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Julia Janisson

Mémoire de fin d’études

La résilience
de la filière vitivinicole
est-elle possible ?
Millésime 2022

1
2
ABSTRACT
La viticulture est le premier secteur agricole français,
elle représente 15 % de son économie en valeur, avec
ses 3 % de surfaces agricoles. La France produit 17 %
des vins circulant dans le monde.

Selon l’INSEE, en France, la consommation d’alcool


est en baisse depuis plus de 60 ans. En 1960, le
français moyen buvait plus de 120 litres de vin par an,
contre 40 litres pour la bière. En 2018, il consomme
entre 20 et 40 litres de vin, c’est autant que la bière.

Pourtant, le vin est une partie importante de


l’économie française et de son patrimoine. Inscrit à
l’UNESCO en tant que patrimoine immatériel, il fait
partie intégrante de ses traditions.

Le réchauffement climatique et le changement des


moeurs menace cette filière, selon les scénarios
prospectifs du groupe de recherche LACCAVE, près de
la moitié des surfaces viticoles actuelles ne pourront
plus accueillir cette culture d’ici 2050.

Dans le même temps, la viticulture pollue elle aussi


beaucoup : 20 % des pesticides utilisés en France pour
3 % des surfaces agricoles.

La filière viti-vinicole est constituée de beaucoup de


métiers différents, c’est un système complexe où se
croise des oranisations, des cultures, des traditions
et des méthodes. Ellle doit aujourd’hui faire face à de
nombreuses menaces, et due à sa complexité, une
des solutions serait d’envisager le design systémique.

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4
SOMMAIRE

Abstract 3

Introduction 9
Partie 1 - Des crises porteuses d’innovations 15
La crise du Phylloxéra 20
Les menaces actuelles 30
Les organismes

Partie 2 - La résilience dans le monde viticole 34


La résilience 36
Innovation et appellation 40
Où agir pour plus de résilience? 43

Partie 3 - Le design systémique 46


Le design systémique ? 47
La gigamap du vin 52
Conclusion 54
Conclusion 56

Bibliographie 58

Remerciements 63

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6
Les ignorants, Etienne Davodeau, 2011, Futuropolis.

7
INTRODUCTION

Photo personnelle, Joigny, 2020

8
Oscar Wilde a dit « Les Français sont si fiers de leurs
vins qu’ils ont donné à certaines de leurs villes le nom
d’un grand cru. » Le vin est une partie importante de
l’économie française et de son patrimoine. Inscrit à
l’UNESCO en tant que patrimoine immatériel, il fait
partie intégrante de ses traditions. La viticulture est le
premier secteur agricole français, elle représente 15 %
de son économie en valeur, avec ses 3 % de surfaces
agricoles. La France produit 17 % des vins circulant
dans le monde.

Pourtant, selon l’INSEE, en France, la consommation


d’alcool est en baisse depuis plus de 60 ans. En
1960, le français moyen buvait plus de 120 litres de
vin par an, contre 40 litres pour la bière. En 2018, il
consomme entre 20 et 40 litres de vin, c’est autant
que la bière.

Le vin nécessite la culture de la vigne et du raisin,


c’est la viticulture, puis une transformation du
raisin en alcool, une production de bouteilles, c’est
la viniculture. Lorsque l’on parle du monde du vin
en France, il convient donc de parler de la filière
vitivinicole. Celle-ci est constituée de beaucoup
de métiers différents. Tout d’abord, nous avons
les viticulteurs, des agriculteurs qui cultivent
exclusivement la vigne. Si le viticulteur vinifie aussi
ses vins, il est alors un vigneron. Les ouvriers agricoles
sont ceux qui, employés par des vignerons ou des
viticulteurs vont faire des travaux dans les vignes.
Aujourd’hui, une exploitation agricole sur cinq a une
activité vinicole. Les négociants, achètent des vins de
producteurs différents et les assemblent pour ensuite
les commercialiser en plus grande quantité que la
capacité d’un vigneron seul. Les vignerons n’ayant pas
assez de surface d’exploitation peuvent également
se regrouper dans des caves coopératives de
vinification pour mettre en commun les opérations
de transformation du produit, de stockage, de
distribution. Les cavistes commercialisent le vin dans

9
des boutiques dédiées. Lorsqu’il s’agit de déguster du
vin dans les restaurants, les sommeliers sont là pour
aiguiller le consommateur à faire des accords mets-
vin selon leur goût, il est aussi responsable du choix
des vins mis à la carte et de la cave du restaurant.
Le vigneron peut-être entouré de plusieurs autres
experts pour mener à bien sa récolte et sa vinification.
Les conseillers et ingénieurs agricoles aident à
cultiver le raisin. Les ampélographes étudient
les cépages. Les oenologues aident, grâce à la
chimie, à vinifier. Ils peuvent également déguster
et juger les vins lors de concours. La filière viti-
vinicole est régie par des lois, qui proviennent du
ministère de l’Agriculture, relayée par des chambres
départementales ou régionales d’agricultures,
celles-ci accompagnent les agriculteurs dans les
politiques nationales, et représente les différents
agents économique au niveau national. Le vin étant
un produit très réglementé, chaque région a ses
spécificités et utilise des Appellations d’Origine
Contrôlée, une certification européenne établissant le
respect d’un cahier des charges pour un produit. Ces
cahiers des charges sont créés par l’Institut National
de l’Origine et de la Qualité, un organisme national. Il
existe également des associations de professionnels,
des comité interprofessionnels et des syndicats. Tous
oeuvrent au sein de la filière et crée un écosystème
complexe.

Face au réchauffement climatique, la filière est


menacée. La teneur en sucre et en acidité des raisins
change, la date de vendange est, chaque année
avancée, les canicules et gelées font perdre des
récoltes, les vignes sont menacées par du stress
hydriques ou par la montée des eaux. Les modes
de cultures changent, d’une agriculture héritée de
l’après-guerre, cherchant le rendement maximal
et utilisant des produits toxiques et polluants à
outrance, des agricultures plus respectueuses de
l’environnement émergent depuis quelques années.

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Dans un contexte de consommation d’alcool toujours
en baisse et de crise écologique, les scénarios
prospectifs sont inquiétants.

Elle est soutenue par des collectivités,


interprofessions, associations, coopératives,
organismes de recherches. Avec l’avènement du
numérique, elle voit apparaître des outils d’aide à
la décision, de suivi de culture, de distribution et
d’apprentissage. La culture traditionnelle de la vigne
conduite à l’aide de pesticides et intrants dangereux
pour la santé nous a conduits à modifier nos modes
de cultures et a contribué à l’avènement d’autant de
modes de culture que de labels. Tous ces organismes
créent un réseau vaste et complexe.

La résilience est-elle possible dans la filière viticole?

Dans un premier temps, nous verrons comment


les crises précédentes ont pu être porteuses
d’innovations et quelles sont les crises actuelles.
Nous nous intéresserons à la crise du Phylloxéra et
l’élaboration du porte-greffe américain vers la fin
du XXe. Nous étudierons également la création des
premières Appellations d’Origine Contrôlée pour
lutter face à la concurrence au début du XXIe siècle, et
comment se sont formés les premiers regroupements
de professionnels. Quels sont ils aujourd’hui.
Dans un second temps, nous nous intéresserons à
la résilience, à sa définition et à son implantation au
sein de la filière viticole.
Enfin, nous nous intéresserons au design systémique,
à son implantation dans cette filière, et à l’économie
participative au sein de celle-ci.

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12
Photo personnelle, Verzenay, 2021
13
1.
DES CRISES

Photo personnelle, Verzenay, 2021

PORTEUSES
D’INNOVATIONS

14
A. LA CRISE DU PHYLLOXÉRA

La viticulture est un travail qui dure toute l’année,


sans aucun répit. Cultiver un fruit, c’est dépendre
de la région dans laquelle on la cultive, de sa
topographie, de son sol, de sa météo et donc
surtout de ses aléas climatiques. C’est également
savoir répondre aux menaces que peuvent être des
maladies ou des insectes ravageurs. Le viticulteur
pourrait s’apparenter à un agriculteur, à la différence
près qu’il ne cultive qu’une seule espèce de plantes.
Il est très rarement propriétaire d’autres cultures que
celle de la vigne. Pour gagner sa vie, tout dépend
donc de son rendement annuel.

Depuis la naissance de la vinification, plusieurs


crises sont apparues, tantôt économiques, tantôt
agronomiques. Une crise en particulier est
intéressante, car elle a profondément modifié les
modes de viticulture. Elle a provoqué l’arrachage
de la quasi-totalité du vignoble français, elle a réuni
politiques, scientifiques, agronomes, et même
hommes d’Église pour la résoudre. C’est la crise du
Phylloxéra.

Le premier constat se fait dans le Gard, où plusieurs


vignerons constatent le dépérissement de leur
vignoble en 1863. 5 ans plus tard, la cause est
identifiée par le professeur Emile Planchon : c’est un
insecte importé d’Amérique par un voyageur qui en
est la cause : le phylloxéra. Cet insecte s’apparente
à puceron, bien qu’il soit presqu’invisible à l’oeil nu.
En piquant les feuilles, il va provoquer une gale,
compromettant la photosynthèse. Il va ensuite piquer
les radicelles, les racines secondaires, et empêcher
celles-ci de se nourrir d’eau et de minéraux. Ces
piqûres vont provoquer des nodosités, de petites
15
tumeurs qui se forment sur les racines, causant la
mort du cep, le pied de la vigne.1

La maladie se répand lentement dans le monde


entier. Elle arrive en 1880 dans le vignoble nantais et
achève de détruire le vignoble français en France,
en arrivant tout au nord, en Champagne en 1898.
En 1901, on déclare le vignoble champenois entier
« phylloxéré ». Partout, seules les parcelles plantées
sur des sols sableux peuvent espérer être épargnées,
ayant un sol peu hospitalier pour l’insecte. En 1877, un
décret national interdit tout nouvelle plantation de
vignes.2

Des traitements inefficaces et onéreux sont proposés


pour pallier à ce ravageur. Parmi ces traitements,
l’un trouve sa place : c’est l’utilisation du sulfure
de carbone, un solvant chimique inflammable,
très toxique pour l’homme. Ce traitement se
révèle dangereux et compliqué à manipuler, il ne
guérit pas la plante, c’est un palliatif qui prolonge
seulement leur vie. Son épandage doit être renouvelé
fréquemment.3

C’est le professeur Emile Planchon, le même qui a


identifié l’insecte, qui trouve une solution en 1873
: le porte-greffe. Un porte-greffe, c’est un pied de
vigne sur lequel on va faire une entaille à quelques
centimètres des racines, et y glisser à l’intérieur la
partie haute d’une vigne d’une autre variété pour
que celle-ci utilise la racine qu’on lui donne. Le cep
utilisé pour contrer le puceron est un cep américain.
Les vignobles américains tels qu’on les connaît
aujourd’hui n’existaient pas à cette époque, mais les
vignes sauvages y vivant depuis des siècles, ont su
s’adapter à l’insecte.
1. Le phylloxéra, Olivier Yobregat, Institut Français de la vigne et du vin. https://www.vignevin-occitanie.
com/fiches-pratiques/le-phylloxera/
2. Le phylloxéra et ses conséquences, Union des Maisons de Champagne, https://maisons-champagne.
com/fr/encyclopedies/histoire-du-champagne/premiere-partie-histoire-du-champagne/chapitre-5-le-xxe-
siecle/article/le-phylloxera-et-ses-consequences

16
Phylloxéra, Daktulosphaira vitifoliae, Wikipédia, https://fr.wikipedia.org/wiki/Phyllox%C3%A-
9ra#:~:text=Le%20phyllox%C3%A9ra%20de%20la%20vigne,vigne%20caus%C3%A9e%20par%20cet%20
insecte.

La mise en place dans les vignobles français de cette


technique est alors dépréciée. Tout d’abord, du fait
de sa même provenance que le responsable de la
crise. Ensuite, parce que des recherches autour de
cépages hybrides ont déjà été menées maintes fois,
sans succès gustatif. Rien ne vaut la finesse des
cépages originels qui portent l’identité d’un terroir
et sa qualité. Finalement, on s’aperçoit de la qualité
de cette technique : les cépages gardent leurs
caractéristiques malgré le fait que le pied de la plante
est différent, et le porte-greffe devient la norme.
En effet, son utilisation va uniformiser les vignobles
français, on va planter les vignes en rangs, là où les
vignes étaient jusqu’alors plantées en foule, c’est-
à-dire sans ordre apparent. Lorsque l’on voulait
reproduire des plants de vignes avant cette crise, on
17
procédait au provignage et à l’assiselage, c’est-à-dire
au renversement d’un pied pour faire prendre racine
un sarment - une branche de vigne -. Ici, on plante
des vignes provenant de pépiniéristes, sans les faire
se reproduire, donc on les aligne. De plus, les travaux
agricoles réalisés à la main laissent place à l’arrivée
des chevaux. Pour cela, un espace suffisant est donc
laissé entre les rangs de vignes pour les laisser passer,
ce même espace qui permet aujourd’hui de faire
passer des tracteurs-enjambeurs. Depuis, c’est ce
décor que l’on observe lorsque l’on visite nos régions
viticoles, un paysage fait de lignes parallèles de
verdure, le même depuis plus de 100 ans.

La crise du phylloxéra a été un tournant majeur dans


le paysage viticole Français, le paysage qu’elle a créée
est toujours observable aujourd’hui.
Selon Maurice Hollande, écrivain et avocat à la
chambre de commerce de Reims, la crise du
phylloxéra a « enseigné la nécessité de l’union,
les bienfaits de la solidarité à ces incorrigibles
individualistes qu’étaient les vignerons ».
Le monde du vin en France est systémique, il est fait
de plusieurs entités qui se croisent horizontalement
et verticalement. Ce sont des organismes, syndicats,
associations, formelles ou informelles qui permettent
de surmonter les crises et les aléas, qu’elles soient
crées pour l’occasion ou déjà existantes.
Les différences topographiques, climatiques et
politiques entre les différentes aires géographiques
françaises ne permettent pas de créer une politique
globale viticole. Pour autant, dans le cas du
Phylloxéra, l’institution du porte-greffe a été rendu
obligatoire partout du fait de son efficacité.
Est-il possible de pallier aux nouveaux challenges
d’une même manière ?
Un changement si renversant n’est pas arrivé depuis
plus de 100 ans.

18
19
B. LES MENACES ACTUELLES

La changement climatique

Pour comprendre les risques liés au changement


climatique, il faut tout d’abord comprendre le cycle de
vie de la vigne.

Ainsi, en Champagne, le cycle peut être expliqué


comme suit :
De novembre à mars, durant les épisodes de froid
de l’année, la vigne rentre dans une phase de repos
appelée « dormance ». La sève ne circule plus dans
la vigne et les feuilles tombent. Il faut attendre
que la température remonte pour que la phase de
« débourrement » apparaisse, souvent au mois de
mars. La sève remonte alors dans la vigne et les
bourgeons apparaissent. Quand ces bourgeons se
développent, on entre dans la phase « d’éveil de
la végétation ». Puis vers mai-juin dans la période
de floraison, où la vigne a besoin de chaleur (20-
25°) pour se développer. Vers juillet, on arrive à la
période de véraison, les baies changent de couleur
et le raisin commence à se charger en sucre bien
que le taux d’acidité soit encore très élevé. Les baies
continuent ce processus jusqu’à atteindre leur stade
de maturité. C’est alors le temps de cueillir, le temps
des vendanges.

Depuis quelques années, le réchauffement climatique


a entraîné une modification dans le cycle
de la vigne. Avec des hivers plus doux, l’éveil de la
vigne est plus précoce, ce qui la rend plus
sensible aux risques des gelées de printemps. Ces
gelées qui apparaissent généralement courant
avril-mai peuvent bruler les bourgeons et les
premières feuilles et ainsi détruire une partie de
20
la récolte. En 2019, 2,5% du vignoble champenois
a été gravement touché par ces gelées.3 La même
année, dans l’Hérault et le Gard, certains viticulteurs
ont perdu jusque 50 % de leur récolte à cause de
la canicule. Pourquoi cela montre-t-il la menace
climatique ? Parce que si ces épisodes ont été
destructeurs, c’est qu’ils se sont trouvés trop tôt
dans l’année. Si la plante avait eu un stade de
développement plus avancée, elle aurait sans doute
résistée.4

« Les effets du changements climatiques, on le voit


depuis longtemps avec les dates de vendanges, chaque
année on avance la date des vendanges si bien qu’il
y a 10 ans elles pouvaient être fin septembre quand
aujourd’hui c’est plutôt mi-aout. »
Tom Boury, conseiller viticole au CIVC

L’INRAE, l’Institut National de Recherche pour


l’Agriculture et l’Environnement, a mené et financé
pendant 10 ans des recherches autour de l’adaptation
de la viticulture aux changements climatiques. Ces
recherches ont réuni des centaines de chercheurs,
et beaucoup d’organismes : le Centre National de
Recherche Scientifique, l’Institut National de l’Origine
et de la Qualité, des chambres d’agriculture, l’Institut
Français de la Vigne et du Vin, FranceAgrimer -
l’établissement national des produits de l’agriculture
et de la mer, les interprofessionnels et les syndicats
d’appellations. L’INRAE a ainsi réussi l’exploit de
réunir des dizaines d’acteurs différents sous un projet
nommé LACCAVE.
Ces recherches ont conduit à créer des scénarios
3. Les gelées de printemps en Champagne : 2,5 % du vignoble grillées par le gel, Sylvie
Bassal, 24 avril 2019, France Bleu. https://www.francebleu.fr/infos/climat-environnement/les-gelees-de-
printemps-de-champagne-2-5-du-vignoble-grilles-par-le-gel-1556100355
4. Vignes brûlées par la canicule : les viticulteurs de l’Hérault, du Gard et de l’Aude inquiets pour leur
avenir, Emma Derome et Sébastien Banus, 1 juillet 2019, France 3 régions. https://france3-regions.fran-
cetvinfo.fr/occitanie/vignes-brulees-canicule-viticulteurs-herault-gard-inquiets-leur-avenir-1693108.html

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prospectifs. Elles démontrent que la pluie a
augmenté dans le nord et baissé dans le sud, et
prévoit pour 2050, que les zones du sud-ouest de la
France ne serait plus favorable à conduire la vigne.
Quatre scénarios prospectifs ont été créés : un
conservateur, où l’on ne change rien, avec lequel la
viticulture court à sa perte. Un scénario nomade, où
les parcelles de vignes pourraient être déplacées
dans des environnements plus favorables à sa culture,
ce qui serait un véritable problème d’économie
locale. Un scénario libéral où les cahier des charges
deviennent moins lourds et où l’économie serait seul
maître de l’innovation. Considérant que des milliers
de viticulteurs ont pour seul support les associations
et les syndicats face à des négociants géants
appartenant à des multinationales, il est aisé de
s’imaginer comment celui-ci pose problème. Enfin,
le dernier scénario est l’innovant, où les politiques
favorisent la recherche & le développement,
modifient les modes de vinification dans un contexte
politique qui varie entre libérale et régulé. 5 Ces
scénarios n’ont pas vocation à prédire le futur mais
bien à imaginer des solutions basées sur ce que l’on
ne veut pas voir apparaître.

Les produits phytosanitaires

Héritée depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale,


la majorité du vignoble français est en agriculture
conventionnelle. Elle utilise à outrance des produits
chimiques pour lutter contre les maladies et
champignons qui menacent la production, mais
aussi pour désherber l’herbe ou les autres plantes qui
pourraient pousser autour des plants de vignes et

5. Une prospective pour le secteur Vigne et Vin, Françoise BRUGIERE, Patrick AIGRAIN, Eric DUCHE-
NE, Inaki GARCIA de CORTAZAR-ATAURI, Jacques GAUTIER, Nathalie OLLAT et Eric GIRAUD-HERAUD,
Hervé HANNIN, Jean-Marc TOUZARD, septembre 2016, France Agrimer. https://www6.inrae.fr/laccave/
content/download/3256/32764/version/1/file/N40_A4-Prospective%20Vin%20et%20Vigne.pdf

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concurrencer celle-ci dans sa nutrition en eau ou en
minéraux. 20 % des pesticides en France serait utilisé
pour la viticulture qui représente 3 % des surfaces
agricoles.6

Le mildiou, la flavescence dorée, le botrytis, l’oïdium


font parties des maladies les plus courantes de la
vigne. Le phylloxéra, évoqué précédemment, est
d’ailleurs toujours présent en France.

Il faut prendre en considération que ces traitements


ont des impacts autres que seulement sur la vigne.
Ces produits sont de synthèse, chimiques, toxiques,
importés d’autres continents.
Ils ont un impact sur la santé des ouvriers agricoles,
qui travaillent à leur contact, mais aussi les personnes
vivant proche des parcelles traitées, également,
des traces de ces produits ont récemment été
trouvés dans les produits finaux.7 Bien que la santé
des hommes soit un enjeu suffisant pour arrêter
l’utilisation de tels produits, l’eau et les sols sont aussi
touchés par ces traitements et sont à considérer.
La pollution engendrée peut être traduite de deux
façons : la pollution ponctuelle et la pollution diffuse
(Boulanger-Fassier, 2008).

La pollution diffuse est une pollution sur le long


terme. Elle est liée aux rejets qui suivent les phases
de traitement. Au moment du traitement sur la
vigne, le produit appliqué crée une sorte d’enveloppe
protectrice qui protège la vigne des parasites.
Cependant, les évènements météorologiques, tels

6. Cash Investigation : «20% des pesticides concentrés sur 3% de la surface agricole», Edouard Lamort,
03 février 2016, Le Nouvel Obs. https://www.nouvelobs.com/planete/20160203.OBS3914/cash-investiga-
tion-20-des-pesticides-concentres-sur-3-de-la-surface-agricole.html
7. Résidus phytosanitaires dans les vins : état des lieux, analyses et expertise, M. Grinbaum, M. Duber-
net, V. Bouazza, E. Debez et V. Lempereur, 19 février 2019, Bio web conférence, 41st World Congress of
Vine and Wine. https://www.bio-conferences.org/articles/bioconf/full_html/2019/01/bioconf-oiv2018_04010/
bioconf-oiv2018_04010.html
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24
Photo personnelle, Verzenay, 2021
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que les épisodes pluvieux, neutralisent les effets
des pesticides et l’enveloppe protectrice est effacée
par la pluie. Ces substances toxiques sont alors
entrainées par les écoulements et les ruissellements
de l’eau. L’effet de la pollution diffuse est encore plus
importante sur des surfaces viticoles dites en coteaux
qui entrainent un écoulement important des eaux
et donc une diffusion toute aussi importante des
résidus de produits phytosanitaires. Le ruissellement
provoque une contamination indirecte des eaux
superficielles et souterraines par l’infiltration de l’eau
polluée dans les sols.

La pollution ponctuelle est sur le court terme et


directe. Elle contamine les eaux de surface et les
nappes phréatiques par des lieux précis qui peuvent
être localisés. Il s’agit souvent d’erreurs, ou de rejet
d’eaux chargés de résidus.

L’agriculture biologique et biodynamique

Le nombre de culture biologique augment chaque


année : les surfaces cultivées en bio en 2020 ont
augmentés de 22 % en 2020.8
Certains remettent en cause ce label biologique, qui
utilise et autorise trop de cuivre. Ce métal lourd est
n’est pas bon pour la santé et il est autorisé à forte
dose dans les vignes.
D’autres méthodes de culture ont le vent en
poupe telle que la biodynamie ou les vins natures,
promouvant une viticulture sans intrants et sans
soufre, accusé de donner des maux de tête. Les
vignerons qui ont toujours traité leurs vignes de façon
conventionnelle ont du mal à croire en ces nouvelles
méthodes, mais s’accordent à modifier leurs
habitudes tout de même, souvent pour des raisons
économiques et marketing.

8. Et le premier vignoble bio de France est..., Alexandre Abellan, 22 septembre 2021, Vitisphere. https://
www.vitisphere.com/actualite-94876-et-le-premier-vignoble-bio-de-france-est.html

26
« Moi je trouve que le bio c’est débile, ça mets
beaucoup trop de cuivre dans les sols. Et les cultures
biodynamiques sont ridicules à se baser sur la lune
et des pierres pour faire pousser la vigne. Mais bon,
si c’est ce que les consommateurs veulent on va s’y
mettre, pas le choix. (rire)»
Manuel, 56 ans, vigneron-négociant

L’évolution des moeurs

Côté consommateur, les moeurs changent


également. Le vin fait partie du patrimoine français,
à ce titre, il fait partie des biens immatériels de
l’humanité classés à l’UNESCO. La consommation
de vin baisse en France depuis les années 60, pour
être maintenant autant consommé que la bière. Le
domaine du vin, qui était autrefois plus un aliment
qu’un breuvage d’exception, a profondément changé
depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les
produits sont plus qualitatifs, plus chers.
L’image de celui-ci, avec son vocabulaire particulier,
ses techniques de dégustation, sa demande de

« « Déjà, je ne consomme pas de vin car c’est plus cher


que la bière, et ensuite parce que je ne m’y connais pas
assez pour être capable de choisir du bon vin, et donc
je n’ai pas envie de dépenser plus et de ne pas être
satisfait » Benjamin, 24 ans, non-consommateur

connaissance parait compliquée à la nouvelle


génération. Les termes utilisés pour qualifier un vin,
les connaissances du terroir et des appellations pour
le choisir en restaurant, les techniques particulières

27
de dégustation - remuer son verre pour en faire
ressortir les arômes nécessite un coup de main
particulier. La technique qui consiste à faire rentrer
de l’air dans sa bouche tout en se gardant de
déglutir pour développer les arômes, que l’on appelle
« grumer ». Les règles informelles : ne pas mettre
de glaçon dans le vin blanc, mais dans le rosé, c’est
autorisé, utiliser un verre à pied, ne pas mettre le vin
rouge au frigo. Utiliser le terme « moelleux » pour un
vin sucré et « sec » pour un vin non sucré.
Savoir que le Côte de Gascogne ou le Sauterne est un
vin sucré, ce qui, d’ailleurs, se dit « moelleux ». Que les
vins de Bordeaux sont plus tanniques que des vins
de Bourgogne ou de Côte du Rhône. À ces traditions,
s’ajoute la vision luxe du vin. Les grands vignobles
investissent des millions pour faire construire des
chais par des architectes de renom, à l’instar de la
dernière acquisition du domaine Cheval Blanc à St
Emilion qui a fait construire un chai par Christian
de Porzampac qui aurait couté la bagatelle de 20
millions d’euros9. Ces chais, les lieux où se passe
la vinification, que l’on baptise également écrin,
témoignent d’une richesse ostentatoire. Les bouteilles
de vin se vendent aux enchères à des prix dérisoires.
La bouteille de vin, la plus chère jamais vendue à
atteint 558 dollars, c’était une bouteille de Romanée-
Conti de 1945, vendue. Le prix moyen d’un Château
Petrusse étant de 2 500€.
9. Pourquoi boit-on du vin, Professeur Fabrizio Bucella, 2021, EKHO.
10. Le Romanée-Conti 1945 : le vin le plus cher du monde vendu aux enchères à 558 000 dollars ,
Patrick, le 09 janvier 2019, Luxe Infinity. https://www.luxe-infinity.com/gastronomie/le-romanee-conti-
1945-le-vin-le-plus-cher-du-monde-vendu-aux-encheres-a-558-000-dollars/

28
Chai Château Cheval Blanc, Christian de Portzamparc, St-Émilion,
https://www.christiandeportzamparc.com/fr/projects/chai-chateau-cheval-blanc/

Face à ces menaces, il est légitime de se poser


la question du futur de cette filière, et comment
pouvons-nous espérer que sa prospérité ne s’éteigne
pas.

29
C. LES ORGANISMES

En Champagne, en 1898, un organisme se crée :


l’A.V.C, l’Association des Vignerons de Champagne,
qui regroupe alors 24 négociants propriétaires, qui
impulsera la création de syndicat antiphylloxériques
communaux. En 1913, on en dénombre 130, qui sont
en partie subventionnés par l’A.V.C et par l’État.
L’A.V.C est devenu aujourd’hui le CIVC : Comité
Interprofessionnel des Vignerons de Champagne,
qui protège l’appellation partout dans le monde.
Aujourd’hui, des « bureaux de Champagne » se sont
implantés dans 11 pays : Espagne, Australie, Etats-
Unis, Royaume-Uni, Belgique, Italie, Allemagne,
Autriche, Luxembourg, Pays-Bas, et même au Japon.
Cela montre la puissance de ce comité.

Dans le vignoble nantais, cette crise en engendre


une autre. Les conditions d’exploitation de surfaces
viticoles sont différentes : les vignerons ne sont pas
propriétaires de leur vignes, mais subissent un bail
à complant. Ce bail, spécifique au Pays Nantais et
hérité du Moyen-âge, stipule qu’ils doivent donner
un quart de leur récolte aux propriétaires des terres.
Ces vignerons, que l’on appelle donc complanteurs,
ont ces baux à vie et peuvent même les transmettre
à leur descendance. Les vignes meurent, les terres
deviennent vides et les propriétaires pensent alors à
les allouer à d’autres cultures ou à d’autre vignerons.
Mais les complanteurs refusent de rendre aux
propriétaires les terres qui ont fait leur métier toute
leur vie durant et créent le Syndicat de défense des
complanteurs. Celui-ci défend leur droit de planter de

30
nouveau la vigne sur ces terres et de les cultiver eux-
même. Leur combat termine en 1898 avec l’obtention
de planter à nouveau par une loi du gouvernement
républicain.11

Pour faire face à la pénurie de rendements due


au phylloxéra, la fraude s’intensifie, les négociants
achètent des vins étrangers et les mélange à des
vins français, d’autre y ajoute de l’eau ou encore des
colorants artificiels. Pour lutter contre cette fraude, le
gouvernement crée en 1905 le concept d’Appellation
d’origine. Ce concept définit une aire géographique,
une technique particulière et un produit particulier
et s’assure qu’un produit est créé selon ces mêmes
critères. En 1935, un décret-loi relatif au marché du
vin et des eaux-de-vie crée l’INAO : l’Institut National
de l’Origine et de la Qualité, et, dans le même temps,
les AOC : Appellation d’Origine Contrôlée. L’INAO est
l’organisme chargé de la définition, du contrôle et de
la protection de ces appellations, elle existe toujours
aujourd’hui. En 1992, une réglementation européenne
crée les AOP : Appellation d’Origine Protégée, les IGP :
Indication Géographique Protégée et le Vin de Table.
Ces trois appellations qualifient toute la même chose,
avec des niveaux géographiques différents. L’INAO
travaille avec des comités interprofessionnels pour en
définir le cahier des charges.

31
Aujourd’hui, il existe pour chaque région viticole.
En 2009, l’appellation « Vin de Table » devient « Vin de
France », un titre plus charmant et plus qualitatif, et
pour cause.

Avec l’émergence des nouveaux modes de culture


évoquées précédemment, certaines ne rentrent
pas dans le cahier des charges. De plus en plus
de viticulteurs décident donc de se détacher des
appellations et déplorent un manque d’ouverture.

« Nous, on a décidé de quitter l’appellation


depuis 10 ans pour cultiver nos vignes comme
on l’entendait, mais on a pu le faire car on avait
déjà notre clientèle qui nous faisait confiance.
Ce qui est embêtant aussi c’est de perdre la
communauté qui va autour de l’appellation et
l’aspect aidant. Même si nous aujourd’hui on
s’y retrouve. »

Mickael Jaumin, domaine Casteil Vieilh La Salle


32
Les viticulteurs qui changent leur mode de viticulture
ou de vinification peuvent aisément être radiés de
l’appellation pour de multiples raisons, tant le cahier
des charges est complexe. Certains ne souhaitent
plus ajouter de soufre dans leurs cuves, le goût du vin
change, et ne correspond plus aux critères demandés.
Ils se font alors rappeler à l’ordre par le comité
interprofessionnel chargé de goûter ces vins.

La question des appellations pose problème, car


sans elles, c’est la porte ouverte à la fraude et
à l’individualisme libéral. Le juste-milieu entre
innovation et cahier des charges est difficilement
atteignable.

CONCLUSION
Les crises sont toujours porteuses d’innovations, et elles peuvent
parfois avoir des effets irréversibles. Est-il possible de les
anticiper plutôt que de les attendre et de réagir sur le moment ?
L’évolution des moeurs et le réchauffement climatique demande
urgemment d’innover. Peut-on prendre exemple sur les crises
précédentes pour se faire ?
33
2.
LA RÉSILIENCE

Photo personnelle, Joigny, 2019

DANS LE MONDE
VITICOLE

34
Lorsque l’on demande aux acteurs du vin
(oenologues, viticultures, conseillers viticoles…)
pourquoi ils font ce métier, le mot qui surgit à chaque
fois est toujours le même : la nouveauté. Une cuvée
faite d’un cépage particulier sur une parcelle ne
sera jamais la même d’une année à l’autre, même
s’il est fait exactement de la même manière par les
mêmes personnes. Chaque année est différente,
chaque cuvée est différente. C’est en cela que le mot
nouveauté résonne.
On peut apparenter la nouveauté à une capacité de
se renouveler face à de nouveaux enjeux. Dans la
sphère vitivinicole, ces enjeux, énoncés dans la partie
1 peuvent être de l’ordre économique ou écologique.
Face à ces enjeux, il convient d’être résilient.

35
A. LA RÉSILIENCE

Selon le dictionnaire Le Robert, en physique, la


résilience est la « valeur caractérisant la résistance au
choc d’un métal. » En psychologie, c’est « la capacité
à surmonter les chocs traumatiques ». En écologie,
c’est « la capacité (d’un écosystème, d’une espèce)
à retrouver un état d’équilibre après un évènement
exceptionnel ». Et enfin, en informatique, c’est « la
capacité (d’un système ou d’un réseau) à continuer de
fonctionner en cas de panne ».
Toutes ces définitions énoncent une capacité, une
compétence à rebondir après un traumatisme, un
choc, et à continuer d’avancer, continuer d’être.

Selon Boris Cyrulvnik, neuropsychiatre, directeur


d’enseignement à l’université de Toulon et auteur de
nombreux ouvrages, « ce qui ne tue pas » ne rend pas
plus fort, mais laisse des traumatismes. Il convient de
définir les réactions possibles suite à ce choc, ce peut
être de ruminer et de le garder pour soi, ou bien de
le sublimer, d’en parler, de l’utiliser à bon escient et
de le mettre en scène. On peut se dire que résister à
un choc ce n’est pas seulement revenir à sa position
initiale, c’est aller plus loin grâce aux enseignements
dont on a tiré du choc.

Dans un article rédigé par Lucie Béguin, auteure


et professeur en école de management et Didier
Chabaud, professeur en sciences de l’organisation,
les auteurs reprennent différentes théories de la
résilience en organisation et les appliquent à un
cas particulier : le cas d’une entreprise familiale de
négociants. Après avoir exprimé plusieurs théories,
l’une semble toute les rassembler, c’est la théorie de
Weick et Stutcliffe.
Le professeur Karl E. Weick est un universitaire
36
américain, professeur de psychologie et professeur en
sciences de l’organisation, le professeur Stutcliffe est
enseignante dans plusieurs écoles de commerce et
de médecine. Il ont ensemble écrit un livre expliquant
comment gérer l’imprévu en organisation.12

Selon les théories de Weick et Stutcliffe, une


organisation, pour être résiliente, doit avoir 3
capacités : une capacité d’absorption, une capacité
de renouvellement, et une capacité d’appropriation.

→ La capacité d’absorption est le fait d’avoir des


ressources disponibles pour surpasser le choc, mais
aussi une volonté de continuité.
→ La capacité de renouvellement est le fait d’être
ambitieux, d’être capable de trouver des solutions
inédites et de fédérer des équipes autour de celles-ci.
→ La capacité d’appropriation est le fait d’apprendre
de ses échecs. Il faut dans ce cas être capable de
prendre du recul, de changer de point de vue quant
à un échec, mais il faut également être en mesure
de transmettre ces apprentissages aux générations
futures pour qu’elles en tirent leurs propres constats
et apprentissages via leur propre recul.13

Avec les risques actuels menacant le vignoble,


il convient d’être résilient, comment mettre en
oeuvre ces théories ? Sont-elles déjà appliquées
ou applicables ? Un exemple pouvant exprimer
la capacité d’absorption est celle des réserves en
champagne.

12. Managing the unexpected: resilient performance in an age of uncertainty, Kathleen M. Sutcliffe,
Karl E. Weick, 2001, Edition Wiley.
13. La résilience des organisations, le cas d’une entreprise familiale, Lucie Béguin et Didier Chabaud,
2010, Revue Française de gestion, Cairn.info

37
Les vins de réserve

Plusieurs risques menace les viticulteurs : pluie,


gelées, grêles... Le viticulteur est pleinement contraint
par les aléas climatiques. Si, une année, des gelées
arrivent, le risque d’avoir une année noire, une
année sans récolte pèse fortement sur leur tête. Le
viticulteur, n’ayant qu’un seul fruit à cultiver n’a pas
de roue de secours, contrairement à un fermier qui,
cultivant plusieurs fruits et légumes, pourra compter
sur ses autres cultures si l’une se voit dépérir une
année. En théorie, si le viticulteur perd sa vendange,
il n’a pas de revenu pour vivre jusque l’année suivante.

En Champagne, il existe les réserves. Une création du


Comité Interprofessionnel des Vins de Champagne.
Chaque année, le CIVC va établir un rendement par
hectare. Si la capacité de rendement est plus élevée,
on va quand même vendanger le surplus, et le mettre
de côté, c’est ce que l’on appelle la réserve. Si une
année, on ne peut pas atteindre ce rendement, on
va piocher dans la réserve pour atteindre le niveau.
Cette réserve est une assurance, et permet une
qualité pérenne, car on va pouvoir assembler le vin
de réserve et nouvelle vendange pour moyenner
toujours la même qualité de vin. Ce système propre
à la Champagne est surtout en premier lieu une
assurance économique. Chaque viticulteur a d’ailleurs
l’obligation de mettre en réserve ses vins lors d’année
qualifiée d’excellente. Ces réserves, tout comme le
nombre de kilos de raisin récolté par hectare sont
précisément calculées, mesurées, et font l’objet de
contrôle administratif chaque année de la part du
CIVC. Aucune autre interprofession n’a mis en place
ce système en France, même si selon l’INAO, il serait
envisagé. 14

14. La réserve de vin, une assurance-récolte en Champagne, la rédaction de larvf.com, Archive 2016,
La revue des Vins de France. https://www.larvf.com/,la-reserve-assurance-recolte-et-adn-du-cham-
pagne,4509940.asp

38
Photo personnelle, Reims, 2022

39
B. INNOVATIONS ET APPELLATIONS

Les cahiers des charges des appellations sont


stricts, autant sur la production que sur le goût du
vin. En même temps, qu’est-ce qu’un cahier des
charges s’il n’a pas de frontières claires ? Chaque
année, les vignerons envoient des échantillons de
vin aux interprofessions pour passer l’agrément en
vue d’obtenir l’appellation. Des tests chimiques et
sensoriels sont réalisés. Avec les nouvelles techniques
de viticultures et de vinifications, cet agrément peut
devenir désuet, inadapté. Par exemple, aujourd’hui,
de moins en moins de vignerons mettent du soufre
dans leur bouteille. Le soufre permet de ralentir la
prolifération de bactérie est communément utilisé
dans toutes les étapes de vinification. Un vin avec
très peu ou pas de soufre aura un volume de volatile
plus élevé qu’un vin conventionnel. Selon Maxime
Pascal, commercial en vin, certains vins se sont vu
être refusés d’appellation seulement pour un taux
qui chimiquement était au-dessus de celui fixé par le
cahier des charges, mais qui est imperceptible à l’œil
nu.

Dans un autre esprit, Thierry Richoux, viticulteur en


Bourgogne à Irancy, bénéficie de l’IGP Irancy pour
ses vins rouges et blancs, il produit également du
vin rosé, qui supposément pourrait bénéficier de
l’appellation Rosé de Bourgogne. Pour bénéficier
de cette appellation, Thierry devait déposer en mai
une Déclaration d’Affection Parcellaire (DAP), une
estimation de quelle parcelle de ses vignes sera
transformée par la suite en rosé. Sauf que selon
Thierry, il est impossible d’estimer si tôt quel sera le
rendement et la qualité de ses raisins, et donc quel
raisin il affectera à quelle cuvée. Ses déclarations
étaient donc approximatives et finalement, erronées.
Il y a 5 ans, le syndicat le dénonce au BIVB, qui lui
donne un avertissement, et 3 ans plus tard, il est
40
convoqué à Beaune pour se faire juger avec comme
menace celle de refuser l’appellation sur l’ensemble
de sa production. Thierry renonce et produit
maintenant son rosé en Vin de France. Selon lui, cela
ne pose pas de problème tant qu’il a sa clientèle
fidèle, mais on constate aisément qu’un problème
administratif persiste.

Un autre exemple qui pose problème est celui des


cépages hybrides. A la différence du porte-greffe,
il est le mélange entre deux cépages différents,
crée pour réunir leurs résistances aux maladies, à
la sécheresse ou à d’autre menaces. Ces créations
pourraient être une solution aux problèmes
climatiques, on les appelle d’ailleurs « cépage
résistant». Le Voltis, un de ces cépages hybrides
résistant est actuellement autorisé à hauteur de 5 %
en Champagne. Il est essentiellement planté autour
des habitations et des cours d’eau pour éviter la
toxicité des produits phytosanitaires conventionnels
sur les humains et les sols. Ce nouveau cépage se
prête à ce territoire, qui a besoin de cépage qui n’est
pas exubérant en goût. Le problème est que l’on
ne peut pas avoir cette approche aussi facilement
partout (l’introduction du nouveau cépage suit 25
années de recherche et n’est autorisée pour l’instant
que pour 10 ans à titre expérimental.).

En effet, il existe beaucoup d’appellations composées


d’un cépage unique, qui fait toute la qualité de celui-
ci. Le Muscadet, étant un vin en mono-cépage, le
Melon de Bourgogne ne pourrait introduire que
beaucoup plus difficilement ces nouvelles variétés.
Et même si Interloire conduit des recherches de la
même manière, la difficulté est beaucoup plus forte.
Même si ces appellations en mono-cépages
autorisaient d’introduire dans le cahier des charges
une part de cépages hybride, elle reste faible. Et ne
pourra pas à terme, remplacer tout le vignoble, car le
goût n’est pas le même, il n’est plus caractéristique

41
du terroir. Se pose alors la question éthique : sommes-
nous prêts à renoncer aux goûts du vin pour des
questions écologiques ? Les consommateurs, ont-ils
conscience de ces changements qui risquent d’arriver
et de modifier leur consommation ?

Face à l’essor des viticulteurs délaissant l’appellation


pour produire à leur manière en vin de France,
on peut se poser la question de la légitimité de
celles-ci. Selon Tom, conseiller viticole, la fin des
appellations est synonyme d’individualisme, car
les interprofessions sont avant tout des systèmes
organisationnels, qui permettent beaucoup de
choses : rassembler des moyens et des ressources
pour innover, se faire connaître, créer de la valeur.
Ces organismes sont fédérateurs. Si ces systèmes
s’écroulent, c’est l’entrée du scénario libéral, avec,
d’une part un gouvernement centralisé autour des
organismes national, et d’une autre une concurrence
entre producteurs et des innovations chacun pour soi.

Finalement, le problème actuel n’est pas la


légitimité de ces appellations, mais leur capacité à se
renouveler. Pourtant, tous les organismes se disent
engagés pour la préservation des vignobles face au
réchauffement climatique.

42
C. OÙ AGIR POUR PLUS DE RÉSILIENCE ?

Les organismes
Selon le rapport d’activité Interloire 2020, les
principaux engagements de la filière sont sociaux,
environnementaux, sanitaire et créateur de valeur.
Pour ce qui est de l’engagement environnemental,
Interloire se dit « : préparer la filière et nos territoires
au changement climatique, à la transition écologique
et aux attentes exprimées par la société française. »
Pour ce faire, plusieurs choses ont été mises en
place : des recherches avec des spécialistes, et des
comptes-rendus de celles-ci sous forme d’outils mis
à disposition sur Internet : fiches techniques, vidéos,
logiciel de visualisation. Ces rapports et vidéos, étant
disponibles sur Internet, ne seront consultés que par
la volonté d’un vigneron, s’il y voit un quelconque
avantage. Selon Elise, oenologue dans un domaine
Bourguignon, ce n’est pas assez. En effet, dans le
domaine dans lequel elle travaille, les changements
de viticultures ne se font que sous la contrainte d’un
nouveau label ou d’une nouvelle loi, comme par
exemple l’interdiction du glyphosate. Les ouvriers
agricoles, sommeliers et vignerons ne passent pas
leur temps à aller chercher les dernières innovations
sur internet, mais bien à lutter contre les menaces
déjà existantes avant de s’intéresser à celles qui
pourraient arriver dans le futur.

Selon Juliette Rousseaux, d’une famille de vignerons,


actuellement sommelière et chef de cave, les
vignerons ne cherchent pas à innover ou à changer
leurs habitudes, aucune année ne se ressemble,
mais leur manière d’agir est toujours la même : on
ne change pas une équipe qui gagne. L’effet qui va
changer les choses est lorsqu’un concurrent, agira
en chef de file et va changer quelque chose qui va
fonctionner économiquement, c’est seulement à
ce moment-là que les autres vont s’y intéresser et
penser à changer à leur tour.
43
Enfin, es consommateurs sont très peu au courant
des risques climatiques de la vigne et encore moins
des scénarios prospectifs. En l’interrogeant sur celles-
ci, des effets bottom-up peuvent se créer et ainsi
pousser l’innovation vers de plus hautes échelles par
la suite. Selon Céline, consommatrice de vin, c’est un
principe depuis quelques années de faire attention
à consommer « mieux », sous-entendu : local, bio, et
sans trop d’emballages pour ne pas polluer. Mais en
tant que consommateur, le vin n’est pas un produit
polluant, c’est un produit local, issu souvent de petits
producteurs. De plus, il est compliqué de s’y retrouver
face à tous ces labels émergents, dont on ne connait
pas le cahier des charges. Lorsqu’une pub veut nous
montrer que quelque chose est vertueux, bon pour
l’environnement, la méfiance arrive et pense à du
greenwashing instantanément.

44
CONCLUSION
La filière vitivinicole est un écosystème complexe et éclaté
réunissant beaucoup de métiers différents, beaucoup
d’organismes, de lois formelles et informelles, de labels et
d’habitudes de consommation. Elle est à considérer comme
un système, dans lequel chaque pas levier va avoir un impact.
On ne peut pas décider de changer un cépage, ou arrêter
un désherbant pour être résilient, il faut mettre en place
des solutions qui vont s’approprier les crises précédentes, se
renouveler toujours, et c’est de cette manière qu’elle absorbera
les chocs plus facilement.
45
3.
PENSÉE SYSTÉMIQUE

Photo personnelle, Joigny, 2019

46
A. LE DESIGN SYSTEMIQUE?
Il a été montré précédemment comment la filière
vitivinicole est régie par des lois et des organismes,
et une constellation d’acteurs différents. On peut
alors apparenter la filière à un système global, fait
de plusieurs hiérarchies, plusieurs temporalités et
plusieurs axes. À la vue de ce système complexe
et éclaté qu’est le vin en France, il est intéressant
d’explorer le design systémique. En effet, la pensée
linéaire constite à synthétiser, diviser et sous-diviser
un sujet atteint ses limites facilement lorsqu'il s'agit
de systèmes complexes.

Cette pensée vise à explorer les rapports complexes


d’un écosystème, via une pensée holistique.
On ne cherche plus à simplifier un sujet, à le traiter
avec un rapport linéaire, comme peut l’être la ligne
du temps ou celle de l’espace. On veut ici explorer
un écosystème en considérant toutes les relations et
toutes les temporalités, toutes les causalités, toutes
les fréquences, les communications, les déformations,
les réceptions, les émissions. Les relations, qu’elles
soient directes ou indirectes. Cette pensée
systémique, quand elle est appliquée à un sujet, ne
peut pas être appliquée de la même manière à un
autre. C’est un processus consistant à chercher quels
sont les acteurs du système, puis à identifier les liens.
C’est un mode de visualisation de la somme d’entités,
un outil, un processus.15

Le processus pour atteindre la visualisation d’un


système proche de la réalité, est le principe de
recherche action. Le design systémique nécessite
une facilitation graphique, pour être capable de
poser avec des dessins et des mots, rapidement, les
relations et les causalités. Il nécessite également un
agent fédérateur, capable de rassembler et de faciliter
15. Design systémique, Eléonore Sas, 15 juillet 2021, Medium. https://medium.com/la-boussole-des-desi-
gners/design-syst%C3%A9mique-579a35674628

47
les échanges. C’est ici qu’un designer peut agir et
peut être utile pour aider à la résilience.

Design thinking et design systémique


Le design thinking ou pensée design est une
approche de l'innovation centrée humain. Elle prône
un processus de création itératif fait d'empathie,
de co-création et d'erreur. C'est une méthodologie,
un état d'esprit et un processus. Elle a pour but de
répondre à un besoin explicite ou implicite. Cette
méthode peut être utilisée dans tous les domaines
extérieurs au design en tant qu'outil de management,
d'aide à la décision, de création. Elle a vocation à
rassembler plusieurs disciplines, plusieurs experts
pour répondre à une problématique globale.

Plusieurs principes sont récurrents dans son


utilisation, en voici une liste non-exhaustive :
→ l'empathie : recueillir les avis des utilisateurs pour
qui on crée, rester à l'écoute avec bienveillance, poser
les bonnes questions ;
→ l'état d'esprit du débutant : mettre de côté ses
connaissances et préjugés pour aborder un sujet avec
une vision neuve, tout questionner, tout écouter, être
curieux ;
→ l'étude terrain : aller sur le terrain, prendre des
photos, analyser les lieux ;
→ l'idéation : la recherche d'idées, sans barrière, pour
penser en dehors des codes et innover ;
→ l'expérimentation : le prototypage rapide des idées
pour aller les tester au maximum et récupérer des
retours-utilisateurs, puis recommencer, jusqu'à
trouver la ou les solution(s) ;

D'autre part, le design thinking comprends un


processus de travail mouvant, constitué de grandes
étapes, entre lesquelles on peut sans cesse faire des
allers-retours, ces étapes peuvent être divisée en trois
parties : inspiration, idéation et implémentation.

48
Le design sytémique a le même but final que
le design thinking, c'est-à-dire de résoudre des
problèmes explicites ou implicites. Et même si
des similitudes sont observables entre ces deux
méthodologies, elle restent néanmoins différentes.
Dans ces deux disciplines, l'empathie et l'esprit
du débutant sont cruciaux. Il convient de faire
des études terrains et des entretiens d'utilisateurs
pour comprendre correctement le système. Mais la
différence est que le design thinking a tendance à
synthétiser les ressources, là où le design systémique
ne va rien laisser de côté. Selon le blog de l'association
Systemic Design Association, crée par la Oslo School
of Architecure en 2012, pionnière dans la pratique,
plusieurs principes y sont inhérents :
→ Rien n'est sans importance ; il ne faut pas
segmenter les informations et synthétiser en pensant
qu'il n'y aura pas d'incidence sur la problématique, il
faut oublier la problématique et penser uniquement à
la cartographie du système ;
→ Rien n'est pas intéressant ; toutes les informations,
même les plus petits détails le sont ;
→ Lutter pour la richesse des informations : il faut
s'efforcer d'enrichir sans cesse les données ;

On trouve également d'autres étapes plus complexes


à appréhender pour bien l'utiliser. Il s'agit de réussir
à mettre en lumière des systèmes linéaires (d'un
point A à un point B), des systèmes compliqués
(interdépendance) et des systèmes complexes, non-
linéaires et non-prévisibles.
Une fois ces système posés, il faut comprendre la
communication au sein de celui-ci. Elle est faite de
variables, qui peuvent être des variables de flux ou
des variables d'état. Une variable de flux va influencer
petit à petit, quand la variable d'état va être un
changement soudain et direct. Il peut également

16. How to giga map, Birger Sevaldson, June 2012 - revisé en novembre 2017 , Systems Oriented De-
sign. https://www.systemsorienteddesign.net/index.php/giga-mapping/how-to-giga-map

49
y avoir des boucles de rétro-action, qui peuvent
amplifier ou stabiliser une action de façon autonome.
Ces boucles peuvent être comparées vulgairement à
des cercles vertueux, ou à des cercles vicieux.17

Giga mapping
Pour comprendre un système, il convient de
le créer graphiquement. En sa complexité, ce
travail graphique est un travail de cartographie.
Cartographier un système dans le cadre du design
systémique, c'est créer une giga-map, une carte
géante pour avoir une vision globale. Une fois la carte
créée, on peut, en la lisant, trouver des points de
tension et de ruptures, des lieux où agir.

17. Qu'est-ce que le design systémique, La grande Ourse, 22 février 2021, La grande Ourse. https://
lagrandeourse.design/blog/ux-design/design-systemique/#:~:text=Le%20design%20syst%C3%A-
9mique%20(Systemic%20Design,rencontr%C3%A9s%20dans%20un%20environnement%20complexe.

50
Plusieurs techniques peuvent être utilisées. Il y a
par exemple la ZIP analysis. Z pour zoom, I pour
innovation et P pour potentiel. On place ces
différents points dans la carte pour savoir où il faut,
respectivement : enquêter plus en profondeur,
intervenir et créer, ou marquer un problème à
potentiel.

Ci-dessous, un exemple de gigamap explorant le système des patients


victimes d'accidents cardio vasculaires. Sans être exhaustif, cette
cartographie explore leurs antécédants, leur mode de vie, leurs parcours
utilisateurs dans les organismes de santé, leur rétablissements et
l'influence des médias et des technologies.

Stroke patients and their world in public health services,


new technologies and rehabilitation, Cong Li, HIOA 2016, System Oriented Design.
https://www.systemsorienteddesign.net/index.php/giga-mapping/giga-mapping-samples

51
B. LA GIGAMAP DU VIN

Ci-contre, une première tentative de cartographie du


monde du vin et de ses problèmes environnementaux
et sociaux a été faite pour identifier de potentiels
leviers d'actions.
Cette cartographie, encore très légère en terme
d'information a permis de révéler trois points
intéressants, chacun est identifiable par son symbole :

Les consommateurs voulant consommer de façon


plus responsables sont perdus face à l'offre qui est
faite. Les viticulteurs responsables ne leur sont pas
accessibles facilement. Créer un lien plus facile entre
ces deux utilisateurs est-elle une clé d'entrée pour
aller vers une viticulture plus durable ?

Changer de mode de culture pour aller de la


viticulture conventionnelle à la viticulture durable
nécessite plus de main d'oeuvre et de matériel. Les
échanges entre viticulteurs de matériels sont régis
par la chambre de commerce et pratiqués depuis
longtemps. Est-il possible de les renforcer pour aller
vers une viticulture plus durable ?

L'oenotourisme est de plus en plus convoité et le


vin est maintenant largement consommé en tant
qu'expérience, et non en tant que produit. Est-il
possible de faire participer les oenotouristes au travail
de la vigne pour pallier au manque de main d'oeuvre
lié aux changements de viticulture ?

52
Qu’est-ce que le vin ?
LE VIN Julia Janisson
Janvier 2022
Projet de fin d’études

Pour
boire du vin, il faut
s’y connaitre et en plus
c’est cher... je n’en bois
qu’en repas de famille per-
sonnellement
Le vin, c’est du
partage et de la
convivialité Alex, 25 ans,
non-consommateur

Mathieu, caviste

Le repas comprends un
Selon Etienne Leroy dans Les ignorants,
une BD d’Etienne Davodeau
...en déclin ?
APÉRITIF
et des accords mets-vin

Evolution de la consommation d’alcool, de vin, et de bière en France

LE REPAS GASTRONOMIQUE pas vraiment, on


inscrit à l’UNESCO depuis 2010 consomme
80 000 différemment

75%
exploitations Consommation moyenne d’alcool
Consommation de vin
viticoles Consommation de bière
Source : INSEE

de l’agriculture
en valeur monétaire Un savoir-vivre Français...

3%
L’ŒNOTOURISME
des terres
agricoles
de la production
mondiale
tourisme rural qui repose sur
Dans la découverte des régions et
le bars je bois de la DEPUIS 2019 des produits viticoles
bière, en revanche je visite
au moins une cave par an
+33%
de volume de recette

10
Vin de France

85%
J’essaie de
Indication Géographique Protégée (74) consommer mieux
Appellation d’Origine Contrôllée (374) Olivia, 28 ans, millions de (local et bio) mais
consommatrice des vignerons
visiteurs proposent une
pour ce qui est des vins
activité je n’ai pas l’impression
de devoir faire des
la tour Eiffel en compte 7 chaque année
efforts

Les viticulteurs ne sont ni


plus ni moins que des
fermiers de la vigne
Un produit Français Catherine, 53 ans,
consommatrice

N. Spielmann,
Head of the MSC Wine & Gastronomy
Marketing program & caviste

LA VITICULTURE LES INTRANTS


On les utilise pour lutter contre les
la viticulture
représente

20%
Ca, c’est la BASE, ensuite maladies, les champignons et pour...
chaque vigneron fait ce tuer l’herbe.
qu’il veut, même s’il est
encouragé par l’Etat à les des pesticides
réduire par certaines sub- absorbés en France
TAILLE
On taille pour TAILLE vention et lois
DÉCHAUSSAGE ET limiter la croissance.
On taille pour
ASSEMBLAGE AVANT limiter la croissance.
ÉLEVAGE
On laboure la terre autour Si on veut les enlever, il faut redoubler
du pied de vigne.
d’effort pour traiter avec des produits
VENDANGE VERTE Réduire les intrants
2 ÈME EFFEUILLAGE moins chimiques (cuivre et soufre),
c’est compliqué parce
VINIFICATION Vendange verte : beaucoup plus souvent
Transformation du On coupe certaines qu’il faut de la main d’oeuvre
grappes pour que
raisin en vin
celles qui restent et du matériel...
soient plus concentrés.

CONTRÔLES DE
LA MATURITÉ & TRAVAIL DU SOL Manuel, 56 ans,
VENDANGE On enlève les récoltant manipulant
sarments laissés au sol et
Décision des dâtes de
on les broie pour les
vendanges

LES DIFFÉRENTES CULTURES


redonner au sol.
et cueillette.

VENDANGE VERTE
2 ÈME EFFEUILLAGE CARASSONAGE
Vendange verte : Entretien du palissage,
On coupe certaines de ce qui conduit la
grappes pour que vigne (piquet, fils de fer
celles qui restent etc.)
soient plus concentrés.
NOUAISON, DÉBOURREMENT,
1ER EFFEUILLAGE DÉCAVAILLONAGE Un
Nouaison : ÉPAMPRAGE, Décavaillonage : vigneron c'est un
La fleur se transforme en ÉBOURGEONNAGE On enlève des petits tas de agriculteur, et par exten-
f ruit. terre qui ont pu se former
sion il dépends des aléas Agriculture
Débourrement : Épamprage : au pied des vignes.
On supprime les jeunes raisonnée
On enlève les vieilles
rameaux non f ructifère.
Débourrement : climatiques, gelée, pluie de
feuilles pour laisser de la Formation des bourgeons : Agriculture
place au soleil Ébourgeonnage: «pointe verte». grêle, mildiou etc. biodynamique
aux grappes. On supprime certains
bourgeons pour prépa-
rer l’an prochain.

Cycle végétatif
Mathieu, caviste
Repos hivernal
Beaucoup de Pas de
traitements traitements
chimique chimique
Agriculture Agriculture
conventionnelle biologique

Sources :
L’administratif quand
on veut passer une certifica-
Livres tion ou être labellisé c’est très
Anthropologie d'un objet frontière, Isabelle Bianquis, Alcool, L'Harmattan, 2012 chronophage...
Vinographie, Fanny Darrieusecq et Mélody Denturck, Hachette, 2018
Pourquoi boit-on du vin, Fabrizio Bucella, EKHO, 2021
L'incroyable histoire du vin, Benoist Simmat et Daniel Cassave,, Les Arènes BD, 2021
Les ignorants, Etienne Davodeau, Futuropolis, 2011
Dans mes vignes - Chronique d’une reconversion, Catherine Bernard, Babel Essai, 2020 Chiffres clés
https://www.intervin.f r/etudes-et-economie-de-la-filiere/etudes
Clément, 32 ans,
Articles et rapports viticulteur
Recherche et développement de la filière, Vinopole Centre Val de Loire Tourisme chez le vigneron indépendant, dossier de presse 2019, Syndicat des vignerons indépendants
https://www.vinopole-cvdl.com/rd-de-la-filiere/ https://www.vigneron-independant.com/file/2723/download?token=WeosGbRA

Observation des risques liés au changement climatique en vigne et expérimentation participative pour s’y
adapter, Landfiles.com, Nicolas, 9 juin 2019 In vino veritas : le milieu viticole secoué par deux études sur les pesticides, Agrisur
https://landfiles.com/observation-des-risques-lies-au-changement-climatique-en-vigne-et- experimenta- https://agrisur.fr/viticulture/vino-veritas-le-milieu-viticole-secoue-par-deux-etudes-sur-les-pesticides
tion-participative-pour-sy-adapter

53
54
CONCLUSION
Un designer peut prendre part à la problématique de la
résilience de la filière vitivinicole.
Cette filière étant vaste, complexe et éclatée, la méthode de
design systémique s'avère être une solution possible pour
explorer les leviers d'actions et ainsi créer de l'innovation.

Pour mettre en place cette méthode, il y a plusieurs impératifs,


tant sur la théorie que sur la posture du designer. Un travail
théorique sur le processus de travail doit être assuré afin
d'assimiler le processus et de comprendre tous ses enjeux.

Puis, un travail d'investigation est nécessaire sur le terrain, il


faut trouver les experts de la filière, les médias et ressources
cohérentes et ne jamais délaisser une information qui pourrait
paraitre inutile. Il doit également fédérer les acteurs, mettre en
place un management de projet pour créer des espaces et des
canaux de communication viables. Il doit faciliter les échanges.

Il se doit également de mettre à jour les données constamment,


d'être dans la recherche du détail et de savoir le retranscrire
dans une carte. Il doit adopter la posture du naïf empathique,
c'est-à-dire ne pas rester sur ses préjugés, malgré l'avancée
des recherches et des analyses, et toujours s'entretenir avec les
utilisateurs avec de l'empathie afin de mieux comprendre les
besoins.

En faisant tout cela, et en réussissant à créer une cartographie


complète, le designer peut espérer trouver des innovations
appropriés pour pallier aux problèmes actuels et futurs du vin en
France.

55
56
CONCLUSION

Ce mémoire démontre que la filière vitivinicole


est importante dans l’économie française, dans sa
culture et son histoire. Elle doit être préservée et
protégée des menaces climatiques pour continuer de
prospérer.
Face à des centaines d’organismes de différentes
hiérarchies et lieux, il est compliqué de trouver un lieu
où agir sans qu’il n’y ait d’incidence ailleurs.

Les crises passées nous ont appris qu’il est possible


d’avoir des modifications profondes en peu de temps.
Mais la plus grande crise qu’elle n’a jamais eue à
affronter était il y a plus de 100 ans et on peut se
demander légitimement si nous ne sommes pas en
train de commencer à vivre une autre crise majeure.

Dans ce cas, où agir ? Plusieurs portes d’entrées sont


possibles, notamment par le biais des institutions et
des comités interprofessionnels. Mais il est également
nécessaire de considérer tous les acteurs de cette
filière.
Une des méthodes pour englober tout l’écosystème
du vin en France est celle du design systémique, qui
par sa faculté de modélisation, nous permets d’avoir
une vision globale d’un système complexe.

Comment modéliser le système du vin en France par


le processus de design systémique ?

57
BIBLIOGRAPHIE
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Connaître les cépages : hybrides, métis ou croisement ?, Terre de Vins,


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connaitre-cepages-hybride-metis-croisement

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https://www.idealwine.net/ces-vignerons-rebelles-qui-quittent-les-
appellations/

Chiffres clés, Intervin


https://www.intervin.fr/etudes-et-economie-de-la-filiere/etudes

La chronique de vin de Dominique Hutin “Blois sans soif”, Dominique


Hutin, France Inter, 10 octobre 2021
https://www.franceinter.fr/emissions/la-chronique-vin-de-dominique-
hutin/la-chronique-vin-de-dominique-hutin-du-dimanche-10-octobre-
2021?fbclid=IwAR2TWq9XfW2oWPP2Ad3guY8qjHmPX0QLMvmnJvghxd
BYtDwVna37yhhKE0U

Vins sans indications géographique, le point sur la réglementation,


Ministère de l’économie, Direction Générale de la concurrence, de la
consommation et de la répression des fraudes, 2020
https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/Publications/Vie-pratique/Fiches-
pratiques/vins-sans-indication-geographique-point-sur-reglementation

25 années de déclin du prix des vignes de Loire-Atlantique, Juliette


Cassagnes, Vitisphere, Janvier 2016,
https://www.vitisphere.com/actualite-81726-25-annees-de-declin-du-prix-
des-vignes-en-Loire-Atlantique-.html

60
How to giga map, Birger Sevaldson, June 2012 - revisé en novembre
2017 , Systems Oriented Design.
https://www.systemsorienteddesign.net/index.php/giga-mapping/how-
to-giga-map

Qu'est-ce que le design systémique, La grande Ourse, 22 février 2021, La


grande Ourse.
https://lagrandeourse.design/blog/ux-design/design-
systemique/#:~:text=Le%20design%20syst%C3%A9mique%20
(Systemic%20Design,rencontr%C3%A9s%20dans%20un%20
environnement%20complexe.

Rapports
Rapport activité Interloire 2020, Interloire, 2020

La réserve de vin, une assurance-récolte en champagne, La revue des


Vins de France, 2016

La résilience des organisations, le cas d’une entreprise familiale, Lucie


Béguin, Didier Chabaud, Lavoisier, 2010

Livres
Anthropologie d’un objet frontière, Isabelle Bianquis, Alcool,
L’Harmattan, 2012

Vinographie, Fanny Darrieusecq et Mélody Denturck, Hachette, 2018

Pourquoi boit-on du vin, Fabrizio Bucella, EKHO, 2021

Benoist Simmat et Daniel Cassave, L’incroyable histoire du vin, Les


Arènes BD, 2021

Etienne Davodeau, Les ignorants, Futuropolis, 2011

Podcasts
20 divin
Wine Maker Show - Episode 36, Ampélographe

Chaine Youtube
Vin'Stache
Apprendre le vin -Vinolovers
Yann Rousselin

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REMERCIEMENTS
Je souhaite remercier Thierry Richoux, Maxime Pascal,
Tom Boury, Juliette Rousseaux, Nathalie Spielmann,
Mathieu de la Cave de Lucia, Axel Chambert, Mickael
Jaumain, Serge Lignieres de m’avoir accordé du
temps pour répondre à mes questions et m’aider
dans ma réflexion.

Je remercie également Guy Brenger, bénévole au


musée du Pallet, pour sa bienveillance.

Je souhaite également remercier Olivia Janisson,


Céline Reny et Charles-Adrien Deliège, Chloé Chazal
et Victor Cronier pour le soutien inconditionnel et leur
amitié.

Je remercie également Florent Orsoni, Hilda Zara,


Julien Dupont, Anaïs Jacquart de me soutenir
dans mon projet, de m’apporter leur soutien et des
connaissances.

MERCI !

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