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Musique en ligne : le patron de Deezer

explique comment il veut vous faire payer –


La Tribune 03/12/2010
Patron du site d'écoute de musique depuis janvier, Axel Dauchez prévoit de recruter plus
d'un million d'abonnés à son service payant d'ici à la fin 2011. Et voici comment.

La Tribune - Deezer a conclu cet été un accord avec Orange et vous aviez lancé l'an dernier, à
côté de votre service d'écoute gratuit de musique, un service « premium » payant. Où en êtes
vous ?

Axel Dauchez - Nous avons aujourd'hui près de 300.000 abonnés. Notre objectif est de dépasser 1
million d'ici à la fin 2011. Depuis qu'Orange propose l'abonnement à Deezer en option dans ses
forfaits, le rythme de recrutement est passé de 6.000 à 100.000 abonnés par mois. Nous recevons un
peu moins par abonné Orange que les 9,99 euros par mois que paient ceux qui s'abonnent
directement à Deezer. Mais comme tous les abonnés via Orange n'utilisent pas l'option, les ayants-
droit de la musique s'y retrouvent car nos reversements sont proportionnels aux usages des titres.
Nous tablons sur 15 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2010 [contre moins de 6 en 2009], dont
10 en publicité sur le service gratuit, 2 à 3 millions d'abonnement, le reste venant d'une nouvelle
activité Sound Deezer de sonorisation de lieux comme les restaurants McDonald's. Nous restons
déficitaire en 2010.

- Quelle différence entre le « deezernaute » qui va sur le site gratuit et l'abonné ?

- Nous avons 14 millions de « deezernautes » inscrits. Sur le site d'écoute de streaming en gratuit,
ils passent en moyenne 2 heures par mois et viennent « picorer ». C'est un usage de média musical
même si on peut aussitôt acheter le titre que l'on vient de découvrir sur iTunes [la boutique
d'Apple]. Deezer déclenche près de 20 % des ventes d'iTunes en France. Nous venons de signer un
accord avec Amazon et Starzik sur lesquels Deezer renverra désormais aussi pour les achats. Chez
les abonnés, le service premium qui permet de télécharger ses titres préférés, sans en être
propriétaire (sur son PC, son mobile...), devient « La » solution musicale prépondérante. L'usage est
de 30 heures par mois.

- La musique a-t-elle achevé sa transition vers le numérique ?

- La dématérialisation, c'est la perte d'un objet qui était un « médiateur affectif ». On a compensé
cette perte par le volume et l'usage en mobilité avec le téléchargement massif de fichiers mp3 sur
des baladeurs. Il y a eu une chute drastique de la valeur perçue, avec 90 % de téléchargements
pirates. Le streaming légal a inauguré une nouvelle étape. Au volume de téléchargement, il
substitue la notion « d'illimité » et commence à reconstruire la valeur en créant une relation. Mais
ce n'est pas suffisant. La troisième étape, sur laquelle aujourd'hui toute la recherche et
développement de Deezer est concentrée, c'est de faire en sorte que les gens se réapproprient leur
musique. Beaucoup de plus de 35 ans n'écoutent plus de musique chez eux, ils ont démissionné.
Quand ils reviennent sur Deezer, ils retrouvent leurs catalogues mais ne savent plus qu'écouter. La
recommandation éditoriale, avec nos coups de coeurs, ceux de nos partenaires, comme les Inrocks,
et la recommandation communautaire, via Facebook... les liens qui font que ceux qui aiment telle
musique, aiment aussi telle autre..., participent à cette réappropriation.
- La musique préfigure-t-elle l'évolution d'autres industries culturelles ?

- La logique - volume et destruction de valeur, relation, réappropriation - devrait s'appliquer dans


d'autres secteurs comme le livre. Toutefois, il y a des différences. En musique, c'est le producteur
qui finance. Ses recettes ont baissé au rythme du marché sur une durée qui a permis de s'adapter.
Dans le cinéma et l'audiovisuel [dont vient Axel Dauchez, ancien de Moonscoop, société de
production d'animation.dlr], les producteurs font préfinancer les oeuvres qui sont ensuite exploitées
auprès du public. Le préfinancement [qui vient des grandes chaînes TV majoritairement] va
diminuer inexorablement. Et la production s'effondrera d'un seul coup, on ne pourra plus produire,
sauf à changer d'échelon géographique, et à chercher des préfinancements européens et
internationaux.

Propos recueillis par Isabelle Repiton

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