas de manière non significative. Le
chercheur attribue cela à un mécanisme de défense : les sujets se protègeraient en
arrêtant d’écouter... » 11

Cet article est intéressant pour la pratique infirmière car il permet de prendre
conscience que la prise en charge de la douleur ne se limite pas à une administration
médicamenteuse. Son soulagement commence par une écoute et une
compréhension de la douleur. L’attitude empathique « je suis là, tu requiers toute
mon attention », « je comprends, on va la soulager » aide à instaurer un sentiment de
confiance soignant-soigné mais ne doit pas rester sans prise en charge
thérapeutique par la suite.
L’attitude empathique est précieuse pour agir entre le moment de l’évaluation et
l’administration du traitement antalgique. Le cadre exploratoire me permettra de
confronter mon cadre théorique à la réalité du terrain.

11
Jean Monnet – INSERM L’empathie soulage
III Le cadre exploratoire

3.1 Méthodologie de l’enquête

3.1.1 Le choix de l’outil

Pour le cadre exploratoire j’ai choisi d’élaborer une grille d’entretien semi-directif en
cinq questions précédées d’un recueil d’informations sur le profil des infirmiers
interrogés. Les cinq questions ont pour objectif de recueillir l’expérience des infirmiers
sur la prise en charge des patients algiques. Elles portent sur les points importants
étudiés dans le cadre de référence, afin de pouvoir le « confronter » à la « réalité »
d’un infime « échantillon » sur le terrain, à savoir en autres : l’évaluation de la douleur
et son soulagement, puis la représentation de la douleur chez le soignant et chez le
patient.

3.1.2 La population ciblée et modalités d’enquête

J’ai recueilli les témoignages de 2 infirmiers libéraux une femme et un homme,


travaillant depuis longtemps et ayant eu une longue expérience en hôpital, celle-ci leur
permettant de s’exprimer sur la douleur aigüe et la douleur chronique. Il s’est avéré
que l’infirmière avait été référente douleur à l’hôpital. J’ai mené avec chacun des
infirmiers un entretien téléphonique.

3.1.3 Elaboration et réalisation des entretiens


Ces entretiens téléphoniques ont duré environ une heure chacun. Ils ont été
enregistrés avec leur accord et retranscris fidèlement. La grille d’entretien (cf Annexe
1) a été lue à chacun des infirmiers avant de commencer l’entretien.

3.1.4 Les ressources et facilités des entretiens

Comme évoqué ci-dessus, j’ai eu la chance d’interroger deux infirmiers exerçant en


libéral, qui justifiaient d’une grande expérience à la fois en hôpital et en libéral. Leurs
expériences individuelles sont sur certains points similaires, puisqu’ils ont tous les
deux travaillé dans des services variés comme notamment la réanimation et la
cardiologie. De plus, j’ai choisi dans cet échantillon une infirmière qui a été référente
douleur à l’hôpital. Ils étaient intéressés par le sujet et sa problématique car ils se
sentaient concernés. Ainsi, ces deux entretiens, m’ont permis d’avoir des réponses
riches et judicieuses à mes questions en lien avec ma question de départ, qui est
pour rappel :

En quoi la représentation de la douleur chez l’IDE peut s’opposer à l’objectivité


de l’évaluation de la douleur du patient et par conséquent à son soulagement ?

3.1.5 Limites et freins rencontrés

Du fait de ma situation initiale, j’avais d’abord pensé à interviewer des infirmiers à


l’hôpital. J’ai dû y renoncer parce que nous étions encore dans une période tendue
par la situation sanitaire en lien avec la Covid (sous-effectif soignant) et les seules
disponibilités qu’ils auraient pu avoir ne correspondaient pas avec les miennes, car
j’étais en stage pré professionnel.
IV Résultats des entretiens

4.1 Présentation des résultats bruts

A partir de la retranscription des entretiens (cf Annexe 2 et 3), j’ai élaboré un


tableau synthétique pour en faciliter la consultation. Je me suis appuyé dessus et sur
les entretiens pour présenter et analyser les résultats bruts. Ce tableau est joint ci-
dessous. L’analyse des entretiens est donnée ensuite.

Le tableau synthétique qui suit confronte les réponses de l’infirmier et de l’infirmière


aux questions posées. Ce tableau respecte l’ordre des questions et des propos qui ont
été tenus pendant l’entretien. Les réponses de chacun des infirmiers aux mêmes
questions sont alignées dans les 5 premiers blocs pour faciliter la lecture.

Dans le dernier bloc, pour ne pas prendre trop de place dans le tableau, les propos de
même ordre ne sont pas alignés mais soulignés par une même couleur pour respecter
leur ordre d’apparition.
Pierre Céline
Objectifs Questions
Infirmier, 42 ans Infirmière, 50 ans

Profil: Depuis 18 ans Depuis 27 ans

Découvrir le Depuis combien d’années Service Service hospitalier :


parcours exercez-vous et dans hospitalier : référente douleur
professionnel de quels services ? - Cardiologie (5
chaque infirmier. - Réanimation ans)
- Neurologie - Réanimation
- ORL (14 ans)
- Cardiologie
- Pneumologie

En libéral depuis 10 ans En libéral depuis 8


ans

Question 1 : Quelque chose de subjectif La prise en charge


de la douleur est
Connaitre la Quelle conception une priorité après
représentation personnelle ou l’urgence vitale.
personnelle de la représentation avez-vous
douleur de chaque de la douleur ? Fille de paysan,
infirmier. Ne la supporte pas pour lui- ainée, elle ne se
même, en tant que soignant plaint jamais
et en tant qu’homme

A connu deux
Ne dis pas de quoi il a sciatiques très
souffert douloureuses

Question 2 : Sensibilisée en tant


que
Savoir s’il y a Votre représentation ou référente douleur
influence de leur votre propre expérience
conception de la douleur influence- D’avoir connu la douleur D’avoir connu la
personnelle de la telle la prise en charge de dans son corps augmente douleur dans son
douleur sur la prise la douleur des patients l’empathie corps
en charge de la que vous soignez ? - augmente
douleur des l’empathie
patients. - entraine
d’autant plus
à mobiliser
tout son
savoir et ses
moyens
pour la
soulager

Question 3 : Utilise des échelles. Utilise des échelles.


L’EN plus adaptée à
Connaitre leur Comment abordez-vous la population rurale
méthode l’évaluation de la douleur
d’évaluation de la au quotidien dans votre L’observation
douleur. pratique ? Sur quoi L’observation L’échange avec le
repose-t-elle ? L’échange avec le patient patient

Question 4 : A domicile :
Par un échange expliquer le par un échange,
Connaitre la Quelle position adoptez- soin et son objectif amener le patient
démarche de vous lorsqu’il y a ou son entourage à
chaque infirmier divergence entre reconnaitre les
quand les résultats
l’autoévaluation de la signes de la douleur
de l’auto-évaluation
et de douleur du patient et ce et la soulager en
l’hétéroévaluation que vous observez chez conséquence.
de la douleur se celui-ci ?
contredisent A l’hôpital :
Corriger le soin
apporté par l’équipe
précédente.
Vérifier la
prescription
Ecouter les aides-
soignants

Interpeller le
prescripteur.

Question 5 : Oui comptent Oui, comptent

S’informer de la L’aspect contextuel de la - les positions du - le passé


prise en compte par douleur du patient peut-il patient sur la douloureux
chaque infirmier du selon vous influencer médecine - la
contexte de la conception
votre prise en charge de - le passé douloureux
douleur du patient
celle-ci ? - la génération familiale de
- le milieu social la douleur
- l’origine - l’environnem
- la conception ent matériel
familiale de la - la position
douleur géographiqu
- l’âge e
- le soin douloureux - l’origine
- le lieu d’intervention - la peur et les
- la confiance dans phobies
l’expérience du - l’âge
- la confiance
soignant
dans
l’expérience
du soignant
Prendre en charge
- en accordant du Prendre en charge
temps
- avec des
- en distrayant antalgiques
- en report le soin - en
accordant
du temps
- en report le
soin
- en distrayant

Profil :

Je me suis entretenu avec deux infirmiers libéraux, d’abord avec un homme


prénommé Pierre âgé de 42 ans puis avec une femme prénommée Céline âgée de
50 ans.
Pierre exerce depuis 18 ans. Il a travaillé à l’hôpital pendant 8 ans dans 5 services :
neurologie, réanimation, ORL, cardiologie et pneumologie avant d’exercer en libéral.
Céline exerce depuis 27 ans. Elle a travaillé à l’hôpital pendant 19 ans dans 2
services : 5 ans en cardiologie et 10 ans en réanimation avant d’exercer en libéral.
Elle était référente douleur à l’hôpital.

Comme nous l’avons vu précédemment, les infirmiers interrogés ont une expérience
riche de la prise en charge de la douleur tant en intra qu’en extra hospitalier.

Question 1 : Quelle conception personnelle ou représentation avez-vous de la


douleur ?

Pierre répond que la douleur est subjective. Céline dit que la prise en charge de la
douleur est une priorité après l’urgence vitale.
Leurs réponses évoquant leur conception professionnelle plutôt que personnelle de
la douleur, il m’a fallu les relancer pour l’obtenir. En leur rappelant la tonalité de
l’entretien et la question suivante, ils répondent enfin à cette première question.

Pierre ne supporte pas la douleur d’autant plus qu’il est soignant et homme. Comme
les paysans, Céline ne se plaint jamais . Ils confient tous deux avoir connu la douleur
dans leur chair. Pierre est réservé sur son mal. Céline a fait par deux fois une
sciatique.

Question 2 : Votre représentation ou votre propre expérience de la douleur


influence-telle la prise en charge de la douleur des patients que vous soignez ?
Céline précise qu’elle a été référente douleur à l’hôpital.
Pour Pierre comme pour Céline, le fait d’avoir connu personnellement la douleur
augmente leur empathie pour les patients douloureux. Cela conduit Céline à prendre
en charge la douleur plus rapidement et à mobiliser tout son savoir et ses moyens
pour soulager ses patients douloureux. Elle encourage à prendre des antalgiques- en
lien avec la prescription médicale, dépanne, conseille et partage les solutions
alternatives non médicamenteuses qu’elle a trouvées pour elle-même.
Question 3 : Comment abordez-vous l’évaluation de la douleur au quotidien
dans votre pratique ? Sur quoi repose-t-elle ?
L’un comme l’autre utilise des échelles pour évaluer la douleur. Pierre précise
privilégier l’EN qu’il considère, par expérience plus explicite pour la population rurale.
Céline dit au patient de la transmettre après son passage au médecin et d’en tenir
compte dans la prise des antalgiques. Pour chacun d’eux, l’observation et l’échange
avec le patient participent à l’évaluation de sa douleur. Pour Pierre, le soin à domicile
les facilite. Pierre évoque les réactions au soin et Céline l’observation des postures
bien avant le soin qui renseignent sur la douleur du patient.

Question 4 : Quelle position adoptez-vous lorsqu’il y a divergence entre l’auto-


évaluation de la douleur du patient et ce que vous observez chez celui-ci ?
A ce sujet, Pierre répond en général en disant qu’il explique le soin et son objectif.
Céline répond plus à propos. Elle nuance. Elle dit qu’au domicile la différence
d’appréciation a lieu quand le patient sous-évalue sa douleur. Elle l’amène alors à en
prendre conscience en le faisant bouger, tousser, se lever, se regarder, à solliciter
l’observation de son entourage puis lui conseille des antalgiques prescrits ou matériel
de soins plus adaptés. Par contre, à l’hôpital elle évoque la possibilité d’une sous-
évaluation de la douleur du patient par le soignant. Elle pense que cette sous-
évaluation peut être causée par le jugement ou l’inattention d’un infirmier, par un
manque d’anticipation du prescripteur dû au « saucissonnement » de la prise en
charge, ou encore par la possibilité de délégation à l’équipe de relève. Selon le cas,
l’équipe qui suit corrige, vérifie la prescription et écoute les aides-soignants, interpelle
le prescripteur pour ne pas laisser le patient avoir mal.

Question 5 : L’aspect contextuel de la douleur du patient peut-il selon vous


influencer votre prise en charge de celle-ci ?
Tous deux reconnaissent l’influence du contexte sur leur prise en charge. Tous deux
évoquent celles du passé douloureux du patient, de la conception familiale de la
douleur, de l’origine, de l’âge et enfin de la confiance dans l’expérience du soignant.
Pierre y ajoute les positions du patient sur la médecine, la génération, le milieu
social, le soin douloureux, le lieu d’intervention quand Céline complète par
l’environnement matériel, la situation géographique, la peur et les phobies. Tous
deux en tiennent compte dans leur prise en charge en accordant du temps, en
distrayant, en reportant le soin si nécessaire. Céline recourt aux antalgiques évoqués
par Pierre ailleurs.

4.2 Analyse croisée

L’analyse croisée met en relation les résultats bruts des entretiens avec le cadre
référentiel de la douleur traité en partie II.

4.2.1 La douleur
Pierre reprend la définition de la douleur de l’INSERM décrite comme subjective.
Tous deux s’accordent à reconnaitre l’influence du contexte affectif, socio culturel,
ethnologique précisé par l’INSERM. Céline évoque la différence de prise en charge
des patients souffrant de douleur aigüe et de douleur chronique. En tant qu’infirmière
libérale, elle recommande la prise d’antalgiques dans le premier cas et propose des
méthodes non médicamenteuses pour ceux souffrant de douleur chronique.

4.2.2 Le rôle infirmier dans la prise en charge de la douleur

Pierre et Céline agissent en conformité avec le rôle propre et prescrit de l’infirmier tel
qu’inscrit dans le programme de lutte contre la douleur intégrée au décret relatif aux
actes professionnels et à l’exercice de la profession. Céline est marquée et guidée
encore aujourd’hui par son expérience de référente douleur à l’hôpital. Céline montre
qu’elle a intégré le raisonnement clinique adapté à la prise en charge de la douleur
décrit par Pascale Thiebault Wanquet. Elle pense douleur, elle identifie les douleurs,
les évalue et elle met en œuvre l’association de moyens thérapeutiques adaptée à la
situation. Pierre n’explicite pas son raisonnement dans l’entretien, il est plus dans
l’agir. Il s’exprime par contre sur les moyens à mettre en œuvre, pharmacologiques
ou non, pour soulager la douleur.

4.2.3 L’évaluation de la douleur

Pierre et Céline pratiquent tous les deux l’E.N. Pierre la trouve plus adaptée à la
population rurale. Les entretiens cependant ne disent pas qu’ils utilisent les échelles
de manière systématique comme le recommande la faculté de médecine de
Strasbourg afin « d’éviter les dérapages de l’interprétation. » En complément de
l’auto-évaluation, tous deux s’appuient sur l’observation clinique de la douleur et
l’échange avec le patient pour mieux comprendre ce qu’il vit.

4.2.4 La représentation de la douleur chez le soignant et chez le patient

La représentation de la douleur chez le soignant

Pierre et Céline écoutent leurs patients comme le préconise Turgay Tuna. Ils se
gardent bien de mêler leurs préjugés lors de l’évaluation. Leur expérience
personnelle de la douleur intervient néanmoins au travers de l’empathie qu’ils
manifestent pour la douleur de leurs patients. A l’hôpital, Céline a constaté comme
Turgay Tuna qu’il arrive que certains soignants ne se gardent pas de leurs préjugés.
Pierre et Céline croient sans réserve ce que disent leurs patients de leur douleur et
ne comparent pas les patients entre eux, comme le préconise Stéphanie Van
Haesebrouck. Ils ne mettent pas non plus en avant leur expérience de soignants et
leur savoir pour mettre en doute la douleur d’autrui comme le redoute la Faculté de
Médecine – ULP- Strasbourg – France – 2003. Au contraire, Céline s’appuie sur son
savoir pour interroger positivement les patients sur leur éventuelle douleur. Quant à
Pierre, il ne la supporte pas pour lui-même, en tant que soignant et en tant
qu’homme. Il a perçu que l’expérience du soignant est un atout pour gagner la
confiance du patient nécessaire au soin.

La représentation de la douleur chez le patient

Pierre et Céline reconnaissent l’influence du contexte socio-culturel sur la douleur du


patient comme c’est dit dans l’article du Cairn : « les personnes attribuent à leur
douleur un sens et une valeur différente selon les orientations collectives propres au
milieu dans lequel ils vivent. » Dans ce sens, Pierre et Céline reconnaissent que la
douleur peut varier selon la conception familiale de celle-ci, selon l’origine. Pierre y
ajoute : les positions du patient sur la médecine, la génération, le milieu social, le lieu
d’intervention. Céline dit par exemple que dans le milieu paysan on donne moins
d’importance à la douleur. Pierre le constate aussi dans le milieu ouvrier et chez les
gens du voyage. Pierre a constaté au contraire à Dreux que la population musulmane
et étrangère exprimait plus fort la douleur.

4.2.5 Le soulagement de la douleur

Céline a bien rappelé que la lutte contre la douleur est une priorité comme c’est
précisé dans la définition officielle de IASP. Ainsi comme nous l’avons étudié dans le
cadre conceptuel, le soulagement de la douleur est un droit fondamental de toute
personne, reconnu dans la loi relative aux droits des malades et à la qualité du
système de santé du 4 mars 2002.

Pierre et Céline ont intégré également que « La reconnaissance de la souffrance,


l’empathie peut diminuer la douleur » comme le dit Jean Monnet. En effet, ils font
preuve d’empathie quand ils comprennent la douleur de leur patient à partir de leur
expérience propre de celle-ci. Ils font preuve encore d’empathie lorsqu’ils remettent
leurs soins douloureux si nécessaire ou lorsqu’ils usent de la distraction pendant
leurs soins.

SYNTHESE

Suite à l’exposition de mon analyse croisée, je vais tenter de répondre à ma question


de départ qui avait pour objectif de déterminer ou non si la représentation de la
douleur chez l’IDE pouvait s’opposer à l’objectivité de l’évaluation de la douleur du
patient et par conséquent à son soulagement. Dans ma situation d’appel, on aurait
pu penser que les représentations du soignant avaient impacté l’objectivité de
l’évaluation de la douleur et par conséquent sa prise en charge. Cependant, à travers
l’analyse des résultats on se rend compte que même si les 2 infirmiers sont tous
deux sensibilisés personnellement et professionnellement à la prise en charge de la
douleur, ils ont le souci de prioriser ce soin et de ne pas le banaliser, ni le minimiser.
Leurs vécus leur permettent d’être empathiques envers le patient et de mener leur
évaluation au-delà des propos du patient en proposant des solutions alternatives non
médicamenteuses en complément. Ils utilisent l’observation et l’échange avec le
patient, ce qui permet de participer à l’évaluation de la douleur.

Ces entretiens apportent également des éléments nouveaux à ma réflexion. Pierre,


et Céline indirectement, considèrent que la prise en charge de la douleur à domicile
est facilitée. En effet, Céline émet l’hypothèse que cette douleur peut être sous-
évaluée à l’hôpital du fait d’un jugement, de l’inattention d’un soignant, ou par un
manque d’anticipation du prescripteur dû au « saucissonnement » de la prise en
charge, ou encore par la possibilité de délégation à l’équipe de relève.

Enfin, mes entretiens confirment ce qui est dit dans mon cadre conceptuel sur la
représentation de la douleur chez le patient à savoir que cette évaluation dans la
prise en charge de la douleur peut être impactée par le vécu douloureux du patient,
le contexte familial, générationnel et culturel, mais aussi par la confiance qu’a le
patient dans l’expérience du soignant.

Face à ces différents facteurs qui rentrent en compte dans ce contexte de soins, on a
pu observer que les deux infirmiers avaient une adaptabilité en accordant du temps,
en reportant le soin si nécessaire ou en adoptant d’autres techniques antalgiques
non médicamenteuses complémentaires.

A l’issue de cette synthèse, nous pouvons évoquer le fait, qu’il n’y a pas que les
représentations de l’IDE qui peut être un frein à l’objectivité de l’évaluation de la
douleur du patient et donc un frein à sa prise en charge. On voit bien qu’il existe
d’autres freins à cette prise en soins si particulière, comme par exemple le contexte
intra ou extrahospitalier mais également les représentations de la douleur propres
aux patients : son vécu, sa culture et aussi la confiance qu’il porte aux soignants
expérimentés.

CONCLUSION

Ce travail a été très enrichissant, il a répondu à mon questionnement sur l’éventuelle


part de subjectivité de l’infirmier dans la prise en charge de la douleur. Je sais
désormais que l’infirmier doit veiller à se garder de ses apriori et préjugés courants
sur la douleur, comme de son expérience personnelle et professionnelle pour éviter
un jugement qui nuirait à l’écoute du patient et donc à la prise en charge de sa
douleur à partir de ce qu’il en dit. Le témoignage des 2 infirmiers a souligné les
facteurs contextuels qui influencent la représentation de la douleur chez un patient et
par conséquent son auto-évaluation. La connaissance de ces facteurs dont certains
peuvent trouver leur origine dans l’histoire des patients permet de mieux comprendre
leur douleur. Ces aspects me seront utiles dans ma future pratique professionnelle.
Ils précisent la posture qui doit être la mienne auprès d’eux. Ils me seront utiles pour
approfondir l’échange avec le patient sur l’aspect contextuel de sa douleur dans un
objectif de vérification de l’auto-évaluation quand il y aura divergence entre l’auto-
évaluation et l’hétéroévaluation pour optimiser la prise en charge de sa douleur. Par
contre, cette conduite pourrait s’avérer contreproductive dans la prise en charge
d’une douleur aigüe comme celle à laquelle je serai confronté dans le service des
urgences que j’envisage d’intégrer parce que le patient en crise aigüe pourrait
considérer l’échange à ce sujet comme superflu. Aux urgences, je m’interroge
aussi sur la capacité des patients algiques à donner leur confiance à un jeune
diplômé que j’aurai à prendre en charge en situation aigüe. Est-ce que je serai assez
empathique du fait que peut être je serai plus centré sur la technique pour ne pas
faire d’erreur ?  

Le témoignage des 2 infirmiers m’a aussi ouvert à des méthodes alternatives non
médicamenteuses pour traiter au mieux les douleurs induites par les soins. Ces
méthodes pourraient être au cœur d’un prochain travail.  

BIBLIOGRAPHIE
IASP - Définition de la douleur
https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/prises-en-charge-specialisees/douleur/
article/la-douleur
Livre blanc de la douleur chronique AFVD Fibromyalgie France . SFETD
https://www.sfetd-douleur.org/wp-content/uploads/2019/09/livre_blanc-2017-10-24.pdf
INSERM – Douleur, un symptôme fréquent, parfois vécue comme une fatalité
https://www.inserm.fr/dossier/douleur/
Programme de lutte contre la douleur – Ministères des solidarités – Chef de projet Dr Daniel
ANNEQUIN
https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/programme_lutte_douleur_2002-05.pdf
Rôle infirmier et douleur – Pascale Thibault WANQUET
https://www.afidtn.com/medias/annuaire_bibliographie/1013-revue-101-p41_.pdf
Ministères des solidarités et de la santé – La douleur
https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/prises-en-charge-specialisees/douleur/
article/la-douleur#:~:text=L'%C3%A9valuation%20et%20la%20prise,droit%20fondamental
%20de%20toute%20personne.
Vidal, Comment mesure-t-on la douleur ? Outil d’auto-évaluation
https://www.vidal.fr/maladies/douleurs-fievres/prise-charge-douleur/mesure-evaluation.html
« La douleur, l’écouter pour mieux la traiter » Article Stéphanie VAN HAESEBROUCK
https://www.enmarche.be/sante/medecine/la-douleur-l-ecouter-pour-mieux-la-traiter.htm
Faculté de médecine ULP Strasbourg 2003 Evaluation de la douleur
https://sofia.medicalistes.fr/spip/IMG/pdf/valuation_des_douleurs.pdf
L’influence de la culture dans l’expression verbale de la douleur : étude comparative entre
des patients cancéreux et syriens – Romain Lebreuilly, Sam SAKOUR, Joëlle LEBREUILLY –
Cairn
https://hal.univ-lorraine.fr/hal-02313669/document
INSERM – L’empathie soulage Jean Monnet
https://www.inserm.fr/actualite/douleur-comment-empathie-soulage/
ANNEXES
Annexe 1 : GRILLE D’ENTRETIEN

1) Depuis combien d’années exercez-vous ?


2) Quelle conception personnelle avez-vous de la douleur ?

3) Votre représentation ou votre propre expérience de la douleur influence-t-elle la


prise en charge de la douleur des patients que vous soignez ? Dans (jugement
clinique) ?

4) Comment abordez-vous l’évaluation de la douleur au quotidien dans votre pratique


? Sur quoi repose-t-elle ?

5) Quelle position adoptez-vous lorsqu’il y a divergence entre l’auto-évaluation de la


douleur du patient et ce que vous observez chez celui-ci ?

6) L’aspect contextuel de la douleur du patient peut-il selon vous influencer votre


prise en charge de celle-ci ? (Socio-culturel, affectif, croyance…)

Annexe 2 : Entretien avec IDE Pierre

Homme
42 ans
Milieu ouvrier

1) Depuis combien d’années exercez-vous ?


J’exerce depuis 18 ans : d’abord en neurologie, puis en réanimation, ORL,
cardiologie, pneumologie et maintenant en libéral depuis 10 ans.

2) Quelle conception personnelle ou représentation avez-vous de la


douleur?

C’est quelque chose de subjectif à chacun et il faut surtout la prendre en charge


lorsqu’on réalise nos soins.

Personnellement, la douleur c’est quelque chose qui est difficile à supporter et,
comme chez tous les soignants, je suis un très mauvais malade, je n’aime pas ça.
Être soignant et, encore en plus, un homme, ça n’aide pas.

3) Votre représentation ou votre propre expérience de la douleur influence


t-elle la prise en charge de la douleur des patients que vous soignez ?
Ah oui, oui, ça influence énormément. Pour moi, soigner avec en tête ses douleurs
permet de prendre conscience de la douleur des gens.
Comment abordez-vous l’évaluation de la douleur au quotidien dans votre
pratique ? Sur quoi repose-t-elle ?

J’utilise des échelles d’évaluation. On a une population surtout rurale. On privilégie


l’échelle avec des chiffres de 0 à 10 parce qu’on s’est rendu compte qu’avec la petite
réglette les gens n’en prennent pas la même conscience.
Dans la pratique au quotidien, on observe énormément les gens. D’aller chez les
gens est un avantage, on rentre dans l’intimité. Entrer dans leur maison permet déjà
d’avoir une conception des gens. Ça aide à limiter la barrière infirmier-patient et
permet plus facilement de parler de la douleur, de choses qui ne sont pas forcément
agréables.
Arriver à en parler est important pour avoir un meilleur résultat dans la prise en
charge.
Dans toute prise en charge, douleur ou soin, l’échange aide à l’évaluation.

Quand on voit quelqu’un de douloureux dès qu’on touche par exemple une plaie, on
va être beaucoup plus attentif et on va essayer d’apporter le maximum de confort
dans la réalisation du soin. Par contre, à contrario quelqu’un qui n’est pas sensible à
la douleur facilite les soins douloureux.

5) Quelle position adoptez-vous lorsqu’il y a divergence entre


l’autoévaluation de la douleur du patient et ce que vous observez chez
lui ?
On en parle surtout avec lui et puis on explique notre soin et l’objectif du soin qu’on
essaie de donner. Par exemple, quand il y a une plaie, on veut que ça cicatrise.

6) L’aspect contextuel de la douleur du patient peut-il selon vous influencer


votre prise en charge de celle-ci ?

Oui, en effet, c’est notre premier rôle d’être à l’écoute de son patient. En allant au
domicile, on se rend vraiment compte du contexte socio culturel. Quand on tombe
sur des gens qui sont contre la médecine, contre les méthodes des médicaments, il
faut arriver à composer et expliquer pourquoi il est conseillé de faire comme ça. Avec
des explications, on arrive à beaucoup de choses.
Souvent le corps se rappelle de certaines douleurs. Des femmes qui accouchaient
sans péridurale il y a quelques années de ça étaient très, très douloureuses. Parfois
quand elles ont des plaies d’amputation par exemple, elles ne vont rien dire parce
qu’elles ont connu une douleur beaucoup plus forte.
Les personnes âgées, nos grands-parents sont des gens beaucoup plus résistants à
la douleur que surtout les jeunes filles de maintenant. J’ai un souvenir de tout ça,
par exemple ma grand-mère quand une braise tombait de la cheminée, elle la
ramassait et la jetait dans le feu. Personne ne fait ça maintenant.
L’origine socio-culturelle des gens, l’éducation, c’est sûr, ça compte.

Mes parents étaient ouvriers. On n’avait pas intérêt de se plaindre, moralement ou


physiquement. Si on avait quelque chose, c’est qu’on l’avait mérité.
Les gens du voyage sont des gens très durs à la douleur vous ne verrez pas un
homme pleurer.
J’ai fait mes études à Dreux. C’est une ville où il y a beaucoup de musulmans,
d’étrangers. C’est une autre culture aussi. Par exemple, les femmes réagissent très
fort à la douleur, on les entend à l’autre bout du couloir. C’est une culture de montrer
qu’il y a une douleur. Pour les soigner de quelque chose de plus conséquent on
arrive avec des choses plus invasives, des produits d’anesthésie quand on ne peut
réaliser le soin. A l’hôpital c’est comme ça, en libéral !!! Ici on ne voit pas trop ce type
de population.
Quand vous avez des parents qui ont un confort de travail, qui ont des horaires de 9
à 4 heures et qui peuvent être avec leurs enfants quotidiennement le matin le soir et
tous les week-ends, ils sont beaucoup plus proches de leurs enfants et
obligatoirement quand il y a le moindre bobo ou quoi que ce soit les parents
interviennent.

C’est plus difficile parfois dans les fratries de 3 ou 4 ! En ce qui me concerne ça n’a
pas joué spécialement. Mes parents accordaient une attention égale à chacun de
nous si on avait quelque chose.

Des fois, on préfère faire des soins au cabinet que d’être avec toute la famille autour
de vous qui, dès que vous touchez quelque chose, dit : « Il a mal, il a mal ». Un
exemple : un enfant qui commence à marcher et qui tombe par terre, si la maman
est tout de suite à dire : « Mon pauvre loulou. », le gamin va l’intégrer. Par contre, si
la maman dit : « Ce n’est rien, lève-toi et avance. », le cerveau assimile la douleur
différemment.
Pour une prise de sang chez un enfant déjà je ne vais pas la faire en semaine mais
obligatoirement le samedi matin pour avoir plus de temps. Si je vais au domicile de
l’enfant, souvent on lui met la tv. Comme ça, il est attaché à autre chose, il ne retient
pas la douleur. Il y a des études là-dessus. Quand les personnes travaillent en néo
natal on donne souvent de l’eau sucrée. On se rend compte que le sucre alimente le
cerveau et permet d’oublier la douleur.
Avec votre grand-père par exemple, je l’attire sur autre chose par exemple sur le
jardin. Tout de suite, il va mordre là-dessus, il ne va plus penser. Pour maitriser son
soin de A à Z, il faut emmener la personne ailleurs, là où on a envie de l’emmener
dans sa tête pour arriver à faire ce qu’on veut.
Quand les soins sont très douloureux et que la personne se recentre sur sa douleur,
il faut arrêter et la reprogrammer le lendemain pour pouvoir retravailler à nouveau.
Ça plutôt que continuer parce que le problème est que le lendemain la personne
aura enregistré de la douleur de la veille et sera crispée, tendue et ne décrochera
pas un mot. Là vous n’aurez plus qu’à repartir et, du coup, vous n’aurez pas plus
réussi. Ça arrive 2 à 3 fois dans le mois. Faire les choses au rythme des gens c’est
une conception du soin.
Enlever la fibrine est un acte douloureux. On peut demander au médecin de prescrire
des antalgiques locaux pour apporter du confort lors du soin.
La prise en charge de la douleur est très différente quand on travaille à l’hôpital ou en
libéral. Quand vous arrivez stressé parce que vous n’avez que 5 mn pour faire un
pansement douloureux, c’est très mauvais pour la prise en charge. Dans ce cas je le
programme à un autre moment.
Après on parle beaucoup dans les médias de soulager la douleur mais ce n’est pas
une équipe mobile de soins qui vient juste1 heure qui peut le faire. Ce matin, une
dame me racontait qu’elle avait été admise à l’hôpital pour une cruralgie. On lui a
donné de la morphine. Après elle a fait un coma. Comme elle me dit : « Je n’ai pas
eu de douleur pendant 24 h, mais par contre quand je suis revenue à la maison ! »
C’est bien qu’on prenne en charge tout ça comme à l’hôpital mais qu’on donne les
moyens aux infirmières et aide soignantes de le faire.

En service de neurologie, j’ai appris l’importance de la relaxation. Par exemple


quand on a des gens avec des névralgies des trijumeaux, leur douleur est tellement
intense que dans 1 cas sur 4, la personne se suicide. On soulage d’abord par des
médicaments, on vérifie le diagnostic, on surveille 24h sur 24 pour éviter le passage
à l’acte. On se sent impuissant au début mais après 2 ou 3 suicides pour qu’il n’y ait
pas passage à l’acte, il faut prendre du temps pour le divertir de sa douleur. Or le
personnel de l’hôpital ne l’a pas. L’hôpital c’est très bruyant, ça qui rend la prise en
charge difficile, ne serait-ce pour une séance de relaxation. En libéral c’est un outil
en plus qu’on utilise, surtout la respiration. On leur apprend surtout à respirer, on leur
fait faire des exercices, on leur donner des combines pour moins souffrir comme un
chirurgien quand il dit de glacer à des gens qui viennent d’être opérés pour des
prothèses parce que la glace diminue l’œdème et la douleur.

Je suis en train de me former pour faire de l’hypnose pendant les soins pour une
prise en charge adaptée de la douleur. L’hypnose, c’est emmener les gens là où on
veut. Tout le monde n’est pas réceptif. C’est un outil de plus.

Il y a un autre outil, c’est le relationnel. Souvent quand le patient a confiance en vous,


vous gagnez déjà la moitié de votre soin. Ça arrive d’entendre : « Ah c’est cette
infirmière-là, je ne l’aime pas. » Celui qui dit ça est déjà convaincu qu’elle ne va pas
bien faire le travail. C’est un a priori qui se transforme en échec de soin. Ce samedi,
un monsieur avec un ulcère à la jambe est venu. Une de mes collègues lui avait fait
mal en grattant sa plaie à vif. Comme il savait qu’elle travaillait le jeudi et vendredi, il
a attendu le samedi pour venir. Il me dit : « Vous n’êtes pas là lundi, bon ben je
reviendrai mardi ». Je sais que le soin sera fait et lui aussi. Autrement, on ne va pas
le revoir.
Les années y font aussi. Quand je suis arrivé, il y a 10 ans, tout le monde me prenait
pour un gamin. On entend ça des fois : « Ah vous m’avez envoyé la petiote pour faire
la prise de sang. » Le travail qu’on a fait auparavant, ça aide aussi.
Annexe 3 : Entretien avec IDE Céline

Femme
50 ans
Aînée dans un milieu paysan

1) Depuis combien d’années exercez-vous ?

J’exerce depuis 27 ans : 5 ans en cardiologie, 14 ans en réanimation et depuis 8 ans


en libéral.

2) Quelle conception personnelle ou représentation avez-vous de la


douleur?

C’est une priorité après l’urgence vitale. C’est à évaluer rapidement parce, que
maintenant, on a les moyens de soulager les douleurs. C’est inadmissible que
quelqu’un souffre.

Personnellement, j’ai vraiment galéré avec les sciatiques. C’est vraiment très
douloureux.

Moi, je viens de la campagne. Je suis fille de paysan. On ne se plaint jamais. Je suis


l’ainée. Parfois on rigole avec mon frangin, il est le dernier. Il trouvait toujours une
excuse. Par exemple, il avait des cailloux dans ses godasses pour ne pas ramasser
les patates.

3) Votre représentation ou votre propre expérience de la douleur influence


t-elle la prise en charge de la douleur des patients que vous soignez ?

J’étais déjà sensibilisée avant. Dès que je suis arrivée comme infirmière en service
de cardiologie, j’étais déjà référente douleur. Dès le départ, je ne pouvais pas
ignorer ça parce qu’on avait des réunions entre plusieurs professionnels de différents
services.
Donc, c’est quelque chose qui a toujours fait partie de ma pratique.
Oui, ça intervient dans la rapidité de prise en charge. Pour avoir fait des sciatiques,
je sais qu’il ne faut pas trainer parce que tu ne dors plus, c’est infernal, ça rend
dingue.
Il faut vraiment intervenir, il faut appeler le médecin pour qu’il change de molécule
parce qu’elle ne convient pas. Tu conseilles de ne pas attendre, tu sais que ça ne
s’améliorera pas.

C’est sûr, mon expérience de la douleur influence l’évaluation de la douleur de


l’autre. Je me suis vue un vendredi soir faire 40 km pour aller chercher de quoi
soulager un Mr atteint d’un cancer et qui avait un zona. Sa femme me dit qu’ils
avaient appelé le service à l’hôpital de Dijon. Dijon est à 120 km et 1h30 de route.
L’hôpital avait prescrit un morphinique mais le pharmacien fermait à 18h. C’était trop
tard pour l’avoir. Je savais que j’en avais au cabinet. On avait récupéré des patchs
chez quelqu’un. Ils habitaient à 12 km du cabinet. Je leur dis que je vais en chercher
et que je reviens.
Son mari propose à sa femme de me suivre pour m’éviter trop de route. Dans un cas
comme ça, tu ne te poses même pas la question. Tu sais ce que c’est d’avoir mal, de
passer la nuit debout. Tu sais que sans la bonne molécule, ça ne passera pas et qu’il
faut qu’on puisse t’aider pour avoir accès à ce qu’il faut. Pour la douleur, je suis prête
à faire 20 à 25 bornes pour chercher quelque chose. Nous, on est vraiment isolés de
tout. Il aurait dû autrement passer une nuit complète avant d’avoir un traitement. Je
dis souvent aux gens de ne pas trainer et d’aller chercher ce qu’il faut pour les
calmer.
C’est l’expérience personnelle qui guide plutôt que l’expérience professionnelle. La
douleur on sait ce que c’est.

Par contre, moi, je ne dis pas facilement si j’ai mal ou pas. J’aurais plutôt tendance à
être en éveil à la douleur des autres et leur demander : « Vous êtes sûr que vous
n’avez pas mal. », surtout avec des gens durs à cuire comme moi. Là, tu dis : «
Vous pouvez vous lever, tousser. » Quand il commence à te regarder et dit non : «
Eh ben non. » Tu lui réponds : « Ne faites pas le dur à cuire, il faut prendre les
cachets. Ça ne va pas se calmer comme ça. Les anti-inflammatoires, c’est normal, il
faut les prendre. » Pour les avoir utilisés moi-même, je recommande des petits
moyens pour soulager par exemple les douleurs chroniques des gens âgés qui ont
de l’arthrose mais qui ont déjà beaucoup de traitements. Je leur propose les
macérats de cassis qui sont antiinflammatoires. Je leur laisse pour qu’ils puissent se
masser plusieurs fois. Les petits moyens parce qu’ils ont déjà une batterie de
médocs et toi tu ne peux pas leur en ajouter, t’as pas toutes les données, leurs
antécédents. Ou encore, j’ai toujours mon tapis d’acupression dans la voiture, je leur
prête. « Faites un peu de tapis comme antalgique. » Au début, ils ont du mal à tenir
puis après ils s’endorment dessus. Ça marche ou pas ! Pour certaines douleurs aux
épaules, aux cervicales, ça peut calmer le jeu.

4) Comment abordez-vous l’évaluation de la douleur au quotidien dans


votre pratique ? Sur quoi repose-t-elle ?

Des fois, je donne au patient une échelle de façon à ce qu’il puisse dire au médecin
qu’«au passage de l’infirmière, j’avais une douleur évaluée à ça. » pour qu’ils aient
une base et qu’ils se rappellent. Des fois, je leur dis qu’il ne faut pas dépasser cette
EVA, qu’il faut prendre le traitement ou qu’il faut intervenir, faire appel à un
prescripteur.

Quand tu as en face de toi quelqu’un susceptible d’avoir mal ou dans une attitude pas
sereine, pas bien sur les appuis, qui a pris une position antalgique ou encore en
postopératoire, je lui demande si la douleur est bien gérée, si ça va.

5) Quelle position adoptez-vous lorsqu’il y a divergence entre


l’autoévaluation de la douleur du patient et ce que vous observez chez
lui ?
La différence que j’ai vue c’est quand il y a des gens qui disent que tout va bien et
quand tu leur demandes : « Vous arrivez à vous lever, à tousser. » Là ils te disent :
« Ah non, je ne peux pas tousser, je ne peux pas me lever, je ne dors plus la nuit. »
Là, tu dis qu’il faut vraiment prendre les traitements ou bien réajuster parce que tu
comprends leur logique : si je ne bouge plus, je n’ai plus mal. Ce n’est pas ça le but
c’est plutôt dans ce sens-là qu’il peut y avoir différence d’appréciation.

Dernièrement, après une intervention sur l’épaule, la personne avait une épaule
surélevée par rapport à l’autre. Là, je lui ai dit : « Regardez-vous dans la glace ou
dites aux personnes avec qui vous vivez de regarder si votre épaule commence à
prendre une mauvaise posture. Dans ce cas, il faut prendre l’antalgique. N ’attendez
pas, votre corps est déjà en train de faire une protection parce que ça devient
douloureux. N’attendez pas, ce n’est pas grave si vous en prenez 15 jours-3
semaines, après vous serez tranquille. »

L’autre fois, un petit jeune était tombé de moto. Son coude et son genou étaient
écorchés. Ces blessures font mal comme des brulures. Aux urgences, ils lui avaient
mis, bien entendu, des interfaces qui collent à la plaie. Or c’est déjà douloureux
quand on les enlève. On sait qu’il existe des interfaces Mepilex transfer que met
SOS mains qui absorbent sans coller à la plaie. On sait aussi que dans les cas de
brulures ce qui marche c’est la pommade la Flammazine. J’en mets parce que j’en ai
et je dis aux parents d’en demander au pharmacien, même si c’est sur ordonnance.
De même je leur dis de donner du Doliprane pour la douleur. On ne peut pas laisser
un gamin de
15 ans avoir mal comme ça et ne pas dormir même s’il a le sourire et qu’il était
sympa.

Dans un service hospitalier, on est plusieurs à prendre en charge. On fait ses 8 ou


12 heures. Après les collègues, ils verront bien. A domicile, il n’y a pas d’équipe
derrière, tu le laisses tout seul avec sa douleur. Ce n’est pas la même donne à
l’hôpital, je m’en rappelle, certains disaient : « Ah, il en rajoute, c’est bon ! Puis, ça
change d’équipe, il peut même y en avoir encore un qui dit la même chose.
D’autres fois, tu ne t’en aperçois pas parce que tu n’as pas vu la personne avoir mal
et parce qu’elle t’a donné un chiffre correct. Mais l’aide-soignante qui lui demande
de se tourner, de se lever, de manger te dit : « Mr… a mal, on ne peut pas le lever, le
toucher ». Si l’infirmier ne cherche pas la prescription il peut passer à côté de la
douleur. C’est comme ça que des gens peuvent se retrouver à avoir mal.

A l’hôpital, j’avais été remplacée en orthopédie. Un type avait eu un accident. Il avait


eu un arrachement du plexus brachial. L’anesthésiste dit « Ça ne fait pas mal. » Je
lui dis : « Allez lui dire que ça ne fait pas mal, on ne peut pas le toucher. On est
dépendant de ce gars-là, s’il ne prescrit pas, on est cuit. En chirurgie, c’était
l’anesthésiste qui prescrivait les antalgiques, le chirurgien lui regardait les plaies. A
cause du saucissonnement des soins, la prise en charge était moins évidente.

6) L’aspect contextuel de la douleur du patient peut-il selon vous influencer


votre prise en charge de celle-ci ?
Le patient a déjà son propre vécu. Il y a des gens qui ne supportent pas d’avoir mal,
même un petit rien du tout c’est déjà terrible.

Dans le contexte, il y a parfois le conjoint : « Ah, il se plaint tout le temps ». T’es


obligé de dire : « Ah, mais c’est normal. » ou tu tournes ça en humour. Tu
repositionnes un petit peu sans prendre parti pour l’un et pour l’autre. Des fois les
gens te parlent à toi quand l’autre n’est pas là, ça arrive.

Et puis il y a parfois des gens qui vivent dans des conditions un petit peu insalubres ;
rien n’est adapté pour eux. T’es obligé de dire : « Un lit médicalisé vous faciliterait la
vie ». Tu ne le fais pas toujours en une fois. C’est au bout de plusieurs fois à
l’occasion des passages pour le pansement ou d’autres raisons, tu finis par dire : «
Ce serait plus pratique. » Le contexte joue, c’est sûr.

Ici les gens n’ont pas d’accès aux soins. Le médecin traitant ne répond pas aux
urgences, l’hôpital : t’oublies. Il faut leur dire d’anticiper, de ne pas trainer. Ce n’est
pas le vendredi à 16 h quand on a mal depuis mardi. C’est tout de suite qu’on
appelle et qu’on règle le problème de molécule et de …... il faut vraiment anticiper….

Les femmes méditerranéennes vont exprimer tout de suite la douleur, elles sont
beaucoup plus à l’écoute de leur corps.
Nous, on serre les dents. Les méditerranéens eux crient quand ils ont mal. C’est eux
qui arrivent à supporter les plus grosses douleurs parce qu’ils l’extériorisent. C’est ce
qu’on nous expliquait pour les formations aux douleurs. Une amie sage-femme me
disait notamment qu’à la maternité, les femmes méditerranéennes sont plus
expressives. Elles hurlent mais ça leur permet de supporter l’accouchement plus
facilement. Ça ne change pas l’intensité de leur douleur.

Ceux qui crient sont souvent ceux qui ont la phobie des piqures. On voit ça pour les
vaccins et pour les perfusions. Là, tu mets un patch DEMLA un quart d’heure ou une
demie heure avant, ça permet de calmer le jeu. Même psychologiquement, la
personne a vu que tu avais fait un geste pour éviter qu’elle ait mal. Alors, dans sa
tête, ça bascule.

On disait pendant un temps partout que les enfants n’ont pas mal. Certains
raisonnent encore comme ça. On recoud encore sans antalgique. Des parents disent
: « Tu ne vas pas faire la comédie. » Moi, je ne fais pas un soin à un enfant qui
refuse un soin, s’il n’en a pas envie, c’est son corps, ça s’appelle le droit des enfants,
c’est fondamental. Tu lui dis : « Tu m’appelles quand t’es prêt ». Cinq minutes après,
il te rappelle. C’est vite vu. Je sais aussi qu’enlever des fils dans la tête à un petit
bout de chou peut potentiellement lui faire mal. Moi, j’ai toujours un gel anesthésiant.
Je passe un quart d’heure avant lui mettre du gel. Laisser des gens souffrir quand
on a tout ce qu’il faut, c’est inadmissible. On n’est pas en 1914 quand on donnait un
coup de gnole.

Quand je dois faire un soin à quelqu’un qui le craint, je lui demande s’il veut que je
passe à un autre moment.

J’avais vu dans une formation sur la douleur que l’hypnose permet de détourner
l’attention de quelqu’un sur autre chose. Sans faire de l’hypnose, je le fais souvent
dès qu’il y a un soin, je l’emmène ailleurs en parlant des fleurs ou autre chose, peu
importe. Je détourne son attention pour qu’il ne se focalise pas sur le geste.

Quand les gens ont mal et qu’ils oublié de prendre l’ordonnance ou quand le
médecin a oublié d’en prescrire je leur dis de prendre quand même des antalgiques.
A l’hôpital comme à domicile, être à l’heure est important. Quand je leur dis que je
viens entre telle et telle heure, je tiens ma promesse. En cadrant le truc, ils sont prêts
dans leur tête, t’es attendue, le soin est attendu.

Annexe 4 : Questionnaire douleur saint Antoine


Annexe 5 : Echelle Doloplus 2
Annexe 6 : Echelle numérique
RESUME
Mon mémoire s’intitule « En quoi la représentation de la douleur chez l’infirmier diplômé d’état peut s’opposer à
l’objectivité de l’évaluation et par conséquent au soulagement de la douleur ? »

Mon cadre de référence théorique s’appuie sur les concepts de douleur, de représentation de la douleur chez le
soignant et chez le patient, sur l’évaluation de la douleur à travers l’autoévaluation et l’hétéroévaluation et enfin
sur le soulagement.

J’ai mené une enquête qualitative avec des questions semi-directives auprès de deux infirmiers libéraux, un
homme de 42 ans et une femme de 50 ans.

J’ai confronté leurs réponses dans l’analyse des résultats. Tous deux ont une représentation de la douleur à peu
près semblable. Leur prise en charge s’appuie sur les mêmes bases.

J’ai procédé ensuite à une analyse de l’enquête. Celle-ci a montré que ces deux infirmiers étaient très au fait des
précautions requises pour la prise en charge des patients douloureux. Ces précautions sont conformes à celles
évoquées dans mon cadre de référence.

En conclusion, ce travail m’a permis de préciser l’ensemble des facteurs à prendre en compte pour se représenter
la douleur du patient et y remédier dans ma future pratique professionnelle.

ABSTRACT

My dissertation is entitled "To what extent can the registered nurse's perception of pain match with the objectivity
of pain evaluation, in order to relieve the patient " ?

My theoretical reference framework is based on the concept of pain, the representation of pain for the carer and
for the patient, the evaluation of pain through self-evaluation and hetero-evaluation in order to satisfy patient
relief.

I conducted a qualitative survey with semi-directive questions towards two independant nurses, one being a
42year-old man and the other a 50-year-old woman. I compared their answers in the analysis of the results.

Both of them had quite similar representation of pain. Their diagnosis and treatment approach was based on
similar skills.

I then proceeded to the survey review. This indicated that these two nurses were very aware of taking
precautions for the processing of patients in pain. These precautions are consistent with those mentioned in my
framework of reference

In conclusion, my work has enabled me to specify all the factors to be taken into account in order to perceive the
patient's pain and to manage it in my future professionnal practice.
 

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