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Depuis plus d'un siècle, l'intérêt des médiévistes français pour la péninsule
Ibérique a suscité de nombreux travaux, soutenus par un réseau d'institutions parmi
lesquelles l'Université de Toulouse et, plus récemment, le laboratoire FRAMESPA
(UMR 5136) ont joué un r ôle de premier plan. Créée au sein de la collection
Méridiennes , sous l'égide de FRAMESPA , la série Études Médiévales Ibériques a pour
vocation de mettre en évidence la persistance de cette tradition et son
renouvellement. Il ne s'agit pas seulement de donner à connaître les réalisations du
pôle toulousain mais, plus largement, de créer un espace commun à l'ensemble des
chercheurs qui, en France, se consacrent à l'étude des sociétés et des littératures
ibériques du Moyen Âge. Conçue comme un lieu de rencontre et d'échanges, la
série recevra également la contribution de spécialistes espagnols et portugais dont les
textes seront traduits en français, sous la forme de recueils thématiques, afin de
permettre une meilleure diffusion de ce côté des Pyrénées. Aux côtés des travaux
inédits, la série Études Médiévales Ibériques est ouverte aux actes de colloques et de
séminaires et aux éditions de sources. La publication de recueils d'articles, qui
complète le dispositif, est destinée à faciliter l'accès à la production de chercheurs
confirmés dont l'œuvre fait référence.
Prochaines parutions
2006
Illustration de couverture : la prise d’Antioche, dans Guillaume de Tyr,
Histoire d’Outremer (Bibliothèque municipale de Boulogne-sur-Mer, ms. 142,
fol. 49). © Bibliothèque municipale de Boulogne-sur-Mer.
En vérité, il paraît bien difficile de présenter les actes d’un colloque sur la
guerre sainte sans faire état de la richesse et des ambiguïtés de la tradition
historiographique attachée à ce thème. L’abondance des travaux publiés
depuis plus d’un siècle témoigne de son écho profond dans les sociétés
occidentales, alimenté par l’expérience brutale et douloureuse de l’expansion
coloniale puis de son reflux. Leur ambivalence et la virulence des débats
s’expliquent par ce même contexte mais aussi, de façon plus technique, par un
délicat problème de définition. La rigueur n’est pas un acquis récent de la
discipline historique et on trouve, à toutes les époques, des savants soucieux
du sens des mots qu’ils utilisent. Néanmoins, il ne fait pas de doute que le
besoin de définir exactement les notions employées et l’objet même de la
recherche est beaucoup plus répandu aujourd’hui qu’il y a quelques
décennies. Encore dans les années 1950, il n’était pas rare de voir d’excellents
historiens choisir le mot croisade pour désigner des campagnes antérieures à
l’appel de Clermont ou encore parler de guerres saintes à propos de n’importe
quelle forme de conflit opposant des belligérants de confessions différentes.
Cette façon d’user du vocabulaire sans véritablement peser le poids des mots
est, de nos jours, largement condamnée. Pour autant, l’effort consenti depuis
une vingtaine d’années pour préciser leur sens et fixer les définitions n’a pas
abouti. La question du vocabulaire étant posée, l’historiographie s’est révélée
incapable de créer un consensus autour de réponses qui seraient unanimement
admises, au point que les historiens spécialistes de ce sujet semblent parfois
condamnés à un dialogue absurde et sans fin. Les raisons de cette situation
sont bien connues. Les mots croisade et guerre sainte n’apparaissent guère dans
la documentation médiévale, ou bien de façon tardive. Il ne s’agit donc pas,
pour ceux qui s’attellent à cette tâche, de définir des notions utilisées par les
contemporains des phénomènes étudiés mais de donner un sens à des
vocables forgés bien après l’apparition de ces phénomènes et dont la légitimité
historiographique ne tient qu’à l’usage qu’en ont fait les médiévistes depuis le
XIXe siècle.
Faute de pouvoir s’accorder sur des bases documentaires et
méthodologiques indiscutables, la communauté savante, sans renoncer à ses
controverses, a fini, néanmoins, par trouver un point d’équilibre. Dans la
plupart des travaux, le mot croisade est réservé aux expéditions ordonnées par
la papauté à partir de 1095. Les historiens plus sensibles à l’autorité du droit
considèrent que toutes les guerres pontificales méritent le nom de croisade,
sans tenir compte de leur destination et de leur objet, à condition que les
10 Présentation
XIIe siècle, l’interprétation que les juristes romains donnent de la guerre sainte
devient un référent universel pour tous ceux qui prétendent investir leur
combat d’une valeur surnaturelle et sanctificatrice. Mais il convient de bien
mesurer l’influence réelle de ce référent. Les lettres pontificales et les sources
normatives produites dans l’entourage des papes montrent que la notion de
croisade ne s’est jamais figée. Au fil des décennies, au gré des circonstances,
l’Église de Rome justifie la sainteté des causes et la délivrance des privilèges
promis aux milites Christi sans jamais arrêter une série de critères obligés. Le
modèle pontifical de guerre sainte, ce que nous appelons la croisade, devient
un référent pour toute la chrétienté latine dans le courant du XII e siècle mais ce
repère ne cesse de se déplacer.
Si l’on s’éloigne de la Curie, les choses ne sont pas plus claires. La papauté
n’est pas seule à avoir trouvé intérêt à une sacralisation des activités
guerrières, au moins contre certaines catégories d’ennemis. En dépit de
l’opposition du clergé byzantin qui refuse de lui donner une valeur canonique,
l’idée d’une rétribution surnaturelle du combat mené contre les infidèles
traverse à un moment la chrétienté orientale. Elle affleure aussi dans les
mondes ibériques où la persistance de l’affrontement avec les musulmans et
des systèmes idéologiques hérités de l’époque wisigothique contribue à
donner à la guerre une dimension sacrée. Plutôt que de regarder l’apparition
de la croisade, vers 1095, comme une nouveauté absolue dans un contexte
déserté depuis plusieurs siècles par l’idée de guerre sainte, il apparaît donc
tentant d’interpréter le projet pontifical comme une tentative pour rénover à
son profit un idéal encore vivace, au moins sur certains confins de la
chrétienté. On le sait, les appels à récupérer les Lieux saints, puis à lutter
contre les hérétiques et contre les ennemis de l’Église de Rome, furent un
moyen d’affirmation de l’autorité pontificale. Il est moins souvent admis que
face à ce désir d’affirmation, d’autres projets existaient qui visaient également
à appuyer sur le service armé de Dieu une légitimité et un pouvoir. Le fait a
été montré pour la partie occidentale de la péninsule Ibérique où le modèle
pontifical de guerre sainte a rencontré de fortes résistances: les rois léonais et
castillans, dont l’autorité était en partie fondée sur la conduite de l’œuvre
sainte de Reconquête, n’avaient aucune intention de céder les bénéfices
symboliques du conflit au pape. Parfois repoussée au profit d’un modèle
alternatif, l’idée de croisade s’est aussi vue soumise à des processus
d’adaptation, sinon d’appropriation. De ce point de vue, le cas italien, qui
montre la capacité des élites citadines à insérer le projet de croisade dans un
dispositif idéologique visant à l’affirmation de l’identité civique et à la défense
de ses intérêts commerciaux, est sans doute exemplaire. Faut-il regarder le
modèle ibérique de guerre sainte comme un résidu archaïque et dénoncer le
peu de foi des marchands pisans qui passaient des contrats avec l’Infidèle tout
en se réclamant de la défense de la chrétienté? N’est-il pas plus pertinent
d’admettre la fluidité de la notion de guerre sainte, d’admettre la diversité de
ses usages et de renoncer à hiérarchiser ses manifestations? Car, dans les
12 Présentation
Jean-Claude CHEYNET*
* Université de Paris-IV.
1
En réalité, Augustin n’a pas vraiment élaboré la théorie que les auteurs postérieurs lui prêtent,
cf. en dernier lieu, James J. O’DONNELL, Augustine: a new biography, New York, 2005, p. 259. Je
remercie Béatrice Caseau pour cette référence.
14 Jean-Claude Cheynet
des chrétiens fait son salut, voire gagne le royaume des cieux2. Une nouvelle
étape fut franchie lorsque le pape Léon IX, sans participer au combat,
conduisit contre les Normands une armée qui fut décimée à Civitate en juin
1053. Les morts tombés pour la défense de l’Église sont alors considérés par
nombre de contemporains comme des martyrs3.
Les musulmans avaient, de leur côté, construit une doctrine de la guerre
sainte qui trouvait ses racines dans l’action même de Mahomet, le fondateur
de la nouvelle religion. Le prophète a personnellement conduit ses hommes au
combat et donné des instructions précises de lutte contre les infidèles. Il
s'agissait, à l’origine, de ceux qui ne reconnaissaient pas le caractère divin de
sa mission, mais la définition s'est ensuite étendue à tous ceux qui ne se
soumettaient pas au califat. On retrouve quelques points communs avec la
guerre juste. Les musulmans doivent se battre le cœur pur, non dans l’espoir
du butin ou de la gloire personnelle. L’innovation la plus radicale réside dans
cette promesse que ceux qui tombent au cours du jihâd ne doivent pas être
considérés comme des défunts ordinaires, mais qu'ils participent
immédiatement, sans attendre le jugement dernier, aux félicités du Paradis. Le
Coran affirme: «Ne croyez pas que ceux qui sont morts dans le chemin
d’Allah sont morts; ils sont vivants auprès de leur Seigneur» 4 et, selon le
hadith: «Le Paradis est à l’ombre des épées» 5.
Chez les historiens de Byzance, selon qu'ils se tournent vers le modèle
occidental ou celui du monde musulman, la définition de la guerre sainte ne
fait pas l’unanimité6. Pour les Latins, nous sommes aidés dans cette tâche par
les travaux de Jean Flori qui a consacré une bonne partie de son œuvre à
appréhender ce concept et son développement par la croisade. Athina Kolia-
Dermitzaki, auteur du seul –et important– ouvrage consacré à la guerre sainte
selon les Byzantins, a souligné qu’on ne peut exiger que la guerre sainte soit
définie selon les seuls critères en vigueur en Occident, en soulignant les
différences entre croisade et jihâd. Elle considère que Byzance aussi a
développé une théorie de la guerre sainte, dont elle donne les caractéristiques,
l’appel de l’empereur à la défense des chrétiens, l’assurance du soutien divin
et le caractère offensif de fait des campagnes, aussi arrête-t-elle son étude en
1204, jugeant que l’Empire, après cette date, ne se trouve plus qu’en position
défensive. Sur ce dernier point, on peut immédiatement remarquer que la
2
Jean FLORI, La guerre sainte. La formation de l’idée de croisade dans l’Occident chrétien, Paris, 2001,
pp. 47-54.
3
Ibid., pp. 176-183.
4
Coran, III-163.
5
Marius CANARD, «La guerre sainte, dans le monde islamique et dans le monde chrétien»,
Revue africaine, 1936, pp. 606-623, repris dans Byzance et les musulmans du Proche Orient,
Londres, 1973, n. VIII.
6
Pour un résumé commode de la position des savants concernant la guerre sainte à Byzance, cf.
Tia M. KOLBABA, «Fighting for Christianity. Holy War in the Byzantine Empire», Byzantion,
68 (1988), pp. 194-221.
La guerre sainte à Byzance au Moyen Âge: un malentendu 15
position de l’auteur n’est pas aussi solide, puisqu'elle traite, par ailleurs, de la
guerre sainte face aux Perses et aux Arabes aux VIIe et VIIIe siècles, époque où
l’Empire n’était vraiment pas en bonne posture. Enfin elle ne tient pas les
récompenses spirituelles, rémission complète des péchés et accès au paradis,
pour essentielles, position que je crois critiquable. Le point de vue de
l'empereur LéonVI pour qui cette lacune représentait pour ses sujets un
handicap majeur, paraît plus conforme à ce qu'on entend par guerre sainte.
A.Kolia-Dermitzaki enfin, ne juge pas nécessaire que l’autorité religieuse
suprême, le patriarche, cautionne la guerre. Ce point est délicat, puisque
l’empereur n’est pas un simple laïc, mais l’oint du Seigneur et, à ce titre, sans
appartenir au clergé, il a des droits particuliers dans l’Église7. Dans les faits
cependant, l’empereur, qu’il fût ou non présent, apparaît toujours comme le
chef de l’armée. Cet élément n’est donc pas déterminant pour décider si une
guerre est sainte.
Du côté de Byzance, les occasions de développer une théorie de la guerre
sainte n’ont en effet pas manqué puisque, plus encore que les Occidentaux, les
armées byzantines ont affronté constamment les “négateurs du Christ”. Les
canons des premiers conciles, héritiers de toute une tradition de l’Église qui se
refusait à ce qu’un chrétien versât délibérément le sang, position qui trouvait
sa légitimité dans le refus du Christ d'être défendu par Pierre qui avait tiré
l'épée, n’étaient pas a priori favorables au métier des armes, mais il n’y a pas
de raison de croire que les soldats byzantins aient été handicapés par cette
obligation de pénitence pour avoir versé le sang de l’ennemi et aient combattu
leurs adversaires avec moins de fougue8. En effet, à côté du canon de saint
Basile qui estime que le sang versé entraîne nécessairement pénitence, celui
attribué à Athanase, qui certes condamne le meurtre, estime légal (ennomos)
que les soldats tuent leurs ennemis et ajoute même que c’est une action digne
d'éloge. Au reste c'est la position des canonistes du XIIe siècle, Jean Zônaras
aussi bien que Théodore Balsamôn, qui doutent de la validité du canon de
Basile et lui opposent celui d'Athanase9. Il est vrai que le XIIe siècle est celui
des Comnènes, les empereurs qui luttent personnellement sur tous les fronts
menacés, aussi bien contre les Turcs musulmans que contre les Normands et
les Hongrois chrétiens. L'argument des canonistes est simple: si le canon de
Basile était appliqué, les ennemis l'emporteraient et toute piété (chrétienne)
disparaîtrait. Donc, verser le sang est condamnable pour un individu, mais
s'abstenir de le faire aboutirait à un plus grand malheur collectif.
7
Gilbert D AGRON , «Byzance entre le djihâd et la croisade: quelques remarques», dans Le
Concile de Clermont de 1095 et l’appel à la croisade, Rome, 1997, pp. 328-329.
8
Sur ce point, voir les remarques pertinentes de Athina KOLIA-DERMIZAKI, The Byzantine "Holy
War". The Idea and Propagation of Religious War in Byzantium, Athènes, 1991, pp. 126-141 (en
grec).
9
Geo—rgios Alexandrou RHALLÈS et Michae—l POTLÈS , Syntagma to—n the—i o—n kanono—n kai hiero—n
kanano—n to—n hagio—n kai paneuphe—mo—n apostolo—n, 4, Athènes, 1854, pp. 131-132.
16 Jean-Claude Cheynet
10
Guillaume de TYR, Historia rerum in partibus transmarinis gestarum (CCCM, 163A), éd. Robert B.
C. Huygens, Turnholt, 1986, pp. 105-107.
11
Vincent DÉROCHE, «Juifs et Chrétiens dans l’Orient du VIIe siècle: Doctrina Jacobi nuper
baptisati », Travaux et Mémoires, XI (1991), pp. 210-211: «… j’ai appris de ceux qui l’ont
rencontré qu’on ne trouve rien d’authentique chez ce prétendu prophète: il n’est question que
de massacres. Il dit aussi qu’il détient les clés du paradis, ce qui est incroyable».
12
Walter E. KAEGI, Byzantium and the early Islamic conquests, Cambridge, 1995, pp. 135-144.
13
La Panoplie dogmatique d’Euthyme Zigabènos, qui reproduit les mêmes accusations contre
les musulmans, a été rédigée sous le règne d’Alexis Comnène et est donc contemporaine de la
Première croisade. Sur tous ces textes, cf. Adel Théodore KHOURY, La polémique byzantine contre
l’Islam (VIIIe-XIIIe siècle), Leyde, 1972, pp. 243-259.
14
Cf. supra, p.13.
15
Cette conviction se fonde sur les textes vétérotestamentaires, notamment l’histoire du roi
David, auquel l’empereur byzantin est explicitement assimilé. Les victoires de David sont un
La guerre sainte à Byzance au Moyen Âge: un malentendu 17
Si, aidés par Dieu qui combat avec nous, bien armés et en bonne formation
tactique, les affrontant franchement et vaillamment pour le salut de notre âme,
des motifs favoris des orfèvres qui créent l’argenterie de l’Antiquité tardive, comme en
témoigne la magnifique série de plats datés du VIIe siècle, trouvés en Chypre et actuellement
conservés au Metropolitan Museum (Steven WANDES , « The Cyprus Plates: The Story of
David and Goliath », Metropolitan Museum Journal, 8 (1973), pp.83-104).
16
La défaite suivie du massacre des barbares vaincus constitue un thème romain par excellence
qu’illustraient les colonnes commémoratives dressées par les empereurs victorieux. Les
Constantinopolitains pouvaient ainsi admirer celle de Théodose (Raymond J A N I N ,
Constantinople byzantine. Développement urbain et répertoire topographique, Paris, 1964, pp. 81-82).
17
C’est une épigramme iconoclaste copiée par Théodore Stoudite (PG, 99, col. 476-477), citée par
Mark Diederik LAUXTERMANN, Byzantine Poetry from Pisides to Geometres. Texts and Contexts,
Vienne, 2003, p. 276. Cette épigramme pourrait avoir déjà été en place du temps de LéonIII
(Paul SPECK, Artavasdos. Die rechtgläubige Vorkämpfer der göttichen Lehren, Bonn, 1981, pp.376-
378).
18
Sur la pensée de LéonVI exprimée dans les Tactica, cf. Gilbert DAGRON , «Byzance et le
modèle islamique au Xe siècle à propos des Constitutions Tactiques de l’empereur LéonVI»,
Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres (avril-juin 1983), pp.219-
242.
18 Jean-Claude Cheynet
persuadés que nous combattons pour Dieu lui-même, pour ceux de notre race et
tous nos frères chrétiens, si donc nous nous en remettions sans hésiter à Dieu, nous
n'échouerions pas, mais réussirions et nous remporterions contre eux, à coup sûr, la
victoire19.
19
Tactica..., XVIII, 133 (traduction de G. Dagron dans Gilbert DAGRON et Haralambie MIHÀESCU,
Le traité sur la guérilla de l’empereur Nicéphore Phocas, Paris, 1986, p. 148).
20
Notons un point qui relie, certes de façon ténue, les Phocas aux empereurs iconoclastes, le
culte de la Croix. Sans aucun doute, par le décor des églises qu’ils ont commandité, les Phocas
étaient aussi attachés aux images, mais assez curieusement, plusieurs d’entre eux ont fait
figurer sur leurs sceaux des monogrammes cruciformes à une époque où la mode en était
passée (Jean-Claude CHEYNET, «Quelques remarques sur le culte de la croix en Asie Mineure
au Xe siècle», dans Histoire et culture chrétienne. Hommage à Monseigneur Yves Marchasson, Paris,
1992, pp. 67-78).
La guerre sainte à Byzance au Moyen Âge: un malentendu 19
occupa les remparts et fit une sortie victorieuse contre les barbares21. Une autre
fois, le saint désobéit ouvertement à l'ordre de Dieu d'abandonner sa ville et
de laisser les ennemis détruire Thessalonique22. Au milieu du VIIIe siècle, sous
ConstantinV, saint Théodore, à cheval et en armes, défendit la ville de son
sanctuaire, Euchaïtes, contre un raid arabe, jusqu'à ce que Dieu lui demande
de se retirer, mais il obtint, après de dures négociations, que les habitants se
réfugient dans la forteresse voisine et que son sanctuaire soit épargné23. Les
saints pratiquent la guerre défensive et offrent à leurs fidèles le salut, sans
nécessairement donner la victoire, puisque les Arabes s’emparèrent
d’Euchaïtes. Au Xe siècle, dans un contexte tout différent puisque les armées
byzantines triomphaient sur tous les fronts, saint Théodore intervint à
nouveau lors d’une bataille indécise. Jean Tzimiskès, successeur de Nicéphore
Phocas, dut mener une campagne très difficile contre les Russes du prince
païen Sviatoslav et, au cours d’un combat décisif, alors que la fortune des
armes avait alternativement favorisé l’un ou l’autre des protagonistes, des
soldats rapportent qu'un cavalier blanc armé avait dispersé la première ligne
ennemie24. Skylitzès, qui nous transmet cet épisode, s'est sans doute inspiré du
communiqué de victoire envoyé à Constantinople par l'empereur.
Ces secours célestes confirment l’appui divin à la guerre menée et, dans le
cas de Tzimiskès, légitime son usurpation. Après l’iconoclasme, lorsque le
culte des images se répandit sans entrave, on remarque que, progressivement,
beaucoup d’officiers décidèrent de faire figurer sur les sceaux qu’ils
apposaient sur leur correspondance ou sur les ordres qu’ils donnaient, l’image
d’un saint soldat. Il est ainsi possible de déterminer le degré de popularité des
saints militaires aux XIe et XIIe siècles. Ces officiers attendaient de leur
protecteur l'intervention qui sauverait leur vie dans les batailles. Parfois aussi,
les combattants portaient des enkolpia enfermant des reliques de saints25. Plus
étonnant encore, dans une harangue à ses guerriers partant combattre les
troupes de Sayf ed-Dawla, l’empereur ConstantinVII mentionne le myrôn
extrait des reliques du Christ qu'il leur envoyait, pour les investir d’une
21
Paul LEMERLE, Les plus anciens recueils des miracles de saint Démétrius, 1, Paris, 1979, pp. 120-129.
22
Ibid., pp. 159-165.
23
Constantin ZUCKERMAN , «The reign of ConstantineV in the miracles of St. Theodore the
Recruit (BHG 1764)», Revue des études byzantines, 46 (1988), pp. 191-210.
24
«De plus, un homme apparut à toute l’armée des Romains, monté sur un cheval blanc,
combattant en première ligne, ébranlant et désorganisant les bataillons ennemis. Personne ne
l’avait vu avant ni ne le revit après et l’on dit qu’il s’agissait de l’un des deux Théodore, les
martyrs victorieux, que l’empereur toujours avait avec lui pour combattre et pour le protéger
contre ses ennemis. De fait, il se trouva que ce combat eut lieu le jour même où nous avons
l’habitude de fêter la mémoire du Stratélate» (Ioannis Scylitzae Synopsis Historiarum [CFHB V,
Series Berolinensis], éd. I. Thurn, Berlin - New York, 1973, p. 308).
25
Brigitte PITARAKIS, Les croix-reliquaires pectorales byzantines en bronze (Bibliothèque des Cahiers
archéologiques, 16), Paris, 2006, pp. 140-141.
20 Jean-Claude Cheynet
26
Rezsõ V ÁRI , «Zum historischen Excerptenwerke des Konstantinos Porphyrogenetos»,
Byzantinische Zeitschrift, 17 (1908), p. 83.
27
Ioannis Scylitzae..., p. 413.
28
Ibid., p. 310. En 610, le futur empereur Héraclius, quittant Carthage pour se diriger vers
Constantinople, avait fait placer sur les mâts de son navire des reliques et des icônes de la
Vierge (Theophanis Chronographia 1-2, éd. Carl de Boor, Leipzig, 1883-1885, p. 298).
29
Synaxarium ecclesiae Constantinopolitanae e codice Sirmondiano nunc Berolinensi adiectis synaxariis
selectis opera et studio (Propylaeum ad Acta Sanctorum Novembris), éd. d’Hippolythe
Delehaye, Bruxelles, 1902, col. 434.
30
Il y a de nombreuses variantes du récit des Quarante (ou Quarante-deux) martyrs d’Amorion.
À titre d’exemple: «Martyre des XLII Martyrs d’Amorion (BHG 1214c)», éd. de François
Halkin dans Hagiologie byzantine: textes inédits publiés en grec et traduits en français, Bruxelles,
1986, pp. 153-161.
La guerre sainte à Byzance au Moyen Âge: un malentendu 21
aussi d’apostasier et fut décapité31. Ces deux exemples prouvent que ces
officiers ne furent pas honorés comme martyrs en tant que combattants, mais,
comme les martyrs traditionnels, en défenseurs de leur foi. Au reste, ils ne
furent jamais évoqués comme protecteurs sur les sceaux des officiers.
Cependant ces récits n’exposent pas les raisons pour lesquelles les califes
pour les premiers d’entre eux et l’émir danishmendide dans le cas de Gabras
ont voulu obliger leurs prisonniers à se convertir, contrairement à la tradition
musulmane. On peut se demander si ces hagiographies ont été adaptées pour
être conformes à la doctrine officielle de l’Église. Un autre événement apporte
encore plus de confusion: lors du combat de 811 contre les Bulgares, alors
païens, qui se termina par la mort sur le champ de bataille de l’empereur
Nicéphore et d’une bonne partie de ses officiers, des soldats tombés furent
considérés comme des martyrs. Le synaxaire de Constantinople mentionne en
effet comme tels certains d’entre eux, mais leur statut exact n’est pas clair32. En
tout cas, leur exemple ne fut pas retenu comme précédent lors de la
controverse avec Nicéphore Phocas. Sur une épitaphe qui rapporte la mort
face à des Hongrois, sans doute en 943, d'un stratège de Thessalonique nommé
Katakalôn, le poète se demande si l’on doit appeler ce héros un général ou un
martyr? Dans un autre poème il est plus net, il le qualifie de martyr kallinikos
(à la belle victoire) 33. Nous ne savons pas si Katakalôn était originaire d'Asie
Mineure. Ce serait le cas si le nom était une variation de Katakoilas, famille
dont nous savons qu'elle était apparentée à la dynastie amorienne.
31
Cf. en dernier lieu, Anthony BRYER, Archibald DUNN et John W. NESBITT, «Theodoros Gabras,
Duke of Chaldia (†1098) and the Gabrades Portraits, Sites and Seals», dans Byzantium, State
and Society. In Memory of Nikos Oikonomides, Athènes, 2003, pp. 55-59.
32
Synaxarium ecclesiae..., col. 837-838 et 846-848. Bonne analyse du dossier dans Iannis
THÉODORAKOPOULOS, Saint ou soldat? La sainteté et la guerre à l’époque byzantine (première moitié
du IVe - deuxième moitié du XIe siècle), thèse inédite de l’Université de Paris-I, 2005, pp. 109-130.
33
Néos Hellenomnèmôn, 16 (1922), pp. 53-54.
34
Asolik de Tarôn cité d’après Stephen GERO, Byzantine Iconoclasm during the Reign of LeoIII with
particular Attention to the Oriental Sources, Louvain, 1973, p. 135.
22 Jean-Claude Cheynet
De même qu'autrefois le Christ, ayant brisé par ce bois les portes de l'Enfer, a
ressuscité les morts, ainsi les souverains couronnés qui l'ont orné maintenant
écrasent grâce à lui l'audace des barbares 36.
35
Nicole THIERRY , «Le culte de la croix dans l’empire byzantin du VIIe au Xe siècle dans ses
rapports avec la guerre contre les infidèles. Nouveaux témoignages archéologiques», Rivista
di Studi Bizantini e Slavi, 1 (1981), pp. 205-228.
36
André FROLOW , La Relique de la Vraie Croix: recherches sur le développement d’un culte, Paris,
1961, p. 235.
37
Ces textes ont été publiés par R. Vári («Zum historischen Excerptenwerke...») et Hélène
AHRWEILER, «Un discours inédit de ConstantinVII Porphyrogénète», Travaux et Mémoires, 2
(1967), pp. 393-404 repris dans Études sur les structures administratives et sociales de Byzance,
Londres, 1971, n. XII. Ils ont été traduits et commentés par Eric MC G EER , «Two Military
Orations of ConstantineVII», dans J. W. Nesbitt (éd.), Byzantine Authors : Literary Activities
and Preoccupations. Texts and Translations Dedicated to the Memory of Nicolas Oikonomides, Leyde-
Boston, 2003, pp. 111-135. ConstantinVII, fils de LéonVI, lorsqu’il régna personnellement à
partir de 945, rappela Bardas, le fils de Nicéphore Phocas l’Ancien, comme chef de l’armée. En
raison des échecs de Bardas face au Hamdanide Sayf ed-Dawla, le souverain promut alors
domestique des scholes à la place de Bardas, son fils lui-aussi prénommé Nicéphore, le futur
empereur.
38
Cf. aussi Athina KOLIA-DERMITZAKI, «Byzantium at war in sermons and letters of the 10th and
11th centuries. An ideological approach» dans N. Oikonomides (éd.), Byzantium at War (en
grec), Athènes, 1997, pp. 213-238.
La guerre sainte à Byzance au Moyen Âge: un malentendu 23
39
Jean DARROUZÈS, Épistoliers byzantins du Xe siècle, Paris, 1960, pp. 146-147 et p. 149: Syméon le
logothète du drome (chef de la poste impériale et responsable des affaires étrangères) ordonne
aux moines de l’Olympe (de Bithynie), du Kyminas, du Latros et de l’Athos de prier pour le
succès des armées contre le Hamdanide et lors de l’expédition contre les Arabes en Calabre.
40
G. DAGRON, «Modèle islamique…», p. 219.
24 Jean-Claude Cheynet
bienheureux, parce qu'ils ont sacrifié leur vie à leur foi et à leurs frères» 41.
C'est à la même époque probablement qu'est rédigé un office pour ceux qui
sont morts à la guerre où sont exprimées des idées similaires, notamment le
souhait que les âmes des morts trouvent le repos dans le sein d'Abraham et
que ces serviteurs du Christ voient la gloire des saints et qu'ils soient
spirituellement comblés de la joie du Christ42. La comparaison avec les martyrs
est implicite:
Roi de l'univers, tes armées qui affrontèrent les dangers pour la foi en toi et en
ton nom, installe-les dans les tentes de leurs premiers parents (c'est-à-dire le
paradis), pour avoir pris le relais des martyrs par leur conduite43.
41
Leonis imperatoris Tactica, éd. Rezso— Vári, Budapest, 1922, XIV, p. 35.
42
Théocharis E. DÉTORAKIS et Justin MOSSAY , «Un office byzantin inédit pour ceux qui sont
morts à la guerre dans le Cod. sin. Gr 734-735», Le Muséon, 101 (1988), pp. 183-211,
particulièrement p. 188.
43
Ibid., p. 196.
44
George DENNIS , «Defenders of the christian people: Holy war in Byzantium», dans A. E.
Laiou et R. P. Mottahedeh, The Crusades from the Perspective of Byzantium and the Muslim World,
Washington, 2001, pp. 36-37.
La guerre sainte à Byzance au Moyen Âge: un malentendu 25
45
PG, 120, col. 793A.
46
Ainsi, le vocabulaire militaire était unifié lorsque les armées d’Asie Mineure fournissaient le
gros des troupes. À la fin du Xe siècle, les commandos opérant derrière les lignes portent un
nom arménien au sein des troupes d’Orient et un nom bulgare chez celles d’Occident:
G.D AGRON, Traité..., pp. 253-254.
47
On ignore à quel moment de son règne Nicéphore a fait sa proposition en faveur des soldats
défunts, si c’est au début du règne, quand il est encore auréolé de ses victoires ou à la fin,
lorsque son gouvernement eut attisé le mécontentement à Constantinople.
26 Jean-Claude Cheynet
soutinrent les entreprises des Phocas48. Un office en son honneur est conservé
où sont soulignées les campagnes victorieuses contre les barbares, et donc
l'aspect militaire du règne, ce qui ne constituait pas un obstacle pour une
partie des moines athonites à la proclamation de la sainteté du souverain49.
A. Kolia-Dermitzaki souligne qu’on ne rencontre pas d’écho de guerre
sainte lors des guerres du troisième grand empereur soldat, BasileII qui régna
personnellement de 985 à 1025. Selon l’auteur, l'explication provient des buts
de guerre de Basile puisque le souverain a consacré le gros de ses efforts à
abattre la Bulgarie. C’est indéniable, mais BasileII n’a pas négligé l’Orient,
puisqu’il est intervenu à plusieurs reprises dans la région d’Antioche et aux
confins arméniens50. Cette absence d’intérêt pour toute propagande de guerre
sainte peut trouver plusieurs explications. BasileII, qui avait dû surmonter la
rébellion renouvelée et redoutée des Phocas, ne pouvait reprendre leur thème
favori. D’autre part, l’empereur était allié à plusieurs dynasties musulmanes
situées à la périphérie de l’Empire, qu’il espérait attirer durablement dans
l’orbite de l’Empire, et considérait sans doute ses propres campagnes et celles
de ses généraux à la frontière orientale plutôt comme des opérations de police.
Cette attitude réservée explique le sang-froid avec lequel il accueillit la
nouvelle de la destruction du Saint-Sépulcre par le calife fatimide Al-Hakim
en 1009.
Les successeurs de BasileII n'eurent aucun scrupule à enrôler des Turcs
musulmans pour combattre éventuellement des chrétiens rebelles. Il est vrai
qu'au XIIIe siècle, des Latins s'étaient mis au service des sultans seldjoukides.
La différence religieuse importait peu dans le choix des maîtres servis. Enfin,
les violentes critiques d'Anne Comnène contre les croisés lorsque des prêtres
latins prirent part au combat ont été tenues pour preuves de l'aversion absolue
de ses contemporains à l'égard de l'idée de guerre sainte51. S'il est vrai que les
Grecs ont toujours refusé aux clercs l'emploi des armes, Alexis Comnène laisse
entendre dans plusieurs de ses lettres envoyées en Occident qu'il percevait
avec faveur les motivations des croisés et leur espoir de rémission de leurs
péchés s'ils étaient tués au cours de leur pèlerinage52. Sous le règne de Manuel
Comnène, une affaire fut portée devant le synode à propos de soldats qui se
48
Actes d’Iviron, 1, «Des origines au milieu du XIe siècle» (Archives de l’Athos, XIV), éd. de
Jacques LEFORT, Nicolas OIKONOMIDÈS , Denise P APACHRYSSANTHOU , Hélène MÉTRÉVÉLI,
Paris, 1985, pp. 19-20.
49
Louis PETIT, «Office inédit en l’honneur de Nicéphore Phocas», Byzantinische Zeitschrift, 13
(1904), pp. 398-420.
50
Sur BasileII, voir en dernier lieu le remarquable ouvrage de Catherine HOLMES, Basil II and the
Governance of Empire (976-1025), Oxford, 2005.
51
Angeliki LAIOU, «On Just War», dans J. Langdon and alii (éd.), To Ellenikon. Studies in Honor
of Speros Vryonis Jr., 1, «Hellenic Antiquity and Byzantium», New York, 1996, pp. 155-177.
52
Voir l’analyse de Jonathan SHEPARD, «Aspects of Byzantine Attitudes and Policy towards the
West in the tenth and eleventh Centuries», dans J. Howard-Johnston (éd.), «Byzantium and
the West, c. 850-c. 1200», Byzantinische Forschungen, 13 (1988), p. 109.
La guerre sainte à Byzance au Moyen Âge: un malentendu 27
53
Les Regestes des actes du patriarcat de Constantinople, fasc. II et III, «Les Regestes de 715 à 1206»,
éd. de Venance Grumel, seconde édition revue et corrigée par Jean Darrouzès, Paris, 1989, n.
1037.
54
Sur ce thème, voir en dernier lieu, Évelyne PATLAGEAN, «La double terre sainte de Byzance
autour du XIIe siècle», Annales Histoire, Sciences Sociales (mars-avril 1994, 2), pp. 459-469.
55
Les martyrs sont issus des rangs d’un pèlerinage qui aurait compté soixante archontes
accompagnés d’une escorte lourdement armée; cf. S. G ERO , Byzantine Iconoclasm…, pp. 176-
179.
56
Pour la date, voir la mise au point dans Franz DÖLGER, Regesten der Kaiserurkunden des
oströmischen Reiches. Teil 1. Zweite Auflage neu arbeitet von A. Müller unter verantwortlicher
mitarbeit A. Beihammer, Munich, 2003, n. 707i.
57
Ioannis Scylitzae..., pp. 287-279 (Jean Skylitzès, Empereur de Constantinople, trad. B. Flusin et
annot. J.-Cl. Cheynet, Paris, 2003, p. 234).
28 Jean-Claude Cheynet
Matthieu d’Édesse, qui aura pu être influencé par les chevaliers occidentaux
résidant désormais dans le comté d’Édesse. Ce qui reste sûr, c’est que
Tzimiskès évita prudemment d’exposer son armée trop loin de ses bases à une
attaque fatimide massive, mais des sources affirment qu’il conservait l’espoir
de venir se recueillir sur le tombeau du Christ. Seule sa mort soudaine en
janvier 976 lui interdit de faire ce pèlerinage.
Les empereurs comnènes ont manifesté systématiquement leur intérêt pour
Jérusalem. On peut y voir l’émulation de la croisade, mais aussi la
continuation de la politique du Xe siècle, qu’on retrouve également dans la
prétention répétée de refaire de l’Euphrate, la limite orientale de l’Empire,
sans doute pour se poser en véritables héritiers de la dynastie macédonienne.
Les empereurs byzantins s'estimèrent responsables de la reconstruction du
Saint-Sépulcre sous Romain Argyre et Constantin Monomaque58. Alexis
Comnène comprit que l’armée impériale, affaiblie comme elle l’était, ne
suffirait pas à chasser les Turcs. Lorsqu’il lança un appel destiné à recruter des
chevaliers francs dans l'armée byzantine, le souverain évoqua la perspective
d’une campagne qui les conduiraient jusqu’à Jérusalem59. L’empereur aurait
songé, à la fin de sa vie, à se rendre à Jérusalem. À tout le moins, il croyait qu'il
mourrait dans la ville sainte en laissant sa couronne ; il serait le dernier
empereur romain qu’annonçait l'apocalypse du Pseudo-Méthode60. Au
moment même de la croisade, il ne fait guère de doute qu’il prévoyait de se
rendre avec son armée à Antioche, puis d’accompagner les pèlerins jusqu’à
Jérusalem61. JeanII, au-delà de la restauration du pouvoir byzantin sur le
duché d’Antioche, visait à placer les États croisés sous la protection de
Byzance, programme en bonne partie réalisé par son fils Manuel62 et lui-même
souhaitait effectuer le pèlerinage au Saint-Sépulcre, qui fut restauré sous
Manuel.
58
Histoire de Yaya— ibn-Sa’i—d al-Anta—k i—, Continuateur de Sa’i—d ibn-Bitri—q (Patr. or., 47), éd. par
I.Kratchovsky, trad. française annotée par F. Micheau et G. Troupeau, fasc. 4, Turnhout, 1997,
p. 165. Sur les phases de la reconstruction du Saint-Sépulcre au XIe siècle, notamment par les
efforts des empereurs byzantins, cf. le chapitre «The Byzantines and the Holy Sepulcre in the
Eleventh Century», dans Mark B IDDLE, The tomb of Christ, Thrupp-Stroud, 1999, pp. 74-88.
59
Théodore S KOUTARIOTÈS , Mesaionikè Bibliothèkè, éd. de Konstantinos Sathas, VII, réimpr.
anastatique, Hildelsheim-New York, 1972, pp. 184-185. Ce passage a déjà été relevé par Peter
CHARANIS, «Byzantium, the West and the Origin of the First Crusade», Byzantion, 19 (1949),
p. 31 repris dans Social, Economic and Political Life in the Byzantine Empire, Londres, 1973,
n.XIV. Des lettres de même tonalité sont mentionnées dans une chronique latine: Gilbert de
MONS, Chronicon Hanonensie, 40, cité par Jonathan RILEY-SMITH, The First Crusaders, 1095-1131,
Cambridge, 1997, p. 61.
60
Anne COMNÈNE, Alexiade, éd. de Bernard Leib, Paris, 1967, VI, p. 55; Annae Comnenae. Alexias.
Pars prior. Prolegomena et textus, rec. de Diether R. Reinsch et Athanasios Kambylis, Berlin-New
York, 2001, pp. 179-180: Guiscard avait aussi bénéficié d’une prédiction selon laquelle il
mourrait à Jérusalem. Mais il comprit que sa mort était proche quand il apprit qu’à Ithaque, là
où il se trouvait, autrefois une grande ville nommée Jérusalem avait existé autrefois.
61
Paul MAGDALINO, The Byzantine Background to the First Crusade, Toronto, 1996, p. 37.
62
Ralph-Johannes LILIE, Byzantium and the Crusader States: 1096-1204 , Oxford, 1993, pp. 142-221.
La guerre sainte à Byzance au Moyen Âge: un malentendu 29
63
Ibid., pp. 211-214.
64
Andrew STONE, «Eustathian panegyric as a historical source», Jahrbuch der österreischischen
Byzantinistik, 51 (2001), pp. 225-258.
65
Paul MAGDALINO, «The Year 1000 in Byzantium», dans P. MAGDALINO, Byzantium in the year
1000, Leyde-Boston, 2003, pp. 233-270; Ihor ÒEV©ENKO, «Unpublished Byzantine texts on the
End of the World about the year 1000 AD», Travaux et Mémoires, 14 (2002), pp. 561-578.
66
Nicétas Chôniatès se moque à loisir de l’attitude d’IsaacII confiné dans son palais, priant, au
lieu de réagir énergiquement aux attaques ennemies.
67
Comme son nom l’indique l’épistémonarque est à la fois un expert et une autorité. Il exerce un
pouvoir disciplinaire dans l’Église y compris dans les questions dogmatiques. Sur l’empereur
30 Jean-Claude Cheynet
Manuel dans ce rôle, cf. par ex. Michael ANGOLD, Church and Society in Byzantium under the
Comneni, 1081-1261, Cambridge, 1995, pp. 99-103.
68
Nicolas OIKONOMIDÈS , «Cinq actes inédits du patriarche Michel Autôreianos», Revue des
études byzantines, 25 (1967), pp. 115-119, repris dans Documents et études sur les institutions de
Byzance: VII e-XVe siècle, Londres, 1976, n. XV.
La guerre sainte à Byzance au Moyen Âge: un malentendu 31
ou quelque autre excès de malice» 69. Cette dernière précision renvoie sans
doute aux événements de la Quatrième croisade et laisse entendre, a contrario,
que si les motifs étaient purs, l’erreur des Latins serait plus excusable.
Après 1261 et le retour à Constantinople, l’Asie Mineure fut rapidement
perdue et sa population captive ou dispersée et, à ma connaissance, les guerres
contre les Ottomans et autres émirs ont fourni quelques néo-martyrs, mais
n’ont provoqué aucun appel nouveau à la guerre sainte, à une exception près,
sans doute parce que les Occidentaux, vecteurs de cette idéologie,
apparaissaient tout aussi bien comme des alliés contre les Turcs que comme
des ennemis potentiels. Cette exception concerne quelques défenseurs de la
ville de Philadelphie en Asie Mineure tués lors d'une tentative d'Umur
d'Aydin pour s'emparer de la ville. Comme l'a bien noté Nicolas
Oikonomidès, le synaxaire célébrant ces martyrs n'a jamais été pris en compte
par l'Église de Constantinople et n'a eu qu'une portée locale70. Remarquons
toutefois qu'il s'agit à nouveau d'une population d'Asie Mineure et que
Philadelphie fut longtemps la capitale du thème des Thracésiens et le principal
point d'appui de la résistance aux Turcs.
69
Jean D ARROUZÈS , «Le mémoire de Constantin Stilbès contre les Latins», Revue des études
byzantines, 21 (1963), p. 77.
70
Nicolas OIKONOMIDES , «The Concept of Holy War Peace and War», dans T. S. Miller et
J.Nesbitt (éd.), Byzantium: essays in honor of George T. Dennis , Washington, 1995, p. 66.
32 Jean-Claude Cheynet
Christophe PICARD*
Depuis trois décennies, une abondante production sur les premiers siècles
du Proche-Orient musulman à propos du jihad, montre que ce terme fait
toujours problème pour les historiens. Si cette floraison de la production de la
fin du XXe siècle, essentiellement anglo-saxonne, n’est certainement pas sans
rapport avec l’actualité, elle est également liée aux incertitudes que ce terme
laisse encore aujourd’hui planer dans les esprits, malgré la profusion des
études menées sur le concept de jihad, et peut-être aussi à cause de cette
abondance. L’une des raisons de la difficulté à définir le jihad tient déjà au
sens que les premiers musulmans ont accordé à ce terme qui, dès la naissance
de l’islam, donne lieu à plusieurs interprétations et définitions de la part des
lettrés. Du coup, la notion qu’induit ce terme, que R. Humphreys définit
comme un «concept malléable, utilisable à des fins variées pour des buts
divers» 1, reste impossible à fixer de manière précise. Dans le cadre de
l’historiographie contemporaine, la traduction par l’expression “guerre sainte”
illustre bien cette difficulté: ainsi, pour Patricia Crone, cette manière de
traduire le “jihad mineur” (jihâd al-asghar) renvoie plutôt à une conception
antique, proche-orientale, du rapport entre la guerre et Dieu, nous éloignant
du sens “coranique” de ce mot tel qu’il est donné dès le VIIIe ou le IXe siècle
par les juristes de Bagdad2. Quant au rapport avec la guerre sainte des Latins,
un tel rapprochement paraît encore plus suspect, même s’il a existé des
similitudes au XIIe siècle. En plus de ces rapports ambigus avec d’autres
périodes, les héritages byzantin et sassanide n’ont pas manqué de peser sur
l’élaboration de son contenu, dès les premières décennies de l’Islam. Il semble
donc difficile d’établir un sens précis du concept tiré de la racine J.h.d.
* Université de Paris-I.
1
R. Stephen HUMPHREYS,«Ayyubids, Mamluks and the Latin East in the Thirteenth Century»,
Mamluk Studies Review, 2 (1998), pp. 1-18, p. 4.
2
Patricia CRONE, Medieval Islamic Thought, Edimbourg, 2004, p. 363.
34 Christophe Picard
(«effort»), utilisé dans plusieurs dérivés par le Coran puis par la tradition
musulmane, et qui occupent une place essentielle dans l’exégèse musulmane3.
Pour tourner ces obstacles, plusieurs chercheurs se sont penchés à la fois
sur le discours des textes arabes primitifs se rapportant au jihad, et sur les
contextes historiques qui ont accompagné leur élaboration. Tout d’abord, on
note dans le Coran que son usage vise un domaine très large mais qui est en
même temps particulier, le jihâd étant fondamentalement lié à l’idée d’effort
dans le sens du rapport entre le croyant et Dieu; c’est dans ce contexte
qu’apparaît la différence faite par l’islam entre jihâd al-akbar, le jihad majeur, et
jihâd al-asghar, le jihad mineur consacré à la guerre4. Toutefois, le déroulement
proprement dit de la guerre et tout ce qui s’y rapporte sont distincts du jihad,
avec l’usage d’un vocabulaire adapté: le combat, al-qitâl, de qâtala, qui peut-
être considéré comme un acte détestable pour l’homme5, harb désignant la
guerre, avec un sens plutôt neutre, par opposition au jihâd, la guerre qui se fait
au nom de Dieu, et la fitna, la division et donc, la guerre civile, sont des termes
qui distinguent bien l’acte et le déroulement de la guerre, du jihad qui en est la
raison légale. Cette distinction initiale ne disparaît jamais par la suite dans les
textes arabes, qu’ils soient d’essence juridique ou “politique”. Les travaux ont
également montré que l’évolution du concept, telle qu’on peut la mesurer
dans les textes arabes, est intimement liée au cadre historique. Hugh Kennedy6
et, surtout, Michael Bonner ont mis en parallèle l’évolution du jihad7 et le
contexte événementiel que les textes donnent à voir. De même, les acteurs ne
sont pas toujours les mêmes: ses premières manifestations, liées à la conquête,
le relient aux tribus arabes qui forment rapidement une aristocratie militaire,
gardiens de l’empire et attachée aux califes rashîdûn puis aux Omeyyades. A
partir du VIIIe siècle, le jihad est sollicité aussi bien par le califat que par les
ulémas qui s’emparent du concept dans leurs écrits au moment même où des
juristes, savants et hommes pieux d’Irak et d’Orient, le mettent en pratique et
s’établissent sur la frontière du Taurus. Ainsi, la frontière, vite associée au
ribat, devient une zone sacralisée en association avec le jihad. Dans le même
temps, le concept devient également un domaine réservé du califat abbasside;
Hârûn al-Rashîd (786-809), al Ma’mûn (813-833) et al-Mu‘tasim (833-842), les
3
Fred DONNER, «The Sources of Islamic Conceptions of War», dans J. Kelsey et J. Turner (éd.),
Just War and Jihad, Westport, 1991, pp. 31-70 et pp. 36-42.
4
Alfred MORABIA, Le gihad dans l’Islam médiéval, le «combat sacré» des origines au XIIe siècle, Paris,
1993.
5
Coran, II-216.
6
Hugh KENNEDY , «Caliphs and their chroniclers in the Middle abbassid period (3th/9th
century)», dans C. Robinson (éd.), Texts, Documents and Arterfacts. Islamic Studies in Honor of D.
S. Richards, Leyde, 2003, pp. 17-35.
7
Le terme est ici francisé, car devenu un terme courant de notre langue, tout comme le mot
uléma ou hadith.
L’élaboration du jihad entre Occident et Orient musulman 35
“califes-ghâzî”, tentent d’en faire une des bases de leur légitimité8. La défense
du dâr al-Islâm et la garde de la frontière ainsi que les expéditions menées dans
les zones à conquérir, le dâr al-harb – termes qui apparaissent dans la
littérature arabe également à la fin du VIIIe siècle– 9 sont du ressort du
souverain. Un effort de mise aux normes juridiques accompagne la politique
califale menée à propos de la frontière et ces principes, énoncés dès la fin du
VIIIe siècle, se retrouvent ensuite dans des traités de gouvernement: le plus
célèbre est celui du juriste du XIe siècle, al-Mawardî, qui rédige ses Ahkâm al-
Sultâniyya10 justement au moment où le calife n’est plus en mesure d’assumer
cette tâche.
Entre-temps, les divisions politiques de l’Islam avaient entraîné une
modification du fonctionnement du pouvoir, désormais dévolu à des
souverains détachés de l’autorité directe du calife et qui avaient en charge un
territoire limitrophe du territoire ennemi; maîtres de la guerre frontalière, ils
continuent de se réclamer du modèle califal, et annexent à leur tour le devoir
de jihad en son nom, fondement de leur légitimité par procuration. De même,
les hommes pieux et savants – les volontaires du jihad (al-muttawi‘ûn,
volontaires, al-mujâhidûn, hommes du jihad, al-murâbitûn, hommes du ribat),
par opposition aux soldats formant l’armée “régulière” et soldée – perpétuent
la tradition et le souvenir des compagnons du Prophète qui ont connu le
martyre (shahîd) et la rétribution divine promise par Dieu lors des conquêtes;
surtout, ils poursuivent la tradition de la retraite dans les régions de marches,
plus précisément dans les ribats, pour pratiquer le jihad sous toutes ses
formes. L’essor du martyre est également à mettre en relation avec un
environnement apocalyptique qui gagne de nombreux adeptes dans tout le
Proche-Orient depuis le VIe ou le VIIe siècle, avant l’avènement de l’islam,
dans le contexte de guerre et de crise touchant toute la Méditerranée11. Du
coup, le fait de traduire jihâd par “guerre sainte”, ajoute à la confusion dans la
mesure où les référents ont été longtemps ceux de la réforme grégorienne du
XIe siècle et non les formes de piété élaborées à Médine ou à Bagdad, depuis
l’hégire12. De la même façon, Patricia Crone met en garde contre les
rapprochements avec l’antiquité dans la mesure où, si certaines formes de la
guerre sacrée ont pu influencer les premiers musulmans, aucun rituel
sacrificiel, ni sanctuaire dédié à la guerre n’accompagnent la guerre de jihad
dont le caractère de «sainteté repose entièrement dans le fait que le souhait de
Dieu a été accompli» 13. La seule rétribution, aspect majeur des premières
8
Michael BONNER, Aristocratic violence and holy war: studies in the Jihad and the Arabo-Byzantine
frontier (American Oriental Series, 81), New Haven, 1996.
9
F. DONNER, « The Sources…», p. 50.
10
AL-MAWARDI, Kitâb al-Ahkâm al-Sultâniyya, Le Caire, 1909. Trad. d’Edmond Fagnan dans Les
statuts gouvernementaux, Alger, 1984.
11
Etan KOHLBERG, «Shahîd», Encyclopédie de l’Islam, 9, 203b (C.D. Rom).
12
Michael BONNER, Le jihad. Origines, interprétations, combats, Paris, 2004, pp. 18-19.
13
P. CRONE, Medieval Islamic Thought…, p. 363.
36 Christophe Picard
formes de définition du jihad, durant les conquêtes arabes, est celle promise
dans l’au-delà.
La période qui suscite depuis très longtemps le plus grand nombre de
travaux, est celle qui commence à la fin du XIe siècle lorsque la “Reconquista”
dans la péninsule Ibérique et la croisade en Orient font apparaître, pour la
première fois de manière profonde, les faiblesses militaires de l’Islam face à la
chrétienté, en attendant la conquête mongole! Cette crise entraîne
logiquement un examen de conscience de la part des élites intellectuelles qui
dénoncent l’état de division politique des régions attaquées par les forces
latines; elle provoque à son tour des changements profonds du rapport entre
jihad et pouvoir, devenant un enjeu majeur de la souveraineté musulmane. Si
des questions demeurent également pour cette période, des études
nombreuses, déjà anciennes comme celle, toujours d’actualité, d’Emmanuel
Sivan, ou plus récentes, à l’instar du beau livre de Carole Hillenbrand, ont
largement permis de déblayer le terrain des questions de l’évolution du
jihad14. En Occident, ce sont les travaux de Dominique Urvoy, Vincent
Lagardère, Pedro Chalmeta et, plus récemment, Cristina de la Puente qui ont
ouvert la voie à une nouvelle réflexion et à un approfondissement de l’étude
du phénomène de jihad dans cette région15. Toutefois et malgré des sources
nettement plus abondantes par rapport aux premiers siècles de l’Islam et, pour
certaines, contemporaines des événements, de nombreuses questions restent
posées qui concernent toujours les contenus du jihad ou qui abordent le
problème délicat, en al-Andalus en particulier, de l’impact du jihad sur la
population16.
Ce débat reste largement ouvert; deux livres récents sur Ibn Abî ‘Âmir al-
Mansûr (976-1002)17 illustrent bien les problèmes que pose toujours l’étude de
l’évolution de la notion de jihad en al-Andalus et au Maghreb et de son impact
sur la population. En contraste avec la période du calife omeyyade al-Hakam
14
Emmanuel SIVAN, L’Islam et la croisade : idéologie et propagande dans les réactions musulmanes aux
Croisades, Paris, 1968; Carole HILLENBRAND , The Crusades, Islamic Perspectives, Edimbourg,
1999.
15
Pedro CHALMETA , «Al-Andalus: la época de Ibn Ezra», dans Abraham Ibn Ezra y su tiempo.
Actas del Simposio Internacional, Tudela-Toledo, 1989, Madrid, 1990, pp. 59-72; Dominique
URVOY, «Sur l’évolution de la notion de jihâd dans l’Espagne musulmane», Mélanges de la
Casa de Velázquez, 9 (1973), pp. 335-371; Vincent LAGARDÈRE, Les Almoravides. Le djihâd andalou
(1106-1143), Paris, 1998; Cristina DE LA PUENTE, «El Úihâd en el califato omeya de al-Andalus
y su culminación bajo HishâmII», dans F. Valdés Fernandez (éd.), Almanzor y los terrores del
milenio. Actas II Curso sobre Península Ibérica y el Mediterráneo durante los siglos XI y XII, Aguilar
de Campoo, 1999, pp. 224-238.
16
Pierre GUICHARD, Les musulmans de Valence et la reconquête, XIe-XIIe siècles, 2 vol., Damas, 1990-
1991, 1, pp. 92-100. Voir la synthèse très complète de Pascal BURESI, La frontière entre chrétienté
et Islam dans la péninsule Ibérique du Tage à la Sierra Morena (fin XIe-milieu XIIIe siècle), Paris, 2004,
pp. 269-281.
17
Laura BARIANI, Almanzor, Madrid, 2003 et Philippe SÉNAC, Al-Mansûr, le fléau de l’an mil, Paris,
2006.
L’élaboration du jihad entre Occident et Orient musulman 37
18
IBN BASSÂM AL-SHANTARÎNÎ, Al-Dhakhîra fî mahâsin al-Jazîra, Le Caire, 1939-1945, I-1 et IV-2;
éd. I ‘Abbâs, 4 parties en 8 vol., Beyrouth, 1975-1979.
19
Émile FRICAUD, Ibn ‘Idhârî al-Marrâkushî (m. début XIVe s.) historien marocain du Maghrib et d’al-
Andalus, bilan d’un siècle et demi de recherches sur al-Bayân al-Mughrib, Lille, 1994.
20
L. BARIANI, Almanzor…, pp. 209-224; IBN AL-KHATÎB, Kitâb a‘mâl al-a‘ lâm, éd. d’Évariste Levi-
Provençal dans Histoire de l’Espagne musulmane, Beyrouth, 1956, pp. 85-86.
38 Christophe Picard
21
M. BONNER, Aristocratic violence…, pp. 107 et s. et ID., Le jihad…, pp. 124-128.
22
Sâhib sunna wa ghazw: Expression d’Ibn Sa‘d, historien de la première moitié du IXe siècle.
M.B ONNER, Aristocratic violence…, p. 110.
L’élaboration du jihad entre Occident et Orient musulman 39
23
C. DE LA PUENTE, «El Úihâd en el califato omeya…».
24
Christophe PICARD , L’océan Atlantique musulman de la conquête arabe à l’époque almohade.
Navigation et mise en valeur des côtes d’al-Andalus et du Maghreb occidental (Portugal, Espagne,
Maroc), Paris, 1997, pp. 82 et s.
25
IBN HAYYÂN, Kitâb al-Muqtabis fi ta’rîkh rijal al-Andalus ; Al-Muqtabas min anba: ahl al-Andalus,
éd. de Mahmeid ‘Alî Makki, Beyrouth, 1973, pp. 383-384.
26
Parmi la profusion des travaux sur les ribats, voir Jacqueline CHABBI , «Ribât», dans
Encyclopédie de l’Islam, 8, pp. 510-523; Christophe PICARD et Antoine BORRUT, « Râbata, Ribât,
Râbita: une institution à reconsidérer», dans Ph. Sénac et N. Prouteau (éd.), Chrétiens et
musulmans en Méditerranée médiévale (VIIIe-XIIIe siècle). Échanges et contacts, Poitiers, 2003, pp.
33-65. Pour al-Andalus, Carmén MARTINEZ, El ribât en el Mediterráneo Occidental: Ifrîqiya y al-
Andalus. Dos ejemplos de religiosidad (siglos IX-XI d. C.), Universidad Autónoma de Madrid,
1994 (thèse que je n’ai pu consulter). Pour un aperçu des publications, avant 1990, voir la
40 Christophe Picard
montré le lien étroit entre ces deux phénomènes pour l’Ifrîqiya, tout aussi
valable pour al-Andalus. À la période suivante, le califat omeyyade reprend à
son compte cette dynamique. C. de la Puente indique en effet que le nombre
de volontaires issus des milieux des ulémas andalous, n’avait jamais été aussi
élevé qu’au cours du règne d’al-Hakam II, période il est vrai, mieux servie par
les sources que celles qui précèdent et qui lui succèdent.
L’autre lien générique qui unit l’Orient à l’Occident, est donc celui des
écoles juridiques. On a vu que les écrits hérités de la période de la Prophétie et
de la conquête avaient connu une grande diffusion et accompagnèrent l’essor
du jihad des ulémas. Parallèlement, les liens entre Orient et Occident ont
favorisé la circulation des contenus définissant le jihad, par le biais de
l’introduction du malikisme. Il est vrai que des incertitudes planent sur les
sujets dictés à ses disciples à Médine par Malik b. al-Nâs (m. 795): son
enseignement, transmis et diffusé vers l’Irak par al-Shaybanî (m. 805), ne
contient pas de passage dévolu au jihad; en revanche, dans la version
retrouvée à Cordoue, émanant d’al-Masmûdî (m. 848), un chapitre est
consacré au jihad et ressemble par beaucoup de points à l’œuvre d’al-
Mubârak. En conséquence, les origines des liens entre malikisme médinois et
le jihad restent incertaines. En revanche, par Sahnûn à Kairouan ou par la
version de la Muwatta d’al-Masmûdî à Cordoue, il ne fait guère de doutes que
le malikisme fit voyager le concept de jihad, né en Orient et dont on retrouve
la trace dans les écrits diffusés vers le Maghreb et al-Andalus dès la première
moitié du IXe siècle, au moment où le mouvement du ribat prend de
l’ampleur30.
À côté de cette filière juridique, un autre courant se développe, toujours
dans le même sens, qui réunit également les deux rives de la Méditerranée
musulmane sur la conceptualisation du jihad. A partir de la fin de la période
omeyyade et surtout à l’époque abbasside, commence une nouvelle forme de
diffusion de la théorie du jihad, cette fois-ci, sous le contrôle des califes. Selon
M. Bonner, l’obligation qu’ont les califes abbassides d’intervenir sur la
frontière arabo-byzantine dès leur accession au pouvoir, au milieu du VIIIe
siècle, a donné une nouvelle impulsion à ce qu’on peut appeler un “jihad
d’État”, ayant des effets durables sur l’évolution de son contenu. C’est plus
spécialement à partir du règne de Hârûn al-Rashîd, le “calife-ghâzî”, que les
juristes déterminent les contenus du jihad, à partir de nouvelles expériences.
En particulier, à la demande du calife dont il est un proche conseiller, al-Shafi‘î
(m. 820), fondateur d’une des écoles (madhâhib) juridiques sunnites, développe
sa conception du jihad en s’appuyant sur la tradition coranique et surtout sur
celle des hadiths, pour établir une étroite relation entre le jihad et le souverain,
à qui incombe de mener la guerre contre l’infidèle. C’est au même moment,
30
Sur la diffusion du malikisme et de ses contenus au Maghreb et en al-andalus, Vincent
LAGARDÈRE, Histoire et société en Occident musulman au Moyen Âge. Analyse du Mi‘yâr d'al-
Wansharîsî, Madrid, 1995.
42 Christophe Picard
vers la fin du VIIIe siècle, qu’apparaît dans les textes juridiques la notion
binaire de domaine de l’islam (dâr al-islâm) opposé au domaine de la guerre ou
de l’infidélité (dâr al-harb, dâr al-kufr)31, qui consacre l’existence d’une frontière
séparant la terre du salut de celle à conquérir et à soumettre à la loi de l’islam;
s’appuyant sur le fait que la guerre fut toujours assujettie à l’autorité
souveraine, du Prophète d’abord, de ses successeurs ensuite, l’association
étroite entre jihad et sultân (pouvoir) devient une base essentielle de l’autorité
du calife abbasside. Cette mise au point coïncide avec l’implication
personnelle de Hârûn al-Rashîd dans la politique frontalière, surtout après
l’élimination des Barmakides en 187/803. Il apparaît à la tête de ses troupes
comme mujâhid – on ignore si le terme est utilisé –, sur le front byzantin. Dans
le même temps, il réforme la marche frontalière (Thughûr), désormais désignée
sous le nom d’al-‘Awâsim, et fait écrire à ses secrétaires des traités de
gouvernement, des poèmes et une chronographie qui encadrent la diffusion
du jihad califal et mettent en valeur l’image du calife-ghâzî; cet effort porté
sur la relation directe entre souverain et guerre contre l’infidèle induit
l’affirmation selon laquelle le jihad est désormais devenu une des sources de la
légitimité califale32. En même temps, la frontière arabo-byzantine, barrière
fortifiée et défendue par le souverain, dressée entre la “maison” (dâr) de
l’Islam et celle de l’infidélité et de la guerre, est devenue le lieu où se concentre
à la fois les espoirs de martyre des volontaires et l’expression d’un jihad mené
par le souverain. Lorsque les califes abbassides ne peuvent plus prétendre
contrôler la frontière, c’est aux princes qui gouvernent ces régions qu’incombe
la responsabilité du jihad; toutefois, leur légitimité passe par une
reconnaissance formelle mais indispensable, du califat sur leur habilitation à
conduire le jihad, toujours au nom de l’émir des croyants.
Dès la deuxième moitié du IXe siècle, les souverains de Bagdad perdent en
effet l’initiative de la guerre sur la frontière, mais la doctrine shafiite demeure,
reprise par les souverains frontaliers; on la retrouve par la suite sous
plusieurs formes. Le texte le plus célèbre qui rappelle que la défense de la
frontière est un des devoirs essentiels du calife, est celui du juriste al-Mawardî
(974-1058) :
[Le calife doit] approvisionner les places frontières et y mettre des garnisons
suffisantes pour que l’ennemi ne puisse, profitant d’une négligence, y commettre de
méfait ou verser le sang soit d’un musulman, soit d’un allié […] Combattre ceux
qui, après y avoir été invités, se refusent à embrasser l’islam, jusqu’à ce qu’ils se
convertissent ou deviennent tributaires, à cette fin d’établir les droits d’Allâh en
leur donnant la supériorité sur toute autre religion33.
31
F. DONNER, «The Sources…», pp. 50-52
32
M. BONNER, Aristocratic violence…, pp. 97-106.
33
AL-MAWARDI, Les statuts gouvernementaux…, pp. 30-31.
L’élaboration du jihad entre Occident et Orient musulman 43
34
ABÛ YÛSUF YA‘QÛB, Le Livre de l’impôt foncier, trad. d’Edmond Fagnan, Paris, 1921; QUDÂMA
IBN JA ‘FAR , Kitâb al-Kharâj wa Sinâ‘ ât al-kitâba, éd. et trad. partielle de Michaël J. de Goeje,
Leyde, 1889 (rééd. : 1967); trad. espagnole de Jorge Lirola Delgado dans El poder naval de al-
Andalus en la época del califato omeya, Grenade, 1992, pp. 397-399.
35
E. S IVAN , L’Islam et la croisade…, pp. 23-35; C. HILLENBRAND , The Crusades…, pp. 69 et s. ;
Carole HILLENBRAND, «Al-Mustazhir», Encyclopédie de l’Islam, 7, 754b (C.D. Rom).
44 Christophe Picard
choses furent ainsi jusqu’à ce qu’un certain calife négligeât ce devoir à cause de sa
faiblesse36.
Ainsi, les deux rameaux du jihad sont réunis et subordonnés l’un à l’autre
et l’on constate que les liens qui unissent le jihad au califat restent forts dans
l’esprit des juristes, même si les Abbassides n’ont plus les moyens de conduire
la guerre: sa caution reste nécessaire, mais l’effort doit venir des chefs de
guerre frontaliers. Nous verrons que cette position établie au temps des
premiers Abbassides eut également une forte résonance dans les chroniques
d’al-Andalus.
Après l’époque d’élaboration, le jihad est instrumentalisé par les
souverains frontaliers, particulièrement lorsqu’un danger menace le dâr al-
Islâm : l’exemple le plus célèbre est celui des Hamdanides et plus
particulièrement de Sayf al-Dawla (940-967) qui combattit Nicéphore Phokas,
à un moment où les Byzantins lançaient des offensives en Syrie et plaçaient
eux-mêmes le combat contre les musulmans dans une dimension sacrée37.
Cette célébrité tient largement à la qualité exceptionnelle des poètes de sa cour
– al-Mutannabî, Abû l-Firâs – et du prédicateur Ibn Nubâta, mis à contribution
pour propager les mêmes arguments qui visent essentiellement à relever les
mérites du souverain. Son échec importe peu. Toutefois, la Syrie n’est pas la
seule région concernée: la Méditerranée dans son ensemble est devenue terre
et mer de jihad, or les arguments en sa faveur ne diffèrent pas dans le fond de
ceux que les juristes du Proche-Orient avançaient depuis la fin du VIIIe siècle.
Les Aghlabides en font un des piliers de leur politique au IXe siècle. Selon
Mohamed Talbi, la justification des opérations militaires, en particulier
l’attaque de la Sicile, a entraîné une large propagande mettant étroitement en
avant le souverain et son autorité dans la conduite du jihad, après une révolte
qui avait failli l’abattre; on en retrouve la trace, tardive certes, dans les
chroniques et les descriptions géographiques de l’Ifrîqiya38. Ibn ‘Idhârî
rapporte une anecdote qui rend compte de la volonté de Ziyâdat Allâh (817-
838), le promoteur de la conquête de la Sicile, de laisser une image d’émir
voué au jihad. Il déclara vouloir trouver le pardon de Dieu par quatre œuvres
pies dont la principale avait été la fondation du ribât de Sousse, alors que
l’édifice généralement désigné comme tel avait déjà été érigé à la fin du siècle
précédent: en réalité, c’est la ville entière qu’il considérait comme un ribat et
qu’il enrichit de travaux de fortification; surtout il en fit le port
d’embarquement des murâbitûn pour la Sicile39. La nomination à la tête de
36
Emmanuel SIVAN, «La genèse de la contre-croisade: un traité damasquin du début du XIIe
siècle», Journal Asiatique, 254 (1966), pp. 197-224; p. 41.
37
E. SIVAN, L’Islam et la croisade…, pp. 11-13, qui cite les travaux de Marius Canard.
38
Mohamed TALBI, L'émirat aghlabide (184-296/800-909). Histoire politique, Paris, 1966, pp. 21-24,
380 et s.
39
IBN ‘IDHÂRÎ, Kitâb al-Bayân al-Mughrib (I et II): texte arabe des parties relatives au Maghreb et à
l’Espagne de la conquête au XIe siècle, éd. de Reinhart Dozy, revue par George S. Colin et
L’élaboration du jihad entre Occident et Orient musulman 45
Évariste Lévi-Provençal, 2 vol., Leyde, 1948-1951; tr. d’Edmond Fagnan: Histoire de l’Afrique et
de l’Espagne intitulée al-bayano l-mogrib, 2 vol. Alger, 1901-1904: I, éd. p. 99, tr. p. 135. Sur la
dénomination de ribat, à propos de Sousse et Monastir, Ch. PICARD et A. BORRUT, « Râbata,
Ribât, Râbita… », pp.36-42.
40
M. TALBI, L’émirat aghlabides…, p. 417. SAHNÛN, al-Mudawwana, Le Caire, 1905, 3, p. 5.
41
M. TALBI, L’émirat aghlabides…, pp. 534-535.
46 Christophe Picard
42
Dans V. LAGARDERE, Les Almoravides…, p. 165.
43
Gabriel MARTINEZ GROS , L'idéologie omeyyade. La construction de la légitimité du Califat de
Cordoue (Xe-XIe siècles), Madrid, 1992, p. 134. Pour la frontière, voir Emilio MANZANO
MORENO, La frontera de al-Andalus en época de los Omeyas, Madrid, 1991; Philippe SÉNAC , La
L’élaboration du jihad entre Occident et Orient musulman 47
frontière et les hommes (VIIIe-XIIe siècle). Le peuplement musulman au nord de l’Ebre et les débuts de
la reconquête aragonaise, Paris, 2000.
44
Pour s’en tenir à deux exemples du poids du politique sur les milieux savants : Évariste LÉVI-
PROVENÇAL, L’Espagne musulmane au Xe siècle. Institutions et vie sociale, Paris, 1932 (rééd. : 1996),
pp. 138-139; Pierre GUICHARD, De la expansión árabe a la Reconquista : esplendor y fragilidad de al-
Andalus, Grenade, 2002.
45
François CLÉMENT, Pouvoir et légitimité en Espagne musulmane à l'époque des Taifas (Ve/XIe siècle).
L'imam fictif, Paris, 1997, en particulier pp. 291 et s.
46
Le cas du jihad est loin d’être unique. Pour les problèmes de l’élaboration du droit musulman
dans le cadre des différentes écoles juridiques sunnites, se reporter à Joseph SCHACHT,
Introduction au droit musulman, Paris, 1999 (1964).
48 Christophe Picard
47
E. SIVAN, «La genèse de la contre-croisade…», pp. 197-224; p. 41.
47
E. SIVAN, «La genèse de la contre-croisade…» et L’Islam et la croisade… ; Maria Jesús VIGUERA
MOLÍNS, «Las cartas de al-Ghazâlî y al-Turtûshî al soberano almoravid Yûsuf b. Tâshfîn», Al-
Andalus, 42/2 (1977), pp. 361-374.
48
M. J. VI G U E R A MO L Í N S, «Las cartas de al-Ghazâlî y al-Turtûshî…», pp. 353-356;
V.L AGARDERE, Les Almoravides…, p. 171.
L’élaboration du jihad entre Occident et Orient musulman 49
49
M. J. VI G U E R A MOLÍNS, «Las cartas de al-Ghazâlî y al-Turtûshî…», p. 341-353; V.
LAGARDERE, Les Almoravides…, p. 172.
50
J.-M. MOUTON, Damas et sa principauté…, p. 62.
51
Ibid., p. 62.
50 Christophe Picard
Les juristes proclamèrent l’anathème (yal‘ana) contre lui, le [Abû ‘Abd Allâh al-
Tâ‘î] déclarèrent hors la loi, engagèrent le peuple à le combattre et rendirent des
consultations proclamant le jihâd. Ziyâdat Allâh envoya au calife abbasside des
présents […] dont une inscription formée par des deux vers: […] En toutes choses,
Dieu t’a donné pour aide suffisante Ziyâdat Allâh b. ‘Abd Allâh, l’épée de Dieu,
qu’il suffit de dégainer pour la protection du calife54.
52
P. BURESI, La frontière…, p. 280.
53
Vincent LAGARDÈRE , Le Vendredi de Zallâqa, 23 octobre 1086, Paris, 1989 ; Les Almoravides
jusqu’au règne de Yûsuf b. Tâshfîn (1039-1063), Paris, 1989.
54
IBN ‘IDHÂRÎ, Kitâb al-Bayân al-Mug˘rib (I et II) : texte arabe des parties relatives au Maghreb et à
l’Espagne de la conquête au XIe siècle, éd. de Reinhart Dozy, revue par George S. Colin et Évariste
Lévi-Provençal, 2 vol., Leyde, 1948-1951 ; tr. d’Edmond Fagnan, Histoire de l’Afrique et de l’Espagne
intitulée al-bayano l-mogrib, 2 vol., Alger, 1901-1904 ; éd. p. 137, trad. p. 185.
L’élaboration du jihad entre Occident et Orient musulman 51
55
P. BURESI, La frontière…, p. 41.
52 Christophe Picard
étendre le dâr al-Islâm, soit pour en défendre l’intégrité. Plus que la théorie des
juristes, par ailleurs nécessaire, ce sont alors les récits de règne, véhiculés par
la chronographie, qui servent de support principal à cette idéologie. Or, il
apparaît que si les milieux de juristes continuent, à la demande de leurs
souverains ou parce qu’ils en ressentent la nécessité face à un danger, de se
réserver la définition du jihad, les chroniques ont, pour leur part, comme les
ouvrages géographiques dans un autre registre, un rôle de mise en valeur du
devoir de jihad du souverain à jouer.
56
E. SIVAN, «La genèse de la contre-croisade…», p. 41.
57
Pierre GUICHARD, «Combattants de l’Occident chrétien et de l’Islam. Quelques remarques sur
leurs images réciproques (fin Xe s.-XIIe s.)», dans C. de Ayala Martínez, P. Buresi et Ph.
Josserand (éd.), Identidad y representación de la frontera en la España médiéval, Madrid, 2001, pp.
223-251; AL-TURTÛSHÎ, Abû Bakr, Sirâj al-mulûk, trad. esp. de Maximiliano Alarcón: Lámpara
de los príncipes por Abubéquer de Tortosa, Madrid, 1930, 2 vol.
L’élaboration du jihad entre Occident et Orient musulman 53
Le jihâd contre les mécréants (kuffâr) est une obligation pour toi […] car tu es le
roi musulman le plus proche d’elles [les frontières] et tu as des chevaux, des armes,
des effectifs, des machines de guerre, des armées musulmanes, des soldats, tous à
tes ordres58.
58
M. J. VI G U E R A MO L Í N S, «Las cartas de al-Ghazâlî y al-Turtûshî…», pp. 361-374 ;
V.L AGARDERE, Les Almoravides…, p. 172.
59
‘A BD ALLÂH , «Les mémoires de ‘Abd Allâh, dernier roi ziride de Grenade», éd. d’Évariste
Lévi-Provençal dans Al-Andalus, 3/2 (1935), pp. 233-344, 4/1 (1936-1939), pp. 29-143 et 6
(1941), pp. 1-63. Ed. intégrale, intitulée Tibyân ou Mudhâkarât al-amîr ‘Abd Allâh, Le Caire, 1955.
Trad. d’Évariste Lévi-Provençal et Emilio García Gomez: El siglo XI en primera persona (las
memorias de ‘Abd Allâh), Madrid, 1980.
60
U SÂMA b. MUNQÎDH , Kitâb al-I‘tibâr, éd. de Philip K. Hitti, Princeton, 1930, trad. d’André
Miquel: Des enseignements de la vie, Souvenirs d’un gentilhomme syrien du temps des croisades,
Paris, 1983.
61
E. SIVAN, «La genèse de la contre-croisade…», p. 42.
62
Idée défendue en particulier par P. Crone (voir note 2).
54 Christophe Picard
écrites du IXe siècle, il écrit une histoire qui se démarque des précédentes par
le fait qu’elle est dédiée au pouvoir et qu’elle met en valeur, avant tout, la
capacité militaire des souverains, afin de «montrer que la participation au
jihad et la défense des musulmans constituait désormais (fin du IXe siècle) la
principale revendication à la légitimité des Abbassides» 63. Cette inflexion du
récit historique, toujours selon le même auteur, n’est pas marquée par une
augmentation du nombre de récits de faits militaires, mais par la manière dont
il met en lumière le rôle des souverains qui les dirigent et de ses protagonistes,
dont les portraits qui sont dressés justifient le jihad. Ce n’est pas, par exemple,
le récit de l’expédition qui aboutit à la prise d’Amorium en 223/838, qui
importe à l’historien al-Tabârî, mais c’est le fait de montrer la compétence de
commandement du calife al-Mu‘tasim, qui conduisit l’entreprise, alors que le
rôle principal semble avoir été joué par l’un de ses généraux, AÒ inâs; au siège
d’Amorium, tous les ordres, toutes les initiatives, sont le fait du seul calife64.
C’est donc l’attitude du souverain en campagne, tel qu’il apparaît dans le récit,
qui est le véritable enjeu du compte rendu; l’accent donné à la conduite des
expéditions militaires, explique finalement que le terme jihâd apparaisse
beaucoup moins souvent que dans le contexte juridique ou idéologique. Ce
qui importe dans ce type de récit, c’est la façon dont le souverain mène la
guerre: alors il est question de soldats, d’armée en marche, de l’efficience des
commandants, et les termes qui définissent ce cadre sont ceux de ghazwa ou de
sayfa. On a vu, grâce à M. Bonner, que c’est la guerre sur les marches de la
frontière arabo-byzantine qui sert de toile de fond à cette construction du récit
du jihad65. On a vu qu’al-Mawardî définit le jihad par le biais des mesures
militaires que doit prendre le calife, pour assurer la défense du dâr al-Islâm66.
En Occident, il en va de même: les chroniques que l’on possède sur l’histoire
des émirs omeyyades, reposant sur des récits antérieurs, renvoient l’image de
souverains guerriers.
La littérature chronographique, telle qu’elle nous est parvenue, écrite à
partir du Xe siècle et après, se définit, selon G. Martinez-Gros, comme
l’affirmation d’une identité andalouse liée aux Omeyyades. Dans cette
«tragédie omeyyade» qu’il décrypte à partir des grands textes du XIe siècle, la
symbolique l’emporte sur l’information. Néanmoins, dans ces “récits”, il note
que le poids de la culture orientale, volontairement utilisée comme modèle,
pèse de toutes ses forces sur le style et les critères de l’écriture. Dans ces
conditions, le Muqtabis d’Ibn Hayyân, témoin majeur du temps omeyyade,
offre la possibilité de retrouver des modes de représentation du souverain au
combat qui sont liés au jihad. Quel que soit le sens qu’il a voulu donner à
63
H. KENNEDY, «Caliphs and their chroniclers…», p. 35.
64
Ibid., pp. 24-25.
65
M. BONNER, Aristocratic violence…
66
AL-MAWARDI, Statuts gouvernementaux…, pp. 30-31 en particulier le passage cité plus haut. Sur
la guerre frontalière qui suivit la conquête, M. BONNER, Aristocratic violence…
L’élaboration du jihad entre Occident et Orient musulman 55
même, comme celles qui précèdent, révèle la nature de celui qui est combattu,
mais le vocabulaire décrivant l’expédition est celui de la guerre, parce qu’il
touche au déroulement militaire qui met en valeur les vertus de
commandement du calife.
Les conditions d’emploi du terme jihad sont similaires dans la partie
consacrée à trois des années de règne d’al-HakamII: il est également très
ponctuel dans le Muqtabis VII et il n’apparaît qu’en des occasions particulières.
En 362/973, le calife envoie par lettre une réponse au chef de son armée,
l’amiral ‘Abd al-Rahmân b. al-Rumâhis, lancée contre le rebelle berbère Hasan
b. Ghanûn al-Hasanî, qui s’est révolté contre le souverain omeyyade dans le
nord du Maroc. Le souverain considère le rebelle comme un hérétique parce
qu’il a semé la discorde au sein de la communauté musulmane, et de citer à
l’appui le passage du Coran invitant les musulmans à combattre celui des
croyants qui mène un combat injuste (XLIX, 9). On retrouve sa mention dans
une lettre écrite par un secrétaire du calife, envoyée l’année suivante, aux
gouverneurs et aux généraux des provinces d’al-Andalus; le texte revient sur
les victoires du général Ghâlib obtenues contre le même rebelle berbère et sur
la sécurisation du territoire berbère; en réalité, ce message est une
démonstration de la légitimité du califat omeyyade à l’adresse du monde
musulman dans son ensemble70. La partie de cette longue lettre qui invoque le
jihad, est consacrée à son combat contre les polythéistes, les shiites et les
hérétiques, coupables d’innovations illicites, catégorie dans lesquelles le
rebelle Ibn Ghanûn trouve sa place71. Une troisième fois, le mot jihâd apparaît à
l’occasion de la campagne de Gormaz, qui eut lieu entre avril et juillet
364/975, dans un récit particulièrement long; or ce terme n’y est utilisé qu’une
fois:
70
G. MARTINEZ GROS, L'idéologie omeyyade…, où il montre, tout au long de sa démonstration,
l’affirmation toujours défendue de la vocation universelle – c’est-à-dire de l’islam – du califat
de Cordoue.
71
I BN HAYYÂN , Al-Muqtabis VII fi Akhbâr balad al-Andalus, éd. de ‘Abd al-Rahmân Hajjî,
Beyrouth, 1965; trad. d’Emilio García Gomez, Anales Palatinos del Califa de Cordoba al-HakamII ,
Madrid, 1967, p. 219.
72
Ibid., éd. p. 127, trad. p. 267.
L’élaboration du jihad entre Occident et Orient musulman 57
Al-Nâsir fit son entrée dans Algeciras le 1er juin 914 (4 dhû l-qa‘da 301) […]
Durant son séjour à Algeciras, il prit ses dispositions pour établir son autorité sur la
mer (amr al-bahr) et défendre l’accès de celle-ci aux gens des deux rives. Il ordonna
que tous les navires de mer basés à Málaga, Séville et les autres places en son
pouvoir, apportent avec leurs équipages qui étaient sûrs, leur équipement […] et se
rendent à l’entrée d’Algeciras. […] Depuis ce temps il gouverna la mer (fa-malaka l-
bahr mundhu hadhâ l-waqt)73.
Durant la deuxième phase, le récit est toujours centré sur le souverain, mais
il commande les opérations depuis sa capitale; du coup, tous les mouvements
partent de Cordoue ou Madînat al-Zahra et y aboutissent, du début à la fin des
opérations, même si c’est Almería, fondé pour devenir l’arsenal et l’amirauté
des Omeyyades, qui est le point de départ des opérations:
Au début de muharram 321 (janvier 933) de cette année, al-Nâsir destitua ‘Abd
al-Malik b. Sa‘îd, connu sous le nom d’Ibn Abî Hamâma de Pechina, et nomma à sa
place Ahmad b. ‘Îsâ b. Ahmad b. Abî ‘Abda, à la place de son gouvernement de la
kûra d’Elvira dont il fut dégagé; il lui confia la réparation de la flotte qui était
établie dans l’arsenal d’Almería; il la répara, l’augmenta et l’équipa avec tout ce qui
était nécessaire, toute chose dont il s’occupa prestement à Almería, à la perfection.
Quand ce fut terminé, al-Nâsir lui envoya des mercenaires depuis Cordoue, [sous le
commandement] des généraux Sa‘îd b. Yûnus et ‘Amr b. Maslama al-BâJî, pour
73
IBN HAYYÂN, Muqtabis V , éd. pp. 87-88, trad. p. 76-77.
58 Christophe Picard
qu’ils conduisent l’expédition qu’il avait ordonnée. Ibn Yûnus […] se dirigea vers le
pays franc […] A son général Sa‘îd b. Yûnus il lui ordonna de renforcer [la défense]
à Ceuta74.
74
Ibid., éd. p. 312, trad. p. 220. Sur la fondation d’Almería, voir J. LIROLA DELGADO, El poder naval
de al-Andalus… , pp. 187 et s.
L’élaboration du jihad entre Occident et Orient musulman 59
75
IBN HAYYÂN, Muqtabis VII, éd. pp. 122v.-135r., trad. pp. 258-281.
76
C’est là un sentiment et non une affirmation; en effet, une étude plus systématique serait
nécessaire.
60 Christophe Picard
77
Par exemple, Ph. SÉNAC, Al-Mansûr…, p. 150.
78
Voir Jean FLORI, Guerre sainte, jihad et croisade. Violence et religion dans le christianisme et l’Islam,
Paris, 2002. Pour l’utilisation politique de la terreur qu’inspirait al-Mansûr, Michel
Z IMMERMAN , «La prise de Barcelone par al-Mansûr et la naissance de l’historiographie
catalane», Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 97/2 (1980), pp. 191-218.
79
IBN AL-ATHÎR, Kitâb al-Kâmil fî ta’rîkh, éd. de Charles Tornberg, Leyde, 1851-1876, 14 vol.; trad.
par Edmond Fagnan des passages relatifs au Maghreb et à l’Espagne dans « Annales du
Maghreb et de l’Espagne », Revue Asiatique, 233-234 (1899).
L’élaboration du jihad entre Occident et Orient musulman 61
80
La postériorité des sources, d’époque tardive et leur caractère très incomplet pour son règne,
ne permettent pas de vérifier cette hypothèse.
81
IBN ‘IDHÂRÎ, Bayân, II, éd. pp. 294-297, trad. pp. 491-498.
82
Sur cette expédition, voir Christophe PICARD, «Quelques aspects des relations entre chrétiens
et musulmans dans les zones de confins du Nord-Ouest de la péninsule Ibérique (IXe-XIe
siècle)», Études d’Histoire de l’Université de Saint-Étienne, Saint-Étienne, 1990, pp. 5-26; Cristina
D E LA PUENTE, «La campana de Santiago de Compostela (387-997), Úihâd y legitimación del
poder» (à paraître).
83
L. BARIANI, Almanzor…, p. 216.
84
Sur la légitimité des mulûk al-Tawâ’if, voir F. CLÉMENT, Pouvoir et légitimité en Espagne…
62 Christophe Picard
85
Pierre GUICHARD, L’Espagne et la Sicile musulmanes aux XIe et XIIe siècles, Lyon, 1990, pp. 69-70.
86
Ph. SÉNAC, La frontière…, pp. 391-398.
87
V. LAGARDERE, Les Almoravides…, p. 170.
88
Alfred-Louis de PRÉMARE et Pierre GUICHARD, «Croissance urbaine et société rurale à Valence
au début de l’époque des royaumes de taifas (XIe siècle de J.-C.). Traduction et commentaire
d’un texte d’Ibn Hayyân», Revue de l’Occident Musulman Méditerranéen, 31 (1), pp. 15-29;
P.G UICHARD, L’Espagne et la Sicile…, pp. 106-107.
L’élaboration du jihad entre Occident et Orient musulman 63
Conclusion
Les formes par lesquelles le jihad est énoncé dans le monde musulman, à
partir du XIe siècle, paraissent ouvrir une nouvelle voie, liée au renversement
de tendance sur le champ de bataille méditerranéen en faveur des chrétiens.
Les juristes, soit par leur propre initiative en Syrie, soit à la demande des
souverains qui subissent la poussée latine en al-Andalus, ravivent le jihad et
poussent les souverains qui sont aptes à inverser cette conjoncture, à rentrer
en action. En réalité, la forme et le fond de ces appels n’ont rien de nouveau et
empruntent aux récits fondateurs et, surtout, à une tradition juridique et
chronographique, l’essentiel de leurs arguments. Ce fonds commun à la
Méditerranée musulmane, né en Orient et plus précisément à Bagdad durant
le premier siècle abbasside, explique l’unanimité des juristes sunnites sur la
définition du jihad. L’appel au jihad s’adresse à l’ensemble des musulmans,
par le volontariat et en contrepartie d’une rémunération divine; cette forme de
jihad s’est développée d’abord sur la frontière syrienne dès le VIIIe siècle, pour
gagner ensuite l’ensemble des zones frontalières, terrestres et maritimes, de la
Méditerranée, par le biais des ulémas qui ont développé une littérature
consacrée au jihad et dont on retrouve la trace dans les ouvrages
biographiques. Dans le cadre du ribat, puis avec le soufisme, le jihad n’a cessé
d’évoluer tout au long du Moyen Âge et au-delà. Parallèlement, c’est la
conduite de la guerre légale, par opposition à la fitna, qui a surtout permis aux
souverains de s’approprier la direction du jihad, alors que les fuqahâ’ prenaient
le relais au moment où les dirigeants étaient en position de faiblesse.
Les questions qui se sont posées aux historiens ont surtout porté sur
l’évolution du concept du jihad et sur l’écho de la propagande jihadiste,
auprès des souverains ou des élites, mais également auprès des populations.
Le sentiment qui domine est que, dans les régions comme al-Andalus ou la
Sicile, du fait des contacts permanents qu’ils eurent avec leurs ennemis, les
habitants n’ont pas suivi les nouvelles forces vives de l’Islam, venues du
Maghreb et épaulées par les juristes malikites d’al-Andalus, dans une forme
radicalisée du jihad qui entendait stopper l’avance chrétienne. Au contraire, la
montée en puissance du jihad des sultans orientaux, originaires de milieux
militaires, aurait trouvé un écho beaucoup plus favorable face aux croisés en
Syrie. En réalité, les moyens d’étudier ces phénomènes de résonance de la
propagande basée sur le jihad, demeurent très limités par la quantité et
surtout par la nature des sources dont nous disposons: nous ne savons pas
jusqu’à quel point les voix lançant ces appels étaient entendues ni par qui! De
plus, même si l’espoir d’enrichir la documentation existe, rien que le
déséquilibre et la disparité des sources d’information entre l’Occident et
l’Orient musulman ne facilitent pas la comparaison entre les deux zones. C’est
64 Christophe Picard
encore plus vrai pour les régions islamiques qui sont éloignées du front,
comme le Maghreb. En revanche, les études récentes sur l’écriture de l’histoire
du Proche-Orient, durant les premiers siècles de l’islam, de Médine à Bagdad
en passant par Damas et le front arabo-byzantin, permettent de mieux
appréhender la façon dont l’historiographie arabe médiévale a rendu compte
de ce phénomène. Les travaux comme ceux de M. Bonner sur la frontière
arabo-byzantine offrent la possibilité de replacer l’étude du jihad dans une
perspective nouvelle, y compris en Occident musulman.
Ainsi, la vision du jihad s’en trouve modifiée dans la mesure où, au tableau
de périodes d’accélération et de brusques assoupissements, créant des
fractures temporelles contrastées dans l’évolution du jihad89, s’est substituée la
représentation d’une évolution sinon continue, du moins par laquelle le jihad
a toujours occupé, dans le cadre de la gouvernance islamique, une place
éminente90. L’intérêt des historiens s’est porté du domaine de la définition
historique et théorique du jihad, comme celle qu’Alfred Morabia a
excellemment établie91, à une lecture attentive des textes qui en font état. Pour
l’Occident musulman, les données fournies par l’historiographie orientaliste et
les premières recherches menées dans le même sens, en particulier par G.
Martinez-Gros, laissent une ouverture à de nouvelles pistes de recherche qui
passent par le même appareil critique que celui utilisé pour l’Orient. C’est
dans cette perspective que cette brève étude a été entreprise, sachant qu’il
s’agit de réflexions largement basées sur les travaux qui ont précédé et qui
sont à approfondir considérablement.
Deux voies semblent s’ouvrir. La première est une relation étroite entre
Occident et Orient, dans l’élaboration progressive du concept de jihad. En
effet, deux des formes principales de l’expression du jihad, les traités
juridiques et la chronographie, pris ici comme exemples, montrent l’absence
de barrières qui seraient liées à des opinions juridiques divergentes sur la
définition du jihad, sous sa forme la plus courante, la forme “mineure”. En
effet, l’identité de vues ne date pas du XIe siècle, époque pour laquelle tout le
monde accepte comme un fait normal et accompli, qu’un émir malikite
s’adresse à un juriste shafiite. La démarche est possible, naturelle même, parce
que les juristes de ces écoles ont établi les critères de la guerre légale à partir
d’une origine commune, conçue entre Médine et surtout Bagdad. La position
des autres écoles ne paraît guère éloignée. En revanche, les comportements
89
Grossièrement, selon ce point de vue, les conquêtes arabes puis la Reconquista et les croisades
constituèrent des moments d’intensité du jihad, favorisant de nouvelles formulations, et
alternent avec la longue période abbasside, où la guerre de frontière, éloignée de la capitale,
conduit à une sorte d’escamotage du jihad, placé sous la conduite de souverains dont les
préoccupations sont très loin des combats frontaliers. D’où une image un peu convenue et
finalement peu satisfaisante d’un jihad offensif et d’un jihad défensif.
90
C’est également le grand intérêt des études de Fred Donner et de Hugh Kennedy sur les
formes d’écriture des chroniques omeyyades et abbassides.
91
A. MORABIA, Le gihad dans l’Islam médiéval…
L’élaboration du jihad entre Occident et Orient musulman 65
des juristes divergent en fonction des lieux et des événements, par exemple
lorsque les origines régionales des membres des quatre écoles, à Damas en
particulier, peuvent provoquer des réactions différentes. Quant à la
chronographie, son élaboration repose également sur une base conceptuelle
commune, née cette fois-ci entre Damas et Bagdad, au cours du VIIIe siècle. Le
jihad y trouve une place particulièrement importante du fait des relations
étroites des premiers califes de Bagdad avec la frontière dans la région du
Taurus et la guerre contre les Byzantins. M. Bonner a montré l’existence de
deux voies parallèles entre l’organisation des marches par l’administration
abbasside et l’évolution d’une image littéraire du souverain-ghâzî qui atteint
un sommet avec Hârûn al-Rashîd, al-Ma’mûn puis al-Mu‘tasim. C’est à ce
moment qu’est élaborée, sur les bases établies durant les décennies
précédentes, une conception du jihad qui attribue au seul souverain légitime la
charge de la guerre. Cette forme de jihad, par la place réelle et surtout
symbolique des combats entre Byzantins et Arabes, s’identifie à un lieu
particulier qu’est la frontière. C’est cette conception que l’on retrouve dans les
sources occidentales, peut-être parce que la situation stratégique des
Omeyyades de Cordoue n’est pas éloignée de celle des Abbassides en Syrie,
plus sûrement parce qu’à la filiation juridique d’une définition du jihad,
s’ajoute une forme de description du devoir de jihad assumé par le souverain
légitime qui s’inspire du modèle chronographique abbasside, même si ce
dernier reste un ennemi. Chaque type d’ouvrage possède sa forme
conventionnelle, plus ou moins souple, de représentation du jihad, expliquant
un emploi très différent du mot lui-même, selon qu’il provient de traités de
gouvernement, de miroirs des princes ou de fatwas d’un côté, ou bien de
chroniques et de géographies de l’autre.
C’est également sur ces bases que les juristes comme les chroniqueurs et les
souverains du XIe siècle s’appuient pour réagir au danger chrétien: le rapport
entre jihad et pouvoir change parce que les conditions politiques se sont
modifiées, en particulier avec la disparition des califats ou leur
marginalisation dans la lutte contre les chrétiens. Les formes prises par le jihad
aux périodes suivantes ne sont nouvelles que parce qu’elles concernent des
souverains non légitimés par leur titre ou leur origine, ce qui revient au même.
En effet, les juristes prolongent ainsi les définitions du jihad établies par leurs
prédécesseurs en les adaptant à la situation des souverains, émirs ou sultans,
non légitimés par leur ascendance. De même, les princes qui veulent affirmer
leur légitimité par le jihad, vont naturellement affirmer leur valeur par le récit
des campagnes (ghazwa ou sayfa), moyen essentiel utilisé par les califes pour en
faire un outil de propagande, et déjà utilisé par le glorieux Hârûn al-Rashîd,
mais aussi pour être reconnus comme les uniques souverains à pouvoir
conduire la guerre juste, par opposition aux factieux qui provoquent la fitna.
Ces observations rapides sur la nature du récit, plus que sur leur contenu,
permettent d’ouvrir des pistes de réflexion sur l’évolution du jihad, également
66 Christophe Picard
Thomas DESWARTE*
Mais voici ce qu’on pourrait dire aux étrangers à la foi qui nous demandent de
combattre en soldats pour le bien public et de tuer des hommes. Même ceux qui,
d’après vous, sont prêtres de certaines statues et gardiens des temples de vos
prétendus dieux, ont soin de garder leur main droite sans souillure pour les
sacrifices, afin d’offrir à ceux que vous dites dieux les sacrifices traditionnels avec
des mains pures de sang et de meurtre. Et sans doute, en temps de guerre, vous
5
Henri de LUBAC, Les quatre sens de l’Écriture, Paris, 4 vol., 1959-1964.
6
Matthieu LEFRANÇOIS, La peine de mort et l’Église en Occident, d’après les sources chrétiennes, de
Tertullien à Hincmar de Reims (197-882), Thèse de Doctorat en Droit, Université Montesquieu-
Bordeaux IV, 2003, pp. 87-92.
7
SAINT CYPRIEN, Epistola IV, 1, c. LVIII, éd. et trad. du chanoine Bayard, Correspondance, Paris,
1961-1962, 2, p. 162.
8
John FRANCE, «Holy War and Holy Men: Erdmann and the Lives of the Saints», dans M. Bull
et N. Housley (éd.), The Experience of Crusading, 1, «Western Approaches», Cambridge, 2003,
pp.193-208.
Aux origines de la guerre sainte en Occident 69
n’enrôlez pas vos prêtres. Si donc cette conduite est raisonnable, combien plus celle
des chrétiens! Pendant que d’autres combattent en soldats, ils combattent comme
prêtres et serviteurs de Dieu: ils gardent pure leur main droite, mais ils luttent par
des prières adressées à Dieu pour ceux qui se battent justement et pour celui qui
règne justement, afin que tout ce qui est opposé et hostile à ceux qui agissent
justement, puisse être vaincu9.
Seuls les traités rédigés par Tertullien à la fin de sa vie témoignèrent d’un
rigorisme moral, d’une radicalisation de sa pensée sous l’influence du
montanisme10. Alors que son Apologeticum ne formulait pas de si virulentes
réserves à l’encontre de la violence légale, son traité sur l’idolâtrie, vers 206,
précisait bien que le chrétien investi d’un pouvoir ne devait jamais condamner
à mort, enfermer ni torturer, et qu’il ne pouvait devenir soldat, afin d’éviter
l’idolâtrie et le sang versé. Mais, encore une fois, cette non-violence n’était pas
au centre de sa réflexion: ainsi, son traité sur la couronne, écrit vers 211,
ambitionnait de défendre auprès des autres chrétiens l’attitude intransigeante
d’un soldat, martyrisé pour avoir refusé de porter la couronne de laurier et
avoir déposé ses armes aux pieds du tribun. Surtout, malgré ce durcissement,
Tertullien ne contestait pas «en elle-même la peine de mort ou les autres
mesures nécessaires à la sauvegarde l’État ou, plus généralement, de la vie en
société»; mais, dans le cadre de cet État païen et persécuteur, il laissait «aux
seuls païens le soin de l’appliquer» 11.
Si les premiers intellectuels chrétiens ne furent pas systématiquement
opposés à la violence étatique, il ne faudrait pas pour autant écraser toute
chronologie et nier toute évolution. À partir du règne de Constantin, les lettrés
réfléchirent sur les relations entre le christianisme et l’État dans un nouveau
contexte, marqué par la paix de l’Église et sa progressive officialisation. Selon
saint Ambroise et, surtout, saint Augustin, le chrétien pouvait utiliser le glaive
et verser le sang au nom de l’État, comme juge ou comme soldat, à condition
que fussent respectés les critères de la guerre juste12. Les notions de guerre et
de sainteté, pendant longtemps divergentes, convergèrent à partir du IVe
siècle (I), avant de se rejoindre durant l’époque carolingienne, quand le thème
du martyre au combat fit son apparition (II).
Mais peut-on alors parler de guerre sainte? Selon la plupart des historiens,
ce nouveau type de guerre – dont le paradigme serait la croisade – apparut en
Occident suivant les avis entre les IXe et XIe siècles. Or, autant cette expression
9
O RIGÈNE , Contre Celse (Sources chrétiennes, 150), VIII, 73, éd. et trad. de Marcel Borret, 4
(Livres VII et VIII), Paris, 1969, pp. 346-347.
10
M. LEFRANÇOIS, La peine de mort et l’Église en Occident…, pp. 92-98, 153 et s.
11
Claude RAMBAUX , Tertullien face aux morales des trois premiers siècles (Collection d’études
anciennes), Paris, 1979, p. 271.
12
M. LEFRANÇOIS, La peine de mort et l’Eglise en Occident…, notamment pp. 158-171; Robert A.
MARKUS, «Saint Agustine’s Views on the “Just War”», dans W. J. Shiels (éd.), The Church and
War (Studies in Church History, 20), Cambridge, 1983, pp. 1-15.
70 Thomas Deswarte
de “guerre sainte” est couramment utilisée depuis le XVIe siècle, autant elle
n’apparaît que rarement – dans son sens historiographique consacré – au sein
de la documentation médiévale: désignant le combat spirituel de l’homme
contre le mal, le bellum sanctum ne prit un sens temporel qu’à partir de la
seconde moitié du XIe siècle, notamment dans les Dei Gesta per Francos de
Guibert de Nogent13. L’étude de la guerre sainte ne saurait certes se
restreindre à celle de son expression. Pourtant, cette dernière peut nous
fournir une solide base de travail: alors que cette notion souffre diverses
définitions dans l’historiographie contemporaine, l’abbé de Nogent proposa
pour la première fois une réflexion sur la guerre sainte, entendue comme une
guerre sanctifiante.
Il convient alors de se demander non pas si la croisade fut une guerre
sainte, mais pourquoi Guibert la décrivit comme telle, et s’il fut en la matière
un novateur. Étudier les origines de la guerre sainte nous oblige dès lors à
focaliser notre attention sur la place accordée à l’activité guerrière dans le
processus de sanctification personnelle. L’objet de ce travail est donc plus
restreint que ne le serait une analyse du phénomène de christianisation ou de
sacralisation de la guerre, magistralement étudié par Carl Erdmann ou Jean
Flori14. En fait, loin d’être le fruit d’une interprétation littérale des passages les
plus belliqueux de l’Ancien Testament, la notion de guerre sainte résulta tout
à la fois d’un message ecclésiastique original – l’appel à la croisade d’UrbainII
en 1095 – (III) et de sa réception ; d’une innovation – la guerre pénitentielle – et
de son interprétation, en particulier par Guibert de Nogent (IV).
13
Thomas DESWARTE , «La guerre sainte en Occident: expression et signification», dans M.
Aurell et Th. Deswarte (éd.), Famille, violence et christianisation. Mélanges offerts à Michel Rouche
(Cultures et civilisations médiévales, 31), Paris, 2003, pp. 331-349.
14
Carl ERDMANN, Die Entstehung des Kreuzzugsgedankens, Stuttgart, 1935 (traduction anglaise de
M. W. Baldwin et W. Goffart, The Origin of the Idea of Crusade, Princeton, 1977); J. FLORI, La
guerre sainte…. Pour une approche plus rapide, Herbert E. J. COWDREY, «Christianity and the
Morality of Warfare during the First Century of Crusading », dans M. Bull et N. Housley (éd.),
The Experience of Crusading…, 1, pp. 175-192.
15
Raymund KOTTJE, «Tötung im Krieg als rechtliches und moralisches Problem im früheren
und hohen Mittelalter (7.-12. Jh.)», dans H. Hecker (éd.), Krieg in Mittelalter und Renaissance,
Düsseldorf, 2005, pp. 17-39.
Aux origines de la guerre sainte en Occident 71
permis de prendre les armes pour la défense de la foi», encore moins «pour
les biens terrestres et transitoires de l’Église», et que «les saints ne tuent en
aucune manière les hérétiques et les adorateurs d’idoles» 16.
Cependant, saint Augustin avait parfaitement exposé les critères de la
guerre juste, accomplie par ces hommes «qui ont reçu mandat de tuer, soit en
général par une loi juste, soit en particulier par Dieu» 17; ainsi, la guerre
auctore Deo menée par les Juifs lors de la prise de Haï (Jos 8) fut bien un bellum
justum18. Le concept augustinien de guerre juste fut exposé de manière plus
systématique par Hincmar de Reims, puis, au tournant des XIe et XIIe siècles,
par Anselme de Lucques et Yves de Chartres dans leurs collections
canoniques19. La guerre est juste – rappela l’évêque de Chartres en citant
Augustin – si elle est menée sur ordre de Dieu ou d’un pouvoir légitime,
notamment par les «rois chrétiens» pour «défendre leur mère l’Église» 20, de
sorte que «quand un homme est tué justement, c’est non pas toi mais la loi qui
le tue» 21. En réponse au comte Boniface, qui souhaitait savoir ce qu’il fallait
faire pour être sauvé, l’évêque d’Hippone écrivit vers 418 une lettre22, où il
rappelait la loi de charité (Mt XXII,37,39 et 40), tout en précisant que le soldat
«peut plaire à Dieu» 23; puis il cita plusieurs exemples, notamment ceux de
16
Epistolae, lib. IV, 9, PL, 144, col. 316: « Si ergo pro fide, qua universalis vivit Ecclesia, nusquam
ferrea corripi arma conceditur, quomodo pro terrenis ac transitoriis Ecclesiae facultatibus loricatae acies
in gladios debacchantur? Porro, sancti viri cum praevalent, haereticos idolorumque cultores
nequaquam perimunt; sed potius ab eis pro fide catholica perimi non refugiunt». Cité par Herbert E.
J. C OWDREY , «The Genesis of the Crusades: the Springs of the Holy War», dans Th. P.
Murphy (éd.), The Holy War, Columbus, 1976, p. 19, reproduit dans ID ., Popes, Monks and
Crusaders, Londres, 1984, XIII.
17
SAINT AUGUSTIN, La Cité de Dieu. De Civitate Dei (Œuvres de Saint Augustin, 33), I, XXI, éd. et
trad. de Bernhard Dombart, Alfons Kalb, Gustave Bardy, Gustave Combes, 1 (Livres I-V),
Paris, 1959, pp. 260-263: « His igitur exceptis, quos vel lex justa generaliter vel ipse fons justitiae
Deus specialiter occidi jubet, quisquis hominem vel se ipsum vel quemlibet occiderit, homicidii crimine
innectitur».
18
ID., Quaestionum in Heptateuchum libri septem, Liber VI : Quaestiones in Jesum Nave, lib. VI, c. 10,
dans PL, 34, col. 547-824, col. 781: « Sed etiam hoc genus belli sine dubitatione justum est, quod
Deus imperat, apud quem non est iniquitas, et novit quid cuique fieri debeat. In quo bello ductor
exercitus vel ipse populus, non tam auctor belli, quam minister judicandus est».
19
Georges HUBRECHT, «La juste guerre dans la doctrine chrétienne des origines au milieu du
XVIe siècle», Recueils de la Société Jean Bodin, 15/2 (1961), «La Paix», pp. 111-114.
20
YVES DE CHARTRES, Décret, pars X, c. 59 et 99, dans PL, 161, col. 707-709, col. 722: « Quod reges
christiani defendere debent matrem Ecclesiam».
21
Ibid., c.110 et 104, col. 724-726: « Cum homo juste occiditur, lex eum occidit, non tu».
22
SAINT AUGUSTIN, Lettre au comte Boniface, c. 1, dans PL, 33, n. 189, col. 854: « Qui cum ipsas
litteras quas jam feceram, accepisset tuae benevolentiae perferendas, suggessit mihi multum te
desiderare ut aliquid tibi scriberem quod te aedificet ad sempiternam salutem, cujus tibi spes est in
Domino nostro Jesu Christo».
23
Ibid., c. 5, col. 855: « Majoris quidem loci sunt apud Deum, qui omnibus istis saecularibus actionibus
derelictis, etiam summa continentia castitatis ei serviunt».
72 Thomas Deswarte
24
Ibid., c. 4, col. 855: « Noli existimare neminem Deo placere posse, qui in armis bellicis militat. In his
erat sanctus David, cui Dominus tam magnum perhibuit testimonium. In his etiam plurimi illius
temporis justi In his erat et ille centurio, qui Domino dixit: “Non sum dignus […]“ (Mt 8, 8-10). In
his erat et ille Cornelius ad quem missus angelus dixit […] (Ac 10, 4-8). In his erant et illi qui
baptizandi cum venissent ad Joannem, sanctum Domini praecursorem et amicum sponsi, de quo
Dominus ipse ait: “In natis mulierum non surrexit major Joanne Baptista“ (Mt 11, 11), et quaesiissent
ab eo quid facerent. Respondit eis: “Neminem concusseritis, nulli calumniam feceritis; sufficiat vobis
stipendium vestrum“ (Lc 3, 14). Non eos utique sub armis militare prohibuit; quibus suum stipendium
sufficere debere praecepit».
25
J. FRANCE, «Holy War and Holy Men…».
26
Jacques FONTAINE, «Le culte des martyrs militaires et son expression poétique au IVe siècle:
l’idéal évangélique de la non-violence dans le christianisme théodosien», dans V. Saxer (éd.),
Ecclesia orans. Mélanges offerts à A. G. Hamman, Rome, 1980, pp. 141-171.
27
Ælfric’s Lives of Saints, éd. et trad. de Walter W. Skeat, Londres, 1966, 2, pp. 314-335, surtout
pp. 321-323. Passion reprise par ABBON DE FLEURY, Passio sancti Eadmundi regis et martyris, c. 8,
dans PL, 139, col. 507-520, col. 514.
28
Hugh M AGENNIS, «Warrior Saints, Warfare, and the Hagiography of Aelfric of Eynsham»,
Traditio, 56 (2001), pp. 41-42.
Aux origines de la guerre sainte en Occident 73
à la lecture de ce passage, les Juifs deviennent cruels et avides de sang humain, car
ils pensent que c’est là une marque de vraie piété d’avoir ainsi frappé les habitants
de Haï, de manière à ne laisser «ni un survivant, ni un fugitif »; ils ne comprennent
pas que dans ces textes sont préfigurés des mystères; le sens à en tirer, c’est plutôt
que nous ne devons laisser vivre aucun de ces démons, habitants du chaos et
maîtres de l’abîme, mais que nous devons les tuer jusqu’au dernier31.
29
SULPICE SÉVÈRE, Vie de saint Martin (Sources chrétiennes, 133), 4, 1, éd. et trad. de Jacques
Fontaine, Paris, 1967, pp. 260-261.
30
Th. DESWARTE, «La guerre sainte en Occident…», pp. 336-337.
31
ORIGÈNE (trad. Rufin), Homélies sur Josué (Sources Chrétiennes, 71), VIII, 7, éd. et trad. d’Annie
Jaubert, Paris, 1960, pp. 234-235.
32
Ibid., VIII, 7, pp. 238-9 et 240-241.
33
Ibid., XV, 1, pp. 330-1.
34
Th. DESWARTE, «La guerre sainte en Occident…», p. 334.
74 Thomas Deswarte
35
David S. BACHRACH, Religion and the Conduct of War, c. 300-c. 1215, Woodbridge, 2003, pp. 32-
63.
36
Alexander P. BRONISCH, Reconquista und Heiliger Krieg: die Deutung des Krieges im christlichen
Spanien von den Westgoten bis ins frühe 12. Jahrhundert, Münster, 1998, pp. 47-82.
37
Janet L. N ELSON , «The Church’s Military Service in the Ninth Century: a Contemporary
Comparative View?», dans ID . (éd.), Politics and Ritual in Early Medieval Europe, Londres,
1986, pp. 117-132.
38
Les Gestes des évêques d’Auxerre (Les classiques de l’histoire de France au Moyen Âge, 42), c. 27,
éd. de Michel Sot, 1, Paris, 2002, pp. 128-130.
39
J. FLORI, La guerre sainte…, pp. 115 et s.
40
ISIDORE DE SÉVILLE, Etymologies (Biblioteca de Autores Cristianos, 434), VII, 11, éd. et trad. de
José Oroz Reta et Manuel Antonio Marcos Casquero, 2, Madrid, 1993, p. 676.
41
LÉON IV, Epistolae et decreta, dans PL, 115, col. 655-657: « Omni timore ac terrore deposito, contra
inimicos sanctae fidei et adversarios omnium regionum viriliter agere studete. Ubi usque nunc parentes
vestri publicum moverunt procinctum, semper victores exstiterunt, nullaque eos multitudo populi
superare potuit. Non enim audivimus ut aliquando sine fama victoriae reversi fuissent. Omnium
vestrum nosse volumus charitatem, quoniam quisquis, quod non optantes dicimus, in hoc belli
certamine fideliter mortuus fuerit, regna illi coelestia minime negabuntur. Novit enim Omnipotens, si
quilibet vestrum morietur, quod pro veritate fidei, et salvatione patriae, ac defensione christianorum
mortuus est; ideo ab eo praetitulatum praemium consequetur ».
42
YVES DE CHARTRES, Décret, pars X, c. 87, dans PL, 161, col. 719-720. Voir aussi la Panormia (VIII,
30) et la Tripartita (I, 60, 14).
43
G RATIEN , pars II, c. XXIII, q. 8, c. IX (Omni timore […] consequetur), et q. 5, c. XLVI (omnium
vestrum […] negabuntur ; faussement attribué au pape Nicolas), éd. d’Emil Friedberg, Corpus
juris canonici, 1, Leipzig, 1879, col. 955 et 944.
Aux origines de la guerre sainte en Occident 75
44
Registrum Johannis VIII papae, éd. d’Erich Caspar, dans MGHE, 7-I, Berlin, 1912, n. 150, pp. 126-
127: « Nostra prefatos mediocritate, intercessione beati Petri apostoli, cujus potestas ligandi atque
solvendi est in celo et in terra, quantum fas est, absolvimus præcibusque illos Domino commendamus».
45
Ibid.: « Quia veneranda fraternitas vestra modesta interrogatione sciscitans quesivit, utrum hi, qui pro
defensione sancte Dei ecclesie et pro statu christiane religionis ac rei publice in bello nuper ceciderunt
aut de reliquo pro eadem re casuri sunt, indulgentiam possint consequi delictorum, audenter Christi
Dei nostri pietate respondemus, quoniam illi qui cum pietate catholice religionis in belli certamine
cadunt, requies eos eterne vite suscipiet contra paganos atque infideles strenue dimicantes, eo quod
Dominus per prophetam dignatus est dicere: “Peccator quacumque hora conversus fuerit, omnium
iniquitatum illius non recordabor amplius“, et venerabilis ille latro in una confessionis voce de cruce
meruit paradysum; Manasses quoque impurissimus quondam rex captus carcerique artissimo religatus
ibi penitentiam agens cum perfectione indulgentie etiam regni pristini propter Domini misericordiam,
quia inmensa est circa genus humanum, adeptus est solium».
46
Etienne DELARUELLE, «Essai sur la formation de l’idée de croisade», dans ID., L’idée de croisade
au Moyen Âge, Turin, 1980, pp. 1-127, en particulier p. 40.
47
Contra: Cyrille VOGEL, «Le pèlerinage pénitentiel», Revue des Sciences religieuses, 38 (1964), p.
147, repris dans ID., En rémission des péchés. Recherches sur les systèmes pénitentiels dans l’Église
latine, Aldershot, 1994, VII.
48
Hans-Martin SCHALLER, «Zur Kreuzzugsenzyklika Papst Sergius’IV», dans H. Mordek (éd.),
Papsttum, Kirche und Recht im Mittelalter. Festschrift für Horst Fuhrmann zum 65. Geburstag,
Tübingen, 1991, pp. 151-152: « Sciat igitur christiana intentio, quia ego, si Domino placuerit, per
memetipsum cupio pergere ex marino litore, et omnes Romani seu Itali cum Tuscis vel qualiscumque
christianus nobiscum volunt pergere ad gentem Agarenam, Domino auxiliante, cum omnes hostiliter
desidero interficere et sanctum redemptoris sepulchrum volo restaurare incolume. […] Istum etenim
seculum transituri sumus, ita pugnemus contra inimicos Dei, ut cum ipso gaudere valeamus in celo.
[…] Venite, filii, defendite Deum et regnum acquirite aeternum. Spero, credo et certissime teneo, quia
76 Thomas Deswarte
per virtutem domini nostri Jhesu Christi nostra erit victoria, sicut fuit in diebus Titi et Vespasiani, qui
Dei filii mortem vindicaverunt et adhuc baptismum non receperunt, sed post victoriam ad imperialem
honorem Romanorum pervenerunt et de suis peccatis indulgentiam receperunt. Et nos si taliter
fecerimus, sine dubio in vitam eternam permanemus».
49
Contra: Aleksander G IEYSZTOR, «The Genesis of the Crusades : the Encyclical of SergiusIV
(1009-1012)», Medievalia et Humanistica, 5 (1948), pp. 3-23, et 6 (1950), pp. 3-34, et Herbert E. J.
COWDREY, «Pope UrbanII’s Preaching of the First Crusade», History, 55 (1970), pp. 177-188,
en particulier p. 185, repris dans ID., Popes, Monks and Crusaders…, XVI.
50
Cité et traduit par J. FLORI ., La guerre sainte…, p. 156 (Sermo 6: Adversus raptores bonorum
alienorum, éd. d’Ute Önnerfors, Abbo von Saint-Germain-des-Prés : 22 Predigten, Kritische Ausgabe
und Kommentar [Lateinische Sprache und Literatur des Mittelalters, 16], Francfort, 1985, pp. 94
et s.).
51
H. MAGENNIS, «Warrior Saints, Warfare…», pp. 43-45.
52
Ælfric’s Lives of Saints…, 2, pp. 135-137.
53
RAOUL GLABER, Histoires, II, 19, éd. et trad. de Matthieu Arnoux, Turnhout, 1996, pp. 128-129:
« Cui satis leniter tale dederunt responsum: “Professionem, inquiunt, Christianitatis gestamus, sed ob
tutelam patrie catholiceque plebis defensionem gladius nos in bello Sarracenorum separavit ab
humanorum corporum habitatione. Idcirco nos omnes pariter divina vocatio nunc transfert in sortem
beatorum“».
54
En effet, contrairement à l’opinion de J. Flori (La guerre sainte…, p. 157), ces annales, rédigées à
partir de 1008, ne rapportent pas le martyre de soldats de Saint-Maurice de Magdebourg dans
leur guerre en 1015 sous la direction de l’empereur HenriII contre les Polonais. Certes, après
avoir décrit cette guerre, l’annaliste – peut-être une moniale – énumère diverses personnes
qui, «avec de nombreuses autres, vivent dans les cieux», puis le décès de l’évêque de Metz.
Mais, il n’associe pas ces décès à la guerre précédente et, surtout, mentionne parmi les morts
quatre femmes, Adélaïde, Ira, Gera et Doda – en fait très certainement des moniales du
monastère de Quedlinburg: « Certant deinde quam plurimi pro patria fratribusque, et maxime
milites Mauriciani, sectatores Domini, procumbunt fortiter, illi obsequendo, ut conspiraverant
constanti animo. Adelheid, Ira, Thietmer et Gera, Doda et Volcmer, cum aliis multis felicius vivant in
Aux origines de la guerre sainte en Occident 77
mais dans la Vita du pape LéonIX écrite entre la fin de l’année 1048 et 1066
par le pseudo-Wibert, en fait un clerc anonyme de l’entourage de Brunon55:
après avoir décrit la bataille de Civitate, qui vit l’armée conduite par le pape
écrasée par les Normands, ce texte nous apprend que, «puisque c’est pour
leur foi dans le Christ et la libération d’un peuple oppressé qu’ils [les soldats
du pape] avaient voulu saintement donner leur vie, la grâce divine manifesta
clairement, par plusieurs révélations, qu’ils jouissaient du bonheur éternel
dans le royaume des cieux» 56. Comme chez Raoul Glaber, la lutte était bien ici
menée pour libérer l’Église des païens – ici le «peuple indiscipliné et hostile
des Normands», agressant «avec une rage inouie et cruelle, et une impiété
plus que païenne» les «églises de Dieu» et la «chrétienté» 57. Plus tard, le
chef militaire des Patarins de Milan, Erlembald, mourut martyr au combat,
d’après GrégoireVII (1073-1085)58 et Bonizon de Sutri dans son Liber ad
amicum, écrit entre 1085 et 1088/959.
Si ce nouveau modèle hagiographique rendait compte d’une progressive
sacralisation de la guerre menée contre les musulmans, pour la papauté et la
réforme de l’Église, il dénotait aussi une valorisation de la sainteté laïque, très
nette depuis le Xe siècle dans les milieux clunisiens puis réformateurs, et
participait d’un renouveau plus général de l’idéal martyrial. Cet idéal fut
particulièrement valorisé par GrégoireVII, qui le premier incita au martyre
coelis. Eido Miseniensis episcopus depositum fidele reddidit coelo», Georg Heinrich PERTZ (éd.),
MGHSS, 3, Hanovre, 1839, p. 84; 2e éd. par Martina G IESE, Die Annales Quedlinburgenses,
MGHSS, 72, Hanovre, 2004. Comme souvent, ce récit annalistique juxtapose donc des faits
historiques indépendants les uns des autres.
55
La vie du pape Léon IX, éd. de Michel Parisse et trad. de Monique Goullet, Paris, 1997, pp. XXIII-
XXXIII.
56
Ibid., 2, 21, p. 115: « Et quoniam pro fide Christi afflictaeque gentis liberatione devotam mortem
voluerunt subire, multiplicibus revelationibus monstravit eos divina gratia in coelesti regno perenniter
gaudere». D’après la chronique d’Aimé du Mont-Cassin, LéonIX conféra l’absolution à tous
les chevaliers avant la bataille et remit la pénitence due pour les péchés: si donc la guerre
n’était pas en soi méritoire (Jonathan RILEY-SMITH, The First Crusaders, 1095-1131, Cambridge,
1997, p. 49), elle ne nuisait pas au salut. Il est cependant difficile de suivre cette œuvre,
uniquement connue par une traduction du XIVe siècle.
57
Ibid., 2, 20, pp. 110-112: « Videns indisciplinatam et alienam gentem Normannorum crudeli et
inaudita rabie et plus quam pagana impietate adversus ecclesias Dei insurgere […] Nos quoque
divinum adjutorium nobis affore et humanum non defore confidentes ab hac nostra intentione
liberandae christianitatis non deficiemus».
58
Gregorii VII Registrum, 6, 56, éd. d’Erich Caspar, dans MGH, Das Register Gregors VII. (Epistolae
Selectae, 2), Berlin, 1923, 2, pp. 400-406 (trad. angl. Herbert E. J. COWDREY, The Register of Pope
Gregory VII, 1073-1085, Oxford, 2002).
59
BONIZON D E SUTRI, Liber ad amicum, lib. II, éd. d’Ernst Dümmler, dans MGHLL, 1, Hanovre,
1891, p. 605: « Post Pascha vero derepente congregato exercitu et multitudine conjuratorum
Herlimbaldum nihil mali suspicantem invadunt eumque bellare temptantem in media platea
interficiunt aliosque persecuntur et depredantur eumque ignominiose nudatum, obliti generis ejus et
dignitatis, ad ignominiam totius christianitatis per totum diem relinquunt inhumatum».
78 Thomas Deswarte
dans une guerre offensive60: en 1074, dans son projet de guerre contre les
Turcs, il affirmait ainsi à la comtesse Mathilde de Toscane «comme il est noble
de mourir pour notre pays (Horace, Carmina, 3.2.13), il est encore plus noble et
méritoire de donner notre chair corruptible (Sénèque, Epistolae, 122.4) pour le
Christ, qui est la vie éternelle» 61; dans sa dernière lettre sur le sujet, il précisa
que «pour l’ouvrage d’un moment» les combattants pouvaient gagner «la
récompense éternelle» (II Cor 4,17)62. Après 1076, il reprit ce discours
martyrial dans sa lutte contre l’empereur HenriIV, en s’inspirant notamment
de saint Paul (2 Tim 3,12 et sqq.)63. Cette guerre religieuse, pour la réforme,
pouvait alors mener au martyre64, car «tous ceux qui meurent pour la justice
seront rangés parmi les martyrs», selon Bruno de Segni vers 109065. Mais,
comme le remarque très justement Jonathan Riley-Smith, dans ces guerres
martyriales c’était la mort qui sanctifiait, non le combat en lui-même66.
En outre, GrégoireVII n’hésita pas à encourager ses partisans en leur
concédant des absolutions collectives, qui assuraient le mort du salut: il
promit en 1075 aux fidèles de Chiusi le «pardon des péchés» et le salut s’ils
expulsaient le prévôt de leur église et restauraient cette dernière67; en 1080, un
concile romain donna une absolution générale aux partisans de Rudolf contre
60
James A. BRUNDAGE, «Holy War and the Medieval Lawyers», dans Th. P. Murphy (éd.), The
Holy War, Columbus, 1976, pp. 104-105, repris dans ID., The Crusades, Holy War and Canon Law,
Aldershot, 1991, X ; Herbert E. J. COWDREY , «Pope Gregory and Martyrdom», dans M.
Balard, B. Z. Kedar et J. Riley-Smith (éd.), Dei gesta per Francos. Études sur les croisades dédiées à
Jean Richard, Aldershot, 2001, pp. 3-11.
61
Grégoire VII à Mathilde de Toscane, dans Herbert E. J. COWDREY , The Epistolae vagantes of
Pope Gregory VII, Oxford, 1972, n. 5, p. 12: « Quia si pulchrum est, ut quidam dicunt, pro patria
mori, pulcherrimum est ac valde gloriosum carnem morticinam pro Christo dare, qui est aeterna vita».
62
Gregorii VII Registrum…, II, 37, 1, p. 173: « Nam per momentaneum laborem aeternam potestis
acquirere mercedem». Sur ce projet, voir Herbert E. J. CO W D R E Y , «Pope Gregory VII’s
“Crusading” Plans of 1074», dans B. Z. Kedar, H. E. Mayer et R. C. Smail (éd.), Outremer:
Studies in the History of the Crusading Kingdom of Jerusalem presented to Joshua Prawer, Jérusalem,
1982, pp. 27-40, repris dans ID., Popes, Monks and Crusaders…, X.
63
Gregorii VII Registrum…, IV, 7, 1, p. 305.
64
Herbert E. J. C OWDREY , «Martyrdom and the First Crusade», dans P. W. Edbury (éd.),
Crusade and Settlement, Cardiff, 1985, pp. 46-56.
65
BRUNO DE SEGNI , Libellus de symoniacis, c. 5, dans MGHLL, 2, Hanovre, 1892, p. 550: « Sive
moriantur sive vivant, bonum est illis. Quicquid eis accidat bonum est illis. Omnia eis cooperantur in
bonum, et melius quidem mors, quam vita talibus operatur. Preciosa est enim in conspectu Domini
mors sanctorum ejus. Firmissime enim credendum est et nullatenus dubitandum, quod omnes qui pro
justicia moriuntur inter martyres collocantur (Ps 112,8). Collocet eos Dominus cum principibus
populi».
66
J. RILEY-SMITH, The First Crusaders…, p. 48.
67
Gregorii VII Registrum…, II, 47, 1, p. 187: « Si vero, ut decet christianos viros, operam studebitis dare
eo expulso ecclesiam Dei matrem utique vestram ad pristinum statum revocare, inter sanctos Dei in
superno regno incorruptibilem possidebitis hereditatem adepti peccatorum indulgentiam per ineffabilem
Dei clementiam».
Aux origines de la guerre sainte en Occident 79
68
Ibid., VII, 14a, 2, p. 486: « Ut autem Rodulfus regnum Teutonicum regat et defendat, quem Teutonici
elegerunt sibi in regem ad vestram fidelitatem, ex parte vestra dono largior et concedo, omnibus sibi
fideliter adherentibus absolutionem omnium peccatorum vestramque benedictionem in hac vita et in
futuro vestra fretus fiducia largior».
69
Norman HOUSLEY, «Crusades Against Christians: their Origins and Early Development, c.
1000-1216», dans P. W. Edbury (éd.), Crusade and Settlement…, p. 19.
70
Contra: Herbert E. J. C OWDREY , «Pope Gregory VII and the Bearing of Arms», dans B. Z.
Kedar, J. Riley-Smith et R. Hiestand (éd.), Montjoie. Studies in Crusade History in Honour of Hans
Eberhard Mayer, Aldershot, 1997, p. 34.
71
Contra: J. R ILEY-SMITH, The First Crusaders…, p. 50.
72
Gregorii VII Registrum…, III, 11, 1, p. 271-272: « Noverit fraternitas tua, quoniam Rogerius comes,
frater Roberti ducis, apostolice sedis benedictionem et absolutionem requirit ejusque filius vocari et esse
desiderat. Quapropter pastorali cura hoc laboris onus tibi imponimus, immo ex parte beati Petri
imperamus, ut postposita omni torporis desidia illum adeas eumque hujus nostri precepti auctoritate
fultus, si nobis parere sicut pollicitus est voluerit et penitentiam, ut oportet christianum, egerit, ab
omni peccatorum suorum vinculo tam illum quam etiam suos milites, qui cum eo contra paganos, ita
tamen ut agant penitentiam, pugnaturi sunt, peccatis maxime absolvas. Addimus preterea, ut eum pia
admonitione admoneas, quatenus se a capitalibus criminibus custodiat et christiani nominis culturam
inter paganos amplificare studeat, ut de eisdem hostibus victoriam consequi mereatur».
73
Ibid., VIII, 6, 2, p. 524: « Dilectioni quoque vestre nichilominus precipiendo mandamus, ut eos, qui
cum eodem duce et predicto imperatore transfretaturi sunt, diligentissime, ut vestrum officum exigit,
moneatis condignam penitentiam agere et rectam fidem, sicut decet christianos, circa illos servare, in
omnibus actibus suis timorem Dei et amorem pre oculis abere et in bonis operibus perseverare. Sicque
illos fulti nostra auctoritate immo beati Petri potestate a peccatis absolvite».
74
H. E. J. COWDREY, «Pope Gregory VII and the Bearing of Arms…», pp. 28-29.
75
Epistola sub Theoderici episcopi Virdunensis nomine composita, éd. d’Ernst Dümmler, dans
MGHLL, 1, p. 296.
80 Thomas Deswarte
76
John GILCHRIST , «The Erdmann Thesis and the Canon Law», dans P. W. Edbury (éd.),
Crusade and Settlement…, pp. 37-45.
77
Dana C. MUNRO , «The Speech of Pope Urban II at Clermont, 1095», American Historical
Review, 2 (1906), pp. 231-242, et Penny J. COLE, The Preaching of the Crusades to the Holy Land,
1095-1270, Cambridge, 1991.
78
H. E. J. COWDREY, «Pope Urban II’s Preaching…».
79
Concile de Clermont (1095), dans Annuarium Historiae Conciliorum, Suppl. 1, «The Councils of
Urban II», vol. 1, «Decreta Claramontensia», éd. de Raymonde Sommerville, 1972, p. 74:
« Quicumque pro sola devotione, non pro honoris vel pecunie adeptione, ad liberandam ecclesiam Dei
Hierusalem profectus fuerit, iter illud pro omni penitentia ei reputetur [reputabitur]».
80
Lettre d’Urbain II aux fidèles de Flandre (1096), dans Die Kreuzzugsbriefe aus den Jahren 1088-
1100, éd. de Heinrich Hagenmeyer, Innsbruck, 1901, n. II, p. 136: « cui calamitati pio contuitu
condolentes Gallicanas partes visitavimus ejusque terrae principes et subditos ad liberationem
orientalium ecclesiarum ex magna parte sollicitavimus et hujusmodi procinctum pro remissione
omnium peccatorum suorum in Arvernensi concilio celebriter eis injunximus».
81
C. VOGEL, «Le pèlerinage pénitentiel…», pp. 147-148.
82
Lettre d’Urbain II aux Bolonais (1096), dans Die Kreuzzugsbriefe…, n. III, p. 137: « Nonnullos
vestros in Hierusalem eundi desiderium concepisse audivimus, quod nobis plurimum complacere
noveritis, sciatis autem eis omnibus, qui illuc non terreni commodi cupiditate sed pro sola animae suae
salute et ecclesiae liberatione profecti fuerint, paenitentiam totam peccatorum, de quibus veram et
perfectam confessionem fecerint».
Aux origines de la guerre sainte en Occident 81
83
Giles CONSTABLE, «Medieval Charters as a Source for the History of the Crusades», dans P.
W. Edbury (éd.), Crusade and Settlement…, pp. 73-89; Jonathan RILEY-SMITH , «The Idea of
Crusading in the Charters of Early Crusaders, 1095-1102», dans Le concile de Clermont de 1095
et l’appel à la croisade (Collection de l’École Française de Rome, 236), Rome, 1997, pp. 155-166 ; J.
FLORI, La guerre sainte…, pp.325-332.
84
Jean RICHARD, «Urbain II, la prédication de la croisade et la définition de l’indulgence», dans
E. D. Hehl et F. Staab (éd.), "Deus qui mutat tempora”: Festschrift für Alfons Becker zu seinem 65.
Geburtstag, Sigmaringen, 1987, pp. 129-135, repris dans ID ., Croisade et États latins d’Orient,
Londres, 1992.
85
Demetrio MANSILLA R EOYO , La documentación pontificia hasta Inocencio III (965-1216), Rome,
1955, n. 29, pp. 46-47: « Vobis ergo in penitentiam peccatorumque remissionem mandamus, ut
potentia et divitiis vestris in restitutionem ejusdem ecclesie devotissime et intentissime desudetis. Eis
autem, qui vel in Hierusalem, vel in partes alias penitentie spiritu vel devotionis ituri sunt, suademus,
totam illam vie et sumptus operam restitutioni ecclesie Tarraconensis impendere; quatenus, auxiliante
Domino, et cathedra inibi tuto habeatur episcopalis et civitas eadem Sarracenorum opposita populis in
murum et antemurale christicole populi celebretur, quibus eandem ex Dei misericordia indulgentiam
pollicemur, quam promererentur, si indicte vie prolixitatem explerent […] Iterum iterumque vos,
carissimi filii, admonemus, ut fratrem nostrum Berengarium in restitutionem Tarraconensis ecclesie
adjuvetis, quatenus et in presenti gloriam et in futuro vitam percipiatis eternam».
86
Louis DUCHESNE, Liber Pontificalis, 2, Paris, 1892, p. 293.
87
J. RILEY-SMITH, «The Idea of Crusading …», p. 162, et I D., The First Crusaders…, pp. 68-69.
88
J. RILEY-SMITH, «The Idea of Crusading …», pp. 162-163, et I D., The First Crusaders…, p. 71.
82 Thomas Deswarte
89
Hierosolymita, c. XXXV, dans RHC-HOc, 5, Paris, 1895, p. 39: « Nec mirandum, sed venerandum,
post ablata saxis duriora cordium ethnicorum scandala, de via Domini catholicam unanimiter ecclesiam
ad fontem sui exortus et ad cunabula primitivae suae institutionis, ac specialem veri panis domum nova
poenitentiae via contendere» (nouvelle édition de Franz-Josef Schmale et Irene Schmale-Ott dans
Frutolfs und Ekkehards Chroniken und die Anonyme Kaiserkronik, Darmstadt, 1972, p. 330).
90
Contra: Hans Eberhard MAYER , The Crusades, Oxford, 1988, pp. 30-37 et n. 15 pp. 293-295
(trad. angl. de : Geschichte der Kreuzzüge, Stuttgart, 1965).
91
BL Add. Ms 8873, fol. 48. Sur cette œuvre, voir Paul FOURNIER, Gabriel LE BRAS, Histoire des
collections canoniques en Occident depuis les Fausses décrétales jusqu’au Décret de Gratien
(Bibliothèque d’histoire du droit, 5), 2, «De la réforme grégorienne au décret de Gratien»,
Paris, 1932, pp. 155-163.
92
Epistolae pontificum romanorum ineditae, éd. de Samuel Loewenfeld, Leipzig, 1885, n. 82, p. 43:
« De proficiscentibus in Ispaniam. Clero Vulturnensi. Eos qui in Ispaniam proficisci destinarunt,
paterna karitate hortamur, ut, que divinitus admoniti cogitaverunt ad effectum perducere, summa cum
sollicitudine procurent; qui juxta qualitatem peccaminum suorum unusquisque suo episcopo vel
spirituali patri confiteatur, eisque, ne diabolus accusare de inpenitentia possit, modus penitentiae
imponatur. Nos vero auctoritate sanctorum apostolorum Petri et Pauli et penitentiam eis levamus et
remissionem peccatorum facimus, oratione prosequentes» .
93
J. FLORI, La guerre sainte…, pp. 277-284.
94
Marcus BULL, Knightly Piety and the Lay Response to the First Crusade. The Limousin and Gascony,
c. 970-c. 1130, Oxford, 1993, pp. 72 et s.
95
Alberto FERREIRO, «The Siege of Barbastro (1064-65): A Reassessment», Journal of Medieval
History, 9 (1983), pp. 129-144.
Aux origines de la guerre sainte en Occident 83
96
H. E. J. COWDREY, «Pope Gregory VII and the Bearing of Arms…», p. 28, n. 31.
97
Jean FLORI, «Guerre sainte et rétributions spirituelles dans la seconde moitié du XIe siècle:
lutte contre l’islam ou pour la papauté?», Revue d’Histoire Ecclésiastique, 85 (1990), pp. 642-646.
98
Jonathan RILEY-SMITH, «Death on the First Crusade», dans D. Loades (éd.), The End of Strife,
Édimbourg, 1984, pp. 14-31, et ID., The First Crusade and the Idea of Crusading, Londres, 1986, p.
116.
99
C. ERDMANN , Die Entstehung des Kreuzzugsgedankens…, p. 294, n. 37. P. Kehr la place de
manière erronée en 1089/1091(datation reprise par J. Riley-Smith).
100
Lettre d’Urbain II aux comtes Bernard de Besalú, Hugues d’Empúries et Guislebert de
Roussillon: Paul K EHR (éd.), Papsturkunden in Spanien (Abhandlungen der königlichen
Gesellschaft der Wissenschaften zu Göttingen, Philologisch-Historische Klasse. Neue Folge,
18-2), Berlin, 1926, n. 23, pp. 287-288: « Pro Tarraconensi urbe vel ecclesia nobilitatem vestram
ostentius deprecamur et in peccatorum remissionem precepimus, ut ad ejus restitutionem modis
omnibus insistatis. Scitis enim quanta Christi populi propugnatio, quanta Saracenorum perveniat
impugnatio, si illius egregie civitatis status largiente Domino restauretur. Si ergo ceterarum
provinciarum milites Asiane ecclesia subvenire unanimiter proposuere et fratres suos ab Saracenorum
tyrannide liberare, ita et vos unanimiter vicine ecclesie contra Sarracenorum incursus patientius
succurrere nostris exortationibus laborate. In qua videlicet expeditione si quis pro Dei et fratrum
suorum dilectione occubuerit, peccatorum profecto suorum indulgentiam et eterne vite consortium
inventurum se ex clementissima Dei nostri miseratione non dubitet».
84 Thomas Deswarte
Or, la croisade était une guerre instituée par Dieu, pour offrir un nouveau
mode de sanctification:
Mais ce pieux dessein en est venu à se perdre dans les esprits, et l’envie effrénée
de posséder s’est emparée de tous les cœurs; c’est pourquoi Dieu, de nos jours, a
institué des guerres saintes, afin que l’ordre des chevaliers et le peuple qui les suit,
jusqu’ici occupés à s’entre-tuer à l’imitation du paganisme antique, pussent y
trouver un nouveau moyen d’acquérir leur salut, sans être pour autant contraints,
comme c’était jusqu’alors de rigueur, de quitter le siècle en choisissant la
conversion monastique ou quelque autre profession religieuse; et afin qu’ils
obtinssent jusqu’à un certain point la grâce de Dieu, mais en demeurant dans la
liberté habituelle et l’état de leur fonction102.
Alors, ô très chers frères, vous devez consacrer les plus grands efforts à purifier
la sainteté de la ville et la gloire du Sépulcre des souillures que lui inflige, autant
qu’il est en son pouvoir, la présence d’un si grand nombre de gentils. Vous le ferez,
si vous aspirez à l’Auteur de cette sainteté et de cette gloire, si vous chérissez, si
vous voulez connaître les traces de sa présence sur la terre, avec Dieu pour guide,
Dieu qui combattra pour vous. Si la piété des Maccabées, qui combattirent pour des
cérémonies et pour un temple, mérita autrefois les plus grandes louanges; s’il vous
est permis, ô chevaliers chrétiens, de prendre les armes pour défendre la patrie; si
vous pensez que l’on doive répandre des flots de sueur pour se rendre dans les
101
G UIBERT DE NOGENT, Dei Gesta per Francos (CCCM, 127A), I, 1, éd. de Robert B. C. Huygens,
Turnhout, 1996, p. 87: « Si enim pro libertate tuenda aut pro publica re defendenda sumerent causam,
excusationem utique pretendere possent honestam; ubi autem aut barbararum gentium aut metuitur
gentilitatis incursus, ab armorum jure nullus debet miles arceri, et si ista defuerint, pro sola sanctae
aecclesiae tuitione consueverunt quam legitime bella tractari» . Je reprends la traduction de
Monique-Cécile Garand, en la modifiant parfois: Geste de Dieu par les Francs. Histoire de la
première croisade, Turnhout, 1998.
102
Ibid., I, 1, p. 87: « At quoniam in omnium animis haec pia desivit intentio et habendi cunctorum
pervasit corda libido, instituit nostro tempore prelia sancta Deus, ut ordo equestris et vulgus oberrans,
qui vetustae paganitatis exemplo in mutuas versabantur cedes, novum repperirent salutis promerendae
genus, ut nec funditus, electa, uti fieri assolet, monastica conversatione seu religiosa qualibet
professione, seculum relinquere cogerentur, sed sub consueta licentia et habitu ex suo ipsorum officio
Dei aliquatenus gratiam consequerentur».
Aux origines de la guerre sainte en Occident 85
temples des saints apôtres et de tout autre saint – pourquoi vous refuser à relever la
croix, le sang du Christ et son tombeau, à les visiter, à racheter vos âmes en les
relevant? 103
Selon Guibert, les croisés menaient des «combats entrepris et livrés dans
un but entièrement spirituel», à la différence des «guerres menées par Israël
selon la chair, afin de se remplir le ventre» 106. La croisade était donc une
guerre sainte instituée par Dieu nostro tempore, pour permettre aux laïcs de se
sanctifier comme le moine dans le monastère ; à ce titre, elle constituait un
«nouveau moyen de salut» propre à l’ordo des laïcs. Une telle équivalence ne
pouvait s’expliquer que par le caractère pénitentiel des deux vies, celle du
moine107 et celle du croisé, en vertu de la commutation instituée par UrbainII.
De fait, l’abbé de Nogent décrivit la première croisade comme un « military
monastery on the move» selon la juste expression de J. Riley-Smith108, où les
pratiques religieuses étaient caractéristiques de l’ascèse monastique – jeûne,
confession, prières et abstinence sexuelle109: les croisés «menaient une vie non
pas militaire, mais monacale, pour tout ce qui touchait à la pénitence et à la
103
Ibid., II, 4, p. 113: « quid crucem, quid sanguinem, quid monumentum eruere, quid visitare, quid pro
his eruendis animarum precia impendere detrectatis? ».
104
Ibid., II, 5, p. 117: « Peroraverat vir excellentissimus et omnes qui se ituros voverent beati Petri
potestate absolvit, eadem ipsa apostolica benedictione firmavit».
105
Ibid., II, 4, p. 113: « Nunc vobis bella proponimus, quae in se habent gloriosum martirii munus,
quibus restat presentis et aeternae laudis titulus».
106
Ibid., VII, p. 267: « De his itaque spirituali solum desiderio ceptis patratisque preliis, divina, quae a
seculo numquam acciderit, tempora moderna insigniri virtute letemur nec Israhelis carnalia pro
ventrium plenitudine bella miremur».
107
Alain BOUREAU , «Le vœu monastique et l’émergence de la notion de puissance absolue»,
Cahiers du Centre de recherches historiques, 21 (1998), pp. 23-34.
108
J. RILEY-SMITH, The First Crusade…, p. 2.
109
James A. BRUNDAGE, « Crusades, Clerics and Violence : Reflections on a Canonical Theme»,
dans M. Bull et N. Housley (éd.), The Experience of Crusading…, pp. 147-156.
86 Thomas Deswarte
Conclusion
Selon Guibert, la guerre sainte était une guerre sanctifiante. Dans les Dei Gesta
per Francos, la guerre sainte se définissait comme un mode de sanctification, à
l’instar du monastère: le pèlerin miles intégrait un état, celui de pénitent,
comme le moine faisait profession de vie monastique, et tous deux devenaient
soldats du Christ – l’un par les armes, l’autre par la prière. En revanche, si ce
nouveau concept devait favoriser le salut ou le martyre des croisés, il ne
l’impliquait pas automatiquement; ainsi, parmi les quatre grandes chroniques
de la première croisade, les Dei Gesta contiennent le plus de mentions de
martyrs, tout en ne représentant que 36% des morts au combat 119.
La notion de guerre sainte découla d’une interprétation du message d’UrbainII.
Le concept de guerre sainte résultait de l’interprétation donnée par Guibert à
la guerre pénitentielle pour la première fois prêchée par le pape: en assimilant
de manière implicite la pénitence à l’exercice de la guerre, et son
accomplissement à la remissio peccatorum, l’abbé de Nogent fit de la première
croisade une guerre sainte, c’est-à-dire une guerre sanctifiante, nouvellement
instituée par Dieu. Cette interprétation était profondément tributaire du
contexte théologique, canonique et liturgique de l’époque, qui minorait
l’importance de l’absolution sacerdotale dans la rémission des péchés et
valorisait le rôle de l’actio poenitentiae, dernière étape avant d’obtenir le
pardon. Si cette nouvelle notion fut bien le fruit d’une relecture théologique,
116
ID., «Le pèlerinage pénitentiel…», pp. 130-132.
117
M. BULL, Knightly Piety…, pp. 155-249. Pour une approche plus générale, Patrick HENRIET, La
parole et la prière au Moyen Âge (Bibliothèque du Moyen Âge, 16), Paris, 2000.
118
Synode de Rome de 1078, dans Gregorii VII Registrum…, VI, 5b, 2, p. 404: « Ideoque quicunque
miles vel negotiator vel alicui officio deditus, quod sine peccato exerceri non possit […] recognoscat se
veram penitentiam non posse peragere, per quam ad eternam vitam valeat pervenire».
119
Jean F LORI, «Mort et martyre des guerriers vers 1100: l’exemple de la première croisade»,
Cahiers de civilisation médiévale, 34 (1991), pp. 126-127.
88 Thomas Deswarte
120
Contra: J. R ILEY-SMITH, The First Crusade…, pp. 134-152.
121
Jay RUBENSTEIN , Guibert of Nogent. Portrait of a Medieval Mind, New York-Londres, 2002,
pp.95-101.
122
Martin GOSMAN, «La propagande de la croisade et le rôle de la chanson de geste comme
porte-parole d’une idéologie non officielle», Memorias de la Real Academia de Buenas Letras de
Barcelona, 21 (1990), pp.291-306.
123
Cyrille VOGEL , «Composition légale et commutations dans le système de la pénitence
tarifiée», Revue de Droit canonique, 9 (1959), pp. 356-359, repris dans ID ., En rémission des
péchés…, V.
Aux origines de la guerre sainte en Occident 89
124
THOMAS D ’A QUIN , Quaestiones quodlibetales, Quodlibetum 2, q. 8, a. 2, éd. de Raimondo
Spiazzi, Turin, 1956, pp. 36-38: « Utrum crucesignatus qui moritur antequam iter arripiat
transmarinum, plenam habeat peccatorum remissionem. […] Praeterea, solum Deus remittit peccatum
quantum ad culpam. Cum ergo papa dat indulgentiam omnium peccatorum, hoc non est referendum ad
culpam, sed ad universitatem poenarum. Ille ergo qui accipit crucem secundum formam litterae papalis,
nullam poenam patietur pro suis peccatis ; et sic statim evolabit, plenam remissionem peccatorum
consecutus […] Quia indulgentia non excusat a contritione et confessione, sed cedit in locum
satisfactionis. […] Et tamen indulgentia non se extendit ad remissionem culpae, quia non est
sacramentalis […] Indulgentia ergo supplet locum satisfactionis, in quantum est punitiva».
125
Ibid., Quodlibetum 5, q. 7, a. 2, p. 106: « Utrum in meliori statu moriatur ille (crucesignatus) qui
moritur in via eundi ultra mare, quam ille qui moritur in redeundo. […] Qui enim moritur in eundo,
moritur quasi prosequendo votum suum, ut se exponat morti pro Christo, et ita moritur tamquam
martyr ; qui autem moritur in redeundo, non moritur in proposito se exponendi pro Christo, et ita
moritur quasi confessor. Sed major est status martyrum quam confessorum […] Et ideo, ceteris
paribus, melius moritur ille qui moritur redeundo ; quamvis ire sit magis meritorium quam redire,
genus operis considerando. Ad primum ergo dicendum, quod illud propositum exponendi se morti
propter Christum, habuit etiam iste in eundo ; nec hoc meritum perdidit, si se a peccato immunem
custodivit».
126
Concile de Latran IV, § [71], dans Les conciles œcuméniques, éd. de Giuseppe Alberigo, II-1,
«Les décrets de Nicée à Latran V», Paris, 1994, p. 568: « Ad liberandam Terram sanctam de
manibus impiorum, ardenti desiderio adspirantes […] ubi et nos personaliter Domino annuente
disposuimus tunc adesse, quatenus nostro concilio et auxilio exercitus christianus salubriter ordinetur,
cum benedictione divina et apostolica profecturus» ; pp. 568-570: « Ne igitur hoc sanctum
propositum impediri vel retardari contingat» ; pp. 574-576: « omnibus qui laborem propriis personis
subierint et expensis, plenam suorum peccaminum, de quibus liberaliter fuerint corde contriti et ore
confessi, veniam indulgemus, et in retributione justorum salutis aeternae pollicemus augmentum».
Concile de Lyon I, § [5], pp. 626-627. Concile de Lyon II, § [1c], pp. 650-651: « Omnibus etiam
90 Thomas Deswarte
pie proficientibus in hoc opere pia et sancta universalis synodus orationum et beneficiorum suffragium
impertitur» .
127
Concile de Latran IV, § [71], pp. 568-569.
128
Histoire anonyme de la première croisade, éd. de Louis Bréhier, Paris, 1964, pp. VIII-XII.
129
Ibid., pp. 84-85: « Vade quam citius potes, ut vir fortis, et esto acer in adjutorium Dei Sanctique
Sepulcri, et revera scias quia hoc bellum non est carnale, sed spirituale».
130
Th. DESWARTE, «La guerre sainte en Occident…», pp. 345-349.
Regards croisés sur la guerre sainte, pp. 91-113.
I understand holy war to mean a war that is not only just, but justifying; that is,
a war that confers positive spiritual merit on those who fight in it. This requires
some positive action, in turn, from a religious authority, accepted as having the
requisite power to grant official sanction to a holy war, to confer its particular
sacred character upon it. Commonly, though not invariably, such a war will be
rather closely directed by religious authorities, fought with the purpose of
achieving some religious goal. But the outstanding characteristic of the holy war, I
repeat, is that it is viewed as securing personal religious merit for those who
participate in it1.
There was, of course, Christian holy war in the Iberian peninsula, and at times
in other parts of the Latin Mediterranean, before the appearance of the Crusade2.
* Warngau.
1
James A. BRUNDAGE , «Holy War and the Medieval Lawyers», en Th. P. Murphy (ed.), The
Holy War, Columbus, 1974, p.116.
2
Peter PARTNER, «Holy War, Crusade and Jihad: an attempt to define some problems», en M.
Balard (ed.), Autour de la Première Croisade. Actes du Colloque de la Society for the Study of the
Crusades and the Latin East. Clermont-Ferrand, 22-25 juin 1995 (Byzantina Sorbonensia, 14),
Paris, 1996, p.334. Véase también James A. BRUNDAGE, Medieval Canon Law and the Crusader,
Madison, 1969, p.25, n.91 – sin embargo contradiciendo su propia definición posterior que se
cita arriba: «One of the most essential characteristics of the crusades is the fusion in them of
the holy war and pilgrimage traditions; of this there is no sign in the Spanish wars of the
92 Alexander Pierre Bronisch
Las dos citas representan en cierto sentido los dos extremos al definir o al
emplear el término “guerra santa”: por un lado la restricción en el ámbito
cristiano al fenómeno de las cruzadas a partir de las postrimerías del siglo XI,
por otro lado un trato despreocupado que denomina toda guerra con algunos
atributos de la esfera religiosa y toda guerra contra infieles una guerra santa
sin ocuparse de diferenciaciones.
Las cruzadas son un fenómeno histórico del que – dejando aparte la
cuestión si sólo las expediciones a Tierra Santa eran verdaderas cruzadas3 –
resulta relativamente fácil formarse un concepto. Se reconocen a primera vista
sus apariencias indispensables: la conexión con el concepto de peregrinación
por el voto del cruzado, por el otorgamiento de bordón y zurrón de romero y
la concesión de privilegios espirituales y mundanos en contrapartida. No hay
duda que la cruzada es generalmente aceptada como una especie de guerra
santa cristiana. Pero la guerra santa cristiana antes del surgimiento de la idea
de las cruzadas es una quimera. Sabemos dónde localizarla, encontramos sus
huellas acá y allá. Pero su figura es fugitiva y vaga. Al buscar pruebas de su
existencia discutimos sobre los criterios y métodos adecuados. Sobre todo la
concepción borrosa provoca la falta de contorno de este fenómeno. Lo enuncié
hace algunos años como punto central en una monografía sobre la
Reconquista y la guerra santa, y es preciso volver a decirlo4: la investigación
del contenido que los diversos historiadores ponen al término “guerra santa”
lleva a resultados muy diferentes. Entonces investigué en obras ejemplares de
miembros destacados de nuestra profesión el significado de “guerra santa”
que se muestra en el uso de este término y pude agrupar tendencias
irreconciliables una con otra. Una tendencia entiende por guerra santa una
expedición militar para la que la religión es la causa específica. Otra tendencia
pone el peso en la teoría de la “guerra justa” que supuestamente desde San
Agustín formaba la base para la doctrina cristiana de la guerra. Algunos
historiadores remiten al Antiguo Testamento y al concepto de la guerra de
Dios que entienden como la forma básica de la guerra santa cristiana. Otro
grupo de historiadores pone el peso en las cruzadas como expresión casi única
eleventh century. Certainly they were holy wars; just as certainly they were not
pilgrimages». Herbert E. J. COWDREY, « The Genesis of the Crusades : The Springs of Western
Ideas of Holy War », in Th. P. Murphy (ed.), The Holy War, Columbus, Ohio, 1976, p.16: «So,
in the eleventh century, the Church encouraged knights to take part in the Reconquest in
Spain by holy wars against the Muslims there».
3
La discusión sobre la cuestión si la liberación de Tierra Santa era el objetivo indispensable de
una verdadera cruzada sigue sin resultado. Véanse Jean FLORI, «De Barbastro à Jérusalem:
plaidoyer pour une redéfinition de la croisade», en Ph. Sénac (ed.), Aquitaine – Espagne. VIIIe-
XIIIe siècle (Civilisation médiévale, 12), Poitiers, 2001, pp.129-146, y I D ., «Pour une
redéfinition de la croisade», Cahiers de Civilisation médiévale, 47 (2004), pp.329-350.
4
Alexander P. BRONISCH, Reconquista und Heiliger Krieg. Die Deutung des Krieges im christlichen
Spanien von den Westgoten bis ins frühe 12. Jahrhundert (Spanische Forschungen der
Görresgesellschaft, 2a Serie, 35), Münster, 1998, pp.202-221. Una traducción española será
publicada en 2006 por la Universidad de Granada.
En busca de la guerra santa 93
5
GUIBERTUS DE NOUIGENTO, Historia quæ inscribitur Dei gesta per Francos (CCCM, 127A), ed. de
Robert B. C. Huygens, Turnhout, 1996, lib.I, cap.1, línea 64: « At quoniam in omnium animis
haec pia desivit intentio et habendi cunctorum pervasit corda libido, instituit nostro tempore prelia
sancta deus, ut ordo equestris et vulgus oberrans, qui vetustae paganitatis exemplo in mutuas
versabantur cedes, novum repperirent salutis promerendae genus, ut nec funditus, electa, uti fieri
assolet, monastica conversatione seu religiosa qualibet professione, seculum relinquere cogerentur, sed
sub consueta licentia et habitu ex suo ipsorum officio dei aliquatenus gratiam consequerentur» .
6
Roland Herbert BAINTON, «The Early Church and War», Harvard Theological Review, 39 (1946),
p.212; Frederick H. RUSSELL, The Just War in the Middle Ages (Cambridge Studies in Medieval
Life and Thought, Third Series, 8), Cambridge, 1975, pp.11 y ss.; Louis J. S WIFT, The Early
Fathers on War and Military Service (Message of the Fathers of the Church, 19), Wilmington,
1983, pp.57 y ss. Sobre San Agustín y el concepto de guerra véanse entre otros Juan Fernando
O RTEGA , «La paz y la guerra en el pensamiento agustiniano», Revista española de derecho
canónico, 20 (1965), pp.5-35; Louis J. SWIFT, «Augustine on War and Killing: Another View»,
Harvard Theological Review, 66 (1973), pp.369-383; Josef RIEF, "Bellum" im Denken und in den
Gedanken Augustins (Beiträge zur Friedensethik, 7), Barsbüttel, 1990.
7
Véase por ejemplo E. D. HEHL, Reseña de A. P. BRONISCH, Reconquista und Heiliger Krieg..., en
Deutsches Archiv für Erforschung des Mittelalters, 58 (2002), pp.437-439, en particular p.438:
«Vielleicht sollte man doch auf eine Definition des Heiligen Krieges an und für sich
verzichten und es bei den zeitgenössischen Erklärungsmodellen und ihren einzelnen
Elementen, wie B. sie herausgearbeitet hat, belassen».
8
Sobre esto, desde la perspectiva de la filosofía de la religión: C. COLPE , Über das Heilige.
Versuch, seiner Verkennung kritisch vorzubeugen, Frankfurt am Main, 1990, pp.59y ss., p.74.
94 Alexander Pierre Bronisch
9
Véase Helmut BEUMANN, «Kreuzzugsgedanke und Ostpolitik im hohen Mittelalter», en ID.
(ed.), Heidenmission und Kreuzzugsgedanke in der deutschen Ostpolitik des Mittelalters (Wege der
Forschung, 7), Darmstadt, 1963, p.121: «Auf der Frühstufe der Völker, im Zeitalter der vor-
und außerchristlichen Nationalreligionen, ist letzten Endes jeder Krieg heilig, da der nationale
Gott sein Volk zum Siege führt. Profaner und heiliger Krieg sind hier noch nicht
auseinandergetreten».
10
Patrick HENRIET, «L'idéologie de guerre sainte dans le haut Moyen Âge hispanique», Francia.
Forschungen zur westeuropäischen Geschichte, 29 (2002), p.220.
11
Achim A RBEITER , «Der Umbruch des 11. Jahrhunderts in der Christlichen Kunst der
Iberischen Halbinsel. Von regionalen Traditionen zu europäischen Zusammenhängen», en
J.Valdeón, K. Herbers y K. Rudolf (ed.), España y el "Sacro Imperio". Procesos de cambios,
influencias y acciones recíprocas en la época de la "europeización". Siglos XI-XIII (Historia y
Sociedad, 97), Valladolid, 2002, p. 394: «Was anderwärts, etwa im Reich der Ottonen und
Salier, in recht sanften Übergängen vonstatten geht, das geschieht hier mit einer Wucht, die
nur durch die Vokabel des Bruchs korrekt beschrieben ist».
En busca de la guerra santa 95
12
Carlos LALIENA CORBERA, «Guerra sagrada y poder real en Aragón y Navarra en el
transcurso del siglo XI», en Th. Deswarte y Ph. Sénac (ed.), Guerre, pouvoirs et idéologies dans
l'Espagne chrétienne aux alentours de l'an mil. Actes du Colloque international organisé par le Centre
d'Etudes Supérieures de Civilisation Médíevale Poitiers-Angoulême (26, 27 et 28 septembre 2002),
Turnhout, 2005, pp.99 y 107.
13
Ibid., p.109.
14
Ibid., pp.109 y ss.
15
En un artículo anterior, C. Laliena Corbera reconoce la vitalidad de esta cuestión
fundamental: «Pero la intensidad alcanzada por este fenómeno ideológico entre las elites
aristocráticas hispanas a mediados del siglo XI pertenece a otra dimensión distinta, y justifica
que se pueda discutir si se trata de la formación de una versión actualizada de la guerra
santa». Véase Carlos L ALIENA CORBERA , «¿Fue la campaña de Barbastro de 1064 una
“protocruzada”? Guerra santa y conquista feudal en la frontera del Ebro a mediados del siglo
XI», en L. García-Guijarro Ramos (ed.), La conquista de la ciudad soñada: Jerusalén. Segundas
Jornadas Internacionales sobre la Primera Cruzada, Facultad de Huesca, Universidad de Zaragoza,
(Huesca, 7-11 de septiembre de 1999), en prensa. Agradezco al autor su amabilidad al permitirme
la consulta de este trabajo antes de su publicación.
16
Justo PÉREZ DE URBEL, Sampiro, su crónica y la monarquía leonesa en el siglo X (CSIC, Estudios,
26), p.253.
96 Alexander Pierre Bronisch
17
Véase detallado en A. P. BRONISCH, Reconquista und Heiliger Krieg..., pp.159y ss.
18
Christophe PICARD, «Les mozarabes dans l'Occident ibérique (VIIIe-XIIe siècles)», Revue des
études islamiques, 51 (1983), pp.77-88, en particular p.82: «On doit aussi remarquer l'atonie
intellectuelle, sinon artistique, dans le même temps des groupes chrétiens, au moins dans la
région»; y p. 88: «Il faut ajouter que ce conservatisme religieux s'est accompagné d'une
grande passivité intellectuelle de la part des chrétiens; si l'on assiste à une vivification du
phénomène des pélerinages, rien n'est venu l'acompagner, à notre connaissance, en matière
d'études et d'écrits. En ce sens, la situation de l'Occident ibérique ne differe guère de celle qui
prévalait dans le reste de l'Andalus». Para los mozárabes de Córdoba véase por ejemplo la
valoración siguiente de Pedro Pablo HERRERA ROLDÁN , Cultura y lengua latinas entre los
mozárabes cordobeses del siglo IX, Córdoba, 1995, pp. 137 y ss.: «Por otra parte, ante los
numerosos influjos a que estaba expuesta, la cultura cristiana se había replegado sobre sí
misma antes que aceptar cualquier novedad sospechosa. La pervivencia de las formas
anteriores no puede ser, pues, más manifiesta, pero ese mismo hecho lleva a un completo
anquilosamiento y, perdida ya toda capacidad de iniciativa u originalidad, a su inevitable
reducción; sobre todo cuando enfrente empieza a despuntar la cultura árabe, mucho más
activa y atrayente. En la actividad de los círculos cultos cordobeses de mediados del s. IX,
En busca de la guerra santa 97
aunque muy intensa, son palpables ya los síntomas de la asficia: en su mayoría los textos de
nuestros mozárabes no saben ni quieren salir de ese mundo cerrado sobre sí mismo que
consiste en la lectura, meditación e interpretación de la tradición anterior. Es cierto que hay un
momento en que en la obra de Álvaro y la actitud vital de Eulogio es visible un tímido intento
por ampliar ese estrecho campo de intereses, pero ya resulta tardío e inútil».
19
Soledad de SILVA Y VERÁSTEGUI, Iconografía del siglo X en el reino de Pamplona-Nájera, Pamplona,
1984, p.412: «De todos modos, es evidente que estos manuscritos del siglo X, son copias de
otros más antiguos, lo más lógico, teniendo en cuenta los datos anteriores, es que los
miniaturistas hayan copiado también las ilustraciones o al menos se hayan inspirado en ellas.
Se deduce así la importancia de estos códices najerenses no sólo como últimos eslabones de
una arte que tuvo sus orígenes probablemente en la España visigoda sino también y
fundamentalmente como únicos testimonios del mismo».
20
María R. VALVERDE C ASTRO , Ideología, simbolismo y ejercicio del poder real en la monarquía
visigoda: un proceso de cambio (Acta Salmanticensia. Estudios Históricos y Geográficos, 110),
Salamanca, 2000. Alexandre P. BRONISCH, «Sakralkönigtum (Westgoten)», Reallexikon der
Germanischen Altertumskunde, Berlín-Nueva York, 26 (2004), pp. 247-251; y ID ., «Die
westgotische Reichsideologie und ihre Weiterentwicklung im Reich von Asturien», en F.-R.
Erkens (ed.), Das frühmittelalterliche Königtum. Ideelle und religiöse Grundlagen,
(Ergänzungsbände zum Reallexikon der Germanischen Altertumskunde, 49), Berlín-Nueva
98 Alexander Pierre Bronisch
York, 2005, pp.161-189. Respecto a la ideología imperial de los visigodos véanse también las
valoraciones perspicaces sobre los cánones de los concilios nacionales de Toledo en época
visigoda de Aloys SUNTRUP, Studien zur politischen Theologie im frühmittelalterlichen Okzident.
Die Aussage konziliarer Texte des gallischen und iberischen Raumes (Spanische Forschungen der
Görresgesellschaft. 2a Serie, 36), Münster, 2001.
21
III concilio de Toledo (589): «sanctissimus idem princeps. divino deinceps flamine plenus ».
Gonzalo MARTÍNEZ DÍEZ y Félix RODRÍGUEZ (ed.), La colección canónica hispana, 5, « Concilios
hispanos, segunda parte» (Monumenta Hispaniæ sacra. Serie canónica, 5), Madrid, 1992 (=
CCH), p.50, línea 13, y p.52, líneas 34-35; José VIVES GATELL , Tomás MARÍN MARTÍNEZ,
Gonzalo MARTÍNEZ DÍEZ, Concilios visigóticos e hispano-romanos (España Cristiana. Textos, 1),
Barcelona-Madrid, 1963, pp.107y ss.; Concilio de Zaragoza (592), Ibid., p.154.
22
Dietrich C LAUDE , Adel, Kirche und Königtum im Westgotenreich, Sigmaringen, 1971, pp.126 y
ss.; Epistolario de San Braulio (Anales de la Universidad Hispalense. Serie Filosofía y Letras,
31), ed. de Luis Riesco Terrero, Sevilla, 1975, n. 31 y. n. 32, líneas 15-16: «Adeo, si ista in Dei
voluntate ut confidimus persistunt, alia nos quam quod ipsi conplacet facere non debemus » ; ibid.,
líneas 27-29: «Ergo, beatissime vir, quia aliut quam quod Deo est placitum non credas me posse
facturum… »; n. 21, líneas11-13: «Oc quidem iam olim altissimo inspiramine et sacra meditatione
gloriosissimi et clementissimi filii vestri, principis nostri, Chintilanis regis insederat animis ». M. R.
Valverde Castro menciona tambíen el uso esporádico en diplomas regios de la formulación
nostrae gloria y el giro in Dei nomine como expresión de la posición del rey cerca a Dios: ID.,
«Simbología del poder en la monarquía visigoda», Studia Historica. Historia Antigua, 9 (1991),
p. 142, e ID., Ideología, simbolismo y ejercicio del poder..., p. 203. Véase Leges Visigothorum, ed. de
Karl Zeumer (Leges Nationum Germanicarum, I, MGHLL, t. I, 1), Hannover-Leipzig, 1902,
reimpr. Hannover, 1973, XII, 1, 3: Edita lex in confirmatione concilii Toleto sub die idus Nov. era
DCCXXI, anno quoque feliciter quarto regni glorie nostre, in Dei Nomine Toleto. Cfr. LV XII, 2, 17 y
XIII Concilio de Toledo (CCH, 6, p.224, líneas 105-106; Concilios visigóticos..., p.414). Más
ejemplos en las actas de los concilios toledanos en Joaquín MELLADO RODRÍGUEZ, Léxico de los
concilios visigóticos de Toledo, Córdoba, 1, 1990, p. 291.
En busca de la guerra santa 99
23
Wilhelm Levison (ed.), Sancti Iuliani Toletanae sedis episcopi historia Wambæ regis, en Jocelyn
Nigel Hillgarth (ed.), Sancti Iuliani Toletanae sedis episcopi opera, pars I (CCSL, 115), Turnhout,
1976, 2, líneas11-16: «Adfuit enim in diebus nostris clarissimus Wamba princeps, quem digne
principari Dominus voluit, quem sacerdotalis unctio declaravit, quem totius gentis et patriae
communio elegit, quem populorum amabilitas exquisivit, qui ante regni fastigium multorum
revelationibus celeberrime praedicitur regnaturus ». Abilio BARBERO DE AGUILERA y Marcelo VIGIL
P ASCUAL , La formación del feudalismo en la Península Ibérica, Barcelona, 1991, p.197; Suzanne
T EILLET, Des Goths à la nation gothique. Les origines de l'idée de nation en Occident du V e au VIIe
siècle, Paris, 1984, pp. 588 y ss.
24
VIII Concilio de Toledo (CCH, 5, pp. 367 y ss., líneas 27-32; Concilios visigóticos..., p.261):
«Etsi summus auctor rerum me divae memoriae domni et genitoris mei temporibus in regni sede
subvexit atque ipsius gloriae participem fecit, nunc tamen, cum ipse requiem aeternarum adeptus est
mansionum, ea quae in me totius regiminis transfusa iura relinquit, ex toto divina mihi potentia
subiugavit ». M. R. VALVERDE CASTRO, Ideología, simbolismo y ejercicio del poder…, p. 210.
25
XII Concilio de Toledo (CCH, 6, p. 154, líneas 235-237; Concilios visigóticos..., p. 387):
«[Ervigium] quem et divinum iudicium in regno praeelegit et decessor princeps successurum sibi
instituit et – quod super est – quem totius populi amabilitas exquisivit ». El que se subraye el
consentimiento del pueblo se debería a la situación especial, la renuncia al trono de Wamba, y
tendría por objeto evitar la sospecha de que Ervigio se había arrogado el trono.
26
Paul David KING, Law and Society in the Visigothic Kingdom (Cambridge Studies in Medieval
Life and Thought. Third Series, 5), Cambridge, 1972, p. 47; M. R. V ALVERDE CASTRO,
«Simbología del poder en la monarquía visigoda...», p.142, habla del «carácter casi sagrado
de su persona, que le viene dado por ser el agente de Dios en la tierra». Lo mismo ha sido
subrayado por P. C. DÍAZ y M. R. VALVERDE CASTRO, «The Theoretical Strength and Practical
Weakness of the Visigothic Monarchy of Toledo», en F. Theuws y J. L. Nelson (ed.), Rituals of
Power. From Late Antiquity to the Early Middle Ages (The Transformation of the Roman World,
8), Boston-Colonia-Leiden, 2000, p. 79: «[…] the almost divine position reached by the
monarch, based on theocratic postulates legitimating temporal power». XVI Concilio de
Toledo (693), canon 9; Concilios visigóticos..., p.507: «bonum est post Deum regibus, utpote iure
vicario ab eo praeelectis, fidem promissam […] servare ».
27
SAN ISIDORO D E SEVILLA , Las historias de los Godos, Vándalos y Suevos de Isidoro de Sevilla.
Estudio, edición crítica y traducción (Fuentes y Estudios de Historia Leonesa, 13), ed. de
100 Alexander Pierre Bronisch
España como tierra prometida de los godos que la conquistan después de años
de migración28.
La equiparación de los godos con el pueblo de Dios llegó a la perfección en
la Historia Wambae. Wamba es descrito con elementos estilísticos del género de
las vidas de los santos como un rey santo29 y se pone por algunos detalles y
coincidencias en paralelo con el rey bíblico Saúl30. Así se retrata al rey godo
como un rey y sacerdote antiguotestamtentario y conforme a eso al ejército
godo como el pueblo de Israel31. Correspondiendo con este concepto, la mayor
Cristóbal Rodríguez Alonso, León, 1975, De origine Gothorum, 1: «Gothorum antiquissimam esse
gentem, quorum originem quidam de Magog Iafeth filio suspicantur a similitudine ultimae syllabae; et
magis de Ezechiele propheta id colligentes. Retro autem eruditi eos magis Getas quam Gog et Magog
appellare consueverunt. 661-3: Gothi de Magog Iapheth filio orti cum Scythis una probantur origine
sati, unde nec longe a vocabulo discrepant. Demutata enim ac detracta littera Getae quasi Scythae sunt
nuncupati ». Véase también SAN ISIDORO DE SEVILLA, Etimologías. Edición bilingüe. Texto latino,
versión española y notas (Biblioteca de Autores Cristianos, 433 y 434), ed. de J. Oroz Reta y M.-
A. Marcos Casquero, Madrid, 2 vol., 1993-94, IX, 2.27 y IX, 2.89, t.I, pp.745 y 757; IVX, 3.31,
t.II, pp. 173 y s.; Cf. Gen. 9, 18 y 10, 2. S. TEILLET, Des Goths à la nation gothique…, p. 490:
«L' Historia Gothorum apparait alors comme l'épopée à la fois antique et biblique de la gens
Gothorum, brièvement résumée de nouveau à la fin de l'ouvrage».
28
ISIDORUS HISPALENSIS, «De laude Spaniae », pp. 168 y ss.; Crónica del moro Rasis romanzada para
el rey don Dionís de Portugal hacia 1300 por Mahomad, Alarife, y Gil Pérez, clérigo de don perianes
porçel (Fuentes cronísticas de la Historia de España, 3), ed. de Diego Catalán y M. S. de
Andrés, Madrid, 1975, p. 30: «[…] es claro que, en la España de Sisebuto y Suíntila, ese
“provincialismo” sólo podía entenderse al servicio de la exaltación de una gens, la nación
goda, que, según el modelo judaico, había encontrado en Hispania su tierra de promisión».
Véase la discusión detallada en A. P. BRONISCH, Reconquista und Heiliger Krieg..., pp. 49 y ss.
Véase también Ana María JIMÉNEZ G ARNICA , «Los judíos en el reino de Tolosa entre la
tolerancia y el proselitismo arriano», Espacio, Tiempo y Forma, Serie II. Historia Antigua, 6
(1993), pp.574y ss., quien atribuye a los visigodos ya en época arriana una conciencia especial
israelítica. Compara a los godos arrianos y los judios contemporáneos y declara: «Les unía
igualmente la convicción de ser, cada uno por separado, pueblos elegidos, los únicos
profesadores de la verdadera religión y, por ello, perseguidos y dispersados. La obra del
obispo arriano Maximino apoyaba este pensamiento. Además, ambas comunidades tenían en
su historia un período migratorio de cuarenta años llenos de esfuerzos, penalidades y batallas
tras los cuales los judíos habían conseguido en el pasado la Tierra Prometida y los visigodos
habían recibido Aquitania».
29
S. TEILLET , Des goths à la nation gothique…, p. 603: «Wamba apparaît à son tour, dans son
Historia, comme le type du “roi saint” et légitimement par Dieu, face au démon de la tyrannie:
il est le religiosus princeps […]. Le vocabulaire et le style en sont bien souvent ceux du genre de
la Vita. Wamba nous est présenté comme un personnage d'hagiographie, selon une formule
d'introduction du genre: “ Adfuit enim in diebus nostris clarissimus Wamba princeps”».
30
Ibid., pp. 418 y ss., 599 y ss.; Gregorio G ARCÍA HERRERO, «Julián de Toledo y la realeza
visigoda», en A. González Blanco, F. J. Fernández Nieto y J. Remesal Rodríguez (ed.), Arte,
sociedad, economía y religión durante el bajo imperio y la antigüedad tardía. Homenaje al profesor Dr.
D. José María Blazquez Martínez al cumplir 65 años (Antigüedad y Cristianismo. Monografías
históricas sobre la Antigüedad tardía, 8), Murcia, 1991, pp. 228 y ss.
31
D. CLAUDE, Adel, Kirche und Königtum..., pp. 158-159; S. TEILLET, Des goths à la nation gothique...,
pp. 507 y ss., 555 y ss., 585 y ss., 599 y ss., 603, 614 y ss.; A. P. BRONISCH, Reconquista und
Heiliger Krieg..., pp. 57 y ss.; G. GARCÍA HERRERO, «Julián de Toledo y la realeza visigoda...»,
En busca de la guerra santa 101
p. 240: «El pueblo hispanogodo se concibe así a la manera, metafórica tal vez pero de
significado rico e importante, de un nuevo pueblo elegido».
32
«Iudicium in tyrannorum perfidia promulgatum », en J. Nigel Hillgarth (ed.), Sancti Iuliani
Toletanae sedis episcopi opera, pars I, 2, líneas 42 y ss.: «Post haec, quod nefas est dici, regnum
contra voluntatem Dei arripuit et populos in hac nefaria electione sibimet iurare coegi ». 6 Z. 130 y ss.:
«Ego tamen diaboli instinctu provocatus id feci ». D. CLAUDE, Adel, Kirche und Königtum..., p.161:
«En el relato de Julián aparece la expedición de Wamba contra Paulus como una lucha entre
el bien y el mal, actuando el rey como instrumento de Dios, el usurpador como aliado del
diablo». G. GARCÍA HERRERO, «Julián de Toledo y la realeza visigoda...», pp. 223 y s., p. 221:
« Peccatum, peccare, peccator… etc. son términos que podemos encontrar unas 360 veces en las
obras del obispo toledano, en las que apenas es posible encontrar otro sentido que el de ofensa
directa a Dios. Y precisamente en este sentido encontramos el término utilizado una vez más
en la Historia Wambæ : “Ay, hemos pecado contra el cielo y contra ti sacratísimo príncipe…”,
equiparando el pecado de rebelión contra el ungido del Señor a una falta cometida
directamente contra el cielo». Véase IULIANUS TOLETANUS , Historia Wambæ regis..., 21,
líneas559-560 : « Heu! peccavimus in caelum et coram te, sacratissime princeps ».
33
IULIANUS TOLETANUS, Historia Wambæ regis..., 10, líneas 242-253; Cf. 1 Sam. 2,12-4,18. Ideas
parecidas existieron entre los ostrogodos en el siglo VI. No se puede excluir por consiguiente
que Julián de Toledo se refiriera a ideas antiguas arraigadas en la época arriana incluyéndolas
en el contexto antiguotestamentario. Véase A. GOLTZ, «Sakralkönigtum, §14 Ostgoten»,
Reallexikon der Germanischen Altertumskunde, Berlin-Nueva York, 2a ed., 2004, 26, p. 245.
34
IULIANUS TOLETANUS, Historia Wambæ regis..., 10, líneas 243-247: «Ecce! iam iudicium imminet
belli et libet animam fornicari? Et credo, ad examen pugnae acceditis ». Juliani Toletani episcopi vita
seu elogium auctore Felice Toletano etiam episcopo (PL, 96, col. 450).
35
Concilios visigóticos..., p. 218, y CCH, 5, IV Concilio de Toledo (633), canon 75, p. 250, líneas 117-
121: «Inde est quod multa regna terrarum caelestis iracundia ita permutavit ut per inpietatem fidei et
morum alterum ab altero solveretur. Unde et nos cavere oportet casum huiusmodi gentium ne similiter
plaga feriamur praecipiti et poena puniamur crudeli ».
102 Alexander Pierre Bronisch
36
Le Liber Ordinum en usage dans l'église wisigothique et mozarabe d'Espagne du cinquième au onzième
siècle (Monumenta Ecclesiæ Liturgica, 5), ed. de Marius Férotin, Paris, 1904, col. 150-155. Para
esto véase en detalle A. P. BRONISCH, Reconquista und Heiliger Krieg..., pp. 66 y ss.; Cf. Gregorio
GARCÍA HERRERO, «El reino visigodo en la concepción de Julián de Toledo», en A. González
Blanco, E. Conde Guerri, M. Molina Martos y R. González Fernández (ed.), Lengua e Historia.
Homenaje al profesor Dr. D. Antonio Yelo Templado al cumplir 65 años (Antigüedad y
Cristianismo. Monografías históricas sobre la Antigüedad tardía, 12), Murcia, 1995, p. 407:
«No obstante, hemos de apuntar que, con las obras de Julián, nos hallamos ante un paso más
en la interpretación literal de las ideas de Gregorio Magno e Isidoro de Sevilla a propósito de
los deberes del monarca respecto de unos súbditos, contemplados, no sólo ya como cuerpo
místico de Cristo, sino también como sustitutos excluyentes del pueblo elegido de la
Escritura». Sin embargo, el auor vacila en sacar la conclusión definitiva: «¿Considera Julián
al pueblo hispanogodo el abanderado de ese pueblo de Dios? Y dijimos que no llega a ese
extremo de forma explícita» (ibid., p. 414). Julían no dice explícitamente que los godos sean el
nuevo pueblo de Dios, pero en todo su lenguaje simbólico no deja duda sobre este asunto,
sobre todo si se le compara con sus predecessores ideológicos Juan de Biclaro y Isidoro de
Sevilla. En la mente de Julián, puede ser que otros pueblos junto con sus reyes tengan por su
religión cristiana la potencia de ser también pueblo de Dios. Pero la denominación
sorprendente en la Historia Wambæ regis de los francos aliados con el usurpador Paulus como
bárbaros demuestra que dentro de los conceptos de Julián estaban muy lejos de este estatus.
Es arbitraria la interpretación de G. García Herrero de la denominación barbarus como simple
sinónimo arcaizante para externa gens (ibid., p. 398, en contra de la opinión de S. TEILLET, Des
goths à la nation gothique..., p. 558), cuanto más ya que Julián era sin duda consciente del
significado peyorativo de la palabra y denominaba como bárbaros a aquellos que se habían
aliado con el usurpador perjuro Paulus y con la provincia renegada de Gallia. Obviamente,
García Herrero se distanció en este punto de su opinión originaria y – en mi opinión –
correcta. Cf. «Julián de Toledo y la realeza visigoda...», p. 239: «Aparece así constituido
como un nuevo pueblo elegido. Un pueblo que ocupa el centro de un mundo en el que los
demás regna (de los que se ocupa poco nuestro autor, exepción hecha de los merovingios) son
considerados por oposición al propio, en una concepción que deja tralucir el uso del término
barbarus».
37
Alexander P. BRONISCH, «Convergencias y diferencias entre reyes visigodos y alta clerecía: el
caso de la política judiega», en P. Henriet (ed.), Sacralité royales en péninsule Ibérique: formes,
En busca de la guerra santa 103
limites, modalités (1). Auxerre, 26-27 septembre 2003, en prensa. Véase también I D ., D i e
Judengesetzgebung im katholischen Westgotenreich von Toledo (Forschungen zur Geschichte der
Juden, Abteilung A 17), Hannover, 2005, pp. 145 y ss.
38
P. C. DÍAZy M. R. VALVERDE CASTRO, «The Theoretical Strength and Practical Weakness…»,
p. 81: «The contradiction between those positions was nothing but the reflection of the
paradoxical attitude of the Church with regard to the monarchy».
39
III Concilio de Mérida (666), Concilios visigóticos..., p. 327: «Ob hoc ergo instituit sanctum
concilium, ut quandoque eum causa progredi fecerit contra suos hostes, unusquisque nostrum in
ecclesia sua hunc teneat ordinem, ita ut omnibus diebus per bonam dispositionem sacrificium
omnipotenti Deo pro eius suorumque fidelium atque exercitus sui salute offeratur, et divinae virtutis
auxilium impetretur, ut salus cunctis a Domino tribuatur, et victoria illi ab omnipotenti Deo
concedatur. Tamdiu hic ordo tenendus est quamdiu cum divino iuvamine ad suam redeat sedem.
Quisquis huius institutionis modum implere distulerit, sciat se a suo metropolitano esse
excomunicandum. »
40
Un breve resumen del estado de la investigación de las crónicas asturianas en A. P. BRONISCH,
Reconquista und Heiliger Krieg..., pp. 124 y ss.
41
La cuestión de la fecha de origen del relato de Covadonga, de sus diversas redacciones y de la
filiación de las crónicas asturianas no se puede tratar aquí. Véase para esto detalladamente A.
P. BRONISCH, Reconquista und Heiliger Krieg..., pp. 124-139, 225 y ss. y 371 y ss. Las primeras
reacciones a mis tesis sobre el relato de Covadonga se encuentran en Klaus HERBERS,
«Covadonga, Poitiers und Roncesvalles. Das Abendland und sein islamisches Feindbild?»,
en R. C. Meier-Walser y B. Rill (ed.), Der europäische Gedanke. Hintergrund und Finalität,
Múnich, 2001, pp. 101 y ss.; P. HENRIET, «L'idéologie de guerre sainte...», pp.190 y ss., 214 y
ss.; Véase también Alexander P. B RONISCH , «Reconquista und Heiliger Krieg. Eine kurze
Entgegnung auf eine Kritik von Patrick Henriet», Francia. Forschungen zur westeuropäischen
Geschichte, 31 (2004), pp. 199-206. Un problema fundamental para la interpretación del relato
de Covadonga es la opinión didáctica del “neovisigotismo”. Según esta tesis se interpretan las
tradiciones visigóticas en la crónica de AlfonsoIII como un reanudamiento tardío y artificial
para la legitimación del imperio real asturiano y de sus intentos de expansión territorial.
104 Alexander Pierre Bronisch
Aceptar una datación temprana del relato de Covadonga significa como poco reducir el peso
de la tesis del neovisigotismo. Los defensores del neovisigotismo se basan hasta ahora en las
tesis de A. Barbero y M. Vigil que formularon en los años setenta como reacción a la tesis de
continuidad orgánica hasta entonces preeminente y fomentada politicamente (Abilio BARBERO
DE AGUILERA, Marcelo V IGIL PASCUAL, Sobre los orígenes sociales de la Reconquista, Barcelona,
1974; I D ., La formación del feudalismo...). Últimamente y respaldada por resultados
arqueológicos se vuelve a reconocer cada vez más la continuidad – más o menos intensa –
entre los reinos visigodo y asturiano. Los protagonistas son entre otros Julia Montenegro y
Arcadio del Castillo, Juan Ignacio Ruiz de la Peña y Amando Besga Marroquín. La discusión
está caracterizada por dos fenómenos: los defensores del neovisigotismo muchas veces no
toman en cuenta nuevos argumentos o los pasan sin más a la orden del día mientras entre los
defensores de la tesis de continuidad se nota de vez en cuando un tono acerbo y airado en
demasía. Para la discusión véanse por ejemplo algunas contribuciones y protocolos de
discusión en La época de la monarquía asturiana. Actas del simposio celebrado en Covadonga (8-10 de
octubre de 2001), Oviedo, 2002.
42
Chroniques asturiennes (fin IXe siècle), ed. de Yves Bonnaz, Paris, 1987; Crónicas asturianas.
Introducción, edición crítica y traducción (Universidad de Oviedo. Publicaciones del
Departamento de Historia Medieval, 11), ed. de Juan Gil Fernández, José L. Moralejo y Juan I.
Ruiz de la Peña, Oviedo, 1985; Jan PRELOG, Die Chronik Alfons'III. Untersuchung und kritische
Edition (Europäische Hochschulschriften. Reihe III, 134), Frankfurt am Main, 1980. Aquí se cita
según la edición de Y. Bonnaz; Redacción Rotense, cap. 4, pp. 35 y s.: «Et quia reges et
sacerdotes Domino deliquerunt, ita cuncta agmina Spaniae perierunt ».
43
Redacción Rotense, cap. 5, 2; cf. redacción Ovetense, cap. 5: «Sacerdotum vero vel suorum
peccatorum mole opressi… ».
44
Redacción Rotense, cap. 5, 2: «Et quia dereliquerunt Dominum non servirent ei in iustitia et
veritate, derelicti sunt a Domino ne habitarent terram desiderabilem ». Cf. Crónica Profética, cap. 5:
«Et quia dereliquerunt praecepta Domini et sacrorum canonum instituta, dereliquit illos Dominus ne
possiderent desiderabilem terram ».
45
Redacciones Rotense y Ovetense, cap. 6, 1. Sobre la cantidad de las diversas denominaciones
para los conquistadores – caldeos, sarracenos, árabes, ismaelitas y paganos – véase A. P.
BRONISCH, Reconquista und Heiliger Krieg..., p. 134.
En busca de la guerra santa 105
46
Ibid., pp. 245 y ss.
47
Redacción Rotense, cap. 6, 4: «Iam denique, tunc, reddita est pax terris, et quantum crescebat Christi
nominis dignitas, tantum tabescebat Chaldaeorum ludibriosa calamitas ».
48
Jean FLORI, La guerre sainte. La formation de l'idée de croisade dans l'Occident chrétien, Paris, 2001,
p. 268: «L'argumentation de saint Augustin porte donc avant tout sur le principe d'autorité,
qui vient de Dieu. Or, Dieu n'a pas écarté l'usage de la guerre. Il l'a même jadis ordonnée. Les
guerres de l'Éternel, menées sur son ordre, étaient saintes, nul ne peut en douter. Et si Dieu ne
parle plus aujourd'hui directement à Moïse, ou par les prophètes, il a cependant laissé des
instructions et des exemples pour guider son peuple. Ces exemples permettent à saint
Augustin de justifier les opérations militaires entreprises par un pouvoir impérial laïque, mais
néanmoins chrétien. La guerre sainte, dans son argumentation, est évidemment première,
fondamentale, irréfutable. La guerre juste est seulement pour lui une concession faite au
pouvoir laïque, en l'absence d’ordres directs de Dieu, puisque l'époque de la théocratie a
disparu pour laisser la place au “temps de l'Église”. La guerre juste dérive de la notion de
guerre sainte, et non pas l'inverse». ID., Guerre sainte, jihad, croisade. Violence et religion dans le
christianisme et l'islam, Paris, 2002, pp. 45 y ss.: «La guerre que mène le “gouvernement civil”
est juste parce que l'autorité qu'il représente vient de Dieu, et qu'il remplit ainsi sa fonction
d'ordre et de justice sur cette terre. Mais l'empereur n'a pas l'autorité en lui-même; elle lui est
seulement déléguée par Dieu. Seul l'ordre direct et indiscutable de Dieu sacraliserait
pleinement une guerre, comme dans le cas des “guerres de l'Éternel” des temps bibliques. La
guerre ordonnée directement par Dieu, en effet, ne peut être que sainte. Celle que proclament
les autorités légales peut seulement atteindre un certain degré de légitimité: elle est juste si
elle sert la justice. La guerre sainte, ainsi, précède la guerre juste, chronologiquement et
logiquement. Elle résulte de la sainteté de Dieu, qui seul peut en donner l'ordre directement,
car Lui seul discerne parfaitement le Bien et le Mal. Mais à l'époque d'Augustin, malgré la
menace barbare, cet ordre direct de Dieu fait défaut sur terre: la théocratie d'Israël n'existe
plus, les prophètes ont disparu, la Révélation est close».
49
Sancti Aureli Augustini Quaestionum in Heptateuchum libri VII. Locutionum in Heptateuchum libri
VII. De octo quaestionibus ex Veteri Testamento (CCSL, 33), ed. de Johannes Fraipont, Turnhout,
1958; Queast. in Hept. lib. VI: Quaest. Iesu nave, X, líneas 262-266: «Sed etiam hoc genus belli
sine dubitatione iustum est, quod deus imperat, apud quem non est iniquitas et novit quid cuique fieri
106 Alexander Pierre Bronisch
debeat. In quo bello ductor exercitus vel ipse populus non tam auctor belli quem minister iudicandus
est ».
50
Para la iunctura bellum Deo auctore véase Sancti Aureli Augustini De civitate Dei libri I-X (CCSL,
47), ed. de Bernard Dombart y Alphons Kalb, Turnhout, 1955, I, 21, líneas 5-7: «Et ideo
nequaquam contra hoc praeceptum fecerunt, quo dictum est: "Non occides", qui Deo auctore bella
gesserunt».
51
J. FLORI, La guerre sainte…, p. 252.
52
Ibid., p. 272: «La guerre sainte se caractérise aussi, et peut-être surtout, par les récompenses
spirituelles accordées aux combattants. Seule l'Église, dans ce cas, pouvait les promettre, ce
qui valorise plus encore le rôle de la papauté, par ailleurs impliquée pour des raisons
matérielles, dans la reconquête chrétienne en Espagne comme dans d'autres régions
occidentales occupées par les Arabes. C'est donc vers ces régions qu'il convient de chercher la
meilleure expression de la guerre sainte avant la croisade proprement dite, qui fait intervenir
des caractères nouveaux par sa destination propre».
53
Davis S. BACHRACH, Religion and the Conduct of War, c. 300-c. 1215, Rochester, 2003, pp. 32-63.
54
A. P. BRONISCH, Reconquista und Heiliger Krieg..., pp. 135-139.
En busca de la guerra santa 107
55
I b i d ., pp. 368 y ss.; Cf. H. B EUMANN , «Kreuzzugsgedanke und Ostpolitik im hohen
Mittelalter...», p. 122: (sobre la guerra contra paganos) «Der Kampf des Kriegers ist profan
wie bei jedem anderen Krieg, lediglich in der Person des Herrschers fließen Krieg und
Mission zu einem einheitlichen Begriff zusammen: sein Ziel ist die Erweiterung des
universalen christlichen Weltreiches, die Verbreitung der pax Christiana».
56
Véase por ejemplo Manuel Cecilio DÍAZ Y DÍAZ, «San Agustín en la alta Edad Media española
a través de sus manuscritos», Augustinus, 13 (1968), pp. 141-151, y ID., «La transmisión de los
textos antiguos en la Península Ibérica en los siglos VII-XI», en La Cultura Antica nell'Occidente
Latino dal VII al'XI secolo (Settimane di Studio del Centro Italiano di Studi sull'Alto Medioevo,
22), Spoleto, 1975, pp. 133-178; Claudio SÁNCHEZ-ALBORNOZ, «Notas sobre los libros leídos
en el reino de León hace mil años», Cuadernos de Historia de España, 1-2 (1944), pp. 223-238;
Johannes DIVJAK , «La présence de saint Augustin en Espagne», en Actas del coloquio sobre
circulación de códices y escritos entre Europa y la Península en los siglos VIII-XIII, Santiago de
Compostela, 1988, pp. 9-34.
57
Véase por ejemplo el giro « facere ultionem de inimicis» (cf. Sab 5, 18-19) en San Agustín y en las
fuentes visigodas y asturleonesas. Para el uso en San Agustín véase Frederick H. RUSSELL,
«Love and Hate in Medieval Warfare: The Contribution of Saint Augustine», Nottingham
Medieval Studies, 31 (1987), pp. 111 y ss., y Juan R. E. BLIESE, «The Just War as Concept and
Motive in the Central Middle Ages», Medievalia et Humanistica, 17 (1991), pp. 11 y ss.; para el
uso en las fuentes ibéricas véanse Vitas sanctorum patrum emeretensium (CCSL, 116), ed. de
Antonio Maya Sánchez, Turnhout, 1992, lib.V, cap.XII: 21-24, p. 93: «Post hec igitur, nulla
mora intercurrente, sublimis atque omnipotens Deus hostibus suos superno bracchio repugnans,
precibus excellentissimi Reccaredi principis sanguinem innocuum ulciscens rumpheali iudicio protinus
de inimicis mirificam fecit ultionem »; Le Liber Ordinum..., col. 152, 17-19: « Accipe de manu
Domini pro galea iudicium certum, et armetur creatura ad ultionem inimicorum tuorum » ; Crónica de
Albelda, cap. 47, 6, p. 27: «Clarus in Astures, fortis in Vascones, Ulciscens Arabes et protegens
cives ». Crónica Profética, cap. 8, p. 9: «expectabitur ultio inimicorum advenire et salus
christianorum adesse ». Crónica de Sampiro, cap. 30, p. 172: «Rex celestis memorans misericordie
sue, ultionem fecit de inimicis suis: morte quidem subitanea et gladio ipsa gens agarenorum cepit
interire, et ad nichilum cotidie pervenire ».
108 Alexander Pierre Bronisch
58
PSEUDO-AUGUSTINUS, Epistola13 (PL,33), col.1098: «Gravi de pugna conquereris: dubites nolo,
utile tibi tuisque dabo consilium: arripe manibus arma; oratio aures pulset Auctoris: quia quando
pugnatur, Deus apertis caelis prospectat, et partem quem inspicit iustam, ibi dat palmam ».
59
C. LALIENA CORBERA, «Guerra sagrada y poder real en Aragón y Navarra...», p. 100 y nota
13.
60
Ildefonso RODRÍGUEZ R. DE LAMA, Colección diplomática medieval de la Rioja. 923-1168 (Biblioteca
de Temas Riojanos, 22), 2.ª edición revisada y aumentada por Eliseo Sáinz Ripa y Ciriaco
López de Silanes, Logroño, 1992, n. 7 (03.03.1046, Calahorra).
En busca de la guerra santa 109
61
Redacciónes Ovetense y Rotense, cap. 5, 2.
62
C. LALIENA CORBERA, «Guerra sagrada y poder real en Aragón y Navarra...», pp. 110 y ss.;
Antonio DURÁN GUDIOL, Colección diplomática de la Catedral de Huesca, Zaragoza, 1965, 1, n. 30
(05.04.1097): «Tandem vero miserantis omnipotens Dei inffabilis bonitas, velut quondam israelitice
illius gentis in Egipto laborantis, gemitum respiciens nostrum, deprimens grave pepulit iugum et quod
dominabatur subiegit imperium ».
63
C. LALIENA CORBERA, «Guerra sagrada y poder real en Aragón y Navarra...», p. 112.
64
Antonio UBIETO ARTETA, Colección diplomática de PedroI de Aragón y Navarra, Zaragoza, 1951, n.
117 (12.1102), citado de C. LALIENA CORBERA , «Guerra sagrada y poder real en Aragón y
Navarra...», p. 111, n. 52: «Universis miserationibus Domini multiplices gratiarum debemus
actiones, qui nostris temporibus, collata celitus victoria, dedit nobis facultatem adiutandi suam sanctam
ecclesiam… ». Clemens BLUME , Hymnodia gotica. Die Mozarabischen Hymnen des alt-spanischen
Ritus (Analecta Hymnica Medii Aevi, 27), Leipzig, 1897 (reimpr. Nueva York-Londres, 1961),
n. 195, In Profectione exercitus, versos 4 y 5; verso 15: « Victricem tribue, Christe, de hostibus/
Palmam christicolis caelitus regibus ». Véase también Le Liber ordinum..., Item orationes de regressu
regis, col. 154, líneas 8-9: «Ita nunc presit populis, ut coronetur post transitum cum electis »; Ordo
missæ votive de rege, col. 295, línea 38-col. 296, línea 6: «tantoque moderamine temporalis regni
gubernacula teneat, ut per ministerium regni presentis sempiternam felicitatem et gloriam regni celestis
adquirat. Quatenus regnum eius, tam sit stabile semper, ut numquam decidat, sed ad melius
transferatur: ut, qui nunc inter homines sublimitatem possidet culminis gloriosi, post longam
temporum seriem, de regno terreno ad celeste transeat regnum, atque inter sanctos perenniter regnet, et
ymnum debite laudationis tibi cum eis sine cessatione decantet ».
65
Cebrià BARAUT , «Els documents, dels anys 1036-1050, de l'Arxiu Capitular de la Seu
d'Urgell», Urgellia, 5 (1982), p. 138, n. 615 (04.04.1048).
110 Alexander Pierre Bronisch
66
A. P. BRONISCH, Reconquista und Heiliger Krieg..., pp. 135-139.
67
Véase por ejemplo en el IV Concilio de Toledo (633) el canón 75, p. 221: «Protegat illum usque
ad ultimam senectutem summi Dei gratia, et post praesentis regni gloriam ad aeternum regnum
transeat, et sine fine regnet qui intra seculum fideliter imperat ». Véase también Le Liber ordinum...,
Item orationes de regressu regis, col. 154, líneas 8 y ss.: «Ita nunc presit populis, ut coronetur post
transitum cum electis »; Ordo missæ votive de rege, col. 295, línea 38-col. 296, línea 6.
68
Antonio FLORIANO CUMBREÑO, Diplomática española del período astur, Oviedo, 1, 1949, p. 122, n.
24 (16.11.812), líneas 25-29: «( …) et victrici manu contra adversarios fidei victores efficias, clementie
tue dono ita iustifices ut cuncti, qui hic operantes ad recuperacionem domus tue obedientes extiterunt
suorum omnium abolitione excipiant peccatorum (…) et futuro in seculo feliciores cum angelis celestia
regna possideant».
69
Redacciones Rotense y Ovetense, cap. 16, 3.
70
Crónica de Albelda, cap. 47, 6.
71
Thomas DESWARTE, De la destruction à la restauration. L'idéologie dans le royaume d'Oviedo-Léon.
VIIIe-XIe siècles (Cultural Encounters in Late Antiquity and the Middle Ages, 3), Turnhout,
2003, pp. 30 y 33: «En ce sens, “l'histoire de cette époque” est bien, pour reprendre les termes
de la Translation de saint Isidore, “lugubre”, car “tout le peuple des Goths, par un jugement
occulte de Dieu, fut livré pour être frappé par le glaive gentil”».
72
Historia Silense (Textos latinos de la Edad Media española. Sección primera. Crónicas, 2), ed.
de Francisco Santos Coco, Madrid, 1921, p. 93; véase también PL, 81, col.47.
73
Ibid.: «Sed quia praefatus rex neglecta religione divina vitiorum se dominio mancipaverat protinus in
fugam versus et omnis exercitus fere ad internitionem usque gladio deletus est. »
En busca de la guerra santa 111
incarnatione Domini nostri Iesu Christi» 74. Esto es otro detalle que se sale de lo
normal porque en la parte cristiana de la Península Ibérica la datación según el
sistema de la era siguió generalmente vigente hasta el siglo XIV, en parte
incluso hasta el siglo XV75. Por esta razón y por coincidencias estilísticas con
otro relato de traslación de reliquias de mano de un monje cluniacense
llamado Hebrelmus, los padres bolandistas supusieron que también la
Translatio Isidori fuera obra del mismo autor76. Esto podría explicar la
discrepancia con el modelo tradicional del ocaso del reino visigodo77. Llama
también la atención que el canónigo que elaboró a finales del siglo XII la
Translatio Isidori amplió el texto con la mención hasta entonces ausente de la
perversidad del rey Witiza añadiendo además a la datación incarnatione
Domini la datación según la era y mejorando el texto por el cambio de la
formulación occulto Dei iudicio en el giro correcto y lógico «iusto Dei iudicio »78.
El escriba del primer relato de traslación era según las apariencias un testigo
74
Ibid., col. 43: «Reliquie vero beati confessoris ab hyspalensi urbe translata atque Legionem sunt
delata; Anno ab incarnatjone domini nostri Ihesu Christi I. LX. III ». Nota del editor: « Era I. C. I.:
Atravesada al margen esta última cláusula de la era, como subsanando un olvido» . Cf. PL, 81,
col. 50, aquí sin la indicación de la nota marginal.
75
Santos GARCÍA LARRAGUETA , « Historische Chronologie II.(3) Spanien», en Lexikon des
Mittelalters, 2, Múnich, 2002, col. 2042. Para la datación según el sistema de la era en los
diplomas de AlfonsoVI, véase también Andrés GAMBRA, AlfonsoVI. Cancillería, curia e imperio,
1, « Estudio» (Fuentes y Estudios de Historia Leonesa, 62), León, 1967, pp. 262-272. Véanse las
dataciones de los diplomas de FernandoI en Pilar BLANCO LOZANO, Colección diplomática de
FernandoI (1037-1065), León, 1987. Para la datación en fuentes epigráficas véase Mário Jorge
BARROCA, Epigrafía medieval portuguesa. 862-1422 (Textos universitários de ciências sociais e
humanas), Lisboa, 2000, 1, pp. 207 y ss.
76
Acta Sanctorum, Appendix para el 4 de abril, p. 891; en las pp. 891-892, otra edición de las
actas de la Traslación. Cf. PL, 81, col. 45 y s. Es igualmente raro que el autor de las Actas de la
Traslación declare que la fiesta de la dedicación de la iglesia y de la traslación del santo tuvo
lugar en el décimo día ante las calendas de enero (23 de diciembre), mientras consta que ya
entonces tuvieron lugar el duodécimo día ante las calendas (21 de diciembre). Historia
Silense..., p. 98: «hodieque X° kalendarum ianuarii dies dedicatjonis ecclesiae, et translatjonis beati
antistitis festive annuatim celebratur ». Acta Sanctorum, Appendix para el 4 de abril, p. 892; PL,
81, col. 46.
77
Llama la atención que junto con la supresión de Witiza se oculte también el antiwitizanismo.
¿Suponía acaso un problema para el escriba poco experto en las tradiciones hispanas que los
reyes leoneses remontan a su origen gótico, mientras la línea real de los godos era
desacreditada por la fragilidad de toda la estirpe de Witiza?
78
« Historia translationis sancti Isidori», ed. de Juan A. Estévez Sola, en Chronica Hispana sæculi
XIII (CCCM, 73), Turnhout, 1997, p. 145: « […] donec flagitiosus Witiza Yspaniarum regnum
infeliciter est adeptus. Qui, cum esset probrosus moribus, etiam alios suis pravis actibus subesse coegit.
[…] Igitur in huiusmodi tyranno Witiza et ceteris superbiae fulcimentis et a Romana Ecclesia seiuncto,
mortuo, Rudericus Theudefredi filius in regnum successit Gotorum, vita et moribus Victize non
dissimilis. Qui non, ut debuit, virgulta nefaria extirpavit, sed luxuriae irrectitus dissolutione magis ac
magis augmentavit ». Ibid., pp. 159 y ss.: «Facta est translacio era milesima centesima prima, anno ab
incarnatione Domini Nostri Ihesu Christi millesimo sexagesimo tertio, Indictione prima, concurrente
tectio ». Sobre el autor y la fecha (finales del siglo XII o principios del siglo XIII) de la Historia
translationis sancti Isidori, véase Ibid., pp. 134 y ss.
112 Alexander Pierre Bronisch
79
Historia Silense..., p. 98: «Haec ab illis qui audiere me recolo audivisse » (cf. PL, 81, col. 42). Véase
Patrick HENRIET, «Un exemple de religiosité politique : saint Isidore et les rois de León (XIe-
XIIIe siècles)», en M. Derwich y M. Dmitriev (ed.), Fonctions sociales et politiques du culte des
saints dans le sociétés de rite grec et latin au Moyen Âge et à l'époque moderne. Approche comparative
(Opera ad historiam monasticam spectantia. Series I. Colloquia, 3), Wroclaw, 1999, p.79.
80
Th. DESWARTE, De la destruction à la restauration…, p.3.
81
Historia Silense, ed. de Justo Pérez de Urbel y A. González Ruiz-Zorilla (Consejo Superio de
Investigaciones Científicas. Escuela de Estudios Medievales. Textos, 30), Madrid, 1959, cap.
14-17, pp. 125 y ss.; Chronica Naierensis, ed. de J. A. Estévez Sola (CCCM, 71 A), Turnhout,
1995.
En busca de la guerra santa 113
nuevos elementos, por ejemplo, que la promesa de salvación del rey por su
lucha contra los sarracenos se aplicara también a la alta nobleza como indica el
ejemplo de Ermengol de Urgel y lo que C. Laliena enseña explícitamente82.
Pero hace falta averiguar en detalle a partir de la mitad del siglo XI qué
formulaciones pertenecen al mundo de ideas tradicional y cuáles testimonian
de un nuevo espíritu que al fin y al cabo desemboca en el movimiento de las
cruzadas.
82
C. LALIENA CORBERA, «Guerra sagrada y poder real en Aragón y Navarra...», pp. 108-109 y
112.
83
David L ITTLE , «“Holy War” Appeals and Western Christianity: a Reconsideration of
Bainton's Approach», en J. Kelsay y J. Turner Johnson (ed.), Just War and Jihad. Historical and
theoretical perspectives on war and peace in western and islamic traditions. Papers presented at four
conferences held at Rutgers University in the winter and spring of 1988-1989 (Contributions to the
Study of Religion, 28), Londres-Nueva York-Westport, 1991, p. 127.
84
Claudio SÁNCHEZ-ALBORNOZ, España, un enigma histórico, Barcelona, décima edición, 1985, 1,
p. 310.
Regards croisés sur la guerre sainte, pp. 115-131.
Alain DEMURGER*
* Université de Paris-I.
1
L’article de James A. BRUNDAGE , «Crusaders and Jurists. The Legal Consequences of
Crusader Status», dans Le concile de Clermont et l’appel à la croisade, Rome, 1997, pp. 141-154,
quoique centré sur le développement et l’élaboration des privilèges des croisés, a beaucoup de
points communs avec ce que je vais dire. Dommage pour moi, il a été écrit avant!
116 Alain Demurger
«ceux qui marcheront à cette expédition» (p. 19); Adhémar de Monteil prend
la tête de l’«armée de Dieu»; les «pèlerins» cousent sur l’épaule la croix, etc.
Guibert de Nogent parle de la «sainte expédition» (II, 7, p. 86) et nous dit que
Dieu a suscité des «guerres saintes». Autres expressions utilisées, celles qui se
réfèrent aux «guerres de l’Éternel» de la Bible: «guerre de Dieu», «guerre
du Seigneur», etc. À la fin du XIIe siècle, Ambroise, intitule Estoire de la guerre
sainte le récit, en vers et en langue vernaculaire, des exploits de Richard Cœur-
de-Lion à la Troisième croisade. Pourtant, le terme le plus communément
utilisé pour désigner la croisade de Jérusalem était le mot peregrinatio. PascalII
écrit aux évêques en 1100 pour contraindre ceux qui ont pris la croix
d’accomplir leur pèlerinage2. À la fin du siècle, une quæstio canonique posée à
Londres sur le cas du roi Richard prisonnier de l’empereur dit ceci: «Le roi
d’Angleterre alors qu’il revenait du pèlerinage de Jérusalem a été fait
prisonnier par l’empereur allemand» 3. Les mots les plus fréquemment utilisés
pour désigner la croisade en Orient au cours des XIIe et XIIIe siècles sont liés au
pèlerinage, au voyage: transfretare, via, passagium, iter, «saint voyage», etc. De
même le mot peregrinus est-il le plus souvent employé pour désigner le croisé,
bien qu’une expression plus spécifique, liée à la prise de croix, cruce signatus,
soit apparue dès le concile de Clermont. Plus général, le terme de miles Christi
peut s’appliquer au croisé, mais il est le plus souvent réservé à ces guerriers
qui, au service de l’Église ou dans l’intérêt de l’Église, de la foi, de la
chrétienté, combattent sur d’autres fronts que celui de Jérusalem4. Quel usage
la papauté a t-elle fait de ces mots? Quel contenu leur a-t-elle donné au cours
d’un long XIIe siècle où j’examinerai successivement les mots utilisés par
GrégoireVII, EugèneIII et InnocentIII?
1. GrégoireVII
La publication récente de la traduction anglaise des lettres de GrégoireVII
par Herbert E. J. Cowdrey permet de faire rapidement le tour des
préoccupations du grand pape réformateur, d’autant que Jean Flori a déjà cité
largement et commenté en détail la plupart de ces textes5. Je ne ferai que le
suivre. C’est peu de dire que la réforme et la lutte contre les «branches
pourries» du clergé a été la priorité de GrégoireVII. Parmi ses autres
2
Jean-François MICHAUD, Bibliothèque des croisades, 2, Paris, 1829, p. 472.
3
« Rex anglie cum a peregratione ierosolimitano rediret ab imperatore alemanie captus est». James A.
BRUNDAGE, «The Crusade of RichardI. Two Canonical Quæstiones», Speculum, 38 (1963),
p.443.
4
David H. T ROTTER , Medieval French Litterature and the Crusades (1100-1300), Genève, 1987.
Michael MARKOWSKI , « Cruce signatus: its Origins and Early Usage», Journal of Medieval
History, 10 (1984), pp. 157-165.
5
Herbert E. J. C OWDREY , The Register of Pope Gregory VII (1073-1085). An English Translation,
Oxford, 2002 (cité désormais G. VII). Pour l’original latin, voir Das Register Gregors VII, éd. de
Erich Caspar, MGHE, 2, Berlin, 1920-1923; Jean FLORI, La guerre sainte. La formation de l’idée de
croisade dans l’Occident chrétien, Paris, 2001.
La papauté entre croisade et guerre sainte 117
6
G. VII, I-12, pp. 13-14, et I-27 et 28, pp. 32-33.
7
Ibid., VIII-7, pp. 372-373, et VIII-14, pp. 380-381.
8
Ibid., I-43, pp. 47-48 (février 1074).
9
Ibid., I-7, pp. 7-8. Ce texte est un élément du dossier de revendication de la propriété de la
péninsule Ibérique par le Saint-Siège, dossier examiné largement par J. FLORI , La guerre
sainte…, pp. 206-210. D’autres textes de Grégoire VII y font référence. Je n’envisage ici que les
textes de ce pape liés à l’action militaire de Reconquête.
10
G. VII, IX-2, pp. 399-401.
118 Alain Demurger
11
Ibid., I-18, pp. 20-21.
12
Ibid., I-46, pp. 50-51.
13
Ibid., I-49, pp. 54-55.
14
Ibid., II-31, pp. 122-124; J. F LORI, La guerre sainte…, pp. 306-307.
15
J. FLORI, La guerre sainte…, p. 309.
La papauté entre croisade et guerre sainte 119
16
G. VII, VIII-1, p. 361.
17
Ibid., VIII-6, p. 371 et IX-17, p. 417.
18
Ibid., III-20, pp. 202-203.
19
Émir hammâdide de Bougie de 1062 à 1089/90.
20
G. VII, III-21, pp. 203-204.
120 Alain Demurger
21
Ibid., III-19, p. 202.
22
Tomáz MASTNAK, Crusading Peace. Christendom, the Muslim World and Western Political Order,
Berkeley, 2002, pp. 85-87, fait sur ce point une analyse pertinente.
23
Ibid., p. 89: «la croisade est la guerre d’Urbain II, pas de Grégoire VII».
La papauté entre croisade et guerre sainte 121
24
Giuseppe ALBERIGO, Les conciles œcuméniques, 2-1, «Les décrets», Paris, 1994, pp. 418-
421:« vel pro Hierosolymitane vel pro Hispanico itinere cruces sibi in vestibus posuisse noscuntur et
eas dimisse».
25
Ibid., pp. 440-443.
26
PL, 180, col. 1064.
122 Alain Demurger
la moitié de la rémission. Il fait aussi un sort spécial aux purs pèlerins: à ceux
qui veulent visiter le Sépulcre, il conseille, dans les circonstances présentes, de
faire le pèlerinage à titre de pénitence, en marque d’obéissance et pour
renoncer à tous leurs péchés27. GrégoireVIII en 1187, InnocentIII, d’autres
après lui reprendront ces thèmes et ce schéma.
La Deuxième croisade cependant – ce que l’historiographie désigne sous ce
nom – est un processus plus complexe ne se réduisant pas à ce premier appel
du pape en faveur de la Terre sainte. Le roi de France, LouisVII, à qui le pape
s’est adressé en premier lieu, avait des mobiles personnels pour s’engager: il
voulait aller en pèlerinage à Jérusalem pour expier ses péchés. Le pape a
confié à saint Bernard le soin de diriger la prédication de cette croisade et,
avant même l’intervention effective de l’abbé de Clairvaux, on sait que, en
France, mais aussi dans l’Empire, des fidèles ont déjà pris la croix; l’abbé de
Clairvaux est en Allemagne à la fin 1146 et il obtient le vœu du roi des
Romains, ConradIII. D’autres objectifs que la Terre sainte ont été ajoutés dans
les mois précédant le départ de LouisVII et ConradIII (mai-juin 1147)28. Il
s’agit d’abord de la demande formulée en mars 1147 par les seigneurs
allemands, lors d’une diète d’Empire réunie à Ratisbonne, de consacrer leur
vœu de croisade à la défense du territoire saxon contre les incursions des
Wendes, peuple païen d’au-delà de l’Elbe. Satisfaction leur est accordée lors
d’une nouvelle diète, à Francfort, où saint Bernard est présent et approuve.
EugèneIII, alors en France, valide cette décision par la bulle D i v i n a
dispensatione du 11 avril 114729. Dans le même texte, le pape soutient également
les entreprises des souverains ibériques contre les Maures, mais il rappelle
aussi – il commence même par là – la priorité de l’objectif de la Terre sainte
après la chute d’Édesse. Revenant au fait précis qui motive sa lettre, EugèneIII
écrit que ceux qui ne voudront pas aller à Jérusalem mais qui iront contre les
Wendes (il faut comprendre qu’ils on déjà pris la croix et fait vœu de se rendre
en Terre sainte avec ConradIII), se verront accorder la même rémission des
péchés que s’ils allaient à Jérusalem30. Dans les faits, les Saxons restèrent en
Allemagne pour combattre les Wendes. Des croisés flamands et rhénans
partirent par mer et, avec des Anglais, participèrent à la prise de Lisbonne en
1147. En Espagne, le roi de Castille, soutenu et encouragé par le pape s’empara
du port d’Almería; enfin, en 1148, des Anglais en route pour la Terre sainte
combattirent avec les Catalans et les Aragonais à Tortosa.
27
PL, 200, col. 599-601. La bulle Inter omnia a été publiée et traduite par Jean RICHARD, L‘esprit de
la croisade, Paris, 2000, pp. 69-73.
28
Voir la chronologie établie par Marco MESCHINI, San Bernardo e la seconda crociata, Milan, 1998,
pp. 73-74.
29
PL, 180, col. 1203.
30
Ibid.: « omnibus illis qui crucem eamdem Hierosolymam non acceperunt, et contra sclavos ire, et in
ipsa expeditione sicut statutem est, devotionis intuitu manere decreverunt, illam remissionem
peccatorum quam prædecessor noster felicis memoriæ papa Urbanus Hierosolymam transeuntibus
instituit ».
La papauté entre croisade et guerre sainte 123
UrbainII n’avait-il pas cette même vue d’ensemble lorsqu’il écrivait: « De nos
jours, par l’intermédiaire des chrétiens, Dieu a combattu en Asie contre les
Turcs et en Europe contre les Maures». Point n’est besoin de confondre
croisade et guerre sainte pour autant. On retrouve dans la seconde croisade les
mêmes dualités (plutôt qu’ambiguïtés) que dans la première: croisade
officielle et croisade spontanée (avec la prédication sauvage de Raoul en terres
rhénanes en 1146); croisade matérielle et croisade spirituelle (la croisade
«pour le salut des âmes» de saint Bernard), soit, en pratique, croisade
réservée aux seuls combattants ou croisade s’adressant à tous. Pour finir, on
retrouve les problèmes de définition de la croisade: la conception pluraliste de
la croisade (qui privilégie l’initiative, celle du pape) dans la définition de la
croisade rend-elle mieux compte que la définition dite traditionnelle (qui
privilégie l’objectif, Jérusalem) de la complexité de la seconde croisade? J’en
doute: l’initiative pontificale n’est patente que dans la bulle Q u a n t u m
prædecessores, celle qui justement fixe comme objectif la Terre sainte et qui
développe, pour cet objectif, la première codification de la croisade. Tout le
reste est le produit d’initiatives locales approuvées par le pape, mais non
décidées par lui. En revanche, si l’on part de l’objectif premier, la Terre sainte,
Jérusalem, on peut légitimement englober dans la croisade des entreprises
secondaires, régionales ou locales qui toutes se réfèrent à Jérusalem, tout en
répondant à des objectifs et en empruntant des chemins différents. L’échec de
la seconde croisade ne concerna pas seulement la Terre sainte. La croisade
wende ne se trompa-t-elle pas d’objectif en s’égarant au siège de Stettin, ville
chrétienne35?
À partir du moment où l’on voit se préciser et s’institutionnaliser une
pratique, le champ d’application de celle-ci peut s’élargir. Le pape peut très
bien décider d’appliquer à une autre entreprise que celle du «secours à la
Terre sainte», les privilèges ainsi définis, dont il ne faut pas oublier qu’ils ont
pour origine les privilèges accordés aux pèlerins dont le but de pèlerinage
n’était pas uniquement Jérusalem. Maureen Purcell a bien défini cette
tendance dualiste dans la croisade: délivrance de la Terre sainte et
développement de principes et de moyens qui permettent de viser d’autres
objectifs tout aussi vitaux pour l’Église36. Est-il pertinent pour autant de tout
confondre? Pourquoi, disposant de deux mots – croisade et guerre sainte –
l’historien ne s’en servirait-il pas? InnocentIII pourrait bien nous permettre
de répondre à cette question qui n’est pas de pure rhétorique.
3. InnocentIII
Trois croisades à son actif: contre Markward d’Anweilher en 1199, la
Quatrième croisade, la croisade contre les Albigeois. Ajoutons-y la Cinquième
35
Ibid., p. 116.
36
Maureen PURCELL, Papal Crusading Policy, 1244-1291, Leyde, 1975, pp. 5-6.
La papauté entre croisade et guerre sainte 125
37
G. ALBERIGO, Les conciles œcuméniques…, 2-1, pp. 482-485.
38
Ibid., p. 444.
39
Hyppolite PISSARD, La guerre sainte en pays chrétien, Paris, 1912, rééd. New York, 1980, p. 34.
40
Ibid.
126 Alain Demurger
croix du Christ» dans une entreprise qui ne concerne pas que la péninsule car,
si par malheur l’Espagne était détruite, les autres terres de la chrétienté
seraient à leur tour en grand danger46. Le roi de Léon est menacé de sanctions
spirituelles. La campagne de Las Navas se fera sans lui. Passons sur quelques
péripéties peu glorieuses (les croisés étrangers quittant la croisade parce qu’on
ne les laisse pas massacrer les infidèles; le roi de Castille, avant même
d’affronter les Almohades, voulant détourner l’entreprise contre le roi de
Léon) pour ne retenir que la décision du pape d’ordonner à Rome, pendant la
semaine de Pentecôte, prières et processions « pro pace universalis ecclesiæ ac
populi christiani» 47. Puis c’est la victoire et, dans les mois qui suivent,
l’irrésistible poussée chrétienne vers le Sud. Le 15 février 1213, InnocentIII
révoque les récompenses spirituelles accordées à ceux qui combattaient les
hérétiques pour ne les réserver qu’à ceux qui combattent les Sarrasins en Terre
sainte et en Espagne (cum jam captis)48. Puis, le 19 avril 1213, c’est l’encyclique
Quia major, qui lance ce qui deviendra la Cinquième croisade; elle est adressée
à tous les fidèles de la chrétienté latine; le pape y suspend tous les privilèges
et toutes les récompenses spirituelles accordés à ceux qui combattaient en
Espagne49.
J. Goñi Gaztambide qualifie toutes ces lettres indistinctement de «bulles de
croisade» et, à propos de Quia major, écrit: «Pour la première fois dans
l’histoire, le pape annule une croisade espagnole en faveur de la croisade
palestinienne» 50. Or, à l’exception de Quia major, aucune des bulles que j’ai
mentionnées ne peut être considérée comme une bulle de croisade. Déjà pour
une raison que J. Goñi Gaztambide donne lui-même en soulignant à juste titre
que le roi de Castille a l’initiative de la croisade, qu’il en organise la
propagande et qu’il dirige l’entreprise. Le rôle du pape est réduit: il ne lance
pas la croisade; ses bulles n’ont aucun caractère de promulgation et encore
moins de codification; il seconde, il encourage, il s’efforce surtout d’unir et
d’entraîner tous les souverains ibériques dans l’affaire. Bref, comme EugèneIII
lors de la Deuxième croisade, InnocentIII se contente de donner l’approbation
de l’Église de Rome (en concédant les indulgences) à une entreprise qui, de
toute façon, aurait été engagée par le roi de Castille. Le roi d’ailleurs n’utilise
pas le vocabulaire de la croisade. Il mène une guerre (bellum). Ce n’est que
lorsque la victoire fut acquise qu’il parla dans une lettre de «guerre du
Seigneur», gagnée seulement par le Seigneur et pour le Seigneur: «Dieu a
donné la victoire à ceux qui portaient la croix…». S’agit-il seulement de la
croix que les combattants de Las Navas avaient pris soin de coudre sur leur
46
Ibid., col. 553.
47
Ibid., col. 698.
48
Ibid., col. 744.
49
Ibid., col. 817.
50
J. GOÑI GAZTAMBIDE, Historia de la bula…, p. 132.
128 Alain Demurger
vêtement avant la bataille? Ou bien de la vraie croix (un fragment bien sûr!)
qui a été portée sur le champ de bataille51?
Il apparaît donc, à l’examen de ces textes pontificaux, qu’une claire
distinction est faite entre la croisade de Terre sainte et la Reconquête. Accorder
des indulgences ne signifie pas qu’il s’agit d’une croisade; cela vaut aussi
pour une guerre sainte. L’encyclique Quia major est, elle, un appel à la croisade
en Terre sainte. Son long préambule reprend et développe tous les thèmes
antérieurement énoncés pour justifier l’entreprise et inciter tous les fidèles à
agir, comme le vassal le ferait envers son seigneur, ces thèmes qu’on
chercherait en vain dans les bulles publiées à l’occasion de la Reconquête ou
de la guerre contre les Albigeois. Les privilèges accordés aux croisés, la
rémission des péchés y sont mentionnés avec précision. On va les retrouver
dans la constitution Ad liberandam du quatrième concile de Latran. Au même
moment le pape écrivait au sultan du Caire pour lui proposer un accord:
rendez aux chrétiens Jérusalem, libérons tous les captifs; et vivons en paix:
«Quand tu l’auras rendue et que, de part et d’autre, on aura libéré les captifs,
nous oublierons tous les griefs que ces combats ont fait naître…» 52. L’objectif
est bien la libération de Jérusalem et pas autre chose.
Les canons du concile de Latran ont une exceptionnelle importance. Le
troisième canon est consacré aux hérétiques et le canon 71, le dernier, très
développé, à la libération de la Terre sainte (Ad liberandam). Ce texte solennel
se situe, comme une simple bulle, dans le contexte concret de la préparation
d’une croisade. Le mot n’est toujours pas utilisé, inventé. Mais InnocentIII
invente le mot “croisé” : pour la première fois cruce signatus est un substantif.
Les croisés donc, sont appelés à se préparer et se rassembler l’année suivante
1216 à Messine et à Brindisi. Le pape est prêt à conduire en personne
l’entreprise. L’accent est mis sur:
- L’universalité de l’entreprise qui n’est pas réservée aux seuls combattants,
mais doit concerner tous les chrétiens. Cela est justifié par la passion du
Christ. Les hommes ont une dette envers le Christ.
- Le rôle de direction et d’encadrement de l’Église: la prédication bien sûr,
mais aussi la direction effective durant l’entreprise, par le pape ou ses légats.
On en revient à la Première croisade.
- La question du vœu de croisade est particulièrement détaillée et
novatrice. Sa durée est portée à trois ans. Mais surtout est introduite la
possibilité de racheter son vœu. Voilà qui permet de faire le tri entre les croisés
et de ne retenir pour le saint voyage que ceux dont on a besoin, au premier
rang desquels figurent les combattants.
51
Ibid., p. 128, n. 66.
52
PL, 216, col. 830-832.
La papauté entre croisade et guerre sainte 129
- Les privilèges du croisé durant son absence, qui sont repris sans grand
changement des textes antérieurs.
- La question des récompenses spirituelles et des indulgences.
- Des sanctions contre ceux qui continueraient à pratiquer le commerce
avec les infidèles sont également précisées; sont reprises ici des dispositions
que l’on trouvait déjà dans les canons du concile de LatranIII.
La constitution conciliaire ajoute, cela est nouveau, toute une série de
dispositions concernant le financement de la croisade et les conditions
préalables à sa réussite: le renforcement du camp chrétien par la paix et
l’union. La croisade est l’expression de la paix et de l’unité de la chrétienté et
le moyen de les renforcer. On retrouve ici le message d’UrbainII.
Cette constitution Ad liberandam, que l’historiographie présente comme une
codification complète et systématique du droit de la croisade, n’a pas une
portée abstraite, générale. Elle est élaborée dans le but de réunir en un tout
cohérent des mesures déjà existantes et d’autres qui sont nouvelles, en vue
d’une expédition de récupération de la Terre sainte. Elle ne concerne a priori
ni la Reconquête, ni la lutte contre les Albigeois Pour favoriser le succès de
l’entreprise, le pape a décidé de suspendre les récompenses spirituelles
similaires accordées pour la guerre des Albigeois et la Reconquête. Ce qui
signifie que l’objectif prioritaire est Jérusalem; mais aussi que les règles
édictées dans Ad liberandam peuvent être appliquées, en tout ou en partie (et
c’est d’ailleurs très souvent le cas) à d’autres terrains que Jérusalem, des
terrains où l’Église a appelé les fidèles à combattre. Quels terrains? Plaçons-
nous en 1216, date de la mort d’InnocentIII. Ce sont ceux où l’on affronte les
infidèles et les païens: la péninsule Ibérique; la Prusse et les régions
baltiques; mais pas ceux où le christianisme était jadis florissant, mais où l’on
ne guerroie pas: la Sicile, l’Afrique du Nord. Il n’est pas envisagé de récupérer
ces anciennes terres chrétiennes. La continuité est frappante de GrégoireVII à
InnocentIII. Les terres chrétiennes? Contre les schismatiques grecs? Non.
Contre les hérétiques? Oui. Il s’agit de défense de la foi. L’hérésie albigeoise
est une menace pour la chrétienté, mais le schisme, non: c’est tout au plus un
“poil à gratter” parce qu’il porte atteinte à l’unité chrétienne. La Quatrième
croisade est bien, définitivement, une vraie croisade, déviée de son objectif,
dont le résultat accidentel – le rétablissement de l’unité chrétienne – n’a été
qu’un leurre.
Conclusion
Dans cette extension du champ d’application des règles définies dans Ad
liberandam (mais reprise d’UrbainII, EugèneIII et AlexandreIII), s’agit-il
toujours de croisade? Tout serait croisade, alors? La guerre sainte aurait-elle
disparu?
130 Alain Demurger
53
Christopher TYERMAN , «Were There Any Crusades in the Twelfth Century?», English
Historical Review, 110 (1995), pp. 553-577, repris dans Thomas F. MADDEN (éd.), The Crusades,
Oxford, 2002, pp. 99-126.
54
Voir dernièrement la mise au point sans équivoque de Jean FLORI, «Pour une redéfinition de
la croisade», Cahiers de civilisation médiévale, 47 (2004), pp. 329-349.
La papauté entre croisade et guerre sainte 131
ibériques à Las Navas. Cela ne doit pas nous empêcher, nous historiens qui
avons la chance de disposer de deux mots que les contemporains d’UrbainII
ne connaissaient pas (croisade), ou utilisaient peu (guerre sainte), de les
utiliser en leur donnant une définition précise mais non arbitraire, car
appuyée sur une étude du vocabulaire employé à l’époque. En oubliant
Jérusalem et en négligeant l’étude des mots, les tenants de la définition
pluraliste de la croisade n’ont fait que définir la guerre sainte55.
Tout est donc question de mot; voire de jeux de mot comme le suggère le
titre, dans sa version française, de notre colloque: «Regards croisés sur la
guerre sainte» ne peut-il pas s’entendre «Regards [de] croisés sur la guerre
sainte»?
55
Ibid. Dans la dernière note de son article, qui est une véritable note conclusive, J. Flori renvoie
sans ménagement dans la catégorie “guerre sainte”, Reconquête ibérique, guerres
missionnaires de la Baltique et opérations contre les hérétiques, schismatiques et adversaires
politiques en tout genre de la papauté. J’adhère totalement à ses vues.
Regards croisés sur la guerre sainte, pp. 133-157.
Jean FLORI*
*
CNRS (Poitiers).
134 Jean Flori
1
On trouve par exemple chez Bernard Itier, qui rédige à partir de 1189, le susbtantif “croisé”
(crozatus) en 1215 et 1218, le verbe “se croiser“ (crozavere se) à propos de LouisVII en 1147, et
de Philippe-Auguste et Richard Cœur-de-Lion en 1188; BERNARD ITIER, Chronique, éd. et trad.
de Jean-Loup Lemaître, Paris, 1998. Peregrinus et cruce signatus apparaîssent déjà chez ALBERT
D ’A IX, I, 26, RCH-HOc, 4, Paris, 1874, p. 292, qui rédige peut-être cette première partie vers
1106 ou 1108. Sur l’emploi de ce terme, il convient de se référer à l’étude de Michael
MARKOWSKI, « Crucesignatus : its Origin and Early Usage», Journal of Medieval History, 10
(1984), pp. 157-165.
2
C’est dans ce double piège, me semble-t-il, que tombe la définition pluraliste de la croisade.
Pour une critique méthodologique de cette position, voir Jean FLORI, «Pour une redéfinition
de la croisade», Cahiers de Civilisation Médiévale, 47 (2004), pp. 329-350.
Les concepts de guerre sainte et de croisade aux XIe et XIIe siècles 135
3
Ephésiens, 6:10-20.
4
En cela, je ne peux suivre Thomas Deswarte dans sa tentative d’unification de la théorie de la
guerre sainte, dont la dimension initiale de “combat sacré contre le mal” pourrait inclure le
combat mené par l’orthodoxie contre l’hérésie, combat “spirituel” qui se traduit en réalité par
une guerre menée contre les hérétiques, ce qui est évidemment très différent. Thomas
DESWARTE, «La “guerre sainte” en Occident: expression et signification», dans M. Aurell et
T. Deswarte (éd.), Famille, violence et christianisation au Moyen Âge, Mélanges offerts à Michel
Rouche, Paris, 2005, pp. 331-349.
5
Je renvoie sur ce point aux textes que j’ai cités et analysés dans Jean FLORI, Guerre sainte, jihad,
croisade. Violence et religion dans le christianisme et l’islam, Paris, 2002, ch. 1, pp. 15-30.
Les concepts de guerre sainte et de croisade aux XIe et XIIe siècles 137
6
Voir principalement sur ce point Franco CARDINI, Alle radici della cavalleria medievale, Florence,
1982, Jean FLORI, L’idéologie du glaive. Préhistoire de la chevalerie, Genève, 1983, et ID., L’essor de la
chevalerie, XIe-XIIe siècles, Genève, 1986.
7
Jean FLORI, La guerre sainte. La formation de l’idée de croisade dans l’Occident chrétien, Paris, 2001,
pp. 59-124.
138 Jean Flori
8
Voir en particulier A UGUSTIN D’HIPPONE, Quaestiones in Heptateuchum, Lib. VI, q. 10, éd.
d’Iosephus Zycha, CSEL, 1895; De Civitate Dei, Lib. I, 8, Paris, 1960, p. 277; Épitre 189 à
Boniface, dans Epistolae, éd. d’A. Goldbacher, CSEL, 57, 1911, pp. 133-134; Contra Faustum,
XXII, éd. d’I. Zycha, CSEL, 25, 1891, pp. 73-81; ISIDORE DE SÉVILLE, Etymologies, XVIII, 1, éd. et
trad. de Marc Reydellet, Paris, 1984 (= PL, 82, col. 639).
9
La violence fanatique des combats, la volonté d’exterminer l’adversaire ou de le convertir par
la force sont parfois présentes, mais ne constituent pas, en revanche, des traits caractéristiques
Les concepts de guerre sainte et de croisade aux XIe et XIIe siècles 139
siècle dans la pensée des papes et des théologiens. La guerre sainte l’est plus
encore, peut-être, dans la mentalité populaire, exprimée dans des milieux
proches des chevaliers, dont elle va modifier l’idéologie.
On peut suivre l’apparition de cette notion à travers les nombreux textes
que j’ai analysés et commentés ailleurs, et dont je ne mentionne ici que les plus
importants pour notre propos10.
3. La guerre sanctifiée
La sacralisation “descendante” (phase E) est perceptible dans les
bénédictions sur les armes et sur les guerriers qui, invoquant la protection de
Dieu et des saints dans les combats, apparaissent dès le VIIIe siècle et se
généralisent aux Xe et XIe siècles11; ou encore dans les inscriptions figurant à la
même époque sur des lames d’épées. Dans l’Orient byzantin, qui n’a pourtant
jamais, dit-on, accepté l’idée de guerre sainte et moins encore de croisade, les
saints militaires figurent sur les bannières des armées du basileus, et on attend
d’eux une aide puissante dans les combats menés pour la cause de l’empire
chrétien. Cette sacralisation est plus nette encore dans les vies de saints et
autres récits de miracles qui affirment l’action protectrice des bienheureux du
paradis dans des combats menés sur terre par les guerriers qui se réclament
d’eux. Quelques exemples suffiront à établir cette dimension. On la trouve
déjà à la fin du IXe siècle dans la chronique d’AlphonseIII qui, relatant la
mythique bataille de Covadonga, affirme que la Vierge Marie renvoyait contre
les assaillants musulmans (les Chaldéens) les pierres que ceux-ci projetaient
contre les chrétiens réfugiés dans une grotte qui lui était dédiée12. En 915, saint
Pierre et saint Paul apparaissent à leur tour pour soutenir les guerriers grecs et
latins unis protégeant l’église de Rome des déprédations des infidèles. Avec
leur appui, les chrétiens sont victorieux et aucun des païens ne leur échappe13.
À la fin du Xe siècle, lors de la bataille de Talers, saint Sever, monté sur un
cheval blanc et revêtu d’une brillante armure combat et tue des milliers de
Normands, procurant ainsi la victoire au duc Guillaume-Sanche14.
de la guerre sainte, qu’il ne faut pas confondre avec la guerre de religion ou la guerre
missionnaire.
10
J. F LORI , La guerre sainte…, pp. 125-293. L’ensemble des textes relatifs à la guerre sainte
mentionnés dans le présent article y font, ainsi que beaucoup d’autres, l’objet d’analyses.
11
ID., «Chevalerie et liturgie: remise des armes et vocabulaire chevaleresque dans les sources
liturgiques du IXe au XIVe siècle», Le Moyen Âge, 84 (1978), pp. 247-278 et pp. 409-442, et
L’essor de la chevalerie…, pp. 42-115.
12
Chronique d’AlphonseIII , éd. et trad. d’Yves Bonnaz dans Chroniques asturiennes (fin IXe siècle),
Paris, 1987, pp. 31-596, en particulier 3, p. 42.
13
LIUTPRAND DE CRÉMONE , Antapodosis, éd. de Joseph Becker, dans Die Werke Liudprands von
Cremona (MGHSS, 41), Hanovre, 1915 (3e éd.), II, 54, p. 62.
14
Récit de la bataille de Taller dans le fonds de Saint-Sever (982?), texte et trad. de Renée
Mussot-Goulard, dans M. Zimmermann (éd.), Les sociétés méridionales autour de l’an mil, Paris,
1992, p. 319.
140 Jean Flori
Cette idée d’une participation directe des saints aux “bons combats” des
guerriers terrestres est également présente dans les très nombreux “miracles
de châtiment” analysés par Pierre-André Sigal15, y compris ceux d’une femme,
sainte Foy (elle punit de mort ceux qui ont nui aux intérêts de son monastère
de Conques)16 et, plus précisément encore, dans les récits qui racontent
comment les saints ont pris part en personne à ces combats. C’est le cas par
exemple dans un récit des miracles de saint Benoît, rédigé aux alentours de
l’an mil, à propos d’un combat qui aurait eu lieu vers 878, et au cours duquel
le saint moine apparut parmi les guerriers de l’avoué du monastère de Fleury,
abattant de son bâton plusieurs guerriers normands qui s’attaquaient à son
monastère17. Vers 1041, André de Fleury raconte comment saint Michel, saint
Pierre et même la Vierge Marie combattirent vingt mille guerriers musulmans
aux côtés de quatre comtes catalans; chacun des saints abattit cinq mille
Sarrasins, laissant le soin aux chevaliers chrétiens de terrasser les cinq mille
qui restaient18. En 1063, selon Geoffroy de Malaterra, saint Georges aida
puissamment les Normands dans leur reconquête de la Sicile en conduisant
leurs armées en chevalier revêtu d’armes splendides et monté sur un cheval
blanc, tenant en main une lance munie d’un étendard (vexillum) blanc et
surmonté d’une croix étincelante19.
Dans tous ces cas, la guerre se trouve extrêmement valorisée par la
participation des bienheureux aux opérations, mais elle ne confère encore
aucune sainteté à ceux qui y prennent part. Elle est sanctifiée “de l’extérieur”,
pourrait-on dire, mais elle n’est pas encore sainte en elle-même, donc pas
sanctifiante. Cette “mutation” a lieu au cours de la phase G, qui correspond à
la période au cours de laquelle la participation à certaines guerres permet à
ceux qui y prennent part de recevoir des bénédictions spirituelles, en
particulier la récompense du paradis pour ceux qui viendraient à y périr en
“martyrs”. C’est cette dimension “sanctifiante” qui caractérise la guerre sainte.
On ne peut aucunement soutenir l’idée selon laquelle toute guerre juste et
légitime aux yeux de l’Église serait tenue par elle comme guerre sainte. Preuve
en est la persistance, dans les pénitentiels, des jours de jeûne imposés aux
guerriers ayant tué des ennemis dans des combats “publics”, sous la direction
de leur roi, c’est-à-dire en des guerres justes20. En 1066 encore, après la bataille
15
Pierre-André SIGAL, L’homme et le miracle dans la France médiévale (XIe-XIIe siècles), Paris, 1985.
16
BERNARD D’ANGERS, Liber miraculorum sancte Fidis, éd. d’A. Bouillet, Paris, 1897, I, 6; I, 12; III,
13.
17
Adjonction d’Adelerius à ADREVALD DE FLEURY, Miracula sancti Benedicti, éd. d’E. de Certain,
Paris, 1858, Lib. I, c. 41, pp. 86-89.
18
ANDRÉ DE FLEURY, Miracula sancti Benedicti…, Lib. IV, c.10 et 11, pp. 189-190.
19
GEOFFROY DE MALATERRA, De rebus gestis Rogerii Calabriae et Siciliae comitis et Roberti Guiscardi
ducis fratris eius (RIS, V,1), éd. d’Ernesto Pontieri, Bologne, 1924, II, 33, p. 44.
20
Ainsi, au VIIe siècle, le pénitentiel de Bède stipule pour «le soldat qui tue au cours d’une
guerre, quarante jours de jeûne» (Pénitentiel de Bède, éd. et trad. de Cyrille Vogel dans Le
pécheur et la pénitence au Moyen Âge, Paris, 1969, pp. 73 et s.). Au IXe siècle encore, le canon 97
Les concepts de guerre sainte et de croisade aux XIe et XIIe siècles 141
4. La guerre sanctifiante
Les plus anciens textes connus mentionnant des récompenses spirituelles
aux guerriers morts au combat se situent au milieu du IXe siècle, lorsque les
papes, menacés à Rome par les incursions des pirates sarrasins, font appel
pour leur défense aux guerriers de l’empire franc. En 846, un de leurs raids les
amène jusque dans la ville où ils saccagent l’église Saint-Pierre. Selon son
habitude, le pape appelle les armées du roi franc à son secours, et rassure les
guerriers quant à leur sort éternel au cas où ils viendraient à mourir: les
royaumes célestes, écrit LéonIV, «ne leur seront pas refusés», car «le Tout
Puissant sait que si l’un d’entre vous venait à mourir, il serait mort pour la
vérité de la foi, le salut de la patrie et la défense des chrétiens» 22. Tout en étant
bien réelle, la promesse, on le voit, est ici seulement esquissée. Elle affirme en
effet que la participation à un tel combat, loin d’être un obstacle au salut du
guerrier qui viendrait à y périr, lui serait au contraire plutôt bénéfique. On
retrouve ce même caractère dans la réponse faite quelques années plus tard
par le pape JeanVIII, dans des circonstances presque identiques, aux évêques
de Germanie qui lui posaient une question précise concernant ceux qui
mourraient pour la défense de Rome contre les Sarrasins. Sa réponse se veut
cette fois pleinement rassurante: en se mettant – même tardivement – au
du Paenitentiale Merseburgense (recensio Me1) prescrit: « Si quis in praelio cum regem hominem
occiderit, XL dies peneteat»; le canon 160 est plus précis encore: « Si quis per iussionem domini
sui hominem occiderit, XL, et qui occiderit hominem in publico bello cum rege, XXX dies peneteat». À
la fin du Xe siècle encore, Burchard de Worms se montre tout aussi strict en imposant une
pénitence même en cas de guerre juste ordonnée par un prince légitime dans le but de
restaurer la paix (BURCHARD DE WORMS, Liber decretorum, dans PL, 140, col. 769 et s.).
21
Herbert E. J. COWDREY, «Bishop Ermenfrid of Sion and the Penitential Ordinance following
the battle of Hastings», Journal of Ecclesiastical History, 20 (1969), pp. 225-242; ID ., Pope
GregoryVII, 1073-1085, Oxford, 1998, pp. 507-513; ID ., «Christianity and the Morality of
Warfare during the First Century of Crusading», dans M. Bull et N. Housley (éd.), The
Experience of Crusading, 1, «Western Approaches», Cambridge, 2003, pp. 175-192.
22
LÉON IV, Ep. I, « Ad exercitum Francorum », dans PL, 115, col. 655-656. La version procurée par
l’éditeur des MGHE, 5 (Karolini Aevi, III), Berlin, 1899, p. 601, est un peu différente. Sur
l’analyse de ces deux versions, voir J. FLORI, La guerre sainte…, pp. 47-48.
142 Jean Flori
23
JEAN VIII, Lettre 150, «A tous les évêques du royaume de Louis le Bègue», dans MGHE, 7,
p.126. Je cite ici la traduction d’Étienne DELARUELLE, L’idée de croisade au Moyen Âge, Turin,
1980, pp. 38-41: «Confiant dans la juste bienveillance du Christ notre Dieu, nous osons
répondre que ceux qui tombent sur le champ de bataille, avec en eux l’amour de la religion
catholique, entreront dans le repos de la vie éternelle en guerroyant vaillamment contre les
païens et les infidèles, car le Seigneur a daigné dire par son prophète : “Quelle que soit l’heure
à laquelle il se repent, je ne me souviendrai plus de toutes ses iniquités”, et le bon larron, sur
la croix, a mérité le paradis par sa seule confession de foi». Il s’agit donc bien d’une
“conversion” de la part de ces guerriers, qui les purifie avant leur mort éventuelle.
24
A BBON DE SAINT-GERMAIN , Sermo 6, « Adversus raptores bonorum alienorum» (appelé ailleurs
« Sermo ad milites»), éd. de Ute Önnefors, dans Abbo von Saint-Germain-des-Prés 22 Predigten,
Kritische Ausgabe und Kommentar (Lateinische Sprache und Literatur des Mittelalters, 16),
Francfort-Berne-New York, 1985, pp. 94-95: «Ne laissez pas vos ennemis croître et multiplier,
mais au contraire, comme le commande l’Écriture, combattez pour votre patrie, n’ayez pas
peur de mourir dans la guerre de Dieu (bello Dei) ; à coup sûr, si vous y trouvez la mort, vous
serez saints martyrs».
25
Alain DUCELLIER, Chrétiens d’Orient et Islam au Moyen Âge, VIIe-XVe siècle, Paris, 1996, p. 248:
«Comment pourrait-on considérer ceux qui ont tué ou ont été tués à la guerre comme des
martyrs, ou comme égaux aux martyrs, alors que les saints canons les soumettent à la
pénitence en les écartant pour trois ans de la sainte et vénérable communion?».
Les concepts de guerre sainte et de croisade aux XIe et XIIe siècles 143
26
RAOUL GLABER, Historiae, III, 4, § 15, et II, 9, § 18-20, éd. de John France, Oxford, 1989, pp. 82-
84 et pp. 118-120.
27
BERNARD D’ANGERS, Liber miraculorum sancte Fidis, éd. d’A. Bouillet, I, 26, pp. 66-67.
28
Sur les ordres militaires, la meilleure étude est à ce jour celle d’Alain DEMURGER, Chevaliers du
Christ. Les ordres religieux-militaires au Moyen Âge (XIe-XVIe siècles), Paris, 2002. Cf. aussi ID., Les
Templiers, une chevalerie chrétienne au Moyen Âge, Paris, 2005. Sur la spiritualité guerrière qui a
mené à ces ordres, voir Jean FLORI , «Sacre milizie e guerra santa. La spirito degli ordini
militari», dans F. Cardini (éd.), Monachi in armi, Rome, 2004, pp. 41-52.
29
Sur l’assimilation des guerriers de Civitate aux martyrs, voir en particulier De obitu sancti
LeonisIX , dans PL, 143, col. 527; BONIZON DE S UTRI , Liber ad amicum, V, dans MGHLL, 1,
pp.589 et 618; BRUNO DE S EGNI , Libellus de symoniacis, II, § 5-6, dans MGHLL, 1, p. 550;
144 Jean Flori
PSEUDO-WIBERT, Vita sancti Leonis, dans PL, 143, col. 500. Sur cette bataille et son interprétation
par Guillaume de Pouille, voir GUILLAUME DE POUILLE, La geste de Robert Guiscard, II, v. 148 et
s., éd. de Marguerite Mathieu, Palerme, 1961, pp. 141 et s., et Huguette TAVIANI-CAROZZI,
«Une bataille franco-allemande en Italie: Civitate (1053)», dans Cl. Carozzi et H. Taviani-
Carozzi (éd.), Peuples du Moyen Âge: problèmes d’identification, Aix-en-Provence, 1996, pp. 181-
211.
30
LANDULF SENIOR, Historia Mediolanensis, III, dans MGHSS, 8, pp. 32-100 (PL, 147, col. 805-954)
et RIS, IV, 2A, Bologne, 1942; ANDRÉ DE STRUMI, Vita sancti Arialdi, dans MGHSS, 30, 2, pp.
1064-1065; B ONIZON DE SUTRI, Liber ad amicum, VII et IX, dans MGHLL, 1, pp. 605 et 620.
31
Voir sur ce point Jean FLORI, «Réforme- reconquista-croisade. L’idée de reconquête dans la
correspondance pontificale d’AlexandreII à UrbainII», Cahiers de Civilisation Médiévale, 40
(1997), pp. 317-335, et ID ., «Le vocabulaire de la reconquête chrétienne dans les lettres de
GrégoireVII», dans C. Laliena Corbera et J. Francisco Utrilla Utrilla (éd.), De Toledo a Huesca.
Sociedades medievales en transición a finales del siglo XI (1080-1100), Saragosse, 1998, pp. 247-267.
32
ID., Pierre l’ermite et la première croisade, Paris, 1999, pp. 179-199.
Les concepts de guerre sainte et de croisade aux XIe et XIIe siècles 145
33
F OUCHER DE CHARTRES, Historia Hierosolymitana, I, 3, RHC-Hoc, 3, p. 323: «Qu’ils se fassent
maintenant milites Christi, ceux qui jusqu’alors n’étaient que des brigands! Qu’ils combattent
à juste titre contre les barbares, ceux qui jadis se battaient contre leurs frères et leurs parents!
Ce sont des récompenses éternelles qu’ils vont gagner, ceux qui se faisaient mercenaires pour
quelques misérables sous».
34
G UIBERT DE N OGENT, Dei gesta per Francos (CCCM, 127A), éd. de Robert B. C. Huygens,
Turnhout, 1996, I, 1: «Dieu, en notre temps, a institué des guerres saintes afin que l’ordre des
chevaliers et le peuple qui les suit, jusqu’ici occupés à s’entretuer à l’imitation du paganisme
antique, puissent y trouver un nouveau moyen d’acquérir leur salut, sans être pour autant
contraints, comme c’était jusqu’alors de rigueur, de quitter le siècle en choisissant la
conversion monastique ou quelque autre profession religieuse; et qu’ainsi ils puissent, dans
une certaine mesure, obtenir la grâce de Dieu dans l’exercice même de leur fonction, tout en
conservant leurs coutumes et leur manière de vivre».
35
Jean FLORI, «Les héros changés en saints... et les saints en héros. Sacralisation et béatification
du guerrier dans l’épopée et les chroniques de la première croisade», PRIS-MA, 30 (1999),
pp.255-272.
146 Jean Flori
motivations des croisés semble pourtant conduire à ne pas trop majorer cette
dimension d’indulgence.
Le concile de Clermont
Le deuxième canon du concile de Clermont établit que l’expédition vers
Jérusalem se substitue, au moins pour certains, à toutes les autres pénitences
qui leur auraient été prescrites pour “expier” leurs péchés confessés. Il stipule
en effet: «À quiconque, mû par sa seule piété, et non pour gagner honneur ou
argent, aura pris le chemin de Jérusalem en vue de libérer l’Église de Dieu, son
voyage lui sera compté pour seule pénitence» 37.
La chose paraît normale, voire évidente dans la mesure où UrbainII avait
prêché une expédition dont le but était la délivrance des Lieux saints. Il
s’agissait donc du même coup d’un pèlerinage, armé certes, mais pèlerinage
tout de même, au moins à son terme. C’est bien ainsi que l’avaient perçu de
nombreux participants non-combattants, laïcs (femmes ou encore inermes) ou
ecclésiastiques (moines et clercs) qui désiraient partir en (véritables) pèlerins.
Il n’était guère possible de les en empêcher dans la mesure où il s’agissait bien
en effet d’un pèlerinage aux Lieux saints, dont on connaît la faveur éminente
dans la spiritualité de l’époque en Occident.
36
U RBAINII, «Lettre aux Flamands», dans Die Kreuzzugsbriefe aus den Jahren 1088-1100, éd. de
HeinrichHagenmeyer, Innsbruck, 1901, n. II, pp. 136-137.
37
Le texte a été publié par Raymond SOMERVILLE , The Councils of UrbanII, 1, «Decreta
Claramontensia» , Amsterdam, 1972, pp. 71-81.
Les concepts de guerre sainte et de croisade aux XIe et XIIe siècles 147
38
U RBAIN II, «Lettre aux Bolonais», dans Die Kreuzzugsbriefe…, n. III, pp. 137-138, et «Lettre
aux moines de Vallombreuse», dans Papsturkunden in Florenz. Nachrichten von der Gesellschaft
der Wissenschaften zü Göttingen, éd. de W. Wiederhold, Göttingen, 1901, pp. 313 et s.
39
Voir à ce sujet Nikolaus PAULUS, Geschichte des Ablasses im Mittelalter vom Ursprunge bis zur
Mitte des 14. Jahrhunderts, Paderborn, 1922 et, plus récemment, Jean RICHARD, «L’indulgence
de croisade et le pèlerinage en Terre sainte», dans Il concilio di Piacenza e le crociate, Plaisance,
1996, pp. 213-223; sur la formation de l’idée de purgatoire, voir Jacques LE GOFF, La naissance
du purgatoire, Paris, 1981, à nuancer par Brian P. McGUIRE, «Purgatory, the Communion of
the Saints, and Medieval Change», Viator, 20 (1989), pp. 61-84.
40
Peut-on alors parler, dès cet instant, d’indulgence “plénière” ? Oui, si l’on entend par ce terme
que la participation à l’expédition est jugée suffisante pour “se substituer à toute autre peine
exigée”. Mais il s’agit ici, soulignons-le, des peines ecclésiastiques à subir sur cette terre pour
obtenir la pleine rémission des péchés confessés, et non de l’indulgence plénière au sens
ultérieur du terme, à savoir la remise des peines que le pécheur aurait à subir dans l’autre
monde, dans un “purgatoire” qui, à cette date, est encore bien flou dans la pensée même des
théologiens.
148 Jean Flori
41
Voir en particulier Marcus B ULL , «The Roots of Lay Enthousiasm for the First Crusade»,
History, 78 (1993), pp. 353-372; ID., Knightly Piety and the Lay Response to the First Crusade. The
Limousin and Gascony (c. 970- c. 1130), Oxford, 1993; ID., «Origins», dans J. Riley-Smith (éd.),
The Oxford Illustrated History of the Crusades, Londres, 1995, pp. 13-33; Jonathan RILEY-SMITH,
The First Crusaders, 1095-1131, Cambridge, 1997; ID., «The Idea of Crusading in the Charters
of Early Crusaders, 1095-1102», dans Le Concile de Clermont de 1095 et l’appel à la Croisade,
Rome, 1997, pp. 155-166.
Les concepts de guerre sainte et de croisade aux XIe et XIIe siècles 149
L’accent bien réel mis sur les péchés des donateurs et sur leur désir de
pénitence me semble donc devoir être surtout mis au compte de la
formulation monastique traditionnelle des actes précédant les départs
antérieurs pour Jérusalem bien plus, dans certains cas au moins, que sur une
réelle motivation de pénitence42. Par ailleurs, on l’a dit, les chartes confèrent
valeur méritoire et rédemptrice à la donation, qui est à l’origine de l’acte écrit,
tout autant qu’à l’expédition qui en est pourtant la raison d’être par les besoins
financiers qu’elle nécessite, mais qui peut avoir été suscitée par des mobiles
très divers. Nous sommes ici encore, pour une part au moins, en présence
d’un état de spiritualité de “rachat” intermédiaire entre l’aumône-donation et
le pèlerinage. Ce dernier est en passe de l’emporter définitivement mais la
première, à la fin du XIe siècle, conserve encore toute sa valeur et continue à
imprégner le vocabulaire des scribes43.
En bref, les croisés étaient décrits en pèlerins, pénitents allant à Jérusalem
pour la rémission de leurs péchés. Mais eux-mêmes se percevaient
probablement davantage en combattants de la foi, en milites Christi, mettant
leur vaillance et leur épée au service de leur Seigneur, par amour, certes, mais
attendant aussi de lui des récompenses spirituelles pour prix de leur service,
comme les chevaliers du siècle servant par les armes leur seigneur temporel44.
L’aspect pénitentiel, rappelons-le, résulte de la destination de l’expédition qui
permet de l’assimiler à un pèlerinage. Or, les guerriers pouvaient être poussés
à aller combattre les musulmans en Orient pour de tout autres raisons. Celles-
ci apparaissent dans les documents qui, bien que d’origine ecclésiastique, sont
moins imprégnés que les précédents de la doctrine monastique selon laquelle
on ne peut se sauver que dans l’état de moine ou de pénitent. Les lettres des
croisés, les récits des chroniqueurs et même, dans une certaine mesure, les
recompositions des appels pontificaux – pourtant issus de milieux
ecclésiastiques – mettent l’accent avant tout sur les motivations guerrières
issues de l’idéologie chevaleresque en voie de formation, à composantes
beaucoup plus laïques, voire profanes45.
42
Le besoin d’argent ou de soutien de toute nature conduisait par ailleurs certains croisés à
accepter de se voir ainsi désignés comme repentants et pénitents, en des termes parfois très
humiliants.
43
Colette BLANC, «Les pratiques de piété des laïcs dans les pays du Bas-Rhône aux XIe et XIIe
siècles», Annales du Midi, 72 (1960), pp. 137-147.
44
Voir à ce sujet Jean F LORI , «Jérusalem terrestre, céleste et spirituelle: trois facteurs de
sacralisation de la première croisade», dans L. García-Guijarro Ramos (éd.), Segundas jornadas
internacionales sobre la Primera Cruzada (Huesca, 7-11 de septiembre de 1999), à paraître.
45
Pour ne rien dire ici des motivations mises en avant par les prédicateurs populaires, dont
nous ignorons presque tout, mais qui pouvaient être fort différentes de l’esprit de
componction, de repentance et de pèlerinage.
150 Jean Flori
Le souci de gloire?
La renommée acquise par les croisés est manifeste dès l’origine. La quête
de gloire personnelle est donc sans aucun doute présente chez beaucoup de
chevaliers. Elle semble manifeste dans quelques cas précis, comme celui de
Bohémond de Tarente ou du prince troubadour GuillaumeIX d’Aquitaine46. Il
est difficile d’en évaluer la part dans les motivations des croisés “de base”,
dont certains partaient d’ailleurs au service de leur seigneur pour des
motivations à forte composante vassalique ou personnelle. Cette dimension
s’accentue au cours du XIIe siècle, tant dans l’argumentaire des prédicateurs
de croisade que dans les motifs évoqués par les poètes47. Le thème de la gloire
se mêle ainsi au thème de la vengeance de l’affront fait au Seigneur suprême,
et le service d’amour de la Dame à celui du service de Dieu.
La soif de richesses?
Les croisés ont-ils été poussés vers l’Orient par des mobiles matériels?
Quelques sources le suggèrent en soulignant la pauvreté et l’exiguïté des
terres occidentales et la misère de ses habitants, exaltant au contraire la
richesse de l’Orient réputé fastueux. Certains chroniqueurs placent même ce
type de discours parmi les arguments utilisés par UrbainII à Clermont48. Nous
n’avons guère de raisons d’exclure totalement cette éventualité.
46
La meilleure étude de ce personnage hors norme reste celle de Jean-Charles PAYEN, Le prince
d’Aquitaine. Essai sur GuillaumeIX et son oeuvre érotique , Paris, 1980.
47
Ainsi Conon de Béthune, vers 1188, affirme que c’est en Syrie que l’on doit “faire chevalerie”,
pour de pas faillir à son Seigneur et gagner le paradis, mais aussi pour acquérir « et pris et los
et l’amor de s’amie» (C ONON DE B ÉTHUNE , Les chansons de Conon de Béthune, éd. d’A.
Wallensköld, Paris, 1921, pp. 6-7).
48
ROBERT LE MOINE, Hierosolomytana expeditio, I, 1, dans RHC-HOc, 3, p. 729. Ce thème est déjà
présent dans la (pseudo?) lettre d’Alexis à Robert de Flandre (cf. note 61), dont UrbainII
semble avoir repris plusieurs éléments.
Les concepts de guerre sainte et de croisade aux XIe et XIIe siècles 151
Quelques historiens sont allés plus loin et ont supposé que la croisade avait
pu constituer une sorte de “débouché” économique pour certaines familles
aristocratiques, en particulier pour les chevaliers cadets, privés de terre par le
système d’héritage qui se met alors en place en Occident, et qui les
marginalise49. Cette hypothèse a été à juste titre réfutée par J. Riley-Smith et,
en partie, par M. Bull, avec des arguments convaincants, bien que parfois
excessifs50. Il faut admettre, en effet, que la plupart des croisés avaient pris des
dispositions pour revenir chez eux et n’avaient donc pas l’intention de
s’installer en Orient; quant aux rescapés, presque tous sont revenus, vivants
certes, mais généralement plus pauvres qu’à leur départ. Sur ce plan toutefois,
l’argumentation paraît plus contestable. Car même si l’espérance
d’enrichissement est à nos yeux “mathématiquement infime”, elle pouvait en
effet être pourtant incitatrice51. De plus, l’espérance du butin dans un Orient
réputé riche et fastueux, joint à l’attirance de Byzance, à l’attrait de l’exotisme
et au goût de l’aventure pouvait constituer une tentation mobilisatrice. Il ne
faut donc pas exclure la dimension matérielle des motivations plus ou moins
secrètes des croisés. Ce n’est pourtant là, très probablement, qu’une dimension
mineure que le pape, pourtant, envisage et condamne, pour les pénitents du
moins.
Soulignons aussi l’attrait considérable que constitue l’Orient pour une
société avide de reliques, véritables talismans protecteurs non seulement de la
famille qui les a ramenées, mais des communautés religieuses ou villageoises
auxquelles ces reliques sont remises. Il s’agit là d’une motivation à la fois
matérielle et religieuse qui est loin d’être négligeable52.
49
Cette thèse a été attribuée en grande partie à tort – et en tout cas avec excès – à Georges Duby
qui, dans sa thèses sur le Mâconnais et dans quelques articles, suggérait que le changement
des habitudes successorales dans l’aristocratie de la fin du XIe siècle avait pu pousser de
nombreux “jeunes” et cadets de famille sans terres vers l’aventure, la reconquête, la croisade.
Voir sur ce point, par exemple, Georges DUBY, «Au XIIe siècle : les “jeunes” dans la société
aristocratique», Annales ESC., 20 (1964), pp. 835-846.
50
Voir en particulier Jonathan RILEY -SMITH , «The Motives of the Earliest Crusaders and the
Settlement of Latin Palestine, 1095-1188», English Historical Review, 98 (1983), pp.721-736; ID.,
«Early Crusaders to the East and the Costs of Crusading, 1095-1130», dans M. Goodich, S.
Menache et S. Schein (éd.), Cross Cultural Convergences in the Crusader Period. Essays Presented to
Aryeh Graboïs on his Sixty-fifth Birthday, New York, 1995, pp. 237-257; ID., «The State of Mind
of Crusaders to the East, 1095-1300», dans ID . (éd.), The Oxford Illustrated History of the
Crusades, Londres, 1995, pp. 66-90.
51
Tous les joueurs savent bien qu’ils ont une chance infime de gagner, et de très fortes chances
de perdre, ce qui ne les empêche pas d’espérer.
52
La dimension matérielle est en revanche prédominante dans les campagnes dirigées contre les
hérétiques ou les païens de Baltique, ce qui les différencie à nouveau, précisément, du modèle
originel de la croisade.
152 Jean Flori
La couronne du martyre?
UrbainII a-t-il promis la couronne du martyre à ceux qui viendraient à
périr au cours de l’expédition? Les avis sont partagés sur ce point. J.Riley-
Smith le nie, je l’affirme pour ma part, tandis que Herbert E. J. Cowdrey et
Colin Morris hésitent entre ces deux thèses opposées54. L’essentiel est que les
croisés, eux, en aient été persuadés. Or les chroniqueurs et les croisés eux-
mêmes, dans leurs lettres, font clairement référence à cette croyance55.
La perspective de mourir en martyr était-elle mobilisatrice? Elle peut
aujourd’hui, dans nos sociétés occidentales laïques et matérialistes, paraître
d’un bien faible attrait. Il n’en allait pas de même dans une société médiévale
où la religion – mais aussi la familiarité avec la mort – était omniprésente et
qui vivait partagée entre la crainte de l’enfer et l’espoir de la vie éternelle. Les
guerriers, surtout, connaissaient les périls de leur profession, ce qui ne les
53
RAOUL DE CAEN, Gesta Tancredi, c. 1, RHC-HOc, 3, pp. 603-606
54
Jonathan RILEY-SMITH, «Death on the First Crusade», dans D. Loades (éd.), The End of Strife,
Édimbourg, 1984, pp. 14-31; Herbert E. J. COWDREY , «Martyrdom and the First Crusade»,
dans P. W. Edbury (éd.), Crusade and Settlement, Cardiff, 1985, pp. 47-56; Colin MORRIS,
«Martyrs on the Field of Battle before and during the First Crusade», Studies in Church
History, 30 (1993), pp. 93-104; Jean FLORI, «Mort et martyre des guerriers vers 1100: l’exemple
de la première croisade», Cahiers de Civilisation Médiévale, 34 (1991), pp. 121-139; ID ., «Les
héros changés en saints... et les saints en héros…».
55
Cette croyance ne s’oppose nullement à leurs demandes de prières pour les défunts, ne serait-
ce que par respect de la décision souveraine de Dieu à leur égard ; voir sur ce point Jean
FLORI, Pierre l’ermite…, Paris, 1999, pp. 216 et s.
Les concepts de guerre sainte et de croisade aux XIe et XIIe siècles 153
La solidarité religieuse?
Plusieurs thèmes, issus des Évangiles, ont été abordés par UrbainII dans
son sermon: Jésus a donné sa vie sur la croix pour sauver les siens; en retour,
il demande aujourd’hui que l’on prenne sa croix pour libérer son tombeau et
délivrer ses fidèles de l’oppression. Il n’y a pas de plus grand amour que de
donner sa vie pour ses frères; or, les chrétiens d’Orient sont persécutés par les
musulmans, les Lieux saints sont profanés, les églises souillées; les secourir
est un devoir d’amour fraternel, servir le Christ, un devoir de fidèles.
Ces raisons ont très probablement été comprises par les chevaliers dans
une perspective plus proche de la solidarité clanique et de la vengeance (faide)
que de l’amour du prochain comme le prêchait Jésus56. Sous ses diverses
formes recomposées par les témoins, ce discours fait en tout cas clairement
appel aux valeurs qui touchaient le plus profondément les chevaliers: le sens
de la communauté fondée sur la religion (la notion de chrétienté naît et se
développe au XIe siècle), le réflexe identitaire par opposition à un adversaire
“étranger” par sa religion, donc “étrange”, et autres sentiments diffus et
viscéraux que l’on peut retrouver en partie aujourd’hui dans les communautés
qui se développent dans les banlieues de nos grandes villes. Le réflexe
xénophobe n’est pas loin. Il est exprimé par les termes qui désignent les
adversaires musulmans comme une “race abominable et perverse”, assimilés
aux païens de l’Antiquité, et diabolisés à la fois par leur religion “impie” et par
leur comportement décrit comme indigne, cruel et pervers. Ce thème du
Sarrasin “abominable” est très en faveur auprès des chevaliers, dont il stimule
l’ardeur et valorise le combat, comme le démontre son omniprésence dans les
56
Voir par exemple Jonathan R ILEY -S MITH , «An Approach to Crusading Ethics», Reading
Medieval Studies, 6 (1980), pp. 3-19; ID., «Crusading as an Act of Love», History, 65 (1980), pp.
177-192.
154 Jean Flori
57
Cf. Jean FLORI, «La caricature de l’islam dans l’Occident médiéval: origine et signification de
quelques stéréotypes concernant l’islam», Aevum, 2 (1992), pp. 245-256, et John TOLAN, Les
Sarrasins. L’islam dans l’imagination européenne au Moyen Âge, Paris, 2003.
58
Paul ROUSSET, «Recherches sur l’émotivité à l’époque romane», Cahiers de Civilisation
Médiévale, 1959, pp. 65 et s.
59
G UIBERT DE NOGENT, Dei gesta per Francos…, II, 4, p. 138. D’après lui, le pape aurait en effet
suggéré aux chevaliers que leur victoire en Terre sainte était nécessaire à l’accomplissement
prochain du plan de Dieu prophétiquement annoncé, puisque l’Antéchrist doit combattre les
chrétiens à Jérusalem. Voir sur ce point J. FLORI, Pierre l’ermite…, notamment pp. 493-500, et
Guy LOBRICHON, 1099, Jérusalem conquise, Paris, 1998, en particulier pp. 130 et s.
60
Alfons BECKER, Papst UrbanII. (1088-1099), Stuttgart, 1964-1988 (2 vol.), notamment 2, pp. 322-
376.
61
Die Kreuzzugsbriefe…, n. I, pp. 129-136.
62
Jean FLORI, Islam et fin des temps: la place de l’islam dans les prophéties médiévales, à paraître en
janvier 2007 aux éditions du Seuil.
Les concepts de guerre sainte et de croisade aux XIe et XIIe siècles 155
Conclusion
Les mobiles de départ des croisés traduisent ainsi les diverses perceptions
de la croisade par les participants. Pour les uns, il s’agit d’une guerre sainte et
même saintissime par sa destination même (la recouvrance de Jérusalem et la
délivrance des Églises d’Orient), capable à ce titre de procurer des
récompenses spirituelles à ceux qui s’y engagent, en particulier la couronne
des martyrs pour ceux qui mourraient dans cette expédition. Pour les autres, il
s’agit avant tout d’un pèlerinage (armé) au Sépulcre du Christ, premier des
Lieux saints de la chrétienté, et qui, à ce titre, peut être tenu pour une
pénitence satisfactoire aux péchés confessés. Ces deux conceptions sont
exprimées par la phase G, celle de la croisade, qui naît en 1095 et se prolonge
dans les faits jusqu’en 1291, bien au-delà au niveau des idéologies.
Une troisième opinion se fait jour au fil du temps: celle qui admet comme
croisade toute expédition ainsi qualifiée par la papauté dispensatrice des
privilèges énoncés par UrbainII à l’occasion de la première expédition. Cette
tendance est particulièrement perceptible à partir de la Quatrième croisade
(phase H) 65, La papauté, en effet, parvient à instrumentaliser la croisade et à
l’utiliser contre des objectifs qui n’ont plus guère de rapports avec les deux
traits majeurs qui, jadis, en faisaient l’originalité. En assortissant des privilèges
de croisade les expéditions contre les Maures d’Espagne, les Vendes des
63
Jean FLORI, «La croix, la crosse et l’épée. La conversion des infidèles dans la Chanson de Roland
et les chroniques de croisade», dans “Plaist vos oïr bone cançon vallant?” Mélanges de Langue et
de Littérature Médiévales offerts à François Suard, Lille, 1999 (2 vol.), 1, pp. 261-272; ID .,
«Première croisade et conversion des “païens” », dans M. Balard et A. Ducellier (éd.),
Migrations et diasporas méditerranéennes (Xe-XVIe siècles), Paris, 2002, pp. 449-457; Svetlana
LUCHITSKAJA, «L’idée de conversion dans les chroniques de la première croisade», Cahiers de
Civilisation Médiévale, 45 (2002), pp. 39-53.
64
Il n’en va pas de même des croisades ultérieures. Voir sur ce point Elizabeth SIBERRY ,
«Missionaries and Crusaders, 1095-1274: Opponents or Allies?», Studies in Church History, 20
(1983), pp. 103-110; Benjamin Z. KEDAR, Crusade and Mission. European Approaches toward the
Muslims, Princeton, 1984.
65
Jean FLORI, «Saint-Siège et guerre sainte. Le rôle de la papauté dans la formation de l’idée de
guerre sainte en Occident», dans Quarta Crociata: la partecipazione europea, le reazioni, la
rizonanza, Actes du colloque international de Venise (5-6 mai 2003), à paraître.
156 Jean Flori
66
Cette constante référence des papes, pour toutes les expéditions ultérieures quelles qu’en
soient les destinations, aux privilèges et indulgences attribués par UrbainII aux participants
de la Première croisade souligne à l’évidence le caractère normatif de celle-ci, un caractère
fondé, comme on vient de le voir, sur ses objectifs, à savoir la recouvrance de Jérusalem et du
Saint-Sépulcre. Cette destination seule en fait à la fois une guerre saintissime et un pèlerinage
méritoire. Aucune des autres expéditions affublées de l’appellation “croisade” ne possède ces
caractères distinctifs.
67
Les interventions réitérées des papes pour exhorter les Espagnols à renoncer à leur projet de
croisade en Orient pour combattre plutôt les Maures dans la péninsule Ibérique montrent bien
que pour les Espagnols la croisade (vers les Lieux saints) conservait une valeur suréminente,
que n’avait pas la guerre sainte (en Espagne), malgré l’identité des indulgences et les privilèges
accordés par les pontifes aux deux théâtres d’opération. L’indulgence n’était donc pas majeure
dans leurs motivations.
Les concepts de guerre sainte et de croisade aux XIe et XIIe siècles 157
Regards croisés sur la guerre sainte, pp. 159-185.
Marco MESCHINI*
1. Il vocabolario e l’idea
Innanzitutto va ricordato che Innocenzo ha rifondato il linguaggio crociato.
Già Markowsky ha evidenziato come egli abbia, per la prima volta nella storia
del papato, fatto un uso estensivo e ufficiale del termine crucesignatus5 ; va poi
a Cipollone il merito di aver setacciato con ampio spettro la terminologia
crociata del papa, isolando le occorrenze di una gamma abbastanza ampia di
termini e significati: così, accanto ai generici bellum, guerra, prelium e negotium,
se ne trovano di più caratterizzanti come iniuria, vindicta e obsequium Crucifixi
(e simili: crucis Christi, etc.)6.
È inoltre noto che egli non fece ricorso al termine cruciata, che sarebbe
divenuto comune – non esclusivo – solo con il prosieguo del XIII secolo; però
fu sotto il suo pontificato e in relazione a una crociata cismarina che la parola
fece capolino nelle fonti in lingua volgare, in particolare nella Canso di
Guglielmo di Tudela7.
Vi è un ulteriore piano di linguaggio – e relativo ambito concettuale – sul
quale Innocenzo fece leva nel suo impegno a favore della crociata: quello
3
E cioè almeno il suo essere pontefice romano, politico e giurista (Elisabeth KENNAN,
«Innocent and the first political crusade: a comment on the limitations of papal power»,
Traditio, 27 [1971], p. 232), uomo di fede e teologo (Wilhelm IMKAMP , Das Kirchenbild Papst
Innocenz’III [1198-1216], Stuttgart, 1983, p. 330).
4
Si veda per es. Die Register Innocenz’ III., ed. O. Hageneder et alii, Graz-Köln-Rom-Wien, 1964
[= Reg.] II, 180 (189), p. 346, r. 29-33: « … et statum Ierosolimitane provincie nobis per litteras
vestras frequenter et veraciter intimetis: Sicut enim expedit, ut veri nobis rumores sepius exponantur,
sic est utile, ut hii supprimantur penitus, qui mixturam sapiunt falsitatis ».
5
Michael M ARKOWSKY , «Crucesignatus: its origins and early usage», Journal of Medieval
History, 10 (1984), p. 160.
6
Giulio CIPOLLONE, Cristianità-Islam: cattività e liberazione in nome di Dio. Il tempo di InnocenzoIII
dopo “il 1187", Roma, 1992, pp. 135-154. Per quanto riguarda l’“istituzione” crociata cf.
Christopher TYERMAN, L’invenzione delle crociate, Torino, 2000, pp. 60-69.
7
Cf. ibid., pp. 48-49.
Pro negotio crucesignatorum 161
della lesa maestà8. Nel dicembre del 1199, con la lettera Nuper ad nos
indirizzata a FilippoII, egli vi ricorse per scuotere la ritrosia del re francese di
fronte ai propri piani crociati che, già lanciati nell’agosto dell’anno precedente,
stentavano a concretizzarsi. Secondo Innocenzo il re avrebbe dovuto mostrare
il suo obsequium verso Cristo ammonendo e spingendo a partire quanti si
erano fatti crociati nel suo regno, oltre a inviare un « competentem in expensis
tuis […] numerum bellatorum, quasi decimas saltem Christo persolvens; ita quod ex
hoc divinam gratiam possis plenius promereri ». Per sostenere il proprio invito il
pontefice ricorse quindi a un parallelo: se un re terreno fosse stato fatto
prigioniero e i suoi uomini non avessero combattuto in tutti i modi per
liberarlo e se il primo fosse stato restituito alla libertà e avesse fatto giustizia,
non avrebbe dovuto giudicare i secondi come infedeli, traditori e rei di lesa
maestà (« infideles… proditores regios et velut lese magestatis dampnabiles »),
passibili quindi della pena capitale? Similmente Cristo avrebbe potuto
giudicare il re («[…] de ingratitudine vitio et velud infidelitatis crimine te
dampnaret »)9.
Innocenzo, benché conscio del fatto che Filippo si fosse già impegnato in
passato in una crociata, non esitava ad accusare il re – sia pure in maniera
ipotetica – del crimine più grave possibile e immaginabile, sul duplice piano
del corpo e dell’anima, del potere temporale e spirituale. Si era a pochi mesi di
distanza da un’altra lettera che aveva poggiato sul medesimo presupposto
culturale e giuridico, la celebre Vergentis in senium, destinata ad alterna fortuna
ma comunque di sommo rilievo di “sistema”10. In quel caso le disposizioni
pontificie avevano avuto di mira l’eresia o per meglio dire il mondo
paraereticale; la vicinanza e somiglianza non sembrano coincidenze fortuite,
tanto più che Innocenzo avrebbe applicato il vocabolario e l’idea di crociata
anche alla lotta contro i fautori degli eretici e quindi, lato sensu, contro l’eresia
in quanto tale. Si può quindi dire che, al tramonto del XII secolo, il papa
cominciasse ad avvicinare i problemi all’interno di un quadro generale di
compiti, doveri e relative conseguenze inerenti ai poteri laici ed ecclesiastici
della Cristianità11.
8
Cf. G. CIPOLLONE, Cristianità-Islam..., pp. 147-149. Sulla lesa maestà si rinvia almeno a Jacques
C HIFFOLEAU , «Dire l’indicibile. Osservazioni sulla categoria del “nefandum” dal XII al XV
secolo», in La parola all’accusato, Palermo, 1991, pp. 42-73.
9
Reg. II, 241 (251), pp. 460-461. Cf. ibid., 259 (271) dove viene ripresa la stessa immagine ma il
concetto non viene esplicitato.
10
Ovidio C APITANI , «Legislazione antiereticale e strumento di costruzione politica nella
decisioni normative di InnocenzoIII», Bullettino della Società di Studi Valdesi, 140 (1976),
pp.31-53 ; Marco MESCHINI, «Validità, novità e carattere della decretale Vergentis in senium di
InnocenzoIII (25 marzo 1199)», Bulletin of the Medieval Canon Law, 25 (2002-2003), in stampa.
11
Per quel che riguarda la lotta all’eresia rinvio a ID ., «L’evoluzione della normativa
antiereticale di InnocenzoIII dalla Vergentis in senium (1199) al IV concilio lateranense (1215)»,
Bullettino dell’Istituto Storico Italiano per il Medio Evo, 106/2 (2004), pp. 207-231. Per la crociata
d’Oltremare: G. CIPOLLONE, Cristianità-Islam..., p. 148; però si deve far notare che il concetto
162 Marco Meschini
di lesa maestà andò anche in questo caso rastremandosi, sino a scomparire nella Ad liberandam
del 1215.
12
Cf. in generale Helmut ROSCHER, Papst Innocenz III. und die Kreuzzüge, Göttingen, 1969.
13
Jean LECLERCQ, Bernardo di Chiaravalle, Milano, 1992, pp. 135-142.
14
G. CIPOLLONE, Cristianità-Islam..., n. 37, p. 524.
15
Michele M ACCARRONE , Studi su Innocenzo III, Padova, 1972, pp. 86-163; James M. POWELL,
Anatomy of a crusade (1213-1221), Philadelphia, 1987, pp. 51-65.
16
G. CIPOLLONE, Cristianità-Islam..., n. 46, pp. 543-544. Per un nuovo tentativo nel 1216 si veda
PL, 216, col. 831-832 (37); cf. M. M ACCARRONE, Studi..., pp. 120-122.
Pro negotio crucesignatorum 163
provincie plus adhuc umani sanguinis effundatur »). Si deve rilevare la posizione
di umile richiesta assunta dal pontefice in questo scritto (« cum humiliter hoc
petamus et suppliciter imploremus ») e, nel contempo, il fatto che nessuna
contropartita fosse offerta all’avversario, similmente a quanto accaduto tra
RiccardoI d’Inghilterra e lo stesso al-Adil – intermediario di suo fratello
Saladino – durante la terza crociata; ed è risaputo come quelle trattative non
avessero sortito effetti positivi17. Ma torniamo a Innocenzo: scrivendo quella
lettera poco tempo dopo la diffusione della Quia maior nunc e della Vineam
Domini Sabaoth, egli tentava di sfruttare il periodo intercorrente tra il 1213 e la
data futuribile di partenza della spedizione – che comunque non sarebbe stata
prima del 1216-1217 – per sondare un’altra strada, che potremmo definire di
natura diplomatica pur con le limitazioni indicate. Mi sembra un aspetto
rilevante, soprattutto perché mostra in maniera non equivoca come la natura
della crociata dal punto di vista del papa (ma non solo) fosse armata per
necessità e non per volontà: era la resistenza attuata dagli infedeli in
Terrasanta ad armare la mano della Cristianità dietro la guida del suo vertice
ecclesiastico e non un’indistinta volontà di potenza ed espansione a danno
dell’“altro”. Nel cercare una soluzione alternativa alle armi per la questione
della Terrasanta, dunque, Innocenzo delimitava chiaramente e una volta di
più l’ambito proprio della crociata o meglio del negotium crucis di Terrasanta:
il recupero di quel particolare proprium cristiano, evidentemente alienum in
mano musulmana. Innocenzo insomma fissò in maniera inequivocabile il
senso e i limiti stessi di quella che sarebbe stata chiamata, nel prosieguo del
XIII secolo, crux transmarina18. E se si connette questa riflessione all’esito
fallimentare della crociata lanciata proprio nel 1213, la lettera di Innocenzo
assurge a criterio e giudizio della condotta del legato Pelagio nel 1219-1221: fu
in parte lui a voler tentare di trasformare la crociata, operazione di riconquista,
in un’impresa di conquista, in quel caso verso Il Cairo e forse oltre19. Ed è
curioso notare come, storicamente, lo snaturamento del senso e dello scopo
della crociata si sia accompagnato con il suo netto fallimento.
C’è poi, in quella lettera al sultano, un’altra frase carica di significato: « De
cuius [la Terrasanta] quidem detentione preter quandam inanem gloriam forte plus
difficultatis quam utilitatis accrescit » 20. Non solo sembra completamente
ignorata l’eventuale ragione di interesse da parte musulmana per il possesso
dei Luoghi Santi ma soprattutto, se si applicano le parole del papa alla
Cristianità, si può trovare un’involontaria negazione dell’idea stessa di
crociata: quale vantaggio derivava alla Cristianità dal possesso materiale della
Terrasanta? Non era forse il papato a parlare di onore e disonore in rapporto
al possedimento della terra ubi steterunt i piedi di Cristo? Nell’aprirsi sul
17
John GILLINGHAM, Richard Cœur de Lion, London, 1994, pp. 183-189.
18
Per il distinguo tra cismarini e ultramarini cf. Reg. V, 25 (26), p. 47, r. 23-24 e p. 48, r. 5 e 22-23.
19
J. M. POWELL, Anatomy..., pp. 175-193.
20
G. CIPOLLONE, Cristianità-Islam..., n. 46, p. 543.
164 Marco Meschini
2. L’impegno personale
Nella visione di InnocenzoIII, il voto in generale e il voto di crociata in
particolare è libero e volontario. Una volta assunto, comporta impegni da
assolvere in linea di principio personalmente, ma che possono anche essere
trasferiti su altri, soprattutto con il riscatto del voto medesimo, attraverso il
mantenimento di un congruo numero di armati a sostegno della Terrasanta,
ovvero con il versamento di una somma corrispondente alle spese che il
crociato avrebbe sostenuto in caso di scioglimento personale del voto. Voto
che restava pertanto valido sino alla cancellazione per compimento,
remissione o riscatto e che poteva essere adempiuto anche dopo
commutazione. Ne conseguiva che esso era ereditabile e diventava parte degli
oneri che, al fianco degli onori, si lasciavano agli eredi21.
Il voto poteva dunque essere differito, riscattato o commutato22, ovvero
rimesso da una legittima autorità23; in ogni modo, comunque, doveva esserne
rispettata l’intenzione originaria, tanto che il suo mancato rispetto comportava
naturaliter la scomunica, con relative conseguenze24. Per questi aspetti mi
sembra rilevante una lettera del primo anno del Registro dalla quale
apprendiamo che in merito alla gestione del voto di crociata (in questo caso di
un ecclesiastico) Innocenzo considerava tre diversi e complementari aspetti:
« Quid liceat, quid deceat, quid expediat » 25. Dunque oltre al mero rispetto degli
elementi “tecnici” connessi con il voto di crociata, era rilevante anche l’aspetto
personale e quello pubblico – nel duplice senso di impatto sull’opinione
pubblica e di ruolo della gerarchia ecclesiastica – anche perché non si
fornissero esempi negativi ai fedeli26. Tale dimensione pubblica della crociata –
in questo caso nella sua sfaccettatura personale – è fondamentale e dovremo
21
James A. BRUNDAGE, «The votive obligations of the crusaders. The development of canonistic
doctrine», Traditio, 24 (1968), pp. 77-118, in particolare p. 117; cf. per es. Reg. I, 10.
22
Per es. Reg. I, 439, in particolare p. 663, r. 15-16: « Quia igitur votum, cum requirit necessitas,
potest et debet in pietatis opus aliud commutari ». Cf. V, 15 (16) e G. CIPOLLONE, Cristianità-Islam...,
n. 37, p. 527. Non è chiaro a quale caso vada ascritto quello di Gualtieri di Brienne
(E.K ENNAN, «Innocent...», p. 244).
23
Sono significativi in questo senso vari passaggi di Reg. I, 69.
24
Si veda per es. Reg. II, 23.
25
Reg. I, 69, p. 101, r. 27.
26
Ibid., p. 102, r. 4-8.
Pro negotio crucesignatorum 165
Non curantes, quid os iniqua loquentium loquatur, dum tamen non recedamus a tramite
veritatis, cum secundum apostolum gloria nostra sit testimonium conscientie nostre, et
scandalum non curantes, presertim quia non in tenebris sed in luce procedimus28.
27
Per es. Reg. I, 13 e VII, 18.
28
Reg. I, 69, p. 103, r. 11-14.
29
Cf. G. C IPOLLONE , Cristianità-Islam..., p. 141. Questo distinguo tra impegno personale e
supporto materiale era valido anche al livello delle corone cristiane, come si evince da Reg. II,
241 (251), p. 461, r. 15. Il duplice piano di res e personae si ritrova anche ibid., 258 (270).
30
Elizabeth SIBERRY, Criticism of Crusading, 1095-1274, Oxford, 1985, pp. 25-26.
31
Ibid., p. 50.
32
Reg. I, 69, p. 102, r. 12 e 28-30; I, 302, p. 433, r. 10-14.
166 Marco Meschini
3. Il finanziamento
I primi crociati avevano risolto il problema del finanziamento della
spedizione con soluzioni improvvisate, soprattutto vendite e ipoteche.
Durante il XII secolo si fece strada «l’obbligo prima morale, poi talvolta anche
giuridico, d’assistere i crociati: era infatti considerato giusto che i fedeli, i
quali affrontavano pericoli e disagi per la salute e l’onore dei cristiani tutti,
fossero sollevati almeno dal fardello delle preoccupazioni materiali» 36. E
questo valse – con innovazioni di notevole momento – sia sul versante laico sia
33
Con esclusione delle prostitute, che però non possono certo essere ricondotte all’interno del
quadro qui delineato (cf. Marco MESCHINI, 1204: l’incompiuta. La quarta crociata e le conquiste di
Costantinopoli, Milano, 2005, pp. 67-69 e 157).
34
Come ho cercato di mostrare in un mio precedente lavoro: San Bernardo e la seconda crociata,
Milano, 1998. Cf. J. A. BRUNDAGE, «The votive obligations...», p. 93.
35
Reg. I, 13, p. 22, r. 29-35. Cf. E. SIBERRY, Criticism..., p. 107.
36
Giuseppe MARTINI, «Innocenzo III e il finanziamento della crociata», Nuova Rivista Storica, 65
(1981), p. 192.
Pro negotio crucesignatorum 167
Unde, si quid forsan in litteris nostris, quas vobis direximus, continetur, per quod
congregatam pecuniam ad nos mandaverimus destinari, id non ex intentione nostra sed
nimia occupatione processit, qui quanto intendimus pluribus, tanto minus sollicite
possumus de singulis cogitare40.
Per sua stessa ammissione, quindi, Innocenzo riconosceva i limiti dei suoi
mandata: egli era occupato in alti piani, non poteva occuparsi dei dettagli.
Un tratto di questo irrealismo si trova anche nel braccio di ferro che oppose
papa e ordini monastici esenti, cistercensi in testa, proprio sulla questione
della tassazione generale a favore della crociata41. In questa sede non interessa
37
Ibid. ; cf. E. SIBERRY, Criticism..., pp. 111-149.
38
Ibid., pp. 127-128 e 146.
39
M. MESCHINI , 1204: l’incompiuta..., p. 36. Per un caso simile cf. E. KENNAN , «Innocent...»,
pp.243-244.
40
Reg. I, 409, p. 613, r. 12-16. Cf. nel c. 71 del IV concilio lateranense il passaggio: « d e
contingentibus » (Conciliorum Oecumenicorum Decreta, Bologna, 1991, p. 268, in particolare r. 10
ss.).
41
Gli unici esenti da questa imposizione fiscale furono i monaci cistercensi, i canonici
premostratensi, gli eremiti di Grandmont e quelli della Chartreuse (Reg. II, 257-258). Costoro
168 Marco Meschini
avrebbero dovuto versare una somma “appropriata” in favore della crociata, che Innocenzo
stimava pari “almeno” alla quinquagesima. Vi furono resistenze in particolare da parte dei
cistercensi, tanto che si aprì un dissidio con il papa chiuso solo nel 1201, quando i vertici
dell’ordine versarono 2.000 marchi pro subsidio Terrae sanctae, somma certo inferiore a quanto
sperato dal papa e comunque largamente insufficiente per le necessità della crociata. Cf. E.
S IBERRY , Criticism..., p. 111 e Guido CARIBONI , « Huismodi verba gladium portant. Raniero da
Ponza e l’Ordine cistercense», Florensia, 11 (1997), pp. 122-133.
42
E basti questa frase icastica del Policraticus di Giovanni di Salisbury: « Nemo potest sine
stipendiis militare » (MGHSS, 17, p. 48).
43
PL, 216, col. 819C.
44
M. MESCHINI, 1204: l’incompiuta ..., pp. 202-216.
Pro negotio crucesignatorum 169
stato saldato, a parte fosse una residua somma sicuramente meno impegnativa
per la crociata e il suo futuro45.
Qualcosa di simile si può ritrovare nella crociata albigese. Per sostenere
Simone di Montfort, il mons fortis sul quale si appoggiò la Chiesa per la sua
lotta contro i fautori degli eretici in Linguadoca, Innocenzo fece ricorso –
anche adeguandosi alle pressanti richieste dei legati – a misure economico-
finanziarie straordinarie, permettendo ai legati di servirsi persino della
scomunica di fronte agli ecclesiastici reticenti. Ma il problema derivava dalla
scelta da lui fatta a monte, ovvero quella di servirsi, per i suoi scopi, del
baronato cattolico anche a costo di una rinuncia al supporto regio francese e
persino d’uno scontro con quello. Era stata la svolta politica impressa al
negotium pacis et fidei nel 1208 a generare quei problemi, e non l’inverso.
Se ora torniamo al problema che stavamo esaminando, si può dire che
Innocenzo confuse almeno in qualche occasione il problema tecnico – le pur
ingenti necessità economiche di un’impresa militare – con quello politico,
ovvero la necessità vitale, per le crociate da lui ideate e promosse, di una
coesione politica superiore ai diversi contingenti arruolati.
45
Ibid., pp. 153-155 e 166-168.
46
Reg. I, 406, p. 608, r. 26 (ducatus), che precisa il più generico «[legati] qui exercitum Domini
humiliter et devote precedant » contenuto ibid. I, 336, p. 502, r. 15-16. Cf. Reg. II, 258 (270), p. 493,
r. 20 (capud) e 259 (271), p. 500, r. 12 (caput).
47
Per es. Reg. I, 437 e 487.
48
Si veda il caso del suddiacono pontificio Pietro Marco (PL, 216, col. 690-691 [167]).
49
Reg. II, 180 (189).
50
In Reg. I, 406 si trova un interessante compendio delle attività che, a inizio pontificato,
Innocenzo stesso si attribuiva in merito alla crociata di Terrasanta.
51
Reg. II, 258 (270), p. 493, r. 18-20: «[legati] qui exercitum Domini vices nostras exequendo
precedant, et ad eos tamquam ad unum capud universi recurrant », da cui si può ricavare l’idea che
l’“unico capo” della spedizione fosse appunto il pontefice, essendo i legati suoi alter ego.
52
Reg. I, 516. Cf. H. ROSCHER, Papst Innocenz..., e M. MACCARRONE, Studi..., p. 114.
170 Marco Meschini
Que licet propter guerras et discordias, que peccatis exigentibus fortius et frequentius
solito pullulant in popolo Christiano, aliquandiu differatur […]. Credimus etiam quod,
principibus et populis Christianis obtata tranquillitate concessa, expectatum in Christo
subsidium sentietis57.
Per quel che attiene la crociata albigese, invece, la commistione tra l’ambito
proprio della pax e quello della fides fu un elemento caratterizzante sin da
53
Reg. I, 438, p. 661, r. 30-32.
54
Per il termine frontaria in Innocenzo si veda PL, 216, col. 740B.
55
Reg. II, 23-25.
56
Michele MACCARRONE, Nuovi studi su Innocenzo III, Roma, 1995, p. 220. Cf. Reg. I, 355.
57
Reg. II, 180 (189), p. 346, r. 1-2 e 24-26.
Pro negotio crucesignatorum 171
58
Sia permesso rinviare a un altro mio lavoro: Innocenzo III e il «negotium pacis et fidei» in
Linguadoca (1198-1215), Roma, 2006, in stampa.
59
H. ROSCHER, Papst Innocenz..., pp. 87 e 275, nota 38 e M. MACCARRONE, Nuovi studi..., p. 220.
Cf. anche John T. GILCHRIST , «The Lord’s war as the proving ground of faith : Pope
InnocentIII and the propagation of violence (1198-1216)», in M. Shatzmiller (ed.), Crusader
and Muslims in Twelfth-Century Syria, Leiden, 1993, pp. 65-83 e James M. POWELL, «InnocentIII
and the Crusade», in ID. (ed.), Innocent III: Vicar of Christ or Lord of the World? , Washington,
1994, pp. 121-134.
60
M. M ESCHINI, 1204: l’incompiuta..., pp. 194-195 e nota 24. Per un parallelo interessante si può
ricordare la posizione assunta dal pontefice a seguito della vittoria di Las Navas nel 1212 (G.
CIPOLLONE, Cristianità-Islam..., n. 43, pp. 534-536).
61
Lo si può ricavare da PL, 215, col. 1049-1051 (208) ma anche da PL, 216, col. 513-514 (154).
62
Ibid., col. 698-704 (182-183). Su Las Navas si veda María Dolores ROSADO LLAMAS e Manuel
Gabriel LÓPEZ PAYER, La batalla de las Navas de Tolosa: Historia y Mito , Jaén, 2001.
63
G. CIPOLLONE, Cristianità-Islam... e Alain DEMURGER, Chevaliers du Christ, Paris, 2002.
172 Marco Meschini
64
Reg. I, 11. Cf. E. SIBERRY, Criticism..., p. 94; Christoph T. MAIER , «Crisis, Liturgy and the
Crusade in the Twelfth and Thirteenth Centuries», Journal of Ecclesiastical History, 48 (1997),
pp. 638-640 ; G. CIPOLLONE, Cristianità-Islam..., p. 153.
65
Reg. I, 398.
66
Gian Luca POTESTÀ , Il tempo dell’Apocalisse. Vita di Gioacchino da Fiore, Roma-Bari, 2004;
Felicitas SC H M I E D E R , «Two unequal brothers split and reunited. The Greek in Latin
eschatological perceptions of politics and history before and after 1204», nel convegno La
presa di Costantinopoli e le conseguenze per la cultura e l’arte, Venezia, 7 maggio 2004 e Christoph
E GGER , «Die Kreuzzugsidee Innocenz’III», nel convegno The Fourth Crusade Revisited. An
International Symposium on the Fourth Crusade [1204], Andros, 27-30 maggio 2004.
67
Reg. I, 508.
68
PL, 214, col. 934-936 (47), in particolare col. 935A-B.
Pro negotio crucesignatorum 173
irrigidimento del clero davanti alla esosa richiesta del papa e, in sovrappiù,
avrebbe potuto indurre un ragionamento altamente in contrasto con alcuni
principi fondanti la guerra santa cristiana rilanciata da Innocenzo: poiché quei
modelli di vita cristiana rifiutavano di concorrere all’impresa militare, forse
quest’ultima difettava di leicità. In altre parole la guerra santa del pontefice
poteva essere considerata non giusta su un piano teoretico, così come non
particolarmente rilevante poteva essere ritenuta la difesa e il recupero della
Terrasanta.
Queste parole pontificie ci riportano inaspettatamente e anticipatamente su
quel piano dell’idea di crociata che abbiamo sopra richiamato in connessione
con la lettera del 1213 al sultano d’Egitto: per un paradosso inatteso, il rilancio
della crociata rischiava così di generare un suo indebolimento teoretico. Dal
che deriva pure che, una volta lanciata, la crociata di Innocenzo esigeva
necessariamente la sua realizzazione e il coinvolgimento delle forze fondanti
l’autocoscienza cristiana, dal momento che un fallimento prematuro, ovvero
già nella fase organizzativa, avrebbe comportato ripercussioni gravi sul piano
dell’idea stessa della crociata.
Un’altra conseguenza di grande momento e connessa con questo discorso
attiene il rapporto tra coinvolgimento, partecipazione e vittoria. Non sfuggirà
infatti come, nel quadro appena delineato, Innocenzo avesse bisogno di una
vittoria per mostrare che il Signore appoggiava i piani del suo vicario in terra.
Fu forse anche per questo che egli, pur non avendola voluta, cercò di attribuire
a Dio – e questo va da sé – e alla sede apostolica il “successo” clamoroso della
quarta crociata, come abbiamo già rilevato. Ma qui il punto che mi preme
sottolineare è un altro: certamente la condanna dei fallimenti precedenti
serviva a pungolare l’umiltà e, in singolare contemporaneità, l’amor proprio
dei laici, in particolare del mondo nobiliare e cavalleresco; tuttavia la
prospettiva della vittoria non poteva essere taciuta, pena uno svilimento del
ragionamento stesso posto al fondo dell’invito innocenziano. Fu forse anche
per questo che il pontefice affinò i vantaggi materiali per i crociati, per
concedere almeno l’impressione che la sottomissione a uno sforzo comune in
vista della vittoria futura fosse facilitato in termini immediati69.
Lungo questa falsariga si può collocare anche il modificarsi della durata
dell’impegno militare previsto nei diversi teatri operativi: se per la quarta
crociata si passò da due anni a uno – nel senso quindi di un ridimensio-
namento inteso a facilitare e favorire la risposta da parte dei laici – in
occasione della preparazione alla quinta crociata Innocenzo tornò a innalzare
quel termine, portandolo addirittura a tre anni70. La necessità di una vittoria –
e delle condizioni perché questa giungesse – passava quindi in primo piano.
69
Cf. J. A. BRUNDAGE, «The votive obligations...», p. 94; E. SIBERRY, Criticism..., pp. 83-84.
70
Reg. I, 336, p. 501, r. 31-35; II, 258 (270), p. 495, r. 27-35 e p. 496, r. 20-21; II, 259 (271), p. 501,
r.6; PL, 216, col. 819C.
174 Marco Meschini
Se ci spostiamo poi sul fronte linguadociano, notiamo come il papa non fissò
immediatamente un periodo di tempo necessario perché il voto di crociata
albigese fosse ritenuto espletato; fu solo infatti in un secondo momento che
venne istituita la “quarantina” necessaria per fruire dell’indulgenza e dei
connessi vantaggi temporali71. Il che però non significa che egli non avesse
fatto delle previsioni quanto alla durata complessiva dell’impegno crociato
nella regione, aspettative che peraltro si sarebbero rivelate errate e non di
poco.
C’è poi un altro aspetto chiave legato all’oggetto di questo paragrafo: le
norme elaborate dal pontefice e dalla curia, sicuramente intese a supportare i
crociati e per ciò stesso favorirne il reclutamento, incontravano il favore dei
laici? È possibile, almeno in linea generale, rispondere positivamente, dal
momento che non pochi di essi le accettarono; ma va segnalata almeno una
voce dissenziente: è quella di OdoneIII, duca di Borgogna, il quale nel 1205
scrisse una lettera a re FilippoII criticando le disposizioni pontificie, per la
ragione che esse parevano intromettersi indebitamente nel campo del potere
temporale72. La crociata, insomma, con il suo corredo di norme accessorie e
qualificanti lo status dei crucesignati, veniva interpretata come lesiva
dell’autonomia del potere temporale. E sembra ancora più degno di rilievo il
fatto che, a eccepire sul problema, fu un vassallo regio e non già il re, che anzi
– a quanto pare di capire – aveva implicitamente avallato le idee pontificie
trasmettendone le missive ai propri vassalli.
Forse alla luce di questa lettera si può comprendere meglio – anche se non
ancora pienamente – la posizione che il duca aveva assunto davanti alle offerte
dei crociati nel 1201: alla morte del conte di Champagne, primo promotore
laico della quarta crociata, i baroni crociati avevano cercato di coinvolgere
nell’impresa il duca borgognone, senza successo. E la cosa è rilevante – per
quanto incongruente – anche se si pon mente al fatto che OdoneIII fu proprio
uno dei baroni che avrebbe preso parte alla crociata albigese, nonostante in
quell’occasione il re francese si opponesse al papa proprio per l’ingerenza in
questioni temporali. Il che suggerisce cautela nell’assegnare a singoli
personaggi monolitiche posizioni politiche e ideologiche.
Due ultimi aspetti relativi al coinvolgimento della Cristianità: se è pur vero
che Innocenzo si pensò come capud dell’impresa, non per questo escluse in
maniera assoluta le teste coronate d’Europa, come spesso si ripete73; inoltre il
71
Già Roscher (Papst Innocenz III..., pp. 233-234) aveva notato questa indeterminatezza presente
nelle prime lettere del papa per la crociata linguadociana ; ho approfondito queste
problematiche in «Note sull’assegnazione della viscontea Trencavel a Simone di Montfort nel
1209», Mélanges de l’École française de Rome. Moyen Âge, 116/2 (2004), pp. 635-655.
72
Léopold DELISLE, Catalogue des actes de Philippe-Auguste, Paris, 1856, n. 946; Layettes du Trésor
des chartes, 1, Paris, 1869, pp. 292-293. Cf. Michel ROQUEBERT , L’épopée cathare, 1, Paris-
Toulouse, 2001, p. 131.
73
Si riprendano Reg. I, 302, in particolare p. 431, e II, 241 (251).
Pro negotio crucesignatorum 175
74
Reg. II, 202 (211) e 211 (220). Cf. anche Reg. II, 244 (254) e V, 102 (103).
75
Reg. II, 212 (221), p. 411, r. 34-35 e p. 412, r. 1, 4.
76
Ibid., p. 413, r. 19.
77
Ibid., r. 25 e p. 414, r. 1.
78
Ibid., p. 414, r. 17-24. Cf. E. KENNAN, «Innocent...» e Norman HOUSLEY, «Crusades against
Christians : their Origins and Early Development, c. 1000-1216», in P. W. Edbury (ed.),
Crusade and Settlement, Cardiff, 1985, pp. 17-36.
79
Reg. II, 212 (221), p. 413, r. 25.
176 Marco Meschini
80
Ibid., 217 (226), p. 422, r. 21-27.
81
Reg. I, 555 (558), p. 809, r. 12-17.
82
M. MESCHINI, 1204: l’incompiuta ..., pp. 49-50.
83
Cf. Jacques PAUL, «Le meurtre de Pierre de Castelnau», Cahiers de Fanjeaux, 2003, pp. 257-288
e M. MESCHINI, Innocenzo III..., c. II, § 4 e 20.2.
Pro negotio crucesignatorum 177
crociata contro i fautori degli eretici84; ciò di cui però difettava era una prova
lampante e schiacciante delle sue tesi. Ebbene, l’omicidio del legato si presentò
come il “necessario” soprassalto fattuale, politico ed emotivo per mostrare al
mondo feudale cattolico che gli allarmi lanciati da vari anni dal papato erano
veritieri e che la soluzione già indicata sul finire dell’anno precedente era
l’unica ormai possibile: la crociata come extrema ratio trovava così la sua
giustificazione “evidente”, anche se, dal punto di vista schiettamente
giuridico, la colpevolezza del conte tolosano non sarebbe mai stata
dimostrata85. La notizia della morte del legato, abilmente gestita dal pontefice
e dai suoi uomini, rappresentò insomma la perfetta smoking gun o – per usare
un gioco di parole – smoking sword in grado di attivare la risposta del mondo
feudale, sino ad allora reticente in pratica più che in teoria.
È quindi su un piano di propaganda, che si somma a quello della politica
reale, che si può leggere una parte dell’azione “crociata” di papa
InnocenzoIII: il quale, fra i dati presenti nella realtà del tempo, raccoglieva
quelli utili a convogliare verso i suoi piani le energie della Cristianità, come
mostrano due ulteriori esempi.
Per spronare i cristiani alla riconquista della Terrasanta Innocenzo agitava
davanti ai loro occhi il pericolo della perdita completa e definitiva della
hereditas Domini, ma questo non corrispondeva alla realtà immediata della
situazione. Non solo le forze musulmane del Vicino Oriente e dell’Egitto erano
divise fra loro a seguito della morte di Saladino ma, come egli stesso sapeva
almeno dalla seconda metà del 1199, nel luglio del 1198 era stata siglata una
tregua quinquennale tra cristiani e saraceni. Nonostante ciò Innocenzo decise
di rilanciare la crociata nel dicembre del 1199, fidando proprio nelle divisioni
interne al mondo musulmano86. Va riconosciuto che la situazione presentava
dei vantaggi almeno potenziali, ma anche che essa nascondeva altrettante
insidie: se ne accorsero quei crociati che, tra non poche difficoltà, giunsero in
Terrasanta a seguito degli appelli pontifici di quegli anni. Mi riferisco ai
contingenti salpati da porti diversi rispetto a Venezia e ai crociati guidati da
Simone di Montfort: tutti costoro raggiunsero l’Oltremare latino ma il loro
contributo alla causa Christi non poté che essere nullo, dal momento che un
loro eventuale attacco contro i musulmani avrebbe comportato la rottura della
tregua in atto e ulteriori perdite per i cristiani. Anche sotto questa angolatura,
dunque, va rilevata la mancanza di determinazione mostrata dal papa durante
le peripezie della spedizione principale della quarta crociata: se egli aveva
voluto profittare del momento propizio, si era fatto sfuggire l’occasione.
84
ID., «Innocenz III. und der Kreuzzug als Instrument im Kampf gegen die Häresie», Deutsches
Archiv, 61/2 (2005), pp. 537-583.
85
È il “processo impossibile” di cui ha parlato Roquebert (L’épopée…, 1, pp. 213-215 e 563-572).
86
Reg. II, 180 (189) e 241 (251). Cf. Michael MENZEL, «Kreuzzugsideologie unter InnocenzIII.»,
Historisches Jahrbuch, 120 (2000), pp. 39-79 e, per la clausole della tregua, Jean RICHARD, La
grande storia delle crociate, Roma, 1999, p. 250.
178 Marco Meschini
Verum ne nos aliis onera gravia et importabilia imponere videamur, digito autem nostro
ea movere nolimus, dicentes tantum et aut nichil aut minimum facientes… ut et nos, qui
licet immeriti vicem eius exercemus in terris, bonum aliis prebeamus exemplum, in personis
pariter et in rebus terre sancte decrevimus subvenire90.
Un (uomo di) potere non deve solo essere corretto, deve anche sembrare
tale: e questo aspetto dei problemi connessi con le crociate non sfuggiva al
pontefice.
87
J. M. POWELL, Anatomy..., pp. 15-50.
88
G. CIPOLLONE, Cristianità-Islam..., n. 44, p. 536.
89
Elaine G RAHAM -LEIGH , «Morts suspectes et justice papale. InnocentIII, les Trencavel et la
réputation de l’Église», in La Croisade Albigeoise, Carcassonne, 2004, pp. 219-233.
90
Reg. I, 336, p. 502, r. 5-10; Cf. ibid., 406, p. 608, r. 19-22 e PL, 216, col. 98C.
Pro negotio crucesignatorum 179
sé, senza dimenticare che la sua azione non si svolse in un vuoto pneumatico
ma anzi dovette tener conto degli altri problemi – certo non minori – che
interessarono il pontefice e la curia romana in concomitanza con le crociate
oggetto della nostra indagine.
Nel 1201 il papa fu chiamato a ratificare l’accordo stretto fra i comandanti
crociati e i veneziani per la realizzazione della crociata. Il contratto prevedeva
l’allestimento di una flotta per il trasporto e il vettovagliamento di 33.500
uomini e 4.500 cavalcature. Si trattava di numeri imponenti che, come è ben
noto, non sarebbero mai stati raggiunti. Eppure non sembra che il papa
eccepisse91, nonostante anch’egli si fosse cimentato, tra la fine del 1198 e
l’inizio del 1199, nella complicata arte di raccogliere un esercito. Si trattava
allora di fronteggiare la minaccia portata da Marcovaldo nell’Italia
meridionale, contro il quale Innocenzo aveva cercato di riunire più schiere di
armati: non solo aveva invitato la Lombardia, la Toscana, il Lazio, la
Campania e altre regioni a fornire uomini, ma aveva anche concordato con
alcuni rectores Tuscie, convocati appositamente a Roma, la raccolta di 1.500-
2.000 cavalieri (« sine solidis, in moderatis tamen expensis ») e di un adeguato
numero di fanti e arcieri92. Programma ambizioso, che era poi sfociato quasi in
nulla e che avrebbe potuto consigliare al papa una certa prudenza nel 1201
davanti all’altrettanto ambizioso piano crociato-veneziano: certamente le
responsabilità specifiche circa quest’ultimo vanno ascritte ai comandanti
crociati, ma il silenzio che si può registrare in merito da parte del papa
suggerisce una sottostima delle possibili incongruenze tra i progetti e la realtà,
che peraltro l’esperienza avrebbe già dovuto presentare al pontefice.
Ma fu soprattutto nei momenti di crisi che le scelte di Innocenzo
mostrarono il loro carattere più marcato. Prenderemo in esame le deviazioni
subite dalla quarta crociata a Zara e a Costantinopoli e l’atteggiamento del
papa di fronte alla crociata albigese negli anni 1209 e 1213.
Innocenzo vietò categoricamente l’attacco contro la cristiana Zara, per
giunta possedimento di un re crociato. Egli riuscì persino, con una lettera a noi
non pervenuta, a far intendere la sua voce nel concitato consiglio riunito sotto
la tenda del doge davanti alla città dalmatica, all’inizio di novembre del 1202,
nonostante il breve tempo a sua disposizione. Suo portavoce – a parte
ovviamente gli zaratini – fu solo l’abate di Vaux-de-Cernay, spalleggiato da
pochi nobili di primo rango come Simone di Montfort. È però significativo il
silenzio da parte dei vescovi presenti nell’armata e, ancora di più, l’assenza del
cardinale Capuano, espressamente incaricato dal papa come legato a latere per
il ducatus della spedizione. I veneziani – è vero – avevano rifiutato di
riconoscerlo in tale veste, ma è possibile che questa loro presa di posizione
fosse stata bastevole per piegare la determinazione del pontefice e del suo
91
M. MESCHINI, 1204: l’incompiuta ..., pp. 168-170.
92
Reg. I, 554 (557), p. 804, r. 3-9 e p. 805, r. 38-p. 806, r. 9.
180 Marco Meschini
93
M. MESCHINI, 1204: l’incompiuta ..., pp. 67-81 e 188-195.
94
Ibid., p. 201 e Reg. VI, 48, p. 71, r. 28.
Pro negotio crucesignatorum 181
95
Ibid., 102, in particolare p. 167, r. 33-34.
96
Geoffroy de VILLEHARDOUIN, La conquête de Constantinople, ed. a cura di Edmond Faral, Paris,
1938-1939, § 224-225.
97
PL, 216, col. 11-12 (2), in particolare col. 11B-C.
182 Marco Meschini
98
Il carattere “pubblico” dei misfatti zaratini e costantinopolitani è ammesso dallo stesso
Innocenzo in un passaggio di quella medesima lettera: « Quantum enim dudum [i veneziani]
offenderint abducendo peregrinos damnabiliter et damnose a subsidio terrae sanctae, non est, sicut
credimus, vobis [il patriarca di Aquileia e il vescovo di Padova] incognitum, cum toti pene sit
Ecclesiae manifestum » (Ibid., col. 11A). Ma ciò comportava, implicitamente, riconoscere che
anche la mancanza di fermezza dimostrata dalla sede apostolica fosse “manifesta”.
99
Reg. I, 536 (539).
100
Reg. VII, 75 (74). Cf. ibid., 127, pp. 207-208.
101
PL, 216, col. 830 (35) e 963-964 (179). Cf. J. M. POWELL, Anatomy..., p. 27.
Pro negotio crucesignatorum 183
102
Marco MESCHINI, « Diabolus... illos ad mutuas inimicitias acuebat: divisions et dissensions dans le
camp des croisés au cours de la première croisade albigeoise (1207-1215)», in La Croisade
albigeoise..., pp. 171-196.
103
Eppure il perdono non funzionò in più di una occasione, ovvero con Marcovaldo (E. KENNAN,
«Innocent...», p. 239), i crociati del 1202-1204 e appunto Raimondo VI.
184 Marco Meschini
poté il papa non accorgersi che lo scontro politico-militare era dietro l’angolo e
persino preventivato dal re aragonese104? Inoltre, ancora una volta Innocenzo
non dava contenuto pratico – per esempio nominando subito un nuovo legato
per la Linguadoca – alla sua decisione, rendendola di fatto impraticabile, con
la conseguenza che il papa stesso finiva in un angolo di insignificanza, lui che
pure avrebbe voluto essere riconosciuto come mediatore e giudice supremo105.
Insomma si può dire che tutte queste soluzioni ideate da Innocenzo
mancarono di realismo e pretesero di tenere insieme elementi inconciliabili:
una volta imboccata una strada, sembra che il papa non volesse precludersene
altre ma così facendo rischiava di smarrire i suoi passi lasciando ad altri
l’iniziativa. Con un’aggravante: non solo le sue reazioni rasentavano
l’irrilevanza, ma comportavano anche una lesione dell’immagine pontificia
per il futuro. In tal modo egli finiva per essere uno di quei ciechi di cui
parlavano le Scritture e cui egli faceva volentieri riferimento nelle sue lettere106.
Conclusioni aperte
«Si potrebbe essere indotti a esagerare il dinamismo della leadership di
InnocenzoIII. Egli codificò e articolò delle tendenze in atto, piuttosto che
crearne di nuove. Nondimeno, il suo contributo alle crociate potrebbe essere
definito come una sorta di creazione» 107. Questo giudizio di Tyerman mi
sembra condivisibile ancorché parziale: come giustamente egli afferma, anche
nel tentativo di “razionalizzazione” di qualcosa che si riceve in eredità vi è un
aspetto creativo; tuttavia l’impatto del pontificato innocenziano sulla storia
delle crociate mi sembra talmente rilevante che sarebbe esagerato sminuirne la
portata.
Semmai, ricollegandomi al titolo di questo lavoro, vorrei sottolineare – con
una certa dose di paradossalità108 e una punta ironica di provocazione – come
il gran lavoro di Innocenzo a favore dei negotia crociati che abbiamo
sinteticamente esaminato abbia finito con il causare un forte logorio della
crociata stessa.
Non insisto sugli errori, ripetuti e gravi, imputabili alla sua gestione, che
mi indurrebbero a parlare di inefficacia e persino, almeno in parte, di
incapacità pratica dimostrata dal pontefice, temperata comunque dalla sua
104
Martín ALVIRA CABRER, El Jueves de Muret (12 de Septiembre de 1213), Barcelona, 2002, p. 161 e
M. MESCHINI, Innocenzo III..., c. II, § 18.
105
Ibid., § 19. Si può aggiungere che il pontefice non sembrava rendersi conto di come, avallando
l’interpretazione aragonese secondo cui i crociati avrebbero allungato le mani su terre non
infettate dall’eresia, un giudizio negativo avrebbe giocoforza interessato anche gli uomini di
Chiesa che li avevano da sempre spalleggiati e inviati, vale a dire i legati, il clero
linguadociano e in ultima analisi il papa stesso.
106
Per es. Reg. I, 69, p. 103, r. 16-17, con riferimento a Mt 15, 12-14.
107
Ch. TYERMAN, L’invenzione..., p. 60.
108
Di paradosso ha parlato anche Tyerman (ibid., p. 69).
Pro negotio crucesignatorum 185
109
Fa specie osservare come due regioni reputate da Innocenzo come prioritari trampolini di
lancio delle crociate d’Oltremare, la Sicilia e Costantinopoli, risultassero invece problemi seri
che distolsero energie dalla Terrasanta, invece che darle sostegno.
110
Cf. per es. Simon D. LLOYD, English Society and the Crusade (1216-1307), Oxford, 1988, pp. 17-21.
111
Si tratta di un aspetto che meriterebbe un approfondimento ; rinvio solo a PL, 216, col. 152-153
(123) e, per alcuni paralleli, a Ch. TYERMAN, L’invenzione..., pp. 58 e 74-75.
112
Anche Maccarrone ha scritto dell’« astrattismo » del papa (Studi..., p. 122).
113
Egger ha giustamente parlato di una «idea di crociata in evoluzione» in Innocenzo III («Die
Kreuzzugsidee...»).
114
G. CIPOLLONE, Cristianità-Islam..., p. 137.
Regards croisés sur la guerre sainte, pp. 187-229.
4
No entro en el debate sobre los conceptos de guerra santa, cruzada, etc., ni en el de la
distinción entre un tipo u otro de cruzadas y guerras santas, ni en si deben o no aplicarse estos
términos a la Reconquista o a otras empresas santificadas del Pleno Medievo, remitiendo al
lector a las obras y las comunicaciones de los especialistas participantes en este coloquio.
5
Por ejemplo Fuentes I, n. 19 y 46.
6
Tomo estas dos últimas expresiones – sarracenos meridionales y herejes occidentales – de un viejo
conocido, el cisterciense de origen catalán Arnau Amalric, arzobispo de Narbona (y gran
experto en guerras santas), que fue protagonista de la cruzada de Las Navas de Tolosa (1212)
y líder espiritual de la Cruzada Albigense entre los años 1209 y 1213 (Carta de Arnau Amalric,
arzobispo de Narbona y legado apostólico en Provenza al abad de Cîteaux y al capítulo general de la
Orden del Císter sobre la gran victoria cristiana en la campaña de Las Navas de Tolosa, Toledo, 11
agosto 1212, RHGF, XIX, París, 1880, pp. 250-254).
7
Sólo para las tierras de Provenza, Damien Carraz habla de unas 50 composiciones de unos
doce autores que aluden a Oriente, si bien concluye que ésta no fue la principal preocupación
de los poetas («Ordres militaires, croisades et sentiments politiques chez les troubadours. Le
cas de la Provence au XIIIe siècle», en As Ordens Militares e as Ordens de Cavalaria na Construçâo
do Mundo Occidental. Actas do IV Encontro sobre Ordens Militares, Lisboa, 2005, pp. 93-111, esp.
p. 96).
Del Sepulcro y los sarracenos meridionales a los herejes occidentales 189
190 Martín Alvira Cabrer
Fuentes
La primera tabla se inspira en la realizada por la especialista británica
Linda Paterson en un reciente trabajo dedicado a la literatura occitana y Tierra
Santa10. Analiza aquí 152 composiciones trovadorescas y sitúa 131 en una tabla
cronológica que permite observar la evolución de la lírica provenzal en
relación con las Cruzadas de Oriente (barras en color azul)11. Siguiendo este
modelo, completamos estas referencias sobre Ultramar con aquellas que
mencionan directa o indirectamente la Reconquista. La propia Paterson ofrece
un elenco de 25 fuentes sobre este tema12, a las que añadimos otras 18 que
8
Saverio G UIDA, « Le canzoni di crociata francesi e provenzali », en VV. AA., Militia Christi e
Crociata nei secoli XI-XIII. XIa Settimana Internazionali di Studi Medievali, Milán, 1992, pp. 403-442,
esp. p. 437. Sobre el tema, véanse las opiniones enfrentadas de este autor (« Canzoni di crociata
ed opinione pubblica del tempo », en A. M. Babbi, A. Pioletti, F. Rizzo Nervo y C. Stevanoni
(ed.), Medioevo romanzo e orientale : Testi e prospettive storiographiche. Colloquio Internazionale,
Verona, 4-6 aprile 1990, Rubbettino, 1992, pp. 41-52) y Elisabeth Siberry (« Troubadours,
Trouvères, Minnesingers and the Crusades », Studi Medievali, 29, 1988, pp. 19-43, y Criticism of
Crusading, 1095-1274, Oxford, 1985).
9
Véase el trabajo clásico de Bernard GUENÉE, « Histoires, annales et chroniques. Essai sur les
genres historiques au Moyen Âge », Annales. ESC, 28/3-4 (1973), pp. 997-1016.
10
Linda M. PATERSON, « Occitan Literature and the Holy Land », en M. Bull y C. Léglu (ed.), The
World of Eleanor of Aquitaine. Literature and Society in Southern France between the Eleventh and
Thirteenth Centuries, Woodbridge, 2005, pp. 83-99.
11
L. M. PATERSON, « Occitan Literature…», Apendice 1 (Texts referring to crusades or Holy Land),
pp. 97-98 y Apéndice 2 (References to Crusades in Troubadour Lyrics), p. 99. El listado completo
puede consultarse en Linda M. PATERSON, Lyric allusions to the crusades and the Holy Land,
www2.warwick.ac.uk/fac/arts/french/about/staff/lp/lyrical.lus.
12
L. M. PATERSON, « Occitan Literature…», Apéndice 1 ( Reconquista), p. 98.
Del Sepulcro y los sarracenos meridionales a los herejes occidentales 191
Cronología
Seguimos las pautas de Paterson al señalar las grandes cruzadas oficiales y
establecer entre ellas una serie de momentos intermedios (Post IIa Cruzada, Post
IIIa Cruzada, etc.). En el caso de la Reconquista, nos ajustamos al
enfrentamiento de los cristianos con los almorávides (1137-1145), con los
almohades hasta la derrota de Alarcos (1149-1195), el período entre las batallas
de Alarcos y Las Navas de Tolosa (1195-1212), los años posteriores a Las
Navas (1224-1228), la Gran Reconquista (1229-1248) y tres etapas posteriores a
ésta (1248-1265, 1276 y 1280-1282). En cuanto a la Cruzada Albigense, una
guerra de veinte años con fases bastante diferentes, proponemos las
13
Véase el listado de fuentes manejadas en mi Apéndice 1.
14
Véase Apéndice 2.
15
Véase Apéndice 3.
16
Las vidas son biografías de trovadores compuestas en el siglo XIII cuando se elaboraron
cancioneros; las razós servían de presentación e introducción preliminar a la composición que
se quería interpretar.
17
Guillem de Berguedà y Raimon Vidal de Besalú (Fuentes I, n. 40 y 78) ; el genovés Lanfranc
Cigala y el mantuano Sordel (Fuentes I, n. 46 y 79-80).
192 Martín Alvira Cabrer
Cruzadas de Ultramar
De esta primera tabla se deduce que las cruzadas de Oriente despertaron el
mayor interés entre los trovadores (casi 60 %). A las cruzadas oficiales se
dedicaron de 7 a 13 poesías, salvo a la Va Cruzada (4) y al momento posterior a
la Ia (3)20. La IIIa Cruzada es, sin duda alguna, el momento de máxima
producción (28 composiciones). Dicho esto, hay que insistir con Siberry y
Paterson en que el interés por el fenómeno cruzado fue estable y constante en
la literatura provenzal hasta el siglo XIV (13, 11, 9, 7, 4 y 11 composiciones en
los momentos intermedios; y 11, 8 y 9 para las tres últimas cruzadas del siglo
XIII)21.
18
Para el desarrollo de los hechos, véase Michel ROQUEBERT, L’Épopée Cathare, 2 vol., reed. :
París-Toulouse, 2001.
19
Tres buenos estudios recientes sobre los trovadores y los reyes catalano-aragoneses son Isabel
de RIQUER, « Presencia trovadoresca en la Corona de Aragón », Anuario de Estudios Medievales,
26/2 (1996), pp. 933-966; Stefano ASPERTI, « I trovatori e la corona d’Aragona. Riflessioni per
una cronologia di riferimento», Mot so razo, 1 (1999), pp. 12-31; y www.chez.com/lengadoc/
jacme1.htm ; y Antonio M. ESPALADER, « El casal de Barcelona i la poesia trobadoresca », en
Càtars i Trobadors. Occitània i Catalunya : renaixença i futur, Barcelona, 2003, pp. 106-123.
20
Entre las fuentes posteriores a la I Cruzada incluimos: las canciones de Guilhem de Peitieu
referidas a Tierra Santa tal como figuran en el listado de Paterson; la Cansó d’Antioca (h. 1106),
poema histórico compuesto por el caballero Gregori Bechada (ed. Paul MEYER, « Fragment
d´une Chanson d´Antioche en provençal », Archives de l’Orient latin, 1883, pp. 467-509 ; y ed. ingl.
Carol Sweetenham y Linda Paterson, The “Canso d’Antioca”. An Epic Chronicle of the First
Crusade, Aldershot-Burlington, 2003; sobre esta obra, puede verse R. LEJEUNE, «L’esprit de la
Croisade… », pp. 144-155; y L. M. PATERSON, « Occitan Literature…», pp. 83-85 y 96); y la
Chanson des Chétifs (ed. G. Myers, The Old French Crusade Cycle, 5, Tuscaloosa, 1981), poema
épico escrito en la corte ultramarina de Ramon, conde de Poitiers (m. 1137), en francés
antiguo, si bien Paterson cree que el original pudo ser una versión occitana (« Occitan
Literature…», pp. 85-89, esp. p. 87).
21
E. SIBERRY, Criticism of Crusading…, p. 21 ; y L. M. PATERSON, « Occitan Literature…», p. 90.
Con todo, Carraz pone el acento en el desánimo que cundió desde mediados del siglo XIII tras
los fracasos en Oriente (« Ordres militaires, croisades... », p. 95).
Del Sepulcro y los sarracenos meridionales a los herejes occidentales 193
Reconquista
La relación de los trovadores con la Reconquista resulta menor, casi una
quinta parte de la producción que alude a “guerras santas” (19 %). Si hasta
mediados del siglo XII contamos con dos composiciones de Marcabrú22, la
segunda mitad de esta centuria es un momento importante (11) por la
coincidencia de la ofensiva almohade en la Península Ibérica y la afluencia de
grandes trovadores a las cortes de los reyes hispanos, en especial AlfonsoVII,
AlfonsoVIII, Alfonso el Trovador y Pedro el Católico23. Con todo, las
referencias más numerosas a la Reconquista se sitúan durante la crisis bélica de
los años 1195-1212 (14)24. El impacto de la batalla de Las Navas de Tolosa fue
grande, como lo prueba que el clérigo y poeta de origen navarro Guillermo
Guilhem de Tudela tuviera la intención de dedicarle un poema histórico, así
como su recuerdo en composiciones tardías25. Los versos de Guilhem Ademar
ilustran el clima de estos años:
Después de 1212 el interés por la guerra peninsular parece decaer, algo que
también se observa en las fuentes historiográficas europeas27. Hay dos
composiciones hasta 1228 y otras 6 para los años de la Gran Reconquista,
incluida la razó de un poema de Folquet de Marselha que recuerda Las Navas,
una Vida dedicada al rey Alfonso de Aragón, llamado el Trovador, y varias
alusiones a la guerra contra los sarracenos en autores críticos con el rey JaimeI
por su pasividad ante las conquistas francesas en tierras occitanas. En las
décadas siguientes se datan 3 composiciones referidas a las conquistas de
Granada y Murcia, así como el planh o lamento por la muerte de Jaime el
Conquistador de Matieu de Caersí, que resume bien varios elementos de la
idea de cruzada:
22
Véase abajo Fuentes I, n. 48 y 49.
23
Fuentes I, n. 50, 51, 66, 67, 40, 24, 69, 25, 20, 43 y 68.
24
Fuentes I, n. 22, 19, 23, 29, 75, 70, 78, 30, 71, 42, 41, 4, 74, 77 y 73.
25
Qu’en ne cug encar far bona cansó novela / Tot en bel pergamin (Fuentes I, n. 41, laisse 5, vv. 16-24);
Fuentes I, n. 85 y 34.
26
Fuentes I, n. 30.
27
Véase Derex W. LOMAX, «La conquista de Andalucía a través de la historiografía europea de
la época», en Andalucía entre Oriente y Occidente (1236-1492). Actas del V Coloquio Internacional
de Historia Medieval de Andalucía, Córdoba, 1988, pp. 39-41, esp. p. 41.
194 Martín Alvira Cabrer
Cruzada Albigense
En cuanto a la Cruzada Albigense, el porcentaje de obras es algo menor
que el de la Reconquista (15 %). Si pensamos que esta guerra ocupó solamente
veinte años, esta cifra nos da idea de su impacto32. A los primeros sucesos
28
Fuentes I, n. 52 ; y 58, 1, 85, 88, 18, 5, 9, 37, 46, 72 y 44.
29
Fuentes I, n. 34, 45 y 47.
30
Folquet de Marselha: « …que·l Sepulcre perdet premeiramen [en 1187] / et ar sufre qu’Espanha·s vai
perden…» (Fuentes I, n. 19, est. I, vv. 6-7). Gavaudan: « Senhors, per los nostres peccatz / Creys la
forsa dels Sarrazis» (Fuentes I, n. 23, est. I, vv. 1-2).
31
Fuentes I, n. 49.
32
Sobre la cuestión son imprescindibles los excelentes estudios de Eliza Miruna GHIL, L’Âge de
Parage. Essai sur la poétique et la politique en Occitanie au XIIIe siècle, Nueva York-Berna-
Del Sepulcro y los sarracenos meridionales a los herejes occidentales 195
Frankfurt-París, 1989, esp. pp. 9-89; y Martín AURELL, La vielle et l’épée. Troubadours et politique
en Provence au XIIIe siècle, París, 1989. Buenos trabajos son también Robert H. GERE , The
Troubadours, Heresy and the Albigensian Crusade, Ph. D. Columbia, 1955, Michigan Univ.
Microfilms (Public. n. 15.628, Microfilm AC-1), 1956; Linda PATERSON , The World of the
Troubadours: Medieval Occitan Society c. 1100-c. 1250, Cambridge, 1993; y los recientes trabajos
de Damien Carraz: «Ordres militaires, croisades...» y Ordres militaires, croisades et sociétés
méridionales. L’ordre du Temple dans la basse vallée du Rhône (1124-1312), Thèse de Doctorat,
Université Lumière-Lyon II, 2003, 4 vol. (en prensa).
33
Fuentes I, n. 35, 21, 41, 64 y 65. Sobre estas dos últimas composiciones, véase E. M. GHIL, L´Âge
de Parage..., pp. 221-229 y 91-149.
34
Fuentes I, n. 4, 6, 74, 77, 12, 76, 16 y 63. Sobre la batalla de Muret y sus circunstancias, Martín
ALVIRA CABRER, El Jueves de Muret. 12 de Septiembre de 1213, Barcelona, 2002.
35
Fuentes I, n. 59, 81, 39, 28 y 83 ; y n. 3, 2, 60, 61, 12, 27, 62 y 82. Sobre la segunda parte de la
Cansó de la Crozada, véase E. M. GHIL, L´Âge de Parage..., pp. 151-218.
36
Fuentes I, n. 82 y 38.
37
Fuentes I, n. 83 (trad. mía).
38
Eliza Miruna G HIL , « Crozada. Avatars of a Religious Term in Thirteenth-Century Occitan
Poetry», Tenso, 10 (1995), pp. 99-109, esp. pp. 102-104; y M. AURELL, La vielle et l’épée..., pp. 39-
64. Sobre el tema, véase también Étienne DELARUELLE, «La critique de la guerre sainte dans la
littérature méridionale», en Paix de Dieu et Guerre Sainte…, pp. 128-139; y E. SIBERRY, Criticism
of Crusading…, pp. 158-168. Algunos trabajos anteriores son Palmer A. THROOP, «Criticism of
196 Martín Alvira Cabrer
Entre los trovadores críticos hay que destacar al gran Pèire Cardenal. En
sus 9 composiciones, más que ningún otro autor, expresa duras y agrias
críticas contra los franceses y los clérigos, responsables máximos de la
Cruzada desde los planos político-militar e ideológico-espiritual40.
Pero aunque la censura sea mayoritaria, los trovadores no tuvieron una
posición homogénea frente a los avatares políticos de su tierra41. Algunos
autores apoyaron abiertamente la lucha contra la herejía. Es el caso del clérigo
Guillermo de Tudela, cuya actitud pasó del apoyo entusiasta a un cierto
desencanto42, y de la trobairitz Gormonda de Montpelhièr, quien no dudó en
responder duramente a Guilhem Figueira defendiendo la política pontificia:
Papal Crusade Policy in Old French and Provençal», Speculum, 13 (1938), pp. 379-412; ID .,
Criticism of the Crusade: A Study of Public Opinion and Crusade Propaganda, Amsterdam, 1940
(reed. : Philadelphia, 1975); George B. F LAHIFF , « Deus non vult: A critic of the Third
Crusade», Medieval Studies, 9 (1947), pp. 162-188; Steven RUNCINAM, «The Decline of the
Crusading Idea», en Storia del Medioevo. Relazioni del X Congresso Internazionale di Scienze
Storiche, 3 (Bibliotheca Storica Sansoni, n. s. XXIV), Florencia, 1955, pp. 637-652. Para el ámbito
de la Francia septentrional, véase David A. TROTTER , Medieval French Literature and the
Crusades (1100-1300), Ginebra, 1987.
39
Fuentes I, n. 38 ; y n. 7, 10, 26, 55, 56, 57, 80 y 82. Véase E. M. GHIL, L’Âge de Parage..., pp. 91-
149.
40
Fuentes I, n. 56, 57, 59, 60, 61, 62, 63, 64 y 65. Véase E. M. GHIL, L’Âge de Parage..., pp. 270-277.
41
E. SIBERRY, Criticism of Crusading…, p. 159.
42
Sobre esta cuestión puede verse Étienne DELARUELLE, «L’idée de Croisade dans la Chanson
de Guillaume de Tudèle», en La bataille de Muret et la civilisation médiévale d’Oc. Actes du
Colloque de Toulouse (9-11 septembre 1963), Annales de l’Institut d’Études Occitanes (1962-1963),
pp. 49-63; reed. en L’idée de Croisade au Moyen Âge, Turín, 1980, pp. 173-187.
43
Fuentes I, n. 26 (trad. mía). Sobre este célebre debate, véanse las reflexiones de E. M. GHIL ,
L’Âge de Parage..., pp. 236-250 ; y E. M. GHIL, « Crozada...», pp. 104-105.
Del Sepulcro y los sarracenos meridionales a los herejes occidentales 197
44
Fuentes I, n. 10.
45
Fuentes I, n. 79, 17, 18, 86, 84, 87, 89, 9 y 36. Sobre esta última cuestión, Charles ANATOLE, «Le
souvenir de la bataille de Muret et de la dépossession des comtes de Toulouse dans les Vidas
et les Razos», en La bataille de Muret…, pp. 11-22 ; y E. M. GHIL, L’Âge de Parage..., pp. 34-62.
46
Véase Alfred JEANROY , «Le soulèvement de 1242 et la poésie des troubadours», Annales du
Midi, 16 (1904), pp. 311-329; y M. ALVIRA CABRER, El Jueves de Muret…, pp. 551-553. Sobre los
condes de Tolosa, es imprescindible la consulta de Laurent MACÉ, Les comtes de Toulouse et leur
entourage (1112-1229), Toulouse, 2000 (reed. : 2004).
47
Fuentes I, n. 18.
48
Fuentes I, n. 4. También E. SIBERRY, «Troubadours, Trouvères...», p. 42.
198 Martín Alvira Cabrer
Fuentes
La segunda tabla aborda el impacto de estas tres “guerras santas” en las
fuentes analísticas del sur de Francia. Manejamos 18 anales y cronicones,
además de 3 necrologios. No son todos los que hay, pero sí los más accesibles
e importantes. Geográficamente, cubren la práctica totalidad del territorio
meridional de Francia, desde Burdeos a Marsella y desde Narbona a Limoges,
en el extremo norte de las tierras occitanas y casi más en el centro que
propiamente en el sur del país (véase Mapa)51.
49
Fuentes I, n. 37, 13, 8, 14, 15, 53 y 54. Sobre el tema, véase M. AURELL, La vielle et l’épée…, pp.
149-232; más brevemente M. Alvira Cabrer, El Jueves de Muret..., pp. 553-557; y la tesis
doctoral de Carraz.
50
Fuentes I, n. 32 (trad. mía); y n. 31 y 33. Sobre este autor, véase Richard E. F. STRAUB, « Les
sirventes de Guilhem Anelier de Tolosa », en L. Rossi (ed.), Cantarem d’aquestz trobadors. Studi
occitanici in onore di Giuseppe Tavani, Alessandria, 1995, pp. 127-168, esp. pp. 132-142. A Pedro
el Grande le dedicó el sirventés Vera merce e drectura sofranh (PC 204.4), ed. y trad. fr. R. E. F.
STRAUB, « Les sirventes de Guilhem Anelier...», pp. 155-157.
51
No incluimos los anales y cronicones del antiguo Rosellón, considerando que estas tierras
catalanas formaban parte de la Corona de Aragón.
Del Sepulcro y los sarracenos meridionales a los herejes occidentales 199
200 Martín Alvira Cabrer
Del Sepulcro y los sarracenos meridionales a los herejes occidentales 201
Cruzadas de Ultramar
Por éstas se interesaron algo más del 60 % (13/21). Las que más noticias
ofrecen son Bernart Itier y las crónicas de Montpellier y San Víctor de
Marsella57. Los necrologios no incluyen ninguna –algo que parece lógico–,
como tampoco los cronicones de San Justo y San Esteban de Narbona,
Maguelone y Berdoues58. Muy escaso puede considerarse el interés de los
cronicones de Santa Coloma de Burdeos y Nimes, del llamado Códice
Cluniacense Occitano y de la Crónica del Consulado de Montpellier59.
52
Véase abajo Fuentes II, n. 1, 21, 3, 15 y 6. La crónica de Guilhem de Puèglaurenç (Fuentes II, n.
22) ofrece 39 noticias, pero no la incluimos en esta tabla.
53
Fuentes II, n. 11, 5, 13 y 12. Unificamos en una sola fuente y una sola entrada (Crónicas de San
Marcial de Limoges) los distintos cronicones de la abadía de San Marcial de Limoges : las
continuaciones del Chronicon de Bernart Itier del prior Estefe de Salvanhec (1224-1264) y del
bibliotecario y chantre Elias de Brolio (1264-1297), los dos cronicones anónimos atribuidos al
prior Elias d´Autenc (1276-1284), el Brevissimum Chronicon anónimo (1251-1299) y las noticias
dispersas de los siglos XI-XIII reunidas en los Varia Chronicorum Fragmenta (Fuentes II, n. 12).
54
Fuentes II, n. 14 y 10.
55
Fuentes II, n. 4, 8, 9, 17, 18, 19 y 20.
56
Fuentes II, n. 7, 16 y 2.
57
Fuentes II, n. 1, 21 y 3.
58
Fuentes II, n. 17, 18, 19, 8, 16 y 4.
59
Fuentes II, n. 14, 10, 20 y 9.
202 Martín Alvira Cabrer
Reconquista
Más de la mitad da alguna noticia sobre esta “guerra santa” (11/21). Por lo
general, son más importantes que las referidas a Oriente. Mucho menor interés
que por las cruzadas de Ultramar demuestran Bernart Itier, la Crónica de
Béziers II y el Cronicón languedociano de Tolosa60. Un interés algo menor se
observa en el Cronicón de Tolosa y las crónicas de San Pablo de Narbona y San
Marcial de Limoges, siendo el mismo en el Cronicón de Nimes61. Más interés por
la Reconquista que por Ultramar tuvieron los autores de las crónicas de
Montpellier, San Víctor de Marsella, Béziers I y Santa Coloma de Burdeos62.
Cruzada Albigense
Estos resultados son, quizá, los más interesantes. Casi tres cuartas partes de
las fuentes analísticas manejadas (71 %) ofrecen alguna noticia (15/21). Cinco
de estos textos –las crónicas de Béziers II y Tolosa, el cronicón de Burdeos, el
languedociano de Tolosa y el Códice Cluniacense Occitano– demuestran un
mayor interés por este conflicto que por los otros63. Más o menos el mismo por
las tres “guerras santas” se observa en Bernart Itier y las crónicas de
Montpellier, Limoges y San Pablo de Narbona64. Escaso interés demuestran las
crónicas de Béziers I y San Victor de Marsella65. En los tres necrologios –San
Nazario de Carcasona, Cassan y San Nazario de Béziers–, así como en la
crónica del monasterio cisterciense de Berdoues (esta filiación no es un dato
menor), la Cruzada Albigense es la única mencionada66.
Cruzada de Cataluña
Su presencia es minoritaria: sólo figura en las crónicas narbonesas de San
Justo y San Pablo, y en las de San Marcial de Limoges67.
60
Fuentes II, n. 1, 6 y 11.
61
Fuentes II, n. 15, 13, 12 y 10.
62
Fuentes II, n. 21, 3, 5 y 14.
63
Fuentes II, n. 6, 15, 14, 11 y 20.
64
Fuentes II, n. 1, 21, 12 y 13.
65
Fuentes II, n. 5 y 3.
66
Fuentes II, n. 17, 18, 19 y 4. Berdoues se sitúa en el antiguo condado de Astarac (Dep. Gers).
67
Fuentes II, n. 8, 13 y 12.
Del Sepulcro y los sarracenos meridionales a los herejes occidentales 203
204 Martín Alvira Cabrer
Cruzadas de Ultramar
Las noticias sobre Oriente representan un 30 %, esto es, un tercio del total
de las referidas a “guerras santas”. Un primer episodio muy recordado fue la
Ia Cruzada y la conquista de Jerusalén (10 noticias), lo que resulta lógico
teniendo en cuenta la activa participación en esta empresa de los provenzales
al mando del conde RamonIV de Tolosa:
Anno .M.CLXXX[X].VIIII. pres R[amons], coms de Sant Geli, Iherusalem, per vertut
de Deu69.
68
Fuentes II, n. 22; y Patrice CABAU, «Deux chroniques composées à Toulouse dans la seconde
moitié du XIIIe siècle», Mémoires de la Société Archéologique du Midi de la France, 56 (1996), pp.
75-120, esp. pp. 78-79.
69
Fuentes II, n. 11 ; y n. 1, 3, 5, 10, 12, 13, 15, 21 y 22. Sobre la importancia de la Ia Cruzada para
el sur de Francia y, más concretamente, para los condes de Tolosa, véase John H. HILL y
Laurita HILL, «Justification historique du titre de Raymond de Saint-Gilles: Christiane Milicie
excellentissimus princeps», Annales du Midi, 2 (1954), pp. 101-112; ID ., Raimond IV, comte de
Saint-Gilles, 1041 (ou 1042)-1105 (Bibliothèque Méridionale, 35), Toulouse, 1959; y Jean
RICHARD, « Les Saint-Gilles et le comté de Tripoli» , en Islam et chrétiens du Midi…, pp. 65-75.
Para su impacto en otros territorios meridionales, Marcus BULL, Knightly Piety and the Lay
Response to the First Crusade. The Limousin and Gascony, c. 970-c. 1130, Oxford, 1993.
70
Se trata de un relato de la Ia Cruzada centrado en la figura del legado apostólico Ademar,
obispo de Puy, que está insertado en el Cartulaire de Maguelonne, ed. HGL, V (1875), n. 4, col.
14-27, esp. 24-27.
71
Raimon d’AGUILERS, Historia Francorum qui ceperunt Iherusalem (RHC-HOc, 3), París, 1866;
trad. ing. John H. Hill y Laurita Hill, Philadelphia, 1968; y ed. John H. HILL y Laurita HILL
(introducción y notas de Philippe Wolff), Le “Liber” de Raymond d’Aguilers, París, 1969. Sobre
esta crónica de la Ia Cruzada, véase el análisis de Jean RICHARD, « Raymond d’Aguilers,
historien de la Première Croisade », Journal des Savants, 1971, pp. 206-212, reed. : Les relations entre
l’Orient et l’Occident au Moyen Âge. Études et documents, Londres, 1977, n. XX ; y el estudio
Del Sepulcro y los sarracenos meridionales a los herejes occidentales 205
Hasta casi mediados del siglo XII, en cambio, los anales y cronicones
prestaron más interés a la Reconquista que a las cruzadas de Oriente, de las que
sólo tenemos 2 noticias referidas a la fundación de la Orden del Temple72. De
la IIa a la IVa Cruzada encontramos 21 noticias bastante repartidas, destacando
el fuerte impacto causado por la pérdida de Jerusalén en 1187 (un tercio):
Anno Domini millesimo centesimo octuagesimo septimo fuit capta Hierusalem civitas,
cum omnibus civitatibus, per Sarracenos; et Crux, cum Lancea, Corona et Clavis, que maior
pars fuit Parisiis [¿Damasco?] deportata73.
Durante la primera mitad del siglo XIII las noticias son solamente 8, si bien
algunas especialmente interesantes, como ésta sobre la IVa Cruzada del
siempre bien informado Bernart Itier:
Anno gracie Mº CCº IIIIº […] Hoc anno, tradidit Dominus in manus Francorum et
Latinorum urbem famosissimam Constantinopolim, et terram Grecorum, et sublimatus est
ibi de nobilibus Francorum latinus imperator comes Flandrensis Balduinus, cui successit
frater Henricus; et restituta est ad matrem filia et Grecorum Ecclesia sub obedientia
Ecclesie Romane vel invita74.
Se observa un fuerte repunte para la Va Cruzada (6), casi el mismo que para
la VIIIa, última de las oficiales75.
Si la IIIa Cruzada fue la que más interesó a los trovadores, la que más
impacto causó a los autores de anales y cronicones fue la VIIa, primera dirigida
por el rey de Francia LuisIX (19 noticias)76. La desproporción con respecto a
otros episodios históricos sobre el papel más relevantes resulta significativa e
interesante ¿Tanta fue la importancia de esta campaña? Este gran número de
noticias se explica porque los anales recogen varios momentos de una misma
operación, de modo que algunos autores dan 2 y hasta 3 noticias: la mayoría
menciona la partida del rey Luis desde el puerto de Aigües Mortes y su
regreso en 1254; otras también los sucesos ocurridos en Damieta. Sirva de
ejemplo la Crónica de Béziers II:
El An. M.cc.xlviij, el mes d´aost en Dimars, Loys rey de Fransa passet otra mar.
comparativo de John FRANCE, « The Anonymus Gesta Francorum and the Historia Francorum qui
ceperunt Iherusalem of Raymond of Aguilers and the Historia de Hierosolymitano itinere of Peter
Tudebode : An Analysis of the Textual Relationship between Primary Sources for the First
Crusade», en M. Hamman (coord.), L’Occident musulman et l’Occident chrétien au Moyen Âge,
Rabat, 1995, pp. 39-69.
72
Fuentes II, n. 1 y 20.
73
Fuentes II, n. 13 ; y 1, 3, 11, 14, 15 y 21.
74
Fuentes II, n. 1.
75
Fuentes II, n. 3, 5, 6, 9, 11, 12, 13, 15, 21 y 22.
76
Fuentes II, n. 6, 11, 13, 15, 21 y 22.
206 Martín Alvira Cabrer
Anno MCCXCI, fuit capta et destructa civitas Acon et totum regnum suum78.
A ésta hay que sumar otras dos noticias de las crónicas de Limoges sobre
hechos posteriores79.
Reconquista
El porcentaje total de noticias asciende casi a una cuarta parte (22 %). La
proximidad de las tierras provenzales a la Península Ibérica, sus intensas
relaciones político-culturales, en especial durante el siglo XII, y la
preocupación –en la dirección apuntada por Lejeune– por un Islam que se
percibía entonces “a las puertas de los Pirineos” explicarían este interés80. Las
noticias sobre España están, por lo general, más espaciadas que las referidas a
las cruzadas de Ultramar, si bien se observan varios momentos de gran
impacto.
Las primeras menciones son del siglo XI (2), relativas a las conquistas de
Huesca, en la que hubo numerosa presencia de tropas procedentes del sur de
Francia81, y de Barcelona (?)82. Más importantes son las referidas a las
77
Fuentes II, n. 6. Tres noticias bien informadas aparecen asimismo en el Cronicón de San Pablo de
Narbona y en la Crónica de Béziers II (Fuentes II, n. 13 y 6) ; y dos noticias dan los cronicones de
Tolosa y Béziers I (Fuentes II, n. 15 y 5).
78
Fuentes II, n. 13.
79
Fuentes II, n. 12.
80
Jugando con el título del estudio sobre el vizcondado de Bearn de Pierre TUCOO-CHALA,
Quand l´Islam était aux portes des Pyrénées. De Gaston IV le Croisé a la Croisade des Albigeois (XIe-
XIIIe siècles), Biarritz, 1994.
81
Fuentes II, n. 3. El vizconde Gaston de Bearn, el conde de Tolosa, el señor de Montpellier, el
arzobispo de Burdeos y los obispos de Oloron y Lescar, además del normando Rotrou du
Perche, tomaron parte en esta campaña, M. DÉFOURNEAUX, Les Français en Espagne…, pp. 149-
150.
82
En l´an M LXXXVIII, preseron Crestians Barsalona (Fuentes II, n. 21). Quizá se trata de una
confusión con 988, fecha de la recuperación de Barcelona por el conde Borrell.
Del Sepulcro y los sarracenos meridionales a los herejes occidentales 207
campañas cristianas del primer tercio del siglo XII en la parte oriental de la
Península: Mallorca (1114), Zaragoza (1118) y hasta el desastre sufrido por
Alfonso el Batallador en 1134:
83
Fuentes II, n. 3, 5, 10, 13 y 21 ; 3 ; y 21.
84
Según M. Défournaux, 1100-1125 fue el período de apogeo de la presencia de franceses en la
Reconquista (Les Français en Espagne..., pp. 148-170, esp. p. 148). Para sus relaciones con el
reino de Aragón, véase el excelente estudio de Carlos LALIENA CORBERA, « Larga stipendia et
optima praedia : Les nobles francos en Aragon au service d'Alphonse le Batailleur», Annales du
Midi, 230/112 (2000), pp. 149-169.
85
Fuentes II, n. 3, 10 y 21. También M. DÉFOURNEAUX, Les Français en Espagne…, pp. 174-177.
86
Las razones las explica M. DÉFOURNEAUX, Les Français en Espagne…, pp. 170-171.
87
Ibid., pp. 182-193.
88
Fuentes II, n. 5 ; también 1, 3, 11, 14, 15, 21 y 22. El cronicón de Burdeos (n. 14), el
languedociano de Tolosa (n. 12) y el de Béziers II (n. 6) mencionan únicamente la conquista de
Calatrava, pero no la batalla.
89
Fuentes II, n. 3, 5, 15 y 21. Sobre el tema, véase Charles de TOURTOULON , Les Français aux
expéditions de Majorque et de Valence sous Jacques le Conquérant (1229-1238), 1816 ; P. GUICHARD,
«Participation des Méridionaux…», pp. 115-131; Álvaro SANTAMARÍA, «Comunidades
208 Martín Alvira Cabrer
Et en aquel an, mori don Sancho, fill de mon senher en Jacme rei d´Aragon, arcivesque
de Toleto, per Sarrazins92.
Cruzada Albigense
Se trata, sin duda alguna, del acontecimiento que causó un mayor impacto
en las fuentes analísticas (40 %). La campaña inicial de esta operación
antiherética dejó una huella enorme (23 noticias). Entre ellas figura el asesinato
del legado apostólico Pèire de Castelnau93, la prisión y muerte del vizconde
Ramon Roger Trencavèl94 y, sobre todo, la masacre de Béziers y la conquista
de Carcasona a manos de los cruzados. La primera fue recordada así por la
Crónica de Montpellier :
E l´an de M e CC e VIIII, la festa de Sancta Maria Magdalena, fon Bezers pres, els
homes morts e las femenas e los enfants: e fes ho lo duc de Bergonha el coms de Nivers el
coms de Sant Paul95.
Eodem anno, in die Assumptionis sancte Marie, capta fuit per eosdem civitas
Carcassone et burgus qui tunc temporis se tenebant et erant contigui et muri annexi, sed
postmodum anno MCCXL destructus fuit burgus Carcassone, pro eo qui vicecomes
Carcassone et Biterris [...] homines burgi Carcassone cum trebuchis et aliis armis
impugnabant civitatem, et venit succursus de Francia velociter et destruxerunt burgum
funditus et homines aufugerunt et post homines de voluntate domini regis Francie redierunt
et construxerunt de novo burgum illum in loco ubi nunc est, ultra flumen Atacis96.
Anno millesimo ducentesimo decimo tertio, rex Aragonum, cum exercitu suo et populo
Tolosano, mortuus est in obsidione Murelli98.
En l´an M CC XVII, pres en Symon coms de Montfort Bernis, e pendet los homes100.
Destacan por su interés las 10 noticias sobre la famosa muerte del caudillo
cruzado ante las murallas de Tolosa:
VII. kal. Julii, anno MCCXVIII, 2ª feria, Symon comes Montisfortis fuit occisus in
obsidione Tolosae cum capite margonelli [lapide mangonelli]101.
96
Fuentes II, n. 13 ; y n. 3, 5, 6, 11, 14, 15, 17, 20, 21 y 22.
97
Fuentes II, n. 1, 6, 11, 15, 20, 21 y 22.
98
Fuentes II, n. 15.
99
Fuentes II, n. 1, 3, 11, 14, 20, 21 y 22.
100
Fuentes II, n. 21. Se refiere a la toma de Bernis (Dep. Gers) durante la represión de la revuelta
occitana.
101
Fuentes II, n. 17. Según la Crónica de Béziers II: « El An. M.cc.xviij., vi dias a la issida de jun,
lendema de Sant Johan aussis hom de trabuquet lo comte de Montfort a Toloza » (Fuentes II, n. 6). La
noticia del necrologio de Cassan es también sumamente interesante: « VII kal. julii obiit
domnus Simon comes Montisfortis et frater noster » (Fuentes II, n. 18). También n. 1, 3, 11, 14, 15,
19, 21 y 22.
210 Martín Alvira Cabrer
Los últimos años del conflicto se recogen en 9 noticias, entre las que
sobresale la conquista de Avignon por las tropas francesas en 1226103. El punto
final de la Cruzada Albigense sólo fue narrado, de nuevo con gran precisión,
por la Crónica de Béziers II :
El An. M cc.xxix. le Coms R[amonVII de Tolosa], filh de la regina Johana, .xij. dias
de Abril, lo dia del venres sant, cobrec l´amor de rey de Fransa e de la glieya, e pres la Crotz
a Paris; e fo fayta la patz 104.
Anno M CCXLIIII, mense martii, fuit captum castrum Montissecuri, et fuerunt ibidem
inventi CCV haeretici utriusque sexus, atque ibidem juxta pedem praedicti montis
combusti107.
Cruzada de Cataluña
Algunas fuentes analísticas también informan sobre la cruzada de 1285
(5%). Pese a los reparos que hoy pueda producirnos esta operación político-
militar, los autores eclesiásticos de la época no dudaron en interpretarla como
una auténtica cruzada. Así, los monjes de San Marcial de Limoges dejaron
escritas 7 noticias sobre esta campaña, entre ellas esta versión del prior Elias
d’Autenc:
102
« El An. M. cc. xix., viij dias devant sant Johan, en jun, lo Rey de Fransa Loduc mes seti a Toloza ab la
gran guerra de crozada, quel avia, C melia homes d´armas, estiers que ja avia .xi. melia cavaliers et
esteroi .vij. setmanas» (Fuentes II, n. 6).
103
Fuentes II, n. 3, 4, 5, 14, 15, 21 y 22.
104
Fuentes II, n. 6. Para un relato cronístico de los hechos, Fuentes II, n. 22.
105
Fuentes II, n. 6 y 13.
106
« Anno [Domini] millesimo ducentesimo quadragesimo secundo interfecti sunt ab inimicis Fidei, apud
Avinionem, Tolose diocesis, Frater Guillelmus Arnaldi et Frater Stephanus, inquisitores Fidei, et Frater
Raimundus Carboneirus, de Ordine Minorum, et Frater Bernardus de Rupe Forti, et Frater Garcias, de
Ordine Predicatorum, et Raimundus de Costirano, canonicus Sancti Stephani Tolose, et quidam
monachus, prior de Avinione, et quatuor alii ; hoc fuit factum tertio [quarto] kalendas iunii, in nocte
Ascensionis Domini » (Fuentes, II, n. 15). También n. 6 y 22.
107
Fuentes II, n. 4 y 15.
Del Sepulcro y los sarracenos meridionales a los herejes occidentales 211
Navarre, et multis aliis crucesignatur. […] Eodem anno, papa regnum Aragonie filio regis
Francie dat ; ipsum Petrum et fautores suos excomunicat.
Anno Domini Mº.CCº.LXXXº. quarto, in vigilia Pasche [24 marzo 1285] venit
Lemovicas Philippus, rex Francie, et duo filii sui, videlicet Philippus, rex Navarre, et
Karolus, rex Aragonie, ut dicebatur, pugnaturi contra Petrum Aragonie, crucesignati cum
domino legato J. [Jean Cholet] in Francia ; et fuit apud nos in abbatia cum duobus filiis
suis per viii. dies108.
Con todo, son los cronicones narbonenses los que más y mejor informan
del desarrollo de esta campaña. El de la iglesia de los Santos Justo y Pastor
dice así:
Felipe [III], rey de Francia [...], puesto que el Papa MartínIV le había dado el
reino de Aragón después de deponer a Pedro [el Grande], que había sido rey de
Aragón, entró en Narbona con más de 300.000 hombres de a pie y de a caballo, que
habían tomado la cruz (...) para ganar el reino de Aragón...109.
108
Fuentes II, n. 12 (n. VI, pp. 178, 179 y 180 ; también n. II, p 128).
109
Fuentes II, n. 8.
110
« Anno MCCLXXXV, in die sancti Urbani, destructa fuit Elnensis civitas per dominos reges Franciae
et Navarrae et exercitum eorumdem, qui quidem ibi venerunt cruce signati de mandato ecclesiae
Romanae, pro capiendo regno Aragonie » (Fuentes II, n. 13).
212 Martín Alvira Cabrer
el testigo mudo y neutro de una historia que pasaba ante sus ojos regida por la
voluntad de Dios.
También en estas fuentes, el interés por los sucesos de Tierra Santa se
mantuvo vivo durante los tres siglos, si bien de forma irregular. Las noticias
de España, una tierra próxima y estrechamente vinculada a la realidad
religiosa y política occitana, preocuparon mucho a estos autores, sobre todo
cuando se trataba de grandes victorias y conquistas territoriales sobre los
temidos sarracenos. Pero ni las Cruzadas de Oriente ni la Reconquista
recibieron en estos relatos breves la atención que mereció la Cruzada
Albigense. El volumen de noticias y, en no pocos casos, la calidad de las
mismas nos dan idea del impacto de esta operación antiherética sobre las
poblaciones del sur de Francia. Sus autores tampoco aquí mostraron
abiertamente sus inclinaciones. Los partidarios, casi siempre eclesiásticos,
vieron la mano de Dios en las victorias de los cruzados; los detractores se
limitaron a hacerse eco de los desastres de la guerra, deslizando así una
censura soterrada a una empresa que había ido más allá de sus propósitos
religiosos.
Terminada la Cruzada Albigense en 1229, los autores de anales y
cronicones apenas recordarían sus consecuencias. El clima de rebelión que
alimentaron los trovadores hasta finales del siglo XIII no existe en estas
fuentes, más allá de alguna noticia aislada. Cierto interés despertó, en cambio,
una última “guerra santa”, la cruzada dirigida en 1285 por el rey de Francia
para desposeer de sus tierras al excomulgado rey de Aragón. Como tal fue
concebida en los medios eclesiásticos occitanos que se hicieron eco de estos
hechos.
111
Sobre este autor, véase Jean-Loup LEMAÎTRE, «Le combat pour Dieu et les croisades dans les
notes de Bernard Itier, moine de Saint-Martial de Limoges (1163-1225)», en Militia Christi e
Crociata…, pp. 729-751, esp. pp. 729-730 y 751; y la introducción a su crónica Jean-Loup
L EMAÎTRE (ed.), Chronique de Bernart Itier (Les Classiques de l’histoire de France au Moyen
Âge, 39), París, 1998.
214 Martín Alvira Cabrer
Navas de Tolosa. Dice Bernart Itier que en 1212 marcharon a España ocho
monjes de San Marcial y «más de 300 hombres de Limoges» 112. No creo que
esta comparación permita extraer grandes conclusiones, pero es un dato más
que insiste en la complejidad de un problema – el del espíritu y la idea de
guerra santa en el sur de Francia – que habrá que seguir analizando.
APÉNDICES
112
« Anno gracie MCCXXII [...] plusquam CCC homines de castro Lemovicesi pergunt ad Hispanias, et
IIII ex monachis nostris contra Sarracenos, et alii IIIIOR. [...] Anno Mº CCº XIIIIº [...] In mense
augusto, venit apud nos magister Rotbertus de Corso, presbyter cardinalis tituli Sancti Stephani in
Monte Celio, propter cruces faciendas ad terram Jerosolymam recuperandam ; et fecerunt cruces abbas
noster et B. abbas Sancti Martini Lemovicensis et plusquam triginta homines utriusque sexus apud
Lemovicas castrum, et decem et fratribus nostris » (Fuentes II, n. 1).
Del Sepulcro y los sarracenos meridionales a los herejes occidentales 215
FUENTES Y BIBLIOGRAFÍA
46. LANFRANC C IGALA, Si mos chantz fos de ioi ni de solatz, ed. : Branciforti,
Lanfranc Cigala..., n. XX, pp. 199-200; ed. y trad. fragm. : C. Alvar, Textos
trovadorescos..., p. 201.
47. LO S EIGNER D’ALEST, Senher Enric, us reys·I ric afar, ed. : C. A. F. Mahn, Die
W e r k e ..., n. XCV, p. 249; ed. y trad. fragm. : C. Alvar, T e x t o s
trovadorescos..., p. 21.
48. MARCABRÚ, Bel m’es quan s’esclarzis l’onda, ed. y trad. fr. : J. M. L.
Dejeanne, Marcabru…, n. XIIbis, pp. 49-52 y 224; y ed. : S. Gaunt,
R.Harvey y L. Paterson, Marcabru…, p. 165.
49. ID., Emperaire, per mi mezeis, ed. y trad. : M. de Riquer, Los Trovadores..., I,
cap. iv, n. 19, pp. 199-202.
50. ID., Ges l’estornels non s’oblida, ed. y trad. : M. de Riquer, Los Trovadores..., I,
cap. iv, n. 23, pp. 216-219.
51. ID., Pax in nomine Domini o Vers del Lavador, ed. y trad. : M. de Riquer, Los
Trovadores..., I, cap. iv, n. 21, pp. 206-210.
52. M ATIEU DE C AERSI, Tant suy marritz que no·m puesc alegrar, ed. y trad. :
M.de Riquer, Los Trovadores..., III, cap. cviii, n. 325, pp. 1541-1544.
53. PAULET DE MARSELHA, Aras qu’es lo gays pascors, ed. : E. Levy, « Paulet de
Marseille… », n. IV, pp. 274-276 ; y ed. y trad. cat. : I. de Riquer, Paulet de
Marselha…, n. IV, pp. 93-99.
54. ID., L’autrier m’anav’ab cor pensiu, ed. : E. Levy, « Paulet de Marseille… »,
n. VIII, pp. 280-284 ; ed. y trad. : M. de Riquer, Los Trovadores..., III, cap. ci,
n. 304, pp. 1449-1454; ed. y trad. fr. : M. Aurell, La vielle et l’épée…, pp. 278-
284 ; y ed. y trad. cat. I. de Riquer, Paulet de Marselha…, n. V, pp. 101-111.
55. PÈIRE BASC, Ab greu cossire, ed. : M. Raynouard, Choix…, V, pp. 297-298;
ed. y trad. fragm. : M. Milà, De los trovadores en España..., pp. 186-187 ; y
ed. : Ll. Nicolau d’Olwer, « Jaume I... », pp. 397-398.
56. P ÈIRE CARDENAL, Ab votz d’angel, lengu’esperta, non bleza, ed. y trad. fr. :
R.Lavaud, Peire Cardenal..., n. XXVIII, pp. 160-168; y ed. y trad. : M. de
Riquer, Los Trovadores..., III, cap. civ, n. 318, pp. 1508-1511.
57. ID., Clergue si fan pastor, ed. y trad. fr. : R. Lavaud, Peire Cardenal...,
n.XXIX, pp. 170-177; y ed. y trad. : M. de Riquer, Los Trovadores..., III, cap.
civ, n. 317, pp. 1505-1507.
58. ID., De sirventes sueilh servir, ed. y trad. fr. : R. Lavaud, Peire Cardenal...,
n.LI, pp. 308-313.
59. ID., Falsedatz et desmezura, ed. y trad. fr. : R. Lavaud, Peire Cardenal...,
n.XVII, pp. 78-84.
60. ID., L’afar del comte Guio, ed. y trad. fr. : R. Lavaud, Peire Cardenal...,
n.XVIII, pp. 86-94.
Del Sepulcro y los sarracenos meridionales a los herejes occidentales 223
61. ID., L’arcivesques de Narbona, ed. y trad. fr. : R. Lavaud, Peire Cardenal...,
n.XIX, pp. 86-102; y ed. y trad. : M. de Riquer, Los Trovadores..., III, cap.
civ, n. 314, pp. 1497-1499.
62. ID., Mon chanter vueil retraire, ed. y trad. fr. : R. Lavaud, Peire Cardenal...,
n.LX, pp. 388-397.
63. ID., Tartarassa ni voutor, ed. y trad. fr. : R. Lavaud, Peire Cardenal...,
n.LXXIV, pp. 490-493; y ed. y trad. : M. de Riquer, Los Trovadores..., III,
cap. civ, n. 315, pp. 1500-1501.
64. ID., Un sirventes ai en cor que comens, ed. y trad. fr. : R. Lavaud, Peire
Cardenal..., n. XXVII, pp. 154-159.
65. ID., Un sirventes trametrai per messatge, ed. y trad. fr. : R. Lavaud, Peire
Cardenal..., n. XXVI, pp. 144-153.
66. P ÈIRE D’A L V E R N H A , Al dessebrar del païs, ed. : R. Zenker, Peires von
Auvergne…, p. 107; y ed. : A. del Monte, Peire d'Alvernha…, n. II, p. 135.
67. ID., Bel m’es quan la roza floris, ed. y trad. : M. de Riquer, Los Trovadores..., I,
cap. xv, n. 45, pp. 321-322.
68. PÈIRE VIDAL, A per pauc de chantar no·m lais, ed. y trad. fr. : J. Anglade,
Peire Vidal..., n. XXXII, pp. 101-104; y ed. : D. S. Avalle, Peire Vidal..., n. VI,
pp. 67-70.
69. ID., Plus que·l paubres, quan jai el ric ostal, ed. y trad. fr. : J. Anglade, Peire
Vidal..., n. XVIII, pp. 56-59 ; ed. : D. S. Avalle, Peire Vidal..., p. 325.
70. ID., Pos ubert ai mon ric thesaur, y ed. y trad. fr. : J. Anglade, Peire Vidal...,
n.XLV, pp. 143-148 ; ed. : D. S. Avalle, Peire Vidal..., p. 283.
71. PERDIGON, Entr’amor e pessamen, y ed. y trad. fr. : H. J. Chaytor, Perdigon...,
n. V, pp. 14-18.
72. P ERSEVAL D ORIA , Felon cor ai et enic, ed. y trad. : M. de Riquer, L o s
Trovadores..., III, cap. xciii, n. 280, pp. 1377-1380.
73. P ONS DE CAPDUELH , En hoinor del pair´en cui es, ed. : M. Raynouard,
Choix..., IV, n. iii, pp. 87-90; y ed. : M. v. Napolski, Pons de Capduoill...,
n.XXVI, pp. 89-91.
74. ID., So c’om plus vol e plus es volontos, ed. : M. Raynouard, Choix…, IV, n. v,
pp. 92-94; ed. : M. v. Napolski, Pons de Capduoill..., n. XIII, pp. 67-68; y ed.
y trad. : M. de Riquer, Los Trovadores..., III, cap. lxxviii, n. 255, pp. 1267-
1269.
75. RAIMBAUT DE VAQUEIRAS, Ara pot hom conoisser, ed. : L. Linskill, Raimbaut
de Vaqueiras…, pp. 216-225.
76. R AIMON DE MIRAVAL, Aissi cum es genser pascors, ed. y trad. fr. : L. T.
Topsfield, Raimon de Miraval..., n. XXXV, pp. 285-293; y ed. y trad. ing. :
M. L. Switten, Raimon de Miraval…, n. 1, pp. 144-147.
77. ID., Bel m’es q’ieu chant e coindei, ed. y trad. fr. : P. Andraud, Raimon de
Miraval…, pp. 155-158; ed. y trad. : M. de Riquer, Los Trovadores..., II, cap.
224 Martín Alvira Cabrer
Colecciones
Trovadores y obras
18. Necrologio del priorato de Cassan, HGL, II, cols. 15-16, reed. : V (1875), n. 8,
cols. 36-37.
19. Necrologio Viejo de la catedral de San Nazario de Béziers, HGL, VIII (1879),
n.7, col. 259-261.
20. « Notas históricas de un códice de un monasterio cluniacense occitano » ,
MGHSS, 17 (1861), «Notae Cluniacenses (Cód. de París N. 5030)», p. 722.
21. Thalamus Parvus o Crónica romance de Montpellier, ed. F. P EGAT , La
Chronique Romance de Montpellier, Montpellier, 1838; ed. Thalamus parvus.
Le Petit Thalamus de Montpellier, Montpellier, 1840; reprod. : J. MORAN I
OCERINJAÚREGUI, Cronicó de Perpinyà (segle XIII). Estudi filològic i lingüístic,
Barcelona, 1998, pp. 29-38.
Otras crónicas
Abreviaturas
Enrica SALVATORI*
Les célèbres expéditions contre les Sarrasins que menèrent Pise et Gênes au
XIe siècle en Méditerranée occidentale eurent-elles ou non un caractère
religieux? Furent-elles ou non envahies par un esprit de “précroisade”? De
quel poids l’idée de guerre sainte pèse-t-elle dans les sources qui en portent
témoignage? Qu’en est-il dans les chroniques qui suivirent? Faut-il
interpréter cette prise de position idéologique – quand elle existe – comme
l’expression des véritables sentiments de la société citadine ou n’y voir qu’une
enveloppe doctrinale, pour l’essentiel étrangère aux intérêts de la civitas et ne
servant qu’à dissimuler des enjeux d’une autre nature? Pour Franco Cardini,
l’utilisation de la notion de “précroisade” souvent observée par le passé pour
désigner ces expéditions devrait être abandonnée parce que «ces expéditions
n’eurent ni le caractère de guerre ni celui de vœu reconnu comme tel par les
autorités ecclésiastiques des croisades» 1. Pourtant, comme l’a avancé
Giovanna Petti Balbi, «la lutte contre les infidèles, la guerre sainte qui souvent
masquait des intérêts de nature essentiellement économique» était
particulièrement chère aux Génois et aux Pisans jusqu’à devenir «le thème
d’inspiration de leurs premiers monuments littéraires» 2; et Max Seidel
affirme en écho que les témoignages relatifs aux expéditions pisanes reflètent
tous l’idéologie des croisades3.
Enfin, dans un ouvrage célèbre sur Pise, l’islam et la première croisade, paru
en 1981, Marco Tangheroni exhortait à creuser davantage les relations entre les
deux mondes (Pise et l’Islam), à abandonner certaines prises de positions
toutes faites sur la présence ou l’absence d’un caractère de précroisade dans
* Université de Pise.
1
Franco CARDINI, «La crociata», dans Il Medioevo, 2, Turin, 1986, p. 399.
2
Giovanna PETTI B ALBI , Caffaro e la cronachistica genovese, Gênes, 1982, pp. 13-16. Voir aussi
Elena BELLOMO, A servizio di Dio e del Santo Sepolcro. Caffaro e l’Oriente latino, Padoue, 2003.
3
Max SEIDEL, «Dombau Kreuzugsidee und Expansionpolitik. Zur Ikonographie der Pisaner
Kathedralbauten», Frühmittelalterliche Studien, 7/9 (1977), pp. 340-369.
232 Enrica Salvatori
les expéditions du XIe siècle contre les Sarrasins et à insérer les données sur le
commerce, les relations diplomatiques et les conflits guerriers «dans le
contexte plus vaste de la Méditerranée où différentes forces agissaient dans un
entrelacs complexe et changeant fait tantôt de coïncidences tantôt
d’oppositions et d’intérêts, de mobiles, de buts […] autant de réalités que seule
peut saisir une vision historique d’ensemble» 4. M. Tangheroni disait en
substance qu’avant de disserter sur le caractère plus ou moins religieux ou
plus ou moins commercial que pouvaient avoir revêtu les différentes étapes de
la “reconquista” chrétienne en Méditerranée, il fallait replacer ces étapes dans le
complexe réseau de rapports qui reliait les différentes “puissances”
méditerranéennes de l’époque, que l’on devait mieux situer les événements,
pris un par un, dans leur contexte pour les ressaisir ensuite dans le cadre
d’une vision unitaire, si possible. Plus simplement, il fallait chercher à en
savoir davantage avant de coller sur telle ou telle expédition une étiquette
politique ou religieuse ou purement économique5.
Quand Daniel Baloup m’a aimablement invitée à parler à ce colloque et m’a
proposé comme thème l’idée de guerre sainte dans les sources médiévales
pisanes, je savais bien que le sujet avait déjà rempli bien des pages dans les
livres d’histoire. J’ai cependant accepté avec enthousiasme pour deux raisons.
Tout d’abord, je savais que le message de M. Tangheroni n’était pas resté sans
suite. Ces vingt-cinq dernières années, les études sur l’expansion de Pise en
Méditerranée ont avancé à pas de géant. Les travaux de Graziella Berti sur les
données archéologiques et ceux de Catia Renzi Rizzo sur les sources écrites
ont permis d’apporter un éclairage notable sur la présence de Pise en
Méditerranée durant le haut Moyen Âge6. Grâce à ces travaux, à présent nous
savons:
4
Marco TANGHERONI, « Pisa, l’Islam, il Mediterraneo, la prima crociata», dans F. Cardini (éd.),
Toscana e Terrasanta, Florence, 1981, pp. 31-54.
5
Déjà en 1977 Gabriella Rossetti soutenait que les entreprises pisanes « vanno riguardate come
altrettante tappe dell’espansione economica pisana, ma più ancora come occasioni di autonoma
iniziativa politica» parce que dans ces occasions « l’assemblea dei cittadini decise, finanziò, armò e
organizzò le spedizioni militari, elesse dei consoli cui diede poteri decisionali sui tempi e le modalità di
attuazione». Gabriella ROSSETTI, «Storia familiare e struttura sociale e politica di Pisa nei secoli
XI e XII» , dans Id. (éd.), Forme di potere e struttura sociale in Italia nel Medioevo, Bologne, 1977, p.
238.
6
Graziella B ERTI et Liana TONGIORGI, I bacini ceramici medievali delle chiese di Pisa, Rome, 1981;
Graziella BERTI, «Pisa - A seafaring Republic. Trading relations with islamic countries in the
light of ceramic testimonies (2nd half of 10th to middle 13th c.), with a report on mineralogical
analysis by Tiziano Mannoni», dans R. P. Gayraud (éd.), Colloque International d’Archéologie
Islamique (IFAO), Le Caire, 1998, pp. 301-317; ID., «Pisa: Ceramiche e commerci (2° metà X-
metà XIV s.)», dans S. Gelichi (éd.), Pre-tirages del I Congresso Nazionale di Archeologia
Medievale, Florence, 1997, pp. 346-351; Catia RENZI R IZZO , « I rapporti Pisa-Spagna (al-
Andalus, Maiorca) tra l’VIII e il XIII secolo testimoniati dalle fonti scritte», dans Penisola
Iberica e Italia: rapporti e influenze nella produzione ceramica dal Medioevo al XVII secolo. Atti del
XXXI convegno internazionale della ceramica, Florence, 1999, pp. 255-264. Marco TANGHERONI,
L’idée de guerre sainte dans les sources pisanes du XIe au XIIe siècle 233
– que Pise, entre l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge garda «une
certaine capacité à naviguer», c’est-à-dire une flotte et un précieux savoir-
faire dans le domaine de la navigation et des différents commerces;
– que cette capacité maritime fut probablement utilisée à plusieurs reprises
par les papes romains, par les ducs de Lombardie, par les rois du Royaume
d’Italie et par les marquis de Tuscia pour défendre les côtes, récupérer des
matières premières, maintenir les liaisons avec la Corse et la Sardaigne et
pour communiquer avec les autres puissances de la Méditerranée, surtout
celles de l’Islam;
– que, grâce à cette ouverture sur la mer, les marchands pisans
commencèrent à fréquenter les principaux centres commerciaux du monde
musulman au moins à partir du Xe siècle.
Les “précédents” de la puissance de Pise ne sont pas les seuls à avoir fait
l’objet d’une enquête approfondie. L’évolution sociale et institutionnelle entre
le XIe et le XIIe siècle, c’est-à-dire en une période cruciale où la ville se rendit
politiquement autonome et devint une grande puissance en Méditerranée, a
bénéficié de l’attention continue des spécialistes. En particulier, dans leurs
travaux, Gabriella Rossetti et Mauro Ronzani ont analysé en détail les relations
de la civitas avec l’empire, la papauté et la Marche de Tuscia et ont su établir
les contextes politiques, institutionnels et socio-économiques où se formèrent
les différentes expéditions du XIe et XIIe siècle contre les Sarrasins7. Pour ce qui
Catia RENZI R IZZO, Graziella B ERTI, «Pisa e il Mediterraneo occidentale nei secoli VII-XIII:
l’apporto congiunto delle fonti scritte e di quelle archeologiche», dans Interactions culturelles
en Méditerranée occidentale pendant l’antiquité tardive, le moyen âge et les temps modernes, Actes du
colloque international (Paris, 7-9 décembre 2000), sous presse; repris dans Graziella BERTI,
Catia RENZI RIZZO, Marco TANGHERONI (éd.), Il mare, la terra, il ferro. Ricerche su Pisa medievale
(secoli VII-XIII), Pise, 2004, pp. 109-142; Catia R ENZI RIZZO, « I rapporti diplomatici fra il re
Ugo di Provenza e il califfo ‘Abd ar-Raman III : fonti cristiane e fonti arabe a confronto», Reti
Medievali, 3/1 (2002); ID., « Pisarum et Pisanorum descriptiones in una fonte araba della metà del
XII secolo», Bollettino Storico Pisano, 72 (2003), pp. 1-30; Graziella BERTI, «La decorazione con
“bacini ceramici”», dans M. L. Ceccarelli Lemut et S. Sodi (éd.), Nel segno di Pietro. La Basilica
di San Piero a Grado da luogo della prima evangelizzazione a meta di pellegrinaggio medievale, Pise,
2003, pp. 157-173; ID ., «I “bacini” islamici del Museo Nazionale di San Matteo – Pisa:
vent’anni dopo la pubblicazione del Corpus», dans M. V. Fontana et B. Genito (éd.), Studi in
onore di Umberto Scerrato per il suo settantacinquesimo compleanno, Naples, 2003, pp. 121-151;
Catia RENZI R IZZO, « Pisa nell’altomedioevo : alcune considerazioni in margine al dibattito
sulle città nei secoli VI-VIII», Bollettino Storico Pisano, 74 (2005), pp. 479-502.
7
Gabriella ROSSETTI, « Storia familiare...», pp. 233-246; ID., «Ceti dirigenti e classe politica»,
dans G. Rossetti (éd.), Pisa nei secoli XI-XII. Formazione e caratteri di una classe di governo, Pise,
1979, pp. XXV-XLI; ID ., «Il lodo del vescovo Daiberto sull’altezza delle torri: prima carta
costituzionale della repubblica pisana», dans Pisa e la Toscana occidentale nel Medioevo, 2. A
Cinzio Violante nei suoi 70 anni, Pise, 1991, pp. 25-48; ID ., «I vescovi e l’evoluzione
costituzionale di Pisa tra XI e XII secolo», dans M. L. Ceccarelli Lemut et S. Sodi (éd.), Nel IX
Centenario della metropoli ecclesiastica di Pisa. Atti del convegno di studi, Pise, 1995, pp. 81-93; ID.,
«Pisa e l’impero tra XI e XII secolo. Per una nuova edizione del diploma di Enrico IV ai
Pisani», dans C. Violante (éd.), Nobiltà e chiese nel medioevo e altri saggi. Miscellanea di scritti in
234 Enrica Salvatori
est de la Première croisade et du rôle qu’y a joué Pise, les récentes études de
Michael Matze sur Daibert ont fort bien mis en évidence les différentes
fonctions de l’archevêque de Pise en cette occasion: bras droit d’UrbainII
dans la préparation de la croisade, «co-promoteur et trésorier» de cette même
croisade, ductor et rector de l’expédition armée de Pise, patriarche de
Jérusalem, «responsable du succès du premier pèlerinage armé en Terre
sainte ainsi que de la longue durée de l’installation latine» en Orient 8.
La seconde incitation à traiter le thème qui nous réunit ici m’est venue d’un
travail que j’ai terminé récemment, non encore publié, et qui est consacré à un
corsaire pisan du XIIe siècle9. Ce corsaire fut banni de la ville pour avoir
commis un crime «abominable» contre les Sarrasins et la condamnation fut si
lourde, sans appel, qu’elle fut insérée dans la première – et la plus impor-
tante– rubrique du bref des consuls de 116210. Le crime et la condamnation
qui s’ensuivit remontent aux années 50 du XIIe siècle, donc un peu plus de
trente ans après la rédaction du Liber Maiorichinus, un poème qui relate la
dernière expédition des Pisans contre les Sarrasins et qui est littéralement
envahi par l’idée de guerre sainte11. Comment se peut-il, me suis-je demandé,
onore di Gerd. G. Tellenbach, Rome, 1993, pp. 159-182; ID., «Pisa: alle radici del diritto cittadino
e internazionale», dans G. Rossetti (éd.), Legislazione e prassi istituzionale a Pisa (secoli XI-XIII).
Una tradizione normativa esemplare, Naples, 2001, pp. 181-199; Mauro RONZANI, «“La nuova
Roma”: Pisa, Papato e Impero al tempo di san Bernardo», dans O. Banti et C. Violante (éd.),
Momenti di storia medievale pisana: discorsi per il giorno di S. Sisto, Pise, 1991, pp. 61-77; ID.,
Chiesa e “Civitas” di Pisa nella seconda metà del secolo XI. Dall’avvento del vescovo Guido
all’elevazione di Daiberto a metropolita di Corsica (1060-1092), Pise, 1997; ID ., « Dall’edificatio
ecclesiae all’“Opera di S. Maria”: nascita e primi sviluppi di un’istituzione nella Pisa dei
secoli XI e XII», dans M. Haines et L. Riccetti (éd.), Opera. Carattere e ruolo delle fabbriche
cittadine fino all’inizio dell’età moderna, Florence, 1996, pp. 1-70; ID., «Pisa fra papato e impero
alla fine del secolo XI: la questione della Selva di Tombolo e le origini del monastero di San
Rossore», dans Pisa e la Toscana..., pp. 173-230; ID ., «Vescovi e città a Pisa nei secoli X e XI»,
dans Vescovo e città nell’alto medioevo: quadri generali e realtà toscane. Convegno internazionale di
studi, Pistoia, 2001, pp. 93-132.
8
Michael MATZKE, «Daiberto e la prima crociata », dans M. L. Ceccarelli Lemut et S. Sodi (éd.),
Nel IX Centenario..., pp. 95-130; ID., Daibert von Pisa : zwischen Pisa, Past und erstem Kreuzzug,
Sigmaringen, 1998; ID ., «Pisa, l’arcivescovo Daiberto e la I Crociata» dans M. Tangheroni
(éd.), Pisa e il Mediterraneo. Uomini, merci, idee dagli Etruschi ai Medici, Milan, 2003, pp. 145-150.
9
Enrica SALVATORI, «Corsair’s Crew and Cross-Cultural Interactions : The Case of the Pisan
Trapelicinus in the Twelfth Century », dans Kathryn Louise Reyerson (éd.), The ethnic
Composition of Ship’s Crews in the Middle Ages, Minneapolis (sous presse).
10
«[..] ad honorem et salutem Pisane civitatis tractabo et faciam, exceptis illis qui sceleratissimum et
abnominabile maleficium in nave Trapilicini de Saracenis commiserunt» (Ottavio BANTI, I brevi dei
consoli del Comune di Pisa degli anni 1162 e 1164. Studio introduttivo, testi e note con un’appendice
di documenti, Rome, 1997, pp. 45-46).
11
Liber Maiolichinus de gestis Pisanorum illustribus, éd. de Carlo Calisse, Rome, 1904; Giuseppe
SCALIA, Intorno ai codici del Liber Maiorichinus, Rome, 1957; ID., «Oliverius e Rolandus nel Liber
Maiorchinus», Studi Mediolatini e Volgari, 4 (1956), pp. 1-17; ID., «Per una riedizione del “Liber
Maiolichinus”» , Bullettino dell’Istituto Storico Italiano per il Medioevo e Archivio Muratoriano, 72
(1959), pp. 79-112. Il faut voir aussi Gioacchino VO L P E, «Il Liber Maiolichinus de gestis
L’idée de guerre sainte dans les sources pisanes du XIe au XIIe siècle 235
qu’un facteur d’une durée aussi longue que la mentalité collective soit passé
en quelques décennies de la ferveur de la croisade à la condamnation sans
appel d’un citoyen coupable d’avoir nui aux Sarrasins? Une des voies
possibles pour résoudre cette énigme pouvait justement être de relire les
sources citadines en tenant compte des périodes et des différentes façons dont
l’idée de guerre sainte y figure puis de relier ces données aux résultats les plus
récents des études sur Pise.
Notre point de départ est donc obligé, quoique loin d’être facile: ce sont les
témoignages sur les expéditions du XIe siècle contre les Sarrasins précédant la
première croisade. Pise, on le sait, mena seule ou avec Gênes et d’autres
puissances italiennes, une série d’expéditions navales contre les territoires
musulmans de la Méditerranée: en 970, elle soutint l’empereur OttonI er à
Reggio de Calabre pour combattre les musulmans de Sicile et d’Afrique du
nord; l’expédition de Messine remonte à 1005 et fut suivie de celles de
Sardaigne (1015-1016), de Bône (1034), de Palerme (1064), d’al-Mahdiya et de
Zawila (1087). Cette période se clôt avec la grande expédition contre les
Baléares qui eut lieu cependant quatorze ans après la Première croisade; j’en
parlerai un peu plus loin12.
Les textes les plus anciens rappelant ces expéditions sont, pour l’essentiel:
deux épigraphes en vers sur la façade de la cathédrale de Pise13; un poème
pisanorum illustribus e l’ordinamento militare di una città marinara», dans G. Volpe (éd.),
Medioevo italiano, Florence, 1961, pp. 87-210.
12
Sur l’expansion de Pise: Giuseppe ROSSI SABATINI, L’espansione di Pisa nel Mediterraneo fino alla
Meloria, Florence, 1938. Archibald Ross LEWIS, Naval Power and Trade in the Mediterranean. A.D.
500-1100, Princeton, 1951, pp. 22-239; Karl-Heinz ALLMENDINGER, Die Beziehungen zwischen
der Kommune Pisa und Aegypten im hohenMittelalter, Wiesbaden, 1967, pp. 16-23; Rammah
M OURAD, «Aspects de l’évolution de l’économie ifriqiyyenne au moyen-âge, du Xe au XIIIe
siècle» , dans L’Italia e i Paesi Mediterranei. Vie di comunicazione e scambi commercialie culturali al
tempo delle Repubbliche Marinare, Pise, 1988, pp. 117-126; Marco TANGHERONI, «La prima
espansione di Pisa nel Mediterraneo: secoli X-XII. Riflessioni su un modello possibile », dans
G. Rossetti et G. Vitolo (éd.), Medioevo Mezzogiorno Mediterraneo. Studi in onore di Mario Del
Treppo, Naples, 2000, pp. 3-23.
13
Annexes 1 et 2. Giuseppe SCALIA, «Epigraphica Pisana. Testi latini sulla spedizione contro le
Baleari dal 1113-1115 e su altre imprese antisaracene del secolo XI», Miscellanea di studi
ispanici, 6 (1963), pp.234-286; ID ., «Ancora intorno all’epigrafe sulla fondazione del Duomo
pisano», Studi Medievali, s. 3ª, 10 (1969), pp. 483-519; ID ., «“Romanitas” pisana tra XI e XII
secolo. Le iscrizioni romane del Duomo e lo statua del console Rodolfo», Studi medievali, s. 3ª,
13 (1972), pp. 791-843; ID ., «Tre iscrizioni e una facciata. Ancora sulla Cattedrale di Pisa» ,
Studi medievali, s. 3ª, 33 (1982), pp. 817-859; Ottavio BANTI, «A proposito di un recente lavoro
sulle epigrafi pisane del secolo XI» , Bollettino Storico Pisano, 31-32 (1962-1963), pp. 249-254;
ID., «Note di epigrafia medioevale a proposito di due iscrizioni del secolo XI-XII situate sulla
facciata del duomo di Pisa» , Studi Medievali, s. 3ª, 22 (1981), pp. 267-282; ID ., Monumenta
epigraphica pisana saeculi XV antiquiora, Pise, 2000; ID ., «La giustizia, la guerra giusta e la
missione storica di Pisa in tre epigrafi del secolo XII» , Bollettino Storico Pisano, 70 (2001), pp.
43-53; Chiara FRUGONI, «L’autocoscienza del’artista nelle epigrafi del Duomo di Pisa» , dans
236 Enrica Salvatori
L’Europa dei secoli XI e XII fra novità e tradizione: sviluppi di una cultura. Atti della X Settimana
internazionale di studi (Mendola, 25-29 agosto 1986), Milan, 1989, pp. 277-204.
14
Annexe 3; Giuseppe SCALIA, «Il carme pisano sull’impresa contro i Saraceni del 1087» , Studi
di filologia romanza in onore di S. Pellegrini, Padoue, 1971, pp. 565-627; ID., «Contributi Pisani
alla lotta anti-islamica nel Mediterraneo Centro-Occidentale durante il secolo XI e nei primi
decenni del XII», Anuario de estudios medievales, 10 (1980), pp. 135-141.
15
Francesco NOVATI, « Un nuovo testo degli Annales Pisani Antiquissimi e le prime lotte di Pisa
contro gli arabi» , Centenario della nascita di Michele Amari: scritti di filologia e storia araba, di
geografia, storia, diritto della Sicilia, studi bizantini e studi giudaici relativi all’Italia meridionale nel
Medioevo, Palerme, 1910, pp. 11-20; Chronicon pisanum seu fragmentum auctoris incerti (RIS, VI,
2, pp. 97-104), éd. de Michele Lupo Gentile, Bologne, 1936. Cf. Annexe 4 pour le texte des
Annales.
16
Cf. note 13. Pour la “mise en page” voir C. FRUGONI, «L’autocoscienza del’artista... ».
L’idée de guerre sainte dans les sources pisanes du XIe au XIIe siècle 237
17
Michael MCCORMICK, Les Annales du Haut Moyen Âge (Typologie des sources du Moyen Âge
occidental, 14), Turnhout, 1975.
18
Cf. Annexe 4.
19
Chronicon pisanum...: «[..] MVI. Fecerunt Pisani bellum cum Saracenis ad Regium et gratia Dei
vicerunt illos in die Sancti Sixti. MXII. Stolus de Ispania venit Pisam, et destruxit eam. MXVI.
Fecerunt Pisani et Ianuenses bellum cum Mugieto et vicerunt illum. MXVII. Fuit Mugietus reversus
in Sardineam et cepit ibi civitatem edificare ibi, atque homines vivos in cruce murare. Et tunc Pisani et
Ianuenses illuc venere, et ille propter pavorem eorum fugit in Africam; Pisani vero et Ianuenses reversi
sunt Turrim, in quo loco insurrexerunt Ianuenses in Pisanos et Pisani vicerunt illos. [..] MXXXV.
Pisani fecerunt stolum in Africam ad civitatem Bonam, gratia Dei vicerunt illam. [..] MLXV. Pisani
profecti fuerunt Panormum; gratia Dei vicerunt illos in die Sancti Agapiti. [..] MLXXXVIII. Fecerunt
Pisani et Ianuenses stolum in Africa, et ceperunt duas munitissimas civitates, Almadiam et Sibiliam, in
die Sancti Sixti. In quo bello Ugo Vicecomes, filius Ugonis Vicecomitis, mortuus est. Ex quibus
civitatibus, Saracenis fere omnibus interfectis, maximam predam auri, argenti, palliorum et
ornamentorum abstraxerunt. De qua preda thesauros Pisane Ecclesie in diversis ornamentis mirabiliter
amplificaverunt, et ecclesiam beati Sixti in Curte Veteri edificaverunt. MXCIX. Concremata est pene
tota Kinthica VI nonas Iulii et stolus Pisanus in Ierusalem ivit cum navibus CXX; de quo stolo
Daibertus eiusdem Ecclesie Archiepiscopus fuit ductor et dominus, qui tunc temporis in Ierusalem
Patriarcha remansit. MC. Ierusalem a Christianis capta est XVIII kal. Augusti.». Pour l’importance
des Annales voir G. SCALIA, «Ancora intorno all’epigrafe...», p. 485.
20
Les épigraphes de la cathédrale de Pise sont nombreuses: voir G. SCALIA , « Epigraphica
Pisana...» et O. BANTI, « Monumenta epigraphica pisana...» .
238 Enrica Salvatori
Sardaigne et contre Bône21. Après l’éloge de Pise, urbs clara sur laquelle aucune
autre ne l’emporte par la valeur, à la première strophe, le texte rappelle
l’expédition dans le détroit de Sicile qui parvient à plier les Sicules, coupables
d’avoir voulu jouer le premier rôle et d’avoir nui à la ville, qui les poursuit
jusque sur leur territoire et qui les tue. Ce furent donc des représailles, c’est
ainsi du moins que les habitants de la ville décidèrent de commémorer
l’événement et de le rappeler à la mémoire de la population. La deuxième
strophe est consacrée à la Sardaigne où Pise se distingua par des actions plus
grandes encore et où les Sarrasins moururent sine laude suorum, c’est-à-dire
dans le discrédit de leurs concitoyens. Ce qui, à première vue, pourrait passer
pour un premier signe de la condamnation des Sarrasins en tant que tels est,
en réalité, historiquement confirmé par les sources arabes qui nous
apprennent la conduite déshonorante du roi Mudjahid22. Venons-en enfin à
l’Afrique, «troisième partie du monde à porter les marques du triomphe de
Pise» qui, par iusta ratione, se venge et s’empare de la ville de Bône. Là encore,
la «juste raison» n’a apparemment rien à voir avec un mandat divin
présupposé: l’expédition est juste parce qu’elle venge un tort, même s’il ne
nous est pas donné de le connaître.
Passons rapidement à présent à l’épigraphe dite “de la fondation” qui est
entièrement consacrée à l’expédition de Palerme (1064) et au riche butin
conquis là-bas et qui servit à construire cette même cathédrale. Malgré
l’importance évidente de cet épisode pour la population, vu que la
magnificence même de la cathédrale était due au succès financier de
l’expédition, nous chercherions en vain la moindre trace d’idée de “guerre
sainte”. Il n’y en a aucune malgré la description fort détaillée de l’événement23.
On m’objectera que c’est le choix même des événements (tous contre les
infidèles dans le cas des épigraphes et presque tous pour les Annales) qui
exprime l’idéologie des croisades. Pour Max Seidel, l’emplacement même des
épigraphes sur la façade de la plus importante église de la ville donnerait aux
textes et à la construction même de la cathédrale le sens d’un ex voto pour les
victoires sur les Sarrasins et reflèterait l’idée que Pise a été choisie par Dieu
pour la lutte contre les infidèles24. Selon Giuseppe Scalia, l’expédition de
Palerme plongerait ses racines «dans le climat spirituel particulier de
21
Annexe 1.
22
G. SCALIA, «Contributi pisani...».
23
Annexe 2. Les Pisans se dirigent avec une nombreuse flotte vers la Sicile, parviennent à
Palerme; une fois entrés dans le port, après avoir brisé la chaîne qui le défendait, ils
s’emparent de six grands navires chargés de toutes les richesses possibles (grâce à la vente de
l’un d’entre eux, on élèvera les murs de la cathédrale). Après avoir quitté le port, ils se
pressent à l’embouchure de l’Oreto et débarquent ; ils repoussent l’attaque des Sarrasins
accourus sur les lieux, ils les poursuivent jusqu’aux portes et font un grand massacre, ils
montent leurs tentes et après avoir tout dévasté dans les alentours, ils reprennent la mer et
rentrent à Pise sains et saufs.
24
M. SEIDEL, «Dombau Kreuzugsidee und Expansionpolitik...» .
L’idée de guerre sainte dans les sources pisanes du XIe au XIIe siècle 239
25
G. SCALIA, «Ancora intorno all’epigrafe...», p. 506.
26
On peut souligner, par exemple, l’emploi des bacini musulmans sur les façades des églises
pisanes (G. B ERTI et L. TONGIORGI, « I bacini ceramici...»; G. BERTI , «La decorazione con
“bacini ceramici”...»; ID., «I “bacini” islamici del Museo Nazionale di San Matteo... »).
27
Giacomo TODESCHINI, I mercanti e il tempio: la società cristiana e il circolo virtuoso della ricchezza
fra Medioevo ed Età Moderna, Bologne, 2002.
28
Sur ce thème voir G. ROSSETTI , «I vescovi e l’evoluzione costituzionale...» ; ID ., «Il lodo del
vescovo Daiberto...»; I D., « Pisa e l’impero tra XI e XII secolo...».
29
C. FRUGONI, « L’autocoscienza del’artista...».
240 Enrica Salvatori
30
On la retrouve développée dans les productions poétiques successives. Voir G. SCALIA ,
«“Romanitas” pisana...».
31
Pour le contenu du Liber voir plus loin. Comparaisons entre Pise et Rome aux vers 445-448,
517-520, 583-585.
32
M. TANGHERONI, C. RENZI RIZZO et G. BERTI, «Pisa e il Mediterraneo occidentale…» .
33
G. S CALIA , «Contributi pisani...»; Giovanna P ETTI B ALBI , «Lotte antisaracene e “militia
Christi” in ambito iberico », dans Militia Christi e crociata nei secoli XI-XII, Atti della XI settimana
internazionale di studio (Mendola 1989), Milan, 1992, p. 525; E. BELLOMO, Al servizio di Dio...,
p.11.
34
G. SCALIA, «Contributi pisani...».
L’idée de guerre sainte dans les sources pisanes du XIe au XIIe siècle 241
38
G. ROSSETTI, «I vescovi e l’evoluzione costituzionale...», pp. 87-90.
39
Voir Annexe 3, strophes 17, 11, 34, 12, 38, 39 et passim
40
On peut le voir dans l’épisode de la mort de Ugo Vicecomes, strophes 44-48.
41
L’ennemi est méprisable mais il faut dire aussi qu’il est puissant et habile à combattre (Annexe
3, strophe 6): on doit lutter contre lui pour libérer des centaines de milliers de prisonniers
chrétiens capturés un peu partout (strophe 8).
L’idée de guerre sainte dans les sources pisanes du XIe au XIIe siècle 243
– la violence féroce exercée sans distinction par les chrétiens sur les
populations sarrasines: « Occiduntur mulieres virgines et vidue et infantes
alliduntur, ut non possit vivere »;
42
Voir Annexe 3, strophes 1, 4, 8, 53 et 60.
43
Craig B. FISHER, «The Pisan Clergy and an Awakening of Historical Interest in a Medieval
Commune», Studies in Medieval and Renaissance History, 3 (1966), pp. 143-219.
244 Enrica Salvatori
44
Ibid. et supra note 11.
45
Liber Maiolichinus..., vers 25-37: « Milia captorum plus quam ter dena fuerunt, quos pariter Baleri
vinxit tenuitque tirampnus, preter ad ignotas quos per comercia gentes transtulit, aut atrox obitus de
carne resolvit. Fama mali tanti per plures cognita terras commovet extimplo sitientes prelia Pisas.
Concitat ira senes, qui Punica vincere regna, subdere quique suo gentes potuere tributo. Hi, memorant
dum facta Bone, dum bella Panormi victaque per varios quam plurima prelia casus, accendunt animos
iuvenum, quibus orrida facta et labor et sudor et duri gloria Martis divitiis et delitiis potiora fuerunt »;
vers. 1216-1218: « Haut secus heroum gladiis pagana fugantur agmina. Tunc relique succurrunt
undique turme nulli parcentes, sexus iugulantur et etas »; vers. 71-75: « Horum consilio clari cum
presule digno legati Romam vadunt, quos papa colendus nomine Paschalis multo suscepit honore,
pontifici tribuendo crucem, romanaque signa militie ducibus, que presens Atho recepit». Les mêmes
éléments figurent aussi sur l’épigraphe de Saint-Victor à Marseille (G. SCALIA,
«Epigraphica...», pp. 268-269) et sur celle de la Porta Aurea à Pise (Ibid., pp. 269-272): les
deux sont liées à l’expédition contre les Baléares.
L’idée de guerre sainte dans les sources pisanes du XIe au XIIe siècle 245
46
Liber Maiolichinus..., vers 1570-1594, 1977-1987, 2386-2426, 3060-3064, 3270-3292.
47
Ibid., vers 1977-1987, 2696-2699, 2912-2934.
48
Ibid., vers 2697-2744.
49
Ibid., vers 2745-2768, 3093-3099.
50
Laura TICCIATI, « Strategie familiari della progenie di Ildeberto Albizo – i Casapieri – nelle
vicende e nella realtà pisana fino alla fine del XIII secolo», dans Pisa e la Toscana occidentale nel
Medioevo..., 2, pp. 49-150. Liber Maiolichinus..., vers 924-974.
51
Ibid., vers 919-923, 2912-2936
246 Enrica Salvatori
52
Ibid., vers 2934-2938
53
Cf. note 36.
54
Catia RENZI RIZZO, «Riflessioni sullla lettera di Berta di Toscana al califfo Muktafî : l’apporto
congiunto de dati archeologici e delle fonti scritte», Archivio Storico Italiano, 159 (2001), pp. 3-
47.
55
G. ROSSETTI, «Ceti dirigenti e classe politica...»; I D., «Pisa e l’impero tra XI e XII...».
56
Maria Luisa CECCARELLI LEMUT, «Bernardo Maragone “provisor” e cronista di Pisa nel XII
secolo», dans Legislazione e prassi istituzionale..., pp. 181-199, repris dans Maria Luisa
CECCARELLI LEMUT, Medioevo Pisano, Pise, 2005.
L’idée de guerre sainte dans les sources pisanes du XIe au XIIe siècle 247
ANNEXES
1. <1064-1118>
Épigraphe “historique” sur la façade de la cathédrale de Pise, dédiée aux
entreprises contre les Sarrasins de la première moitié du XIe siècle (G. SCALIA,
«Tre iscrizioni e una facciata...», p. 825).
57
Bernardo MARAGONE, « Annales Pisani (1100-1196)», dans M. Lupo Gentile (éd.), RIS, 6/2,
Bologne, 1936, pp. 1-74, en particulier pp. 3, 6-8, 19, 22, 39, 44, 49.
58
G. ROSSI S ABATINI , L’espansione di Pisa...; M. TA N G H E R O N I , « Pisa, l’Islam...»; Enrica
S ALVATORI , “Boni amici et vicini”. Le relazioni tra Pisa e le città della Francia meridionale dall’XI
secolo agli inizi del XIV, Pise, 2002.
59
Cf. note 9.
248 Enrica Salvatori
2. <1064-1118>
Épigraphe sur la façade de la cathédrale de Pise, dédiée a l’entreprise
contre les Sarrasins de Palerme de 1064 (Monumenta epigraphica pisana…,
pp.47-48).
Extraits
1.
Inclitorum Pisanorum scripturus istoriam,
antiquorum Romanorum renovo memoriam:
nam extendit modo Pisa laudem admirabilem,
quam recepit olim Roma vincendo Cartaginem.
2.
Manum primo Redemptoris collaudo fortissimam,
qua destruxt gens Pisana gentem impiissimam.
Fit hoc totum Gedeonis simile miraculo,
quod perfecit sub unius Deus noctis spatio.
3.
Hic cum tubis et lanternis processit ad prelium,
nil armorum vel scutorum protendit in medium:
sola virtus Creatoris pugnat terribiliter,
inter se Madianitis cesis mirabiliter
4.
Sunt et [hi] Madianite signati ex nomine,
hos in malo nam Madia nutrebat omine,
sita pulchro loco maris, civitas hec impia,
que captivos costringebat plus centena milia.
250 Enrica Salvatori
5.
Hic Timinus presidebat, Saracenus impius,
similatus Antichristo, draco crudelissimus,
habens portum iuxta urbem factum artificio,
circumseptum muris magnis et plenum navigio.
6.
Hic tenebat duas urbes opibus ditissimas
et Saracenorum multas gentes robustissimas
stultus et superbus nimis, elatus in gloria,
qua de cusa Pisanorum fit clara victoria.
7.
Hic cum suis Saracenis devastabat Galliam,
captivabat omnes gentes que tenent Ispaniam
et in tota ripa maris turbabat Italiam,
predabatur Romaniam usque Alexandriam.
8.
Non est locus toto mundo neque maris insula,
quam Timini non turbaret orrenda perfidia:
Rodus, Ciprus, Creta [simul], simul et Sardinia
vexabantur, et cum illis nobilis Sicilia. [..]
11.
Convenerunt Genuenses virtute mirabili
et adiungunt se Pisanis amore amabili.
Non curant de vita mundi nec de suis filiis,
pro amore Redemptoris se donant periculis.
12.
His accesit Roma potens potenti auxilio,
suscitata pro Timini infami martirio:
renovatur hinc in illa antiqua memoria,
quam illustris Scipionis olim dat victoria. [..]
17.
Accesserunt huc econtra mirandi artifices
et de lignis nimis altis facte sunt turricule.
Destruxerunt, occiderunt, sicut Deus voluit,
et fecerunt quod a mundo nunquam credi potuit. [..]
24.
«Preparete vos ad pugnam, milites fortissimi,
«et pro Christo omnes mundi vos obliviscimini.
«Maris iter restat longum, non potestis fugere,
«terram tenent quos debetis vos hostes confundere. [..]
26.
«Inimici sunt Factoris, qui creavit omnia,
«et captivant Christianos pro inani gloria.
«Mementote vos Golie, gigantis eximii,
L’idée de guerre sainte dans les sources pisanes du XIe au XIIe siècle 251
Marina MONTESANO*
Stretta fra la montagna e il mare, priva d’un entroterra nel quale espandersi
e collegata al resto della penisola quasi solo mediante la via del Bisagno che le
permetteva le comunicazioni con Piacenza, Genova dovette capire fin dal suo
primo sorgere che l’avvenire stava nelle onde del Tirreno. Essa si preoccupò
quindi di sgombrare il mare dal pericolo dei corsari saraceni, e in
quest’operazione si trovò alleata Pisa, che operava in una zona limitrofa alla
sua ed era minacciata dai suoi stessi nemici. Unite, le due città affrontarono
dal 1015 al 1021 un capo corsaro delle Baleari, Mogehid (il Mugettus o
Musettus o Musetus delle nostre cronache) che aveva preso a infestare la
Sardegna. Vintolo, iniziò senz’altro la loro disputa per l’egemonia sul Tirreno;
la prima guerra per il predominio in Sardegna scoppiò infatti nel 1066 e
terminò solo nel 1077 grazie alla mediazione di papa VittoreIII che, secondo le
fonti pisane, già pensava all’impresa di al-Mahdiah.
Intanto, limitati a sud dalla potenza pisana, i genovesi ambivano a
estendere la loro egemonia su tutto l’arco di mare da Lerici alla Catalogna: per
questo nel 1092 accettarono di entrare nella lega di AlfonsoVI contro la città di
Valencia ch’era allora nelle mani di Rodrigo Diaz, il Cid. Fallita la spedizione
contro Valencia, essi si affrettarono ad assediare Tortosa nel 1093 con il conte
di Barcellona e con Sancio d’Aragona. Anche quest’operazione fu vana, ma ciò
non diminuisce il valore storico di questi primi assaggi genovesi alle coste
spagnole: essi avranno, com’è noto, un notevole sviluppo nel secolo seguente.
Del resto, già fino da allora Genova era riuscita a far convergere su di sé
una grande massa di interessi commerciali che andavano da quelli francesi
(non essendo i porti provenzali all’altezza di assolvere funzioni economiche di
troppo ampio respiro) a quelli lombardi; e il suo stesso essere praticamente
priva d’entroterra l’assicurava da eventuali colpi di mano e ne facilitava
l’indipendenza da ogni troppo rigida autorità continentale. Essa poté così ben
*
Università di Genova.
256 Marina Montesano
presto, com’era già avvenuto a Pisa da alcuni anni, darsi a partire dal 1098 o
1099 una forma di governo più o meno autonoma: a ciò provvide la
Compagna, associazione delle diverse compagne di quartiere preesistenti, con
la quale Caffaro fa partire il racconto dei suoi Annali, che si snoda poi subito
nelle imprese genovesi in Terrasanta.
A questa densa attività nel Mediterraneo occidentale Genova non affiancò
subito un’efficace penetrazione nel bacino orientale; ed era logico che, con
tanti pericoli ancora nel Tirreno, non si potesse pensare a Costantinopoli o alla
Siria. Ciò non significa però che i naviganti genovesi si astenessero in senso
assoluto dallo spingersi verso est; anzi, ciò era forse molto più frequente di
quanto la scarsezza delle fonti rimasteci induca a pensare. Se non altro per il
fatto che nell’XI secolo, specie nella seconda metà, i pellegrinaggi verso i
Luoghi Santi si andavano facendo più intensi e quanti potevano permettersi di
viaggiare per mare (soprattutto dalla Francia) preferivano pagare il nolo di
traversata ai genovesi piuttosto che affrontare i disagi della via Francigena o i
pericoli della via ungherese, del resto aperta solo dai primi dell’XI secolo,
quando il re Stefano si era convertito al cristianesimo con il suo popolo.
La narrazione di un pellegrinaggio normanno effettuato tra il 1063 e il 1065
c’informa senza possibilità d’equivoco che i genovesi erano presenti
nell’Oriente siriano, nel quale svolgevano attività commerciale: una schiera di
pellegrini inglesi, fiamminghi e tedeschi guidata dagli arcivescovi di Magonza
e di Ratisbona e dai vescovi di Utrecht e di Bamberga visitarono nel 1063 la
Terrasanta e in primavera s’imbarcarono su uno « stolus ianuensis » che li portò
a Brindisi1. Se teniamo presente che tra 1062 e 1063 il califfo Al-Mustanser
aveva accordato un quartiere ai cristiani di Gerusalemme e che questa
circostanza aveva molto contribuito all’affluenza dei pellegrini, non possiamo
stupirci di trovare navi genovesi sul litorale di Terrasanta.
Caffaro riferisce inoltre la leggenda del pellegrinaggio a Gerusalemme che
Goffredo di Buglione e Roberto di Fiandra avrebbero compiuto, prima della
crociata2, sulla nave genovese “La Pomella”3. In effetti, pare che Roberto di
Fiandra, padre del condottiero crociato omonimo, si sia recato in Terrasanta
tra il 1083 e il 1085, e a ciò si fa risalire una lettera a lui scritta dal basileus e che
è stata in seguito ritenuta a lungo una prova del fatto che sarebbe stato il
1
INGULFI Chronicon, in Rerum Britannicarum Medii Aevi Scriptores, Londra, 1858-1911, 1, p. 904.
2
Ci serviremo del termine crociata per convenzione, ben consci dell’anacronismo commesso,
come sottolineato da Franco CARDINI , Studi sulla storia e sull’idea di crociata, Roma, 1993;
Christopher TYERMAN, L’invenzione delle crociate, Torino, 2000; Franco C ARDINI, «Guerra e
crociata», in Dizionario ragionato dell’occidente medievale, Torino, 2004.
3
CAFARI De liberatione civitatum orientis, in RHC-HOc, 5, Paris, 1841-1904, p. 47. Sui nomi delle
navi genovesi, cf. Giovanna PETTI BALBI, «I nomi di nave a Genova nei secoli XII e XIII», in
Miscellanea di storia ligure in memoria di G. Falco, Genova, 1966, pp. 65-86.
Le guerre dei genovesi nel Mediterraneo 257
4
LAMBERTUS HERSFELDENSIS, Annales, in MGHSS, 5, ed. di Georg Heinrich Pertz, Hannover-
Berlin, 1826-1934, p. 181; GUIBERTUS DE N OVIGENTI , Gesta Dei per Francos, in RHC-HOc, 4,
p.181.
5
MICHELE IL SIRIACO, Cronaca, in RHC-HA, 1, Paris, 1841-1904, p. 327.
6
CAFARI De liberatione civitatum orientis…, p. 49; un riferimento anche nella Vita di Ugo di
Grenoble: Vita Hugonis, in Acta Sanctorum. April., Antuerpiae, 1643, 1, pp. 36 e s. E’ Jacopo da
Varazze a riferire della lettera di UrbanoII : IACOBUS A VARAGINE, Chronica civitatis Ianuensis,
ed. di Giovanni Monleone, Roma 1941, II. Cf. anche Paul RIANT , «Inventaire critique des
lettres historiques des croisades», in Archives de l’Orient latin, 54 (1881), p. 119.
7
Così René GROUSSET , Histoire des croisades, Paris, 1934-1936, 1, p. 5, che riferisce anche del
ruolo dei genovesi.
258 Marina Montesano
un’ipotesi, una delle tante che si potrebbero formulare per sostenere la tesi di
un accordo preventivo.
Comunque, senza pensare ad accordi precisi, diviene difficile spiegare la
strana sincronia dell’arrivo in Siria, tra il 1097 e il 1098, delle flotte genovese,
inglese e fiamminga. Caffaro ci ha tramandato nel suo De liberatione civitatum
orientis memoria dettagliata delle spedizioni genovesi alla prima crociata: egli
afferma che, quando i due vescovi mandati dal papa ebbero predicato
l’impresa nella chiesa di San Siro, si interessarono alla spedizione alcuni fra i
maggiorenti che, a quanto sembra con il beneplacito della Compagna,
armarono una flotta di dodici galee e un sandalo (cioè una nave attrezzata per
il trasporto di cavalli) che salpò nel luglio 1097.
I genovesi approdarono a Porto S. Simone (l’antica Solinum, la Suwaidiya
degli arabi, alla foce dell’Oronte), il porto di Antiochia, un mese dopo che i
franchi avevano posto l’assedio alla grande città siriaca. Poiché l’inizio
dell’assedio è del 21 ottobre 1097, i genovesi sarebbero, a quanto pare, giunti
verso la fine di novembre; questa data è più attendibile di quella fornitaci da
Guglielmo di Tiro8, il quale anche da altri particolari (per esempio sostiene che
sarebbe giunta una sola nave genovese) si dimostra piuttosto male informato
su quest’episodio. Invece, prezioso per integrare la versione di Caffaro risulta
Raimondo di Aguilers9, testimone oculare di questi fatti.
I soccorsi in uomini e viveri giungevano a proposito: i franchi costruirono
un ponte di barche sull’Oronte per meglio mettersi in contatto con i nuovi
venuti, presso i quali fu inviato Boemondo con un centinaio di armati per
scortarli al campo crociato. A tal scopo i genovesi si divisero in due squadre,
di cui una restava a guardia delle navi mentre l’altra, di 600 uomini circa (cioè
più o meno la metà del totale degli equipaggi, che non doveva superare di
molto il migliaio di uomini) si incamminò con Boemondo alla volta della città.
Ma, caduto in un’imboscata turca, il gruppo fu quasi totalmente sterminato: a
stento Boemondo con un gruppo di cavalieri poté salvarsi e fuggire alla volta
dell’accampamento per chiedere rinforzi.
Le difficoltà di mantenere efficienti i collegamenti fra la costa e l’interno
dovettero far sì che i genovesi superstiti si acquartierassero vicino alle loro
navi e, nonostante le assicurazioni di Caffaro in senso contrario, si limitassero
a commerciare con i “crociati” senza prendere parte attiva ai combattimenti. Il
fatto che la flotta ligure se ne sia andata tra il febbraio e il marzo 1098, quando
ancora non solo l’assedio non era concluso, ma i crociati si trovavano
addirittura in una situazione estremamente critica per essere stati abbandonati
dal contingente greco del generale Tatikios che fino ad allora li aveva
accompagnati, getta una luce chiara sul fatto che i marinai genovesi dovettero
considerare il loro intervento alla stregua d’un rischioso ma lucroso affare
8
WILLELMUS TYRIENSIS, Historia in partibus transmarinis gestarum, in RHC-HOc, 1, p. 198.
9
RAYMONDUS DE AGUILERS, Historia Francorum qui ceperunt Ierusalem, in ibid., 3, pp. 242 e s.
Le guerre dei genovesi nel Mediterraneo 259
10
IACOBUS A VARAGINE, Legenda translationis beatissimi Johannis Baptistae Genuam, in ibid., 5, p. 63.
11
ORDERICUS VITALIS, Historia ecclesiastica, in PL, 188, Paris, 1800-1878, col. 539 e s.
12
Il testo di Jacopo fa pensare che l’evento narrato sia accaduto al ritorno dalla spedizione
genovese del 1100-1101 ; ma Caffaro, che pure vi prese parte, non ne parla, e inoltre il Riant ha
dimostrato in modo inoppugnabile che esso è da riferirsi al 1098, cioè al ritorno dalla
spedizione antiochena. Paul RIANT, «Lettre sur la date exacte de l’arrivée à Gênes des reliques
de saint Jean Baptiste», Giornale Ligustico, fasc. 3-4 (marzo-aprile 1884), p. 12.
260 Marina Montesano
genovese (che del resto era a quel tempo ancora confusamente in nuce):
ciononostante essa doveva averne il consenso, ed i vantaggi che ne conseguì
ebbero un carattere pubblico, cioè esteso a tutta la città. Naturalmente, un
discorso del genere ha valore soltanto se si tiene conto non solo del fatto che la
magistratura comunale genovese non era a quel tempo ben fissata, ma anche
della confusione (tipica del resto nei governi comunali, e particolarmente
presente in tutta la storia genovese) che esisteva e che per molto tempo
continuò a esistere tra ciò che era pubblico e ciò che era privato, tra
maggiorenti e governanti, tra Compagna e Comune.
Difatti il 14 luglio 1098 il nuovo padrone di Antiochia, Boemondo
d’Altavilla, dava ai cittadini genovesi il diritto di occupare in città un quartiere
consistente nella chiesa di S. Giovanni con piazza antistante, un fondaco, un
pozzo, trenta case e l’esenzione da ogni tipo di imposta13. Esso era concesso,
con espressione tipica la cui imprecisione è significativa della confusione tra
pubblico e privato cui abbiamo accennato, ai boni homines di Genova. Vi si
legge, fra l’altro: « Sic dono vobis [...] omnia praescripta ut ea cum vestris usibus
commendaveritis »; quindi, pare che fino da allora fosse accordata una certa
libertà di giurisdizione; essa non è tuttavia troppo dichiaratamente fissata, ed
è forse più giusto pensare che rispondesse alla necessità contingente
d’amministrare una zona ancora non troppo bene assestata. Essa non ha
quindi valore d’una vera e propria conquista giurisdizionale dinanzi al potere
signoriale (come invece avranno le giurisdizioni successive), bensì di
situazione transitoria.
I genovesi, per parte loro, si impegnavano a difendere in tutto il principato
d’Antiochia la sovranità di Boemondo contro tutto e tutti, escluso Raimondo
di Saint Gilles, con il quale i liguri non intendevano trovarsi in discordia,
presumibilmente dati i buoni rapporti politici ed economici già istituiti in
patria14. In caso di lotta tra Boemondo e Raimondo (eventualità tutt’altro che
ipotetica, poiché giusto a proposito di Antiochia era scoppiato tra i due un
violentissimo conflitto) i genovesi si impegnavano a far da mediatori.
Il documento del 14 luglio 1098 è di capitale importanza nella storia delle
crociate: esso segna infatti il definitivo svincolamento anche formale dei
franchi dall’alleanza bizantina, e la ricerca di nuove forze sulle quali far
poggiare l’equilibrio politico dei nascenti principati franchi. Boemondo, che
conosceva il mondo orientale in genere e bizantino in particolare, capì per
primo con il suo fine (e molto normanno) senso della concretezza politica che
non bastava conquistare una città, ma bisognava anche farla fiorire: cosa
questa che potrebbe parere ovvia, ma che altri capi crociati impararono solo
13
Codice diplomatico della repubblica genovese, ed. di Cesare Imperiale di Sant’Angelo, 2 vol.,
Genova, 1936-1938, 1, n. 7, p. 11 e s. (una parte del Codice è stata edita nuovamente in anni
recenti secondo criteri diversi; ci serviremo dell’una o dell’altra edizione a seconda dell’utilità
ai fini del nostro tema).
14
Ibid., 1, n. 8, p. 12.
Le guerre dei genovesi nel Mediterraneo 261
molto più tardi e a proprie spese. Il principe normanno dovette rendersi conto
che le città marinare italiane erano le sole, per posizione geografica e per
potenza di mezzi, a poter assicurare frequenza e regolarità nei contatti politici
e commerciali tra l’Europa e la Terrasanta. Al corrente della decadenza di
Bisanzio come potenza marittima per la mancanza di una flotta efficiente ed
abituato a trattare con le città marittime pugliesi, Boemondo sapeva che
l’unico modo per far sì che Antiochia riacquistasse il suo ruolo di grande nodo
commerciale era interessare alla vita cittadina marinai e mercanti, e i genovesi
erano appunto ciò che ci voleva.
La colonia genovese ad Antiochia, nello strutturarsi primitivo, prese certo
esempio dalle colonie commerciali che Venezia già da tempo aveva a
Bisanzio: pure, già si possono scorgere le premesse della successiva
evoluzione delle colonie di Terrasanta, che saranno molto diverse da quelle
bizantine. In queste ultime, infatti, alle più ampie facilitazioni sul piano
economico farà riscontro un’assenza assoluta di concessioni giuridico-politiche
che le distingueranno nettamente dalle colonie degli stati franchi,
caratteristiche delle quali sarà appunto tutto un sistema non sempre chiaro né
coerente, però alquanto ampio e di fatto iniziatosi ben presto, di autonomie
giurisdizionali e politiche. L’alba di queste autonomie si vede già nel
documento antiocheno, nel quale Boemondo chiede ai genovesi una
partecipazione alla difesa del suo governo: quindi, tutto sommato, dà loro
una certa personalità giuridica de facto. I tempi non erano ancora maturi per
cogliere appieno gli sviluppi di queste premesse; ma essi non tardarono a
mostrarsi chiaramente15.
Gli ultimi anni dell’XI secolo sono fondamentali per la storia interna di
Genova. Tra la prima e la seconda spedizione in Terrasanta era sorto il
governo consolare di Amico Brusco, rovesciato dalla guerra civile del 1098-99,
al termine della quale la Compagna si era stabilita come forza guida della città.
La tensione esistente potrebbe aiutare a spiegare l’esigua portata della
spedizione che, verso la fine del giugno 1099, giunse in Terrasanta sotto la
guida di Guglielmo Embriaco Testadimaglio e di suo fratello Primo. Gli
Embriaci erano certo implicati nelle lotte da cui doveva scaturire il predominio
della Compagna; pure, anche se soltanto con due galee (ma pare che avessero
al seguito anche qualche nave da trasporto, per un totale calcolabile fra i sei e i
nove vascelli), non mancarono di apportare ai franchi un aiuto la tempestività
del quale sembra confermarci l’idea che tra la città ligure e il contingente
crociato i rapporti fossero tutt’altro che casuali e saltuari. Si può anzi
15
Il documento del 14 luglio 1098 è confermato, precisato e in parte modificato da un altro atto,
pubblicato nel Codice diplomatico della repubblica genovese…, 1, n. 12, p. 16; esso costituisce la
conferma dei privilegi genovesi da parte di Tancredi, reggente del principato d’Antiochia,
accordata il 22 novembre 1101.
262 Marina Montesano
16
WILLELMUS TYRIENSIS, Historia in partibus transmarinis gestarum…, p. 336.
17
Ibid., p. 540.
Le guerre dei genovesi nel Mediterraneo 263
18
PL, 163, col. 448-451; per i problemi da essa sollevati, cf. P. RIANT, «Inventaire critique des
lettres historiques des croisades… », CXLIV, p. 201.
19
Il Riant (ibid., CLIV) riporta una lettera datata a Roma il 4 maggio 1100 da PasqualeII e diretta
ai crociati per accreditare Maurizio come legato papale. Maurizio risulta esser partito per
264 Marina Montesano
Genova – quindi l’accordo per la spedizione era già in atto – e vi è segnalato il 20 luglio come
dimorante in quel luogo da qualche tempo.
20
Caffaro ricorda che la flotta era composta da ventisei navi da guerra e quattro navi « de
peregrinis oneratas » (CAFARI, De liberatione civitatum orientis…, p. 58).
21
Ibid., p. 57.
22
Ibid., p. 59.
23
Ibid., p. 71; per un commento a questo episodio, cf. Marina MONTESANO , Genova e la
Terrasanta. La fondazione del mito, in Memorie genovesi. Gli Annali di Caffaro (1099-1163), ed. di
Gabriella Airaldi, Genova, 2002, pp. 31-48.
Le guerre dei genovesi nel Mediterraneo 265
24
Il miracolo della Pasqua del 1101 è narrato in numerose fonti: FULCHERIUS CARNOTENSIS,
Gesta Francorum Hierusalem peregrinantium, in RHC-HOc, 3, pp. 385 e s.; GUIBERTUS DE
NOVIGENTIS, Gesta Dei..., pp. 255-256; EKKEHARDUS URAUGIENSIS, Hierosolymita, in RHC-HOc,
5, p. 36. La descrizione più accurata si trova però in una fonte russa : D ANIIL EGUMENO,
Itinerario in Terra Santa, ed. di Marcello Garzaniti, Roma, 1991, pp.158-165.
25
Arthur S. T RITTON , «The Eastern Fire at Jerusalem », Journal of the Royal Asiatic Society, 10
(1963), pp. 52-74; Marius CANARD, «La destruction de l’église de la Résurrection par le calife
Hakim et l’histoire de la descente du feu sacré », Byzantion, 35 (1965), pp. 16-43; Bernard
MCGINN, « Iter Sancti Sepulchri : the Piety of the First Crusaders», in The Walter Prescott Webb
Lectures: Essays on Medieval Civilization , Arlington, 1978, pp. 33-71.
26
Caffaro la data al 9 maggio (CAFARI De liberatione civitatum orientis…, p. 222), mentre Fulcherio
di Chartres la anticipa alla fine di aprile (FULCHERIUS CARNOTENSIS , Gesta Francorum…,
p.388).
266 Marina Montesano
a voler catturare le due città, bensì i marinai italiani, cui Baldovino si sarebbe
limitato a concederle graziosamente; Alberto (che fa anche un po’ di
confusione sulle diverse imprese genovese) deve qui giustificare in qualche
modo l’alleanza tra Baldovino e gli italiani, da lui profondamente
disprezzati27. Più interessante la sua menzione di navi pisane accanto a quelle
genovesi. E’ probabile che non tutte le navi pisane di Daiberto fossero ripartite
dopo la Pasqua del 1100, ma che alcune fossero rimaste per accumulare altre
ricchezze e per sostenere il patriarca e la colonna pisana di Giaffa, fondata
nell’inverno 1099-1100. Questa notizia è sostenuta dalla menzione di una flotta
pisana in questa e altre occasioni, presente in numerose fonti, e soprattutto dal
fatto che un documento genovese nel quale si ricordano i privilegi accordati
da Baldovino ai genovesi nel 1104 li si dica estesi anche alla famiglia del
pisano Gandolfo28. Assolto così il loro compito i genovesi si congedarono da
Baldovino e, risalendo la costa verso nord, giunsero in un luogo vicino a porto
S. Simeone dove si spartirono il bottino ricavato dalle azioni militari. Esso
dovrebbe essere ingente perché, detratte le decime per la Chiesa e un quinto
del totale per coprire le spese d’armamento nautico, a ciascun uomo
spettarono 48 soldi pittavesi e due libbre di pepe, a parte donativi specifici ai
capi e a coloro che si erano dimostrati più valorosi29.
Da questa spedizione e con le prede di Cesarea, secondo Guglielmo di Tiro,
i genovesi portarono in patria il celebre “sacro catino”, cioè un « vas coloris
viridissimi, in modo parapsidis formatum, quod [ … ] Ianuenses, smaragdinum
reputantes, […] ecclesiae suae pro excellenti obtulerunt ornatu » 30. Caffaro non ne
parla, ma il catino assumerà nel tempo grande importanza, grazie soprattutto
alla volontà del vescovo Jacopo da Varazze31.
Meno immediati ed evidenti dei vantaggi derivati dal saccheggio, ma più
importanti sotto il profilo storico, furono i risultati giuridici che i genovesi
riportarono da questa spedizione: essi provvidero infatti a farsi confermare da
Tancredi i privilegi che Boemondo aveva loro assegnato in Antiochia32 e
27
ALBERTUS AQUENSIS, Historia hierosolimitana, in RHC-HOc, 4, p. 543.
28
I Libri Iurium della repubblica di Genova. I/1, ed. di Antonella Rovere, Genova, 1992, sett. 1104,
p.102.
29
Data la scarsa monetazione del tempo, il pepe era merce di scambio comune ; il suo uso como
moneta a Genova è testimoniato fino al XIV secolo: Francisco CESARETTO , «La moneta
genovese», Atti della società ligure di storia patria, 55 (1928), in particolare pp. 5-6, nota 3.
30
WILLELMUS TYRIENSIS, Historia in partibus transmarinis gestarum…, p. 419. Sul Sacro Catino di
Cesarea cf., anche per la bibliografia precedente, Johann ZAHLEN, «Der Sacro Catino in Genua.
Aufklärung über eine mittelalterliche Gralsreliquie », in Der Gral. Artusromantik in der Kunst
des 19. Jahrhunderts, Monaco, 1995, pp. 22-32; Daniele CALCAGNO , Il mistero del Sacro Catino,
Genova, 2000; Reliquie tra storia e mito. Il Sacro Catino e il Santo Graal, ed. a di Massimiliano
Macconi e Marina Montesano, Genova, 2000.
31
IACOBUS A VARAGINE, Chronica civitatis Ianuensis…, 2, pp. 309-315.
32
Codice diplomatico della repubblica genovese…, 1, n. 12, p. 16. La data riportata è quella del 22
novembre, quando cioè la flotta era già ripartita : ma gli accordi evidentemente dovevano
esser stati presi prima.
Le guerre dei genovesi nel Mediterraneo 267
stabilirono inoltre con Baldovino alcune cose cui Fulcherio di Chartres sembra
accennare33 e che, pur non essendo in sé rilevanti, formarono forse il primo
nucleo del grande privilegio che Genova ricevette dal re nel 1104. Ne
riparleremo fra breve.
Ripresa verso il 25 luglio la rotta per il ritorno, i genovesi si scontrarono, in
un luogo che Caffaro chiama Val di Compar e che viene identificato con Itaca,
con una flotta greca forte di 60 navi e guidata da un “Cotromil”, nel quale è
forse possibile identificare il Landolfo che già si era scontrato con i pisani nel
1099; nell’affrontamento i genovesi ebbero la meglio 34.
Presso Corfù la flotta di Caffaro fu raggiunta da altre imbarcazioni
genovesi, guidate da due consoli degli anni 1100-1102, dirette alla volta della
Siria per porsi al servizio di Raimondo di Tolosa, tornato in Terrasanta da
Costantinopoli dopo l’umiliante e poco chiara avventura anatolica. Quello che
inizialmente era sembrato il condottiero principale della spedizione, aveva
subito l’umiliazione di essere imprigionato da Tancredi, e liberato solo a patto
di rinunciare alle sue pretese su Antiochia e Laodicea. Invecchiato e affranto,
ma non del tutto domo, era intenzionato a ritagliarsi almeno una signoria
libanese che avesse per centro Tripoli: occorreva per questo riprendere
Tortosa, che gli era appartenuta fino al 1100, ma che era andata perduta
durante la sua assenza.
Si accordò quindi con la nuova flotta genovese, che era giunta a
Gerusalemme in tempo per le feste di Natale, e verso la metà del febbraio 1102
Tortosa venne presa. Caffaro dice che, presa la città, i cristiani vi furono a loro
volta assediati dai saraceni e riuscirono a salvarsi solo grazie a un intervento
miracoloso: le campane di notte avrebbero suonato, le porte della città si
sarebbero aperte, costringendo gli assediati a una sortita che sbaragliò il
nemico35. Ignoriamo cosa Raimondo avesse promesso ai genovesi in cambio
del loro aiuto; certamente il bottino, mentre eventuali privilegi rimangono
un’ipotesi.
Nella primavera del 1103 una nuova flotta genovese si apprestava a solcare
i mari in direzione della Terrasanta: i Gesta Francorum36 parlano di 70 navi,
una forza imponente. Il loro arrivo era atteso in quanto i Gesta ci dicono che
Baldovino, impegnato nell’assedio di Acri, pose momentaneamente fine alle
operazioni per aspettare gli italiani; senza l’appoggio della flotta sarebbe stato
infatti impossibile prendere una città costiera, vista la facilità di comunicare
con Ascalona, la formidabile piazzaforte tenuta dai fatimiti d’Egitto. Se ciò era
valido in generale per tutte le città costiere, lo era in particolare per Acri, una
delle più forti.
33
FULCHERIUS CARNOTENSIS, Gesta Francorum…, p. 127.
34
CAFARI De liberatione civitatum orientis…, pp. 68-69.
35
Ibid., p. 69.
36
FULCHERIUS CARNOTENSIS, Gesta Francorum…, p. 537.
268 Marina Montesano
37
CAFARI De liberatione civitatum orientis…, p. 70.
38
ALBERTUS AQUENSI, Historia hierosolimitana…, pp. 606-607.
39
Ibid. ; FULCHERIUS CARNOTENSIS, Gesta Francorum…, p. 537.
40
Codice diplomatico della repubblica genovese…, 1, n. 15, pp. 20 e s.
Le guerre dei genovesi nel Mediterraneo 269
che i genovesi non sarebbero stati oggetto di violenza da parte sua o dei suoi
vassalli; dava loro diritto di testamento (cioè prometteva di non intervenire
con pretese di alcun genere sui beni dei genovesi che fossero morti nel suo
territorio) e prometteva di non pretendere nulla dell’eventuale bottino che le
galee genovesi avessero fatto in battaglia. A garanzia di tutto ciò, prometteva
soddisfazione entro trenta giorni in caso di violenza da essi sofferta. Inoltre, i
genovesi non avrebbero pagato alcuna tassa di commercio nei luoghi che
erano già stati conquistati o da allora in poi lo sarebbero stati da parte di
Baldovino. Tali privilegi venivano estesi integralmente agli abitanti di Savona,
di Noli, di Albenga e alla famiglia del già ricordato Gandolfo Pisano.
Il dono era fatto alla comunità genovese, o meglio, secondo l’uso del
tempo, alla chiesa cattedrale di Genova: S. Lorenzo. E fu infatti un canonico di
questa a svolgere almeno nominalmente le funzioni di capo della colonia
genovese di Acri. Per designarne l’ufficio Caffaro usa il termine vicecomes, il
che implicherebbe già un preciso rapporto giuridico tra la colonia genovese, la
madrepatria e il potere regale di Gerusalemme: una questione lungamente
discussa, sulla quale non ci soffermeremo in questa sede.
Ben presto si aprì per i genovesi una nuova possibilità. Come detto,
Raimondo di Saint-Gilles stava prendendo in considerazione la possibilità di
volgersi alla conquista di Tripoli. Insieme a Tortosa e Gibeloth, già nelle sue
mani, gli si sarebbe allora preparata una prospera signoria libanese. Nel 1103
fece quindi costruire una castello per bloccarne l’accesso e preparare l’assedio;
i franchi lo chiamavano Mons peregrinus, gli arabi Qalat Sanijl, castel Saint-
Gilles. Proprio nel castello la morte lo colse nel 1105, senza che ancora fosse
riuscito a compiere l’ultimo programma che si era proposto. Nell’immediato
gli successe un lontano parente del ramo materno, ma la signoria libanese era
ambita da suo figlio Bertrando, che mosse quindi dalla Provenza con un
esercito di 4000 uomini fra cavalieri e fanti. A Genova si incontrò
presumibilmente con i maggiorenti cittadini e chiese loro aiuto promettendo,
si immagina, notevoli vantaggi, il più importante fra i quali era la proibizione
per i mercanti non genovesi di entrare in Saint-Gilles41; evidentemente già in
questi anni i liguri miravano all’egemonia commerciale rispetto alle città
franco-meridionali, una politica che avrebbero portato avanti sempre con
molto accanimento. Bertrando ottenne una flotta ingente, che Caffaro
quantifica in 60 galee, Guglielmo di Tiro in 70, Alberto d’Aquisgrana in 8042.
Durante il viaggio i genovesi non si astennero dalle consuete azioni piratesche
lungo le coste greche.
41
Ibid., 1, n. 22, pp. 28 e s.
42
CAFARI De liberatione civitatum orientis…, p. 70; W ILLELMUS T YRIENSIS, Historia in partibus
transmarinis gestarum…, p. 465; A LBERTUS AQUENSI, Historia hierosolimitana…, p. 664.
270 Marina Montesano
43
Così le testimonianze di ALBERTUS AQUENSI, Historia hierosolimitana…, p. 619, e di FULCHERIUS
CARNOTENSIS, Gesta Francorum…, p. 420.
44
Codice diplomatico della repubblica genovese…, 1, n. 24, p. 32 ; il primo terzo era stato ottenuto
alla conquista del 1104, ed era stato retto da Ansaldo Corso (ibid., 1, n. 14, p. 19).
Le guerre dei genovesi nel Mediterraneo 271
che doveva portare prima all’istituirsi di una colonia che versava un tributo
annuo alla madrepatria (lo stesso sarebbe stato fatto qualche anno dopo, per
esempio, in Spagna), poi all’istituirsi di una signoria indipendente che avrebbe
portato gli Embriaci a legarsi e a fondersi, attraverso politiche matrimoniali,
con l’aristocrazia franca45. E’ inoltre da segnalare che il fratello di Gugliemo
Testadimaglio, Nicola, ricevette alle stesse condizioni dalla cattedrale della
madrepatria gli immobili che a Genova spettavano in Antiochia, San Simone,
Laodicea.
Verso la fine del febbraio 1110 Baldovino iniziò l’assedio di Beyruth con
l’aiuto di Bertando e di navi pisane e genovesi. Caffaro parla di 24 galee liguri
che bloccarono il porto impedendo che dalle basi di Tiro e Sidone potesse
giunger loro un aiuto. Le pinete che si estendevano a sud-est offrivano
legname per costruire le macchine da guerra e nel maggio dello stesso anno la
città capitolò. Alberto d’Aquisgrana non manca di segnalare, anche in questo
caso, intemperanze e violenze da parte di marinai italiani46. I genovesi
ottennero un terzo anche di questa città e proseguirono poi la campagna
militare prendendo quasi da soli, evidentemente per conto di Tancredi, la città
bizantina di Mamistra.
Con le imprese del 1110 le guerre dei genovesi intorno e successivamente
alla cosiddetta prima crociata possono dirsi concluse. Genova poteva contare
su piazzeforti, basi commerciali e ricchi privilegi sull’intera costa siro-libano-
palestinese; l’incremento economico per il neonato Comune era immenso, ma
non certo incontrastato. La litigiosità dei franchi in Terrasanta e l’accrescersi
della rivalità con pisani e bizantini gravavano sempre come un’ipoteca su
quanto era stato raggiunto. Senza contare che la riorganizzazione musulmana
in funzione di un’offensiva antifranca era già prossima e si sarebbe
manifestata già nel 1141 con la presa di Edessa. Tuttavia, la città dell’entroterra
non interessava certo i marinai liguri, che infatti si astennero dal prendere
parte alla seconda spedizione crociata. Le loro flotte stavano prendendo una
direzione diversa, puntando piuttosto ad assicurarsi un maggior controllo di
quel Mediterraneo occidentale che rientrava più da vicino nel loro raggio di
interesse.
Nel corso del XII secolo i genovesi poterono disporre dei porti di Narbona,
Antibes, Fréjus, Marsiglia, e soprattutto del grande emporio di Montpellier, il
cui signore GuglielmoIV avevano aiutato nel 1143 a reprimere una sommossa
comunale, strappandogli in cambio il divieto per gli abitanti di Montpellier di
45
Sulla vicenda rinviamo a Franco CARDINI, « Profilo di un crociato. Guglielmo Embriaco », in
ID., Studi sulla storia di crociata… ; Gabriella AIRALDI, Blu come il mare. Guglielmo e la saga degli
Embriaci, 2006.
46
ALBERTUS AQUENSI, Historia hierosolimitana…, p. 671.
272 Marina Montesano
47
Codice diplomatico della repubblica genovese…, 1, n. 266, p. 317; cf. anche I Libri Iurium della
repubblica di Genova. I/1…, sett. 1143, pp. 113-114.
48
CAFFARO, Annales, in Annali genovesi, ed. di Luigi Tommaso Belgrano, Roma, 1890; per la
traduzione italiana e il commento cf. ora Memorie genovesi. Gli Annali di Caffaro….
49
I Libri Iurium della repubblica di Genova. I/1…, lugl. 1138, pp. 22-29.
50
I Libri Iurium della repubblica di Genova. I/6, ed. di Maria Bibolini, Roma-Genova, 2000, sett.
1146, pp. 3-7; cf. il testo n. 1 in appendice. Per il punto di vista aragonese sulla medesima
Le guerre dei genovesi nel Mediterraneo 273
impresa cf. Daniel BALOUP, «Reconquête et croisade dans la Chronica Adefonsi Imperatoris (ca.
1150)», Cahiers de Civilisation et de Linguistique Hispaniques Médiévales, 25 (2002), pp. 453-480.
51
I Libri Iurium della repubblica di Genova. I/6…, pp. 8-11.
52
Giovanna PETTI BALBI, «Linee di espansione e traffici nel Mediterraneo. Genova e il Marocco
nell’età medievale », Levante, 48 (2001), pp. 19-32; Bianca GARI, «Genova e i porti islamici del
Mediterraneo occidentale (secoli XI-XII) », in La storia dei genovesi, 12/2, Genova, 1994, pp. 345-
359; Georges JEHEL , Les Génois en Méditerranée occidentale (fin XIe-début XIVe siècle). Ébauche
d’une stratégie pour un empire, Paris, 1993, e ID., «Expéditions navales ou croisade? L’activité
militaire-diplomatique de Gênes dans l’Occident méditerranéen (Xe-XVe siècles) », in Laura
Balletto (ed.), Oriente e Occidente tra medieovo e età moderna. Studi in onore di Geo Pistarino,
Genova, 1997, pp. 229-234.
53
I Libri Iurium della repubblica di Genova. I/1…, nov. 1147, pp. 149-152.
54
I Libri Iurium della repubblica di Genova. I/2, ed. di Dino Puncuh, Roma-Genova, 1996, genn.-
magg. 1149, pp. 57-60.
55
I Libri Iurium della repubblica di Genova. I/1…, febb. 1149, pp. 173-175.
56
Ibid., genn. 1150, pp. 175-176.
274 Marina Montesano
*
Universités de Toulouse et de Nantes.
1
La transcription initiale de María del Carmen PESCADOR DEL HOYO, «Tres nuevos poemas
medievales», Nueva Revista de Filología Hispánica, 14 (1960), pp. 242-250, a fait l’objet de
corrections philologiques de la part d’Enzo FRANCHINI , « Ay, Iherusalem : ¿una canción de
cruzada castellana?», dans Actas do IV Congresso da Associação Hispânica de Literatura Medieval
(2 vol.), Lisbonne, 2, 1993, pp. 343-346, qui ont facilité la nouvelle édition de Fernando GÓMEZ
REDONDO, Poesía española, 1, «Edad Media», Barcelone, 1996, pp. 165-169.
2
Le fait a été souligné par Philippe JOSSERAND, Église et pouvoir dans la péninsule Ibérique. Les
ordres militaires dans le royaume de Castille (1252-1369), Madrid, 2004, pp. 38-39.
3
Fondé sur l’archétype des Lamentations de Jérémie, le poème pourrait avoir puisé à une
tradition juive, comme l’a fait valoir Paloma D ÍAZ-MAS, «Influencias judías en la literatura
castellana medieval», Revista de Dialectología y Tradiciones Populares, 54 (1999), pp. 140-142, en
s’attachant à en analyser la métrique. Nous tenons à remercier la Dra. Charo Moreno, qui a
attiré notre attention sur cet article et nous en a facilité une copie.
4
La plupart des auteurs qui se sont intéressés au poème ont privilégié une étude philologique
dans la continuité des travaux d’Eugenio ASENSIO, « ¡Ay, Iherusalem! Planto narrativo del
siglo XIII», Nueva Revista de Filología Hispánica, 14 (1960), pp. 251-270, reproduit dans ID .,
Poética y realidad en el cancionero peninsular de la Edad Media, Madrid, 1970, pp. 263-292, de
Henk D E VRIES, «Un conjunto estructural : el Poema del nombre de Dios en la ley (Tres nuevos
poemas medievales: NRFH, XIV, 1960)», Boletín de la Real Academia Española, 51 (1971),
pp.305-325, ou encore d’E. FRANCHINI , « Ay, Iherusalem : ¿una canción de cruzada
castellana?…», pp. 343-348, et I D ., «Prolegómenos para una nueva edición de Ay,
278 Daniel Baloup et Philippe Josserand
Iherusalem», dans Actas del VIII Congreso internacional de la Asociación Hispánica de Literatura
Medieval, Santander, 2000, pp. 741-750.
5
La date de la composition du poème a été amplement débattue dans la mesure où il n’est pas
précisé dans le texte auquel des deux conciles de Lyon il est fait référence. L’hypothèse d’Alan
DEYERMOND, « ¡Ay, Jherusalem! , estrofa 22: traductio y tipología», dans Estudios ofrecidos a
Emilio Alarcos Llorach (2 vol.), Madrid-Oviedo, 1, 1977, pp. 283-290, optant pour la réunion de
1245, convoquée à cause de la perte de Jérusalem l’année précédente, me paraît mieux assurée
que celle d’E. ASENSIO, « ¡Ay, Iherusalem! Planto narrativo del siglo XIII…», qui, pour sa part,
incline en faveur de l’assemblée de 1274, postérieure de trente ans à la défaite chrétienne. À
une opinion similaire s’est récemment rallié César DOMÍNGUEZ , «Lírica y cruzadas en el
ámbito hispanomedieval: una lectura de las cantigas gallego-portuguesas desde la literatura
comparada», dans J. C. Rigall et E. M. Díaz Martínez (éd.), Iberia cantat. Estudios sobre poesía
hispánica medieval, Saint-Jacques-de-Compostelle, 2002, p.155.
6
Ainsi ont procédé Juan VICTORIO, « ¡Ay Iherusalem! : la guerra y la literatura», dans Actas del I
Congreso de la Asociación Hispánica de Literatura Medieval, Barcelone, 1988, p. 600, E. FRANCHINI,
« Ay, Iherusalem : ¿ una canción de cruzada castellana?…», p. 347, ou F. GÓMEZ REDONDO,
Poesía española…, p. 164.
7
Avérée d’un point de vue générique, cette constatation doit toutefois être nuancée comme l’a
relevé C. DOMÍNGUEZ, «Lírica y cruzadas en el ámbito hispanomedieval…», p. 156, du fait
qu’« algunos indicios permiten presuponer la existencia de otras composiciones castellanas
(desconocidas o perdidas actualmente)».
8
Une telle idée a été défendue par J. VICTORIO, « ¡Ay Iherusalem! : la guerra y la literatura…»,
pp. 599-600, E. FRANCHINI, « Ay, Iherusalem : ¿una canción de cruzada castellana?…», p. 347,
et, selon une ligne argumentaire différente, par Pedro TENA TENA, «Nuevas glosas al poema
¡Ay Iherusalem! », dans Actas del V Congreso de la Asociación Hispánica de Literatura Medieval (4
vol.), Grenade, 4, 1995, pp. 383-388.
9
À ce propos, les corrections de F. GÓMEZ REDONDO, Poesía española…, pp. 163-164, demeurent
mineures.
Du Jourdain au Tage 279
des fidèles pour la Terre sainte n’a jamais été aussi sensible que dans l’espace
français ou même catalano-aragonais. L’importance symbolique de Jérusalem
y fut cependant réelle10. Comme partout en Occident, elle a contribué à jeter
sur les routes de l’Orient des groupes d’hommes et de femmes, dont le
nombre, sous l’effet de la croisade, s’est brutalement accru à la charnière des
XIe et XIIe siècles11. De ces départs, liés à des considérations de piété, les
sources narratives dont on dispose pour l’Occident péninsulaire se font
largement écho, à l’instar de l’Historia Compostellana12 ou des corpus
hagiographiques rassemblés à Saint-Jacques-de-Compostelle et à Santa Cruz
de Coïmbre13. Aux pèlerins connus à travers ces textes, la documentation
d’archives offrirait d’en ajouter bien d’autres pour peu que l’on fasse l’effort
de se confronter à son foisonnement14. Surtout, elle semble à même de révéler
que des combattants, dont les chroniques parlent à peine, ont quitté les
royaumes occidentaux de la péninsule Ibérique pour lutter contre les
10
Ainsi l’ont bien souligné Miguel CALLEJA PUERTA, El conde Suero Vermúdez, su parentela y su
entorno social. La aristocracia asturleonesa en los siglos XI y XII, Oviedo, 2001, pp. 462-463, et
Patrick HENRIET, «L’espace et le temps hispaniques vus et construits par les clercs (IXe-XIIIe
siècles)», dans ID. (éd.), À la recherche de légitimités chrétiennes. Représentations de l’espace et du
temps dans l’Espagne médiévale, IXe-XIIIe siècle (Annexes des Cahiers de linguistique et de
civilisation hispaniques médiévales, 15), Lyon, 2003, pp. 109-110.
11
Largement sous-estimés, de tels mouvements restent très méconnus en raison d’une tendance
de l’historiographie espagnole à se concentrer sur la Reconquête, d’autant plus accusée sans
doute que, comme l’a bien rappelé Nikolas JASPERT, «Zwei unbekannte Hilfsersuchen des
Patriarchen Eraclius vor dem Fall Jerusalems (1187)», Deutsches Archiv für Erforschung des
Mittelalters, 60 (2004), p. 489, on observe encore aujourd’hui une « Vernachlässigung der
Iberischen Halbinsel durch die internationale Kreuzzugsforschung» jusqu’à la croisade du roi
JacquesI er d’Aragon, bien étudiée par Reinhold RÖHRICHT, «Der Kreuzzug des Königs Jacob
I. von Aragonien (1269)», Mitteilungen des Instituts für österreichische Geschichtsforschung, 11
(1890), pp. 372-396, et par Fransesc CARRERAS I CANDI , «La creuada a Terra Santa», dans I
Congreso de historia de la Corona de Aragón, Barcelone, 1909, pp. 106-138.
12
Historia Compostellana (CCCM, 70), éd. d’Emma Falque, Turnhout, 1988, lib. I, chap. 112, p. 195,
lib. II, chap. 3, p. 225, chap. 10, p. 240, chap. 42, p. 288, chap. 64, p.353, et lib. III, chap. 8,
p.432. Désormais abrégé HC.
13
Le fait a été signalé par Klaus HERBERS, «Cruzada y peregrinación. Viajes marítimos, guerra
santa y devoción», dans Actas del II Congreso Internacional de Estudios Jacobeos, 2 vol., Saint-
Jacques-de-Compostelle, 2, 1996, p. 37, et Manuel Dí AZ Y D ÍAZ , «Las tres grandes
peregrinaciones vistas desde Santiago», dans P. Caucci von Saucken (éd.), Santiago, Roma,
Jerusalén. Actas del III Congreso Internacional de Estudios Jacobeos, Saint-Jacques-de-Compostelle,
1999, p. 88, tout comme par Saul António GOMES , «Coimbra e Santiago de Compostela :
aspectos de um inter-relacionamento nos séculos medievos», Revista Portuguesa de Historia, 34
(2000), pp. 475-476, ou encore Robert DURAND, «Le souverain vu du cloître. Hagiographie et
idéologie royale au Portugal: le cas de Sainte-Croix de Coïmbre», dans S. Cassagnes-
Brouquet et al. (éd.), Religion et mentalités au Moyen Âge. Mélanges en l’honneur d’Hervé Martin,
Rennes, 2003, pp. 56-57.
14
À cet égard, il serait souhaitable de mettre en œuvre à l’échelle de la péninsule Ibérique des
dépouillements aussi systématiques que ceux sur la base desquels Jonathan RILEY-SMITH, The
First Crusaders, 1095-1131, Cambridge, 1997, pp. 196-246, a fourni une liste des Latins partis en
Orient dans les trente-cinq ans après l’appel de Clermont.
280 Daniel Baloup et Philippe Josserand
15
Dans la partie orientale de la péninsule Ibérique, où les croisés furent de toute évidence plus
nombreux, un intérêt ancien existe pour le thème, dont attestent les travaux classiques de
Josep GUDIOL, «De peregrins i peregrinatges religiosos catalans», Analecta Sacra Tarraconensia,
8 (1927), pp. 93-119, ou d’Antonio UBIETO ARTETA, «La participación navarro-aragonesa en la
Primera Cruzada», Príncipe de Viana, 28 (1947), pp. 357-383.
16
Complétée par les récents travaux de Margarita TORRES SEVILLA , «Cruzados y peregrinos
leoneses y castellanos en Tierra santa (siglos XI-XIII)», Medievalismo. Boletín de la Sociedad
Española de Estudios Medievales, 9 (1999), pp. 63-82, et «Nobleza y Cister: un nexo de unión
entre los reinos cristianos peninsulares», Cistercium, 57.238 (2005), pp. 324-326, la vieille étude
de Martín FERNÁNDEZ DE NAVARRETE, Españoles en las cruzadas, Madrid, 1816 (rééd. : Madrid,
1986), reste indispensable malgré ses insuffisances. Au sein des combattants originaires du
Léon et de Castille, dont une recension très intéressante, bien que partielle, a été proposée par
Nikolas JASPERT, « Pro nobis, qui pro vobis oramus, orate. Die Kathedralkapitel von Compostela
und Jerusalem in der ersten Hälfte des 12. Jahrhunderts», dans P. Caucci von Saucken (éd.),
Santiago, Roma, Jerusalén…, pp. 190-193, se détachent les membres du lignage Traba, qui, pour
plusieurs d’entre eux, ont pris la route de Jérusalem, ainsi que l’ont récemment signalé
Margarita TORRES SEVILLA , Linajes nobiliarios de León y Castilla (siglos IX-XIII), Salamanque,
1999, pp. 325 et 335, M. CALLEJA PUERTA, El conde Suero Vermúdez…, p. 470, et José Luis LÓPEZ
SANGIL, La nobleza altomedieval gallega. La familia Froilaz-Traba, Noia, 2002, pp. 44 et 97-98.
17
Philippe JOSSERAND, «Croisade et Reconquête dans le royaume de Castille au XIIe siècle.
Éléments pour une réflexion», dans L’expansion occidentale (XIe-XVe siècles). Formes et
conséquences. Actes du XXXIIIe Congrès des Historiens Médiévistes de l’Enseignement Supérieur
Public, Paris, 2003, p. 76, n. 3.
18
Ainsi l’a bien signalé Nikolas JASPERT, «Frühformen der geistlichen Ritterorden und die
Kreuzzugsbewegung auf die Iberischen Halbinsel», dans Kl. Herbers (éd.), Europa und der
Wende vom 11. zum 12. Jahrhundert. Beiträge zu Ehren von Werner Goez, Stuttgart, 2001, p. 105,
vérifiant les éléments fournis par le Magisterarbeit d’Alexander B RONISCH , Elemente der
Kreuzzugsbewegung in der Reconquista (1045-1250), Constance, 1990, pp. 139-141. De ce travail,
hélas resté inédit, nous tenons à remercier l’auteur de nous avoir procuré une copie.
19
En Castille, de nombreux nobles ont fait vœu de croisade, comme l’a récemment relevé Ana
RODRÍGUEZ LÓPEZ, «Légitimation royale et discours sur la croisade en Castille aux XIIe et XIIIe
siècles», Journal des Savants, 2004, pp. 132-138, et, en leur sein, plusieurs semblent
effectivement s’être embarqués pour l’Orient, à l’image de Fernán Pérez Ponce, dont
l’exemple a été étudié par Ph. JOSSERAND, Église et pouvoir dans la péninsule Ibérique…, p. 41.
20
José Manuel RODRÍGUEZ G ARCÍA et Ana ECHEVARRÍA ARSUAGA , «AlfonsoX, la orden
teutónica y Tierra Santa. Una nueva fuente para su estudio», dans R. Izquierdo Benito et F.
Ruiz Gómez (éd.), Las órdenes militares en la Península Ibérica, 1, «Edad Media», Cuenca, 2000,
pp. 489-509.
Du Jourdain au Tage 281
21
Sensible au sort de la Terre sainte jusqu’à la fin de son règne, ainsi qu’il ressort du projet de
croisade rapporté par la Crónica de Alfonso X, éd. de Manuel González Jiménez, Murcie, 1998,
p. 210, AlphonseX a voulu faire enterrer son cœur à Jérusalem sous l’influence possible de sa
sœur Éléonore, l’épouse d’ÉdouardI er d’Angleterre, avec qui il s’est entretenu lorsqu’elle est
rentrée d’Orient en 1273, comme l’a signalé Bernard HAMILTON, «Eleanor of Castile and the
Crusading Movement», Mediterranean Historical Review, 10 (1995), pp. 101-102. Quelle qu’en
fût la cause véritable, le désir du souverain s’est exprimé avec force dans son testament édité
par Manuel GONZÁLEZ JIMÉNEZ, Diplomatario andaluz de Alfonso X, Séville, 1991, p. 559, doc.
521: « Otrosi mandamos que luego que muriéremos, que nos saquen el coraçon e quel lieuen a la Sancta
Tierra de Ultramar e quel sotierren en Jherusalem en el Monte Caluar, allí do yazen algunos de
nuestros auuelos. E si leuar non lo pudieren, que lo pongan en algun logar ó esté fata que Dios quiera
que la tierra se gane e se pueda leuar en saluo». Le fait qu’un tel vœu n’ait pu être finalement
accompli, ainsi que l’a mis en évidence Denis M ENJOT, «Un chrétien qui meurt toujours. Les
funérailles royales en Castille à la fin du Moyen Âge», dans M. Núñez Rodríguez et E. Portela
Silva (éd.), La idea y el sentimiento de la muerte en la historia y el arte de la Edad Media, 2 vol.,
Saint-Jacques-de-Compostelle, 1, 1988, p. 130, ne doit pas amener à minorer cette dévotion
pour la Terre sainte, qui animait encore au début du XIVe siècle le roi DenisI er de Portugal
(Alexandre FERREIRA, Supplemento historico ou memorias da celebre ordem dos Templarios para a
historia da admiravel ordem de Nosso Senhor Jesu Christ, 2 vol., Lisbonne, 1, 1735, p. 674).
22
Derek LOMAX, La Reconquista, Madrid, 1984 (éd. anglaise originale : The Reconquest of Spain,
Londres, 1978), p. 135. Un tel intérêt n’est pas exactement réversible, comme l’a révélé l’auteur
(ID ., «La conquista de Andalucía a través de la historiografía europea de la época», dans
E.Cabrera Muñoz [éd.], Andalucía entre Oriente y Occidente. Actas del V Coloquio internacional de
historia medieval de Andalucía, Cordoue, 1988, p. 40).
23
Moshé LAZAR, La Fazienda de Ultra Mar. Biblia romanceada et itinéraire biblique en prose castillane
du XIIe siècle, Salamanque, 1965, p. 12, et D. LOMAX, La Reconquista…, p. 135.
24
Se fondant sur l’état de la langue, María del Carmen SANCHÍS CALVO, El lenguaje de L a
Fazienda de Ultramar, Madrid, 1991, p. 568, a attribué à l’époque de FerdinandIII la rédaction
d’une œuvre qui prit modèle sur des textes latins antérieurs, comme l’a montré Benjamin
KEDAR, «Sobre la génesis de La Fazienda de Ultramar», Anales de Historia Antigua y Medieval, 28
(1995), pp. 131-136. Majoritairement admise, cette position a reçu l’assentiment de Fernando
G ÓMEZ R E D O N D O , Historia de la prosa medieval castellana, 1, «La creación del discurso
prosístico: el entremado curial», Madrid, 1998, p. 113.
282 Daniel Baloup et Philippe Josserand
remarque jadis formulée par Derek Lomax conserve une parfaite pertinence.
Elle mériterait simplement d’être davantage circonstanciée que le célèbre
hispaniste britannique a pu le faire. Pour l’espace castillan, certaines avancées
se sont récemment esquissées à la faveur d’études s’attachant à la pénétration
de l’idéologie de croisade dans une terre caractérisée de longue date par
l’empreinte de la Reconquête25. Le regard jeté par les chroniqueurs de
l’entourage royal sur les luttes entre les chrétiens et l’Islam en Méditerranée
orientale a ainsi reçu un début d’explication. Bien des interrogations
demeurent toutefois sur les choix opérés par les historiographes castillans et
sur la manière dont ces derniers ont intégré des événements lointains à une
matière hispanique tendue en priorité vers la célébration de l’autorité
monarchique. Le questionnement, on le voit, est vaste. À bien des égards, il
dépasse l’ambition d’une recherche que nous avons fait le choix de centrer
autour des chroniques latines rédigées en Castille entre la Première croisade et
les décennies centrales du XIIIe siècle.
25
Sur ce point, les analyses de Manuel Alejandro RODRÍGUEZ DE LA PEÑA, «La cruzada como
discurso político en la cronística alfonsí», Alcanate. Revista de Estudios Alfonsíes, 2 (2000-2001),
pp. 23-41, et «La figura del obispo cronista como ideólogo de la realeza en León y Castilla : la
construcción de un nuevo modelo de didáctica política en la primera mitad del siglo XIII»,
dans M. Aurell et Á. García de la Borbolla (éd.), La imagen del obispo hispano en la Edad Media,
Pampelune, 2004, pp. 115-152, complètent nos propres travaux: Daniel BALOUP, «Reconquête
et croisade dans la Chronica Adefonsi Imperatoris (ca. 1150)», Cahiers de linguistique et de
civilisation hispaniques médiévales, 25 (2002), pp. 453-480, et «Guerre sainte et violences
religieuses dans les royaumes occidentaux de péninsule Ibérique au Moyen Âge», dans
M.Bertrand et P. Cabanel (éd.), Religions, pouvoir et violence, Toulouse, 2004, pp. 15-32, et
Ph.J OSSERAND , «Croisade et Reconquête dans le royaume de Castille au XIIè siècle…»,
pp.75-85.
26
José G OÑI GAZTAMBIDE , Historia de la bula de cruzada en España, Vitoria, 1958, p. 64, et
M.T ORRES SEVILLA, «Cruzados y peregrinos…», pp. 64-65.
27
Joseph O’CALLAGHAN, Reconquest and Crusade in Medieval Spain, Philadelphie, 2003, pp. 33 et
231, n. 32.
28
Le premier chroniqueur à en faire état est l’archevêque de Tolède Rodrigo Jiménez de Rada:
Historia de Rebus Hispaniae (CCCM, 72), éd. de Juan Fernández Valverde, Turnhout, 1987, lib.
VI, chap. 20, p. 202. Désormais abrégé HDRH.
Du Jourdain au Tage 283
occidentaux, laquelle, tout au long du XIIe siècle, traite la croisade avec une
certaine parcimonie, s’attachant avant tout à en utiliser l’image afin d’exalter
l’entreprise de Reconquête, dont la monarchie s’est emparée comme d’un outil
puissant de légitimation29.
Écrite très certainement dans les années 1170 au plus tôt30, la Crónica
Najerense est le plus tardif des textes historiographiques dont on garde la
mémoire pour l’Occident hispanique du XIIe siècle. S’achevant sur la mort
d’AlphonseVI en 1109, la narration, largement ouverte à des événements
ultérieurs31, ne fait aucune place à la croisade. La guerre contre les musulmans
y est abondamment présente, mais elle reste cantonnée au seul cadre ibérique,
à l’intérieur duquel, en vertu d’une tradition séculaire32, elle est tenue pour
relever de motivations spirituelles qui lui confèrent un caractère de sacralité33.
Sainte si l’on accepte un critère hispanique34, la Reconquête n’est pas une
croisade pour l’auteur de la Najerense qui ne manifeste aucun intérêt pour
l’Orient latin. Évoquant Raymond de Saint-Gilles en raison de son alliance
avec une fille d’AlphonseVI 35, le récit passe sous silence le rôle majeur du
comte de Toulouse dans la conquête de Jérusalem36. Au total, dans la
narration, la ville sainte apparaît à une seule reprise dans un contexte
29
Ainsi l’a bien manifesté Adeline RUCQUOI , «De los reyes que no son taumaturgos: los
fundamentos de la realeza en España», Relaciones. Estudios de Historia y Sociedad, 51 (1992), pp.
55-100, repris dans Temas medievales, 5 (1995), pp. 163-186.
30
Derek LOMAX , «La fecha de la Crónica Najerense», Anuario de Estudios Medievales, 9 (1974-
1979), pp. 405-406, et Juan ESTÉVEZ SOLA, «La fecha de la Cronica Naierensis», La Corónica, 23
(1995), pp. 94-103.
31
La notice la plus récente à prendre place dans la chronique est la mort de l’infante Sancha,
sœur d’AlphonseVII, située par le récit en 1152: Crónica Najerense (Textos Medievales, 15), éd.
d’Antonio Ubieto Arteta, Saragosse, 1985, p. 117. Désormais abrégé CN.
32
Existant depuis l’extrême fin du IXe siècle au moins, l’idéologie hispanique de guerre sainte a
été analysée par Alexandre P. BRONISCH, Reconquista und Heiliger Krieg. Die Deutung des Krieges
im christlichen Spanien von den Westgoten bis ins frühe 12. Jahrhundert, Münster, 1998, comme par
Thomas DESWARTE, De la destruction à la restauration. L’idéologie du royaume d’Oviedo-León
(VIIIe-XIe siècles), Turnhout, 2003. Remarquables dans leur approche, ces deux études
permettent, en dépit de certaines divergences, d’invalider la posture des auteurs qui, à l’instar
de Josep TORRÓ, «Pour en finir avec la “Reconquête”: l’occupation chrétienne d’al-Andalus,
la soumission et la disparition des populations musulmanes (XIIe-XIIIe siècles)», Cahiers
d’histoire. Revue d’histoire critique, 78 (2000), pp. 79-97, s’attachent à nier le caractère religieux
de la lutte entreprise par les chrétiens en péninsule Ibérique.
33
Le fait a été rappelé par J. O’CALLAGHAN, Reconquest and Crusade…, pp. 23-24.
34
Distincte du schéma défini par Rome à partir du IXe siècle, comme l’a mis en relief Ph.
JOSSERAND, «Croisade et reconquête dans le royaume de Castille au XIIe siècle…», pp. 78-81,
la guerre livrée aux musulmans en péninsule Ibérique peut être considérée comme sainte à
condition de rappeler, ainsi que l’a fait Patrick HENRIET, «L’idéologie de guerre sainte dans le
haut Moyen Âge hispanique», Francia. Forschungen zur Westeuropäischen Geschichte, 29.1
(2002), p. 174, qu’elle «obéit pendant longtemps à des objectifs spécifiques et se nourrit
largement de ses propres références».
35
CN, p. 118.
36
Le premier chroniqueur à en faire état est Rodrigo Jiménez, HDRH, lib. VI, chap. 20, p. 202.
284 Daniel Baloup et Philippe Josserand
médiéval. Encore le fait-elle d’une façon que l’on peut dire ambivalente,
partant qu’elle est décrite comme le point de départ d’un pèlerin d’origine
grecque désireux de se rendre à Compostelle37. Célèbre pour avoir donné lieu
à une apparition miraculeuse de l’apôtre Jacques, figuré, sans que cela ne soit
encore topique, sous les traits d’un guerrier équestre38, l’épisode n’a pas été
étudié à travers la représentation qu’il propose de Jérusalem, étonnamment
peu flatteuse à une époque où la ville sainte, pourtant, concentre largement les
aspirations du peuple chrétien.
En s’attachant à un pèlerin venu de Jérusalem prier à Compostelle selon un
itinéraire de dévotion inverse de celui qui est alors communément admis39, la
Crónica Najerense ne fait en rien œuvre originale puisqu’elle reprend presque
littéralement un motif apparu dans la deuxième décennie du XIIe siècle sous la
plume de l’auteur de l’Historia Silense40. Postérieur de quelques années à la
fondation des États latins d’Orient, ce dernier récit projetait à l’origine, dans la
plus pure tradition néogothique, de conduire l’histoire d’Espagne jusqu’à la
mort d’AlphonseVI, dont il eût constitué la geste41. Resté inachevé pour une
raison inconnue42, il prend fin avec les règnes de BermudeIII et de
FerdinandI er, bien qu’il intègre à la faveur d’une narration qui se joue de la
chronologie certains éléments attribuables au tout début du XIIe siècle43. Au
sein de ces derniers, la Première croisade ne trouve pas place. Les Francs, qui,
à la suite de Godefroy de Bouillon et de Raymond de Saint-Gilles, en sont les
grands acteurs, reçoivent même dans l’Historia Silense un traitement qui,
comme l’a bien signalé Thomas Deswarte, les relègue systématiquement dans
le monde barbare44. L’expédition de Charlemagne en péninsule Ibérique est
notamment prétexte à une attaque très dure: corrompue par l’or des
musulmans, l’armée impériale passe pour s’être repliée de manière honteuse
absque ullo sudore pro eripienda a barbarorum dominatione santa ecclesia45. Porté
peu de temps après la conquête latine de Jérusalem, un tel jugement traduit un
37
CN, pp. 99-100.
38
Le fait a été bien signalé par P. HENRIET , «L’idéologie de guerre sainte…», p. 184, et Th.
DESWARTE, De la destruction à la restauration…, p. 107.
39
N. JASPERT, « Pro nobis, qui pro vobis oramus, orate…», pp. 188-189.
40
Historia Silense, éd. de Justo Pérez de Urbel et A. González y Ruiz-Zorrilla, Madrid, 1959,
pp.191-193. Désormais abrégé HS.
41
HS, pp. 118-119.
42
Antonio U BIETO ARTETA, «¿Se terminó de escribir la Silense ?», dans Homenaje a Fray Justo
Pérez de Urbel, 2 vol., Silos, 1, 1976, pp. 305-308.
43
Richard FLETCHER, «Reconquest and Crusade in Spain, c. 1050-1150», Transactions of the Royal
Historical Society. Fifth Series, 37 (1987), pp. 40-41, et Th. DESWARTE , De la destruction à la
restauration…, pp. 28-29.
44
Th. DESWARTE, De la destruction à la restauration…, p. 230.
45
HS, p. 129: « Tunc Carolus […] rex spem capiendarum civitatum in Yspaniam mente concipiens […]
adusque opidum Pampilonensium incolumnis pervenit […]. Inde cum Cesaraugustam civitatem
accessisset, more Francorum auro corruptus, absque ullo sudore pro eripienda a barbarorum
dominatione santa ecclesia, ad propria revertitur».
Du Jourdain au Tage 285
46
Ibid., pp. 145-146: « Verum qui quorundam Francorum regum mansiones describere pergunt,
animadvertant quia pro nataliciis et pascalibus cibis, quos per diversa loca eos consumpsisse asserunt,
nos labores exercitus Ispanorum regum, pro liberanda santa ecclesia a ritibus paganorum, et sudores,
non convivia et delicata fercula, describimus».
47
Les éléments de filiation des deux textes ont été bien analysés par J. ESTÉVEZ SOLA, «Notas
para una edición de la Historia Silense», dans Homenaje al Profesor Fernando Gascó, Séville, 1997,
pp. 757-764, qui souligne qu’il serait utile de les mettre à profit dans la perspective d’une
réédition du récit le plus ancien.
48
Th. DESWARTE, De la destruction à la restauration…, p. 122.
49
Présentée par Francisco Javier FERNÁNDEZ CONDE , El libro de los testamentos de la catedral de
Oviedo, Rome, 1971, surtout pp. 50-69, l’œuvre écrite de Pelayo a été réexaminée récemment
par Patrick HENRIET , «Hagiographie et historiographie en péninsule Ibérique (XIe-XIIIe
siècles). Quelques remarques», Cahiers de linguistique hispanique médiévale, 23 (2000), pp. 67-70.
50
Patrick HENRIET, «Du cosmos à la Chrétienté: images d’évêques dans quelques manuscrits
hispaniques des Xe-XIIIe siècles», dans M. Aurell et Á. García de la Borbolla (éd.), La imagen
del obispo hispano…, p. 90.
51
ID., «Hagiographie et historiographie en péninsule Ibérique…», p. 68.
52
ID., «Du cosmos à la Chrétienté…», p. 92.
53
Rapportée en premier lieu par l’HS, p. 129, la tradition situant la réalisation du coffre à
Jérusalem a été bien étudiée par Th. DESWARTE, De la destruction à la restauration…, p. 230, qui,
en son sein, signale l’importance de Pelayo, désireux d’assimiler le siège d’Oviedo à la ville
sainte. Ambitieux, le projet de l’évêque qui prétend faire de la cité asturienne une nouvelle
286 Daniel Baloup et Philippe Josserand
tournant des XIe et XIIe siècles, ont marqué Jérusalem, les matériaux réunis par
le prélat ne disent absolument rien, sauf à supposer qu’un faux copié dans le
Liber Testamentorum, rapportant quelque trois cent ans plus tôt le départ de
cavaliers mobilisés à la demande du pape54, ne fasse en réalité écho à la
situation hispanique au moment du déclenchement de la Première croisade55.
Informés des victoires latines remportées en Orient, ni l’évêque Pelayo ni
l’auteur de l’Historia Silense n’en font état dans les constructions
historiographiques qu’ils développent. À l’époque pourtant, non loin
d’Oviedo et de León où ils s’investissent dans leurs travaux, un autre projet
historique prend corps qui, pour sa part, s’ouvre largement à la croisade.
Achevée dans les années centrales du XIIe siècle56, immédiatement après la
mort de l’archevêque Diego Gelmírez, qui, quatre décennies plus tôt, en avait
patronné la rédaction57, l’Historia Compostellana reflète plus qu’aucun récit
l’ayant précédée les avancées de l’idéologie pontificale de guerre sainte dans
l’Occident péninsulaire58. Jérusalem, pour la délivrance de laquelle la croisade
s’est mobilisée59, fait notamment l’objet d’une préoccupation intense dans
60
Il convient de s’inscrire contre les affirmations de M. DÍAZ Y DÍAZ , «Las tres grandes
peregrinaciones vistas desde Santiago…», pp. 89-90, voire de R. FLETCHER , Saint James’s
Catapult…, p. 298, qui tendent à minorer l’importance de Jérusalem dans l’Historia
Compostellana, alors même que la ville sainte était à la source d’un prestige pour le sanctuaire
galicien, en lien avec l’Orient, que ses rivaux ibériques ne pouvaient lui disputer, ainsi que l’a
bien rappelé Patrick HENRIET, «"Capitale de toute vie monastique", "élevée entre toutes les
églises d’Espagne". Cluny et Saint-Jacques au XIIe siècle», dans A. Rucquoi (éd.), Saint Jacques
et la France, Paris, 2003, p. 441.
61
Mentionnés par Jonathan PHILLIPS, Defenders of the Holy Land. Relations between the Latin East
and the West, 1119-1187, Oxford, 1996, pp. 15-16, de tels transferts ressortissent de HC, lib. II,
chap. 28, pp. 271-272, lib. III, chap. 8, p. 432, et chap. 26, p. 463.
62
N. JASPERT, « Pro nobis, qui pro vobis oramus, orate…», pp. 200-201.
63
HC, lib. II, chap. 28, p. 271, et lib. III, chap. 26, p. 463.
64
Ibid., lib. II, chap. 64, p. 353: « Aragonensis quippe rex […] quoscumque de Gallecia aut Castellana
patria in itinere deprendere poterat, omnes preter Iherosolimitanos male tractari et expoliari faciebat».
65
Signalés par N. JASPERT, « Pro nobis, qui pro vobis oramus, orate…», pp. 191-192, ces flux de
pèlerins sont attestés par HC, lib. I, chap. 112, p. 195, lib. II, chap. 3, p. 225, chap. 10, p.240,
chap. 42, p. 288, chap. 64, p.353, et lib. III, chap. 8, p. 432.
66
Ibid., lib. II, chap. 16, p. 253: « Compluribus Gallecanis, accepta cruce, Iherosolimam adeuntibus».
67
Ibid., lib. II, chap. 42, p. 288, et chap. 86, p. 401.
68
Abondamment mises en avant par l’historiographie espagnole, comme en témoignent les
analyses d’Eloy BENITO RUANO , «España y las cruzadas», Anales de Historia Antigua y
Medieval, 2 (1951-1952), p. 113, de J. GOÑI G AZTAMBIDE , Historia de la bula de cruzada en
España…, pp. 61 et 64-66, ou de J. L. M ARTÍN R ODRÍGUEZ, «Reconquista y cruzada…»,
pp.219-220, ces prohibitions émanent pour une bonne part du récit de HC, lib. I, chap. 9,
pp.24-26, et chap. 39, pp. 77-78.
69
Longtemps méconnu, l’affrontement de ces deux logiques auquel nous nous sommes
récemment attachés (D. B A L O U P , «Reconquête et croisade dans la Chronica Adefonsi
Imperatoris…», pp. 460-464, et Ph. JOSSERAND , Église et pouvoir dans la péninsule Ibérique…,
288 Daniel Baloup et Philippe Josserand
une lettre du prélat écrite en janvier 1125, au temps de sa légation dans les
provinces métropolitaines de Mérida et de Braga70, exhorte les fidèles de
l’ensemble des régions hispaniques à prendre les armes pour ouvrir en al-
Andalus un itinéraire menant à Jérusalem71. La protection ecclésiastique sous
laquelle l’archevêque place les biens des combattants au cours de l’expédition,
l’indulgence plénière qu’il leur accorde en prenant soin d’en étendre la portée
à tous ceux qui, empêchés de participer à l’entreprise, équiperaient un homme
à leurs frais relèvent clairement des privilèges habituels de la croisade72. En
développant une conception de la guerre assimilable au pèlerinage armé
auquel UrbainII avait appelé jadis les chrétiens à Jérusalem73, Diego Gelmírez
s’inscrit en rupture avec la position beaucoup plus conforme à l’idéologie
traditionnelle de Reconquête dont il s’était fait l’interprète jusque là,
notamment lors de l’assemblée de Burgos en 1113 où la reine Urraca l’avait
prié d’exciter l’assistance à résister aux Almoravides74. Opéré sous l’influence
de Rome, iuxta domini papæ edictum75, l’engagement du prélat au service de la
croisade se double d’une vaste campagne de pédagogie que reflète l’Historia
Compostellana, en détaillant les soins apportés par le dignitaire à la diffusion
d’un message dont il veut qu’il soit expliqué au peuple et adressé aux
principaux représentants politiques de l’Occident hispanique76.
pp.590-591), est signalé par un nombre croissant d’auteurs, parmi lesquels M. A. RODRÍGUEZ
DE LA P EÑA , «La cruzada como discurso político en la cronística alfonsí…», pp. 113-115, et
Patrick HENRIET, «Un bouleversement culturel. Rôle et sens de la présence cléricale française
dans la péninsule Ibérique (XIe-XIIe siècle)», Revue d’histoire de l’Église de France, 90 (2004),
p.75.
70
HC, lib. II, chap. 78, p. 379: « Abicientes itaque opera tenebrarum et inportabile diaboli iugum
iustitie operibus instudeamus et arma lucis iuxta apostoli monitionem unanimiter induamur et,
quemadmodum milites Christi, fideles sancte Ecclesie filii iter Iherosolimitanum multo labore et multi
sanguinis effusione aperuerunt, ita et nos Christi milites efficiamur et, eius hostibus debellatis pessimis
Sarracenis, iter, quod per Hispanie partes breuius et multo minus laboriosum est, ad idem Domini
sepulchrum ipsius subueniente gratia aperiamus».
71
Malgré les dénégations de M. DÍAZ Y D ÍAZ, «Las tres grandes peregrinaciones vistas desde
Santiago…», p. 89, le but fixé par l’archevêque aux guerriers est bien Jérusalem, comme l’ont
établi Michel VILLEY, La croisade. Essai sur la formation d’une théorie juridique, Paris, 1942, p. 199,
et, à sa suite, B. HAMILTON, «Eleanor of Castile and the Crusading Movement…», p. 92, ou
J.R ILEY-SMITH, The First Crusaders…, pp. 79-80.
72
HC, lib. II, chap. 78, p. 379.
73
Bien qu’un débat subsiste encore (J. FLORI, «De Barbastro à Jérusalem…», p. 131), la croisade
peut être raisonnablement tenue pour un pèlerinage armé destiné à rendre les Lieux saints à la
chrétienté.
74
Le fait a été bien souligné par R. FLETCHER, Saint James’s Catapult…, pp. 298-299.
75
HC, lib. II, chap. 78, p. 379.
76
Ibid., lib. II, chap. 78, p. 378: « Cuiusmodi etiam cartam de illa plenaria absolutione ad reges et
comites ceteros que principes, ad milites quoque et pedites direxit, ut uisa plenaria absolutione in
supradictam expeditionem ad Dei obsequium et suorum peccatorum remissionem libentius et deuotius
irent. Archiepiscopis quoque et episcopis atque abbatibus ceterisque sancte Ecclesie prepositis hanc
cartam omni populo predicare, laudare et exponere et eos ad supradictam expeditionem omnibus modis
animare precepit».
Du Jourdain au Tage 289
77
Ph. JOSSERAND , «Croisade et Reconquête dans le royaume de Castille au XIIe siècle…»,
pp.81-82.
78
R. FLETCHER, Saint James’s Catapult…, p. 299: « Does this make Diego Gelmírez a crusader? Does it
place him among the architects of the idea of St. James’s patronage of the reconquest of Spain? I doubt
it».
79
Le fait a été relevé par J. GOÑI GAZTAMBIDE, Historia de la bula de cruzada en España…, pp. 76-
77, R. F LETCHER , «Reconquest and Crusade in Spain…», pp. 42-43, ou J. O’CALLAGHAN,
Reconquest and Crusade in Medieval Spain…, p. 38.
80
HC, lib. II, chap. 71, p. 370.
81
Ainsi l’a justement relevé M. DÍAZ Y D ÍAZ, «Las tres grandes peregrinaciones vistas desde
Santiago…», p. 90.
82
P. HENRIET, «“Capitale de toute vie monastique”…», p. 441.
83
HC, lib. II, chap. 28, p. 272.
84
N. J ASPERT , « Pro nobis, qui pro vobis oramus, orate…», p. 193, a rapporté les exemples de
l’archevêque de Braga Maurice Bourdin, de l’évêque de Barcelone Oleguer, au voyage duquel
s’est par la suite attaché Martin AURELL , «Prédication, croisade et religion civique. Vie et
miracles d’Oleguer († 1137), évêque de Barcelone», Revue Mabillon, 10 (1999), pp. 126-127, et de
l’archevêque de Tolède Bernard de Sédirac, à qui le pape s’est opposé dans son intention de
partir à Jérusalem (HDRH, lib. VI, chap. 26, p. 209).
85
Ainsi l’a souligné F. LÓPEZ ALSINA, La ciudad de Santiago…, p. 78.
86
HC, lib. III, chap. 8, p. 432: « Beati Iacobi ecclesie thesaurarius nomine B. Ierosolimam ire in Dei
obsequium et suorum excessuum remissionem disposuit. Cumque, preparatis sibi necessariis, ipsum
iter aggressurus esset, Conpostellanus suam ecclesiam multa detrimenta per eius absentiam
incursuram esse videns et ipsius ecclesie opus eius magisterio multum indigere non dubitans eum ab
illo itinere reuocare et reuocatum retinere omnimodo decreuit».
290 Daniel Baloup et Philippe Josserand
investie d’une valeur positive et certains croisés, comme plus tard dans la
Chronica Adefonsi Imperatoris, pourraient même en vertu d’un critère moral
faire figure de parfaits contre-modèles87.
Écrite du vivant d’AlphonseVII, peu après la prise d’Almería qui, en 1147,
forme le point d’orgue de son règne88, la Chronica Adefonsi Imperatoris s’est
trouvée, comme l’Historia Compostellana, dans l’obligation d’offrir à la croisade
une place dans la narration dont les récits hispaniques du début du XIIe siècle
pouvaient encore faire l’économie. Le fait révèle sans doute à l’échelle de
l’Occident péninsulaire la pénétration de l’idéologie pontificale de guerre
sainte à laquelle un nombre croissant d’historiens se sont attachés au cours des
dernières années89. Mais il traduit en même temps, plus encore que pour
l’Historia Compostellana, combien les pratiques nouvelles forgées à l’épreuve de
l’Orient s’inscrivent en terre ibérique dans un modèle guerrier préexistant qui
contribue en grande partie à en réduire la portée. Peu fréquentes, les
références à la croisade de Terre sainte dans la Chronica Adefonsi Imperatoris
n’obéissent pas à une logique fortuite: au nombre de trois, elles s’articulent
autour de deux figures de chefs militaires réputés, que le récit, jouant de leur
désir commun de s’employer au service de Jérusalem, oppose presque terme à
terme90. Ennemi d’AlphonseVII, à la merci duquel le sort des armes l’a
provisoirement réduit91, Rodrigo González de Lara passe dans la narration
pour être parti en Orient à l’annonce d’une possible disgrâce92. À l’inverse,
c’est fort des succès remportés dans la défense de Tolède, dont le souverain lui
avait confié la charge93, que Muño Alfonso est tenu pour avoir envisagé un
87
Tel est le cas des croisés anglais décrits comme pires que les Almoravides (ibid., lib. I, chap. 76,
p. 118), et même du noble galicien Rodrigo Vélaz qui, au retour de Jérusalem, n’hésite pas à
persécuter l’Église compostellane (ibid., lib. II, chap. 42, p. 288).
88
Établie par Antonio U BIETO ARTETA, «Sugerencias sobre la Chronica Adefonsi Imperatoris»,
Cuadernos de Historia de España, 25-26 (1957), p. 325, cette datation a été ensuite acceptée par R.
F L E T C H E R , «Reconquest and Crusade in Medieval Spain…», p. 41, et D. BALOUP,
«Reconquête et croisade dans la Chronica Adefonsi Imperatoris…», p. 457.
89
Tirant parti des efforts de l’historiographie récente pour chercher à mieux définir la croisade,
nous avons tenté de pousser l’analyse de R. FLETCHER, «Reconquest and Crusade in Medieval
Spain…», pp. 42-44 (Ph. JOSSERAND, «Croisade et Reconquête dans le royaume de Castille au
XIIe siècle…», pp. 81-82, et D. B ALOUP, «Guerre sainte et violences religieuses…», p. 24).
90
Le parallèle a été souligné par D. BALOUP, «Reconquête et croisade dans la Chronica Adefonsi
Imperatoris…», pp. 461-463.
91
Chronica Adefonsi Imperatoris, éd. d’Antonio Maya Sánchez et de Juan Gil, dans Chronica
Hispana. Saeculi XII (CCCM, 71), Turnhout, 1990, lib. I, chap. 22, pp. 160-161. Désormais abrégé
CAI.
92
CAI, lib. I, chap. 47, p. 172. La date de 1134, donnée par le récit au départ du comte, a été
corrigée d’un peu plus de deux années par M. TORRES SEVILLA , Linajes nobiliarios de León y
Castilla…, p. 224, dont l’étude doit être prolongée par la réflexion de José GARCÍA PELEGRÍN,
Studien zum Hochadel der Königreiche León und Kastilien im Hochmittelalter, Münster, 1991,
pp.123-124.
93
CAI, lib. II, chap. 48-49, pp. 217-218, et chap. 69-72, pp. 227-229.
Du Jourdain au Tage 291
94
Le fait a été mis en relief par D. BALOUP , «Reconquête et croisade dans la Chronica Adefonsi
Imperatoris…», pp. 462-463.
95
CAI, lib. II, chap. 90, p. 237.
96
Ainsi l’ont affirmé D. B A L O U P , «Reconquête et croisade dans la Chronica Adefonsi
Imperatoris…», p. 461, et Ph. J OSSERAND, Église et pouvoir dans la péninsule Ibérique…, p. 592.
97
Attribuée très souvent à l’évêque Arnaldo d’Astorga, dont Luis SÁNCHEZ B ELDA , Chronica
Adefonsi Imperatoris, Madrid, 1950, p. XIX, faisait un clunisien d’origine française, la chronique
serait plutôt l’œuvre d’un clerc catalan, à croire A. UBIETO ARTETA, «Sugerencias sobre la
Chronica Adefonsi Imperatoris…», pp. 317-326. Au-delà de la controverse, les deux auteurs
s’accordent cependant sur le fait que l’auteur devait résider de longue date à la cour impériale
de Léon au moment d’écrire son récit.
98
Ainsi l’a souligné D. B A L O U P , «Reconquête et croisade dans la Chronica Adefonsi
Imperatoris…», p. 460.
99
CAI, lib. II, chap. 108, p. 247, et lib. III (Prefatio de Almaria), v. 382-383, p. 267.
100
Sans preuve vraiment irréfutable, l’idée de la concession d’une bulle de croisade lors de la
campagne d’Almería a été défendue par J. GOÑI GAZTAMBIDE, Historia de la bula de cruzada en
España…, pp. 83-85, et, plus encore, par J. O’CALLAGHAN, Reconquest and Crusade in Medieval
Spain…, pp. 44-45.
101
Leontina VENTURA, Maria Teresa VELOSO et Avelino de Jesus da COSTA (éd.), Livro Preto da Sé
de Coimbra, 3 vol., Coïmbre, 3, 1979, p. 263, doc. 576: « Ut omnes que voluerint ire Jherosolimam
non habeant licenciam eundi sed in auxilio illius castelli de Leirena et tocius Extremadure. Et
quicumque ibi fuerit mortuus habeat talem remissionem sicuti illi qui migraverit in Jherosolimis». Le
fait a été rappelé par Saul António GOMES, «Coimbra e Santiago de Compostela : aspectos de
um inter-relacionamento nos séculos medievos», Revista Portuguesa de Historia, 34 (2000),
p.476.
102
Le fait a été mis en valeur par D. BALOUP, «Reconquête et croisade dans la Chronica Adefonsi
Imperatoris…», pp. 460-461.
292 Daniel Baloup et Philippe Josserand
103
Ibid., pp. 470-471.
104
CAI, lib. I, chap. 48, p. 172.
105
Ibid., lib. II, chap. 90, p. 237.
106
Ainsi l’a souligné D. B A L O U P , «Reconquête et croisade dans la Chronica Adefonsi
Imperatoris…», p. 465.
107
Ph. JOSSERAND, «Croisade et Reconquête dans le royaume de Castille au XIIe siècle…», p. 83,
en particulier n. 40, et ID., Église et pouvoir dans la péninsule Ibérique…, p. 592.
108
CAI, lib. I, chap. 48, p. 172, lib. II, chap. 30, p. 209, et chap. 90, p. 237. Pour l’exemple de
Rodrigo González de Lara notamment, l’insistance du récit sur le sens pénitentiel de son
départ pour l’Orient est patente: « Peregre profectus est Hierosolimis, ubi et commisit multa bella
cum Sarracenis fecitque quoddam castellum valde fortissimum a facie Ascalonie, quod dicitur Toron, et
munivit eum militibus et peditibus et escis, tradens illud militibus Templi […] His ita peractis, consul
Rodericus peregrinus factus est et abiit trans mare in Hierosolymis, causa orationis, sicut superius
scripsimus» ( ibid., pp. 172 et 209).
Du Jourdain au Tage 293
109
Le fait a été bien relevé par Jonathan P HILLIPS , «Ideas of Crusade and Holy War in D e
expugnatione Lyxbonensi (The Conquest of Lisbon)», dans R. N. Swanson (éd.), The Holy Land,
Holy Lands, and Christian History. Papers read at the 1998 Summer Meeting and the 1999 Winter
Meeting of Ecclesiastical History Society, Woodbridge, 2000, p. 131, à partir d’un passage du De
expugnatione Lyxbonensi. The Conquest of Lisbon edited from the unique Manuscript in Corpus
Christi College, Cambridge, with a Translation into English by Charles Wendell David, éd. de
Jonathan Phillips, New York, 2000, pp. 60-61, où des croisés s’inquiètent du détournement de
leur entreprise vers les côtes de la péninsule Ibérique: « Quanti illic penitentes, quanti peccata et
neggligentias cum luctu confitentes et gemitu, peregrinationis sue conversionem utcumque inceptam,
inundatione lacrimarum diluentes, in ara cordis contriti Deo sacrificabant».
110
Geneviève BRESC-BAUTIER, Le cartulaire du chapitre du Saint-Sépulcre de Jérusalem (Documents
relatifs à l’histoire des croisades publiés par l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres, 15),
Paris, 1984, pp. 170-171, doc.72.
111
Le fait ressort du remarquable travail de Rudolf HIESTAND, «Un centre intellectuel en Syrie
du Nord? Notes sur la personnalité d’Aimery d’Antioche, Albert de Tarse et Rorgo Fretellus»,
Le Moyen Âge, 100 (1994), pp. 26-30. À Pierre-Vincent Claverie, expert en l’art de lier ensemble
les divers espaces du bassin méditerranéen, nous tenons à exprimer notre plus vive gratitude
pour avoir attiré notre attention sur cette contribution.
112
L’association du noble castillan avec les frères du Temple appert de la dédicace dont l’a
gratifié Rorgo Fretellus dans la deuxième rédaction de son œuvre (P. C. B OEREN , Rorgo
Fretellus de Nazareth et sa description de la Terre Sainte. Histoire et édition du texte, Amsterdam-
Oxford-New York, 1980, p. 54). Exalté sous le titre emphatique d’« impiger Machabeorum
commilito, hospitatus ante Bethel, regis Salomonis in atrio», Rodrigo González de Lara est lié aux
Templiers, dont le Templum Salomonis est le siège à Jérusalem, comme l’ont relevé R.
H IESTAND , «Un centre intellectuel en Syrie du Nord?…», pp. 30-31, et, à sa suite, Denys
294 Daniel Baloup et Philippe Josserand
P RINGLE , «Templar Castles between Jaffa and Jerusalem», dans H. Nicholson (éd.), The
Military Orders. Welfare and Warfare, Aldershot, 1998, p. 95.
113
Cette donation est rapportée par la tradition chronistique péninsulaire (CAI, lib. I, chap. 48,
p.172).
114
Cronica Latina de los Reyes de Castilla, éd. et trad. de Luis Charlo Brea, Cadix, 1984. Désormais
abrégé CLRC.
115
Chronicon Mvndi (CCCM, 74), éd. d’Emma Falque, Turnhout, 2003. Désormais abrégé CM.
116
Voir la présentation croisée de ces trois chroniques dans Ana RODRÍGUEZ LÓPEZ, «History and
Topography for the Legitimation of Royalty in three Castilian Chronicles», Majestas, 12 (2004),
pp. 61-81. Sur l’HDRH, voir les actes du colloque organisé à Lyon par Georges Martin dans les
Cahiers de Linguistique et de Civilisation Hispaniques Médiévales (CLCHM), 26 (2003). Sur Lucas
de Tuy et son œuvre, voir les actes de la Table ronde tenue à Paris sous direction de Patrick
Henriet: CLCHM, 24 (2001).
117
A partir des travaux de Georges Martin dont, en particulier: Les Juges de Castilles. Mentalités et
discours historiques dans l’Espagne médiévale, Paris, 1992.
Du Jourdain au Tage 295
118
Cf. Eloy BENITO RUANO, «Las órdenes militares españolas y la idea de cruzada», Hispania, 62-
65 (1956), pp. 10-11 et, plus récemment, Ph. JOSSERAND, Église et pouvoir dans la péninsule
Ibérique…, pp. 43-44
119
Sur la préparation de la bataille, voir: Martín ALVIRA CABRER, Guerra e ideología en la España
medieval: cultura y actitudes históricas ante el giro de principios del siglo XIII. Batallas de Las Navas
de Tolosa (1212) y Muret (1213), Madrid, 2000, pp. 179-181 et surtout 249-262. Sur les effets de la
propagande royale: D. W. LOMAX, «La Conquista de Andalucía a través de la historiografía
europea de la época…», pp. 37-49.
296 Daniel Baloup et Philippe Josserand
120
Peter LINEHAN, The Spanish Church and the Papacy in the Thirteenth Century, Cambridge, 1971,
pp. 35-53. Les remarques de Peter Linehan sont reprises et prolongées par Antonio GARCÍA y
GARCÍA, «El Concilio IV Lateranense y la Península Ibérica», dans Iglesia, Sociedad y Derecho,
3, Salamanque, 1987, pp. 187-208.
121
P. LINEHAN, The Spanish Church…, pp. 6-7 et A. GARCÍA y GARCÍA, «El Concilio IV…», p. 193.
122
Antonio García y García donne un aperçu de ces échanges dans son article: «Inocencio III y
los problemas peninsulares», dans Estudos en homenagen a Joaquim M. da Silva, Porto, 1999,
pp.723-779 (repris dans Iglesia, Sociedad y Derecho, 4, Salamanque, 2000, pp. 219-232).
123
A propos du lien entre la Fazienda et les croisades d’Orient, Fernando Gómez Redondo écrit:
« No tiene por qué interpretarse La Fazienda como una pieza más de la literatura propagandística que
se escribe con el fin de impulsar el movimiento de las cruzadas, sobre todo porque no parece obra
pensada para ser leída ante una audiencia cortesana, sino para ser utilizada por un clérigo versado en
lecturas y exégesis bíblicas. Pero ne deja de ser menos cierto que es a la alta clerecía a la que corresponde
la propagación de esas bulas reclamando el interés de los occidentales por recuperar los santos lugares;
harían falta argumentos para predicar y difundir el profundo significado que deriva de aquellas lejanas
tierras para la construcción de la fe cristiana; ahí prodría encontrarse el contexto en el que se recibiera
el mensaje de La Fazienda» (Historia de la prosa medieval castellana, 1, «La creación del
discurso…», p. 122). Dans le cas du Libro de Apolonio et du Libro de Alexandre, la diffusion
auprès de la cour et de la noblesse est plus directe et les conditions semblent réunies pour que
la geste des héros renvoie les auditeurs à l’actualité des expéditions d’Outre-mer. En effet,
comme le note Dolores Corbella à propos du premier de ces textes: «Los sucesos de la
antigüedad son reinterpretados aquí en términos que resultaban relevantes a la sociedad medieval,
reflejando a través de la actitud de sus personajes, como hemos dicho, toda la enciclopedia medieval»
(Libro de Apolonio, Madrid, 1992, p. 40). L’écrasement de la distance chronologique permet le
croisement de la légende et de l’histoire vécue. Nous remercions Amaia Arizaleta qui nous a
signalé l’intérêt de ces œuvres pour notre propos.
Du Jourdain au Tage 297
124
CM, lib. IV, chap. 95, p. 335.
125
CLRC, p. 60.
126
HDRH, lib. IX, chap. 11, p. 291; lib. V, chap. 24, pp. 173-174; lib. VI, chap. 26, p. 209.
127
Sur le conflit et son interprétation par les deux chroniqueurs: A. R ODRÍGUEZ LÓPEZ,
«Légitimation royale et discours sur la croisade…», pp. 136-138.
128
HDRH, lib. V, chap. 24, p. 174.
129
HDRH, lib. VI, chap. 20, p. 202.
130
CM, lib. IV, chap. 95, p. 335.
298 Daniel Baloup et Philippe Josserand
131
CLRC, pp. 43-46.
132
CLRC, pp. 81-83.
133
Sur le traitement par Juan de Osma de la croisade albigeoise: Daniel BALOUP, «La Croisade
albigeoise dans les chroniques léonaises et castillanes du XIIIe siècle», dans La Croisade
albigeoise. Actes du Colloque du Centre d’Études Cathares (Carcassonne, 4-6 octobre 2002),
Carcassonne, 2004, pp. 91-107.
Du Jourdain au Tage 299
les conquêtes des souverains ibériques semblent participer d’un vaste effort
visant à propager la foi du Christ, la contribution des rois de Castille,
d’Aragon et du Portugal à l’œuvre commune apparaissant d’autant plus
décisive et louable que les nouvelles du front oriental font apparaître la
difficulté éprouvée par les Latins à conserver leurs positions.
Il ressort donc (on pouvait s’y attendre) que l’évocation des événements de
Terre sainte est largement conditionnée par l’image que les chroniqueurs
souhaitent donner de la Reconquête ibérique et des rois qui en sont, au moins
dans les chroniques, les principaux artisans. Les réticences qui se
manifestaient au XIIe siècle demeurent très vivaces: le silence qui entoure la
contribution ibérique aux croisades de Terre sainte et le traitement des
épisodes concernant les entreprises orientales en témoignent. Néanmoins, un
glissement semble s’opérer, qui serait tout à fait justifié par les éléments de
contexte que nous avons rappelés plus haut. Ce glissement est manifeste chez
Juan de Osma: la mise en relation des opérations militaires se déroulant en
Orient et de celles qui ont lieu en péninsule Ibérique, par le procédé de
juxtaposition qui a été décrit, va dans le sens de l’affirmation d’un principe
d’équivalence entre les deux fronts, principe défendu de longue date par la
papauté mais qui n’avait jamais encore trouvé d’expression aussi frappante
sous la plume d’un chroniqueur castillan. Ce glissement est également sensible
dans le De Rebus Hispaniae. Rodrigo Jiménez introduit dans sa chronique
l’épisode du pèlerin grec qui, depuis Jérusalem, gagne le sanctuaire de
Compostelle et qui voit saint Jacques lui apparaître pour annoncer la prise de
Coïmbre134. Il se fait l’écho de l’histoire racontée par Pélage qui situe l’origine
du reliquaire de San Miguel en Terre sainte et explique sa présence dans le
Nord de la péninsule par une suite de déplacements, de Jérusalem à Séville, de
Séville à Tolède et de Tolède à Oviedo, déplacements justifiés par l’avancée
des troupes musulmanes135. Enfin, et ce n’est pas le moins troublant, Rodrigo
Jiménez compare la perte de l’Espagne à la chute de la Jérusalem, sans préciser
cependant s’il fait allusion à la conquête de Ville sainte par les musulmans en
638136. Le lien entre la Terre sainte et la péninsule reste diffus parce que à
l’unicité de Jérusalem répond la multiplicité des villes ibériques qui délimitent
l’espace sacré imaginé par le chroniqueur: Oviedo, Saint-Jacques-de-
Compostelle et Tolède. Néanmoins, un lien est tissé d’une extrémité à l’autre
de la Méditerranée, lien qui n’est pas sans rapport avec la conquête
musulmane, nous l’avons vu. Sur les deux fronts, la lutte contre les infidèles se
trouve donc, naturellement, placée sous la même bannière. À propos de la
Première croisade, dont il ne dit pas grand chose, Rodrigo Jiménez prend la
peine de préciser que le pape UrbainII décida à cette occasion que les
combattants qui s’engageaient pour la libération des Lieux saints porteraient
134
HDRH, lib. VI, chap. 11, p. 190.
135
HDRH, lib. IV, chap. 8, p. 125.
136
HDRH, lib. III, chap. 22, p. 108.
300 Daniel Baloup et Philippe Josserand
une croix cousue sur leur épaule droite. Ce détail revêt une certaine
importance car, dans sa description du rassemblement des troupes à Tolède
avant la victoire de Las Navas de Tolosa, l’archevêque mentionne, de la même
façon, le signe de la croix sur les vêtements des hommes qui affluent.
Il faut se souvenir que, depuis 1218, Rodrigo Jiménez remplissait les
fonctions de légat pontifical, chargé entre autres choses de mobiliser les
royaumes ibériques en faveur des croisades d’Orient. Ses efforts pour
rapprocher les deux champs d’opération n’en apparaissent que plus
compréhensibles. Mais, prenons garde: rapprocher ne signifie pas confondre
ni assimiler. L’exemple de la campagne de 1212 montre très clairement
comment l’archevêque de Tolède cherche à conserver le caractère proprement
ibérique de la victoire dont il attribue le mérite au roi de Castille. Son
application à dénigrer la participation des francos et l’absence de mention à
l’intervention pontificale ont été relevées et commentées137. L’attitude de Juan
de Osma se révèle absolument identique. À propos des croisades de Terre
sainte, il ne manque pas de louer le rôle joué par la papauté mais lorsque le
récit porte sur les opérations en terres ibériques, il n’est jamais question de la
contribution du souverain pontife. La Reconquête reste dans tous les cas
l’affaire du roi de Castille qui en recueille l’ensemble des bénéfices, matériels
mais aussi symboliques. Chez Lucas de Tuy, la mise en scène est différente
mais l’effet obtenu par le chroniqueur ne diffère guère de celui observé dans
les chroniques de Juan de Osma et de Rodrigo Jiménez. Comme l’archevêque,
le chanoine léonais évoque l’épisode du pèlerin grec138 et l’origine orientale du
reliquaire d’Oviedo139. Il se singularise en laissant paraître l’influence
pontificale dans les affaires ibériques. Ainsi, si la mobilisation des royaumes
hispaniques à la veille de la campagne de 1212 est présentée comme le résultat
de l’action diplomatique entreprise par AlphonseVIII, la présence de
contingents étrangers apparaît dans le récit comme le produit d’une initiative
d’InnocentIII qui envoie en mission l’archevêque de Tolède et promet
l’indulgence plénière à tous ceux qui répondent à son appel140. Lucas de Tuy
signale aussi le rôle joué par Jean d’Abbeville, légat du pape GrégoireIX,
attribuant à son influence le réveil des ardeurs belliqueuses d’AlphonseIX de
Léon et la prise de Cáceres, en 1229141. Mais le dévoilement de la participation
137
Voir en particulier: Damian J. SMITH, « Soli Hispani? Innocent III and Las Navas de Tolosa»,
Hispania Sacra, 51 (1999), pp. 487-513.
138
CM, lib. IV, chap. 51, p. 286.
139
CM, lib. IV, chap. 14, p. 233.
140
CM, lib. IV, chap. 88, p. 328.
141
CM, lib. IV, chap. 98, p. 336. Le rapprochement entre la légation de Jean d’Abbeville et la prise
de Cáceres mérite l’attention. On sait qu’Alphonse IX de Léon n’avait pas participé à la
bataille de Las Navas, en raison de ses mauvaises relations avec Alphonse VIII de Castille, et
que son absence assombrissait considérablement le portrait de ce grand roi dont Lucas de Tuy
souhaitait préserver la mémoire. En décrivant la conquête de Cáceres comme la conséquence
de l’intervention de Jean d’Abbeville, Lucas montre le souverain léonais agissant à
Du Jourdain au Tage 301
l’instigation du pouvoir pontifical contre les ennemis de la foi. D’une certaine manière,
Alphonse, qui n’avait pas répondu à l’appel d’Innocent III en 1212, se rachète en satisfaisant
les attentes du légat de Grégoire IX.
142
Sur la biographie de Lucas et ses incertitudes: Francisco Javier FERNÁNDEZ C ONDE , «El
biógrafo contemporáneo de Santo Martino: Lucas de Tuy», dans Santo Martino de León.
Ponencias del Primer Congreso Internacional sobre Santo Martino en el VIII° Centenario de su obra
literaria (1185-1985), Léon, 1987, pp. 303-335 et Peter LINEHAN, «Dates and Doubts about Don
Lucas», CLCHM, 24 (2001), pp. 201-217; trad. esp.: «Fechas y sospechas sobre Lucas de
Tuy», Anuario de Estudios Medievales, 32/1 (2002), pp. 19-38.
143
CM, lib. IV, chap. 77, pp. 314-316.
302 Daniel Baloup et Philippe Josserand
ibérique, au service de saint Isidore, dans le cas de Lucas de Tuy qui associe
étroitement la dilatation des royaumes chrétiens ibériques à l’intercession du
patron de la collégiale léonaise, et surtout, pour les trois chroniqueurs, au
service du roi, dont la stature peut même se trouver grandie par l’équivalence
désormais assumée entre Reconquête et croisade: Lucas de Tuy, dont on
soupçonne les origines ultramontaines144, met en valeur la collaboration du
pape et du roi; Rodrigo Jiménez s’empare du symbole de la croix pour établir
un parallèle entre la Première croisade et la campagne de Las Navas de
Tolosa; Juan de Osma, enfin, adapte le vocabulaire de la chancellerie
pontificale pour qualifier FerdinandIII de miles Christi dans son récit de la
conquête de Cordoue145. À ce titre, il semble permis de conclure que les
premières décennies du XIIIe siècle marquent une étape importante dans le
processus d’adaptation, ou plutôt d’appropriation de l’appareil symbolique et
discursif qui forme la charpente de l’idée et de l’institution de croisade. Mais
le contenu est élaboré en fonction des exigences de la royauté et sans doute
aussi (mais les deux vont bien ensemble) des besoins conjoncturels du vieil
idéal gothique, sans cesse perdu et sans cesse retrouvé, d’un empire
hispanique.
144
P. L INEHAN , «Dates and Doubts…». Les hypothèses de l’auteur sont parfois bien fragiles.
Néanmoins, il ne fait pas de doute (son œuvre doctrinale en témoigne) que Lucas est très
ouvert aux influences ultramontaines, au point d’apparaître comme un des premiers
représentants du courant scolastique dans l’Occident péninsulaire.
145
La reprise de symboles et de motifs discursifs propres aux croisades d’Orient dans les
chroniques castillano-léonaises du début du XIIIe siècle a été mise en évidence par Alejandro
RODRÍGUEZ DE LA PEÑA, «La figura del obispo cronista como ideólogo…», pp. 145-152. Mais
Alejandro Rodríguez force le trait lorsqu’il évoque, à propos de l’HDRH, une «versión
nacionalizada de la Cruzada» (p. 149). On peut aussi juger très excessive l’opinion qu’il
exprime à propos de la CLRC dont l’auteur est décrit comme «un clérigo cruzado convencido
como lo habían sido antes de él otros cronistas de las expediciones a Ultramar como Fulcher
de Chartres, Guibert de Nogent o Juan de Tulbia» (p. 150).
Du Jourdain au Tage 303
Damian J. SMITH*
Agradezco a Martín Alvira Cabrer y Anne Duggan su ayuda y consejos a este articulo.
* King’s College, Londres.
1
Aunque desgraciadamente no hay ninguna síntesis reciente sobre la vida del Conquistador, si
existe al menos una literatura abundante: Ferran SOLDEVILA , Els primers temps de Jaume I,
Barcelona, 1968; ID., Vida de Jaume I el Conqueridor, Barcelona, 1969; ID., Jaume I, Pere el Gran,
Barcelona, 1985; ID., Pere el Gran, Barcelona, 1995, 2 vol.; Ernest BELENGUER, Jaume I a través de
la història, Valencia, 1984, 2 vol.; Martín ALVIRA CABRER, El Jueves de Muret, Barcelona, 2002,
pp. 509-592; Robert Ignatius B URNS , Jaume I i els valenciens del segle XIII, Valencia, 1981;
Charles de TOURTOULON, Jacme Ier le Conquérant, Montpellier, 1863; Francis DARWIN SWIFT, The
Life and Times of James the First, Oxford, 1894; I Congreso de historia de la Corona de Aragón
(CHCA), Barcelona, 1908-1909, 3 vol.; CHCA, X, Zaragoza, 1979-1982, 3 vol., incluido Luis
FERNÁNDEZ SUÁREZ, «Historiografía y fuentes del reinado de Jaime I, desde 1909 hasta 1975»,
1, pp. 313-340.
2
La mejor edición del texto del manuscrito del año 1343 elaborado en el monasterio de Poblet
es Llibre dels Fets del rei en Jaume, ed. Jordi Bruguera, Barcelona, 1991, 2 vol.; hay traducciones
recientes en catalán, castellano, inglés y, sobre la conquista de Mallorca, en francés: Llibre dels
Fets de Jaume I, trad. Antoni Ferrando i Vicent Josep Escartí, Barcelona, 1995; Jaime I, Libro de
los Hechos, trad. Julia Butiñá Jiménez, Madrid, 2003; The Book of Deeds of James I of Aragon: A
Translation of the Medieval Catalan Llibre dels Fets, trad. Damian Smith y Helena Buffery,
306 Damian J. Smith
Aldershot, 2003; Agnès et Robert Vinas, La conquête de Majorque, Perpignan, 2004, pp. 24-127.
También existió una traducción en latín realizada por fray Pere Marsili en 1313 (La crónica
latina de Jaime I: edición crítica, estudio preliminar e índices, ed. María de los Desamparados
Martínez San Pedro, Almería, 1984).
3
Sobre la autoría del Llibre dels Fets, Ferran SOLDEVILA, Les quatre grans cròniques, Barcelona,
1971, pp. 36-37; Josep PUJOL, «Cultura eclesiàstica o competència retòrica? El Llatí, La Bíblia i
El Rei En Jaume», Estudis Romànics, 23 (2001), pp. 147-172; Stefano ASPERTI, «Il re e la storia.
Proposte per una nuova lettura del Libre dels Feyts di Jaume I», Romanistische Zeitschrift für
Literaturgeschichte, 3/4 (1983), pp. 275-297; The Book of Deeds..., pp. 5-6; A. y R. V INAS , La
conquête de Majorque..., pp. 129-130; Jerónimo ZURITA, Anales de la Corona de Aragón, ed. Ángel
Canellas López, Zaragoza, 1975-1980, 9 vol., 1, II, 63; Auguste MOLINIER , Les sources de
l’histoire de France des origines aux guerres d’Italie (1494), París, 1903, 3, p. 163; Jaume RIERA,
«La personalitat eclesiàstica del redactor del Llibre dels feits», CHCA, X, 3, pp. 575-589.
4
Sobre la construcción del texto del Llibre y la tradición manuscrita, puede consultarse Antonio
BADIA, Coherència i arbitrarietat de la substitució lingüística dins la “Crònica” de Jaume I, Barcelona,
1987; Josep María PUJOL I S ANMARTIN, Sens i conjuntures del Llibre del Rei en Jaume, tesis
doctoral, Universitat de Barcelona, 1991; ID ., «The Llibre del rei En Jaume: A matter of
style», en Alan Deyermond (ed.), Historical Literature in Medieval Iberia, Londres, 1996, pp. 35-
37; Stefano ASPERTI, «Indagini sull’Llibre dels Feyts di Jaume I : Dall’originale all’archetipo»,
Romanistisches Jahrbuch, 33 (1982), pp. 269-285; ID ., «La tradizione manoscritta del Libre dels
Feyts», Romanica Vulgaria, 7 (1984), pp. 107-167; Lola BADIA, «Llegir el Llibre del Rei Jaume»,
Serra d’Or, 385 (1992), pp. 53-56; Llibre dels Fets..., pp. 9-10. Sobre la autoría de las cartas de
InocencioIII, Wilhelm IMKAMP, Das Kirchenbild Innocenz’ III (1198–1216), Stuttgart, 1983, pp.
87-9, y sobre la construcción de los registros pontificios, Othmar HAGENEDER, «Probleme des
päpstlichen Kirchenregiments im hohen Mittelalter (Ex certa scientia, non obstante),
Registerführung», Lectiones eruditorum extraneorum in facultate philosophica universitatis
Carolinae Pragensis factae, 4 (1995), pp. 49-77.
El rey Jaime I de Aragón y la guerra santa 307
5
Joan Pau RUBIÉS y Josep SALRACH, «Entorn de la mentalitat i la ideologia del bloc de poder
feudal a través de la historiografia medieval fins a les quatre grans cròniques», en J. Portella
(ed.), La formació i expansió del feudalisme català. Actes del col·loqui organitzat pel Col·legi
Universitari de Girona (8-11 de gener de 1985), Girona, 1985-1986, pp. 467-510; Raquel HOMET,
«Caracteres de lo político en el Llibre dels Fets de Jaime el Conquistador», Res Gesta, 32 (1993),
pp. 171-194; Robert I. BURNS, «The Spiritual Life of James I the Conqueror, King of Aragon-
Catalonia, 1208-1276: Portrait and self-portrait», Catholic Historical Review, 62 (1976), pp. 1-35;
Donald KAGAY, «The Line between Memoir and History: James I of Aragon and the Llibre del
Feyts », Mediterranean Historical Review, 11 (1996), pp. 165-176; The Book of Deeds..., pp.6-9.
6
Martín RÍOS SALOMA, «De la Restauración a la Reconquista: la construcción de un mito
nacional. (Una revisión historiográfica. Siglos XVI-XIX)», En la España medieval, 29 (2005),
pp.379-414.
7
Llibre dels Fets..., 1, p. 184.
8
Llibre dels Fets..., cap. 47, 50, 50, 50, 52, 53, 79, 89, 97, 106, 112, 113, 115.
9
Llibre dels Fets..., cap. 128, 128, 128, 237, 237, 241, 241, 275, 292, 295, 408.
10
Llibre dels Fets..., cap. 426, 426, 426.
11
Llibre dels Fets..., cap. 341, 341, 345.
12
Llibre dels Fets..., cap. 415.
13
Llibre dels Fets..., cap. 482: « poríem ab ells ensemps conquerir lo Sepulcre ».
308 Damian J. Smith
nuestro Señor» 14. Así, se acomoda a los deseos expresados por el rey Sancho
Ramírez (1092) en la donación de la iglesia de Montemayor al monasterio de
San Juan de la Peña: « ad recuperandam et dilatandam Xristi ecclesiam, pro
destructione paganorum, Christi inimicorum, atque edificatione vel profectu
Xristicolarum, ut regnum ab Ismaelitas invasum et captivatum, Xristi liberaretur ad
honorem et servicium »15.
Si bien Jaime es consciente de que sus tierras han estado en manos de los
sarracenos durante mucho tiempo, que en Játiva «el nombre de Mahoma ha
sido proclamado e invocado largamente» 16, en general su conocimiento del
pasado no parece impresionante. Es consciente, aunque no está muy bien
informado, del tiempo de su padre, PedroII, de su abuelo, AlfonsoII, y de su
bisabuelo, Ramón BerenguerIV, y también sabe de la existencia de su linaje
durante 14 generaciones17. Sabe también algo de la Biblia, especialmente del
Nuevo Testamento, y que en el Antiguo Testamento, los reyes David y
Salomón habían reinado durante muchos años, como el propio Jaime18. Es
consciente de España. Se refiere a Espanya 16 veces en su texto19; a modo de
ejemplo, consideró a su padre «el rey más generoso que jamás hubo en
España» 20; en 1264, antes de la guerra en Murcia, dijo a la nobleza aragonesa
que «Cataluña es el mejor reino de España» 21 (hubo una guerra con la
nobleza aragonesa después); salió triunfalmente del II Concilio de Lyon
diciendo: «Ya podemos irnos, porque hoy toda España ha sido honrada» 22.
También está enterado de algo más amplio: crestianisme en capítulo 318 o
christianisme en el capítulo 366 (la cristiandad). Jaime debe ganar Játiva por
cristianismo23; advierte a sus nobles del daño que sufriría cristianismo si los
sarracenos de Valencia meridional se sublevaran24. Pero en la época de Don
14
Llibre dels Fets..., cap. 56: « E nós anam en est viatge en fe de Déu e per aquels que no·l creen; e anam
sobr·éls per .II. coses: o per convertir-los ho per destruhir-los e que tornen aquel regne a la fe de nostre
Seyor ».
15
Documentos correspondientes al reinado de Sancho Ramírez, ed. José Salarrullana y Eduardo
Ibarra, Zaragoza, 1904-1913, 2 vol., 1, n. 48, pp. 187-189.
16
Llibre dels Fets..., cap. 361: « a nós plau molt qui alí on longament és cridat e invocat lo nom de
Mahomet serà-y appellat lo nom de nostre Seyor Jhesuchrist ».
17
Llibre dels Fets..., cap. 3, 5-9, 11, 18, 21, 25, 27, 31, 48, 307, 323, 537 (PedroII); cap. 2, 5, 7, 18
(AlfonsoII); cap. 18, 47, 50, 51 (Ramon BerenguerIV); cap. 31 (14 generaciones).
18
Llibre dels Fets..., cap. 562 (David y Salomón). Sobre su conocimiento de la Biblia, Josep María
PUJOL, «Cultura eclesiàstica...», passim.
19
Llibre dels Fets..., cap. 6, 21, 33, 34, 105, 146, 237, 380, 389, 389, 392, 392, 392, 478, 478, 535.
20
Llibre dels Fets..., cap. 6: « Nostre pare, lo rey En Pere, fo lo pus franch rey que anch fos en Espanya ».
21
Llibre dels Fets..., cap. 392: « Cathalunya, que és lo meylor regne d’Espanya ». Sobre la guerra en
Murcia, Juan TORRES FONTES, La Reconquista de Murcia en 1266 por Jaime I de Aragón, Murcia,
1966; Josep-David G ARRIDO, Jaume I i el regne de Múrcia, Barcelona, 1997.
22
Llibre dels Fets..., cap. 535: « Barons, anar-nos-en podem, que huy és honrada tota Espanya ».
23
Llibre dels Fets..., cap. 318: « e semblà’ns que no tan solament per Don Pere Alcalà devíem nós venir
sobre Xàtiva ab nostra ost, mas per haver lo castell per crestianisme ».
24
Llibre dels Fets..., cap. 366: « si per aventura e peccat de christians vengués .I. temps que s’acordassen
los sarraïns qui són delà mar e deçà mar e que·s levassen los pobles dels sarraïns de cada .I. de les viles,
El rey Jaime I de Aragón y la guerra santa 309
tants castells nos tolrien, a nós e al rey de Castela, que tot hom qui u hoís se’n maraveylaria del gran
dan que pendria christianisme ».
25
Rodrigo XÍMENEZ DE RADA, Historia de rebvs Hispanie sive Historia Gothica (CCCM, 72), ed. Juan
Fernández Valverde, Turnhout, 1987; Lucas de TÚY, Chronicon Mundi (CCCM, 74), ed. Emma
Falque, Turnhout, 2003.
26
Llibre dels Fets..., cap. 368, 453; José POU Y M ARTÍ, Visionarios,Beguinos y Fraticelos Catalanes
(Siglos XIII–XV), Alicante, 1996.
27
ACA, cancelleria, Reg. 14, fol. 76v.; Robert I. BURNS , «The Many Crusades of Valencia’s
Conquest (1225-1280): An Historiographical Labyrinth», en D. KAGAY y T. VANN (ed.), On the
Social Origins of Medieval Institutions: Essays in Honor of Joseph F. O’Callaghan, Leiden, 1999, p.
176.
28
José GOÑI GOZTAMBIDE, Historia de la bula de la cruzada en España, Vitoria, 1958, p. 169.
29
Llibre dels Fets..., cap. 4, 10 (InocencioIII); 130, 140 (GregorioIX); 366 (InocencioIV); cap. 523-
537, 542, 547 (GregorioX).
30
Llibre dels Fets..., cap. 4 (Marie), 10 (Pedro de Benevento). Damian SMITH, InnocentIII and the
Crown of Aragon: the limits of papal authority, Aldershot, 2004, cap. 4-5; Martí AURELL, Les Noces
del Comte, Barcelona, 1998, pp. 405-442.
31
La documentación pontificia de HonorioIII (1216–1227), ed. Demetrio Mansilla, Roma, 1965, n. 94,
106-107, 597.
32
La documentación pontificia de HonorioIII... , n. 404, 419.
33
Documentos de GregorioIX (1227–1241) referentes a España, ed. Santiago Domínguez Sánchez,
León, 2004, n. 90, 108, 150, 157, 160, 222; Jaime VILLANUEVA, Viage literario a las iglesias de
España, Madrid, 1803-1852, 22 vol., 21, p. 252 (28 Noviembre 1229).
34
Documentos de GregorioIX..., n. 210, 311-312, 623-624, 626-629, 631, 636-637, 639, 641, 669, 735,
814, 833, 844-845.
310 Damian J. Smith
35
Robert BURNS , «A Lost Crusade: Unpublished Bulls of InnocentIV on al-Azraq’s revolt in
Thirteenth century Spain», Catholic Historical Review, 74 (1988), pp. 440-449; La documentación
pontificia de InocencioIV (1243–54), ed. Augusto Quintano Prieto, Roma, 1987, 2 vol., n. 557-559,
616, 619-620.
36
Documentos de ClementeIV (1265–1268) referentes a España, ed. Santiago Domínguez Sánchez,
León, 1996, n. 20, 37, 41, 43, 47, 74.
37
La documentación pontificia de HonorioIII ..., n. 1-2, 35; Documentos de GregorioIX ..., n. 56, 73, 79,
122, 414, 503, 521; La documentación pontificia de InocencioIV ..., n. 94; Documentos de
ClementeIV ..., n. 127, 171; Documentos de GregorioX , ed. Santiago Domínguez Sánchez, León,
1997, n. 75, 192.
38
Llibre dels Fets..., cap. 537: « car tant havíem nós servit a Déu e a la Església de Roma ». Sobre este
tema, hay Bonifacio PALACIOS MARTÍN, «La bula de InocencioIII y la coronación de los reyes
de Aragón», Hispania, 29 (1969), pp. 485-504; ID ., La Coronación de los Reyes de Aragón
1204–1410: Aportación al estudio de las estructuras medievales, Valencia, 1975; Damian SMITH,
« Motivo y significado de la coronación de PedroII de Aragón» , Hispania, 204 (2000), pp. 163-
179.
39
Robert I. BURNS , «The Many Crusades of Valencia’s Conquest…», pp. 167-177. Aunque
podemos ver que hubo participación internacional en las guerras de Valencia y en su
repoblación (Enric GUINOT , Els fundadors del regne de València, Valencia, 1999, 2 vol.), la
internacionalidad no forma parte, en general, de la definición de cruzada (Jonathan RILEY-
S MITH , What were the Crusades? , Londres, 1992). Sobre la conquista de Valencia podemos
recomendar el magnífico estudio de Pierre GUICHARD , Al-Andalus frente a la Conquista
Cristiana: Los Musulmanes de Valencia (Siglos XI–XIII ), Valencia, 2001.
40
Llibre dels Fets..., cap. 174: « E ab la ajuda de Déu e ab aquels qui tenen nostres feus en Cathalunya e
honors en Aragó e l’archabisbe e els bisbes (que·ns prometeren ajuda quan faem la cort en Montsó e·ns
croam…)».
El rey Jaime I de Aragón y la guerra santa 311
41
Llibre dels Fets..., cap. 52 (arzobispo de Tarragona), 53 (obispo de Barcelona).
42
Llibre dels Fets..., cap. 69. Sobre la vida de Miquel de Fabra, MARSILI, Crónica latina..., II, ch. 24,
p. 187; Robert I. BURNS, The Crusader Kingdom of Valencia, Harvard, 1967, 2 vol., 1, pp. 203-204.
Sobre Berenguer y Jaime, La documentación pontificia de Inocencio IV..., 1, n. 285, 304;
Documentos de Jaime I de Aragón, ed. Ambrosio Huici Miranda y María Cabanes Pecourt,
Valencia-Zaragoza, 1976-1982, 5 vol., 2, n. 432-433, 443-444.
43
Christoph MAIER, Preaching the Crusades : Mendicant friars and the Cross in the thirteenth century,
Cambridge, 1994, p. 82; José Manuel RODRÍGUEZ GARCÍA, «Historiografía de las cruzadas»,
Espacio, Tiempo y Forma, Serie III, 13 (2000), p. 395.
44
Por ejemplo, Documentos de GregorioIX... , n. 312, 626 (al obispo de Barcelona también).
45
Llibre dels Fets..., cap. 236, « Per què us en volets anar? Que molt hinc sots necessari: una, per
prehicar-los, l’altra, que, si negú hi venia a hora de mort, mils los sabríets vós dar penitència que .I.
capelà, que no y sabria re ».
46
Llibre dels Fets..., cap. 365: « E, quan los hòmens del regne nostre e de les altres terres sabran e hoiran
que nós havem aquest bon propòsit en servir a Déu, e de la gent que y venrà, que no·ns cal cridar ost ne
cavalacada, més n’aurem que si fayvem cridar ost ne cavalcada de la nostra gent e de la altra ».
47
Don Rodrigo habló del bellum Domini (De rebus Hispanie, Lib. 8, cap. 9).
48
Sobre la reconquista, O’Callaghan (Reconquest and Crusade in Medieval Spain, Philadelphia,
2004, pp. 9-10) ha escrito recientemente: « Such a war may be described as a holy war, though to do
so is surely a travesty. War, which of its very nature entails the destruction of life, the infliction of
312 Damian J. Smith
extreme harm on human beings, and the ruination of crops, homes, churches, temples, and other
structures, is not holy or sacred. The type of war of which we are speaking was not holy but rather
religious».
49
Llibre dels Fets..., cap. 86: « E els altres sarraïns, quan viren que aquel loch havien esvaït los cavalers
ab cavals armats e·ls hòmens de peu, anaren-se amagar per les cases, cascú con mils podia; e no
s’amagaren tant bé que .XX. míllia no n’i morissen a l’entrar, sí que, cant nós fom a la porta de la
Almudayna, trobam-ne bé .CCC. morts que, cant se cuydaven recuylir en la Almudayna, los altres
tancaven la porta, e venien los nostres christians e oceÿen-los».
50
Llibre dels Fets..., cap. 194: « E dixem-los con la cosa era faedora, que y podíem tirar; e, quant la pedra
erràs lo castell, que no ferís, ferria de la part on nós érem, que era tot ple de fembres e d’infants e de
bestiar ».
51
Alexander Pierre B RONISCH , Reconquista und Heiliger Krieg: Die Deutung des Krieges im
Christlichen Spanien Von den Westgoten bis ins frühe 12. Jahrhundert, Münster, 1998, pp. 201-234;
Jean FLORI, Guerre sainte, jihad, croisade: Violence et religion dans le christianisme et l’islam, Paris,
2002.
52
Llibre dels Fets..., cap. 1: « E per tal que·ls hòmens coneguessen e sabessen, can hauríem passada
aquesta vida mortal, ço que nós hauríem feyt ajudan-nos lo Seyor poderós, en qui és vera trinitat, lexam
aquest libre per memòria ».
53
Llibre dels Fets..., cap. 52: « E axí plàcia a nostre Seyor, qui aquest cort ha així ajustada». Jaime puso
el pensamiento en la boca del arzobispo de Tarragona, Aspàreg.
54
Llibre dels Fets..., cap. 105: « pus Déus nos ha feyta tanta de gràcia que·ns ha donat regne dins en
mar».
55
Llibre dels Fets..., cap. 129.
56
Llibre dels Fets..., cap. 174: « Mas nostre Seyor Jhesuchrist sap les coses con se deuen fer e con deu
ésser: a aquels qui ben vol fa’ls fer lo meylor; e aytal se fes a nós, que no volch que preséssem mal ni
colp, e presem la vila».
57
Llibre dels Fets..., cap. 266: «.I. balester tirà’ns e de part lo capel de sol e·l batut donà’ns en lo cap ab lo
cayrel, prop del front. E, Déus que ho volch, no trespassà lo test, e exí’ns bé a la maytat de la testa la
punta de la sageta».
El rey Jaime I de Aragón y la guerra santa 313
que Dios nos había otorgado a ruegos de su bendita madre» 58. No hay nada
excepcional en todo esto salvo su exclusividad. Quizá con la única excepción
de su segunda esposa, Violante59, para Jaime casi toda la ayuda que recibió, la
recibió de Dios y de Santa María. Una reflexión quizá triste acerca de la vida
de un hombre que perdió a sus padres cuando tenía cinco años y no pudo
confiar en sus consejeros hasta después de una minoría larga y agitada.
Las guerras estaban reguladas por la Iglesia. En el Llibre, la Misa era un
suceso regular para el rey y sus tropas, y todo el mundo recibía la comunión o
antes de la campaña o antes de la batalla60. El rey se confesaba con regularidad
y ciertamente esperaba a sus hombres para confesarse y hacer penitencia61.
Según Desclot, bien informado sobre la conquista de Mallorca, y como ha
mostrado Alvira, Jaime aconsejó a sus tropas antes de la batalla de Portopí que
«cada uno debe pensar en confesarse y hacer penitencia por sus pecados» 62; y
en el día de Navidad y de fin de año, el rey y su ejército oyeron Misa,
confesaron sus pecados, y recibieron la comunión63. En el Llibre, los soldados
reciben las promesas firmes de los obispos y del propio Jaime de que
obtendrán el paraíso si mueren en la batalla. El obispo Berenguer de
Barcelona, en su sermón antes de la batalla de Portopí, les promete que «los
que mueran en esta acción, morirán por nuestro Señor y alcanzarán el paraíso,
donde tendrán gloria eterna para siempre» 64. El mismo Jaime, mandando al
desgraciado Bernat Guillem d’Entenza a una muerte inevitable en El Puig,
alienta a su primo: «Si Dios os permite cumplir el servicio que os mandamos
que nos hagáis, yo os haré el hombre más venerado de mi reino; y si morís en
servicio de Dios y nuestro, no puede fallar que obtengáis el paraíso» 65. Hay
que decir que los santos, por lo general, están ausentes de las campañas de
Jaime, salvo en la toma de Palma, donde Jaime nos informa que se apareció
58
Llibre dels Fets..., cap. 451.
59
Sobre su vida y su influencia, Oliver BRACHFELD, Violante de Hungría, Barcelona, 1942.
60
Llibre dels Fets..., cap. 19, 22, 31, 61-63, 83-84, 122, 139, 156, 183, 194, 201, 217, 224, 230, 232, 259,
303, 314, 321, 361, 364, 376, 380, 445, 451, 474, 539, 562.
61
Llibre dels Fets..., cap. 224, 426.
62
Bernat DESCLOT, Crònica, ed. Miquel Coll i Alentorn, Barcelona, 1999, cap. 36: « Déus és ab nos
e desbaratar-los hem. E cascú pens de confessar e de penetenciar de sos pecats, e treball-se per nostre
Senyor, que Ell soferí molt gran treball per nós, tro a la mort»; Martín ALVIRA CABRER, «La
conquista de Mallorca según la Crònica de Bernat Desclot», En la España Medieval, 19 (1996),
pp. 37-50.
63
B. DESCLOT, Crònica..., cap. 47: « E tuit anaren oir les misses, e confessaren e combregaren».
64
Llibre dels Fets..., cap. 62: « E devets fer aquest comte: que aquels qui en aquest feyt pendran mort,
que la pendran per nostre Seyor, e que hauran paradís hon auran glòria perdurabla per tots tems; e
aquels qui viuran hauran honor e preu en sa vida e bona fi a la mort».
65
Llibre dels Fets..., cap. 207: « Si Déus vos lexa complir aquel servici que nós vos manam que·ns façats,
jo us faré el pus honrat hom del meu regne ; e, si vós morits en servici de Déu e nostre, parayvs no us pot
falir que vós no l’hajats».
314 Damian J. Smith
San Jorge, aunque él no lo vio66. Aunque las guerras fueran combatidas «al
servicio de Dios» y «por el honor de Dios», como Jaime dice muchas veces67,
y aunque el rey expresa su deseo «de convertir o destruir a los que no creen
en Dios» 68, al mismo tiempo las justificaciones de sus guerras eran a menudo
más mundanas. En el sitio de Valencia, Jaime declaró que había ido contra
Zaén porque «cuando fuimos a Mallorca para conquistarlo, vino a atacar
nuestra tierra» 69. Jaime fue muy feliz cuando algunos de sus caballeros fueron
capturados cerca de Játiva, porque tuvo una excusa para romper todos sus
tratados y atacar la ciudad70. En Mallorca, el mensajero del rey dijo al
gobernador musulmán que le había ofendido porque había robado uno de sus
barcos, y es cierto que aunque Jaime subrayó sus motivos religiosos en la corte
de Barcelona, un testigo de esta misma corte recordó que Jaime había hablado,
sobre todo, de su barco perdido71. Y este motivo lo confirma Desclot72. Lo que
dice el rey y lo que habría querido decir no son siempre la misma cosa.
Jaime habla de la Tierra Santa. Generalmente habla de Oltramar (19 veces) y
una vez habla de Oltramer73. Habla cuatro veces de la sancta terra de Oltramar
(la tierra santa de Ultramar)74, y en el capitulo 526 se refiere a la terra sancta sin
referencia a Oltramar75. ¡Así que Tierra santa existía!; en otras tres ocasiones
Jaime se refiere específicamente al Sepulcro76. La Biblia que tenían en España
era la misma que tenían en todas partes. Los Evangelios que leían en la Misa
cada domingo eran los mismos evangelios. Jesucristo nació, creció, predicó,
sufrió su pasión, murió y resucitó en los mismos lugares. Por esta razón, el
entusiasmo por los Santos Lugares era el mismo, el deseo por verlos era el
mismo, la reverencia por ellos era la misma. Por eso, los peregrinos de
Cataluña visitaron Tierra Santa durante muchos siglos77. Por eso, PedroI de
66
Llibre dels Fets..., cap. 84: « E, segons que·ls sarraïns nos comtaren, deÿen que viren entrar primer a
caval .I. cavaller blanch ab armes blanques; e açò deu ésser nostra creença que fos sent Jordi, car en
estòrias trobam que en altres bataylas l’an vist de christians e de sarraïns moltes vegades».
67
Por ejemplo, Llibre dels Fets..., cap. 388, 390.
68
Llibre dels Fets..., cap. 56.
69
Llibre dels Fets..., cap. 275.
70
Llibre dels Fets..., cap. 361.
71
Llibre dels Fets..., cap. 48, 76. Sobre P. de Castronolo, ciudadano de Barcelona y testigo de la
corte de 1228, Donald K AGAY, «The Emergence of “Parliament” in the Thirteenth-Century
Crown of Aragon: A View from the Gallery», On the Social origins of Medieval Institutions... (n.
27), p. 237.
72
B. DESCLOT, Crònica..., cap. 14; también M ARSILI, Crónica latina..., II, cap. 29, p. 194.
73
Llibre dels Fets..., 1, p. 281
74
Llibre dels Fets..., cap. 476, 523, 526, 527.
75
Llibre dels Fets..., cap. 526: « E dix [GregorioX] que havia gran goyg de nostra venguda e que havia
esperança en Déu que, ab nós e ab los altres, Déus li daria son conseyl, tal, que a la Sancta Terra seria
profitós, e per aquel se goanyaria».
76
Llibre dels Fets..., cap. 476, 482, 527.
77
Josep GUDIOL I C UNILL, «De peregrins i peregrinatges religiosos Catalans», Analecta Sacra
Tarraconensia, 3 (1927), pp. 93-119.
El rey Jaime I de Aragón y la guerra santa 315
Aragón en 1100 aceptó la cruz para ir a Jerusalén78. Por eso, cuando PascualII
prohibió a los españoles luchar en la Tierra Santa, los testamentos de Urgell
nos muestran un aluvión de peregrinos que marchan a Oriente79. Por eso, San
Oleguer, y otros, como Diego Gelmírez de Compostela, ligaron la guerra en
España con la batalla por la Tierra Santa80. Por eso tenemos los vínculos entre
los Templarios, los Hospitalarios, y, por supuesto, la Orden del Santo Sepulcro
en Aragón y sus homólogos en Oriente81. Por eso casi todas las crónicas
catalanas de la época hablan de la captura de Jerusalén y todas hablan de su
pérdida en 118782. Por eso, PedroII de Aragón intentó casarse con María de
Montferrato en 1206, prometiendo ayuda militar a la Tierra Santa83. Por eso,
cuando JaimeI capturó la ciudad de Valencia en 1238, al ver su estandarte en
lo alto de una torre, se apeó del caballo, miró hacia Oriente, y, con lágrimas en
los ojos, besó la tierra por la gran merced que Dios le había hecho84.
78
Colección diplomática de Pedro I de Aragón y Navarra, ed. Antonio Ubieto Arteta, Zaragoza, 1951,
n. 6; Antonio UBIETO ARTETA, «La participación navarro-aragonesa en la primera cruzada»,
Principe de Viana, 8 (1947), pp. 357-383; Marcus BULL, Knightly Piety and the Lay Response to the
First Crusade, Oxford, 1993, p. 96.
79
Regesta Pontificum Romanorum, ed. Philipp Jaffé, revised by Samuel Loewenfeld, Leipzig, 1885,
n. 5812, 5863; Cebrià BARAUT, «Els documents, dels anys 1101-1150, de l’Arxiu Capitular de
la Seu d’Urgell», Urgellia, 9 (1988-1989), n. 1191, 1197, 1218, 1233, 1244, 1261, 1265, 1280, 1281,
1292, 1337, 1395, 1396, 1452, 1467, 1478.
80
Sobre la vida de Oleguer, España Sagrada, 19, pp. 472-492; Gener GONZALVO I B OU , Sant
Oleguer (1060-1137): Església i Poder a la Catalunya Naixent, Barcelona, 1998. Sobre Diego
Gelmírez y las cruzadas, Historia Compostellana (CCCM, 70), ed. Emma Falque, Turnhout, 1988,
lib. 2, cap. 78; Richard A. FLETCHER, Saint James’ Catapult. The Life and Times of Diego Gelmírez
of Santiago de Compostela, Oxford, 1984.
81
Alan FOREY, The Templars in the Corona de Aragón, Londres, 1973; María B ONET , La Orden del
Hospital en la Corona de Aragón. Poder y gobierno en la castellanía de Amposta (siglos XII-XV),
Madrid, 1994; Nikolas JASPERT, Stift und Stadt. Das Heiliggrabpriorat von Santa Anna und das
Regularkanonikerstift Santa Eulàlia del Camp im mittelalterlichen Barcelona, 1145-1423, Berlin,
1996; ID., « Capta est Dertosa clavis Christianorum : Tortosa and the crusades», en J. Phillips y
M. Hoch (ed.), The Second Crusade: Scope and Consequences, Manchester, 2001. En 1172, en el
acuerdo entre los hermanos de Santiago y Ávila, se acordó que, después de la derrota de los
musulmanes en España, cruzarían a África para avanzar hacia Jerusalén (J. O’CALLAGHAN ,
Reconquest and Crusade..., p. 54).
82
Por ejemplo, Cronicó de Perpinyà, ed. Josep Moran, Montserrat, 1998, pp. 11-12; Chronicon
alterum Rivipullense, en Jaime VILLANUEVA, Viage literario a las iglesias de España (VL), Madrid,
1803-1852, 22 vol., 5, p. 249; Alterum Chronicon Rotense, VL, 15, p. 332-335; Cronicon Dertusense
I, VL, 5, p. 234; Cronicon Dertusense II, VL, 5, pp. 236, 240.
83
ACA, perg. Pere I, n. 242; Johannes VINCKE , «Der Eheprozess PetersII von Aragon
(1206–1213)», Gesammelte Aufsätze zur Kulturgeschichte Spaniens, 5 (1935), n. 1, pp. 164-166.
84
Llibre dels Fets..., cap. 282: « E, quan vim nostra senyera sus en la torre, descavalgam del caval e
endreçam-nos ves horient e ploram de nostres uyls e besam la terra per la gran mercè que Déus nos
havia feyta ».
316 Damian J. Smith
85
Documentos de GregorioIX... , n. 414; La documentación pontificia de InocencioIV... , 1, n. 88, 94,
104; J. G OÑI GAZTAMBIDE, La bula de la cruzada..., pp. 178-183.
86
La documentación pontificia de InocencioIV… , 1, n. 285; Robert BURNS, «The Loss of Provence.
King James’s Raid to Kidnap its Heiress (1245): Documenting a Legend», C H C A, XII,
Montpellier, 1987-1988, 3 vol., 3, pp. 195-231.
87
Ernest MARCOS H IERRO, Die Byzantinisch-Katalanischen Beziehungen im 12. und 13. Jahrhundert
unter besonderer berücksichtigung der Chronik Jakobs I von Katalonien-Aragon, München, 1996, pp.
217-218; Robert BURNS , «The Crusade against al-Azraq: A Thirteenth-Century Mudejar
revolt in International Perspective», American Historical Review, 93 (1988), pp. 80-106.
88
Colección de documentos inéditos del Archivo de la Corona de Aragón, ed. Prospero de Bofarull y
Mascaró, Barcelona, 1847-1910, 47 vol., 6, 153-154; F. S OLDEVILA, Pere el Gran..., 2, p. 95.
89
Documentos de Jaime I…, 4, n. 1200; Diplomatarium of the Crusader-Kingdom of Valencia: The
Registered Charters of Its Conqueror, Jaume I, 1257-1276, ed. Robert Burns, Princeton, 1985-2001, 3
vol., 2, n. 360a.
90
Llibre dels Fets..., cap. 487.
91
F. SOLDEVILA, Pere el Gran…, 1, pp. 122-123.
92
Documentos de ClementeIV…, n. 127, 171. En una carta al rey Luis de 14 de enero de 1268
(Potthast, 20222), Clemente expresó sus dudas sobre los recursos financieros de Jaime: « ad
regem Aragonum legatum mittere cardinalem, nec decet, nec expedit, quia tenuis esset legatis et
angusta, nec regnorum suorum decima ad X. millia, prout dicitur, librarum ascendit. Paratus tamen
rex esset ad transitum, si pecunia non deesset».
93
E. M ARCOS H IERRO , Die Byzantinisch-Katalanischen Beziehungen…, pp. 346-357; William
Chester JORDAN, LouisIX and the Challenge of the Crusade , Princeton, 1979, pp. 31-32, 199-200.
El rey Jaime I de Aragón y la guerra santa 317
94
Llibre dels Fets..., cap.. 476, 482; Odilo ENGELS, «El rey Jaime I y la política internacional del
siglo XIII», CHCA, X, 1, p. 238. En 1269, hubo negociaciones entre los representantes de los
mongoles, Miguel, el papado, Luis y Carlos (Annales Ianuenses, MGH, 18, p. 264: « Ipso etiam
anno venerunt ad civitatem istam legati soldani Babilonie et nuncii Tartarorum et imperatoris
Grecorum causa loquendi cum summo pontifice et cum regibus Francorum et Sicilie, et in hac civitate
steterunt per multos dies, et postea discesserunt ad partes sicut creditur ad quas missi fuerant: quid
autem fecerint vel quid proposuerint, notum non fuit omnibus»). En 1265, en un tratado entre
Venezia y el Imperador, Miguel había considerado Jaime un enemigo potencial (Gottlieb
TAFEL y Georg THOMAS, Urkunden zur älteren Handels- und Staatsgeschichte der Republik Venedig
2-3, Vienna, 1856-1857, 3, p. 79).
95
Carlos de AYALA MARTÍNEZ, «Reflexiones en torno a la cruzada Aragonesa de 1269», en J. de
la Villa (ed.), Dona Ferentes: Homenaje a F. Torrent, Madrid, 1994, p. 23; Llibre dels Fets, cap.
480: « Rey, esta vostra ida que vos queredes fer, Déus lo sabe que nos pesa d’una part e nos plaç
d’otra. Pésa-nos porque a tan gran ventura queredes meter vostre cuerpo e con tan terribla gent
e tan luny. E plaçnos, si vós tan gran bé podedes haver per christianos como vos cuydades; e
assí placia a Dios que sia. E, pus non lo vos podemos destorbar (tanto lo havedes a coraçó), non
quero que vos hi vaades menos de mi aiuda, car assí lo feystes vós a mi quant menester m’era,
que m’aiudades ; e aiudarvos he de .C. mil morabetins d’oro e de .C. cavalos». En 1269,
Alfonso y el infante Pedro de Aragón estaban negociando alianzas en Italia para disminuir el
poder de Carlos de Anjou (Annales Placentini, MGH, 18, p. 535: « Eodem tempore rex Castelle et
infans dom Petrus primogenitus regis Aragonensis transmiserunt in Lombardiam Raymundinum de
Mastagiis, civem Cremone, cum litteris credencie ad amicos imperii in Lombardia et in Tuscia in
malum et decrementum regis Karoli comitis Provincie. Ille rex Castelle propter regem don Anricum
fratrem suum, quem in carceribus detinet, et infans dom Petrus propter regem quondam Manfredum
socerum eius quem ipse Karolus occidit aufferrendo sibi regnum Sicilie, quod ad se dicit pertinere pro
uxore eius. Qui tantum operatus est in Lombardia pro ipsis regibus, quod amici omnes imperii de
Lombardia suos syndicos et procuratores ad regem Castelle et ad infantem dom Petrum pro factis et
imperii transmiserunt, scilicet Gualterium Rignam civem Papie»).
96
Llibre dels Fets..., cap. 481; C. de AYALA MARTÍNEZ, «Reflexiones ... », pp. 25-26 remarca que,
de hecho, Jaime recibió ayuda de las órdenes dentro y fuera del reino de Aragón.
97
Joaquín MIRET I S ANS , Itinerari de Jaume I ‘El conqueridor’, Barcelona, 1918, pp. 418-434; José
Miguel GUAL LÓPEZ y Juan ZAFRA SERRANO, «Nuevas aportaciones al itinerario de Jaime I el
Conquistador», CHCA, X, 2, pp. 86-87; Jesús Ernesto MARTÍNEZ FERRANDO, La tragica storia
dei re di Maiorca, Cagliari, 1993, p. 44 ; C. de AYALA MARTÍNEZ, «Reflexiones...», p. 25, n. 21;
R. BU R N S , Diplomatarium..., 3, n. 981; E. MARCOS H IERRO, Die Byzantinisch-Katalanischen
Beziehungen..., pp. 376-390.
318 Damian J. Smith
comerciantes catalanes, y dotar con tierras a los hijos bastardos del rey, Pedro
Fernández de Híjar y Fernando Sánchez de Castro98.
Los detalles de la expedición han sido bien tratados en los estudios de
Röhricht, Carreras y, más recientemente, en la tesis de Ernest Marcos Hierro
sobre las relaciones entre Cataluña y el Imperio Bizantino en el siglo XIII, leída
en Munich99. Jaime embarcó en Barcelona el miércoles 4 de septiembre de
1269100. El 5 de septiembre, con el consejo de Ramon Marquet, Jaime regresó a
tierra brevemente porque ya fue separado del resto de la flota y no podría
encontrarla en el mar101. Después de dos días de buen tiempo, el 7 de
septiembre la flota se vio atrapada por las tempestades y los barcos se
dispersaron102. Durante los siguientes cinco días, Jaime no pudo prácticamente
avanzar, de modo que el obispo de Barcelona y los maestres de los Templarios
y los Hospitalarios, con mucha otra gente, aconsejaron a Jaime que no
continuara el viaje103. Jaime dudó e intentó continuar cuando el tiempo mejoró,
pero después de unos breves momentos de esperanza, incapaz de seguir
avanzando, Jaime abandonó la aventura y volvió a Montpellier el 17 de
septiembre, regresando después a Cataluña104.
Sus hijos, sin embargo, con unos 11 barcos y unos 440 caballeros, 20
arqueros de caballo y 163 arqueros de a pie105, continuaron hasta Tierra Santa
(al final, la fuente quizás más interesante de esta expedición es el Llibre de
Racions, que proporciona detalles sobre las necesidades del ejército)106. En
Acre, recibieron ayuda financiera del emperador Miguel107. La reducción en el
número de tropas de Pedro Fernández, ahora jefe de la expedición, entre
septiembre y diciembre puede ser indicativa de una acción militar, aunque lo
cierto es que el 18 de diciembre de 1269, en Acre, hubo una acción significativa
entre el ejército del sultán Baybars y los caballeros de la cruzada, que podemos
reconstruir gracias a El Templario de Tiro, L’estoire de Eracles y los Annales de
98
Charles DUFOURCQ, «Vers la Méditerranée orientale et l’Afrique», CHCA, X, pp. 8-9; también
hubo rumores sobre que Jaime quería casar a una de sus hijas con el rey de los mongoles:
Annales Placentini..., p. 536: « Eodem tempore de mense Augusti proxime preterito rex Aragoni cum
quantitate militum armatorum transivit ultra mare pro danda filia sua in uxorem regi Tartarorum
sicut publice ferebatur, set propter turbationem maris reversus est ad propria quod non potuit ire ».
99
Francesch CARRERAS I CANDI, «La creuada a Terra Santa (1269–1270)», CHCA, I, 1, pp. 106-
138; Reinhold RÖHRICHT, «Der Kreuzzug des Koenigs JacobsI. von Aragonien», Mitteilungen
des österreichischen Instituts für Geschichtsforschung, 11 (1890), pp. 372-395; E. MARCOS HIERRO,
Die Byzantinisch-Katalanischen Beziehungen..., n. 86.
100
Llibre dels Fets..., cap. 484.
101
Llibre desl Fets..., cap. 485.
102
Llibre dels Fets..., cap. 485-486.
103
Llibre dels Fets..., cap. 488.
104
Llibre dels Fets…, cap. 490-494.
105
F. CARRERAS I CANDI, «La creuada...», p. 121.
106
ACA, Reg. 17, fol. 117-144; F. C ARRERAS I CANDI, «La creuada...», pp. 123-38.
107
F. C ARRERAS I CANDI, «La creuada...», p. 122; J. GOÑI GAZTAMBIDE, Historia de la bula...,
p.214.
El rey Jaime I de Aragón y la guerra santa 319
Terre Sainte108. Desde una colina situada cerca de las murallas de Acre los hijos
de Jaime pudieron ver un ejército de 3.000 sarracenos e incitaron a los
Templarios y los Hospitalarios que estaban con ellos a atacarlos, pero las
órdenes militares rechazaron esta propuesta109. Y no sin razón, ya que al
mismo tiempo los caballeros de Robert de Crésèques y Oliver de Termes, que
regresaban de una correría contra Montfort, quedaron atrapados en una
emboscada por una fuerza mucho mayor de Baybars, un ejército que había
sido escondido a la visión que los hijos de Jaime tenían desde Acre. Contra el
consejo de Oliver, Robert insistió en luchar contra la fuerza superior de los
sarracenos110. Sabemos que dos caballeros de la Corona lucharon, porque en
marzo de 1271 Jaime compensó a Galceran de Pinós y a la familia de su
hermano, el fallecido Ramon de Saguàrdia, « pro bestiis mularibus quas dicti
milites amisserunt in praelio quod cum sarracenis habuerint »111, y otra vez en
marzo de 1272 por sus pérdidas « in bello quod cum sarracenis habuerint in
partibus Accone » 112. Desde Acre los Templarios y los Hospitalarios, los
caballeros alemanes y Pedro Fernández pudieron ver la batalla y quisieron
intervenir, pero Pedro Fernández, reconociendo la superioridad numérica de
los sarracenos, decidió no entrar en combate con sus tropas y las órdenes
militares para salvar la vida de unos pocos hombres113. Murieron más de 200
cristianos, incluidos Robert, y el hermano de Oliver de Termes114. Parece que
dos sobrinos de Oliver fueron capturados y, con ellos, un caballero catalán
llamado Cordate, aunque no es posible identificar este nombre en el Llibre de
Racions. Cordate escapó, volvió a Acre y pudo informar el patriarca del número
de tropas del sultán, gracias a lo cual se supo que si las fuerzas cristianas
hubieran entrado en combate con el ejército que habían visto, sin duda habrían
sido masacradas115.
Pedro Fernández y sus caballeros volvieron a Cataluña en el verano de
1270 sin gloria116, mientras que Fernando Sánchez ofreció sus servicios a
108
The ‘Templar of Tyre’: Part III of the ‘Deeds of the Cypriots, trad. Paul Crawford, Aldershot, 2003;
L’estoire de Eracles Empereur et la conqueste de la Terre d’Outremer (RHC-HOc, 2), Paris, 1859;
Reinhold RÖHRICHT y Gaston RAYNAUD (ed.), «Annales de Terre Sainte», Archives de l’Orient
Latin, 2 (1884), pp. 427-461; E. MARCOS HIERRO, Die Byzantinisch-Katalanischen Beziehungen…,
pp. 425-429.
109
The ‘Templar of Tyre’…, cap. 350, p. 53.
110
The ‘Templar of Tyre’…, cap. 351, pp. 53-54.
111
J. MIRET I SANS, Itinerari..., p. 447.
112
J. MIRET I SANS, Itinerari..., p. 464.
113
Eracles…, p. 457.
114
«Annales de Terre Sainte…», p. 454; Eracles…, p. 457; The ‘Templar of Tyre’…, cap. 351, p. 54.
Ibn al-Fura—t, (Ayyubids, Mamluks and Crusaders. Selections from the Ta—rikh al-Duwal Wa’l-Mulu—k
of Ibn al-Fura—t, trad. Ursula y Malcolm C. Lyons, Cambridge, 1971, 2 vol., 1, p. 173, 2, p. 138)
habla de la muerte de un sobrino del rey Jaime, pero no hay ninguna mención de esto en las
fuentes cristianas.
115
The ‘Templar of Tyre’…, cap. 351, pp. 53-54.
116
J. MIRET I SANS, Itinerari..., pp. 437-443.
320 Damian J. Smith
117
Alcuni fatti riguardanti Carlo I. Di Angiò, 1252–1270, Naples, 1874, 97, 104-105, 110; Riccardo
FILANGIERI, I registri della cancelleria angioina, Naples, 1950-2003, 47 vol., III, 109 ; IV, 60, 130;
B.D ESCLOT, Crònica..., cap. 70; Llibre dels Fets..., cap. 550; Deno John GEANAKOPLOS, Emperor
Michael Palaeologus and the West 1258-1282: a study in Byzantine-Latin relations, Harvard, 1959,
pp. 219-220; F. SOLDEVILA, Pere el Gran…, 1, pp. 360-375; R. RÖHRICHT, «Der Kreuzzug des
Koenigs JacobsI…», p. 380.
118
Llibre dels Fets..., cap. 476-493.
119
Eracles…, p. 457; Guillaume de P UYLAURENS, Historia Albigensium, RHGF, 20, cap. 50, p. 774.
120
Documentos de ClementeIV... , (05/07/1266) n. 74.
121
Diplomatarium..., 3, n. 817, 838, 893, 903, 976; Alicante y su territorio en la época de JaimeI de
Aragón, ed. José Martínez Ortiz, Alicante, 1993, n. 455, 465-6, 471, 482, 488, 503, 506-7.
122
Santiago H ERNÁNDEZ , «La maltempsada de la Mare de Déu de Setembre de 1269», Acta
Mediaevalia, 10 (1989), pp. 489-516. Las fuentes musulmanas contemplaron la intervención
divina en los vientos que destruyeron las ambiciones de Jaime (Ayyubids, Mamluks and
Crusaders…, 1, p. 173, 2, 137: « But God, great and glorious, sent down troublesome winds which
wrecked a number of their ships, after which no more was heard of them »; AL-MAQRIZ — I—, Histoire des
sultans Mamlouks de l’Egypte, trad. Étienne Quatremère, París, 1837-1845, 2 vol., p. 77: « Mais
Dieu fit souffler un vent violent, que détruisit un grand nombre de ces bâtiments ; et l’on n’entendit
plus de parler des autres vaisseaux, ni des hommes qui les montaient »).
El rey Jaime I de Aragón y la guerra santa 321
123
Llibre dels Fets..., cap. 528-542; en Julio de 1275 GregorioX recordó a Jaime sus propuestas
criticando al mismo tiempo la vida privada del rey (Documentos de GregorioX... , n. 192).
124
Llibre dels Fets..., cap. 56: « pus en nom d’él anam, havem fiança en él que nos guiarà».
125
Llibre dels Fets..., cap. 487: « sembla-nos que nostre Seyor no vol que nós passem en Oltramar».
126
Llibre dels Fets..., cap. 426.
Regards croisés sur la guerre sainte, pp. 323-358.
Desde finales del siglo XI hasta los últimos años del siglo XIII, las tierras
situadas en los extremos oriental y occidental de la cuenca mediterránea
fueron escenario de un violento y prolongado conflicto entre la Cristiandad y
el Islam. En ambas áreas los latinos protagonizaron dos procesos de expansión
frente a sus vecinos “infieles” cuyas evoluciones y finales tuvieron signos
completamente distintos : al cabo de dos siglos, las fronteras que la
Cristiandad latina había intentado construir, dilatar y sostener en Oriente
fueron totalmente barridas ; por el contrario, en la Península Ibérica, a pesar
de las presiones de los diversos imperios norteafricanos que de manera más o
menos intensa se implicaron en la defensa del Islam en al-Andalus –
almorávides, almohades, benimerines –, los reinos cristianos lograron derrotar
y acabar con las expresiones políticas de sus enemigos musulmanes, expandir
las fronteras hacia el sur y arrinconar al Islam residual en las áreas montañosas
del sudeste peninsular, en torno al sultanato de Granada.
No pocos contemporáneos entendieron que aquellos dos procesos
históricos, las cruzadas y la Reconquista, formaban parte de un mismo
“acontecimiento” o que, si se quiere, representaban dos frentes de un mismo
conflicto: el que oponía a la Cristiandad con el Islam por unas tierras que, en
Oriente y en Occidente, los musulmanes habían injustamente arrebatado a los
cristianos y mantenían dominadas sin derecho. Más aún, en algún momento
aquellas fronteras – las hispánicas y las jerosolimitanas – llegaron a
presentarse no como frentes distintos de una misma guerra, sino como dos
escenarios bélicos interconectados, por cuanto que desde uno – el Peninsular –
podía trazarse un camino alternativo que condujera directamente y con mayor
facilidad al Sepulcro del Señor. Dado el paralelismo con el que se percibía la
insistir en ello porque estamos ante uno de los axiomas de la guerra medieval:
el control permanente de cualquier territorio, de los hombres que lo habitaban
y de las riquezas que producían solo resultaba posible en tanto que se
poseyeran sus lugares fortificados, y ello es tan válido para la situación de los
francos y de los musulmanes en Tierra Santa, como para la de los cristianos,
andalusíes y norteafricanos en el mundo hispánico2. Todo plan de expansión o
de conquista abocaba a sus patrocinadores a emprender una ardua lucha por
la dominación de los principales puntos fuertes : ningún invasor, por nutridas
que fueran sus fuerzas o por destructivas que fueran sus acciones, podía
anexionarse y afianzarse en un espacio determinado en tanto que no tomara
posesión de los centros amurallados; desde el punto de vista contrario,
ningún territorio invadido se perdería en tanto que los agredidos pudieran
conservar sus bases fortificadas.
Se entiende, por tanto, que tanto en el mundo hispánico como en Tierra
Santa, la guerra acabase girando, esencialmente, en torno a la captura o el
mantenimiento de los puntos fuertes, un asunto que, en palabras de
Christopher Marshall, por otra parte plenamente coincidentes con las
apreciaciones de Raymond Smail, se convirtió en la llave de toda la historia
militar del Este Latino desde los orígenes de la presencia cruzada hasta el fin
de la misma3. Sabemos que el fenómeno no es exclusivo de este ámbito,
porque idénticas pautas de comportamiento pueden encontrarse por todos los
escenarios bélicos de Europa occidental durante el período medieval, siendo
esta característica una de las consecuencias más evidentes de lo que Claude
Gaier calificara como “estrategia obsidional”, es decir, de aquel reflejo
defensivo que impelía a cualquier población agredida a buscar la protección
de los recintos amuralladas dejando temporalmente indefenso el campo
abierto, obligando a los agresores que pretendieran conseguir algo más que el
botín o la destrucción de las tierras de sus enemigos, a empeñarse en costosas,
largas y complicadas campañas de conquista4. Y, como hemos indicado, la
2
Así lo demostró ampliamente Raymond C. SMAIL, Crusading Warfare, 1097-1193, Cambridge,
1995, p.65. Para el ámbito hispánico, Francisco GARCÍA FITZ , Castilla y León frente al Islam.
Estrategias de expansión y tácticas militares, Sevilla, 1998, pp. 51-52. Un análisis comparativo de
las funciones militares desarrolladas por las fortalezas en Tierra Santa y en la Península, cuya
solvencia nos exime de profundizar en estos aspectos, ha sido recientemente realizado por
Santiago PALACIOS ONTALVA, «Fortalezas y guerra santa. Un estudio comparado de algunos
aspectos de su funcionalidad en las fronteras de la Cristiandad», Espacio, Tiempo y Forma, Serie
III, Historia Medieval, 14 (2001), pp. 193-217.
3
Christopher MARSHALL, Warfare in the Latin East, 1192-1291, Cambridge, 1992, pp. 6 y 17; R. C.
SMAIL, Crusading Warfare…, pp. 24-25.
4
Claude GAIER, Art et organisation militaires dans le principauté de Liège et dans le comté de Looz au
Moyen Âge, Bruselas, 1968, pp. 40-46 y 204-217. Sus apreciaciones son perfectamente
trasladables a otros ámbitos medievales, como ya había subrayado Jan Frans VERBRUGGEN,
The Art of Warfare in Western Europe during the Middles Ages. From the Eight Century to 1340,
Amsterdam-Nueva York-Oxford, 1977, pp. 284-289, y, más recientemente, John FRANCE,
Victory in the East. A Military History of the First Crusade, Cambridge, 1994, pp. 26-27, al resumir
Cristianos contra musulmanes 327
8
J. FRANCE, Victory in the East…; C. M ARSHALL, Warfare in the Latin East…, pp. 145 y 210-211.
9
Ambrosio HUICI MIRANDA, Las grandes batallas de la Reconquista durante las invasiones africanas
(Almorávides, Almohades y Benimerines), Madrid, 1956.
10
Para Castilla-León, véase F. GARCÍA FITZ , Castilla y León frente al Islam… ; para Aragón, los
capítulos sobre «Navarra y Aragón» y «Aragón y Cataluña», de Ángel MARTÍN DUQUE y
José Á. SESMA M UÑOZ respectivamente, en M. Á. Ladero Quesada (ed.), La reconquista y el
proceso de diferenciación política (1035-1217), vol. IX de la Historia de España dirigida por Ramón
Menéndez Pidal, Madrid, 1998; para Mallorca y Valencia, F. Xavier HERNÁNDEZ , Història
militar de Catalunya, 2, «Temps de conquesta», Barcelona, 2002, pp. 87-107, y Pierre
GUICHARD, Al-Andalus frente a la conquista cristiana. Los musulmanes de Valencia (siglos XI-XIII),
Madrid-Valencia, 2001, pp. 531-567; para Portugal, R. ROGERS, Latin Siege Warfare in the
Cristianos contra musulmanes 329
Así, de este modo la más absoluta necesidad cayó sobre nosotros, porque los
turcos nos presionaban por todos los lados, de manera que ninguno se atrevía a
salir del campamento. Los turcos nos amenazaban por un lado y el hambre nos
atormentaba por el otro, pero no había nadie que nos ayudara o trajese ayuda. La
gente común y los que eran muy pobres huyeron a Chipre o Rum o al interior de las
montañas. No nos atrevíamos bajar al mar por temor a los turcos, y en ningún sitio
había una carretera abierta para nosotros.
Twelfth Century, Oxford, 1992, pp. 182-188, y Mário Jorge BARROCA, Luís Miguel DUARTE y
João Gouveia MONTEIRO, Nova História Militar de Portugal, 2003, 1, pp. 44-45.
11
Gesta francorum et aliorum Hierosolymytanorum (en adelante: GF) en RHC-HOc, 3, París, 1866,
pp. 135-136; RAIMUNDO DE AGUILERS, Historia Francorum qui ceperunt Iherusalem (en adelante:
330 Francisco García Fitz
13
Para el éxito de la aplicación de máquinas de asalto durante el cerco de Jerusalén, véase RA,
pp. 297-300; GF, p. 160; FC, pp. 357-359. Véase también J. FRANCE , Victory in the East…,
pp.325-366, en especial p. 334, para la carrera contra el tiempo, y R. ROGERS, Latin Siege
Warfare…, pp. 47-63.
14
De expugnatione Olisiponis A. D. MCXLVII, en PMHS 1, Lisboa, 1856, pp. 391-405. Sobre la
expugnación por fuerza en el ámbito castellano-leonés, véase F. GARCÍA FITZ , Castilla y León
frente al Islam…, pp. 223-240.
15
Primera Crónica General, ed. de Ramón Menéndez Pidal, Madrid, 1977, cap. 912 y 915 (en
adelante : PCG).
332 Francisco García Fitz
Cuando vieron [los musulmanes] que no podían dañarnos por ese lado
[mediante los ataques que emprendieron cerca de la ciudadela] nos rodearon por
completo, de tal manera que ninguno de nuestros hombres podía salir o entrar.
Como consecuencia, estábamos todos tan afligidos que muchos de nuestros
hombres, muriéndose de hambre y muchas otras carencias, mataron y se comieron
los caballos y los asnos16.
resistencia de los oponentes. Pero en adelante, una vez que contaron con la
estabilidad de una plataforma territorial, la incursión depredadora se convirtió
en el precedente inmediato del cerco. De hecho, una parte significativa de la
expansión de la presencia latina en el Levante mediterráneo responde a una
pauta de actuación – sobre la que llamó la atención R. C. Smail – en la que se
combinaba la erección de uno o varios puntos fuertes en el entorno inmediato
de la ciudad que se pretendía conquistar, con la realización desde ellos de
continuos ataques que erosionaban los recursos económicos de sus
contrincantes y los aislaban de sus puntos de suministro, hasta colocarlos en
una situación insostenible en la que la rendición era irremediable o la
resistencia muy atenuada.
Este sistema fue puesto en funcionamiento en diversas áreas, pero la mejor
demostración de su efectividad la encontramos en el proceso de conquistas de
las ciudades costeras: por ejemplo, en 1103 el conde de Saint-Gilles construyó
el castillo de Monte Pelegrino a cinco kilómetros de Trípoli, desde donde
algareó sus inmediaciones, arruinó sus fundamentos materiales y acabó con
sus recursos, en un proceso de erosión que duró seis años, hasta que
finalmente se rindió. En expresión de Guillermo de Tiro,
Igualmente, el cerco sobre Tiro no culminó hasta 1124, pero las operaciones
habían comenzado casi veinte años antes y básicamente habían consistido en
acciones de saqueo y destrucción emprendidas desde los contra-castillos que
se habían levantado en su entorno – Torón en 1107, a una distancia de quince
kilómetros, y Scandelion, construido en 1117 a solo siete –; Ascalón fue
conquistada por los cristianos en 1153, pero desde dos décadas antes sus
inmediaciones habían sido sistemáticamente destruidas y su población
sometida a una presión constante desde los castillos que sus enemigos habían
construido a su alrededor en Bait Gibrin – Gibelin –, Yibneh – Ibelin –, Tell es-
Safi – Blanche Garde – y Gaza. Las intenciones al construir estas últimas
fortificaciones eran manifiestas: al año siguiente de haber edificado Gibelin e
Ibelin, « contra Ascalonitarum superbiam se plurimum profecisse, et eorum ex
maxima parte represam insolentiam, impetus tardiores, debilitatos conatus, adjiciunt
tertium aedificare [Blanche Garde], ut amplioribus molestiis, et multiplicatis in
gyrum municipiis, urbem affligant, et quasi obsessis, frecuentius terrorem, et cum
terrore pericula incutiant magis repentina », mientras que la reedificación de
Gaza, al sur de Ascalón se hacía « ut sicut a septentrione et ab oriente fundatis in
334 Francisco García Fitz
gyrum municipiis eam quasi obsederant, ita eidem ab austro simul non deesset
stimulus ; et ex ea quoque parte continuis impugnaretur congressionibus, et
frequentibus lacesseretur insidiis ».
Conviene insistir en que, en todos los casos, las prácticas agresivas y
depredadoras puestas en marcha por las guarniciones de los contra-castillos,
articuladas en forma de pequeños ataques sobre personas y bienes, y no
mediante masivos asaltos directos contra las murallas, constituyen no solo la
fase previa de la conquista territorial, sino también la forma habitual del
conflicto bélico. Como ha subrayado R. Rogers, «la guerra en esta área se
centró en cabalgadas, escaramuzas y emboscadas características del “estilo
fronterizo” de guerra». Esta manera de combatir y de aplicar la guerra de
desgaste a los procesos de conquista territorial en Tierra Santa no fue exclusiva
de los cristianos, sino que también formó parte del bagaje militar de los
musulmanes. Tal fue, por ejemplo, la manera de actuar de Saladino en las
campañas casi anuales que emprendió contra el asentamiento latino a finales
de la década de los años setenta y los primeros ochenta del siglo XII. Teniendo
en cuenta el grado de empobrecimiento al que condenó a las posesiones
cristianas con estas acciones, no puede extrañar la magnitud de las
consecuencias territoriales que tuvo la derrota de Hattin en 1187. Igualmente,
los musulmanes desplegaron incursiones devastadoras como parte de su
estrategia para acabar con los estados latinos en la última fase de su historia,
especialmente a partir de 1260, como demuestran las actuaciones contra Tiro,
Trípoli, Antioquía o Acre desarrolladas con una cadencia casi anual, que
precedieron al establecimiento del cerco definitivo sobre estas ciudades19.
Sin duda, los efectos acumulativos de una sucesión de campañas de
destrucción durante varios años en una misma área tenían una incidencia
considerable sobre la riqueza, el abastecimiento, la estabilidad y la moral de
los afectados: cosechas destruidas, árboles arrancados o quemados,
instalaciones agrícolas desmanteladas, sistemas de riego inutilizados, ganado
robado, hombres cautivados o muertos, pequeñas fortificaciones arrasadas...
Tal era el panorama al que debían de hacer frente, a veces durante décadas, los
habitantes de una ciudad antes de que se intentara su conquista definitiva.
Esta pauta de comportamiento tenía grandes ventajas, por cuanto no solo
contribuía a una futura anexión, sino que era también una manera de combatir
perfectamente adaptada a las limitaciones económicas y organizativas de un
ejército medieval: no requería ninguna tecnología sofisticada, ni una
19
Para Trípoli, Torón y Ascalón, GUILLERMO D E TIRO, Historia rerum in partibus transmarinis
gestarum, en RHC-HOc, 1, París, 1844, pp. 441, 459, 638-639, 696-699 y 777-778 (en adelante:
GT). Véase también R. C. S MAIL , Crusading Warfare…, pp. 36, 148-156, 210-212; R. ROGERS,
Latin Siege Warfare…, p. 69. Para los últimos años del asentamiento latino : L’Estoire de Eracles
Empereur et la Conqueste de la Terre D’Outremer, (en adelante: Eracles), en RHC-HOc, 2, París,
1859, pp. 445-447; véase también C. MARSHALL, Warfare in the Latin East..., pp. 36-37, 44-45,
183-185, 188-190, 202-205 y 207-209.
Cristianos contra musulmanes 335
20
L UCAS DE T U Y , Chronicon mundi ab origine mundi vsque ad Eram MCCLXXIV (Hispaniae
Illustratae, 4), ed. de Andreas Schott, Francfurt, 1608, p. 100 (en adelante: C M ). Así lo
reconoció también el propio AlfonsoVI, quien caracteriza a las operaciones contra la ciudad
como « ocultis insidiarum » y « apertis incursionum deuastationibus » (José Antonio GARCÍA
LUJÁN, Privilegios reales de la Catedral de Toledo, 1086-1462, Toledo, 1982, 2, p. 17).
21
Antonio UBIETO ARTETA, Colección diplomática de PedroI de Aragón y de Navarra, Zaragoza,
1951, pp. 48-49 y 78-80, y doc. n. 20, p. 104, y n. 63, pp. 115-116. Véase también José María
LACARRA, «La conquista de Zaragoza por AlfonsoI», Al-Andalus, 12 (1947), p. 68, y Francisco
GARCÍA FITZ, «Guerra y fortificaciones en contextos de frontera. Algunos casos hispánicos de
la Plena Edad Media», en I. C. Ferreira Fernandes (ed.), Mil Anos de Fortificações na Península
Ibérica e no Magreb (500-1500). Actas do Simpósio internacional sobre castelos, Lisboa, 2002, p. 525.
El paralelismo también ha sido destacado por S. PALACIOS ONTALVA, «Fortalezas y guerra
santa…», pp. 212-216.
336 Francisco García Fitz
25
IBN SëA —HIB AL-SALA—, Al-Mann Bil-Ima—m a, ed. y trad. de Ambrosio Huici Miranda, Valencia,
1969, pp. 215-221 y Anales Toledanos I..., pp. 144-145.
26
Para Nicea, veáse RA, p. 239; GF, pp. 126-127; J. FRANCE , Victory in the East…, pp. 160-163.
Para el Lago de Antioquía, RA, pp. 246-247; GF, pp. 136-137; J. FRANCE, Victory in the East…,
pp. 245-252. Sobre Hattin, véase The Old French Continuation of William of Tyre, 1184-97, ed. y
Cristianos contra musulmanes 339
trad. de Peter W. Edbury en The Conquest of Jerusalem and the Third Crusade, Aldershot, 1998,
pp. 30-32, 34-35, 40-43 (en adelante: Continuatio); De expugnatione Terrae Sanctae per Saladinum
Libellus, ed. de J. Stevenson, Londres, 1875, pp. 218-226 (en adelante: Libellus); Eracles, pp. 45-
68; la carta de Saladino ha sido editada y traducida por C. P. MELVILLE y Malcolm C. LYONS,
«Saladin’s Hatti —n Letter», en Benjamin Z. Kedar (ed.), The Horns of Hatti—n , Jerusalem, 1992,
pp. 208-212, en especial pp. 210-211 para la cita. La bibliografía sobre esta última batalla es
abundantísima, así que baste citar el trabajo clásico de Joshua P RAWER , «The Battle of
Hatti—n », en ID ., Crusader Institutions, Oxford, 1980, pp. 484-500, y la más reciente
reconstrucción de Benjamin Z. KEDAR , «The Battle of Ha tti—n. Revisited», en ID . (ed.), The
Horns of Hattin..., pp. 190-207.
27
Para Almenar, Historia Roderici, ed. de Emma Falque, en Chronica Hispana Saeculi XII,
Turnholt, 1990, 13-16, pp. 52-54; para Uclés, Carta oficial de Abu—- l-Ta—h ir, ed. y trad. de
Ambrosio Huici Miranda, Las grandes batallas de la Reconquista…, pp. 120-133, y Abu—
Muhammad Ibn al Qatta—n, Nazm al-Yfluma—n, ibid., pp. 118-120.
28
J. BRADBURY, The Medieval Siege…, p. 71.
340 Francisco García Fitz
por lo que decidieron salir a su encuentro sin esperar a que avanzara. Con las
distancias debidas, el más famoso de los encuentros campales protagonizados
por las tropas de Ricardo Corazón-de-León contra las de Saladino en el marco
de la tercera cruzada – Arsuf, en septiembre de 1191 – igualmente puede
insertarse en este esquema, por cuanto que, después de todo, el objetivo de los
29
Para el Cuarte, Ibn ÔIda—ri— al-Marra—kusÿi—, Al-Baya—n al-mugrib fi ijtisa—r ajba—r muluk al-Andalus wa al-
Magrib, ed y trad. de Ambrosio Huici Miranda, Los Almohades, Tetuán, 1953, 1, pp. 78-84 y 94-
98 (en adelante: Al-Baya—n. I); Historia Roderici…, 62, pp. 87-89. Véase también Francisco
G ARCÍA F ITZ , «El Cid y la guerra», en Actas del Congreso Internacional “El Cid, Poema e
Historia”, Burgos, 2000, pp. 391-402. Para Antioquía, FC, pp. 345-350; RA, pp. 252-261; GF,
pp.142-153; la carta de Godofredo, Raymond de Saint-Gilles y Daimberto de Pisa al papa,
editada por D. C. MU N R O , «Letters of the Crusaders…», pp. 8-11, sugiere que fue la
insostenible posición de los cercados, por falta de víveres, lo que les impulsó a abandonar la
protección de las murallas y salir a dar la batalla; J. F RANCE, Victory in the East…, pp. 269-296.
Cristianos contra musulmanes 341
30
Sobre el Ager Sanguinis, GT, pp. 523-526; R. C. SMAIL, Crusading Warfare…, pp. 29-30 y 179-
180. Para Alarcos y sus consecuencias, véase CLRC, pp. 13-19; HRH, lib. VII, cap. XXX; Al-
Baya—n. I, pp. 185-203; Crónica General de Espanha de 1344, ed. de Luís Filipe Lindley Cintra,
Lisboa, 4 vol., 1951-1990, 4, cap. 754-755, pp. 310-316; Évariste LÉVI-PROVENÇAL, «Un recueil
des lettres officielles almohades. Étude diplomatique et historique», Hesperis, 27 (1941), doc.
35, pp. 66-67. Véase también A. HUICI MIRANDA, Las grandes batallas de la Reconquista…, pp.
137-216; Francisco GARCÍA F ITZ , «La batalla en su contexto estratégico. A propósito de
Alarcos», en R. Izquierdo Benito y F. Ruiz Gómez (ed.), Congreso Internacional Conmemorativo
del VIII Centenario de la batalla de Alarcos (1195-1995), Cuenca, 1996, pp. 267-282, y el
monográfico que a esta cuestión dedicó la revista Ejército en su número 643, año 54, agosto de
1993. Para Ascalón, GT, pp. 380-383; RA, pp. 302-307; GF, pp. 161-163; FC, pp. 362-363; Carta
de Godofredo, Raymond de Saint-Gilles y Daimberto de Pisa al papa, en D. C. MUNRO,
«Letters of the Crusaders…», pp. 8-11; véase también R. C. SMAIL, Crusading Warfare…,
pp.174-175, y J. FRANCE, Victory in the East…, pp. 360-365. Para Arsuf, Itinerario peregrinorum et
gesta regis Ricardi, ed. de William Stubbs, en Chronicles and Memorials of the Reign of Richard I,
Londres, 1864, 1, pp. 245-278 (en adelante: Itinerarium); Continuatio, p. 131; Carta de Ricardo
de Inglaterra al abad de Clairvaux, en P. W. EDBURY (ed.), The Conquest of Jerusalem…, pp. 179-
181; R. C. SMAIL, Crusading Warfare…, pp. 162-165; John GILLINGHAM, Richard I, New Haven-
Londres, 1999, pp. 172-178.
31
Libellus, p. 224.
342 Francisco García Fitz
práctica militar de Occidente y que así seguiría siendo incluso después de que
los cruzados volvieran a casa con la experiencia adquirida en Tierra Santa32.
Por ilustrar lo dicho, baste recordar que en Ascalón – agosto, 1099 –, los
tres cuerpos en los que se organizó el ejército cruzado fueron ordenados de tal
forma que los arqueros y demás peones formaron una línea avanzada que dio
protección a la caballería de los primeros ataques fatimíes – « ordinaverunt
quoque pedites et sagittarios, qui praecederent milites », indica Raimundo de
Aguilers –, hasta que en una segunda fase los jinetes cristianos pudieron
lanzar una carga que determinó el resultado de la jornada; igualmente, la
articulación del ejército cruzado encabezado por RicardoI en su marcha hacia
Jaffa y su encuentro con el contingente de Saladino en Arsuf – septiembre,
1191 –, representa otro ejemplo paradigmático de formación combinada en la
que la línea de arqueros y peones forma un muro protector de la caballería,
que solo interviene en un momento posterior empleando una carga. Un año
después, en agosto de 1192 ante las murallas de Jaffa, la formación táctica del
ejército de Ricardo Corazón-de-León también resulta modélica: una primera
fila de lanceros apostados con una rodilla en el suelo, protegidos con escudos,
con el asta de la lanza apoyada en el suelo y la punta dirigida contra el
enemigo:
Una segunda línea de ballesteros que, situados entre cada dos escudos y
apoyados por servidores que cargaban las armas para que la cadencia de
disparo fuera lo más rápida posible, debía mantener a los enemigos a
distancia: « inter quoslibet duos sic se clypeis protegentes unum statuit balistarium,
et alterum juxta ipsum, qui protensam expeditius jugiter aptaret balistam, ut videlicet
unius esset officium balistam tenendi, et alterius jugiter pila jaciendi ». Por último,
una pequeña fuerza de caballería, situada en el centro, que pasó al ataque
cuando se constató la debilidad de la presión islámica:
Quos cum rex et gens sua aestimarent non aliter acturos, super ipsorum ultetiori
perfunctorio subterfugio aegre ferentes, rex cum iis qui equos habebant, subditis equis
calcaribus et lanceis demissis, vehementius agebantur in hostium turbam densiorem,
prosternentes a dextris et a sinistris, sellas sessoribus evacuantes et nonnullus
transfodientes.
32
Ch. OMAN, A History of the Art of War…, pp. 296 y 355-358.
Cristianos contra musulmanes 343
Nuestra gente se preparó para recibir el impacto [de la carga islámica], unidos
unos a otros, fijando el pie derecho en la arena, de modo que permanecieron
sólidamente inamovibles contra los atacantes con las cabezas de sus lanzas hacia
delante [...] La primera línea de los turcos se aproximó y estuvo a punto de cargar,
pero como los nuestros esperaron sin moverse, de repente retrocedieron y volvieron
sobre sus pasos. Cuando los turcos se retiraron, nuestros ballesteros les
persiguieron con un denso lanzamiento de misiles, con lo cual mataron a muchos
hombres.
Así continuó con las sucesivas cargas musulmanas hasta que finalmente la
caballería cristiana pudo pasar al ataque33.
Actualmente, los especialistas han relativizado bastante la originalidad de
este rasgo, y no solo por el hecho de que no siempre los cruzados combinaron
las dos armas – de hecho en no pocas ocasiones lucharon por separado y,
cuando lo hicieron conjuntamente, fue más fruto de las circunstancias que de
una voluntad expresa –, sino también porque en el resto de Occidente la
coordinación de peones y caballeros no resultaba en absoluto desconocida34.
Desde luego, en las batallas que tuvieron lugar en la frontera occidental de la
Cristiandad contra el Islam la formación habitual de los ejércitos feudales
combinaba peones y caballeros. Hay que reconocer que no es fácil distinguir
los papeles que cada arma desarrollaba, por cuanto que las fuentes son muy
poco descriptivas, pero en todo caso lo que resulta indudable es la presencia
de ambas fuerzas. Más aún, alguna de las formaciones tácticas que son
descritas en las Partidas, como la denominada corral o cerca, recuerdan
vivamente a las empleadas por los cruzados en Tierra Santa35. No deja de ser
interesante, por otra parte, que sean las fuentes musulmanas, al referirse a la
formación de los ejércitos almorávides y almohades, las que más claramente
aludan a la combinación táctica de peones y jinetes para describir la forma de
actuar en campo abierto de estos contingentes. Tal vez haya sido al-Tu—rtusÿi—,
33
Para Ascalón, RA, p. 306; GF, p. 162; FC, p. 362; J. FRANCE, Victory in the East…, pp. 361-365;
para Arsuf y Jaffa, Itinerarium, pp. 262-275 y 415-420, la cita textual en pp. 416-417;
Continuatio, pp. 131, 139-140; Carta de Ricardo de Inglaterra al abad de Clairvaux..., 7c, pp.
179-181; R. C. Smail, Crusading Warfare…, pp. 163-165 y 188-189 respectivamente.
34
Se ha visto en esta formación una tradición mediterránea que no es específica del Medio Este.
Véase David N I C O L L E , Medieval Warfare Source Book, 2, «Christian Europe and its
Neighbours», Londres, 1996, p. 155. También J. F RANCE , Western Warfare in the Age of the
Crusades…, p. 161, constata su presencia en Occidente.
35
F. GARCÍA FITZ, Castilla y León frente al Islam…, pp. 373-383. El corral es una formación cerrada
de « omnes de pie que los paravan en tres azes unos en pos otros, e atavanlos a los pies porque non
pudiessen yr, e fazienles taner los cuentos de las lanças fincadas en tierra, e cuchiellas enderesçadas
contra los enemigos ; e ponen ante ellos piedras o dardos, o ballestas, o arcos con que pudiesen tirar e
defenderse de luenne » (Partidas, II, título 23, ley 15).
344 Francisco García Fitz
Por lo que al modo de resistir el choque se refiere, hay una excelente táctica que
observamos en nuestro país, y es la más eficaz que hemos puesto en práctica en la
lucha con nuestros enemigos ; consiste en poner en primer término a los infantes
con escudos completos, lanzas largas y dardos agudos y penetrantes. Formaban sus
filas y ocupaban sus puestos, apoyando las lanzas en el suelo a sus espaldas, con las
puntas enfiladas hacia el enemigo. Ellos se echaban a tierra, hincando cada cual su
rodilla izquierda en el suelo, y se ponía ante si el escudo levantado. Tras ellos se
colocan los arqueros escogidos, aquellos cuyas flechas traspasan las cotas de malla y
detrás de éstos la caballería. Al cargar los cristianos contra los musulmanes,
ninguno de los infantes se mueve de la posición en que se encuentra, ni nadie se
pone de pie, y así que el enemigo se aproxima, lanzan contra él los arqueros sus
flechas y los infantes los dardos, y los reciben con las puntas de las lanzas. Hacen
después frente a derecha e izquierda y sale la caballería musulmana por entre los
arqueros e infantes, y consigue contra el enemigo todo cuanto Dios quiere36.
36
AL-TUR — TUSI—, Lámpara de los príncipes, trad. de Maximiliano Alarcón, Madrid, 1930-1931, pp.
332-333. Los almohades pusieron en práctica los mismos dispositivos, como demuestra la
formación que adoptaron en la batalla de Minda—s, en las cercanías de Tremecén, de 1144, Al-
Hulal al-Mawsÿiyya. Crónica árabe de las dinastías almorávide, almohade y benimerín, trad. de
Ambrosio Huici Miranda, Tetuán, 1951, pp. 157-158.
37
J. FRANCE, Victory in the East…, pp. 370-371.
Cristianos contra musulmanes 345
volando con sus velosísimos caballos, que no los hay más ágiles en el mundo, con
su galope tan rápido como el vuelo de las golondrinas. Es costumbre de los turcos
que, cuando se dan cuenta de que sus perseguidores han cesado de seguirlos,
entonces ellos mismos dejan de huir. Como moscas fastidiosas que se alejan
rápidamente si las espantas y vuelven cuando dejáis de hacerlo, los turcos huyen
mientras los perseguís, pero en cuanto desistís están preparados [para
contraatacar]. Así son los turcos : cuando dejas de perseguirlos y te vuelves,
entonces ellos te siguen, si tu les persigues, ellos huyen ; de este modo, mientras el
rey [RicardoI] los perseguía con pertinancia ellos huían, cuando decidía volverse
ellos les amenazaban por la espalda, y así unas veces no escapaban impunes, pero
otras causaban mucho daño a los nuestros38.
38
Itinerarium, p. 247.
39
R. C. SMAIL, Crusading Warfare…, pp. 75-83; C. MARSHALL, Warfare in the Latin East…, pp. 158-
160. Matizaciones interesantes sobre la eficacia de los arqueros montados en Charles R.
B OWLUS , «Tactical and Strategic Weaknesses of Horse Archers on the Eve of the First
Crusade», en M. Balard (ed.), Autour de la Première Croisade, París, 1996, pp. 159-166.
346 Francisco García Fitz
las alas y el envolvimiento del enemigo, las huidas fingidas y las emboscadas
o el empleo de arqueros a caballo o a pie para provocar a sus adversarios, eran
moneda corriente. Los tratadistas y los guerreros experimentados conocían los
riesgos y las precauciones que debían tomarse. Con todo, en Zalaca y en Uclés
los efectivos castellanos fueron derrotados como consecuencia de una
maniobra en la que la caballería almorávide los sobrepasó por las alas y los
encerró; en Alarcos, los efectos de la arquería islámica son presentados por las
crónicas cristianas como devastadores; en Las Navas, por el contrario, se
habían aprendido la lección y no solo rechazaron las provocaciones iniciales
de la caballería ligera almohade y de los arqueros, sino que además evitaron el
flanqueo gracias a la estrechez del terreno escogido y lanzaron las cargas una
vez que el enemigo estaba bien asentado sobre el terreno40.
Después de todo lo que hemos dicho, creemos que bien puede sostenerse
que en las fronteras de la Cristiandad en Oriente y Occidente los antagonistas
combatían de manera similar y hacían uso de unas prácticas guerreras que,
como no podía ser de otra forma, se atenían a unos fundamentos materiales,
sociológicos, institucionales, tecnológicos e ideológicos que no resultaban
diferentes en sus líneas esenciales: los cristianos de ambos extremos del
Mediterráneo compartían unos usos y tradiciones militares comunes, por otra
parte coincidentes en no pocos rasgos con los imperantes en toda la Europa
feudal entre los siglos XI y XIII, aunque tal vez los tuvieran que acondicionar a
la realidad de luchar con un enemigo nuevo y de costumbres diferentes a lo
que conocían hasta entonces. Podrán señalarse matices o particularidades
organizativas o tácticas, pero lo cierto es que, en conjunto, las prácticas
guerreras de los musulmanes de Levante y de Poniente tampoco parecen
diferenciarse esencialmente.
Por tanto, cuando se analizan los factores militares que pueden explicar el
diverso destino que tuvieron las fuerzas cristianas y las islámicas en estos dos
escenarios, quizás haya que renunciar a buscarlos en unas posibles diferencias
estratégicas, tácticas o tecnológicas. No parece posible advertir, o al menos
nosotros no hemos sido capaces de hacerlo, el despliegue de unos usos bélicos
entre los reinos feudales hispánicos que los hicieran militarmente superiores a
sus correligionarios de Tierra Santa, como tampoco parece apreciarse entre los
musulmanes de Oriente unos comportamientos guerreros más eficaces que los
empleados por los poderes islámicos magrebíes o andalusíes.
40
F. GARCÍA FITZ , Castilla y León frente al Islam…, pp. 394-398. Sobre la posible incidencia del
terreno en el resultado final de Las Navas, ID ., Las Navas de Tolosa, Barcelona, 2005, pp. 531-
535. Una clara expresión del conocimiento que los castellanos tenían sobre las formas de
combatir de los musulmanes, basadas fundamentalmente en su movilidad, y al mismo tiempo
una formulación de las maneras más adecuadas de enfrentarse a ellas, a su vez basadas en la
contención, la disciplina y la prudencia, en JUAN MANUEL , Libro de los Estados, ed. de José
Manuel Blecua, en Obras Completas, Madrid, 1982, 1, part. 1, caps. 76-79, pp. 347-356.
Cristianos contra musulmanes 347
41
GT, p. 789; R. C. S MAIL, Crusading Warfare…, pp. 99-103.
42
Sobre estas materias, resulta esencial C. MA R S H A L L , Warfare in the Latin East…. Sus
conclusiones son verdaderamente reveladoras (ibid., pp. 257-262). Seguimos de cerca sus
consideraciones en los siguientes párrafos, pues ofrecen el punto de referencia necesario para
la comparación con la realidad militar de los cristianos en la Península Ibérica.
348 Francisco García Fitz
43
Las ideas de Fidencio de Padua y otros autores en relación con el mantenimiento de fuerzas
permanentes en Tierra Santa en C. M ARSHALL, Warfare in the Latin East..., p. 68. Sobre las
circunstancias iniciales de estas cruzadas, véase Carlos de AYALA M ARTÍNEZ, Las cruzadas,
Madrid, 2004, especialmente pp. 175-185, 217-222, 270-274 y 286-287.
44
C. de AYALA MARTÍNEZ, Las cruzadas…, pp. 191-192, 252 y 273-274.
Cristianos contra musulmanes 349
45
Para Damietta, Eracles, pp. 326-352; Oliver de Paderborn, The Capture of Damietta, trad. John J.
Gavigan en E. Peters (ed.), Christian Society and the Crusades, 1198-1229, Philadelphia, 1971,
pp.84-86 y 102-133 (en adelante OP); C. Marshall, Warfare in the Latin East…, pp. 71-74 y 145.
46
Para Zaragoza, IBN ABI— ZA Rc, Rawd al-qirtëa —s, ed. y trad. Ambrosio Huici Miranda, Valencia,
1964, pp. 317-318; Historia Compostelana, ed. y trad. Emma Falque, Madrid, 1994, lib. II, cap.
IV, p. 306; J. M. LACARRA, «La conquista de Zaragoza…», especialmente pp. 78-88. Para
Lisboa, De expugnatione Olisiponis..., p. 391-405; Annales Colonienses Maximi, ed. Karl Pertz, en
MGHSS, 17, Hannover, 1861, pp. 723-847; Demetrio MANSILLA, La documentación pontificia de
HonorioIII (1216-1227), Roma, 1965, doc. 95, pp. 76-77. Para Las Navas, HRH, lib. VIII, caps.
IV-VI; CLRC, p. 29; Carta de AlfonsoVIII a InocencioIII sobre la batalla de las Navas de
Tolosa, en Julio GONZÁLEZ, El reino de Castilla en la época de AlfonsoVIII , Madrid, 1960, doc.
897, pp. 566-572; Carta de Arnaldo Amalarico, arzobispo de Narbona, al Capítulo del Cister,
en Gaspar IBÁÑEZ DE S EGOVIA , Memorias históricas de la vida y acciones del rey don Alonso el
Noble, octavo de ese nombre, Madrid, 1783, pp.103-107.
350 Francisco García Fitz
47
Para apreciar el contraste, baste comparar el éxito alcanzado ante las murallas de Lisboa y el
fracaso ante las de Damasco en De expugnatione Olisiponis..., pp. 391-405 y GT, pp. 760-770,
respectivamente. Una síntesis de las claves explicativas del fracaso de la Segunda Cruzada en
C. de AYALA MARTÍNEZ, Las cruzadas…, pp. 187-191.
Cristianos contra musulmanes 351
que, como hemos señalado, en el Este la escasez de recursos era crónica y cada
vez más insoportable, todo parece indicar que en la Península los
fundamentos económicos y demográficos fueron suficientes como para dotar a
los contingentes necesarios, financiar sus actividades, reponer las pérdidas y
afianzar el control de los espacios ganados al enemigo. Los grandes procesos
de repoblación y de colonización de las ciudades y tierras conquistadas al
Islam, a pesar de sus indudables limitaciones, serían una muestra evidente de
la pujanza material y poblacional que está en la raíz del esfuerzo militar.
Frente a lo que pudiera pensarse, esta mayor disponibilidad de recursos no
se traducía necesariamente en enormes diferencias en el tamaño de los
ejércitos cristianos a uno y otro lado del Mediterráneo. Las evaluaciones
realizadas en los dos ámbitos de estudio permiten sugerir, de una manera
muy genérica, que los efectivos que un gobernante peninsular podía poner
sobre el terreno en operaciones militares ordinarias previsiblemente
superarían – aunque no de manera especialmente llamativa – a los que
habitualmente tenían a su disposición los dirigentes cristianos en el Este
cuando no contaban con aportaciones foráneas. No obstante, cuando
excepcionalmente estas se producían – en el marco de las grandes
expediciones cruzadas –, es posible que los ejércitos del Este fueran más
nutridos que los hispánicos. De todas formas, parece claro que no puede
establecerse una relación directa entre el tamaño de un contingente y el signo
de un resultado: recuérdese, si no, que las grandes concentraciones de
guerreros en Tierra Santa con motivo de algunas de las cruzadas – superiores
en muchos casos a las fuerzas de las monarquías hispánicas –, protagonizaron
desastres militares antológicos48.
Así pues, creemos que donde la distinta magnitud de medios humanos y
materiales puestos en liza por los cristianos en Oriente y en Occidente marcan
la diferencia no es en el tamaño de la fuerzas involucradas en las operaciones,
sino en el hecho de que el mayor caudal de recursos que se observa en la
Península permitía dar una continuidad a las acciones militares que no se
aprecia en Tierra Santa. Dicho de otra forma, la raíz de la divergencia habría
que buscarla en el distinto grado de recurrencia o de permanencia con el que
se podía dotar a las actividades bélicas cuyas manifestaciones ya hemos
comentado: asedios, cabalgadas y batallas.
Conquistar un punto fuerte, especialmente una ciudad amuralla, siempre
fue una operación difícil, cara, larga y masiva. En general, requería mantener
48
Para establecer algunas comparaciones véase Jean FLORI, «Un problème de méthodologie. La
valeur des nombres chez les chroniqueurs du Moyen Âge. À propos des effectifs de la
première Croisade», Le Moyen Âge, 99 (1993), pp. 399-422; R. C. Smail, Crusading Warfare…,
pp. 88-120; J. FRANCE , Victory in the East…, pp. 122-142; C. MARSHALL, Warfare in the Latin
East…, pp. 71-72 y 117-120; F. GARCÍA FITZ, Castilla y León frente al Islam…, pp. 136-142, 195 y
353-366; Martín ALVIRA CABRER , «La muerte del enemigo en el pleno medievo: cifras e
ideología (el modelo de Las Navas de Tolosa)», Hispania, 55 (1995), pp. 403-423.
352 Francisco García Fitz
49
Para Ascalón, GT, pp. 798-813. Para Damasco, GT, pp. 760-770. Para Acre, Continuatio, 81-87,
103, 107-109, 119-124; Itinerarium, pp. 60-137 y 210-236; carta de diversos cruzados que
estuvieron presentes en P.W. EDBURY (ed. y trad.), The Conquest of Jerusalem..., 6b, 6c, 6d, pp.
169-172. Para Damietta, Eracles, pp. 326-346; OP, pp. 61-88. Véase también C. MARSHALL ,
Warfare in the Latin East…, pp. 245-248, y R. ROGERS, Latin Siege Warfare…, pp. 212-236.
Cristianos contra musulmanes 353
çercola [Fernando III] et començo a estar y aturadamiente, con muy fuerte tienpo que fazie
de frios et de muy grandes aguas, ca era en medio del ynvierno. Mas los frios eran tan
grandes et las aguas tan aportunadas, que las gentes se veyen en grant peligro et perdiense
muchas bestias et muchos omnnes [...] sin las otras lazerias et las otras afruentas muy
grandes otrosi que sofrieron en conbatimientos et en torneos et en velares et en otras grandes
lazerias quales conuienen sofrir a los que en tal fecho estan, en que se perdien muchas
gentes.
50
Para la conquista del reino de Valencia, Llibre dels Fets, pp. 128-131 y 146-232; véase también
P. GUICHARD, Al-Andalus frente a la conquista cristiana…, pp. 531-567. Para las conquistas de
FernandoIII, HRH, lib. IX. cap. XII-XVII; CLRC, pp. 62-76, 86-87 y 93-100; PCG, cap. 1036-
1134; CVR, lib. XIV y XV; Julio GONZÁLEZ, Reinado y Diplomas de FernandoIII , Córdoba, 3 vol.,
1986, 1, pp. 278-394.
354 Francisco García Fitz
planear otra operación de mucho mayor fuste, el asedio de Sevilla, para la cual
no solo necesitaba reunir, armar, mover, pagar y alimentar a un ejército de
grandes proporciones con el que impermeabilizar por tierra a una ciudad bien
amurallada y defendida y mejor comunicada, sino también organizar una flota
que bloquease el río Guadalquivir e impidiese la llegada de socorro por esta
vía desde el norte de África. Solo seis meses después de entrar en Jaén,
durante el otoño de 1246, las tropas castellanas se volvían a poner en
movimiento y efectuaban una primera incursión por tierras sevillanas, en el
curso de la cual atacaron las inmediaciones de Carmona y se anexionaron
Alcalá de Guadaíra. En la primavera siguiente daba comienzo el acercamiento
a Sevilla, ciudad sobre la que estarían las tropas fernandinas desde el verano
de 1247 hasta su capitulación en noviembre de 1248, es decir, durante un año y
medio. La secuencia parece suficientemente elocuente como para extendernos
en mayores comentarios51.
No obstante, esta no es la única manifestación bélica en la que se pone de
relieve la dispar potencialidad militar de los cristianos de uno y otro extremo
del Mediterráneo. Ciertamente, lanzar incursiones para castigar, robar o
erosionar al adversario resultaba factible incluso con unos recursos tan
mermados como los que podían tener los latinos asentados en Tierra Santa. De
hecho, se ha constatado que, a partir de un determinado momento –
especialmente en el siglo XIII –, se trataba del único tipo de operaciones
ofensivas que podían llegar a plantear, precisamente porque estas actuaciones
requerían escasos hombres, pobres medios y poco tiempo. Sin embargo, para
que estas operaciones tuvieran una incidencia decisiva sobre la estabilidad de
los adversarios, desgastara sus recursos de manera significativa y propiciara
su anexión, resultaba necesario que tuvieran constancia y recurrencia, que las
devastaciones fueran sistemáticas y repetidas durante muchas temporadas,
que se aplicaran con continuidad, porque solo a largo plazo sus efectos podían
llegar a ser determinantes. Pero eso era precisamente lo que no podían hacer,
mantener el esfuerzo un año tras otro, entre otras razones porque no estaban
en condiciones de reponer sus propias pérdidas. Por eso, al contrario que las
islámicas, las incursiones que realizaban los latinos del Este rara vez solían
estar relacionadas con algún intento de cerco o de conquista. En consecuencia,
los resultados que podían obtener, al menos en el plano territorial, siempre
eran prácticamente nulos52.
En este terreno, la comparación con lo que ocurría en la Península también
resulta particularmente clarificadora: en tiempos de AlfonsoVII las fuerzas
castellano-leonesas fueron capaces de desarrollar una sucesión casi
51
La cita textual en PCG, cap. 1069. Para la conquista de Jaén véase Manuel BALLESTEROS
G AIBROIS, «La conquista de Jaén por FernandoIII el Santo», Cuadernos de Historia de España,
20 (1953), pp. 63-138; F. GARCÍA FITZ, «Una frontera caliente…», pp. 175-177. Para Sevilla, ID.,
«El cerco de Sevilla…».
52
C. MARSHALL, Warfare in the Latin East…, pp. 44-46, y especialmente pp. 202-209.
Cristianos contra musulmanes 355
53
Chronica Adefonsi Imperatoris, ed. de Antonio Maya en Chronica Hispana Saecvli XII, Turnholt,
1990, lib. I, 33-42 y 72, lib. II, 24-5, 31-44, 50-61, 64-73, 82 y 92-93; Ibn ÔIda—ri— al-Marra—kusÿi—, Al-
Baya—n al-mugrib. Nuevos fragmentos almorávides y almohades, trad. de Ambrosio Huici Miranda,
Valencia, 1963, pp. 190-191, 201-209 y 216-220. Las consecuencias políticas de estas incursiones
en Francisco GARCÍA F ITZ, Relaciones políticas y guerra. La experiencia castellano-leonesa frente al
Islam. Siglos XI-XIII, Sevilla, 2002, pp. 82-98.
54
PCG, cap. 1048 y 1057; HRH, lib. IX, cap. XVIII.
55
Para Tierra Santa, R. C. Smail, Crusading Warfare…, pp. 28-33 y 37; C. MARSHALL, Warfare in
the Latin East..., pp. 145 y 181-182. Sobre la prudente actitud ante la batalla de los dirigentes
peninsulares, F. GARCÍA FI T Z , Castilla y León frente al Islam…, pp. 311-329. Sobre la
356 Francisco García Fitz
57
Libellus, p. 218. Sobre las conquistas realizadas por Saladino después de la victoria,
Continuatio, 44-71 y 75, de donde procede el testimonio sobre la indefensión de Ascalón, 49, p.
54; Eracles, pp. 72-101, donde también se da una clara idea de la situación del reino tras la
derrota al referir que en Jerusalén no había más que dos caballeros que habían sobrevivido a
la batalla (ibid., p. 70); Itinerarium, pp. 17-30, que igualmente alude – p. 17 – a que « totius
regni » fue convocado a la guerra por el edicto real, quedando solo para la custodia de
castillos y ciudades « quos aetatis et sexus infirmitas armorum prorsus habebat immunes »; Carta a
Archumbald, maestre de los Hospitalarios en Italia y Carta del Patriarca Eraclio al Papa, en
P.W. EDBURY (ed. y trad.), The Conquest of Jerusalem..., 4b y 4c, pp. 161-163. Sobre todo esto
resultan fundamentales las reflexiones de R. C. SMAIL, Crusading Warfare…, pp. 104-106. Véase
también un análisis del comportamiento de Saladino a la luz de la tratadística militar de la
época en William J. HAMBLIN, « Saladin and Muslim Military Theory », en B. Z. Kedar (ed.),
The Horns of Hattin..., en especial pp. 234-238.
58
Véase nota 30. Las diferencias entre las consecuencias a largo plazo de las batallas de Hattin y
de Alarcos también fueron resaltadas por S. PALACIOS O NTALVA , «Fortalezas y guerra
santa…», p. 205.
358 Francisco García Fitz
como había ocurrido en el Este59. Pero no fue así. Por muy grave que hubiera
sido el quebranto sufrido por los recursos militares castellanos en la llanura de
Alarcos, lo cierto es que el remanente, atrincherado tras las murallas de Toledo
y los castillos del norte del valle del Tajo, fue capaz de hacer frente con éxito a
los intentos de anexión que realizaron los almohades en 1196 y 1197. Más aún,
la solvencia de esos recursos, repartidos por todo el reino, permitió afrontar
también las presiones militares leonesas y navarras que se desarrollaron al
mismo tiempo en conjunción con las norteafricanas. Además, y también en
contraste con lo ocurrido en Tierra Santa, la derrota de Alarcos no dejó a
Castilla sin capacidad de respuesta, que de hecho retomó la iniciativa militar
muy poco tiempo después – contra León y contra Navarra – y a medio plazo, a
partir de 1210, reinició la ofensiva contra el imperio norteafricano que
culminaría en la batalla de Las Navas de Tolosa y que daría paso al definitivo
retroceso territorial de al-Andalus60. De nuevo, pues, la diferencia de
magnitudes y de disponibilidades de recursos parece que está en la base de
situaciones militares tan distintas.
Tal vez sea aquí, pues, donde radique la explicación de dos destinos
políticos tan divergentes. En Oriente y en Occidente los cristianos combatían al
Islam con parecido bagaje ideológico, con las mismas tácticas e idéntico
armamento, pero con unos medios y unas posibilidades muy distintas: en el
este, la escasez crónica de hombres y recursos conducía habitualmente a la
inoperancia y, en consecuencia, al paulatino retroceso territorial ; en el oeste,
por el contrario, la suficiencia permitía aplicar continuidad a las acciones
bélicas, y esta parece ser la clave militar de la expansión.
59
«Su venida [la del califa almohade a la Península] espantó a toda la cristiandad», confesaba el
abad de Coggeshall, que estuvo presente en el capítulo del Cister donde se dio cuenta de la
derrota. El texto ha sido citado por Derek LOMAX, «La conquista de Andalucía a través de la
historiografía europea de la época», en E. Cabrera Muñoz (ed.), Andalucía entre Oriente y
Occidente (1236-1492). Actas del V Coloquio Internacional de Historia Medieval de Andalucía,
Córdoba, 1988, p. 38.
60
CLRC, pp. 15-19; HRH, lib. VII, cap. XXX; CM, p. 108; Al-Baya—n. I, pp. 193-203; É. LÉVI -
PROVENÇAL, «Un recueil de lettres almohades…», doc. 35, pp. 66-67. Para la renovación de
las actividades militares de Castilla contra los almohades a partir de 1210, véase CM, p. 109;
HRH, lib. VII, cap. XXXV; CLRC, p. 23 ; Anales Toledanos I..., p. 170.
Regards croisés sur la guerre sainte, pp. 359-379.
Patrick HENRIET*
Dans les années 1060, un miles du fameux lignage chrétien des Beni Gómez,
fils de la comtesse Thérèse, se rendit à Cordoue. L’hagiographe français qui
nous rapporte l’épisode un bon demi-siècle plus tard, précise qu’il le fit en
compagnie d’une troupe nombreuse et avec un objectif bien établi: ad regem
Cordube militandi gratia perrexit1. Si j’ai choisi cette curieuse expression comme
titre pour ce travail d’approche, c’est sans doute parce que le texte qui la
renferme est encore inédit, mais aussi et surtout parce qu’elle désigne un fait
des plus courants tout au long du Moyen Âge hispanique. Un aristocrate
chrétien décide d’aller combattre pour un temps au service d’un souverain
musulman. Il n’agit pas seul mais entraîne avec lui une troupe de compagnons
d’armes qui sont généralement ses dépendants. Le choix du passage chez les
maures n’est cependant pas définitif et Raoul, le moine français auteur de ce
texte, nous décrit ultérieurement le retour en terre léonaise de ce Ferrandus et
de ses hommes2.
Les textes attestant la présence de combattants chrétiens au service d’un
pouvoir musulman, tels Ferrand et ses compagnons à Cordoue, sont
nombreux entre le Xe siècle et la fin du Moyen Âge. Ils revêtent un intérêt
particulier à partir de la fin du XIe siècle, dans un contexte d’affirmation de
l’esprit de croisade et de valorisation religieuse de la lutte entre chrétiens et
musulmans. Il n’est donc pas inutile de s’interroger sur la place qui peut être
assignée à ces aventuriers, parfois mais pas toujours considérés comme des
renégats, dans l’histoire de l’idéologie de guerre sainte en Péninsule ibérique3.
Dans une perspective que l’on serait tenté d’appeler “castriste” en référence à
Americo Castro4, on pourrait voir en ces hommes “à cheval” des passeurs.
Passeurs de la frontière, volontairement situés entre des cultures et des
religions supposément inconciliables, ils saperaient la logique des blocs qui se
renforce aux XIe et XIIe siècles.
Cette vision est-elle conforme à la réalité, ou pèche-t-elle au contraire par
idéalisme? En clair, les chrétiens qui vivent un temps chez les musulmans
peuvent-ils être considérés comme plus “libres” que ceux qui, restés à l’arrière,
ne concevraient le rapport entre les confessions qu’en termes d’affrontement?
Inversement, la perception du combattant chrétien au service des musulmans
ne relève-t-elle pas d’un schéma plus ou moins romantique et résolument
moderne, posant l’individu comme libre et finalement seul responsable de ses
choix? Les questions avancées sont ambitieuses et l’on ne fera ici qu’apporter
quelques éléments de réponse, ou à défaut, de discussion. Notre fil directeur
sera celui de l’identité. Dans quelle mesure ces hommes, que les textes
castillans appellent souvent, à partir de la seconde moitié du XIIIe siècle, des
“dénaturés”, restent-ils chrétiens? Dans quelle mesure sont-ils perçus et
traités comme des marginaux? Quelle place une société chrétienne souvent
présentée, non sans de bonnes raisons, comme de plus en plus “intolérante” à
partir du XIe siècle, peut-elle encore leur réserver5? Derrière ces quelques
questions, c’est aussi le problème, appliqué à la guerre sainte, du rapport entre
idéologie et réalité qui se trouve posé.
1. Un phénomène structurel
Les pénitentiels de Vigila et de Silos abordent au Xe siècle la question des
milites qui vont combattre sous les ordres d’un pouvoir non chrétien. Ceux qui
acceptent un commandement “barbare” devront faire pénitence, selon le cas,
durant trois ou cinq ans. Cependant, s’ils sont amenés à tuer des chrétiens, ils
devront abandonner le métier des armes et faire pénitence jusqu’à la fin de
3
Histoire dont on remontera le fils grâce à plusieurs publications récentes riches en indications
bibliographiques. Voir en particulier Alexander P. BRONISCH, Reconquista und Heiliger Krieg.
Die Deutung des Krieges im christlichen Spanien von den Westgoten bis in frühe 12. Jahrhundert
(Spanische Forschungen der Görresgesellschaft, zweite Reihe 35), Münster, 1998, et Joseph F.
O’CALLAGHAN, Reconquest and Crusade in Medieval Spain, Philadelphie, 2003.
4
Dans cette Espagne “des trois religions”, les contacts sont facilités par le fait que «lo que sin
duda penetró en el pensamiento castellano fue la doctrina alcoránica de la tolerancia, tal como
ésta se encuentra formulada en al Alcorán» (Américo CASTRO, La Realidad histórica de España,
Mexico, 1987 [1ère éd. : 1954], p. 354).
5
Sur le durcissement chrétien à partir du XIIe siècle, Robert I. MOORE , La persécution. Sa
formation en Europe, Xe-XIIIe siècle, Paris, 1991 (1ère éd. : 1987), et les pages d’André Vauchez
dans J. M. Mayeur, Ch. et L. Pietri, A. Vauchez et M. Venard (éd.), Histoire du christianisme, 5,
«Apogée de la papauté et expansion de la chrétienté (1054-1274)», Paris, 1993, pp. 819-822.
La présence militaire chrétienne en al-Andalus (Xe-XIIIe siècle) 361
leur vie6. Ces dispositions, ainsi que beaucoup d’autres, sont certes reprises
des pénitentiels apparus dans le monde celtique au cours du très haut Moyen
Âge, mais elles ont évidemment un sens particulier dans le contexte
péninsulaire. Dans le pénitentiel de Silos, une glose précise à l’attention de
ceux qui n’auraient pas compris: « a los gentiles paganos mozlemos». A
l’évidence, les pénitentiels se font ici l’écho d’une pratique alors commune.
Transportons-nous maintenant dans les années 1330/1340. L’égyptien Ibn
Fadl Allah al-Umari nous informe qu’à son époque, le sultan de Fès pouvait
compter sur quatre mille cavaliers “francs” qui chevauchaient derrière lui,
sans compter plusieurs centaines de convertis7. Chiffres exagérés dira-t-on8?
Peu nous importe ici leur stricte exactitude. Ils suffisent à rappeler
l’importance, au milieu du XIVe siècle, des contingents de soldats chrétiens
présents en Afrique du nord, dans la lignée de ce qui s’était fait en péninsule
depuis des siècles.
L’installation de soldats chrétiens en terre d’islam remonte sans doute,
ainsi que l’avait jadis souligné Évariste Levi-Provençal, au règne d’al-Hakam
Ier (796-822). Celui-ci s’était entouré de combattants chrétiens surnommés les
“Muets”, ou les “Silencieux”, qui lui étaient totalement dévoués9. C’est un
chrétien mozarabe de Cordoue, Rabi fils de Théodulphe, qui les commandait.
L’importance numérique de cette troupe ne fait pas de doute, puisque son
noyau dur comprenait pas moins de cent cinquante “Narbonnais”. Après la
mort d’al-Hakam, le recrutement de mercenaires se poursuivit sans
discontinuer. Dans les premières décennies du XIe siècle, avec les difficultés du
califat et les innombrables luttes de factions, de nombreux chrétiens surent
tirer parti des divisions internes de l’islam en se faisant recruter à prix d’or par
tel ou tel groupe10. C’est dans ce contexte que doit être située l’action
méconnue de notre Ferrand, fils de la comtesse Thérèse.
6
Francis BEZLER , Paenitentialia Hispaniae saec. VIII-XI (CCSL, 156A), Turnhout, 1998; ID ., Les
pénitentiels espagnols. Contribution à l’étude de la civilisation de l’Espagne chrétienne du haut Moyen
Âge (Spanische Forschungen der Görresgesellschaft, 2 Reihe 30), Münster, 1994, pp. 227-228.
7
Trad. M. Gaudefroid-Demombynes, Paris, 1927, 2, pp. 140-141 et 147; cité par François
CLÉMENT, «Reverter et son fils, deux officiers catalans au service des sultans de Marrakech»,
Medieval Encounters, 9/1 (2003), pp. 79-106, ici p. 82.
8
Simon B ARTON , «Traitors to the Faith? Christian Mercenaries in al-Andalus and the
Maghreb, c. 1100-1300», dans R. Collins et A. Goodman (éd.), Medieval Spain. Culture, Conflict
and Coexistence. Studies in Honour of Angus MacKay, New York, 2002, pp. 23-45, ici p. 34, évalue
les soldats chrétiens en al-Andalus et en Afrique du nord, à la fin du XIIIe siècle, à plusieurs
milliers. En 1226, dans une lettre à Jiménez de Rada, HonoriusIII signalait que les chrétiens se
trouvaient « per diversa et remota loca illius regni » : Demetrio MANSILLA , La documentación
pontificia de HonorioIII, 1216-1227 (Monumenta Hispaniae Vaticana. Sección Registros, 2),
Rome, 1965, n. 595, p. 451.
9
Évariste LÉVI-PROVENÇAL, Histoire de l’Espagne musulmane, 1, Paris, 1950, pp. 164, 189-190, et 3,
pp. 71-73. F. CLÉMENT, «Reverter et son fils…», p. 80, préfère les “Muets” aux “Silencieux”.
10
F. CLÉMENT, «Reverter et son fils…», p. 81, parle d’une «ingérence des pouvoirs castillans,
aragonais et catalans dans les affaires andalouses».
362 Patrick Henriet
11
« Quo tempore multa milia militum et peditum christianorum cum sui episcopo et cum magna parte
clericorum, qui fuerant de domo regis Ali et filii eius Texufini, transierunt mare et venerunt Toletum»,
Chronica Adefonsi Imperatoris (CCCM, 71), éd. d’Antonio Maya Sánchez, II, 110, Turnhout, 1990,
p.248 (désormais CAI).
12
« Si forte dominus rex adversus aliquem vestrum deliquit in aliquo, unde merito de eo debeat conqueri,
proponat querimoniam suam in curia...», éd. d’Atanasio LÓPEZ , «Los obispos de Marruecos
desde el siglo XIII», Archivo Ibero-Americano, 14 (1920), pp. 397-502, ici p. 497 et Javier
GOROSTERRATZU, Don Rodrigo Jiménez de Rada, gran estadista, escritor y prelado, Pampelune,
1925, pp. 241-242; S. BARTON , «Traitors to the Faith?…», p. 25. En 1214, InnocentIII avait
demandé au clergé hispanique d’excommunier les chrétiens combattant leurs coreligionnaires
au côté des sarrasins: Francisco H ERNÁNDEZ , Los cartularios de Toledo. Catálogo documental,
Madrid, 1985, n. 652, et S. BARTON, «Traitors to the Faith?…», pp. 24-25.
13
«Quia igitur prout nobis relatum est alii ex vobis per se, alii cum dominis et amicis relicta
gente sua et patria se confederare Sarracenis attemptant...», éd. d’A. LÓPEZ, «Los obispos de
Marruecos…».
La présence militaire chrétienne en al-Andalus (Xe-XIIIe siècle) 363
14
Pour un exposé chronologique, on peut désormais partir de Gonzalo MARTÍNEZ DÍEZ, El Cid
histórico. Un estudio exhaustivo sobre el verdadero Rodrigo Díaz de Vivar, Barcelone, 1999, ouvrage
dont il est aussi question en note 19.
15
Soit, dans l’ordre vraisemblable de rédaction, le Carmen Campi Doctoris, l’Historia Roderici et le
Poema de Mio Cid. Viennent ensuite les diverses utilisations du mythe cidien dans
l’historiographie alphonsine et post-alphonsine et les Mocedades. Sur les premières sources
relatives au Cid, bonne mise au point dans Richard A. FLETCHER, The Quest for El Cid, Londres,
1989, app. 2 (trad. esp. : 1989). Sur le mythe cidien dans l’historiographie alphonsine, Marta
LACOMBA, Au-delà du Cantar de Mio Cid. Les épigones de la geste cidienne dans la littérature
historiographique castillane de la fin du XIIIe siècle, à paraître. Sur les Mocedades (vers 1300), la
traduction commentée de Georges M ARTIN, Chansons de geste espagnoles. Chanson de Mon Cid.
Chanson de Rodrigue, Paris, 2005, avec la précieuse introduction des pp. 7-72.
16
Voir par exemple María Eugenia LACARRA, «La utilización del Cid de Ménendez Pidal en la
ideología militar franquista», Ideologies and Literature, 3 (1980), pp. 95-127.
17
Reinhardt DOZY, Le Cid d’après de nouveaux documents, Paris, 1860 (1ère éd. : Leyde, 1849). On ne
suivra cependant pas l’illustre orientaliste lorsqu’il affirme en conclusion que le Cid était
«plus musulman que catholique».
18
Ramón MENÉNDEZ PIDAL, La España del Cid, Madrid, 1929. Voir R. FLETCHER, The Quest for El
Cid..., app. 1.
19
Le Cid est présenté comme un aventurier parmi d’autres, à l’échelle de l’Espagne et de
l’Europe, par R. Fletcher dans son beau livre The Quest for El Cid. On notera tout de même,
sans commentaire, la façon dont G. Martínez Díez présente le personnage dans El Cid
histórico…, p. 433: «Nadie como el infanzón de Vivar supo encarnar en su vida al héroe de la
“guerra divinal”, en expresión de Sánchez-Albornoz, contra el enemigo islámico en la que
nacido se había forjado y crecido el reino astur-leonés y especialmente Castilla, en continua
364 Patrick Henriet
Un autre parcours étonnant, il est vrai privé de cette “happy end” qui
caractérise l’entreprise du Cid, est celui du catalan Reverter († 1145)20. Fils
d’un vicomte de Barcelone, Reverter avait été fait prisonnier vers la fin des
années 1120, lors d’une razzia almoravide sur les côtes catalanes. Il passa le
reste de sa vie au service de ses ravisseurs, alors que, comme le note François
Clément, il aurait eu maintes fois la possibilité de s’échapper21. Proche de
Tashufin ben Ali, qui devint sultan en 1143, il prit rapidement la tête de la
milice chrétienne avant de devenir l’un des principaux chefs militaires
almoravides et de remplacer occasionnellement son employeur. Après s’être
illustré durant plusieurs années au Maroc dans les combats contre les
almohades, Reverter (al-Ruburtayr) mourut en 1145 dans un affrontement
avec un détachement de l’armée d’Al-Mutamin. Si le chroniqueur Al-Baydhaq
rapporte sobrement sa fin, Ibn Khaldun donne de son côté un détail des plus
intéressants: Reverter aurait été crucifié par les almohades, ce qui était sans
doute une façon de rappeler sa religion erronée22. Du côté chrétien, la Chronica
Adefonsi Imperatoris décrit sur un mode très rhétorique le désarroi des chrétiens
maghrébins devant la certitude, désormais établie, de la victoire prochaine des
almohades: «Dans ce temps-là mourut Reverter, le chef des chrétiens captifs
d’outre-mer dans la résidence du roi Téchoufin, et alors tous ces chrétiens, se
couvrant de poussière et de boue, se lamentaient et s’écriaient: “Ô seigneur
Reverter, notre chef, notre bouclier, notre cuirasse, pourquoi nous quittes-tu?
Bientôt les Maçmouda nous subjugueront et nous tueront avec nos femmes et
nos fils!” Et le roi Téchoufin, de même que toute sa maison, pleura la perte de
Reverter» 23.
C’est peu après la mort de Reverter, avec la fin de la domination
almoravide, que doit être placé l’exode massif de mercenaires vers Tolède,
exode dont il a déjà été question. Les almohades, réputés pour leur
intransigeance religieuse ne se firent cependant pas prier pour embaucher à
leur tour des chrétiens. Parmi ceux-ci Geraldo Sempavor (sans peur), parfois
tensión y pugna asumida por todo un pueblo, que comenzó luchando por su supervivencia y
continuaba la batalla por la libertad y reconquista de su solar nacional».
20
Istuán FRANK, «Reverter, vicomte de Barcelone (vers 1130-1145)», Boletín de la Real Academia
de Buenas Letras de Barcelona, 26 (1954-1956), pp. 195-204; Jacinto BOSCH VILÁ, Los Almorávides,
Tetouan, 1956, p. 226 et n. 58, 259, 260 et n. 10 (rééd. : Grenade, 1998). Et surtout, désormais,
F.C LÉMENT, «Reverter et son fils…».
21
F. CLÉMENT, «Reverter et son fils…», p. 87.
22
IBN KHALDUN, Histoire des berbères et des dynasties musulmanes de l’Afrique septentrionale, 2,
Paris, 1927, pp. 177-178. Al-Baydhaq: Evariste LÉVI-PROVENÇAL, Documents inédits d’histoire
almohade: fragments manuscrits du leg. 1919 du fonds arabe de l’Escurial, Paris, 1928, pp. 155-156.
Ibn Idhari, l’une des principales sources pour l’histoire de Reverter, n’offre qu’un récit
lacunaire pour la mort de celui-ci. Voir F. CLÉMENT, «Reverter et son fils…», pp. 93-94.
23
« Et omnis populus captivus Christianorum spargens pulverem et lutum super se lugebat et dicebat:
“O domine Reverter, dux noster, scutum et lorica, cur nos deseris aut quibus nos desolatos relinquis?
Modo invadent nos Muzmuti et occident nos et uxores nostras filiosque pariter”», CAI, 101, p. 244.
La présence militaire chrétienne en al-Andalus (Xe-XIIIe siècle) 365
24
David LOPES, «O Cid português: Geraldo Sempavor», Revista Portuguesa de Historia, 1 (1940),
pp. 93-109. Le second tome de l’œuvre d’Ibn Sahib al-Sala, seul conservé, s’achève en
annonçant le récit de l’arrivée à Séville de Geraldo Sempavor: IBN SAHIB AL-SALA, Al-Mann
Bil-Imama (Textos medievales, 24), éd. d’Ambrosio Huici Miranda, Valence, 1969, p. 234.
25
Voir infra, note 56.
26
Éd. Alexandre HERCULANO , PMHS, 1, Lisbonne, 1856, pp. 53-59. Une version présentant
d’assez notables différences mais sans doute aussi ancienne a été publiée par Pedro ROCHA,
L’office divin au Moyen Âge dans l’Église de Braga. Originalité et dépendances d’une liturgie
particulière au Moyen Âge (Cultura medieval e moderna, 15), Paris, 1980, pp. 503-509. Pour une
présentation de ce texte, voir José MATTOSO, «Le Portugal de 950 à 1550», dans G. Philippart
(dir.), Hagiographies, 2, Turnhout, 1996, pp. 83-102, ici pp. 83-85. Je cite d’après l’édition des
PMHS (abrégée VSG).
27
« Multiplices blasphemias ei irreverenter objecit, falsum monachum, hypocritam, simoniacum eum
appellans, et sanctitatem ejus unum gallum affirmans non valere », VSG, § 9, p. 55.
366 Patrick Henriet
comte Henri et de son épouse Thérèse (les parents du futur roi Alphonse
Enriquez), ils choisirent tous deux d’aller chercher fortune du côté musulman,
ce que l’hagiographe interprète comme un châtiment divin28. La description
du “passage” de Paio mérite toute notre attention. Selon l’hagiographe, celui-
ci, dépouillé de toutes ses richesses, avait en effet gagné la terra maurorum à
pied, accompagné en tout et pour tout de son petit garçon et d’un chien
qualifié de gallicus. Quant à son frère Alphonse, nous apprenons qu’il prit la
tête d’une armée de sarrasins et infligea d’importants dommages aux chrétiens
avant de mourir au cours d’un combat29.
Ce texte peu connu invite à s’interroger sur la vie des exilés en territoire
musulman. Paio serait donc mort «chez les maures, et dans leur intimité,
proscrit et presque captif» 30. Dans un premier temps, la formule pourrait
laisser penser à une conversion, mais il n’en est sans doute rien: le moine
partisan de Géraud n’aurait pas manqué de le signaler clairement pour
stigmatiser un peu plus le mauvais laïc. Il faut donc imaginer Paio vivant
parmi les musulmans après avoir sauvegardé ce qui lui était le plus cher: son
fils et son chien. Soit la possibilité de perpétuer son lignage et de pratiquer la
chasse, activité constitutive, avec la guerre, de toute identité aristocratique. On
en vient alors à se demander quelle place tenait pour Paio l’exercice de sa
religion. Pour l’hagiographe, son comportement avait de toute façon fait de lui
une sorte de païen, tout comme son frère: «ils furent pratiquement tenus pour
des païens et des publicains» 31. Mais l’hostilité à l’Église comme institution
est-elle nécessairement indifférence à l’égard du christianisme? Après tout, le
texte laisse entendre que bien que ne fréquentant pratiquement plus que des
musulmans, Paio était resté chrétien. Avait-il rompu tout lien avec le monde
dont il venait? Ce n’est pas si certain, son sort au-delà de la Frontière étant en
tout cas connu en territoire chrétien. Si nous en sommes réduits, en ce qui le
concerne, à des conjectures, d’autres dossiers peuvent d’ailleurs nous montrer
que le combat aux côtés des musulmans pouvait aller de pair avec une volonté
clairement affirmée de rester dans l’Église.
Dans les années 1060, Ferrand, fils de la comtesse Thérèse, avait donc quitté
un temps la région léonaise pour aller combattre au service du roi de Cordoue.
Il avait rapporté ensuite de cette ville les prestigieuses reliques du martyr
28
« Omnipotens itaque, cujus judicia abyssus multa, qui iniquitates hominum in virga et in verberibus
peccata visitat, horum contumaciae arrogantiam ob beati viri reverentiam voluit confundere », VSG,
ibid. Voir aussi la fin du passage: « Certe hujusmodi ultiones a Deo fuisse factas pro sancti viri
reverentia proculdubio reputamus», ibid.
29
« Pelagius Petri solus pedes cum filio suo parvulo et cum cane suo gallico maurorum terram laboriose
appetierit. Alter vero, scilicet Adefonsus frater ejus, idem refugium denique requisivit. Iste nimirum in
christianos ulcisci cupiens, ingentem sarracenorum exercitum super eos adduxit, et bellum cum
christianis sarraceni inierunt, in quo bello interfectus est, cujus corpus vultures et corvi in eremo
comederunt», ibid.
30
« Pelagius autem maurorum conversatione utens, exul et quasi captivus apud eos obiit», ibid.
31
« Quasi ethnici et publicani reputati sunt», ibid.
La présence militaire chrétienne en al-Andalus (Xe-XIIIe siècle) 367
38
F. CLÉMENT, «Reverter et son fils…», pp. 95-99.
39
Le récit de ces événements se trouve dans IBN I DHARI , Qism al-Muwahhidin (j’utilise la
traduction donnée par F. CLÉMENT, «Reverter et son fils…», pp. 100-102).
40
Voir Próspero de B OFARULL Y M ASCARÓ (éd.), Colección de documentos inéditos del Archivo
general de la Corona de Aragón, 4, Barcelone, 1849, pp. 234-236 et 267, ainsi que Analecta Sacra
Tarraconensia, 25 (1952), pp. 157-158. L’histoire des fils de Reverter mériterait une étude plus
poussée.
41
« Il me fist amener mes mariniers devant moy, et me dist que ils estoient tuit renoié: et je li dis que il
n’eust jà fiance en aus, car aussi tost comme ils nous avoient lessiez, aussi tost les lairoient-il, se il
véoient ne lour point, ne lour lieu. Et li amiraus me fist response tel, que il s’accordoit à moy; que
Salehadins disoit que on ne vit onques de mauvais crestien bon sarrazin, ne de mauvais sarrazin bon
crestien», Jean de JOINVILLE, Histoire de saint Louis, II, 51. Voir Robert I. BURNS, «Renegades,
Adventurers, and Sharp Businessmen; the Thirteenth Century Spaniard in the Cause of
Islam», American Catholic Historical Review, 58 (1972), pp. 341-366, ici p. 342.
La présence militaire chrétienne en al-Andalus (Xe-XIIIe siècle) 369
42
Il s’agit du monastère de San Salvador de Budiño (Galice): Auguste BERNARD et Alexandre
BRUEL (éd.), Recueil des chartes de l’abbaye de Cluny, Paris, 1894, 5, n. 3993, pp. 345-346.
43
« Et transiens fugiendo montes Pirineos, vellet nollet, quia non erat ei locus ad habitandum, fecit se
monachus in monasterio Cluniacensi», CAI, I, 87. Charles J. BI S H K O , Spanish and Portugues
Monastic History, 600-1300, Londres, 1984, 11, pp. 327-331; Peter S E G L , Königtum und
Klosterreform in Spanien: Untersuchungen über die Cluniacenserklöster in Kastilien-Leon vom
Beginn des 11. bis zur Mitte des 12. Jahrhunderts, Kallmünz, 1974, pp. 170-174.
44
CAI, I, 48. Rodrigue ne serait resté que «quelques jours» chez les musulmans et il y aurait
contracté la lèpre après absorption d’un breuvage non identifié: « deinde abiit ad Avenganiam,
sarracenorum principem Valentie, et fuit cum eo per aliquot dies, sed Sarraceni dederunt ei poculum et
factus es leprosus». Voir aussi CAI, II, 30, p. 209. Sur ce personnage, Hilda GRASSOTTI , Las
instituciones feudo-vasalláticas en León y Castilla, 2, «La recompensa vasallática», Spolète, 1969,
pp. 963-965; M. T ORRES SEVILLA, Linajes nobiliarios…, pp. 223-225.
370 Patrick Henriet
45
Sur Pierre : Álvaro SANTAMARIA, Mallorca del Medioevo a la modernidad, Palma de Majorque,
1970, pp. 1-84. Colin SMITH, Christians and Moors in Spain, 2, Warminster, 1988, p. 26.
46
D. MANSILLA, La documentación pontificia de Honorio III…, n. 243. « Et dum percepit ex incurabili
morbo interitum imminere, a Gundisalvo fratre Hospitalis, qui Innocencii pape tercii familiaris
extiterat, suscepit habitum Hospitalis, et universe carnis viam ingressus, cum aliis qui ibidem obierant
ad domum Hospitalis, que Pons Fiterii dicitur, in diocesi Palentinensi in sarcofago est delatus et ibidem
ab uxore sua comitissa Maiore et filiis suis Fernando et Alvaro et multis aliis est sepultus », DRH, IX,
9. Sur Gonzalo García, Peter L INEHAN, The Spanish Church and the Papacy in the Thirteenth
Century, Cambridge, 1971, p. 18.
47
«Et inedie anxietate coactus milicie sancti Iacobi sese dedit et ibidem vitam finivit et Uclesii est
sepultus», DRH,IX, 9; M. TORRES SEVILLA, Linajes nobiliarios …, pp. 233-234.
48
DRH, IX, 11. Voir infra, note60.
49
Le document, qui date de 1311, est édité dans Manuel Mariano RIBERA, Centuria primera del
real y militar instituto de la inclita religión de Nuestra Señora de la Merced redempción de cautivos
cristianos, Barcelone, 1726, p. 3. Cité par R. I. BURNS, «Renegades, Adventurers...», p. 343, n. 5.
La présence militaire chrétienne en al-Andalus (Xe-XIIIe siècle) 371
almohade était aux abois car il devait alors lutter avec un concurrent proclamé
calife à Marrakech. Il aurait donc convenu avec le roi chrétien d'un
arrangement en vertu duquel celui-ci lui accorderait son aide en échange de
dix forteresses et surtout de l’obligation d’édifier une église à Marrakech pour
les soldats chrétiens. Si certains parmi ces derniers passaient à l’islam, ils
devraient être rendus aux chrétiens pour être «jugés selon leur loi». En
revanche, les musulmans pourraient en toute liberté devenir chrétiens. Ainsi
que l’a jadis suggéré Ambrosio Huici Miranda, ce traité est probablement
imaginaire. Il n’en atteste pas moins l’importance accordée par les musulmans
à l’aide militaire chrétienne ainsi que la fréquence des cas de conversion50.
Durant toute la période envisagée, pour le prêtre portugais Martin de Soure
(†1145) aussi bien que pour le valencien Pedro Pascual († 1300), l’effort
pastoral des chrétiens présents en terre d’islam semble d’ailleurs viser, autant
ou davantage que la conversion des musulmans, à dissuader les chrétiens de
passer à l’islam51.
La conversion marquait une rupture et le départ d’une nouvelle vie. Elle
était sans doute le meilleur moyen de réintégrer un organisme social
protecteur et des solidarités de tout ordre sans lesquelles l’individu médiéval
ne pouvait survivre durablement. C’est certainement cette nécessité qui
explique que les mercenaires et les exilés, caressant le projet ou l’espoir de
revenir un jour au sein du groupe qu’ils avaient dû quitter, ne se
convertissaient généralement pas, alors que les captifs le faisaient lorsqu’ils ne
croyaient plus au retour de l’autre côté de la Frontière. Le lien social
conditionne donc la conversion, ce qui n’est pas une surprise. De la même
façon, il explique l’attitude d’hommes qui, dans les cas les plus extrêmes, sont
croisés un jour et serviteurs d’un roi musulman le lendemain. En contexte, ces
comportements ne surprenaient sans doute personne. En revanche, vus de
l’extérieur, ils pouvaient comme on va le voir apparaître scandaleux.
52
Éd. de Fidel FITA dans «Bulas históricas de Navarra en los postreros años del siglo XII»,
Boletín de la Real academia de la Historia, 26 (1895), pp. 417-459, ici pp. 423-424.
53
« Quod rex Legionensis instinctu et suasione Petri Ferrandi, qui prout demonstrat in factis suis de Dei
videtur penitus misericordia desperare…», ibid.
54
« Quum igitur membrum putridum est ab integritate corporis separandum ne fortis ipsius sanies
generare possit in membris aliis corruptelam…», ibid.
55
Exposé des événements dans Julio GONZÁLEZ, El reino de Castilla en la época de Alfonso VIII, 3
vol., Madrid, 1960, ici 1, pp. 321-336.
56
I BN S AHIB AL-SALA , Al-Mann bil-Imama…, p. 135; I BN I DARI , Al-Bayan al-Mugrib (Textos
medievales, 8), éd. et trad. d’Ambrosio Huici Miranda, Valence, 1963, pp. 401-402 (copie Ibn
Sahib al-Sala).
La présence militaire chrétienne en al-Andalus (Xe-XIIIe siècle) 373
57
Voir supra, p.367.
58
Anales Toledanos, éd. d’Enrique Flórez dans España Sagrada, 23, p. 400: « Murio Pedro Fernand,
fillo de Fernand Roiz, en Marruecos, en XVIII dias de Agosto, era MCCLII ».
59
Chronica latina regum Castellae, éd. de Luis Charlo Brea, Turnhout, 1997, 47, p. 90, 65, pp. 107-
108, 71, pp. 113-114, 74, pp. 117. Je n’ai pas encore pu consulter Simon BARTON , «From
Mercenary to Crusader : the career of Alvar Pérez de Castro (d.1239) reconsidered», dans J.
Harris et T. Martin (éd.), Church, State, Vellum and Stone: Essays on Medieval Spain in Honor of
John Williams (The Medieval and early modern Iberian world, 26), Leyde-Boston, 2005.
60
« Et dum in partibus Cordube moraretur, in villa que Baena dicitur infirmitate gravissima contigit
ipsum mori, et delatus a suis sepultus est in Cephinis, ubi habent oratorium fratres Templi», DRH, IX,
11. Pour Fernando Nuñez de Lara, voir supra, note146.
61
Voir note 1.
62
L’expression gratia militandi (ou militandi gratia) n’a d’ailleurs rien d’habituel. Elle n’apparaît
pas une seule fois dans l’édition électronique de la Patrologie latine.
374 Patrick Henriet
mis sur le même plan, ce qui serait absurde63, mais nous pouvons tout de
même retenir, au minimum, que l’action guerrière de Ferrand n’est pas
valorisée négativement. Cette remarque amène à poser la question du
jugement porté par les clercs chroniqueurs sur les nombreux “passages” en al-
Andalus dont ils se font l’écho. Ainsi que l’a très justement remarqué Simon
Barton, les auteurs ne formulent en général aucun jugement de valeur
lorsqu’ils mentionnent ces « cross-border movements» 64. La seule exception
semble être constituée par les cas où les exilés participent à des expéditions
menaçant directement les territoires et les royaumes dont ils sont issus. Le
reste du temps, les mercenaires, les exilés, les dénaturés restés chrétiens,
appartenaient toujours à cette société vers laquelle ils entendaient bien revenir.
Ils restaient intégrés à des réseaux d’amitié soudés par le don, les translations
de reliques constituant sans doute la partie la plus spectaculaire de ce système.
Or ces réseaux n’étaient pas concevables sans des points d’appui
ecclésiastiques qui jouaient en particulier un rôle mémorial et funéraire.
Rodrigo Díaz de Vivar, le Cid, est inhumé à Cardeña. Les Beni Gómez sont liés
à Carrión. Les Lara se font inhumer au début du XIIe siècle dans des
établissements hospitalier ou templier. Mais le cas le plus intéressant, là
encore, pourrait bien être celui des Castro. Il semble que l’année même où il
arrivait en grande pompe à Séville, Fernando Rodríguez fit une donation à
l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem. Son fils Pedro avait une certaine
prédilection pour l’ordre de Santiago, mais il fit aussi des donations à
Calatrava, dont il apparaît en 1204 comme un familier65. Nous sommes là bien
après la fameuse excommunication de 1196. Pedro Fernández mourut à
Marrakech, mais nous voyons pourtant son nom figurer dans les nécrologes
de la cathédrale et de Saint-Isidore de Léon, le monastère royal où était
inhumée sa mère aux côtés du roi FerdinandI er († 1065) et de la reine Urraca
(†1126). Cette dernière était d’ailleurs son arrière grand-mère. Visiblement,
prier pour un personnage excommunié qui, à la fin du XIIe siècle, représentait
un scandale vivant pour la papauté, ne posait aucun problème aux chanoines
léonais. Lucas de Tuy, qui est au début du XIIIe siècle le grand promoteur du
culte d’Isidore de Séville, rappelle les liens de Pedro avec la collégiale et ne
parle de cet étonnant personnage qu’en termes élogieux66. À la troisième
génération le fils de Pedro, Alvar Petri, devint l’un des principaux soutiens de
63
Même si le fait d’avoir obtenu les reliques de Zoïle à Cordoue s’apparente finalement à une
sorte de pèlerinage…
64
S. BARTON, «Traitors to the Faith?...», p. 36.
65
J. GONZÁLEZ, El reino de Castilla…, 1, pp. 332, 334, 335.
66
Voir supra, p.367 et note36 Pour Lucas, le souverain almohade a pu remporter la bataille
d’Alarcos car il avait à ses côtés Pedro Fernández, un “goth”: « Erat tunc cum rege barbaro
Petrus Fernandi de Castella potentissimus miles, cuius consilio rex barbarus eo tempore se regebat.
Unde notandum est Gotos fere numquam fuisse a barbaris victos, nisi Gotorum exulum secum haberent
consilium et auxilium», Lucas de TUY , Chronicon mundi (CCCM, 74), éd. Emma Falque,
Turnhout, 2003, p. 322.
La présence militaire chrétienne en al-Andalus (Xe-XIIIe siècle) 375
FerdinandIII, non sans avoir servi dans un premier temps les almohades. Il
fut inhumé au monastère cistercien de Valbuena, peut-être comme son père.
Le piquant de l’affaire est que Valbuena est l’un des rares lieux qui propose au
XIIIe siècle un cycle ambitieux de fresques illustrant la lutte contre les
musulmans. Ce n’était peut-être pas, on en conviendra, le thème le plus
adapté à la famille des Castro67…
Les principes, ceux par exemple qui soutenaient la croisade et l’idéal de
dilatatio christianitatis, étaient une chose, la réalité factuelle en était une autre.
Pour la papauté elle-même, il pouvait être nécessaire de composer. En clair,
tout n’était pas inadmissible et les chrétiens qui militaient sous la bannière de
l’islam pouvaient être excusés dans une certaine mesure s’ils s’abstenaient de
combattre les chrétiens. Tel n’était pas le cas d’un Pedro Fernández à Alarcos,
ce qui explique l’excommunication68. Mais pour ceux qui étaient simplement
exilés, la volonté pontificale de ne pas amoindrir le populus christianus était
plus importante que le désir de réprimer. Sans cela, on ne comprendrait pas
l’intérêt de Rome pour les chrétiens d’Afrique, intérêt qui poussa divers papes
à écrire à des souverains musulmans69. Nécessité pouvait faire loi, à tel point
qu’en 1223, HonoriusIII n’hésita pas à absoudre des combattants chrétiens au
service du pouvoir almohade qui, obligés d’assister à un banquet de victoire,
avaient dû consommer de la viande un vendredi70… Les mercenaires chrétiens
pouvaient d’ailleurs, «par l’exemple et les mérites d’une vie louable, amener
les infidèles eux-mêmes au salut» 71. Mais NicolasIV, qui professait cette idée
pieuse en 1290, y croyait-il lui-même?
À partir du XIIIe siècle, les raisons religieuses justifiant la condamnation
des combattants chrétiens au service de l’islam se doublèrent de raisons
67
Valbuena est une fondation de Stéphanie Armengol, arrière grand-mère de Pedro Fernández
de Castro. Celui-ci y fut sans doute inhumé après sa mort à Marrakech: Julio GONZÁLEZ,
Reinado y diplomas de Fernando III (1217-1254), 1, Cordoue, 1980, p. 140 et n. 74. Sur Valbuena,
fondé en 1143/1151, voir une riche bibliographie dans Isidro BANGO TORVISO (éd.), Monjes y
monasterios. El Cister en el medievo de Castilla y León, Valladolid, 1998, pp. 492-493. Présentation
et analyse du cycle (avec reproductions) par Antonio GARCÍA FLORES, «Fazer batallas a los
moros por las vecindades del reyno», dans C. de Ayala Martínez, P. Buresi et Ph. Josserand
(éd.), Identidad y representación de la frontera en la España medieval, siglos XI-XIV (Colección de la
Casa de Velázquez, 75), Madrid, 2001, pp. 267-291.
68
« Christianis quibus viriliter suum prestare debuerat [sujet: rex Legionensis] auxilium et favorem,
multipliciter infert molestiam et gravamen, et nomen Dei sui prout videtur oblitus, christianitatis in se
fidem per operis exhibitionem evacuans ab aliene gentis se convertit auxilium, et cum eo et per eum
multam christiani pro posse suo sustinent assidue lesionem», éd. de F. Fita dans « Bulas
históricas…», p. 423.
69
James MULDOON , Popes, Lawyers and Infidels, Liverpool, 1979, pp. 40-41, 52-56; S. BARTON,
«Traitors to the Faith?...», pp. 36-37.
70
D. MANSILLA (éd.), La documentación pontificia de Honorio III…, n. 439, pp. 318-319.
71
« Laudabilis vite meritis et exemplis, infideles etiam protrahant ad salutem », éd. de Louis de MAS
LATRIE dans Traités de paix et de commerce et documents divers concernant les relations des chrétiens
avec les arabes de l’Afrique septentrionale au Moyen Âge, Paris, 1866, n. XVIII, p. 17.
376 Patrick Henriet
Lorsqu’un Ricohombre quitte sa terre de par sa volonté propre et non parce que
le roi le bannit, s’il rejoint la terre des maures, ses vassaux ne doivent pas le suivre
car il fait doublement acte de trahison: d’abord contre Dieu, car il va aider les
ennemis de la foi. Mais aussi contre son seigneur naturel, en lui faisant la guerre et
en ravageant sa terre. Ses vassaux, s’ils le suivaient et l’aidaient, seraient également
coupables de trahison74.
Le desnaturado tire donc son nom du fait qu’il s’oppose à son seigneur
“naturel”, un concept fondamental dans une idéologie politique, celle
72
« Qui urbem vult tradere inimicis […] vel qui profugit ad hostes, vel qui hostes juvat armis pecunia vel
consilio […] quod nullus possit passare ad suos inimicos postquam guerra incoata fuerit vel esset
publica fama quod guerra esse debetur. Et qui hoc faciet vel ea que continentur in casis supradictis, in
hoc contentis, iudicamus ipsum crimen lese maiestatis comisisse et amitat caput et omnia bona sua que
in terra nostra habuerit…», Fori antiqui Valentiae, CXXI. Voir R. B URNS , «Renegades,
adventurers...», p. 357.
73
« Sed viri diabolici, qui nunc dicuntur iniciati et solebant arabibus christianorum proposita
denudare….», DRH, VI, 19.
74
« Por su voluntad saliendo algunt ricohome de la tierra non lo echandon el rey, si se fuere a tierra de
moros, non lo deben seguir sus vasallos, et esto porque face traycion en dos maneras: la una contra
Dios, porque va a ayudar a los enemigos de la fe; la otra contra su señor natural, faciendol guerra et
daño en la tierra: et en esta mesma traycion caerien sus vasallos si se fuesen con el et le ayudasen»,
Siete Partidas, 4, tit. XXV, loi XIII.
La présence militaire chrétienne en al-Andalus (Xe-XIIIe siècle) 377
d’AlphonseX, qui pose de façon déjà moderne le rapport entre des sujets et un
roi “naturel” qui n’est plus un souverain féodal75. Comme dans les Furs, c’est
donc bien la notion de lèse-majesté qui sous-tend le crime de dénaturation.
Cette construction n’en laisse pas moins quelque espace aux desnaturados qui
sont partis par nécessité et ne se dressent pas contre leur roi. D’après la
Chronique d’AlphonseX, le souverain aurait même manifesté une certaine
indulgence envers les alliés chrétiens des almohades à la fin du XIIe siècle, soit
des hommes tels que Fernando Rodríguez de Castro et ses fils, l’infant Pierre
du Portugal ou SancheVII de Navarre76. Les dénaturés pouvaient être
doublement traîtres, comme nous l’explique Alphonse dans les Partidas, mais
l’atteinte à la majesté du roi semble finalement plus grave que l’injure faite à
Dieu…
75
Sur le “naturel” chez AlphonseX, voir Georges MARTIN, «Alphonse X ou la science politique.
Septénaire, 1-11 (suite)», Cahiers de linguistique hispanique médiévale, 20 (1995), pp. 7-33, ici pp.
16-27. Pour une réflexion sur le rapport entre le “naturel” et la notion de majesté, Jacques
C H I F F O L E A U , «Sur le crime de majesté médiéval», dans Genèse de l’État moderne en
Méditerranée (Collection de l’École française de Rome, 168), Rome, 1993, pp. 183-313.
76
Chronique d’AlphonseX , éd. de Manuel González Jiménez, Murcie, 1998, p. 146, et S. BARTON,
«Traitors to the Faith?…», pp. 35-36
77
« Quia igitur, prout nobis relatum est, alii ex vobis per se, alii cum dominis, alii cum dominis et amicis
relicta gente sua et patria se confederare sarracenis attemptant, ut cum eis si potuerint populum
impugnent et oppugnent christianum, universitatem vestram rogamus in Domino et monemus
quatinus in tanto necessitatis articulo ab hoc proposito desistatis, et illi nephanda genti non presumatis
adherere, imi sicut atlethe Christi et sui nominis et fidei catholice defensores, vos murum domo domo
Israel opponatis, pro patriis legibus et gente et patria si necesse fuerit morituri» (voir note 13). Sur le
concept de patria chez les chroniqueurs castillans, voir Ariel GUIANCE, «To Die for Country,
Land or Faith in Castilian Medieval Thought», Journal of Medieval History, 24 (1998), pp. 313-
332. Pour un exemple de christianisation de la patria contemporain du texte cité, Patrick
378 Patrick Henriet
Un mot, patria, revient trois fois dans ces quelques lignes. La patria de Rada,
c’est à la fois une communauté politique dont il faut respecter les lois, une
communauté chrétienne conçue comme une réplique d’Israël, et le sentiment
d’appartenance à un peuple, une gens, que l’on ne peut combattre sous peine
de trahison. Nous avons pourtant vu ailleurs que dans sa chronique, Rada lui-
même savait, de même que bien d’autres clercs hispaniques, se montrer
indulgent pour les chrétiens exilés en al-Andalus.
De fait, au XIIIe siècle encore, lorsque toutes les portes se sont refermées, les
territoires musulmans peuvent constituer pour bien des laïcs chrétiens non
seulement un refuge, mais aussi le moyen de conserver un groupe
d’appartenance. A défaut de la société islamique à laquelle, faute de
conversion, ils restent sans doute en partie au moins étrangers, ce groupe sera
celui de chrétiens exilés qui conservent tout ou partie de leurs relations avec la
société chrétienne dont ils sont issus. Pour ces “dénaturés” le fait de combattre
au service des musulmans, éventuellement contre leurs frères de religion, n’est
en rien contradictoire avec le fait de rester chrétien. La “religion” apparaît
donc ici comme une pratique éminemment “sociale”, qui permet d’affirmer
l’appartenance aux groupes et l’intégration à des réseaux de solidarité
matérielle et spirituelle. Si les solidarités sont rompues, si l’on croit qu’elles
peuvent être reconstituées de l’autre côté de la Frontière, alors la conversion
devient possible. Elle est dans tous les cas préférable à l’isolement.
La recherche d’un “homme de la frontière”, qui choisirait de vivre entre
deux mondes, apparaît finalement illusoire en ce qui concerne le Moyen Âge.
Si cet homme existe, c’est à l’époque contemporaine qu’il apparaît, dans des
sociétés qui ont fait l’apprentissage d’un concept forgé à l’époque moderne et
que l’on peut alors, sans anachronisme, appeler de son nom: “tolérance”.
«Car la frontière n’est pas seulement un lieu de séparation où s’affirme la
différence; elle peut être aussi un espace d’échange et d’enrichissement, où
peuvent se forger des identités plurielles. C’est là qu’on fait des rencontres
qu’on ne pourrait faire nulle part ailleurs, car, bien au chaud au sein de son
village ou au cœur de sa tribu, on a toutes les chances de ne croiser que des
copies conformes à soi-même, de s’entendre parler dans la bouche des autres
et se conforter dans ses certitudes». Ces paroles sont celles de Michel
Warschawski, dans un remarquable livre intitulé Sur la frontière78. Mais elles
sont impossibles au Moyen Âge. Les desnaturados que nous avons rencontrés
n’aspiraient à rien d’autre qu’à rester membres d’une “tribu” qui leur conférait
une identité. Rien d’étonnant à cela, car dans la lignée des travaux de Louis
Dumont, les sociétés médiévales peuvent être qualifiées de “holistes”:
l’individu n’existe que par rapport à un ensemble auquel il appartient. Il
importe ici de bien marquer l’une des différences irréductibles entre les
HENRIET, « Sanctissima patria. Points communs entre les trois œuvres de Lucas», Cahiers de
linguistique et de civilisation hispaniques médiévales, 24 (2001), pp. 249-278.
78
Michel WARSCHAWSKI, Sur la frontière, Paris, 2002.
La présence militaire chrétienne en al-Andalus (Xe-XIIIe siècle) 379
Florent CYGLER*
* Université de Nantes.
1
La présente contribution, qui reprend en majeure partie le texte présenté le mardi 12 avril 2005
et dont l’appareil de notes a été à dessein réduit au minimum, n’a d’autre ambition,
conformément aux souhaits de Daniel Baloup et Philippe Josserand, que d’offrir en français, à
des fins d’information, de mise en perspective et éventuellement de comparaison, une rapide
présentation générale et narrative. Je remercie beaucoup D. Baloup, Ph. Josserand, Marco
Meschini et Kristjan Toomaspoeg, les premiers pour leur sollicitude et leur patience, les
derniers pour les utiles remarques qu’ils ont bien voulu m’adresser. Pour ce qui est de la
trame événementielle et pour de premières synthèses analytiques, on pourra commodément
se reporter, tout d’abord en ce qui concerne l’histoire de l’Allemagne, aux usuels suivants,
tous dotés de bibliographies de base plus ou moins amples et, en fonction de leurs dates de
parution, actuelles: 1. Herbert GRUNDMANN (éd.), Handbuch der deutschen Geschichte, 1,
«Frühzeit und Mittelalter», Stuttgart, 1970, réimpr. 1973 (il s’agit ici de la dernière
actualisation du très classique “Gebhardt”, dont une refonte complète ou “nouveau
Gebhardt” est en cours de parution; actuellement, le Moyen Âge n’est cependant couvert que
par trois volumes, dont seulement deux intéressent les périodes qui seront ici évoquées:
Rudolf SCHIEFFER, Die Zeit der Karolinger, 714-887 [Handbuch der deutschen Geschichte, 2],
Stuttgart, 2005 et Alfred HAVERKAMP, Das 12. Jahrhundert, 1125-1198 [Handbuch der deutschen
Geschichte, 5], Stuttgart, 2003); 2. Friedrich P RINZ , Grundlagen und Anfänge. Deutschland bis
1056 (Neue Deutsche Geschichte, 1), Munich, 1993 et Alfred HAVERKAMP, Aufbruch und
Gestaltung. Deutschland, 1056-1273 (Neue Deutsche Geschichte, 2), Munich, 1993; 3. Hans K.
S CHULZE , Vom Reich der Franken zum Land der Deutschen. Merowiger und Karolinger, Berlin,
1987; ID., Hegemoniales Kaisertum. Ottonen und Salier, Berlin, 1991,et Hartmut BOOCKMANN,
Stauferzeit und spätes Mittelalter. Deutschland, 1125-1517, Berlin, 1987 (ces trois volumes
appartiennent à la sous-série «Das Reich und die Deutschen» de la bien connue «Siedler
Deutsche Geschichte»). La dernière histoire de l’Allemagne médiévale parue en français, fort
bonne, peut elle aussi être utilisée, mais il faudra garder à l’esprit qu’elle est aussi bien
rapide: Michel PARISSE, Allemagne et Empire au Moyen Âge, Paris, 2002. Pour ce qui est d’autre
part des croisades, on pourra consulter par exemple, en fait de bonnes monographies
“compactes”: Nikolas J ASPERT , Die Kreuzzüge, Darmstadt, 2003; Hans Eberhard MAYER ,
Geschichte der Kreuzzüge (Urban-Taschenbücher, 86), Stuttgart-Berlin-Cologne, 2000 ; Jean
RICHARD, Histoire des croisades, Paris, 1996, ou Steven RUCIMAN , A History of the Crusades, 3
vol., Cambridge, 1951 (réimpr. : 1988); traduction française en un vol.: Histoire des croisades,
Paris, 1998.
382 Florent Cygler
Ainsi y avait-il eu profonde (et effective!) remise en cause, par une bonne
partie des milites qui étaient censés la mener, d’une véritable (bien que
spécifique) entreprise de “guerre sainte” lancée comme telle aux confins
orientaux de la Germanie. En d’autres termes: à une époque où, passé la
Première croisade et la seconde en cours, l’idée de guerre sainte, quelle que
soit la conception que l’historien peut en avoir4, était arrivée en Occident
2
Sur cette croisade, “produit dérivé” de la seconde croisade, voir infra.
3
Hemoldi presbyteri Bozoviensis Cronica Slavorum. Editio tertia, éd. de Bernhard Schmeidler,
Hanovre, 1937, p. 122 (livre I, chap. 65). Cf. aussi le récit du chanoine Vincent de Prague (†
après 1170), qui, pour sa part, rapportant les mots des ambassadeurs de la ville poméranienne
de Stettin assiégée par un contingent de croisés bien qu’une grande partie de ses habitants fût
déjà chrétienne, stigmatise les (véritables) motivations selon lui tout sauf “saintes” des
croisés; Vincentii Pragensis Annales, éd. de Wilhelm Wattenbach, dans MGHSS, 17, Hanovre,
1861 (réimpr.: Leipzig, 1925), pp. 658-683, ici p. 663: « Pomerani autem cruces super castrum
exponentes, legatos suos una cum episcopo suo nomine Alberto, quem domnus felicis memorie Otto
Bambergensis ecclesie episcopus, qui primo eos ad fidem christianam convertit, eis dederat, ad eos [les
croisés] mittunt: Quare sic armata manu venerint, causam exquirunt. Si pro confirmanda fide
christiana venerunt, non armis sed predicatione episcoporum hoc eos facere debuisse referunt. Sed quia
Saxones potius pro auferenda eis terra quam pro fide christiana confirmanda tantam moverant
militiam, […]».
4
Voir notamment, outre l’étude pionnière de Carl ERDMANN, Die Entstehung des
Kreuzzugsgedankens (Forschungen zur Kirchen- und Geistesgeschichte, 6), Stuttgart, 1935
(réimpr.: Darmstadt, 1980), Norman DANIEL, «The Legal and Political Theory of the
Crusade», dans H. W. Hazard et N. P. Zacour (éd.), A History of the Crusades, 6, «The Impact
of the Crusades on Europe», Madison-Londres, 1989, pp. 3-38; Étienne DELARUELLE, «Essai
sur la formation de l’idée de Croisade», Bulletin de littérature ecclésiastique, 42 (1941), pp. 24-45
et 86-103, 45 (1944), pp. 13-46 et 73-90, 54 (1953), pp. 226-239,et 55 (1954), pp. 50-63, repris
dans ID., L’idée de croisade au Moyen Âge, Turin, 1980, pp. 1-127; Jean FLORI, La guerre sainte. La
formation de l’idée de croisade dans l’Occident chrétien, Paris, 2001; ID ., Guerre sainte, jihad,
croisade. Violence et religion dans le christianisme et l’islam, Paris, 2002; Jonathan RILEY-SMITH,
The First Crusade and the Idea of Crusading, Londres, 1986; I D ., What were the Crusades? ,
Basingstoke, 2002 ; Michel VILLEY, La croisade: essai sur la formation d’une théorie juridique
(L’Église et l’État au Moyen Âge, 6), Paris, 1942. Il est presque inutile de préciser que les vues
de ces auteurs divergent les unes des autres, parfois fortement: voir, même s’ils ne sont pas
eux-mêmes dénués d’arrière-pensées, l’aperçu et la discussion critiques, qui débouchent sur
une nouvelle définition, d’Alexander Pierre B RONISCH , Reconquista und heiliger Krieg. Die
Deutung des Krieges im christlichen Spanien von den Westgoten bis ins frühe 12. Jahrhundert
(Spanische Forschungen der Görresgesellschaft, 2. Reihe, 35), Münster, 1998, pp. 201-234:
L’Empire et la guerre sainte 383
chrétien à une indéniable maturité, elle faisait semble-t-il encore, au bas mot,
quelque peu problème en terre d’Empire, du moins lorsqu’il s’agissait de
l’appliquer à la lutte des Germaniques, chrétiens, contre les Slaves, païens.
De fait, la question de la concrétion de l’idée de guerre sainte en Empire a
déjà été à plusieurs reprises posée, aussi pour ce qui est des XIe-XIIIe siècles5.
En effet, cette période fut comme l’on sait marquée par l’expansion continue et
dynamique de la chrétienté6, laquelle prit en Europe centrale, dès la seconde
moitié du Xe siècle, la forme d’une “poussée” ou d’un “élan vers l’est” des
Germaniques, l’aussi fameux que problématique Drang nach Osten de
l’historiographie allemande (mais pas seulement!) “traditionnelle”7,
aujourd’hui volontiers remplacé par des concepts plus neutres, en premier lieu
celui de “colonisation allemande de l’Est” (Deutsche Ostsiedlung)8 – un
«Die Wertung der Reconquista. Reconquista und Heiliger Krieg». Pour ma part, je reprendrai
ici commodément la courte définition d’Alain DEMURGER , La croisade au Moyen Âge. Idées et
pratiques (Collection 128, 218), Paris, 1998, p. 20, selon laquelle la guerre sainte(chrétienne) est
une «guerre juste […] menée au nom du Christ, contre ses ennemis, les païens, les Infidèles»,
cependant que la croisade naît de la rencontre (qui n’est pas nécessairement “synthèse”) entre
guerre sainte et pèlerinage pénitentiel, en l’occurrence armé, vers Jérusalem. Pour ce qui est de
la guerre sainte, il faut cependant aussi insister sur le fait qu’elle doit être d’une façon ou
d’une autre rédemptrice pour celui qui y participe (martyre, promesse de récompenses
spirituelles, absolution des péchés commis, indulgence…); cf. ID ., Chevaliers du Christ. Les
ordres religieux-militaires au Moyen Âge (XIe-XVIe siècle), Paris, 2002, p. 25: «La guerre sainte est
la guerre juste par excellence; c’est une œuvre méritoire, une œuvre pie, car elle s’applique
aux ennemis de la foi et de l’Église chrétienne: elle vaut à celui qui y meurt la palme du
martyre».
5
Voir notamment Helmut BEUMANN (éd.), Heidenmission und Kreuzzugsgedanke in der deutschen
Ostpolitik des Mittelalters (Wege der Forschung, 7), Darmstadt, 1973 – plus particulièrement les
contributions suivantes: Margret BÜNDING-N AUJOKS , «Das Imperium christianum und die
deutschen Ostkriege vom zehnten bis zum zwölften Jahrhundert», pp. 65-120 (première
publication: 1940); Helmut BEUMANN , «Kreuzzugsgedanke und Ostpolitik im hohen
Mittelalter», pp. 121-145 (première publication: 1953); Hans-Dietrich KAHL, «Zum Geist der
deutschen Slawenmission des Hochmittelalters», pp. 156-176 (première publication: 1953),et
Wilhelm BERGES , «Reform und Ostmission im 12. Jahrhundert», pp. 317-336 (première
publication: 1955/1956). Pour des études de date plus récente, voir par exemple Odilo
E NGELS, «Mission und Frieden an der Reichsgrenze im Hochmittelalter», dans H. Mordek
(éd.), Aus Kirche und Reich. Studien zu Theologie, Politik und Recht im Mittelalter. Festschrift für
Friedrich Kempf zu seinem fünfundsiebzigsten Geburtstag und fünfundfünfzigsten Doktorjubiläum,
Sigmaringen, 1983, pp. 201-224, ou, surtout, Friedrich LOTTER, «The Crusading Idea and the
Conquest of the Region East of the Elbe», dans R. Bartlett et A. MacKay (éd.), Medieval
Frontier Societies, Oxford, 1989 (réimpr.: 1992), pp. 267-306.
6
C’est notamment tout le sujet du beau livre de Robert B ARTLETT , The Making of Europe.
Conquest, Colonization and Cultural Change, 950-1350, Londres, 1993.
7
Cf. l’excellente petite mise au point de Wolfgang W IPPERMANN, Der “deutsche Drang nach
Osten”. Ideologie und Wirklichkeit eines politischen Schlagwortes (Impulse der Forschung, 35),
Darmstadt, 1981.
8
Cf. par exemple Charles HIGOUNET, Les Allemands en Europe centrale et orientale au Moyen Âge,
Paris, 1989 (cette étude fut tout d’abord publiée en allemand: Die deutsche Ostsiedlung im
Mittelalter, Berlin, 1986); Walter SCHLESINGER (éd.), Die deutsche Ostsiedlung des Mittelalters als
Problem der europäischen Geschichte (Vorträge und Forschungen, 18), Sigmaringen, 1975.
384 Florent Cygler
9
Voir Eric CHRISTIANSEN, The Northern Crusades, Londres, 1997 (n’ayant pu avoir accès à cette
seconde édition, j’ai ici dû utiliser la première: The Northern Crusade. The Baltic and the Catholic
Frontier, 1100-1525, Londres-Basingstoke, 1980, qui a par ailleurs fait l’objet d’une hélas bien
mauvaise traduction française: Les croisades nordiques. La Baltique et la frontière catholique, 1100-
1525, Lorient, 1996); Alan V. MURRAY (éd.), Crusade and Conversion on the Baltic Frontier, 1150-
1500, Aldershot et al., 2001; Edgar N. JOHNSON, «The German Crusade on the Baltic», dans
H. W. Hazard (éd.), A History of the Crusades, 3, «The Forteenth and Fifteenth Centuries»,
Madison-Londres, 1975, pp. 545-585, et William U RBAN , The Baltic Crusade, Chicago, 1994.
Parmi ces ouvrages, seul celui d’E. Christiansen réserve au XIIe siècle dans son ensemble un
traitement substantiel.
10
Sur les Slaves en général pendant l’ensemble de la période ici considérée, voir rapidement
Eberhard B OHM , «Elb- und Ostseeslaven», dans Lexikon des Mittelalters, 3 (1986), col. 1779-
1788, et, en plus détaillé, Joachim HERRMANN (éd.), Die Slawen in Deutschland. Geschichte und
Kultur der slawischen Stämme westlich von Oder und Neiße vom 6. bis 12. Jahrhundert. Ein
Handbuch. Neubearbeitung (Veröffentlichungen des Zentralinstituts für Alte Geschichte und
Archäologie der Akademie der Wissenschaften der DDR, 14), Berlin, 1985.
11
C. ERDMANN , Die Entstehung des Kreuzzugsgedankens…, pp. 1-29 («Einleitung») et 86-106
(«Heidenkriege und erster Kreuzzugsplan»).
L’Empire et la guerre sainte 385
12
Sur cet archevêché particulièrement important, voir Dietrich CLAUDE, Geschichte des Erzbistums
Magdeburg bis in das 12. Jahrhundert, 2 vol. (Mitteldeutsche Forschungen, 67), Cologne-Vienne,
1972 et 1975.
L’Empire et la guerre sainte 387
13
Voir pour commencer l’aperçu de Gerd ALTHOFF , «Saxony and the Elb Slavs in the Tenth
Century», dans T. Reuter (éd.), The New Cambridge Medieval History, 3, «c. 900-c. 1024»,
Cambridge, 1999, pp. 267-292 (bibliographie: pp. 772-778), puis, pour des exemples d’études
aussi bien “classiques” que plus actuelles, Albert BRACKMANN, Gesammelte Aufsätze, Cologne-
Graz, 1967, pp. 39-258 («Reichspolitik und Ostpolitik»: 9 articles); Christian LÜBKE (éd.),
Struktur und Wandel im Früh- und Hochmittelalter. Eine Bestandsaufnahme aktueller Forschungen
zur Germania Slavica (Forschungen zur Geschichte und Kultur des östlichen Mitteleuropa, 5),
Stuttgart, 1998; Herbert LUDAT , Slaven und Deutsche im Mittelalter. Ausgewählte Aufsätze zu
Fragen ihrer politischen, sozialen und kulturellen Beziehungen (Mitteldeutsche Forschungen, 86),
Cologne, 1982; ID., An Elbe und Oder um das Jahr 1000. Skizzen zur Politik des Ottonenreiches und
der slavischen Mächte in Mitteleuropa, Weimar-Cologne-Vienne, 1995. Enfin, je signale que, pour
appréhender l’histoire des Slaves et celle de leurs relations avec l’Empire aux Xe et XIe siècles,
l’historien dispose depuis les années 1980 d’un incomparable instrument de travail: Christian
L ÜBKE , Regesten zur Geschichte der Slaven an Elbe und Oder (vom Jahr 900 an), 5 vol.
(Osteuropastudien der Hochschulen des Landes Hessen, Reihe 1: Gießener Abhandlungen
zur Agrar- und Wirtschaftsforschung des europäischen Ostens, 131, 133, 134, 152 et 157),
Berlin, 1984-1988 (voir en particulier le premier volume: «Verzeichnis der Literatur und der
Quellensigel»).
388 Florent Cygler
14
Cf. notamment Wolfgang BRÜSKE, Untersuchungen zur Geschichte des Lutizenbundes. Deutsch-
wendische Beziehungen des 10.-12. Jahrhunderts (Mitteldeutsche Forschungen, 3), Cologne et al.,
1983.
15
Voir plus particulièrement Wolfgang H. FRITZE, «Der slawische Aufstand von 983 – eine
Schiksalswende in der Geschichte Mitteleuropas», dans E. Henning (éd.), Festschrift der
Landesgeschichtlichen Vereinigung für die Mark Brandenburg zu ihrem hundertjährigen Bestehen,
1884-1984, Berlin, 1984, pp. 9-55.
16
Cf. Geneviève BÜHRER -T HIERRY , « Les “réactions païennes” dans le nord de l’Europe au
milieu du XIe siècle », dans L’expansion occidentale (XIe-XVe siècles). Formes et conséquences.
XXXIIIe Congrès de la SHMES (Madrid, Casa de Velázquez, 23-26 mai 2002) (Histoire ancienne et
médiévale, 73), Paris, 2003, pp. 203-214.
L’Empire et la guerre sainte 389
17
Voir en particulier la longue étude de Hans-Dietrich K AHL , « Compellere intrare. Die
Wendenpolitik Bruns von Querfurt im Lichte hochmittelalterlichen Missions- und
Völkerrechts», dans H. Beumann (éd.), Heidenmission und Kreuzzugsgedanke…, pp. 177-274
(première publication: 1955).
18
J. FLORI, La guerre sainte…, pp. 191-226 («Grégoire VII et la libération de l’Église») et 261-297
(«Guerre sainte et reconquête chrétienne après l’an mil»).
390 Florent Cygler
3. Le XIIe siècle20
Désormais – et ce dès le début du siècle –, les entreprises de mission, dont
le succès restait toujours très mitigé, se doublèrent d’entreprises de
colonisation des terres de l’Est par des paysans appelés de Flandre, de
Hollande, de Westphalie, de Basse-Saxe et, dans une moindre mesure, de
Franconie. De nouvelles églises furent fondées, non seulement à des fins de
mission, mais aussi d’encadrement religieux des nouveaux arrivants chrétiens.
Sur le plan politique, ensuite, les périodes de troubles en Germanie furent
fréquentes. En 1106, HenriV († 1125) donna la Saxe, c’est-à-dire le grand
duché-frontière, à Lothaire de Supplinburg († 1137), qui alors l’autonomisa,
s’allia aux Welfes de Bavière et fut élu roi en 1125; roi, LothaireIII continua à
s’intéresser à son ancien duché, ce qui n’avait pas trop été le cas de ses
prédécesseurs. C’est lui qui, notamment, nomma Albert l’Ours margrave et
19
Cf. par exemple, dans des registres différents, Hans-Werner GOEZ, «Der erste Kreuzzug im
Spiegel der deutschen Geschichtsschreibung», dansF. Staab (éd.), Auslandsbeziehungen unter
den salischen Kaisern. Geistige Auseinandersetzung und Politik. Referate und Aussprachen der
Arbeitstagung vom 22.-24. November 1990 in Speyer (Veröffentlichungen der Pfälzischen
Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften in Speyer, 86), Spire, 1994, pp. 139-165, et
Jonathan RILEY-SMITH, The First Crusaders, 1095-1131, Cambridge, 1997.
20
Voir les titres cités supra, n. 4.
L’Empire et la guerre sainte 391
21
Voir notamment Eberhard DE M M , Reformmönchtum und Slawenmission im 12. Jahrhundert.
Wertsoziologisch-geistesgeschichtliche Untersuchungen zu den Viten Bischofs Ottos von Bamberg
(Historische Studien, 419), Lübeck-Hambourg, 1970; Klaus GUTH, «Kreuzzug, Heidenfahrt,
Missionsreise. Die Pommern-Mission Bischof Ottos I. von Bamberg im Horizont der
Kreuzzugsbewegung des 11./12. Jahrhunderts», dans L. Bauer et al. (éd.), Bischof Otto I. von
Bamberg. Reformer – Apostel der Pommern – Heiliger (1139 gestorben, 1189 heiliggesprochen).
Gedenkschrift zum Otto-Jubiläum 1989 (125. Bericht des Historischen Vereins Bamberg),
Bamberg, 1989, pp. 147-158, et ID ., «The Pomeranian Missionary Journeys of Otto I of
Bamberg and the Crusade Movement of the Eleventh to Twelfth Centuries», dans M. Gervers
(éd.), The Second Crusade and the Cistercians, New York, 1992, pp. 13-23.
392 Florent Cygler
autant pour renvoyer dans son abbaye son agité coreligionnaire et concurrent
Radulf, qui en Rhénanie provoquait de nouveaux pogroms, que pour essayer
de convaincre ConradIII, qu’EugèneIII aurait selon toute vraisemblance
préféré faire venir à Rome pour qu’il y restaure l’autorité pontificale, de
participer à la croisade, se rendit en terre d’Empire28. La scène de son prêche
devant le roi et les princes allemands rassemblés dans la cathédrale de Spire
pour fêter Noël en décembre 1146 est bien connue: d’abord éminemment
réticent, ConradIII se laissa soudain convaincre par les paroles enflammées de
l’abbé de Clairvaux et se croisa. Tout aussi connu est le résultat de la diète
réunie à Francfort par le roi en mars 1147 pour préparer l’expédition – diète à
laquelle Bernard, revenu en Empire pour l’occasion, assista: au contraire de
leur souverain, les Saxons présents, craignant pour la sécurité de leurs
frontières qui se retrouveraient sans défense face aux Slaves s’ils devaient se
rendre en Terre sainte, ne succombèrent pas au discours de Bernard; il fut
alors décidé qu’ils partiraient en croisade non vers la Terre sainte, mais vers
les terres de leurs voisins slaves et païens, où ils obtiendraient les mêmes
récompenses spirituelles que ceux qui suivraient Conrad en Orient.
AlphonseVII de Castille et León († 1157) avait déjà bénéficié, l’année
précédente, d’un “arrangement” similaire pour son expédition d’Almería.
Comme l’écrivit le chroniqueur Saxo Grammaticus († vers 1220) dans ses Gesta
Danorum: « Singulae autem Catholicorum provinciae confinem sibi barbariem
incessere iubebantur» 29.
[…] ad delendas penitus aut certe convertendas nationes illas [les “nations” slaves]
signum salutare suscipere […]. Illud […] interdicimus, ne qua ratione ineant foedus cum
eis […], donec auxiliante Deo aut ritus ipse aut natio deleatur […]31.
30
S. Bernardi opera, éd. de Jean Leclercq et Henri Rochais, 8, Rome, 1977, pp. 432-433.
31
Ibid., p. 433.
32
Pour une large discussion de fond (contradictoire), voir avant tout Hans-Dietrich KAHL, «Die
Ableitung des Missionskreuzzugs aus sybillinischer Eschatologie (Zur Bedeutung Bernhards
von Clairvaux für die Zwangschristianisierungsprogramme im Ostseeraum)», dans Z. H.
Nowak (éd.), Die Rolle der Ritterorden in der Christianisierung und Kolonisierung des Ostseegebietes
(Ordines militares, 1), Torun, 1983, pp. 129-139; ID ., « ”Auszujäten von der Erde die Feinde
des Christennamens”. Der Plan zum “Wendenkreuzzug” von 1147 als Umsetzung
sibyllinischer Eschatologie», Jahrbuch für die Geschichte Mittel- und Ostdeutschlands, 39 (1990),
pp. 133-160; ID ., «Crusade Eschatology as seen by St. Bernard in the Years 1146 to 1148»,
dans M. Gervers (éd.), The Second Crusade…, pp. 35-47, et F. LOTTER , Die Konzeption des
Wendenkreuzzuges…, pp. 10-43 («Der ideengeschichtliche Kontext»).
33
Eugenii III pontificis Romani epistolae et privilegia, dans PL, 180, col. 1013-1642, ici col. 1203-1204.
34
Une troisième corps constitué de Polonais et de Moraves alla combattre les Prusses. On ne sait
toutefois rien de ce qu’il advint de cette expédition.
L’Empire et la guerre sainte 395
Ad ultimum nostris iam pertesis conventio talis facta est, ut Slavi fidem Christianam
reciperent […]. Multi igitur eorum falso baptizati sunt, […]. Taliter illa grandis expedicio
cum modico emolumento soluta est. Statim enim postmodum in deterius coaluerunt; nam
neque baptisma servaverunt […]37.
35
Sur Anselme et la croisade, voir Pegatha TA Y L O R , «Moral Agency in Crusade and
Colonization. Anselm of Havelberg and the Wendish Crusade of 1147», The International
History Review, 22 (2000), pp. 757-784.
36
Voir le récit de Vincent de Prague donné supra, n. 3.
37
Hemoldi presbyteri Bozoviensis Cronica…, p. 123 (livre I, chap. 65).
38
Voir supra, n. 3.
396 Florent Cygler
4. Et la guerre sainte?
La papauté, grande promotrice de la “guerre sainte”, avait brillé par son
absence dans les années 1150-1160. En 1171, elle reprenait l’initiative avec la
bulle Non parum animus par laquelle AlexandreIII (1159-1181) appelait en
premier lieu les Scandinaves à prendre la croix cette fois contre les païens de la
Baltique orientale. Ce nouvel appel à la croisade ne rencontra cependant pas le
moindre écho tant ses destinataires, les princes chrétiens du Nord, étaient
alors occupés à se combattre. En 1199, InnocentIII (1198-1216) accordait un
privilège de croisade aux Saxons qui iraient soutenir les efforts, entamés une
L’Empire et la guerre sainte 397
39
Là-dessus et sur ce qui suit, voir le commode et récent aperçu (accompagné de la
bibliographie de base afférente) d’A. DEMURGER, Chevaliers du Christ…, pp. 67-78 («Du côté de
la Baltique. Croisade missionnaire et ordres religieux-militaires») et 319-320 (notes et
références bibliographiques).
398 Florent Cygler
40
Voir Werner PARAVICINI, Die Preußenreisen des europäischen Adels, 2 vol. (Beihefte der Francia,
17), Sigmaringen, 1989 et 1995.
Regards croisés sur la guerre sainte, pp. 399-412.
Kristjan TOOMASPOEG*
* Université de Lecce.
1
Un rôle essentiel dans le rapprochement entre les historiens du Nord et du Sud est joué par les
instituts de recherche finnois et scandinaves à Rome qui permettent à un grand nombre des
chercheurs de ces pays un accès direct aux archives et à la bibliothèque du Vatican. Dans le
cas des historiens des pays Baltes, il reste encore difficile à réaliser des projets d’étude en Italie
et, pour l’instant, leurs réseaux de collaboration scientifique se trouvent exclusivement dans le
monde germanophone et anglophone.
2
Cf., par exemple, Luigi DE A NNA , Il mito del Nord : tradizioni classiche e medievali (Nuovo
Medioevo, 43), Naples, 1994.
3
Leonid ARBUSOW , «Römischer Arbeitsbericht I-IV », Acta Universitatis Latviensis. Latvijas
universitatis raksti, 17 (1928), pp. 285-423 et 20 (1929), pp. 475-657 ; Filologijas un Filosopijas
fakultates serija, 1 (1929-1931), pp. 65-160 et 4 (1931-1933), p. 279-398.
400 Kristjan Toomaspoeg
4
Les premiers à associer sans équivoque les opérations de guerre et de conversion qui se sont
déroulées en Baltique aux croisades en Terre sainte étaient les historiens anglo-saxons Eric
Christiansen et William Urban dans deux monographies publiées en 1980 et 1981: Eric
CHRISTIANSEN, The Northern Crusades. The Baltic and the Catholic Frontier 1100-1525, Londres,
1980 (la traduction française Les Croisades nordiques: la Baltique et la frontière catholique, 1100-
1525, Lorient, 1996, contient des erreurs) place les événements qui se sont déroulés dans
l’Europe du Nord-Est dans le cadre global des croisades, terme qu’il utilise dans un sens très
large, en y comprenant non seulement les guerres contre les Wendes, les Prussiens, les Lives,
Lettons et Estoniens, mais aussi les expéditions suédoises contre Novgorod et la guerre
opposant la Lituanie et la Prusse teutonique. Son livre, destiné à un large public, servit donc à
créer un concept de croisade “nordique”, appliqué aussi dans une autre œuvre, moins connue,
de William URBAN , The Livonian Crusade, Washington, 1981. L’auteur traite uniquement la
Livonie, en présentant un exposé plus approfondi sur l’argument, mais en y incluant quelques
erreurs qui concernent le contexte local (les toponymes, les localisations, etc.). Les concepts
d’E. Christiansen et de W. Urban, en soi plutôt convaincants, doivent être complétés par les
donnés de l’historiographie allemande, la plus abondante sur le thème, à commencer par
Friedrich B ENNINGHOVEN , Der Orden der Schwertbrüder. Fratres Milicie Christi de Livonia
(Ostmitteleuropa in Vergangenheit und Gegenwart, 9), Cologne-Graz, 1965, et par un grand
nombre d’œuvres écrites dans les pays qui ont fait l’objet de la guerre baltique.
L’historiographie polonaise ou balte traditionnelle traite plus les aspects politiques et
économiques de la guerre et moins son idéologie, avec certaines ouvertures à partir de 1988.
En atteste Suler VAHTRE, Muinasaja loojang Eestis. Vabadusvõitlus 1208-1227, Tallinn, 1990, qui
reste à mi-chemin entre les interprétations marxistes et nationalistes et la lecture du cadre
général de l’histoire européenne. L’historiographie balte a connu d’importants progrès au
cours des dernières décennies, depuis la publication de volumes comme Jüri KIVIMÄE et Juhan
KREEM (éd.), Quotidianum estonicum. Aspects of Daily Life in Medieval Estonia (Medium Aevum
Quotidianum, Sonderband 5), Krems, 1996 et, pour la première fois, on assiste aussi à une
collaboration entre les historiens estoniens, lettons et lituaniens, symbolisée par la publication
d’une brève histoire des pays Baltes par une équipe mixte de spécialistes: Zigmantas KIAUPA
et al. (éd.), The History of the Baltic Countries, Tallinn, 1999. Les ouvertures d’esprit qui ont eu
leurs débuts sous l’influence de l’intérêt porté aux aspects de la vie quotidienne ou à l’histoire
des mentalités se sont traduites par une analyse plus “européenne” de la guerre baltique,
visible dans les articles de divers historiens baltes contenus dans Alan V. M URRAY (éd.),
Crusade and Conversion on the Baltic Frontier 1150-1500, Aldershot, 2001. Pour un aperçu de
l’historiographie relative à la guerre baltique, on peut se reporter au travail de Juhan KREEM,
La guerre baltique et l’Europe méditerranéenne 401
apprendre qu’«un certain pays, appelé Finlande [...] a récemment été converti
à la foi» 10 – et une croisade au vrai sens du terme fut entreprise dans ce pays
seulement en 1240, dans un contexte complètement différent, celui de la lutte
contre les orthodoxes. Le pouvoir suédois fut capable de se servir habilement
de l’idée de la croisade pour défendre ses intérêts face à la principauté de
Novgorod, en menant en 1240, 1249 et 1292 des expéditions militaires, tenues
avec une certaine exagération pour les «première, deuxième et troisième
croisade de Finlande» 11. À ces entreprises militaires s’ajoute la longue guerre
menée par les Suédois contre Novgorod entre 1295 et 1378, alors que la
Finlande était déjà solidement acquise à la religion chrétienne12. Cette guerre
gagna le nom de croisade en premier lieu grâce à l’intervention de sainte
Brigitte qui, sur ce plan, développa une argumentation assez proche de
Bernard de Clairvaux13.
Enfin, après la défaite des chevaliers teutoniques face aux Lituaniens dans
la bataille de Durbe en 1260, la papauté d’AlexandreIV et de ses successeurs
prêta un appui particulier à la lutte de l’ordre teutonique contre les païens de
la Baltique, donc contre la Lituanie, une lutte que les chevaliers surent
transformer avec grande habilité en une guerre sans fin ou, pour reprendre les
mots d’Éric Christiansen, en une « croisade interminable» 14, qui dura jusqu’à
la bataille de Tannenberg en 141015. Comme on peut le constater, je procède,
dans la définition de la guerre ou de la croisade baltique, d’une manière
proche de celle de l’historiographie anglo-saxonne, en fixant comme limites
chronologiques de ce phénomène les dates de 1147 et 1410 et en étendant
l’espace baltique à toutes les régions autour de la mer, de l’Allemagne nord-
orientale jusqu’à la Finlande et à l’embouchure de la Neva.
10
Alfred KRARUP (éd.), Bullarium Danicum, Copenhague, 1931, p. 73.
11
E. CHRISTIANSEN, The Northern Crusades…, p. 112.
12
Sur ce sujet, il faut se reporter à l’article de Jean-Marie MAILLEFER, «La croisade du roi de
Suède Magnus Eriksson contre Novgorod», dans L’Expansion occidentale…, pp. 87-96.
13
Sur Brigitte, cf. par exemple Tore NYBERG (éd.), Birgitta, hendes vaerk og klostre i Norden,
Odense, 1990. Pour la bibliographie plus récente, voir aussi Arne JÖNSSON (éd.), St. Bridgets’
Revelations to the Popes: an Edition of the so-called Tractatus de summis pontificibus, Lund, 1997.
14
E. CHRISTIANSEN, The Northern Crusades…, pp. 132-170.
15
Sven EKDAHL, Die Schlacht bei Tannenberg 1410. Quellenkritische Untersuchungen (Berliner
historische Studien, 8), Berlin, 1982.
La guerre baltique et l’Europe méditerranéenne 403
16
Fl. CYGLER , «L’Empire et la guerre sainte…», et E. CHRISTIANSEN, The Northern Crusades…,
p.51.
17
Au sujet de l’appellation de “Terre de Marie”, j’ai consulté mon collègue Juhan Kreem
(Tallinna Linnaarhiiv) qui m’a confirmé que cette tradition commence avec la chronique
d’Henri de Lettonie qui est le premier à utiliser ce terme (HENRICUS LETTUS, Chronicon
Livoniae. Livländische Chronik, éd. de Leonid Arbusow et Albert Bauer, Darmstadt, 2e édition,
1959; Heinrici Chronicon Livoniae. Henriku Liivimaa kroonika, éd. d’Enn Tarvel, Tallinn, 1982).
18
Sur ces hôpitaux des croisés allemands, voir Kristjan TOOMASPOEG, Les Teutoniques en Sicile.
1197-1492 (Collection de l’École française de Rome, 321), Rome, 2003, pp. 101-107.
19
Claudia NAUMANN, Der Kreuzzug Kaiser Heinrichs VI, Francfort-sur-le-Main, 1994.
20
Cf. Norbert K AMP , «Die Deutsche Präsenz im Königreich Sizilien (1194-1266)», dans
T.Kölzer (éd.), Die Staufer im Süden. Sizilien und das Reich, Sigmaringen, 1996, pp. 141-185.
404 Kristjan Toomaspoeg
21
Sur l’histoire générale de l’ordre teutonique, on peut se reporter à Klaus M ILITZER , Die
Geschichte des Deutschen Ordens, Stuttgart, 2005, et en français, à Kristjan TOOMASPOEG, Histoire
des chevaliers teutoniques, Paris, 2001.
22
Heinrici Chronicon Livoniae…, pp. 42-43.
23
F. BENNINGHOVEN, Der Orden der Schwertbrüder….
24
E. CHRISTIANSEN, The Northern Crusades…, pp. 120-121.
La guerre baltique et l’Europe méditerranéenne 405
25
L’étude principale sur Guillaume reste celle de Gustav Adolf DONNER, Kardinal Wilhelm von
Sabina. Bischof von Modena 1222-1324. Päpstlicher Legat in den nordischen Ländern (+ 1251),
Helsinki, 1929.
26
E. CHRISTIANSEN, The Northern Crusades…, p. 122.
27
Helen NICHOLSON , Templars, Hospitallers and Teutonic Knights. Images of the Military Orders,
1128-1291, Leicester-Londres-New-York, 1993, p. 39.
406 Kristjan Toomaspoeg
une vague de reproches contre les ordres militaires qui perdent en estime à
tous les niveaux de la société28. Cette impopularité aurait été l’une des causes
de la chute des Templiers et aurait également affecté d’une manière grave les
Hospitaliers et les Teutoniques. À vrai dire, en Italie, les ordres militaires
continuent à bénéficier des donations et du soutien général de la population
locale y compris après 1291 et, quelquefois, la chute d’Acre ne fit
qu’augmenter ce soutien29. Toutefois, l’évolution générale défavorisait les
ordres militaires, surtout sur le plan de leurs rapports avec le Saint-Siège.
Cette constatation vaut aussi pour l’ordre teutonique qui avait au XIIIe siècle,
malgré les conflits cités de 1240 et 1258, toujours maintenu d’excellentes
relations avec la papauté et qui, à la différence des Templiers et des
Hospitaliers, avait reçu plus d’éloges que de reproches de la part des
chroniqueurs tels Matthieu Paris30 et des écrivains de l’Église. Ainsi, Jacques
de Vitry fit dans son Historia orientalis la louange des Teutoniques qui, selon
lui, auraient été encore libres des erreurs qui sévissaient chez les Templiers et
les Hospitaliers, comme l’orgueil, l’opulence et les disputes31. Les Teutoniques
furent appréciés aussi par des hommes comme Bruno, évêque d’Olomouc, et
Olivier le Scolastique32.
Cependant, depuis l’époque de BonifaceVIII, les Teutoniques, qui se
comportaient en Prusse comme des princes féodaux et se lançaient dans des
guerres civiles et des escarmouches avec les villes et les évêchés de la Livonie,
furent souvent accusés par leurs concurrents d’avoir préféré la violence à une
conversion pacifique des païens et d’avoir commis des crimes – beaucoup
d’entre eux en réalité attribuables aux anciens Porte-Glaive – durant la
croisade baltique. En 1301, un chanoine de Carcassonne et chapelain du pape,
Isarnus, fut envoyé à Riga pour vérifier ces accusations33. En conséquence, les
Teutoniques durent, entre 1300 et 1312, intervenir pour la défense de leurs
intérêts, en rédigeant des œuvres qui décrivaient l’origine, l’histoire et les
mérites de l’ordre en Baltique, comme la réponse aux accusateurs écrite par les
Teutoniques de Livonie en 130634. La phase décisive du débat sur le rôle de
l’ordre teutonique se déroula en Avignon sous le pontificat de BenoîtXII
28
Ibid.
29
De ce soutien témoignent par exemple les nombreuses donations en faveur de l’ordre
teutonique en Italie (cf. Kristjan TOOMASPOEG, «Base économique de l’expansion des bourgs
siciliens. Exemple des possessions de l’Ordre Teutonique dans la zone Corleone-Vicari-
Castronovo, 1220-1310», dans El món urbà a la Corona d’Aragó del 1137 als decrets de Nova Planta
(Actas del XVII Congreso de Historia de la Corona de Aragón, Barcelona-Lleida, 7-12 septiembre
2000), Barcelone, 2003, 1, pp.595-604, et ID., «La fondazione della provincia di “Lombardia”
dell’Ordine dei Cavalieri Teutonici (secoli XIII-XIV)», Sacra Militia, 3 (2003), pp. 111-159.
30
H. NICHOLSON, Templars, Hospitallers and Teutonic Knights..., p. 11.
31
Ibid., p. 49.
32
Ibid., p. 48.
33
W. URBAN, The Livonian Crusade…, pp. 45-46.
34
Friedrich Georg von BUNGE (éd.), Liv-, Esth- und Curländisches Urkundenbuch nebst Regesten,
Reval-Riga, 1853-1910, 2, pp. 15-20.
La guerre baltique et l’Europe méditerranéenne 407
35
Hubert H O U B E N , «Eine Quelle zum Selbstverständnis des Deutschen Ordens im 14.
Jahrhundert : der Codex Vat. Ottobon. lat. 528», dans R. Czaja et J. Sarnovsky (éd.), Selbstbild
und Selbstverständnis der geistlichen Ritterorden (Universitas Nicolai Copernici. Ordines
Militares. Colloquia Torunensia Historica, XIII), Torun, 2005, pp. 139-153. Codex Vat. Ottobon.
lat. 528, fol. 3 : « cibos spirituales tue apostolice sanctitati et auctoritati offero et presens expositiones et
similitudines spirituales de terreno paradyso de civitate Ierosolimitana et de Noe archa in sacra tua
domo theotunica secundum eius regulam, consuetudines, statuta et privilegia apostolica [...] te more
Psalmiste satiari et repleri desidero ». Le manuscrit d’Ulrich est actuellement en cours de
transcription en vue de sa publication.
36
Sur la littérature de l’ordre teutonique, cf. Mary FISCHER, ”Di himels rote”. The idea of Christian
chivalry in the chronicles of the Teuthonic Order (Göppinger Arbeiten zur Germanistik, 525),
Göppingen, 1991, Karl HELM et Walther Z IESEMER, Die Literatur des Deutschen Ritterordens
(Giessener Beiträge zur Deutschen Philologie, 94), Giessen, 1951 et Jaroslaw WENTA, «Über
die ältesten preussischen Annalen», Preussenland, 1 (1994), pp. 1-15.
408 Kristjan Toomaspoeg
37
Werner PARAVICINI, Die Preussenreisen des europäischen Adels (Beihefte der Francia, 17, 1-2),
Sigmaringen, 1989-1995, 2 vol.
38
Consalvus DURANTUS (éd.), Revelationes S. Brigittae, Anvers, 1611, et Jacques FERRAIGE (trad.),
Les Révélations célestes et divines de Ste Brigitte de Suède, Paris, 1624.
39
E. CHRISTIANSEN, The Northern Crusades…, pp. 223-228.
40
Cf. Erich WE I S E (éd.), Die Staatschriften des Deutschen Ordens (Veröffentlichungen der
Niedersächsischen Archivverwaltung, 27), Göttingen, 1970, pp. 65-11, 118-120 et 121-162.
La guerre baltique et l’Europe méditerranéenne 409
41
7 mai 1283, Vienne, Deutschordens Zentralarchiv, Ordenspergamenten, Raimundus DUELLIUS,
Historia ordinis equitum Teutonicorum, Vienne, 1727, 3, p. 90, regeste dans Gaston von
P ETTENEGG (éd.), Die Urkunden des Deutsch-Ordens Zentralarchives zu Wien, Prague-Leipzig,
1887, 1, doc. 614; 9 mai 1283, Vienne, Deutschordens Zentralarchiv, Ordenspergamenten, reg.
ibid., doc. 615.
42
Sur la motivation des donateurs, cf. K. TOOMASPOEG, «Base économique de l’expansion des
bourgs siciliens…», et ID ., « Confratres, procuratores, negociarum gestores et factores eorum...
Storia dei familiares dei Cavalieri Teutonici in Sicilia (1197-1492)», Sacra Militia, 1 (2000),
pp.149-163.
43
Les statuts de l’ordre (conservés en copie à Barcelone, dans l’Archivo de la Corona de Aragón,
Pergaminos de Juan II, apéndice) ont été publiés et étudiés dans Henri BRESC, « L’Empresa de la
Correge et la conquête de la Sicile: le royaume errant de Martin de Montblanc», Anuario de
Estudios Medievales, 23 (1993), pp. 197-220.
44
Ibid., p. 198.
410 Kristjan Toomaspoeg
la défense des dames, et que l’on peut insérer dans toute une série
d’institutions similaires45, ces petits ordres de la noblesse formés au XIVè
siècle, connus surtout dans l’espace allemand où le phénomène a été étudié
par Holger Kruse, Werner Paravicini et Andreas Ranft46, mais présents dans
toute l’Europe occidentale, y compris la péninsule Ibérique.
Les statuts de l’Empresa, mis au point entre 1385 et 1390 et modifiés en
1392, contiennent 19 chapitres, dont un, le neuvième, consacré à l’attribution
des récompenses symboliques, des plaques émaillées, pour des mérites
particuliers. Un de ces mérites est la participation aux guerres de Prusse et de
Niflant (de Livland, Livonie) qui, selon les statuts de l’ordre, vaut plus qu’un
pèlerinage en Terre sainte et permet d’obtenir une plaque verte47. L’Empresa
s’inspire naturellement des modèles préexistants, anglais, français et ibériques,
et il est à noter que les statuts de plusieurs des ordres chevaleresques princiers
de l’époque contiennent une clause identique qui concède des bénéfices à ceux
qui partent pour la Baltique. Répétons-le, avant la menace turque, la seule
vraie croisade qui existait était aux yeux de la noblesse celle qui fut entreprise
dans la Baltique. Il est à noter que les statuts de l’ordre de Martin de
Montblanc utilisent la forme allemande du nom de la Livonie, Livland, et non
pas le terme latin, Livonia, ce qui indique que les voies de la diffusion des
informations sur la région passaient par le monde germanique. Il est
important de vérifier si le neuvième chapitre des statuts de l’Empresa et les
exemples équivalents intéressant le monde méditerranéen étaient des simples
répétitions de modèles préexistants ou au contraire s’ils possédaient un
contenu réel, c’est-à-dire si les nobles du Sud se rendaient effectivement en
Prusse et en Livonie pour gagner la fameuse plaque verte.
Notre second exemple donne quelques informations sur cette participation
effective aux événements de la Baltique. Il s’agit d’une lettre, écrite le 3 mai
1403 par le procureur général de l’ordre teutonique à Rome, Johann de Felde,
au grand-maître Konrad de Jungingen48. Le procureur demande des nouvelles
de la guerre contre les Lituaniens et dit avoir reçu une lettre du commandeur
provincial des Teutoniques dans les Pouilles qui lui parlait d’un grand intérêt
des nobles du royaume de Sicile pour cette entreprise, ajoutant que dans la
région «il y a beaucoup de grand seigneurs qui se sont rendus en Prusse et en
Lituanie et y sont devenus chevaliers», et que ces seigneurs demandent
ensuite des informations sur la situation en Baltique. Et le procurateur
d’ajouter:
45
Ibid.
46
Holger K RUSE , Werner PARAVICINI et Andreas R ANFT , Ritterorden und Adelsgesellschaften in
spätmittelalterlichen Deutschland, Francfort-sur-le-Main, 1991.
47
H. BRESC, « L’Empresa de la Correge…», p. 216.
48
Kurt FORSTREUTER et Hans KOEPPEN (éd.), Berichte der Generalprokuratoren des Deutschen Ordens
an der Kurie (Veröffentlichungen der Niedersächsischen Archivverwaltung, 12, 13, 21, 32 et
37), Göttingen, 5 vol., 1960-1976, 1, doc. 269, pp. 378-379.
La guerre baltique et l’Europe méditerranéenne 411
le plus puissant des princes de ce pays après le roi de Naples, appelé Raynaldus de
Ursinis, a été en Prusse et y est devenu chevalier. Il est un confrère [donc un associé
laïque] de notre ordre et porte la croix de l’ordre au cou; on le compare à un
seigneur ecclésiastique et il est un protecteur de l’ordre dans le royaume. Quand il
rencontre le commandeur provincial, il demande des nouvelles de la Prusse et
voudrait bien savoir comment va l’ordre.
49
Jean FROISSART, Chroniques, éd. de Peter F. Ainsworth, George T. Diller et Albert Varvaro,
Paris, 2001-2004.
50
8 octobre 1492, copie dans: Vienne, Deutschordens Zentralarchiv, Handschriften, 164, p. 386.
412 Kristjan Toomaspoeg
3
Una buena síntesis sobre la evolución del medievalismo español en el siglo XX puede verse en
Emilio MITRE, «La historiografía sobre la Edad Media», en J. Andrés-Gallego (éd.), Historia de
la historiografía española, Madrid, 1999, pp. 67-116. Un estudio historiográfico de conjunto de
gran envergadura puede encontrarse en: XXV Semana de Estudios Medievales de Estella. La
historia medieval en España. Un balance historiográfico (1968-1998), Pamplona, 1999.
4
Manuel GONZÁLEZ, «¿Re-conquista? Un estado de la cuestión», en Tópicos y realidades de la
Edad Media, Madrid, 2001, pp. 157-178, p. 161.
5
Ibid., p. 158.
6
Josep TORRÓ, «Pour en finir avec la Reconquête. L’occupation chrétienne d’al-Andalous, la
soumission et la disparition des populations musulmanes (XIIe-XIIIe siècles)», Cahiers
d’Histoire. Revue d’histoire critique, 78 (2000), pp. 79-97.
7
Ibid., p. 85.
8
Las actas han sido publicadas recientemente: Jorge LÓPEZ QUIROGA , «El mito-motor de la
Reconquista como proceso de etnogénesis socio-política», en T. Deswarte y Ph. Sénac (éd.),
Guerre, pouvoirs et idélogie dans l’Espagne chrétienne aux alentours de l’an mil. Actes du colloque
internacional organisé par le Centre d’Études Supérieures de Civilisation Médiévale, Poitiers-
Angoulême (26, 27, 28 sept 2002), Turnhout, 2005, pp. 113-121.
La Reconquista: una invención historiográfica 415
9
Thomas DESWARTE, De la destruction à la restauration. L’idéologie du royaume d’Oviedo-León (VIIe-
XIe siècles), Turnhout, 2003, p. 321.
10
Véase especialmente su artículo «Moines envahisseurs ou moines civilisateurs? Cluny dans
l’historiographie espagnole (XIIIe-XXe siècles)», Revue Mabillon. Revue internationale d’histoire et
de litterature religieuses, 72 (2000), pp. 135-159.
11
José ÁLVAREZ JUNCO, Mater Dolorosa. La idea de España en el siglo XIX, Madrid, 2002.; ID., « The
formation of spanish identity and its adaptation to Ages of Nations», History and Memory, 14
(2002), pp. 13-36
12
Fernando WULFF , Las esencias patrias. Historiografía e historia antigua en la construcción de la
identidad española (siglos XVI-XX), Barcelona, 2003.
13
Benoît P ELLISTRANDI , Un discours nacional? La Real Academia de la Historia entre science et
politique (1847-1897), Madrid, 2004; ID., «Escribir la historia de la nación española: proyectos
416 Martín Ríos Saloma
libertad del pueblo cristiano sometido al yugo musulmán y por haber sido, al
mismo tiempo, una clara muestra del respaldo que Dios daba a los suyos. En
segundo lugar, se percibe el hecho de que la identificación de los grupos que
participaron en la batalla de Covadonga y en el resto de los hechos de armas
se hizo siempre en términos religiosos ya que se establecía que en ella
pelearon cristianos contra musulmanes. Cuando los autores hicieron alguna
distinción entre los grupos cristianos, la identificación se hizo en términos
étnicos, de tal suerte que se hablaba de astures, cántabros, vascones y
visigodos, exaltando la histórica resistencia de los primeros frente a todo
intento de dominación y el noble linaje de los últimos. Por otra parte, es
patente que los términos que se utilizaron en estas obras para referirse a la
conquista de otras plazas, villas y ciudades tras la muerte de Pelayo fueron
«conquistar», «tomar» o «ganar» y siempre se resaltó el hecho de que tras
esa conquista militar hubo una restauración del dominio cristiano, de la
población y de la organización civil y eclesiástica. El cuarto aspecto a resaltar
es que nunca se cuestionó la veracidad de la batalla de Covadonga ni su
primacía frente a otros movimientos de resistencia, como los iniciados en el
Pirineo aragonés por Iñigo Arista o en el Pirineo catalán por el mítico Otger
Cataló, aunque aragoneses y catalanes emplearon litros de tinta en exaltar sus
propias gestas y en resaltar su contribución al proceso general de restauración
frente al desprecio mostrado por los autores castellanos.
Finalmente, debe señalarse el hecho de que frente a la ausencia de noticias
históricas fidedignas, la versión tradicional de los acontecimientos del siglo
VIII se mostró capaz de satisfacer las inquietudes históricas de los lectores de
los siglos XVI y XVII, razón por la cual los escritores se encargaron de
actualizar y mantener vigente dicha versión llenando los vacíos informativos
con suposiciones e invenciones de todo tipo25. Con ello, más que elaborar una
historia, los distintos autores contribuyeron a reelaborar un mito fundacional:
el de la pérdida y restauración de España.
25
Fray Juan de Villaseñor, por ejemplo, dedica varias fojas a las apariciones de la Virgen y de la
Santa Cruz que ocurrieron en el transcurso de la batalla de Covadonga. Juan de VILLASEÑOR,
Historia general de la restauración de España por el santo rey Pelayo, apariciones de cruces bajadas del
cielo, varias noticias históricas de imágenes en diferentes reinos…, Madrid, 1684. Al lector no
escapará la atribución de la santidad a Pelayo por parte del autor.
418 Martín Ríos Saloma
Los primeros reyes, que después de inundada nuestra España y dominada casi
del todo de las armas de los califas de Damasco, empezaron a liberarla del pesado
yugo Mahometano, más armados de la fe que del valor […], no tuvieron otro título
que el de Asturias, porque el dominio del primer restaurador de las ruinas del
Imperio Gótico don Pelayo, sólo se ciñó a las asperezas de las Asturias […]
peleando por los cristianos la tierra, el aire y el agua, para que por todos se
reconociese cuan estable había de ser la monarquía cuyos cimientos eran tan
soberbios prodigios.
Añadió al título de Asturias el de Galicia Don Alonso el Católico, que no sólo
restauró la mayor parte de esta provincia, sino que bajando con sus tropas las faldas
de las montañas echó de ellas a los mahometanos que las habían ocupado y sólo con
estos dos títulos se honraron sus sucesores hasta Ordoño II […].
En [esta historia] verá V.A. la religión, la justicia, el valor y grandeza de ánimo
de sus reales progenitores, como lo dicen tantas fundaciones de iglesias y
26
A. JUNCO, Mater Dolorosa.... Véase especialmente la primera parte.
27
Juan de FERRERAS , Sinopsis histórica cronológica de España o historia de España reducida a
compendio y a debida cronología. Parte segunda, Madrid, 1700-1727.
La Reconquista: una invención historiográfica 419
28
Ibid., 3, pp. I-IV.
29
Ibid., 3, p. 33.
30
Joseph Manuel MARTÍN, Historia verdadera de la pérdida y restauración de España por Pelayo y Don
García Jiménez de Aragón, sacada de Don Rodrigo, Morales, Pisa, Juliano y varios manuscritos
antiguos, Madrid, 1780.
31
Ibid., p. 15.
32
Ibid., p. 24.
33
Juan Francisco M ASDEU, Historia crítica de España y de la cultura española, 10, «España Goda»,
Madrid, 1791 y 12, «España Árabe», Madrid, 1793.
34
Gaspar IBÁÑEZ de SEGOVIA, marqués de Mondéjar, Examen crítico a cronológico del año en que
entraron los moros en España, Madrid, 1687.
35
J. F. MASDEU, Historia crítica... , 10, p. 223.
420 Martín Ríos Saloma
considerarse como una lucha digna de toda exaltación en tanto que peleaban
por recuperar una tierra de la que habían sido injustamente despojados. Tal
legitimidad se vio reflejada en el aumento de los tintes patrióticos que
acompañaron al discurso de Pelayo antes de la batalla de Covadonga:
36
Ibid., 12, p. 55.
37
José ORTIZ y SANZ, Compendio cronológico de la historia de España, Madrid, 1795-1803.
38
Ibid., 2, p. 192.
La Reconquista: una invención historiográfica 421
39
T. DESWARTE, De la destruction à la restauration…, p. 5.
40
El texto fue reimpreso en la ciudad de México en 1810. Juan Bautista de ARIZPE, Patriotismo y
gloriosas empresas del Excelentísimo Marqués de la Romana en la reconquista del reino de Galicia,
México, 1810.
41
T. DESWARTE, De la destruction à la restauration…, p. 5.
422 Martín Ríos Saloma
42
La edición de 1796 dice: «Los años delante continuó Don Alonso sus conquistas contra los
Moros con igual felicidad que la primera jornada. Quitóles en ellas las ciudades de Salamanca,
Ledesma, Zamora, Ávila […]» (3, p. 18). La edición de 1841 dice: «En años adelante continuó
don Alonso sus reconquistas con felicidad en sus jornadas como en la primera. Quitó a los
moros las ciudades de Salamanca, Ledesma, Ávila […]» (3, p. 75).
43
Eugenio TAPIA, Historia de la civilización española desde la invasión árabe hasta la época presente,
Madrid, 1840.
44
Eduardo CHAO , Historia general de España, compuesta, enmendada y añadida por el P. Juan de
Mariana, con la continuación de Miñana, continuada con la historia del levantamiento, guerra y
revolución y la historia de nuestros días, Madrid, 1841-1851.
45
Juan CORTADA, Historia de España, desde los tiempos más remotos hasta 1839, Barcelona, 1841-
1842.
46
Antonio ALCALÁ, Historia de España, desde los tiempos primitivos hasta la mayoría de la Reina doña
Isabel II, redactada y anotada con arreglo a la que escribió en inglés el Dr. Dunham, con una reseña de
los historiadores de más nota por Juan Donoso Cortés y un Discurso sobre la vida de nuestra Nación
por don Francisco Martínez de la Rosa, Madrid, 1844-1846.
47
Modesto LAFUENTE, Historia general de España desde los tiempos más remotos hasta nuestros días, 2ª
edición, Madrid, 1869.
48
Astley DUNHAM, The history of Spain and Portugal, Philadelphia, 1832.
49
Louis ROMEY, Histoire d’Espagne depuis les premiers temps jusqu’à nos jours, Paris, 1839-1850.
50
Amedec PAQUIS, Histoire d’Espagne et de Portugal depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours
d’après Archbach, Lambet y Romey, Paris, 1844.
51
Eugène SAINT-HILAIRE, Histoire d’Espagne depuis les premiers temps historiques jusqu’à la mort de
FerdinandVII , Paris, 1844-1873.
52
Victor DUHAMEL, Histoire constitutionelle de la monarchie espagnole depuis l’invasion des hommes
du Nord jusqu’à la mort de FerdinandVII , Paris, 1845.
La Reconquista: una invención historiográfica 423
unas tierras que no les pertenecían. En tercer lugar, es patente el hecho de que
el término reconquista se utilizó con mayor frecuencia, aunque muchos autores
preferían seguir utilizando el término restauración, ya que aún consideraban
que lo más importante para los españoles de la Edad Media no era tanto
recobrar el territorio como restaurar el reino visigodo y recuperar la libertad
perdida. Por otra parte, puede constatarse el hecho de que cuando se habla de
las conquistas militares, por lo general se utilizan términos como ganar,
recuperar o conquistar, aunque algunos autores como Alcalá Galiano o Romey53
hablan ya de reconquistar el suelo invadido.
En conclusión, puede afirmarse que durante los años 40 y 50 del siglo XIX
los términos restauración y reconquista comenzaron a utilizarse de forma
simultánea pero, desde nuestro punto de vista, sin que llegaran aún a
convertirse en sinónimos, dado que, como hemos argumentado, están dotados
de significados distintos. Así, por ejemplo, Alcalá Galiano, al hablar de las
prerrogativas que se arrogaron los nobles al consolidarse el sistema feudal,
apuntaba que «como desde la fundación de la monarquía asturiana, la
religión y justamente el patriotismo mandaban que se fuese reconquistando la
tierra de España de los mahometanos, y como las virtudes guerreras eran por
consiguiente las tenidas en mayor o única estima, fue creciendo por días el
poder de los nobles principales […]» 54. Por su parte, Juan Cortada, en sus
Lecciones de historia de España, contaba que «toda España estaba sujeta a los
moros, y desde Córdoba la regía en nombre del califa de Damasco el emir El
Horr cuando por primera vez se presenta en escena Pelayo, a quien estaba
reservada la gloria de restaurar la monarquía que a una con el monarca cayó
en la batalla de Guadalete» 55. Mención especial merece la Historia general de
España de Modesto Lafuente56 por considerar que fue él quien impulsó la
utilización del término reconquista al considerarla en su Discurso preliminar
como un «esfuerzo gigantesco» 57 y concebirla más adelante como un proceso
histórico que consistió en el «crecimiento y ensanche» de las fronteras de los
reinos cristianos58. Sin duda, al lector no se le escapa el hecho de que con
Lafuente el término reconquista adquirió nuevas dimensiones semánticas.
La tercera etapa iría de 1850 a 1874 y se caracteriza por la difusión, a todos
los niveles, del término reconquista, hecho que de forma más o menos directa
está relacionado con la política exterior desarrollada por el gobierno liberal y
que tiene como eje de actuación la conquista de Marruecos, empresa para el
53
Tras relatar la batalla de Covadonga, Romey cuenta que los visigodos se refugiaron en las
montañas de Asturias junto con los naturales de la tierra y agrega: « Ils menaient la vie dure des
montagnards auxquels ils étaient venus se mêler; mais ils étaient libres comme eux, et nourrissaient
l’espoir de reconquérir bientôt tout ou partie du sol envahi » (3, p. 161).
54
Antonio ALCALÁ, Historia de España…, 3, p. 174.
55
Juan CORTADA, Lecciones de historia de España, Barcelona, 1846, p. 90.
56
M. LAFUENTE, Historia general de España... , Madrid, 1869.
57
Ibid., 1, p. IX.
58
Ibid., 4, p. 302.
424 Martín Ríos Saloma
59
M. A. B., ¡En nombre de Dios! Dramas históricos de la Reconquista española en tiempo de los árabes,
Barcelona, 1852.
60
Pablo PI F ERRER y Francisco PI y M ARGALL , Recuerdos y bellezas de España: Cataluña (2),
Barcelona, ¿1839?
61
Andrés PI y ARIMÓN , Barcelona antigua y moderna, descripción e historia de esta ciudad desde su
fundación hasta nuestros días, Barcelona, 1854.
62
Próspero BOFARULL, Los condes de Barcelona vindicados y cronología y genealogía de los reyes de
España considerados como soberanos independientes de su marca, Barcelona, 1836.
63
Manuel FERNÁNDEZ y GONZÁLEZ , El ángel de la patria: crónicas de la Reconquista de España,
Madrid, 1874.
64
José DICENTA, La Reconquista de Madrid por AlfonsoVI , Madrid, 1878.
65
Diego BAHOMONDE y LANZ, Orígenes de las nuevas nacionalidades que iniciaron la Reconquista
durante los siglos VIII y IX en la península española. Discurso leído ante el claustro de la Universidad
Central, Madrid, 1868.
La Reconquista: una invención historiográfica 425
66
Tomás M UÑOZ, Algunas observaciones sobre el origen de la población de los reinos cristianos de la
península. Discurso leído ante la Real Academia de la Historia en la recepción de Don Tomás Muñoz y
Moreno, Madrid, 1860.
67
Emilio LAFUENTE y ALCÁNTARA , Consideraciones sobre la dominación de las razas africanas en
España. Discurso de ingreso pronunciado ante la Real Academia de la Historia el día 25 de enero de
1863, Madrid, 1863.
68
Eusebio MARTÍNEZ de VELASCO, Guadalete y Covadonga: del año 600 al 900, Madrid, 1879, p.
179.
69
Aureliano FERNÁNDEZ G UERRA , Don Rodrigo y la Cava, Madrid, 1877; ID ., Caída y ruina del
imperio visigótico español. Primer drama que las representó en nuestro teatro, Madrid, 1883.
70
José CAVEDA y NAVA, Examen crítico de la Restauración de la monarquía visigoda en el siglo VIII,
Madrid, 1879.
71
Francisco CODERA y ZAIDÍN, Dominación arábiga en la frontera superior desde el año 711 al 815.
Discursos leídos ante la Real Academia de la Historia en la recepción pública de Francisco Codera el 29
de abril de 1879, Madrid, 1879.
72
Eduardo SAAVEDRA, Invasión de los árabes en España, Madrid, 1892; ID., Pelayo. Conferencia dada
el 6 de febrero de 1906 en la Asociación de Conferencias de Madrid, Madrid, 1906.
73
E. SAAVEDRA, Invasión de los árabes…, p. 1.
426 Martín Ríos Saloma
74
Al respecto véase nuestro trabajo : Martín RÍOS, «Restauración y Reconquista: sinónimos en
una época romántica y nacionalista (1850-1890)», Mélanges de la Casa de Velázquez, 35/2 (2005),
pp. 243-263.
75
Aureliano FERNÁNDEZ GUERRA, Eduardo de HINOJOSA y Juan de Dios de la RADA , Historia de
España desde la invasión de los pueblos germánicos hasta la ruina de la monarquía visigoda, Madrid,
1891.
76
Ibid., p. 217.
77
Ibid., p. 254.
78
Francisco JIMÉNEZ CAMPAÑA, Sermón que en el aniversario de la Reconquista de Granada predicó el
Rvdo. P. Francisco Jiménez en la Santa Metropolitana Iglesia Catedral de esta ciudad el día 2 de enero
de 1894, Madrid, 1894.
La Reconquista: una invención historiográfica 427
A mis hijas. Para que, niñas aún, empiecen a conocer la historia de la patria en
estas breves narraciones de la Reconquista, grandioso poema de gloria y grandezas,
cuyo primer canto es el triunfo milagroso en Covadonga y cuya página postrera,
escrita en siete siglos de batallas, es un himno de victoria en la oriental Granada,
ante la cruz de Jesucristo y el pendón de Castilla.
5. Conclusiones
El largo y a la vez esquemático recorrido historiográfico que hemos
realizado nos permite distinguir cuatro etapas en el proceso de construcción
del concepto de Reconquista.
El siglo XVIII, en el que los presupuestos ilustrados de buscar la verdad y
el surgimiento de una conciencia identitaria en claves patrióticas llevaron a los
autores a presentar la lucha contra el Islam como una lucha por recuperar el
suelo perdido y ya no sólo como una guerra por recuperar la libertad y el
honor; en este mismo sentido, ya no es una lucha que se plantee
exclusivamente en términos religiosos, sino que se plantea en términos
étnicos: españoles contra invasores extranjeros.
La década que transcurrió entre 1840 y 1850, en la que los distintos autores
emplearon el término reconquista, aparecido en 1796 en la obra de Ortiz y Sanz,
para referirse a la conquista militar y en la que el término restauración se utilizó
para referirse al aspecto político que tenía la lucha contra el Islam. El cuarto de
siglo que transcurrió entre 1850 y 1874, en el cual el término reconquista se
79
Francisco SIMONET, Cuadros históricos y descriptivos de Granada coleccionados con motivo del 4º
centenario de su Memorable Reconquista, Madrid, 1896.
80
Eusebio MARTÍNEZ, León y Castilla del año 850 a 1350, Madrid, 1880.
81
Al respecto véase el interesante artículo de Carolyn B O Y D , «The second battle of
Covadonga...», en el que la autora pone de relieve el hecho el desacuerdo político, ideológico
e interpretativo existente entre los grupos liberales y conservadores sobre el significado de la
batalla de Covadonga, pues mientras para los primeros mostraba el papel reservado al pueblo
a lo largo de la historia de España, para los segundos consagraba la supremacía de la
institución monarquía y de la Iglesia sobre el pueblo y las convertía en únicas rectoras de los
destinos de España.
428 Martín Ríos Saloma
82
Reproducida por José Luis DIEZ , La pintura de historia del siglo XIX en España, Madrid, 1992,
p.43.
83
Por ejemplo: José DUARTE, Apuntes históricos de la Reconquista de Málaga por los reyes Católicos el
19 de agosto de 1847. Relación de las epidemias, terremotos, inundaciones y hechos más notables
ocurridos desde la fundación de Málaga hasta nuestros días, Málaga, 1887.
84
Giorgio PERISSINOTTO, Reconquista y literatura medieval. Cuatro ensayos, Meryland, 1987.
La Reconquista: una invención historiográfica 429
85
En un trabajo anterior hemos podido establecer, al menos, cuatro significados posibles del
término Reconquista: en primer lugar, hace referencia al proceso de conquista militar de al-
Andalus; en segundo término, a la ideología creada por la monarquía astur-leonesa a partir
de la segunda mitad del siglo IX; en tercer lugar al momento preciso en que los ejércitos
cristianos conquistaron una plaza, fortaleza o villa y, por último, a un largo periodo histórico
que va del 711 a 1492 y que, de hecho, se asimila con la Edad Media en la península Ibérica.
Martín RÍOS, «De la Restauración a la Reconquista: la construcción de un mito nacional (una
revisión historiográfica. Siglos XVI-XIX)», En la España Medieval, 28 (2005), pp. 379-414.
86
Ha sido Damian Smith, dentro del marco del coloquio, quien nos ha sugerido utilizar la
variante latina.
87
Sobre el aspecto religioso véase el trabajo de Alexander P. BRONISCH, Reconquista und Heiliger
Krieg. Die Deutung des Krieges im christlichen Spanien von den Wesgoten bis ins frühe 12.
Jahrhundert, Münster, 1998 y la reseña crítica sobre dicho texto elaborada por Patrick HENRIET:
«L’idéologie de guerre sainte dans le haut Moyen Âge hispanique», Francia, 29/1 (2002),
pp.171-220.
Table
Présentation
Daniel BALOUP et Philippe JOSSERAND..................................................... 9
Gens Saracenorum perit sine laude suorum. L'idée de guerre sainte dans
les sources pisanes du XIe au XIIe siècle
Enrica SALVATORI ............................................................................................ 231
Diffusion
Pour la France :
Méridiennes
FRAMESPA – UMR 5136
Maison de la Recherche
5, allées Antonio-Machado
31058 Toulouse cedex 09
http://www.univ-tlse2.fr/framespa/
Pour l’Espagne :
http://marcialpons.es http://porticolibrerias.es