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Fiche Lecture

Barbe bleue

Le mythe de Barbe-bleue vient de la tradi on orale, il est une variante de l’ogre s’a aquant
aux femmes et aux enfants quand ils en possèdent. Cependant, après la publica on du conte originel
de Charles Perrault (paru en 1697), plusieurs hypothèses ont émergé quant à l’origine de l’inspira on
de Charles Perrault pour son personnage. Tout d’abord l’origine mythologique (grecque) avec Cronos
et Médée qui me ent en cause une faute majeure de la femme avec comme moralité que celle-ci
mérite la mort. Il y a aussi une origine historique, avec Henri VIII, roi d’Angleterre (1509-1547) qui
condamna deux de ses femmes à mort pour adultère, il était e rayant et portait une grosse barbe
rousse. Ou encore, autre origine historique, avec Gilles de Rais (1405-1440) qui était le compagnon
d’armes de Jeanne D’Arc, quali é de « Barbe-bleue nantais » car il a été exécuté pour avoir assassiné
un grand nombre d’enfants et de jeunes gens.
L’auteure modi e le personnage de Barbe-bleue en commençant par faire de lui non plus un
personnage repoussant et laid, mais au contraire un homme noble (« le plus noble du monde » selon
lui), a rant et charmant. Elle lui fait également subir un changement majeur : il ne porte
aucunement de barbe de couleur bleu, ni même de barbe. De plus, il ne cherche pas d’épouse, mais
une simple colocataire (qu’il considère néanmoins comme « une femme de sa vie »).
L’auteure n’a pas adapté comme seul conte « Barbe bleue », elle a également adapté « La belle et la
bête » dans son roman in tulé « A entat » paru en 1997 : elle a voulu montrer que la belle n’est pas
toujours méchante et que le laid est le vrai pervers. Elle a également adapté, en 2016, le conte
« Riquet à la houppe » : elle dit elle-même qu’elle adore ce conte de Charles Perrault car il aborde un
sujet terrible avec légèreté.
Amélie Nothomb est une auteure belge née le 9 juillet 1966. Elle fait ses études à l’université libre de
Bruxelles et commence sa carrière de romancière en 1992 en publiant « Hygiène de l’assassin ». Elle
ob ent de nombreux prix li éraire depuis le début de sa carrière. Elle ob ent également des
dis nc ons de la part de la Belgique, son pays, notamment le tre de Baronne en 2015 ( tre de
noblesse). Elle est depuis 2008 « Commandeur de l’ordre de la couronne », et en 2015 elle est élue
membre de l'Académie royale de langue et de li érature françaises de Belgique.

L’or entre ent une place par culière dans le roman. Il apparaît tout d’abord sous la forme de
la couleur : « ce jaune opaque dans cet or baroque ». Il apparaît ensuite sous la forme d’une saveur,
avec le champagne qui est bu par les deux personnages principaux tout au long du roman : « - A quoi
buvons-nous ? / - Comme hier : à l’or ! ». Puis l’or apparaît sous la forme d’une sensa on, avec la jupe
que confec onne Don Elemirio pour Saturnine, elle o re une expérience du toucher : « L’or de la jupe
chatoyait autour d’elle ». La couleur de l’or est alors associée aux sens. Mais l’or dans le roman ne
joue pas qu’un seul rôle. En e et, il représente aussi le point commun qui uni les deux personnages
principaux : Saturnine admet qu’elle est passionnée par ce e couleur or-jaune, Don Elemirio devient
donc instantanément amoureux d’elle face à ce e déclara on : « je vous aime ». On apprend par la
suit que Don Elemirio avait associé une couleur à chacune de ses 8 précédentes femmes, il décide
donc d’associé la couleur or à Saturnine. L’or devient donc une marque d’iden ca on propre à
Saturnine. La couleur or est l’élément nal du roman, la dernière pièce du puzzle perme ant à Don
Elemirio de compléter sa chambre noire. En e et, pour chaque couleur associé à chacune de ses
femmes, il avait confec onné pour chacune un vêtement correspondant à leurs iden tés. Une fois


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qu’elles avaient transgresser la règle imposer pour la chambre noire, elles étaient tuées puis il les
photographier dans leurs tenues a n de les accrocher dans la chambre noire pour créer un nuancier.
Or, on apprend qu’il reste un espace vide pour compléter ce nuancier, celle de l’or. Le fait que l’or soit
la dernière couleur, la couleur nale, renvoi à l’alchimie. En e et, le processus de l’alchimie est
d’arrivé à l’or. Ce e dernière photo couleur or marque la n du parcours « ar s que » de Don
Elemirio : « Il me faut ma femme jaune ! » « Un nuancier doit être complet ». Don Elemirio considère
la couleur comme LE plaisir : « La couleur n’est pas le symbole du plaisir, c’est le plaisir ul me ».
Cependant, on peut également comparer le roman au Mythe de Midas car à la n du roman, Don
Elemirio se retrouve emprisonné par Saturnine dans la chambre cryogénique qu’il avait créée pour
tuer ses femmes quand elles céderaient à la tenta on. Après avoir chercher à tout prix la couleur or,
dont il était totalement obsédé, il nit par y laisser sa vie (comme Midas lorsqu’il ne peut plus
manger ni boire car tout ce qu’il touche se transforme en or). La dernière phrase du roman complète
le processus de l’alchimie, car Saturnine devient or au même moment où Don Elemirio disparaît : « A
l’instant précis où Don Elemirio mourut, Saturnine se changea en or. ».

La parole amoureuse est un thème principal du roman. En e et, même si Don Elemirio
recherche en apparence une simple colocataire, on comprend très vite qu’il recherche en vérité une
femme. Saturnine le comprend aussi dès les premières pages, Don Elemirio lui annonce bien assez
vite : « Mademoiselle, je vous aime » (page 24). Ce e déclara on intervient aussitôt après que
Saturnine avoue être sensible au mélange des couleurs, notamment le « jaune opaque dans cet or
baroque ». Cependant, Saturnine n’est absolument pas dans l’op que de tomber amoureuse de lui,
elle le trouve ennuyeux, narcissique et non-intéressant. Pourtant, un élément va venir troubler les
sen ments de la jeune femme : le champagne. En e et, elle va proposer à Don Elemirio d’acheter du
champagne, et pas des moindres, puisqu’elle choisit les meilleurs champagnes du monde. Le
champagne (alors associé à l’or) va devenir un élément de séduc on, presque comme un jeu de
séduc on entre les deux personnages, l’héroïne va alors découvrir qu’elle développe, contre toute
a ente, des sen ments amoureux pour cet homme. Ces sen ments vont se concré ser lorsqu’elle va
découvrir la jupe confec onner par Don Elemirio couleur noir-or. Les discussions aux cours des
di érents repas vont donc devenir de plus en plus centrés sur l’amour et elles deviennent des
moments où les deux personnages se dévoilent l’un à l’autre. La rela on se construit autour du secret
de Don Elemirio, elle se base sur une ques on de con ance : si Saturnine pénètre dans la chambre
noire, alors elle y met un terme. On apprend également que Don Elemirio considère ses crimes
commis sur ses anciennes femmes comme des crimes passionnels : « - Emeline était la femme que
vous aimiez. / - Elle l’est toujours. ». Saturnine en vient même à complimenter Don Elemirio : « Vous
êtes riche, vous disposez d’un logement pharaonique au cœur de Paris, vous cuisinez bien, vous
cousez comme une fée : vous seriez l’homme idéal », alors qu’au début du roman elle le mépriser. La
parole amoureuse évolue donc tout au long du roman, jusqu’au moment où Saturnine, alors, semble-
t-il, désormais amoureuse de Don Elemirio, commet quant à elle le crime passionnel en tuant Don
Elemirio.

Une adapta on contemporaine cap vante, Amélie Nothomb nous emporte


dans un roman me ant en rela on l’amour et la mort.

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C’est son vingt-et-unième roman qu’Amélie Nothomb nous fais découvrir aujourd’hui. Barbe bleue se
présente comme une adapta on du conte originel écrit par Charles Perrault en 1697. Bien sûr, le
conte est totalement modi é par l’écriture et l’imagina on d’Amélie Nothomb. Elle le complexi e en
y apportant de nombreuses références (l’or, le champagne, le système de la chambre noire qu’elle
revisite en èrement…). Ce roman est digne d’une auteure telle qu’Amélie Nothomb, on en oublie
presque le conte de Charles Perrault.

Gravure de Gustave Doré


représentant Barbe-bleue de
Charles Perrault. Couverture de Barbe
bleue d’Amélie Nothomb.

« La colocataire est la femme idéale » : une annonce mystérieuse

L’histoire débute donc sur l’héroïne principale, Saturnine, qui est à la recherche d’un appartement à
Paris. On la retrouve donc à l’adresse indiqué sur une annonce alléchante mais qui lui parait irréelle :
une coloca on dans un appartement de 40m2 pour seulement 500€ par mois. Elle se retrouve face à
15 candidates, mais comme l’avait prédit l’une d’entre elle, elle est choisie immédiatement par le
maître des lieux : Don Elemirio. Elle apprend qu’il y eu huit autres femmes auparavant, toutes ont
disparues. Mais Saturnine ne se laisse pas refroidir et accepte l’o re (elle veut absolument cet
appartement, elle en a besoin).

Une chambre noire énigma que, di érente de celle de Perrault

« Ceci est la porte d'entrée de la chambre noire, où je développe mes photos. Elle n'est pas fermée à
clef, ques on de con ance. Si vous y pénétriez, je le saurais, et il vous en cuirait. » : On remarque une
première di érence avec le conte de Perrault, la porte n’est pas fermée à clé. De plus, il annonce le
contenu de ce e pièce : il y développe des photos. Est-il photographe ? Comment peut-il savoir si elle
y pénètre ? Lui réserve t-il le même sort que les femmes du conte originale ? Là est toute l’énigme qui
se construit autour de ce e fameuse chambre noire.
Un personnage atypique mais cependant charmant

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Don Elemirio est présenté dès le début par l’une des candidates comme un homme qui a re les
femmes. Saturnine découvre qu’il est tout autre : il est ennuyeux, égocentrique et insociable.
Pourtant au l de l’histoire, elle va lui découvrir de nombreux talents et va se découvrir des
sen ments pour cet homme tout aussi énigma que que la pièce qu’il protège… Il se considère
comme « l’homme le plus noble du monde », il cuisine parfaitement, il coud comme une « fée » et il
est passionné par son pays natal : l’Espagne. Saturnine va alors se rendre compte des nombreux
points qu’ils ont en commun…

L’or et le champagne : pièces maîtresses de ce roman

Ils apparaissent tout au long du roman, ce sont les réels ls conducteurs du roman, les clés de la
résolu on de l’énigme de la chambre noire. Amélie Nothomb donne une dimension luxueuse au
roman et modernise ainsi le conte de Perrault. L’héroïne prend goût à ce luxe que lui o re le maitre
de maison, et renforce sa fascina on pour le mélange des sensa ons visuelles liées à la couleur (l’or
notamment bien entendu).

J’ai vraiment apprécié ce roman, l’adapta on d’un conte aussi classique me paraissait impossible mais
Amélie Nothomb y arrive à merveille. Un roman que l’on lit sans voir passer le temps, avec un
dénouement aussi improbable qu’ina endue. La découverte d’une auteure extrêmement cul vée qui
sait créer une tension haletante.
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