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À

Dessa n et Tolra
L
ÉDITION ABRÉGÉE


JOHANNES ITTEN ART DE LA COULEUR

»
Extrait du catalogue :

Table des matières

Johannes Itten Art de la couleur


Le dessin et la forme
L’étoile des couleurs
Paul K!ee Histoire naturelle infinie
Hajo Düchtling Comprendre et créer la couleur
Pierre Garcia Le métier du peintre (édition complète
Le métier du peintre (édition abrégée)
Miriam Stribley La calligraphie
David Harris L’abc du calligraphe
Jean-Luc Dusong, La Typographie, du plomb au numérique
Fabienne Siegwart
Gottfried Barrîmes Etude du corps humain

Préface 5
Introduction 7
Les couleurs en physique 16
Traduction de Sylvie Girard
Réalité des couleurs et effet coloré 18
L'harmonie des couleurs 19
Les accords subjectifs de couleurs 23
Enseignement de la construction des couleurs 29
Le cercle chromatique en douze parties 30
Les sept contrastes de couleur 33
Contraste de la couleur en soi 34
Contraste clair-obscur 37
Contraste chaud-froid 45
Contraste des complémentaires 49
Contraste simultané 52
Contraste de qualité 55
Contraste de quantité 59
© Dessain et Tolra / Larousse 2004, pour la présente édition Les mélanges de couleurs 64
La sphère des couleurs 66
Titre original en (anguage allemande :
Etude des accords de couleurs 72
Kunst der Farbe, Studienausgabe » Forme et couleur 75
Effet spatial des couleurs 77
© Urama Verlag, Stuttgart
Urania Verlag, part of the Verlagsgruppe Dornier, Enseignement de l’impression des couleurs 79
© Dessain et Tolra , 1 986 pour la première édition Enseignement de l’expression des couleurs 83
La composition 91
Imprimé en Allemagne en octobre 2004. Postface 94
ISBN 2-04-720201-9
:
Préface de Betzold et de Chevreul. Ces recherches ( en-
traînent bientôt formuler sa propre théorie. Il
à
s’intéresse tout d’abord aux relations qui existent
entre la musique et la couleur. En étudiant la « ré-
sonance » des couleurs entre elles, est amené
il

à réaliser des compositions abstraites. Il fit part


de ses découvertes à ses élèves, des cours
lors
qu'il donna à Stuttgart tout d’abord, mais surtout
dans l’école qu’il créa à Vienne (1916-1919) et
lorsqu’il fut professeur au Bauhaus de Weimar
(1919-1923). il mit au point les douze parties du
cercle chromatique qui fut publié en 1921 dans la
revue « Utopia », accompagné d une échelle des
Lorsqu’en I960, à l'imprimerie des éditions Otto degrés lumineux.
Maier, à Ravensburg, les techniciens travaillaient Dans le cadre de l'enseignement qu’il donna à son
aux reproductions figurant dans l'important volume école privée de Berlin (1926-1934), Itten prêta une
* L’art de la couleur», Johannes Itten insista pour attention particulière aux couleurs subjectives que
surveiller lui-même la photogravure et les essais créaient ses élèves. Il pouvait désormais dévelop-
de cette première édition de son œuvre. Durant per les différentes aptitudes d’assemblage des
deux semaines, les épreuves furent discutées, les couleurs selon les lois objectives et les sept con-
mélanges de couleur modifiés et améliorés. Entre- trastes de couleurs exprimés dans sa théorie. La
temps, Itten préparait, sur maquette, les premiers théorie des couleurs de Itten appliquée à l’école
éléments d une * Petite théorie des couleurs ». Il textile de Krefeld constitue un élément important
souhaitait en effet que, pour permettre à un très de l'enseignement qu'il professe car, en effet, la
large public de profiter des connaissances qu’il teinture des échantillons de tissus et l’étude des
avait acquises, on publiât, extrait de « L’art de la
I collections de coloris à la mode exigent une con-
couleur », un volume abrégé mis à la portée de naissance approfondie des couleurs et de leurs
tous. Dans un temps où l’emprise de la couleur lois. C’est de Krefeld que date le premier manuscrit
gagne chaque jour en importance, où son ensei- d’une véritable théorie des couleurs. Directeur de
gnement ne concerne plus seulement les étudiants, la Kunstgewerbeschule (1938-1954 et de l’Ecole
mais aussi la plupart des industries et des bureaux textile de Zurich (1943-1960), Itten attacha une
d’études, cette édition simplifiée s’avérait parti- grande importance à enseigner lui-même sa théorie
culièrement utile. des couleurs et des formes. Plus exaltant que sa
L'édition complète de « L’art de la couleur » ras- tâche d’administrateur, cet enseignement lui offrait
semble l’essentiel des travaux de Johannes Itten la possibilité de garder un contact personnel avec

sur la couleur et représente la somme des impres- chacun de ses élèves. En 1944, organisa au
il

sions et des expériences d’un peintre et d’un Kunstgewerbemuseum de Zurich une exposition
professeur dont l’objet d'étude essentiel est la intitulée « La couleur ». Elle lui permit d’exposer
couleur. En 1913, âgé de 25 ans, le peintre entre sa propre théorie fondée sur les sept contrastes,
en relations, à Stuttgart, avec Adolf Hôlzel et se sur des analyses de couleurs et des exemples de
familiarise avec sa théorie de la couleur. Parallè- couleurs subjectives au moyen d'une série de 80
lement, étudie les théories de Goethe, de Runge,
il tableaux exécutés par ses élèves. Cette partie

5
systématique de l’exposition fut, par la suite, pré- et d’exécuter moi-même de nouveaux tableaux, en Introduction des couleurs qui est décisif, et non la réalité des
sentée dans plusieurs villes d Allemagne et de prenant comme base les tableaux originaux et les couleurs, telles qu’elles sont étudiées par les phy-
Suisse. A cette occasion, Itten fit lui-même plu- exemples que propose l'édition complète de « L’art siciens et les chimistes. L’effet des couleurs est
conférences ayant pour objet la théorie des de la couleur ». C’est à Krefeld, où j'étais élève contrôlé par l’intuition. Je sais que le secret le plus
couleurs et sa conception pédagogique de rensei- de Itten, que j’abordai sa théorie après l’avoir ; profond et le plus essentiel de l’action des cou-
gnement artistique. complètement assimilée, je l’enseignai à mon tour leurs demeure invisible mêmepour l’œil et ne peut
Libéré, en 1955, de ses tâches administratives, et l’appliquai avec succès dans les travaux que être contemplé que par le cœur. L’essentiel
Itten put enfin se consacrer à faire le point de son j’avais à exécuter pour l’industrie textile. D’autre dérobe aux formules abstraites.
œuvre et de son enseignement, à noter tout ce part, j’avais activement collaboré à la publication Existe-t-il pour l’artiste et pour le domaine esthé-
qu'il avait appris sur la couleur, les observations, de « L’art de la couleur ». tique des lois de la couleur ou des règles d’appli-
les expériences et les connaissances qu’il avait Les nouveaux tableaux exécutés pour l'exposition cation générale, ou bien le jugement esthétique
rassemblées comme peintre et comme professeur du Bauhaus forment les éléments de base des des couleurs n est-îl soumis qu’aux appréciations
En 1961 parut en langue allemande l’édition com- illustrations de ce « petit traité des couleurs ». individuelles ? Mes élèves m’ont très souvent posé
plète de « L’art de la couleur ». L ouvrage fut bien- Pour répondre aux dimensions réduites de cet cette question et, chaque fois, ma réponse fut la
tôt traduit en anglais, en japonais, en italien et en ouvrage, le texte de l'édition complète a été repris suivante : « Si vous pouvez, sans le savoir, créer
français. est connu aujourd’hui dans le monde
Il dans la mesure où se rapporte aux exemples
il
des chefs-d’œuvre de couleur, votre voie est de
entier choisis ou est compréhensible sans illustrations. ne pas savoir. Mais si, de votre absence de
Lorsque l’idée jaillit de faire connaître l'activité du Je me suis efforcée de choisir, en collaboration science, vous ne pouvez tirer de chefs-d’œuvre,
Bauhaus au moyen d’une exposition itinérante, étroite avec l’éditeur, les éléments capables d ex- vous devez essayer de vous instruire. »
Itten se demanda comment il pourrait a cote de poser la théorie constructive de Itten et ses idées Tout ce que l’on peut apprendre dans les livres
«
Les enseignements et les théories sont bons pour
son cours préparatoire paru chez Otto Maier, à les plus caractéristiques sur l’enseignement de ou par ses maîtres ressemble à un véhicule » :
les heures de faiblesse. Aux heures fortes, les
Ravensburg, sous le titre « Mein Vorkurs am l’impression et de l’expression des couleurs afin ainsi s’exprime un passage du Véda. Plus loin on problèmes résolvent par l’intuition, comme

:

Bauhaus. Gestaltungs- und Formenlehre » P) d'en faire la synthèse. C’est pourquoi m’est per- il y lit « Mais ce véhicule n’est utile que dans la
:
d’eux-mêmes.
faire également une démonstration de sa théorie mis d’affirmer que ce petit livre contient les idées mesure où l’on reste sur la route. Celui qui arrive Des études approfondies sur les grands maîtres
des couleurs. Mal présentés et dévalorisés par des essentielles de la théorie de Itten. au bout de la route carrossable abandonne le véhi- de la couleur m’ont donné la ferme conviction que
modifications de couleurs, les tableaux de l’expo- En mars 1967, Johannes Itten écrivait dans son cule et part à pied. »
ceux-ci possédaient tous une science des couleurs.
sition de 1944 se prêtaient mal à cette initiative. journal : De même
que, seul, le contexte peut
« Au moyen de ce veux essayer de bâtir un
livre, je Les traités des couleurs de Goethe, de Runge, de
Lorsque l'on me demanda, après la mort de Johan- attribuer au mot isolé sa signification propre, de véhicule utile, qui puisse venir en aide à tous ceux Bezold, de Chevreul et de Hôlzel ont été pour moi
nés Itten survenue en 1967, de traduire en douze même le rapport qui s’établit entre différentes cou- qui s’intéressent aux problèmes artistiques de la d’un grand prix.
tableaux essentiel de la théorie de Itten, pour
I leurs est donner à chacune d'elles
le seul à couleur. On peut aussi partir à pied, sans véhicule,
l’exposition du Bauhaus destinée à voyager pen- véritable sens et son expression particulière. » En et s engager dans des sentiers inexplorés, mais
Je souhaite pouvoir, dans ce livre, résoudre un
dant deux ans dans de nombreux pays, je fus 1964, écrivait dans la préface de l'édition japo-
il on avance alors lentement et dangereusement. Si grand nombre de problèmes posés par la couleur.
placée devant le problème suivant choisir parmi : naise de « L’art de la couleur » « Pour devenir un :
on se propose d’atteindre un but éloigné et élevé,
I

Je n’exposerai pas seulement quelques lois fonda-


les 80 tableaux de l'exposition de 1944 ceux qui maître de la couleur, est indispensable d étudier
il est a conseiller au début d’utiliser un véhicule,
il
mentales et quelques règles objectives, mais je
convenaient le mieux à ce projet et en exécuter et d’assimiler chaque couleur en particulier, tout afin d’avancer rapidement et avec sécurité.
traiterai aussi du domaine des limitations subjec-
la reproduction. Mais je me rendis compte que en étant conscient des combinaisons infinies qui Beaucoup d étudiants m’ont aidé à trouver les tives, c’est-à-dire des jugements de valeur appli-
l'exposé des problèmes était trop complexe pour existent entre toutes les couleurs. Cette édition » matériaux de construction de ce véhicule. Je les qués à la couleur, et j’essaierai d'y apporter des
me permettre d'effectuer un choix susceptible de abrégée indique les chemins à suivre pour décou- remercie pour les nombreuses questions qu’ils précisions.
donner un aperçu à peu près complet de la théorie vrir le miracle de la couleur. m’ont posées. Si nous voulons nous libérer de la contrainte sub-
de Itten. C’est pourquoi, je résolus de composer Anneliese Itten L’enseignement ici développé est un enseignement jective, nous ne pouvons y parvenir que par la
esthétique des couleurs, né de l’expérience et de science et la connaissance des lois fondamentales
(1) Ce volume est publié en langue française sous le titre - Le dessin et la forme *
Dessam et Tolra.
Iintuition d'un peintre. Pour l’artiste, c’est l'effet et objectives.

6
7
En musique, est évident que l’enseignement de
il mouvantes. Que tout ce que I on appelle des
lois
L’essence originale de la couleur est une réso- tres garnies d’albâtre orangé. L’orangé et le bleu
la composition constitue depuis longtemps un élé- couleurs qu’une valeur relative,
n’ait cela va de nance de rêve, une lumière devenue musique. A sont complémentaires et,mélangés, ils engendrent
ment important de la formation musicale. Mais un soi quand on songe à la complexité et à l’irratio-
(instant où je réfléchis sur la couleur, où j’assem- du gris. Lorsque le visiteur se déplace dans la
musicien peut connaître le contrepoint musical et nalité des effets de couleurs.
ble des notions, où je forme des phrases, elle perd chapelle, perçoit en chaque point du local des
il

n’être cependant qu'un compositeur ennuyeux, si son parfum et je ne tiens plus dans mes mains quantités différentes de lumière, soit à prédomi-
l'intuition et l’inspiration lui font défaut. De même, Combien de merveilles la raison humaine n’a-t-elle
qu’un corps sans âme. nance bleue, soit à prédominance orange, car les
un peintre peu connaître toutes les possibilités de pas découvertes au cours des siècles en recon-
parois reflètent les couleurs sous des angles sans
la composition des formes et des couleurs et naissant leur existence profonde ou les lois aux- Sur vestiges polychromes des époques les
les
cesse différents. Ces variations de couleurs lumi-
demeurer un incapable, si inspiration lui est refu- quelles elles obéissent Néanmoins, elles n’en
! plus reculées, nous pouvons lire la vie affective
I

neuses font naître chez le visiteur une sensation


sée. Goethe a dit « Le génie consiste en 99
:
% restent pas moins merveilleuses voyez l’arc-en- : de ces peuples.
de flottement dans les colorations.
de transpiration et 1 %
d inspiration. * J. S. Bach ciel, l'éclair, le tonnerre, la gravitation... Les Egyptiens et les Grecs prenaient une grande
s'exprimait d'une façon analogue. y a des
Il
Comme la tortue replie ses membres sous sa joie aux créations multicolores.
Les miniatures des moines irlandais du début du
années, Richard Strauss et Hans Pfitzner se sont carapace pour se mettre à l’abri, ainsi l’artiste fait La Chine connut de grands peintres, dès avant Moyen Age, aux 8 e et 9 e siècles, montrent des colo-
querellés dans un journal quant à la part de l'ins- abstraction de ses connaissances lorsqu’il travaille l’ère chrétienne. Un empereur de la dynastie des rations nombreuses et très différenciées. Les
piration et à celle du travail contrapunctique et par intuition. Serait-il préférable pour la tortue de Han possédait en 80 av. J.-C, des salles de dépôt, exemples les plus étonnants, dans le rayonnement
logique. Strauss écrivait que dans ses composi- n’avoir pas de membres ? un musée, pour ses collections de peintures qui de leur force, sont ces feuillets où les couleurs les
tions,il
y avait 4 à 6 mesures d’inspiration, le reste devaient être d’une grande beauté. A l’époque plus diverses sont rendues avec la même intensité.
étant du travail contrapunctique. Pfitzner répli-
La couleur, c'est la vie, car un monde sans cou- Tang (618-907 après J.-C) surgit en Chine une
leurs nous paraît mort. Les couleurs sont les idées
De là naissent des effets de contrastes chaud-
quait : « peut être exact que Strauss n'écrive
Il école de peinture murale et de chevalet très colo- froid tels que nous n’en retrouvons l’équivalent
originelles, les enfants de la lumière et de son
avec inspiration que les 4 à 6 premières mesures riste.Simultanément parurent de nouvelles gla- ensuite que chez les impressionnistes et chez Van
contraire, l’ombre, toutes deux incolores à la nais-
de sa musique, mais j’ai constaté que de nom- çures jaunes, rouges, vertes et bleues pour les Gogh.
sance du monde. Comme la flamme engendre la y a des pages du « Book of Kells » qui,
Il

breuses pages de Mozart étaient tout entières céramiques. Le raffinement des couleurs devint dans accomplissement logique de leurs couleurs
(
lumière, ainsi la lumière engendre les couleurs.
composées sous le coup de l'inspiration. » extraordinaire l’époque Song (960-1279 après
à et de leur rythme linéaire organique, se présentent
Léonard de Vinci, Dürer, Grünewald, Le Greco et Les couleurs sont les filles de la lumière et la
J.-C.). Les couleurs des images devinrent plus d une façon aussi grandiose et aussi pure que des
lumière est la mère des couleurs. La lumière, ce
d’autres peintres pas dédaigné d’explorer
n ont variées et en même temps plus réalistes. En céra- fugues de Bach. La sensibilité et l’intelligence
par la raison les moyens artistiques de la création. phénomène fondamental du monde, nous révèle mique apparurent de nombreuses glaçures d’une artistique de ces miniaturistes « abstraits » trou-
par les couleurs l’esprit et l’âme vivante de
Comment l’autel d’Isenheim aurait-il pu être peint beauté encore inconnue, comme les céladons et vent une suite monumentale dans l’art des peintres
sans une réflexion préalable de son auteur sur la monde.
les clairs de I
verriers du Moyen Age. Si, au début de l’art du
forme et sur la couleur ? Rien ne pourrait plus profondément et plus forte-
Du premier millénaire après J.-C. nous possédons vitrail, on n’a employé que peu de couleurs diffé-
Dans « Les artistes de mon temps », Delacroix ment nous émouvoir, nous autres hommes, que
en Europe des mosaïques polychromes, romaines rentes et si, pour cette raison, le coloris paraît
écrivait * Les éléments de l’enseignement des
de voir apparaître dans notre ciel une immense et
:
et byzantines, très colorées. L’art de la mosaïque sommaire, c’est parce que, à cette époque, la tech-
couleurs n’ont été ni analysés ni enseignés dans
lumineuse couronne de couleurs.
a de grandes exigences du point de vue de la cou- nique de fabrication du verre ne permettait d'em-
nos ateliers d’art, parce que l’on tient pour inutile L éclair et le tonnerre nous effraient, mais les cou- leur, car chaque surface colorée est composée ployer qu’un nombre restreint de couleurs. Mais
en France d’étudier les lois de la couleur comme ;
leurs de I arc-en-ciel ou de l’aurore boréale nous d'un grand nombre de petits points colorés, dont si l’on reste toute une journée dans la cathédrale
dit le proverbe on peut devenir dessinateur, on apaisent et élèvent notre âme. L’arc-en-ciel est chacun doit être essayé et étudié. Aux 5 e et 6 e siè-
:
de Chartres, dans la lumière variable des heures,
naît coloriste Des secrets de renseignement de considéré comme un signe de paix. cles, les artistes mosaïstes de Ravenne savaient, et si l’on étudie ainsi les vitraux, on assiste fina-
la couleur? Pourquoi nommerait-on secrets les Le verbe et son accent, la forme et sa couleur sont en utilisant les couleurs complémentaires, réaliser lement au spectacle du soleil couchant éveillant
principes que tous les artistes doivent connaître les réceptacles d’un message de au-delà dont l
de très nombreux effets colorés. Au mausolée de dans la grande rosace qui surplombe le portail
et qui auraient dû leur être enseignés à tous ? » nous avons le pressentiment. De même que l’ac- Galla Placidia règne une étrange atmosphère lumi- d’entrée une puissante symphonie de couleurs
La connaissance des lois de la création artistique cent confère au mot prononcé un éclat coloré, de neuse de gris colorés. Elle naît du fait que les dont la beauté supraterrestre demeure inoubliable.
ne doit pas être un carcan, mais au contraire, elle même la couleur donne à fa forme une plénitude parois de mosaïque bleue de la salle sont inondées Les artistes de l’époque romane et du début de
doit libérer de l’incertitude et des impressions et une âme. d une lumière orangée que filtrent les étroites fenê- l’époque gothique employèrent les couleurs comme

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moyens d’expression symbolique dans leurs pein- Dans ses œuvres de jeunesse, Le Titien (1477- torique de chacun des thèmes picturaux l’unité et ne s’anime que parcimonieusement de quelques
tures murales ou leurs tableaux. C’est pourquoi ils 1576) a opposé les unes aux autres des surfaces décorative de l’ensemble de l’autel. s’est placé
Il cou eurs. Cette peinture réaliste et sobre dans ses
s’efforcèrent de réaliser des accords de tons sim- uniformément colorées. Plus tard, décomposail
au-dessus de cette loi scolaire pour demeurer vrai effets a été éliminée par le romantisme. Le début
ples et purs. On ne cherchait ni à différencier les ces surfaces en un nombre toujours plus grand et objectif, a réussi à fondre, aui sens le plus
il du mouvement romantique est marqué en Angle-
divers tons colorés, ni à multiplier les couleurs de de modulations plus chaudes et plus froides, plus profond, l’ensemble des trois possibilités d’action terre par Turner (1775-1851) et Constable (1776-
différents caractères, mais à créer un effet simple, claires et plus obscures, plus éteintes et plus lumi- de la sa force psychiquement expressive,
couleur ; 1840). En Allemagne, les grands représentants
direct et symbolique. Les formes, elles aussi, neuses. A cet égard, le portrait de Bella à la gale- sa vérité spirituelle et symbolique et sa précision étaient alors Caspar David Friedrich (1774-1840)
étaient traitées de cette manière. Giotto et les rie Pitti exemple parfait. Dans
à Florence est un réaliste. et Philipp Otto Runge (1777-1810). Ces peintres
Siennois furent sans doute les premiers peintres ses œuvres postérieures, développa sa compo-
il
employaient la couleur comme un moyen d’expres-
sition à partir d'une tonalité d'ensemble et d’un Rembrandt (1606-1669) est considéré comme le
à personnaliser les formes et les couleurs de leurs sion psychique, pour procurer une atmosphère à
grand nombre de tons clairs et obscurs issus de véritable représentant de la peinture en clair-
personnages ils inaugurèrent ainsi un mouvement
;
leurs paysages. Constable par exemple, ne posait
cette couleur. Comme exemple on peut indiquer obscur. Bien que Léonard de Vinci, Le Titien et
qui, après 1400, déboucha sur une multiplicité pas le vert sur sa toile comme une couleur uni-
« Le couronnement d’épines * de la pinacothèque
Le Greco aient utilisé le même moyen d’expression
imposante de personnalités les plus diverses, forme, mais le décomposait selon les nuances
il

de Munich. par contrastes en clair-obscur, le cas de Rembrandt


telles que nous les rencontrons dans l’Europe des les plus subtiles, du clair à l’obscur, du chaud au
e Le Greco (1545-1614) fut élève du Titien. C’est est néanmoins tout à fait différent. Ilsentait la cou-
15
e
16 e
et 17 siècles. froid, de l’éteint au lumineux. Ainsi les surfaces
,

ainsi que la multiplicité des tons qu’il emprunte à


leur comme une matière dense. Avec des tons de
colorées devenaient vivantes et mystérieuses.
son maître explique la force d’expression de ses glacis transparents, gris et bleus ou jaunes et
Dans première moitié du 15° siècle, les frères
la Turner a peint des compositions colorées sans
grandes surfaces colorées. Son coloris unique, rouges, créait dans sa matière picturale une
il

Hubert et Jean Van Eyck se mirent à peindre des objet, pures abstractions qui permettent de le clas-
souvent bouleversant, n’agit plus en tant que ton impression de profondeur qui possède en elle une
tableaux ayant pour base de composition les cou- ser comme le premier des « abstraits * de la pein-
local, mais correspond abstraitement aux exi- étrange vie spirituelle. Rembrandt utilisait un
leurs locales des personnages et des objets qu’ils
il
ture européenne, Delacroix (1798-1863) vit à
gences psychiques d’expression des thèmes de mélange non pâteux de détrempe et de couleur à
représentaient. Avec des tons éteints ou lumineux, Londres les tableaux de Turner et de Constable.
l’huile et obtenait ainsi des textures qui rayonnent
son tableau. C’est pourquoi Le Greco est devenu fut très impressionné par les coloris de ces pein-
clairs ou obscurs, ces couleurs locales donnèrent Il

un précurseur de la peinture sans objet. Ses sur- d'une extraordinaire puissance suggestive de réa-
naissance à des accords picturaux réalistes, très tures. De retour à Paris, retoucha ses propres
il
lité. La couleur chez Rembrandt devient une puis-
faces colorées ne désignent plus des choses, elles tableaux dans cet esprit et obtint un grand succès
proches de la nature. Les couleurs devenaient un sance lumineuse matérialisée, aux tensions multi-
s'organisent en purs accords de tons picturaux. au salon de Paris en 1820. Jusqu’à la fin de sa vie,
moyen de caractériser les objets naturels. En 1432 ples. Les couleurs pures ont souvent l’éclat de
Grunewald (1475-1528) avait trouvé cent ans aupa- se préoccupa intensément des problèmes de
fut peint le polyptyque de l’autel de Gand et en joyaux se détachant sur un fond de coloris sourds.
il

ravant la solution du problème que se posait Le couleurs et des lois de couleurs.


1434 Jean Van Eyck peignit le premier portrait de Avec Le Greco et Rembrandt, nous nous trouvons
Greco. Alors que ce dernier lie toujours très forte- On peut ainsi constater qu’au début du dix-
l’époque gothique, le portrait double D Arnolfini et au centre des problèmes de la couleur que se
ment et d’une manière individuelle les tons colorés • %

neuvieme siècle, l’intérêt fut général pour les


de son épouse. posait l’art baroque. Dans les architectures baro-
au moyen de tons gris et noirs, Grunewald place effets et les lois de la couleur. Philipp Otto Runge
Piero délia Francesca (1410-1492) peignit des per- ques, poussées à l’extrême de la tendance, l'es-
les couleurs l’une contre l’autre. Une domination publia en 1810 son traité de la couleur avec la
sonnages aux contours très cernés, au moyen de pour ainsi dire objective de la totalité des couleurs pace statique se trouve dissocié en rythmes
sphère des couleurs comme forme symbolique
couleurs simples, expressives, dont les complé- lui permet de trouver pour chaque motif pictural
dynamiques. La couleur est également utilisée
élémentaire. Le grand ouvrage de Goethe sur les
mentaires équilibraient la composition. Les cou- les couleurs qui conviennent, L autel d’Isenheim dans cette tendance. Elle perd sa signification
couleurs parut également en 1810. En 1816, Scho-
leurs elles-mêmes sont, chez Francesca, des tons montre dans toutes ses parties une telle multipli- objective et devient un moyen abstrait de rythmer
l’espace. Finalement, elle est utilisée pour tenter
penhauer publia ses travaux dans un ouvrage
rares, mais caractéristiques. cité de couleurs, d’effets et de caractères que l'on intitulé « Das Sehen und die Farben ». En 1839,
Léonard de Vinci (1425-1519) ne voulut pas em- peut parler d’une composition colorée spirituelle et de réaliser l'illusion optique des profondeurs
M. E. Chevreul (1789-1889), chimiste et directeur
ployer de couleurs fortes. Il peignit ses tableaux universelle. L’Annonciation, Le concert des anges,
d’espaces. Les peintures du Viennois Maulpertsch
(1724-1796) montrent dans toute sa clarté la
de la Manufacture des Gobelins de Paris, publia :

avec d’infinies nuances de tonalités. Les peintures Le Christ en croix et La Résurrection sont des « De la loi du contraste simultané des couleurs et
représentant saint Jérôme et L’Adoration des Rois peintures qui, aussi bien par leur forme que par
conception des couleurs à l’époque baroque.
de l'assortiment des objets colorés. » Ce travail
ne sont que des sépias dans des accords de clair- leurs couleurs, diffèrent entièrement les unes des L’art de l’Empire et du Classicisme limite les cou- devint la base scientifique de la peinture impres-
obscur. autres. Grunewald a même sacrifié à la vérité his- leurs essentiellement au noir, au blanc et au gris, sionniste et néo-impressionniste. Les impression-

10
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nistes arrivèrent à une conception toute nouvelle Le Rembrandt s'étaient contenté de mo-
Titien et Partout en Europe, des artistes, indépendants les Le physicien étudie l’énergie des vibrations élec-
de la couleur, grâce à une étude approfondie de la duler les couleurs des visages ou des figures alors uns des autres, ont travaillé dans le même sens tro-magnétiques ou la nature des corpuscules
nature. L'étude de lumière du soleil et des modi-
la que Cézanne traitait toute la toile comme une unité entre 1912 et 1917 et leurs œuvres sont groupées lumineux qui produisent la lumière, les diverses
fications qu’elle apporte sur les couleurs locales formelle, rythmique et colorée. Sa nature morte aujourd’hui sous le terme générique d’« art possibilités de production des phénomènes colo-
des objets, l’étude de l'éclairage des paysages en « Pommes et oranges » met bien en valeur cette concret ». A ce groupe appartiennent des pein- rés, particulièrement la décomposition de la lu-

plein air permirent aux impressionnistes de réali- nouvelle unité. Cézanne voulait recréer la nature tres comme :Kupka, Delaunay, Malewitsch, Arp, mière blanche en couleurs spectrales après pas-
ser des créations essentiellement nouvelles. Monet à un niveau plus élevé. Dans ce but, se servait il
Mondrian et Vantongerloo. Leurs peintures repré- sage dans le prisme et le problème de la couleur
a étudié ces phénomènes si consciencieusement, avant tout de contrastes chaud-froid qui produi- sentent, la plupart du temps, des formes géomé- des corps. étudie les mélanges de lumières
Il

qu’il lui a fallu une toile nouvelle à chaque heure saient un effet musical et aérien. Cézanne, et triques sans objet ou des couleurs du spectre colorées, les spectres des divers éléments, le nom-
du jour pour représenter un paysage, parce que, après lui Bonnard, ont peint des toiles entièrement dans toute leur pureté, traitées dans l’ensemble bre des vibrations et la longueur des diverses
selon le déplacement du soleil, les variations de fondées sur le contraste chaud-froid. comme des objets réellement saisissables. Les ondes colorées. La mesure et le classement des
couleurs commandées par la lumière changeaient formes et les couleurs que l’esprit peut saisir sont couleurs relèvent aussi de la recherche physique.
Henri Matisse (1869-1954) a renoncé à la modu-
sans cesse et que seul ce moyen pouvait rendre des moyens de construction qui permettent d’in- Le chimiste étudie la constitution moléculaire des
lation des couleurs et a de nouveau utilisé des
une image véridique. Le meilleur témoignage en troduire un ordre évident dans l’édifice pictural.
surfaces colorées, simples, lumineuses, groupées matières colorantes ou pigments, les problèmes de
faveur de cette méthode de travail nous est donné d’une façon expressive selon un équilibre subjec- Les surréalistes Max Ernst, Salvador Dali ou la conservation des couleurs et de leur résistance

par ses « Cathédrales » qui sont exposées au tif. Il appartenait, avec Braque, Derain et Vlaminck, autres ont utilisé les couleurs comme moyen d’ex- à la lumière, les liants et la préparation des cou-
Musée impressionniste du Jeu de Paume à Paris. au groupe parisien des « fauves ».
pression pour réaliser leurs « irréalités » d’une leurs synthétiques. La chimie des colorants en-
Les néo-impressionnistes ont décomposé les sur- façon picturale. .
globe aujourd'hui un domaine extraordinairement
Les cubistes Picasso, Braque et Gris ont utilisé
faces colorées en points de couleurs individuels. Les tachistes sont des « hors-la-loi » aussi bien vaste de la recherche industrielle et de la pro-
les couleurs comme des valeurs clair-obscur. Leur
Selon eux, tout mélange pigmentaire rompt la force pour la forme que pour la couleur. duction.
intérêt principal allait à la forme. Ils désagrégèrent
des couleurs. Seul l’œil du spectateur peut recom-
les objets en formes picturales abstraites et géo- Le physiologiste examine les diverses actions de
poser le mélange des touches de couleurs pures. Le développement de la chimie des couleurs, de
métriques, obtenant des effets de relief par des la lumière et des couleurs sur notre système visuel
la mode et de la photographie en couleurs a éveillé
Comme fondement théorique de cette méthode de œil et cerveau
gradations de tonalité. un très large intérêt pour les couleurs et la sensi- dont étudie les conditions
il

décomposition des couleurs, les impressionnistes


et les fonctions anatomiques. Ici, les recherches
Les expressionnistes Munch, Kirchner, Heckel, bilité aux couleurs de chaque individu s’en est
et les néo-impressionnistes invoquaient la doctrine
Nolde et les peintres du « Cavalier bleu », Kan- trouvée affinée. Mais aujourd’hui, cet intérêt pour concernant la vision du clair-obscur et la vision des
des couleurs de Chevreul. mélanges de couleurs prennent une importance
dinsky, Marc, Macke et Klee voulurent rendre à les couleurs est presque entièrement de nature
spéciale. En outre, le phénomène des images rési-
Sur la base des créations impressionnistes, Cé- la peinture un contenu psychique et spirituel : optique et matérielle et ne repose sur aucune
duaires appartient au domaine de la physiologie.
zanne arriva à construire logiquement les coloris fig par des formes et des couleurs, des expé-
,
expérience psychique ou spirituelle c’est un jeu;

de ses toiles. voulait faire de l’impressionnisme


Il riences vitales « intériorisées » et spiritualisées, superficiel et extérieur avec des forces d’ordre Le psychologue s intéresse aux problèmes de l'ac-
quelque chose de solide ses tableaux devaient
; tel fut le but de leur création artistique. métaphysique. Les couleurs sont des forces rayon- tion des rayonnements colorés sur notre sub-
avoir pour fondement une loi des formes et des Kandinsky commença à peindre en 1908 des ta- nantes, génératrices d'énergie qui ont sur nous conscient et sur notre esprit. Le symbolisme des
couleurs. Outre ses créations rythmiques et for- bleaux sans objet. disait que chaque couleur
Il
une action positive ou négative, que nous en ayons couleurs, la des couleurs
définition et les limites
melles, Cézanne a concilié la méthode pointilliste, possédait son propre pouvoir d’expression et que,
conscience ou non. Les anciens verriers utilisaient sont des thèmes importants que la psychologie
fondée sur la décomposition des couleurs, avec les couleurs pour créer à l'intérieur des églises doit résoudre.
pour cette raison, était possible d'exprimer des
il

une conception des surfaces colorées, modulées une atmosphère mystique et supraterrestre et Les effets de couleurs expressifs Goethe les
réalités spirituelles sans objet significatif.
et closes sur elles-mêmes. Par modulation, il pour transposer la méditation des fidèles dans un définit comme les actions sensibles et morales des
entendait les variations d'une couleur en ions A groupe de jeunes peintres se ras-
Stuttgart, un monde spirituel. Les effets de couleurs doivent couleurs appartiennent également au domaine
chauds-froids clairs-obscurs, éteints-lumineux. sembla autour de Adolf Hôlzel pour écouter ses être vécus et compris d’une manière non seule- spécialisé du psychologue. L’artiste coloriste qui
Grâce àces modulations qui couvraient toute la conférences sur l’enseignement de la couleur. Sa ment optique, mais aussi psychique et symbolique. veut connaître l'effet des couleurs sur le plan
surface de la toile, réalisait de nouveaux accords
il théorie était fondée sur les idées que défendaient Pour étudier les problèmes de couleurs, on peut esthétique doit posséder des connaissances aussi
picturaux d’un effet très vivant. Goethe, Schopenhauer et Bezold. adopter différents points de vue : bien physiologiques que psychologiques.

12 13
Les réactions sensorielles de l'œil et du cerveau royaume de la pureté et des Cieux. Ils n’expri- choses et les variations de ces couleurs sous l’ac- influences simultanées engendre des caractères
et les rapports qui existent entre la réalité des maient donc pas leur deuil personnel par la cou- tion de la lumière solaire. Finalement, ils négligè- de couleur spécifiques.
couleurs et leurs effets sur l’homme, telles sont leur blanche, mais, en la portant, ils aidaient le rent de plus en plus les tons locaux et dirigèrent Si nous voulons déterminer le degré de clarté ou
les recherches les plus importantes auxquelles se mort à parvenir au royaume de la perfection* leurs efforts vers l’observation des vibrations colo- d’obscurité d’une couleur, nous parlons de la va-
consacre l’artiste. Les phénomènes optiques, psy- Lorsqu’un peintre mexicain de l'époque pré- rées que la lumière, à différentes heures du jour, leur de sa tonalité. C’est donc le ton de la couleur
chiques et spirituels sont étroitement liés les uns colombienne plaçait dans sa composition un per- engendrait à la surface des objets. que nous désignons par là. Nous pouvons varier
aux autres dans le domaine des couleurs et des sonnage habillé de rouge, on savait que celui-ci *
le ton d'une couleur de deux maniérés
t

soit en
:

arts picturaux. appartenait au dieu de la terre Xipe Totec et qu'il Celui qui aime la couleur est le seul à pouvoir mélangeant la couleur avec du blanc, du noir ou du
Les effets de contraste des couleurs et leur ordon- relevait donc du point cardinal oriental, dont la comprendre sa beauté et son essence la plus gris, soit en mélangeant la couleur avec une autre
nance doivent former la base de l’étude esthétique signification est soleil levant, naissance, jeunesse secrète. N’importe qui peut utiliser la couleur, mais couleur de clarté différente.
des couleurs. Pour l’éducation artistique et la et printemps. Le personnage n’était donc pas peint elle ne dévoilera son secret qu’à celui qui l’aime

science de l’art, pour les architectes et les créa- en rouge pour des raisons optiques ou esthéti- avec désintéressement.
teurs de la mode, les problèmes de sensibilité ques, ou parce qu'il était chargé de significations
Si parlé de trois points de vue différents
j’ai
subjective à certaines couleurs sont d’une impor- psychiques et morales, mais sa couleur avait un
pour l’étude des couleurs la construction, l’im-
sens symbolique, comme un idéogramme ou un
:

tance particulière. pression et l’expression, je ne voudrais pas omet-


hiéroglyphe.
tre de préciser ce qui suit un symbolisme dénué
:

Le problème esthétique des couleurs peut se con- Dans sacerdotale


l'Eglise catholique, la hiérarchie
de justesse optique et démuni de force psychique
cevoir sous un triple point de vue est figurée par des couleurs symboliques, jusqu’à
:
et morale ne serait qu’un formalisme intellectuel
la pourpre cardinalice et la blancheur papale. Pour
sensible et optique (impression de la couleur), exsangue un effet impressionniste dépourvu de
;

psychique (expression de la couleur), caractériser les fêtes religieuses, les prêtres doi-
vérité symbolique et d’expression psychique ne
vent endosser des vêtements dont les couleurs
et intellectuel et symbolique (construction de la serait qu'une banale copie de la nature un effet
font l’objet de règles précises. va de soi qu’un ;
Il
couleur). expressif et psychique vide de symboles et privé
art religieux authentique utilise les couleurs sym-
Il est intéressant de voir comment, dans I ancien de force optique et sensible ne dépasserait pas le
boliquement.
Pérou pré-colombien, les couleurs avaient, dans le niveau de l’expression sentimentale. Bien entendu,
Si l’on veut étudier la force d'expression psychi-
style Tiahuanaco, valeur de symboles, alors que, chaque artiste doit travailler selon son tempéra-
dans le style Paracas, elles étaient utilisées pour
que de la couleur, les grands maîtres sont Le
ment et mettre en valeur l’une ou l’autre de ces
l'expression qu elles avaient et, dans le style Chi-
Greco et Grunewald.
tendances.
mu, pour l'impression qu elles donnaient.
Comme point de départ et comme base de leurs
travaux picturaux, Velasquez et Zurbarân, Van Pour éviter malentendus je voudrais revenir
les
Parmi les styles historiques, certains peuples n’ont sur la définition des notions de « caractère » et de
Eyck et les peintres hollandais de natures mortes
employé les couleurs que comme valeurs symbo- « ton » des couleurs.
et d'intérieurs, les frèresLe Nain, Chardin, Ingres,
liques, les utilisant soit pour symboliser diverses
Courbet, Leibl et bien d’autres peintres ont pris Par caractère d’une couleur, j’entends sa place ou
classes sociales ou castes, soit pour caractériser
l'aspect optique et impressionniste de l'usage des sa position à l’intérieur du cercle chromatique ou
symboliquement certaines idées mythologiques ou
couleurs. Leibl surtout, peintre précis et profond, de la sphère des couleurs. Les couleurs pures et
religieuses.
observait d’un œil attentif les modulations de cou- sans mélanges, de même que l’éventail de toutes
En Chine, le jaune, la couleur la plus lumineuse, leurs les plus subtiles que la nature lui offrait et les combinaisons possibles entre elles, donnent
était réservée à l’empereur, le Fils du Ciel. Per- les reproduisait sur sa toile avec lasub-même des caractères de couleur d’un effet unique. La
sonne d'autre que lui n’avait le droit de porter des tilité. Il ne peignait jamais son tableau sans avoir couleur verte, par exemple, peut se mélanger avec
vêtements jaunes, le jaune étant le symbole de la sous les yeux le motif naturel. Les peintres dési- du jaune, de l’orangé, du rouge, du violet, du bleu,
sagesse et de l'illumination suprêmes. Quand les gnés d'une façon générale sous le nom d’impres- du blanc ou du noir et, par chacun de ces mélan-
Chinois s’habillaient en blanc pour le deuil, cela sionnistes, tels que Manet, Monet, Degas, Pissarro, ges, elle acquiert un caractère spécial et unique.
signifiait qu’ils accompagnaient le défunt au Renoir et Sisley ont étudié les couleurs locales des Ainsi, chaque modification d une couleur par des

14
15
Les couleurs en physique couleur complémentaire du vert que nous avions que les couleurs naissent des différences de
isolé. Si nous isolons le jaune, les couleurs res- réactions à la lumière.
tantes rouge, orangé, vert, bleu, violet se résol-
:

vent en la couleur complémentaire, le violet. Nous avons encore à examiner problème impor-
le

Chaque couleur spectrale est complémentaire de tant des pigments. Si l’on place deux filtres colo-
la couleur mixte composée par toutes les autres rés, par exemple rouge et vert, devant une lampe
sans prisme
couleurs du spectre. à arc, on obtient du noir. Le filtre rouge absorbe
Nous ne pouvons pas distinguer les différentes toutes les couleurs du spectre jusqu’au rouge. Le
couleurs qui composent une couleur mixte, alors filtre vert absorbe toutes les couleurs jusqu’au

que le musicien peut percevoir, dans un mélange vert. Ainsi ne reste plus de couleurs disponibles
il

de sons, les sons individuels qui composent la et l’effet réalisé donne du noir.


musique. La couleur d’absorption se nomme également cou-
A Les couleurs naissent d’ondes lumineuses qui sont leur de soustraction. Les pigments sont pour la
rayons solaires fente prisme 0 b
x)\e une espèce particule d’énergie électro-magné- plupart des couleurs de soustraction. Un récipient
oV>
x»\
\ev
,
tique. L’œil humain ne perçoit que des ondes lumi- rouge paraît rouge parce qu’il absorbe toutes les
m'\°
neuses de 400-700 mp. L'unité de mesure des autres couleurs de la lumière et qu’il ne réfléchit
avec prisme longueurs d’onde est le micron. que le rouge.
micron 1/1000 mm Quand nous disons :« Ce pot est rouge », cela
1 1 F ;

signifie en réalité la surface du pot a une compo-


1 millimicron 1 mp 1/1.000.000 mm. :

sition moléculaire telle quelle absorbe tout le


spectre Les longueurs d’onde des couleurs du spectre et
rayonnement lumineux à l’exception du rouge. Le
leur nombre de vibrations par seconde sont les
pot en lui-même est incolore. Ila besoin de lumière
suivants :

Fig. 1. Décomposition de la lumière solaire selon couleurs du spectre. pour paraître coloré.
Couleur longueur d’onde nombre de vibrations Si l’on éclaire du papier rouge, donc une surface

rouge 800-650 mp 400-470 billions qui a absorbé tous les rayons à l’exception du

En 1676, le physicien Isaac Newton montre expé- lumière blanche sur un second écran. La bande orange 640-590 mp 470-520 billions rouge, au moyen d une lumière verte, le papier
rimentalement que la lumière solaire blanche se colorée est née par réfraction. Il y a encore d’au- jaune 580-550 mp 520-590 billions paraît noir, car la lumière verte ne contient pas

décompose, à l'aide d’un prisme à trois arêtes, tres façons de créer physiquement des couleurs ;
vert 530-490 mp 590-650 billions de rouge qui puisse être réfléchi.
selon les couleurs du spectre. citons : l’interférence, la réflexion, la polarisation bleu 480-460 mp 650-700 billions Toutes les couleurs des peintres sont des pig-
Ce spectre contient toutes les couleurs principa- et la fluorescence. indigo 450-440 mp 700-760 billions ments ou des substances colorées.
les, à l’exception de la pourpre. Newton a fait Si Ton partage la bande spectrale en deux parties, violet 430-390 mp 760-800 billions Ce sont des couleurs d’absorption et leurs mélan-
l'expérience de manière suivante (fig 1)
la : par exemple rouge-orangé-jaune et vert-bleu-violet, ges sont soumis aux lois de la soustraction. Un
et si l'on rassemble chacun de ces deux groupes Le rapport des vibrations du rouge au violet est mélange de couleurs complémentaires ou une
La lumière solaire pénètre par une fente et frappe
environ 1 2, c'est donc celui de l’octave.
un prisme à trois arêtes où le rayon lumineux blanc à l’aide de lentilles, on obtient deux couleurs mix- :
composition qui contient les trois couleurs fonda-
décompose selon les couleurs du spectre On tes qui, mélangées à leur tour, donnent du blanc. Chaque couleur du spectre possède une longueur mentales jaune, rouge et bleu selon des propor-
peut recueillir cet éventail de couleurs sur un Deux espèces de lumières qui, mélangées, don- d'onde ; de sa longueur d’onde ou du
l’indication tions déterminées donne du noir c’est un mé-
:

écran où on obtient ainsi une bande spectrale


I nent du blanc, se nomment complémentaires. nombre de ses variations permet de la déterminer lange de soustraction.
Si, dans la bande de couleurs du prisme, nous iso-
ivec exactitude. Les ondes lumineuses en elles- Le mélange correspondant des couleurs du prisme,
colorée. Celle-ci s’étend d’une manière continue,
c’est-à-dire sans interruption, du rouge au violet lons une couleur, par exemple le vert, et si nous mêmes sont incolores. La couleur naît seulement incorporelles, donne du blanc comme mélange
en passant par l’orange, le jaune, le vert, le bleu. rassemblons à laide d'une lentille les autres, dins notre œil ou dans notre cerveau. La percep- d’addition.
tion des ondes lumineuses est un phénomène qui
Si, à l’aide d une lentille, on concentre cette bande rouge, orangé, jaune, bleu, violet, nous obtenons
n a pas encore été expliqué. On sait seulement
colorée, on obtient de nouveau, par addition, une du rouge comme couleur mixte, c’est-à-dire la

16 17
Réalité des couleurs et effet coloré. L'harmonie des couleurs

La réalité des couleurs désigne le pigment de la Plaçons un carré bleu sur un fond noir puis sur
couleur (c’est-à-dire la matière colorante), tel qu’il un fond blanc sur le blanc, le bleu paraît profon-
:

est défini et analysé par la physique et la chimie. dément obscur. Le carré blanc qui l'entoure paraît
Elle reçoit son contenu et son sens humain par la plus clair que dans l’exemple du jaune. Sur le noir,
perception de la couleur transmise par l’œil au le bleu devient plus clair et la couleur en elle-

cerveau. même irradie profondément.


Mais l’œil et le cerveau ne parviennent à des Prenons un carré gris sur fond bleu puis sur fond
perceptions claires que par comparaisons et par orangé. Le carré gris sur fond bleu paraît rougeâ-
contrastes. tre alors qu'il paraît bleuâtre sur fond orangé.
Une couleur ne peut prendre de valeur que par
rapport avec une absence de couleur, telle que le
Si la d’une couleur ne correspond pas à
réalité
blanc ou le gris ou bien avec une seconde
noir, le
son effet, on obtient une expression non harmo-
couleur ou même plusieurs couleurs. La réalité
nique, dynamiquement expressive, irréelle et flot-
physico-chimique de la couleur s’oppose à sa
tante. La possibilité de transformer les formes et
perception psycho-physique.
les couleurs réelles de la matière en vibrations
Cette réalité psycho-physique de la couleur, je la
irréelles permet à l’artiste de donner une expres-
désigne sous le nom d’effet coloré. La réalité de
sion à ce qui ne peut se dire.
la couleur et l'effet coloré ne sont identiques qu’en Parler de l'harmonie des couleurs, c’est porter un L étude des processus physiologiques lors des
Ces phénomènes que nos expériences ont indi-
jugement sur simultanée de deux ou de
cas de consonance harmonieuse. Dans tous les l’action perceptions colorées nous rapproche de la
qués peuvent également être désignés sous le plusieurs couleurs. Les expériences et les essais
autres cas, la réalité de la couleur produit simul- solution.
tanément un effet différent et nouveau. Quelques
nom de simultanéité. La possibilité des transfor- d’accords subjectifs de couleurs montrent que des Si nous contemplons un carré vert, puis si nous
mations simultanées montre qu’il est opportun de
exemples le montreront. personnes différentes peuvent avoir des opinions fermons les yeux, nous voyons comme image rési-
commencer à construire une composition de cou-
On sait qu’un carré blanc sur fond noir paraît plus différentes sur l’harmonie ou sur l’absence d'har- duaire un carré rouge. Si nous contemplons un
leurs sur l’effet coloré et de développer en consé-
grand qu'un carré noir de mêmes dimensions sur monie. carré rouge, c’est un carré vert que nous voyons
quence la nature et la grandeur des taches
fond blanc. Le blanc rayonne et déborde des La du temps, les profanes considèrent
plupart apparaître. Nous pouvons essayer avec toutes les
colorées.
limites, alors que le noir rapetisse. comme harmonieux des assemblages de couleurs couleurs et nous constaterons que l'image rési-
Un carré gris clair sur fond blanc paraît obscur, qui ont un caractère analogue ou qui groupent duaire sera toujours de la couleur complémentaire.
et le même carré sur fond noir paraît clair. Si nous sentons naître en nous-mêmes un thème diverses couleurs de même valeur. Ce sont là des L’œil exige ou produit la couleur complémentaire.
La figure 58 montre un carré jaune sur fond noir particulier, le processus de formation doit suivre couleurs qui sont assemblées sans forts contras- Il essaie de lui-même de rétablir l'équilibre. On
et sur fond blanc. Le jaune sur fond blanc paraît cette sensation primitive dont l’effet est décisif. tes. D'une façon générale, les termes « harmo-
nomme ce phénomène contraste successif.
plus obscur que le blanc et semble avoir une tona- Si la couleur est le support de expression prin-
l
nieux » « non-harmonieux », ne concernent que
lité chaude et douce. Sur le noir, le jaune atteint cipale faut commencer la composition par des
il des sensations « agréables », « désagréables », ou Un second essai consistera à placer sur une cou-
une plus grande clarté et acquiert une expression taches de couleur, et les lignes naîtront alors des - sympathiques », * antipathiques ». De tels juge- leur pure un carré gris clair de la même valeur de
d'un caractère froid et agressif. taches. dessine d’abord les lignes, puis
Si l'on ments ne font qu’exprimer des opinions person- clarté. Ce au gris rougeâtre sur le vert,
gris vire
Figure 59 un carré rouge sur fond noir et sur
: qu’on y ajoute les couleurs, on n’obtiendra jamais nelles, sans grande valeur objective. au gris verdâtre sur le rouge au gris jaunâtre
;

fond blanc. Sur le blanc, le irouge paraît très un effet coloré ayant de l’unité et de la force. Les I notion d'harmonie des couleurs doit se libérer
«i sur le violet et au gris violacé sur le jaune. Pour
obscur et sa luminosité s’exprime difficilement. En couleurs ont des dimensions et un rayonnement du conditionnement subjectif goûts, impres- chaque couleur, le gris paraît virer à la couleur
revanche, le rouge sur fond noir brille et rayonne propres elles donnent aux surfaces d’autres va- sions et s’ériger en une loi objective. complémentaire. Les couleurs pures ont aussi ten-
chaudement. leurs que les lignes. Harmonie signifie équilibre, symétrie des forces. dance, une près de l’autre, à glisser vers leurs
l

18 19
complémentaires. Ce phénomène se nomme con- carré gris moyen sur fond gris, l’image résiduaire nation. Il n’est donc pas nécessaire que toute Pour trouver toutes les harmonies possibles, il

traste simultané. qui apparaît pas différente du carré gris


n’est composition colorée soit harmonieuse. Quand faut rechercher les combinaisons possibles réali-
Le contraste successif et le contraste simultané moyen. Cela prouve que le gris moyen correspond Seurat disait « L’art est harmonie »,
: confondait il sables dans l’ensemble des couleurs. Plus l’ordon-
démontrent que l'œil exige un équilibre et n’est a l’état d'équilibre exigé par notre sens optique.
un moyen artistique avec le sens du mot art. nance est simple, plus l’harmonie est claire ou
satisfait que si la loi des complémentaires est Les phénomènes produits par la substance visuelle Il est facile de concevoir que non seulement la évidente. Nous avons trouvé deux groupes princi-
réalisée. Mais faut encore examiner ces phéno-
il provoquent des sensations psychiques correspon- paux d'harmonies les cercles chromatiques de
position des couleurs les unes par rapport aux :

mènes sous un autre point de vue. dantes.


autres, mais également leurs rapports quantitatifs, même valeur (couleurs de même clarté ou de
Le physicien Rumford fut le premier à affirmer en, Dans notre appareil sensitif optique, l’harmonie leur pureté et leur clarté ont une grande impor- même obscurité) et les triangles de couleurs de
1797 dans le Nicolson-Journal que les couleurs correspond donc à un psycho-physique d'équi- état tance. même ton (il s’agit des mélanges d’une couleur
n étaient harmonieuses que si leur mélange don- libre où dissimilation et assimilation de la sub- avec du blanc ou du noir). Les cercles de même
nait du blanc. En tant que physicien, se fondait il stance visuelle sont d’égale importance. Le gris valeur engendrent des harmonies de couleurs de
Le principe fondamental de l'harmonie dérive de la
sur l’étude du spectre. Nous avons dit au chapitre neutre, par exemple, engendre cet état. Nous pou- divers tons, les triangles engendrent des harmo-
loi des complémentaires exigée par la physiologie.
de la physique des couleurs qu’il est possible vons obtenir ce gris neutre soit en mélangeant du nies de couleurs de même ton. »
Dans son traité des couleurs, Goethe écrivait à
d’isoler une des couleurs spectrales, le rouge par noir et du blanc, soit en mélangeant deux couleurs Quand Ostwald écrit « Nous appelons harmo-
« Quand
:

propos de la tonalité et de l’harmonie :

exemple, et de rassembler les autres rayons de complémentaires et du blanc, soit en mélangeant nieux des groupes de couleurs qui produisent un
l'œil perçoit la couleur, est aussitôt mis en action,
il
lumière colorée, jaune, orangé, violet, bleu et vert plusieurs couleurs qui contiennent les trois cou- effet agréable », cela prouve que son appréciation
et il est conforme à sa nature de faire surgir sur-
au moyen d’une lentille. L’addition de ces couleurs leurs fondamentales jaune, rouge, bleu, selon des de l’harmonie est parfaitement subjective, La
le-champ une autre couleur aussi inconsciemment
donne du couleur complémen-
vert, c’est-à-dire la proportions voulues. notion d’harmonie des couleurs doit sortir du cadre
de couleur rouge que nous avions isolée.
que cela est nécessaire et cette couleur renfer-
taire la Les paires de couleurs complémentaires contien- ;

des conditions subjectives et devenir une loi


mera, avec la couleur donnée, la totalité du cercle
nent en elfet les trois couleurs fondamentales : objective.
Une couleur que l’on mélange à sa couleur com- chromatique. Par son impression spécifique, une
rouge : vert - rouge (jaune et bleu)
plémentaire donne physiquement la totalité des
:

bleu orangé bleu


couleur isolée excite dans l’œil une tendance à Quand Ostwald écrit harmonie = composition »
: «
: = (jaune et rouge)
couleurs, donc le blanc, et pigmentairement ce :
l’universalité. Pour devenir conscient de cette tota- et quand entend par compositions de couleurs
il
jaune : violet jaune (rouge et bleu)
mélange donne du gris noir. :

lité, pour se satisfaire soi-même, cherche à côté


il
harmonieuses les cercles chromatiques de même
C'est pourquoi l’on peut dire qu'une composition
Le physiologiste Ewald Hering a dit « Au de tout espace coloré un espace qui ne le soit pas
gris :
valeur et les triangles de couleurs de même ton,
moyen ou neutre correspond l’état de la substance de deux couleurs ou plus donne un mélange gris
afin d’y faire surgir la couleur désirée. C’est ici la iloublie les lois physiologiques de l’image rési-
dans lequel la dissimilation
si elle possède les trois couleurs
fondamentales.
visuelle détériora- loi fondamentale de toute harmonie de couleurs. » duaire et de la simultanéité.
tion de la substance par la vue —
et l’assimilation ,
Jaune, rouge et bleu peuvent donc être considé-
rées comme la totalité des couleurs qui peuvent
A propos de l’harmonie des couleurs, le théoricien
régénération de la substance visuelle sont Wilhelm Ostwald a écrit dans son ABC des
exister. Pour être satisfait, œil exige cette tona- Le cercle chromatique est un élément fondamental
de même importance, de sorte que la quantité de I

couleurs * L’expérience enseigne que certains


:

lité on est alors en présence d'un équilibre har- de l’enseignement esthétique des couleurs, car il

substance visuelle demeure la même. C’est-à-dire ;


assemblages de couleurs produisent un effet
monieux. représente le classement des couleurs. Puisque le
que le gris moyen crée dans l’œil un état d'équi- agréable, d’autres un effet désagréable ou qu’ils peintre travaille avec des pigments colorés, sa
libre parfait. »
Deux ou plusieurs couleurs sont harmonieuses laissent indifférents. La question est de savoir conception des couleurs doit être fondée sur les
Hering a montré que cerveau exigent le
l'œil et le lorsqu’elles donnent un mélange gris neutre. pourquoi. La réponse est la suivante produisent :
lois du mélange des couleurs pigmentaires. Deux
gris moyen et qu en son absence, ils deviennent Tous les autres mélanges de couleurs qui ne don- un effet agréable les couleurs entre lesquelles couleurs placées l’une en face de l’autre doivent
inquiets. Si nous contemplons un carré blanc sur nent pas de gris sont de nature expressive et non existe une relation, c’est-à-dire une ordonnance être complémentaires et donner du gris par leur
fond noir, l’image résiduaire qui apparaît lorsque harmonieuse. existe en peinture de nombreux conforme à une loi. Si celle-ci est absente, elles
Il
mélange. Ainsi dans mon cercle chromatique, le
nous détournons les yeux est un carré noir. Si chefs-d’œuvre oùi accent est mis uniquement sur
I produisent un effet désagréable ou laissent indiffé- bleu s’oppose à l'orangé car le mélange de ces
nous contemplons un carré noir sur fond blanc, l’expression dans l’optique ici définie, la compo-
: rent. Nous nommons harmonieux des groupes de deux couleurs donne du gris. Par contre, dans le
c’est un carré blanc qui apparaît comme image sition de leurs couleurs n’est pas harmonieuse. Par couleurs qui produisent un effet agréable. Nous cercle chromatique d’Ostwald, le bleu est placé
résiduaire. L’œil s'efforce de rétablir lui-même un l’emploi exclusif d une couleur déterminée et de pouvons donc énoncer la loi fondamentale sui- face au jaune, ce qui donne un mélange pigmen-
état d'équilibre. Mais si nous contemplons un son expression, leur effet frappe et saisit l’imagi- vante Harmonie
: composition. taire vert.

20 21
jaune Les accords subjectifs de couleurs
jaune vert Jaune orangé

vert orange

bleu rouge
orangé
vert

bleu rouge

bleu violet rouge violet

violet
Fig. 2

La définition de l'harmonie est la pierre d'angle une action statique, c’est-à-dire que le jaune paraît
de la composition harmonieuse des couleurs. Les jaune, le rouge paraît rouge et le bleu paraît bleu. Un jour de 1928, je dictai des accords de couleurs différentes les unes des autres. On
constata avec
proportions quantitatives de couleurs sont égale- L’œil n'exige donc pas d’autres couleurs complé- harmonieux à une classe d’élèves peintres. Ces étonnement que chacun avait une conception dif-
ment d une grande importance. Goethe déjà les mentaires et le mélange des trois couleurs donne accords devaient être peints sur des segments de férente des accords de couleurs harmonieux.
indiquait de la manière suivante, en prenant un gris foncé. cercle dont les dimensions n’étaient pas fixées Obéissant à une inspiration subite, je pris une des
comme base de référence la luminosité des Les couleurs jaune, rouge-orangé, violet et bleu- a priori. Je n’avais pas encore donné de définitions feuilles et demandai à une élève si c’était elle qui

couleurs : vert, de même que les couleurs du carré jaune- des couleurs harmonieuses. Après vingt minutes avait peint ces accords : elle répondit affirmative-

jaune rouge: bleu


: 3:6:8 orange, violet-rouge, violet-bleu et jaune-vert don- de travail environ, une grande agitation naquit dans ment. J’en choisis une seconde, puis une troisième
la classe. J’en cherchai la raison et je reçus cette et une quatrième et la plaçai chaque fois devant
une façon tout à fait générale, on peut dire que nent des accords harmonieux à quatre couleurs.
réponse « Nous pensons tous que les accords son auteur. Je dois préciser que, durant l'exécution
toutes les paires de couleurs complémentaires et Les figures employées ici, le triangle équilatéral, :

tous les accords triples de tons dont les couleurs le triangle isocèle, le carré et le rectangle peuvent que vous dictez ne sont pas des compositions des travaux, je n’avais pas pénétré dans l’atelier.
sur le cercle chromatique divisé en douze parties être réalisées à partir de n’importe quelles cou- harmonieuses. Nous les trouvons désagréables et Je ne pouvais donc pas savoir ce que chacun avait
égales se trouvent en relation à l'intérieur d'un leurs. C’est ainsi que peut faire tourner les
l’on discordants. » peint.

triangle équilatéral ou isocèle, à l’intérieur d’un couleurs en cercle et obtenir de cette façon, au Je répondis « C’est bon
: que chacun peigne les
; Puis je fis aux élèves leurs feuilles devant
tenir
carré ou d’un rectangle, sont harmoni (Fi- lieu du triangle jaune-rouge-bleu, par exemple le accords qu estime harmonieux et agréables. *
il eux, de sorte que l’on puisse voir simultanément
gure 2). triangle équilatéral jaune-orangé, rouge-violet et La classe se tranquillisa immédiatement et tous leurs visages et leurs accords de couleurs. Au
Si, dans ce cercle chromatique, on relie les cou- bleu-vert, ou bien le triangle orangé-violet-vert, ou s'efforcèrent de me montrer que j'avais eu tort premier mouvement d’étonnement succéda l’hila-
leurs jaune, rouge et bleu, on obtient un triangle encore le triangle rouge-orangé, bleu-violet, jaune- dans le choix de mes accords de couleurs. rité, car tous les élèves percevaient une concor-

isocèle. Ce triple accord exprime parfaitement la vert. On peut opérer de même avec toutes les au- Après une heure, je fis étaler sur le sol les travaux dance étrange entre l'expression colorée des
force et la puissance des couleurs. Chaque cou- tres de
figures référence. On trouvera d'autres obtenus. Chaque élève, selon ses goûts person- visages et les accords de couleurs correspon-
leur est rendue avec son caractère spécifique développements à ce sujet dans la section consa- nels, avait peint sur sa feuille plusieurs accords dants. Je conclus cette heure agitée par ces
inchangeable. Dans cet accord, chaque couleur a crée aux accords. •emblables. Mais toutes les feuilles étaient très paroles :« Les groupements de couleurs que cha-

22 23
cun d’entre vous a réalisés représentent une il des accords subjectifs où une couleur don-
y a Le type physique aux cheveux blond-clair, aux L’évolution suivra alors les idées et les lignes
impression subjective. Ce sont des couleurs sub- née s’impose par la quantité s'agit d’accords
: il yeux bleus et à la peau rosée a en règle générale directrices qui sont propres au sujet.

jectives. » dominés par le rouge, le jaune, le bleu, le vert ou des couleurs très pures et souvent un très grand Pour l’éducation deux problèmes entrent
artistique,

Cette première expérience fut suivie de beaucoup le violet donne le ton à l’accord. Nous sommes
qui nombre de caractères de couleurs nettement dif- en considération d’une part l’encouragement et
:

d’autres dans les années ultérieures. alors tentés de dire que tel ou tel individu consi- férents. Le contraste de la couleur-en-soi indique le renforcement des dispositions créatrices de
dère le monde selon une optique rouge, jaune ou le caractère fondamental. Selon la vitalité de l’indi- l’élève et, d’autre part, renseignement des lois
Mais, pour que de telles expériences soient cou-
ronnées de succès, faut que les sujets aient
il bleue. voit toutes les choses comme à travers
Il vidu, les couleurs sont plus pâles ou plus lumi- générales objectives qui régissent les formes et
acquis une sensibilité générale aux couleurs. Si des lunettes colorées et ses impressions et ses neuses. les couleurs, complété d’ailleurs par des études

au préalable on ne s’est pas familiarisé avec les pensées sont également unilatérales. Ce nettement opposé à
type est individu quil’ d’après nature. Les dispositions naturelles sont,
possibilités des couleurs et si l’on n’a pas pratiqué Au cours de mes recherches sur les couleurs sub- aurait les cheveux noirs, la peau brune et les yeux ici encore, renforcées et étendues si l’on fixe au

d’une manière intense un exercice poussé du pin- jectives, j'ai constaté que non seulement le choix bruns. Le noir a ici une fonction importante à rem- début des taches qui s'apparentent aux formes et
ceau et de la couleur, on n’obtiendra pas de et la composition des couleurs, mais également la plir dans l’ensemble de l’accord et les couleurs aux couleurs subjectives.
résultats valables. grandeur des taches et la façon dont elles étaient pures sont interrompues de noir. La force des
Un type physique aux cheveux blonds devrait pein-
Les expériences sur les accords subjectifs doivent orientées peuvent être caractéristiaues. Il y a des couleurs sourd et bouillonne dans les tons
dre des sujets tels que : le printemps, le jardin
être entreprises avec beaucoup de prudence. Il sujets types qui disposent toutes les taches verti- sombres.
d’enfants, baptême, fête des fleurs, matinée au
faut, au début de l’exercice, éviter de dire que l’on calement, d’autres adoptent l’horizontale ou la La formation de la personnalité d’un peintre devrait
jardin etc. Ses études d’après nature devraient
peut, d’après les accords subjectifs de couleurs, diagonale. De même les formes des crânes hu- s'effectuer à partir des dispositions qu’il possède
être multicolores et sans contrastes clair-obscur.
déduire le caractère, le mode de pensée et les mains sont étroites et verticales ou au contraire dans les domaines de la forme et de la couleur.
Un type physique brun devrait avoir pour travail :

sentiments de l’auteur. Beaucoup de gens sont larges et horizontales. L’orientation est une indi-
La connaissance des couleurs subjectives est nuit et lumière dans un local sombre, tempête d’au-
gênés de se montrer tels qu’ils sont. Celui qui tra- cation sur la manière de sentir et de penser. La
d’une importance capitale pour l’éducation et la tomne, enterrement, deuil, orchestre noir etc. Les
vaille professionnellement avec les couleurs a structure de la chevelure peut elle aussi être très
formation artistique. études d’après nature peuvent être exécutées au
souvent de la peine à trouver ses couleurs sub- révélatrice. Les cheveux peuvent être rares et rai-
fusain ou avec des couleurs blanches et noires.
jectives. Parfois les sujets ne réalisent que les des ou bien ondulés en crans rythmés ou encore Un mode d’éducation conforme à la nature devrait
impressions qu’ils souhaiteraient réaliser ils pei- : emmêlés et désordonnés. De même les taches de donner à tout enfant la possibilité de se dévelop- On ne doit donc pas donner à des types différents
per de lui-même selon un processus organique. les mêmes sujets de figures et de fleurs. Ces attri-
gnent leurs couleurs complémentaires ou des couleurs seront pour certains sèches et clairse-
Cela suppose une connaissance de la part des butions différentes, dictées par les conditions sub-
couleurs intéressantes du point de vue de la mode, mées dans leur disposition, pour d’autres elles se
professeurs des dispositions et des possibilités de jectives, sont nécessaires pour permettre aux
au lieu de refléter leur propre personnalité. chevaucheront et se mélangeront dans le désordre.
l’enfant. Les accords de couleurs subjectifs sont élèves de trouver la solution qui corresponde à
Les accords de couleur peuvent être très peu nom- Ce dernier type aura de la peine à penser claire-
un moyen de reconnaître les différents styles de leurs dispositions.
breux, se limitant par exemple à deux ou trois ment et simplement. Ilsera enclin à l’enthousiasme
pensée, de sentiment et d’action que l’on peut ren- Si un élève reçoit un sujet qui lui paraît « étran-
couleurs bleu clair, gris moyen, blanc et noir ou
:
et à l’exaltation.
nous voulons nous une idée de contrer parmi les êtres humains. Aider un élève à ger», essaiera d’arriver à la bonne solution par
il
bien brun foncé-rouge, brun clair-rouge et noir ou Si faire la signifi-
trouver les formes et les couleurs qui correspon- le raisonnement. Mais les connaissances objec-
encore jaune-vert, jaune et brun-noir. cation des accords de couleurs subjectifs, nous
devons observer non seulement les grands carac- dent à sa personnalité, cela signifie le révéler à tives lui faisant défaut, les résultats, dans la plu-
Mais ils peuvent également s'étendre sur une
gamme beaucoup plus vaste jaune, rouge et bleu tères généraux des couleurs et des taches, mais lui-même. Au début, les difficultés paraissent in- part des cas, s’avéreront douteux.
:

et toutes les variations possibles jusqu’à la satu- aussi les plus petites particularités. Pour émettre surmontables, mais faut faire confiance au génie
il Mais lorsque conscience des
les élèves auront pris

ration,ou aussi deux ou plusieurs couleurs pures un jugement, bien entendu, ce n’est pas seulement personnel de chaque individu. Le maître ne doit couleurs qui leur conviennent, ils pourront aborder
la couleur des cheveux, des yeux et de la peau
apporter qu'une aide réduite, mais conforme à la les sept contrastes de couleurs au moyen d’exer-
auxquelles s ajoute tout un éventail de tons aux
nuances diverses. qui est décisive. Le caractère le plus important est nature du sujet, et le faire avec compréhension et cices élémentaires. Ceci est également valable
le rayonnement de l’individu. amitié. Comme un jardinier procure à la croissance pour les nombreux exercices d’enseignement du
Entre les individus qui possèdent une vaste ré-
do ses plantes les conditions les plus favorables, contraste des formes. Ici aussi l’on verra que les
serve de couleurs et ceux dont le domaine en la
Quelques exemples indiqueront divers types IVducateur doit créer pour l’enfant les meilleures élèves ont une préférence marquée et un don pour
matière est très réduit, tous les intermédiaires sont ici
< onditions de développement spirituel et corporel. certains contrastes et qu’ils ont de la difficulté à
possibles. de couleurs possibles.

24 25
saisir d’autres contrastes. Mais il est nécessaire mais j'ai de devenir ébéniste. » Plus
l’intention quoi seule une conscience bien formée des cou- penser, de sentir et d’agir. Les couleurs reflètent
que tout élève reçoive un aperçu des principes tard construisit des meubles cubiques modernes
il leurs et de leurs possibilités peut nous protéger la constitution interne et les structures de l'homme.

fondamentaux, que ceux-ci soient pour lui agréa- et mit au point, en outre, le premier siège moderne contre les vues erronées et bornées du simple Je crois que celles-ci naissent des réfractions et
bles ou non. se produit ainsi en lui des tensions
Il en acier. devint finalement l’un des plus grands
Il goût des couleurs. Si, dans le monde des couleurs, des filtrages de la lumière blanche de la vie et des
naturelles qui provoquent de nouvelles créations. architectes spécialisés dans le béton et le verre. nous pouvons trouver des lois objectives d appli- vibrations électro-magnétiques qui se produisent

Il est utile et sage de procéder, pour chaque cation générale, notre tâche sera de les appro- dans la sphère psycho-physique de l’être humain.
contraste, à des analyses de peintures modernes Un autre élève possédait dans ses compositions fondir. Lorsque l’homme meurt, pâlit. Son visage et son
il

et anciennes de valeur reconnue. Si l’étudiant et ses accords subjectifs du brun-orangé, de l'ocre corps perdent leurs couleurs à mesure que la
découvre les œuvres qui lui parlent directement et brun, du rouge brun et un peu de noir. Les tons Chez les peintres, je distingue trois attitudes diffé- lumière de sa vie s’éteint. La matière morte et sans
qui l’intéressent, en tirera grand profit.
il
verts, bleus, violets et gris étaient totalement ab- rentes face aux problèmes de la couleur : âme du corps est dépourvue de rayonnement
Résultant d’un choix individuel, les peintures feront sents. Comme je le questionnais sur son métier, Premièrement, les « épiçones », ceux qui ne possè- coloré.

désormais figures de « maîtres » et l’étudiant pren- il me sûr de lui


dit, « Je suis ébéniste, »
: avait Il dent pas de couleurs en propre et qui imitent
instinctivement trouvé son véritable métier. maîtres et modèles. Pour exprimer des accords de couleurs, ne suffitil
dra clairement conscience de sa situation et de la
Deuxièmement, le groupe des originaux. Ils pei- pas d évaluer les divers caractères de couleurs et
* famille » à laquelle appartient.ils’apercevra de Il

Pour un troisième élève, les accords de couleurs gnent comme ils sont. Leurs compositions corres- leurs valeurs d’expression individuelles. L’accord
ce que ses « parents » ont fait pour lui et com-
subjectifs composaient de tons violet-clair, pondent à leurs accords subjectifs de formes et est chose la plus importante, puis viennent la
la
ment ils l’ont fait. L’un se sentira plus attiré vers
jaunâtre et brun doré bien accordés ensemble. Par de couleurs. Bien que les sujets varient, l’expres- position des couleurs l'une par rapport à l’autre,
les maîtres du clair-obscur, l’autre vers les maîtres
leur composition, ces couleurs produisaient une sion colorée de leurs tableaux reste toujours la leur orientation, leur clarté, leur luminosité ou leur
de la couleur ou ceux de la forme, ceux de la
construction architectonique. Les fortes opposi- sorte de rayonnement, d'aura, et traduisaient une même. tonalité sourde, les rapports quantitatifs, les struc-

tions colorées des expressionnistes ou la ten-


grande puissance de concentration. La touche de Dans son « Léonard de Vinci
Traité de peinture », tures et les relations rythmiques des couleurs.
jaune illuminant le violet indiquait que la pensée attirait l’attention sur ce groupe de peintres Les gens dont le métier est de travailler avec les
dance des tachistes à dissoudre la forme provo- :

de l'auteur s orientait vers le religieux. était Il « Comme ces peintres sont ridicules Ils donnent couleurs et les teintures ont souvent tendance à
queront le goût des uns ou des autres. !

sacristain dans une grande église et c’était un à leurs personnages des têtes trop petites parce porter des jugements subjectifs fondés sur leurs
excellent graveur sur or et sur argent. qu’ils ont eux-mêmes des têtes trop petites. * Ce goûts personnels. Cela entraîne parfois des dis-
La totalité d’un être peut rarement se trouver saisie
Un homme ne pourra pleinement se réaliser et ne que Léonard de Vinci disait des proportions sub- cussions et des divergences désagréables si un
dans toute sa plénitude par les seuls accords sub-
fournira des travaux de qualité que dans le métier jectives, je l’applique également au domaine des jugement subjectif s’oppose à un autre jugement
jectifs. C’est tantôt sa part corporelle, tantôt sa
qui correspondra à sa constitution et pour lequel couleurs. subjectif. Mais existe, pour résoudre de nom-
il

part spirituelle ou intellectuelle qui se trouve pro-


ilpossédera les dons nécessaires. Troisièmement, le groupe des universels ». Ces breux problèmes, des données objectives plus
jetée, et parfois de nombreuses combinaisons de
artistes ont une conception objective et très large importantes que les appréciations subjectives.
celles-ci. Tout cela varie selon le tempérament et
J’ai demandé à de nombreuses personnes de por- de la composition. Selon le sujet à traiter, chacune C’est pourquoi un boucher devrait tenir son maga-
le caractère dominant de l’individu envisagé. Les
ter un jugement objectif sur les quatre accords de de leurs compositions adopte une expression sin dans des tons vert clair et bleu-vert ferait : il

professeurs, les médecins, les conseillers profes-


couleurs qui caractérisent les quatre saisons et colorée différente. Ce groupe a, bien entendu, très ressortir ainsi l’aspect rouge et frais de la viande.
sionnels peuvent se servir des couleurs subjec-
j’ai trouvé remarquable que personne ne se trompe peu de représentants en effet, ces peintres doi- Une confiserie sera de préférence orange pâle,
tives et en tirer d'utiles conclusions.
;

dans l’attribution de chaque composition à la sai- vent posséder dans leurs accords subjectifs de rose, blanche avec une touche de noir pour exciter
Un élève avait pour couleurs subjectives le violet correspondante. Cela me prouve que dans couleurs toute la gamme chromatique, et cela se le désir des sucreries. Un dessinateur publicitaire

clair, le bleu clair, le gris-bleu, le jaune, le blanc l’homme, outre le jugement du goût, existe un il produit très rarement. Ils doivent de plus avoir une exécutant un emballage à rayures jaunes et blan-
et une touche de noir. Sa tension fondamentale, organe d appréciation plus élevé qui, dès qu’on intelligence fort développée qui leur permette ches pour le café ou à pois bleus pour des spa-
son « tonus » était dur, froid, et légèrement sec. l’interroge, approuve ce qui est exact d'une façon d’obtenir une vision très vaste du monde. ghetti se tromperait, car les caractères de la

Lorsqu’il me demanda quelle carrière il devait choi- générale et maintient dans ses limites le jugement couleur et de la forme ne correspondent pas aux
sir, je lui des rapports tout naturels
dis qu’il avait du goût, reposant sur la seule sensibilité. Cet Si lesaccords subjectifs de couleurs nous rensei- sujets.

avec le métal, et particulièrement avec l'argent et organe de jugement plus élevé appartient sans gnent sur la vie intérieure de l’homme, ces mêmes Un jardinier se trouve, lui chaque jour
aussi, placé
le verre. « Vous avez peut-être raison, répondit-il, aucun doute au domaine de la raison. C’est pour- accords traduisent très largement sa façon de devant des problèmes importants de forme et de

26 27
couleurs. Il doit croissance de ses
surveiller la des marchandises aux couleurs marquées, car Enseignement de la construction des couleurs
plantes, la forme et les rapports quantitatifs de chaque couleur peut avoir une influence simulta-
même que les couleurs des fleurs, des feuilles et née sur l’effet d’une autre couleur. De même, les
des fruits. doit également prendre en considé-
Il locaux où sont exposés des marchandises dont
ration le terrain, les plantes environnantes, les on doit juger les couleurs devraient toujours être
pierres, les conditions d’ombre et de lumière, s’il tenus dans des tons gris et neutres.
veut obtenir des effets réussis avec ses planta- L’employé d’une fabrique de textiles chargé du
tions. Ilne doit pas employer exclusivement ses choix des coloris devrait connaître les lois géné-
couleurs préférées et les espèces de fleurs qu'il rales de la couleur et de la forme. Plusieurs fois
aime. Ce serait une erreur de planter des pieds par an, doit établir de nouvelles collections de
il

d'alouette au bas d’une paroi de bois brun ou des coloris à la mode. Si ces coloris à la mode sont
fleurs jaunes devant un mur blanc, car ces arrière- voisins de ses accords subjectifs, n’aura pas de
il

pians influenceraient désavantageusement l'effet peine à trouver les tons nécessaires et sa collec-
coloré des fleurs. tion sera convaincante et couronnée de succès.
L’exécution des bouquets dépend sans doute des Mais si les couleurs exigées par la mode heurtent
saisons et des fleurs dont on peut disposer, mais, ses couleurs subjectives, fera sans plaisir son
iil

malgré ces limitations, il faut toujours trouver la échantillonnage et aura de la pèine à assembler
solution objective qui convient à l’occasion et ne des coloris conformes à mode.
la

pas résoudre les problèmes d’après des goûts Si les tons gris et bleus dominent dans les cou- L’enseignement de la construction des couleurs Tout ce que la raison construit n’est donc pas, en
personnels. Pour un mariage, la décoration florale leurs personnelles d’un architecte, il est « par comprend les fondamentales des effets de
lois art, ce qui joue le rôle le plus décisif. La sensation

doit être rayonnante et, outre le rouge et le rose couleurs, telles qu elles résultent de l’intuition. intuitive se place au-dessus d’elle, car elle mène
nature » concevoir des locaux d’habita-
incliné à
dictés par la sensibilité, elle devra comporter tion et de commerce sur toute la gamme des tons Rainer Maria Rilke demandait un jour à Rodin : au royaume de l'irrationnel et du métaphysique,
toutes les couleurs lumineuses. Pour un baptême, gris et bleus, car ces couleurs lui plaisent parti- Cher maître, comment se déroule chez vous le qu’aucune formule chiffrée ne peut saisir. Les con-
personne n’emploiera des couleurs violettes, bleu culièrement Les clients qui ont les mêmes affinités processus de travail lorsque vous réalisez une sidérations logiques et intellectuelles ne sont donc
foncé ou vert foncé on choisira à dessein des de couleurs s'en réjouiront, mais ceux qui sont œuvre nouvelle ? » Rodin répondit « D’abord, je : qu'un véhicule qui nous portera jusqu’au seuil d'un
;

petites fleurs tendres et claires de couleur blan- plus portés sur l'orange ou le vert seront désa- ressens une impression intense qui se concentre nouveau devenir.
che, bleu clair, rose, jaune pâle et vert pâle. Un gréablement impressionnés par des locaux gris ou de plus en plus et qui me force intérieurement à Qui veut emprunter ce véhicule fera bien de pein-
fleuriste chargé de la décoration du jubilé d’une bleus et s’y sentiront mal à l’aise. Aujourd’hui, il
lui donner une forme plastique. Alors, je com- dre au pinceau les exercices et les motifs que je
société composera des bouquets massifs et un est généralement admis que les architectes con- mence à faire des plans et à construire. Enfin, je vais proposer dans les pages qui suivent. Les

peu impersonnels à l’aide de grandes fleurs aux çoivent les grands ensembles d'habitation sur une m'abandonne de nouveau tout entier à la sensation illustrations ne donnent que des bases élémen-

couleurs marquées où interviendront des feuillages couleur unique. Ils devraient savoir que seuls les pour l’exécution et m’arrive qu’elle m'oblige à
il taires, et l’exercice et le travail sont nécessaires
verts prêtant à l’ensemble une impression de force, gens ayant les mêmes goûts de couleurs pourront modifier ce que j'avais construit. » au débutant s’il veut éviter de rester enlisé dans
d'ordre et de solennité. s’y sentir bien et que tous ceux qui ont des dispo- Cézanne disait : « Je vais au développement logi- la théorie.

Pour servir une clientèle sensible aux couleurs, sitions différentes se sentiront plus ou moins que de ce que je vois dans la nature. » Pour comprendre les chapitres « Harmonie des
les vendeurs auront plus de succès s’ils cherchent agressés. Un individu sensible aux couleurs peut Avant d'exécuter ses peintures, Matisse, qui appa- couleurs », « Accords de couleurs », « Effet spatial
à connaître le goût des clients au lieu de s’inspirer se sentir blessé psychiquement par des couleurs remment se laissait le plus guider par son intuition, de la couleur » et « Composition », est particu-
il

de leurs goûts personnels. Lorsqu'une cliente qui ne lui sont pas sympathiques. en faisait de petites esquisses où fixait le choix
il lièrement recommandé de travailler les exercices
cherche une couleur d’un ton déterminé, la ven- et la répartition des couleurs. Comme Rodin et indiqués dans le texte, car le cadre de cette édition
deuse devrait savoir quelles sont les couleurs qui comme beaucoup d’autres peintres, faisait donc il abrégée ne permet qu'un nombre restreint d’illus-
peuvent simultanément soutenir, affaiblir ou modi- une composition de couleurs raisonnée et calculée trations.

fier la couleur demandée. C est pourquoi la cliente qu'il incorporait ou rejetait au cours de l’exécution

ne devrait jamais avoir dans son champ de vision selon les intuitions qui lui venaient alors.

28 29
Le cercle chromatique en douze parties

Comme introduction à l'enseignement de la cons-


truction des couleurs, nous expliquons le cercle
chromatique en douze parties issu des trois cou-
leurs primaires jaune, rouge et bleu (figure 3).
:

Nous savons que l’individu normal est capable de


distinguer un rouge qui ne soit ni bleuâtre, ni jau-
nâtre, un jaune qui ne soit ni verdâtre, ni rougeâtre,
et un bleu qui ne soit ni verdâtre, ni rougeâtre.
Pour vérifier chaque couleur, est sage de placer
il

celle-ci sur un fond neutre, c’est-à-dire gris.


Les couleurs primaires sont à choisir très soigneu-
sement.
Plaçons dans un triangle équilatéral les trois cou-
leurs primaires : jaune en haut, le rouge en bas
le

et à droite et le bleu en bas et à gauche. Le trian-


gle est inscrit dans un cercle où nous construisons
un hexagone. Dans les triangles restants, nous
plaçons les trois mélanges chacune de ces cou-
:

leurs mixtes est constituée par deux couleurs


primaires. Nous obtenons ainsi les couleurs secon-
daires suivantes : Fig. 3 Cercle chromatique en douze parties.

30
jaune et rouge orange On peut à tout moment imaginer une représenta- Les sept contrastes de couleurs
jaune et bleu — vert tion exacte de ces douze couleurs et toutes les
rouge et bleu violet. variations sont faciles à classer.

Les trois couleurs secondaires doivent être mélan-


Etablir des cercles chromatiques de 24 ou même
gées avec beaucoup de précision elles ne doivent :

de 100 parties me semble être un non-sens et une


tendre ni vers une, ni vers l’autre des couleurs
l

perte de temps. De plus, ce procédé est sans


primaires. L'expérience montre qu'il est assez diffi-
valeur pour un artiste coloriste quel peintre pour-
cile de trouver les mélanges secondaires. L'orangé
:

rait se représenter, sans autre moyen auxiliaire,


ne doit être ni trop rouge, ni trop jaune ; le violet
vert ne la couleur n° 83 du cercle chromatique en 100
ne doit être ni trop bleu, ni trop rouge ;
le
que parties ?
doit être ni trop jaune, ni trop bleu une fois
Tant que les notions que nous avons des couleurs
le mélange est fait.
ne correspondent pas exactement à des représen-
Ensuite, à une distance convenable du premier
tations colorées, aucune discussion utile ne peut
cercle, nous traçons un second cercle de façon à
avoir lieu sur les couleurs, faut voir les douze
former une bande circulaire que nous divisons en
fl

couleurs du cercle avec la même précision que le


douze tranches égales. Dans cet anneau nous
musicien entend! les douze notes de la gamme.
plaçons, aux endroits correspondants, les couleurs
Delacroix avait installé sur un des murs de son
primaires et les couleurs secondaires en laissant
atelier un cercle chromatique accompagné, pour
un espace vide entre chaque couleur.
Nous disposons alors dans les places vides les chaque couleur, de toutes les combinaisons possi-
bles. Les impressionnistes Cézanne, van Gogh, On de contrastes lorsque l’on peut constater,
parle sa valeur de formation, son action optique, expres-
couleurs tertiaires composées des mélanges d’une
Signac, Seurat et bien d autres considéraient Dela- entre deux effets de couleurs qu’il faut comparer, sive et constructive, que nous pouvons reconnaître
couleur primaire avec une couleur secondaire.
croix comme un grand maître de la couleur. C’est des différences ou des intervalles sensibles. Lors- en lui les possibilités fondamentales de la compo-
Nous obtenons les couleurs suivantes :

que ces différences atteignent un maximum, on sition des couleurs.


Delacroix et non Cézanne qui est le fondateur de
jaune et orange = jaune-orange
cette orientation de la peinture moderne qui s’ef- parle de contrastes d’opposition ou de contrastes Goethe, Bezold, Chevreul et Hôlzel ont souligné
rouge et orange = rouge-orangé
force de construire ses œuvres sur des principes polaires. Ainsi, les oppositions chaud-froid, blanc- l’importance des divers contrastes de couleurs et
rouge et violet = rouge-violet
objectifs, compréhensibles d une façon logique, et noir, poussées à l'extrême, sont des
petit-grand, Chevreul a écrit tout un livre sur le « Contraste
bleu et violet = bleu-violet
d'introduire ainsi en elles plus d’ordre et plus de contrastes polaires. Tout ce que nous pouvons simultané ». Jusqu'aujourd’hui, nous manquions
bleu et vert bleu-vert
vérité. percevoir par nos sens s'effectue par des compa- d une introduction claire et fondée sur la pratique
jaune et vert jaune-vert. raisons. Une ligne nous paraît longue parce qu’une et les exercices pour expliquer les effets particu-
ligne plus petite se trouve à côté d'elle mais la liers des contrastes de couleurs. L’étude que j’ai
Nous obtenons de cette façon un cercle de douze ;

couleurs équidistantes dans lequel chaque couleur


même ligne nous paraît courte si c’est une ligne faite des contrastes de couleurs constitue un élé-

occupe une place non interchangeable (figure 3). plus longue qui l’accompagne. De même les effets ment important de la théorie des couleurs.
Les couleurs se succèdent dans ordre des cou- I
de couleurs peuvent s'intensifier ou s’affaiblir par
des contrastes colorés. Les sept contrastes de couleurs sont :

leurs spectrales ou des couleurs de l'arc-en-ciel.


Isaac Newton a obtenu ce cercle chromatique per- Cuand nous recherchons les modes d’action carac- 1. Contraste de la couleur en soi
manent en ajoutant aux couleurs spectrales du téristiques des couleurs, nous constatons la pré- 2. Contraste clair-obscur
prisme le pourpre qui était absent, Le cercle chro- sence de sept contrastes de couleurs différents. 3. Contraste chaud-froid
matique a donc subi une adjonction constructive. Cos contrastes sont régis par des lois si différen- 4. Contraste des complémentaires
tes que chacun d eux doit être étudié en particulier. 5. Contraste simultané
Les douze couleurs sont diposées à intervalles
réguliers et les couleurs qui se font face sont
( hacun des sept contrastes est si particulier et si 6. Contraste de qualité
complémentaires. différent des autres dans ses caractères spéciaux, 7. Contraste de quantité.

32 33
Contraste de la couleur en soi expression réelle et concrète. Si le triple accord
jaune, rouge, bleu renferme le plus fort contraste
de la couleur en soi, est bien entendu que toutes
il

les couleurs pures et non mélangées peuvent for-


mer un contraste de cette espèce (figure 6).
Par des modifications de valeurs clair-obscur, le
contraste de la couleur en soi atteint un nombre
infini de nouvelles valeurs d’expression (figure 7).

e plus, les rapports quantitatifs de couleurs peu-


vent subir des modifications. Le nombre des varia-
tions est immense conséquence,
et, en est il

possible de varier à l’infini l'expression de l’ac-


cord. C’est le sujet ou le goût subjectif de l’artiste
qui décide si l’accord se compose de surfaces
colorées plus grandes ou plus petites ou si l’ac-
cord doit contenir plus de blanc ou plus de noir.
Comme le montre les illustrations proposées pour
Le contraste de la couleur en soi est le plus simple la réalité et l’effet des couleurs, le blanc affaiblit

des sept contrastes de couleurs. n’exige pas de


Il la luminosité des couleurs et les rend plus ternes,

grands efforts de la vision, car, pour le représen- alors que le noir augmente leur luminosité et les
ter, ilest possible d’employer n’importe quelle fait paraître plus claires. C'est pourquoi le blanc
couleur pure et lumineuse. et le noir jouent un rôle particulièrement important
De même que l’opposition noir-blanc marque le dans les compositions colorées (figure 5).
plus fort contraste de clair-obscur, le jaune, le Pour les exercices, le choix des surfaces colorées
rouge et le bleu sont les expressions les plus est tout à fait libre. Mais cette façon de faire peut
fortes du contraste de la couleur en soi (figure 4). se révéler très dangereuse. L’élève chercherait
Pour représenter ce contraste, nous avons besoin aussitôt à trouver des formes intéressantes au
d’au moins trois couleurs nettement différenciées. lieu d étudier les intensités et les tensions récipro-
L’effet qui en résulte est toujours multicolore, ques des taches de couleurs. dessinerait des
Il

franc, puissant et net. La force d’expression du taches, mais cette peinture qui dessine est l’enne-
contraste de la couleur en soi diminue au fur et à mie de toute création colorée et devrait être évitée
mesure que les couleurs employées s'éloignent à tout prix. Nous employons ici, dans la plupart
des trois couleurs primaires. des exercices, de simples bandes ou des damiers.
C’est ainsi que le caractère de l’orangé, du vert La figure 8 montre un exercice exécuté sur un
et du violet est moins marqué que celui du jaune, damier employant le jaune, le rouge, le bleu, le
du rouge et du bleu. L’effet des couleurs tertiaires blanc et le noir. L’élève doit disposer les couleurs
est encore moins sensible. Lorsque les différentes selon deux directions pour développer le sentiment
couleurs sont séparées par des traits noirs ou des tensions de taches colorées. La figure 9 mon-
blancs, leurs caractères particuliers sont mis en- tre des couleurs très lumineuses, éclairées et
core plus nettement en évidence. Leur rayonne-
ment et leurs influences réciproques sont alors
largement neutralisés et chaque couleur revêt une Fig. 4 à fig. 10 Contraste de la couleur en soi.

34
assombries de taches noires et blanches. En déve- Le tableau de Boticelli « La Déploration du Christ Le contraste clair-obscur
loppant l'accord représenté en figure 6, l’élève qui se trouve à la pinacothèque de Munich, permet
peut trouver des couleurs lumineuses nécessaires au contraste de la couleur en soi de mettre en évi-
pour l'exercice de la figure 10. dence toute la puissance du procédé. L'ensemble
Des résultats très intéressants se font jour lorsque des couleurs, considéré comme un tout, symbolise
l’on prend une certaine couleur comme couleur un instant dans le temps dont l’importance est uni-
principale et que l’on ajoute les autres couleurs en verselle et éternelle.
petites quantités pour souligner le ton central. Le On s’aperçoit que chaque contraste de couleurs
caractère expressif de l’accord se trouve mieux possède sa propre force d’expression, différente
mis en valeur si Ton met en relief une seule cou- de toutes les autres. Le contraste de la couleur en
leur. Nous conseillons de faire des compositions soi peut tout aussi bien exprimer une joie débor-
libres correspondant à l'exercice géométrique. dante qu’une profonde tristesse, la vie primitive
que l'universalité cosmique.
Le contraste de couleur en soi apporte la solu-
la

tion à de nombreux sujets en peinture. Il exprime Parmi les peintres modernes, Matisse, Mondrian,
la vie bouillonnante, le jaillissement d’une force Picasso, Kandinsky, Léger et Miro ont très souvent
lumineuse. Les couleurs pures primaires et secon- fait des compositions fondées sur le contraste de

daires expriment toujours un rayonnement cos- la couleur en soi. Matisse en particulier a composé

mique primitif et en même temps une réalité solen- des natures mortes et des portraits employant la
nelle et matérielle. C'est pourquoi elles s'emploient diversité et la force d’expression de ce contraste.

aussi bien pour un couronnement céleste que pour Prenons comme exemple son portrait de femme,
« Le collier d’ambre ». Pour peindre ce tableau,
une nature morte réaliste. La lumière et les ténèbres, le clair et l’obscur sont lonnent sur une gamme continue entre le blanc et
Les arts populaires sont souvent la source de Matisse a employé des couleurs pures rouge, :

des contrastes polaires et ont une importance le noir.


contrastes de la couleur en soi. Les broderies mul- jaune, vert, bleu, rouge-violet, blanc et noir. L’ac- dépend
fondamentale pour la vie humaine et la nature Le nombre des degrés de gris différents
ticolores, les costumes folkloriques, les cérami- cord de ces couleurs lui permit d’exprimer la pré-
entière. Pour les peintres, le blanc et le noir sont de l’acuité de l'œil et du seuil de sensibilité de
ques prouvent cette joie naturelle que produisent sence d’un être à la fois jeune, sensuel et réfléchi. développer cette
les plus forts moyens d’expression pour le clair et chaque individu. L’exercice peut
les effets colorés. Au début du Moyen Age, les Les peintres du « Cavalier bleu », Kandinsky,
l’obscur. Le blanc et le noir sont, du point de vue sensibilité et le nombre des tons perceptibles aug-
miniaturistes ont employé avec de très nombreu- Franz Marc et August Macke, ont à leurs débuts
de leurs effets, totalement opposés ;
entre ces mente en conséquence. Une surface grise, unie et
ses variantes le contraste de la couleur en soi, travaillé presque exclusivement avec le contraste
deux extrêmes s’étend tout le domaine des tons paraissant terne peut s’animer au moyen de modu-
moins pour des raisons de nécessités spirituelles de la couleur en soi.
gris des tons colorés. Nous devons étudier
et lations imperceptibles qui donnent finalement nais-
que pour le simple plaisir de la décoration multi- Parmi les exemples innombrables de contrastes aussi complètement que possible les problèmes sance à une vie mystérieuse. Cette possibilité est
colore. Le contraste de la couleur en soi est éga- d'une grande importance pour les tableaux et les
de la couleur en soi, je recommande les tableaux de clair-obscur posés par le blanc, le noir et le
lement très fréquent dans les vitraux sa force
:

suivants : gris, mais aussi les problèmes de clair-obscur esquisses, mais elle exige du peintre une parfaite
brute s'affirme en opposition avec les formes plas- d’Ephèse Apocalypse de Saint Sever posés par les couleurs pures et les relations qui sensibilité aux différences de valeurs entre les
« L’église ».
tiques de l’architecture. Bibliothèque Nationale. peuvent exister entre ces deux sortes de problè- tons.
(ir siècle). Paris.

Stefan Lochner, Fra Angelico, Boticelli et d’autres « Le couronnement de Marie ». Enguerand Cha- mes leurs solutions nous donneront en effet des
;
Le gris neutre est une absence de couleurs, indif-

peintres ont construit leurs tableaux sur le con-


e
ronton (15 siècle). Villeneuve-lès-Avignon, Hôpital. indications précieuses sur le travail de la création férente etdépourvue de caractère. subit Il facile-

« Chevauchée de la fête de mai ». Les très riches artistique. ment l’influence des contrastes de tons et de
traste de la couleur en soi.
heures du Duc de Berry. Paul de Limbourg (1410). Le ton le plus noir est le velours noir et le ton le couleurs. est muet, mais est facilement trans-
Le meilleur exemple de remploi de ce contraste Il il

dans toute sa perfection est » La résurrection » Chantilly. Musée Condé. plus blanc est le sulfate de baryte. Il n'y a qu’un formable en tons splendides.
de Grunewald. C’est ici que le contraste déploie « Composition 1928 ». Piet Mondrian (1872-1944). noir maximal et un blanc maximal, mais il existe L'action de n’importe quelle couleur peut faire pas-

sa force d’expression la plus universelle. Collection Martin Stam. une infinité de tons gris clairs et foncés qui s’éche- ser le gris d’une absence de couleur ou d’une

36 37
couleur neutre à son effet complémentaire corres-
pondant. Cette transformation s’effectue de façon
subjective dans l’œil mais ne se produit pas objec-
tivement dans les tons de couleurs eux-mêmes.
En lui-même, le gris est neutre, mort et sans ex-
pression. ne reçoit de la vie que par la proximité
Il

des autres couleurs, qui lui donnent alors un carac-


tère. Il en affaiblit la force et les adoucit. Il peut
servir de lien neutre entre de violentes oppositions
de couleurs en aspirant leur force,
;
devient lui-
il

même vivant comme un vampire. C’est pour cette


raison que Delacroix refusait de se servir du gris
qui, selon lui, nuisait à la force de la couleur.

On peut obtenir du gris soit en mélangeant du


blanc et du noir, soit en mélangeant du jaune, du
rouge, du bleu et du blanc, soit en mélangeant
n'importe quelle paire de couleurs complémen-
taires.
Nous faisons tout d’abord une gamme de douze
tons de gris différents allant du blanc au noir. Il
est important que la gradation des tons soit régu- 11 12
lière. Le gris moyen clair doit se trouver au milieu
de la gamme. Les types physiques blonds ont ten-
dance à employer des tons trop clairs, les types
physiques bruns ont tendance à employer des tons
trop foncés.
Les différents tons de la gamme doivent présenter
une surface parfaitement unie et régulière et ne
devraient être séparés ni par une ligne claire, ni
par une ligne foncée. Ces gammes de tons peuvent
être faites pour chacune des couleurs pures ;

prenons, par exemple, la gamme des tons bleus :

avec le noir, nous obscurcissons le bleu jusqu’au


bleu foncé, avec le blanc, nous l’éclaircissons
jusqu’au bleu pâle.

Ce travailde gammes exerce et développe la sen-


sibilité de artiste. Mais
( ne faut pas considérer
il

la gamme des douze tons comme un système de

tons colorés tempéré. Dans l'art de la couleur, on


ne rencontre pas seulement des gradations de tons
précises, mais également des tons de transition Fig. 11 à fig. 14 Contraste clair-obscur.

13 14
38
doit exécuter de nombreux mouvements avec sa l’impression, devant ses dessins comme devant entre ceux-ci et les couleurs telles que le blanc,
souvent imperceptibles, comparables en musique
main s'il veut écrire correctement et selon le peintures, qu’il fixe son attention sur chaque le gris et le noir.
au glissando, et qui sont les vecteurs d une ex-
rythme exigé. Le don de la forme, le sens du point en particulier pour obtenir la valeur la plus La sphère des couleurs (figures 51 et 52) repré-
pression particulière.
rythme et la souplesse intuitive sont nécessaires tendre. sente aussi bien les couleurs du cercle chroma-
Les exercices suivants doivent élargir la compré-
pour conduire convenablement le pinceau. « Com- tique que le blanc, le gris et le noir. A l'opposé de
hension des problèmes de clair-obscur. Jusqu'ici nous n’avons étudié le contraste de clair-
la multiplicité des couleurs vivantes et rayonnantes,
Choisissons quelques tons de gris dans la gamme me l'archer vise avec soin son but, tend son arc obscur que par des exemples de tons blancs, gris
le blanc, le gris et le noir donnent une impression
des douze tons et formons un accord, dont la com- et libère vivement la flèche, celui qui écrit doit et noirs. est important cependant de pouvoir dif-
Il

concentrer son attention sur les formes, diriger d’immobilité, d’abstraction et d’éloignement. Mais
position reste libre. Après avoir formé six de ces férencier avec beaucoup de précision des couleurs
le pinceau avec force et décision et, sûr de soi, est possible de en tons colorés
les transformer
égales en clarté ou en obscurité. Pour développer
il
accords, comparons-les et choisissons la meilleure
tracer les lettres. » Ainsi s'exprimait le Chinois et de leur attribuer un caractère coloré. Les figures
solution. L’élève apprend rapidement qu'il existe cette faculté, nous recommandons les exercices
Chiang Yee. 31 à 36 montrent la façon dont un gris neutre est
des accords bien composés, convaincants, et des suivants Posons sur un damier du jaune, du
:

influencé par la couleur voisine au point d’en


accords incomplets ou faux. C’est à l’aide d’un Cette écriture doit venir d'un automatisme inté- rouge ou du bleu. La tâche consistera à ajouter à
paraître la couleur complémentaire. Lorsque les
exercice aussi simple que celui-ci que l’on prend rieur. De même que les lettres, après de longs la couleur donnée des tons aussi clairs ou aussi
couleurs neutres rencontrent dans une composi-
conscience d’un don particulier pour le contraste exercices, coulent automatiquement du pinceau, foncés que possible. On utilisera pour chaque
tion des tons multicolores de même degré de
clair-obscur. de même l'artiste chinois ou japonais doit longue- exercice des tons jaunâtres, bleuâtres et rougeâ-
clarté, elles perdent leur caractère neutre. Si les
La figure 11 montre une composition en clair- ment s’exercer d’après les formes qu'il voit dans tres. Mais ne faut pas faire de confusion entre
il

couleurs neutres doivent garder leur caractère


obscur disposée sur une surface en damier. On la nature avant de pouvoir les répéter par cœur. la luminosité ou la pureté d’une couleur et sa
neutre et abstrait, les tons multicolores doivent
peut rendre cette composition plus claire ou plus Cet automatisme exige une constante concentra- clarté. est difficile de peindre les couleurs qui
Il

adopter un autre degré de clarté. Si on utilise,I

foncée, l’essentiel est qu elle provoque la sensi- tion intellectuelle et une grande détente corporelle. sont aussi claires que le jaune, car on ne reconnaît
dans une composition de couleurs, des tons
bilité des degrés de clair-obscur et de leurs Les exercices de méditation, comme les pratique pas immédiatement que le jaune est très clair
(fig. 13). Une difficulté surgit dès que l’on veut
blancs, inoirs et gris comme
éléments d’effet
contrastes. le bouddhisme Chan ou Zen, sont les bases de
abstrait, faut éviter l’emploi de couleurs de même
il

cette éducation spirituelle et corporelle. C’est représenter le jaune dans les tons obscurs de
Aussitôt que l’on a compris le problème des va- clarté que le gris pour que les couleurs neutres
pourquoi, parmi les peintres de lavis, on trouve de rouge ou de bleu. Par l’obscurcissement et le mé-
leurs de tons des couleurs grise, blanche et noire, n’aient pas d’effet coloré par contraste simultané.
nombreux moines de ces sectes. Mais moines
les lange, le jaune pâle perd inévitablement son carac-
on peut aborder l’étude des contrastes de quantité Si l’on veut, dans une composition colorée, traiter
ne méditent pas pour devenir des peintres de lavis, tère c’est pourquoi beaucoup de gens répugnent
;

et de proportions. le gris comme une composante de couleur, faut il

ils peignent au contraire pour s’exercer à la médi-


instinctivement à assombrir le jaune. La figure 14
les suivants que le ton gris et le ton coloré aient le même degré
Les contrastes de proportions sont :

tation intérieure. représente toutes les couleurs au degré d’obscu-


large-étroit, épais-mince. de clarté.
grand-petit, long-court, rité du bleu.
Les techniques de gravure sur bois, de gravure Les impressionnistes recherchaient cet effet pic-
Pour mieux connaître les problèmes de proportion, Les couleurs froides et les couleurs chaudes po-
en eau-forte et de gravure sur cuivre sont égale- tural des tons gris, alors que les peintres concrets
des exercices en clair-obscur sont nécessaires sent des problèmes particuliers. Les couleurs froi-
ment repirésentatrices du clair-obscur. Le graveur employaient le blanc, le gris et le noir pour pro-
afin de développer non seulement le sens des pro-
peut, au moyen de surfaces striées ou d’ensembles des semblent transparentes et légères et sont la duire un effet abstrait.
portions, mais également le sens du rapport entre
de tons, produire de différentes manières tous les plupart du temps employées dans des tons trop
la forme positive sombre et la forme négative
degrés possibles de clair et de foncé. Dans ses pâles. Les couleurs chaudes, en revanche, sont La figure 15 explique les problèmes de clair-obscur
blanche. choisies dans des tons trop sombres à cause de
gravures, Rembrandt a réalisé un grand nombre coloré. Aux douze tons de la gamme des gris qui
de sujets les plus divers d'une façon unique. Il leur opacité. s’échelonnent, dans la première colonne, du blanc
Nous trouvons dans européen aussi bien que
l’art
n’est pas étonnant qu'il ait réalisé également des Les couleurs de même clarté ou de même obscu- au ajoutons les douze couleurs pures du cer-
noir,
dans l’art oriental, de nombreuses œuvres fondées rité apparentent les tons entre eux. Ceci permet
dessins à la plume et au pinceau qui, par la maîtrise cle chromatique, de façon à ce que leurs différents
exclusivement sur le contraste clair-obscur. Celui- de lier plus facilement les couleurs entre elles et
de technique clair-obscur, atteignent à
la la force degrés de clarté correspondent exactement aux
ci a une importance capitale dans la peinture au
fournit une aide non négligeable aux artistes. tons de gris. Nous constatons ainsi que le jaune
d’expression des peintres orientaux.
lavis en Chine et au Japon. L’exercice de base de
a étudié très conscien- Les problèmes de clair-obscur coloré sont com- pur correspond au quatrième ton de gris. L’orange
cet art est le dessin des lettres au pinceau. Ces Dans ses dessins, Seurat
cieusement les gradations de clair-obscur. On a plexes, de même que les rapports qui existent correspond au sixième ton, le rouge au huitième,
lettres ont une grande richesse de formes. L'artiste

41
40
le bleu au neuvième et le violet au dixième ton de
gris. Le tableau montre que le jaune est la couleur
la plus claire et que couleur la plus
le violet est la

obscure. C’est pourquoi le jaune doit être obscurci


dès le cinquième ton s’il veut correspondre à la
gamme des gris. Le rouge et le bleu se situent à
un niveau plus bas et le noir n’est éloigné que de
quelques degrés, mais de nombreux éclaircisse-
ments successifs sont nécessaires pour parvenir
jusqu'au blanc. Les couleurs perdent leur lumino-
sité quand on les mélange avec du blanc ou du
noir.
Si l’on faisait, à la place des douze gammes de
tons considérés ici, un mélange de 18 gammes de
tons en reliant les couleurs qui ont la même lumi-

nosité, on une courbe en forme de


obtiendrait
parabole. est
Il particulièrement important de cons-
tater que les couleurs lumineuses saturées ont
des
valeurs de clarté différentes, comme le montre la

figure 15. On doit constater que le jaune saturé


est très clair et qu’il est impossible de trouver un
jaune lumineux foncé. Le bleu profond, plein de
caractère est très sombre, mais le bleu pâle est
terne et sans caractère. Le rouge n’est lumineux
que s’il est sombre, et le rouge clair, correspon-
dant au degré du iaune lumineux, n’a plus aucun
rayonnement. L'artiste doit inévitablement prendre
ces remarques en considération s’il veut réaliser
des compositions de couleurs. Si expression I*

principale repose sur l’emploi d'un jaune profond


et saturé, la composition aura un caractère
général
clair le rouge, au contraire, ou le bleu, créera une
;

composition de tons sombres. Les rouges lumineux


que nous voyons chez Rembrandt ne paraissent
lumineux et éclatants que par comparaison et par
contraste avec des tons encore plus sombres. Si
Rembrandt veut obtenir des jaunes lumineux, il

peut mettre en relief leur luminosité dans des grou-


pes de tons relativement clairs mais un rouge
;

profond, dans un accord semblable, semblerait Fig. 15 Douze degrés gris entre le blanc et le

sombre et ne produirait pas un effet éclatant. noir. Douze couleurs du cercle chromatique dans
Les différentes valeurs de clarté des couleurs pré- les valeurs de clarté du degré gris correspondant.

42
des diffi- couleur rompue ou ternie. Dans les applications Le contraste chaud-froid riences montrent l’importance du contraste chaud-
sentent pour les dessinateurs de tissus
que chaque techniques, la notion de teneur en blanc ou en noir froid pour décoration colorée des intérieurs.
la
cultés importantes. Nous savons
maquette de tissus doit être échantillonnée selon a une autre acception. Dans les hôpitaux où l’on applique la chromothé-
rapie, les qualités respectives des couleurs froides
six ou huit compositions de couleurs. Le caractère
Une peinture sur le contraste clair-
construite et des couleurs chaudes jouent un très grand rôle.
coloré de ces compositions doit avoir une certaine
Comme règle fonda- obscur peut se concevoir selon deux, trois ou Si l'on observe le cercle chromatique, on s'aper-
unité définie par la collection.
quatre valeurs de tons dominantes. Le peintre çoit que le jaune est la couleur la plus claire et
mentale, on admet que chaque forme doit montrer
parle alors de deux, trois ou quatre « projets » et que le violet est la couleur la plus sombre cela
le même effet de contraste, quelle que soit la posi- ;

les groupes principaux doivent être bien détermi- signifie qu’il existe entre ces deux couleurs le
tion qu’elle adopte. La figure 12 montre en bleu
nés les uns par rapport aux autres. Chaque projet contraste clair-obscur à son degré le plus fort.
un coloris de la figure 11. Si un projet contient un
rouge lumineux, est difficile de trouver pour les
il ou plan peut présenter lui-même de légères diffé- A angle droit de l’axe jaune-violet se trouvent les
rences de tons, mais cela ne doit pas supprimer couleurs rouge-orangé et bleu-vert ce sont les
six ou huit autres compositions de couleurs un
:

de couleurs lumineuses du même les différences qui existent entre les groupes prin- deux pôles du contraste chaud-froid. Le rouge-
nombre suffisant
cipaux. Pour respecter cette règle, est important orangé (rouge de Saturne est la couleur la plus
degré de clarté. Mais les intervalles de clarté ne il

doivent pas être les mêmes dans toutes les varia- de bien pouvoir distinguer de même
les couleurs chaude et le bleu-vert (oxyde de manganèse) est
valeur. Si l’on ne conçoit ni plans, ni groupes de la couleur la plus froide. Les couleurs suivantes
tions d’échantillons. Si l'on remplaçait le rouge
:

faudrait irans- tons principaux, la composition perd de son ordre, jaune, jaune-orangé, orange, rouge-orangé, rouge
lumineux par un orangé lumineux, il

de sa clarté et de sa force. Sans l’agencement des et violet-rouge sont généralement considérées


poser toute la composition sur le degré de clarté
de l’orangé. L 'étoffe de couleur orangée sera dans plans, est impossible de réaliser une surface,
il
comme des couleurs chaudes alors que le jaune-
ou un tableau, produisant un effet pictural. vert, le vert, le bleu-vert, le bleu, le bleu-violet
l’ensemble plus claire que l’étoffe de couleur
rouge. Si l’on utilisait l’orangé au degré de clarté La raison principale qui conduit le peintre à faire Ilpeut paraître étrange de parler d’une sensation et le violet sont considérés comme des
couleurs
des plans est la nécessité de maintenir dans la de température lorsqu’il s'agit de la vision optique froides. Mais une distinction aussi nette peut
du rouge, correspondrait au rouge lumineux sous
il

peinture un effet d’ensemble. Les plans coordon- des couleurs. Des expériences ont montré cepen- devenir source d’erreurs. De même que les pôles
la forme d’un brun orangé éteint et sans rayon-
nés permettent de capter les effets de profondeur dant que la sensation de froid ou de chaud chan- blanc et noir représentent respectivement le ton
nement.
indésirables et de les neutraliser. Cela est possible geait de trois à quatre degrés suivant que la le plus clair et le ton le plus foncé, et que les tons
Notons la difficulté suivante les valeurs claires-
:

par l'ajustement des valeurs de tons des effets de pièce était peinte en bleu-vert ou en rouge-orangé. gris ne produisent qu’un effet relativement clair ou
obscures d une couleur pure se modifient selon
l’intensité de l’éclairage. Quand la lumière décroît, perspective aux valeurs des plans. D'une façon Dans la pièce peinte en bleu-vert, les personnes foncé d’après leur contraste avec des tons
générale, les plans se structurent en premier plan, trouvaient qu’il faisait froid à 15 degrés centigra- plus clairs ou plus foncés, de même le bleu-
le rouge, l’orangé et le jaune paraissent plus som-
second plan et arrière-plan. Mais n’est pas obli- des dans la pièce peinte en rouge-orangé, elles vert et le rouge-orangé restent toujours les deux
bres, le vert et le bleu paraissent plus clairs. C’est il ;

gatoire de placer les motifs principaux dans le ne ressentaient le froid qu'à 11 ou 12 degrés. Cela pôles du froid et du chaud, alors que les couleurs
pourquoi le ton des couleurs produit à la lumière
premier plan. L’arrière-plan peut rester parfaite- démontre scientifiquement que la couleur bleu-vert qui, dans le cercle chromatique, s’étendent entre
du jour un effet conforme à la réalité, et un effet
ment vide et l’action peut se dérouler au second calme la circulation, alors que la couleur rouge- eux ont un effet tantôt chaud, tantôt froid suivant
faussé à la lumière du crépuscule. Les tableaux
plan. orangé l’active. Une seconde expérience avec des qu elles contrastent avec des tons plus chauds ou
d’autel, prévus pour le demi-jour des églises, ne
Les tableaux suivants sont destinés à indiquer animaux eut les mêmes résultats. On divisa une plus froids.
devraient donc pas être exposés dans des musées
quelques possibilités de réalisation du contraste ncurie de chevaux de course en deux parties Nous pouvons définir le caractère des couleurs
aux salles claires ou sous une lumière artificielle
:

l'une fut peinte en bleu, l'autre en rouge-orangé. froides et chaudes selon d autres critères
trop vive, car les valeurs de clair-obscur des cou- clair-obscur. :

Citrons, oranges et rose Francisco Zurbaran Dans la stalle bleue, les chevaux, après la course, chaud-froid
leurs se trouveraient complètement faussées. « ».

;e calmèrent très rapidement, alors que dans la ombragé-ensoleillé


Je voudrais souligner ici que, pour le peintre, le (1598-1664). Florence. Coll. A. Contini-Bonacossi.
mê- «L'homme au casque d'or». Rembrandt (1606- stalle rouge, ils demeurèrent longtemps échauffés transparent-opaque
jaune saturé ne contient ni blanc, ni noir de ;

Musée et agités. D’autre part on ne trouva aucune mouche apaisant-excitant


me, ne voit dans les couleurs pures telles
il que 1669). Berlin. Kaiser-Friedrich.
l'orangé, le rouge, le bleu, le violet et le vert « La guitare sur la cheminée ». Pablo Picasso dans la stalle bleue tandis qu’elles étaient très fin-épais

aucune trace de blanc ou de noir, il pense à une (1915). nombreuses dans la stalle rouge. Ces deux expé- aérien-terreux

44 45
lointain-proche
léger-lourd La figure 22 montre des modulations chaudes et
humide-sec. froides dans les tons verts et bleus-verts.
Ces modulations sont réalisables dans n’importe
Ces différentes façons de produire un effet mon- quelle tonalité est pourtant préférable de choisir
;
il

trent innombrables possibilités d’expression


les un degré de clarté moyen pour obtenir les meil-
du contraste chaud-froid. permet des effets très
Il leurs résultats.
pittoresques et crée une atmosphère de caractère La modification des caractères de couleurs ne
musical, irréel. devrait pas dépasser quatre couleurs voisines du
Dans paysage, les objets situés dans le lointain
le cercle chromatique.
paraissent toujours plus froids à cause des cou- Un exercice à base de rouge-orangé peut donc
ches d'air qui s'intercalent. Le contraste chaud- utiliser, à part le rouge-orangé, l’orange, le rouge,

froid contient donc des éléments susceptibles de le jaune-orangé et le rouge-violet de même un ;

suggérer l’éloignement et la proximité. C’est un exercice à base de bleu-vert utilisera, à part le


moyen important pour représenter les effets de bleu-vert, le vert, le jaune-vert, le bleu et le bleu-

perspective et de relief. violet.


Si on veut atteindre les deux extrêmes, c’est-à-
I

Si nous traitons une composition dans un certain dire réaliser le contraste chaud-froid le plus fort,
style et suivant un contraste déterminé, tous les il faudra réaliser une gamme allant du bleu-vert
autres contrastes ne doivent être employés qu’à au rouge-orangé en passant par le bleu, le bleu-
titre secondaire ou même ne pas être employés rouge. Dans
violet, le violet, le rouge-violet et le
du tout. cette large composition chromatique, on emploiera
Pour les exercices de contraste chaud-froid, nous naturellement plus ou moins de tons intermédiai-
éliminons le contraste clair-obscur, c'est-à-dire
res. La gamme chromatique
fondée sur le contraste
toutes les couleurs qui dans la composition ne sont chaud-froid, allant vers le rouge-orangé en passant
pas de la même valeur de clarté ou d'obscurité. par le jaune, n’est utilisable que dans la mesure
La figure 16 montre le contraste chaud-froid dans où toutes les couleurs ont le même degré de clarté
son expression la plus poussée le contraste
:
que le jaune dans le cas contraire on obtiendrait
:

polaire rouge-orangé bleu-vert. des contrastes de clair-obscur. En effet la beauté


La figure 17 montre le contraste de la figure 16 de ces modulations n’est pleinement mise en
selon les proportions inverses. valeur que si elles éliminent les différences claires-

Les figures 18 et 19 montrent le même violet obscures.


comme ton principal. apparaît comme une cou-
Il Les figures 21 et 22 montrent des modulations
leur chaude dans la figure 18, car se trouve à
il
chromatiques de couleurs froides et chaudes en ;

côté de couleurs plus froides, mais apparaît au


il revanche, la composition en damier permet de
contraire comme une
couleur froide dans la figure donner plus de force aux contrastes de tons
19 parce que les couleurs qui l’entourent sont us chauds et froids.
chaudes.
Parmi les six contrastes de couleurs, le contraste
La figure 20 montre une composition de couleurs
chaud-froid est le plus éclatant. Il permet de com-
chaudes et de couleurs froides.
La figure 21 montre des modulations chaudes et
froides dans les tons rouges et orangés. Fig. 16 à fig. 22 Contraste chaud-froid.

46
thèmes qu’il étudia dans ses tableaux. Le contraste des complémentaires que les trois couleurs fondamentales, jaune, rouge
poser au moyen des couleurs une musique magni- furent les
fique. C'est ce contraste que Grunewald choisit Il avait observé que les couleurs locales des objets et bleuse retrouvent de la façon suivante :

se dissolvaient en touches de couleurs, par suite jaune violet jaune rouge et bleu
pour « Le concert des anges » et pour deux autres
:
:

le groupe des anges de l’action de la lumière et de l’ombre et des multi- bleu orange bleu rouge et jaune
parties de l’autel d’Isenheim :
:
:

ces couleurs avaient des rouge vert rouge jaune et bleu.


avec Dieu le Père dans le ciel sur le volet de Marie ples rayons lumineux :
: :

d'une part et, d autre part, le volet de la résurrec- variations de tons chaudes et froides et non claires De même que le mélange de jaune, de rouge et de
tion. Grunewald a employé cet effet de couleurs et obscures. Dans ses paysages l'emploi du con- bleu donne du gris, le mélange de deux couleurs
pour créer une atmosphère céleste et divine. traste clair-obscur régressa au profit du contraste complémentaires donne également du gris.
chaud-froid.
Lorsque l’abbé Suger fit poser dans la cathédrale Les impressionnistes ont vu comment le bleu Rappelons-nous aussi, décrite dans le chapitre
de Saint-Denis les premiers vitraux de couleurs, transparent du ciel et de l’atmosphère s’opposait consacré à la physique, l’expérience démontrant
ilexpliqua ses raisons par ces paroles « ... afin :
partout aux tons chauds de la lumière du soleil. que la couleur complémentaire d’une couleur spec-
que les sens matériels de l’homme soient guidés L enchantement des peintures de Monet, Pissaro trale était constituée par la somme de toutes les
vers ce qui se trouve au-delà de la matière. » Les et Renoir provient du jeu habile des modulations autres couleurs spectrales. A chaque couleur du
hiéroglyphes que le
vitraux étaient d’étincelants de couleurs chaudes et froides. spectre correspond, comme couleur complémen-
peuple était à même de comprendre. Leur rayon- taire, la somme des autres couleurs du spectre.
nement magique était si mystérieux que les Il a été physiologiquement prouvé que l’image rési-
croyants, en contemplant les vitraux, prenaient Les oeuvres suivantes montrent l’emploi du con- duaire comme l’effet simultané mettent en évidence
conscience d’un au-delà flamboyant. Cette sensa- traste chaud-froid : Nous désignons par le nom de complémentaires un fait étrange et resté inexpliqué jusqu a nos
tion optique les disposait immédiatement à une vie Le vitrail de « La belle verrière ». Cathédrale de deux couleurs pigmentaires dont le mélange donne jours :
pour une couleur donnée, notre œil exige
spirituelle plus profonde. e
Chartres (12 siècle). un gris-noir de ton neutre. Du point de vue physi- la couleur complémentaire et, si celle-ci ne lui est

pas donnée, la produit lui-même. Ce phénomène


Le vitrail de « la de Chartres est
belle verrière » « Le concert des anges ». Autel d’Isenheim. Ma- que, deux lumières colorées dont le mélange il

composé sur l'emploi symbolique de rouge chaud thias Grunewald (1475/80-1528). Colmar. Musée donne une lumière blanche sont également com- est d’une grande importance pour tous les artistes.
et de bleu froid. vit sur le même rythme que le
Il Unterlinden. plémentaires. Deux couleurs complémentaires for- Nous avons constaté, dans le chapitre consacré à
soleil. La lumière changeante modifie sans cesse « Le moulin de la Auguste Renoir (1841-
galette ». ment un mélange curieux. Elles sont opposées, l’harmonie des couleurs, que la loi des complé-
l'angle de l'éclairage et les couleurs resplendissent 1919). Paris. Musée du Jeu de Paume. mais exigent leur présence réciproque. Leur rap- mentaires est la règle de base de toute création
différemment à chaque heure du jour. Le verre « Le parlement de Londres dans le brouillard ». prochement avive leur luminosité, mais leur mé- artistique, car le respect de cette loi crée pour
transparent a un rayonnement aussi pénétrant que Claude Monet (1840-1926). Paris. Musée du leu lange les détruit et produit du gris comme l’eau l’œil un équilibre parfait.

celui des pierres précieuses. de Paume. et le feu. Il n’y a jamais qu’une seule couleur qui Les couleurs complémentaires, utilisées selon des
Lorsque Monet se consacra entièrement à la pein- « Pommes et oranges ». Paul Cézanne (1839-1906). soit lacomplémentaire de l’autre. proportions correctes, engendrent un effet statique
ture des paysages, peignit ses tableaux, non plus
il
Paris. Musée du Jeu de Paume. Le cercle chromatique de la figure 3 montre les et solide. Chaque couleur conserve sa luminosité

dans son atelier, mais dehors, dans la nature. Les couleurs complémentaires diamétralement oppo- sans modifications. La réalité et l’effet des cou-
saisons les heures du jour, les changements du leurscomplémentaires sont identiques. Cette force
temps qui modifiaient les conditions d’éclairage et Exemples de paires de couleurs complémentaires : d’expression statique est d’une grande importance
l’atmosphère des scènes qu’il peignait devinrent jaune violet
:
pour les peintures murales.
de sa part l’objet d’études acharnées. Le papillotte- jaune-orange : bleu-violet Mais chaque paire de couleurs complémentaires
ment de la lumière dans l'air et au-dessus des orange bleu : garde cependant ses propres caractéristiques.
rouge-orange bleu-vert Ainsi la composition jaune violet ne contient pas
champs surchauffés, ses réfractions colorées dans :
:

les nuages et dans le brouillard humide, ses mul- rouge vert : seulement un contraste complémentaire, mais éga-
tiples réflexions dans les eaux courantes et on- rouge-violet : jaune-vert. lement un contraste clair-obscur très prononcé.
nous décomposons ces paires de couleurs com- La paire rouge-orangé bleu-vert est complémen-
doyantes aussi bien que l'alternance du vert enso- Si :

leillé ou sombre dans le feuillage des arbres, tels plémentaires, nous constatons une fois de plus taire mais exprime également le degré le plus fort

49
48
du contraste chaud-froid. Les couleurs rouge et un glacis d'une mince couche de la seconde cou-
verte sont complémentaires, elles sont aussi clai- leur sur la première.

res l'une que l’autre et leur luminosité est la même. Les pointillistes ont produit ces tons gris d’une
Quelques exercices vont nous aider à préciser la autre façon ils ont posé côte à côte les couleurs
:

nature du contraste des complémentaires. pures sous forme de petits points, le mélange 23 26
gris se produisant optiquement dans l'œil du spec-
Les illustrations 23 à 28 montrent six paires de tateur.
couleurs complémentaires et les mélanges gris Les tableaux suivants montrent des exemples de
correspondants. Ces bandes de mélanges sont l’emploi du contraste des complémentaires :

formées par l’addition de plus en plus importante « La Madone du chancelier Rolin ». Jan van Eyck

de la couleur complémentaire à la couleur donnée. (1390-14411. Paris. Musée du Louvre.


Au milieu de chaque bande se trouve un ton gris. « Salomon reçoit la reine de Saba ». Piero délia
Si le mélange de deux couleurs ne donne pas de Francesca (1410-1492). Fresque d Arezzo. 24 27
gris, c'est la preuve que ces deux couleurs ne sont « La montagne Sainte-Victoire ». Paul Cézanne
pas complémentaires. (1839-1906). Philadelphie, Muséum of Art.
La figure 29 est une composition de deux couleurs
complémentaires et des modulations de leurs tons
intermédiaires. Bien entendu, est possible d’uti-
il

liser deux couleurs complémentaires, trois ou


même plus. La figure 30 montre une composition
en carré formée de deux paires complémentaires :

orange et bleu, et rouge-orangé et bleu-vert.


De nombreux tableaux fondés sur le contraste des
complémentaires utilisent, outre les couleurs com-
plémentaires fortement contrastantes, les tons
issus de leurs mélanges pour servir de transitions
et de liaisons. Puisque ces tons sont « apparen-
tés » aux couleurs pures, ils font partie de la même
famille. Les tons moyens sont même parfois plus
utilisés que les couleurs pures.
La nature nous en montre très souvent On peut
les observer sur le bois et les feuilles d’un rosier
rouge avant la floraison. La couleur rouge de la
future rose se mélange au vert des tiges et des
feuilles et donne naissance à des ravissantes nuan-
ces rouge-gris et gris-vert.

Avec deux couleurs complémentaires, on peut réa-


liserdes tons gris colorés particulièrement réussis.
Les anciens maîtres réalisaient ces tons gris en
passant par traits successifs sur une couleur
rayonnante la couleur opposée, ou bien en faisant Fig. 23 à fig. 28 Contraste des complémentaires.

50
Le contraste simultané

Par contraste simultané, nous entendons le phéno- de clarté correspond à celui de couleur pure sur
la

mène qui fait que notre œil, pour une couleur laquelle est placé. Chacun des petits carrés
il

donnée, exige en même temps, c'est-à-dire simul- brille d'une couleur qui est en fait la couleur com-

tanément, la couleur complémentaire et la produit plémentaire de la couleur de base. est conseillé,


Il

lui-même si elle ne lui est pas donnée. L'expé- lorsque l’on fixe une couleur, de couvrir toutes les
rience montre que la loi fondamentale de l'har- autres couleurs et d'approcher l’œil le plus possi-
monie colorée renferme en elle la réalisation de ble de ce que l’on regarde.
la loi des complémentaires. La couleur complémen- Les effets simultanés sont d’autant plus prononcés
taire engendrée simultanément dans l'œil du spec- que l’on regarde la couleur principale plus long-
tateur est une impression colorée et n’existe pas temps et que celle-ci est plus brillante. L’effet est
réellement. On ne peut pas la photographier. Le renforcé lorsque l'on éclaire fortement la couleur
contraste simultané et le contraste successif ont fondamentale par devant et que image de l'expé-
l

vraisemblablement la même origine. rience est examinée un peu au-dessous de la hau-


Faisons l'expérience suivante nous peignons sur
: teur des yeux, c’est-à-dire quand l’ensemble est
une surface revêtue d'une couleur forte un petit examiné sous un éclairage oblique.
carré noir. Plaçons dessus un papier de soie trans- Puisque la couleur engendrée simultanément
parent ;
si la surface est rouge, le spectateur a n’existe pas réellement mais qu elle n’est engen-
l'impression de voir un carré vert au lieu de le voir drée que dans l’œil, elle éveille en nous une im-
noir. Si la surface est verte, le carré paraît rou- pression d’irritation et de vibration vivante dont
geâtre ;
si elle est violette, le carré noir paraît jau- la force change constamment. La couleur de base

nâtre, et si la surface est jaune, le carré paraît semble après un certain temps diminuer d’intensité,
violet Chaque couleur produit simultanément sa l'œil se fatigue, tandis que l'impression donnée par

couleur opposée.
Les figures 31 à 36 montrent cette expérience réa-
lisée d une autre façon. Six carrés de couleur pure
renferment chacun un petit carré gris dont le degré Fig. 31 à fig. 37 Contraste simultané.

52
la couleur engendrée simultanément devient plus tané. y a quelques années, un fabricant d’étoffes
Il Le contraste de qualité
pour cravates me montrait avec désespoir quel-
forte.
L’effet simultané ne se produit pas seulement entre ques centaines de mètres d une étoffe coûteuse
une couleur pure, mais également entre qu’il pas à vendre car les raies noires
n’arrivait
un gris et
couleurs pures, qui ne sont pas totalement tissées sur un fond rouge semblaient vertes et non
deux
complémentaires, Chacune des deux couleurs noires et le tissu semblait avoir une vibration désa-
repousser l'autre vers sa couleur com- gréable. Cet effet simultané était si fort que l’ache-
cherche à
teur prétendait que le tisseur avait employé un fil
plémentaire et, la plupart du temps, elles perdent
vert et non noir. Si ce dernier avait employé un fil
toutes les deux leurs caractères réels et semblent
brun-noir au lieu d’un fil bleu-noir, l’effet simultané
rayonner selon de nouveaux effets. Les couleurs
aurait été éliminé et cette grande perte matérielle
semblent avoir une luminosité particulièrement
aurait pu être évitée.
dynamique. Leur stabilité a disparu et elles sont
en proie aux vibrations les plus variables. Elles Outre la possibilité de se garder des effets du
perdent leur caractère objectif et réel pour dé- contraste simultané, il en existe encore une autre :

ployer des effets de nature irréelle, gagnant par celle d’employer les couleurs qui présentent un

là une nouvelle dimension. La couleur


est comme danger selon des degrés de clarté différents. Dès
dématérialisée et la phrase « La réalité d’une
:
qu'un contraste clair-obscur surgit, la modification
couleur n'est pas toujours identique à son effet » simultanée devient plus difficile.
est ici parfaitement valable. Les effets simultanés naissent aussi entre les cou-
L’effet simultané est d'une extrême importance leurs pures si, au lieu d'employer la couleur com-

pour tous ceux qui s’intéressent aux couleurs. plémentaire à la première, on prend, sur le cercle
C’est contraste simultané qui chromatique en douze parties, une couleur qui se Par notion de qualité de la couleur, nous enten- une touche bleuâtre et son caractère coloré est
Goethe disait « : le
l’usage esthétique. » trouve à sa droite ou à sa gauche. Pour le violet, dons le degré de pureté ou de saturation des cou- fortement modifié. Avec du blanc, le jaune devient
rend la couleur propre à
on ne prendra pas de jaune on prendra le jaune leurs. Par contraste de qualité, nous désignons légèrement plus froid et le bleu ne change pas,
La figure 37 montre trois carrés gris dans un carré ;

pour le rouge-violet ou le bleu-violet. Si Ton veut l’opposition entre une couleur saturée et lumi- son caractère coloré reste le même. Le violet est
orange. Nous avons employé ici trois tons de gris
renforcer l’effet du contraste simultané, on em- neuse, et une couleur terne et sans éclat. Les cou- très sensible au blanc. Si le violet sombre et saturé
différents, mais qui restent très voisins. L effet
ploiera les possibilités offertes par le contraste de leurs du prisme, issues de la réfraction de la renferme en lui quelque chose de menaçant, le
produit par chaque ton de gris est différent dans
lumière blanche, sont des couleurs fortement satu- violet éclairé de blanc, le lilas, donne une impres-
chaque cas en effet, le premier gris contient un
:
quantité.
le se- sage d’assembler au préalable sur
est toujours rées et d’une extrême luminosité. sion de joie et de gaieté.
peu de bleu et renforce l'effet simultané ;
Il

Parmi les couleurs pigmentaires, nous trouvons 2°. Une couleur pure peut être rompue à l'aide de
cond gris est neutre et se modifie simultanément ; une esquisse les couleurs que l’on emploiera dans
une composition, ceci pour juger des effets de également des couleurs très saturées. A cet égard, noir. Le jaune mêlé de noir perd son expression
le troisième gris contient de l’orange et n’est abso-
couleurs avant de passer à l'exécution de la com- nous attirons l’attention du lecteur sur la figure 15 rayonnante et claire et devient maladif et vénéneux.
lument pas propre à produire un effet simultané,
qui montre les rapports clairs-obscurs des cou- Il perd immédiatement sa luminosité. Le tableau de
ilest donc impossible qu’il se modifie simultané- position.
leurs lumineuses. Dès qu’une couleur pure est Géricault « La folle », est peint avec des tons trou-
ment. Cette expérience rend évident le fait que
Citons les exemples suivants pour l’application du éclaircie ou obscurcie, elle perd de sa luminosité. bles jaunes noirâtres, qui donnent au tableau une
l’on peut renforcer l’effet du contraste simultané
par des mesures contraste simultané Les couleurs peuvent être rompues ou ternies de expression de folie et de dérangement. Avec du
ou en supprimer l'apparition :

« Satan et les sauterelles ». Apocalypse de St- différentes façons de plus, elles réagissent diffé- noir, le violet augmente encore son obscurité natu-
appropriées. ;

e
Sever (11 siècle). Paris. Bibliothèque nationale. remment aux divers moyens que l’artiste a de les relle et tombe pour ainsi dire sans le vouloir dans

Le Christ dépouillé de ses vêtements ». El Greco perturber. le néant. Mêlé de noir, le rouge carmin reçoit une
est important de savoir selon quelles conditions
«
Il

on peut provoquer l’effet simultané ou le supprimer. (1541-1614). Munich. Pinacothèque. 1°. Une couleur pure peut être rompue à l’aide de tonalité qui tire sur le violet.

Il existe de nombreuses compositions de couleurs « Le café, le soir », Vincent Van Gogh (1853-1890). blanc. Le caractère de la couleur évolue vers le De même, le noir donne au rouge cinabre une tona-
qui ne permettent pas l'effet du contraste simul- Otterloo. Rijksmuseum Krôller-Müller. froid. Le rouge carmin, mélangé de blanc, acquiert lité brûlée, brun-rouge.

55
54
Le noir paralyse le bleu. Le bleu ne supporte que
quelques degrés seulement jusqu'au noir et sa
luminosité disparaît rapidement. Le vert est beau-
coup plus sensible aux modulations que le violet
ou le bleu. offre de nombreuses possibilités
Il ;

d’une façon générale, le noir ôte aux couleurs leur


luminosité. les éloigne de la lumière et les tue
Il

plus ou moins vite.


3°. Nous pouvons encore rompre une couleur satu-
rée avec un mélange de noir et de blanc, c’est-à-
dire avec du gris. Dès que l’on réalise ce mélange,
on obtient des tons du même
degré de clarté ou
d’obscurité mais, quoi qu’il en soit, les tons sont
toujours plus troubles que la couleur pure corres-
pondante. Les couleurs mêlées de gris deviennent
plus ou moins neutres et aveugles.
4°. Nous pouvons également « troubler » une cou-
leur pure en la mélangeant avec sa couleur com-
plémentaire. Si l’on mélange du jaune et du violet,
on obtient des tons qui se situent entre le jaune
clair et le violet sombre. Le vert et le rouge ne
sont pas très éloignés l’un de l’autre mais, mêlés
ensemble, ils donnent un mélange gris très sombre.
Les différentes modifications de tons résultant de
couleurs complémentaires peuvent, avec du blanc,
donner des résultats étranges et surprenants.
Lorsque le mélange résulte des trois couleurs pri-
maires, le ton final adopte un caractère rompu et

terne. Suivant les rapports quantitatifs des trois


couleurs, le mélange devient d’un gris plus ou
moins jaune, rouge, bleu ou noir. Tous les degrés
de ternissement sont réalisables avec les couleurs
primaires. Ceci est également valable pour les
couleurs secondaires et pour n'importe quelle
combinaison de couleurs, pourvu que le mélange
contienne d une façon ou d’une autre le jaune, le
rouge et le bleu.
L’effetdu contraste « lumineux-terne » est relatif.
Telle couleur peut paraître lumineuse près d’une
couleur terne et prendre un caractère terne auprès
d’une couleur lumineuse. i‘ig. 38 à fig. 41 Contraste de qualité.

41
56
contraste de qualité, faisons les « Le nouveau-né ». Georges de la Tour (mort en Le contraste de quantité
Pour expliquer le
exercices les plus importants sur un damier de 1650). Musée de Rennes.
carrés. Au milieu, nous plaçons une couleur « Le piano ». Henri Matisse (1869-1954). New York.
25
lumineuse et, aux quatre coins, un gris neutre du Muséum of Modem Art.
L’enchantement des poissons ». Paul Klee (1879-
même degré de clarté que la couleur centrale pure. «

Nous mélangeons peu à peu le gris et la couleur 1940}. Philadelphie Muséum of Art.

pure et nous obtenons toute une gamme de tons


intermédiaires plus ou moins ternis. Pour saisir le
contraste de qualité, il est nécessaire d’éliminer
le contraste clair-obscur : pourquoi
c'est nous
utilisons les mêmes degrés de clarté dans tous les

carrés. Les figures 38 à 41 montrent le caractère


tendre et lumineux du contraste de qualité selon
modulations chromatiques. Nous pouvons aussi
exécuter cet exercice en remplaçant aux coins du
damier le gris par la couleur complémentaire de la
couleur centrale. Dans cet exercice, l’effet sera
plus coloré que dans celui que nous montrons ici.

Si nous voulons employer le contraste de qualité


seul (c’est-à-dire sans les autres contrastes), la
approchées. Comment pour déterminer des
faire
couleur ternie doit résulter du même mélange que Le contraste de quantité concerne les rapports de
de la grandeur de deux ou de plusieurs couleurs. Il s'agit valeurs précises, quand les couleurs vendues dans
la couleur lumineuse, c'est-à-dire à partir
le commerce sous le même nom pa différentes
même couleur : le rouge terni doit contenir du donc du contraste « beaucoup-peu » ou du con-
lumineux et bleu terni doit contenir du traste « grand-petit ». fabriques montrent d’énormes différences ? Fina-
rouge le
lement, ce n’est que le sentiment personnel qui
bleu lumineux. Mais il ne faut pas mettre de rouge Nous pouvons des compositions de couleurs
faire
peut décider. D’autre part, les surfaces colorées
lumineux dans un bleu terni ou de vert lumineux à l'aide de toutes les grandeurs de taches possi-
dans un rouge terni. Sinon, de nouveaux contras- bles. Mais nous pouvons aussi nous poser la ques- dans un tableau sont très souvent disloquées et
rapport quantitatif entre compliquées, si bien qu’il est très difficile d établir
tes, le contraste chaud-froid par exemple, vien- tion suivante : quel est le

draient se superposer au contraste de qualité et deux ou plusieurs couleurs dont nous pouvons dire des rapports numériques simples et mesurables.
qu’il est équilibré et qu’aucune des couleurs em- L’œil sent les valeurs avec tant de sûreté que nous
mettraient en péril son expression calme et sereine.
Les tons sourds, gris en particulier, sont mis en ployées n’y a plus d’importance que l’autre? Deux pouvons nous fier à lui, à la condition qu soit il

sensiblisé dans le domaine correspondant.


valeur par la force des tons colorés qui les entou- facteurs déterminent force d’expression d’une
la

rent. peut observer ce phénomène en faisant


On couleur. Premièrement sa luminosité, et deuxième-
l’exercice suivant qui consiste à placer sur un ment la dimension de la tache de couleur. Pour Les valeurs de lumière établies par Goethe sont
les suivantes
damier un carré gris entre chaque couleur. On évaluer la luminosité d’une couleur, c'est-à-dire sa :

Jaune orange rouge violet bleu vert : :


suffit de la comparer avec un
:

constatera que le gris devient plus vivant alors valeur lumineuse, : : :


il

gris moyen. Nous constaterons alors que les inten- correspondent à


que les couleurs vives au milieu des tons gris per-
:

9 8 6 3 4 6 : .

dent de leur luminosité et sont relativement sans sités et les degrés de luminosité des couleurs sont : : : :

effet. différents. Les valeurs des couleurs complémentaires sont :

Pour ces valeurs lumineuses, Goethe avait inventé jaune :violet 9 3 : 3 1 :


% % :

Les tableaux suivants montrent l’emploi du con- des rapports numériques très.simples et pour nous orange bleu
: 8 4 : 2 1 ; y3 % :

traste de qualité :
d'un grand intérêt. Ces chiffres sont des valeurs rouge vert
: 6 6 : 1 1 : y2 % :
.

59
58
Si l’on transforme ces valeurs de lumière en taches
de couleurs aux dimensions harmonieuses, les
chiffres désignant les valeurs de lumière doivent
être modifiés en conséquence. *

Le jaune, qui est trois fois plus lumineux que le 42


violet, doit donc occuper une place trois fois plus
petite que sa couleur complémentaire.

Comme montrent les figures 42 à 44, les cou-


le

leurs complémentaires entraînent les rapports


quantitatifs suivants :

jaune : violet Va '


%
2
orange bleu ’/3 /a : :

rouge vert Vï Vz- :

Les dimensions des surfaces harmonieuses des


couleurs primaires et secondaires sont donc les
suivantes :

jaune orange :rouqe violet bleu :vert : : : :

3 4 : 6 9 8 : 6 : : :

soit :

jaune orange 3 : 4
jaune rouge 3 : 6
jaune violet 3 : 9
jaune bleu 3 : 8
jaune rouge : bleu 3:6:8
orange 4 9 6
violet : vert : : .

On peut, sur ce modèle, établir toutes les relations


possibles existant entre les couleurs.

La figure 45 montre le cercle des harmonies quan-


titatives entre les couleurs primaires et secondai-
res. a été construit de la façon suivante
Il :

On partage tout d’abord l’ensemble du cercle en


trois parties et l’on divise ensuite chaque tiers
d'après les rapports quantitatifs établis entre deux
couleurs complémentaires. Un tiers du cercle est
divisé pour la relation jaune violet sur le rapport :

Va %. pour la relation orange bleu sur le rap-


'
:

port 1/3 : %
et pour la relation rouge vert sur le :

rapport y2 Quand ces proportions ont été


:

établies, on dessine un cercle de même grandeur


et l’on reporte les dimensions en suivant l’ordre Fig. 42 à fig. 47 Contraste de quantité.

60
du cercle chromatique, c'est-à-dire jaune, orange, les, nous assistons, chez la plante, l’animal ou le caractère des couleurs, leur valeur de lumière
rouge, violet, bleu et vert. Ces quantités harmo- l'homme, à une mobilisation des possibilités de et les effets qui sont commandés par les con-

nieuses donnent naissance à des effets statiques réaction qui, lorsque les occasions se présentent, trastes.

apaisants. Le contraste de quantité est neutralisé se manifestent par des performances remarqua- Si une touche de jaune doit avoir de l’importance
bles. Si, par une contemplation prolongée, on au milieu de tons clairs, elle doit avoir des dimen-
par l’intervention des quantités harmonieuses.
Les rapports quantitatifs employés ici n’ont de donne à une couleur faiblement représentée, l’oc- sions plus grandes que si le même jaune devait se
valeur que si les couleurs utilisées sont très lumi- casion d exercer une action sur œil humain, on
I
détacher sur un fond sombre.
neuses. Si on modifie la luminosité des couleurs,
I
remarquera quelle croît en intensité et en force. Au contraire, sur un fond sombre, petite tache

les rapports de surface sont modifiés dans les mé- claire suffit pour que son caractère soit pleinement

mes proportions. Il est donc évident que les deux mis en valeur. De même, les rapports quantitatifs
L’emploi de deux caractères contrastés qui se
facteurs, luminosité et surface, sont étroitement doivent se fonder sur les effets relatifs de la force
renforcent mutuellement peut donner naissance à
des couleurs.
liés. des expressions très vivantes et très curieuses.
harmonieuse établie Le tableau de Pieter Bruegel l’Ancien « Paysage
La figure 46 montre la relation
Nous indiquons ici une particularité du contraste
:

entre le rouge et le vert. avec la chute d’Icare », Bruxelles, Musées Royaux


de quantité il est capable en effet de modifier ou
:

des Beaux Arts, met en valeur le contraste de


dans une composition des rapports d’intensifier l’effet des autres contrastes. Lors de
Si l’on utilise quantité.
quantitatifs autres que les rapports harmonieux, l’exposé du contraste clair-obscur, nous avons
c’est-à-dire lorsqu'une couleur domine, on réalise déjà présenté le problème des proportions. Le
un effet expressif. C’est le sujet, le sens artistique contraste de quantité, à vrai dire, est un contraste
ou le goût personnel qui doit décider des quantités de proportions. Lorsque, dans une composition en
à utiliser dans une composition expressive.
clair-obscur, une petite surface claire contraste

Lorsque le contraste de quantité est très prononcé, avec une grande étendue sombre, le tableau peut,
il se forme un nouvel effet. Sur la figure 47, le à cause justement de ce contraste, revêtir une

rouge est peu représenté. Mais puisque le vert, signification plus profonde et plus large.

comparativement au rouge, est abondant, pro-


il

voque dans l'œil du spectateur la présence lumi- L’attention apportée à l’accord des taches de cou-
neuse du rouge complémentaire. leurs et de leurs dimensions est, dans une compo-

chapitre consacré au contraste simultané, sition, au moins aussi importante que le choix des
Dans le

nous expliquons que l’œil exige toujours, pour une couleurs elles-mêmes. C est pourquoi une compo-
couleur donnée, la couleur complémentaire. Mais sition colorée devrait toujours se fonder sur les

nous ne savons toujours pas pourquoi. Sans doute rapports de taches colorées. La forme, la grandeur
sommes-nous soumis à une volonté universelle et les limites des taches de couleurs doivent être

d’équilibre et d’affirmation individuelle. C’est à déterminées par le caractère et l’intensité des cou-
cette tendance que le contraste de quantité doit leurs et ne doivent pas être fixées à l’avance par

son effet particulier. La couleur minoritaire, qui le dessin.

pour ainsi dire est en danger, se défend à sa ma- L'observation de cette règle est particulièrement
nière et devient relativement plus lumineuse que importante pour déterminer les quantités conve-
lorsque sa présence dépend d une relation harmo- nables de couleur à employer. Les contours fixés
nieuse comme dans la figure 46. Les biologistes et au dessin ne peuvent en aucun cas déterminer les
les horticulteurs connaissent bien ce phénomène. véritables dimensions des taches, car celles-ci

Lorsqu’une plante, un animal ou un homme sont résultent des différences d'intensité entre les cou-

soumis à des conditions particulièrement diff ici- leurs. Ces intensités sont elles-mêmes fixées par

63
62
soit à des œuvres d'art, des réalisations
soit à employées, les différents tons sont obtenus en
Les mélanges de couleurs paire de couleurs complémentaires, rouge et vert.
artistiques quelconques. Le but recherché est le combinant et en mélangeant les quatre couleurs
Nous obtenons tout d’abord les tons intermédiaires
suivant l’amélioration de l’acuité visuelle, et le normalisées, jaune, bleu-vert, rouge-bleuté et noir.
entre ces couleurs de base, puis les mélanges :

contrôle de celle-ci par la reproduction fidèle des Il est évident que ces quatre couleurs et les mé-
selon les lignes diagonales du carré, et finalement
couleurs. De même que pour les techniques de langes qui en résultent ne permettent pas toujours
nous ajoutons les tons manquants en suivant la
production hautement spécialisées, la mesure et la plus grande précision dans les reproductions.
progression chromatique.
le raisonnement s’arrêtent à un certain point et Si Ion désire réaliser des reproductions plus par-
A la place du noir, du blanc, du rouge et du vert,
Pour nous familiariser avec la richesse du monde que seul le doigté de l’ouvrier spécialisé atteint les faites, il faut alors employer sept couleurs d’im-
nous pouvons aussi utiliser deux paires de cou-
des couleurs, évoquons ici quelques exercices de meilleurs résultats, de même n’est possible de pression ou davantage.
leurs complémentaires, comme sur la figure 29,
il

mélanges systématiques de couleurs. réaliser des compositions et des mélanges de cou- Les techniques de tissage offrent un autre exemple
ou des couleurs choisies au hasard.
Le choix du nombre de tons intermédiaires pour leurs qu’à Laide d’un certain don pour les couleurs. éloquent pour les mélanges de couleurs. Les diffé-
Les tons colorés rassemblés dans un mélange en
les différents exercices dépend de la sensibilité En général, la sensibilité pour les couleurs est uni- rents fils de la chaîne et de la trame s’unissent
triangle ou dans un mélange en carré forment une
ou des connaissances techniques de chacun. Les latérale et correspond au goût personnel. Celui diversement suivant le caractère du tissu. Les
famille de couleurs qui sont apparentées les unes
mélanges s’effectuent à l'aide de blanc, de noir qui est porté subjectivement vers le bleu sera tissus écossais constituent à cet égard un exemple
aux autres.
ou de gris et les couleurs pures se mélangent entre sensible à de nombreuses tonalités bleues, et lais- typique. Là où un groupe de fils de chaîne d’une
Si l’on veuten outre étudier les possibilités de mé-
elles. sera passer sans doute les tonalités rouges. C’est certaine couleur croise un groupe de fils de trame
langes des couleurs de plus près, on peut essayer
La multiplicité des tons intermédiaires démontre pourquoi est important d’étudier la totalité des de la même couleur, nous voyons apparaître des
de mélanger chacune des couleurs avec toutes il

l’infinie richesse du monde des couleurs. couleurs. Nous nous familiariserons ainsi avec les surfaces d’une couleur très pure et lumineuse. Là
les autres à tour de rôle. Pour ce faire, nous divi-
groupes de couleurs qui nous paraissent étran- ou ces fils de chaîne croisent des fils de trame
1. Mélanges en bandes sons une surface carrée en 13 fois 13 carrés. Le
gères, et nous serons dès lors en mesure de porter d’une autre couleur, naissent des tonalités mixtes
Nous plaçons aux deux extrémités d une bande premier carré en haut à gauche reste blanc. Puis
des jugements objectifs. qui constituent en fait les points de liaison des
deux couleurs au choix et nous les mélangeons nous plaçons dans les carrés de la première bande
Outre les mélanges pigmentaires que nous présen- différentes couleurs et qui laissent apparaître le
progressivement. Selon les deux couleurs de dé- à partir du haut les 12 couleurs du cercle chroma-
tons ici, existe d’autre part la méthode des mé- ton de mélange comme une surface uniforme à
tique du jaune au jaune-vert en passant par le
il
part, nous obtenons les tons intermédiaires cor-
langes optiques. Elle consiste à placer côte à côte une certaine distance seulement des couleurs
respondants. Ceux-ci peuvent être éclaircis ou jaune-orangé. Dans les carrés de la première
des petites touches de couleurs pures et à regar- pures. Ces étoffes à damiers, tissées dans une
assombris. bande verticale à partir de la gauche, nous plaçons
der d’une certaine distance les surfaces formées laine fine, étaient à origine, selon leurs modèles,
I

les couleurs du cercle chromatique suivantes :

2. Mélanges en triangles d’une multitude de points colorés. L’œil réalise le la propriété des clans écossais, mais elles sont
violet, bleu-violet, bleu Dans
jusqu'au rouge-violet.
Partageons chaque côté d’un triangle équilatéral mélange des points colorés et le résultat se pré- restées aujourd’hui, à cause de leurs proportions
la seconde bande horizontale, nous mélangeons
en par les points obtenus, menons
trois parties et, sente sous la forme d’une impression colorée uni- et de leurs variétés de couleurs, des modèles
chaque couleur de lapremière rangée avec du
les parallèles aux autres côtés du triangle. Nous forme. L’avantage de ce mélange fondé sur la d’échantillonnages pour l’industrie textile.
violet. Dans la troisième rangée horizontale, nous
obtenons alors neuf triangles égaux. Aux trois division des taches, est que les tons de couleurs La peinture nous donne un exemple : le tableau
mélangeons les couleurs de la première rangée
angles, nous plaçons du jaune, du rouge et du bleu résultent d’une vibration de couleurs à l’état pur. de Georges Seurat, Etude pour « Un dimanche à
avec du bleu-violet. Lorsque chaque couleur de la
et, dans les triangles intermédiaires, nous obte- la Grande Jatte » (NewMetropolitan Mu-
York,
première rangée verticale a été mélangée avec
nons les mélanges jaune et rouge, jaune et bleu,
: Dans procédés d’impression offset, nous re-
les séum’. Les différentes surfaces colorées sont
chaque couleur de la première rangée horizontale,
et rouge et bleu. Dans chacun des triangles trouvons la même décomposition des surfaces décomposées en une multitude de tons de cou-
nous voyons apparaître dans le carré une diago-
restants, nous plaçons la couleur résultant du colorées en points ou en trames de couleurs sépa- leurs contrastées qui produisent des modulations
nale de tons gris qui part en haut à gauche et arrive
mélange des trois couleurs qui l’entourent. Ce mé- rées. Dans œil du spectateur, ces points colorés et des vibrations. Il n’y a pas de mélanges unifor-
en bas à droite en effet, c’est à ces endroits que
I

mais, au contraire, chaque touche


;

lange en triangle peut s’effectuer à Laide de n’im- se fondent en des surfaces de couleurs unies. Si mes de couleurs
se rencontrent les couleurs complémentaires.
porte quelles couleurs. l’on examine à la loupe les reproductions en cou- consiste en un certain nombre de tons colorés qui
Lorsque élève a exécuté quelques exercices de
I

leurs imprimées en typographie ou en offset, on ne forment une unité que dans l’œil du spectateur.
3. Mélanges en carrés mélanges, peut essayer de mélanger avec plus
il

distingue les petits points de couleurs. Dans les


Plaçons aux quatre coins d’un damier divisé en 25 de précision quelques couleurs données. Les tons
impressions en 4 couleurs, qui restent les plus
carrés, les couleurs suivantes blanc, noir, et la
: colorés peuvent être empruntés soit à la nature,

65
64
La sphère des couleurs

Après avoir représenté, à l aide des sept contrastes des couleurs comme une transpa-
construction
décrits, les différentes possibilités offertes par rente, sur laquelle chaque point porte une couleur
les couleurs, nous devons maintenant donner une déterminée, est possible d’imaginer toutes les
il

représentation claire et distincte de l’ordre qui régit combinaisons. Chaque point de la sphère se définit
le domaine des couleurs. La figure 3 montrait le par son méridien et son parallèle. Six parallèles et
cercle chromatique en douze parties, fondé sur la douze méridiens nous suffiront pour représenter
distribution des trois couleurs fondamentales, le clairement le classement des couleurs.
jaune, le rouge et le bleu. Sur la surface de la sphère, nous traçons six
Le classement que présente ce cercle n’est cepen- parallèles à distance égale les unes des autres,
dant pas suffisant pour donner un aperçu complet et nous obtenons six zones égales. Perpendiculai-
des différentes couleurs. Au lieu d'un cercle, nous rement à ces zones, nous traçons douze méridiens
utiliserons donc une sphère celle que Philipp Otto
: d'un pôle à l’autre. A la hauteur de l’équateur, nous
Runge considérait comme la forme la plus utile plaçons, dans les douze secteurs correspondants,
pour représenter le classement des couleurs. La les douze couleurs pures du cercle chromatique.
sphère est une forme élémentaire, symétrique de Nous plaçons le blanc et le noir aux deux pôles.
tous côtés, qui convient particulièrement bien pour Entre le blanc et équateur, nous éclaircissons
(

représenter les caractéristiques nombreuses du chaque couleur de deux degrés entre l’équateur
;

monde des couleurs. Elle permet de représenter


la loi des complémentaires, de figurer tous les

rapports fondamentaux qui existent entre les cou-


leurs ainsi que les relations entre les couleurs et
le blanc et le noir. Si on se représente la sphère
I Fig. 48 L’étoile des couleurs en douze parties.

66
et le noir,nous obscurcissons chaque couleur de
deux degrés. Puisque chacune des douze couleurs
possède une clarté différente, les gradations du
blanc au noir doivent être étudiées en particulier
pour chaque couleur. Le jaune, en tant que couleur
pure, est très clair;ainsi, les deux degrés clairs
seront très proches l'un de l’autre, alors que les
deux degrés sombres seront très éloignés. Le
violet est la plus foncée de toutes les couleurs
pures : les tonalités violettes éclaircies sont très
loin l’une de l'autre, tandis que les tonalités som-
bres sont très voisines. Chacune des douze cou-
leurs doit être dégradée sur la base de la valeur
fondamentale de son clair-obscur ; ceci permet
d’obtenir entre les parallèles deux zones claires et
deux zones sombres, mais également, à l’intérieur
de chaque zone, des degrés de clarté différents.
Le jaune de la première zone claire est donc plus
clair que le violet qui se trouve au même niveau.
Les différentes zones ne représentent nullement
des bandes de même clarté des douze couleurs.

Comme sphère ne peut pas être reproduite ici


la

en relief, nous donnons sur la figure la projection


de la sphère sur un plan. Vue par le haut, la sphère
présente en son milieu la zone blanche, qui se
continue par les deux zones claires, puis finale-
ment la moitié de la zone équatoriale avec les cou-
leurs pures. Si nous considérons la sphère par le
bas, nous avons au milieu la zone noire, puis les
deux zones sombres et la moitié de la zone équa-
toriale avec les couleurs pures. Pour obtenir la vue
de ensemble, nous imaginons que les secteurs du
I

côté sombre sont découpés et projetés sur le mê-


me plan que les zones claires. Nous créons ainsi
l’étoiledes couleurs (fig. 48). Le blanc se situe au
milieu de étoileI
au blanc se rattachent les zones
;

r
ires, suivies des couleurs pures, elles-mêmes

prolongées dans les zones des couleurs sombres. Fig. 49 et 50 Vues de


fig. la surface de la sphère.
Le noir se situe dans les pointes de l’étoile.
La figure 49 montre une vue de la surface de la Fig. 51 et fig, 52 Coupes horizontale et verticale
sphère des couleurs. Les couleurs pures se situent de la sphère.

68
blanc
au niveau de léquateur vers le pôle blanc elles
;
ce que les valeurs des différents tons d’un niveau
sont éclaircies de deux degrés et vers le pôle noir,
t
de couleurs claires ou de couleurs foncées soient
elles sont obscurcies de deux degrés. La figure 50 égales et correspondent au ton gris de leur degré.
montre la partie opposée toute la surface de la
: Le de peindre ces coupes horizontales et verti-
fait
bleu
sphère a donc été représentée. cales complète notre représentation des couleurs.
Si nous voulons obtenir une vue de l’intérieur de Sur la coupe horizontale s’ordonnent les degrés
la sphère, nous devons procéder à des coupes. La de pureté d une couleur et sur la coupe verticale
figure 51 montre une coupe horizontale de la les degrés de pureté des couleurs décroissant vers
sphère à la hauteur de équateur. Nous voyons
l le clair et l'obscur. Ces exercices augmentent A
au centre le gris, et sur le bord de la coupe les notre sens des valeurs claires-obscures et déve-
couleurs pures. Dans les deux zones intermédiai- loppent le sentiment de la qualité des couleurs.
res, nous trouvons les mélanges obtenus à partir
des couleurs complémentaires. Prenons deux cou- La sphère des couleurs offre les possibilités sui- orange
leurs de la zone équatoriale placées l’une en face vantes pour représenter les couleurs :

de l’autre nous obtenons tous les tons ternis, tels


:
1. Les couleurs pures prismatiques, qui se trou-
qu’ils sont représentés sur les figures 23 à 28,
vent sur la zone équatoriale de la surface de la
dans le chapitre des couleurs complémentaires.
sphère.
Nous pouvons, bien entendu, effectuer ces coupes noir
2. Les mélanges de couleurs prismatiques avec du
pour chacune des cinq tranches de degré de clarté
noir et du blanc, qui se situent dans les zones de Fig. 53
différent.
clarté de la surface de la sphère.

Au centre de la sphère, nous trouvons l’axe ver- 3. Les tons de mélange des paires de couleurs
tical des tons gris entre le blanc et le noir. Nous complémentaires, qui apparaissent dans les cou- degrés sombres ou clairs se trouvent placés symé- noir et le bleu foncé. Ce sont les chemins ver-

nous bornons ici à représenter sept degrés de


pes horizontales. triquement, conformément aux lois définies par ticaux.
Si Ion suit le méridien desphère qui relie
la
clarté différents. Le quatrième degré de gris doit 4. Les tons de mélange de deux couleurs complé- leurs relations.
mentaires, qui, éclaircies vers le blanc ou assom- La figure 53 indique les cinq principales façons l’orange et le bleu, est également possible de
il
donc correspondre à la valeur moyenne du gris
bries vers le noir, sont représentées dans les d’établir des rapports possibles entre deux cou- relier les deux couleurs par le gris et les mélanges
entre le blanc et le noir ce gris moyen représente
:

le centre de la sphère. C’est ce gris que nous coupes verticales. leurs contrastantes. Si l’on veut faire une compo- de bleu et d’orange, c’est-à-dire gris-orange, gris,
Imaginons au centre de la sphère des couleurs sition fondée sur une paire de couleurs complé- bleu-gris. C’est le chemin diagonal. Ces cinq che-
obtenons en mélangeant deux couleurs complé-
mentaires. une aiguille aimantée mobile. Dirigeons la pointe mentaires, l’orange et le bleu par exemple, et si mins sont les plus courts et les plus simples qui
La figure 52 montre une coupe verticale à travers de cette aiguille vers une couleur de la sphère : Ion recherche les tons qui sont susceptibles de permettent de relier ensemble deux couleurs
l’autre pointe indiquera le point symétriquement servir d’intermédiaires, suffit de localiser les contrastantes.
la sphère des couleurs dans la zone des couleurs
il

rouge-orange, bleu-vert. Considérons dans cette opposé, c'est-à-dire la couleur complémentaire de deux couleurs de base sur la sphère des couleurs. Si l’on pense que ce classement systématique des
nous voyons, à un la première. Si nous plaçons une pointe sur le L’orange peut rejoindre le bleu de deux façons couleurs et les possibilités de contrastes qu’il
coupe la zone équatoriale
:

degré clair du rouge, le rose, l'autre pointe indi- placé lui-même sur l’équateur, peut, en suivant indique permet de surmonter les difficultés qu’of-
degré très lumineux, à gauche le bleu-vert et à il

celui-ci, rejoindre le bleu en passant par le rouge frent les couleurs, faut également avouer que le
droite le rouge-orangé. En allant vers l’axe médian, quera le second degré sombre de la couleur com- il

nous trouvons deux mélanges pour chacune des plémentaire, le vert. Si nous plaçons une pointe et le violet ou bien, dans la direction opposée, en monde des couleurs renferme des possibilités
sur le brun, second degré d obscurcissement de passant par le jaune et le vert. Ce sont les chemins multidimensionnelles qui, dans leur richesse, ne
deux couleurs lumineuses. Les six tons « équato-
riaux » sont ainsi éclaircis vers le blanc et obscur- l'orange, l’autre extrémité se dirigera vers le se- horizontaux. peuvent être que partiellement saisies dans des
cis vers le noir. Ces coupes verticales sont établies cond degré d’éclaircissement du bleu. Nous cons- I n suivant le méridien, cet orange est reliéau bleu classements élémentaires. Chaque couleur isolée
tatons donc que non seulement les couleurs soit en passant par l’orange pâle, le blanc et le est un monde en soi. On ne peut donner ici qu’une
selon toutes les paires de couleurs complémen-
taires et selon le noir et le blanc. faut veiller à
Il complémentaires, mais également leurs différents bleu pâle, soit en passant par l’orange foncé, le image élémentaire des bases et des principes.

71
70
jaune blanc
Etude des accords de couleurs jaune
jaune vert Jaune orangé
jaune vert jaune orangé / \
/ \
/
Par la notion d'accords de couleurs, nous en- / \

tendons l'assemblage d’un certain nombre de vert orangé


orangé 4
jaune \

couleurs fondé sur les lois de leurs rapports vert


vert. \
orangé
\
harmonieux et qui peut servir de base à une com-
position colorée. Comme est impossible de
/
il
/
bleu rouge /
\
représenter ici toutes les combinaisons d’accords, orangé bleu rouge \

vert
nous ne traiterons que le développement et les vert orangé / \
/
rapports des accords harmonieux. /

Les accords de couleurs peuvent se composer de


\

deux, de trois, de quatre couleurs ou davantage. bleu rouge bleu rouge


On parle alors d'accords à deux tons, d'accords à bleu rouge violet
trois tons, d accords à quatre tons.

bleu violet rouge violet


1. Accords à deux tons
bleu violet rouge violet
Sur le cercle chromatique, deux couleurs diamé- violet
violet
tralement opposées sont complémentaires. Elles noir

forment un accord harmonieux à deux tons. Ce Fig. 54 Figures de construction des accords har-
sont, par exemple, les accords rouge-vert, bleu-
:

monieux à trois tons. Fig. Figures de construction des accords har-


55 Fig. 56 Figures de construction des accords har-
orange, jaune-violet. Si l’on utilise la sphère des
monieux à quatre tons. monieux à six tons.
couleurs, on obtient un nombre presque illimité
d'accords harmonieux à deux tons, à la condition côtés d’un triangle équi-
ments reliés par les trois
que les deux couleurs soient disposées symétri- latéral.
quement par rapport au centre de la sphère des Si, dans l’accord des deux couleurs complémen- trouve sur le blanc, les deux autres sommets se jaune, rouge-orange, violet, bleu-vert,
couleurs. Si par exemple, on utilise un rouge dont trouvent sur le premier degré des tons assombris jaune-orange, rouge, bleu-violet, vert,
taires jaune-violet, nous remplaçons une des deux
le degré est pâle, faut utiliser en contre-partie
il
d’une paire de couleurs complémentaires, en orange, rouge-violet, bleu, jaune-vert.
couleurs par ses deux couleurs voisines, par
un vert assombri selon Ile même degré. exemple jaune par bleu-violet et rouge-violet ou résulte alors un triple accord du type suivant :
Les accords à quatre tons s'obtiennent aussi en
violet par jaune-vert et jaune-orange, nous obte- blanc-bleu vert sombre-orange sombre. utilisant un rectangle qui contient deux paires de
2. Accords à trois tons
nons également des accords triples harmonieux. L’accord correspondant avec le noir contiendra couleurs complémentaires.
Si on choisit sur le cercle chromatique trois cou-
I

les couleurs suivantes noir, bleu-vert clair, orange Prenons par exemple accords suivants
leurs qui forment entre elles un triangle équilatéral, Nous pouvons aussi nous représenter les figures :
les :

clair. Ces cas limites prouvent que l’emploi du noir jaune-vert, jaune-orange, rouge-violet, bleu-violet
ces couleurs forment un accord harmonieux à trois de rapports, te triangle équilatéral et le triangle
isocèle, comme des formes géométriques inscrites ou du blanc confère au contraste clair-obscur une ou
couleurs (fig. 54).
dans la sphère des couleurs. Elles peuvent être force d’expression bien plus grande. jaune, orange, violet et bleu.
L’accord jaune, rouge, bleu en est la forme la plus
claire et la plus puissante. On pourrait le nommer placées dans n’importe quel ordre. Quand les 3. Accords à quatre tons Une troisième figure permettant d’établir des rela-
l’accord triple fondamental. Les couleurs secon- points d’intersection des médianes se trouvent au Si l’on choisit sur le cercle chromatique deux cou- tions est le trapèze. Nous utilisons d’une part deux
daires orange, violet et vert forment aussi un centre de la sphère, les sommets des figures dési- ples de couleurs complémentaires, dont les rela- couleurs voisines et, d’autre part, deux couleurs
accord triple plein de caractère. gnent des accords triples harmonieux. Notons deux tions sont établies à l’aide de droites perpendicu- opposées qui se trouvent soit à droite, soit à gau-
Les accords jaune-orange, rouge-violet, bleu-vert cas limites, lorsque les sommets rencontrent les laires, nous obtenons une figure carrée (voir fig. che de leurs couleurs complémentaires. Les ac-
d’une part et rouge-orange, bleu-violet, jaune-vert couleurs blanche ou noire. Si l’on emploie le 55). Les trois accords à quatre tons que l’on peut cords qui en résultent ont tendance à former des
occupent sur le cercle chromatique des emplace- triangle équilatéral, et si l’un des sommets se obtenir sont : contrastes simultanés, bien que les relations qui

73
72
entre eux soient harmonieuses. En Après avoir donné ici les bases élémentaires de cord triplese transformerait en un accord qua-
sont établies
la formation des accords de couleurs, nous insis- druple, qui augmenterait de façon sensible le nom-
effet, leur mélange donne du gris-noir.
tons encore une fois sur le fait que le choix d’un bre et la richesse des variations d’accords. Ces
Si nous plaçons les figures géométriques de rap- rouge orangé jaune
accord et de ses modulations, lorsqu’il sert de indications montrent que les règles des accords
ports sur le cercle chromatique (fig. 55) et si nous
base à une création artistique, ne peut en aucun de couleurs ne sont pas destinées à entraver l’ima-
leur faisons effectuer une rotation, nous obtenons
cas se faire arbitrairement. Les multiples disposi- gination, mais qu elles sont plutôt une voie aidant
un nombre important de nouveaux rapports et de
tions sont conditionnées par le sujet concret ou à découvrir les possibilités d'expression les plus
nouveaux thèmes colorés.
abstrait qui a été décidé auparavant. Le choix d’un diverses des couleurs.
4. Accords à six tons accord et son exécution sont une obligation et ne
Nous pouvons obtenir des accords à six tons de dépendent pas d’une inspiration capricieuse ou jaune
deux manières. Nous pouvons inscrire dans le d’une réflexion superficielle. Chaque couleur,
cercle un hexagone au lieu d'un carré ou d un chaque groupe de couleurs, possède une person-
triangle. Cela nous permet de relier trois paires nalité particulière, vit et se développe d'après ses
de couleurs complémentaires :
lois propres. Le sens de l'étude des accords de
jaune, orange, rouge, violet, bleu, vert, ou bien couleurs consiste à trouver les effets colorés les
jaune-orange, rouge-orangé, rouge-violet, bleu- plus expressifs en choisissant avec le plus de
violet rouge
violet, bleu-vert et jaune-vert. justesse les contrastes de couleurs.
Faisons tourner l’hexagone à l’intérieur du cercle :
Nous devons apporter des précisions à l'accord
les tons que nous obtenons, ou assombris,
éclaircis de base jaune, rouge, bleu, sur la façon dont on
:
Forme et couleur
donnent d’intéressantes compositions de couleurs. peut en obtenir les variations et les effets les plus
Nous pouvons également construire des accords divers. Une variation consiste à placer, dans une Fig. 57
à six tons en ajoutant du noir et du blanc à quatre bande de couleurs, le jaune entre le bleu et le rou-
couleurs pures. Choisissons, dans la zone équa- ge, puis le rouge entre le bleu et le jaune, puis le
Dans la « théorie de expression des couleurs », sine et que ressent les lignes droites et les
l’on
toriale de la sphère des couleurs, quatre couleurs bleu entre le jaune et le rouge. Les couleurs de I

nous obtenons nous essayons d expliquer quelles sont les possi- angles droits du carré, on éprouve une forte ten-
qui forment entre elles un carré ; l’accord de base peuvent être combinées avec des
expression que peuvent avoir les couleurs. sion. Toutes les formes géométriques qui sont
un accord à quatre tons formé de deux paires de tonalités modifiées des couleurs pures. Ainsi se bilités d
Comme les couleurs, les formes ont également basées sur des lignes horizontales et verticales,
couleurs complémentaires. Relions chaque coin du forme un contraste de qualité. Les trois couleurs
leur valeur d’expression «sensible et morale». appartiennent par leur caractère à la famille du
carré d’une part vers le haut avec le blanc et, d’au- peuvent être éclaircies ou assombries de façon
Dans un tableau, les valeurs expressives de la carré. Citons la croix, le rectangle, la grecque et
tre part, vers le bas avec le noir, comme le montre à donner naissance à des contrastes clairs-
forme et de la couleur doivent être synchronisées les formes dérivées correspondantes.
la figure 56. Nous obtenons ainsi un octaèdre. obscurs. Si les trois couleurs sont éclaircies au
:

cela signifie que l’expression de la forme et celle Au carré correspond le rouge, couleur de la ma-
Tous les accords à quatre tons formés à partir de même degré de clarté, et si les couleurs pures ne
de la couleur doivent s’équilibrer et se soutenir tière. La pesanteur et l’opacité du rouge caracté-
la zone équatoriale peuvent se transformer en sont employées qu’en petites quantités, nous obte-
ajoute les couleurs noire l’une l’autre. risent la forme statique et lourde du carré.
accords à six tons si l’on nons un accord fondé sur le contraste de quantité.
De même couleurs fondamentales,
qu’il existe trois Le caractère fondamental du triangle lui est donné
et blanche. Si une couleur est utilisée plus que les autres, sa
existe trois formes fondamentales, simples et par les trois diagonales qui se coupent en formant
Au de partir du carré, nous pouvons également
lieu prédominance crée des accords très expressifs. il

aspect
expressives le carré, le triangle et le cercle. trois angles, Ses angles aigus ont un
partir du rectangle. Si on allait jusqu’à remplacer une couleur pure :

agressif et combatif. A la famille du triangle appar-


I

En partant du triangle, nous obtenons un accord à de l'accord par les couleurs qui se trouvent à sa Le carré, dont le caractère fondamental est déter-
toutes formes de caractère diagonal,
cinq tons si on ajoute du blanc et du noir dans droite ou à sa gauche dans le cercle chromatique, miné par deux horizontales et deux verticales de tiennent les
I

tels le losange, le trapèze, le zigzag et les


formes
la combinaison. Ces accords à cinq tons se com- si par conséquent on remplaçait le jaune par du
même longueur qui se coupent à angle droit, est
en dérivent Le triangle est un symbole de pen-
posent par exemple de jaune-vert et du jaune-orange, ou si l’on remplaçait ymbole de matière, de pesanteur et de frontières qui
sée et la couleur qui correspond à son caractère
:

fixes. L’idéogramme par lequel les Egyptiens dési-


jaune, rouge, bleu, noir et blanc, ou bien le rouge par du rouge-orange et du rouge-violet,
gnent le « champ » est un carré. Lorsque l’on des- désincarné est le jaune clair.
orange, violet, vert, noir et blanc. ou le bleu par du bleu-vert et du bleu-violet, l’ac-

75
74
Ce propos des couleurs subjectives Effet spatial des couleurs
Sur une surface donnée, un cercle naît si un point qui a été dit à
quelconque se déplace d’un autre point à une dis- est également valable pour les formes. Chaque
tance constante. Contrairement à l’impression rude individu possède, de par sa constitution, certaines

et tendue que procurait le fait de tracer un carré, formes qui lui sont propres. La graphologie étudie
le cercle produit un sentiment de détente et de avec attention les rapports qui existent entre la
mouvement perpétuel. symbolise l’esprit qui
Il forme subjective des lettres et des signes d’écri-
meut dans son unité. Pour construire le temple du ture et le caractère de celui qui écrit. Mais l’écri-

ciel, es anciens Chinois employaient des éléments


|
ture linéaire n'exprime qu'une partie des formes
circulaires, alors que pour le palais des princes, ils subjectives.
utilisaient des éléments carrés ou rectangulaires. Les anciens Chinois admiraient les écritures qui
Le signe astrologique du ciel est un cercle conte- avaient un caractère subjectif original. Mais une
nant un point en son milieu. A la famille du cercle écriture qui était en même temps originale et har-
appartiennent toutes les formes géométriques monieusement équilibrée avait encore plus de
courbes ou de caractère circulaire, comme l’ellipse, valeur.
l’ovoïde, la sinusoïde, la parabole, ainsi que leurs La peinture au lavis jugée de la même façon.
était

formes dérivées. A la forme circulaire qui se meut Liang K’ai et d’autres grands maîtres allaient en-
sans arrêt, correspond le bleu transparent. core plus loin. Ils n’attachaient pas de valeur à
« l’originalité et au style personnel », ils cher-

Disons pour résumer : le carré symbolise la ma- chaient, dans art, l’absolu et s’efforçaient de don-
I

tière au repos, le triangle rayonnant de tous côtés ner à chaque sujet une expression formelle de
symbolise la pensée et le cercle symbolise l’esprit valeur universelle. Les différents tableaux de
L’effet spatial d’une couleur dépend de diverses Cela démontre une fois de plus la relativité des
en perpétuelle activité. Liang K’ai se ressemblent si peu les uns les autres,
composantes. Dans la couleur le-même, nous effets colorés, dont il a déjà été question dans les
Les formes correspondant aux couleurs secondai- qu’on a de la peine a les lui attribuer tous. Le
trouvons des lignes de force qui agissent en pro- chapitres sur la réalité et l’effet des couleurs, le
res sont en conséquence les suivantes un trapèze : caractère subjectif de la forme est, dans ces ta-
bleaux, dominé par le souci d’une vérité objective fondeur. Celles-ci peuvent se manifester comme contraste simultané et les couleurs expressives.
pour l’orange, un triangle sphérique pour le vert et
clair-obscur, comme chaud-froid, comme qualité ou Dès 1915, de nombreuses recherches sur le pro-
une ellipse pour le violet fig. 57). Un parallélisme plus élevée.
blème de l’effet de profondeur des couleurs me
La peinture offre tout un système de choix objec- comme quantité. L’effet spatial peut aussi naître,
s’établit si l’on coordonne certaines couleurs et les six couleurs
d’autre part, de croisements et de diagonales. porta à la conclusion suivante :

leursformes correspondantes. tifs : les directions spatiales, les distributions de


Si l’on place l’une à côté de couleurs
l’autre les six fondamentales produisent sur fond noir des effets
Quand 1 expression d’une forme coïncide avec forces d’équilibre, les formes et les surfaces libre-
jaune, orange, rouge, violet, bleu et vert sur un de profondeur correspondant aux proportions de
l’expression d’une couleur, leurs effets se cumu- ment déterminées avec leurs valeurs de tons et
fond noir, on constate très clairement que le jaune la section d’or. Le partage d’une section de droite
lent. Un tableau dont l’expression est déterminée leurs différentes textures.
clair semble venir en avant et que le violet paraît selon la section d'or signifie que la petite portion
principalement par la couleur, devrait développer Dans lapeinture européenne. Matthias Grunewald
flotter dans le fond de la figure. Les autres cou- de droite est à la grande ce que la grande est à
ses formes à partir de la couleur, alors qu’un ta- s est efforcé d’atteindre cette objectivité de la
leurs marquent différents degrés de profondeur la droite entière. Si Ton coupe, selon la section
bleau axé sur la forme devrait recevoir ses cou- forme et de la couleur.
entre le jaune et le violet. Si l’on utilise un fond d’or, la droite AB au point C, cela signifie que le
leurs à partir de la forme. Konrad Witz et Le Greco ont été largement objec-
blanc, l’effet de profondeur est inversé. Le violet rapport AC/CB est égal au rapport CB/AB. On
Les cubistes ont accordé une attention particulière tifs en ce qui concerne l’emploi des couleurs, mais
est repoussé par le fond blanc et semble vernir vers désigne la petite section AC sous le nom de
aux problèmes de la forme, et c’est pourquoi ils ils sont restés liés à leurs f
ormes subjectives. De
avant, alors que le blanc retient le jaune qui lui « mineure » et la grande section BC sous le nom
ont réduit le nombre des couleurs qu’ils em- la Tour fut subjectif pour la forme et pour la cou-
l

**st apparenté. Ces observations prouvent que, de « majeure ».


ployaient. Les expressionnistes et les futuristes leur. Les tableaux de Van Gogh sont également
pour juger de l’effet de profondeur, la couleur de En ce qui concerne les couleurs, nous constatons
ont employé la forme et la couleur comme moyens construits sur les couleurs et les formes subjec-
référence est aussi importante que la couleur elle- ceci : lorsque l’orange est placé entre les degrés
d’expression. Les impressionnistes et les tachistes tives.
même. de profondeur du jaune-rouge, les écarts de pro-
ont abandonné la forme au profit de la couleur.

77
76
fondeur entre le jaune et l'orange d une part et le Dans les effets de profondeur, les quantités jouent Enseignement de l’impression des couleurs
rouge et l’orange d’autre part reflètent le rapport un très grand rôle. Si l'on place une petite tache
de la mineure à la majeure. De même, le rapport jaune sur une grande surface rouge, le rouge joue
jaune-rouge orange et le rapport rouge orange-bleu le rôle dun fond et le jaune avance. Si Ton agran-

expriment le rapport de la mineure à ta majeure. dit la tache jaune, et que la surface rouge diminue,

Les couleurs jaune et rouge, et rouge et violet le rapport peut s’inverser et le jaune aura dès lors

expriment le même rapport l’une face à autre. Le I plus d’importance que le rouge. Le jaune peut
rapport jaune à vert et celui vert à bleu expriment même former le fond et pousser le rouge vers
le rapport de la majeure à la mineure. l’avant.

Si l’on place sur un fond noir les couleurs jaune, Si l'on voulait discuter de toutes les possibilités
qu'offrent les accords de couleurs pour former des En ce qui concerne l’enseignement de l’impression observation attentive et d’une réflexion claire. Les
rouge-orange et bleue, on obtient l’effet de pro- compréhension
de profondeur, on ne serait néanmoins nulle- des couleurs, le point de départ se situe dans la sens peu à peu s’aiguisent et la
fondeur suivant le jaune est vivement projeté en
:
effets
recherche des effets de couleurs que l’on peut artistique s’habitue au travail logique de l’obser-
avant, le rouge l'est un peu moins et le bleu semble ment assuré d’établir un équilibre spatial dans une
trouver dans la nature. Nous étudions ici les im- vation. L’élève doit se battre contre la nature, car
aussi profond que le noir. Si l’on place ces mêmes composition colorée. Ici, la sensibilité personnelle
pressions, les effets que les objets colorés produi- les possibilités d’action de celle-ci sont différentes
couleurs sur un fond blanc, l’effet est inversé le : de l’artiste et le but que s’est fixé le peintre sont
sent sur le sens optique. et plus vastes que les moyens dont dispose l’ar-
bleu est poussé en avant par le fond blanc, le seuls juges.
En 1922, Kandinsky fut appelé au Bauhaus de tiste. Cézanne a travaillé avec la plus grande inten-
rouge-orange également, tandis que le jaune ne Si l’onveut considérer les couleurs comme des
Weimar. Un jour que nous bavardions, Gropius, sité les motifs qu'il choisissait dans la nature. Van
se détache que faiblement du blanc. forces créatrices de profondeur, il faut * régler »
la vue sur ces effets. « Ne faites pas de fenêtres », Kandinsky, Klee et moi-même, Kandinsky me de- Gogh a usé ses forces dans ce combat, après avoir
Placés sur un fond noir, tous les tons clairs avan-
voulait dire par là que le peintre manda ainsi qu’à Klee « Que traitez-vous dans essayé, dans des efforts continuels, de transformer
cent plus ou moins selon leur degré de clarté. Sur disait Corot, et :
il

vos cours ? » Klee expliqua qu’il traitait des pro- la nature telle qu'il la ressentait en formes et en
fond blanc, les effets sont contraires, les tons devait veiller aux effets de profondeur produits par
blèmes de la forme et je donnai quelques pré- couleurs.
clairs restent sur le même plan que le fond et les ses couleurs.
cisions sur mon cours préparatoire. Kandinsky Ce sont les dispositions de chaque artiste qui défi-
tons sombres sont peu à peu poussés vers l’avant. L'un des moyens les plus efficaces d’équilibrer les
répliqua sèchement « C’est bon, je me charge du nissent les capacités de chacun pour l’étude
Lorsqu’ils ont le même degré de clarté, les tons effets de profondeur est de tracer les lignes verti- :

dessin d’après nature. » Nous approuvâmes et d’après nature. Mais il serait fatal de négliger la
froids reculent alors que les tons chauds avancent. cales et horizontales, c’est-à-dire les plans qui il

ne fut plus jamais question de l’organisation des « vie extérieure » pour plus de « vie intérieure ».
Lorsqu il contraste clair-obscur, les
s’y ajoute le déterminent les couleurs.
cours et de leurs contenus. Pendant plusieurs La nature, dont le rythme saisonnier s’oriente tan-
forces de profondeur s’additionnent, s’annulent ou
années, Kandinsky poursuivit ses cours sur l’étude tôt vers l’intérieur, tantôt vers l’extérieur, pourrait
se transforment en leurs contraires. Plaçons un
analytique de nature. être pour notre vie un exemple parfait. Au prin-
bleu-vert et un rouge-orangé de même clarté sur
la

C’est un symptomatique du manque d’orienta-


fait temps et en été, les forces de la terre sont centri-
un fond noir, le bleu-vert recule et le rouge-orangé
tion qui règne à notre époque, que des discussions pètes et provoquent ta pousse des plantes, en
avance.
sur la nécessité de l’étude d’après nature soient automne et en hiver elles sont centrifuges et pré-
Si l’on éclaircit ce rouge-orangé, avance encore
il

possibles dans le cadre des écoles d’art. Par étude parent le nouveau bourgeon.
plus. Si on éclaircit faiblement le bleu-vert,
I
il

d’après nature, on ne devrait pas comprendre imi- Etudions maintenant les problèmes de couleurs
semble être placé au même niveau que le rouge-
avance et tation automatique d’impressions fortuites, mais dans la nature. Du point de vue physique, tous les
orangé; si on l'éclaircit davantage, il

bien au contraire recherche analytique et élabora- objets sont incolores. Mais si la surface d’un objet
c’est au tour dui rouge-orangé de reculer.
est éclairée de lumière blanche - c’est de la
tion des formes et des couleurs nécessaires à une
Le contraste de qualité produit les effets de pro-
représentation authentique de la nature. Cette lumière solaire qu’il s’agit ici — cette surface,
fondeur suivants une couleur lumineuse avance
:

étude nous permettra d’interpréter la nature et non selon ses propriétés, absorbe ou reflète certaines
par rapport à une couleur aussi claire mais plus
de imiter. Mais pour que l’interprétation corres- ondes lumineuses, c’est-à-dire les couleurs. Dans
sourde. Dès que le contraste clair-obscur s’ajoute l

ponde à la nature véritable de la chose, la repré- le chapitre consacré à la physique, nous avons
au contraste de qualité, les effets de profondeur
sentation matérielle doit être précédée d'une expliqué comment, lorsque les couleurs spectrales
se décalent à nouveau.

79
78
on peut transformer un effet de relief en effet de Si, un soir d été, on observe dans la lumière oran-
sont divisées en deux groupes quelconques, cha- de pour le ton de lumière et
l’objet est éclaircie
surface plane en liant les couleurs de l’objet et la gée du soleil couchant et le reflet bleuté du ciel à
cun de ces deux groupes, projeté sur une lentille, elle est ternie et assombrie pour le ton d’ombre.
Les rayons colorés réfléchis modifient de diverses couleur du fond du tableau par des tons de même l’est, les ombres des arbres, on distingue très net-
forme une couleur unique. Les deux couleurs ainsi
clarté. C’est ainsi que la surface du tableau est tement la tonalité bleue de l’ombre. Les ombres
produites sont complémentaires. Les rayons lumi- façons les couleurs pigmentaires des objets. Le
reliée aux tons de l’objet représenté. colorées sont encore plus visibles en hiver, lors-
neux réfléchis par une surface donnée produisent pigment naît, comme nous avons déjà dit, de la
l

que les rues sont couvertes de neige blanche. Le


une lumière qui est complémentaire de celle pro- réflection des rayons colorés par l'espace envi- Si l’on donne à chaque objet et à chaque surface
cielbeu sombre de la nuit et l’éclairage orangé
duite par la somme des
rayons lumineux absorbés ronnant. Si objet est rouge, et si ses rayons
l sa véritable couleur locale, on obtient un effet
des rues dessinent sur la neige des ombres d’un
par la même surface. La couleur réfléchie apparaît rouges atteignent un objet blanc placé à proximité, réaliste et concret. Une composition de ce genre
bleu profond. Si l’on se promène dans les rues
comme la couleur propre ou la couleur locale de ce dernier portera des teintes réfléchies rougeâ- est faite d'une multiplicité d’éléments individuels
enneigées et éclairées de réclames multicolores,
l’objet. tres. Si les rayons rouges atteignent un objet vert, qui ne forment une unité que malgré eux. Conrad
on voit sur le sol de multiples ombres rouges, ver-
il portera des reflets gris noir, car le rouge et le Witz a souvent utilisé ce mode de représentation.
tes,bleues et jaunes.
Un corps qui réfléchit tous les rayons de la lumière vert annulent simultanément leurs effets. Si les Si l’on emploie les couleurs objectives des objets
En peinture, ce sont les impressionnistes qui ont
blanche et n’en absorbe aucun paraît blanc. Un rayons rouges atteignent une surface noire, elle comme couleurs locales de la composition et si
compris ce phénomène et qui se sont attachés à
corps qui absorbe tous les rayons de la lumière portera des reflets bruns noirâtres. l’on donne aux objets leur véritable couleur, rouge
le résoudre. Lorsque leurs tableaux présentaient
blanche et n’en réfléchit aucun paraît noir. Plus surface d’un objet est brillante, plus la
la en rouge et jaune en jaune par exemple, les objets
l’ombre des arbres peinte en bleu, ils provo-
Si l’on éclaire un corps bleu avec une lumière lumière réfléchie devient visible. En étudiant les ne sont plus limités ni isolés. Ils se dissolvent dans
quaient une certaine émotion parmi les visiteurs
orangée, paraîtra noir parce que
il orange nel changements de couleurs locales provoquées par leur propre atmosphère qui est devenue celle du
de l'exposition. Jusqu’à cette époque était géné-
il

contient aucun rayon bleu susceptible d’être réflé- les modifications de la lumière solaire et le phé- tableau.
ralement admis que les ombres devaient être pein-
chi. Ce phénomène démontre l'importance de la nomène des couleurs réfléchies, les peintres im- Les modulations en chaud et froid permettent éga-
tes en gris noir. Mais les impressionnistes, après
couleur de l’éclairage. Une modification de la cou- pressionnistes furent convaincus que les couleurs lement d'obtenir des effets plastiques. Ces modu-
avoir attentivement observé la nature, en avaient
leur de l’éclairage entraîne une modification des locales se dissolvaient dans une seule atmosphère lations provoquent la « dissolution » des couleurs
conclu que les ombres devaient être représentées
couleurs locales des objets éclairés. Plus un éclai- lumineuse. locales. Les tons d’ombre et de lumière sont rem-
par des couleurs.
rage est coloré, plus la modification des pigments placés par des variations des couleurs locales,
La notion d’impression ne doit pourtant pas être
est grande. Plus lumière est blanche, plus les
la plus chaudes ou plus froides et utilisant le même
employée simplement en référence à la peinture
rayons non absorbés sont réfléchis intégralement Quatre problèmes principaux fixent le cadre de degré de valeur. Le contraste clair-obscur est com-
impressionniste.
et plus les couleurs locales paraissent pures. En notre enseignement de l'impression des couleurs :
plètement éliminé, et ceci permet de créer une
Les frères Van Eyck, Holbeîn, Velasquez, Zurba-
étudiant les couleurs dans la nous attribue-
nature, la couleur de l’objet, la couleur de l’éclairage, la atmosphère pittoresque.
rân, les frères Le Nain, Chardin et Ingres sont à
rons une importance particulière à la couleur de couleur de la lumière et celle de l’ombre, la cou- En étudiant les couleurs locales, prêtons une atten- mon avis des peintres « impressionnistes », car
l’éclairage. Citons ici le style de travail des impres- leur réfléchie. tion particulière à la couleur de la lumière d’éclai- leurs œuvres sont soumises à une observation
sionnistes ils étudiaient sans relâche les modifi-
: Nous avons plusieurs façons de représenter un rage. Sous un éclairage bleuâtre, un vase vert exacte de la nature. La peinture chinoise au lavis
cations de couleurs locales provoquées par les corps. paraît bleu-vert, et une coupe jaune paraît jaune- est également pour une grande partie impression-
différentes couleurs de l’éclairage. Soit en plan, en élévation et en vue latérale avec vert la couleur de l’objet se mélange avec la tona- niste. La philosophie de la Chine antique consistait
:

Bien entendu, ce n’est pas seulement la couleur les dimensions exactes portées sur le dessin :
lité de l’éclairage.
à vénérer la nature et les forces de la nature. C’est
de l’éclairage qui importe, mais également son c’est la représentation analytique de l’objet.
Les couleurs réfléchies éparpillent les tons locaux pourquoi est normal que les peintres aient étu-
il
intensité. La lumière ne crée pas simplement la Mais nous pouvons également dessiner l’objet en
et dissolvent la couleur et la forme de l’objet pour dié en détail les formes qu’ils rencontraient dans
coloration de l’objet, elle lui donne aussi son relief. perspective, ou encore le traiter par le relief en
former une composition de taches. cette même nature. Les montagnes, l’eau, les ar-
Pour représenter le relief d’un objet, nous avons l’ombre et la lumière.
utilisant
Delacroix disait : * Dans la nature, tout est reflet. »
bres et les fleurs représentaient pour eux des sym-
besoin de trois tons au moins nous les appelons
: Nous pouvons dessiner en perspective un vase
boles spirituels. Le peintre chinois étudiait les
ton de lumière, ton moyen et ton d'ombre. rouge et une boîte jaune et indiquer par des sur-
formes naturelles jusqu’à les connaître aussi par-
C’est dans le ton moyen que la couleur locale de faces les couleurs locales de ces deux objets.
Le problème de ombre colorée est également du faitement que les signes d'écriture. Pour les repré-
l’objet est la mieux mise en valeur et que les dé- Ces formes et ces couleurs peuvent être rendues
l

domaine de l’impression des couleurs. senter, n’employait la plupart du temps qu’une


il
tails de la surface sont les plus visibles. La couleur en relief par des tons d'ombre et de lumière. Mais

81
80
seule couleur, l'encre de chine noire, qu’il savait leurs correspondent à synthèse additive des
la L’enseignement de l’expression des couleurs
faire vibrerde toutes les clartés possibles. Le couleurs, car s'agit de mélanges de lumières
il

caractère abstrait de la technique de lavis renfor- colorées et non de pigments colorés.


çait le caractère symbolique de la peinture qui Le problème des ombres colorées fut traité lors
était pour lui chose essentielle. d'expériences ultérieures qui eurent des résultats
Dans certains tableaux d art moderne, nous
il surprenants.
arrive de rencontrer des visages humains verts, 1. Un éclairage rouge-orangé sans la lumière du
bleus ou violets. Le profane est souvent désem- jour, engendra une ombre noire. Un éclairage bleu
paré, car ces couleurs ne sont pas naturelles. Il ou vert produisit également une ombre noire.
existe différents motifs qui poussent le peintre à 2. Le fait d éclairer un objet au moyen de deux

modifier ainsi les couleurs. Le bleu et le violet uti- lumières colorées différentes et sans lumière du
lisés pour le visage peuvent avoir une signification jour eut le résultat suivant Une lumière rouge
:

particulière et une expression spéciale. La vie psy- produit des ombres vertes et une lumière verte
chique d’un être peut être représentée par cer- produit des ombres rouges si ;
on superpose les
I

taines couleurs. Pour un visage, le vert et le bleu deux lumières, ombre qui en résulte est noire
l

peuvent aussi avoir une signification symbolique. alors que la lumière d'éclairage résultant du mé-
Ces moyens de représentation ne sont pas spécia- lange de rouge et de vert est jaune.
lement nouveaux. Nous rencontrons ces couleurs Si l’on emploie une lumière rouge-orangé et bleu-
symboliques très tôt aux Indes et au Mexique. Sur vert, la lumière rouge-orangé donne une ombre

un visage, le bleu et le vert peuvent, d'autre part, bleue et la lumière bleu-vert donne une ombre
rouge-orangé. Les deux ombres mélangées pro- Aux processus optiques, électro-magnétiques et rôti pritun aspect gâté tandis que les pommes de
représenter l’ombre d’une lumière dont la tonalité
chimiques qui se déroulent dans notre oeil et dans terre semblaient pourries. Les invités avaient perdu
correspond à ces couleurs. Les expériences sui- duisent une ombre noire et le mélange des lumiè-
notre cerveau lorsque nous regardons des cou- tout appétit. Lorsque la lumière devint jaune, le
vantes sont destinées à apporter quelques préci- res est rose-pourpre.
vert et le bleu, correspondent souvent des processus symé- vin rouge ressembla à une huile épaisse et chacun
sions sur le problème des ombres colorées. Si les couleurs d’éclairage étaient le leurs,
prit l’aspect d’un demi-mort jauni quelques dames
Au musée des arts décoratifs de Zurich, en 1944, la lumière verte produirait une ombre bleue et la triques dans la région de notre âme. Ces émotions, ;

lumière bleue produirait une ombre verte. Les om- provoquées par la prise de conscience de la force sensibles se levèrent et quittèrent précipitamment
à l’occasion d’une exposition sur la couleur, je fis
la salle à manger. Personne ne put manger,
bien
une démonstration du phénomène de l’ombre colo- bres superposées donneraient du noir et la lumière des couleurs, peuvent se propager jusqu'au centre
le plus intime et atteindre par là des points clefs que tout le monde sût parfaitement que seul le
rée. A la lumière du jour, on éclaira un objet blanc bleu-vert.
on employait trois lumières d’éclairage, de vie spirituelle et psychique. Goethe parlait changement d 'éclairage provoquait ces étranges
avec une lumière rouge. Une ombre verte apparut. 3. Si I la

rouge-orangé, vert et bleu-vert, la lumière rouge- de moral et sensuel des couleurs. sensations. Le maître de maison rétablit en riant
Une lumière verte produisit une ombre rouge, une l’effet
humeur
On m’a raconté l'anecdote suivante la lumière blanche et bientôt la bonne
lumière jaune fitdes ombres violettes et une lu- orangé produirait une ombre bleu-vert, la lumière :

A la verte produirait une ombre rose-pourpre et la Un industriel invita chez lui plusieurs personnes à régna de nouveau autour de la table.
mière violette produisit une ombre jaune.
lumière bleu-vert produirait une ombre jaune. La dîner. Les arrivants étaient accueillis par d’agréa- est certain que les couleurs influent sur notre
lumière du tour, toute lumière colorée produit une
Il

superposition des trois ombres donnerait du noir bles effluves venant de la cuisine et tout le monde état psychique, que l'on en soit conscient ou non.
ombre dont la couleur est complémentaire de la
et la somme des trois lumières d’éclairage créerait se réjouissait de passer à table. Lorsque la joyeuse Le bleu profond de la mer et des montagnes loin-
lumière d'éclairage.
un fond blanc. compagnie fut rassemblée devant des plats super- taines nous ravit, alors que ce même bleu, em-
Je demandai à Hans Finsler, directeur de la classe
ployé comme couleur d’intérieur, produit effet
bement préparés, le maître de maison alluma une
I

de photographie, de photographier ces phénomè- et crée une


d’une étrange et inquiétante inertie
nes. Les photos en couleurs montrèrent que les L étude de l’impression des couleurs donne à ar- I
lumière rouge. La viande dans les assiettes se
tiste de nombreuses autres possibilités de décou- colora d’un beau rouge frais, mais les épinards atmosphère où l'on ose à peine respirer. Des
ombres colorées avaient une existence réelle et
de représenter les merveilles de formes et semblèrent noirs et les pommes de terre apparu- reflets bleus sur la peau la rendent blafarde et
qu elles ne devaient pas leur présence à un con- vrir et
de couleurs offertes par la nature. rent d’un rouge lumineux. Tout le monde s’étonna, comme mourante. Dans l’obscurité de la nuit, la
traste simultané. A cet égard, nous soulignons que,
mais déjà lumière rouge devenait bleue et le lumière bleue du néon est attirante et produit le
lors des expériences, tous les mélanges de cou- la

83
82
même effet quebleu sur un fond noir. L'accord
le Le caractère jeune, clair et rayonnant de la nature
Pour pénétrer l’expression psychique et spirituelle avaient atteint cet état, le vivaient comme enve-
des couleurs bleue, jaune et rouge est vivant et au printemps est exprimé par des couleurs lumi-
de chaque couleur, est nécessaire de les compa-
il loppés de lumière et dans une extase où ils respi-
joyeux. Un ciel bleu, plein de soleil, est vivifiant et neuses. Le jaune est la couleur la plus proche du rer. Pour éviter autant que possible les erreurs, il raient à peine. L’or seul était capable de représen-
incite à agir, alors que le ciel bleu éclairé par la blanc, et le jaune-vert constitue une gradation par faut, en nommant chaque couleur, savoir exacte- ter symboliquement cette lumière céleste. Le
lumière de la lune donne un sentiment de passi- rapport au jaune. Le rose pâle et le bleu pâle élar-
ment de quel caractère s’agit, de quel ton, et
il langage populaire dit « Je commence à
:
y voir
vité et éveille une nostalgie trouble et indéfinis- gissent et enrichissent l’accord. Les pointes des
avec quelles couleurs on la compare. Si l’on dit : clair. » Cela signifie que l’on comprend des choses
sable. bourgeons sont souvent revêtues de tons jaunes, « rouge », faut savoir de quel rouge
il ils’agit, et qui auparavant étaient obscures. On dit également :

Le visage rouge d’un individu indique la fièvre ou roses et lilas.


selon quel contraste son expression est mise en « Tel ou tel individu est une lumière. » Cela signifie
la colère un visage bleu, jaune ou vert indique Les couleurs de l’automne contrastent fortement valeur. Un rouge jaunâtre, un rouge saturne sont
;

qu'il est intelligent.


la maladie, bien que chacune de ces couleurs n'ait avec celles du printemps. En automne, la végéta- différents d’un rouge bleuâtre d’autre part, un
;
C’est au jaune, la couleur la plus lumineuse, que
en elle rien de maladif. Un ciel rouge annonce un tion verte meurt, elle se décompose et se pare de
rouge saturne sur fond jaune citron est différent correspondent symboliquement l'intelligence la
mauvais temps menaçant, un ciel bleu, vert ou couleurs brunes et violettes.
d’un rouge saturne sur fond noir ou sur fond lilas. science. Grunewald place le Christ ressuscité dans
jaune est signe de beau temps. L'espoir du printemps se réalise dans la maturité
Nous allons maintenant définir l’expression psy- une gloire jaune qui représente la sagesse uni-
A partir de ces expériences que la nature nous de l’été. chique et spirituelle des couleurs suivantes jaune,
:
verselle.
propose, est presque impossible d’atteindre une
il
En été, la nature, poussée matériellement vers l’ex- rouge-orangé, bleu, orange, violet et vert selon les
connaissance vraie et simple du contenu expressif térieur et gonflée de formes et de couleurs, atteint
Konrad Witz a peint la Synagogue en vêtements
places qu elles occupent sur le cercle chromatique
des couleurs. Des ombres jaunes, une lumière vio- une densité et une plénitude maximales. Les cou- jaunes, pour lui donner l’expression d'une pensée
et les relations qui les unissent
lette, un feu bleu-vert, une glace rouge sont des leurs chaudes, denses et vivantes, qui ne se qui s’affirme par l’intelligence.
couleurs dont l’expression, apparemment, ne cor- situent que dans une portion bien déterminée de Comme il n'existe qu’une vérité, il n’existe qu’un
respond pas à nos sensations habituelles et qui la sphère des couleurs, traduisent les impressions seul jaune.
JAUNE
semblent venir de l'au-delà. Seul, celui qui jouit colorées de l’été. Plusieurs tons verts sont indis- La vérité trouble est une vérité malade, c’est-à-dire
Le jaune est laplus lumineuse de toutes les cou-
d’une sensibilité profonde pourra apprécier la va- pensables, ils renforcent les tons rouges. Le bleu un mensonge. Ainsi le jaune terni exprime l’envie,
leurs. Dès qu’il est assombri de gris, de noir ou
leur d’un accord dont les composantes n’ont pas fait chanter l’orange qui lui est complémentaire. la trahison, la fausseté, le méfiance et
doute, la
de jaune perd son caractère de couleur
violet, le
de rapport avec les objets représentés. Pour représenter l’hiver, qui doit concrétiser le l’erreur. Dans « L’arrestation du Christ » de Giotto
pure. Le jaune ressemble à un blanc plus dense,
mouvement de repli des forces de la nature et sa plus matériel. Plus cette lumière devenue jaune et la « Cène » de Holbein, Judas est représenté en
L’exemple des couleurs des quatre saisons nous passivité, nous avons besoin de couleurs intério- jaune trouble. Le jaune gris d’un manteau que
pénètre dans l’épaisseur de la matière opaque,
permet de démontrer que la compréhension des risantes, froides et rayonnantes vers l’intérieur, porte une femme dans le tableau du Greco, « Le
plus elle se teinte d’orange. Le rouge est le point
couleurs peut être parfaitement objective, bien que transparentes et spiritualisantes. Le grand mouve- Christ dépouillé de ses vêtements », produit un
limite du jaune, mais n’existe pas de point de
il
chaque homme voit, ressente et juge les couleurs ment de respiration que la nature accomplit au effet étrangement inquiétant.
rencontre visible entre ces deux couleurs. L’orange
d une façon tout à fait personnelle. Le jugement cours des quatre saisons peut donc trouver une
se situe au milieu de ia gamme jaune-rouge et re- Le jaune a quelque chose de rayonnant et de ré-
« agréa ble-désagréable » ne peut pas représenter représentation colorée objective. Si, pour choisir
présente l’endroit où la pénétration de la matière jouissant, lorsqu'il contraste avec des tons plus
une référence valable pour apprécier les couleurs les accords de couleurs, on ne se sert pas de la sombres.
par la lumière est la plus forte. La lumière peut
à leur juste valeur. faut examiner chaque couleur
Il raison, et si l’on n’a pas présente devant soit la
sublimer la matière jusqu’au jaune d'or, d’un
dans sa relation avec la couleur voisine puis avec totalité du monde des couleurs, on ne trouvera Les illustrations 60 à 63 montrent comment le mê-
rayonnement insaisissable, dépourvu de transpa-
l’ensemble des couleurs de la composition pour se que des solutions limitées par le goût et l’on pas- me jaune modifie son expression lorsqu'il contraste
rence, aussi léger qu’une légère vibration. L’or fut
forger un élémeni de référence utilisable. Prenons sera à côté de celles qui ont une valeur universelle. avec différentes couleurs.
souvent employé dans la peinture ancienne. re- Il
Iexemple des quatre saisons pour expliquer ce
présente la matière rayonnante et lumineuse. Les Si le jaune est placé sur un fond rose, il perd sa
que cela veut dire s’agit de trouver, à l’intérieur
: il Il semble qu’il n’y ait pas d’autre moyen de juger coupoles byzantines aux mosaïques dorées, les luminosité.
et à l’extérieur de la sphère des couleurs, les em- valablement le contenu expressif des couleurs, que arrière-plans dorés des vieux tableaux, symboli- S’il est placé sur un fond orange, les deux couleurs
placements et les couleurs qui, par rapport à l’en- d’étudier la position et la signification d’une cou- saient l'au-delà, le merveilleux, le règne de la forment ensemble une seule couleur orange. Les
semble de la composition, définissent sans aucun leur par rapport à l’autre ou par rapport à l’ensem- lumière et du soleil. L’auréole dorée des saints deux couleurs ont l’air de représenter un soleil
doute le caractère de la saison considérée. ble de toutes les autres couleurs. était le signe de leur illumination. Les saints, qui matinal sur un champ de blé mùr.

84
85
Sur un fond jaune est rayonnant, mais le
vert, le Placé sous la dépendance de la planète Mars, il

vert fait également déborder son propre rayonne- est au monde de l’ardeur guerrière et démo-
lié

ment comme le vert résulte d’un mélange de bleu


;
niaque. Les guerriers au combat portaient des
et de jaune, le jaune semble être « en visite chez vêtements rouges, symboles de leur tâche martiale.
des parents ». Les révolutions adoptent le rouge comme couleur
Sur un fond violet, le jaune possède une force de leur drapeau. Dans le rouge-orangé brûle
est dur et impitoyable. l’amour sensuel et passionné. Le rouge pur sym-
pleine de caractère, il

bolise l’amour spiritualisé. Ainsi Charenton, dans


Sur un fond bleu moyen, le jaune est rayonnant,
le «Couronnement de Marie», peignit en rouge
mais a un effet rebutant. Le bleu sentimental ne
il
les manteaux de Dieu le Père et de Jésus-Christ.
supporte que difficilement la clairvoyance du jaune.
La Madone de lautel d Isenheim et celle de l’autel
Avec du rouge, le jaune produit un accord clair et
de Stuppach, de Grünewald, sont également repré-
puissant comme un concert de trompettes. L’ac-
sentées en vêtements rouges.
cord est lumineux et rayonne d’un savoir tout-
Le rouge pourpre, couleur des cardinaux, réunit en
puissant.
lui le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel.
Sur un fond blanc, le jaune possède une luminosité
En modifiant les couleurs de contraste, nous allons
très claire et agressive. Son effet est puissant,
montrer comment le rouge-orangé peut modifier
pénétrant, abstrait, et sans compromis.
son expression (fig. 64-67).
Les différents effets du jaune montrent avec beau- Sur un fond orange, le rouge-orangé a une lumi-
coup de netteté la difficulté de vouloir définir, à nosité sombre et sans force, semble déshydraté.
il

l’aide de notions générales, la caractéristique ex- Si l’on assombrit le fond jusqu’au brun foncé, le 60-63
pressive d’une couleur sans la contempler direc- feu rouge vacille comme une chaleur sèche. Seul
tement. le fond noir permet au rouge saturne d’exprimer

sa passion démoniaque et invincible. Sur un fond


vert, le rouge-orangé fait l'effet d’un envahisseur
ROUGE insolent et fougueux, est vulgaire et bruyant. Sur
il

Le rouge du cercle chromatique n est ni jaunâtre, un fond bleu-vert, prend l’aspect d’un feu attisé.
il

ni bleuâtre. Sa puissante luminosité est particu- Sur le rouge froid, retombe en braise atténuée et
il

lièrement difficile à réprimer. Elle est pourtant


extrêmement malléable et donne naissance à de
multiples effets. Le rouge est très sensible lorsqu’il
passe au jaunâtre ou au bleuâtre. Ainsi teinté, il
s’adapte aux modulations les plus diverses. Le
rouge-orangé est dense et opaque, il rayonne chau- Fig. 58 à fig. 71 Réalité colorée et effet coloré.
dement, rempli de sa propre lumière. Lorsqu’il Fig. 58 Un jaune paraît plus grand sur
carré
passe au rouge-orangé, le rouge augmente son fond blanc que sur fond noir.
caractère chaud et devient feu ardent. Fig. 59 Un carré rouge paraît plus petit sur fond
Une lumière orangée croissance des
favorise la blanc que sur fond noir.
plantes et augmente 'activité des fonctions orga-
l
Fig. 60 à fig. 71 Ces différentes compositions
niques. Par des contrastes bien choisis, le rouge- montrent les modifications que semblent subir le
orangé peut exprimer les passions fiévreuses et jaune, le rouge et le bleu lorsqu'on les rapproche
combatives. de couleurs fortement contrastées.
68-71
86
force rouge à se défendre avec une énergie
le la foi, était pour les Chinois symbole de l’immor- VERT une luminosité solaire poussé jusqu au rouge-
et,

vivace. Les différents effets que démontrent ces talité. Le vert est une couleur intermédiaire entre le jaune orangé, atteint le maximum d’énergie chaude et
expériences ne donnent qu’une petite idée des Quand le bleu se trouble, il tombe dans la supersti- et le bleu. Suivant qu'il penche vers le bleu ou vers active. L orange, fastueux, exprime facilement l’or-
possibilités d’expression du rouge-orangé. Con- tion, la peur, l’égarement et le deuil, mais il indi- le jaune, modifie son expression. Le vert fait
il gueil et le luxe extérieur. Eclairci de blanc, perdil

trairement au jaune, le rouge est capable de nom- que toujours quelque chose de surnaturel et de partie des couleurs complémentaires qui résultent vite son caractère et, terni de noir, se transforme
il

breuses modulations et ses variations s’étendent transcendantal. de mélanges de couleurs primaires. Il est difficile en un brun sourd, aride et peu éloquent. Si l’on
du chaud au froid, du terne au lumineux, du clair Les figures 68 à 71 montrent les modifications de de réaliser un mélange où les couleurs de base ne éclaircit ce brun, on obtient des tons beiges qui,

au foncé, sans pour autant perdre son caractère l’effet du bleu selon différents contrastes de soient pas apparentes. Le vert est la couleur du exprimant une bienveillance calme, rayonnent
rouge. Depuis le rouge Saturne, démoniaque et couleurs. monde végétal, de la mystérieuse chlorophylle d’une chaude et tranquille atmosphère.
sombre sur un fond noir, jusqu’au rose de Marie Sur un fond jaune, le bleu paraît très sombre et issue de la photosynthèse. Quand la lumière so-
doux et angélique, le rouge peut emprunter tous n’est pas lumineux. Là où règne la raison pure, la laire touche la terre et que l'eau et l'air dissolvent
les degrés intermédiaires de la vie infernale à la foi est sombre et timide. les éléments, la force de la matière fait surgir le VIOLET
vie céleste. Mais son domaine s’arrête devant le Si le bleu est éclairci jusqu'au même degré que le vert. Il de déterminer un violet qui ne
est très difficile
règne de l'âme et du surnaturel, de l’aérien et de jaune, rayonne d’une lumière froide. Sa transpa-
il Le vert exprime la fertilité, la repos
satisfaction, le soit ni bleuâtre, ni rougeâtre. Bien des personnes
la transparence, qui s’exprime par le bleu. rence dégrade le jaune en une valeur dense et et l’espérance, réalise l’union de la science et de
il ne possèdent pas un sens critique assez prononcé
matérielle. la foi. Si le vert lumineux vient à être troublé de pour arriver à différencier le degré d’obscurcisse-
BLEU Sur un fond noir, le bleu rayonne d'une force claire gris, dégage une impression de paresse paraly-
il ment du violet. A l’opposé du jaune, le violet est
Nous entendons par bleu pur, une couleur qui ne et pure. Là où régnent l’ignorance et l’obscurité, sante. Si le vert penche vers le jaune et s’il par- la couleur de l’inconscient, du secret se montre
; il

contient ni du jaunâtre, ni du rougeâtre. Considé- le bleu d'une foi pure ressemble à une lointaine vient à la force du jaune-vert, représente lail tantôt menaçant, tantôt réjouissant, selon les con-
rés du point de vue matériel et spatial, le rouge est lumière. nature jeune et printanière. Il serait inconcevable trastes, tantôt oppressant et tantôt étouffé. Lors-
toujours actif et le bleu toujours passif. Du point Sur un fond lilas, le bleu est éteint, vide et sans d’imaginer une matinée de printemps ou d’été sans que les touches de violet sont abondantes dans
de vue spirituel et dématérialisé, le rouge est pas- force. Le lilas lui retire son sens car représente il jaune-vert, sans joie, sans l’espérance de l’été et une composition, peut agir de façon vraiment
il

sif et le bleu est actif. Cela dépend de l’orientation une foi matérielle plus grande, celle de la « foi pra- des fruits qu’il apporte. Par l’orangé, le jaune-vert effrayante, en particulier lorsqu’il tend vers le
du regard. tiquante ». Quand le lilas s’assombrit, le bleu re- peut être poussé jusqu’à sa plus forte activité, pourpre. « Une lumière de cette couleur éclairant
Le bleu est toujours froid, le rouge est toujours trouve sa luminosité. mais prend alors facilement un caractère vul-
il un paysage suggère l’horreur d’une fin du monde »,
chaud. Le bleu possède une force dirigée vers Sur un fond brun sombre, c’est-à-dire d’un orange gaire et ordinaire. Avec une touche de bleu, le vert disait Goethe.
l'intérieur, introvertissante. Le rouge est au bleu sombre et terni, le bleu se met à vibrer fortement, développe ses composantes spirituelles. C’est le Le violet est la couleur de la piété ignorante. As-
ce que le sang est aux nerfs. Les individus dont à trembloter, et transforme le brun en une cou-
il bleu d’oxyde de manganèse qui donne au bleu-vert sombri ou trouble, est Sa couleur de la supersti-
il

les accords subjectifs sont dominés par les tons leur vivante. Le brun que l’on croyait mort célèbre sa force la plus éclatante. Ce bleu glacé est le pôle tion. Des catastrophes se devinent derrière un

bleus ont souvent un teint pâle et une faible circu- sa résurrection par l'intermédiaire du bleu. du froid de même que le rouge-orangé est le pôle fond violet sombre. Dès qu’il est éclairci, lorsque
lation sanguine. En revanche, leur système nerveux Sur un fond rouge-orangé, le bleu conserve sa de la chaleur dans le monde des couleurs. Contrai- la lumière et l’intelligence illuminent la piété, il

est très développé. Le bleu a une forte puissance, force sombre et rayonne fortement. C’est ici que rement au bleu et au vert pris séparément, le bleu- déploie de merveilleuses couleurs aux tonalités
comparable à celle de la nature en hiver au mo- le bleu s affirme et se confirme d’une façon étrange vert possède une agressivité froide et violente. tendres.
ment où tout est caché dans le calme et l’obscurité, et irréelle. La richesse de modulations du vert est immense et Les ténèbres, la mort et
noblesse dans le violet,
la

mais où tout germe et pousse en secret. Le Ibleu Sur un fond vert calme, le bleu acquiert une teinte permet de nombreuses valeurs d’expression par la solitude et le dévouement dans le bleu-violet,

est ami de l’ombre, et s’assombrit pour paraître rougeâtre. Seule, cette « dérobade » lui permet de l’intermédiaire des couleurs de contraste. l'amour divin et la domination de l'esprit dans le
plus éclatant. C’est un néant insaisissable et pour- garder son expression vivante face à la plénitude rouge-violet, voilà en peu de mots quelques ex-
tant aussi présent que l'atmosphère transparente. paralysante du vert. pressions du monde violet. Les pointes de nom-
Le bleu de atmosphère va du ciel le plus clair jus-
I Le caractère retenu du bleu, son humilité et son ORANGE breux bourgeons sont violet pâle alors que le cœur
qu'au bleu-noir de la nuit. Le bleu entraîne notre calme ainsi que sa profonde simplicité sont sou- Mélange de jaune et de rouge, l’orange se situe est jaune.
esprit sur les ondes de la foi dans le lointain et vent employés dans les tableaux représentant une au point crucial du rayonnement le plus intense. En général les couleurs éclaircies représentent le
l'infini de l’esprit. Le bleu, pour nous symbole de Annonciation. Dans la sphère des éléments matériels, possède il côté lumineux de la vie, tandis que les tonalités

88 89
assombries symbolisent le côté sombre et négatif 3. Les modifications du degré de saturation le :
La composition
des forces naturelles. bleu peut être plus ou moins modifié à l'aide de
On peut encore faire deux expériences pour véri- blanc, de noir, de gris ou de sa couleur complé-
fier l’exactitude de ces observations sur l’expres- mentaire.
sion des couleurs lorsque deux couleurs sont
: 4. Les modifications des rapports quantitatifs ou
complémentaires, leurs significations doivent, elles de la grandeur des taches de couleurs. Une grande
aussi, être complémentaires. Lorsque on mélange I tache verte peut s opposer à une tache jaune de
deux couleurs, la signification de la couleur qui même grandeur, plus grande ou plus petite.
résulte du mélange doit résulter de la signification 5. Les modifications causées par l’apparition de

respective des deux couleurs de base. contrastes simultanés.


1. Paires de couleurs complémentaires : Les explications de ce chapitre touchent un point
Jaune violet
: science lumineuse piété obscure :
critique du processus de création chez un peintre.
et sentimentale. Celui-ci peut éprouver dans son âme des senti-
Bleu orange
:
=
foi humble : fierté et sentiment ments très forts, mais s’il n’arrive pas, en commen-
de supériorité. çant son tableau, à trouver parmi la totalité des
Rouge : vert = force matérielle : compassion. couleurs le groupe juste de couleurs de base, le
2. Valeurs des mélanges : résultat de son travail est mis en question. C’est
Rouge et jaune donnent de l’orange la science pourquoi les sensations inconscientes, la pensée
et la puissance engendrent l’orgueil et la supé- intuitive et la science positive devraient toujours
riorité. former un tout afin de pouvoir choisir, dans la mul-
Rouge et bleu donnent du violet la foi et l’amour tiplicité des choses possibles, la solution juste et
engendrent la piété et la sentimentalité. vraie.
Bleu et jaune donnent du vert la science et la Matisse a écrit serait juste de penser qu’on
: Il

foiengendrent la compassion. ne procède pas moins logiquement lorsque on I


Faire une composition de couleurs signifie placer pour permettre à une couleur déterminée de s’ex-
Plus on réfléchit sur les valeurs psychiques et fait un tableau que lorsque l’on construit une mai- deux ou plusieurs couleurs de façon à ce qu’elles primer correctement.
expressives des couleurs, plus elles paraissent son. Ilne faut pas s’occuper du côté humain. On donnent une expression nette et pleine de carac- Le caractère et l’effet d'une couleur sont déter-
mystérieuses. le possède ou on ne le possède pas. Si on le pos- tère. En ce qui concerne cette expression, le choix minés par la position que cette couleur occupe par
sède, pénètre l’œuvre malgré tout. »
il des couleurs, leurs positions respectives, leur em- rapport à celles qui l’accompagnent. Une couleur
Combien sont différents, d’une part, les effets pro- placement et leur orientation à l’intérieur de la n’est jamais isolée : faut la regarder en fonction
il

pres des couleurs et, d'autre part, les dispositions L’œuvre de Konrad Witz (1410-1445) offre de nom- composition, le tracé des relations qui les unissent de son environnement.
de chacun d'entre nous pour prendre
particulières breux exemples de couleurs expressives. Citons et des formes simultanées, leurs dimensions et les Plus une couleur est éloignée d’une autre, dans le
conscience des couleurs et de leurs effets ! les tableaux suivants « César et Antipater »,
: rapports de contrastes sont d’une importance cercle chromatique, plus la force du contraste est
Chaque couleur peut subir cinq sortes de modi- « David et Abisai » et « La Synagogue » qui se capitale. grande. Mais les couleurs d’accompagnement ne
fications : trouvent tous trois au Musée d Art de Bâle. Le thème de composition colorée a des aspects
la sont pas les seules à définir la valeur et la signi-
1. Les changements de caractère. Cela signifie Indiquons également « La parabole des aveugles * si multiples que seuls les motifs principaux pour- fication d’une couleur donnée dans un tableau. La
qu’un vert peut devenir plus verdâtre ou plus de Pieter Bruegel l’Ancien (1520-1569), qui ront être traités ici. qualité et les dimensions de la touche de couleur
bleuâtre un orange, plus jaunâtre ou plus rou-
;
trouve à Naples au Musée National « La résur-
; Nous avons exposé, dans le chapitre des accords sont également déterminantes pour l’effet coloré.
geâtre. rection et la transfiguration du Christ » de l’autel colorés, les harmo-
possibilités de compositions Pour la composition d'un tableau, l’emplacement et
2. Les modifications du degré de clarté de la cou- d’Isenheim de Grünewald (1470-1528), Colmar, nieuses que pouvait présenter le choix des cou- l’orientationdes couleurs sont importants. L'effet
leur considérée le rouge peut passer au rose
: Musée Unterlinden. leurs. En indiquant les qualités expressives des d’une tache bleue est chaque fois différent selon
pâle ou au rouge sombre, le bleu au bleu pâle ou couleurs, nous avons souligné que certaines condi- quelle se situe en haut, en bas, à droite ou à gau-
au bleu foncé. tions et certains rapports devaient être respectés che de la composition. Placé en bas, le bleu alour-

90 91
dépend du caractère, Giotto, on peut facilement reconnaît) e le processus
L’ e ffet d’une composition
dit, en haut, il sembleEn haut, le rouge som-
léger. Les peintres chinois ont volontairement utilisé, à
des orientations et des écarts que l’on constate de lacomposition.
bre est pesant, menaçant, en bas exprime le
il côté des axes verticaux, des orientations diago-
entre les formes simultanées. Les formes simulta- On peut aussi introduire une certaine stabilité en
calme et la spontanéité. En haut, le jaune est léger nales pour diriger le regard du spectateur dans la
nées qui se produisent devraient adopter entre soulignant telle ligne verticale ou telle ligne hori-
et flottant, en bas, se rebelle comme s’il était
il profondeur du paysage et, bien souvent, les lignes
elles position caractérisée. Le fait que les zontale à l’intérieur d’une forme libre. En souli-
emprisonné. diagonales se perdent dans les lointains nuageux.
correspondances entraînent des formes simulta- gnant les lignes directrices et en délimitant les
L’équilibre de la répartition des couleurs est une D'une façon toute différente, les cubistes se sont
motifs, on fait naître des parallèles qui créent une
l

des tâches les plus difficiles de la composition. servi des lignes diagonales et des formes triangu- nées prouve qu’il existe un principe d’ordre et de
distribution au sein des tableaux. De même que la sensation de solidité statique. Des tableaux cons-
De même que le bras d’une balance est indispen- laires. Elles permettaient de renforcer l’effet
sur ce modèle donnent l’impression de
I

sable au maintien de son équilibre, de même l'axe de profondeur et de relief dans leurs tableaux. société humaine se divise en groupes raciaux, in- truits

tellectuels ou sociaux, de même les affinités que mondes fermés sur eux-mêmes. Mais si cet aspect
vertical d’équilibre des couleurs est capital pour
l’on note dans un tableau font naître un ordre et un fermé n’est pas voulu par l'environnement et si, au
un tableau. C’est de chaque côté de cet axe que Les formes s’inspirant du cercle engendrent des
aspect très sensibles. contraire, le tableau doit se relier au monde exté-
le poids des taches de couleur est mis en évidence. effets concentriques en même temps qu'une sen-
rieur, à ses formes et à ses couleurs infinies, ne
La coordination des groupes de couleurs claires ou
il

sation de mouvement. Les nuages du tableau d’Alt-


foncées, chaudes ou froides selon des taches et faut pas délimiter l’image et le tableau devrait,
dorf :« La bataille d’Alexandre », donnent un
Il existe plusieurs manières de définir l’orientation des masses nettement visibles peut également être autant que possible, ne pas suivre une direction
exemple parfait de mouvement circulaire. Ils mul-
d’une composition une orientation peut être hori-
:
un facteur d’ordre dans un tableau. L’emplacement ou un cadre particulier.
tiplient et ils augmentent l'agitation du champ de
zontale, verticale, circulaire ou résulter d’une com- et la répartition claire et nette des contrastes prin-
bataille.
binaison des précédentes. Chacune de ces orien- cipaux représente une condition préalable indis- Nous avons indiqué de nombreuses possibilités
ici
Le dans de nombreux tableaux, a disposé le
Titien,
tations a une signification particulière. L'horizontal pensable à toute bonne composition. de compositions colorées, mais si nous voulons
contraste clair-obscur des couleurs en orientation
signifie la pesanteur. Le vertical, opposition maxi- réaliser l’idée que nous nous faisons d'un tableau,
verticale et horizontale. C’est pourquoi on dési- I

male à l’horizontal, exprime la légèreté, la hauteur Les directions parallèles ou voisines sont particu- ilnous faudra laisser libre cours au flux de l’in-
gne cette disposition du clair-obscur par le nom de
et la profondeur. Les points de jonction entre les lièrement importantes pour ordonner la composi- tuition.
« Formule du Titien ». Les personnages sont en-
lignes horizontales et les lignes verticales sont des tion. Elles permettent de relier les uns aux autres
suite placés selon un mouvement diagonal ou
accents forts. Ces deux orientations agissent en les ensembles les plus divers.
circulaire.
surface et engendrent, lorsqu’elles sont utilisées Lorsque on utilise les couleurs en masses ou en
I

simultanément, un sentiment d’équilibre, de soli- taches, elles peuvent être mises en valeur par le
La fonction de vue est telle que l'on a tendance
la
dité et de résistance matérielle. phénomène du « rejet ». Supposons une composi-
à lier entre elles les choses semblables et à les
Les orientations diagonales produisent un mouve- tion où les couleurs rouge et verte sont des taches
voir ensemble. Ces correspondances peuvent
ment et introduisent le spectateur vers le centre de dimensions égales, plaçons une tache rouge
consister en couleurs semblables, en formes sem-
du tableau. Sur le tableau de la « Résurrection » sur la surface verte et une tache verte de mêmes
blables, en degrés d’obscurité semblables, en tex-
de Grünewald, le mouvement diagonal du linceul dimensions sur la surface rouge faut veiller à
il
tures ou en accents semblables. Lorsque l’on con-
:

attire notre regard depuis le premier plan hori-


temple un tableau, la vue établit des liaisons. ce que les formes de rejet des taches ou des
zontal vers la forme parfaite de la gloire. masses formées ne se déchirent pas, et à ce
L’ensemble de ces liaisons se nomme « forme
simultanée car celle-ci est établie par le rapport
»,
qu’elles ne détruisent pas la conception d'ensem-

A l’époque baroque, les peintres ont créé dans des correspondances sans pour autant avoir une ble de la composition.

leurs fresques des effets de profondeur en trompe- existence matérielle. Les formes simultanées peu- Ilest important de savoir si une forme colorée doit
l'œil grâce aux lignes diagonales. Le Greco, Liss et vent naître entre des taches de même grandeur créer un effet statique ou si elle doit donner une
Maulpertsch ont développé dans leurs tableaux la mais de couleur différente. impression dynamique ou un effet de flottement.
force du mouvement expressif à partir des con- D’autre part, l'œil a tendance à voir en même Cette option donne naissance au « tracé » d’une
trastes d’orientation entre les formes et les cou- temps les couleurs semblables une composition
:
couleur ou d’une forme. Dans les fresques, le tracé
leurs. Ils avaient une préférence pour le mouve- polychrome peut donner naissance à plusieurs est très important pour donner de la stabilité à la

ment diagonal. formes simultanées. composition. C’est ainsi que, sur les fresques de

93
92
Postface de l’édition complète de « L’art de la nécessités, cela signifie renoncer à tout entête-
couleur » ment personnel et servir le créateur, en un mot
être unhomme.
Dans mon livre, analysé un certain nombre de
j’ai

chefs-d’œuvre et j’ai essayé d’expliquer leur sens


caché. Je me suis surtout attaché aux anciens
maîtres, car un certain nombre de lecteurs con-
naissent vraisemblablement les originaux. Les lois
de la couleur qu'ils me font découvrir sont hors
du temps, elles sont aussi valables autrefois qu’à
l’heure actuelle.
Celui qui ne voit dans les tableaux de Piero délia
Francesca, de Rembrandt, de Breughel, de Cé-
zanne et de beaucoup d’autres que le sujet, les
motifs et le contenu symbolique reste fermé à
leur force artistique et à leur beauté.
Le sens et le devoir de tous les efforts dans le

domaine artistique sont de libérer la nature spiri-


tuelle des formes et des couleurs, et de rompre les
liens qui nous emprisonnent dans le monde des
J’ai essayé avec ce livre de construire un véhicule ble de la saisir. C’est pourquoi les règles et les objets. C'est cette tentative qui est à l’origine de
utile qui permette à l'artiste de parcourir un long lois ne peuvent être que des tables d’orientation l’art non figuratif.

chemin avec plus de facilité. Mais ce véhicule n’est que on place sur la voie de la création artistique.
I Le monde où nous vivons actuellement est diffé-
pas pour autant confortable et ne conviendra guère Léonard de Vinci est le seul artiste à avoir posé, rent de celui dans lequel vivaient les hommes en
aux paresseux. Mon livre, qui est un livre d ensei- dans son traité de la peinture, autant de règles 1560 ou en 1860. Notre monde est façonné par les
gnement, est fondé sur les lois de la couleur que picturales. disait
Il : « Si tu voulais te laisser guider inventeurs. Ils construisent des machines dor le

dicte la nature. Ces lois brillent dans l’arc-en-ciel par des règles dans ton travail, tu ne réaliserais sens est défini par leur fonction. Mais ces machi-
et peuvent se déchiffrer sur la sphère des cou- jamais rien et tu ne produirais dans tes œuvres nes ne sont pas le symbole d’une idée, elles sont
leurs. Celle-ci contient les couleurs pures, les que confusion. » Ainsi soulageait-il ses lecteurs de la réalisation d'une pensée fonctionnelle.

mélanges qui en sont issus et s’élargit jusqu’aux la charge pesante du savoir et les encourageait-il Aujourd’hui, un tableau n’est pas un symbole. Il
deux pôles noir et blanc. à obéir à leur intuition. contient en lui-même, dans ses couleurs et dans
A cause de sa profonde obscurité, le noir est né- En ce ne sont pas les moyens de représenta-
art, formes propres, la justification de son exis-
cessaire pour permettre aux couleurs lumineuses tion et d’expression qui sont les plus importants, tence. Pour ses créations, le peintre utilise des
de déployer leur rayonnement à sa juste valeur mais bien plutôt l’homme, avec son caractère et surfaces et des couleurs, et ces courants de force
La pâle luminosité du blanc est nécessaire pour son humanité. D’abord vient la formation et la cul- sont issus de lui-même. Il donne une forme à son
donner aux couleurs leur force matérielle. Entre ture de l'homme, ensuite peut à son tour former
il sentiment sous la conduite de l’intuition ou de
le noir et le blanc se développe la pulsation cos- des images. l’inspiration.
mique des sensations colorées. Tant que les cou- Une étude sérieuse des couleurs est un excellent Quelle que soit façon dont la peinture se déve-
la

leurs sont captives du monde des objets, elles moyen de culture humaine, car elle permet de sa- loppera, la force d'expression des couleurs restera
peuvent être perçues et l'on peut définir les lois tisfaire nos aspirations intérieures. Concevoir ces toujours un élément essentiel de la création artis-
qui les régissent. Mais leur essence intime reste nécessités, cela veut dire vivre en soi-même la loi tique.
cachée à notre raison et seule l’intuition est capa- éternelle de tout devenir naturel. Se soumettre aux Johannes Itten

95
94
Johannes Itten

LE DESSIN ET LA FORME

« Le dessin et forme » est le cours préliminaire


la

qu’ltten a dirigé au Bauhaus pendant plusieurs


années et dans lequel a pleinement développé
il

l'originalité révolutionnaire de sa pédagogie.

Pour toute forme est subjectivement ressen-


Itten,

tie et exprimée par chacun de nous en fonction

de sa constitution physiologique et de son « moi »


caractériel. Il est donc essentiel que l’art et
l'enseignement qu’il implique reste le domaine
privilégié de la maîtrise des sens et de la primauté
de l’âme.

Les différents chapitres traités dans cet important


ouvrage Clair-obscur, Notes sur la couleur,
:

Étude de matières et de textures, Études des


Formes, Rythme, Formes expressives, Formes
objectives, consacrent des recherches qui conti-
nuent à rénover les conceptions de l'éducation
artistique.

Dessain et Tolra.
JOHANNES ITTEN • ART DE LA COULEUR
EDITION ABREGEE

Une approche théorique qui aborde les aspects essentiels de la couleur :

construction et hormonie, accords subjectifs, contrastes et accords, composition • 4 «

Cette édition abrégée du traité de Johannes Itten met à la portée d'un vaste public son enseignement,

référence indispensable à tous ceux qui travaillent en relation avec la couleur : artistes, artisans, physiciens,

techniciens de l'industrie graphique * * *

» essam et Tolra
L
Faites grandir vos talents

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