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Compte-rendu de l’article

De Philippe Contamine sur « l’oriflamme de St-Denis »

Vitrail de l’Ori amme de Saint-Denis, une des premières représentations du premier drapeau de la France
utilisé en temps de guerre au Moyen-âge, intérieur de la cathédrale Notre Dame de Chartres, classée au
Patrimoine Mondial par l’UNESCO.

Yasmine BELALA et Johanna FIRPION


Le 13 octobre 2022

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ans la culture médiévale, le symbole fait pleinement parti de la pratique sociale.
Ainsi, l’histoire des symboles met en lumière de nombreux domaines de la vie intellectuelle, sociale,
morale et religieuse de cette période. Elle représente donc un outil de travail pro table aux historiens
médiévistes. Son étude nécessite donc d’être explicite et rigoureuse a n de pouvoir pleinement pro ter
de sa polyvalence. De ce fait, l’histoire des symboles ne se limite pas seulement à l’étude de textes mais s’attache
à analyser l’iconographie, les gestes, les rituels, les croyances, les comportements et les objets. Par conséquent,
elle a a suscité chez les historiens médiévistes des travaux de qualités qui ont nécessités l’étude mais aussi et
surtout le croisement de nombreux types de sources.
C’est dans cette perspective que s’inscrit l’article de Philippe Contamine intitulé « L'ori amme de Saint-Denis
aux XIVe et XVe siècles : étude de symbolique religieuse et royale ». Il a été publiée en 1973 au sein de la revue
d’histoire française, les Annales de l’Est avec le concours du centre national de la recherche scienti que par
l’université de Nancy II et la fédération historique de Lorraine.
Philippe Contamine né en 1932 et mort tout récemment le 26 janvier 2022, était et demeure l’un des plus
grands médiévistes français contemporains. Fils de l’historien Henry Contamine, spécialiste du XIXe siècle et de
l’histoire militaire, il consacra une grande partie de sa carrière à l'enseignement. Il fut enseignant chercheur,
spécialisé dans la guerre et la noblesse de la n du Moyen Âge à l’université de Nancy-II, puis à l’université de
Paris Nanterre et en n à l’université Paris-Sorbonne. Spécialiste français de Jeanne d’Arc et de l’histoire de
France du XVe siècle, il fut tout au long de sa carrière, l’auteur de nombreux ouvrages. Parmi les plus connu, on
pourra citer ses premières publications sur la société guerrière du XVe siècle : Azincourt publié chez Julliard en
1964 et La guerre de Cent Ans chez Presses Universitaires de France en 1968. Son implication dans le domaine de
l’historiographie est d’ailleurs prouvé de par sa longue carrière, sa production scienti que riche sur l’histoire
politique et les pouvoirs de la n du Moyen Âge mais également par sa renommée internationale et par les
responsabilités administratives qu’il a exercées tout au long de sa vie. En effet, il a permis l’émergence de
nouveautés majeures : il est le premier à positionner la guerre comme un sujet central, il cherche d’ailleurs à
expliquer la transition entre l’armée féodale du XIIIe siècle et l’armée des temps moderne. En n, il est l’un des
premier chercheur à s’intéresser à la cour du roi. Il a d’ailleurs été récompensé par de nombreuses distinctions,
on peut alors évoquer son élection à l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres en 1990, et son avancement
dans les ordres nationaux. Il avait d’ailleurs été promu au grade de commandeur dans la promotion de la Légion
d’honneur le 1er janvier 2022. Ainsi, avec la disparition de Philippe Contamine l’historiographie médiévale perd
donc l’une de ses gures marquantes.
C’est d’ailleurs cet aspect, celui d’un historien novateur, logique et méticuleux que l’on retrouve dans l’article
étudié. Ce dernier traite comme son nom l’indique de « l’ori amme de Saint Denis aux XIVe et XVe siècle »,
toutefois une précision nous est apportée par le sous-titre de l’article : « Etude de symbolique religieuse et
royale » . En effet, l’ori amme de Saint Denis généralement présentée comme l’étendard du roi de France en
temps de guerre, représente en réalité l’un des objets majeurs de l’époque médiévale. Plus encore, elle
correspond à un élément crucial dans la compréhension de l’histoire des guerres mais aussi dans celle des
pratiques religieuses du Moyen-âge. En effet, comme évoqué dans un article de 1983 intitulé « Le drapeau rouge
des rois de France », Philippe Contamine af rme alors : « Pas de Moyen Age guerrier sans ori amme déployée !
[…] Quel romancier oserait évoquer le Moyen Age guerrier et dévot sans faire, ici ou là, claquer l'ori amme ? ».
Le choix de ce sujet n’est donc pas sans intérêts pour ce spécialiste de l’histoire de la France du XVe siècle. Ainsi,
à travers cet article, Philippe Contamine cherche à revenir sur la question controvers e de l'ori amme des rois de
France, encore appelée banni re de Saint-Denis, en reconstituant son histoire à travers les siècles. Pour ce faire, il
met en place un dossier textuel et iconographique construit autour d’un plan logique et didactique. En effet, il
met en place un véritable article scienti que qui vise à démontrer la véracité de ses propos. C’est pourquoi, il
convient tout d’abord de présenter l’articulation de l’article a n de pouvoir amorcer les questionnements mis en
places par Philippe Contamine et ainsi pouvoir cerner les enjeux de son étude.
Ainsi, tout en respectant la mise en forme de l’article scienti que, l’auteur opère un soin spécial dans
l’organisation de ses idées, dans la structuration de sa pensée et dans le développement du sujet qu’il traite. Il
commence tout d’abord par nous exposer en première page un résumé de son article qui nous permet de
comprendre les enjeux de sa rédaction et ainsi savoir quel sera le sujet traité. L’historien commence donc par
rappeler l’intérêt historiographique que représente l’étude des emblèmes, insignes et symboles dans de
nombreux domaines et notamment dans la compréhension des populations du Moyen-âge. Ensuite, il met en
place un plan de recherche en neuf axes en combinant l’aspect historiographique et historiques des sources
étudiées a n de pouvoir retracer les différentes étapes de l’ori amme au l des différents règnes et épisodes
historiques. Par cela, il opère une analyse précise de l’ori amme en tant que véritable objet d’étude en af rmant
son aspect guerrier mais pas seulement, il s’intéresse également à sa portée liturgique, au protocole lié à sa levée,
et aux conditions de son utilisation. Plus encore, il met en place une véritable description des traits
caractéristiques de l’étendard en détaillant ses symboles, sa forme. Cette analyse est d’ailleurs accompagnée
d’un appareil de notes, une bibliographie, un index et des annexes notamment un dossier iconographique visant
à matérialiser ses propos. On peut ainsi observer différentes illustrations montrant la liturgie rattachée à
l’ori amme par exemple. Pour nir, il s’attache à montrer la situation de l’ori amme à la n du Moyen-âge, un
emblème remis en question tant dans son utilisation que dans le caractère légendaire qui lui est associé.

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En mettant en place ce plan de recherche construit autour de sujets clés, d’arguments et de preuves divisés en
sections, avec leurs propres titres, Contamine cherche à faire comprendre le caractère novateur de son étude à
son lecteur. Bien que diverses études aient été proposées nombreuses sont limitées à leur attachement à l’origine
mythique de l’ori amme. Cela constitue une limitation importante comme le souligne ici Philippe Contamine
qui souhaite à travers sa pratique de la vexillologie c’est-à-dire son étude de l’étendard mettre en exergue un pan
d’étude souvent négligé par les historiens médiévistes. De ce fait, il souhaite à travers son article montrer que
l’histoire de l’ori amme représente un intérêt historiographique majeur tant dans l’étude de ses origines que
dans l’étude de sa disparition. Ainsi, il tient à étudier dans cet article le sort de l’ori amme aux XIVe et XVe
siècles en cherchant à montrer que la destinée de cette-dernière à la n du Moyen-âge repose également tout
comme son origine sur une perspective tant mythique que réelle. Elle représente alors un objet d’étude tout aussi
fascinant.
A n de pouvoir mener sa démonstration liée à la destinée de l’ori amme de Saint-Denis, l’auteur utilise un
panel foisonnant de sources. Ce désir d’exposer un nombre important de sources diverses est d’ailleurs
remarquable dès le début de l’article où il met en place dès les premières pages une véritable revue littéraire à
travers son « Esquisse historiographique ». Dans cette-dernière, Philippe Contamine tient à exposer les
principaux travaux de littérature déjà existant sur l’ori amme de Saint-Denis. Toutefois, l’objectif ici n’est pas de
faire un survol complet des travaux mais plutôt de situer les contributions de l’article par rapport aux travaux
antérieurs. Il cite en effet, des publications de qualités et réputées. Par cela, il cherche à prouver que la littérature
de la n du XVe siècle s’organise autour d’une certaine contradiction sur l’origine légendaire de l’ori amme. Il
confronte ainsi les divergences en associant une oeuvre promulguant l’origine fabuleuse de l’ori amme comme la
copieuse Histoire de l’abbaye de S. Denys en France de dom Jacques Doublet à une oeuvre plus réticente
comme le livre d’Auguste Galland. Contamine tient alors un rapport extensif aux sources en les croisants. Il
indique également que ce scepticisme présent à la n du XVe siècle dans la plupart des oeuvres littéraires trouve
son origine dans des écrits qui font autorités comme l’histoire positive du vexillum beat Dionysii de Suger ou encore
la célèbre dissertation XVIII « De la bannière de saint Denys et de l’ori amme » que publia Charles du Fresne
sieur du Cange en 1668. Les sources évoquées donnent donc l’impression d’une certaine confusion dont
Contamine veut se détacher. En comparant les différents points de vues contradictoires présents dans les sources
contemporaines il tient à identi er les avantages et limitations respectives des travaux cités. Pour lui ce point de
vue positiviste est nécessaire dans le traitement du sujet mais il ne suf t pas. Ainsi, il met en lumière l’enjeu de
son oeuvre celui de poursuivre un sujet longtemps négligé et donc limité aux dernières sources émises. Par cela, il
met en exergue le caractère novateur de son étude. En effet, Philippe Contamine ne va pas seulement suivre ses
sources contemporaines mais il va aussi examiner un tr s grand nombre de sources diverses qui vont lui
permettre de prouver au lecteur son innovation mais aussi la complexité de son travail. Il positionne ainsi son
étude avant la production de ces ouvrages c’est-à-dire entre 1300 et le milieu du XVe siècle. A cette poque, les
sources concernant les personnes, les objets, les v nements sont beaucoup plus abondantes on peut alors citer
les Grandes chroniques de France, les vitraux de la cathédrale de Chartres ( g.1 en annexe de l’article), les miniatures,
les récits de croisades comme celui d’Eudes de Deuil qui nous permettent alors de suivre dans le d tail les
p rip ties qui entourent la lev e de l'ori amme tout en mesurant la place que cette dernière occupe dans la
mentalit du temps. Tout cela montre alors que l’historien se mé e des interprétations et des intuitions rapides
de ses contemporains en respectant sa manière de croiser les différents types de sources. Dans le domaine du
symbolisme, la question qui vient l'esprit est de savoir quel partage doit tre fait entre ce qui rel ve de l'histoire,
de l'histoire des mentalit s et de la litt rature et c’est justement ce travail que décide d’entreprendre l’historien
dans un article rattaché à différents types d’histoires.

C’est d’ailleurs pour rendre compte du « riche enseignements de tous ordres » promulgué par
l’ori amme du XIV et XVe siècle mais aussi dans le but de comprendre les causes qui ont menés à la destinée de
cette-dernière que nous avons mis en place un développement visant à mettre en évidence ce double processus.

Dans un premier moment, il faut rappeler que Philippe Contamine est un spécialiste incontesté de tout
ce qui touche aux problèmes militaires des XIVe et XVe siècle. Le choix de l’ori amme comme sujet d’article
semble alors être en continuité avec son domaine de recherche. Nous allons donc voir dans un premier moment
que l’ori amme de Saint-Denis à la fois instrument militaire et symbole religieux représente un intérêt de « tous
ordres ».
En effet, Contamine nous renseigne donc sur l’utilisation militaire de l’ori amme. Pour cela, il cite comme
source majeure, les Grandes Chroniques de France, une chronique prestigieuse retraçant l’histoire du royaume de
France et rassemblée pour la première fois sur demande du roi Louis IX. Elles sont utilisées dans le cadre de
l’étude de Contamine car elles permettent de mettre en place une certaine chronologie des batailles ou des
croisades dans lesquelles l’ori amme de Saint-Denis a été utilisée. On peut alors grâce à elles située sa première
utilisation en 1124 mais également obtenir son suivi dans les batailles jusqu’en 1276. Le récit de la bataille de
Bouvines menée en 1214 par le roi Philippe Auguste face à l’empereur du Saint-Empire Otton IV y est ainsi
retranscrit et nous permet de connaitre des détails plus précis quand à l’utilisation de l’ori amme. En effet, elle
doit ainsi être placée « ou premier front de la bataille par devant totes les autres bannières » p.186. Par cela, on
comprend dès lors qu’elle représente donc un véritable instrument militaire qu’il fallait exposer. Cependant, un


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détail intéressant est émis par l’historien, on apprend en effet qu’un garde devait protéger l’ori amme et
l’attacher à un bâton si une bataille se préparait. Le modèle du garde de l’ori amme est établi par Contamine
qui met en exergue les caractéristiques communes de ces derniers : ils étaient tous des chevalions, de bons
lignages toutefois ils n’appartenaient pas à la haute noblesse. La plupart ont été dans l’entourage du roi pendant
leur carrière en tant qu’of cier de la couronne. D’ailleurs trois d’entre eux ont été enterrés aux Célestins de
Paris, l’église où reposaient les serviteurs de la couronne. La fonction était viagère et attribuée à des chevaliers
dont l’âge était avancé a n de pouvoir sélectionné le plus vaillant et le plus dèle, à la fois « preux es armes » et
« preudomme ». De ce fait, l’ori amme était placée dans l’entourage du roi, plus hautes que toutes les autres
bannières de formes et de couleurs multiples mais face à elles, l’unique ori amme devait être protégée et mise en
sécurité du danger par un gardien bien sélectionné. Plus, encore, elle ne devait être déployée qu’en cas de
bataille inévitable et en présence du roi c’est-à-dire dans des situations extraordinaires. C’est pourquoi, on
observe des moments de « trous » sans utilisation de l’ori amme. Ainsi, ce double mouvement paradoxal qui
consiste à positionner l’ori amme en première ligne tout en cherchant à la protéger de tout danger par un
chevalier distingué nous pousse à nous interroger sur les causes de ces pratiques. De plus, concernant son
apparence toutes les sources s’accordent à dire que l’ori amme était un gonfanon fait de tissu de soie de couleur
rouge se terminant par des queues de petites dimensions. Cette apparence est d’ailleurs complétée par
Contamine avec l’apport de sources étrangères. Ces dernières s’entendent à dire que l’ori amme était perçue
comme un objet terri ant pour les adversaires du royaume de France. Ainsi, Gervais de Cantorbéry moine et
chroniqueur anglais, dans sa Chronique écrite entre la n du XIIe et le début du XIIe révèle que l’ori amme était
« l’enseigne de mort ou de victoire ». Ainsi, sa couleur rouge associée au sang était synonyme d’une guerre sans
pitié. Ces informations sur l’utilisation guerrière de l’ori amme, cette certaine préciosité de l’objet et notamment
cette réputation à l’étranger nous pousse à nous interroger sur les rapports entre r alit et norme, entre pratique
et thique car ici, le symbole de l’ori amme semble être à l’œuvre en toutes circonstances et sur tous les terrains.
C’est d’ailleurs cette caractéristique qui offre l'occasion Philippe Contamine d' tudier les rapports entre chacun
d’entre eux et ainsi pouvoir offrir une instruction globale.
De ce fait, dans un second mouvement, il s’agit d’évoquer le caractère fondamentalement religieux de
l’ori amme mis en valeur ici par Philippe Contamine. En effet, en plus d’être un instrument militaire,
l’ori amme apparaît dès lors comme un instrument avant tout religieux. Contamine tient à faire remarquer cette
distinction présente dans l’appellation même de l’ori amme qui est ainsi quali ée d’ « ori amme de Saint-
Denis », d’ « ansegne de Saint Denys » ou encore d’ « ori ambe ». Effectivement, ce rattachement à Saint-Denis
et plus particulièrement à l’abbaye de Saint-Denis n’est pas anodin. L’ori amme qui « estoit la bannière et
l’enseigne ordinaire » (page 181) comme décrite par l’Histoire de S.Louis, IX, du nom, roy de France de Joinville était
con ée par les moines de Saint-Denis au comte de Vexin a n qu’il puisse protéger et défendre l’abbaye. On
observe déjà un lien direct entre la dimension militaire et la dimension religieuse. Plus encore, on peut
s’interroger sur le glissement qui a fait que cette « bannière ordinaire » soit utiliser lors de grands con its par
différents rois de France. Ainsi, il faut tout d’abord rappeler que les Grandes Chroniques de France date la première
utilisation de l’ori amme en 1124. En effet, le choix de cette date n’est pas anodin, elle correspond au moment
où d’après l’abbé Suger, le roi de France, Louis VI alors en guerre contre l’empereur Henri V se rendit à
l’abbaye de Saint-Denis après avoir appris que « saint Denis est le patron spécial et, après Dieu, le protecteur
sans pareil du royaume » a n de prendre sur l'autel l’étendard, le « vexillium ». Ainsi, le roi en tant que conte de
Vexin à le droit et le devoir de brandir l’ori amme en tant que protecteur de l’abbaye. Cette dimension est plus
précisément évoquée dans les Chroniques de France : « Elle appartient à la contee de Vouquesim que li rois tient en
é de saint Denys come de son lige segnor ». De ce fait depuis cet épisode, l’ori amme était alors prise sur l’autel
par les rois de France avant leur départ mais aussi prise de la main de l’abbé c’est-à-dire que ce dernier con ait
la bannière de l’abbaye au roi a n qu’il puisse protéger le royaume. Cette version est d’ailleurs con rmée par des
sources émanants des religieux de Saint-Denis qui insiste sur le caractère religieux de l’ori amme en la quali ant
d’ « ori ambe », enseigne de Saint-Denis, patron particulier de la France. Le lien entre la dimension guerrière et
religieuse est d’ailleurs plus équivoque dans leurs récits qui expliquent la position première de l’ori amme dans
la bataille. Ainsi, la Philippide de Guillaume le Breton, chapelain de Philippe Auguste af rme « Auparavant le roi
se recommande audit saint par ses prières et celui qui tient lieu de maréchal devant l’avoir en mains, doit
précéder tous les corps de bataille ». Par ces informations, on comprend alors que l’ori amme tient un certain
pouvoir surnaturel relevant d’un certain mysticisme où sa levée était synonyme d’une victoire émanant de Dieu.
C’est pourquoi, Guillaume Guiart chroniqueur français et auteur de la Branche des royaux lignages dans son récit de
la croisade de Philippe Auguste en 1190 nous décrit l’ori amme comme « une bannière / Aucun poi plus forte
que guimble » dont la couleur rouge rappelle la Passion du Christ et notamment son sang sacri é pour
l’humanité. Ainsi, malgré ce lien existant entre la guerre et la religion, les religieux et notamment les moines de
Saint-Denis tentent de se détacher de la vision guerrière et meurtrière en mettant en avant le caractère religieux
mais surtout légendaire que détient l’ori amme. La version d’une ori amme assassine est donc détruite par la
version de l’Eglise qui conçoit l’ori amme comme un véritable symbole religieux.
Dès lors, après avoir mis en exergue ce double interêt à la fois religieux et militaire que permet l’ori amme,
Philippe Contamine s’attache à démontrer l’intérêt politique que représente l’ori amme de Saint-Denis pour le
pouvoir royal mais également pour les autorités religieuses. En effet, la renommée de l’ori amme à l’étranger
comme étant le signe de la puissance française permettait de construire un certain mouvement de réticence chez

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les ennemis du royaume ce qui représentait un premier intérêt pour le pouvoir royal. Cependant, ce n’est pas le
seul avantage. En effet, le roi se positionnait également comme le détenteur d’un objet sacral émanant
directement de l’abbaye de Saint-Denis et indirectement de Dieu. Ainsi, l’utilisation de l’ori amme de Saint-
Denis était devenue une coutume pour les rois de France. Philippe Contamine indique même que « l’ori amme
aurait quitté Saint-Denis au moins dix fois depuis le règne de Louis VI jusqu’à celui de Philippe III ». Plus
encore, d’après l’historien cette coutume a prospéré lors des règnes de Philippe Le Bel, de ses ls, et a même
trouvé son âge d’or sous les quatre premiers rois Valois. On peut alors évoquer l’épisode de la bataille de
Roosebeke qui associe la victoire de Charles VI face aux Flamands à un prodige émanant de l’ori amme. Ainsi,
cette utilisation de plus en plus marquée de la prodige ori amme a donné suite à la naissance d’un lien fort entre
le pouvoir royal et l’abbaye de Saint-Denis notamment avec la mise en place d’une véritable liturgie de
l’ori amme. Cette liturgie est décrite par Philippe Contamine grâce à cinq sources majeures. On a tout d’abord,
le Livre du sacre des rois de France, que Charles V t « coriger, ordener, escrire et istorier » en 1365. Il contient des
informations précieuses sur la liturgie de l’ori amme comme la formule de la benedictio vexilli, ainsi qu'une
miniature représentant cette bénédiction que l’on retrouve dans l’illustration numéro trois de l’article. Dans ce
même manuscrit, a été ajoutée après coup, mais en tout cas avant le 7 mai 1380, la formule du « serement que
fait le chevalier a qui le roy baille a porter l’ori ambe ». Ensuite, Contamine mentionne Le traité sur le sacre des
rois de France que Tean Golein inséra dans sa traduction du Rational des Divins Of ces de Guillaume Durant
entreprise pour Charles V en 1372. Ensuite, on a le prologue de la traduction de la Cité de Dieu de saint Augustin,
que Raoul de Presles commença à la Toussaint 1371 et qui était achevée le 1er septembre 1375. Philippe
Contamine évoque également un sermon sur l'ori amme que l'abbé de Saint-Denis Philippe de Villette
prononça, en présence de Charles VI, le 1er avril 1414. En n il y a la chronique du Religieux de Saint-Denis et la
description de la bénédiction de l'ori amme, qu'au XVIIe siècle André Duchesne t copier sur « un ancien livre
manuscrit du temps de Charles VII » qui précisent également la cérémonie religieuse associée à l’ori amme.
Grâce à toutes ces sources, on comprend que le cérémonial de la levée de l’ori amme était organisé en sept
étapes bien distinctes. Premièrement, le roi était accueillis dans l’abbaye de Saint-Denis par les religieux et les
abbés accompagné d'une procession solennelle jusqu’à l’autel des martyrs. Puis, les reliques de Denis, Rustique et
Eleuthère étaient disposées sur l’autel par le roi et l’abbé a n que l’ori amme soit sacrée et sancti ée par
l’ « attouchement des reliques ». Ensuite, la messe commençait et l’abbé s’adressait alors au « roi, aux seigneurs
de sa suite et au garde l’ori amme ». Ce sermon servait alors à démontrer l’honneur que représentait
l’ori amme. A la n de la messe, cette dernière était alors déployée sur l’autel et pouvait être attachée à une
lance. La bénédiction de l’ori amme pouvait alors avoir lieu suivie de la remise de l’ori amme au roi par l’abbé
et en n le sermon prononcé par le gardien de l’ori amme. La mise en
place de cette cérémonie ritualisée et codi ée aux ressemblances
familières à celles de l’ordo du sacre pratiqué dans la cathédrale de Reims
a permis la mise en place d’un système de relation entre le pouvoir royal
et l'abbaye. En effet, après la bataille, le roi retournait la bannière à
Saint-Denis, l’abbaye était alors considérée comme lieu saint tout
comme Notre Dame de Paris. Plus encore, l’utilisation courante de
l’ori amme a également permise la stabilisation de la gure du garde
qui obtient un statut rémunéré et reconnu par un acte royal écrit (voir
illustration).

Le roi Charles V con e l’ori amme à Pierre de Villiers

La permanence de cette relation entre pouvoir religieux et pouvoir monarchique est d’ailleurs illustrer par
Contamine avec l’évocation du règne de Charles V dit le « sage » qui n’a pas mené un règne guerrier et qui n’a
donc pas utilisé l’ori amme mais qui a tout de même poursuivi la coutume en préservant l’interêt monarchique
pour l’abbaye de Saint-Denis et en perpétuant le choix d’un garde pour l’ori amme. Toutefois, malgré cette idée
de continuité de l’ori amme, Contamine nous informe que les quatre premiers rois Valois vont marquer une
coupure. En effet, après eux, l’ori amme ne va plus être utilisée de façon répétée. Ainsi, à travers ces
informations générales délivrées par l’ori amme sur des questions militaires, religieuses ou encore politique,
Philippe Contamine rappel l’interêt de son étude qui est de démontrer le « riche enseignements de tous ordres »
permis par l’ori amme. En effet, le choix de l’ori amme comme sujet d’étude a permis de récolter des
informations sur différents types d’histoires : militaire, religieuse, politique, culturelle. On comprend dès lors que
Philippe Contamine n’a pas exploiter ces différentes histoires séparément mais qu’il a bien établit un lien
intrinsèque entre chacune d’entre elles a n de pouvoir extraire un maximum d’informations et ainsi répondre à
l’enjeu de son étude.

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C’est pourquoi, un second mouvement est mis en valeur par l’historien qui cherche de par le choix de
cette période à identi er les causes qui ont menés à la nalité de l’ori amme. Il s’agit donc ici de mettre en
évidence le fait que ce processus complexe qui enveloppe « l’ori amme de Saint-Denis » autour d’un appareil
conceptuel ressortissant la coutume, à la religion, au pouvoir royal et à la politique est à l’origine de sa destinée
fatale. En effet, cette relation entre le pouvoir royal et l’abbaye de Saint-Denis construite autour de l’ori amme
va être à l’origine d’un con it d’intérêt a n de déterminer la légitimité de ces institutions sur la possession de
l’ori amme. Ainsi, le monastère de Saint-Denis va revendiquer que la prestigieuse enseigne appartient à leur
abbaye en rappelant alors que le roi en a la garde parce qu’il est comte de Vexin et donc par cela l’avoué de
Saint-Denis. Toutefois, l’histoire des mentalités de l’époque va en décider autrement. En effet, en dépit de
l’opinion contraire des religieux, cet emblème va nir par devenir le drapeau du roi con é en dépôt à l’abbaye
de Saint-Denis. Cette lutte est d’ailleurs illustrée par Philippe Contamine qui indique un changement dans
l’appellation de l’ori amme entre le XIIe et le XIVe siècle. Ainsi, des expressions telles que « vexillum beali
Dionysii » ou encore « enseigne de Saint-Denis » qui insistaient sur le caractère sandionysien du drapeau ont été
remplacées par l’expression « ori amme » ou par des expressions en rapport avec le roi. On peut alors évoquer
le garde de l’ori amme qui est alors quali é de « regis vexillifer » ou « signifer regius ». L’abbaye de Saint-Denis
passe donc au second plan dans un mouvement voulu par la monarchie mais également par un processus naturel
mis en place par l’opinion publique. Pour cette dernière il ne peut y avoir qu’une seule bannière celle du roi de
France. Ainsi, dès le début du XIIe siècle et pendant longtemps furent confondues l’ori amme de Charlemagne
et celle de Saint Denis. C’est d’ailleurs cette idée que l’on retrouve dans un type de source considérable pour
Contamine : les chansons de gestes. Dans ces dernières, les mentions de l’ori amme sont nombreuses et dans la
majorité des cas associées à Charlemagne. En effet, la couleur rouge associée à l’ori amme n est pas une
innovation du début du XIIIe siècle. Ainsi, la bannière dorée de Charlemagne fut appelée « ori amme » car
étymologiquement le mot ori amme signi e «  amme d’or ». Dès son origine, le mot ori amme évoquait un
drapeau rouge, couleur du sang mais surtout le symbole de la souveraineté et du pouvoir suprême. Déjà au IVe
siècle, selon la description qu'en a laissée Eusèbe de Césarée, le célèbre labarum, l'étendard adopté par l'empereur
Constantin était de couleur pourpre plus encore il était également attachée à une lance verticale dorée. Ainsi,
dès le XIIIe siècle, l’ori amme de Saint-Denis était également associé au premier empereur romain chrétien. Par
ces associations, l’ori amme était insérée au cycle monarchique français en af rmant la dignité des rois chrétiens
à travers les siècles. Cependant, ces visions s’éloignaient du vexillum de base des moines de Saint-Denis. Face à
cela, l’abbaye de Saint-Denis va mettre en place des stratégies visant à réaf rmer la dimension sacrale et
religieuse de l’ori amme. Ainsi, les moines de l’abbaye d’abord réticent ont ensuite cherchés à préserver ce
caractère légendaire associé à l’ori amme de Saint-Denis en af rmant qu’elle avait été bien avant Charlemagne
con ée par Dagobert à l’abbaye. C’est d’ailleurs ce qui est af rmé par Guillaume Guiart qui s’appuie sur des
informations de l’abbaye pour la rédaction de son oeuvre la Branche des royaux lignages. Cette instabilité des
versions est d’ailleurs illustrer par Contamine avec la comparaison de deux vitraux présents au sein de la
cathédrale de Chartres. Ainsi, dans le premier, saint Denis remet son enseigne à un chevalier, toutefois, aucune
distinction royale ou allusion à Charlemagne n’est présente alors que le second quand à lui nous présente un
songe de l’empereur Constantin. Ce dernier est alors endormi, un cercle d’or autour de la tête et au dessus de lui
se tient Charlemagne à cheval, avec son grand bouclier triangulaire rouge et sa lance blanche d'où sort une
amme d'or qui fait penser à un gonfanon. La présence de l’inscription, Carolus, permet d’af rmer l’identité du
personnage, tandis qu'un ange à forme humaine, au-dessus de la tête de Constantin, désigne Charlemagne du
doigt. De par l’ évocation de ces deux vitraux, Contamine met en exergue l’existence de deux versions : une
première pro table à l’abbaye mais risquée car elle ferait du monastère le propriétaire d’un objet émanant de
Charlemagne et plus largement de l’autorité de Rome et une seconde version qui elle suit le modèle originel et
plus modeste mis en place par l’abbaye.

Charlemagne et le songe de Constantin - Vitrail Cathédrale de Chartres

Saint Denis remet son enseigne à Clément Mez (vitrail de la cathédrale de


Chartres vers 1225-1230) 6
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Cette instabilité des versions peut aussi être illustrer avec le texte de la bénédiction de l’ori amme utilisé lors de
la cérémonie à Saint-Denis. En effet, ce dernier ne fait aucunement mention à Charlemagne car ici la liturgie
accordée à l’ori amme représente seulement un aménagement de la cérémonie du sacre de Reims Il existe alors
un double mouvement mis en place par les moines de Saint-Denis. Cette pluralité des versions est même
renforcée par les sources étrangères qui essaient de contrer cette atteuse mythologie. En effet, pour eux,
l’ori amme retire la miséricorde des français qui n’épargnent alors personne. Elle représentait alors « la cruauté
du dragon ». La multitude de symboles et d’interprétations contradictoires semblent être une des causes
majeures de la disparition de l’ori amme. Pour Contamine, cette instabilité des versions représente le premier
maillon d’un processus qui va mené à la destinée fatale de l’ori amme.
Toutefois, un second maillon est noti é par l’historien, l’existence d’une pluralité matériel de l’ori amme. En
effet, le sort de l’ori amme pendant les différentes batailles ou croisades auxquelles elles aurait participer pose
problème quand au caractère unique qui lui est associé. Pour illustrer cette idée Contamine évoque la levée de
l’ori amme sous Philippe Le Bel et notamment la bataille de Mons-en-Pévèle du 18 aout 1304 où la plupart des
récits contants le sort de l’ori amme diverge quand à son sort à la n de la bataille. En effet, cette dernière aurait
soit été détruite par les amands, soit perdue ou encore, son garde serait mort durant le combat et en n elle
aurait été sauvée. Cette multitude de versions mettant en exergue la fragilité de l’emblème est d’ailleurs
complétée par Guillaume Guiard qui comme évoqué auparavant avait décrit l’ori amme comme « une bannière
/ Aucun poi plus forte que guimble » et qui maintenant af rme pour la première fois dans une oeuvre écrite le
caractère pluriel de l’ori amme. Plus encore, cette version a été autorisé par l’Eglise voir même incité par les
religieux a n de pouvoir expliquer de manière cohérente la préservation de la bannière au cours des deux siècles
où elle a déjà servi. Toutefois, cette dernière préserve son intérêt et celui de la monarchie en assurant que
l’ori amme originale, celle con ée par Dagobert et Charlemagne était en lieu sûr, une imitation suivait alors le
roi lors des différentes batailles. De ce fait, le glorieux drapeau perdit de son prestige et les multiples ori ammes
donnaient lieu à diverses descriptions et représentations iconographiques. Un second épisode illustrant cette
fragilité est également évoqué par Contamine, il s’agit de l’utilisation de l’ori amme par Philippe le Long en
1316 qui n’était alors que régent a encore plus déstabilisé le modèle de l’ori amme. En effet, l’abbé de Saint-
Denis avait alors refusé de bénir l’ori amme symbole d’un privilège royal. L’évêque de Saint-Malo procéda alors
à la célébration de la bannière. Cet incident met en exergue un double mouvement contraire à la coutume de
l’ori amme. Premièrement, un privilège royal était bafoué mais également un privilège appartenant à l’abbaye
de Saint-Denis. Deuxièmement, c’est la première fois qu’une bénédiction est attestée après la bataille Mons-en-
Pévèle, ainsi le caractère sacral de l’ori amme présentée comme une véritable relique est détruit par cette
représentation d’une res nova, une nouvelle chose que l’on devait consacrer à chaque nouvelle utilisation. Cette
instabilité se retrouve donc aussi au niveau des rites solennels qui ne sont pas toujours respectés par manque de
temps ou par contestation de la levée de l’ori amme. Ainsi, il arrivait qu’une bannière déjà bénie soit utilisée ce
qui enlevait un moment essentiel du rite religieux. Tout ces éléments ont ni par mener à certaine
désacralisation de l’ori amme. Ces éléments vont même remettre en cause le symbole victorieux lié à
l’ori amme de Saint-Denis. En effet, d s le XIVe si cle elle n’avait pas su pr server les arm es françaises de la
d faite Ainsi, parallèlement à la construction de ces remises en questions concernant l’ori amme on observe une
ultime manoeuvre protectrice de la part de l’Eglise. En effet, l’abbé de Saint-Denis indique que les choses émises
par Dieu n’ont pas besoin de preuves écrites et n’ont pas toujours été synonyme de victoire. Il indique alors que
ce qui prouve l’existence surnaturelle repose sur «  tout un ensemble, une longue « observance, institution et
ordonnance », la foi des rois chrétiens et catholiques, mais également les « hystoires authentiques » ainsi que le
témoignage et l’expérience des rois et des chevaliers » p.234.
Toutefois, ces af rmations ne vont pas suf re à modi er la destinée de l’ori amme notamment accélérée par la
situation politique de la France après 1418. En effet, à cette période, le royaume de France était pris par la
guerre civile entre deux factions, celle des Amarganacs et celle des Bourgignons. Ainsi, en raison de ce con it,
une instabilité va se mettre en place au sein du royaume de France. Plus encore, l’abbaye de Saint-Denis va nir
par être occuper par les Anglais dès 1418. De ce fait, l’ori amme n’est plus levée depuis la dernière expédition
militaire de Charles VI en novembre 1418. De plus, en raison de la santé mentale de ce dernier, le traité de
Troyes est signé le 21 mai 1420 et pomulgue Henri V héritier et successeur du roi de France. Toutefois, à cause
de son jeune âge, il ne peut mener aucune guerre et donc ne peut pas lever l’ori amme. Parallèlement à cela,
Charles VII, le successeur de Charles VI ne possède donc plus Saint-Denis et ne peut donc pas mener des
guerres en personne. Par l’évocation de cette absence chronologique de l’ori amme, Contamine cherche à
démontrer le recul progressif de cet usage. En effet, même si la situation française change à partir de 1429 et
que le roi Charles VII récupère Saint-Denis avec Jeanne d’Arc le retour de l’ori amme n’aura pas lieu. De cette
façon, la non utilisation prolongée de l’ori amme a rompu le lien établi entre l’abbaye de Saint-Denis et la
monarchie. En effet, les Bourguignons ont été les derniers à avoir eu possession de l’abbaye et donc de
l’ori amme. Pour nir, le sort de l’ori amme va être scellé par l’émergence d’un nouveau symbole utilisé au
combat, la croix blanche chargée elle aussi d’un pouvoir céleste. Cette-dernière va d’ailleurs nir par déléguer
l’ori amme de Saint-Denis au second plan. Ainsi, le récit de Jean Maupoint évoqué par Contamine illustre cette
idée. En effet, ce dernier montre que Louis XI, le successeur de Charles VII a utilisé l’ori amme mais seulement
en désespoir de cause aussi bien qu’aucune cérémonie n’a été organisé. L’évocation de cet épisode par l’historien
nit ainsi par souligner le fait que l’abbaye de Saint-Denis détenait une ori amme mais pas l’ori amme. C’est

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pourquoi, à défaut de son existence réelle, de plus en plus passive la bannière de Saint-Denis va poursuivre sa
destinée mythique. Ainsi, après avoir été associée à Charlemagne puis à Dagobert, l’ori amme est dorénavant
associée par la coutume populaire à Clovis, premier roi de France. Ce transfert d’origine marque alors une
coupure dans la mémoire collective en présentant l’ori amme comme un souvenir remontant au premier roi
chrétien. Elle entre alors dans une mythologie commune à l’égard des Français qui va prospérer jusqu’au XVIIe
siècle. Une période qui va réellement destituer l’ori amme de tout ses aspects légendaires et ainsi lui rendre son
caractère dionysien.

Pour conclure, on peut donc dire que le dossier iconographique et textuelle proposé par Contamine sur
l’ori amme de Saint-Denis a permis de présenter une nouvelle approche du sujet. En effet, de par un traitement
rigoureux de différentes sources d’époques Philippe Contamine a af rmé l’interêt majeur que représente l’étude
de l’ori amme en mettant en valeur son rôle dans les différentes sphères sociétales au Moyen-âge. L’historien
pousse même cette idée en montrant que la bannière de Saint-Denis a permise la mise en place de relations
intrinsèques entre les différents domaines : politique, économique, culturel, militaire. Son article renferme ainsi
de nombreuses informations sur la société du Moyen-âge et en particulier celle des XIVe et XVe siècle.
Toutefois, en choisissant ces bornes chronologiques, il cherche également à expliquer le processus complexe qui
a mené à la destinée de l’ori amme. En effet, il démontre que cette implication plurielle de l’ori amme dans les
différents domaines va également mener à sa perte. A la lecture de cet article, nous avons pu remarquer que
Philippe Contamine a construit son étude de tel façon que l’on a l’impression d’un dialogue entre les différentes
sources qui semblent vouloir se répondre en arguments. Toutefois, l’histoire militaire pourtant considérée comme
le premier domaine d’étude de Contamine semble ici ensevelie derrière un type d’histoire plus général. Ainsi,
l’article de Contamine s’inscrit alors pleinement dans le renouvellement de l’histoire des symboles, une histoire
longtemps délaissée et basée sur des ré exions transdisciplinaires.

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