Le Japon de Meiji

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 Cthulhu No Kami

Le Japon de Meiji
Le jeu de rôle mystique et occulte
au Pays du Soleil Levant

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 Crédits
Cthulhu No Kami est une création originale et le fruit d’une collaboration entre
Alicia Hamimi, Raphaël Hamimi et Benjamin Ott.

Studio Deadcrows
Direction éditoriale : François Cedelle, David Grollemund & Stephan Barat
Relecture éditoriale : David Grollemund
Chef de projet : Raphaël Hamimi
Auteurs : Alicia Hamimi, Benjamin Ott, Raphaël Hamimi
Textes complémentaires : Guillaume Dequeker
Nouvelle d’ambiance : Christophe Rosati
Scénario « L’Égarée » : Benjamin Ott
Règles originales Chroniques Oubliées Compatible : David Burckle, Damien Coltice,
Laurent « Kegron » Bernasconi
Règles spécifiques : Alicia Hamimi, Benjamin Ott, Raphaël Hamimi, Guillaume Dequeker
Relecture technique : Guillaume Dequeker
Relecture : Alexandra Dozière
Traduction des termes japonais : Tony Sanchez
Maquette : Olivier Trocklé
Feuille de personnage : Alicia Hamimi
Couverture : Kahouet
Illustrations : Maxime Teppe, Kahouet, Vincent Laik
Production : Stephan Barat

Avertissements
Ce livre est avant tout un jeu. Il s’inspire de fait réel et reste une œuvre de fiction.
Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé est purement fortuite.
Toute ressemblance de personnages ou d’éléments du jeu avec d’autres personnages fictifs ou
d’autres éléments déjà existant serait purement fortuite.

Mentions légales
Publié pour Book in Game par le Studio Deadcrows, 2023
6 rue Henri René, 34000 Montpellier
Imprimé en Lituanie par UAB STANDARTU SPAUTSUVE
 Remerciements

Raphaël Hamimi
Je dédie ce livre à Aydan, mon fils.
Cthulhu no Kami est l’accomplissement d’une longue et belle aventure humaine qui aura duré
huit ans. Je remercie mes amis de plumes de m’avoir supporté comme chef de projet : Alicia,
ma moitié et âme sœur, Benjamin O qui est entré dans nos vies avec sa bienveillance et sa
drôlerie et Guillaume, notre meilleur ami qui jalonne notre quotidien. Au-delà de ce projet je
suis fier, heureux et comblé de vous avoir dans ma vie et j’espère le plus longtemps possible.
Je n’oublie pas Shendor, Christophe, Eric, Benjamin D qui nous ont prêté mains fortes. Je
remercie Stephan et François qui sans détour ont cru en notre projet après une course de
Pousse-pousse dans le Gers. Et mon âme d’enfant a une pensée à ces années Club Dorothée
qui lui a permis au-delà des manga de découvrir le Japon.
Et bien sûr j’ai une pensée pour tous les testeurs à Jeux de RUNE, Rôle’N’Troll, RPGers, etc.
et souscripteurs qui nous ont permis de réaliser notre rêve. Maintenant, ce jeu est votre et
j’espère qu’il aura une belle et longue vie autour de vos tables.

Benjamin Ott
À mes quatre lutins, Delphine, Nathan, Gauthier et Thaïs, vous êtes mes muses. À Raph et
Alicia pour leur confiance et leur amitié. A mes frangins Julien et Mick. Aux Alex qui ont
jalonné mon parcours. À Olivier Akkah, un vrai samouraï. Et enfin à Gillou, la sombre
hospitalité à la base de beaucoup de chose dont notre amitié.

Alicia Hamimi
Je remercie mes parents qui ont tant dénigré la culture japonaise et qui m’ont poussé à m’y
intéresser et m’instruire avec enthousiasme et pugnacité. C’est ainsi que j’ai pu connaître ma
moitié cosplayée dans un salon de culture japonaise et manga dont notre union a donné
naissance au petit Kakarot prénommé Aydan. Nous avons lancé le projet fou de permettre
aux personnes passionnées de jeux de rôle de partager notre passion pour cette culture si
riche et vives en couleurs. Je remercie mes collaborateurs d’écriture qui ont fait preuve de
grandes créations, d’inventivités et de grandes parties de foux rires autour duquel nous avons
pu mettre au monde ces œuvres (Benjamin2, Shendor, Guillaume, Christophe, Éric, etc.).
Je remercie également tous nos amis originaux qui ont fait le pari étrange de partager des
soirées avec nous pour tester les scénarios. Et pour finir je remercie le Studio Deadcrows qui
a fait confiance à des non-écrivains plein de rêve et d’étoiles dans leurs yeux autour d’un verre
de signer le contrat pour réaliser ces livres. On vous aime.

Guillaume Dequeker
Je remercie le studio Deadcrows pour avoir permis à ce grand projet de voir le jour.
Je remercie mes auteurs et meilleurs amis Raphaël et Alicia Hamimi de m'avoir fait participer
à l'écriture. Merci aussi à Benjamin Ott pour tout ce qu'il a apporté de bons et de drôles
pendant les réunions.
Enfin je remercie tous ceux qui m'ont fait découvrir et aimer le jeu de rôle et l'univers
rôlistique en général. La passion du jeu m'a donné l'envie de participer à ce projet.

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 Table des matières
Introduction................................................. 7
Bienvenue dans l'ère Meiji..............................................8
Le songe et le parchemin..............................................11
Généralités..................................................... 27
Dramatis personae........................................................28
Vie quotidienne. ........................................ 31
Se déplacer.....................................................................32
Communiquer...............................................................36
S’habiller........................................................................37
S’instruire.......................................................................38
Vivre en société.............................................................41
Travailler........................................................................43
Se divertir.......................................................................45
Us et coutumes..............................................................47
Se nourrir.......................................................................48
Payer...............................................................................48
Prier................................................................................49
Tokyo. .................................................................... 51
Organisation administrative de la ville.......................52
Apparence générale de la ville en 1890.......................52
Les ku de Tokyo.............................................................52
Yokohama......................................................... 55
Organisation administrative........................................56
Géographie de la ville...................................................56
Système de jeu. .............................................. 61
Profils spécifiques..........................................................62
Nouvelles voies de prestige..........................................63
Oyatoi gaikokujin..........................................................62
Yakuza............................................................................62
Nouvelles voies de prestige..........................................63
Voie de la naginata........................................................63
Voie du kyūdō................................................................64
Armes et équipement....................................................64
Armes de contact..........................................................64
Armes à distance...........................................................65
Les pièces d’artillerie.....................................................67
Les secrets. ....................................................... 71
Chronologie de l’occulte et
présentation des grandes intrigues..............................72
Présentation de l’intrigue principale...........................74
Les organisations occultes à l’ère Meiji.......................77
L’École de l’Œil unique (Hitotsu no me ha)...............77
Le monastère de la contemplation endormie
(Bukkyo kansho shudoin no soritsu)..........................78
Les Implantés (Homonsha)..........................................80
La société du dragon noir (Kokuryūkai)....................82
La confrérie de la Porte de la vérité
(Shinri no tobira Shintodan).......................................82
L’Académie impériale des arts et traditions populaires
(Nihon teikoku bunka geijutsu in)..............................84
La société du chrysanthème (Kiku Dantai)................86
Le clan Fuyumi (Fuyumi dan).....................................90
Nakajima Inc. (ex Confrérie des
Comptoirs des artisans)................................................92
Société de l’Océan noir (Genyosha)............................94
Les Quatre Fortunes......................................................95
Mayuri Ito, la prostituée du Rejeton Fielleux.............97
Scénario : L’égarée................................ 101
Synopsis........................................................................102
Ambiance.....................................................................102
Découpage du kaidan.................................................102
Chronologie . ..............................................................102
Introduction des Eiyu.................................................103
Introduction................................................................103
Scène 1 : rencontres dans Yokohama........................103
Scène 2 : première rencontre......................................112
Scène 3 : les Européens passent à l’attaque...............113
Scène 4 : les Japonais passent à l’attaque...................114
Conclusion...................................................................115
Annexes........................................................................116
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Introduction
Le Japon de Meiji

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 Dans chaque cadre de jeu, le Sensei pourra
aborder en détail une grande période
historique du Japon avec son quotidien,
ses personnalités majeures (dans la section
Dramatis personae), sa structure sociétale,
ainsi que ses us et coutumes. Dans celle-ci,
nous nous sommes concentrés sur quelques
décennies seulement, afin de nous intéresser
plus particulièrement à certaines factions,
intrigues, protagonistes, et secrets de l’univers
de Cthulhu No Kami.
Ainsi, chaque époque permet un style de
jeu différent, et au fur et à mesure des
suppléments, l’ambiance des parties pourra
passer de l’ancien Japon, mystique et magique,
au Japon plus « high-tech », à l’atmosphère
plus conspirationniste.
En outre, dans chaque supplément, s’il le
désire, le Sensei pourra encore accentuer
l’immersion dans une époque particulière
en intégrant de nouvelles règles à ses parties
(profils, traits, voies, armes et autres
équipements, etc.). Il trouvera également
8
une galerie de plusieurs PNJ typiques clés
en main et des lieux emblématiques, qu’il
pourra utiliser pour ses propres scénarios.
Enfin, chaque supplément se termine par
un kaidan. Les éléments composant la
plupart des chapitres ont été classés par
ordre alphabétique, afin de simplifier vos
recherches au cours de votre lecture.
Bienvenue dans
l'ère Meiji
L’ère Meiji, comprise entre 1868 et 1915, marque
le retour au pouvoir de l’empereur et la fin du
shogunat des Tokugawa. Cette restauration
de l’empereur sur le devant de la scène et la
fin du sakoku, la politique de fermeture de
l’archipel à l’Occident, montre une rupture
totale dans l’histoire du Japon avec le début de
l’industrialisation et de l’occidentalisation d’une
société traditionaliste.
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 Chapitre 1

Le songe et le parchemin

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 Compte rendu de mission.
Ce qui me trouble en premier lieu, lors d’un
voyage en mer, c’est l’absence de compagnie. La
solitude au milieu des autres. Il faut être marin
pour appréhender ce sentiment. Oh, ce n’est
pas réellement que nous soyons seuls, tous les
hommes d’équipage s’entraident et s’écoutent,
rient, boivent, chantent et travaillent de
concert, mais la nuit finit toujours par
arriver et avec elle, le repli. L’obscurité tombe
inexorablement sur les étendues sans fin d’une
eau salée qui pourrait nous engloutir à chaque
instant. La mer est inconstante. Une maîtresse
ingrate et au moment de s’endormir, chaque
matelot peut sentir dans sa poitrine cet étau
si particulier qu’en d’autres lieux, l’on nomme
abandon. Nous avons beau être soudés comme
une famille peut l’être, nous n’en sommes pas
véritablement une, et chacun des hommes qui
arpentent les ponts de ma flotte a laissé en
France une femme, des enfants ou des parents
dont le malheur est de rester sans nouvelles de
leur aimé des mois durant.
Certes, il y a l’honneur. Celui du paraître, qui
pousse tout un chacun à donner le meilleur
de soi-même dans cet environnement hostile
car chaque erreur, même minime, pourrait
coûter la vie à de nombreuses âmes. Plût à
Dieu que cela n’arrive pas. Mais il y a aussi
l’honneur de servir sa patrie. Les temps sont
troublés et notre mission, sous le sceau du
secret, est censée nous permettre de découvrir
une arme d’un type particulier, à n’en point
douter, puisqu’on nous a chargés de retrouver,
en réalité, de vieux parchemins écrits par un
certain Hiro. Du peu que j’en sais, ce Hiro était
autrefois le heimin d’un samouraï qui, par un
concours de circonstances, est devenu moine à
la mort de son maître. Mort qui, si j’en crois les
12
rumeurs circulant dans le camp au sein duquel
nous vivons, reste mystérieuse. Qu’importe !
L’essentiel est de retrouver ce pour quoi l’on
nous envoie non loin des îles Kouriles, pas si
loin du Kamtchatka. Sommes-nous d’ailleurs
toujours dans les eaux de l’archipel nippon ? Il
faut le croire…
Terre !
Au réveil, ce matin, de la musique me chatouille
les oreilles. Doucement, quelques matelots
poussent la chansonnette au lever du soleil.
C’est agréable. C’est mélancolique. Ma terre me
manque. Ma patrie. Moi, André Deslouettes,
capitaine de l’armée française, au service de
mon supérieur, Jules Brunet* j’ouvre les yeux
dès potron-minet, l’esprit plus serein qu’à
l’accoutumée. Je m’extirpe bien vite de ma
couche et me rends sur le pont.
La vie anime mon navire. Je prends les
nouvelles des autres bateaux de notre flotte
par le biais de mon second, Audibert. L’eau
ronflante nous berce de sa lente respiration
et nous l’en savons gré. Après discussion,
nous convenons, avec les autres capitaines, de
poursuivre un temps vers le levant, puis nous
* Général français dont l’acmé de la carrière
reste son implication lors d’une mission
d’instruction au Japon. En effet, suite
aux difficultés politiques du Shogun, cet
instructeur d’artillerie venu moderniser
l’armée de samouraïs, se joignit ensuite à ses
troupes contre le nouveau pouvoir impérial
japonais. Il inspira le personnage de Nathan
Algren, campé par Tom Cruise dans « le
dernier samouraï ».
bifurquerons vers le septentrion si d’aventure
nous ne trouvions trace de notre destination.
Ainsi, nous pourrons reprendre un vecteur
plus sûr, probablement. Mais pas aujourd’hui.
Pas tout de suite. J’ai le sentiment d’être sur la
bonne voie. Aujourd’hui, alors que je rédige ce
compte rendu, je me demande si cette décision
n’a pas marqué un coup du sort. Je m’interroge
sur le sens même de la destinée. Si d’aventure
j’avais décidé de suivre le septentrion,
qu’aurais-je trouvé ? Rien, pour sûr, et nous
serions rentrés plus tôt, quoique bredouilles.
Mais fi de ces divagations. À cet instant, je
me contente de m’interroger sur le chemin à
suivre lorsque soudain, la vigie entonne un
chant inattendu. « Terre ! », crie-t-elle. Ce mot
résonnait souvent, ces dernières semaines,
l’Archipel étant composé d’innombrables îlots,
mais quelque chose dans l’intonation de sa
voix, plus aiguë qu’à l’accoutumée, me met la
puce à l’oreille. D’autant qu’aucune des cartes
fournies par Saigō Takamori ne signale une
quelconque île si loin vers l’orient. Il nous avait
prévenus, cela dit.
J’ai à peine le temps de me tourner dans la
direction qu’indique le marin en haut de son
mât que les cris des autres me confirment que
la situation est différente cette fois.
La lumière encore rasante m’éblouit un court
instant, car ce qui s’étend à l’horizon se trouve
dans l’axe est du monde. Toutefois, malgré ce
désagrément, je reste le souffle coupé : la terre
que nous approchons s’étiole en dizaines d’îles,
du simple rocher affleurant les flots à l’îlot
volcanique et les rayons d’Amaterasu* ainsi
que la nomment les Nippons, enflamment
les couleurs de ces atolls. Nous voguons
précautionneusement entre les récifs. La vigie
nous guide, ainsi que le navigateur, muni de sa
corde à nœuds plombée. Nous avons ramené la
voilure et ne naviguons, peu s’en faut, qu’au foc.
Ce n’est qu’au couchant que nous parvenons à
une lande de taille plus importante. Une large
bande rugueuse s’étend sur une bonne partie de
l’horizon. Une plage douce. Bien plus grande,
à priori, que notre port de départ. D’ici, je ne
distingue pas réellement ce qui nous attend,
mais une intuition m’indique que nous sommes
parvenus à destination.
Outre des hommes de la mer, nous sommes des
militaires, rompus à bien des situations délicates
et le cœur de mes matelots saura répondre aux
ordres donnés avec ferveur et honneur, je le
sais. Je les lance d’une voix décidée : nous allons
nous rapprocher, nous essaierons de faire le
* La déesse du soleil
tour de ce territoire dans un premier temps,
Le songe et le parchemin
puis nous enverrons des canots. Je descends
en compagnie de quelques hommes chercher
les armes qui sont tenues sous clé, dans la
cale. Nous pourrions en avoir besoin. D’autant
qu’au moment de descendre, le vent soufflant
dans notre direction est porteur d’un bien
sombre présage ; je ne suis pas quelqu’un de
superstitieux. Je suis un fervent croyant, mais
aussi une âme pragmatique. Je n’ai pas pour
habitude de m’en laisser conter, et pourtant,
cette fois, un frisson me parcourt. Je suis
persuadé d’avoir entendu quelqu’un murmurer.
Quelque chose comme « muhempo », mais ce
nom ne veut rien dire.
Un simple coup d’œil aux autres me confirme
qu’ils ont eux aussi entendu. Je lance des ordres
afin qu’ils préparent nos deux canons, qu’ils
hissent les voiles carrées et qu’ils s’affairent. Je ne
veux pas qu’une rumeur paniquée commence
à les disperser. Pas maintenant. Nous sommes
peut-être sur le point de trouver ce pour quoi
nous voguons en cercles toujours plus larges
depuis deux semaines !
Malgré tout, je ne peux m’empêcher de
frissonner.
Il faudra que je reste à l’affût.
Une île antique
Voilà une dizaine de jours que nous restons à vue
de ces côtes et elles nous servent un spectacle
prodigieux. Sans commune mesure avec ce
que nous avons vu jusqu’alors. Par endroits,
le paysage est semblable à celui des autres îles,
innombrables dans l’archipel nippon, que nous
avons croisées, mais parfois, un reflet ou un cri
porté par le vent nous semblent si étranges ! Si
anciens ! Cette île nous broie par sa majesté.
Takamori-sama nous avait bien dit que nous
trouverions probablement de quoi gagner la
guerre de Boshin, ici, si nous nous pressions,
mais maintenant que nous y sommes, j’avoue
que l’empressement ne me prend plus. Quelque
chose de repoussant et de très attirant à la fois
est présent ici. Un paradoxe artistique et antique,
comme un retour à la primalité du monde.
Un détail fugace dans ce paysage attire un
instant mon regard, mais disparaît dès que je
le fixe. Un mouvement inattendu. Ai-je rêvé ?
Je ne désire pas y réfléchir pour le moment.
Si j’avais été à l’aise avec la poésie, j’aurais pu
décrire plus en détail ce sentiment d’angoisse et
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 de respect qui nous étreint tous à cet instant.
Le regard de certains des hommes est embué de
larmes. En ont-ils conscience ?
J’aimerais avoir la preuve d’une présence
quelconque avant de débarquer, mais hormis
cette impression d’être épiés, certainement due
à l’anxiété qui enfle de ne pas pouvoir poser pied
à terre pour le moment, rien ne vient étayer une
présence humaine. Ou autre, d’ailleurs. Hormis
quelques oiseaux dont les cris percent le silence.
J’ai entendu quelques hommes d’équipage
murmurer que nous avons trouvé les Enfers,
d’autres le Paradis. Tous les propos ramènent à
la religion et ce n’est jamais bon signe lorsque
l’obscurantisme s’impose. Les deux autres
navires m’envoient des messages analogues.
Nous avons étouffé ces propos indignes, mais
il n’en reste pas moins que l’aspect à la fois
attirant et terriblement repoussant de ce lieu
marque les esprits.
Je soupire. J’aimerais découvrir ici une vie
indigène. Civilisée, peut-être. Capable de
communiquer, à tout le moins. Je pourrais alors
rentrer au pays avec davantage qu’une entorse
au traité avec les Portugais.
Un volcan se dresse, dans le lointain. Ainsi
que cet affleurement, plus proche de nous, aux
pierres dressées à la couleur incarnat pointant
vers le ciel, en un cercle parfait, comme
taillées par un fou. Mais comment imputer
cette construction géologique à la main de
l’homme ? Après tout, la nature est une artiste
qui n’a pas besoin de nous pour forger quelques
merveilles ! J’ai pu le constater au long de
mes voyages, rien n’est plus mystérieux que le
monde. La création est une machine huilée à
la perfection. Je ne saurais pas l’expliquer, mais
il semble que si Dieu n’avait pas trouvé bon de
nous mettre en ce monde si diversifié, personne
n’aurait pu louer la magnificence de la nature et
c’est peut-être ce pour quoi le Seigneur nous a
mis sur cette terre, finalement : afin de vénérer
sa Création. Il n’a que faire de nos querelles
politiques, fussent-elles nos tentatives pour
soutenir Takamori-sama.
Cependant, et pour la peine que j’y passe
quelques instants, la vue de ces roches,
apparentées à des dolmens, me procure un
frisson bien désagréable. Est-ce parce que,
l’espace d’un instant, j’ai associé cette couleur
vermeille à celle du sang ? Est-ce parce qu’un
souffle chaud, venu des terres, a porté jusqu’à
mes oreilles un nouveau murmure dont les
inflexions m’ont invariablement fait penser à
une voix humaine terriblement déformée ?
Qu’est-ce réellement que cette île, que nous
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longeons depuis trop de temps maintenant ?
Est-ce que les matelots n’auraient pas raison
en colportant des rumeurs affirmant que nous
venons d’accoster les rives de l’Enfer ? Les
autres samouraïs n’avaient pas bronché lorsque
Takamori-sama avait évoqué le secret de cette
île, mais dans le regard de certains, la peur se
blottissait. Le commandant Brunet m’avait
mis en garde contre la tendance de ces terres à
véhiculer des pensées qui relevaient autrement
de la pure magie. Est-ce que…
C’est mon second qui m’arrache heureusement
à mes chimères :
« Capitaine ? »
Je soupire et prends un instant pour rassembler
mes esprits, avant de lui répondre d’une voix
bien trop lasse :
« Oui, Audibert ?
— Les hommes s’impatientent. Ils contemplent
cette terre depuis plusieurs jours, et il leur tarde
de pouvoir poser pied à terre.
— Vous voulez dire que les esprits s’échauffent ?
— Pas encore, Capitaine, mais je pense que d’ici
quelques jours, nous pourrions avoir quelques
âmes à mater. C’est aussi l’avis des deux autres
capitaines. »
Je réfléchis un instant. Cette bonne Amaterasu
semble ne pas vouloir quitter le ciel, aucun
nuage ne vient l’obscurcir. Nous avons repéré
un fleuve, donc de l’eau potable, il est peut-être
temps de remplir les soutes et de s’enquérir de
ces fameux parchemins. Il convient néanmoins
de garder la tête froide et d’être prudent. Nous
ne débarquerons pas tous en même temps. Je
me tourne vers mon second :
« Fort bien. Donnez l’ordre de nous rapprocher,
nous allons accoster. Un tiers de l’équipage de
chaque navire se rendra à terre. De là, nous
aviserons.
— Vous y rendrez-vous ?
— Bien sûr ! Serais-je un si mauvais capitaine
que je ne puisse plus guider mes hommes et
montrer l’exemple ?
— Je n’imaginais pas que vous puissiez l’être,
Capitaine.
— Alors l’affaire est entendue. Transmettez.
— À vos ordres ! »
Il s’exécute et j’en profite pour préparer
un discours à l’attention des marins. Ils
apprécieront le geste et cela me donnera
l’occasion de leur rappeler quelques règles
élémentaires de sécurité. Nous avons perdu
trop d’hommes dans des tempêtes au large
du cap de Bonne Espérance, en chemin pour
le Japon. Aucun par maladie, grâce en soit
rendue à Dieu, et je ne voudrais pas devoir
rajouter à la liste des disparus quelques
imprudents avides d’un caillou ou d’une
découverte quelconque. Ils devront rendre
compte de chacun de leurs mouvements.
Moins d’une heure plus tard, tout le monde
est rassemblé sur le pont et les deux autres
navires sont suffisamment proches pour qu’à
l’aide d’un porte-voix, je puisse m’adresser à
tous directement. Rien à voir avec les fameuses
trompettes d’Alexandre le Grand dont les écrits
disent qu’elles permettaient à la voix du grand
homme de porter jusqu’à plusieurs centaines
de mètres, mais le cornet de cuivre est bien
pratique tout de même.
« Mes compagnons ! Mes fiers marins et
soldats. Vous n’ignorez pas que nous sommes
en mission, non seulement pour notre général,
pour soutenir la révolte de Takamori-sama,
mais avant tout, pour la gloire de la France
et de notre empereur. L’information relayée
depuis des jours maintenant, qui circule sous
forme de murmures dans vos rangs, a eu le
temps d’échauffer les esprits les plus troublés
et d’exciter les âmes les plus vaillantes. Ne
soyez pas inquiets ! Nous aurions eu tôt fait
de débarquer et d’explorer, mais la nature du
terrain qui s’offre à nos yeux engage à la plus
grande prudence. Nul doute qu’aucune créature
vomie des Enfers ne vit ici, mais nous pourrions
tomber sur quelque tribu reculée assoiffée d’un
sang chrétien, comme d’autres navigateurs
en ont eu le malheur avant nous. Cette lande,
que nous contemplons aujourd’hui, possède
pourtant certainement sa part de dangers et de
merveilles. Concentrons-nous sur la recherche
des secondes pour mieux être attentifs à la
découverte des premières. À cette fin, nous
débarquerons par groupes. Le premier tiers
des hommes d’équipage, que je mènerai, aura
la tâche d’établir un campement et de sécuriser
la zone sur quelques centaines de mètres afin
de nous assurer que nulle menace ne nous
guette. Dans deux jours, le second tiers viendra
puis, par roulement, le troisième, tandis que le
premier tiers reviendra prendre ses quartiers à
bord de chacun des navires. »
Je marque une pause. Ils acquiescent dans un
long chuchotement qui s’éteint après quelques
minutes. Je m’apprête à poursuivre lorsque
je remarque, dans les rangs des matelots,
quelques individus dont le regard reste fixé sur
le rivage. Je suis sur le point de leur rappeler
de m’écouter jusqu’au bout lorsque j’entends ce
Le songe et le parchemin
qu’ils marmonnent : « Regardez ! Regardez ! »
Machinalement, je me tourne en direction des
côtes. Mon sang se fige : à quelques encablures
de là, se dressent une vingtaine d’individus
à la peau hâlée. Droits. Immobiles comme
des statues impies surgies du néant. Leurs
silhouettes dénudées laissent apparaître des
tatouages presque lumineux, à la lueur du soleil.
Peut-être sont-ce des peintures. Je ne peux en
distinguer davantage, mais ils sont armés.
Des lances. Des épées. S’ils ont visiblement
la peau dorée et le faciès proche de celui des
Aborigènes d’Australie, rien dans leur attitude
ne suggère l’agressivité. Il y a, de part et d’autre,
une curiosité évidente. Une certaine crainte
aussi… En un instant, la réponse à la question
de savoir si cette île est peuplée vient de trouver
une réponse.
Tandis que les hommes palabrent avec ferveur,
je me tourne vers Audibert :
« Voilà qui va me contraindre à revoir mes
plans… »
Les premiers, les Aïnous
Les Aïnous, voilà comment se nomme ce
peuple. Les fameux Aïnous. J’ai un vague
souvenir d’avoir entendu ce nom quelque part,
lors de l’un de nos séjours à la cour du shogun
ou ailleurs, mais je ne parviens pas à remettre
mes souvenirs en place. Ils s’expriment dans un
sabir de japonais mâtiné d’un dialecte propre qui
rend leurs palabres hermétiques. Nous avons
entendues bien des légendes à leurs propos,
mais elles nous avaient toujours paru trop
superstitieuses. Maintenant que nous les avons
rencontrés, je ne saurais dire. Quelque chose
me met mal à l’aise. Dans leur faciès. Dans leur
regard. Mais ce sont des espèces de sauvages,
après tout, et c’est ce relent d’animalité qui doit
résonner en moi comme un avertissement. Mais
je ne vais pas me laisser embarquer par de telles
billevesées. Nous sommes des gens civilisés, de
brillants esprits, les héritiers de Voltaire et de
Condorcet, ce ne sont pas des légendes qui nous
arrêteront.
Nous avons approché d’eux, circonspects
car leurs armes semblaient tout de même
trop aiguisées, mais il s’agit, in fine, d’un
peuple pacifique. Il nous a fallu près de deux
semaines pour parvenir à communiquer
correctement. L’un des matelots, Ernest, est
doué pour les langues, visiblement. Un don
de Dieu, dit-il lorsqu’on l’interroge sur sa
capacité à comprendre et retenir les mots
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 étrangers. L’homme parlait déjà une demi-
douzaine de langages et il est sur le point
d’ajouter à cette liste un dialecte inconnu.
Il nous sert en quelque sorte d’interprète. Il
fait de son mieux malgré quelques ratés qui
s’estompent au fil des jours. Il leur a appris
quelques rudiments de français, en échange
de quoi, il s’immerge dans leur culture. Le
garçon est impressionnant.Nous avons mangé
d’étranges fruits, goûté la chair d’animaux
délicieux, bien que notre façon de chasser ait
épouvanté nos hôtes. Le fusil, notamment, les
a mis en rage. Nous les avons laissés à bord
des navires, depuis, et ressorti nos épées
ainsi que les gaffes, tout en gardant çà et là
un pistolet. Nous avons alors respecté leurs
étranges coutumes et ils sont dorénavant
apaisés. Ils n’ont jamais montré un signe
d’agressivité réel, lorsque j’y songe. Pourtant,
pour les avoir vu à l’œuvre un soir, lors d’une
démonstration guerrière donnée en notre
honneur, leur agilité et leur combativité en
ferait pâlir plus d’un ! Il ne s’agissait que d’un
simple entraînement martial, selon ce que j’en
ai compris, mais ils usent de leurs armes de
merveilleuse manière. Proche du kendo de
nos hôtes nippons, en quelque sorte, mais avec
des gestes plus sauvages, plus primitifs. Ils
pourraient se révéler de mortels adversaires
s’ils le souhaitaient. Ils ne le désirent pas et
j’en rends grâce à Dieu.
Ils posent beaucoup de questions sur nos
bateaux. Ils les trouvent étranges. Je me méfie
un peu et j’ai d’ailleurs commandé à Ernest de
ne pas s’étendre sur le sujet. Il semble qu’ils
craignent quelque chose ou quelqu’un… une
sorte de « peuple », des yokai* qui visent à
détruire leurs âmes, et les nôtres, j’imagine.
Superstitions que tout cela. D’autant que ces
bons Aïnous croient vivre dans un sanctuaire.
Ils seraient les gardiens de quelque chose, si
j’ai bien suivi. Une Mère divine, une Pondeuse,
mon traducteur n’a pas su se montrer plus précis
là-dessus. Cette histoire n’est pas claire, et nous
aurons tout le temps d’approfondir la question
plus tard, mais c’est peut-être là l’aspect le
plus étrange de leur culture. Je compte bien
demander à quelques-uns de ces Aïnous de
revenir avec moi au campement de Takamori-
sama, si nos relations continuent à emprunter
cette voie positive.
Ernest entre sous la tente de commandement et
me salue. J’évacue le protocole d’un geste évasif :
« Qu’y a-t-il ?
* Esprits, fantômes ou démons mineurs.
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— Mon Capitaine, je dois vous relayer une
demande du sorcier des Aïnous. Leur prêtre, ou
que-sais-je.
— Eh bien, parle !
— Il souhaiterait vous convier à une sorte de
cérémonie, ce soir. Je crois comprendre qu’il
s’agit de vous expliquer une situation ou un
problème, je ne sais pas exactement. Cela
consistera à entrer dans ce qui semble être le
rêve de leur maître-dieu ou déesse.
— Encore cette histoire de songes et de Mère.
Peux-tu m’en dire davantage ? T’ont-ils entretenu
du modus operandi de leur cérémonial ? Ou sur
la nature de leur divine maîtresse ?
— Non pas, Capitaine, mais j’ai pu constater
qu’ils préparaient une certaine plante depuis
quelques jours, en la faisant sécher et j’ai dans
l’idée qu’elle pourrait servir. Quant à leur Mère,
ils restent encore très évasifs, se contentant
de récits symboliques et je ne maîtrise pas
encore suffisamment leur langage pour en dire
davantage.
— Fort bien. Cela te paraît-il dangereux ?
— Je ne crois pas, Capitaine. Ils sont effrayés
par quelque chose, mais la perspective de cette
cérémonie les apaise. Et puis, s’ils avaient voulu
nous faire du mal, ils auraient eu mille occasions.
Par Dieu, je pense qu’ils sont sincères.
— Très bien. En ce cas, je participerai à cette
célébration ou quel que soit le nom qu’ils
lui donnent. Cela ne peut qu’améliorer nos
relations. Va ! »
Je replonge dans mon journal et n’entend
presque pas la réponse d’Ernest :
« Aye, Capitaine. »
Voyage au coin du feu
Le temps de clore l’entrée du jour, je vais me
préparer. Afin de faire honneur à nos hôtes, je
revêts mon costume d’apparat et ceins mon épée
au côté. Le soleil est déjà couché tandis que je
quitte le campement que nous avons installé non
loin de la plage. Accompagné de trois matelots,
je traverse un pan de forêt et me rends au village
des Aïnous. La lueur de la lune donne à leurs
peintures un reflet subtil que je ne n’avais pas
noté jusqu’alors. Je frissonne, mais n’en montre
rien aux hommes qui m’accompagnent. Est-ce la
proximité d’un rituel auquel je suis sur le point
de participer, qui me rend couard ? Je prends
une ample respiration et pénètre dans le village.
Les hommes présents, les femmes et les enfants
nous saluent beaucoup plus solennellement
que d’ordinaire. Je garde mon calme et mon
flegme. Quelques guerriers, revêtus de leurs
habits d’apparat, une sorte de kimono aux
symboles géométriques, nous pointent du doigt
une direction. Ernest me confirme qu’ils nous
exhortent à nous rendre auprès du prêtre. Mon
regard s’attarde sur les dessins de certains de
leurs kimonos, majoritairement noirs aux liserés
argentés. Certains angles représentés semblent…
dérangeants. Comme impossibles. Sortis de
l’esprit dérangé d’un quelconque tisserand.
Je frissonne à nouveau, mais me ressaisis : quid
de la superbe des officiers de l’armée française,
si d’aventure je me laissais aller à cette couardise
que je réprouve tant ?
À quelques dizaines de mètres de leur village,
à l’orée de la forêt aux troncs noueux, nous
trouvons les officiels. Les notables. Celui que
nous avons identifié comme le guide spirituel de
la tribu me commande de m’asseoir. En retour,
j’indique à Ernest de rester non loin de moi afin
d’être en mesure de profiter de ses traductions,
et les deux autres matelots restent en retrait,
sabre prêt à être dégainé en cas de besoin. Ils
sont aussi armés de révolvers. Après tout, la
tribu peut bien sembler nous être amicale, je
préfère rester prudent.
Le chef des Aïnous nous rejoint. Il s’assoit avec
nous et me parle. Le vieil homme, torse nu, aux
tatouages lumineux, me dévisage d’un regard
profond. Dans ses yeux danse une lueur farouche
de détermination et… autre chose. Cachée
derrière cette apparente volonté inébranlable,
je décèle une flamme plus primale que j’ai du
mal à identifier dans l’instant, mais qui tremble
comme une feuille au vent. La seule faiblesse de
cet homme. Pourquoi me la montre-t-il ? Serait-
ce une marque de confiance ? Un stratagème ?
Ernest m’explique que l’homme semble faire
référence à une tradition rare. Il stipule qu’aucun
être humain hormis un Aïnou, n’a jamais eu la
possibilité de participer à ce rite.
« La possibilité ?
— Oui, Capitaine.
— N’a-t-il pas dit l’honneur, ou quoi que ce
soit d’approchant ? Cela me semblerait pour le
moins bien plus logique.
— Non. À vrai dire, j’ai traduit par possibilité
un mot dont le sens littéral m’est inconnu, mais
qui semble englober la notion de devoir et
une certaine déférence, peut-être de la crainte,
devant quelque chose ou quelqu’un de plus
grand. Leur fameuse divinité, peut-être ? »
Le songe et le parchemin
Je replonge mon regard dans celui du chef. Je
reste à nouveau subjugué par sa force mentale
et puis je réalise, après ce que m’a dit Ernest,
que cette lueur vacillante que je distingue au
fond de ses pupilles n’est rien d’autre que de la
déférence.
Avant qu’il ne reprenne, j’interroge Ernest :
« Dis-moi, peux-tu lui demander ce qu’ils
comptent faire exactement et quelle est la raison
de ce rite ? Pour quelle raison ai-je le soi-disant
honneur d’y participer ?
— Vous êtes certain, Capitaine ? Cela pourrait
être mal interprété ?
— J’ai confiance en ton don pour les langues,
Ernest, tu sauras expliquer les subtilités. »
Il soupire et s’exécute. S’ensuit un dialogue
assez long. Pendant quelques instants, le
chef semble s’énerver, ou du moins perdre
un peu de sa superbe et, par là même, de son
calme autrement olympien. Mais tout rentre
finalement dans l’ordre.
Un petit vent frais vient me glacer les sangs
une seconde, mais il fait place rapidement à la
chaleur nocturne, qui suit la terrible moiteur
diurne et ce, depuis que nous sommes arrivés
en vue de cette île étrange. J’entends à nouveau
ce murmure, porté par la brise. Ce murmure qui
parle à une partie de mon âme dont j’ignorais
la présence jusqu’à ce que nous touchions ces
rives. Une part de moi qui remonte aux temps
où nos ancêtres se terraient dans des grottes, à
l’abri des dieux et des choses qui arpentaient
le monde librement. Un temps bien avant la
civilisation. J’ai la sensation de n’être plus qu’un
jouet entre les mains de fantômes tourmentés.
Muhenbo…
Je ne suis pas le seul à l’entendre, cet appel
primal, apparemment. Les Aïnous dressent
la tête et Ernest à leur suite. Le chef se tourne
vers moi et commence à s’exprimer – Ernest me
précise qu’il parle de départ, de notre départ –
mais c’est alors que le guide spirituel se lève à
l’aide de son bâton orné, pousse son supérieur
devant la tribu immobile, pour s’asseoir à sa
place en l’invectivant. Je ne comprends pas
la hiérarchie de ce peuple. Leur dirigeant se
fait sermonner semble-t-il par leur prêtre, et
personne ne réagit. Puis je réalise que certains
évêques n’agissent pas moins de la sorte avec
nos politiciens et la chose me semble soudain
beaucoup plus commune. Je demande à Ernest
s’il saisit la portée de la conversation, mais le
marin n’est pas certain : il pense que le prêtre
vient de parler de vérité, mais il n’en jurerait pas.
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 Je vois cet homme, âgé, vénérable, aux
rides profondes et aux décorations tribales
inquiétantes se poser face à moi dans un bruit
d’ossements d’oiseaux. Le feu pâlit. Ses flammes
dansantes nous séparent et au-delà d’elles, sa
peau hâlée se confond avec les noirceurs de la
forêt. La lumière hasardeuse ne se reflète que
dans ses yeux et je me concentre sur eux. Seul
son regard compte. Le reste s’évanouit peu à peu
tandis que cet homme à la peau de ténèbres et
aux atours de mort tente de scruter mon âme.
C’est comme s’il avait apporté avec lui une partie
de la nuit. Il s’adresse à moi de sa voix profonde.
Ernest essaie de traduire de son mieux, presque
simultanément, mais plus les mots s’enchaînent,
plus le prêtre jette ses herbes dans les flammes.
Et plus la fumée qui s’élève me pénètre, plus j’ai
la sensation de comprendre ce qu’il me dit sans
le concours de mon matelot :
« Juste après notre création, lorsque nous avons
ouvert les yeux sur les étoiles, il n’y avait que les
Aïnous dans les contrées du Rêve. Nous vivions
en paix. Pendant longtemps, nous avons visité
les pays de la vie, ceux de la transition, puis
nous sommes revenus pour chanter le rêve. Tout
allait pour le mieux. Nous étions les enfants de
Mugenbo, la Pondeuse Insatiable. Puis, notre
Mère nous envoya vers le sud, vers un archipel
d’îles, notre paradis.
Mais il fut un temps, alors que la lune était
rouge lors de la plus haute chaleur, où un
peuple descendit sur nous depuis les rivages du
Nord. C’était un peuple contrefait, a la peau plus
pâle que la nôtre, et la bave suintaient de leurs
lèvres pendantes, tandis qu’ils exprimaient leur
colère. Ils emmenèrent avec eux leur cortège
de ce qu’ils appelaient des dieux. Ils étaient
mauvais. Ils étaient impies tant et si bien que
la terre hurlait sous leurs pas. L’un d’entre eux
se nommait N’Metzu, dont les séides étaient
les plus farouches. Les Aïnous tremblaient
devant tant de corruption, mais il sembla que
rien ne pouvait les arrêter. Le sol grondait
de douleur lorsqu’ils campaient. Les rivières
devenaient impropres à la boisson, les poissons
suffoquaient, les arbres se couvraient d’épines et
toute la nature se révoltait sans savoir contrer
ces hommes pâles. Mon peuple n’a jamais été
volontaire pour guerroyer, surtout pour la
possession de la terre, qui appartient à tous*.
La guerre corrompt les cœurs et les âmes. Elle
interdit à celui qui tue de se réveiller à nouveau
dans le monde. La mort devient alors un
châtiment. Le guerrier est un homme maudit,
vous comprenez ? »
J’avais envie d’acquiescer, mais je n’avais plus
assez de force. Je me contentai de hocher la tête.
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Mes paupières devenaient lourdes. La fumée,
âcre, emplissait mes narines tandis que j’écoutai
le vieil homme poursuivre son histoire :
« Ils nous chassèrent jusqu’à ce monde. Pendant
un temps, nous fûmes paisibles. Puis les
démons à la peau pâle nous retrouvèrent et nous
chassèrent à nouveau. Excepté l’un d’entre eux
qui nous rejoignit, plus tard, pour apprendre de
nos rites et de nos croyances, et qui consigna
nos mots dans des parchemins qu’il nous offrit
alors. Puis qui nous furent subtilisés, mais ceci
est une autre histoire. Nous fûmes contraints de
fuir jusqu’à cet archipel. Pourtant, l’un d’entre
nous, un homme valeureux, décida de braver le
danger et de mener la mort dans le campement
des hommes pâles. Nous n’avons pas le droit de
prononcer son nom car il est maudit depuis cet
instant, bien que chacun des membres du peuple
des Aïnous s’en souvienne et s’en souviendra
jusqu’à la fin du monde. Il se saisit de sa lance,
de ses lames trempées dans le sang et se para
des couleurs de la nuit. Tandis que la lune se
cachait dans les ténèbres, ce soir-là – car elle ne
voulait voir ce qui allait se passer – notre maudit
se glissa, ombre parmi les ombres, jusque sous
les abris de peau rêche du peuple pâle et il les
égorgea, ainsi que l’on tue les proies à la chasse.
Il les égorgea tous. Hommes, femmes et enfants,
sans réciter le chant qui apaise la mort. Il laissa
les âmes de ses ennemis se perdre dans les
limbes et celles qui ne se perdraient pas, être
le jouet de notre Mère. Il se saisit alors d’un
trophée pour le ramener à son peuple, afin que
personne n’oublie les hommes pâles aux dieux
sanglants. Les histoires disent que ce qu’il prit
avec lui était un large parchemin, étrange, peint
de symboles incompréhensibles. Ce qu’ignorait
le guerrier, c’est qu’une malédiction lui avait été
lancée. Par les traditions de son peuple, bien
sûr, puisque son geste, sa volonté de porter
la mort le destinait à ne plus faire partie du
* Le peuple qui sera connu sous le nom de
Japonais, débarqua dens les îles sud de
l’archipel nippon, et progressa vers le Nord
en prenant le contrôle des terres des Aïnous,
abandonnées généralement sans trop de
résistance. On garde pourtant trace de guerres
perdues par les Aïnous : 1268 (première
révolte connue), 1457 (bataille de
Koshamain), 1669 (Rébellion de Shakushain).
En 1799, les Aïnous restants, qui n’avaient pas
été exilés, de l’est d’Hokkaido sont soumis au
contrôle du shogun et en 1807, c’est au tour de
ceux de l’ouest de l’île. Cette absence de réelle
résistance s’explique probablement par leurs
croyances selon lesquelles la terre n’appartient
à personne.
Monde. Mais aussi par l’un des membres du
peuple pâle, l’un de leurs prêtres. Et ce sortilège
ne tarda pas à faire effet : tandis qu’il s’apprêtait
à revenir vers nous pour clamer sa vengeance,
il fut enseveli par le tremblement de la terre, au
campement des hommes pâles. »
Le prêtre marqua une pause. Son regard
continuait à me scruter et c’est d’une voix plus
ténue qu’il poursuivit son récit :
« Nous nommons cet endroit le Murmure de
Pierre et personne ne s’y rend car il est impie
et ne fait plus partie du Monde. Pourtant,
malgré le sacrifice de ce guerrier, les hommes
pâles revinrent. On ne tue pas un monstre si
aisément. Leurs yūrei*, non contents de trouver
le chemin des limbes, s’ancrèrent encore
davantage dans notre monde et depuis cette
éternité, ils reviennent la nuit de la grande
chaleur afin de réclamer leur dû. Les Aïnous,
parce qu’instigateurs de leur perte, sont
contraints de leur donner leur content d’âmes
et de corps. Ils réclament essentiellement
des enfants et les sacrifient lors de leurs rites
maudits, à leurs dieux. Ils se servent du sang et
en souillent la terre qui n’est plus fertile depuis.
Et notre peuple dépérit. Nous sommes de
moins en moins nombreux, contraints de faire
des enfants pour que certains soient tués lors
de leur purge. Bientôt, les Aïnous disparaîtront.
Nous l’avons lu dans les pleurs de la lune. Nous
ne serons plus qu’un nuage, l’un des nombreux
nuages qui ont peuplé le monde et dont les
vestiges ne laissent plus de traces que dans les
cieux et dans les étoiles. »
J’avais la sensation de sombrer. Mes paupières
étaient closes et je n’entendis plus que dans un
murmure, les derniers mots du prêtre :
« Dormez maintenant, visitez le rêve et voyez ce
qui était, ce qui est et ce qui sera… »
Le songe
Je rouvre les yeux et tente de me relever,
mais y renonce aussitôt car mes membres me
paraissent glacés, comme pris dans un étau
de froid qui me réduit à l’impuissance. Je
tourne le regard et je vois un cercle de pierres
dressées à moins de trois mètres de moi. Elles
sont hautes. Rouges. Brillantes sous la lumière
de la lune et gravées de symboles que je ne
connais pas, mais dont la simple vue provoque
un haut-le-cœur. Au centre, haute de huit
mètres environ, cette idole impie présente une
envergure cyclopéenne grâce à ses multiples
* Spectres vengeurs
tentacules phalliques issus de l’arrière de son
Le songe et le parchemin
corps arrondi et velu. Elle est représentée assise
en position zazen. Sa disproportion corporelle
la rend difficilement imaginable et je peine
à décrire ce que j’ai vu. Son petit tronc est
dérisoire face à son imposante tête arachnoïde
dont les huit yeux sont séparés par une fente
vaginale humide et verdâtre. Il s’en échappe une
sécrétion de couleur blanchâtre à l’odeur âcre.
Je réalise où je suis : j’ai vu cet endroit, le jour où
les Aïnous nous sont apparus ! Mais il n’y avait
pas de statue.
Qu’est-ce que je fais ici ? N’étais-je pas devant le
feu, avec le prêtre, il y a un instant ? Que m’a-t-il
dit ? Je visite le rêve ?
Trop de questions m’assaillent. Trop pour
obtenir une quelconque réponse.
J’essaie de me relever et peu à peu, j’y parviens.
Le sang afflue à nouveau dans mes membres
par vagues de picotements désagréables. Les
sensations de mon corps tendent à prouver
qu’il ne s’agit pas d’un songe. Je me remets
enfin debout. Juste à temps pour me tourner
et voir une foule monter jusqu’à moi : ils
pourraient appartenir au peuple des Aïnous,
ils en ont la forme de visage si particulière,
quoi que plus primitive encore, et la peau
plus pâle. Mon cœur manque alors un
battement : s’ils ont une apparence humaine
indéniable, leurs deux bras sont beaucoup
trop longs et atteignent aisément des genoux
osseux. Ils ont le front plus bas que nos
hôtes, et de toutes petites pupilles enfoncées
dans des orbites trop creuses. Leur mâchoire
inférieure, prognathe, est plus massive que
la nôtre. Leurs doigts sont griffus, leur peau
épaisse et ils sont, pour la plupart, vêtus de
peaux de bêtes sauvages. Pourtant, chez les
hommes comme chez les femmes, au-delà
de cette apparence bestiale, il se dégage d’eux
une sensualité évidente. Ils me terrifient. Ils
m’encerclent, mais je réalise rapidement qu’ils
ne me voient pas. Rien n’est vrai ! Grâce à
Dieu, rien de tout cela n’est réel ! Je suis dans
un songe, il avait raison. Je suis le spectateur
d’un rêve qui fut, qui est et qui sera. Ainsi
que me l’a révélé le prêtre des Aïnous. Je
recule néanmoins, machinalement, sous le
coup d’une horreur grandissante. Car je les
vois entamer une mélopée aux inflexions
ignobles, dans une langue que je ne connais
pas. Qui sont ces êtres ? Je n’en ai aucune
connaissance, ni dans les livres de science, ni
dans les contes et légendes nippons, ni même,
de près ou de loin, dans la Bible. Comment
se pourrait-il que notre Seigneur ait créé une
race si atroce ?
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 Devant le cercle de pierre, un feu brûle et
une abominable fumée rouge s’en exhale.
En spirales ondoyantes. Deux silhouettes
approchent et entrent dans le cercle : une femme
nue et un bébé. L’enfant n’est clairement pas un
Aïnou, il est plus proche des représentations
que font nos scientifiques de nos ancêtres
préhistoriques et il hurle, bien que je ne l’entende
pas. La femme s’approche de moi. Elle est vieille
et hideuse. Elle pose l’enfant. Elle le lâche,
plutôt, et il doit se faire mal car je vois les traits
de son visage se tendre. La femme s’accroupit.
Elle murmure et des sons commencent à me
parvenir, indistincts.
L’un des hommes avance, peint de longues
lignes rouges et brunes sur tout le corps. Il est
nu. Il porte un tambour et s’assoit avant d’en
jouer. Je recule machinalement. Bien que je
n’entende pas réellement les sons, je perçois
une vibration que j’identifie comme étant
celle de l’instrument. Quelque part, au fond
de mon esprit, naît l’idée que si je suis capable
de sentir cette vibration, il se peut, si je n’y
prends garde, qu’eux aussi soient capables de
me percevoir. À cette idée, mon sang se glace.
Je recule encore un peu.
Les participants se balancent tout d’abord
doucement, puis je les vois accélérer. La
sarabande commence à devenir diabolique,
les gens se mettent à hurler et je sens encore
davantage la vibration. Ils secouent maintenant
leurs bras en tous sens, avec violence et
peu à peu, entourent la vieille femme qui
convulse comme si elle avait été possédée par
le démon. Des hommes sortent du rang et
viennent caresser sa peau fripée. D’autres lui
crachent dessus. Elle lèche cette salive brune.
Les pulsations s’accélèrent. Les hommes et les
femmes commencent à danser, leurs corps de
plus en plus proches. Quelques hommes sortent
à nouveau de la foule et viennent coucher la
vieille. Ils la prennent comme ils prendraient
leur femme à cette différence qu’ils n’hésitent
pas à la frapper. À la violenter. La scène est
horrible. J’aimerais intervenir car mon sang
noble bout dans mes veines ! Quelle ignominie !
Pourtant, la brutalité même de ces mâles n’est
pas ce qui me confond d’horreur. C’est la vieille :
si elle griffe ses assaillants pour se défendre, elle
garde le sourire et semble atteindre une sorte
d’extase. Le sang des torses lacérés coule sur elle
tandis qu’ils la pénètrent et qu’ils se l’échangent.
Je détourne le regard. Dans la foule, l’hystérie
gagne du terrain. Les hommes et les femmes se
mêlent eux aussi en une orgie, un pandémonium
humain auquel je voudrais ne plus assister, mais
malgré moi, je reste immobile, à l’orée de ce
cercle de pierres. Les corps se contorsionnent.
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Les fidèles hurlent, ont l’écume aux lèvres,
tout n’est que dents et ongles, chairs moites et
sanglantes. Les hommes, relégués au rang de
bêtes démentes, copulent et se mordent entre
eux dans une frénésie extatique qui heurte
violemment ma conscience d’homme civilisé.
Je crois que je les observe, mais que mon esprit
n’est plus totalement présent. Il navigue au bord
de la folie et ne saurait tarder à sombrer à la vue
de ces fantômes du passé.
Je ne sais combien de temps dure leur
réjouissance païenne, mais je sors quelque
peu de ma torpeur lorsque je vois la vieille
se relever en un bond dont je ne l’aurais pas
crue capable compte tenu de son âge et de ce
qu’elle vient de subir. Elle repousse ses violeurs
– mais était-elle vraiment en danger ou cette
fornication terrible n’était-elle qu’une part de
ce rite impie ? – en leur criant dessus et en
gesticulant. Les hommes qui étaient sur elle, le
membre encore honteusement et terriblement
dressé, reculent. Elle se saisit alors du bébé et le
balance violemment contre un pilier de pierre.
Son pauvre corps se désarticule, mais elle ne
s’arrête pas là. Elle le saisit par les pieds et le
fait tournoyer au-dessus d’elle, accompagnée
par un tambour frénétique et des spectateurs
horriblement couverts de sang, de sueur, de
terre et de je ne sais quoi de peu chrétien. À
l’instant où je réalise qu’elle est sur le point de
lui fracasser le crâne contre la pierre, je hurle.
Machinalement.
« Non ! »
Glacé d’horreur, je vois les participants se
figer un instant. La vibration du tambour
cesse. La vieille semble humer l’air. Je recule.
Ils cherchent. Ma voix aurait-elle traversé
l’espace, le temps, pour toucher ces spectres
immondes ? C’est impossible ! Inconcevable !
Mais une part de mon esprit me rappelle
insidieusement que tout ce qui se passe ici,
cette vision même, est de l’ordre de l’impossible.
Quelques mots s’échappent de mes lèvres. Des
mots qui ne sont qu’un réflexe à l’horreur à
laquelle je viens d’assister :
« Mon Dieu ! »
Je les vois hurler et pointer du doigt dans
ma direction, mais plus encore, étouffé par
les étendues des mondes qui nous séparent,
j’entends leurs hurlements. Leurs voix de
déments. Ils hurlent dans une langue qui m’est
inconnue et que pourtant je comprends. Ils
m’ont trouvé et viennent à ma recherche. Au
fond de moi, je sens confusément que la mort
même ne saurait les arrêter.
Je me tourne et m’enfuis en courant.
Réveil et résolution
Je m’éveille, en sueur. Le prêtre des Aïnous est
là, il m’observe. Ernest aussi et son regard en
dit long sur son inquiétude. Encore en sueur,
je tends une main vers lui et attrape son bras,
pour le rassurer.
« Demande-leur ce qu’est exactement ce que je
viens de voir ? », dis-je dans un murmure.
Il s’exécute et j’attends que leur échange se
termine afin d’en savoir davantage. Ernest parle
doucement :
« Il s’agit apparemment d’un rituel des
temps anciens, d’un temps où leur Mère
était omniprésente. Un temps où des choses
semblables à des hommes marchaient au milieu
de leurs ancêtres et se livraient à des vénérations
terribles et sanglantes. Le prêtre précise aussi,
mais je ne suis pas certain de la traduction à
apporter à ses mots, que les choses qui furent
semblables aux hommes sont désormais une
part intégrante de cette île, dans laquelle ils
peuvent aller et venir. Ils s’incarnent parfois
dans les chairs des hommes et des bêtes et
perpétuent leurs rites sanglants. Il semble croire
particulièrement que leurs yūrei reviennent lors
de la célébration de l’été et qu’en chacune de ces
fêtes, tous les ans, ils viennent réclamer une
âme à sacrifier à leurs Grands Anciens.
— Impies ? Oui, si ce que j’ai vu est une
réminiscence du passé, ce mot est le moindre
que l’on puisse utiliser. Et les Aïnous ne sont
même pas chrétiens ! C’est l’Enfer qui leur est
promis ! Oh, Ernest, si seulement j’avais les
mots pour te décrire le terrible rite auquel j’ai
assisté en songe !
— Selon les croyances de nos hôtes, il ne
s’agissait pas d’un songe, Capitaine.
— Oui, je sais. Rêve et réalité ne sont qu’une
seule et même entité, pour eux. Et à vrai dire,
je me demande jusqu’à quel point ils n’ont pas
raison. Les fantômes de ces êtres, Ernest, ils
étaient… terribles ! Horribles ! Comme vomis
de l’Enfer, des monstres que même Satan n’a pu
garder en son sein. Et… »
Je frissonne un instant avant de reprendre. Les
Aïnous et Ernest n’ont pu ne pas remarquer
mon effroi :
« … et ils m’ont vu. Je ne sais comment, au
travers du temps, des régions glacées, dans
lesquels ils vivent et revivent inlassablement
leurs horreurs rituelles, je suis certain qu’ils
m’ont vu et j’ai peur, Ernest. Ce n’est pas
quelque chose dont je suis coutumier. Oh,
bien entendu, j’ai peur lors d’une tempête, j’ai
peur de la maladie, de perdre mes hommes,
Le songe et le parchemin
ma famille. Tout le monde a peur, mais ces
peurs-là peuvent être contrôlées. Ces… yūrei,
ces choses qui se tortillaient, elles n’avaient
pas peur et elles m’ont vu. Cet effroi qu’elles
m’ont insufflé est différent. Viscéral. Comme
si… je l’ai pensé, plus tôt, et te fais part de
mon intime conviction… comme si une part
de moi se souvenait de temps anciens où
nos ancêtres se réfugiaient dans les cavernes
sombres, préférant les horreurs et les démons
qui se tapissaient sous la terre aux déments
qui parcouraient les terres battues par les
vents. Du temps où nos aïeux utilisaient
une magie païenne pour se protéger d’êtres
capables de rendre la mort si douce en
comparaison de ce qu’ils pourraient vous
faire subir. Dieu me pardonne pour ce que je
viens de te dire, Ernest, mais c’est la stricte
vérité. Ces fantômes sont libres, par-delà le
mur du temps et du sommeil. Ils peuvent
nous atteindre et je ne suis pas loin de croire
que les Aïnous, depuis des siècles, ont à subir
leurs exigences macabres !
— Capitaine, c’est folie que cela. »
Je le saisis par le col et rapproche ma bouche si
près de son visage que l’espace d’un instant, je
lis dans ses yeux une crainte irraisonnée :
« Ernest. Je sais ce que j’ai vu. Et tu ne l’as pas
vu, toi. Ne crois pas que j’aie perdu l’esprit. Je
suis simplement effrayé et ne suis pas homme
de peu de courage, tu le sais !
— Ou… oui, Capitaine, je le sais. Mais que
peut-on faire ?
— Faire ? Y a-t-il seulement quoi que ce soit à
faire ? »
Je le relâche et me rassois. Mon regard plonge
dans celui du prêtre :
« Pourquoi a-t-il tenu à me montrer ces
horreurs ? demande-le lui, Ernest. »
J’attends la réponse qui ne tarde pas à venir :
« Les Aïnous sont un peuple pacifique qui vit
en harmonie sur cette terre, mais il précise que
si nous restons, nous devrons subir nous aussi
cette malédiction.
— Alors il est effectivement hors de question
que nous subissions cela. Mais nos hôtes nous
ont bien accueillis, j’aimerais trouver une
solution pour les aider. Existe-t-elle ? »
Ernest interroge le vieux sage.
« Il n’y a pas de solution. Le prêtre prend cette
malédiction comme un acquis auquel on ne
peut se soustraire.
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 — Il doit bien exister un moyen de lever l’ire
de ces yūrei, il doit bien exister une personne
qui connaît un rite, quoi que ce soit ? Peut-être
les monstres ont-ils un maître, quelqu’un avec
qui l’on peut discuter ? Négocier ? Un de leurs
maîtres, un… »
Je cesse de parler soudainement. Une idée vient
de traverser mon esprit. Le fait de parler d’un
éventuel maître me permet de me souvenir d’un
détail de l’histoire des Aïnous dont parlait le
prêtre avant ma vision. Comme si une pensée
qui ne m’appartenait pas vraiment avait fait
surgir une réponse à mes interrogations. Un
détail qui, loin d’en être un, pourrait receler la
solution au problème. Ernest, qui est suspendu
à mes lèvres et qui vient certainement de
remarquer mon trouble, se penche vers moi :
« Capitaine ? Qu’y a-t-il ?
– Le Murmure de Pierre. La dernière sépulture
de leur héros. Il leur est interdit, mais pas à
nous ! Le guerrier voulait rapporter un trophée,
c’est ça ? C’était un parchemin ! Peut-être est-ce
là ce que nous sommes venus chercher. Peut-
être devrions-nous l’arracher à ce lieu maudit
et l’en extraire. Peut-être est-ce là le vecteur de
leur malédiction et de notre salut ?
— C’est une idée saugrenue, Capitaine.
— Je sais, mais nous ne sommes pas ici en terre
cartésienne, Ernest. Il nous faut nous adapter.
Comme en mer, lorsque cette maquerelle décide
de nous malmener. Il faut que l’on s’adapte. »
Ma décision est prise. Mon regard s’affirme. Je
parcours l’assemblée : des hommes, des femmes,
des enfants de la tribu des Aïnous, mais aussi
mes matelots, unis sous la lune, en ce soir si
particulier, si étrange qui m’a vu pénétrer l’une
des horreurs les plus profondes de cette planète
et qui me permet d’affirmer que l’enfer n’est pas
un leurre. Non, mon âme chrétienne ne peut
souffrir de laisser simplement là des gens qui
nous ont accueillis sans jugement ni arrière-
pensée. Je vais les aider. S’il existe une solution,
je la trouverai. J’attrape l’épaule d’Ernest :
« Dis au prêtre que je vais me rendre au
Murmure de Pierre. Qu’il m’indique le
chemin le plus rapide. S’il existe un moyen de
contourner leur malheur ou de faire en sorte
qu’il cesse, je le trouverai. »
22
Le Murmure de Pierre
Trois jours de marche.
Je n’ai pas souhaité que l’un de mes hommes
m’accompagne, je dois accomplir cette quête
seul. J’ai donné des ordres à mon second afin
qu’ils lèvent l’ancre en compagnie des Aïnous
si je n’étais pas de retour au terme de dix jours
révolus. Il m’en a fallu trois pour parvenir
jusqu’ici, comme prévu, car le terrain est très
accidenté. J’ai pu profiter des merveilles et des
horreurs que recèle cette île inconnue. C’est un
endroit très différent de tout ce que j’ai pu voir,
que ce soit en Afrique, en Asie ou même aux
Amériques. Ici, il est possible de se penser en
explorateur à la découverte d’un autre monde.
Littéralement. Une autre création divine,
différente de celle sur laquelle nous vivons. Les
arbres hauts et secs, tordus et contrefaits, voire
mus par une conscience propre, succèdent aux
roches noires gravées de symboles inconnus,
dont certains me donnaient la nausée. Ce volcan
est immense, comme un temple naturel dont je
percevais la colère sourde dans le lointain, mais
que je n’ai jamais approché, par crainte de sa
colère. Le prêtre m’a expliqué comment cueillir
quelques baies et capturer de petits rongeurs
dont il m’a précisé qu’il fallait remercier le
yokai de la forêt, afin de ne pas le courroucer.
Etrangement, ces petits rites qui m’auraient
semblé relever de la superstition quelques jours
plus tôt, je les respecte aujourd’hui par crainte
et par respect pour ce lieu que, de mes pas
étrangers, je foule aujourd’hui. Et la terre elle-
même semble me répondre positivement par
des murmures et parfois, j’entends à nouveau ce
mot… plus clairement cette fois… Mugenbo…
La mère des Aïnous… me protège-t-elle ?
Serais-je tel le croisé médiéval, guidé par Dieu
dans sa quête de Jérusalem ?
Je crois que je deviens fou… Je pense à ma
famille et cela m’apaise. Cela me permet de
poursuivre sans perdre définitivement l’esprit.
Et voici que je me trouve face au mausolée
naturel de ce guerrier Aïnou. Un ensemble de
gravats, de roches amassées en tertre que je
dois m’atteler à déplacer, à soulever ou à faire
rouler pour dégager le corps de ce héros. La
nuit passe et je ne prends que peu de repos. J’ai
à cœur de terminer mon œuvre funeste au plus
tôt. Funeste car, bien qu’étant à l’autre bout du
monde – d’aucuns auraient dit que j’étais même
dans un autre monde – je m’apprête simplement
à profaner une sépulture. L’idée me procure
un frisson de dégoût et je me signe avant de
continuer. À moins que la volonté d’aider tout
un peuple prime sur le fait de déterrer un
mort ? Où se situe la limite de la morale ? Je
ne suis pas philosophe, je suis un soldat. Seul
un penseur saurait me renseigner et je n’en ai
pas sous la main. Je cesse de me tourmenter.
Pour ma part, je me contente de faire ce qui me
semble le mieux sur l’instant. C’est ainsi que l’on
survit et c’est ainsi que j’agis.
Trouverai-je la relique enlevée au peuple
dégénéré ? J’ai un instant de doute tandis que je
pousse à la sueur de mon front et au prix d’un
cri de douleur arraché à mes muscles, une pierre
bien trop lourde pour moi. Mais je reviens vite
à la raison : selon la légende, cet homme était
parti seul et personne n’était venu réclamer son
corps. Il se devait d’être toujours coincé sous
cet éboulis funèbre. Pourtant, quelque chose en
moi n’est pas satisfait de cette réponse logique.
J’essaie, tandis que je m’active, de comprendre
ce qui me tourmente, mais je n’y parviens
pas et préfère me concentrer sur mon labeur
trop éreintant pour les autres considérations,
fussent-elles l’ire divine.
Au lever du cinquième jour, épuisé et ne
comprenant pas moi-même comment j’ai
pu mener à bien une tâche si exténuante, je
parviens au corps de l’Aïnou. J’attends que les
premiers rayons du soleil éclaire le tombeau ou
du moins, ce qu’il en reste, afin de comprendre
davantage ce qui se cache devant mes yeux.
Peut-être y aura-t-il un indice sur ce détail qui
me contrarie ?
Amaterasu illumine la vaste plaine ocre et je vois
l’ombre se disperser à la vitesse de la lumière
qui la chasse, jusqu’à ma pupille. Je place une
main au-dessus de mes sourcils et profite du
spectacle qui s’offre à moi, un instant, bien que
la lumière me dérange plus qu’à l’accoutumée.
Je dois être plus fatigué que je ne le pense. La
chaleur qui me caresse me réconforte un peu.
Je me retourne vers la tombe et suis presque
déçu de ce que j’y trouve : quelques pitoyables
fragments d’os qui s’effritent, recouverts parfois
Le songe et le parchemin
d’une chair depuis longtemps momifiée et, au
milieu de ce tas morbide, écrasé et bosselé, un
large parchemin que la chaleur a protégé des
moisissures. Je m’en saisis avec une impatience
frénétique et le débarrasse de la poussière qui
s’y colle. Je parcours les symboles. Ils sont
clairement composés de kanjis. C’est étrange ?
Le prêtre Aïnou faisait référence à un langage
incompréhensible. Peut-être pour lui. C’est
un Japonais qui a écrit cela, clairement. Je ne
connais que peu leur langue, mais je parviens
à trouver et lire le nom de celui qui a rédigé
ces caractères fiévreux : Hiro. Je remets ensuite
quelques pierres à leur place, je ne veux pas que
la dépouille de l’Aïnou soit exposée ainsi. Si
Dieu – ou qui que ce soit d’autre en ces terres à la
fois bénies et maudites – a trouvé bon d’enfouir
le corps de cet homme, il ne m’appartient pas de
décider d’un autre destin pour lui.
C’est en courant presque que j’entame le chemin
du retour. En courant et en tentant d’ignorer ce
murmure qui ressemble trop à un rire, au loin.
Le parchemin et le prêtre
« Merci de votre aide, capitaine Deslouettes, me
lance le prêtre dans un français avec un accent
prononcé. Et merci de m’avoir laissé consulter
le parchemin maudit, et d’en copier quelques
pages.
— Tout le plaisir est pour moi, Shun Ikura-
sama.
— Oh, non, vous avez fait grand cas d’un
peuple inconnu en tentant de le soustraire à
une malédiction dont vous auriez tout aussi
bien pu rétorquer que vous n’aviez rien à faire et
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 pour cela, le peuple des Aïnous vous remercie.
Vous avez payé le prix de cette bonté et nous ne
vous oublierons pas. Vous avez votre place dans
notre rêve et nous vous attendrons au seuil du
Temps lorsque vous quitterez votre peau, n’en
doutez pas. »
Je m’incline malgré un frisson désagréable et
laisse là ces hommes et ces femmes à la culture si
fascinante. Effrayante aussi, car depuis que nous
avons entamé le voyage du retour depuis leur île
australe, nous avons eu le temps d’échanger. J’ai
appris quelques rudiments de leur langage et
eux, du nôtre – point indispensable – car avant
de les libérer à l’ouest de Hokkaido, je voulais en
savoir davantage.
Une fois les Aïnous débarqués, nous repartirons
vers notre général. J’ai ouï dire, en ce début
d’avril 1868, par on-dit, dans les ports, que
la guerre de Boshin tourne en défaveur de
Takamori-sama. J’espère qu’il saura faire bon
usage de ce parchemin que nous lui rapportons.
Et que ce qu’il considère comme une arme
saura renverser le cours, qui semble inéluctable,
de ce conflit.
Je monte sur la dunette de mon navire et
adresse un dernier signe aux Aïnous tandis
qu’ils s’éloignent vers les montagnes boisées.
Shun Ikura a raison : j’ai perdu beaucoup lors de
ce voyage. Tandis que j’arrivais au campement
des Aïnous, après mon périple, un groupe de
mes hommes vint à ma rencontre. Ils m’apprirent
qu’une troupe armée, au mon* inconnu, avait
attaqué les Aïnous. Bien entendu, mes marins
ont défendu leurs hôtes, mais nombreux étaient
ceux qui avaient perdu la vie. Les assaillants ont
fini par prendre la fuite et Ernest m’expliqua
qu’effrayés par nos armes à feu, ils criaient, tout
à leur course effrénée, que les oni** avaient
invoqué des oni ! « Des démons ! ajouta Ernest
en riant. Nous, des démons, Capitaine ! Ne
trouvez-vous pas la situation cocasse ? » Je lui
répondis que oui avant de prendre le temps
d’enterrer nos vaillants matelots dont les corps
resteraient ici, en terre non chrétienne. Paix
à leur âme. Nous avons sabordé l’un des trois
navires et l’avons laissé là. Il nous était inutile,
nous n’avions pas suffisamment d’hommes pour
le manœuvrer.
Shun Ikura accepta mon récit en tremblant,
puis nous avons entamé les préparatifs du
départ. Toute cette histoire est étrange, quand
* blason
** démons
24
j’y songe. Cette vision, ces yūrei, ce rite atroce.
D’autres esprits que le mien, moins aguerris, y
auraient laissé la raison.
Le prêtre avait fini, quelques jours après et
tandis que nous nous apprêtions à prendre la
mer, par venir me voir, ennuyé. Il avait consulté
les yokai et ceux-ci lui avaient confirmé que le
seul moyen de mettre fin à la malédiction, c’était
de partir vers l’ouest de Hokkaido. Purement
et simplement. En des termes polis et voilés,
le prêtre me demandait si nous pouvions les y
mener et, de fait, mettre un terme à leur exil.
D’autant que certains samouraïs, considérant
– certainement et d’une certaine manière,
à raison – que les Aïnous étaient maudits,
tentaient parfois des raids pour les détruire
définitivement et que son peuple était fatigué.
Après concertation avec mon second et les
autres capitaines des caravelles, nous convînmes
de les prendre tous : hommes, femmes, enfants,
alors que nous avions prévu initialement d’en
ramener quelques-uns. C’est ainsi que je me
retrouve à dire adieu de la main à un peuple
dont je ne soupçonnais pas l’existence quelques
années auparavant.
Pourtant, pas un instant je n’ai pu me départir de
cette idée que ce détail dont j’avais eu l’intuition
et dont je n’ai pu deviner la teneur tandis que
je déterrai le cadavre du héros Aïnou, aurait pu
changer le cours des choses.
Les silhouettes du peuple exilé disparurent et
les côtes de leur nouveau refuge finirent par
n’être plus qu’un trait dans le lointain. Je n’avais
pas quitté la dunette. C’est mon second qui me
tira de mon infinie rêverie :
« Capitaine, le soir tombe. »
Je me tournai vers lui en soupirant :
« Fort bien, Audibert. Merci. Je me retire un
instant dans ma cabine, je vous rejoins sur le
pont sous peu.
— Pour sûr, Capitaine ! Nous allons ouvrir
quelques bouteilles de vin ! »
Je lui tape sur l’épaule et lui souris avant de me
réfugier dans ma cabine. Je ferme la porte. Les
rires et les chants des marins me parviennent
assourdis. Je m’étends sur ma couche et observe
le plafond de bois. Qu’ai-je manqué ? me dis-je.
Où ai-je fait une erreur ?
Je me souviens de ce soir-là, le soir de ma vision.
Je n’ai oublié aucune image de ce rite atroce. Ni
des jours qui ont suivi. La solution n’est pas
dans les images, donc. Mais peut-être dans les
mots. Je m’acharne à me souvenir des paroles
qui furent prononcées, de tout ce qui fut dit,
murmuré, et dont ma mémoire avait gardé la
trace, mais là encore, je ne parvins pas à trouver
la solution à ce problème qui m’obsède.
Je me tourne sur le côté. La houle agite
doucement les quelques objets pas
suffisamment lourds ou attachés de ma cabine.
C’est hypnotique. Je me laisse bercer. Mon
esprit divague. Je me souviens, tandis que mon
esprit se perd en rêverie cotonneuse, que c’est
ce « Mugenbo », cette voix, la mère des Aïnous,
qui m’avait inspiré le fait que ce parchemin,
perdu depuis des siècles peut-être, pouvait être
celui que je recherchais. Qui m’avait insufflé la
certitude qu’aller chercher le corps du héros
trépassé était la solution à cette malédiction.
Je me demande s’il viendrait à mon aide, à
nouveau… je murmure un nom : « Hiro »,
comme le ferait un enfant effrayé, pas encore
conscient de la nature divine du monde, un
appel mâtiné de paganisme ancien, pour me
souvenir de quelque chose. N’importe quoi…Je
me lève soudain !
Je sais ! Je sais et mon sang se glace dans mes
veines ! Je cours sur la dunette et tandis que les
derniers feux du soleil se couchent dans mon
dos, j’observe la mer.
« Ikura », dis-je dans un murmure.
C’est toi qui m’as envoyé cette vision. Toi qui
m’as conté cette histoire. Toi et uniquement toi.
À tout moment, tu as manœuvré pour que j’aille
chercher ce parchemin aux kanjis si étranges. Toi
qui as insisté pour en copier des passages. Toi qui
m’as conté l’histoire de ton héros, mais selon tes
propres mots, il est parti seul au combat, pour
vous débarrasser du soi-disant peuple maudit.
Comment, dès lors, aurais-tu pu savoir qu’il
était en possession de cette relique à son retour ?
Comment ? Et pourquoi ces autres clans nippons
s’acharnent-ils contre ton peuple ? Pourquoi ?
Un frisson terrible parcourt mon corps. Je serre
Le songe et le parchemin
les mains sur le bastingage et mon souffle se
fait court. Je tente de contenir ma pensée un
instant, mais elle s’échappe :
Parce que vous êtes les descendants de ce peuple
maudit. Vos ancêtres ont perdu un pouvoir dont
je ne sais rien, mais dont, inconsciemment, j’ai
ressenti la portée maléfique. Le peuple pâle n’a
jamais disparu ! Il s’agit soit des Japonais qui
ont eu l’intuition de votre nature réelle, soit d’un
autre peuple qui vous combattait et qui, in fine,
s’est mêlé aux Aïnous jusqu’à ce que vous vous
confondiez ! C’est pour cela que les autres vous
ont traité de démons ! Tu m’as envoyé, manipulé
pour aller chercher ce parchemin. Pourquoi
donc ? Etiez-vous réellement maudits au point
de ne pouvoir le faire vous-mêmes ? Était-ce
une sorte de talisman qui vous empêchait de
quitter cette terre sur laquelle vous étiez menacés
d’extinction ? Le fait de le prendre vous a-t-il
permis de fuir avec notre bénédiction ? Et par
conséquent, quelle est la nature de cette Mugenbo
funeste que vous vénérez, mais plus encore, quels
sont vos noirs desseins maintenant que vous êtes
libres ?
Une dernière pensée m’assaille qui manque de
me faire défaillir. L’avenir est sombre. J’ai parfois
pensé mériter l’Enfer, mais ce serait un endroit
encore trop doux pour moi, et je crains que mon
destin, funeste, ne soit bien plus terrible encore.
Les derniers mots de Shun Ikura résonnent
encore dans mon esprit, comme une menace
à peine voilée d’une éternité de souffrance à
venir : Vous avez votre place dans notre rêve et
nous vous attendrons au seuil du Temps lorsque
vous quitterez votre peau, n’en doutez pas.
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 Chapitre 2

Généralités
Ce cadre de jeu est axé sur les années 1890. La modernisation du pays et le
changement de mentalité chez une partie des Japonais a créé une rupture au sein
même de la société entre les traditionalistes et les pro-Occidentaux.
Dans l’univers de Cthulhu No Kami, il marque le recul du folklore ancestral et de
ces entités telles que les yokai. Les pratiques magiques sont totalement prohibées
et l’occultisme apparaît dans les clubs privés de personnes notables et d’influence.
Enfin, l’ouverture de l’Archipel entraîne l’apparition de nouvelles croyances
spirituelles et occultes venus de l’Occident.

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 Dramatis personae
Ces personnages sont actifs en 1890, l’année
qui sert de référence pour cette période.

Yamagata Aritomo, actuel Premier ministre Membre du conseil des neuf (Genrō), il a une
influence importante dans l’administration
Fils de samouraï, Yamagata Aritomo embrasse
Meiji. En 1890, il est nommé à la tête de
une carrière militaire avant d’entrer en politique.
l’université de Tokyo.
Durant les premières années de l’ère Meiji, il est
l’un des neuf Genrō, les Anciens qui gouvernent
avec l’empereur. Il est Premier ministre jusqu’en
1891. Du côté militaire, il mène la répression
contre Satsuma en 1877 et dirige la première
armée dans la guerre sino-japonaise. Personnalité
influente, il est nommé maréchal et conseiller
privé de l’empereur en 1893.

Baron Masuda Takashi

Un des rares fondateurs et dirigeants de zaibatsu
qui ne soit pas issu d’une ancienne noblesse,
Masuda Takashi contribue à l’établissement de
la zaibatsu Mitsui. Financier et entrepreneur,
il fonde aussi un journal reconnu, le Chugai
Shōgyō Shimpō.

Hirobumi Itō, ancien Premier ministre

Fils de samouraï du clan Chōshū, Hirobumi Itō
rejoint les partisans de la chute du shogunat après
l’exécution de son sensei. Patriote légitimiste, il
est choisi pour étudier en Angleterre avec quatre
compagnons, ce qui va lui faire comprendre
le retard pris par le Japon et lui ouvrir les
portes de l’administration impériale grâce à sa
connaissance de l’anglais et de l’Occident en
général. Nommé Premier ministre en 1885, il
le reste jusqu’à l’établissement de la constitution
en 1889. Il conserve une grande influence, entre
autres au sein du parti qu’il a fondé, le Seiyukai.
Il est à nouveau nommé Premier ministre lors
de la guerre sino-japonaise (1894-1895).
Katō Hiroyuki
Fils de samouraï, Katō Hiroyuki étudie la science
militaire avant de se tourner vers l’ingénierie
et les sciences occidentales. Germanophile, il
parle cette langue et est fin connaisseur de la
philosophie allemande.
Meiji, l’empereur
De son vrai nom Mutsuhito, Meiji est celui qui
permet la modernisation du Japon. L’abdication
du dernier shogun en 1867 fait de lui le seul
maître de l’Archipel. Jusqu’en 1889, il gouverne
sans partage, bien qu’assisté par des conseils
issus de la vieille aristocratie féodale. En
1890, il a définitivement abandonné la tenue
traditionnelle, à l’exception des cérémonies
importantes, pour ressembler à l’empereur de
Prusse par ses atours.
Yasuda Zenjirō
Fils d’un samouraï pauvre, Yasuda Zenjirō
s’installe à Edo avant l’ère Meiji. Devenu
entrepreneur, il voit ses activités fleurir et
fonde en 1876 une grande banque privée. En
1883, il est à la tête d’une des quatre zaibatsu
(conglomérat japonais), dominant la finance et
le domaine des assurances.

28

Chronologie détaillée du cadre
1853 : l’amiral Perry des États-Unis d’Amérique
débarque dans la baie de Tokyo à bord de son
vaisseau noir et pose un ultimatum au shogun
concernant l’ouverture de l’Archipel à son pays.
1854 : retour de Perry au Japon. Un traité est
signé instaurant deux escales pour les navires
des États-Unis.
1858 : les États-Unis obtiennent un traité
commercial leur octroyant l’extraterritorialité
pour leurs ressortissants : ils ne peuvent pas
être jugés par la justice japonaise.
1862 : un Anglais est tué par des conservateurs
du clan Satsuma. La Grande-Bretagne demande
réparation au bakufu qui se tourne vers le clan
pour payer l’indemnité, mais ce dernier refuse.
1863 : Kagoshima, capitale des Satsuma, est
attaquée par la flotte anglaise et capitule après
une intense bataille et l’incendie de la ville.
1865-1866 : première campagne victorieuse
des troupes de l’empereur Meiji contre celles du
shogun Tokugawa Yoshinobu.
1867 : deuxième campagne qui signe la défaite
définitive des partisans du shogun.
1868 : le 3 janvier, l’empereur restaure son
pouvoir au détriment du shogun. Edo devient
Tokyo et la nouvelle capitale impériale. Début
officiel de l’ère Meiji.
1869 : ouverture de la ligne télégraphique entre
Tokyo et Yokohama. Les clans Satsuma, Chosu,
Tosa et Hizen remettent leurs fiefs à l’empereur.
Les autres clans sont obligés de suivre. Fin de
l’administration féodale du pays.
1871 : l’empereur proclame l’égalité de tous ses
sujets, y compris les eta. Le système monétaire
basé sur le yen est mis en place.
1872 : ouverture de la première ligne de chemin
de fer entre Tokyo et Yokohama. L’empereur
impose à tous les fonctionnaires le port d’un
uniforme.
1873 : l’impératrice met fin à la mode des dents
noires et des sourcils épilés. Le service militaire
universel est mis en place, mettant fin à la
Généralités
suprématie guerrière des samouraïs. La mesure
d’exclusion des chrétiens est levée.
1876 : interdiction du port du sabre et des
signes distinctifs du samouraï. Le Japon impose
à la Corée l’ouverture de ses ports à ses navires,
réitérant l’action de Perry.
1877 : présentation du téléphone au Japon par
Graham Bell. Dernière révolte de samouraïs
contre le gouvernement à Shiroyama.
L’université de Tokyo est fondée.
1879 : les premières élections ont lieu, élisant
les conseils généraux.
1880 : premières élections municipales.
1884 : l’empereur crée une nouvelle noblesse
pour le servir. Elle est répartie en cinq
catégories avec l’équivalent de princes, marquis,
comtes, vicomtes et barons, copiant le système
britannique.
1885 : premier gouvernement de cabinet avec
un Premier ministre à sa tête.
1889 : Yokohama devient une préfecture
indépendante de celle de Tokyo. La première
constitution japonaise est promulguée. Elle
inaugure un repli identitaire qui contraste avec
l’ouverture du début de l’ère Meiji.
1894-1895 : guerre sino-japonaise à la suite
d’une double intervention en Corée. Premier
conflit contre une puissance étrangère qui se
solde par une victoire malgré de nombreuses
pertes.
1895 : l’impératrice de Corée est assassinée,
supposément par des activistes japonais.
1904-1905 : guerre russo-japonaise. À la
stupeur générale, l’armée russe est vaincue par
les Japonais, les faisant entrer définitivement
dans le cercle des grandes puissances.
1910 : la Corée est annexée dans le cadre de la
politique expansionniste.
1912 : décès de l’empereur Meiji. Une nouvelle
ère commence, Taishō.
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 Chapitre 3

Vie quotidienne
La modernisation du Japon entraîne des réformes qui bouleversent le quotidien
des Japonais : l’abolition des privilèges des daimyos, l’interdiction du port du sabre
des samouraïs, la création d’une armée nationale, le développement du réseau de
transport et l’apparition du yen comme monnaie unique. Le shintoïsme devient
une religion d’État en sacralisant l’empereur dans les institutions en tant que Grand
Prêtre. L’enseignement devient obligatoire. Les classes et clans laissent la place à la
libre accession à des postes qui étaient auparavant prohibés pour le peuple. La femme
japonaise se libère progressivement selon les modes de l’Occident.

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Se déplacer
L’ère précédente avait consacré trois moyens
de transport sur l’Archipel : la marche, le
cheval et le kago. Ce dernier était une sorte de
palanquin porté par deux ou quatre personnes.
Les voyageurs prenaient place dans un hamac
peu confortable et à la capacité réduite. Mais
il permettait de voyager sans se fatiguer et
de passer les gués dans un pays où peu de
ponts existaient en dehors des villes. Ils sont
toujours utilisés à l’ère Meiji, principalement
dans la campagne éloignée (et donc loin de la
modernisation) et dans les montagnes où les
routes ne permettent toujours pas d’utiliser
d’autres moyens de transport.
Nagoya Natsu
Fonctionnaire d’État
Idéaliste, enthousiaste,
psychorigide, méthodique
Petit fils d’un éta, Nagoya Natsu a totalement
épousé la cause de la modernité et fait son
possible pour que tous les Japonais bénéficient
des avancées et des progrès de Meiji.
NC 1
FOR +0 DEX +1 CON +1
INT +2 PER +1 CHA +1
DÉF 11 PV 10 Init 11
Voie de l’Administration rang 2
En ville
En cette période de modernité, de nouveaux
modes de transports se développent, pour
la plupart importés de l’Occident. Sans
systématiquement effacer les anciens, ils
apportent des problématiques qui changent
radicalement le visage des rues et les habitudes.
Le kuruma
Lors du développement du port de Yokohama,
les Japonais découvrent les charrettes à bras
hollandaises et les adaptent pour le transport
32
de personnes plutôt que de marchandises, le
« pousse-pousse » est né. Nommé jinrikisha
ou kuruma, tiré par un kuruyama, il est très
vite populaire malgré ses défauts évidents :
peu de place, peu de confort (roues en bois et
pas d’amortisseurs) ni de protection contre les
intempéries.
Au fil de l’ère Meiji, le kuruma va s’améliorer
et ses formes se diversifier. À côté du classique
monoplace apparaît des versions doubles
(abandonnées pour des raisons morales, se
promener en compagnie d’une femme étant
jugé malséant) et de luxe en 1890 (à capote
repliable et roues métalliques).
Les tarifs des trajets évoluent au cours de l’ère.
Au départ réservés à l’élite fortunée en raison
du coût élevé, l’augmentation du nombre de
kuruma et la concurrence croissante réduisent
les prix jusqu’à les rendre abordables pour la
majorité de la population. Les années à venir
et l’apparition d’autres moyens de transport
comme la bicyclette voit le kuruma redevenir
un véhicule apprécié de la jeunesse dorée qui
l’utilise surtout pour parader en ville.
Le développement des kuruma impose à l’État
une réglementation croissante. Tout d’abord
pour régulariser le marché. Dans les grandes
villes, leur nombre important, 50 000 à Tokyo en
1890, engendre une sectorisation par quartier
et une appropriation par des corporations très
jalouses de leur territoire, au point de nécessiter
un policier par secteur afin d’en régler les litiges.
Une tâche ardue vu le nombre d’indépendants,
souvent la cible d’actions violentes par les
membres des corporations, provoquant des
bagarres autour des zones concentrant ces
kuruma, comme les abords des gares.
Ensuite, pour réglementer la circulation de
ce nouveau mode de transport. Les accidents
augmentent avec leur nombre et les kuruma sont
rejetés dans les rues secondaires des villes. Les
artères principales restent réservées (tacitement
et non réglementairement) aux tramways et
omnibus. De même, un sens de circulation
est défini dans les rues. Les transports doivent
rouler à gauche, évitant les chocs frontaux au
milieu de la voie. Cette règle a mis du temps à
entrer dans les mœurs, mais est globalement
respectée en 1890 dans les grandes villes (où
la présence policière assure le respect de cette
convention). Dans les agglomérations plus
petites, une certaine anarchie règne encore.
 Vie quotidienne

33
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 L’omnibus
L’autre grand moyen de transport urbain est
l’omnibus appelé entarō. Wagon hippomobile
(tiré par un ou deux chevaux et monté sur
roues), il peut accueillir de sept à huit personnes
avec leurs bagages. Comme les kuruma,
il évolue au cours de l’ère Meiji. Dans les
principales agglomérations, les grandes lignes
sont montées sur des rails, réparties en deux
voies pour éviter les bouchons. On trouve aussi
à Tokyo une trentaine d’omnibus à impériale
(d’une capacité de trente personnes), mais les
nombreux accidents les rendent impopulaires,
ils disparaissent donc progressivement.
Enfin, d’autres sont tirés par davantage de
Quelques prix des chevaux, entre quatre et six, ce qui leur permet
transports en 1890
d’accueillir plus de personnes. On compte à
Tokyo 350 omnibus sur rails et environ 125 sur
Jinrikisha, roues assurant les liaisons entre la capitale et les
de 6 à 7 sen pour un villes autour, en particulier Yokohama. Mais en
ri (environ 4km) 1890, le développement du chemin de fer rend
la concurrence impossible et les omnibus extra-
Omnibus, urbains se retrouvent cantonnés au réseau
75 sen pour un routier secondaire, voire tertiaire.
trajet Tokyo-
Yokohama
10 sen pour un Charrettes et chariots
trajet moyen dans
Tokyo Les chariots transportant des marchandises,
souvent tirés par des chevaux et rarement
des bœufs, sont le principal moyen
d’approvisionnement des villes. Leur
augmentation a deux conséquences à l’ère Meiji.
La première, une réglementation spécifique
pour leur circulation apparaît (comme pour
les kuruma), accompagnée de l’élargissement
des rues afin de leur permettre de se croiser.
Des lois promulguées en 1876 et 1881 mènent
à l’expropriation de nombreux habitants et
artisans dont les bâtiments empiètent parfois
sur plus de la moitié de la chaussée. La faible
uniformisation des rues entraîne des problèmes
récurrents de bouchons inextricables.
La seconde est leur entretien. Les nombreux
passages et manœuvres détériorent ces voies
encore trop souvent en terre. Si dans les
quartiers aisés et les grandes artères le pavage
est en cours, il est cher et long à mettre en place.
Et même là, l’entretien est quasi permanent.
Afin de financer ces travaux, l’État a mis en
place dès 1871 une taxe sur les véhicules. Mais
l’impression qu’aurait un étranger qui déambule
dans ces villes japonaises est celle d’endroits
constamment en travaux de voirie.
34
L’arrivée du bicycle
Un dernier moyen de transport a fait son
apparition récemment : la bicyclette. Appelée
jitensha, elle reste très rare. On ne peut se
procurer que des modèles occidentaux et
beaucoup de Japonais méprisent ou craignent
ce nouveau moyen de transport. Ce n’est qu’au
XXe siècle que la bicyclette deviendra l’un des
moyens de transport les plus utilisés au Japon.
Hors ville
Se déplacer sur l'archipel
Si des Japonais se déplacent encore à pied,
en kago (chaise à porteur) ou en omnibus,
c’est bien le chemin de fer qui est le nouveau
moyen privilégié pour voyager dans l’archipel.
Toutefois en 1890, il ne permet que de relier
les grands centres urbains.
Le développement ferroviaire
En 1872, la première ligne de chemin de fer
nippone est ouverte entre Tokyo et Yokohama.
Le voyage passe à 45 minutes contre les six
heures traditionnellement. Elle comporte cinq
stations et un train part toutes les heures, de
6 heures à 23 heures. La principale conséquence
de son apparition est la diminution drastique
du trafic routier sur cet axe. La deuxième voie la
plus utilisée en 1890 est la liaison Tokyo-Kyoto.
Le trajet dure environ une journée, contre deux
semaines à pied.
Un train comporte trois classes de wagons.
La première classe est luxueuse, la deuxième
un peu moins et la troisième, la moins chère,
concerne les voitures de queue. Il n’y a pas de
wagon-lit et la troisième classe est fermée à clef
afin d’éviter les bousculades à l’arrêt en gare.
En 1889, on compte 1 600 km de voies avec
des lignes publiques et privées. Les principaux
utilisateurs du train sont les touristes (qui
se développent en cette fin de siècle), les
travailleurs (surtout dans le négoce) et les
pèlerins. Les Japonais voyagent rarement seuls
et à moins qu’il ne soit nécessaire, ils préfèrent
attendre une occasion de partir à plusieurs. En
groupe, la majorité des voyageurs sont bruyants
et sales. Les wagons, même de première
classe, sont souvent jonchés de crachats et de
déchets divers. Ils restent assez odorants et
inconfortables, les banquettes étant en bois.
Mais ce moyen de transport est de plus en plus
populaire car il reste plus abordable que les
autres et nettement plus rapide.
Les routes
À l’exception de Hokkaido toujours à part et peu
développée, sur les autres îles les routes sont
pour une grande majorité encore des chemins
de terre et seuls les axes majeurs sont pavés. Sur
le réseau secondaire, les anciennes bordures
en pierre confinant les chemins empêchent les
omnibus et les chariots les plus imposants de
passer. Les Japonais se déplaçant bien plus qu’à
l’époque d’Edo (où les voyages étaient soumis
à autorisation), les routes sont aussi éprouvées
que les rues des grandes villes. Leur entretien
était auparavant confié au daimyo qui usait des
corvées pour garantir leur bon état. Avec la
chute du système féodal, la taxe sur les moyens
de transport apparaît et l’État doit souvent
employer des ouvriers des villes pour effectuer
ces travaux, les paysans refusant de le faire
car ils ont l’impression de subir à nouveau les
anciennes corvées. Pour autant, ils voient d’un
très mauvais œil ces étrangers et font souvent
des histoires.
Les ponts sont rares au profit des gués dans un
pays où les rivières ne sont pas très imposantes.
Avec l’ère Meiji, l’État a la volonté de développer
ces infrastructures massivement. La plupart
sont confiées à des privés qui les financent par
des péages. Aucun pont en dehors des villes
n’est gratuit.
Faire étape
Souvent autour des gares, pratiquement toutes
construites en brique et pierre (parfois c’est le
seul bâtiment de cette facture), s’érigent des
hôtels et de véritables quartiers commerçants,
transformant parfois de petits villages en villes
de taille respectable (comme autour des stations
entre Tokyo et Yokohama).
Sur les routes de province, on trouve aussi des
auberges relais appelées ryokan. Leur nombre
ne fait qu’augmenter alors que le réseau ferré
secondaire se met en place, revitalisant les
zones excentrées de la campagne japonaise.
Généralement à étages et de facture encore
traditionnelle, elles comportent deux types de
chambres. La majorité sont adaptées à la vie
nippone, mais quelques-unes sont aménagées
à l’occidentale (avec du mobilier tel que des
tables, des chaises et un lit en hauteur). Leur
prix n’est pas très élevé bien qu’il faille payer un
supplément pour les chambres occidentales.
Le long des routes les plus fréquentées, des hôtels
à l’occidentale bien plus luxueux et plus chers
se construisent. Les deux types d’établissement
proposent de l’alcool, occidental (whisky et
dérivé essentiellement) ou de riz, souvent
Vie quotidienne
fabriqué sur place. Enfin il est d’usage de payer
un chadai (une sorte de pourboire) au tenancier
en entrant. En contrepartie, ce dernier offre un
petit présent lors du départ de l’hôte.
Se déplacer autour de l'archipel
Constitué d’une myriade d’îles, le Japon a très
tôt développé l’art de la navigation. Toutefois,
les Japonais n’utilisent pas beaucoup le
bateau lorsqu’ils doivent voyager. La majorité
d’entre eux sont encore à voile, surtout les
navires de pêche, mais les cargos à vapeur
remplacent progressivement leurs homologues Quelques prix sur les
traditionnels, leur nombre ne cessant routes du Japon
d’augmenter.
En 1872, le Japon compte 35 cargos à voile Ryokan
contre 92 à vapeur. Toutefois, le transport
Chambre
maritime a tendance à disparaître lorsqu’une
traditionnelle :
ligne de chemin de fer se développe en 25 sen pour une
parallèle. Ainsi en 1890, le nombre de passagers nuit et trois repas.
diminue alors que celui des bateaux augmente,
conséquence de l’industrialisation galopante de Chambre à
l’occidentale :
l’archipel.
40 sen pour une
Les navires à vapeur apportent l’avantage de nuit et trois repas.
pouvoir naviguer toute l’année et même à
contrevent, changeant des habitudes plusieurs
fois centenaires, surtout dans le nord du Japon. Hôtel occidental
Enfin, pour quitter l’archipel, les Japonais De 1,75 yen à 2,5
doivent utiliser des compagnies étrangères : la yens par nuit, repas
première compagnie hauturière japonaise ne inclus.
sera ouverte qu’en 1896.
Mae Suzu
Ouvrier
Rustre, bavard, alcoolique, râleur
Avec une vie si compliquée, il est difficile
pour un homme d’être patient et doux.
NC 1
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INT +0 PER +1 CHA +0
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Communiquer
Le modernisme pénètre les villes en pleine
urbanisation. Les réseaux de communications
doivent s’adapter et rattraper leur retard par
rapport au reste du monde.
Communiquer
par courrier
Lors de l’ancienne époque d’Edo, au-delà des
laissez-passer nombreux et contraignants,
les courriers étaient soit à pied, soit montés
à cheval. Ces contraintes les rendaient très
souvent coûteux et lents, et de fait réservés
aux officiels et concentrés sur les grands
axes. La modernisation du Japon a changé
progressivement la donne, la poste s’adaptant
aux avancées techniques.
Il faut attendre les années 1870 pour voir
un changement notable avec l’apparition
des premiers timbres. Ils remplacent les
taxes versées et restent contraignants : ils
sont fléchés et ne peuvent servir pour un
autre trajet. Trois ans plus tard, le service
se diversifie et les courriers sont divisés
en trois catégories : les lettres ordinaires,
exprès et « volantes » (les plus rapides). La
Durée d’un envoi même année l’État décide que les services
entre Kyoto et postaux seront uniquement publics, fermant
Tokyo en 1890 : en toute opportunité d’un pendant privé. Les
moyenne 36 heures. fonctionnaires postaux sont reconnaissables à
Nombre de bureaux leur uniforme inspiré de celui des militaires :
des postes en 1890 : une redingote bleu sombre et une casquette.
3692. Ils empruntent différents moyens de transport
en fonction du lieu de destination. S’il existe
Nombre de boîtes toujours les courriers à pied ou à cheval, la
aux lettres situées poste utilise aussi les diligences et les bateaux
dans les grandes villes pour aller sur les différentes îles, se mêlant
ou le long des axes
aux autres voyageurs. Le train ne sera utilisé
majeurs : 38 000. couramment qu’après 1890, lorsque le réseau
sera bien développé. Face aux dangers de la
route, les officiers des postes sont habilités à
porter une carabine dès 1874.
Avec un service de plus en plus efficace et de
moins en moins cher, le nombre de postes et
de boîtes aux lettres augmente énormément
à cette époque. Enfin, la carte postale fait
son apparition vers 1880 avec les premières
reproductions de peintures ou de dessins. En
1890, les cartes postales photo sont encore
très rares et considérées comme un produit
de luxe.
36
Communiquer à distance
L’ère Meiji voit l’apparition de deux nouveaux
moyens de communiquer : le télégraphe et le
téléphone. Le premier est installé le long des
voies ferrées et se développe doucement en
dehors des grandes villes. La première ligne
télégraphique est logiquement celle entre
Tokyo et Yokohama, installée en 1869. En 1890,
on trouve près de 2000 bureaux de télégraphe.
Le système utilisé est le morse, adapté pour les
kanas. Le principal défi pour les services du
télégraphe est la maintenance des lignes dans le
pays. Au-delà des habituels problèmes de câbles
endommagés ou coupés, les fonctionnaires
doivent faire face à une très grande réticence
des Japonais des campagnes. Ces derniers
voient d’un mauvais œil ces installations et,
ne comprenant pas le principe, prennent la
télégraphie pour de la magie. Il n’est pas rare
qu’ils abattent des poteaux télégraphiques afin
de pouvoir passer, ou s’ils se situent à proximité
de leurs demeures.
L’arrivée du téléphone
Le téléphone est encore une technologie
balbutiante mais connue des autorités
japonaises. En 1877, Graham Bell en personne
vient à Tokyo en faire la démonstration.
Toutefois la qualité audio est encore très
mauvaise et la gestion des lignes à perfectionner.
Le téléphone devient un service public organisé
via des standardistes. La majorité des lignes
sont à Tokyo et servent à relier les différents
services impériaux entre eux. Il n’existe aucune
liaison entre deux villes en 1890.
John Davis
Entrepreneur étranger
Raciste, énergique, flamboyant, méprisant.
Avec l’ouverture du Japon, ce sont des milliers
d’opportunités qui s’offrent aux esprits
aventureux. Et malgré leur retard, John Davis
est toujours étonné de voir que parmi ces
« Chinois », il y en a de très capables.
NC 1
FOR +0 DEX +0 CON +1
INT +1 PER +0 CHA +2
DÉF 10 PV 8 Init 10

S’habiller
Cette partie inclut les vêtements, mais
aussi les autres aspects de l’apparence à
l’ère Meiji comme les coiffures, l’usage de
cosmétiques et les phénomènes de mode
aux environs de 1890.
De la matière des
vêtements dans
le Japon de Meiji
Avec la modernisation de la société nippone,
l’apparence des Japonais se modifie sensiblement
aux alentours de 1890. À l’époque d’Edo, les
classes dominantes et soumises avaient des
tissus attribués. À la noblesse et aux samouraïs
la soie et le coton fin ; aux autres le chanvre et
éventuellement le coton tissé à la maison.
Avec l’ère Meiji, on voit l’explosion de plusieurs
Vie quotidienne
matériaux. Tout d’abord, le chanvre rustique
et solide est sollicité pour les habits de travail
mais aussi pour les filets et les cordages. La
soie douce et subtile voit son exploitation se
développer brutalement, à destination des
habitants de l’Archipel ou de l’exportation. Les
campagnes se couvrent de champs de mûriers
là où les conditions sont réunies. Le coton est
le tissu le plus utilisé, à tel point que la moitié
provient de l’importation en 1890. Enfin le cuir
et la laine sont très peu présents à cause du
faible nombre d’élevages. Ainsi, en dehors des
uniformes impériaux confectionnés avec de la
laine australienne, les habits dans ces matériaux
sont rares parmi les natifs.
Une évolution technique
Le métier à tisser traditionnel disparaît de plus
en plus en cette fin de siècle pour ne rester
que chez quelques artisans spécialisés dans
les produits de luxe. À la place, des filatures
manufacturières apparaissent dans les villages,
et de véritables usines-filatures industrielles
dans les villes. Enfin, les colorants naturels,
souvent ternes, sont abandonnés pour les
colorants chimiques occidentaux. Les premiers
colorants japonais apparaissent en ce début
d’année 1890.
Tamai Seiho
Cadre de zaibatsu
Raciste, méprisant, sobre, discipliné
L’Européen est fainéant, le Japonais travaille,
nul besoin de l’Ouest pour entrer dans une
nouvelle ère… Vive l’empereur !
NC 2
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INT +3 PER +1 CHA +3
37
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 Se vêtir pour une femme
Comme souvent à cette époque, la vie dans les
campagnes se distingue de celle dans les villes.
L’habit traditionnel constitué d’un kimono
noué par un obi, un nœud de grande taille
porté dans le dos, reste celui de la maison.
C’est la tenue ancienne qui a le mieux résisté à
l’occidentalisation de la société.
Dans les campagnes, les femmes sont souvent
vêtues d'une blouse aux manches étroites et
d'un pantalon bouffant resserré aux chevilles.
Leur tenue n'est pas très éloignée de celle des
hommes. Depuis quelques années, le tablier
remplace la blouse. En cas de temps froid ou
humide, elles revêtent une cape en paille de riz
tressée ainsi que des bottes en paille également.
Dans les villes, on trouve des kimonos aux
couleurs vives et aux motifs élaborés quelle
que soit l'origine sociale des femmes. Les longs
kimonos ternes se raréfient au profit d’une
version plus pratique recouvrant une culotte
large à la mode depuis quelques années. Lorsqu'il
fait mauvais temps, les japonaises mettent un
haori, un manteau bouffant dans le dos afin de
recouvrir le nœud du obi. Dans les usines et
dans les différentes écoles, elles portent de plus
en plus un uniforme (le phénomène s’étend aux
campagnes) constitué d’un kimono sur hakama,
tenue autrefois réservée aux hommes. Mais
une fois à la maison, elles portent à nouveau le
kimono traditionnel.
La mode est dictée par l’impératrice elle-même.
C’est elle qui est la première à oser briser les
conventions et à s’afficher en robe à l’occidentale
lors de cérémonies officielles. Bien qu’elle ait
ouvertement appelé les femmes à épouser
des coupes de vêtements étrangères, elle n’a
jamais tenté d’imposer la robe occidentale
face au kimono. Les principaux relais de cette
mode en dehors de la classe aristocratique
sont des revues féminines ou familiales. Cette
période voit aussi l’abandon de la coiffure à
nuque révélée (réservée aux grandes fêtes ou
aux geishas), la pratique de se noircir les dents
et celle de s’épiler intégralement les sourcils.
Toutefois, la femme japonaise n’a toujours pas
pris l’habitude de porter des bijoux.
Se vêtir pour un homme
Les premiers à changer leur tenue sont les
soldats de l’armée qui optent pour un uniforme
calquant celui des Français sous Napoléon
III. Dès 1872, l’empereur Meiji impose à tous
les fonctionnaires (de plus en plus nombreux
pour accompagner la modernisation) le port
38
du costume à l’occidentale. Il reste malgré tout
lui aussi très largement inspiré des uniformes
militaires et devient la marque des classes aisées
et moyennes.
À la campagne comme dans les villes, les
hommes de condition modeste portent le
pantalon tube. Toutefois, même en 1890, le
Japonais abandonne très souvent son costume
pour reprendre le traditionnel kimono. En été,
les plus pauvres ne portent qu’un fundoshi, un
pagne.
La loi impériale régit aussi le costume pour
les fêtes et festivals. Il doit être constitué d'un
kimono, d'un hakama et d’un haori de couleur
noire.
Concernant les chapeaux, l’élite de la société
préfère le panama tandis que l’armée a opté pour
la casquette à visière. Pour les autres, le chapeau
melon est à la mode en 1890, accompagnant
même le kimono, ce qui ne cesse d’amuser les
étrangers. Concernant les têtes nues, la coupe
des samouraïs est interdite en 1876, bien que
dans certaines régions cette loi ne soit que très
peu appliquée. L’armée se caractérise par le
port d’une brosse tandis que les plus pauvres
se reconnaissent à leurs cheveux longs portés
souvent en chignon. À l’inverse, le port de la
moustache et de la barbe, autrefois réservé aux
anciens, est aujourd’hui la marque de l’élite
tandis que les plus modestes sont rasés de près.
Se vêtir pour un enfant
Pour simplifier, les enfants portent les mêmes
tenues que les adultes. Pour les plus jeunes, on
trouve souvent cousu une étiquette en métal
appelée maigo-fuda. On y inscrit au revers
l’année ou l’animal de naissance et sur l’autre
face le nom et l’adresse de l’enfant.
S’instruire
La modernisation du pays passe par une
éducation la plus répandue possible.
L’empereur l’a bien compris et très tôt, il
incite son peuple à s’instruire, à l’image de
ce qui s’est passé en Europe. Comme pour les
autres aspects de la société, la situation est
différente entre le monde des villes, foyers
de la modernité, et celui des campagnes,
réminiscences de l’âge féodal. L’instruction
des filles est aussi à part, car si elle est
souhaitée très tôt, elle va à l’encontre du
mode de vie traditionnel.

Asato Yasunobu
Journaliste
Curieux, volubile, sans gêne, débrouillard.
Féru de modernité, Asato Yasunobu prend
un malin plaisir à user de sa profession pour
briser l’intimité des Japonais. Toujours à
l’affût de nouvelles, c’est un bavard impénitent.
NC 2
FOR +0 DEX +1 CON +0
INT +2 PER +2 CHA +2
DÉF 11 PV 14 Init 11
L’émergence d’une
éducation nationale
Le système scolaire à l’ère Meiji n’est pas
obligatoire. Mais entre la propagande
impériale et l’espoir d’une vie meilleure grâce
à une éducation soignée, beaucoup de Japonais
sont très tôt enthousiastes, à la ville comme
à la campagne, malgré le fait que l’école soit
payante. Il n’y a pas d’âge encadrant la scolarité.
Dans les familles modestes, on attend souvent
les 10 ans de l’enfant avant de l’envoyer à
l’école, préférant utiliser ces années pour lui
apprendre les bases de son futur métier (celui
de son père ou de sa mère).
Le système
scolaire japonais
Les premières écoles ouvrent à Tokyo dès
les années 1850 et en 1890, le système est
bien en place. il repose sur quatre niveaux de
scolarisation : l’école primaire, l’école primaire
supérieure, le collège et enfin l’université et les
grandes écoles.
L’école primaire
Vie quotidienne
C’est l’établissement le plus répandu. Dans
les villes, à l’image de la capitale, il s’agit
d’un bâtiment en bois peint en bleu, et qui
de fait tranche avec les autres maisons de
son voisinage.
À la campagne, elles sont souvent installées
dans les temples bouddhiques vidés à la
suite de l’instauration du shintoïsme comme
religion d’État, ou dans une maison de paysan
constituée d’une vaste pièce. Parfois, elle est
aussi peinte en bleu pour imiter Tokyo. L’école
est divisée en quatre espaces contigus dont un
seul est réservé à l’étude. Un autre est dédié
au logement des écoliers qui y restent dormir
une partie de la semaine. Toutefois, le nombre
d’élèves est souvent supérieur à la capacité
d’accueil, aussi certains marchent-ils plusieurs
kilomètres par jour pour rejoindre ce lieu
de savoir. L’enseignement couvre la lecture,
l’écriture, le calcul de base et tout un ensemble
de connaissances à vocation patriotique. Tout
comme les écoles prussiennes puis allemandes
ou celles de la IIIe République, l’école japonaise
est un des piliers du nationalisme nippon et
son programme a pour but de faire adhérer le
peuple aux idées modernes de Meiji.
L’école primaire secondaire
Elles sont peu répandues, principalement
dans les villes et les régions rurales les plus
peuplées. Il s’agit d’un échelon intermédiaire
permettant aux catégories modestes de pouvoir
se préparer à entrer au collège. L’enseignement
y est plus poussé avec l’étude des caractères
sino-japonais. En 1890, une loi impériale
introduit en plus des cours théoriques des
temps réservés à la pratique.
39
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 Le collège
Tout comme les études supérieures, ces
établissements ont été de tout temps réservés
aux classes nobiliaires et aux samouraïs. En
1890, ces catégories restent très majoritaires
(environ 75 %) mais de plus en plus de personnes
d’origine modeste y étudient. Au départ les
cours y sont prodigués par des professeurs
étrangers français, anglais ou allemands pour
l’essentiel. L’apprentissage de ces langues est
donc fondamental et explique le haut niveau
linguistique des fonctionnaires occupant les
postes importants en 1890. Depuis quelques
années, ces étrangers sont remplacés par des
Japonais. En conséquence, l’apprentissage de
ces langues retombe, sauf dans le domaine
des sciences qui reste l’apanage des puissances
étrangères occidentales.
Les élèves de ces institutions, à cause de
leurs origines, se distinguent très tôt par leur
indiscipline et leur arrogance. Si avec une plus
grande mixité sociale et une à deux générations
d’écart avec l’âge féodal ce trait de caractère
se dissipe, l’image de l’étudiant effronté et
bagarreur reste, entretenue comme une
tradition scolaire.
Les études supérieures
Les grandes écoles et l’université sont le lieu
d’une grande compétition en 1890. Le but de
ces institutions est de former l’élite amenée à
gérer l’immense administration en gestation de
la restauration Meiji. Si au cours des premières
décennies, tous étaient assurés d’avoir un poste
important (parfois avant même d’avoir fini
leurs études), ce n’est plus le cas aujourd’hui.
L’extension des ramifications administratives
a atteint les limites de l’Archipel et tous les
hauts fonctionnaires n’ont pas encore l’âge de la
retraite. Aussi, seuls les meilleurs sont assurés
de ce glorieux avenir, les autres sont relégués
aux sociétés privées où ils sont bien moins
considérés et rémunérés.
Un système qui
accompagne la
modernisation du pays
Ce système éducatif a des conséquences pour
la société japonaise, notamment la nécessité de
loger les étudiants du niveau collège et au-delà.
Ces institutions étant toutes dans les grandes
villes, des quartiers étudiants où se côtoient
des résidences étudiantes (souvent très chères)
se développent, mais également des dortoirs
médiocres dans les grandes écoles elles-mêmes
et des chambres chez l’habitant.
40
Autre conséquence, la loi impériale instaurant
le port de l’uniforme pour les élèves de 1885.
Copiant les écoles allemandes et anglaises,
elle est bien acceptée et très vite chaque école
développe son propre uniforme. Dans un
pays en pleine expansion, les conséquences
économiques et industrielles d’un tel
engouement se chiffrent en millions de yens.
Enfin, tous les Japonais ne peuvent pas assurer
ces frais de scolarité. Ainsi, dans les quartiers
pauvres et dans les campagnes apparaissent
des écoles gratuites tenues par des moines
bouddhistes. Si l’enseignement reste simple
(lecture, écriture en syllabique et maniement
du boulier pour l’arithmétique de base), il est
toléré et même encouragé afin de garantir le
minimum à tous les habitants.
La place particulière
des filles
Leur accès à l’éducation est compliqué. Alors
que l’âge féodal ne leur a jamais vraiment
accordé une place dans le système éducatif, l’ère
Meiji, à travers la personne de l’impératrice,
a très tôt affirmé sa volonté de permettre aux
femmes de s’instruire. Toutefois il faut attendre
1872 pour que la loi le stipule clairement.
Dès 1830, la jeunesse féminine aristocratique
s’instruit dans les premières écoles pour filles.
Mais la fréquentation reste faible pendant
des décennies. En 1890, on estime le nombre
d’enseignantes à 2 500 soit 3 % du corps des
maîtres. Certaines jeunes paysannes se mêlent
parfois aux écoliers dans les établissements
ruraux, toutefois il s’agit d’exceptions.
Dans ces écoles pour filles, le programme est
différent de celui des garçons. Il couvre certes
la lecture et l’écriture, mais s’arrête à l’écriture
dite hiragana syllabique et composée de 51
caractères. Pratiquement aucun instructeur
n’aborde l’étude des caractères calligraphiques.
À cet enseignement s’ajoutent des notions
pratiques concernant la vie courante et les tâches
domestiques. Au niveau de l’école primaire
supérieure et du collège, seuls les arts et les
sciences féminisées sont abordés : gynécologie,
pédiatrie ou puériculture. En 1890, il n’existe
encore aucune grande école ou université pour
jeunes femmes.
Vivre en société

Vie quotidienne
Les éta
La famille à l'ère Meiji
Dans une société en pleine modernisation Malgré l’abolition officielle du statut de
et malgré quelques évolutions, l’organisation paria en 1871, les discriminations dont
familiale reste résolument traditionnelle. font l’objet les eta n’ont pas totalement
disparu et certaines couches de la
population moderne ne marieraient
La place des hommes pas leurs enfants avec un membre
d’une famille dont la lignée comprend
Il n’est pas nécessaire de trop s’étendre sur un burakumin (hors caste). Certains
le rôle des hommes à l’ère Meiji. Dans une propriétaires immobiliers (en refusant
société patriarcale, ils ont toujours la place de louer) ou certaines entreprises (en
de premier rang, même si parfois des femmes payant moins) pratiquent la ségrégation
influentes ont eu du pouvoir au moins envers les parias.
localement (ne serait-ce que les geishas).
Aussi, chaque fois que l’on parle de Japonais,
il faut y voir la description de la condition
masculine en 1890.
Sera Masaki
Militaire
Fier, droit, obéissant, lunatique
« Il est loin le temps où les ashigaru se faisaient
massacrer par les samouraïs. Aujourd’hui,
c’est vous qui tenez le fusil et bientôt le monde
découvrira la puissance des Japonais. »
NC 3
FOR +1 DEX +2 CON +1
INT +0 PER +2 CHA +0
DÉF 11 PV 14 Init 11
Fusil Arisaka +5 DM 2d8
Couteau/Baïonnette +5 DM 1d6+1

41
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 La place des femmes
Leur importance diminue lors de l’ère Meiji.
Globalement peu instruites encore en 1890
malgré une loi pour élever leur niveau, les
femmes ont été surtout mises à contribution
dans les usines de la modernisation du pays.
Elles sont même majoritaires dans les filatures et
les usines liées au textile. Si une forme d’égalité
de traitement dans la misère les rapprochent
des hommes de leur condition, cette mise au
travail qui ne concernait que les paysannes et
les femmes d’artisans à l’époque d’Edo touche
maintenant celles de la classe moyenne. Même
les femmes d’origine sociale élevée mais
désargentées exercent un métier pour vivre.
Elles se répartissent entre la prostitution et les
métiers de la médecine en fonction de leur
niveau d’instruction.
Une femme se doit d’arrêter de travailler
lorsqu’elle se marie afin de tenir correctement le
foyer. Ce n’est pas toujours le cas, ce qui est très
mal vu. Dans le cas des veuves, elles se remarient
souvent à la campagne pour assurer la bonne
tenue de leurs domaines tandis qu’en ville, elles
se remettent à travailler car le remariage est là
aussi mal vu. En général, la morale japonaise est
très exigeante envers les femmes qui se voient
chaperonnées à tous les niveaux de la société.
La place des enfants
Traditionnellement, un enfant est mis au
travail dès 7 ans afin de l’habituer à la vie
de labeur qui l’attend, ce qui ne concerne
évidemment pas les descendants des samouraïs
et l’aristocratie. Cependant avec la scolarisation
de plus en plus présente, même les parents les
plus traditionalistes ont conscience que seul
l’instruction permettra à leurs enfants de vivre
une vie meilleure (et de mieux s’occuper d’eux
42
une fois vieux). Toutefois il n’existe pas de loi
cadrant l’âge minimum pour travailler dans
les usines et beaucoup d’enfants pauvres s’y
retrouvent. L’adolescence n’est pas un concept
japonais. Un enfant sera traité comme un
adulte une fois son physique et son âge jugés
suffisants, mais il devra de toute façon respect
et obéissance à ses aînés.
Le mariage
En l'absence de réel statut régissant la majorité,
le mariage peut avoir lieu entre 13 et 20 ans.
Si encore une fois il faut distinguer le monde
des villes et celui des campagnes, cette fois-ci
le modernisme apparaît plus du côté du monde
rural. En effet, il n'est pas rare que les mariages ne
soient pas arrangés mais des mariages d'amour.
Tout le contraire des villes où le mariage est une
affaire entre deux familles (du moins pour les
catégories moyennes et supérieures). L'intérêt,
proche des valeurs bourgeoises occidentales,
priment sur les sentiments. D'ailleurs le mariage
shintô insiste plus sur les valeurs d'amitié, de
respect mutuel et d'affection que sur l'amour
passionnel jugé trop inconstant et bref. Ce trait
de société explique l'importance et la place de la
prostitution au Japon en 1890.
L’hygiène
Si le savon est connu, il a toujours été considéré
comme un produit de luxe. Depuis 1874, le
Japon possède une savonnerie profitant de
son usage croissant. Il en va de même pour les
parfums autrefois peu utilisés. Les Japonais
vont souvent pieds nus sauf s’ils travaillent ou
qu’il fait trop froid. Avec peu de rues pavées
et aucune encore goudronnée, on imagine
l’hygiène corporelle des plus modestes.

Imada Torio
Professeur
Psychorigide, intolérant, observateur,
pessimiste
Après avoir bénéficié d’études à Paris, Imada
Torio est revenu choqué par la licence qui
règne en Occident. Depuis, il a conscience de
l’énorme tâche pour éviter que ses concitoyens
ne sombrent dans la même décadence.
NC 1
FOR +0 DEX +0 CON +1
INT +3 PER +0 CHA +1
DÉF 10 PV 14 Init 10
L'art de se soigner
Malgré l’arrivée des sciences occidentales, la
médecine reste largement traditionnelle au
Japon. On y retrouve les formes de l’époque
d’Edo (voir L’époque d’Edo, p. 52). Toutefois
nombre de praticiens modernes commencent
à s’établir dans les quartiers des grandes
villes, et parfois à la campagne. Les notions
occidentales d’hygiène ou de vaccination
n’ont pas encore pénétré l’Archipel, mais la
méthode de diagnostic/traitement est de plus
en plus valorisée.
Vie quotidienne
Les médecins modernes se distinguent par
leur kimono noir et leurs cheveux tondus
ainsi que leur sacoche souvent en cuir noir,
comportant les mêmes instruments que
les médecins occidentaux : stéthoscope,
seringues, mètre ruban… Toutefois en 1890,
la majorité de la population ne leur fait pas
confiance et se tournent encore vers les
médecines traditionnelles.
Travailler
Avec la modernisation du pays, l’État nippon
a eu besoin d’énormément de main-d’œuvre
pour accompagner les grands changements.
travailler comme cadre
En plus des ouvriers nécessaires à la
construction des nouvelles structures, des
personnes compétentes sont nécessaires pour
piloter à plusieurs niveaux la modernisation.
C’est pourquoi le nombre de fonctionnaires a
explosé à l’ère Meiji. Recrutés parmi les plus
cultivés et diplômés, ils sont jusque vers 1880
en très grande majorité issus des familles de
samouraïs (environ 80 %). Ainsi, il n’est pas
rare de voir des Japonais incliner la tête devant
des cols blancs : les traditions ancestrales ont
la vie dure. Mais en 10 ans, la proportion
de fonctionnaires issus d’autres catégories
43
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 sociales est en forte augmentation grâce aux
lois sur l’éducation. En 1890, on considère
qu’un fonctionnaire sur trois est issu de ces
strates moins favorisées.
La modernisation se fait par étape et au niveau
du travail, il en va de même. Les premiers
salaires versés aux fonctionnaires datent de
1871 seulement, et ils sont composés pour
moitié de riz (comme dans l’ancien système)
et pour moitié d’argent numéraire. En 1890, ce
n’est plus le cas, sauf exception locale dans les
préfectures les plus reculées.
De même, il faut attendre 1872 pour que les
fonctionnaires portent le même uniforme, une
version simplifiée de celui de l’armée. Cette
veste noire ou bleu foncé à boutons dorés a
surtout été popularisée dans les provinces par
les fonctionnaires des postes et les instituteurs.
Leur journée est normée de 9 heures à 16
heures, six jours sur sept.
À partir de l’année 1881, l’État commence à
privatiser des domaines entiers de la société
japonaise. Les grands groupes s’emparent
de pans entiers de l’économie, provoquant
une chute du nombre de fonctionnaires ou
leur reconversion. Les cadres du privé se
distinguent par leur costume à l’anglaise
différent de l’uniforme, mais aussi par des
horaires plus flexibles et un salaire moins
important, sauf pour les postes à haute
responsabilité. Bien que leur mission ne soit
pas d’imposer la modernisation au pays, ils y
contribuent à leur manière car sans l’ère Meiji,
ils n’auraient pas eu autant de pouvoir.
Okubo Fuminaro
Yakuza
Viril, honorable, pragmatique, résistant.
Tatoué et dévoué à son clan, Okubo Fuminaro
sait qu’il est parfois nécessaire d’user de la
plus grande violence. Néanmoins, il met un
point d’honneur à respecter le code.
NC 3
FOR +2 DEX +1 CON +2
INT +0 PER +1 CHA +1
DÉF 10 PV 14 Init 10
Tantō +5 DM 1d6+1
44
L'émergence des ouvriers
Très tôt, l’État convertit une grande partie de
ses paysans et de ses pêcheurs en ouvriers pour
ses usines qui se sont ouvertes un peu partout.
Mais comme en Europe au début du siècle,
l’absence de vision à long terme et le libéralisme
économique font des ravages sur la condition
de ces ouvriers. Il existe des lois sur le travail,
mais leur application est mal encadrée et les
abus sont très nombreux. La récession dans les
campagnes (depuis les années 1885) augmente
la demande par rapport à l’offre d’emploi.
En conséquence les salaires diminuent et la
journée de travail atteint souvent les 12 heures
(contre 7 pour les fonctionnaires et 10 pour
les cadres du privé). Les conditions de travail
et d’encadrement sont souvent effroyables :
dortoirs insalubres, blessés ou morts
importants à cause d’une sécurité défaillante,
aucune protection pour les tâches dangereuses
comme le textile ou la métallurgie, des
cadences imposées trop fortes, etc.
En l’absence de lois sociales (si ce n’est la
scolarité qui protège un peu les enfants), les
employeurs tendent à recruter surtout des
femmes de la campagne, auxquelles ils font
miroiter une vie confortable dans une ville
moderne avant de les exploiter souvent jusqu’à
la mort ou l’infirmité. Une fois embauchées,
elles sont cloîtrées dans des dortoirs à l’intérieur
des usines (pour éviter les « évasions ») ou dans
des pensions communautaires payantes et très
liberticides. Ces conditions difficiles (qui
effraient même les observateurs occidentaux)
dureront encore quelques décennies.
Kanno Yoshitake
Chef de village
Honorable, respectueux, pataud, impulsif.
D’un naturel bourru, Kanno Yoshitake
a toujours défendu les intérêts de sa
communauté au détriment des siens.
Respectueux en général de l’ordre social, il
a pourtant plusieurs fois risqué sa vie pour
protéger les plus faibles.
NC 2
FOR +1 DEX +1 CON +3
INT +2 PER +1 CHA +3
DÉF 11 PV 15 Init 11
Protéger l’ordre public
A l’époque d’Edo, la protection de la
communauté incombait au daimyo et à ses
samouraïs. Dans les villes, ils étaient assistés
d’une milice conscrite et dans les villages, les
jeunes hommes avaient la tâche de veiller au bon
ordre en attendant de fonder leur propre famille.
Avec la modernisation, de nouveaux métiers
apparaissent et dans les villes le changement
est palpable, tandis qu’encore une fois, dans les
campagnes les anciennes structures sont encore
vivaces là où l’État fait défaut.
Police
Le corps des policiers est fondé très tôt. Inspiré
de l’armée impériale et de la police occidentale,
il suit son évolution. Ouvert à tous, il reconvertit
les samouraïs en officiers tandis que les classes
populaires fournissent les agents de base.
L’uniforme de la police est un emprunt à celui
de l’armée, pantalon tube droit et veste à double
rangée de boutons de couleur sombre. En 1890,
les officiers peuvent encore porter le sabre
mais c’est de moins en moins le cas, les anciens
samouraïs étant trop vieux et les nouveaux
officiers trop éloignés de cette culture. En
revanche, la nouveauté vient du revolver qu’ils
ont. Peu d’entre eux savent bien s’en servir, mais
il devient une de leurs caractéristiques.
Les agents n’ont pas le droit de porter d’arme
blanche ou à feu, à l’exception de fusils lors
des interventions. À la place, ils manient une
matraque de bois à l’image des policiers anglais.
Ils portent tous un sifflet qui leur permet de
prévenir leurs collègues d’un incident.
La police effectue des missions de surveillance
et de répression, mais endosse également le rôle
d’administratrice de proximité. Aux policiers
de faire respecter la loi et de régler les litiges
du quotidien liés à la circulation, la nuisance
à autrui, les problèmes de voisinage, etc. En
1890, ils sont globalement bien acceptés dans
la société, mais même s’ils sont craints par le
commun des mortels, ils ne représentent pas
une grande menace pour la pègre.
Pompiers
Les incendies restent un fléau des villes
japonaises, encore construites à 80 % en bois
et aux rues très étroites. Si auparavant ce sont
les associations de quartier qui avaient aussi la
charge de pompier, on voit apparaître dans les
villes des corps de professionnels. La majorité
sont des fonctionnaires d’État, héritiers des
machibikeshi de l’époque d’Edo. Ces dernières
Vie quotidienne
années, de plus en plus d’entreprises privées
proposent leurs services aux municipalités.
Les techniques pour lutter contre le feu restent
sommaires en 1890. À défaut d’éteindre les
incendies (les pompes à eau et les tuyaux étant
un luxe très peu présent), il faut circonscrire
le feu et éviter qu’il ravage le voisinage.
Ainsi, l’équipement de base est l’échelle et la
hache. Elles servent à détruire les maisons
environnantes et ainsi enlever du combustible
au feu. Les pompiers ont aussi des seaux et
parfois (à Tokyo surtout) des citernes montées
sur un chariot en guise de réserves d’eau.
Se divertir
Loin du cinéma naissant (et de ses ancêtres)
ou de l’opéra, le Japon distrait sa population
avec les mêmes loisirs qu’à l’époque d’Edo. La
différence notable est leur ouverture à tous
ceux qui peuvent payer, au lieu de le réserver
à une catégorie de la population.
Des loisirs encore
très traditionnels
Le théâtre, en fusionnant les diverses formes,
reste l’endroit le plus populaire du moment. Sur
une scène à peine surélevée, éclairée par des
lanternes de papier coloré, se joue des pièces
plutôt courtes qui retracent les grands moments
de l’histoire récente du Japon ou des contes
traditionnels. Les gens sont assis à même le sol
et l’ambiance souvent bruyante.
Les autres formes d’art, souvent réservées à
la caste des samouraïs, s’ouvrent également à
plus de monde par l’entremise de l’université.
Toutefois il s’agit de loisirs individuels rarement
mis en valeur auprès des autres (les expositions
n’existent pas encore).
Enfin, les arts martiaux, y compris le maniement
du sabre, rassemblent encore beaucoup
d’adeptes malgré l’interdiction de porter en
public ce genre d’armes. Un engouement dû
à la nouvelle accessibilité de cet art autrefois
exclusivement réservé aux samouraïs.
Du sport à l’occidentale
Avec l’ouverture, la culture occidentale pénètre
petit à petit le Japon. Mais la résistance est
forte, surtout depuis la politique du patriotisme
45
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 cultivée par l’empereur et ses ministres. Aussi
ne trouve-t-on pas encore beaucoup d’endroits
où les sports occidentaux sont exercés. Ils se
concentrent à Tokyo autour des ambassades
et sont fréquentés en grande majorité par les
étrangers travaillant dans ces quartiers. Même
à l’université il n’existe pas encore de clubs
sportifs. Les étudiants pratiquent l’équitation,
la gymnastique (où la concurrence avec les
diverses formes de tai-chi est très forte) et
le tennis. Les sports collectifs n’en étant qu’à
leurs débuts en Europe, ils ne sont pas du tout
représentés sur l’archipel.
L’âge des revues
Avant la radio, il y avait l’écrit. Avec la liberté
de la presse et les avancées techniques de
l’imprimerie occidentale, le nombre de revues
a explosé ces dernières décennies. Elles
deviennent un des principaux vecteurs de
diffusion de la modernité auprès des masses
aisées et de mieux en mieux éduquées.
Ces revues, qui font en moyenne une
trentaine de pages, n’ont pas de
parution régulière et
ne comportent pas
encore beaucoup
d’annonces, un
aspect qui va
se développer
dans la
décennie à
venir. Elles
touchent tous
les sujets, des
progrès techniques
à la découverte des
autres cultures (avec un
discours toujours biaisé
accentuant les défauts des
autres sociétés) en passant par
des conseils d’hygiène et de vie. Les
femmes (ayant acquis les bases de
la lecture, soit encore une minorité)
sont de grandes consommatrices
de ces revues, contribuant à leur
fournir les connaissances pour leur
émancipation future.
La majorité sont éditées à Tokyo et diffusées
à partir de là, mais quelques revues locales
voient le jour à Osaka, Hiroshima, Kyoto
et Nagoya. Leur qualité technique est
moindre et le papier souvent si bas de
gamme qu’il est presque impossible de les
conserver longtemps en bon état.
46
La place particulière
de la prostitution
La prostitution n’a jamais été mal vue comme
ce fut le cas dans l’Occident chrétien. C’est
une activité encadrée et codifiée et une
part de la vie des villes. Avec la croissance
urbaine et démographique, la prostitution
a vu ses activités grandir au cours des
décennies précédentes. Malheureusement, ce
développement a été de pair avec un recul
des droits des femmes, premières victimes
de cette activité. Quatre statuts très codifiés
distinguent les catégories de « prostituées »,
même si pour certaines l’acte sexuel n’est pas
fondamental dans leur fonction.
Au sommet, les geishas
Environ 30 000 en 1890, les geishas sont
puissantes et influentes. Certaines d’entre
elles sont des conseillères personnelles des
plus grandes personnalités de l’époque, dans
l’entourage même de l’empereur. Les geishas
officient dans des karyukai, des maisons de thé
faisant aussi office de restaurants. On trouve
des lanternes à l’entrée de ces établissements
où sont calligraphiés le nom du lieu et des
geishas présentes.
Les joro
Ces prostituées plus classiques sont environ
50 000 en 1890, réparties surtout au sein
d’établissements neufs dans les yuri, les quartiers
des plaisirs. Ce sont des professionnelles inscrites
dans un registre impérial et donc soumises
aux mêmes contraintes administratives que
n’importe quel autre métier légal. Elles portent
des vêtements coûteux et soignés et vivent
dans des pièces ouvertes sur la rue. Elles ont
obligation d’avoir une tenue respectueuse et
un langage soutenu et il n’est pas rare de voir
des familles entières faire une balade dans ces
quartiers des plaisirs pour admirer et observer
des joro dans leur lieu de vie. Évidemment,
lorsqu’elles sont avec un client, elles se rendent
dans une pièce plus intime.
Les miso-joro
Ce sont les plus nombreuses, environ 80 000 en
1890, et celles dont l’effectif a le plus augmenté
avec l’ère Meiji. Ces prostituées s’entassent dans
des maisons closes bariolées et se montrent de
la même manière que les joro dans des pièces
donnant sur la rue, mais toutes ensemble.
Plus frivoles et moins éduquées, elles
viennent souvent des classes les plus pauvres
et ne bénéficient pas d’une instruction
financée comme les geishas ou les joro.
Enfin, celles qui acceptent les étrangers (de
plus en plus nombreux, surtout à Yokohama
ou Tokyo), sont les plus mal vues. Elles
sont méprisées par les autres prostituées,
et souvent aussi par les Occidentaux qui les
brutalisent et abusent d’elles.
Les mekake
Il s’agit de femmes temporairement octroyées
aux dignitaires étrangers. En effet, dans la
société japonaise, il est très mal vu de ne pas
être marié à partir d’un certain âge et surtout
d’un certain rang. Aussi les Japonais ont-ils
trouvé cette solution pour les ambassadeurs
et autres professeurs effectuant un séjour long
sur l’Archipel, même s’ils sont mariés chez eux.
Les mekake ne sont liées à leur « mari » que le
temps du séjour, mais après son départ, leur
situation empire. Elles sont alors considérées
comme ayant déjà été mariées, qui plus est avec
un étranger, sans être devenues veuves pour
autant. Elles finissent souvent dans la misère.
Evidemment, ces femmes n’ont pas leur mot
Vie quotidienne
à dire et sont choisies par les autorités, sans
possibilité de recours. Une des histoires les
plus populaires de l’époque Meiji raconte celle
(basée sur des faits réels) d’une très belle femme
promise à un homme qu’elle aimait, mais
choisie pour être la mekake d’un diplomate
anglais. Au terme du séjour du dignitaire, elle
a voulu retrouver son amant, mais ce dernier
la repoussa, la jugeant impure et déjà mariée.
Folle de désespoir, elle se suicida après une
courte période de misère.
Us et coutumes
Face à la modernisation de la société,
les Japonais paradoxalement sont très
conservateurs au niveau des us et coutumes.
Bien qu’ils adoptent facilement dans certains
domaines les apports occidentaux, au niveau
des loisirs ou de l’éducation par exemple, dans
les rites du quotidien ou dans le folklore, ils se
comportent encore comme à l’ère Edo. L’une
des évolutions les plus marquantes est leur
attitude face à la mort.
Le suicide
Le suicide a toujours fait partie de la tradition
japonaise. Mais le seppuku, ce suicide rituel
pour effacer une faute, bien qu’il ne soit pas
interdit, est de moins en moins pratiqué. Outre
une évolution des mœurs et la chute de la caste
des samouraïs, c’est surtout un détail technique
qui explique son désintérêt. En effet, le seppuku
est ordonné, ou autorisé, par son supérieur
direct, autrefois le daimyo. Mais en 1890, plus
aucun supérieur de l’administration impériale
n’ordonne un tel châtiment. Ce ne sera pas le
cas dans les années 1930.
Le suicide étant admis, il n’a aucune conséquence
morale, religieuse ou administrative particulière
vis-à-vis de l’État. Parfois non recommandé
dans certaines formes de spiritualité, il reste
un moyen de mourir comme les autres. Enfin
il existe aussi le junshi, le suicide par amour. À
une époque où les mariages sont trop souvent
arrangés, c’est une forme de suicide importante
et mise en exergue par la littérature féminine
de l’époque.
47
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 Le deuil et
la place des morts
Si auparavant on inhumait les morts dans les
espaces sacrés des temples, c’est de moins en
moins le cas avec l’ère Meiji. En 1874, à Aoyama
près de Tokyo, ouvre le premier cimetière
« civil », c’est-à-dire distinct des temples. En
1890, les tombes, sauf celles des personnes les
plus importantes, sont anonymes. Avec un
besoin d’espace urbain de plus en plus important,
les cimetières se réduisent et la crémation
est davantage utilisée. Distincte des temples
bouddhistes (qui la pratiquaient auparavant),
elle est une activité encadrée par l’État.
Après la guerre sino-japonaise, les cimetières
composés de pierres tombales (un long pavé
où est inscrit le nom du défunt, aligné avec
les autres) font leur apparition, trop de morts
n’ayant pas pu être ramenés (en entier) sur
l’Archipel.
Avec le développement du shintoïsme d’État,
le rôle des bouddhistes et de leurs cimetières
décroît même s’il existe toujours. L’empereur
et son administration instaurent une politique
de création de grands cimetières shintô pour
aider à combattre l’influence bouddhiste : en
1868, celui de Yasukuni à Tokyo est inauguré. Il
accueille toutes les personnalités défuntes ayant
contribué à la grandeur de la patrie.
La mort pose toujours le problème de la
souillure couverte par le deuil, une différence
notable avec le monde occidental qui associe au
deuil un travail de mémoire et de recueillement.
Si autrefois les moines bouddhistes et des eta
avaient la charge des morts, cette fonction est
aujourd’hui assurée par des professionnels
civils, bien que les moines officient toujours
dans certains villages, ou à la demande de
pratiquants. En 1886, apparaissent les premières
pompes funèbres. Il s’ensuit une appropriation
par l’entreprise, dans les grandes villes, de la
cérémonie de fin du deuil autrefois gérée par le
voisinage et les associations de jeunes.
La souillure entachant la demeure du défunt
(ou ses propriétés agricoles) existe toujours
pour la société nippone, mais la procédure
de purification, longue et ritualisée à l’époque
d’Edo, a été simplifiée et revêt un caractère
avant tout symbolique.
La succession
Les lois impériales sur la succession sont
calquées sur les européennes et au profit de
l’aristocratie japonaise. Elles négligent les
48
coutumes locales et villageoises, mais ne les
abrogent pas. Il en ressort, peut-être plus
qu’ailleurs, une très grande différence entre le
monde des villes et celui des campagnDans les
villes, en 1890, la succession est codifiée par un
nouveau code civil dans lequel l’héritage va à la
primogéniture, même célibataire. Une primauté
est accordée aux fils sur les filles.
À la campagne, l’héritage va au fils et non à la
fille. En l’absence de garçon, il est possible d’en
adopter un pour lui transmettre le patrimoine.
Enfin, le sceau familial, symbole du pouvoir
dans la famille, est encore transmis aux 60 ans
du chef de famille tandis qu’en ville, il est remis
à la mort de ce dernier, sauf pour les familles les
plus traditionnelles et guerrières.
Se nourrir
Bien qu’avec la modernisation des plats
occidentaux soient servis dans les ports de
commerce, l’alimentation à l’ère Meiji reste la
même qu’à l’époque d’Edo. Lorsque l’idée de
rejeter les « barbares » de l’île se fait de plus en
plus populaire, les quelques apports étrangers à
la gastronomie sont mis au ban et disparaissent
presque partout.
L’identité culinaire japonaise reste très marquée
pendant toute la période.
Payer
Avec l’abandon de l’unité de compte appelée
koku, le Japon se dote d’un système monétaire
complet à l’aide de pièces puis des premiers
billets à la fin de la période. Voici les différentes
monnaies utilisées par les Japonais, de celle qui
a la plus forte valeur à la moins cotée :
• Le ryo, une monnaie d’or dont la valeur
réelle fluctue avec le cours du métal
précieux. Peu utilisée dans la vie courante.
• Le yen, qui vaut environ un demi-dollar
américain, est l’équivalent du ryo. Plus
stable, il est la principale monnaie de
référence dans la vie quotidienne.
• Le sen, qui vaut un centième de yen.
• Le rin, qui vaut un dixième de sen et donc
un millième de yen. Petite monnaie pour
les produits bas de gamme du quotidien.
• Le mo, appelé aussi momme ou mon et
qui correspond à un dixième de rin. Petite
monnaie qui ne sert pas à grand-chose.
• le Ryo, une monnaie d’or dont la valeur
réelle fluctue avec le cours du métal
précieux. Peu utilisée dans la vie courante.

Prier
On retrouve à l’ère Meiji deux grands courants
religieux : le shintoïsme et le bouddhisme.
Toutefois, les courants religieux occidentaux,
le christianisme, le judaïsme et l’islam, sont de
plus en plus présents avec l’ouverture du pays,
mais restent marginaux.
La principale innovation en matière religieuse
est l’imposition du shintoïsme par l’État. Ce
dernier est valorisé afin de créer un ciment
culturel unissant tous les Japonais face à la
menace d’acculturation liée à l’ouverture. Les
Vie quotidienne
temples et les prêtres shintô sont subventionnés
par le gouvernement et les grandes cérémonies
du pays sont exclusivement shintô. Sans être
interdit, le bouddhisme est combattu dans une
certaine mesure en lui ôtant tous les avantages
qu’il pourrait avoir et en l’excluant des moments
de la nation. Malheureusement pour les
dirigeants japonais, une partie importante
de la population, essentiellement dans les
couches populaires, reste ancrée dans cette
religion. En revanche, l’élite du pays est presque
exclusivement shintô.
49
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Chapitre 4

Tokyo

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Une capitale rénovée
Avec la restauration impériale, et afin de
concilier les partisans du shogun destitué,
l’empereur a déménagé sa cour de Kyoto
à Edo, rebaptisée Tokyo au début de l’ère.
Ainsi, la ville n’est pas devenue une capitale
fantôme avec l’abandon de l’obligation
des daimyos d’y séjourner une fois par an
(tradition shogunale), mais s’est développée
avec l’ouverture au monde.
Tokyo est une ville toujours centrée sur le palais
shogunal (devenu palais impérial) et au plan en
spirale. En effet, directement autour du palais
gravitent les anciens quartiers des daimyos
puis au-delà d’autres quartiers plus populaires
occupant un espace de plus en plus important.
Toutefois, malgré une population avoisinant le
million vers 1890, Tokyo n’a pas encore englobé
les villes voisines. Yokohama reste à environ
quarante minutes en train du centre de la capitale.
Organisation administrative
de la ville
A l’époque d’Edo, la ville était divisée en quartiers
dirigés par un gouverneur de quartier. Si au
début de l’ère Meiji, avec le départ des daimyos
et de leurs suites, la population a fortement
décliné (environ 570 000 habitants lors du
premier recensement de l’ère Meiji en 1877), elle
retrouve sa taille d’antan grâce au commerce et
à la modernisation du pays (qui commence à
la capitale). Il faut attendre la publication de
la constitution de Meiji, en 1889, pour que
l’organisation définitive de la ville soit adoptée.
Tokyo est alors découpée en 15 districts appelés
ku : Fukugawa, Honjo, Asakusa, Sotoshiro,
Kanda, Nihonbashi, Kyobashi, Shitaya, Hongo,
Koishikawa, Ushigome, Yotsuya, Akasaka,
Azabu et Shiba. À la tête de chacun se trouve
un préfet spécial.
Apparence générale
de la ville en 1890
Si la majorité des petites rues sont encore en
terre battue, tous les grands axes sont des routes
pavées où des rails s’installent progressivement
52
pour les tramways, délaissant les hippomobiles
pourtant très fréquentes entre 1860 et 1880.
À part quelques bâtiments notables (le palais
impérial et son quartier, les temples shintô,
quelques grandes demeures des anciens
daimyos), les maisons féodales ont laissé
la place à des bâtiments en brique copiant
les modèles anglais et allemand. Le port en
particulier s’est rapidement modernisé et les
quais pavés ont remplacé les pontons de bois
où s’agglutinaient les petites embarcations. Des
ponts en pierre succèdent aux anciens en bois
au-dessus des nombreux canaux situés dans les
quartiers centraux de la ville.
Les ku de Tokyo
Au centre de la ville se trouvent les ku de
Sotoshiro (qui contient l’impressionnant
domaine du palais impérial et la majorité des
consulats étrangers), Kyobashi (où se trouve
la gare de Tokyo et le port le long de la rivière
Sumida), Nihonbashi (siège de la puissante
Bank of Japan et de nombreux sièges de
zaibatsu) et Kanda.
À l’est, au-delà de la Sumida-gawa, les ku
de Fukagawa et Honjo sont des quartiers
périphériques servant essentiellement de
résidence aux classes moyennes.
Au nord du palais impérial se trouvent les ku
de Koishikawa, Hongo, Shitaya et Asakusa. Ils
accueillent l’université impériale, le premier
zoo du Japon dans les jardins d’Ueno, un lac
dédié au kami Benten et pas moins de cinq
jardins qui ponctuent les résidences de plus en
plus modernes. C’est aussi au nord-est de la ville
que se trouve le plus célèbre des 35 quartiers des
plaisirs de la capitale, Yoshiwara.
À l’ouest des quartiers centraux, le ku d’Ushigome
se caractérise par sa caserne d’artillerie et une
grande école militaire (calquée sur le modèle
prussien). Il avoisine le ku de Yotsuya où se
trouvent de nombreux palais dont Aoyama,
domaine du prince héritier, et les ku d’Akasaka
et Azabu où se regroupent le plus d’industries.
Enfin, au sud de la ville se trouve le ku de
Shiba, un des plus pauvres de la capitale,
mais qui possède l’un des plus grands jardins
(appelé lui aussi Shiba), un hôpital, un arsenal
et une usine à gaz.

Kondo Yasuhiro
Responsable du club house de la société du
Chrysanthème à Tokyo situé dans le ku de
Sotoshiro.
Confiant, manipulateur, opportuniste.
Trentenaire sûr de lui, ce bel homme au
charisme magnétique est d’une intelligence
redoutable. Tout lui réussit. Sous son air de
gentleman, dilettante parfois superficiel,
Kondo Yasuhiro cache un autre visage, celui
d’un homme arriviste et implacable, froid
et calculateur. Yasuhiro est un adepte de la
magie corrompue vieux de plusieurs siècles.
En 950, alors qu’il était jeune onmyōji,
il croisa le chemin du père fondateur des
Implantés. Voyant le potentiel du jeune
homme, le fondateur lui proposa s’il le désirait
une longue existence. Mais en aucun cas
Tokyo
l’immortalité. Nawa Hanpei de son vrai nom
embrassa la cause des Implantés et traversa
les siècles sans mourir.
NC 7
FOR +2 DEX +2 CON +2
INT +3 PER +2 CHA +4
DÉF 12 PV 40 Init 12
Pistolet Nambu +7 DM 2d6
Tantō +7 DM 1d6+3
Voie de la magie par le sang rang 3
Malédiction (L) : Kondo Yasuhiro fait un
test d’attaque magique opposé contre un
personnage. S’il l’emporte, le personnage lance
deux d20 et garde le plus mauvais résultat
pendant les 1d6 prochains tours.
53
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Chapitre 5

Yokohama
La porte vers le monde

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 Petit village de pêcheurs à l’entrée de la baie
d’Edo en 1850, Yokohama est devenue l’une
des portes vers l’Occident en 1890 et l’un des
plus importants ports de l’Archipel, accueillant
d’innombrables bateaux de marchandises
étrangers. De nombreux représentants
des entreprises occidentales et même des
diplomates y résident. L’empereur y implante
ses grands chantiers navals, projet encore
à l’état embryonnaire en 1890. Cette ville a
tellement grandi que la région ne ressemble
plus du tout à ce qu’elle était en 1850. Il en
va de même pour sa population, largement
étrangère ou immigrée d’autres préfectures.
Organisation administrative
La ville et son territoire ont acquis en 1889
le statut de préfecture, preuve que leur
développement est très important et rapide.
La population de Yokohama oscille entre 110
000 et 120 000 habitants, aucun recensement
sérieux n’ayant été encore effectué. Elle est
dirigée par un préfet qui cumule ce poste avec
celui de maire. Ses pouvoirs sont étendus à la
police et il instruit certaines affaires judiciaires,
mais renvoie souvent aux tribunaux de Tokyo.
Il est assisté dans ces tâches par un sous-
préfet, un commissaire général et un préfet
maritime (en charge de la capitainerie). Il est
entouré d’un conseil municipal élu, mais au
simple rôle consultatif à propos des questions
de politique étrangère, de police et de sécurité
en général. Enfin, il peut solliciter les autorités
religieuses en la personne du prêtre du temple
shintô du centre-ville et les intérêts occidentaux
en assistant au conseil des entrepreneurs
rassemblant les principaux conglomérats
étrangers présents à Yokohama.
Géographie de la ville
Yokohama est située à l’embouchure d’une
rivière, la Tsurumi (Tsurumi-gawa), qui se jette
dans la baie de Tokyo. Ses eaux sont relativement
profondes, permettant aux steamers étrangers de
mouiller dans son port. Elle est adossée à l’ouest
contre une grande colline tandis que les autres
directions débouchent sur une vaste plaine
courant jusqu’à Tokyo. La ville s’est construite
le long de cette rivière, mais aujourd’hui il ne
56
reste rien des cahutes de pêcheurs d’antan. Son
organisation a été entièrement revue et la rivière
domestiquée en partie. En effet, Yokohama est
divisée par des canaux assez larges et parcourue
de ponts en pierre larges eux aussi. Des berges
aménagées forment de grandes promenades
pavées où d’imposants arbres plongent leur
ramure vers l’eau et d’autres moins aménagées
où la verdure descend en pente douce vers la
rivière. Peu d’embarcations empruntent ces
canaux, principalement des barques utilisées
par les plus pauvres pour se déplacer.
Frank DerKros
Marin étranger
Raciste, violent, misogyne, sournois
« Si j’avais su à quel point ils étaient barbares,
j’aurais pas signé. Toutefois leurs femmes sont
dociles et la bière, si elle est mauvaise, est pas
chère. »
NC 2
FOR +1 DEX +1 CON +3
INT +2 PER +1 CHA +3
DÉF 11 PV 15 Init 11
Une division en districts
La ville est divisée en sept zones distinctes
appelées districts.
Le district pauvre (au nord du centre)
Tout au nord de Yokohama, le plus éloigné de
la mer, se trouve le quartier prolétaire. Il est
organisé autour d’une grande avenue en terre
qui mène du Tokkaido au centre-ville et à sa
fameuse gare. De chaque côté de cet axe s’étend
un dédale de petites ruelles boueuses ouvrant
sur le quartier plutôt pauvre. Les maisons sont
en bois et de facture traditionnelle. Des enfants
non scolarisés jouent dans la rue, il n’est pas
rare de déranger des poules ou quelques chiens
en maraude. L’air est porteur des odeurs de plats
cuisinés, de relents de déchets mal évacués ou
de flaques vaseuses par endroits.
Ce quartier abrite la prison de la ville, le seul
bâtiment en pierre qui comprend aussi en
sous-sol la morgue. Il est près de la rivière à
l’est du quartier. Les étrangers ne sont pas mal
accueillis, mais les habitants du quartier sont
tout de même méfiants. Beaucoup sont de
pauvres pêcheurs reconvertis en ouvriers pour
les usines à l’est et plus au nord dont les familles
vivaient déjà là 50 ans auparavant.
Le district du centre
L’avenue bordée de poteaux télégraphiques
reliant Tokyo à Kyoto mène à un grand pont
de pierre aux rebords bas avant de déboucher
dans le quartier du centre. La rue principale est
toujours en terre mais ravinée par endroits par
le passage des omnibus à cheval. Cet axe majeur
en croise un second, perpendiculairement au
niveau de la préfecture, rejoignant la gare et
au-delà la route vers Tokyo par le nord-est.
Les rues parfois pavées sont plus larges que
dans le quartier précédent et plus propres
aussi. Les habitants sont majoritairement des
fonctionnaires ou des commerçants, comme
le montre le nombre de costumes à l’occidental
que l’on peut croiser.
Ce quartier abrite certains des lieux les plus
importants de la ville dont la préfecture, le
cœur de Yokohama.
Le bâtiment préfectoral
Attenant une très grande place occupée par des
étals, un kiosque et les omnibus, le bâtiment
préfectoral est fait de pierre et comporte
trois étages. Long de 150 mètres, il possède
de nombreuses fenêtres et son toit de tuiles
rouges tranche avec ceux des habitations tout
autour. Il abrite les services municipaux de la
voirie, la police, les archives, les notaires et
l’administration centrale.
Au sous-sol se trouvent les archives et toute la
logistique. Au rez-de-chaussée, un vaste hall
carrelé donne sur les 25 bureaux qui rassemblent
de petites équipes de fonctionnaires de police ou
de services techniques (souvent entre trois et cinq
Yokohama, la porte vers le monde
membres) affectés par les inspecteurs, le préfet
ou le sous-préfet à des missions ponctuelles ou
pour creuser une piste sur une affaire.
Un grand escalier central dessert les étages.
Le premier abrite les fonctionnaires de grade
important, les inspecteurs et les responsables
des différents services de gestion de la ville.
Ils gèrent et coordonnent les enquêtes et
les plaintes, secondés par tout le personnel
administratif adéquat.
Enfin, au deuxième étage, une vaste
antichambre précède deux grandes portes en
bois laqué toujours gardées par un policier en
faction. L’une ouvre sur le bureau du préfet et
l’autre sur celui du sous-préfet. Chaque bureau
est suivi d’un logement de fonction. Enfin,
mitoyenne avec son bureau, le préfet dispose
d’une grande salle servant aux réunions des
différents conseils.
Le temple
Le grand temple shintô de la ville abrite un jardin
fleuri jouxté par le cimetière s’étendant au-delà
de la limite est de la ville, par-delà un canal assez
large. Les visiteurs pénètrent dans le temple par
un torii rouge et viennent prier, se balader ou
parler avec les prêtres et leurs serviteurs.
La gare
Le quartier abrite aussi la gare de Yokohama, la
première construite en dehors de Tokyo. Faite
elle aussi tout en pierre, elle se distingue par son
style occidental de toutes les demeures autour.
Elle abrite une grande horloge qui sert à toute
la population vivant à proximité. Son hall peut
contenir une cinquantaine de personnes et elle
possède deux quais. Tout autour de la gare se
trouvent la majorité des hôtels du quartier ainsi
que les trois rues commerçantes de la ville.
Non loin de la gare de Yokohama se trouve
une petite échoppe tenue par la magnifique
Kawasonaji Fujimi.
57
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 La sorcière au carrefour des chemins
(voir le supplément L’époque de Heian)
Kawasonaji Fujimi est une femme grande et
mince, à la peau pâle. Ses longs cheveux noirs
sont coupés en escalier : une frange devant
ses sourcils, puis une autre allant jusqu’à sa
mâchoire, la suivante au niveau des hanches,
et une dernière au niveau des genoux. La
couleur de ses yeux est généralement rouge,
même si elle change parfois pour du violet
ou du bleu turquoise ; par conséquent, leur
véritable couleur n’est pas connue.
Si, chez elle, Fujimi porte toujours un kimono,
elle ne met jamais la même chose deux fois
et a généralement des accessoires pour
l’accompagner. Par exemple, si son kimono
présente un motif rose avec de la dentelle,
elle ajoutera une rose dans ses cheveux, un
tour de cou en dentelle et un bracelet. En
outre, Fujimi coiffe ses cheveux de façon
élégante mais originale, et les décore toujours
d’accessoires comme des épingles colorées ou
des baguettes. Comme pour ses tenues, elle
n’a jamais été vue deux fois avec le même style
de coiffure, sauf lorsqu’ils sont lâchés.
Excentrique et amusante, Fujimi est
respectueuse de tous les êtres, mais suit des
préceptes qui dépassent la conscience de la
plupart des gens : bon et mauvais sont des
notions que les humains décident, et celles-
ci ne s’appliquent pas aux non-humains.
Toutefois, bien qu’elle soit assez sarcastique et
puisse parfois paraître très autoritaire envers
son fidèle employé Tomoe, il est évident
qu’elle se soucie de lui.
En outre, Fujimi n’ayant jamais révélé son
vrai nom, elle a reçu de nombreux surnoms.
Sorcière de grande puissance, son énergie
spirituelle est incommensurable et elle est
aussi connue sous le nom de « La Sorcière
des Dimensions », en raison de sa capacité
à voyager dans le temps. Elle est également
assez douée pour manipuler et créer des objets
magiques d’envergure, et peut également
s’entendre avec n’importe quelle entité des
royaumes « non humains » : fantômes, dieux,
esprits, yokai, etc.
Tous les clients de Fujimi doivent payer le
prix pour exaucer leurs vœux, ou ils devront
en subir les conséquences. En outre, elle n’est
pas du genre à révéler à ses clients le moyen
58
le plus direct pour résoudre leurs problèmes,
car pour elle, ils ne peuvent l’être que s’ils
prennent conscience qu’il faut changer eux-
mêmes pour y parvenir. Ainsi, la plupart du
temps, si la personne manque de sincérité
et de volonté pour changer, elle attirera
forcément la mauvaise fortune.
Les capacités de Fujimi ne sont toutefois
pas illimitées et peuvent presque apparaître
comme une malédiction, car elle est incapable
de faire quoi que ce soit ou d’accorder une
faveur sans que cet acte prenne la forme d’une
transaction contraignante. Elle a cependant
une grande connaissance de tous les types
d’objets magiques existants, dont beaucoup se
trouvent dans son magasin.
Fujimi s’en remet aux lois de l’univers, et
son magasin ressemble à une petite bicoque
en bois dont l’intérieur paraît plus grand
que l’extérieur. Peuplé de créatures et de
yokai en tout genre tapis dans l’ombre de
ses recoins, il contient une impressionnante
quantité d’innommables trésors et autres
objets occultes. Son point d’ancrage n’étant
pas fixe, il est présent dans plusieurs lieux à
la fois : Ikai, monde des humains, contrées
du Rêve, etc. Ainsi, il n’est pas rare d’y croiser
des clients venant de différentes époques et
plans d’existence. En effet, cette belle, grande
et mystérieuse sorcière ayant d’importantes
connaissances en folklore et Mythe des
Grands Anciens, elle peut résoudre différents
problèmes en trouvant la bonne potion
rare ou le bon artefact ou autre, en échange
d’un « fragment de l’essence » du client
proportionnel à sa requête : Ki, maho, points
de caractéristique, etc. Comme Fujimi se plaît
à le dire, toute chose a une contrepartie.
NC 14
FOR +1; DEX +2 ; CON +3 ;
INT +4 ; PER +5 ; CHA +4 ;
DÉF 12 ; PV 85 ; Init 12 ;
ATM +15 ; PM 30
Voie de l’alchimie rang 4
Voies de l’éveil, de la divination et de la
protection rang 5
Sorts : tous les mineurs de rangs 1, 2 et 3
Le district des plaisirs
(au sud-ouest du centre)
Yuki, le quartier des plaisirs de Yokohama, est
vaste, quadrillé par trois larges rues en terre. Il
abrite de nombreux théâtres, cinq maisons de
geishas et vingt-trois maisons closes, mais aussi
des restaurants et des échoppes de produits
essentiellement à destination des étrangers. Le
quartier est entouré par les canaux principaux,
mais il est aussi parcouru de canaux plus petits
bordés de bancs et d'arbres entretenus. Derrière
la façade brillante et lumineuse des grands axes
se trouvent les laissés-pour-compte de la société
japonaise : clochards, orphelins et toutes les
malheureuses qui se prostituent dans la misère
pour survivre.
Le district du port
(au sud-est du centre)
En transition, le port est encore pittoresque,
affichant une multitude de barques agglutinées
sur les quais en bois. Des échoppes vendent les
produits de la mer dans une atmosphère emplie
d’odeurs de vase et de poisson pourri. Au bout
des quais, quelques grands voiliers voués à
disparaître dans les années à venir croisent les
modernes steamers étrangers gardés par les
marins et la police japonaise. En 1890, il n’y a pas
encore de compagnie japonaise internationale,
seulement deux ou trois d’entre elles naviguent
autour de l’archipel.
Ces lieux sont sous la juridiction de la
préfecture maritime, regroupant la capitainerie
et la chambre de commerce de Yokohama.
Haute de trois étages, la préfecture est faite de
bois et possède plusieurs entrées en fonction
des services, dont celle des interprètes pour les
relations commerciales.
Au-delà se trouvent les arsenaux japonais.
Il s’agit d’un vaste chantier sur plusieurs
kilomètres. Le besoin croissant de navires
pousse les personnes les plus ambitieuses à
récupérer toutes les terres des rizières situées
au nord de ces chantiers pour les transformer
à leur tour en « usine » à bateaux. Cela ne va
pas sans heurts et le préfet est tiraillé entre la
volonté de modernité et l’avenir incertain de ces
paysans modestes mis au ban de la société.
Le district des étrangers
Yokohama, la porte vers le monde
(au sud-ouest de la ville)
Le district est divisé en trois zones. Tout à l’ouest,
à flanc de colline, se trouvent les résidences
des dignitaires étrangers. Ce quartier n’a rien
de japonais. Les grandes propriétés, certaines
closes par des grilles, d’autres ouvertes, aux
jardins soignés savamment aménagés, sont
de type occidental dans un mélange luxueux
de bois et de pierre. Les rues sont pavées,
larges et pourvues de trottoirs. De nombreux
policiers à pied les parcourent, éclairés par des
lampadaires à huile.
S’étalant du centre jusqu’à jouxter le quartier
des plaisirs au nord et le port à l’ouest, de grands
entrepôts marqués du symbole des compagnies
alternent avec des logements et autres
commodités pour les marins et les employés.
Ces demeures plus modestes accueillent des
Européens, mais aussi des Américains ou des
Chinois. Il existe des Japonais vivant aussi ici,
mais bien qu’ils soient majoritaires, ils se font
souvent oublier tant l’ambiance xénophobe
et tendue est présente. C’est le royaume des
marins étrangers brutaux et méprisants. Les
rues sont quasiment toutes pavées mais assez
sales et mal entretenues.
Enfin la côte partant de la colline et allant vers
le port est une immense promenade pavée
où les gens fortunés aiment se promener les
jours chômés. Le contraste entre l’intérieur du
quartier et cet endroit paisible et très propre est
saisissant. De grands hôtels à l’européenne s’y
dressent tout le long ainsi que certains bureaux
des compagnies étrangères et un restaurant à
l’occidental. Les Japonais sont les bienvenus
à la condition qu’ils arborent des tenues
occidentales. Les autres ne sont pas chassés,
mais ils savent qu’ils n’ont pas leur place ici.
Deux villages-districts
La dernière zone de la ville est située en dehors
de celle-ci. Tant à l’est qu’à l’ouest, le long
de la route entre Tokyo et Kyoto, à environ
un kilomètre du centre-ville se situent deux
bourgades qui signalent l’arrivée à Yokohama.
Les rues sont poussiéreuses, les habitats
sommaires et les commerces se résument à une
ou deux échoppes généralistes. Le seul bâtiment
important est un poste de police. Le paysage des
deux côtés est composé de rizières.
59
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 Chapitre 6

Système de jeu

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 Profils spécifiques
Oyatoi gaikokujin
Les Eiyu sont ici des personnes qualifiées
dans un domaine précis tel que l’ingénierie,
l’architecture, etc. Ces Occidentaux (Américains,
Britanniques, Français) sont engagés par
l’administration Meiji pour moderniser et
industrialiser le pays. Dès l’ouverture du Japon,
l’empereur a une accointance avec la France.
Cependant sa défaite contre la Prusse en 1871 a
pour conséquence la venue massive d’Allemands
pour leur « apprendre » les techniques et
stratégies militaires.
Ces Oyatoi gaikokujin établissent les
balbutiements des multinationales et autres
succursales locales des industries et entreprises
étrangères.
Voies de prédilection : voie des corporations,
voie des relations, voie de la technologie, voie
du transport, voie de l’administration.
Ki : -1
Yakuza
Avec la restauration de Meiji en 1868, la
pègre a évolué en transformant ses activités
à la suite de l’interdiction de son domaine de
prédilection, le jeu. Ainsi, avec la nouvelle
vague d’industrialisation qui suivit la guerre
russo-japonaise en 1905, la pègre s’oriente vers
62
le contrôle de la main-d’œuvre et s’implante
dans la politique en servant d’hommes de
main des premières organisations d’extrême
droite comme l’Association pour la pureté
nationale du Grand Japon (Dai Nippon
Kokusuikai), créée en 1919 sous les auspices
de Tokonami Takejirō, ministre de l’Intérieur
du cabinet de Hara Kei.
Dans la hiérarchie des yakuzas, nous trouvons
par ordre d’importance :
• Oyabun, la personne à qui les yakuzas
prêtent allégeance ;
• Waka-gashira, le premier lieutenant et bras
droit de l’oyabun ;
• Shatei-gashira, le second lieutenant de
l’oyabun ;
• Saïko-komon, le conseiller administratif de
l’oyabun.
Ensuite viennent les kyodai au rang
intermédiaire et les shatei tout en bas. Les kumi-
in sont des hommes de main engagés pour une
mission, mais ne sont pas intégrés au clan de
l’oyabun.
Voies de prédilection : voie des arts
martiaux, voie de la furtivité, voie du jeu,
voie des relations, voie des armes de contact.
Une des voies action peut aussi être substituée
à la voie des corporations.
Ki : 0

Nouvelles voies de prestige
Les voies de prestige des arts martiaux
peuvent être utilisées comme voie de base
pour le combat. Il suffit alors de remplacer les
voies voie des arts martiaux, voie des armes à
distance et voie des armes de contact.
Voie de la naginata
Le naginata-jutsu concerne les techniques de
combat à la naginata et au nagamaki. À l’origine
dédié aux femmes de samouraïs et très apprécié
des moines guerriers, cet art largement répandu
parmi les bushi regroupe les techniques de
combat contre un adversaire monté ou au sol.
Depuis l’ère Meiji, le naginata-jutsu est devenu
l’équivalent du kendo pour les femmes : un art
permettant de travailler le corps et l’esprit grâce
à des techniques et des mouvements inspirés des
anciennes méthodes de combat à la naginata ou
au nagamaki.
Système de jeu
Cette voie utilise le nagamaki ou la naginata.
Elle requiert d’avoir atteint le rang 5 dans la voie
des armes de contact et également le rang 2 dans
la voie des arts martiaux. Elle peut être apprise à
n’importe quelle époque.
1 — Barrière de lame (L) : l’Eiyu gagne un
bonus de +2 en DÉF lorsqu’il utilise une
action de défense ou de défense totale.
Il rajoute son mod. de Ki à ses tests
d’attaque*.
2 — Coup rapide (L) : l’Eiyu doit utiliser son
mod. de DEX pour attaquer ; il gagne +2 à
l’Initiative.
3 — Toucher spirituel : l’Eiyu peut dépenser
un unique point de Ki pour augmenter ses
DM de +2d6 OU annuler une éventuelle
immunité lors d’une attaque réussie.
4 — Riposte (L) : lorsqu’un adversaire rate
l’Eiyu en Défense totale, ce dernier peut
tenter une attaque en action gratuite. Il
ne peut faire cette action qu’une fois par
63
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 tour ; il doit donc choisir sur qui appliquer
sa riposte si plusieurs adversaires sont
concernés.
5 — Frappe tournoyante : l’Eiyu peut dépenser
un PC pour que l’une de ses attaques du tour
(et une seule) affecte tous les adversaires à
portée de l’arme. Son test d’attaque est alors
confronté à la DÉF la plus haute ; en cas
de succès, tous les ennemis sont touchés.
Il rajoute son mod. de Ki à ses DM*.
Voie du kyūdō
L’art du kyūdō est inspiré des méthodes de tir à
l’arc des bushi et des samouraïs. Apparaissant à
l’époque d’Edo, l’art garde les bases religieuses
et rituelles propres à l’utilisation du daikyū.
Les disciples cherchent dans la pratique
de mouvements parfaits la possibilité de
transcender le corps et l’esprit. Le kyūdō
demande un grand sens de l’étiquette, car un
archer doit tenir compte du contexte et des
autres personnes présentes à ses côtés.
Cette voie requiert d’avoir atteint le cinquième
rang dans la voie des armes à distance. Elle
s’utilise au daikyū ou au hankyū. Elle peut
être apprise dans les ères Edo, Meiji, Shōwa et
moderne.
1 — Intuition : l’Eiyu gagne un bonus à son
Initiative égal à son rang dans la voie.
Il rajoute son mod. de Ki à ses tests d’attaque*.
2 — Stabilité (L) : l’Eiyu attaque, sa portée
pratique d’arc est doublée.
3 — Toucher spirituel : l’Eiyu peut dépenser
un unique point de Ki pour augmenter ses
DM de +2d6 OU annuler une éventuelle
immunité lors d’une attaque réussie.
4 — Tireur d’élite (L) : les tirs de l’Eiyu ignorent
2 points de DÉF et de RD issus d’une armure
si l’adversaire se trouve jusqu’à la moitié de
la portée pratique de l’arc.
5 — Viser avec le troisième œil : l’Eiyu
peut dépenser un PC pour réussir
automatiquement une attaque à l’arc,
quels que soient les pénalités ou le score à
atteindre. Cela dit, il ne peut faire qu’une
seule attaque lorsqu’il use de cette capacité
et elle n’est jamais considérée comme une
réussite critique.
*Le modificateur de Ki ne s’applique que s’il
est positif, sinon il est considéré à 0 pour ces
avantages.
64
Armes et équipement
Afin de diversifier les possibilités offertes
par le jeu et permettre des variations de
l’Eiyu combattant, certaines armes sont
désormais dotées de règles spéciales. Le but
est d’encourager un choix autre qu’esthétique
et un peu plus technique. Ces règles sont
optionnelles et peuvent être ignorées par le
Sensei et les joueurs.
Le bushidō et le Ki
Tous les samouraïs et la majorité des rônins
suivent les principes du bushidō. Cependant
seuls les plus dévots à leur condition suivent
scrupuleusement ce code à la lettre et travaillent
leur élévation en toute chose. En vérité,
la plupart des samouraïs ne sont pas aussi
intransigeants envers eux-mêmes.
Dans les époques qui suivent la fin du shogunat,
un Eiyu samouraï suivant un tel code avec une
grande rigueur pourrait se retrouver dans des
situations qui mettent ses principes à l’épreuve
au cours de son aventure. S’il parvient malgré
cela à conserver ses préceptes et à ne pas s’en
écarter, le Sensei peut attribuer un point de Ki à
son Eiyu à la fin d’un kaidan.
Armes de contact
Baïonnette : arme d’appoint du soldat des forces
d’autodéfense japonaises à partir de l’ère Meiji.
Ce long couteau effilé a une encoche sur la
partie supérieure. Celle-ci est prévue pour être
attachée sous le canon d’un fusil et permettre de
se servir de ce dernier au corps à corps.
Bokken (suburi) et shinai : arme en bois à la
forme de sabre (katana), qui peut ou pas avoir
une garde. Le suburito est conçu pour reproduire
le poids du sabre (lame plus épaisse), et est
utilisé pour renforcer la musculature. Quant au
shoto bokken dont les dimensions ressemblent
plus à celle d’un wakizashi, il sert dans certains
katas et dans le style à deux sabres.
Le shinai apparu à l’époque d’Edo, une arme
d’entraînement au kenjutsu, est constitué de
lames de bambou maintenues par des lanières de
cuir. Très résistant aux chocs et particulièrement
flexible, il permet l’affrontement physique des
jeunes samouraïs.
Règle : toute technique s’utilisant avec un
sabre peut également être utilisée avec un
bokken ou un shinai.
 Système de jeu
Nom Dégâts* FOR min. Utilisation Prix (yens)
1 main (Couteau, 1D6)
Baïonette 1D6/1D8 8 5,5
ou 2 mains (Fusil, 1D8)
1 main (D6)
Bokken / Shinai 1D6 / 1D8 10 3,3
ou 2 mains (D8)
Hanbo / Tanbo 1D6 7 1 mains 2,5
1D8/1D10, 1 mains (1D8)
Katana 10 165
Critique 19-20 ou 2 mains (1D10)
Sabre 1D8 10 1 mains 8
Tanto / Kaiken 1D6 7 1 mains 16,5
1D8
Wakizashi 8 1 mains 110
Critique 19-20
Yari 2D6 12 2 mains 3,3

* Le mod. de FOR est ajouté aux DM de contact

Hanbō et tanbō : le « demi-bō » est utilisé
surtout pour l’auto-défense. D’environ
90 centimètres, il est généralement modifié afin
de pouvoir contenir des messages, des poudres
ou des poisons et parfois même une petite lame
à l’une de ses extrémités.
Le tanbō nécessite d’apprendre un art martial à
part entière pour pouvoir le manier. Bâton court
de 45 à 60 centimètres, il est principalement
utilisé pour frapper un adversaire, le bloquer,
l’étrangler, le projeter ou effectuer une clé. Le
tanbō peut être utilisé seul ou par paire.
Katana : l’arme emblématique des samouraïs
depuis l’époque d’Edo est devenue, à la chute du
shogunat, rare à trouver et la plupart des artisans
ont abandonné la voie du forgeron d’arme.
Le kaiken est le couteau court que portent les
dames dans leur obi (ceinture) pour pouvoir
se défendre.
Wakizashi : utilisé par les forces shogunales
pendant la guerre de Boshin, il devient aussi
rare que le katana.
Règle : cette arme est de type léger malgré ses
DM.
Yari : cette lance mesure entre 250 et 400
centimètres. La hampe est le plus souvent garnie
d’une lame droite dont la forme varie selon
la conception. Le yari permettait de trancher
les jarrets des chevaux ou de désarçonner les
cavaliers. Il fut abandonné avec la généralisation
des fusils.

Naginata : grande lance (2 mètres) disposant

d’une lame un peu plus courte (de 60 à
90 centimètres). À l’ère Meiji, l’art de la
naginata est enseigné aux femmes pour leur
bien-être physique et spirituel, comme le
kendo pour les hommes.
Sabre : importé d’Angleterre et d’Allemagne pour
équiper la cavalerie impériale lors de la guerre
de Boshin, il est conçu pour leur permettre de
mutiler un adversaire au sol ou à cheval. Bien
que d’une qualité moindre, il remplace le katana
pour symboliser la modernisation du Japon.
Tantō et kaiken : le tantō est un couteau
possédant une lame d’environ 25 centimètres,
légèrement courbe et à un seul tranchant, utilisé
par les bushi et les samouraïs.
Armes à distance
Daikyū : cet arc japonais est le plus célèbre.
Mesurant en moyenne 220 centimètres, sa
taille doit être ajustée à celle de son porteur
afin de garantir son efficacité. Fait de bois et de
lamelles de bambou, il est tenu en main aux 2/5e
de sa hauteur. Cela permet de l’utiliser debout,
accroupi et même à cheval sans gêne.
Fusil à air comprimé Kunitomo Ikkansai : le
fabricant Kunitomo Ikkansai a passé beaucoup
de temps à Edo pendant la première moitié
de XIXe siècle. Par ses études des sciences
occidentales, il est réputé surtout pour la
création de son télescope réflecteur en 1831.
Toutefois, entre 1820 et 1830, il développa

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 aussi des principes de fabrication d’armes à
feu grâce aux études des principes néerlandais
et inventa notamment ce fusil à air comprimé
durant cette période.
Règle : l’Eiyu ne relance qu’une fois les DM en
cas de maximum sur le dé. Cependant, l’arme
augmente de +5 la difficulté des tests de PER
pour repérer l’origine du tir.
Fusil à platine : ces vieux fusils, vestiges de
l’époque d’Edo, sont remplacés par des modèles
plus modernes dès le début de l’ère Meiji.
Règle : sur un résultat de 1, 2 ou 4 sur le d20,
le fusil a un problème technique et ne peut
plus être utilisé pendant le combat.
Fusil Arisaka : inventé à partir de modèle de
fusils allemand et autrichien, le modèle 30
apparaît en 1897 et le type 38 en 1905.
Grandement amélioré, il équipe les fantassins
à partir de 1907. Le modèle 38 est réputé pour
son extrême solidité. Les fusils Arisaka restent
très reconnaissables à leur bois laqué en rouge
et un meulage représentant un chrysanthème,
symbole de l’empereur.
La carabine type 44 est une variante améliorée
du type 38 avec une baïonnette, conçue pour la
cavalerie. Elle entre en service dès 1911.
Fusil européen à chargement par culasse
(Chassepot modèle 1866, fusil Dreyse 1841,
fusil Snider) : importé depuis la Prusse où le
fusil Dreyse 1841 est créé en secret, il équipe la
majorité des forces shogunales en 1867.
Le fusil Snider vient de Grande-Bretagne et
équipe les troupes de Tosa contre les armées
shogunales en 1867.
Le Chassepot est le fusil français concurrent
direct du Dreyse germanique. Il est employé par
l’armée impériale japonaise dès 1868, après la
révolte de Satsuma.
Fusil Minié : importé de France par le shogun
lors de la guerre de Boshin, il possède une
meilleure portée et une plus grande létalité tout
en étant plus léger que les fusils Dreyse. Il arrive
au Japon en 1868.
Fusil Murata (type 13, type 18 et type 22) :
le type 13 est le premier fusil entièrement
de conception japonaise sorti en 1880. Le
66
Murata type 18 (1888) corrige grandement les
problèmes de son prédécesseur en ajoutant un
système de culasse et d’éjecteur. Le fusil Murata
type 22 apparaît en 1889. Sa conception diffère
peu de celle du type 18. Il reste en service
jusqu’en 1905.
Hankyū : ce « demi-arc » est principalement
utilisé par les paysans pour la chasse et par les
combattants non formés à l’usage du daikyū.
Il mesure entre 100 et 120 centimètres, et sa
conception est asymétrique.
Règle : si l’Eiyu est monté, il a un malus de -3
à ses tests d’attaque. Cela ne s’applique pas s’il
est passager d’un véhicule.
Mitrailleuse légère type 11 : elle entre en
service dans l’armée japonaise à partir de 1922.
Très utilisée, elle garde cependant un système
de rechargement très vulnérable à la poussière
ou à la boue. Elle est fournie avec une lunette de
visée et une baïonnette.
Pistolet Nambu (type A/4, type B) : première
arme de poing entièrement japonaise mise au
point par l’arsenal de Tokyo, inventée en 1902,
elle équipe la marine nipponne à partir de 1909
et l’armée thaïlandaise en 1920.
Le pistolet Nambu type B est produit de 1909 à
1930. Il équipe les officiers de l’armée impériale
qui se l’achètent à titre personnel. Il est plus
court et plus léger que le type A, mais son
calibre est également inférieur.
Revolver type 26 : adopté par l’armée impériale
japonaise en 1893, ce revolver additionne la
conception des revolvers Smith & Wesson
américains avec des pièces d’armes britanniques.
Il est produit jusqu’en 1923 et participe à toutes
les guerres japonaises, y compris la Seconde
Guerre mondiale.
Shuriken : ces petites lames en bois ou en métal
peuvent tenir dans le creux de la main et sont de
formes variables (feuille, étoile, losange, carré,
triangle ou cylindre). Utilisées pour détourner
l’attention ou comme outils improvisés, elles
n’étaient donc pas toujours aiguisées.
Règle : l’arme a un bonus de +3 pour être
dissimulée.
 Système de jeu
FOR
Nom Dégâts Portée Rechargement Utilisation Prix
minimum
daikyu 1d8 80 Action simple 9 2 mains 11
Fusil à air
1d10 70 Action limitée 10 2 mains -
comprimé (L)
Fusil à Platine (L) 1d8 70 Action limitée 13 2 mains -
Fusil Arisaka2 2d8 80 Action simple 13 2 mains -
Fusil Européen
2d6 80 Action limitée 11 2 mains -
à Culasse
Fusil Minié 2d8 80 Action limitée 10 2 mains -
Fusil Murata 2d6 70 Action simple 12 2 mains -
Hankyū 1d6 40 Pas d'action 7 2 mains 2,2
Mitrailleuse
3d6 80 Action limitée 16 2 mains -
légère Type 11 #
Pistolet Nambu 2d6 30 Action simple 10 1 main -
Revolver Type 26 1d10 40 Action simple 8 1 main -
Shuriken 1d6 10 Pas d'action 6 1 main 0,12

² L’arme permet l’Arc de feu (L), (voir La Voie de l’Eiyu, p. 90).

(L) L’arme demande une action limitée pour être utilisée.
# L’arme n’est pas conçue pour le tir au coup par coup.

Les pièces d’artillerie Règle : un canon Gatling peut également

Canon Armstrong : ce canon sur roues tiré
par des chevaux est importé depuis la Grande-
Bretagne. Il s’agit de l’un des premiers modèles à
chargement par la culasse. Sa forme qui s’affine
de la culasse vers la gueule le rend également
puissant et précis.
Règle : si vous utilisez la règle des
munitions spéciales, cette arme a accès aux
projectiles explosifs.
Canons de montagne 75 mm (type 31,
type 41) : ce nom désigne une pièce d’artillerie
démontable en plusieurs pièces afin d’être
transportée à dos de soldat ou de cheval. Il faut
entre 10 et 13 hommes pour la manier. Le canon
type 31 est créé en 1898, remplaçant les anciens
modèles. Le type 41 lui succède en 1909.
Règle : si vous utilisez la règle des munitions
spéciales, cette arme a accès aux projectiles
explosifs, incendiaires, shrapnels, anti-
blindage, fumigènes ou éclairants.
Canon Gatling : considéré comme une pièce
d’artillerie, ces canons sont montés sur pivot à
roues. Ils possèdent un long canon cerclé d’une
dizaine de fûts alimentés par des bandes de
cartouches et pouvant tirer jusqu’à 500 balles à
la minute.
utiliser la règle de l’Arc de feu (voir La Voie
de l’Eiyu, p. 90), mais il peut atteindre jusqu’à
cinq cibles en réduisant les dégâts minimaux
à 1d10. Le nombre de tirs indiqué reflète le
nombre de cibles maximum avant de devoir
recharger l’arme. Cette arme n’a accès à aucun
projectile spécial.
Canon Parrott : il possède un calibre
impressionnant et est surtout utilisé pendant la
guerre de Boshin. Par la suite, il devient l’arme
principale des navires.
Règle : si vous utilisez la règle des munitions
spéciales, cette arme a accès aux projectiles
explosifs et shrapnels.
Obusier 150 mm (type 4, type 38, type 96) :
ces grandes pièces d’artillerie mobile sont
capables de bombarder des cibles au sol depuis
des positions très éloignées. Le premier obusier
mobile parfaitement opérationnel est le type 38
sorti en 1905. En 1915 sort l’obusier type 4,
successeur du type 38.
Règle : si vous utilisez la règle des munitions
spéciales, cette arme a accès aux projectiles
explosifs et shrapnels.

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 Aire
Nom Dégâts Portée Rechargement Utilisation Prix
d’effet
Canon
3d10 400 2 Actions limitées Aucune 3 hommes N/A
Armstrong
Canon de
5d10 1 200 2 Actions limitées 2 10 hommes N/A
Montagne
30 tirs puis 3
Canon Gatling ² # 3d10 200 Aucune 3 hommes N/A
Actions limitées
Canon Parrott 3d10 500 2 Actions limitées Aucune 3 hommes N/A
Obusier 150 mm 5d10 1 400 3 Actions limitées 3 12 hommes N/A

² L'arme permet "l'Arc de Feu (L)"

# L'arme n'est pas conçue pour le tir en coup par coup.

Bâton de dynamite : explosif en forme de
bâton long d’environ 25 centimètres et large de
3 centimètres. Stabilisé, il n’explose pas en cas
de choc (sauf s’il est gelé) et même placé dans
un feu, il brûle simplement. Un détonateur est
glissé à l’intérieur pour l’activer.
Grenade à main type 10 : elle apparaît en 1914
et est la première à être conçue. Les problèmes
d’instabilité du déclencheur la rendent au début
aussi dangereuse pour le lanceur que pour la
cible. Elle sert notamment en tant que grenade
fumigène ou incendiaire.

FOR
Nom Dégâts Portée Rechargement Utilisation
minimum
Dynamite 3d6 20 Action limitée 8 2 mains
Grenade à main
4d6 20 Action simple 9 1 main
type 10

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 Système de jeu

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 Chapitre 7

Les secrets
Tout comme le reste de la société de l’époque, les organisations occultes subissent
elles aussi beaucoup de changement. Tandis que les plus anciennes vivent leurs
dernières heures, de nouveaux acteurs entrent en scène. Ils deviendront les
principaux antagonistes du siècle suivant.

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 Chronologie de l’occulte
et présentation des
grandes intrigues 1876 : après le rituel du cocon, Mayuri Ito
possède une enveloppe charnelle similaire
3 janvier 1868 : percevant les prémices d’une à celle qu’elle avait jadis. Le Culte de
nouvelle ère, les clans des Quatre Fortunes se l’Évanescence carmine renaît de ses cendres
tournent vers le jeune prince Mutsuhito lors dans les grandes villes.
de la guerre de Boshin, qui voit la fin du
shogunat et de ses partisans. Avec l’ère Meiji,
le développement industriel et la mise en
place du shintô d’État, les fidèles disciples de
Nyarlathotep voient une occasion formidable
de contrôler un maximum de sources de Ki,
en les exploitant de manière industrielle pour
augmenter les failles et accélérer le réveil de
l’entité.

1869 : les clans des Quatre Fortunes

disparaissent au profit des modestes zaibatsu
Arai, Matsuda, Shibata et Yoshida. À travers
leurs patriarches et leurs intrigues pour
prendre le dessus sur les autres groupes
comme Mitsubishi, Mitsui, Sumitomo et
Yasuda, ils se « transmettent » le pouvoir
depuis quatre-vingt-dix ans.

1872 : Tōtōbami Tomone est élu à la tête

de la Confrérie des Comptoirs des artisans.
Il assure la mainmise de la famille Tōtōbami
sur les activités de la Confrérie. On raconte
qu’il a obtenu son poste en étant le principal
responsable de la collecte d’organes de deux
grandes bêtes endormies dans les montagnes
de Hokkaido deux ans auparavant.

1874 : Mayuri Ito a rassemblé la majorité de

ses fragments d’âme. Elle est de nouveau active
dans le monde des hommes en passant de
corps en corps. Elle développe le culte d’Hastur
à Tokyo et tente de convertir les notables. Les
prémices du Culte de l’Évanescence carmine
(Kiesaru yoko no reihai) sont posés.

1875 : création de l’Académie impériale des

arts et traditions populaires (Nihon teikoku
bunka geijutsu in) à Tokyo, que Mayuri Ito
intégrera dans quelques années. La Confrérie
des Comptoirs des artisans change de nom
pour devenir Nakajima Inc.

72
1880 : fondation de la société du
Chrysanthème (Kikudantai), club de
gentlemen occultistes.
1881 : création de la société secrète de
l’Océan Noir (Kuroi Umi). Découverte de l’île
perdue de Yamatai. Premier contact avec une
colonie de Mi-Go (créatures qui vivent sur la
planète Yuggoth, que l’on appelle Pluton), puis
isolement de l’île. Par ailleurs, on rapporte
plusieurs apparitions d’un vieux moine défiguré
aux quatre coins de l’Archipel. Il serait le seul
lien entre plusieurs massacres inexpliqués.
Il s’agit du chef de l’École de l’Œil unique
(Hitotsu no me ha).
1882 : découverte d’une source de Ki par
Mayuri Ito. La prêtresse carmine (Yoko no
miko) y installe son fief. Le rituel propageant
la corruption du site est si puissant qu’il alerte
les autres factions du réveil du culte d’Hastur.
Mayuri reste discrète et ne se révèle pas comme
la grande dirigeante. Un culte sans chef paraît
ainsi moins dangereux aux yeux de tous.
1883 : Mayuri Ito infiltre les institutions
japonaises et intègre l’Académie impériale des
arts et des traditions populaires, à la section
« Tradition ». Elle commence à collecter les
informations sur tout le savoir occulte réparti
sur le Japon pour le compte de l’empereur.
1884 : une vague de crimes sanglants
défraient la chronique. Des personnes
connues pour être proches se tuent dans un
affrontement aussi soudain que violent. Un
des inspecteurs chargés de l’enquête finit par
faire le lien avec une vague de crimes quelques
années auparavant. En décembre, le propre fils
du Premier ministre est retrouvé mort, tué par
sa fille de douze ans. D’énormes moyens sont
alloués pour retrouver le coupable.
1886 : établissement de la base secrète
appelée Lotus écarlate (Kurenai suiren no
kichi) par l’Académie impériale des arts et
traditions populaires et première coopération
avec les Mi-go. Mayuri Ito accède alors à un
savoir extraterrestre.
1889 : à la suite d’une enquête du bureau du
Premier ministre depuis plusieurs années,
un groupe de fonctionnaires triés sur le volet
aidé de la population locale retrouve le vieux
monastère de l’École de l’Œil unique dans
la préfecture de Miyagi. Après avoir perdu
plusieurs hommes en tentant d’appréhender
Les secrets
le mystérieux vieux moine, les autorités
décident de mettre le feu au bâtiment. On
raconte que des colonnes d’esprits enflammés
se sont échappés du bûcher, provoquant une
vague de démence dans les environs pendant
plusieurs mois.
1890 : arrivée du Gardien de R’lyeh (Mizu no
moribito) dans la baie de Yokohama.
1892 : tentative d’assassinat sur Sir Fusanosuke
Hitachi. Blessé gravement, il se retire dans son
hôtel particulier à Yokohama, gardé par ses plus
fidèles alliés et une impressionnante protection
magique. Après avoir accusé la faction anti-
Occident de la Société du Chrysanthème, le
bureau de l’organisation se rend compte que
Fusanosuke a été la cible de la famille Yoshida.
Une lutte d’influence commence entre les deux
organisations.
1895 : ralliée à l’organisation secrète de l’Océan
Noir, l’armée japonaise s’en prend à la Corée en
assassinant la reine coréenne.
1901 : création de la société secrète du Dragon
Noir (Kokuryukai) par Ushida Ryōhei.
1917 : premier sous-marin intégrant
la technologie des Mi-go de Yuggoth, le
Bakemono. Ce sera un échec, l’appareil
disparaissant lors de sa première sortie
(voir Recueil de kaidan, scénario « Alone
in the Dark »). Fin de la coopération avec
ces derniers.
1919 : bombardement de l’île de Yamatai et
de la mine des Yuggoths par l’armée impériale
japonaise lors d’une action secrète.
1920 : incident de Nikolaïevsk : des recherches
occultes de l’Académie impériale des arts et
traditions populaires sont interrompues par la
destruction de la ville par des forces armées
bolcheviques qui avaient eu vent des enjeux
ésotériques de l’expérience.
Nicholas Roerich, un explorateur russe, atteint
Shamballah (voir La Voie du Sensei, p. 31).
Disparition du clan Fuyumi avec la mort
de son dernier daimyo. Il ne reste plus que
sept membres dispersés à travers le pays.
73
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Présentation de
l’intrigue principale
Lors des dernières décennies du XIXe siècle, la
plupart des acteurs occultes ont un lien plus
ou moins distant avec la nouvelle Académie
impériale des arts et traditions populaires.
Les agents de cette dernière sont au cœur des
plus grandes intrigues de la période.
Les grands travaux
de l’Académie impériale
des arts et traditions
populaires
Lorsque le nouveau gouvernement se met au
travail vers 1869, la plupart des dirigeants sont
au fait des événements occultes sévissant sur
l’Archipel. Ils sont source d’inquiétude pour
des dirigeants déjà fort occupés à réformer et
moderniser la société japonaise. Ne pouvant
plus laisser cette mission à des organisations
datant de l’ère précédente, comme la garde
de l’empereur à Kyoto ou le clan Fuyumi,
une nouvelle institution est créée afin de
coordonner tous les agents de l’occulte.
L’Académie impériale des arts et traditions
populaires naît en 1875.
La découverte de Yamatai
Si dans ses premières années cette organisation
se contente de collecter toutes les informations
possibles pour rationaliser les connaissances
occultes, elle découvre en 1881 une situation
si particulière qu’elle changea pour toujours
l’Académie. Sur une petite île située au nord-
ouest d’Honshu, Yamatai, un académicien,
découvre une colonie de créatures qui
n’appartiennent pas à cette terre. Les villages
de pêcheurs de l’île, bien que loquaces, sont
réticents à mener toute action ayant un rapport
direct avec ces êtres. L’agent découvre par lui-
même l’existence de ces êtres intelligents à
l’allure vaguement insectoïde et s’échappe de
leurs griffes de justesse. Lorsqu’un contingent
de l’armée l’accompagne pour éradiquer
cette colonie, les pertes des deux côtés sont
importantes. Mais avec l’arrivée de renforts, les
insectoïdes sont poussés au bord de l’extinction.
C’est alors qu’ils établirent une communication
avec leurs agresseurs au travers des villageois
qui semblaient sous leur contrôle.
Dans un premier temps, seuls des émissaires de
l’Académie, toujours sous bonne garde militaire,
74
communiquent avec eux afin de comprendre
qui ils étaient. Mais bien qu’ils parlent la
même langue, au travers d’un villageois servant
d’interface, le vocabulaire et les notions que
chacun véhicule restent trop étrangères pour
être comprises.
En 1885, un académicien du nom de Toshigiwa
réussit à établir une conversation suffisante
pour comprendre que ces êtres viennent
d’une autre terre nommée Yuguof et qu’ils
ne cherchent pas à envahir l’Archipel, mais
recherchent des matières premières pour
leur industrie. Après avoir été consulté sur
l’affaire, le gouvernement accepte d’établir un
accord avec ces créatures sous la double tutelle
de l’Académie et du ministère des Armées.
L’objectif est clair : obtenir une technologie
militaire afin de pouvoir dominer l’Asie. Le
prix à payer est élevé, beaucoup de matériaux
dont le Japon ne disposait qu’en petite quantité
comme certains minerais rares et des hommes
en guise d’esclaves, rapidement asservis
par leur vile technologie. Le gouvernement
choisit des personnes rejetées de la société,
des criminels, des Aïnous et plus tard des
prisonniers chinois et coréens.
Une étrange alliance
Lors de cette coopération, les armées japonaises
obtinrent peu de choses : une arme équivalente
à une arme à feu, mais dont le mécanisme fut
trop étranger pour être véritablement utilisé,
et un traducteur japonais/yuggoth basé sur un
cerveau humain.
Au cours des années 1890, plusieurs fuites
d’informations sur cet accord sont publiées
dans des revues tokyoïtes forçant chaque fois
l’Académie et les services spéciaux de l’armée
à retrouver les taupes et neutraliser la menace,
en emprisonnant, voire en exécutant les
journalistes mis au courant.
Le clou de cette alliance fut un projet de
grande envergure entre 1902 et 1917 : la
création d’une nouvelle propulsion pour
navire à partir de la technologie yuggoth
qui n’utilise ni le charbon ni le pétrole. Un
sous-marin expérimental, le Bakemono, est
conçu et mis à l’eau en 1917 pour un voyage
test de plusieurs mois. L’équipage est trié sur
le volet et la maintenance de la propulsion
confiée à un Yuggoth. Malheureusement une
série d’événements tragiques transforment
l’expérience en désastre laissant peu de
survivants (voir Recueil de kaidan, scénario
« Alone in the Dark »).
En conséquence de ce désastre, les Yuggoths, Une fois réincarnée, et afin d’obtenir le

Les secrets
furieux d’avoir perdu un des leurs, refusent pouvoir tant désiré, Mayuri Ito décide de se
de continuer la collaboration. De son côté, le montrer plus subtile que la première fois. Point
ministère des Armées commence à penser qu’il d’invocation de son dieu maléfique. Elle opte
n’a plus besoin de ces créatures répugnantes. En pour un plan sur le long terme, en infiltrant
1919, après treize mois sans contact, la marine la société japonaise pour construire un petit
et l’armée japonaises envahissent l’île, pillent empire. Mayuri Ito n’est pas à l’ère Meiji un
les installations yuggoths et rasent le site. Les personnage de premier plan. Jamais elle ne
Yuggoths sont tous exterminés. s’implique, mais use de ses charmes pour se
constituer une cour de prétendants qui lui sert
Au début de l’ère Taishō, les lourds secrets
de main-d’œuvre et de combustible pour son
de la colonie extraterrestre et des projets
prochain cocon de chair.
de l’armée scellent le destin de l’Académie.
Progressivement, elle est démantelée pour éviter
qu’un jour la population apprenne le terrible
pacte qu’avait contracté le gouvernement.
Les prémices d’un empire tentaculaire
En 1890, Mayuri Ito se fait passer pour
l’épouse du ministre des postes
Mayuri Ito du gouvernement. Elle
participe aux soirées
Mayuri Ito était la femme d’un petit daimyo mondaines des femmes
de l’époque d’Edo. Elle découvrit grâce à des occidentalisées et côtoie
marchands néerlandais le Mythe et se mit à les puissants. Elle cherche
l’étudier afin d’obtenir le pouvoir que son mari parmi eux les personnalités
ne pouvait lui donner. Alors qu’elle tentait les plus vulnérables et
d’invoquer un avatar de son nouveau dieu, elle entame un long processus
fut mise en échec par un groupe de samouraïs d’asservissement, usant de
qui la tuèrent et arrêtèrent le rituel. Mais dans ses charmes, puis une fois
un ultime mouvement, elle scinda son âme en devenue leur maîtresse,
douze fragments qu’elle implanta dans celles de de sa magie immonde
ses bourreaux. pour en faire des esclaves
Juste avant le début de l’ère Meiji, le fragment totalement à sa botte. Elle
le plus important réussit à prendre le contrôle a ainsi créé une demi-
de son hôte. L’ayant petit à petit usé au fil des douzaine de cellules de
années et profitant de sa vieillesse, Mayuri repris son culte à Hastur,
conscience dans le corps d’un vieillard. Elle essentiellement à
utilise alors ce qu’il lui restait de fortune pour Tokyo et dans sa
poursuivre son apprentissage de la sorcellerie et région. Si cela
finit par transférer son fragment d’âme dans le peut paraître
corps du fils de son hôte. Mais n’ayant pas accès très efficace, les
à toute son essence, son pouvoir restait faible et résultats sont
si elle n’était pas assez discrète, elle pouvait se pour le moment
faire exorciser même par un prêtre shintô sans assez succincts. Ito
grande envergure. a découvert qu’elle
n’était pas la seule à
En 1874, Mayuri Ito retrouve dix de ses jouer à ce niveau et
fragments et en les réunissant (toujours en elle doit absolument
causant la mort de ses hôtes), elle atteint un éviter de se faire
niveau de puissance suffisant pour tenter une repérer par
réincarnation. En 1876, elle accomplit pour la d’autres forces
première fois le rituel du cocon de chair pour se occultes tant
régénérer et apparut dès lors comme une jeune que sa puissance
femme à la beauté ravageuse, mais au regard un n’est pas établie.
peu vide. Les deux fragments perdus lui ôtaient Au cours de ces
toute chance de retrouver l’intégralité de ses soirées, elle entend
souvenirs et une partie de sa psyché. Ainsi, elle parler de l’Académie
n’éprouve plus de sentiments comme la pitié et impériale des arts et
reste focalisée sur les émotions éprouvées lors traditions populaires et
de sa mort physique, la haine et l’adoration de décide de l’infiltrer. C’est grâce
son dieu, Hastur.

75
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 à cette organisation qu’elle prend conscience du
potentiel occulte de l’Archipel et approfondit
ses connaissances déjà importantes.
À la fin de l’ère Meiji, Mayuri Ito a la mainmise
sur une petite zaibatsu en pleine croissance
grâce à ses « contacts » dans le gouvernement et
l’asservissement de trois capitaines d’industrie.
Elle peut passer à l’étape suivante, accroître
sa puissance ésotérique. Elle a d’ailleurs
commencé à se pencher sur le cas des sources
de Ki découvertes par l’Académie impériale.
Elle pense en faire sa prochaine cible.
l’industrie. Pour y parvenir, elles ont besoin
d’un maximum de ressources pécuniaires et
d’identifier les sites des quarante-sept sources.
Dans ce but, les Fortunes accumulent les
renseignements sur les organisations occultes,
voire se rapprochent de certaines. À travers
elles, les Fortunes espèrent accélérer la phase
de recherche des sources. La deuxième étape
du grand plan sera alors terminée et malgré
les vicissitudes de l’époque suivante, les Quatre
Fortunes vont entamer la troisième étape,
cruciale pour arriver à concrétiser le plan de
Nyarlathotep s’étalant sur quatre siècles.

Le grand plan
des Quatre Fortunes
Lorsque le Traqueur Infernal, l’avatar de
Légende urbaine
Nyarlathotep, a recruté quatre personnages
au début de l’époque d’Edo, il leur a confié Dans la ville de Kyoto, on raconte
à chacun une tâche. La première étape de qu’il existe une ruelle capable
son grand plan en cette époque déclinante d’emprisonner les hommes à
fut de créer des groupes d’influence tout en jamais. Cela aurait pu rester l’un
se préservant des puissants qui auraient pu des nombreux contes folkloriques
mettre un terme à leurs activités. Alors que de l’Archipel si les forces de police
l’époque d’Edo touchait à sa fin dans les n’avaient pas à régulièrement chasser
années 1840-1850, les Quatre Fortunes, le des hordes de désœuvrés cherchant de
nom de ce groupuscule, avaient toutes atteint manière obsessionnelle une rue qui les
leur objectif. Chacune de ces « familles » « appelle ». Face à ce fléau qui donnait
était une organisation semblable aux yakuzas, une mauvaise image de l’ancienne
structurée et solidement établie dans une des capitale, les autorités ont rasé le vieux
grandes villes de l’Archipel (Osaka, Kyoto, quartier et construit les premiers
Edo et Nagasaki). Leurs activités oscillaient bâtiments en pierre à l’occidentale.
entre une vitrine légale (définie en fonction Pour soigner ces malheureux fous qui
de l’occupation du fondateur), quelques continuaient d’errer dans cette partie
trafics mafieux et la mise en place d’un réseau de la ville, un hôpital a été construit.
d’agents infiltrés et de contacts liés aux À l’aube du XXe siècle, ce mal étrange
familles par le chantage. semble être endigué.
Avec la modernisation du pays et la quinzième
génération de dirigeants, le grand plan prit une
inflexion. Le Traqueur Infernal vint visiter en
personne chacun des héritiers et héritières et
leur annonça leur ordre de mission tout en leur
confiant une partie de son pouvoir. L’un d’entre
eux, le descendant de Matsuda, ne croyant
pas les dires de son père, voulu prouver que
le Traqueur n’était qu’une imposture. Tandis
qu’un nouveau successeur prenait la tête de
la famille, chacune des trois autres Fortunes
reçut un présent sous la forme d’un morceau
de peau et de chair qui gémissait péniblement
tout en prononçant le nom de Matsuda comme
une litanie. Ce signe suffit à assurer la fidélité
des Fortunes suivantes pour des décennies.
L’objectif des Quatre Fortunes est de mettre
la main sur un maximum de sources de Ki
afin de les souiller avec leur nouvelle arme :

76

Les organisations occultes
à l’ère Meiji
Durant cette période, les organisations
secrètes s’adaptent tout comme la société
japonaise à l’occidentalisation du pays.
Des nouvelles influences occultes telle la
société du Chrysanthème vont rapidement
émerger et prospérer tandis que d’autres plus
traditionnelles vont s’éteindre.
Les statistiques Action, Connaissances,
Ressources et Magie des groupuscules sont
différentes de celles de La Voie du Sensei.
En effet, leur influence, leur taille et leur
fonctionnement diffèrent d’une ère à l’autre.
L’École de l’Œil unique
(Hitotsu no me ha)
(Voir La Voie du Sensei, p. 119)
Action : 1
Connaissances : 4
Ressources : 1
Magie : 4
Si au cours des siècles l’École n’a jamais été une
force occulte importante, elle a eu son heure de
gloire à l’époque de Heian. Mais ce temps est
révolu et ce groupe d’illuminés affiliés au chaos
primordial, Azathoth, n’est plus qu’une ombre
de ce qu’il a été. Seuls quelques membres isolés
errent dans les campagnes les plus reculées. Leur
influence est proche de zéro et ils recrutent de
plus en plus difficilement de nouveaux membres
car le bouddhisme, la religion qui leur sert de
façade, n’est plus à la mode depuis la création
du shintoïsme d’État.
Effectifs
Entre 1850 et 1890, dix-sept moines sont
affiliés à l’École de l’Œil unique. Mais dans
la décennie qui suit, ce nombre passe à huit
avec la mort des plus anciens. Durant la
révolution de Meiji, les disciples de l’Œil de la
Vérité (Shinri no me, Azathoth) passent pour
des mendiants, voire des déments avec leur
scarification sur le front représentant un œil
ouvert et leurs vieux kimonos jadis blancs
en lambeaux et rapiécés. Ils ont souvent été
arrêtés, incarcérés, voire internés dans des
camps pour la plupart d’entre eux
Dramatis personae
Les secrets
L’École de l’Œil unique n’est pas connue pour
sa hiérarchie rigide. Néanmoins, un des
moines est reconnu par les autres comme
étant le plus Illuminé en atteignant le concept
d’Azathoth (Azatosu no gainen), c’est-à-dire
qu’il a survécu à une vision assez précise de
l’avatar d’Azathoth.
Le grand illuminé de l’ère Meiji est Sadako,
un vieux moine incapable de bouger, mais
qui a pourtant la capacité d’apparaître là où
il le veut. Il meurt en 1889 et pour le reste
de la période aucun autre moine ne peut
prétendre à ce rang.
Les rites
Les Cercles d’introspection
Avec le temps, les moines, dans leurs périodes
de lucidité, ont mis au point un rite aidant les
novices à atteindre l’Œil de la Vérité. Il s’agit
d’entrer dans une longue transe au milieu
d’un cercle de personnes chantant des mudras
hypnotiques. Ce rituel éprouve les limites
physiques du moine car il n’est pas rare qu’une
dizaine d’heures soient nécessaires pour espérer
apercevoir Azathoth et être changé à jamais.
Cette cérémonie est toujours publique et
référencée par l’Académie impériale des arts et
traditions populaires comme issue du folklore
du nord-ouest de l’île d’Honshu.
Himitsu bako
Lorsqu’un disciple perce son mécanisme,
l’Œil omniscient s’ouvre à lui. S’il en est digne,
l’illumination le touche pour permettre à
son âme d’atteindre l’Azatosu no teishin
(cour démoniaque d’Azathoth). Les indignes
voient leur âme annihilée. Les corps sans âme
deviennent des sortes de gaki (goules, voir La
Voie du Sensei, p. 175) au service de la cour.
Lieux de rencontre
Il n’existe qu’un lieu pour ce culte, un vieux
monastère décrépit situé dans la préfecture
de Miyagi au nord de l’île d’Honshu. N’ayant
aucun fidèle régulier en dehors des moines,
il n’est pas entretenu, mais reste toléré par
la population et les autorités au nom des
traditions. Fidèles aux premiers enseignements
de l’École de l’Œil unique, dix des dix-sept
moines sont gyrovagues, c’est-à-dire qu’ils
errent le long des routes.
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 Interactions avec les autres organisations
L’École de l’Œil unique n’entretient aucun
rapport régulier, hostile ou bienveillant
avec les autres factions occultes. Si jamais
un de ses membres rencontre des personnes
éveillées (possédant un Ki important comme
beaucoup de membres des organisations
secrètes), il tentera par tous les moyens de
les convertir à son culte. Au-delà de cela, les
moines sont trop peu nombreux pour avoir
une quelconque influence.
Il existe une exception : lorsqu’un moine de
l’École de l’Œil unique croise le chemin d’un
moine du monastère de la Contemplation
endormie, la haine ancestrale qui les oppose
s’empare d’eux et ils se livrent à un affrontement
sans limite. Heureusement pour les Japonais, ce
genre de rencontre est très rare.
Le monastère de la
contemplation endormie
(Bukkyo kansho shudoin
no soritsu)
(Voir La Voie du Sensei, p. 132)
Effectif
En 1861, avec l’accession au pouvoir du
nouveau Frère supérieur, on dénombrait 28
moines dont dix parcouraient les routes de l’île
d’Honshu. En 1890, ce nombre est tombé à 15
moines dont seulement trois sont sur les routes.
Jusqu’en 1915, ce nombre restera constant avant
de chuter encore au moment de l’ère Taisho.
- Le Frère supérieur, un haut rêveur dirige le
monastère. Il génère une aura mystérieuse
ressentie la nuit. Ce bouclier mystique le
rend invisible des forces malintentionnées.
Il officie aussi en tant que Gardien de
la souillure qui surveille les artefacts et les
entités emprisonnées.
- L’Archiviste d’Eternité est la mémoire du
savoir dans cette enceinte sacrée.
- 2 Priants qui se relaient en continu pour
réciter de sûtras ou de chants (mantra,
psalmodie, chant de gorge, etc.) avec des
accompagnements percussifs. A l’ère Meiji,
la caste des Rêveurs du Frère supérieur
permettant de maintenir la purification du
monastère, ont disparu.

Action : 1
Connaissances : 4
Ressources : 2
Magie : 5

Le monastère est une organisation mystique

qui a pour but de conserver des objets ou
des entités emprisonnées afin de protéger la
population. D’obédience bouddhiste, il est
situé dans les montagnes à l’est de Tokyo,
à environ une semaine à pied (le chemin
de fer s’arrête bien avant la vallée abritant
le monastère). Bien que peu nombreux, les
moines de la Contemplation endormie sont
des experts dans la compréhension du Ki et
de toutes ses applications.
Autrefois connu à travers tout le pays,
le monastère attirait chaque année des
volontaires pour le noviciat. Depuis les
années 1850, ce flot de sang neuf s’est tari et
le monastère est presque tombé dans l’oubli,
sauf pour la population locale. Avec la mise
en place du shintoïsme d’État, les temps sont
encore plus durs et le nombre de moines se
réduit chaque année.

78
- 10 gyrovagues (3 à la fin de la période)
parcourent l’archipel pour chercher les
endroits marqués par l’occulte.
-Une dizaine de moines impliqués dans la
pratique ancestrale du Bukkyo kansho
shudoin no soritsu garde le monastère. Ce
nombre tombe à 7 en fin de période.
-Le Maitre de la plume et de la fleur de prunier
(responsable de la garde du monastère).
Dramatis personae
Udo
Le Frère supérieur est un moine aguerri
d’une soixantaine d’années. Il a conscience
du déclin inexorable de son monastère
et cherche un moyen de garantir après
sa mort l’intégrité de la grande salle de
confinement, un lieu mystique qui renferme
quelques artefacts maléfiques que l’homme
n’a pas su détruire.
NC 4
FOR +1 DEX +1 CON +2
INT +3 PER +2 CHA +2
DÉF 11 PV 29 Init 11
Voie de la protection rang 4
Takahashi
Le responsable de la garde du monastère
est un moine de 43 ans (en 1890). Il est le
sensei de l’école d’arts martiaux du monastère
qui combine le tai-chi et l’utilisation de la
naginata. Froid et dur dans ses rapports
avec les autres, il n’en respecte pas moins les
fondements de sa religion avec zèle.
NC 5
FOR +3 DEX +2 CON +1
INT +2 PER +3 CHA +1
DÉF 12 PV 33 Init 12
Naginata +8 DM 1d10 + 3
Voie de la naginata rang 3
Volonté inébranlable : Takahashi gagne
un bonus de +5 à tous ses tests pour
résister aux tentatives d’intimidation ou
de manipulation.
Les secrets
Sumochi
Ce moine est celui que les Eiyu ont le plus de
chances de rencontrer. Agé de 27 ans en 1890,
c’est un homme enjoué qui parcourt les routes
de campagne pour rencontrer les villageois et
éventuellement les aider face à une menace
occulte. Il évite soigneusement les villes et
leur industrie qu’il déteste. D’un abord facile,
Sumochi n’hésite pas à assister quiconque
veut affronter les forces obscures.
NC 3
FOR +1 DEX +1 CON +2
INT +3 PER +2 CHA +2
DÉF 11 PV 23 Init 11
ATM +6 PM 20
Bō +4 DM 1d6 + 1
Voie de la divination rang 3
Soins légers (L) (2PM) : une cible touchée (y
compris Sumochi lui-même) récupère 1d8 +
3 PV perdus.
Les rites
En plus de tous les rites bouddhistes classiques,
les moines de la Contemplation endormie
pratiquent deux autres rituels spécifiques à
leur tâche.
Dégagement du tama noir
Le monastère est connu depuis des décennies
pour exorciser les gens possédés. Les moines
pratiquent un rituel de purification où le
possédé doit parvenir à sortir seul d’une pièce
où la clef est dissimulée sous un globe métallique
brûlant ceux dont le Ki est impur. Ce rituel, s’il
est efficace, est mortel pour le possédé s’il ne
dispose pas d’une force de volonté conséquente.
La Vérité par-delà les nuages
Lorsqu’un nouveau moine est intronisé dans
le monastère, il doit se purifier pendant une
journée puis gravir les marches menant au
dernier étage de l’inquiétante tour trônant
au milieu du monastère. Là, à travers la
méditation, il effectue un voyage qui lui révèle
une grande partie des choses cachées dans
l’univers. Il n’est pas rare qu’une fois revenu, il
soit si secoué que les autres moines l’enferment
dans sa cellule jusqu’à ce que sa raison
revienne. Cela peut prendre plusieurs années
si le traumatisme est trop intense.
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 Lieux de rencontre
Le monastère de l’île d’Honshu est le seul lieu
revendiqué par l’organisation. À cette époque,
il est encore bien entretenu et se trouve en haut
d’une crête à pic jusque vers des rivières de
montagne loin en contrebas. Il est composé de
quatre bâtiments en pierre datant des débuts de
l’organisation, le tout entouré d’une palissade
de bois peint qui donne sur l’unique chemin
de crête menant au monastère. Le bâtiment
le plus important est la tour de Bouddha, une
pagode haute de presque trente mètres où trône
une statue en bois d’un Bouddha rayonnant.
Il renferme la chambre de purification et la
salle de confinement, véritable cache au trésor
d’objets très souvent maléfiques.
Interactions avec les autres organisations
Le monastère de la Contemplation endormie
est peu impliqué dans les affaires occultes de la
société de Meiji. Son ennemi juré est l’École de
l’Œil unique et à chacune de leurs rencontres,
le sang a coulé. Mais les faibles effectifs de la
Contemplation endormie font que ces duels
sont extrêmement rares.
La seule autre organisation avec laquelle
le monastère entretient des relations est
l’Académie impériale des arts et traditions
populaires. Les académiciens découvrent
le monastère vers 1881. Leurs archives
contiennent leurs carnets de notes et les
entretiens avec les moines. Ils connaissent
l’existence de la salle de confinement et tentent
depuis d’y accéder, essuyant toujours un refus
du frère Udo. Les académiciens ont essayé la
menace, mais les moines donneraient leur vie
pour protéger ces trésors. Aussi l’Académie
essaie-t-elle régulièrement d’obtenir des faveurs
pour entrevoir les secrets cachés, mais sans
aucun résultat jusqu’à présent.
80
Les Implantés
(Homonsha)
(Voir La Voie du Sensei, p. 129)
Action : 4
Connaissances : 3
Ressources : 4
Magie : 5
Comme depuis le commencement de cet
ordre mystérieux, les Implantés poursuivent
leur propre agenda nimbé de ténèbres
et de mystères. Sans jamais connaître
véritablement leur but commun et la volonté
du père fondateur, chacun des élus poursuit
ses propres recherches et se met au service
de l’ordre si besoin est. Recrutés dans toutes
les organisations occultes et toutes les strates
influentes de la société, ils sont toujours
présents, mais invisibles. Leur implication
directe est extrêmement rare, et il faudra
attendre le grand tremblement de terre de
1923 pour qu’ils se mettent en avant.
Effectifs
Paradoxalement à leur implication, les
Implantés sont assez nombreux pour
figurer parmi les organisations les plus
importantes en taille. On dénombre en 1890
pratiquement 800 Implantés et ce nombre
augmente très peu au cours des décennies
suivantes. Le fait d’atteindre une forme de
vie éternelle explique ces effectifs et bien
peu sont ceux qui sont rattrapés par les
suivants d’Enma. Parmi ces 798 Implantés,
93 sont d’origine étrangère à l’Archipel dont
pas moins de 41 Occidentaux.
Leur père fondateur
Depuis presque 500 ans, Uchida Chikanori
dort dans son gensō dans le sanctuaire des
Âmes vagabondes (Samayotamashi no seiiki).
Il attend la Grande Révélation, selon ses dires.
En son absence, la cour surveille les actions de
ses membres.
La cour
L’identité de ses membres est tenue secrète.
Lors de leur réunion annuelle à Kyoto, ceux-ci
portent un sokutai de soie blanche. Leur tête est
couverte par un chapeau traditionnel, fait de
bambou. De longues bandes de soie verticales
y sont attachées sur tout son pourtour pour
masquer le visage.
La cour est composée de cinq membres. Quatre
sont affiliés aux îles principales constituant le
Japon et un à l’ouest (continent et Occident).
Les guerres qui déchiraient les Implantés depuis
300 ans ont cessé. Les partisans du sommeil
d’Uchida Chikanori ont pris la direction de
la cour, servant leurs propres désirs et leurs
intérêts personnels.
Dramatis personae
Théoriquement, aucun membre n’a plus
d’autorité que les autres si ce n’est le fondateur
qui possède un rang moral supérieur. Toutefois,
bien que leurs relations soient souvent très
lâches, il existe une compétition entre certains
membres autour de leur puissance séculière ou
leur maîtrise des arts du fondateur.
En 1890, trois figures se détachent parmi
les autres. La première est un Implanté de la
première heure qui a pris au cours des âges le
nom de Vieux saule. C’est sans doute le plus
grand spécialiste du rite du Tensei. Il se fait
passer pour un maître en médecine chinoise
et travaille souvent avec le comptoir des
artisans Nakajima.
Vieux saule
NC 5
FOR +2 DEX +2 CON +3
INT +3 PER +3 CHA +3
DÉF 12 PV 38 Init 12
Mains nues +7 DM 1d4 + 2
Voie de l’ésotérisme rang 4
Voie de la magie de la mort rang 3
La deuxième figure n’est autre que le ministre
de l’industrie du gouvernement, Hitaka
Moritoshi. Implanté depuis le XVIe siècle, il a
utilisé sa fortune pour créer un véritable empire
et surtout un réseau de clients immense.
Hitaka Moritoshi
NC 3
FOR +1 DEX +1 CON +1
INT +2 PER +2 CHA +3
DÉF 11 PV 21 Init 11
Mains nues +4 DM 1d4 + 1
Les secrets
Voie de l’ésotérisme rang 1
Voie des relations rang 3
Enfin un des nouveaux Implantés, le gentleman
Philip Priceless, est un érudit très versé dans
le Mythe. S’il a surtout des connaissances
sur Yog-Sottoth, il est aussi en contact avec
des adorateurs de Nyarlathotep et de Shub-
Niggurath dans et hors de l’Archipel. Cela en
fait un homme particulièrement dangereux.
Philip Priceless
NC 2
FOR +1 DEX +1 CON +3
INT +2 PER +1 CHA +3
DÉF 11 PV 15 Init 11
S&W type 26 +3 DM 1d10
Voie de l’ésotérisme rang 3
Voie des relations rang 2
Les rites
Il n’existe pas de rite particulier à l’ère Meiji,
les Implantés ont donc conservé ceux du
fondateur et s’en contentent. Le seul et unique
rituel qui les caractérise est celui du Tensei
(Transmigration) créé par leur père fondateur
qui leur permet de prendre possession d’un
corps sans mourir et passer par la réincarnation
et le jugement d’Enma.
Lieux de rencontre
Il n’existe qu’un lieu dédié aux Implantés, le
sanctuaire des Âmes vagabondes à Kyoto.
Interactions avec les autres organisations
Comme toujours, les Implantés se font discrets,
mais sont présents dans toutes les organisations
actives de l’époque. Cela leur permet de repérer
de potentiels nouveaux membres et d’avoir une
forme de contrôle sur la situation au Japon.
81
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 La société du dragon noir
(Kokuryūkai)
(Voir La Voie du Sensei, p. 136)
Action : 3
Connaissances : 3
Ressources : 5
Magie : 1
Créée en 1901, cette organisation n’intervient
de fait pas en 1890, mais certains des
membres de l’Océan noir à cette époque
deviendront les fondateurs du Dragon noir
à l’aube du XXe siècle. Dans ses premières
années, le Dragon noir cherche surtout
à s’établir et à se distinguer de son ancien
modèle. Les membres sont donc très actifs
pour se faire connaître et participer à toute
action qui leur donnerait du crédit.
Effectifs
En 1901, la société compte 85 membres. En
1920, elle grimpe à 312 membres et plus de 800
agents (qui n’ont pas toujours conscience de
leur obédience).
Dramatis personae
Uchida Ryohei
Le fondateur de la société du Dragon noir,
charismatique et de bonne famille, a en horreur
le pragmatisme de l’Océan noir. Lors des débuts
de cette société secrète, il recrute des hommes
avec la même sensibilité que lui. Bien qu’assez
âgé en 1901, il arrive à structurer et tenir sa
nouvelle organisation par une politique très
dure, mais perçue comme honorable.
Uchida Ryohei
NC 5
FOR +1 DEX +1 CON +1
INT +3 PER +2 CHA +2
DÉF 11 PV 29 Init 11
Pistolet Nambu +6 DM 2d6
Voie de l’ésotérisme rang 3
Voie de l’autorité rang 4
82
Les rites
N’étant qu’aux balbutiements de l’organisation,
les membres du Dragon noir ont encore à se
construire une liturgie qui les distinguerait de
l’Océan noir.
Lieux de rencontre
C’est à la capitale que les premiers membres du
Dragon noir se retrouvent. Ils ont une maison
au sud-est, près de l’école d’artillerie impériale.
Le caractère militariste de l’organisation en est
d’autant plus renforcé.
Interactions avec les autres organisations
Outre les inévitables tensions avec leur ancien
ordre, l’Océan noir, le Dragon noir n’est pas
très impliqué sur l’échiquier de l’occulte. Il se
tourne dès le départ vers les affaires militaires
du pays. Seul le soutien assez inattendu de
l’Académie impériale des arts et traditions
populaires est à noter. Cette dernière a financé
pendant les cinq premières années de la société
le loyer de leur quartier général ainsi que de
nombreux voyages vers le continent. Mais
Uchida Ryohei est loin de se douter que ce
n’est pas l’Académie qu’il faut remercier, mais
Mayuri Ito qui dans sa logique d’expansion
suit de très près ce nouvel arrivant.
La confrérie de la Porte
de la vérité (Shinri no
tobira Shintodan)
(voir La Voie du Sensei, p. 127)
Action : 2
Connaissances : 4
Ressources : 2
Magie : 5
La confrérie de la Porte de la vérité n’existe
officiellement plus. Puissante au cours des
siècles précédents, elle n’est plus qu’un vestige
du passé. Elle se concentre sur la conservation
des anciennes traditions et pour la majorité
de ses membres, appartenir à la confrérie tient
plus du titre honorifique que de la vocation.
Effectifs
On dénombre cinquante personnes se
qualifiant encore de Gardiens de la Porte
de la vérité (Shinri no tobira no bannin)
en 1890. Tous sont issus des anciennes
familles de samouraïs et sont à présent des
hauts fonctionnaires dans l’administration
impériale. Un seul d’entre eux, Shimagawa
Nobutu a un potentiel énergétique suffisant
pour réaliser avec succès les rites anciens.
Dramatis personae
Shimagawa Nobutu
Le chef désigné par les Gardiens de la Porte de
la vérité est le vénérable Shimagawa Nobutu.
Âgé de presque 90 ans, il a vu le pays sombrer
dans ce qu’il considère comme une lente
décadence. C’est d’ailleurs le seul membre de
la confrérie à ne pas prendre une part active à
la modernisation du pays. C’est aussi le seul à
encore pouvoir pratiquer les anciens rites. Pour
les autres membres, il ne s’agit plus que d’une
tradition pittoresque.
Shimagawa Nobutu
NC 5
FOR +1 DEX +1 CON +1
INT +3 PER +2 CHA +3
DÉF 11 PV 25 Init 11
ATM +7 PM 25
Voie de la protection rang 3
Voie de l’éveil rang 4
Sorts : Barrière à cinq sceaux, Soins légers,
Gravure manuelle du sceau, Paume mystique,
Confusion.
Les rites
Les secrets
Le principal rite qu’utilise la confrérie de la
Porte de la vérité est une variante du rituel de
purification shintô. Il doit être effectué par
au moins trois personnes, une qui canalise
l’énergie à travers des mudras, une qui protège
la lame au clair des entités maléfiques et une
dernière qui récite des passages de la vie des
premiers gardiens.
Si ce rite était autrefois connu pour son
efficacité, il est aujourd’hui pratiqué de manière
festive pour rappeler les traditions d’antan. À
l’époque d’Edo, les Gardiens le pratiquaient
dans les villages de l’Archipel. En 1890, c’est
une cérémonie réservée à l’élite des villes où on
convie parfois des émissaires étrangers.
Lieux de rencontre
La confrérie de la Porte de la vérité n’a jamais
vraiment eu de lieu de résidence particulier.
Mais avec la sécularisation de la fonction, les
membres se retrouvent tous les ans dans la
demeure de Nobutu pour échanger et pratiquer
une série de cérémonies qui n’ont qu’un aspect
traditionnel et non ésotérique.
Interactions avec les autres organisations
Sans réel pouvoir mystique, la confrérie de la
Porte de la vérité n’a plus de relation directe
avec les autres organisations occultes.
83
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 L’Académie impériale Le « bureau »
des arts et traditions
populaires (Nihon Directeur général
teikoku bunka geijutsu Yamada Nitoshi
in) Mystérieux, distant, méthodique.
NC 4
(Voir La Voie du Sensei, p. 134) FOR +1 DEX +1 CON +1
INT +3 PER +2 CHA +3
Action : 3 DÉF 11 PV 26 Init 11
Connaissances : 3 Voie de l’ésotérisme rang 3.
Voie des sciences rang 4.
Ressources : 5
Magie : 2
Directeur de la section Arts
L’Académie est née de la volonté du Hirogumi Saijo
gouvernement de rationaliser l’occulte du Curieux, passionné, inquiétant.
Japon tout comme il modernise le reste du NC 3
pays. Rattachée à la toute jeune université FOR +0 DEX +3 CON +1
de Tokyo, elle se développe doucement INT +2 PER +2 CHA +2
tandis que les politiques attendent un retour DÉF 13 PV 25 Init 13
sur l’investissement public conséquent. Voie des arts profanes rang 3.
La découverte sur l’île de Yamatai prouve
l’importance de l’Académie, mais est aussi
responsable de son déclin. Directeur de la section Traditions
Sazuyi Kanshiro
Fier, observateur, hautain.
Effectifs NC 3
L’Académie est divisée en deux sections. En FOR +1 DEX +1 CON +1
1890, la section Bijutsucha (Arts) compte une INT +2 PER +3 CHA +3
trentaine de personnes et onze académiciens DÉF 11 PV 24 Init 11
de terrain pour la section Dentosha Voie de l’ésotérisme rang 2.
(Traditions). Pour pallier un manque certain Voie des sciences rang 3.
de moyens humains, un académicien en
mission a recours à des réquisitions auprès des
administrations locales afin de se pourvoir Intendant général
en personnel. Que ce soient des forces de Todohashi Tanduri
police, des pompiers, des fonctionnaires des Méprisant, froid, calculateur.
postes ou bien des services communaux, NC 3
ils sont les yeux et les mains de l’Académie.
FOR +1 DEX +0 CON +2
Seule l’armée est en dehors de son influence
INT +3 PER +2 CHA +1
et n’admet pas d’ordre de sa part.
DÉF 10 PV 28 Init 10
Voie des sciences rang 3.
Dramatis personae Voie des relations rang 2.

Yamada Nitoshi, le directeur de l’Académie

en 1890, est âgé d’une quarantaine d’années. Curateur de la réserve impériale
C’est un universitaire de moyen calibre et un Hodo Megumi
excellent administrateur.
Droit, honorable, tempéré.
Il est secondé par le sous-directeur Hirogumi NC 2
Saijo pour la section Bijutsucha et par le FOR +0 DEX +0 CON +1
sous-directeur Sazuyi Kanshiro pour la INT +3 PER +0 CHA +1
section Dentosha. Tous les trois sont au fait de DÉF 10 PV 14 Init 10
l’existence du Mythe et de la plupart des autres Voie de l’ésotérisme rang 1.
acteurs occultes. Voie des sciences rang 3.

84
 Section arts Section Traditions

Les secrets
Un professeur émérite Le responsable des collecteurs
Junshi Tameka Ido Suzumi
Enthousiaste, professionnel, stressé. Psychorigide, paranoïaque, manipulateur.
NC 2 NC 3
FOR +1 DEX +3 CON +1 FOR +1 DEX +1 CON +2
INT +3 PER +0 CHA +2 INT +3 PER +2 CHA +2
DÉF 10 PV 15 Init 10 DÉF 11 PV 21 Init 11
Voie des sciences rang 3. Voie de l’ésotérisme rang 2.
Voie des sciences rang 3.

Un professeur éveillé au Mythe

Norishi Ryū Un collecteur
Fermé, inquisiteur, collectionneur. « Kumi »
NC 3 Inquiétant, bavard, violent.
FOR +1 DEX +1 CON +2 NC 2
INT +3 PER +2 CHA +1 FOR +2 DEX +1 CON +2
DÉF 11 PV 22 Init 11 INT +1 PER +0 CHA +0
Voie de l’ésotérisme rang 1. DÉF 11 PV 17 Init 11
Voie des sciences rang 3. Mains nues +4 DM 1d4 + 2
Voie des sciences rang 1.

Le responsable des transcripteurs

Himano Rei
Maniaque, intransigeant, franc.
NC 3
FOR +1 DEX +3 CON +1
INT +2 PER +0 CHA +2
DÉF 13 PV 21 Init 13
Voie de l’ésotérisme rang 1.
Voie de la calligraphie rang 4.

Un transcripteur : Morishi Nii

Naïf, déterminé, loyal.
NC 2
FOR +0 DEX +2 CON +1
INT +2 PER +0 CHA +1
DÉF 12 PV 14 Init 12
Voie de l’ésotérisme rang 1.
Voie de la calligraphie rang 3.

85
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 Les rites
En tant qu’entité administrative en charge
du surnaturel, l’Académie n’a mis en place
aucun rituel spécifique. S’ils sont parfois de
grands connaisseurs des formes de magie, les
académiciens ne sont pas des praticiens. Fidèles
à l’esprit des Lumières, ils ont souvent délaissé
les vieilles traditions bien qu’ils puissent être
très pratiquants (en dehors des horaires de
travail).
Lieux de rencontre
Les deux bâtiments de l’Académie dans
l’université de Tokyo sont évidemment les
endroits les plus fréquentés par l’organisation.
Il existe depuis 1879 une antenne à Osaka dans
une petite maison du centre-ville.
Interactions avec les autres organisations
L’Académie est officiellement alliée avec le
comptoir Nakajima. Tandis que les premiers
bénéficient de l’expérience et des ressources
ésotériques des seconds, ces derniers apprécient
l’aide administrative que peut fournir
l’Académie.
La jeune institution est en mauvaise relation
avec le monastère de la Contemplation
endormie qui lui refuse l’accès à ses soi-disant
reliques. Une certaine tension règne avec la
société du Chrysanthème qui marche sur ses
plates-bandes, mais reste une organisation
privée.
Enfin la section Dentosha a grandement
bénéficié des compétences prodigieuses d’une
jeune recrue, une certaine Mayuri Ito promise à
un grand avenir selon les membres du bureau…
86
La société du
chrysanthème
(Kiku Dantai)
(Voir La Voie du Sensei, p. 133)
Action : 1
Connaissances : 5
Ressources : 5
Magie : 3
La société du Chrysanthème est fondée en
1880. Aussi est-elle encore très jeune en 1890
et ressemble-t-elle beaucoup aux clubs de
gentlemen de l’Angleterre de l’époque. Les
soirées, réservées aux hommes, sont des dîners
qui traînent en longueur où chacun converse
sur un thème lancé par un des membres.
Inévitablement, en fin de soirée, le sujet abordé
est le monde occulte. Mais il est très rare, et mal
vu, de l’entamer avant une heure avancée. Ce
mode de fonctionnement, impulsé par le premier
sociétaire, a pour but de consolider l’assise de
l’organisation en permettant une meilleure
compréhension des atouts de chacun, dans
le but de financer et protéger la société. Afin
d’accroître les connaissances de ses membres,
elle mène des opérations de séduction envers les
organisations occultes les plus modernes.
Effectifs
La société comptait treize membres lorsqu’elle
fut fondée un soir d’août 1880. Depuis, chacun
de ces fondateurs a eu pour mission de coopter
dix nouveaux membres dans les cinq ans qui
ont suivi. Depuis, le rythme s’est ralenti, mais
la société accepte en moyenne entre trois et
huit membres par an. En 1890, elle compte
165 sociétaires et emploie sur ses ressources Tantō +4 DM 1d6 + 1

Les secrets
propres environ 200 personnes (domestiques, Voie des relations rang 3.
bibliothécaires et négociants en livres
essentiellement).

Kagamiko Kaneko
Dramatis personae
Cette dilettante d’une vingtaine d’années
Cette société secrète se développe énormément intègre contre toute attente la société du
dans les cercles d’influence et voit son pouvoir Chrysanthème en 1888. Magnifique créature à
grandir durant l’ère Meiji. la chevelure évanescente noire, elle est la seule
femme à avoir intégré ce club patriarcal très
Sir Fusanosuke Hitachi fermé. En peu de temps, elle a su faire taire
L’actuel premier sociétaire n’est autre que avec sa douceur toute fronde et mouvement
l’homme à l’origine de l’organisation. Riche contestataire machiste à son encontre. En deux
industriel de la première heure, Fusanosuke ans, elle est même devenue un membre très
Hitachi a fait des études d’ingénieur à influent et l’instigatrice de la plupart des rites
Londres, mais s’est surtout pris de passion occultes. Une grande zone de mystère entoure
pour l’occultisme occidental. Une mésaventure Kaneko. Dans les archives civiles, ses ascendants
avec ses compagnons de l’époque l’amena à ont tous un physique similaire et cette éternelle
se confronter aux forces du Mythe en Écosse. moue juvénile et délicate. Personne ne sait d’où
Passablement traumatisé par cette expérience, il proviennent sa richesse et son influence. Une
est revenu au Japon dans l’idée de se renseigner rumeur affirme que son regard aurait hypnotisé
sur ce Mythe et de trouver des moyens de le Sir Fusanosuke Hitachi pour son intronisation
combattre, comme il l’avait fait en Écosse. dans la société du Chrysanthème et depuis
bien d’autres membres lui vouent
une certaine fascination. Kaneko
Sir Fusanosuke Hitachi est une femme maligne qui
NC 5 divise pour mieux régner.
Elle insuffle des tensions
FOR +1 DEX +2 CON +1
entre les membres
INT +3 PER +2 CHA +2 au sein du club et se
DÉF 12 PV 32 Init 12 rapproche rapidement
Pistolet Nambu +6 DM 2d6 de Murakami Genryu
en qui elle voit un
Voie de l’ésotérisme rang 2.
grand avenir.
Voie des relations rang 3.
Kagamiko Kaneko est
en fait Tamamo no Mae,
un des yokai les plus
dangereux et puissants.
Momichuri Eizō Elle est considérée comme
Fils de samouraï, cet homme de lettres a eu faisant partie des Nihon san
un poste à la nouvelle université de Tokyo, dai aku yokai (les trois yokai
mais après deux ans d’exercice, il est parti les plus démoniaques et
dans un tout autre domaine. Profitant des dangereux du Japon
relations de sa famille dans la préfecture de avec Shuten Doji et
Nagano, Momichuri Eizō a fait fortune dans Sutaku Tenno). Ce
l’exploitation minière. Grâce à cet argent, il s’est célèbre kitsune est
mis en tête de retrouver et d’acheter tous les un renard à neuf
rouleaux des Révélations de Celui Qui Ne Doit queues.
Pas Être Réveillé. En 1890 il en a déjà trois. Ses capacités
magiques sont
associées à
Momichuri Eizō sa soif de
NC 3 pouvoir et à
sa perfidie.
FOR +1 DEX +1 CON +0
INT +3 PER +1 CHA +3
DÉF 11 PV 20 Init 11

87
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 Kagamiko Kaneko
NC 18 Taille grand
FOR +5 DEX +6 CON +4
INT +5 PER +5 CHA +7
DÉF 20 PV 95 Init 17
Emotion envie Ki -2
Griffes +18 DM 1d8 + 5
Morsure +18 DM 2d8 + 5
Queue +18 DM 1d6 + 5
Terrifiant : l’aspect de Kagamiko Kaneko
demande un test de Volonté difficulté 15
(2 PS) la première fois qu’un personnage la
voit sous sa vraie forme.
Action multiple : Kagamiko Kaneko gagne
une action de mouvement en action gratuite
par tour.
Discrète : Kagamiko Kaneko augmente de
5 la difficulté des tests de PER destinés à la
repérer.
Fascination (L) : en réussissant un test de
CHA opposée à la Volonté de sa cible (CHA
pour un yokai), Kagamiko Kaneko la rend
Étourdie pendant un tour.
Contrôle total du climat (L) : Kagamiko
Kaneko façonne la météo selon son bon vouloir.
Immunités : la RD de yokai de Kagamiko
Tamamo no Mae
Apparue en Chine, Tamamo no Mae
émigre au Japon à l’époque de Heian après
avoir tenté de tuer l’empereur de Chine.
Elle prit le temps de se faufiler dans les
hautes sphères du pouvoir japonais avant
d’épouser l’empereur Toba. Elle tente alors
de le tuer, mais se fait interrompre et
démasquer par l’onmyōji Abe no Yasunari.
Elle meurt pourchassée par les guerriers
envoyés par l’empereur.
88
Kaneko est de 5. Elle est immunisée contre les
états Immobilisé, Renversé, Étourdi et Affaibli
sauf par la magie.
Résistance magique : la difficulté des sorts
dirigés contre Kagamiko Kaneko augmente
de +5.
Souffle de feu (L) : Kagamiko Kaneko peut
infliger 3d6 de DM de feu à une cible jusqu’à
30 mètres.
Sorts : Kagamiko Kaneko a accès à tous les
sorts mineurs de rangs 1, 2 et 3. Elle peut en
activer un avec une action de mouvement.
Créer des illusions (L) : Kagamiko Kaneko
crée une illusion visuelle et sonore immobile
d’une durée de 10 minutes (ou tours si l’illusion
est animée). Le volume maximum de l’illusion
est un cube de 10 mètres de côté apparaissant
au maximum à 500 mètres. Divisez ces
paramètres par 10 si l’illusion est animée.
Interagir avec l’illusion la fait disparaître.
Coup de queue : si Kagamiko Kaneko obtient
un score de 15-20 sur une attaque de queue, la
cible est repoussée à 20 mètres et doit réussir
un test de DEX difficulté 15 ou se retrouver
Renversée.
Coup brutal : Kagamiko Kaneko ajoute +1d8
de DM si elle frappe une cible surprise.
Enchaînement (L) : Kagamiko Kaneko peut
effectuer deux attaques. La deuxième se fait
au d12.
Les légendes racontent que l’esprit de
Tamamo no Mae est ancré dans un rocher
tuant toute personne le touchant. Elle est
libéré par Mayuri Ito fin des années 1870.
Depuis, la yokai participe aux plans de la
servante d’Hastur tout en remplissant ses
objectifs personnels : se nourrir de Ki et
répandre le chaos.
Murakami Genryu
Ce jeune bureaucrate de 25 ans travaillant
au ministère de la marine est proche de Sir
Fusanosuke Hitachi. On peut considérer qu’il
est son disciple le plus fidèle, un conservateur
des traditions ancestrales et des dogmes de
son maître.
Murakami Genryu
NC 2
FOR +0 DEX +1 CON +1
INT +2 PER +0 CHA +1
DÉF 11 PV 15 Init 11
Sayamoto Ginata
Cet étudiant de 22 ans en philosophie allemande
montre des signes de frondes avec quelques
individus à l’encontre de l’orientation de la
société du Chrysanthème et de Sir Fusanosuke
Hitachi. Sayamoto Ginata est partisan d’une
« guerre sainte » (seisen) du Japon contre la
Chine et l’Occident. Il considère l’étranger
comme un kichiku (bête), un être inférieur
qui ne peut qu’être méprisé. Pour lui, le peuple
japonais est génétiquement supérieur.
Sayamoto Ginata
NC 1
FOR +1 DEX +0 CON +0
INT +1 PER +0 CHA +2
DÉF 10 PV 8 Init 10
Kamemaru Arada
Ce bibliothécaire de Tokyo gère la collection
privée d’ouvrages occultes du club. Méticuleux,
maniéré, il est convaincu d’être la personne
la plus intelligente au monde et croit qu’il
n’aura de véritable « successeur » que dans des
centaines d’années. Cherchant perpétuellement
à exposer sa supériorité intellectuelle, il se
montre souvent agaçant.
Les secrets
Kamemaru Arada
NC 3
FOR +1 DEX +2 CON +0
INT +2 PER +1 CHA +0
DÉF 12 PV 18 Init 12
Voie de l’ésotérisme rang 1.
Mitsubishi Aroru
Cet agent de la société chargé de trouver des
livres occultes est quelqu’un qui n’a aucun
respect pour la loi ou l’autorité. Très sûr de
lui, Mitsubishi Aoru n’a peur de rien, ni de
personne. Il va où il veut, fait ce qu’il veut,
drague n’importe quelle fille. Il passe son temps
à mentir à propos de tout, que ce soit sur son
identité, sur sa vie, ou sur ses sentiments. Il
n’est pas du tout à l’aise avec le fait d’exprimer
ce qu’il ressent envers les personnes proches
de lui et utilise l’ironie comme façade. Son
unique but dans la vie est de chasser les forces
surnaturelles. Il vit sa vie à deux cents à l’heure
et sans attache.
Mitsubishi Aroru
NC 3
FOR +2 DEX +2 CON +1
INT +2 PER +2 CHA +0
DÉF 12 PV 32 Init 12
Tantō +6 DM 1d6 + 2
Pistolet Nambu +6 DM 2d6
Voie de l’ésotérisme rang 1.
Les rites
La société du Chrysanthème s’inspire
beaucoup de la franc-maçonnerie. Il existe
un rituel d’intronisation, un rite de cohésion
effectué tous les ans, un rite pour accéder aux
bibliothèques ésotériques des treize fondateurs,
etc. L’organisation a développé tout un champ
lexical pour dissimuler dans une conversation
mondaine des informations à destination des
sociétaires. Il en va de même pour évoluer
dans les réunions de la société, ce qui rend son
infiltration des plus difficiles pour les Japonais
non occidentalisés.
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 Lieux de rencontre
En 1890, la société du Chrysanthème possède
trois lieux à Tokyo et d’autres plus modestes
dans le pays.
Dans la capitale se trouve la maison de la
société, une riche demeure en brique de
type anglais dans la partie aisée du port,
une bibliothèque dissimulée dans une vieille
demeure noble dans le quartier du château
impérial et un hôtel particulier pour loger
les sociétaires (et parfois des personnes
recommandées) pour quelques nuits. Elle
possède aussi un appartement dans le quartier
des étrangers à Yokohama, une maison à la
campagne en bordure de la ville à Osaka et
un entrepôt aménagé sur le port de Nagasaki.
Chaque bâtiment est aménagé pour assurer le
bien-être de ses membres, ainsi qu’une à deux
salles pour étudier et conserver les ouvrages
jugés importants. Seul le QG de Tokyo recèle
aussi un sous-sol pour s’essayer aux arts
magiques occidentaux.
Tous ces endroits, qu’ils soient occidentalisés
ou non, respirent le luxe et le bon goût. La
maison de la société est référencée comme telle.
Son nom est public et se noie dans la masse des
autres associations de gentlemen de la capitale.
Seule son orientation (tournée vers l’occulte) est
maintenue secrète.
La bibliothèque générale de la société possède
des ouvrages de magie véritable (contenant
de vrais sorts utilisables), mais aussi des
livres sans réel pouvoir, voire sans intérêt.
Elle contient également une dizaine d’œuvres
mineures traitant plus ou moins profondément
du Mythe. Seul un exemplaire très abîmé du
Roi en jaune sort du lot. Les bibliothèques
des antennes n’abritent que des copies des
ouvrages de Tokyo, mais jamais l’intégralité
des références possédées.
La société n’a que dix ans d’existence, mais
elle monte en puissance. De plus en plus de
personnes sont approchées en fonction des
intérêts qu’elles manifestent ou de leur apport
éventuel à l’organisation.
Interactions avec les autres organisations
La société du Chrysanthème, dans sa recherche
de légitimité, s’est rapprochée de la Confrérie
des Comptoirs des artisans du clan Nakajima
dont un des sociétaires est également membre.
Certes il est surveillé et écarté des secrets de
l’organisation, mais ce pont entre les deux
groupes leur facilite grandement la tâche.
90
La société n’a pas vraiment d’ennemi, mais
deux concurrents. Tout d’abord l’Académie
impériale des arts et traditions populaires ne
voit pas d’un bon œil une entreprise privée
empiéter sur son domaine. Il n’est pas rare
que les sociétaires en charge de la gestion des
biens du Chrysanthème doivent régler des
contraintes administratives provoquées par un
académicien en colère. Le second concurrent
est une zaibatsu qui a déjà plusieurs fois
doublé la société dans l’achat de manuscrits
rares. La famille Yoshida, à la tête d’une
entreprise florissante, investit d’importantes
sommes dans l’achat de livres occidentaux ou
de rouleaux japonais. Elle a déjà corrompu
plusieurs intermédiaires pour récupérer le fruit
des recherches de certains sociétaires. Si les
relations restent courtoises, le Chrysanthème
méprise profondément les Yoshida, mais la
société est loin de se douter qu’il s’agit d’une
des Quatre Fortunes de Nyarlathotep.
Le clan Fuyumi
(Fuyumi dan)
(Voir La Voie du Sensei, p. 130)
Action : 3
Connaissances : 2
Ressources : 2
Magie : 4
Autrefois un clan modeste en taille mais
connu de tous, le clan Fuyumi poursuit sa
chasse aux démons. Mais avec la disparition
du shogunat, du statut de samouraï et
l’interdiction du port du sabre, il est devenu
très dur en 1890 de poursuivre les objectifs
qu’il s’était fixé. Paralysé dans un archaïsme
qui fait sa force face au surnaturel mais l’isole
complètement du monde des hommes, le clan
se meurt petit à petit.
Effectifs
Le clan compte encore vingt-sept samouraïs
et une petite centaine de serviteurs. La très
grande majorité d’entre eux vivent au château
Fuyumi en attendant qu’on les appelle, ce qui
est de plus en plus rare. Le clan Fuyumi ne se
résume plus qu’à sa branche principale en 1890.
Le « Daimyo », qui est devenu un titre

Les secrets
honorifique, est assisté par un conseiller depuis Fuyumi Nonabe
la disparition du Conseil des Anciens dont les
membres étaient issus des branches mineures. Samouraï le plus respecté
Dans l’effectif du clan, seuls les samouraïs NC 8
subsistent. Ils ont le rôle de chasseurs, de
nettoyeurs et de pisteurs. FOR +2 DEX +2 CON +2
INT +1 PER +2 CHA +3
DÉF 12 (14 en armure) PV 42 Init 12
Dramatis personae
Katana +12 DM 1d8/1d10 + 3
Le Daimyo en 1890 est Fuyumi Haneki. Il
est très âgé et cherche parmi ses fidèles un Daikyū +12 DM 1d10
successeur. Mais aucun ne semble avoir l’étoffe
Voies de l’autorité et de l’ésotérisme rang 2.
d’un dirigeant, à son grand regret.
Parade : lorsqu’il est touché avec une ATC,
Fuyumi Nonabe peut tenter un test opposé
Fuyumi Haneki de DEX face à son adversaire ; s’il l’emporte,
NC 12 il ne subit que le mod. de caractéristique
FOR +3 DEX +2 CON +2 comme dégâts.
INT +2 PER +3 CHA +2
DÉF 12 (16 en armure) PV 53 Init 12 Baku
Katana +12 DM 1d8/1d10 + 3 Un aide
Daikyū +12 DM 1d10
NC 2
Voies de l’autorité et de l’éveil rang 4.
FOR +1 DEX +1 CON +2
Savoir indicible : Fuyumi Haneki peut
identifier un symbole, un nom ou une INT +0 PER +1 CHA +0
créature du folklore en réussissant un test
DÉF 11 PV 16 Init 11
d’INT difficulté 15.
Volonté inébranlable : Fuyumi Haneki
gagne un bonus de +5 à tous ses tests pour
résister aux tentatives d’intimidation ou de
manipulation.
Maître d’arme : Fuyumi Haneki connaît les
techniques suivantes :
Parade : lorsqu’il est touché avec une ATC, il
peut tenter un test opposé de DEX face à son
adversaire ; s’il l’emporte, il ne subit que le
mod. de caractéristique comme dégâts.
Tueur de monstre : lorsqu’il touche un
adversaire non humain, celui-ci doit alors faire
un test de CON face à une difficulté de 20 ; s’il
réussit, Fuyumi Haneki ajoute +1d6 à ses DM ;
s’il échoue, il tombe immédiatement à 0 P

Eridu Masamu
Principal conseiller
NC 2
FOR +1 DEX +1 CON +2
INT +0 PER +1 CHA +0
DÉF 11 PV 16 Init 11
Voies de l’administration et du sekentei
rang 2.

91
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 Les rites
Abnégation des justes
Il existe un rite spécifique de purification pour
les samouraïs du clan Fuyumi. Après avoir
médité une partie de la nuit dans une eau pure,
ceux-ci se battent avec l’un de leurs compagnons
et à chaque blessure, le mal est censé quitter
leur corps.
Le choix des élus
Au moment d’accéder à l’âge adulte, les jeunes
samouraïs du clan Fuyumi reçoivent un katana
qui doit être trempé dans le sang d’une créature
maléfique. Les anciens les emmènent dans une
forêt et les abandonnent. Si l’aspirant samouraï
revient avec son sabre taché, il devient un
véritable Fuyumi.
Lieux de rencontre
Avec la chute du shogunat et la perte du statut
de samouraï, le clan a perdu énormément de ses
ressources déjà modestes. Le kyuden (château)
de la famille Fuyumi est toujours là mais le reste
des terres du clan a été racheté par un industriel
qui les a modernisés, à la grande honte du
Daimyo. Dans la vaste propriété du kyuden,
les serviteurs des Fuyumi, des hommes et des
femmes qui ont refusé la modernisation, ne se
considèrent pas comme des « domestiques »
rémunérés, mais bien comme les membres du
clan. Le chef du clan accueille les samouraïs
de retour de leurs missions et parfois quelques
invités. La sécurité est forte, mais surtout
du point de vue ésotérique. Jusqu’à présent,
aucun être surnaturel n’a réussi à pénétrer
dans ces lieux. En dehors de cette résidence,
les samouraïs du clan vivent de la charité (que
beaucoup préfèrent appeler hospitalité) des
habitants de l’Archipel.
Interactions avec les autres organisations
Le clan est bien trop affaibli pour avoir
des relations constantes avec les autres
organisations. Il ne survit plus que de
manière réactive, attendant qu’on le sollicite
ou intervenant lorsqu’un mystère se présente
à lui. Toutefois, cet isolement fait aussi sa
force : aucun autre groupe, à part quelques
personnes à la mémoire longue, ne connaît le
clan et ne saurait s’y prendre avec lui tant il
est devenu mystérieux.
92
Nakajima Inc.
(ex Confrérie des
Comptoirs des artisans)
(Voir La Voie du Sensei, p. 125)
Action : 3
Connaissances : 5
Ressources : 3
Magie : 5
Avec l’ouverture sur le monde et
l’industrialisation rapide du Japon, la
Confrérie des Comptoirs des artisans vit
un second âge d’or. Le nombre de créatures
surnaturelles déclinant additionné à la
pacification entreprise par les Tokugawa, les
guerres et les luttes de pouvoir passant au
second plan, les Nakajima avaient vu leur
commerce en difficulté faute de demande. À
l’ère Meiji et avec l’ouverture sur le monde,
ils découvrent de nouvelles possibilités pour
se fournir en matériaux étranges et sont
sollicités par de nouvelles organisations.
Que ce soit pour leur expertise des objets
ésotériques ou leur connaissance des créatures
et des composantes de rituels, les Nakajima
ont renouvelé leur clientèle. À présent, ils
proposent une gamme de produits bien
plus diversifiés grâce aux importations en
provenance de Chine ou de Corée et dans
une moindre mesure, d’Amérique du Nord.
Le travail à fournir est si important qu’à
partir des années 1874-1875, la Confrérie
compte trois usines, douze ateliers et cinq
manufactures sur tout l’Archipel. Pour être
en phase avec son temps, l’organisation se
renomme Nakajima Inc. mais dans les faits,
ses membres comme ses alliés se réfèrent
encore à elle sous son ancien nom.
Effectifs
A la suite de l’expansion de Nakajima Inc., plus
de trois cents artisans sont à présent répartis
sur les quatre îles principales du Japon. À cela
s’ajoutent quatre cents ouvriers, cinquante
chasseurs/négociants collectant ou achetant
les matériaux occultes et une centaine
d’employés civils pour gérer l’immense
administration que ce développement a
généré. Enfin, pour diriger l’ensemble, vingt-
et-un maîtres artisans élisent leur dirigeant.
Depuis deux décennies, la famille Tōtōbami
est devenue la branche principale du clan
Nakajima à la tête de la Confrérie.
Dramatis personae Les rites

Les secrets
L’actuel chef de la Confrérie s’appelle Tōtōbami Le cérémonial issu de l’époque d’Edo est de
Tomone. Âgé de trente ans en 1872 (date de son plus en plus mis de côté lors des réunions
élection), c’est un homme entreprenant et très du bureau ou des rencontres avec les autres
ouvert qui a lutté en interne pour moderniser organisations. Tōtōbami Tomone veut donner
l’organisation. Son principal opposant est le une image moderne de sa confrérie et les
maître artisan Hironobu Izumi. Spécialiste artisans portent plus facilement des costumes
de la trempe des katanas, ce conservateur à l’anglaise que des tenues japonaises. Tout du
cristallise autour de lui la vieille garde, mais moins en public.
voit les effectifs de sa faction diminuer avec les
profits que la politique de Tomone génère.
Lieux de rencontre
Parmi les chasseurs/négociants, les Eiyu
évoluant à proximité de la capitale ont le plus Le quartier général de la Confrérie se situe dans
de chances de croiser Yoshinori Jiro. Cet le district du Palais impérial à Tokyo. C’est un
homme charismatique est un véritable traqueur ensemble de cinq bâtisses contiguës couvrant
de monstres et un marchand accompli. Il a pas moins d’un hectare, héritage de la richesse
la charge du district de la capitale, ce qui en de l’organisation dans les temps anciens.
fait le chasseur le plus renommé, même si en Les maîtres artisans s’y retrouvent pour les
conséquence il doit consacrer plus de temps au réunions importantes et y reçoivent les alliés de
négoce qu’à la traque, à son grand regret. la Confrérie pour signer des contrats.
La Confrérie possède aussi un bureau officiel
dans le district des étrangers à Yokohama.
L’enseigne Nakajima Inc. se noie au milieu des
Tōtōbami Tomone
autres entrepôts d’import/export de ce vaste
NC 4 port de commerce.
FOR +1 DEX +3 CON +1
Enfin, elle détient un comptoir en Corée (à
INT +2 PER +3 CHA +3 Pyongyang) et un autre à Shanghai, ce qui
DÉF 12 PV 25 Init 12 permet aux artisans en voyage de pouvoir
Pistolet Nambu +7 DM 2d6 contacter les autres membres facilement (ou
Voie du discours rang 4. trouver refuge en cas de danger).
Voie des relations rang 3.
Interactions avec les autres organisations
Hironobu Izumi
La Confrérie des Comptoirs des artisans
NC 3 a développé des contrats avec trois autres
FOR +1 DEX +3 CON +2 organisations occultes de l’époque. Le premier
INT +3 PER +1 CHA +2 est public et lie la Confrérie avec l’Académie
DÉF 13 PV 21 Init 13 des arts et traditions populaires. En
contrepartie de leur expertise pour aider les
Katana +6 DM 1d8/1d10 + 1
académiciens dans leur référencement des
Voie de l’artisan rang 4. phénomènes surnaturels, ils reçoivent une
Voie de l’alchimie rang 3. partie des artefacts et des matériaux trouvés
lors des missions de l’Académie. Le second
concerne la société du Chrysanthème qui
Yoshinori Jiro
paie grassement les Nakajima pour obtenir
NC 5 des objets ésotériques. Enfin, des zaibatsu
FOR +2 DEX +2 CON +1 emploient à l’occasion des spécialistes parmi les
INT +2 PER +2 CHA +3 artisans, en particulier pour estimer certains
DÉF 12 PV 20 Init 12 sites miniers japonais. Les missions sont bien
rémunérées et semblent relativement anodines,
Fusil Minié +8 DM 2d6
mais en réalité il s’agit des Quatre Fortunes
Tantō +8 DM 1d6 + 1 qui cherchent à identifier l’emplacement des
Voies de l’investigation et des armes de quarante-sept sources de Ki.
contact rang 3.
Voies du sekentei et du discours rang 2.

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 Société de l’Océan noir
(Genyosha)
(Voir La Voie du Sensei, p. 136)
Action : 3
Connaissances : 3
Ressources : 5
Magie : 1
Créée en 1881, cette toute jeune organisation
nationaliste développe encore en 1890 son
réseau de renseignements autour des maisons
closes. Afin de se rendre des plus utiles pour les
expansionnistes au gouvernement, elle entame
une infiltration de la Corée qui culmine
en 1895 avec l’assassinat de l’impératrice
coréenne, ouvrant la voie à une conquête
militaire. Peu active encore dans le monde de
l’ombre, la Société de l’Océan noir est surtout
infiltrée par les Implantés et des fidèles des
Quatre Fortunes qui essaient d’influer sur
l’agenda de l’organisation afin de vérifier s’il
existe des sources de Ki sur le continent.
Effectifs
L’Océan noir compte environ soixante membres
actifs en 1890. De nombreux contrats avec
le gouvernement (souvent non officiels) lui
permettent de recruter plus d’hommes et de
femmes. Vers 1910, l’organisation compte plus
de mille agents répartis entre le Japon, la Corée
et la Chine.
Dramatis personae
Le fondateur, Hiraoka Kotaro, a utilisé sa
fortune issue de l’industrie minière et son
réseau provenant des familles de samouraïs
pour s’implanter dans tout le Japon et
contrôler un grand nombre de maisons closes.
Les luttes de pouvoir avec les yakusas dans
de nombreuses villes ont épuisé cet homme
vieillissant. Une aide mystérieuse a permis
à l’Océan noir d’asseoir son pouvoir en la
personne de Masashi Tetsuya, un homme
plein de ressources qui a vite intégré le cercle
privé du fondateur. Détesté par les autres
proches de Kotaro, il s’en sort toujours grâce
à des informations de première main et un
portefeuille des plus fournis. Cet agent des
Quatre Fortunes compte utiliser l’Océan noir
pour son propre intérêt.
94
Hiraoka Kotaro
NC 4
FOR +1 DEX +2 CON +2
INT +2 PER +2 CHA +3
DÉF 12 PV 27 Init 12
Pistolet Nambu +5 DM 2d6
Tantō +5 DM 1d6 + 1
Voie de l’autorité rang 4.
Voie du sekentei rang 2.
Masashi Tetsuya
NC 3
FOR +0 DEX +2 CON +0
INT +2 PER +2 CHA +2
DÉF 12 PV 19 Init 12
Pistolet Nambu +5 DM 2d6
Voie des relations rang 3.
Les rites
En tant que nouvelle organisation, l’Océan noir
a dû créer tout un décorum pour ses membres.
Le rite d’initiation est lié à la figure de l’océan et
consiste à s’immerger nu la nuit dans la mer de
Genkai en étant entravé au niveau des jambes.
Après avoir été lâché dans l’eau, les membres de
l’organisation prient les kamis de la mer pour
aider le novice qui voit apparaître à la surface de
l’eau un couteau en corail. Il doit alors se libérer
et rejoindre le bateau à la nage. Jusqu’à présent,
malgré le danger de cette cérémonie, aucune
victime n’est à déplorer. En effet, les effectifs
sont si réduits qu’il ne serait pas souhaitable de
voir mourir un futur membre.
Lieux de rencontre
L’Océan noir se réunit dans le port de Tokyo,
dans un entrepôt appartenant à la société
minière du fondateur. Très surveillé, il permet
aux membres de parler librement et d’établir
les prochaines missions. L’organisation possède
aussi une base entrepôt dans le port de Nagasaki.
L’Océan noir possède en 1890 trente-cinq
maisons closes situées dans tous les ports
les plus importants du Japon. La maison des
plaisirs du Cerisier ensoleillé, dans le quartier
des plaisirs de Yokohama, est la plus importante
en taille et en influence.
Interactions avec les autres organisations
Vu son jeune âge et son but premier, l’Océan
noir n’a quasiment aucun contact avec
les autres organisations. Ce n’est qu’avec
la création du Dragon noir qu’elle fit tout
pour éliminer les traîtres. L’Océan noir est
secrètement soutenu par de grandes, riches
et puissantes familles comme les Quatre
Fortunes dans le but « d’honorer la famille
impériale, de respecter l’empire et de protéger
les droits du peuple ». Mais son objectif caché
est de pousser à l’expansion militaire japonaise
et à la conquête du continent asiatique pour
étendre son pouvoir.
Nakano Wakitaro
Ce journaliste de 25 ans enquête sur l’Océan
noir et découvre un lien possible avec de
riches zaibatsu. En remontant ses sources,
il apprend que les familles Arai, Matsuda,
Shibata et Yoshida ont toujours été proches
du pouvoir, mais surtout que leur puissante
influence serait liée à un vieux culte dont la
déité ne serait ni shintoïste, ni bouddhiste.
Nakano Wakitaro est alors pris en chasse par
les Quatre Fortunes dans l’objectif de le faire
disparaître.
NC 3
FOR +1 DEX +2 CON +0
INT +2 PER +2 CHA +1
DÉF 12 PV 20 Init 12
Pistolet Nambu +5 DM 2d6
Voie de l’investigation rang 3.
Voie de la furtivité rang 2.
Les Quatre Fortunes
Les secrets
(Voir L’époque d’Edo, p.94)
Action : 3
Connaissances : 4
Ressources : 4
Magie : 4
Sous cette dénomination se trouvent quatre
familles issues de quatre heimin choisis par le
Traqueur Infernal pour servir son grand Plan.
Bien qu’ayant tous vécu très vieux, les fondateurs
n’étaient pas éternels et ne sont plus en 1890. C’est
la quinzième génération qui prend les rênes des
clans, lesquels suivent le Plan de Nyarlathotep.
Transformant des familles devenues puissantes
et bien installées en zaibatsu, ces agents, en
retrait des affaires occultes, cumulent richesses,
faveurs et connaissances afin de permettre à
leurs descendants d’arriver à leurs fins quand le
grand Plan se conclura.
Effectifs
Bien que les familles des Quatre Fortunes aient
une taille différente, on peut estimer qu’elles
comptent environ cinq cents membres chacune
et qu’elles emploient directement pas moins
de huit mille Japonais à elles quatre. Chaque
famille est dirigée par un conseil regroupant les
dix membres les plus importants.
Dramatis personae
Matsuda Masaru
L’actuel chef de la famille Matsuda vient
d’être nommé en 1890 à la suite de la fâcheuse
punition infligée par le Traqueur Infernal à
son prédécesseur. Homme d’affaires d’une
trentaine d’années, Matsuda Masaru est
vigoureux et dynamique, mais c’est un homme
à femmes.
NC 4
FOR +2 DEX +2 CON +2
INT +2 PER +1 CHA +3
DÉF 11 PV 16 Init 11
Pistolet Nambu +6 DM 2d6
Mains nues +6 DM 1d4 + 2
Voie du discours rang 3.
Voie de l’ésotérisme rang 1.
95
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Yoshida Narumi
La chef de la famille Yoshida, âgée d’une
cinquantaine d’années, est une personne
cruelle et manipulatrice d’apparence sèche et
froide. Yoshida Narumi gère avec efficacité sa
zaibatsu, la plus riche des Quatre Fortunes.
NC 4
FOR +0 DEX +2 CON +1
INT +2 PER +2 CHA +3
DÉF 12 PV 26 Init 12
Tantō +6 DM 1d6 + 2
Voie des relations rang 4.
Voie de l’ésotérisme rang 1.
Arai Noburoshi
Le chef de la famille Arai est le plus vieux
des quatre dirigeants en 1890 et un sorcier
accompli. Les autres membres du conseil de
sa famille guettent, voire complotent pour
précipiter sa fin. Mais l’homme est rusé et
s’est préparé à cette éventualité. Toutefois ces
luttes intestines minent la productivité des
Arai, ce qui en fait la moins puissante des
Quatre Fortunes.
NC 5
FOR +1 DEX +1 CON +1
INT +3 PER +3 CHA +2
DÉF 11 PV 30 Init 11
ATM +8 PM 20
Voie de la divination rang 3.
Voie de l’ésotérisme rang 2.
Sorts : Malédiction, Soins légers, Asphyxie,
Attaque sonore, Détection de la magie,
Magnétisme.
Shibata Jigoro
Le chef de la famille Shibata est un homme
aussi vigoureux que Matsuda Masaru et un
de ses amis d’enfance. Il est tiraillé entre son
amitié et sa propre famille qui voudrait utiliser
cette connivence pour prendre l’ascendant sur
les Matsuda et gagner ainsi les faveurs du
Traqueur Infernal.
NC 4
FOR +2 DEX +1 CON +2
INT +2 PER +3 CHA +2
DÉF 11 (13) PV 27 Init 11
Mains nues +7 DM 1d4 + 3
Voie du discours rang 2.
Voie des arts martiaux rang 2.
Voie de l’ésotérisme rang 1.
96
Les rites
Chaque famille a fini par développer des versions
personnelles des rites que les fondateurs ont
appris du Traqueur Infernal.
Le hurlement du Prédateur
Ce rite, le plus important, permet de contacter
ou d’appeler l’avatar de leur dieu. Quelles que
soient les versions, il faut une nuit de nouvelle
lune et beaucoup de sang frais pour que le
Traqueur veuille bien apparaître.
Le Sceau familial
Chaque famille possède un rite de marquage
de ses membres. Arrivé à l’âge de ses quatorze
ans, il ou elle est enfermé dans une maison
abandonnée et murée (sauf pour la porte
d’entrée). L’adolescent endormi est placé
dans une salle contenant une encadrure
de porte au milieu de la pièce, un rouleau
avec des instructions, un tantō et l’animal
avec lequel il a été le plus proche durant sa
jeunesse (animal donné à l’enfant à dessein.
Si ce dernier n’est plus vivant au moment du
rite, les Fortunes choisissent un bébé animal
particulièrement attendrissant). Au moment
du réveil, un voile noir recouvre l’intérieur
de l’encadrure de la porte et au bout d’une
heure, un portail vers Nyarlathotep s’ouvre et
permet à ses créatures de venir se repaître de
l’infortuné adolescent. Le seul moyen d’éviter
ce funeste sort est de réaliser le rituel décrit
dans le rouleau. Il nécessite de se scarifier
le kanji de la famille et de sacrifier l’animal
pour abreuver de sang la peau fraîchement
coupée. Malgré la cruauté du rite, le taux de
réussite à cette épreuve est de 80 %. Ceux qui
n’y arrivent pas et qui n’ont pas été dévorés
par l’entité invoquée servent de monstres
asservis aux familles, car souvent ils finissent
possédés. On leur confie alors la garde des
lieux importants pour l’organisation, ou de
prisonniers en attente d’interrogatoire.
Lieux de rencontre
Des usines ou des bureaux des quatre
zaibatsu se trouvent sur tout l’Archipel, mais
personne n’a encore fait le lien entre les
quatre familles, ce qui préserve le plus grand
secret des Quatre Fortunes.
La maison mère des familles Matsuda et
Shibata sont situées à Tokyo, celle des Arai à
Kyoto et celle des Yoshida à Hiroshima. Il s’agit
chaque fois d’un grand immeuble en pierre de
style occidental.
Les Quatre Fortunes possèdent aussi un lieu

sacré situé dans le village de Yonishiko au
nord-ouest de la plaine de Tokyo. C’est là que le
Traqueur Infernal a choisi les quatre fondateurs
en 1540. Ce village, s’il n’a pas conservé son
apparence de l’époque, a été racheté au fil des ans
par chacune des quatre familles qui se partagent
les quartiers et empêchent toute implantation
de personnes étrangères aux clans. Ainsi, seuls
des Arai, Matsuda, Shibata et Yoshida résident
à Yonishiko. Toutefois, mis à part une journée
de fête commémorant la rencontre avec le
Traqueur, aucun événement important pour les
Quatre Fortunes ne s’y tient.
Interactions avec les autres organisations
Restant encore discrètes pour suivre les étapes
du grand Plan, les Quatre Fortunes n’ont que peu
de contacts avec les autres organisations. Elles
ont noué des liens officieux avec les Nakajima
afin de savoir ce qui se passe sur l’échiquier
occulte. Enfin les Quatre Fortunes ont perçu
très tôt l’intérêt que représente l’Océan noir et
l’ont soutenu ou infiltré.
Les secrets
Yokai no kage
(Les Ombres de yokai)
NC 1
FOR +0 DEX -1 CON +0
INT -2 PER -1 CHA -2
DÉF 12 PV 10 Init 8
Griffes +4 DM 1d6
Morsure +4 DM 1d6
Apparence effrayante : lorsqu’un Eiyu voit
un yokai no kage, il fait un test de résistance
mentale difficulté 10 (1 PS).
Flottant : le yokai no kage se déplace à une
vitesse de 10 par tour sur tous les types de
terrain sauf aquatique, ainsi qu’en escalade.
Il ne peut être Ralenti par l’environnement.
Immunités : le yokai no kage ne subit que la
moitié des DM des armes à feu et ne peut être
Étourdi sauf par la magie.
Pouvoir : Tir d’eau (kappa) : demande une
action limitée. Permet d’infliger 1d6 de DM à
une cible jusqu’à 50 mètres.
Hypnotiser (itachi) : le yokai no kage et sa cible
font un test opposé de CHA ; si la cible échoue,
elle devient Étourdie pendant deux tours.

Mayuri Ito, la prostituée

du Rejeton Fielleux
(Voir La Voie du Sensei, p. 26)

Culte rattaché à Mayuri Ito

Action : 2
Connaissances : 4
Ressources : 2
Magie : 4

À l’ère Meiji, Mayuri Ito a enfin réussi

l’immense exploit de revenir à la vie presque
complètement et commence à rassembler un
maximum de soutiens financier et politique
pour servir ses buts.

Effectifs
Mayuri Ito possède environ cinquante fidèles,
asservis de manière ésotérique pour la plupart.
Elle a des contacts dans plusieurs organisations,
pouvant compter sur un réseau d’une trentaine
d’informateurs. Enfin, à partir des années 1910,
elle est protégée par trois yokai no kage : un
kappa, un ōkami et un itachi.

97
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 Dramatis personae
Au-delà de Mayuri Ito elle-même, personne
n’est assez important pour espérer avoir
une influence sur son organisation. Même
les chefs des cellules des cultes du Rejeton
Fielleux sont effacés lorsqu’elle arrive pour
présider les cérémonies.
Les rites
Le rite le plus célèbre de Mayuri Ito est celui du
Cocon de chair. Lors de la période où Mayuri
cherchait à créer autant de cultes du Rejeton
Fielleux que possible (stratégie abandonnée dès
l’ère Shōwa), elle invente un rite semblable au
Cocon de chair (la Renaissance carmine) pour
introniser les nouveaux membres de ses cultes.
La Renaissance carmine
Chaque novice doit apporter trois animaux
de ferme pour confectionner à partir de leurs
dépouilles une sorte de cocon où ils se glissent
tandis que Mayuri Ito prononce la bénédiction
du Rejeton Fielleux. Une fois la prière dite,
le novice s’extrait du cocon par ses propres
moyens, souvent en arrachant avec ses dents les
lambeaux de chair qui commencent à l’étouffer.
98
Si le rituel n’a rien de magique, il plonge les
fidèles de Mayuri dans une transe décadente
tout en les convainquant qu’ils avaient ainsi
accédé à un pouvoir supérieur.
Lieux de rencontre
Mayuri possède un culte à Tokyo, un autre à
Osaka et un dernier à Okinawa (peu visité à
cause de la distance). Elle-même occupe un
logement de fonction à l’Académie impériale
des arts et traditions populaires (peu utilisé
si ce n’est pour se cacher en cas de menace)
et évidemment la maison de son « mari »,
l’infortuné ministre des postes de l’époque,
Onobisashi Izuki.
Interactions avec les autres organisations
Mayuri Ito se contente d’infiltrer une autre
organisation afin d’avoir une connaissance
accrue de ses potentiels adversaires. C’est
pour cela qu’elle a pris un poste dans
l’Académie impériale des arts et traditions
populaires et qu’elle finance la naissante
Société du Dragon noir. Elle va s’imposer
indirectement sur l’échiquier du pouvoir avec
les Quatre Fortunes.
 Les secrets

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 Chapitre 8

L’égarée
Scénario - par Benjamin Ott

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 1890, la petite ville de Yokohama est en
première ligne dans le boom économique
provoqué par les investissements étrangers.
Tandis que les autochtones, majoritaires, sont
repoussés loin des centres du pouvoir, une
série de meurtres sur des marins européens
enflamme les délicates relations entre
Japonais et Occidentaux. Une petite équipe
débutante a la lourde tâche de trouver un
coupable pour éviter de déclencher une passe
d’armes entre pro et anti-Occidentaux. Et
lorsqu’elle découvre que le principal suspect
n’est peut-être pas humain, l’affaire devient
véritablement explosive.
Synopsis
Dans la ville nouvelle de Yokohama, deux
marins occidentaux sont retrouvés atrocement
mutilés dans le quartier des plaisirs. Bien que
les Occidentaux soient de moins en moins
influents, ils font vivre l’avant-port de Tokyo.
Le préfet, ouvertement anti-Occidentaux, et
son sous-préfet, très pro-Occidentaux, avaient
confié cette mission à un de leurs inspecteurs
les plus brillants. Mais ce dernier a disparu.
Sur la suggestion du sous-préfet, une nouvelle
équipe constituée de fonctionnaires de bas
rang, le bureau 104, est dorénavant responsable
de l’affaire.
Le coupable de ces meurtres est un yokai, une
futakuchi-onna (La Voie du Sensei, p. 204). Elle
a été violée par cinq marins occidentaux et, ivre
102
de vengeance, elle a dévoré le premier. Ayant
pris goût à la chair humaine, et uniquement
guidée par son ressentiment, elle traque les
trois derniers pour les tuer.
En parallèle, Yokohama est une ville sous tension.
Les Occidentaux restent majoritairement
racistes et se sentent tout-puissants face au
jeune Japon moderne ; les locaux, ouvriers de
la soie, dockers ou pêcheurs, se sentent agressés
par ces étrangers et une pègre locale, de mèche
avec une mafia chinoise, a eu plusieurs fois
des accrochages sérieux avec les entreprises
européennes. L’arrivée d’un navire étrange, un
vieux trois-mâts, le HMS Stalwart, va attiser
la méfiance et la cupidité des uns et des autres,
provoquant un regain de tensions. Les meurtres
du yokai ne font que souffler sur des braises
prêtes à enflammer la ville.
Ambiance
Il s’agit de mettre l’accent sur une ville nouvelle
qui se modernise en son centre, mais reste
traditionnelle aux marges. Le fossé entre
les Européens et les Japonais est au cœur de
l’ambiance de cette aventure. Yokohama est
une ville moderne, mais terriblement glauque
et cynique. L’égarement de la futakuchi-onna
est le symptôme de cette modernité, alliant
amélioration et corruption. La langue est aussi
une barrière importante.
Nombre de joueurs
Entre 3 et 4.
Niveau recommandé
Entre 4 et 6. Il est conseillé que les Eiyu
atteignent le niveau 6 avant la confrontation
finale.
Découpage du kaidan
L’aventure se déroule en trois temps. La première
partie, la plus longue, dépend de l’initiative des
joueurs. Chargés d’enquêter sur la disparition de
l’inspecteur Tamiya, ils ont une série de pistes à
exploiter. C’est l’occasion de se faire des alliés
ou des ennemis pour la suite. La rencontre avec
Yuko, le chef d’une petite pègre locale, déclenche
la deuxième partie, une confrontation avec des
marins et la futakuchi-onna. Ils devront choisir
un camp, ce qui a une grande influence sur la fin
de l’aventure. La dernière partie est un compte
à rebours où toute la ville s’embrase tandis que
les personnages doivent mettre la main sur le
dernier marin vivant et faire un choix difficile
entre deux justices incompatibles.
Chronologie
Ces évènements peuvent être hâtés par l’enquête
des Eiyu.
Jour -6 : mort du marin Marcelino assassiné
par le yokai derrière le Nectarine 9.
Jour -3 : mort du marin Lothar assassiné par le
yokai aux abords du Fleurs de pétales.
Jour -1 : disparition de l’inspecteur Tamiya.
Jour 0 : début de l’enquête des Eiyu, le chasseur
de yokai est arrêté pour port illégal du
sabre.
Jour 1 : Ibara rencontre le matin le préfet et
libère le samouraï vers onze heures.
Jour 2 : transfert des armes des entrepôts
Dragon vert vers les hangars de la
société Akiyo.
Jour 3 : le guet-apens de Yuko.
Jour 5 : arrivée de la canonnière si la situation
ne s’est pas arrangée. Naufrage du
HMS Stalwart.
Introduction des Eiyu
L'égarée
Il est préférable de jouer des fonctionnaires de
police ou des personnes qui font ce métier à ce
moment de leur vie. Si les joueurs ont déjà un
personnage qui n’a jamais eu d’occupation liée à
la police, la façon la plus simple de les introduire
est d’utiliser la crise économique. Avec le boom
de l’industrie et les crises d’emplois et de faillite
qui l’accompagnent, il est tout à fait possible que
certaines personnes, à la recherche d’un salaire,
postulent pour un petit emploi à la préfecture de
Yokohama. C’est un mélange d’administration
et d’assistance pour les équipes de police plus
expérimentées.
Une autre option est de créer un lien familial
ou affectif entre deux Eiyu, et la possibilité
d’avoir une prime en assistant le bureau 104 où
travaillent les autres personnages.
Introduction
A la suite du meurtre sauvage de deux marins
occidentaux et la disparition de l’inspecteur en
charge de l’enquête, le bureau 104 est convoqué
chez le sous-préfet. Le fait est rare et après avoir
été introduits par les gardes en faction, ils se
retrouvent en présence du préfet et du sous-
préfet. Voici ce qui leur est exposé :
L’inspecteur Tamiya en charge de l’affaire a
disparu depuis deux jours. Il devait effectuer
un rapport quotidien. Le dernier remis est
transmis à l’équipe (voir « Annexe », p. 119) ;
Les deux corps des marins sont encore à la
morgue dans le quartier Nord ;
Les corps ont été retrouvés dans les rues du
quartier des plaisirs. Les informations les
concernant sont dans le rapport de Tamiya ;
Les tensions entre Japonais et Occidentaux sont
vives en ville, il ne faut pas que ces meurtres
provoquent des troubles graves ;
Le bureau 104 disposera d’un laissez-
passer directement signé par le sous-préfet,
temporaire, mais donnant un grand pouvoir
aux investigateurs ;
Onnoganshi Takeshi, le préfet, avant de quitter
le bureau et de laisser le sous-préfet régler
les détails, insiste pour que des preuves de la
culpabilité des Occidentaux soient trouvées
afin de les discréditer et de pouvoir les chasser.
Il termine par un « Dehors les Barbares », un
slogan en vogue actuellement ;
103
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 Domotai Shizuzu, le sous-préfet, une fois
son supérieur sorti, insiste sur l’importance
de bonnes relations avec l’Occident et veut à
tout prix que cette enquête permette de tisser
des liens plus étroits avec les compagnies
européennes. Il aiguille les soupçons sur la
pègre de Yuko qu’il estime responsable de ces
crimes crapuleux ;
Les Eiyu doivent rédiger un rapport quotidien
afin que le sous-préfet puisse tous les matins
s’informer de l’avancement de l’enquête.
Un policier remet les plaques de bois qui
servent de laissez-passer et ouvre le bureau de
l’inspecteur Tamiya.
Scène 1 :
rencontres dans Yokohama
Les Eiyu sont libres d’évoluer dans la ville
et de voir dans l’ordre qu’ils souhaitent les
différents protagonistes. Certaines pistes sont
fausses (elles sont spécifiées). La scène 2 se
déclenche le soir après la rencontre avec Yuko
et ses hommes.
Le bureau
et le dossier Tamiya
Les Eiyu trouvent dans le bureau le dossier
en cours, une copie du dernier rapport rédigé
à l’attention du sous-préfet (voir « Annexe »,
p.119) et ses autres dossiers (plus une tasse,
Guider les Eiyu dans Yokohama
Les personnages ont de nombreux lieux
à visiter et tout autant de personnes à
rencontrer. Voici la liste avec les renvois de
pages adéquats. Servez-vous-en comme
un sommaire. Vous pouvez y revenir à la
fin de chaque rencontre pour guider les
Eiyu vers la scène suivante :
• Le bureau de Tamiya (ci-dessus) ;
• Interroger le personnel des autres
bureaux de la préfecture (p.105) ;
• Visiter Ibara, chef du quartier Nord
(p.105) ;
104
une théière et une carte de Yokohama de bonne
qualité accrochée au mur).
Le méticuleux inspecteur Tamiya a laissé dans
son bureau un certain nombre d’informations :
– Les deux victimes s’appelaient Marcellino et
Lothar. Ils étaient tous deux employés par la
Far East Local Furniture Company (FELFC).
Le premier marin est mort près du bordel
Nectarine 9, six jours plus tôt. Le second à
l’arrière du Fleurs de pétales, il y a trois jours ;
– La FELFC a eu récemment plusieurs vols de
cargaisons sur ses bateaux. Elle accuse les
hommes de Yuko ;
– Au cours de son enquête, Tamiya a vu ou
devait voir plusieurs personnages-clés dans
cette affaire selon lui : le dénommé Yuko, qui
travaille dans les entrepôts de la société du
Dragon vert, dans le quartier Sud (pas encore
vu). Ibara, chef de district du quartier Nord
et principal intermédiaire de la préfecture
avec les locaux (vu). Enfin le responsable des
marins de la compagnie dans le quartier des
étrangers, Stefan Ogurson (vu) ;
– L’inspecteur semblait enquêter sur le nouveau
navire battant pavillon anglais, le HMS
Stalwart.
Le reste de son bureau contient des données
sur d’anciennes affaires. Si les investigateurs
décident d’éplucher ces dossiers, ils perdront
leur temps. Il n’y a rien qui puisse éclairer leur
enquête.
Revenez à l’encart « Guider les Eiyu dans
Yokohama » ci-dessous, et laissez-les choisir
leur prochaine destination.
• Visiter la morgue et la prison du
quartier Nord (p.105) ;
• Visiter Yuko dans le quartier Sud
(p.108) ;
• Visiter le port, quartier Est (p.109) ;
• Visiter Stefan Ogurson dans le
quartier des étrangers (p.110) ;
• Visiter l’hôtel L’Océanique, dans le
quartier Sud (p.111) ;
• Visiter le quartier des plaisirs
(p.112).
Interroger les
autorités (soit
les autres bureaux,
soit les inspecteurs)
Ce passage, loin d’être obligatoire, n’apporte que
des informations secondaires : des crimes sont
perpétrés en ville, mais ce n’est pas nouveau. Il
existe plusieurs pègres dans le port, la principale
étant celle de Yuko. On soupçonne l’existence
d’une mafia chinoise, or malgré une minorité
ethnique visible, la police n’a aucune preuve.
De nombreuses plaintes concernent des viols
commis envers des Japonaises, une situation
préoccupante au regard des nombreuses maisons
closes. Depuis quelque temps, la recrudescence
de diverses maladies dans le vieux quartier pose
problème, le passage des marins étrangers y est
certainement pour quelque chose. Les autorités
attendent la restructuration de l’urbanisme
pour en finir avec cette insalubrité. L’un des
plus importants investisseurs et architectes de
cette modernité est Yoji Akamaru qui possède
la plus grosse société de négoce vers l’étranger
du Japon.
Revenez à l’encart « Guider les Eiyu dans
Yokohama » ci-contre, et laissez-les choisir leur
prochaine destination.
Visiter Ibara
dans le quartier Nord
Sans la présence d’un natif de Yokohama,
contacter Ibara est compliqué. Les
investigateurs ont d’abord affaire à un sous-fifre
du chef local, Ikken, qui écoute les demandes
des Eiyu et les « transmettra » à Ibara. Il reste
possible de le convoquer officiellement pour
lui parler, mais ce dernier n’appréciera pas et
ne donnera presque aucune information. De
plus, cela provoquera des tensions dans le
quartier Nord, avec des manifestations, des
regroupements agités, sans toutefois dégénérer,
à moins qu’un Eiyu ne les provoque.
Le quartier Nord, encore très marqué par
l’ancien mode de vie, est un labyrinthe de ruelles
de terre. Ibara est dans une maison qu’il partage
avec sa mère. Il parle des accrochages de plus
en plus nombreux avec les Occidentaux, qui se
terminent par des blessés, parfois graves, mais
pas des morts. Pour lui, les problèmes trouvent
toujours une origine chez les Européens.
Deux invités logent chez Ibara. D’ailleurs,
lors de la visite des investigateurs, un gamin
entre précipitamment et annonce à haute
voix qu’un dénommé Kunimitsu a été arrêté.
En voyant les Eiyu, il se rétracte aussitôt et
L'égarée
sort rapidement. Ibara dit simplement de ce
dernier que c’est un invité.
Enfin Ibara explique que le quartier est tendu et
fatigué de l’exploitation continue par le patronat
et que si des habitants devaient être accusés
des crimes envers des étrangers, il faudrait
s’attendre à un soulèvement.
Revenez à l’encart « Guider les Eiyu dans
Yokohama » ci-contre, et laissez-les choisir leur
prochaine destination.
Visiter la morgue
(et la prison) dans
le quartier Nord
La morgue est située dans le même modeste
bâtiment en pierre avec des barreaux de fer
que la prison principale de Yokohama. Elle
est située aux abords est du quartier Nord,
près d’un des bras de la rivière, avec une
placette en terre devant.
La morgue est une pièce fraîche située
légèrement en sous-sol. Au moment où
les Eiyu arrivent, il ne s’y trouvent que
deux employés qui gardent les corps et
surveillent ceux qui viennent les visiter.
Ils ne comprennent pas grand-chose à la
médecine et ne font pas preuve d’une grande
intelligence. Il faut dire que ce métier est
considéré comme dégradant par beaucoup.
Le médecin responsable des autopsies reste
à son cabinet en ville et ne se déplace qu’à
l’arrivée de nouvelles dépouilles.
Les corps reposent sur des dalles en pierre
et le sol, en pierre lui aussi, est souvent
arrosé à grands coups de seaux d’eau.
L’odeur reste forte, mais est masquée par
des braseros de camphre situés au fond de
la salle. Le premier cadavre est dans un état
de décomposition avancé (test de résistance
mentale, difficulté 10). Les deux victimes
portent deux types de marques morbides.
Tout d’abord, d’énormes plaies où la chair
a été arrachée. Un test en médecine (INT,
difficulté 15) permet d’imaginer l’origine
de ces blessures : des chiens ou un requin
(en fonction de la réussite). Ensuite, un
examen attentif révèle cinq petites marques
quasiment hexagonales et formées de petites
coupures soit sur un bras, soit sur le cou. Il
s’agit de la « marque » du yokai futakuchi-
onna, provoquée par sa chevelure lors du
viol. Ce stigmate lui permet de localiser
approximativement ceux qu’il chasse.
105
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 La prison se situe au rez-de-chaussée, le
bâtiment n’ayant pas d’étage, mais un grenier.
Pour y accéder, il faut ouvrir une grille en
fer, verrouillée par l’agent en poste à l’entrée,
débouchant sur un couloir en forme de L
et 13 cellules. La plupart des prisonniers
étaient acheminés jusqu’à Tokyo auparavant,
mais depuis que Yokohama est devenue
une préfecture, elle en a la garde. Quatre
prisonniers sont actuellement détenus
lorsque les Eiyu arrivent : un alcoolique qui
dessaoule, un vieux fou qui passe son temps à
Les prisonniers
La prostituée, vérolée, sous l’emprise de
l’opium, n’est plus que l’ombre d’elle-même.
Elle a gravement blessé un Occidental.
Elle commence à être en manque et
n’hésite pas à interpeller les Eiyu pour
leur mendier la clémence, sa liberté ou
quelques piécettes.
Elle ne sait pas grand-chose, mais elle a
senti la présence du mal dans son quartier.
Elle déblatère qu’une créature rôde dans la
nuit, elle l’a même entendue un soir feuler
alors qu’elle abordait un client ivre. Pousser
l’interrogatoire permet d’apprendre qu’il
s’agissait du marin Lothar avant qu’il ne
soit assassiné, bien qu’elle ne se souvienne
pas exactement du jour à cause de l’opium.
Mais si les Eiyu la mettent en présence du
corps du marin, la prostituée craquera, se
morfondra dans un coin au souvenir de la
créature et finira par la décrire.
« Elle avait une forme humaine, petite,
portait des haillons, une tête énorme avec
des tentacules filandreux comme un poulpe
qui bougent dans les airs. Et son regard, son
regard était froid comme la mort… », après
cela la prostituée deviendra hystérique.
Les tentacules ne sont rien d’autre que la
chevelure vivante de la futakushi-onna qui
dans la pénombre a été interprétée par le
cerveau malade de la prostituée comme
un poulpe. N’hésitez pas à jouer cette
scène de manière hystérique, le tout est de
rendre mal à l’aise les Eiyu.
L’alcoolique est un fossoyeur, les autres
prisonniers ne veulent pas de ce maudit
106
hurler des insanités et à se promener nu, une
prostituée, et le chasseur de yokai qui a refusé
de donner son sabre.
Si les Eiyu le demandent, ils peuvent rencontrer
les prisonniers. Sinon, faites hurler le vieux fou,
en insérant quelques fausses allusions à des
chiens ou un requin par exemple. Pour aller
l’interroger, un temps gaspillé car l’homme est
réellement dément, les Eiyu passent devant la
cellule du « samouraï », en position de seiza et
imperturbable. Un premier contact avec lui est
possible à ce moment-là.
avec eux. Il n’apporte pas grand-chose,
mais il est prêt à raconter n’importe quoi
pour un peu d’alcool.
Le chasseur de yokai Kunimitsu a refusé
de donner son sabre le matin même, à
présent interdit par décret. Il reste muet
et médite. Les personnages ne peuvent
rien en tirer sauf s’ils interviennent pour
le faire libérer. Il les remerciera sobrement
puis retournera dans la demeure d’Ibara.
Par cet acte, les Eiyu marqueront un
point. Kunimitsu sera plus enclin à les
écouter une prochaine fois, voire selon
les circonstances à les aider. Quoi qu’il en
soit le lendemain, Ibara se présentera à la
prison avec une lettre du préfet pour le
faire libérer.
Le vieux fou
Cet homme de soixante-dix ans est rendu
fou à lier par la rudesse de la vie. Il ne se
lave plus, jappe comme un chiot et aime
se dévêtir, même en public. Il ponctue
ses singeries par des affabulations qui,
de loin, pourraient faire penser à de la
philosophie zen. Il n’en est rien. Si les Eiyu
s’intéressent à lui, le vieux fou les prendra
pour une aimable distraction et après les
avoir écoutés, leur parlera de choses sans
queue ni tête sur le ton de la confidence.
Si les Eiyu décident qu’il ne sait rien de
l’affaire, le fou s’agrippera aux barreaux et
se mettra à hurler jusqu’à ce que les gardes
le renvoient au fond de sa cellule à coups
de bâton.
Le samouraï en prison
Cet homme, proche de la quarantaine, est
une image d’Epinal du samouraï. Il porte le
chignon traditionnel, parle de manière sèche
et laconique, regarde droit devant lui ou fixe
ses interlocuteurs. Ses gestes sont mesurés et il
économise son énergie à chaque instant. Il se
dégage de lui une menace palpable.
Interrogé, le samouraï dit venir des provinces
du Sud (il n’utilise pas le terme de préfecture, le
nouveau système administratif), appartenir au
clan Oda et demande à son interlocuteur son
rang. Si ce dernier est d’ascendance noble, il lui
parlera. Dans le cas contraire, il sera encore plus
froid et à la limite de l’impolitesse. Sa langue ne
se déliera que pour expliquer l’importance de
son sabre et ce qu’il représente.
Sa venue dans un lieu qu’il exècre (car
« moderne ») est due à une mission. Une
dette d’honneur que sa famille porte depuis
des générations. Il n’en parlera qu’en échange
d’informations. Si les investigateurs abordent
leur affaire, le samouraï demandera des
précisions, mais ne révèlera pas grand-chose.
Enfin, si les Eiyu sont très respectueux, s’ils le
font libérer ou qu’ils lui restituent son sabre une
fois qu’il sera relâché grâce à la rançon payée
par Ibara, le samouraï offrira à l’un d’entre eux
un kanji sur une feuille de papier de riz. Ce kanji
est une protection contre le yokai qui pourrait
servir lors de la scène 2.
Une fois libéré, le samouraï restera chez Ibara et
laissera ses serviteurs effectuer les recherches.
Il ne sortira qu’une fois le yokai localisé afin de
mettre un terme définitif à ses agissements.
L'égarée
Le chasseur de yokai
Kunimitsu Ichiro du clan Oda
NC 6
FOR +3 DEX +2 CON +2
INT +2 PER +2 CHA +1
DÉF 12 PV 30 Init 10 Ki +2
Katana +10 DM 1d8 + 3/1d10 + 3
(critique 19-20)
Wakizashi +10 DM 1d8 + 3 (critique 19-20)
Techniques de combat : Kunimitsu Ichiro
connaît les manœuvres suivantes :
Charge : une action de mouvement précédant
une action d’attaque accorde à Kunimitsu
Ichiro un bonus de +5 en ATC pour le
prochain jet.
Parade : lorsqu’il est touché avec une ATC,
Kunimitsu Ichiro peut tenter un test opposé
de DEX face à son adversaire ; s’il l’emporte, il
ne subit que le mod. de caractéristique comme
dégâts.
Coup brutal (L) : Kunimitsu Ichiro peut faire
un jet d’ATC sans mod. de caractéristique ; s’il
touche, il ajoute +1d6 à ses DM.
Enchaînement : Kunimitsu Ichiro peut
effectuer deux attaques en une action
d’attaque simple ou limitée. La deuxième se
fait au d12.
Lame effilée : lorsqu’il utilise un sabre avec
une main, Kunimitsu Ichiro gagne un bonus
de +2 en DÉF. Lorsqu’il utilise un sabre avec
deux mains, il gagne un bonus de +2 en
Initiative.
Purification : la purification énergétique et
vibratoire permet de nettoyer un lieu, une
personne ou un objet de l’influence négative
présente. Les malus qui asservissent l’esprit
ou le corps (possession, charme, paralysie,
ralentissement, etc.) sont annulés pendant
7 minutes. Un test de PER est demandé en
fonction de la situation rencontrée.
Protection : Kunimitsu Ichiro peut protéger
un lieu, une personne ou un objet contre
l’influence maléfique d’une entité. Le
personnage est immunisé contre la peur
et tous les sorts ou effets magiques qui
asservissent l’esprit ou le corps (possession,
charme, paralysie, ralentissement, etc.)
pendant 7 minutes. Si la purification a été
faite au préalable, elle dure 12 minutes. Un
test de PER est demandé en fonction de la
situation rencontrée.
Diagnostic des cinq éléments : Kunimitsu
Ichiro sait diagnostiquer les troubles liés
aux circulations d’énergie dans un être
vivant et établir le concept de maladie et de
traumatisme. Il reçoit un bonus de +4 à tous
les tests de médecine, d’anatomie, etc.
Guérison accélérée : lorsque Kunimitsu Ichiro
accorde des soins à un personnage blessé
avant une période de repos, il lui permet de
doubler le résultat du DV utilisé (soit 2 DV +
niveau + mod. de CON).
107
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 Revenez à l’encart « Guider les Eiyu dans
Yokohama », p.106, et laissez-les choisir leur
prochaine destination.
Visiter Yuko
dans le quartier Sud
Le quartier Sud près du port est constitué de
petits marchés, d’hôtels modestes, d’auberges et
d’entrepôts. Les demeures des marins côtoient
des maisons sur pilotis ou des barques. Depuis
quelque temps, des hommes à la solde de Yoji
Akamaru tentent de persuader la population
pauvre de partir pour transformer la zone en
une extension du port de marchandise. Yuko
s’est mobilisé pour les aider à rester, car une
telle mainmise par le riche homme d’affaires
signifierait plus de difficultés pour ses trafics.
Il n’est pas aisé de contacter Yuko car il n’aime
pas les policiers. En traînant dans le quartier,
il est possible de prendre contact avec un de
ses hommes, ou user d’informateurs pour faire
passer le mot que les Eiyu le cherchent. Ils
peuvent aussi investir les entrepôts du Dragon
vert, mais la réaction de Yuko sera encore plus
épidermique que celle d’Ibara.
Yuko reçoit ses « invités » dans l’entrepôt
principal. Il est encombré de nombreuses
caisses en bois et les chemins à l’intérieur
forment une croix. Arrivés au croisement de ces
chemins, Yuko apparaît en haut d’une pile de
caisses, flanqué de trois hommes de main, dont
un Chinois, armés de fusils.
108
Il réfute les actions contre les Occidentaux,
mais rappelle qu’il a des intérêts dans le quartier
des plaisirs et que ces gens posent toujours des
problèmes. Selon lui, il faut bien quelqu’un
d’efficace pour les régler. Il pose des questions
sur le HMS Stalwart et négocie ses possibles
informations contre toute information sur ce
navire. Il rappelle qu’un bateau qui n’accoste pas
est censé être en quarantaine et que ce dernier
ne l’est officiellement pas. Ici ce n’est pas lui qui
cache des choses. S’il est interrogé sur le trafic
d’opium dans la ville, Yuko niera et deviendra
passablement agressif. Il sait qu’il jouera gros
s’il est pris.
Une fois cette visite effectuée, déclenchez la
scène 2 le soir ou le matin suivant, sauf si les Eiyu
vont eux-mêmes à la rencontre du sous-préfet.
En attendant, revenez à l’encart « Guider les
Eiyu dans Yokohama », p.106, et laissez-les
choisir leur prochaine destination.
Le trafic d’opium (fausse piste)
Yuko a mis en place un trafic d’opium en
collaboration avec une pègre chinoise de Hong-
Kong. Tout ce trafic est nimbé de mystère et
de noms codés. Pour prendre contact avec les
Chinois (localisés dans le quartier du port), il
faut se tenir devant une peinture représentant le
dragon de la compagnie où travaille Yuko, mais
peint en blanc plutôt qu’en vert. Un observateur
zélé (PER, difficulté 20) pourrait voir un Chinois
surveillant constamment cette fresque toute
la journée depuis une chambre d’une maison
quelconque (en vérité, ils se relaient). Une fois
que celui qui demande une entrevue est vu, il
est accosté dans la rue avec une question. La
réponse, quoi qu’il arrive, est toujours « parce
que le dragon ne dort pas ».
Arriver à connaître le fonctionnement de ce
trafic est long et nécessite d’espionner sur
plusieurs jours les entrepôts de Yuko. Une
perquisition révèle des caisses de thé au jasmin,
à l’odeur assez forte, qui dissimulent de l’opium.
Elles se distinguent par un idéogramme chinois
(montagne) dans un coin. Une autre voie passe
par un des hommes de Yuko stationnant au
Fleurs de pétales et répondant au nom de Ya bon
pour les Occidentaux. De son vrai nom Shiji,
il y vend de l’opium, est fidèle et mourra plutôt
que de parler.
Enfin une autre cargaison sera gardée par des
hommes armés si les Eiyu passent avant la fin du
deuxième jour. Ensuite elle sera transférée vers
les hangars de la société Akiyo. Les caisses sont
frappées d’une pieuvre. Il s’agit de munitions
européennes. Ce trafic, à destination du
ministère de la Guerre, est semi-légal. En réalité,
rien ne l’interdit, mais le ministère, en faisant
ainsi, évite toute paperasse administrative.
Visiter le port
du quartier Est
La capitainerie
Il n’y a pas grand-chose à apprendre. Pour le
responsable, il n’y a rien à voir. Fonctionnaire
corrompu, acheté par les Occidentaux, il laisse
les bateaux mouiller sans déclaration et facilite
le débarquement des armes. Il prend de haut
les Eiyu, invoquant qu’ils sont hors de leur
juridiction. Une enquête rapide sur lui révèle
qu’en dix ans, il a triplé son patrimoine et son
niveau de vie. Si l’affaire est portée au préfet le
responsable de la capitainerie sera arrêté, pour
être libéré trois jours plus tard par le juge, sur
ordre du ministère. Si c’est le sous-préfet, il
classera sans suite cette affaire, connaissant les
intérêts de la société d’import.
Les Eiyu peuvent négocier un coup d’œil
au manifeste d’amarrage des navires (voir
« Annexe », p.119). Ils y apprennent les ports de
départ et les destinations de plusieurs navires,
ce qui leur sera utile lors de la traque du dernier
marin dans la scène 3 ou 4, selon leur choix.
Revenez à l’encart « Guider les Eiyu dans
Yokohama », p.106, et laissez-les choisir leur
prochaine destination.
Le HMS Stalwart (fausse piste)
L'égarée
Ce navire, vieux de plus de cent ans, est un
trois-mâts anglais affrété par la Royal Academy
of Science. Son capitaine, Sir Francis D.
Hummond, a décidé de faire escale à Yokohama
avant de repartir vers Londres. Il a croisé dans
les mers du Sud et lors d’une halte en Polynésie,
sur une île au nord-ouest de Tahiti, ses marins
et scientifiques ont découvert une idole païenne
gigantesque et s’en sont emparée. Lorsque les
indigènes les ont vus, ils ont essayé de s’opposer
mais ils furent massacrés par les Anglais. Ces
derniers sont vite repartis avec la statue. La
Polynésie est un territoire français et cette
attaque pourrait constituer un casus belli. Ainsi,
le Stalwart a-t-il fait une route quasi directe avec
une seule escale avant de rejoindre Yokohama.
Si le navire ne s’est pas amarré, c’est parce qu’il
ne veut pas que l’on découvre son secret.
Le capitaine, ainsi que les trois scientifiques et
le maître de quart, sont descendus en chaloupe
et ont été reçus par la Far East Local Furniture
Company (FELFC). Ils y logent au début de
l’aventure. Afin de garantir le secret, ils ont
fait courir le bruit d’une quarantaine, mais
cela n’apparaît sur aucun document officiel.
L’intégralité de cette histoire est racontée dans
le journal du capitaine, conservé dans un
coffre dans sa chambre (la clé étant à l’hôtel
de la FELFC).
Sur le navire, quatre hommes armés et
tendus sont présents car le mystère autour
du bateau a déjà attiré des voleurs à la solde
de Yuko. Ces derniers ne sont pas parvenus
à monter à bord, repoussés par les décharges
de plomb des marins.
Dans la cale se trouve la statue volée. Haute de
3,5 mètres, elle représente un homme au visage
effrayant coiffé de plumes et portant un pagne
et un collier de crânes. Son sceptre est constitué
de tentacules et à ses pieds se tassent de petits
êtres informes. L’ensemble est un montage de
bois (palmier très dur), de coquillages, de nacre
et de plumes. Toute personne qui entrerait
dans la cale sans lumière ou en n’ayant qu’un
petit faisceau lumineux ne pourrait avoir une
vision d’ensemble, et fort heureusement car il
s’en dégage une impression perturbante (test de
Résistance mentale, difficulté 15).
Si jamais les Eiyu ont connaissance de
cette situation, et qu’ils en informent leur
hiérarchie, la suite des événements dépendra
de la personne prévenue. Logiquement, il doit
s’agir du sous-préfet. Dans ce cas, il étouffera
l’affaire afin de ne pas envenimer davantage les
relations avec l’Occident. Si les Eiyu préfèrent
109
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 prévenir le préfet, ce dernier fera jouer ses
relations avec l’Académie des arts et traditions
populaires pour qu’ils récupèrent l’objet.
Éventuellement, les personnages entendront
parler d’une réunion extraordinaire entre
l’ambassadeur anglais et le gouvernement. Un
bateau de la flotte japonaise viendra mouiller
non loin du Stalwart. Mais avant un quelconque
dénouement, le trois-mâts sombrera et son
contenu sera perdu dans la baie de Tokyo.
Les gardes du HMS Stalwart
FOR +2 DEX +1 CON +1
INT +0 PER +2 CHA +0
DÉF 11 PV 10 Init 9 Ki -2
Fusils +3 DM 2d6
Couteau +4 DM 1d6 + 2
Visite à Stefan Ogurson
dans le quartier des
étrangers
Le quartier des étrangers est moderne,
les petites mains ne font qu’y passer et la
proportion d’étrangers est importante. Tout
Japonais n’étant pas un serviteur est épié par les
Occidentaux, voire méprisé. Seuls ceux qui se
déplacent en voiture et qui ont un statut élevé
reçoivent un respect intéressé. C’est depuis le
bureau de la société Akiyo que le secrétaire
110
particulier de Yoji Akamaru, Katsum Hijiro,
supervise les accords, dont la future extension
du port. La société Akiyo (« génération
brillante ») s’occupe du négoce avec diverses
entreprises étrangères dont les américaines
avec lesquelles le gouvernement importe des
armes plus ou moins discrètement, pour ne
pas heurter l’opinion.
Stefan peut être rencontré à l’hôtel de la
compagnie dans le quartier des étrangers, une
demeure à trois étages de forme carrée, en pierre
et à la mode occidentale. Il est entouré d’un
vaste jardin traversé par une route en graviers.
Tout Japonais qui n’est pas de haut rang ne peut
se rendre que dans le vaste hall d’entrée où ses
interlocuteurs viendront le rejoindre. C’est le
cas d’Ogurson, un homme d’une quarantaine
d’années, cheveux courts, au visage sec et
buriné. Ses mains sont larges et calleuses, mais
il porte un costume de qualité moyenne. Il parle
un japonais laborieux, d’où un dialogue difficile.
C’est un homme qui, sans l’être à l’excès, porte
en lui comme beaucoup d’Européens un fond
raciste. Ses expressions préférées sont « pong »,
un terme qui désigne autant les Japonais que
les Chinois et « face de singe » pour ceux qu’il
méprise particulièrement.
• Stefan donne toutes les informations
possibles, mais toujours « orientées »
selon son point de vue. Voici ce que les
investigateurs peuvent apprendre :
• Ses « gars » aiment bien les filles et
fréquentent souvent les prostituées ;
• Il se plaint des voleurs (faces de singe) qui
sont comme des poissons, capables de passer

par la mer et de piller ses bateaux sans que
les gardes n’y voient quelque chose ;
• Ses hommes sont souvent pris à partie
par la population locale, surtout dans
le quartier des plaisirs, et s’ils ripostent,
c’est en légitime défense (« Quand vous
vous sentez menacés constamment, vous
mordez avant de vous faire mordre, hein,
Pong, tu comprends ça, non ? ») ;
• Les problèmes sont de plus en plus
fréquents, à tel point qu’un de ses bateaux
n’a même pas pu s’amarrer au port et ne le
fera pas tant que les vols ne cesseront pas ;
• Si un Eiyu fait allusion aux accusations
de viol, il répondra que les Japonaises se
comportent comme des prostituées même
en dehors des bordels. Ses gars, ce sont des
marins, il ne faut pas s’étonner s’ils veulent
jouer avec les demoiselles, ça se comprend
tout de même.
• Pour d’autres informations, Ogurson
enverra les investigateurs vers l’hôtel
L’Océanique, s’ils n’y ont pas déjà été.
Enfin, en cas de tensions avec lui (ce qui
est très probable au vu de son attitude), il
lâchera dans une flopée de termes presque
injurieux que son « big boss » a pris contact
avec l’US Navy et qu’une canonnière serait
en marche, histoire de montrer à tous ces
« Pong » prétentieux comment on règle ça
chez les civilisés.
Revenez à l’encart « Guider les Eiyu dans
Yokohama », p.106, et laissez-les choisir leur
prochaine destination.
L'égarée
Visite de l’hôtel
L’Océanique,
dans le quartier Sud
Cet hôtel sert à loger les marins de la
FELFC, principale compagnie occidentale
à Yokohama, mais aussi de toutes les autres.
Il est de plain-pied, au bord de l’artère
principale du quartier Sud, une grande voie
en terre qui coupe le méli-mélo de ruelles
étroites constituant la très grande majorité
de ce quartier populaire pourvu d’entrepôts.
Seule la promenade au bord de la mer
contraste avec ces grands hôtels européens
et sa population plus riche. L’Océanique est
en réalité constitué de trois vastes dortoirs
avec des commodités usées dans la cour qui
donne sur l’arrière du bâtiment. Chaque
dortoir comporte une trentaine de paillasses
affublées chacune d’un coffre à cadenas.
Certains préfèrent arrimer leur hamac aux
poutres pour éviter la morsure des puces.
Une personne est presque toujours présente,
sauf entre 3 et 6 heures du matin, voire
deux qui « montent la garde » de manière
officieuse. Leurs lourds gourdins suffisent en
général à dissuader les fauteurs de troubles.
Tout Japonais qui se rend dans ces lieux peut
sentir la menace exsuder de chaque mur.
Ici, ce sont des hommes durs, qui ont déjà
commis plusieurs crimes, habitués à une
vie difficile et dangereuse loin de chez eux.
Il ne faut qu’une étincelle ou une menace
prononcée pour qu’ils répondent de la seule
façon qu’ils maîtrisent, la violence.
111
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 Stefan Ogurson
Avec les laissez-passer et un mot d’Ogurson, les
Eiyu peuvent entrer. Les voisins de paillasse des
victimes ne sont pas loquaces et la seule chose
qui en ressort, c’est qu’ils aimaient bien les
femmes (« Ça, dès qu’ils pouvaient démonter
une Jap, ils claquaient toute leur paie ! Z’auraient
mieux fait d’en épouser une, comme Simon,
hein, ils auraient fait des économies ! »).
Dans les deux établissements, les mêmes
éléments sont rapportés : ces marins sont des
brutes obsédées qui ont été chassés pour leur
violence et les abus qu’ils commettent. Les deux
maquerelles ne regrettent pas leur mort, mais
pour elles, s’ils se sont fait zigouiller, c’est à
cause de la pègre et de l’opium, pas par une de
leurs filles. Seuls les mafieux sont capables de
faire un truc aussi sale et original.

Fouiller dans les affaires des victimes (PER, Visiter de nuit les rues où les marins sont
difficulté 20) permet de trouver un sachet en morts entraîne une première rencontre avec
tissu contenant trois boulettes d’opium cachées la futakuchi-onna. Ensuite, le yokai changera
chez Lothar et un autre vide chez Marcellino. de quartier, surtout parce que ses « victimes »
Évidemment, personne ne savait qu’ils ne le fréquentent plus mais se terrent dans le
consommaient (ce qui est faux). Tout au plus, quartier Sud.
les voisins lâcheront, si les Eiyu réussissent à
leur mettre la pression, que « le fournisseur c’est
souvent un gars de chez Yuko, un Chinois ». Les pauvres filles du quartier des plaisirs
Revenez à l’encart « Guider les Eiyu dans (vraie piste)
Yokohama », p.106, et laissez-les choisir leur Lors de leur visite dans le quartier des plaisirs,
prochaine destination. sans doute nocturne afin de rencontrer
tenancières et témoins, les Eiyu vont peut-être
sur les lieux du crime. Un des deux meurtres a
Visiter le eu lieu dans une ruelle transversale, mais assez
quartier des plaisirs fréquentée (pas de témoins connus, la violence
du crime les ayant effrayés, ils ont décidé de
Ce quartier est paisible la journée, la plupart de faire profil bas). Le second s’est déroulé dans
ses occupants travaillent à préparer la soirée ou
une allée située à l’arrière-cour des bordels.
se terrent dans les masures misérables au bord
Dans cette rue se trouvent des indigents, soit
des canaux. Mais une fois la nuit venue, c’est le
trop malades pour parler, soit violents et
quartier le plus lumineux et le plus fréquenté.
alcooliques, ainsi que les filles qui n’ont pas été
Au début de l’aventure, les rues principales sont
prises dans un établissement.
bondées et il est difficile de suivre quelqu’un
dans la rue. À la fin de l’aventure, avec les
tensions et les explosions de violence, il y aura
à peine la moitié du monde.
Les rues traversières, et celles qui longent les
portes arrière des bordels, sont boueuses et
malpropres. Seuls les indigents, les vendeurs de
produits illicites et les pauvres jeunes filles qui
vendent leur corps pour survivre fréquentent
ces lieux lugubres.
Le Nectarine 9, bordel de luxe, est très grand
et européanisé pour répondre à la clientèle
occidentale, mais propose aussi de l’exotisme
à la clientèle nationale. Même une Anglaise et
deux geishas de luxe y exercent. La maquerelle
tient parfaitement son établissement et possède
quelque soutien haut placé…
Le Fleurs de pétales, petit lupanar traditionnel
de seconde zone, regroupe l’essentiel de la
clientèle des marins. Un représentant du
Dragon vert y est toujours présent, surnommé
« Ya bon » du fait qu’il répète cette phrase à ses
clients occidentaux. En cas de grabuge, il fuit
dans le dédale de ruelles qu’il connaît par cœur.

112

Sans protection, sans logis, ce sont de
miséreuses adolescentes qui meurent à petit
feu et ne prennent presque rien pour une
passe. Il n’est pas rare qu’elles soient violées,
violentées, voire tuées sans que personne ne
s’en émeuve. Très peu survivent à leurs 20 ans,
tuées par la maladie.
C’est parmi elles que se terre le yokai. Lorsqu’un
étranger arrive, ces jeunes filles en haillons
se traînent jusqu’à lui en tendant le bras.
Épuisées par une vie malsaine, elles geignent
et ne parlent pas. Si elles sont interrogées, elles
murmureront. Elles se jetteront littéralement
sur les hommes et leurs mains vont chercher
les attributs sexuels afin de suggérer ce qu’elles
peuvent faire. Cette scène doit être glauque et
effrayante. Ce ne sont que des humaines, mais
elles vivent l’enfer sur terre et ont perdu une
grande partie de leur humanité. Si les Eiyu
abordent la question d’une petite fille étrange
ou d’une créature, ils obtiendront une réaction
en deux temps, une pause prouvant que la fille
interrogée a vu quelque chose puis la fuite.
L’ensemble des filles ne savent pas ce que c’est,
mais elles l’évitent, leur instinct de survie leur
disant de ne pas chercher plus loin.
Première rencontre
Si les Eiyu poursuivent leurs investigations
dans les ruelles auprès des petites souillons, ils
risquent de tomber sur la futakuchi-onna.
Au milieu des désespérées, elle passe
L'égarée
presque inaperçue (jeune fille en haillons
aux cheveux longs et filasses). Elle se
rapproche, mais ne tend pas la main. De
préférence, elle se montre à une ou deux
personnes. Silencieuse et immobile, elle
inspire tout autant la pitié que le dégoût. À
l’approche des Eiyu, elle reste tête baissée.
S’ils deviennent menaçants ou viennent trop
près, ils entendront un feulement sinistre et
glaçant d’effroi inspirant une peur primale
(Résistance mentale, difficulté 15). Son
corps est froid comme un cadavre et si elle
est découverte, la futakuchi-onna attaquera
ses cibles à l’aide de ses cheveux, avec une
vélocité et une violence hors du commun. Ses
cheveux semblent innombrables, résistants,
blessants. Elle marque avec eux ses victimes.
Son but premier sera de s’enfuir grâce à son
agilité. Elle disparaîtra au fond d’une sombre
ruelle ou tombera dans un canal insalubre.
L’attaque sera si violente que les Eiyu seront
hagards, avec la sensation de n’avoir pas tout
compris, mais d’avoir échappé à la mort. Un
homme très observateur (PER, difficulté 20)
pourra avoir remarqué l’étrange difformité à
l’arrière de son crâne.
Parmi les autres filles, certaines lâcheront enfin
qu’elle a mangé le méchant homme, et qu’elle
leur fait peur.
Revenez à l’encart « Guider les Eiyu dans
Yokohama », p.106, et laissez-les choisir leur
prochaine destination.
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 La futakuchi-onna
NC 6
FOR +3 DEX +3 CON +2
INT +1 PER +3 CHA +1
DÉF 15 PV 30 Init 12 Ki de départ -5 (envie
muée en rancune)
Mains nues +8 DM 1d4 + 3 (+8 avec le Ki)
Morsure +8 DM 1d8 + 3 (+8 avec le Ki)
Cheveux +8 DM 1d4 + 3 (+8 avec le Ki)
Apparence effrayante : lorsqu’un personnage
réalise la véritable nature de l’entité, il fait un
test de choc difficulté 10 (1 PS).
Plus mort que vivant : la futakuchi-onna n’a
pas besoin de boire, manger ou dormir pour
subsister, mais n’a aucune récupération de
PV. Elle doit dévorer les matières organiques
(mortes ou vivantes) pour se régénérer. Enfin,
ses attaques sont considérées comme infusées
d’énergie pour ce qu’elle peut affecter.
Attaque multiple : la futakuchi-onna gagne
une attaque gratuite de chevelure lorsqu’elle
utilise une action d’attaque.
Chevelure : les cheveux de la futakuchi-onna
ont également des propriétés mystiques. Leur
solidité est extraordinaire tout comme la
possibilité de s’en servir d’arme. Cependant,
si l’attaque supplémentaire porte avec un
critique, la cible est Immobilisée jusqu’à ce
qu’elle réussisse un test de FOR opposé. Dès
lors, tant qu’elle n’a pas réussi à se dépêtrer,
la cible subit les DM de la morsure. La
futakuchi-onna ne peut immobiliser qu’un
adversaire à la fois.
Suivre une cible : la cible doit avoir eu un
contact direct avec les cheveux de la futakuchi-
onna. L’effet perdure pendant une semaine ;
pendant ce délai, le yokai sait toujours dans
quelle direction se trouve sa cible, si elle est en
mouvement et à quelle distance. La portée de
la connexion n’a aucune limite.
Immunités : la futakuchi-onna ne reçoit que la
moitié des DM issus d’armes à feu ou d’armes
contondantes. Elle est immunisée contre l’état
Étourdi sauf par la magie.
Vision parfaite : la futakuchi-onna voit aussi
bien dans les ténèbres qu’en plein soleil, elle
ne subit aucune pénalité d’obscurité.
Vulnérabilité : la futakuchi-onna est
vulnérable aux magies shintoïste et
bouddhiste, plus qu’un être normal. Ses tests
en opposition souffrent d’une pénalité de 5.
De plus, un ritualiste qui réussirait à créer un
kanji magique imprégné du concept de satiété
et à l’insérer dans sa gueule peut détruire la
futakuchi-onna.
114
Scène 2 :
première rencontre
Rapidement après la rencontre avec
Yuko, probablement le soir en rentrant au
bureau 104 ou le matin suivant, le sous-préfet
convoque l’équipe. Il lui demande de faire le
point et la félicite si les rapports journaliers
ont été réguliers et bien rédigés. Dans le cas
contraire, ce sera une belle remontrance.
Enfin, il conclut en expliquant qu’il a eu
des informations sensibles concernant une
embuscade des hommes de Yuko tendue envers
des marins de la FELFC, à défaut d’en trouver
du Stalwart, concernant la cargaison du
navire anglais. L’attaque serait programmée
pour le soir même ou le lendemain. C’est
pour le sous-préfet l’occasion de prendre
les hommes de Yuko en flagrant délit et de
pouvoir les condamner pour les meurtres des
marins. Puis il congédie les Eiyu.
Savoir où et quand
L’attaque a lieu le soir qui vous convient le mieux.
Une enquête, auprès d’autres agents de police
ou de leurs indicateurs habituels (à la discrétion
du Sensei), confirme les rumeurs d’une attaque
imminente et les raisons seraient les mêmes que
celles énoncées par le sous-préfet. Si les Eiyu
poussent très loin leurs investigations, voici ce
qu’ils apprennent :
• Six hommes de main de Yuko ont pour
mission d’attraper un marin de la FLEFC
et de le faire parler concernant le Stalwart,
ou à défaut d’apprendre où se trouve son
équipage. La mort semble inéluctable pour
l’infortuné anglais car Yuko veut faire un
exemple pour les viols en ville (et affirmer
son autorité) ;
• Les Anglais ne se déplacent pas seuls. Ils
vont souvent en groupe de 3 à 5 personnes
et portent des couteaux, voire des pistolets
pourtant interdits ;
• L’attaque devrait avoir lieu dans le
quartier Sud.
La suite de la scène, et de l’aventure, dépend
de la réaction des Eiyu. Ils peuvent intercepter
le groupe de Yuko, moyennant surveillance
et filature, avant qu’il n’opère son forfait,
simplement observer l’affrontement et décider
en fonction du déroulement, ou directement
intervenir dans l’altercation.
Bagarre de rue
tripartite
Dès le début de l’affrontement, les Anglais,
à cran, tirent deux coups de feu tuant deux
Japonais. Ainsi alertées, les autorités rappliquent
dans les dix minutes. C’est peut-être aussi ainsi
que les investigateurs trouvent la bagarre. Par
la suite, c’est une échauffourée à base de coups
de poing, de pied, de couteau, de gourdins et de
chaînes avec crochet.
Lors de ce combat, le yokai fond sur un Anglais
un peu en retrait qui se trouve être un de ses
violeurs (d’où la nervosité accrue du groupe
anglais et le fait qu’ils aient tous tiré si vite). Son
arrivée crée un mouvement de panique (test
de résistance mentale) bien qu’elle n’attaque
que les marins. Poursuivant les Anglais qui
se dispersent dans les rues, la futakuchi-onna
en tue un second, blesse gravement un autre,
tandis que le troisième s’enfuit (voir scène 5). La
violence de l’attaque est sidérante et les cadavres
dissipent sans équivoque toutes les théories
précédentes sur les auteurs des meurtres (test
de résistance mentale).
Si les Eiyu interviennent, la futakuchi-onna
ne cherchera pas à leur faire du mal, mais son
intention ne sera pas très claire. Vous avez
plusieurs possibilités pour gérer la scène :
Laissez les Eiyu l’affronter. Le yokai peut être
blessé, mais il ne doit pas être tué ;
Un acolyte du chasseur de yokai surveille
la zone et peut intervenir pour « sauver » les
personnages en projetant un kanji enchanté.
Néanmoins il mourra des mains de la futakuchi-
onna qui s’enfuira dans la foulée, apeurée ;
Si un des Eiyu a le kanji du chasseur de yokai,
celui-ci brûlera la futakuchi-onna et la mettra
en fuite.
Dans tous les cas, la futakuchi-onna marque
celui ou ceux qui s’opposent à elle, même si c’est
pacifiquement.
La scène se termine avec l’arrivée des autorités
et la décision importante que doivent prendre
les investigateurs ; ils ont des explications à
fournir et en tant que personnes de haut rang,
du fait de leurs laissez-passer, ils seront crus sur
parole :
S’ils choisissent d’accuser les hommes de Yuko,
faites jouer la scène 3 ;
S’ils choisissent d’accuser les Anglais (qui en
théorie ne sont pas en état de protester), faites
jouer la scène 4 ;
S’ils ne sont pas là ou qu’ils ne sont jamais
L'égarée
intervenus (ou que le groupe de Yuko a été
arrêté avant), faites jouer la scène 3.
Les hommes de Yuko
FOR +1 DEX +2 CON +0
INT +1 PER +1 CHA +0
DÉF 12 PV 10 Init 10 Ki 0
Couteau/Kusarigama/Gourdin +3 DM 1d6 + 1
Les marins britanniques
FOR +2 DEX +1 CON +1
INT +0 PER +1 CHA +0
DÉF 11 PV 12 Init 9 Ki -2
Pistolet +3 DM 1d10
Couteau +4 DM 1d6 + 2
Scène 3 :
les Européens
passent à l’attaque
Le lendemain de l’altercation, les Eiyu sont
convoqués au bureau du préfet. Ils y sont
attendus par le préfet, le sous-préfet et un
gentleman très distingué et poli, Andrew
Nichols, le chef de la FELFC.
Après avoir accueilli les investigateurs, le
préfet les remercie de leur implication et de
leur obstination à faire triompher la vérité.
Puis il annonce que le sous-préfet va les
mettre au courant de la suite des affaires,
se lève et quitte le bureau. Ce dernier, qui
exulte ostensiblement, prend sa place dans
son fauteuil et explique la nouvelle situation.
Il demande souvent l’accord d’Andrew Nichols
qui hoche la tête et parfois, dans un japonais
très pur, ajoute quelques explications.
Changement de cible
En plus du massacre de deux de ses hommes,
Andrew Nichols annonce qu’un troisième est
porté disparu. Convaincus que Yuko et son
groupe sont responsables de cet enlèvement,
les bureaucrates annoncent la tenue d’une
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 grande opération de purge dans le quartier
Sud, mais aussi dans le quartier Nord. En effet,
d’après leurs informations, la tête pensante
de l’opération serait un traditionaliste du
nom de Kunimitsu Ichiro. Selon eux, c’est un
révolutionnaire du Sud. Un de ses acolytes a
été arrêté, « interrogé » et a expliqué que son
« maître » était venu en ville pour affronter la
« dévoreuse sans âme ». Ils en ont conclu qu’il
parlait de l’Europe et que Kunimitsu devait être
derrière tout ça.
Comme ce dernier loge dans le quartier Nord,
chez un « édile local », les bureaucrates ont
décidé de boucler la zone et de procéder dans les
jours qui viennent à un ratissage en règle. Enfin
Nichols énonce qu’il a demandé l’assistance de
la marine américaine et qu’une canonnière est
censée arriver dans 48 heures.
De nouveaux objectifs
En fonction de leurs actions précédentes, les
membres du bureau 104 ont trois choses à faire :
• Retrouver le marin manquant (Bob
Wilson) et le ramener au sous-préfet. S’ils
ne le trouvent pas sous 48 heures ou qu’ils
découvrent qu’il est mort, l’opération de
purge sera déclenchée ;
• Accompagner le samouraï à la préfecture
afin qu’il soit jugé le plus vite possible. Il
ne fait aucun doute pour les deux hommes
qu’il finira condamné à mort (pendu, ce
qui semble être la peine requise, l’infamie
pour un samouraï traditionaliste) ;
• Aider à neutraliser Yuko et ses alliés du
quartier Nord, dont Ibara semble être en
haut de la liste.
Les Eiyu ont carte blanche. S’ils mentionnent
l’existence de la futakuchi-onna, ils seront
moqués et discrédités. S’ils insistent, ils seront
mis sur la touche et devront terminer l’aventure
sans l’aide précieuse du laissez-passer.
Une situation explosive
En se renseignant sur la situation, voici ce que
les membres du bureau 104 apprennent, quelle
que soit la source de l’information (les hommes
du quartier Nord, un allié que les Eiyu se sont
faits ou un camarade à la préfecture) :
On a le sentiment que Yokohama est en guerre :
les rues sont à moitié vides, des barricades
sont dressées le long des axes qui mènent aux
quartiers Nord et Sud. Les gens marchent vite
et peu profitent encore du quartier des plaisirs ;
116
Le quartier Sud est en état de siège. Les hommes
de Yuko ne se laissent pas faire et ripostent avec
des armes à feu. Des escarmouches ont lieu et
l’entrepôt principal est cerné de policiers en
attente d’un canon arrivant avec le train de
Tokyo. Régulièrement, des coups de feu éclatent
au loin et des agents courent dans tous les sens.
Le long de la rue principale, où est situé l’hôtel
L’Océanique, des marins armés surveillent les
mouvements des Japonais ;
Le quartier Nord est une vraie poudrière.
Les gens ont créé leurs propres barricades et
la révolte gronde. Mais aucun coup de feu
n’a été tiré jusqu’à présent. De nombreux
attroupements se développent, aussi bien
d’adultes que d’enfants et de vieillards ;
Une enquête sur Bob Wilson apprend que c’est
un marin connu pour son amour de la chair,
sa tendance à la violence et à l’alcoolisme. Il a
des liens d’amitié très forts avec certaines des
victimes (Lothar, Simon et Edgar, les deux
dernières victimes du yokai). Depuis une
semaine, il est très souvent saoul, plus que
d’habitude, et se gratte frénétiquement le bras
gauche (où il a la marque de la futakushi-onna).
Il parlait de « partir en salade » (terme mal
compris par ses camarades, il faisait allusion
à Batavia, le port indonésien, voir le manifeste
en annexe, p.119). Sur ce point n’hésitez pas
à « délayer » (« Il voulait toujours bouffer de
la salade, une vraie obsession » ; « Il parlait
toujours d’aller au pays de la salade, un truc
comme ça » ; « Il voulait rejoindre une nana
qui avait un nom de salade, sans doute une
asiate... »). Insistez sur le fait que Bob Wilson
parlait très souvent de quitter la ville et ce
« maudit pays » au plus vite. Que ce soit en allant
directement à la capitainerie ou en demandant
à un contact, les Eiyu peuvent obtenir la liste
des navires actuellement à quai.
Une fois les investigateurs sur la piste de Bob
Wilson (qui est caché sur le bateau hollandais à
destination de Batavia), passez à la conclusion.

Et pendant ce temps-là, dans la baie de Yokohama
Cet événement est optionnel. Son
explication et la vérité derrière le Stalwart
ne sont en réalité pas liés à cette aventure.
Si vous voulez rajouter de la tension
et embrouiller un peu plus les joueurs,
faites couler le Stalwart. Vous pouvez
le faire la nuit précédant l’attaque de la
scène 2, la même nuit ou par la suite. Les
investigateurs peuvent aussi le vivre en
direct lorsqu’ils se rendent au port pour
autre chose.
Le Stalwart coule en moins de dix minutes.
Aucun coup de feu ni aucune explosion n’est
entendu. Les spéculations vont bon train et
la majorité des gens pensent que ce sont les
hommes de Yuko qui ont coulé le bateau
en représailles. Ce qui, si vous le faites
avant l’entretien de la scène 3, ajoute à la
détermination du sous-préfet et de Nichols.
Scène 4 : les Japonais
passent à l’attaque
Cette scène a de nombreux points communs
avec la scène 3, mais au lieu du renvoi du
préfet, c’est le sous-préfet qui paye, pour avoir
manipulé la « vérité » et avoir favorisé les
intérêts occidentaux sur ceux de son pays.
L’entretien qui suit est beaucoup plus tendu,
le préfet remerciant froidement Nichols et le
menaçant d’expulsion de la ville s’il trouvait
des preuves de son implication dans les troubles
récents. En conséquence, ce dernier lance un
ultimatum de 48 heures pour qu’on retrouve
son marin, ou il demandera à la canonnière
de protéger les ressortissants étrangers, ce qui
peut très bien être la première étape d’une
guerre, ou tout du moins d’un accrochage
violent à Yokohama (l’empereur saura éviter
un conflit entre le Japon, les Etats-Unis et
l’Angleterre, mais la violence déchaînée à
Yokohama aura l’intensité d’une guerre).
Il n’en reste qu’un
Les quartiers Nord et Sud ne sont pas bouclés,
mais les enclaves occidentales sont « protégées »
par des Européens en armes et très tendus (ils
n’hésiteront pas à tirer s’ils se sentent menacés).
Le préfet libère Kunimitsu, si ce n’est pas déjà
fait, et malgré des opinions radicalement
L'égarée
La vérité est sombre et a des
conséquences sur le long terme : le
Gardien de R’lyeh, protecteur de la
statue polynésienne et serviteur de
Cthulhu, a retrouvé la trace du bateau
et l’a coulé. Les quatre occupants qui
étaient de quart sont morts, dévorés
par la bête. Une fois la statue par
25 mètres de fond, la bête se tapit à
ses côtés et reste là jusqu’à ce qu’on la
déloge ou qu’on la tue. La bête de la
baie de Yokohama sera à l’origine de
nombreux malheurs pour la ville et
son élimination est en soi une aventure
complète. Mais les investigateurs
ne sont pas ceux qui résoudront ce
mystère. Cet événement tragique sert
surtout à augmenter une tension déjà
à son comble.
divergentes, le confie aux investigateurs pour
qu’il les aide à retrouver le marin à temps. Le
chasseur, avec les éléments rapportés par ses
acolytes, a compris que le yokai pourchasse
Bob Wilson. Là où il se trouve, se trouve
Wilson, et inversement.
Si un Eiyu porte la marque de la futakuchi-
onna, il suggèrera aussi de l’utiliser afin de
lui tendre un piège. Les personnages peuvent
aussi enquêter sur Wilson comme dans la
scène 3, mais il leur faut un délicat mélange
d’intimidation et de diplomatie car les
Européens se sentent piégés. Ils pourraient
bien être pris à partie et subir une bagarre qui
dégénèrera s’ils ne sont pas assez subtils.
D’autres objectifs
Le préfet veut retrouver Wilson, ou sa dépouille,
afin d’avoir des preuves à l’encontre des
Occidentaux et pouvoir plaider leur expulsion
à la cour impériale. Au vu de leur enquête, il
demande aux investigateurs d’aller revoir Ibara
et Yuko et de solliciter leur aide.
En fonction de leurs agissements précédents,
les Eiyu peuvent plus ou moins facilement
obtenir des hommes de Yuko la planque de
Wilson et une « sécurisation » de la zone.
Quant à Ibara, il charge ses hommes de fournir
des témoignages (souvent faux) des mauvais
agissements des Occidentaux.
Une fois Wilson localisé, passez à la conclusion.
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Conclusion :
confrontation finale
dans un navire hollandais
Le dernier Européen ayant violé la futakuchi-
onna s’est réfugié sur le navire hollandais à
destination de Batavia, en Indonésie. Mais
compte tenu des événements, surtout si le
Stalwart a coulé, il est retenu à quai pour cinq
jours supplémentaires.
Le Pier Vint
Les marins qui surveillent le bateau ne parlent
que le néerlandais, si nécessaire la sous-
préfecture peut fournir un interprète. Ils ne
sont pas au courant de la présence de Wilson
et rechignent énormément à faire monter des
Japonais armés. Lors d’une fouille en règle, ils
retrouvent Wilson retranché à fond de cale, et il
ne se laisse pas faire.
Bob Wilson
FOR +2 DEX +2 CON +2
INT +0 PER +1 CHA +0
DÉF 12 PV 20 Init 9 Ki -2
Pistolet +4 DM 1d10
Couteau +4 DM 1d6 + 2
L’heure du choix
Le yokai arrive par la mer peu après. Des bruits
étranges, de la tôle déchirée, un des marins
hollandais attaqué, voire dévoré, des ombres
rapides au milieu des caisses du bateau, des
bruits de pas au-dessus d’eux alors qu’il n’y a
personne, voici quelques-uns des éléments
que vous pouvez utiliser pour cette scène. Que
Wilson soit toujours retranché ou qu’il suive
les investigateurs, il doit affronter la futakuchi-
onna. Ce marin est une ordure raciste et brutale,
le véritable monstre de l’histoire. Jouez sur cette
corde face aux joueurs.
La fin est très ouverte car tout dépend de ce
que veulent faire les investigateurs. N’oubliez
pas qu’en principe, lors de la confrontation
entre Wilson et le yokai, il doit y avoir au moins
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deux autres témoins : un marin hollandais qui
accompagne et surveille les investigateurs et
sans doute le Japonais interprète de la sous-
préfecture marine.
• Si les Eiyu ont joué la scène 3, qu’ils
récupèrent le marin et le ramènent à
Nichols, le siège est levé. Beaucoup de
Japonais, innocents dans cette affaire, sont
morts. La pègre de Yuko est démantelée.
Les Eiyu reçoivent des lettres de menace
qui les considèrent comme des traîtres.
Mais ils sont alliés aux Occidentaux.
• Si les Eiyu ont joué la scène 3 et qu’ils
laissent le yokai se venger, qu’ils le
neutralisent après ou qu’ils le laissent
partir, cela ne règle pas son problème. Une
fois la vengeance accomplie, la créature
continuera d’assouvir sa faim avec de la
chair humaine. De plus, il faut justifier
la mort de Wilson (par une attaque de
requins par exemple). Les Occidentaux,
aidés du sous-préfet, purgent les quartiers
et Yuko et sa pègre de Yuko disparaissent.
Beaucoup de morts innocents, mais des
excès qui serviront dans quelques années
à expulser les derniers Occidentaux. Les
Eiyu ne reçoivent pas de lettre de menace,
mais l’hostilité de toute une ville.
• Si les Eiyu tuent la futakuchi-onna (à l’aide
d’armes à feu, du sabre du chasseur de
yokai, ou en plongeant le kanji « satiété »
dans sa gueule), ils gagneront le samouraï
comme allié. Si celui-ci est mort, c’est son
ordre qui contactera les personnages et
leur proposera une alliance. Ils devront
tout de même fournir une explication pour
l’affaire et maquiller l’existence du yokai.
Dans le cas où ils révèlent son existence,
ils seront amenés à Tokyo et emprisonnés
dans les cellules de l’Académie impériale
des arts et traditions.
• Si les Eiyu laissent partir le yokai, les
meurtres continueront et les Eiyu seront
mis sur la touche car considérés comme
ayant échoué dans l’affaire.
Enfin les Eiyu peuvent forger de faux
témoignages et de fausses preuves pour
maquiller la réalité et faire accuser les
Occidentaux ou les hommes de Yuko. Reste
à régler le problème des témoins dans le
bateau. S’ils sont découverts, ils finiront en
prison pour complot et collusion avec un
ennemi du Japon.
 Annexes

L'égarée
Aide de jeu n°1 : les notes de Tamiya

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esteban masson - esteban.masson@gmail.com - 20231205/227/707921/1145071
 Aide de jeu n°2 : manifeste de la capitainerie

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