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Comment s’était-il acquis cet énorme privilège ?

Ce jour-là Dominique semblait d’humeur radieuse. Il commença par se moquer avec beaucoup de verve de Tupik et de sa
curiosité : « Si on te le demande, lui dit-il, tu diras que tu ne sais pas ! ». Tupik détestait l’ironie et ne supportait pas la
contradiction. Il trépigna. Il allait fondre en larmes, quand Dominique parut se raviser. Il jeta un regard inquiet autour d’eux et
devint très sérieux.
− Si tu veux savoir, si tu veux absolument savoir, eh bien, ça sera terrible !
Tupik suffoquait d’émotion.
− Quoi terrible ?
− Si tu as le courage de savoir, proféra Dominique, trouve-toi seul dans une demi-heure au centre du labyrinthe !
Puis il partit en lui faisant un pied de nez.
Tupik était atterré. Le labyrinthe de buis qui se trouvait au fond du square lui avait toujours inspiré de l’horreur. C’était un massif
obscur et humide dans lequel on pouvait se glisser par une fente étroite. Ensuite on se perdait. Il y avait des tournants, des
décrochements, des culs-de-sac, des circuits fermés dans lesquels on tournait indéfiniment. A force de patience, on parvenait au
centre. Là, sur un petit socle verdi par la moisissure, avait dû se tenir une statue. Elle avait disparu, et le socle attendait, souillé
par les limaces.
Tupik surveillait l’heure à l’horloge électrique du square. Trente minutes. Irait-il au terrible rendez-vous ? Quel était le grand
secret de Dominique ? Pourquoi fallait-il aller au centre du labyrinthe pour l’apprendre ? Plus d’une fois il soulagea sa peur en
renonçant. Il n’irait pas, non ! Mais il savait bien que ce n’était qu’une feinte. Il savait qu’il serait fidèle au rendez-vous.
A l’heure dite, il s’assura que Marie bavardait sagement avec ses amies, et il prit la direction du labyrinthe. Il était plus mort que
vif en se laissant absorber par le massif glauque. Mais, curieusement guidé par un instinct infaillible, il arriva presque aussitôt et
sans erreur au centre du labyrinthe. Il se doutait que quelqu’un s’y trouvait déjà et l’attendait. Dominique. Le gros garçon était
assis sur le socle. Il avait l’air grave.
− Tu es venu, lui dit-il. Parce que tu es mon ami, je vais te révéler mon secret. Mais avant, jure que tu ne le diras à personne.
− Oui, balbutia Tupik dans un souffle.
− Crache par terre et dis : Je le jure.
Tupik cracha et dit : Je le jure.
Alors Dominique monta debout sur le socle, et commença à déboutonner la braguette de sa culotte courte, sans quitter Tupik des
yeux. Puis l’ayant largement échancrée, il abaissa le slip rouge qu’il avait découvert. Son ventre blanc et lisse se terminait par une
fente laiteuse, un sourire vertical où jouait la trace d’un pâle duvet.
− Mais… Dominique…prononça Tupik.
− Dominique, c’est aussi un nom de fille, expliqua Dominique qui s’était reculottée en un clin d’œil. C’est papa. Il veut qu’on me
prenne pour un garçon quand je m’occupe seule du manège. Il dit que c’est plus sûr. Tu comprendras ça plus tard. Et maintenant,
file !

Analysez le symbolisme de ce qu’on peut appeler « l’épisode du labyrinthe ».


Votre analyse s’appuiera sur des séquences concrètes du texte ; il s’agira d’identifier et d’énumérer les éléments qui décrivent cet
espace comme un labyrinthe (c’est-à-dire quels sont, dans le texte, 1. les mots concrets qui décrivent cet endroit du square comme
espace clos, mais potentiellement infini ; 2. les mots concrets du texte qui font de cet endroit un lieu du secret, un lieu du sens,
mots à travers lesquels l’endroit est investi comme espace initiatique). Votre analyse gagnerait en complexité d’interroger un
élément descriptif particulier : le « socle vide » du centre du labyrinthe sur lequel Dominique monte pour révéler son secret. Votre
analyse sera agencée de manière argumentative, cohérente, comme un tout, comportant une introduction et une conclusion.

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