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LICENCE 3/ GEOGRAPHIE

COURS 3611 : ANALYSE DE L’ESPACE

Chapitre 3 : Principes et processus


d’organisation de l’espace
La notion d’organisation de l’espace s’est développée dans les années 60-70 ; elle se propose de
décrire et d’expliquer la production d’un espace par une société humaine ; elle dépasse le simple
inventaire des configurations physiques et la simple interaction entre un milieu et les genres de
vie. Bien au contraire l’organisation de l’espace tente de trouver dans la structuration des
aménagements humains un ordre qui fait force de loi voire d’universalité. Les sociétés
construisent leur espace selon plusieurs principes et à travers plusieurs processus. Ces sections
identifient quelques principes et les processus à l’œuvre.

SECTION 3.1 le principe chorotaxique

Résumé du cours
Il repose sur l’idée que deux réalités de même nature ne peuvent occuper simultanément
une même position, un même lieu. Cette obligation physique crée de la distance et constitue le
fondement de toute organisation spatiale puisqu’elle est créatrice de fait de points (emprise
spatiale ponctuelle), de lignes (les implications de la mobilité comme à la fois contrainte et
technique sociale), de surfaces (manifestations de la diffusion).
Le principe chorotaxique est donc la source de l’invention des régimes de proximités mais
aussi des types et techniques de mobilité. Parmi les régimes de proximité on peut noter :
La proximité topographique. Elle rend compte d’une technique sociale très importante : la
coprésence. La notion de coprésence signifie que le fait de rassembler plusieurs phénomènes à
un lieu donné. Les espaces sont caractérisés dans cette perspective par la contigüité, le contact
physique entre les réalités. Les lieux sont caractérisés par des interfaces, des emboîtements,
c’est une proximité de contact immédiat, ce qui définit d’ailleurs la notion d’entourage. Ici En
coprésence parfaite la distance est donc nulle et sans valeur.
On peut relever plusieurs effets géographiques de la coprésence.

- La densification :
- Extension en aire de l’espace
- La définition des proximités acceptables (normes et lois d’urbanisme, aménagement du
territoire, occupation des sols (un élément exclut forcément un autre) ; structuration
ethnique dans certaines villes africaines ; quartiers résidentiels : quartiers populaires.
- Formes de civilités
•Réflexion de Michel Lussault (2007) « en tant que telle la question collective et politique de
la coprésence est un puissant vecteur de structuration des sociétés »
La proximité topologique est liée à la mobilité ; elle instaure non plus un contact physique mais
une connexion qui consacre la séparation matérielle entre les deux réalités jointes. Ce type de
proximité se manifeste dans le cadre des réseaux de transport, de communication. Ici le proche
n’est forcément pas le contigu mais le connexe, le plus facilement accessible. Cette proximité
est médiate contrairement au premier (c’est à dire que les deux réalités entre en contact par un
médiateur).
RESSOURCES :
BAILLY A. et al., 1998, Les concepts de la géographie humaine, 4e éd., Paris : Masson
BAILLY A. et BÉGUIN H., 1995, Introduction à la géographie humaine, 5e éd., Paris : Masson
BAVOUX J. J., 2002, La géographie : objets, méthodes et débats, Paris : Armand Colin
CIATTONI A., 2005, La géographie : Pourquoi ? Comment ? Objets et démarches de la
géographie d’aujourd’hui, Paris : Hatier
LUSSAULT M., 2007, L’homme spatial, la construction sociale de l’espace humain, SEUIL.
https://www.seuil.com/ouvrage/l-avenement-du-monde-michel-lussault/9782020966641

SECTION 3.2 LES PRINCIPES ECONOMIQUES

Résumé du cours
Tout système économique est producteur d’un espace spécifique. Le système de production
traditionnelle africaine, le système capitaliste comme le système socialiste donnent des
exemples éloquents de différenciation spatiale.
Dans le système traditionnel africain où le prélèvement était le fondement de
l’économie, l’espace était perçu et organisé comme un tout. C’était la période d’un genre de vie
écologique dans lequel l’homme ne se distinguait pas des autres éléments de la nature. La notion
d’appropriation n’avait pas de sens et la posture condescendante (l’homme est maître de la
nature, il doit s’en approprié) absente.
L’avènement du système socialiste dans les pays de l’Est a profondément bouleversé les
paysages puisque l’appropriation collective des biens de production a fait disparaître les
habitations dispersées, les hameaux, les haies d’arbres qui symbolisaient la propriété
individuelle. Le nouveau système a créé une campagne désencombrée, partagée en grandes
exploitations d’un seul tenant, au centre desquelles les membres des sovkhozes et des kolkhozes
se regroupent en gros villages souvent équipées comme de petites villes. Ici l’organisation de
l’espace obéit à des principes d’équité, de justice et d’équilibre dont le l’Etat est le garant.
Par contre dans le système capitalisme, le primat est donné à l’appropriation individuelle
des moyens de production. Les individus agissent sous la loi de l’offre et la demande.
L’organisation de l’espace et de la société est y conditionnée par la distribution géographique
des capitaux, d’où la notion de rente de localisation.
Dans une société à économie marchande, où se localisent les activités ?
En se fondant sur les deux postulats des théories classiques : la rationalité économique
(tout être voudrait faire le maximum de bénéfice dans une société marchande) et la
transparence du marché (les conditions du marché sont démocratiquement connues), on
aboutit une rente de localisation liée au diktat de la loi de l’offre et de la demande, qui est le
moteur de l’organisation spatiale. Car si on admet que ces postulats sont vrais, les éléments qui
font différencier ou départager les acteurs économiques seront :
 l’endroit où les structures commerçantes se trouvent (la localisation)
 Le coût d’acheminement des produits ou des ressources (le transport)
 L’accessibilité par rapport au marché (l’accessibilité)
Dans une économie de cueillette traditionnelle l’organisation de l’espace repose essentiellement
sur la ressource. La population se localise au gré de l’existence ou non, de l’abondance ou non
de la ressource. Ex l’assèchement du Sahara au néolithique est un exemple de situation où les
aménagements humains sont déterminés par les conditions du milieu.
Dans une économie de cueillette évolué (exploitation du pétrole, exploration minière, etc., le
peuplement dépend de « l’aire de production » ; la population peut ne pas se déplacer mais elle
crée un semis de lieux de production.
En général dans une situation économique, les localisations se décrivent deux cas de figure :
- Très proche de la ressource : l’agriculture, la pêche, la cueillette (bref les activités
primaires), certaines activités secondaires (exploitation minière). Exemple très
particulier de l’agriculture extensive.
Conséquence : en principe il faut s’atteler à constituer, ouvrir et développer un marché : il faut
aussi un développement des moyens de transports, un développement des unités de
transformations pour amoindrir le coût du transport.
- Près des consommateurs : on ne produit pas toujours là où les conditions naturelles sont
favorables mais plutôt là où résident les consommateurs. (ex des services, la brasserie :
l’eau étant ubiquiste : la plus-value des brasseries se fera dans la maîtrise du produit vers
la clientèle)
- Conséquence : le choix porte sur la valorisation des ressources : artificialisation des
ressources (cultures) ; transformations des conditions écologiques.
Les théories de localisation :
Deux types de question sous-tendent tout acte de localisation en situation économique :
Quelle est la meilleure localisation pour une activité ? : Quand j’ai un projet, une activité, un
investissement où devrais-je l’implanter pour réaliser le maximum de bénéfice possible ? (ex :
où placer une usine sidérurgique dans un triangle formé d’un gisement de fer, d’un gisement de
charbon et d’une usine automobile ?)
Théorie d’Alfred Weber (1868 -1958): comparaison du coût des inputs (intrants) et des outputs
de la production.
Si CI sup CO donc l’industrie à tendance à se localiser près des inputs
Si CI inf CO donc l’entreprise doit se rapprocher davantage du marché
Si CI = CO, position médiane
Quelle est la meilleure activité pour un endroit bien déterminé ? Quand j’ai une place, une
localité, que faut –il y mettre pour que j’en tire le maximum de profit possible ?
Le modèle aréal de Von Thünen propose un espace où le milieu naturel est homogène, où les
rendements, les coûts de production et les prix sont constats. Dans ce contexte le bénéfice de
l’agriculteur ne varie qu’en fonction de la distance la ville marché. C’est ce qui donne la notion
de rente de localisation. La distance au marché apparaît donc le seul facteur de l’organisation de
l’espace agraire : les produits les plus intensifs, les plus périssables et les plus lourds se localisent
au plus prés du marché tandis que les produits dont le coût de transport est moins contraignant
se pratiquent à la périphérie de l’espace agraire (élevage par exemple)

Couronne supérieur : élevage


Rouge : seigle et élevage
Marron : seigle
Vert : pomme de terre
Première cour ; bois

Ressources
BAILLY A. et al., 1998, Les concepts de la géographie humaine, 4e éd., Paris : Masson
BAILLY A. et BÉGUIN H., 1995, Introduction à la géographie humaine, 5e éd., Paris : Masson
BAVOUX J. J., 2002, La géographie : objets, méthodes et débats, Paris : Armand Colin
CIATTONI A., 2005, La géographie : Pourquoi ? Comment ? Objets et démarches de la
géographie d’aujourd’hui, Paris : Hatier

SECTION 3.3 LES PRINCIPES POLITIQUES ET CULTURELS

Résumé du cours
Le tout économique est un leurre ; les sociétés comme les individus se réfèrent à d’autres
instances dans leur rapport à l’espace. L’espace est avant tout une construction politique.
En effet, les hommes se sont toujours partagé l’espace en domaines d’appartenance et /ou
d’exclusion au fur et à mesure de leur diffusion et de leur différenciation. Déjà dans les sociétés
anciennes (féodales), cette construction spatiale consistait à créer des places fortes auxquelles
appartenaient des hinterlands aux marges variables, vagues et floues. Ce qui dominait c’est plus
des rapports interpersonnels que le rapport à un territoire. L’ère des empires et des royaumes
a créé une territorialité plus ferme fondée sur des aires plus ou moins précises. L’Etat-nation
européen du 18e siècle est la forme la plus achevé d’une construction politique d’un espace :
Les frontières, les identités et communautés nationales, comme les représentations qui en
résultent créent des coquilles spatiales et un gradient de familiarité décroissante avec les
espaces autres. N’est-ce pas cette forme de construction spatiale qui est le fondement de la
carte politique de l’Afrique.
Par ailleurs, tout Etat fonctionne sur la base de territoires infra nationaux qu’il crée pour le
contrôle, la gestion politique.
Le choc des civilisations de Samuel Huntington est le manifeste d’une vision culturaliste du
monde. Au-delà cette opposition binaire, simpliste et caricaturale entre l’occident et le monde
musulman ; on peut percevoir l’espace-monde en grandes aires culturelles juive, chrétienne et
musulmane. Chaque aire est caractérisée par un certain nombre de signes paysagers, urbains
notamment, qui le spécifie.

SECTION 3.4 LES PROCESSUS DE PRODUCTION DE L’ESPACE

Résumé du cours
L’espacement : C’est le processus de spatialisation dans lequel la distance est la condition
consubstantielle de l’arrangement et de la mise en ordre. Il repose sur l’idée que deux choses
ne pouvant occuper en même temps un lieu (et une chose ne peut occuper deux lieux en
même temps), il existe une obligation d’espacement. L’espacement crée donc la distance qui
est à son tour une création sociale. Pour produire un paysage les hommes se confrontent ainsi
à trois possibilités: la contiguïté (mettre les choses côte à côte. C’est une disposition
mitoyenne où E=0) ; la connexion (existence d’un écart entre elles; ici la distance est comprise
dans l’intervalle, ] 0---D max]); la substitution (la deuxième construction remplace la première
qui disparaît physiquement).
La disposition : Tout arrangement spatial doit tenir compte du pouvoir (des possibilités) de
l’espace et éventuellement des contraintes qu’il impose. Mais contrairement à l’espacement,
la disposition est une liberté humaine. Le même espace peut être organisé différemment en
fonction des dispositions matérielles, technologiques, idéologiques, etc.
L’individuation : Le premier acte de mise en espace à l’échelle de la planète- la diffusion de
l’espèce humaine - a abouti à un processus de différenciation et donc d’individuation: « les
hommes en se diffusant dans tous les coins du monde auraient créé des organisations socio-
territoriales différentes ». Il existe donc une distance au-delà de laquelle les éléments d’un
groupe s’autonomisent et reproduisent des schémas différents. L’individuation est un processus
consubstantiel de la production et de l’organisation de l’espace. Elle est peut être relevée à tous
les niveaux catégoriels et scalaires : Ecologie: répartition du monde en aires biogéographiques;
en zones climatiques, en régions naturelles distinctes. Géopolitique: bipolarité;
centre/périphérie; polycentrisme, etc.
L’intégration : Paradoxalement, l’espace est affecté par des processus d’unification et
d’intégration. A l’échelle mondiale, on peut relever l’unification et l’intégration à travers trois
grands modes d’emprise spatiale: l’exploration, la colonisation et la mondialisation. La
mondialisation se caractérise, par exemple, par la standardisation des agencements spatiaux à
la fois dans les formes architecturales et spatiales, des configurations à toutes les échelles
(espace urbain; espaces récréatifs, campagne, etc.), d’où la naissance de la notion d’espace lisse
ou d’espace générique. A ce niveau l’intégration et l’uniformisation obéissent à des exigences
économiques (standardisation de la production) et sociales (uniformisation des normes de
sécurité, d’hygiène, de gouvernance.
Ressources :
BAILLY A. et BÉGUIN H., 1995, Introduction à la géographie humaine, 5e éd., Paris : Masson
BAVOUX J. J., 1998, Introduction à l’analyse spatiale, Paris : Armand Colin.
CUYALA S., 2015, L’affirmation de la géographie théorique et quantitative française au cœur
d’un moment d’ébullition disciplinaire (1972-1984). Bulletin de l’Association de géographes
français, Association des Géographes Français, 2015, 92 (1), pp. 67-83.
CIATTONI A., 2005, La géographie : Pourquoi ? Comment ? Objets et démarches de la
géographie d’aujourd’hui, Paris : Hatier
LUSSAULT M., 2007, L’homme spatial, la construction sociale de l’espace humain, SEUIL.
https://www.seuil.com/ouvrage/l-avenement-du-monde-michel-lussault/9782020966641
ISNARD I., RACINE J. B. et REYMOND H., 1981, Problématiques de la géographie, Paris : PUF,
le géographe
PUMAIN D. et SAINT-JULIEN T., 1997, L’Analyse spatiale. Localisation dans l’espace, Armand
Colin

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