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Concentration et polarisation

1. Processus d’agglomération
1.1. L'homme : une espèce grégaire
Dans l’espace sol se constitue, en fonction de liens multiformes et
d’objectifs très divers, des groupements d’éléments qui, soudés par la
proximité physique, forment des ensembles plus ou moins compacts et
unifiés, , avec des configurations et des structures internes variables.
Dans le domaine économique par exemple il se drée des districts
industriels, des systèmes productifs locaux, high-tech clubs, pôles
d’excellence, Technoparc, technopôles, etc.) ;s'ils groupent des
constituants identiques, on parle de grappe (ou cluster), ainsi pour des
aires attirant plusieurs établissements de la même branche ou de
même niveau technologique
- si leur composition interne est hétérogène, on parle d’agglomérats ou
de conglomérats, agglutinés au gré des conjonctures, comme dans de
nombreux foyers industriels hétéroclites ;
- si l’accumulation est massive, on parle d’amas, ce mot traduisant un
état d’entassement, voire l’existence d’une quantité excessive en un
lieu.
L'immense majorité des habitants de la Terre vit ainsi sous forme
groupée, dans des habitations jointives ou très proches les unes des
autres, depuis les villages jusqu’aux mégalopoles, en passant par les
villes, agglomérations, conurbations, régions urbaines, etc.
L'urbanisation n’a cessé de s’amplifier tout au long de l’histoire et
continue à le faire (métropolisation, métapoles, hypervilles, villes
globales, etc.).
1.2. Lieux attractifs et répulsifs
Le couple attraction-répulsion est l’un des moteurs fondamentaux de
l’organisation de l’espace et il existe aussi bien entendu des lieux
répulsifs et délaissés. Même si les hommes sont capables d’aller vivre
dans des environnements extrêmement hostiles, ils fuient néanmoins,
quand ils le peuvent, les incommodités du milieu physique.
2. Processus d’attraction et d’émission
2.1. Partout, des pôles
L'espace s’organise selon une logique de polarité, puisque des pôles
fonctionnels exercent, à l’intérieur de leurs champs périphériques, des
effets divers, à la manière de l’aimantation des pôles magnétiques. Au
sein du champ polarisé, tout est plus ou moins censé regarder et se
tourner vers le pôle, s’organiser, se distribuer et se déplacer en
fonction de lui, en être dépendant, la campagne autour de la ville, le
territoire autour de son chef-lieu, la zone économique autour de son
pôle de croissance, d’excellence ou d’échanges, etc. Le développement
ne se manifeste pas simultanément sur l’ensemble d’une aire donnée.
2.2. Les pôles : des aimants
La polarisation, qui agit à tous les niveaux spatiaux, associe des
drainages et des irrigations. Les premiers relèvent de l’attraction, le
pôle fonctionnant comme une pompe aspirante, pour la main-d’œuvre,
les biens, les capitaux, etc. On a là une sorte d’effet « boule de neige »
qui favorise le regroupement d’activités soit différentes (pôles
polyfonctionnels), soit semblables (pôles monofonctionnels ou
spécialisés).
2.3. Les pôles : des moteurs
Compléments des drainages, les irrigations, centrifuges, reposent sur le
rayonnement, le pôle étant un générateur et un émetteur, qui diffuse
des services, des informations, des ordres, des procédures de contrôle
et d’organisation, etc. Additionnant fonctions et activités par divers
processus agrégatifs, le pôle, à partir d’une certaine masse critique, est
un moteur. Toutes ces propagations centrifuges peuvent être mono-
directionnelles, mais aussi s’effectuer par irradiation concentrique
généralisée.
2.4. Le jeu des diffusions
Les diffusions, phénomènes essentiels, s’effectuent selon deux grands
types de mécanismes :
- la contagion, de proche en proche, à la manière d’une onde ou d’un
fluide qui s’étale (le bouche à oreille entre individus en est une bonne
illustration) ;
- la transmission hiérarchique qui, à partir du centre, est canalisée par
la structure pyramidale de la population affectée.
trois déterminants :
- la nature de l’élément diffusé ;
- les propriétés du foyer diffusif (puissance, durée d’émission) ;
- les caractéristiques de l'aire de réception : distances à franchir,
densité, etc
3. Mécanismes gravitaires
3.1. La polarisation des uns finit où commence celle des autres
Une activité, une diffusion, un pouvoir, etc. disposent, à partir de leur
point d’origine, d’une portée, d’un rayon d’action,.
Toutes ces capacités et évolutions d’un lieu ne dépendent donc pas
uniquement des attributs présents sur place, mais aussi des
caractéristiques d’un espace environnant plus ou moins large. Par
exemple, l’attraction d’une ville est influencée par la présence (ou
l’absence) des villes voisines.
3.2. L'espace géographique comme l’espace cosmique ?
L'intensité de la polarisation est réglée par la gravitation et obéit à des
lois assimilables à celles énoncées par Newton. En effet, l’opposition,
partout dans l’espace géographique, est faite de vides, parfois
immenses, et de pleins, parfois extraordinairement denses, c qui
rappelle les principes organisationnels du cosmos.
On applique donc à l’espace géographique le modèle gravitaire selon
lequel deux corps quelconques s’attirent réciproquement avec une
force proportionnelle au produit de leurs masses
4. Impacts des phénomènes d’agglomération
4.1. Un atout : la coprésence
La coprésence, cette volonté de tout mettre et de tout faire au même
endroit, constitue, avec la mobilité et les télécommunications, l’une des
trois réponses apportées par les hommes aux contraintes de la
distance. Une telle agglomération offre beaucoup d’avantages. Elle
génère de la densité et donc de la proximité physique, offrant à chacun
l’accès à un maximum de choses en un minimum de temps et de coût 
4.2. Un handicap : le trop-plein
Ce phénomène d’aimantation a ses limites. Il peut en effet être freiné
par un effet de réaction, voire s’arrêter complètement lorsque les
forces répulsives liées aux congestions l’emportent sur les forces
attractives suscitées par la coprésence.

Accessibilité et mobilité
1. Une accessibilité très inégale
1.1. Un espace rugueux
Les unités spatiales sont plus ou moins faciles à atteindre par les
hommes, les biens ou les informations : leur accessibilité est inégale,
c’est-à-dire que l’effort à consentir pour accomplir cette mise en
relation est variable en temps, en coût, en énergie, en pénibilité.
L'espace impose en effet sa rugosité, ses irrégularités et inégalités.
1.2. Comment évaluer l’accessibilité ?
Le niveau d’accessibilité d’un lieu dépend d’une combinaison de
déterminants :
- à une extrémité de la chaîne, interviennent les caractéristiques des
individus susceptibles de se déplacer, car tous les humains ne sont
évidemment pas égaux dans leur mobilité (être jeune ou vieux ?
handicapé ou pas ? disposer d’une voiture ou pas ?, etc.) ;
-  à l’autre extrémité agissent la nature et la distribution spatiale de la
ressource à atteindre (conditions d’accès à tel emploi, tel service, telle
population, etc.) ;
L'accessibilité est un puissant facteur de construction dynamique de
l’espace et a des effets sur l’organisation spatiale (choix d’implantation
des entreprises,…)

2. Ouverture et fermeture
2.1. L'importance des passages
Il existe dans l’espace d’innombrables portes, entrées et sorties, nœuds
où convergent et divergent les voies, sites de franchissement et de
transbordement des trafics. En effet, on ne circule pas partout dans
l’espace et aux obstacles répondent des points précis de passage, là où
se rencontrent un axe et une discontinuité à franchir. Les flux y sont
captés, rassemblés et dirigés sur un itinéraire déterminé. Ainsi les
reliefs par exemple provoquent-ils un double guidage des parcours,
canalisation des vallées pour les transports intra-montagnards,
contournement pour les transits : la vallée du Rhône accueille et
oriente tout autant le mistral que les flux de pétrole ou les départs en
vacances. Cet effet de concentration peut d’ailleurs avoir des
conséquences néfastes, vents accélérés et circulations routières
ralenties.

2.2. La gestion des goulets


- les abaissements de relief qui permettent de franchir plus facilement
une ligne de crêtes (col, gorge, défilé, trouée, passe, cluse, percée) ;
- les couloirs, passages plus ou moins étriqués et allongés qui relient
des aires séparées par des obstacles orographiques ;
- les corridors, extensions territoriales étroites, qui seules font
communiquer une aire enclavée avec l’extérieur, en particulier la mer
(le corridor de Dantzig, de triste mémoire) ;
- les isthmes, langues de terre entre deux mers, imposant des
itinéraires obligés aux flux terrestres longitudinaux et nécessitant le
creusement d’un canal pour la traversée des flux maritimes
transversaux (Kiel, Corinthe, Suez, Panama) ;
-  les étranglements de surfaces aquatiques :
2.3. Le franchissement des barrières
Les barrières sont constituées par des éléments naturels : océan, cours
d’eau, montagne, désert, forêt, etc. Il y a fermeture dès qu’un obstacle
contrecarre l’entrée ou la sortie d’un lieu. Il existe aussi les blocages
nés des vicissitudes géopolitiques : discordes, tensions,
protectionnismes, scissions, conflits.
2.4. Le problème des enclavements
L'enclavement (littéralement « fermeture à clé ») est la déficience
relative d’accessibilité d’un lieu, ce sont des parcelles de terrain qui ne
disposent d’aucune issue, du fait d’anomalies de découpages et de
désaccords frontaliers :
- les ghettos sont des quartiers urbains bien individualisés
- les môles sont des aires qui résistent aux pénétrations, depuis les flux
de transport qui les contournent jusqu’aux diffusions des innovations
qui les ignorent ;
- les isolats, sont occupés par des groupes humains qui se replient sur
eux-mêmes et ont peu de rapports avec leurs voisins (peuples des
montagnes-refuges, communautés insulaires).
2.5. La recherche des abris
- protection vis-à-vis de menaces, de contraintes ou d’agressions
venues de l’extérieur (épidémie, tourisme de masse, acculturation,
conquête militaire, etc.) ;
- préservation de caractères locaux menacés (qualité d’un cadre de vie,
identité, activité économique échappant aux concurrences
destructrices).
3. Une mobilité sans cesse croissante
Plusieurs formes de mobilités sont liées et fonctionnent en véritable
système : résidentielle (changements de domicile), professionnelle
(changements d’emploi), sociale (changements de statut social) et,
évidemment, spatiale (changements de lieu). Nous allons plus
précisément nous intéresser à cette dernière.
3.1. Comment mesurer les circulations ?
Chaque unité spatiale est caractérisée par une circulation, constituée
par l’ensemble des mobiles qui s’y déplacent durant un laps de temps
donné. Si plusieurs d’entre eux se meuvent avec une origine, une
destination et un trajet communs, ils forment un flux. La circulation est
mesurée par son débit, nombre de mobiles passant en un point
déterminé par unité de temps,
3.2 L'homme : une espèce douée de motricité
La mobilité d’un individu ou d’un groupe est constituée par l’ensemble
de leurs pratiques de déplacement
Chaque déplacement a :
- un point de départ et un point d’arrivée ;
- une longueur (on distingue ainsi les trafics locaux, régionaux,
internationaux, ou, pour le transport aérien, les vols courts, moyens et
longs courriers, etc.) ;
- un itinéraire, plus ou moins rectiligne ou sinueux, constituant un aller
simple, un aller et retour ou encore un circuit, une boucle (de la
tournée du facteur aux lignes maritimes ;
- un rythme : il peut être parfaitement désordonné, mais aussi obéir à
des fréquences régulières, qui gonflent des pics de trafic quotidiens
(navettages domicile-travail), hebdomadaires (départs en week-ends)
ou annuels (chassé-croisé des vacances).
3.3. De plus en plus vite
3.4. De nouvelles mobilités
On observe aujourd’hui une complexification de la mobilité :
multilocalisation et volatilité spatiale des domiciliations (avec
notamment la bi-résidentialité, voire les résidentialités temporaires).
3.5. Chaînes de transport et logistique
La plupart des déplacements de personnes ou de biens s’effectuent par
une chaîne de transport. Celle-ci correspond à l’utilisation successive et
coordonnée de divers moyens techniques et, très généralement,
recourt à l’intermodalité.
Les interactions
L'espace est fondamentalement de nature relationnelle. Ses
composants ont entre eux d’innombrables rapports multiformes :
liaisons consensuelles ou conflictuelles, structurelles ou fonctionnelles,
liens de causalité ou d’influences réciproques, d’attraction ou de rejet…
1. Rapports de forces
1.1. Hiérarchisations
les objets géographiques, quelle que soit leur catégorie, sont très
souvent hiérarchisés et interdépendants
Des composants de l’espace peuvent se conditionner réciproquement
ou même se trouver dans l’incapacité de subsister les uns sans les
autres,
1.3. Inégalités
Les interactions consistent souvent aussi en rapports de forces inégaux,
observables dans la plupart des fonctionnements sociétaux, chaque fois
qu’une influence ne peut être compensée par une influence réciproque
équivalente.
2. Échanges
2.1. Les lois du marché
Les échanges sont les opérations par lesquelles deux ou plusieurs
partenaires cèdent et reçoivent simultanément entre eux quelque
chose de matériel ou d’immatériel. Ils ont une emprise territoriale
appelée emprise des aires de marché. Une aire de marché (appelée
aussi zone de chalandise) est une portion d’espace où se situe
l’essentiel de la clientèle, réelle ou potentielle.
3. Contacts
3.1. Des interfaces à perméabilité variable
- les activités liées à des ressources spécifiques engendrées par le
contact terre-mer (saliculture, pêche, aquaculture, maraîchage de «
ceinture dorée », tourisme balnéaire) ;
- l’exploitation des flux franchissant la discontinuité dans les ports
(ruptures de charge des transports, commerce, industries « sur l’eau
») ;
-  l'effet d’axe généré par le blocage physique du trait de côte (cabotage
maritime d’un côté, canalisation longitudinale des circulations
terrestres de l’autre, alignements urbains).
Certaines interfaces peu perméables fonctionnent au ralenti entre des
ensembles peu miscibles et qui s’ignorent largement. D’autres
correspondent au contraire à de fortes interpénétrations, jusqu’à
mettre en place des transitions douces, voire imperceptibles, comme
entre ville diluée et campagne mitée. Chacune des entités en contact
peut y déteindre sur l’autre, sur une profondeur proportionnelle à ses
capacités émettrices, et exercer ainsi ce que l’on qualifie parfois de
métamorphisme de contact. Ces lieux de relation ont toujours attiré
hommes et activités, solidarités et rivalités, émulations et tensions. On
y observe au minimum des osmoses, c’est-à-dire des diffusions
sélectives, freinées par toutes sortes de protectionnismes. Mais les
contacts entraînent parfois aussi de véritables soudures, les unités
accolées finissant par s’agglomérer pour n’en former qu’une seule.
3.2. Juxtapositions et superpositions
La configuration la plus simple pour les contacts est la contiguïté, forme
maximale de la proximité, lorsque deux éléments sont soit bord à bord
de part et d’autre d’une limite commune, soit tangents, se touchant au
moins en un point. Évidemment cette continuité spatiale peut n’être
qu’une simple juxtaposition inerte qui ne suscite aucune relation. Mais
elle oblige ne serait-ce qu’à la gestion des mitoyennetés, des problèmes
limitrophes et, en fait, favorise souvent une grande gamme
d’interactions, de communications et de diffusions. À l’inverse, nous le
savons, l’éloignement diminue les probabilités de rapports entre deux
éléments.
Les relations naissent aussi des superpositions, de l’existence en une
même portion d’espace de plusieurs strates de nature différente,
relevant ou pas du même ordre de grandeur, et qui se recouvrent donc
exactement (coextension) ou pas. L'espace est « feuilleté » et les liens
d’interspatialité entre ses diverses couches sont souvent délicats parce
que chacun d’eux a ses logiques et ses acteurs. C'est en particulier le
cas dans deux types de rapports :
- entre mailles fonctionnelles et institutionnelles : telle région
administrative a une configuration aberrante par rapport aux réalités
ethniques, économiques, culturelles, etc. ;
-  entre territoires et réseaux : par exemple, des branches d’un réseau
national se plaquent sur une région comme un corps étranger, sans
tenir aucun compte des besoins locaux.
On observe enfin de nombreux emboîtements, où une unité spatiale
est encastrée dans une plus grande, qu’il existe ou non entre elles un
rapport hiérarchique. Ce mode d’assemblage par inclusions successives
est le fondement même des maillages administratifs, depuis la strate
des communes jusqu’à celle des groupements d’États.
4. Conflits
4.1. Concurrences et tensions
L'un des moteurs des dynamiques spatiales est la rivalité entre des
acteurs, individuels ou collectifs, qui visent simultanément un même
objectif et adoptent entre eux des comportements de compétition. On
sait ainsi qu’en économie, une concurrence existe dès que deux
acheteurs désirent la même ressource ou que deux vendeurs se
disputent le même client (guerres commerciales, jeu rail/route, etc.).
Des antagonismes concernent les réseaux, les propriétés, les fonctions,
les accès, une taille territoriale jugée insuffisante, un droit de passage
menacé, une limite considérée comme inadaptée. On lutte pour la
langue ou la religion aussi bien que pour l’eau ou la nourriture. Les
probabilités d’émergence d’une compétition s’accroissent notamment
lorsque la ressource recherchée est raréfiée et lorsque la proximité et
la densification des concurrents augmentent.
La concurrence peut provoquer une stimulante émulation (course à
l’innovation, pôles de compétitivité), mais constitue souvent un facteur
de division, un redoutable moyen de sélection et un implacable
processus éliminatoire. Des volontés contradictoires créent des foyers
de tension latents, qui sont activés dès que le dépassement d’un seuil
critique provoque la rupture. Il existe dans l’espace des situations
conflictuelles quasiment mécaniques, en particulier lorsque quelque
part coexistent plusieurs ingrédients apparemment incompatibles :
- soit des groupes humains : colorisateurs et colonisés évidemment,
mais aussi touristes et autochtones le long de littoraux qui se
transforment en rivieras, ou ruraux et néo-ruraux dans les aires
périurbaines,
-  soit des fonctions : frontière bloquante contre nécessité de passage,
pouvoir centralisateur contre velléités autonomistes,
- soit des activités : nomadisme pastoral et agriculture sédentaire,
promotion immobilière et activisme écologiste.
Les positions d’intersection où plusieurs composants se confrontent
(l’Iran est à l’intersection des mondes turc, arabe, indien et russe), les
chevauchements, débordements et empiétements où ils se recouvrent
partiellement (interférences entre aires de marché, arrière-pays,
champs d’influence, etc.), génèrent d’innombrables contestations et
contentieux.
4.2. Conflits actifs
Les intérêts divergents, de menace en intimidation, de défi en
ultimatum, finissent trop souvent par provoquer des conflits actifs, des
affrontements armés. La guerre, forme suprême de l’agressivité
collective, est malheureusement une constante des comportements
humains pour conquérir, libérer, éliminer, dominer, punir, etc. Elle a
d’évidentes dimensions spatiales, et ce dans ses trois phases :
- avant le déclenchement, les militaires s’y préparent : forte emprise
territoriale des complexes militaro-industriels, mise en place de
systèmes géostratégiques,
- durant les combats, la maîtrise de l’espace est décisive : guerres éclair
ou d’usure, de position ou de mouvement, éliminations ou
franchissements d’obstacles, recherche d’abris, logistique, etc. ; les
guerres se traduisent généralement par des pénétrations d’un groupe
humain sur un autre territoire que le sien, depuis l’installation d’une
tête de pont ou le raid rapide jusqu’aux invasions massives et de longue
durée,
- enfin les séquelles spatiales de la guerre sont généralement
considérables : destructions, reconstructions, nouvelles configurations
territoriales (rectifications des frontières, prises de contrôle, conquêtes
ou amputations, tronçonnements ou regroupements), voire
bouleversements des hiérarchisations internationales.
Modèles et systèmes
1.2. Approche systémique
1.3. Approche modélisatrice
2. La modélisation
2.1. Qu’est-ce qu’un modèle ?
Modéliser, c’est synthétiser en une construction évocatrice les attributs
majeurs d’une catégorie d’objets géographiques, exprimer l’essentiel
de leurs caractéristiques communes. Les modèles présentent une
grande diversité, mais selon leur mode d’expression, on en distingue
trois grands types :
- les modèles matériels (maquettes), qui sont peu utilisés en
géographie ;
- les modèles mathématiques, au contraire souvent requis en analyse
spatiale ;
-  les modèles graphiques, les plus familiers pour les géographes (voir
chapitre suivant).
2.2. Un exemple : centre et périphérie
- Le modèle élaboré par J. H. von Thünen en 1826 vise à expliquer les
rapports entre un marché urbain et les choix d’affectation des sols par
l’agriculture. Cette approche, fondatrice de la modélisation spatiale,
démontre que les types de cultures s’ordonnent logiquement en
auréoles centrées sur la ville
- C'est le cas des modèles urbains de E. W. Burgess (1925) et de W.
Alonso (1964) : la ville y est remplacée par le centre-ville et l’agriculture
par la consommation immobilière. L'aire urbaine fonctionne comme un
champ de forces reposant essentiellement sur la différenciation des
valeurs foncières. Les mécanismes de ségrégation aboutissent là aussi à
un ordonnancement socio-spatial auréolaire de l’extension urbaine.
- Le modèle des places centrales (ou lieux centraux) repose sur les
travaux de W. Christaller (1933) et A. Lösch (1940), s’efforçant
d’expliquer des régularités observées entre le nombre, la taille, la
hiérarchisation et l’espacement des villes..
- W. J. Reilly (1929), s’appuyant lui aussi sur le mécanisme gravitaire,
montre que les attractions commerciales de deux villes en un point
donné sont proportionnelles à leur population et inversement
proportionnelles au carré de leur distance à ce point. Ce modèle
permet d’expliquer l’intensité des échanges entre les unités spatiales et
de préciser la disposition des aires de marché.
-  En 1963, D. F. Huff propose une extension du modèle de W. J. Reilly
dont le but est de déterminer les aires de marché en évaluant la
probabilité de fréquentation d’un point de vente soumis à un
environnement concurrentiel.
- Le modèle urbain de H. Hoyt (1939), analysant les processus
ségrégatifs liés aux conditions d’accessibilité au centre, montre
comment se met en place, dans la répartition des activités et des
hommes, une disposition, non pas en auréoles, mais en secteurs
différenciés.
- Le modèle de C. S. Harris et S. Ulman (1945) conteste les organisations
urbaines, tant en auréoles qu’en secteurs, au profit d’une structure
polynucléaire, d’une ville plus éclatée, comportant plusieurs pôles nés
du regroupement d’activités en des points différents, en fonction de
processus d’agrégation/ségrégation et d’attraction/répulsion.
.
3. La systémique
3.1. Géographie et causalité
3.2. Qu’est-ce qu’un système spatial ?.
3.3. Dynamique des systèmes
3.4. Vie et mort des systèmes
Un enrichissement considérable de l’outillage et des méthodologies
1. Comptages
1.1. L'indispensable travail de mesure
1.2. L'établissement des effectifs
1.3. Le découpage en classes
2. Analyses univariées
2.1. Caractéristiques de tendance centrale (dites aussi paramètres de
position)
2.2. Caractéristiques de dispersion
2.3. Caractéristiques de concentration
3. Analyses multivariées
3.1. Analyses bivariées
par des colocalisations. À cet égard, les mesures d’autocorrélation
spatiale (coefficients de Geary ou de Moran) visent à évaluer l’effet
éventuel de la proximité sur les ressemblances entre unités spatiales.
3.2. Des liaisons multiformes
3.3. Analyses multivariées
4. Classifications
4.1. Types et catégories
4.2. Classifications hiérarchiques et automatiques
4.3. Analyses discriminantes
L'analyse discriminante est une technique statistique à double fonction.
D’un côté elle détermine les variables les plus pertinentes pour la
différenciation en groupes d’un ensemble quelconque, c’est-à-dire les
critères qui ont le pouvoir de séparation le plus fort (analyse
descriptive). De l’autre, appuyée sur ces descripteurs prédictifs, elle
affecte des éléments non encore classés aux groupes (analyse
prédictive). Elle intervient à l’issue d’une classification qu’elle va valider
ou non, ou de plusieurs classifications entre lesquelles elle va choisir la
plus efficiente.
5. Intégration de la composante temporelle
5.1. Séries chronologiques
5.2. Variations
Il convient aussi de repérer diverses variations. Certaines sont dites
saisonnières parce qu’elles correspondent à un phénomène répété à
intervalles réguliers. D’autres sont qualifiées de résiduelles parce que
ce sont des fluctuations de nature aléatoire (ou en tout cas
inexpliquées). On peut effectuer, par comparaison diachronique,
différentes mesures, soit de variations absolues entre deux instants,
l’un de départ et l’autre d’arrivée, soit de variations relatives sur une
période donnée : taux de variation (par exemple une diminution de 25
%) ou coefficient multiplicateur (par exemple un triplement). On étudie
particulièrement les mécanismes de croissance et décroissance, leur
vitesse, leur intensité et leur rythme. Ainsi traduit-on la dynamique
d’intensification d’un phénomène, notamment pour de nombreux
processus de diffusion, par une loi logistique et sa courbe en S.
6. Études morphologiques
6.1. Géo-graphe, géo-mètre
L'analyse spatiale comporte une importante dimension géométrique.
Elle étudie constamment les propriétés des formes spatiales :
coordonnées, calculs dimensionnels, repérages de figures régulières et
de réseaux ordonnés, mise en évidence de symétries et d’alignements,
de centralités et d’emboîtements, de continuités et de disjonctions, etc.
La géométrie met à la disposition des géographes la clarté et la
précision de son langage et de sa terminologie, qui renvoient aux
structures et à l’ordre. Elle est aussi un bel outil graphique qui élabore
des processus d’abstraction à partir du réel et met depuis toujours ses
moyens au service des principes et des techniques cartographiques
(systèmes de projection, échelles, figurés, carroyages, modélisation,
etc.).
L'analyse spatiale recourt aussi à une branche des mathématiques, la
topologie, dès qu’il s’agit d’étudier la stabilité des propriétés d’un
objet, d’une figure ou d’une portion d’espace soumis à des
transformations continues. Elle permet ainsi d’expliquer les relations
spatiales entre unités, indépendamment de leur morphologie exacte et
de leur taille. Contentons-nous de deux exemples. La topologie offre
d’abord d’intéressantes possibilités dans l’approche de la contiguïté :
détermination d’ordres de contiguïté, mise en place de matrices,
applications à l’autocorrélation ou à la diffusion, etc. Il en est de même
pour les processus de ségrégation, avec l’élaboration des concepts de
ségrégations uni- ou multi-groupes et d’indices de dissimilarité.
6.2. La mise en œuvre de l’outil mathématique
7. Expressions graphiques
8. Expressions cartographiques
8.1. Géomatique
8.2. SIG
8.3. Nouveaux outils
- Les cartes quantitatives s’appuient sur des données numériques :
cartes de potentiel, de résidus, de tendance, cartogrammes intégrant
des diagrammes, etc.
- Les cartes conceptuelles s’efforcent de démêler des phénomènes
complexes.
- Les spatiocartes sont produites par les ordinateurs en appliquant
différents traitements sur un fond constitué par une ou des photos
satellitales ; elles sont de plus en plus performantes grâce aux multi-
capteurs et à la très haute résolution.
- Les cartes en 3D, en ajoutant la troisième dimension, donnent
l’impression de volume.
- Les images de synthèse offrent la possibilité de tourner sur écran
autour de l’objet géographique, de l’observer sous tous les angles et à
toutes les échelles pour mieux le disséquer.
- Les modèles numériques de terrain (MNT) reconstituent les surfaces
topographiques sur lesquelles on peut draper telles ou telles couches
thématiques de SIG.
8.4. Modélisation graphique
Conclusion
Le tableau que nous venons de brosser montre que l’analyse spatiale
contribue indéniablement à la qualité, à l’efficacité et à la scientificité
de la géographie.
D’abord à cause d’une préférence affirmée pour l’approche
nomothétique. L'analyse spatiale cherche en effet à replacer chaque
fait en relation avec une règle globale. Elle observe que, par-delà toutes
les disparités de l’espace, des structures et dynamiques identiques
reviennent en différents lieux et/ou à plusieurs niveaux spatiaux. Elle
s’intéresse par conséquent aux propriétés et fonctionnements
communs, aux principes organisationnels d’ensemble, aux régularités, à
partir desquels elle vise à établir ou conforter des lois scientifiques.
Ensuite, elle souhaite privilégier les démarches déductives et s’efforce,
à l’instar des autres sciences, d’appuyer ses raisonnements sur des
hypothèses initiales dont elle teste la validité et à partir desquelles elle
enchaîne des démonstrations logiques, toujours réfutables.
Elle a aussi compris, notamment en pratiquant la modélisation, que
l’abstraction était indispensable pour la compréhension de la
complexité du monde. Elle a pour ambition de mettre en évidence une
construction théorique de l’espace, un ordre géographique intelligible.
Au-delà de son puissant apport méthodologique, l’analyse spatiale a
donc entraîné de profonds changements dans l’ensemble des
conceptions, des problématiques et des objectifs de la géographie, qui,
ainsi enrichie, participe aujourd’hui plus intensément et plus
sereinement au grand concert des sciences.
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