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Une histoire du vin

L’évolution de la société française pourrait se lire dans le reflet du vin versé dans une carafe
historique. Apportée par les Romains, améliorée par les moines, popularisée par la Révolution, la
vigne a vécu, en France, au rythme des hommes...

Grands amateurs de vin, les Gaulois ne s’intéressaient guère à la vigne jusqu’à la conquête
romaine, au IIe siècle avant notre ère. Pour satisfaire leurs besoins, ils achetaient ce breuvage très cher
aux commerçants italiens, les règles de la viticulture étant fixées depuis longtemps dans ce pays. Ainsi,
quand les légions romaines s’introduisent en Gaule, elles apportent avec elles les cépages cultivés sur
leur terre d’origine. Le premier siècle après J.-C. qui marque la romanisation de la Gaule est aussi celui
de la naissance du premier vin gaulois chez les Allobroges, en Dauphiné, auxquels Rome accorde le
droit de planter et d’exploiter des vignes. Ils créent une variété, l’allobrogica (ancêtre présumé de la
syrah), à partir de sarments sauvages prélevés dans les forêts. Peu après, d’autres Celtes, les Bituriges
vivisques, plantent dans le Bordelais un nouveau cépage, le biturica, donnant ainsi naissance à l’un des
plus prestigieux vignobles du monde. Puis aux II e et IIIe siècle, la vigne gagne la Gaule septentrionale, la
Bourgogne, la Loire et les bords du Rhin. D’est en ouest, du nord au sud, le vin voyage, enfermé dans
des tonneaux, une invention gauloise qui supplante les outres et les fragiles amphores romaines.

Moines vignerons

Avec l’effondrement de l’Empire romain au Ve siècle et, surtout, l’islamisation d’une partie de
son pourtour, la Méditerranée perd sa suprématie viticole. Épargnés par les Barbares, les vignobles
gallo-romains, eux, ne connaissent pas le déclin. En ce futur royaume de France devenu chrétien, les
évêques ont besoin de vin, symbole du sang du Christ, pour célébrer le culte, recevoir les pèlerins, les
princes et les rois. Ils veillent donc à sa production, créant des vignobles autour de leur cité, comme
Paris, Cahors, Orléans, Lyon, etc. Quant aux moines, ils associent à partir du VI e siècle la plantation de
vignes à la construction de monastères. Ils se révèlent d’excellents vignerons. En Bourgogne, ils sont
ainsi à l’origine des plus grands vignobles, découvrent la notion de terroir, qu’ils nomment «  climat »,
notent les différences entres les crus, sélectionnent les cépages. Du XII e au XVe siècle, ils élaborent les
meilleurs vins de France dans leurs vignes de Bourgogne, d’Ile-de-France, de Moselle, du Dauphiné, du
Languedoc et du Sud-Ouest.
Le vignoble bordelais, lui, a connu une histoire singulière qui débute en 1152 avec la répudiation
d’Aliénor d’Aquitaine par son mari Louis VII, roi de France. La reine épouse alors Henri Plantagenêt,
futur roi d’Angleterre sous le nom d’Henri II, et apporte dans la corbeille de mariage la Guyenne
(Aquitaine), le Poitou, le Périgord et l’Anjou, entre autres. Cette alliance scelle l’avenir du commerce
des vins de Bordeaux pour plusieurs siècles au royaume anglais.

Un essor fulgurant

C’est au XIIe siècle également que commencent à se développer les cités et, avec elles, une
nouvelle classe sociale, la bourgeoisie. Très vite, les bourgeois les plus riches cherchent à rivaliser avec
l’aristocratie en possédant des vignes qu’ils font cultiver aux portes des villes. Ainsi, sous l’impulsion
de l’Église, de la noblesse et de la bourgeoisie, l’expansion du vignoble est telle qu’au XV e siècle la
vigne est cultivée partout en France. Ce n’est qu’au siècle suivant qu’elle cédera des hectares aux
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céréales ou aux arbres fruitiers dans le nord du pays (Normandie, Bretagne, Lorraine, Flandres). Au sud
en revanche, les ceps ne cessent d’être plantés.
Du XVIe au XVIIIe siècle, les progrès dans la culture de la vigne, l’élaboration et la conservation
du vin renforcent les différences de qualité entre les crus, dont la majorité des volumes reste réservée
aux privilégiés. Ce n’est qu’avec la Révolution que le vin devient la boisson du peuple français,
constitutive de son image. Sa production ne cesse d’augmenter pour répondre aux énormes besoins des
consommateurs de l’époque: dans les grandes villes, un adulte (homme) boit presque un litre de vin par
jour!
Cette période faste pour le commerce prend fin en 1875 avec la propagation d’un puceron venu
des États-Unis, le phylloxéra. Ce tueur de vignes se répand lentement, ravageant tout sur son passage. Il
oblige les viticulteurs à repartir de zéro: entre 1880 et 1900, le vignoble est reconstitué avec des plants
américains, sur lesquels sont greffés de vieux cépages français. Le paysage viticole passe de 2,5
millions à 1,7 millions d’hectares. Les vignes disparaissent de Bretagne, de Normandie et de Picardie,
régressent dans le Midi, l’Est et la région parisienne, mais progressent dans le Languedoc-Roussillon.
Le vignoble devient également plus productif, au détriment de la qualité des vins.
Au début du XXe siècle, les crises de surproduction et de mévente obligent les gouvernements
successifs à prendre des mesures pour protéger les grands vins et leur zone de production, limiter les
rendements et interdire la plantation de cépages médiocres. Une politique d’encouragement à la
production de vins de qualité se met en place. Elle se poursuit de nos jours, beaucoup de vignerons
ayant compris que leur salut résidait dans une amélioration constante de leurs produits. Car aujourd’hui,
la viticulture française doit affronter un double problème: la baisse de la consommation nationale et la
concurrence des vins du Nouveau Monde (États-Unis, Amérique Latine, Australie...), qui séduisent les
Français par leur bonne qualité et leurs prix raisonnables.

VÉRONIQUE PLATT
co-fondatrice de l’association
Culture vin/Culture gout

1) Comment la vigne a-t-elle été introduite en France?

2) Quelle invention gauloise a-t-elle révolutionné le stockage et le transport du vin? Qu’a-t-elle


remplacé?

3) Expliquez la relation entre le développement des vignobles en France et le christianisme.

4) Le vin a toujours été considéré comme la boisson du peuple français. Vrai ou faux? Justifiez votre
réponse en citant un extrait du texte.

5) Qu’est-ce que le phylloxéra? Quel impact a-t-il eu sur les vignobles français? Comment a-t-on résolu
ce problème?

6) De nos jours, à quels défis la viticulture française est-elle confrontée? Comment les vignerons font-ils
face à cette situation?

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