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De nouveaux espaces

1
Thème

de conquête
La logique du thème
Le Thème 1 propose d’aborder « de nouveaux espaces de conquête ». Bien que l’espace et les océans
soient chacun très spécifiques, la mise en parallèle fonctionne bien et s’avère féconde sur plusieurs
plans, tant les points communs et les convergences sont nombreux. En effet, ces espaces restent
situés en dehors de l’œkoumène, l’espace habité et approprié par les hommes, et à ce titre, ils sou-
lèvent des enjeux bien particuliers, qu’il s’agisse de leur contrôle, de leur appropriation entendue
au sens large (culturelle, juridique, économique), de leur exploitation, et enfin de leur protection.
Ils alimentent des ambitions concurrentes et des rivalités entre États, chaque puissance cherchant
également à s’affirmer dans ces sphères, comme en témoigne la politique très volontariste, et par-
fois même agressive, de la Chine dans ces deux champs. L’approche géopolitique trouve donc toute
sa pertinence ici, autour de l’étude des relations entre États, qui balance entre rivalités et néces-
saire coopération.
La photographie du cosmonaute réalisant une sortie extra-véhiculaire depuis la station spatiale
internationale est doublement révélatrice. D’abord par le niveau de maîtrise technique qu’elle sup-
pose (station spatiale, sortie dans l’espace, équipement). D’autre part par la nationalité (russe) du
cosmonaute, qui incarne une coopération internationale de très haut niveau dans le cadre de la
station spatiale internationale, en rupture avec l’âpre concurrence spatiale qui a prévalu entre
États-Unis et URSS pendant toute la durée de la guerre froide.

p. 20-21 Introduction dans les années 1930 dans le golfe du Mexique, mais
s’est surtout accélérée après le premier choc pétrolier.
Une connaissance et une maîtrise Les forages sont de plus en plus éloignés des côtes et de
plus en plus profond (le record est détenu par le Brésil
en constante évolution qui maîtrise les techniques de forage ultra-profond). La
En dépit de décalages dans les temporalités, ces deux plateforme russe Prirazlomnaïa inaugure les forages
espaces qui environnent les espaces terrestres sont de russes dans l’océan Arctique, une région au niveau de
mieux en mieux connus et maîtrisés par les sociétés, contraintes très élevé (englacement saisonnier, tem-
qui les observent et/ou les pratiquent depuis les temps pêtes, usure rapide des matériaux par le froid) imposant
préhistoriques. Les innovations techniques et technolo- des infrastructures robustes et coûteuses, mais aussi un
giques jouent dans ce domaine un rôle déterminant pour environnement extrêmement fragile (manifestations
approfondir la connaissance de l’espace et des océans, de militants Greenpeace à proximité de cette même
dont une large part demeure néanmoins encore mécon- plateforme en 2013 pour dénoncer les ravages environ-
nue ou même inconnue. nementaux de cette opération). La Russie extrait une
grande partie de son pétrole et la quasi-totalité de son
gaz naturel, fondements de sa puissance retrouvée, au
Document 1 nord du cercle polaire.
Résultant d’une élaboration personnelle, la chronologie
permet de mettre, en dépit de leurs différences fonda-
mentales, les deux espaces en parallèle pour dégager Document 3
quelques idées constantes : maîtrise progressive, explo- Le document permet de prendre conscience du carac-
ration et connaissance accrue, rôle des progrès tech- tère progressif de la conquête spatiale, avec un statut
niques, connaissance encore inégale et incomplète. de puissance spatiale qui reste pour l’heure réservé à
un tout petit cercle (même s’il tend à s’élargir). Très peu
d’États ont en effet les moyens, aussi bien techniques
Document 2 que financiers, d’élaborer et d’exploiter leur propre lan-
La photographie de la plateforme off-shore russe ceur spatial. En 2017, les États-Unis consacraient 40 mil-
Prirazlomnaïa illustre le haut niveau de maîtrise tech- liards de dollars par an à l’espace, activités civiles et
nique nécessaire pour exploiter les ressources du plan- militaires confondues, quand l’UE y dépensait 7 milliards
cher océanique. L’extraction off-shore (littéralement : et la Russie 5 (source : CNRS).
« au-delà des côtes ») d’hydrocarbures a commencé

THÈME 1 Introduction Océan et espace : quelles spécificités ? 1


Document 4 donc de travailler sur la logique d’une appropriation
croissante de l’espace et des océans. Celle-ci comprend
Ce graphique permet de prendre conscience du nombre une dimension juridique importante (à qui appartiennent
très élevé de satellites lancés, et de l’accélération récente la mer et l’espace ?), qui a des implications économiques
du processus, en lien avec leur utilisation commerciale et (qui a le droit d’exploiter les ressources spatiales et mari-
la multiplication de leurs applications possibles dans des times ?). Mais l’appropriation est bien à comprendre dans
domaines très divers, ce qui peut d’ailleurs être l’occa- le sens géographique plus vaste de territorialisation que
sion de rappeler aux élèves à quoi servent les satellites. lui donne par exemple le site Géoconfluences : « La terri-
torialisation consiste en une appropriation qui peut être
juridique et économique (la propriété) ou symbolique (le
Éléments de réponse aux questions p. 21 sentiment d’appartenance, de connivence) ».
1. L’exploration spatiale et océanique projette les
sociétés au-delà des limites de l’œkoumène, qui corres-
pond au territoire habité, approprié et maîtrisé par les Document 1
hommes. Océans et espace ne peuvent a priori être peu-
Ce tableau comparatif vise, comme dans la double page
plés ou occupés de manière permanente, ils nécessitent
précédente, à faire émerger des parallèles entre deux
tous deux des moyens spécifiques (satellites, sondes, sta-
champs bien distincts mais que la problématique de la
tions spatiales, sous-marins, navires, plateformes pétro-
territorialisation tend plutôt à rapprocher. On peut ainsi
lières, etc.) pour être atteints, connus, parcourus, et sans
mettre en regard différentes dimensions de l’appropria-
eux les hommes ne peuvent y survivre, face à des condi-
tion (juridique, économique, culturelle, géopolitique par
tions extrêmes (mobilité, absence d’oxygène, pression,
exemple).
apesanteur).

2. Les progrès techniques sont essentiels dans la mise au


point d’instruments capables d’améliorer leur connais- Document 2
sance (voir question 1). Il est à noter que la connaissance Cet article de presse très récent permet d’aborder un
des océans comme de l’espace a été fortement amélio- aspect plutôt méconnu de la conquête spatiale au tra-
rée par la mise en orbite de satellites de télédétection et vers des enjeux économiques qu’elle soulève. On peut y
d’observation spatiale. De même, la technologie GPS, qui découvrir aussi bien le rôle croissant joué par des entre-
fonctionne grâce à un système de satellites, permet de prises qui en convoitent les ressources, que la nécessité
faire un autre croisement, car elle a grandement facilité de réguler ces usages futurs, soit dans le cadre des légis-
la navigation et donc la maîtrise des océans. lations nationales ou dans le cadre de conventions inter-
nationales, soit pour interdire l’exploitation, soit pour
3. Les États sont longtemps les acteurs quasi exclusifs de l’encadrer et limiter la conflictualité.
la conquête des océans et plus encore de la conquête
spatiale (doc. 1, doc. 3), en particulier au travers des
acteurs militaires (doc. 1). Les États impliqués sont Document 3
de plus en plus nombreux, ce qui est particulièrement
visible dans le domaine spatial, plus sélectif : les deux La carte et la notice explicative fournissent un cas très
Grands sont longtemps les seules puissances spatiales, concret de conflit d’acteurs autour de l’appropriation
avant l’accès à l’espace des pays européens, et désor- d’un espace maritime et des ressources convoitées qui
mais, de plus en plus, des pays du Sud avancés (Corée du y seraient exploitables. Le triangle de désaccord entre
Sud) ou émergents (Chine, Inde). Israël et le Liban est bien visible, et incarne plus concrè-
tement les dispositions de la convention de Montego Bay
Mais on constate une diversification croissante des
et la façon dont celle-ci, au lieu de régler les conflits, les
acteurs. Sont désormais impliqués, de plus en plus mas-
a par endroits plutôt relancés.
sivement, des acteurs économiques via des entreprises
privées souvent riches et puissantes, comme SpaceX ou
Total (doc. 1) ou encore Gazprom (doc. 2). Ces convoi-
tises croissantes nourrissent un besoin de régulation
Éléments de réponse aux questions p. 23
qui fait intervenir des organisations intergouvernemen- 1. Les documents permettent de faire émerger plusieurs
tales comme l’ONU (traité de l’espace, convention de dimensions de la territorialisation :
Montego Bay) ou ses agences spécialisées (l’OMI, qui –– Appropriation symbolique, culturelle, passant notam-
siège à Londres). ment par une meilleure connaissance : doc. 1 + voir
double page précédente.
–– Appropriation par le peuplement (doc. 1) mais très
p. 22-23 Introduction limitée.
–– Appropriation juridique : doc. 1, doc. 2 (Space Act),
Les dernières frontières doc. 3.
La notion de frontière est ici à comprendre non pas dans –– Appropriation militaire : doc. 1 (puissance dominante),
son sens de limite d’État, mais dans le sens, dynamique, de doc. 2 (création d’une force spéciale).
front pionnier, comme limite mouvante de l’appropria- –– Appropriation économique : exploitation (doc. 1) ou
tion d’un territoire, en d’autres termes entre un espace velléités d’exploitation (doc. 2, 3) de ressources straté-
territorialisé et un espace qui ne l’est pas encore. Il s’agit giques pour les sociétés.

THÈME 1 Introduction Océan et espace : quelles spécificités ? 2


2. L’appropriation de l’espace et des océans est mar- puissance (voir axe 1), doc. 1 à 3, qui mobilise les acteurs
quée par une logique concurrentielle entre acteurs, militaires (doc. 1 et 2) ;
qu’il s’agisse de concurrence entre les États ou entre des –– d’autre part, de la volonté des acteurs (États et entre-
acteurs privés (entreprises ici). Cette concurrence et ces prises) de contrôler l’accès à des ressources stratégiques
conflits d’acteurs résultent : et disputées (doc. 1 à 3) comme les ressources alimen-
–– d’une part de la volonté des États de contrôler ces taires (doc. 1), minérales (doc. 1 et 2) et énergétiques
espaces, dans une logique géopolitique d’affirmation de (doc. 1 à 3).

THÈME 1 Introduction Océan et espace : quelles spécificités ? 3


AXE 1 Conquêtes, affirmations de puissance et rivalités
La logique du chapitre
La géopolitique est l’inscription dans les territoires de la rivalité de différents acteurs.
Mers, océans et espace sont les territoires d’expression de la conflictualité entre les États
animés par une politique de puissance. Ils témoignent du renouvellement des champs
de la rivalité. La maîtrise des mers, océans et espace n’autorisent pas seulement leur
possible exploitation mais relèvent très largement d’une politique de prestige. Seules
les grandes nations à l’échelle mondiale peuvent s’en prévaloir.

Bibliographie
–– H. Couteau-Bégarie a écrit l’ouvrage de référence sur le domaine maritime : L’Océan
globalisé, Economica, 2007.
–– P. Royer a rénové l’approche avec son très riche ouvrage Géopolitique des mers et
océans, PUF Major, 2012.
–– Le magazine Diplomatie a sorti un numéro sur le monde maritime dans la catégorie
Grands dossiers : « Géopolitique des mers et des océans », n° 33, 2016. D’un abord aisé
et très pratique.
–– Le magazine Carto, Dossier « Mers et océans. Géopolitique des espaces maritimes »,
n° 28, mars-avril 2015.
–– Le magazine Questions internationales, « Mers et océans », n° 14, juillet-août 2005.
–– On peut consulter avec profit l’Histoire de la conquête spatiale de J.-F. Clervoy et F.
Lehot, De Boek Sup, une synthèse récente parue en 2019.

Sitographie
–– Le site Géoconfluence donne une liste très complète des ressources mobilisables
concernant mers et océans : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/programmes/concours/
mers-et-oceans-ressources-classees
–– I. Sourbès-Verger, « Espace et géopolitique », L’Information géographique, 2010/2,
https ://www.cairn.info/revue-l-information-geographique-2010-2-page-10.htm
–– P. Verschuuren, « Géopolitique spatiale, vers une course à l’espace multipolaire ? »,
Revue Internationale et Stratégique, 2011/4, https ://www.cairn.info/revue-internatio-
nale-et-strategique-2011-4-page-40.htm
–– J.-L. Lefebvre, « L’espace est stratégique », Diploweb, 29 décembre 2010, https://
www.diploweb.com/L-espace-est-strategique.html

p. 24-25 O u ve r t u r e Éléments de réponse aux questions p. 25


2. Le porte-avions Charles de Gaulle est le bâtiment le
Éléments de réponse aux questions p. 24 plus important de la Marine française. Il représente un
1. Ces deux documents sont des affiches de propagande. investissement lourd, que peu de pays peuvent se per-
Chacune illustre l’ambition de conquérir l’espace et donc mettre. Il témoigne aussi de l’excellence technologique
la rivalité des Supergrands. Elles datent toutes deux du de l’industrie française. Ce porte-avions permet à la
début des années 1960 ; l’affiche américaine présente un France d’appartenir au club très restreint des grandes
projet alors que l’affiche soviétique rappelle l’antério- puissances maritimes. Il lui confère une certaine autono-
rité des exploits spatiaux de l’URSS. Elles s’opposent car mie stratégique car la Marine française peut opérer sur
il existe une rivalité entre États-Unis et Union soviétique, tous les domaines maritimes pour ses intérêts propres ou
l’espace étant une nouvelle source d’affirmation de puis- au sein d’exercices militaires conjoints. Le porte-avions
sance et donc de compétition. est l’outil par excellence de projection de puissance de
la France, grâce à lui la France est toujours une puis-
sance qui compte à l’échelle mondiale, une puissance
contemporaine et pas seulement d’hier.

THÈME 1 Axe 1 Conquêtes, affirmations de puissance et rivalités 4


3. Mers, océans et espace sont devenus les terrains de la celle-ci faiblit désormais avec l’arrivée des pays émer-
confrontation des États qui ont des projets de puissance. gents et des sociétés privées dans la course à l’espace.
Ils permettent d’exposer les capacités financières, tech-
nologiques et la volonté géopolitique de puissance de 2. Les puissances spatiales sont peu nombreuses, se
ces trois États (États-Unis, Russie, France). Leur explo- réduisant dans un premier temps aux principales puis-
ration et maîtrise sont un gage de puissance pour qui sances géopolitiques que sont l’URSS et les États-Unis.
l’entreprend. Mers, océans et espace sont devenus indis- Les Européens entrent dans ce « grand jeu » spatial au
pensables dans les stratégies de puissance déployées cours des années 1960 avec en particulier la France qui
par les États. n’a pas renoncé à ses attributs de grande puissance.
Japon, Chine et Inde sont des acteurs plus tardifs mais
néanmoins importants. Il existe aussi des acteurs secon-
daires dont le budget spatial représente moins de 0,25 %
p. 26-27 Re p è r e s du PNB en Amérique latine (Brésil, Argentine), au Moyen-
Orient (Israël, Iran) en plus de l’Ukraine. Il faut plusieurs
Conquêtes et rivalités sur les mers conditions pour participer à cette course à l’espace :
être suffisamment riche pour y attribuer les fonds néces-
et dans l’espace saires, être une puissance technologique grâce aux cré-
La double page Repères expose une chronologie de la dits alloués à la recherche, développer une politique de
conquête spatiale qui permet d’en envisager les acteurs puissance et donc une stratégie qui intègre le domaine
(les « Supergrands » puis d’autres États, Européens et spatial. Ces données expliquent que l’aventure spatiale
désormais émergents, acteurs publics puis acteurs pri- soit réservée à peu d’acteurs, tous riches de façon plus
vés) et surtout les principales étapes (lancement d’une ou moins ancienne et tous voulant peser sur la gestion
fusée dans l’espace, puis d’un être humain, alunissage, des affaires mondiales. Ce sont ainsi les puissances ins-
mise en orbite d’une station spatiale). Elle évoque aussi tallées mais aussi les puissances émergentes.
l’exploitation économique avec le début du tourisme.
3. Posséder une vaste zone économique exclusive (ZEE)
Les cartes donnent de précieux indices géographiques est à l’évidence un atout hors norme, c’est d’ailleurs ce
permettant de spatialiser les acteurs de la course à l’es- que prouvent les demandes d’extension de ZEE formu-
pace mais aussi les principaux protagonistes de la domi- lées par plusieurs pays auprès de la Commission onu-
nation des mers. Elles permettent d’envisager les enjeux sienne qui les étudie. Les pays détenant une ZEE ont
géoéconomiques car l’aventure spatiale nécessite de le monopole de leur domaine maritime concernant les
très importantes ressources, la réservant de facto à un richesses halieutiques – poissons, crustacés et coquil-
nombre réduit d’acteurs, riches. Les routes commerciales lages –, énergétiques – hydrocarbures, éoliennes off-
et les ZEE montrent qu’on ne peut oublier la dimension shore – et minérales. Ainsi, plus la ZEE est vaste, plus
de l’exploitation économique du domaine maritime. les potentialités de posséder des richesses sont impor-
L’analyse des protagonistes de la course à l’espace et tantes. C’est donc un enjeu d’importance pour l’avenir
de celle à la maîtrise des mers est évidemment géopo- afin de sécuriser ses approvisionnements, développer
litique. La chronologie et les cartes sont des outils qui des activités économiques et satisfaire les besoins de sa
permettent de comprendre que mers, océans et espace population, donc de moins dépendre de l’extérieur.
sont des champs d’expression de la rivalité entre les
principaux acteurs mondiaux. C’est ce que met bien en 4. Les rivalités maritimes sont croissantes entre les pays
évidence la carte de la géopolitique des espaces mari- riverains de mêmes mers. Il s’agit de revendications de
times avec les épicentres des différentes tensions inter- droit de passage, surtout sur les axes et verrous mari-
nationales et les passages stratégiques. times stratégiques. La mer de Chine méridionale est à cet
égard un espace sensible. Les tensions sont aussi consé-
cutives à la délimitation de la ZEE et à l’exploitation des
Éléments de réponse aux questions p. 27 richesses attenantes d’où une rivalité pour la possession
1. La première étape est celle de la maîtrise de propul- des eaux. La situation est conflictuelle en mer de Chine
seurs permettant d’échapper à l’attraction terrestre et méridionale entre la Chine et ses riverains vietnamien,
donc de quitter l’atmosphère. Les travaux des savants indonésien, malaisien ou philippin.
allemands pendant la Seconde Guerre mondiale ont été
à cet égard fondateurs. Les Soviétiques sont les premiers
à envoyer un satellite artificiel dans l’espace en 1957 p. 28-29 Jalon 1A
avec Spoutnik. La deuxième étape est celle d’un vol spa-
tial habité. De nouveau les Soviétiques ont l’avantage en Les enjeux géopolitiques
1961 avec le vol de Youri Gagarine puis avec celui de
la première femme (Valentina Terechkova). La troisième
d’une conquête : la course à l’espace
étape de la course à l’espace est celle de l’alunissage, La course à l’espace illustre plus que tout autre les
que les Américains réalisent en premier en 1969, concré- enjeux de puissance et les rivalités qui en découlent.
tisant un des vieux rêves de l’homme. L’étape suivante La guerre froide correspond à la période où la rivalité
est celle des stations spatiales placées en orbite autour est la plus exacerbée entre les puissances spatiales. La
de la Terre Les Soviétiques y parviennent en 1971 avec confrontation géopolitique entre les modèles antithé-
Saliout 1. La station internationale marque un pas dans tiques portés par les États-Unis et l’URSS poussent les
la rivalité pour l’espace au profit de la coopération. Mais Supergrands à investir des sommes colossales dans cette

THÈME 1 Axe 1 Conquêtes, affirmations de puissance et rivalités 5


course à l’espace. Il s’agit d’une politique de prestige Document 4
pour influencer le reste du monde. L’étoile de l’URSS est
au firmament avec l’exploit de Youri Gagarine. Celle des Le texte de Mickaël Pierrot démontre la capacité de
États-Unis est encore plus brillante avec le succès de la Moscou à reprendre l’avantage dans la course à l’espace
mission Apollo XI. Maîtriser l’espace c’est aussi maîtriser après la réussite de la mission Apollo XI. Les stations
les communications grâce aux satellites mis en orbite ­spatiales sont une nouvelle étape dans la conquête de
par les gros lanceurs des Supergrands. Ceci explique la l’espace, elle est d’abord soviétique.
volonté des Européens de participer à cette compétition
technologique. Maîtriser l‘espace est un gage d’auto-
nomie stratégique. Le projet IDS (« guerre des étoiles ») Document 5
porté sous les présidences de Ronald Reagan a pour but Ce schéma explicite le projet américain de la « guerre
de s’assurer un avantage stratégique décisif sur l’Union des étoiles ». Il s’agit d’un projet qui, pour détruire des
soviétique dans la course à l’armement et ainsi gagner missiles soviétiques, est en fait une militarisation de l’es-
la guerre froide. Cette course à l’espace et à l’armement pace grâce à la nouvelle technologie de guidage et du
est une des raisons de l’effondrement de l’URSS dont les laser.
structures économiques ne peuvent plus porter le poids
du budget militaire et soutenir la compétition technolo-
gique. À la rivalité succède la coopération. Éléments de réponse aux questions p. 29
Les acteurs de la course à l’espace se diversifient dans 1. Cette rivalité est technologique. Elle repose sur des
un second temps. Outre les Européens, qui se regroupent supports différents : l’espace extra-atmosphérique, puis
dans l’Agence spatiale européenne, l’évolution la plus la Lune.
notable est l’entrée dans le club des puissances spatiales
des pays émergents. La Chine en est devenue un membre 2. Cette rivalité d’abord exacerbée évolue ensuite entre
à part entière, elle place un nombre croissant de satel- compétition et coopération. Les mandats de Reagan
lites en orbite, et démontre sa maîtrise technologique se traduisent par une radicalisation des relations entre
avec l’alunissage sur la face cachée de la Lune de son États-Unis et URSS. Après la guerre froide le caractère
« lapin de jade » de technologie entièrement chinoise. conflictuel de la course à l’espace décroît. La compéti-
Ceux qui aspirent à jouer un rôle toujours plus important tion est désormais bien moins idéologique qu’écono-
sont l’Inde et Israël. Ils reprennent les codes de la riva- mique.
lité du temps de la guerre froide. Cette course à l’espace
est aussi désormais le fait d’entreprises privées comme 3. L’esprit de « Détente » se transpose dans la conquête
SpaceX d’Elon Musk. Cela témoigne du formidable enri- spatiale. Washington et Moscou recherchent une accal-
chissement des entreprises de la « Tech » avec la mon- mie dans leurs relations pour éviter une guerre qu’ils ne
dialisation. L’espace pourrait-il finir par se privatiser ? peuvent se permettre ni l’un ni l’autre. Il s’agit aussi de
diminuer le montant des budgets spatiaux devenus trop
lourds pour des économies désormais affaiblies.
Document 1
L’exploit du Spoutnik, premier satellite artificiel envoyé 4. Au durcissement des relations internationales entre
dans l’espace, est un événement pour l’humanité qui bloc occidental et bloc socialiste, la « guerre fraîche »,
accrédite la valeur du modèle soviétique. L’URSS se posi- correspond un retour à la rivalité américano-soviétique
tionne comme l’une des plus importantes puissances qui s’incarne notamment dans le projet IDS, mais aussi
technologiques. avec le projet américain des navettes spatiales Colum-
bia et Challenger qui sont des lanceurs réutilisables à la
différence des fusées.
Document 2
La photographie du 20 juillet 1969 immortalise ce Synthèse En 1945, Soviétiques et Américains se livrent
« grand pas pour l’humanité » qu’est le pied de Neil Arms- à une véritable traque pour récupérer les scientifiques
trong posé sur le sol lunaire. C’est une réponse aux pré- nazis et leurs travaux, notamment sur les fusées V1 et
cédents exploits soviétiques, qui démontre la supériorité V2. Chacun des deux Grands se lance alors dans une
technologique des États-Unis par ailleurs engagés dans course à l’espace qui est à la fois destinée à lui assurer
la très coûteuse guerre du Vietnam. une suprématie stratégique et technologique, mais aussi
à démontrer la primauté de son modèle politique. Les
Soviétiques prennent de l’avance en expédiant le pre-
Document 3 mier satellite artificiel en 1957, puis la chienne Laïka, tou-
jours en 1957 et le premier cosmonaute en 1961 puis la
Le texte de Simone Courteix montre que l’espace n’est première cosmonaute en 1963. Mais les Américains réus-
pas seulement un champ de confrontation entre les sissent l’exploit de faire alunir le premier équipage en
Supergrands mais qu’il peut aussi participer à la poli- 1969. Après cette intense compétition, les années 1970
tique de « Détente » qui existe déjà dans le domaine sont marquées par une coopération dans le domaine
de l’arsenal nucléaire. Après avoir été un champ de la spatial parallèle à la détente politique. Les années 1980
confrontation idéologique, l’espace peut devenir celui voient cependant le retour des tensions entre les deux
d’une coopération nouvelle. Grands tandis que l’annonce par les États-Unis d’un pro-
gramme de « guerre des étoiles » relance la compétition

THÈME 1 Axe 1 Conquêtes, affirmations de puissance et rivalités 6


spatiale. Mais, distanciée technologiquement et écono- puissance technologique qu’une puissance dont l’impé-
miquement, l’URSS se montre incapable de soutenir le rialisme se projette jusqu’à la Lune.
défi américain.

Travailler autrement Éléments de réponse aux questions p. 31


On insistera sur la popularité mondiale de Youri Gaga-
rine et sur la façon dont l’URSS, après son exploit spatial, 1. Les pays européens sont chronologiquement les troi-
met en scène cet « homme du peuple » formé et promu sièmes venus dans cette course à l’espace. S’unir permet
par le système soviétique. En parallèle on montrera de mutualiser le budget spatial qui est très lourd pour
combien l’alunissage de 1969 fut un événement mondial une économie nationale. Tous les pays européens n’y
grâce à la retransmission télévisée des premières images participent pas à la même hauteur.
du sol lunaire. 2. Les pays émergents viennent concurrencer les puis-
sances déjà établies y compris dans le domaine spatial,
jusque-là réservé aux puissances les plus riches et les
p. 30-31 plus avancées technologiquement. Cela témoigne du
Jalon 1B
rattrapage que ces pays ont opéré en quelques décen-
nies. Certains pays émergents ont une politique de puis-
Document 1 sance qui a une déclinaison dans la course à l’espace.
Cette photographie des spationautes français rappelle
que les Européens, et singulièrement les Français, sont 3. Les entreprises privées se servent d’une richesse accu-
des acteurs à part entière de la course à l’espace. Elle lée dans d’autres secteurs (ainsi Elon Musk avec les voi-
montre plusieurs générations de spationautes de Jean- tures électriques Tesla) pour investir dans la conquête
Loup Chrétien à Thomas Pesquet, et témoigne que les spatiale. Ces entrepreneurs estiment que l’exploitation
femmes participent aussi à cette aventure avec Claudie de l’espace est rentable. Il s’agit cette fois-ci d’acteurs
Haigneré. très différents des précédents, qu’ils soient des puis-
sances établies ou montantes. L’espace pourrait-il deve-
nir privé ?
Document 2
Synthèse La conquête spatiale est marquée par l’ap-
Le texte de Jacques Blamont souligne le rôle actif des
parition de nouveaux acteurs qui viennent s’immiscer
Européens dans la course à l’espace. La France a un rôle
entre les deux Grands. L’Europe, à partir des années 1970
moteur car elle se pense toujours comme une puissance.
devient un acteur de premier plan pour le lancement
de satellites. Le développement économique chinois a
Document 3 permis à la Chine de se lancer à son tour dans la course
à l’espace à marche forcée. Plus récemment, les puis-
Cette photographie de Falcon Heavy attire l’attention sances émergentes telles que l’Inde ou le Brésil sont
sur des acteurs radicalement nouveaux de la course à apparues. Enfin, l’irruption d’acteurs privés peut rebattre
l’espace : les entreprises. Celle d’Elon Musk, SpaceX, les cartes de l’accès à l’espace.
engloutit des sommes colossales dans des projets inno-
vants, comme cette fusée réutilisable, ce qui diminue Travailler autrement
fortement les coûts d’exploitation et donc le prix du lan- Les élèves pourront s’appuyer sur les nombreux articles
cement de satellites. On pourra actualiser le document de presse ou émissions célébrant l’exploit du spatio-
en rappelant que le 30 mai 2020, le vaisseau Crew Dra- naute français.
gon de SpaceX a décollé pour la SSI avec 2 membres
d’équipage. De son côté, le milliardaire Richard Branson
participe à cette course à l’espace avec sa société Virgin
Galactic, destinée à commercialiser le tourisme spatial p. 32-33 Jalon 2A
auprès d’un public (très) aisé.
Affirmer sa puissance à partir des mers
Document 4 et océans
La volonté de maîtrise des mers est ancienne, elle est
Le texte de Michel de Grandi attire l’attention sur les
source de puissance. On peut se souvenir de la thalas-
pays émergents qui sont les derniers entrants dans le
socratie athénienne, celle des cités italiennes au Moyen
club des puissances spatiales. La Chine n’est pas la seule
Âge (Gênes, Venise…), et surtout de la thalassocratie bri-
dans cette catégorie. L’Inde veut aussi montrer qu’elle
tannique remarquable par son ampleur : Londres était
est capable d’un alunissage, ce que les Européens n’ont
à la tête d’un empire mondial. Les États-Unis ont fondé
pas fait.
une vraie thalassocratie au xxe siècle déployant plusieurs
flottes prêtes à intervenir partout sur le globe. Le monde
maritime a pris encore plus d’importance depuis le
Document 5 xxie siècle. Les raisons en sont multiples. Au niveau stra-
Cette caricature publiée dans Courrier international, tégique, la mer est un espace de projection de puissance
montre que l’arrivée de la Chine dans la compétition avec notamment les porte-avions et les sous-marins à
spatiale inquiète. Elle est moins perçue comme une propulsion nucléaire, véritables « seigneurs des mers ». La

THÈME 1 Axe 1 Conquêtes, affirmations de puissance et rivalités 7


Marine constitue une des trois composantes de la dissua- Éléments de réponse aux questions p. 33
sion nucléaire avec les sous-marins nucléaires lanceurs
d’engins (SLNE). La mer reste bien sûr nourricière. Elle 1. La dissuasion nucléaire vise à un équilibre internatio-
est aussi un espace qui recèle de nombreuses richesses nal basé sur la peur de la réplique, elle est donc essen-
minérales et énergétiques : elle est donc à la base du tiellement défensive. Elle permet aussi de s’affirmer
développement économique. Posséder la plus vaste ZEE comme une grande puissance de rang mondial tout en
possible est donc gage de prospérité présente et à venir. protégeant ses intérêts vitaux.
L’actuelle mondialisation repose en grande partie sur
2. La dissuasion nucléaire peut être océanique, elle est
l’intensification du transport maritime qui renforce l’im-
un outil de projection de puissance à l’échelle de la pla-
portance des ports et façades maritimes. Il n’y a pas de
nète.
grande puissance qui ne soit une puissance maritime. La
sécurisation des approvisionnements participe aussi de
la politique de puissance. Mers et océans sont, par consé-
3. Les États-Unis sont la première puissance militaire du
monde grâce à leur présence militaire globale par les
quent, plus que jamais un espace de rivalité géopolitique.
alliances militaires (OTAN…), des bases navales et des
Les tensions sont particulièrement avivées en Asie, dans
flottes qui croisent sur tous les espaces maritimes du
l’océan Indien (Chine/Inde), dans les mers de Chine méri-
monde (VIIe flotte dans le Pacifique…). L’armée améri-
dionale (Chine/Vietnam, Indonésie, Malaisie…) et orien-
caine maille l’ensemble du monde, notamment grâce à
tale (Chine/Japon), mais aussi dans l’océan Pacifique où
l’US Navy.
se déroulent de vastes exercices militaires comme le
RIMPAC. Les tensions sont fortes au niveau des points de
passage stratégiques : les détroits (Ormuz, Malacca, For- 4. La France est à la tête d’un vaste domaine maritime
mose…), les canaux (Suez, Panama…). Plus que jamais il (deuxième ZEE mondiale), elle est présente sur tous
faut maîtriser la mer pour maîtriser le monde. les espaces maritimes du monde. C’est à l’évidence un
gage de richesse et de puissance. Faut-il encore avoir les
moyens de sa mise en valeur et de sa sécurisation, ainsi
Document 1 qu’une volonté politique. C’est en cela que la France ne
peut pas être véritablement considérée comme une tha-
Dans ce texte, Nicolas Roche expose les principes de la lassocratie.
doctrine de dissuasion nucléaire, dont une des compo-
santes est maritime. La dissuasion repose sur l’équilibre 5. Posséder une importante ZEE donne la possibilité d’ex-
de la terreur et le non-emploi de l’arme nucléaire. Elle ploiter les richesses marines très nombreuses et variées.
est un gage de souveraineté et d’autonomie stratégique Mais c’est aussi empêcher des autres nations ou entre-
pour un pays comme la France. prises de le faire, ce qui est gage de puissance. C’est enfin
pourvoir à ses besoins présents et futurs et ainsi sécuriser
ses approvisionnements, autre gage de puissance. L’es-
Document 2 sentiel des découvertes de ressources à venir se fera au
Cette carte fait le lien entre la ZEE, c’est-à-dire la dimen- fond des océans.
sion économique de l’exploitation de la mer, et le volet
stratégique et militaire. La France est présente sur tous Synthèse Mers et océans sont une source de richesse
les domaines océaniques du monde. Elle est en cela une grâce aux droits exclusifs des États sur leur ZEE. Ils consti-
des plus importantes puissances mondiales. tuent aussi des espaces de circulation essentiels dans
une économie mondialisée. Enfin, certains territoires
(îles, péninsules, détroits) constituent des points d’appui
Document 3 stratégiques de première importance dont le contrôle
donne un avantage géostratégique fondamental.
Cette carte expose l’ampleur de la première puissance
maritime mondiale, celle des États-Unis. Ils dominent les Travailler à l’oral
mers et océans du globe en maillant de leur présence Le professeur pourra aussi s’appuyer sur la préparation
militaire tous les espaces maritimes (exemple : VIe flotte au Grand oral p. 86-87.
en Méditerranée, VIIe flotte dans le Pacifique etc.).

Document 4 p. 34-35 Jalon 2B

Ce texte de Yaroslav Pigenet expose les enjeux écono-


miques des espaces marins. Leur exploitation est déjà une
Document 1
source de richesse, mais les potentialités apparaissent Dans ce texte, Hervé Couteau-Bégarie expose les enjeux
encore plus intéressantes. Posséder des ressources stra- de l’océan globalisé. Il montre qu’aujourd’hui, la domi-
tégiques est gage d’autonomie. Cela avantage évidem- nation des mers ne peut plus être aussi complète qu’à
ment les pays disposant des domaines maritimes les plus l’époque du British Rule, la domination est de facto par-
vastes. Mais cette chance reste à transformer en atout. tagée dans un monde qui n’est plus unipolaire.

THÈME 1 Axe 1 Conquêtes, affirmations de puissance et rivalités 8


Document 2 début du xxie siècle témoignent de l’importance crois-
sante du monde maritime pour des raisons économiques
Ce tableau recense les attributs de la puissance navale. et stratégiques. Mers et océans sont un champ d’expres-
Il montre la large domination américaine, la forte sion de la rivalité voire de la conflictualité. Cette militari-
décrue russe, britannique et française (des puissances sation dans les domaines maritimes bordant l’Asie risque
du passé ?), la montée en puissance des pays asiatiques, de déboucher sur une confrontation militaire.
notamment de la Chine qui acquiert des compétences
nouvelles (porte-avions, SLNE) en termes de projection 4. Les puissances émergentes qui ont une récente voca-
de puissance. C’est en partie un tableau de l’historique tion maritime, sont les nouveaux acteurs de cette milita-
des grandes puissances. risation des mers et océans. Après s’être enrichies, elles
développent des ambitions géopolitiques ? C’est particu-
lièrement remarquable en Asie, cet espace devient un
Document 3 foyer majeur de tensions internationales.
Cette photographie du RIMPAC 2018 témoigne d’un
exceptionnel exercice militaire organisé par Washing- Synthèse La capacité d’un État à contrôler les routes
ton dans l’océan Pacifique avec ses alliés. C’est le plus maritimes est fondamentale dans l’économie mondiali-
important exercice aéronaval du monde qui réunit 25 sée où une part très importante du commerce mondial
nations, 46 bâtiments de surface (dont la frégate fran- et des flux de matières premières stratégiques transite
çaise Le Prairial) et sous-marins et plus de 200 aéronefs. par la voie maritime. Les océans sont aussi un espace
C’est en fait une démonstration de puissance qui vise à de déploiement de la puissance militaire et offrent une
montrer à la Chine qu’il faut toujours compter avec la capacité de projections aux principales armées du globe.
puissance américaine en Asie et que Washington compte
de nombreux et puissants alliés. Travailler autrement
L’expansion du commerce a poussé l’homme à annexer
les océans. La conquête des routes maritimes reflète l’his-
Document 4 toire des hommes, de leurs échanges et de leur volonté
Cette photographie de l’île de Subi dans l’archipel des de puissance. Aujourd’hui, la Chine a compris l’impor-
Spratley en mer de Chine méridionale témoigne de la tance de maîtriser ces espaces. Dans le cadre de son pro-
politique du fait accompli que mène la Chine qui prend jet dit des « nouvelles routes de la soie », elle déploie une
possession, de façon illégale, d’îlots pour affirmer sa stratégie mondiale et investit dans les canaux, détroits,
souveraineté dans cet espace convoité tant pour ses isthmes et ports du monde entier.
richesses intrinsèques (hydrocarbures, richesses halieu-
tiques) que pour sa situation sur les lignes d’approvision-
nement chinoises. p. 36-37 Grand angle

Document 5 L’Arctique, espace géostratégique


mondial
La carte de l’océan Indien montre son intérêt géopoli-
tique, assez récent. Ce n’est plus seulement l’« océan du
tiers monde », mais un espace traversé par l’une des prin- Document 1
cipales routes maritimes de la mondialisation, bordé par Cette carte précise l’ampleur des richesses du pôle Nord.
l’une des principales puissances émergentes du monde, Cette région est un possible eldorado du xxie siècle
désormais cinquième PIB mondial devant la France (hydrocarbures, charbon, fer, or, uranium…) ce qui aiguise
(2018), un espace de rivalité entre les deux géants asia- les convoitises des États riverains. En 2007, en médiati-
tiques et sous surveillance occidentale. sant largement l’événement, la Russie a planté son dra-
peau sous le pôle Nord en revendiquant la souveraineté
de la dorsale de Lomonossov.
Éléments de réponse aux questions p. 35
1. Les premières puissances maritimes sont Athènes
et Rome pour l’Antiquité, des puissances méditerra- Document 2
néennes ; elles sont anglo-saxonnes et atlantiques Cette carte permet de visualiser les routes arctiques :
à l’époque contemporaine. La maîtrise des mers est le passage du Nord-Ouest au large du Canada, le pas-
recherchée pour des raisons économiques et militaires. sage du Nord-Est le long des côtes sibériennes qui est
déjà emprunté l’été par certains navires. La Russie inves-
2. La militarisation de l’océan Indien se mesure au
tit dans la construction de brise-glaces à propulsion
nombre de bases navales, qui n’ont jamais été aussi nom-
nucléaire pour développer cette voie arctique, prenant
breuses en Inde. Les grandes puissances y ont presque
acte du réchauffement climatique. La fonte des glaciers
toutes des bases militaires sauf la Russie, qu’elles soient
rend néanmoins la navigation dangereuse.
asiatiques (Chine, Inde) ou occidentales (États-Unis,
France).

3. Le développement sans précédent des marines depuis


le xxe siècle et la diversification des acteurs depuis le

THÈME 1 Axe 1 Conquêtes, affirmations de puissance et rivalités 9


Document 3 II. La course à l’espace met en œuvre des moyens dont
seules les grandes puissances disposent
Ce texte d’Axelle Degans présente une nouveauté dans A. La course à l’espace nécessite de très
la navigation arctique. Celle-ci est habituellement le importants moyens financiers
fait de navires qui répondent à des besoins de la région. B. La course à l’espace repose sur la maîtrise
Le passage du Yong Sheng relève d’une autre logique, d’une technologie de haut niveau
puisqu’il fait de l’Arctique une simple voie de passage C. La course à l’espace suppose une politique
qui concurrence la voie méridionale passant par la mer de puissance, un dessein géopolitique
de Chine méridionale et l’océan Indien. d’affirmation sur la scène internationale
III. La conquête spatiale n’est qu’un champ limité
Document 4 de la rivalité des puissances
A. La course à l’espace mobilise beaucoup de
Ce texte de Laurence Artaud expose les rivalités crois- moyens, humains, technologiques et financiers
santes dans le monde arctique du fait du réchauffement mais n’est pas la seule…
climatique qui offre de nouvelles perspectives d’exploi- B.… la compétition entre les puissances se joue
tation de richesses dont l’inventaire reste très incomplet. aussi au niveau de l’armement…
Un « grand jeu » pour les accaparer s’exerce alors que le C.… et de la maîtrise de tous les espaces possibles :
Conseil de l’Arctique essaie de protéger cet espace émi- terre, mer, air, espace, monde numérique
nemment fragile ainsi que les intérêts des autochtones.
Les membres observateurs de ce Conseil sont de plus en Plan n° 2 :
plus nombreux : des membres de l’Union européenne
I. L’espace, un champ de confrontation des Supergrands
(comme la France ou l’Allemagne), mais aussi des pays
au temps de la guerre froide
asiatiques comme le Japon ou la Chine.
A. De Spoutnik à l’effet Spoutnik
B. Des fusées aux navettes spatiales
Éléments de réponse aux questions p. 37 C. De la Lune aux stations spatiales
II. L’espace, champ de confrontation ou de coopération
1. Les richesses arctiques sont variées : pétrole et gaz post-guerre froide
naturel, divers minerais, mais aussi richesses halieu-
A. Un esprit de détente ? Du couplage de Soyouz-
tiques car ce sont des eaux froides.
Apollo à la station internationale
2. Le réchauffement climatique ouvre une période de B. Coopération européenne, des Européens avec
plus en plus longue lors de laquelle la navigation est les États-Unis et la Russie
possible sous escorte d’un brise-glace. La route arctique C. Une compétition économique pour l’espace,
est la plus courte entre l’Asie et l’Europe, elle pourrait une rivalité avec les entreprises privées
devenir la moins onéreuse. III. L’espace, terrain renouvelé de confrontation
au temps d’un monde multipolaire
3. La Russie est la seule vraie puissance du monde arc- A. Une rivalité sino-américaine pour l’espace
tique, car les États-Unis n’ont pas vraiment une dimension B. Les émergents, des acteurs crédibles dans
arctique et le Canada n’est pas vraiment une puissance. la course à l’espace
Certains pays européens sont des acteurs du monde arc- C. Une rivalité pour l’exploitation économique
tique comme le Danemark (avec le Groenland), la Nor- de l’espace, une rivalité stratégique
vège, la Suède ou la Finlande, tous membres du Conseil
de l’Arctique.
Exercice 2
On peut chercher des informations, au-delà des res-
sources papier, grâce à des sites :
p. 40-41 Exercices Bac
–– https://www.ina.fr/video/CAF90018468 : Archive INA :
11’10
Exercice 1 –– https://www.maxisciences.com/youri-gagarine/­youri-
Plan n° 1 : gagarine-le-voyage-historique-du-premier-homme-
dans-l-espace-en-chiffres_art13854.html : donne quel­
I. L’espace, une des manifestations de la rivalité entre ques chiffres très précis
les grandes puissances
A. La course à l’espace oppose les Supergrands
lors de la guerre froide, l’Europe essaie de Exercice 3
s’immiscer La Chine augmente son budget militaire de façon impres-
B. Elle oppose désormais principalement les États- sionnante depuis la deuxième moitié des années 1990,
Unis et la Chine ce qui démontre l’évolution de la et développe une Marine qui lui faisait défaut. L’île de
hiérarchie mondiale Hainan, en mer de Chine méridionale, abrite une base
C. Les acteurs se diversifient (Inde, Israël…) dans le chinoise pour ses sous-marins. Elle est par ailleurs en
cadre d’un monde multipolaire où les entreprises passe de devenir un des pays les mieux dotés en porte-
sont des acteurs à part entière avions, deux outils de projection de puissance.

THÈME 1 Axe 1 Conquêtes, affirmations de puissance et rivalités 10


1. Le document 1 est un article signé Hubert Mary dans la La mer de Chine est un espace de rivalités
revue L’Usine nouvelle. Le document 2 est une carte de et de puissance
la mer de Chine méridionale, au sud des côtes chinoises. I. Un espace convoité entre les riverains de la mer
de Chine méridionale
2. Les deux documents illustrent la puissance navale A. La Chine prétend avoir des droits historiques
chinoise, qui s’exerce en particulier en mer de Chine. sur les mers de Chine
B. Les pays riverains défendent leurs droits
3. La mer de Chine méridionale est un axe névralgique notamment pour les îlots des Spratley et Paracels
du commerce mondial, la Chine veut comme les plus C. Un espace riche et stratégique donc convoité
grandes puissances occidentales – Royaume Uni, États- II. Un espace où se déploie la politique de puissance
Unis – sécuriser ses lignes d’approvisionnement et son chinoise
commerce maritime. Étendre sa ZEE permettrait à Pékin A. La chine développe son budget militaire,
d’exploiter davantage de ressources halieutiques et en et notamment se dote des outils de projection de
hydrocarbures. puissance navale
B. L’île de Hainan abrite la principale base navale
4. La Chine établit une puissante base navale sur l’île chinoise, support de sa politique de puissance
de Hainan, elle revendique les îlots des Spratley et des C. La Chine se donne les moyens de sa politique
Paracels pour disposer de la ZEE attenante. Les inci- impérialiste
dents avec l’USNS Impeccable (2009), au niveau du récif
III. Un espace de rivalité entre Chine et États-Unis,
Mischief (2017) que la Chine a transformé en île artifi-
peut-être bientôt de confrontation ?
cielle témoignent des tensions internationales dans les
A. Les États-Unis disposent de la première
eaux de la mer de Chine méridionale.
flotte mondiale, ils patrouillent sur l’ensemble
des domaines marins du monde
5. Au-delà des marines régionales (le Vietnam achète des B. Les riverains de la mer de Chine méridionale
bâtiments à la France et se rapproche des États-Unis), la comptent sur le soutien américain face à
Chine a face à elle la marine américaine. la politique agressive de la Chine qui accapare
les îlots
C. La montée en puissance de la Marine chinoise
inquiète Washington, il y a déjà eu des incidents
mineurs, un incident plus grave est envisageable

THÈME 1 Axe 1 Conquêtes, affirmations de puissance et rivalités 11


AXE 2 Enjeux diplomatiques et coopérations
La logique du chapitre
L’Axe 2, en contrepoint du 1er Axe qui travaille sur les tensions et les compétitions qui
traversent les océans et l’espace, souligne l’existence de logiques de coopération entre
États, avec l’émergence progressive d’une gouvernance internationale dédiée à ces en-
jeux. Les convoitises croissantes autour des ressources océaniques ont accru le besoin
d’une régulation internationale, qui s’incarne dans la définition d’un droit de la mer dans
le cadre de la convention de Montego Bay. Celle-ci montre toutefois ses limites, et de
nouvelles questions de gouvernance se posent aujourd’hui, en particulier à propos de
la haute mer. Les coûts exorbitants de la conquête spatiale, ainsi que la fin de guerre
froide, ont quant à eux encouragé la coopération dans le domaine spatial. La station
spatiale internationale en est l’exemple le plus abouti, et contribue à une forte progres-
sion des connaissances scientifiques.

Bibliographie et sitographie
1. Océans
–– Le n° 8104 de La Documentation photographique réalisé par A. Frémont et A. Fré-
mont-Vanacore est consacré à la « Géographie des espaces maritimes » (2014, La Do-
cumentation française).
–– Le magazine Carto, réputé pour la qualité de ses synthèses et de sa cartographie, a
édité en 2015 un dossier dédié aux mers et océans (n° 28, mars-avril 2015).
–– A. Louchet, 2015, Atlas des mers et des océans : conquêtes, tensions, explorations,
Autrement. Ouvrage de synthèse le plus complet doté de riches illustrations.
–– T. Lecoq (dir.), Enseigner la mer. Des espaces maritimes aux territoires de la mondia-
lisation, collection Trait d’union Géographie, SCEREN CNDP/CRDP, Rennes, 2013. Un
ouvrage avec une double visée, scientifique et didactique.
–– Les notes de synthèse de l’ISEMAR fournissent des mises au point rapides et précises
sur le monde maritime. Certaines peuvent concerner notre sujet, comme la note n° 114
« délimitation des espaces marins et relations internationales », n° 168 « exploitations
des ressources maritimes », ou encore n° 213 « les grands fonds marins : quel avenir
pour les ressources minérales ». On les trouve sur cette page : https://www.isemar.fr/
fr/notes-de-synthese/
–– Le quotidien Le Monde a consacré un hors-série en 2017 en partie aux océans : Atlas
de l’eau et des océans. Mises au point rapides et précises, de nombreux exemples uti-
lisables avec les élèves, et une cartographie de grande qualité.
2. Espace
–– Une mise au point assez concise par la géographe I. Sourbès-Verger, interrogée ici
sur le site du CNRS, et qui aborde les enjeux actuels de la conquête spatiale, entre col-
laboration et essor de nouveaux acteurs et de nouvelles problématiques : https://le-
journal.cnrs.fr/articles/les-puissances-de-lespace. Les travaux de cette spécialiste des
politiques spatiales sont particulièrement intéressants, on pourra aussi consulter avec
profit « Espace et géopolitique », L’Information géographique, 2010/2 (vol. 74), p. 10-35,
https ://www.cairn.info/revue-l-information-geographique-2010-2-page-10.htm. Voici
ses articles les plus récents : https ://www.cairn.info/publications-de-Isabelle-Sourb %
C3 % A8s-Verger--21064.htm
–– Sur le site du CNES, une mise au point très accessible en une vingtaine de pages « 1964-
2014 : 50 ans de coopération spatiale européenne » http://www.cnes-csg.fr/automne_
modules_files/standard/public/p11317_d26004c134fc49255a6495a0c0285957Lati-
tude_5_n105_-_50_ans_dEurope_spatiale.pdf
–– Un épisode très récent (janvier 2019) de l’émission d’Arte « Le dessous des cartes » :
« L’espace, enjeu de puissance » https://www.arte.tv/fr/videos/083964-003-A/le-des-
sous-des-cartes-l-espace-enjeu-de-puissance/

THÈME 1 Axe 2 Enjeux diplomatiques et coopérations 12


–– L’ESA, agence spatiale européenne, assure la coopération spatiale à l’échelle eu-
ropéenne. On trouve un petit film qui explique cette coopération sur le site officiel :
https://www.esa.int/ESA_Multimedia/Videos/2019/11/This_is_ESA [5 min, en anglais].
–– Le site Spot the station de la NASA permet de suivre en direct la station spatiale :
https://spotthestation.nasa.gov/tracking_map.cfm

p. 44-45 O u ve r t u r e Document 4
Cette actualité récente marque l’aboutissement d’un
Éléments de réponse aux questions p. 44 vieux conflit territorial autour de la mer Caspienne, qui
1. Ce conflit oppose des acteurs économiques, les n’avait pas été réglé par la convention de Montego Bay,
pêcheurs anglais et français. en raison du caractère fermé de la mer et de l’impor-
tance des ressources en hydrocarbures qu’elle renferme.
2. Leur conflit se noue autour de la répartition d’une Ce conflit a finalement été dépassé par une négociation
ressource halieutique, les coquilles Saint-Jacques. On a multilatérale entre les riverains.
donc là un conflit d’acteurs caractérisé autour de l’ex-
ploitation d’une ressource.
Éléments de réponse aux questions p. 46
1. L’espace et les océans sont de plus en plus investis par
Éléments de réponse aux questions p. 45 les sociétés. Il y a en effet de plus en plus de puissances
1. Lors de la guerre froide, les deux principales puissances spatiales, de plus en plus d’acteurs économiques impli-
s’opposent dans le domaine spatial, caractérisé par une qués, ou encore de plus en plus d’espaces protégés.
forte compétition. La logique de la station spatiale inter-
nationale est complètement inverse, puisqu’elle corres- 2. Cet investissement croissant passe par des logiques
pond à une collaboration, comme on le voit par exemple d’exploitation des ressources, de protection des milieux
à la composition d’équipage. L’utilisation de l’ancien ou de régulation des usages.
centre de contrôle de la station Mir est, de ce point de
vue, très symbolique. 3. On distingue deux logiques a priori contradictoires à
l’œuvre :
–– d’une part des logiques de concurrence (enjeux de
p. 46-47 Re p è r e s puissance, compétition pour l’appropriation des res-
sources) ;
Coopérer sur les mers et dans l’espace –– d’autre part des logiques de coopération (politique
spatiale européenne, négociations internationales, dans
le cadre de l’ONU ou non, politique environnementale).
Document 1
Le lanceur Ariane, mis au point par l’ESA, est un exemple
particulièrement abouti de coopération dans le domaine p. 48-49 Jalon 1
spatial, qui a permis aux pays européens de s’autono-
miser vis-à-vis des deux Grands, et qui est ici présenté
comme un motif de fierté.
Coopérer pour développer
la recherche :
la station spatiale internationale
Document 2 La SSI constitue un exemple très approfondi de coopé-
Cet article de presse très récent, que l’on peut mettre en ration scientifique internationale de haut niveau. La
lien avec l’introduction du chapitre, souligne les risques collaboration entre États-Unis et Russie en particulier
d’un investissement croissant de l’espace par les socié- marque de façon très symbolique le dépassement de
tés privées et met en évidence la nécessité d’établir une la logique de compétition de la guerre froide entre les
régulation internationale. deux puissances spatiales. C’est de surcroît un exemple
spectaculaire, bien souvent connu des élèves, grâce au
retentissement médiatique des participations françaises
Document 3 et à la fascination que suscite l’aventure spatiale. Pour
Les AMP, bien que de taille et de niveau de protection très autant, des enjeux géopolitiques émergent, en lien entre
divers, tendent aujourd’hui à se multiplier, notamment autres avec le programme spatial chinois, qui pose de
sous l’impulsion de l’ONU. Pour autant, elles sont encore nouvelles questions.
loin d’atteindre les objectifs minimums nécessaires à
une protection efficace des océans, ce qui témoigne de
l’importance des pressions exercées sur ces milieux.
Document 1
Cet extrait d’article permet de retracer la genèse de
la station spatiale, tout en soulignant le caractère

THÈME 1 Axe 2 Enjeux diplomatiques et coopérations 13


exceptionnel de cette collaboration de grande ampleur. 4. Les États-Unis restent une hyperpuissance spatiale.
Pour prolonger sur l’utilisation et l’utilité de la SSI, on Le document 1 montre ainsi qu’ils sont à l’initiative du
peut se référer à la chaîne YouTube du Monde, qui pro- rapprochement avec la Russie et les documents 2 et 3,
pose une courte vidéo intitulée : « À quoi sert la station par la proportion écrasante d’astronautes états-uniens,
spatiale internationale ». et par l’importance des composants fournis par la NASA,
démontrent la supériorité technologique et financière
des États-Unis, à tel point que la Chine (document 4) ne
Document 2 peut pas tellement se permettre de les écarter de son
Ce document statistique issu de la NASA met en avant projet de station spatiale.
aussi bien la diversité des nationalités que la forte domi-
nation de la Russie et plus encore des États-Unis, qui Synthèse On peut proposer aux élèves de travailler en
témoigne d’une puissance restant écrasante. Pour faire trois temps, selon le plan suivant :
prendre conscience de ceci aux élèves, on peut proposer I. L a conquête spatiale est historiquement dominée
de construire un histogramme. par des logiques de compétition opposant les États-
Unis et l’URSS.
II. La nécessité de coopérer sur les plans
Document 3 diplomatique, technique et financier se développe
Ce document, au-delà de l’aspect technique, montre de peu à peu.
façon très concrète la coopération de cinq agences spa- III. La SSI incarne les réussites de la coopération, mais
tiales différentes, à la construction proprement dite de le futur de la conquête spatiale reste marqué par
la SSI, tous ces acteurs se caractérisant par un très haut des tensions.
niveau de maîtrise technologique.
Travailler à l’oral
Attention : dans la première édition, le schéma comporte On peut encourager les élèves à construire des argu-
des erreurs d’attribution. ments soulignant l’intérêt de la coopération. Il faudra
réfléchir sur trois plans.
Document 4 –– Les dépenses consacrées à l’espace.
–– La symbolique du rapprochement États-Unis-Russie.
Le projet Tiangong donne l’occasion de faire le lien avec
–– La maîtrise technique héritée de l’URSS. Les élèves
le premier axe, et de réinvestir les acquis des élèves
pourront de ce point de vue réinvestir des éléments issus
quant à la politique spatiale chinoise. C’est également
de l’Axe 1.
un cas intéressant pour montrer que la coopération n’est
pas exempte de tensions et d’enjeux de puissance (voir
introduction du chapitre).
p. 50-51 Jalon 2A

Éléments de réponse aux questions p. 49 Exploiter les mers et les océans,
1. La SSI fait collaborer un grand nombre de pays : le entre rivalités et partage
document 1 évoque quinze nations, le document 3 Il s’agit ici de montrer que l’exploitation croissante des
montre le travail commun de cinq agences spatiales, espaces maritimes, par des acteurs de plus en plus nom-
tandis que le document 2 montre que les astronautes breux, débouche sur des relations de compétition dans
viennent de tous les continents. Des pays aussi divers l’appropriation des ressources. Ces tensions rendent
que des pays du Nord, du Sud émergent ou de l’ancien nécessaires une régulation à différents niveaux des
bloc soviétique sont amenés à travailler ensemble afin usages. Celle-ci est effective depuis la mise en applica-
de mettre en commun leur expertise technologique tion de la convention de Montego Bay. Mais paradoxa-
et de mutualiser le coût exorbitant de la conquête spa- lement, elle a accru la conflictualité autour de certains
tiale. Ce faisant, ils marquent symboliquement la fin de territoires, notamment insulaires, qui donnent accès à de
la guerre froide. très vastes ZEE. Cependant la Convention pose égale-
2. Les pays occidentaux, en associant la Russie à la SSI, ment de nouvelles questions pour les espaces maritimes
effectuent un geste diplomatique très fort, après la chute qu’elle ne couvre pas, en particulier la haute mer sur
de l’URSS. Mais derrière le symbole, il s’agit surtout d’uti- laquelle l’ONU doit statuer dans les prochaines années.
liser l’expérience et l’avance technique de la Russie en
matière de station orbitale. Document 1
3. Le projet chinois s’inscrit dans la quête de puissance Ce texte issu de l’Atlas de la mer et des océans permet
de la Chine, qui se traduit aussi dans le domaine mari- de remettre en perspective l’émergence d’un droit de la
time. De plus, il leur permet de s’autonomiser vis-à-vis mer sous l’égide de l’ONU, et explique le changement
des États-Unis, alors que la fin de la SSI est programmée radical de perception qu’implique l’appropriation juri-
pour 2024. Pour autant, la logique est bien différente, dique des espaces maritimes, comparée à la conception
puisque la Chine reste le maître d’œuvre du projet et la qui a longtemps prévalu d’une mer ouverte.
seule instance décisionnelle, bien qu’elle développe des
discours d’ouverture en direction des autres acteurs de
l’aventure spatiale.

THÈME 1 Axe 2 Enjeux diplomatiques et coopérations 14


Document 2 riverain, mais il y détient des droits exclusifs d’exploi-
tation sur la colonne d’eau et le sous-sol, sans pouvoir
Cette infographie illustre de façon plus concrète les empêcher le passage inoffensif des navires étrangers.
espaces délimités par la CNUDM. Il faut les comprendre Enfin, sur le plateau continental étendu, ses droits d’ex-
comme des enveloppes de souveraineté décroissante ploitation exclusifs ne concernent que les ressources du
des États riverains à partir de leurs côtes. On peut déjà sous-sol. Au-delà de 200 ou de 350 miles, aucune règle
commencer à esquisser la question de la haute mer (eaux n’est définie, sauf pour la « Zone » (zone internationale
internationales au-delà des juridictions nationales), qui des fonds marins hors des limites de la juridiction
est laissée de côté par la Convention. De même, on peut nationale) déclarée bien commun de l’humanité par
commencer à percevoir l’importance stratégique capi- l’ONU.
tale des îles et îlots, qui ouvrent droit à une immense
ZEE et au contrôle et/ou là l’exploitation d’immenses
3. Clipperton est un îlot situé un peu au nord de l’équa-
espaces océaniques.
teur, dans le Pacifique Nord, à 1 000 km environ à l’ouest
des côtes mexicaines. Il s’agit d’un espace maritime très
Document 3 riche en ressources halieutiques (thon) et minérales,
et qui est à ce titre convoité par de nombreux acteurs
Cette carte permet de prendre la mesure de l’impor- économiques. Vu l’éloignement considérable de la terre
tance des surfaces maritimes appropriées dans le cadre française la plus proche (la Polynésie française) et plus
des ZEE (mais aussi de l’immensité des eaux internatio- encore de son territoire métropolitain, la France peine
nales) ; cette donnée est mise en parallèle des litiges à faire respecter ses droits et à surveiller l’immense ZEE
frontaliers, pour montrer que cette application peut être autour de Clipperton, ce qui favorise une exploitation
conflictuelle. Ce que montre aussi la non-signature/rati- illégale de ses ressources par les pêcheurs mexicains
fication du traité par quelques États : les États-Unis qui y aussi bien que japonais (figurant parmi les premiers pro-
voient une limitation de leur souveraineté par exemple, ducteurs halieutiques mondiaux).
ce qui d’ailleurs les empêche par exemple aujourd’hui de
revendiquer un PCE (plateau continental étendu) comme Synthèse On pourra inciter les élèves à travailler sous
le font tous les autres États riverains de l’océan glacial forme de tableau, en classant :
Arctique. On retrouve des litiges dont les élèves peuvent –– d’une part les apports de la CNUDM : clarification juri-
avoir déjà connaissance, comme celui des Malouines/ dique, régulation ;
Falklands, ou encore les litiges en Asie orientales (îles
–– d’autre part ses limites : litiges autour de la délimita-
Senkaku/Diaoyu, îles Spratley, îles Paracels).
tion des frontières maritimes, difficulté de contrôler les
frontières maritimes, enjeux géopolitiques noués autour
Document 4 des îles.

L’exemple de Clipperton est en général méconnu. Cet Travailler autrement


îlot équatorial situé à quelque 1 000 km au large des La mer de Barents est une mer de l’océan Arctique, située
côtes mexicaines, dans le Pacifique Nord, est, en dépit de au nord de la Russie occidentale et de la Norvège. Elle
son absence de population, l’une des possessions fran- s’étend jusqu’à l’archipel du Svalbard et aux îles russes
çaises les plus stratégiques de par sa situation, l’accès de Nouvelle Zemble et de la terre François-Jospeh. La
qu’il confère à une immense ZEE et la richesse en res- gestion commune des ressources pétrolières et de la
sources de la région. Les incidents autour de la pêche pêche au cabillaud ont permis à la Norvège et à la Russie
illégale mexicaine ont conduit la France et le Mexique de régler leur litige frontalier autour d’une « zone grise ».
à conclure des accords de pêche valables jusqu’en 2027.
Bien qu’inhabité, le territoire est annuellement visité par
la Marine française qui y entretient le drapeau national.
p. 52-53 Jalon 2B
Il serait régulièrement utilisé par les narcotrafiquants de
la région.
Document 1
Éléments de réponse aux questions p. 51 Le but de cet article de presse est de montrer quels
enjeux géopolitiques se cristallisent dans des espaces
1. L’exploitation croissante des ressources maritimes, maritimes a priori non disputés, puisque relevant des
qu’elles soient halieutiques ou énergétiques (doc. 1, 3), a eaux internationales, l’Antarctique n’étant approprié par
entraîné des rivalités accrues quant à leur appropriation. aucun État. Les négociations, opérées dans un cadre mul-
Cette concurrence se renforce sous l’effet des innova- tilatéral (la CCAMLR : Convention sur la conservation de
tions techniques (doc. 1) qui permettent d’accéder plus la faune et la flore marines de l’Antarctique, entrée en
facilement aux ressources de la mer, et avec les indé- vigueur en 1982, qui compte 32 États membres) ont per-
pendances qui font naître de nombreux nouveaux États mis des avancées, mais illustrent surtout la difficulté de
après-guerre (doc. 1, 2). protéger l’environnement maritime antarctique.
2. Dans le droit maritime, plusieurs zones sont délimitées
à partir des côtes (doc. 2), et les États n’y exercent pas
Document 2
les mêmes droits. Si la souveraineté est complète dans la
mer territoriale, elle n’est plus que partielle dans la zone Cette infographie souligne de manière synthétique les
contiguë. La ZEE (doc. 3) n’est pas la propriété de l’État différentes menaces qui pèsent sur les mers et les océans

THÈME 1 Axe 2 Enjeux diplomatiques et coopérations 15


et qui justifient des efforts de protection à la hauteur 3. Plusieurs facteurs se combinent pour expliquer la dif-
des enjeux (la préservation de la biodiversité marine, ficulté à protéger la haute mer : le grand nombre d’ac-
des équilibres écosystémiques, et d’une partie des res- teurs impliqués, l’ampleur des enjeux économiques, le
sources alimentaires de l’humanité). caractère multidimensionnel des sources de pollution, la
difficulté de faire appliquer des règles au sein d’espaces
par définition difficiles à surveiller.
Document 3
On peut ici facilement établir un parallèle avec le docu- Synthèse Une gouvernance durable supposerait de
ment précédent. Ici la carte met en évidence les enjeux concilier les trois aspects du développement. Tou-
spécifiques à la haute mer, au-delà des ZEE donc. On tefois, on sait que la fragilité des espaces maritimes
peut être surpris par leur ampleur, alors même qu’on se couplée à leur caractère vital pour l’humanité néces-
situe là déjà assez loin des côtes (à plus de 350 km). C’est siterait de « sanctuariser » certains espaces et de les
un exemple qui peut permettre de montrer aux élèves à protéger complètement pour favoriser les capacités de
quel point l’emprise humaine est forte sur la planète, y renouvellement des ressources.
compris dans les espaces non habités et même éloignés
Travailler à l’oral
des foyers de peuplement comme la haute mer, autour
Au-delà des pistes déjà indiquées dans la question, on
de la notion d’anthropisation.
peut inciter les élèves à faire émerger des convergences
d’intérêt. Par exemple une régulation/limitation de la
Document 4 pêche, réclamée par les ONG, permet en même temps de
servir les intérêts des grands acteurs de la pêche en pré-
Cet article attire l’attention sur les travaux de la com- servant les ressources halieutiques et en garantissant la
mission mise en place par l’ONU en vue d’élaborer des pérennité de leur activité, ce qui a aussi un intérêt social,
règles relatives à l’exploitation de la haute mer. Comme les captures de pêche constituant un apport en protéines
dans le cas du document 2, on mesure l’importance des animales essentiel pour toute une partie de l’humanité
enjeux économiques et géopolitiques, et on comprend (la préservation relative des stocks en haute mer facili-
que les travaux de la commission sont lents et difficiles. terait aussi la pêche côtière artisanale et vivrière, qui a
moins les moyens de s’éloigner des côtes pour pallier la
raréfaction des ressources comme peut le faire la grande
Éléments de réponse aux questions p. 53
pêche industrielle).
1. Il convient ici de souligner la diversité des acteurs
impliqués, depuis l’ONU/ses commissions/ses agences
(doc. 1, 4) jusqu’aux États dont les objectifs et les ambi-
p. 56-57 Exercices Bac
tions sont très divers et peuvent entrer en concurrence
(doc. 1, 3, 4), en passant par des acteurs privés : acteurs
économiques dans des domaines variés, liés directe- Exercice 1
ment ou indirectement à l’environnement marin (doc. 1,
En novembre 2019, les 32 États réunis dans le cadre
2, 3, 4) ou encore par des ONG (doc. 1, 4) qui tentent de
de la CCAMLR ont à nouveau échoué à créer un sanc-
promouvoir une exploitation plus raisonnée.
tuaire marin supplémentaire en Antarctique. Bien que
2. La haute mer ne fait pas aujourd’hui l’objet d’une ces espaces ne soient sous la juridiction d’aucun État, la
exploitation répondant aux critères du développement pression des acteurs économiques autour des richesses
durable. halieutiques a fait échouer les négociations, démontrant
la difficulté persistante à protéger les espaces maritimes.
Développement Développement Développement L’océan mondial se définit comme une immense éten-
économiquement socialement écologiquement due d’eau couvrant plus des deux tiers de la planète ;
non durable non durable non durable c’est à la fois une surface permettant les flux, mais sur-
tout un formidable réservoir de ressources variées pour
• Exploitation de • Conflits • Prélèvements
l’humanité. Les sociétés investissent donc de façon crois-
ressources fossiles d’acteurs entre de pêche dans
sante les espaces maritimes et ce faisant les dégradent
non renouvelables, États ou entre des espaces
de plus en plus, faisant émerger la nécessité de les pro-
hydrocarbures, (doc. entreprises de fragiles
2, 3) pêche) (doc. 1) (doc. 1, 2, 3
téger. Mais ce terme polysémique recouvre différentes
• Surpêche (doc. 1, • Difficultés de • Dégradations, dimensions variables en fonction des nombreux acteurs
2, 3) qui menace l’ONU à imposer déchets et impliqués : il peut s’agir de sauvegarder, de sécuriser ou
les stocks : une régulation pollutions encore de défendre, de garantir des droits, et qui peuvent
la ressource internationale (doc. 2, 3) être difficilement conciliables.
halieutique est (doc. 1 et 4) On peut donc se demander comment préserver des
théoriquement espaces maritimes de plus en plus exploités et straté-
renouvelable, giques que sont les mers et océans, dans un souci de
à condition que durabilité ? On montrera tout d’abord que des pres-
son exploitation sions croissantes s’exercent sur des espaces vulnérables.
n’excède pas
Celles-ci justifient la mise en place de nombreuses ini-
le rythme de
tiatives en faveur de la protection des océans. Pourtant
renouvellement
ces dernières demeurent limitées, et la protection des
des stocks
océans reste un enjeu conflictuel.

THÈME 1 Axe 2 Enjeux diplomatiques et coopérations 16


Exercice 2 5. Tous ces États sont en concurrence pour l’extension
de leur ZEE au PCE, avec plusieurs superpositions par
Les élèves peuvent suivre le plan détaillé proposé par les exemple au niveau du pôle Nord, sauf les États-Unis qui
questions pour leur intervention. n’ont pas ratifié la convention de Montego Bay. Tous sont
membres du Conseil de l’Arctique, une instance de coo-
pération qui leur assure des relations pacifiques à même
Exercice 3 de dépasser les conflits.

1. La carte est issue du blog Visions Carto, animé entre


6. Le caractère inédit de la coopération en Arctique est à
autres par le cartographe Philippe Rekacewicz.
comprendre en regard avec le haut niveau de conflictua-
lité qui a concerné la région dans le cadre de la guerre
2. Il s’agit d’une carte de synthèse sur les enjeux de la
froide, dont elle était l’un des théâtres majeurs en termes
région arctique, qui balancent entre deux logiques, celle
de dissuasion nucléaire (c’était l’un des espaces les plus
de la concurrence entre États autour des nombreuses
nucléarisés de la planète). Plus récemment, l’Arctique
ressources, et celle de la coopération en vue de protéger
est à nouveau au centre de l’actualité, mais pour des rai-
un espace maritime particulièrement fragile.
sons environnementales, car les manifestations ici très
rapides et spectaculaires du changement climatique (la
3. L’océan glacial Arctique renferme de très nombreuses région se réchauffe deux fois plus vite que la moyenne
ressources, qu’il s’agisse de ressources halieutiques mondiale) ouvrent de nouvelles perspectives logistiques
(notamment sous l’effet de la remontée vers le nord des (nouvelles routes maritimes) et économiques (ressources
espèces atlantiques et pacifiques à la recherche d’eaux plus facilement accessibles et exploitables).
plus fraîches avec le réchauffement climatique), ou éner-
gétiques, avec des réserves en hydrocarbures estimées 7. Les États riverains cherchent à s’y affirmer afin de
en 2008 à 10 % des réserves mondiales de pétrole et pouvoir assurer leur souveraineté (cas du Canada),
29 % des réserves mondiales de gaz dont une bonne par- contrôler les routes maritimes arctiques (cas de la Rus-
tie sont situées off-shore (bien que ces ressources aient sie avec la route maritime du Nord) ou s’assurer l’appro-
été relativisées depuis, elles demeurent considérables). priation des ressources (États-Unis et Canada opposés
sur la délimitation de leur frontière maritime commune
4. Cinq États sont strictement riverains de l’océan gla- en mer de Beaufort dans une région riche en hydrocar-
cial Arctique : les États-Unis (par l’Alaska), le Canada, le bures). Mais d’autres États, extérieurs à la région, tels
Danemark (par le Groenland), la Norvège et la Russie. que la Chine, l’UE ou la Corée du Sud, s’intéressent
On peut éventuellement ajouter l’Islande, qui se situe à de très près à ces nouvelles possibilités, et siègent
l’articulation entre océan glacial Arctique et Atlantique également au Conseil de l’Arctique (mais en tant que
Nord. membres observateurs).

THÈME 1 Axe 2 Enjeux diplomatiques et coopérations 17


ÉTUDE CONCLUSIVE La Chine à la conquête de l’espace,
des mers et des océans
La logique du chapitre
Cette étude conclusive est organisée selon trois objectifs principaux. Elle vise tout
d’abord à reconstituer la chronologie des ambitions chinoises dans les domaines mari-
times et spatiaux, afin d’insister sur les différents rythmes de sa montée en puissance. Elle
doit ensuite mettre en évidence les ambivalences et la complexité de cette « conquête »,
qui ne peut se réduire, dans un monde multipolaire, à une politique hégémonique clas-
sique. Enfin, l’étude replace la dynamique chinoise dans un environnement maritime et
spatial spécifique : la mer de Chine (avec la présence de deux États chinois), les concur-
rences avec les autres marines, la nécessaire coopération dans le domaine spatial. Ainsi,
les limites de cette conquête apparaissent à chaque moment de l’étude et ne doivent
pas être sous-estimées, nuançant fortement le caractère « irrésistible » de la montée en
puissance chinoise.

Bibliographie
N.B. La progression rapide de la « conquête » chinoise dans les domaines maritimes et
spatiaux incite à privilégier des revues spécialisées ou/et des ouvrages très récents.
–– Les dossiers sur la puissance chinoise, ainsi que ceux sur les espaces maritimes et
spatiaux sont très nombreux dans les revues spécialisées et le thème est régulière-
ment abordé, avec les mises à jour correspondantes, dans les revues suivantes :
–– Diplomatie – Les grands dossiers (numéros spécialisés) :
• n° 34 (« Géopolitique de l’espace », août-septembre 2016)
• n° 45 (« Géopolitique de la Chine », juin-juillet 2018)
• n° 53 (« Indo-Pacifique – Géopolitique d’un nouveau théâtre d’influence »,
octobre-novembre 2019)
• n° 55 (« Géopolitique des mers et des océans », février-mars 2020)
–– Diplomatie :
• n° 90 (« Les nouvelles routes de la soie », janvier-février 2018)
• n° 101 (« la Chine au xxie siècle – Quelles ambitions ? Quelle puissance ? »
novembre-décembre 2019)
–– Conflits – hors-série : n° 8 (« Atlas de la renaissance chinoise », automne 2018)
–– Cargo : n° 58 (« L’Asie du Sud-Est », mars-avril 2020)
–– S. Colin, La Chine, puissance mondiale, La Documentation française, coll. « documen-
tation photographique », novembre-décembre 2015. Une reconstitution des étapes
historiques et des aspects de la puissance chinoise.
–– T. Sanjuan, Atlas de la Chine, Les nouvelles échelles de la puissance, Autrement,
2018. Une vision générale de la puissance chinoise actuelle, largement illustrée.
–– S. Boisseau du Rocher et E. Dubois de Prisque, La Chine e(s)t le monde, Odile Jacob,
2019. Un travail de synthèse de spécialistes mettant l’accent sur les logiques et les
dynamiques des ambitions chinoises.

Sitographie :
–– Site de l’Administration spatiale chinoise (CNSA), en anglais : http://www.cnsa.gov.
cn/english/
–– Site anglophone consacré à l’Armée populaire de Libération (il ne s’agit pas du site
officiel du ministère de la Défense chinoise, mais d’un site sponsorisé par celle-ci,
contenant des articles sur son actualité, des dossiers, etc.) : http://eng.chinamil.com.
cn/
–– Diploweb : https://www.diploweb.com/ Articles et entretiens sur les relations inter-
nationales

THÈME 1 Étude conclusive La Chine : à la conquête de l’espace, des mers et des océans 18
p. 60-61 O u ve r t u r e p. 64-65 Jalon 1A

Éléments de réponse aux questions p. 60-61 Une volonté politique d’affirmation


1. La Chine est un des rares pays à disposer d’un porte- de la puissance chinoise
avions, instrument de puissance navale. En moins de 10 Ce Jalon est divisé en deux sections consacrées aux
ans la Marine chinoise a mis en service deux groupes mers et océans, puis à l’espace, afin de définir, dans un
aéronavals susceptibles d’appuyer les intérêts straté- premier temps, les principales étapes et les différentes
giques chinois sur les océans. dimensions de l’affirmation de la puissance chinoise
dans ces deux domaines. Les documents consacrés aux
2. Capable de déployer des porte-avions ou de faire alu- mers et aux océans mettent l’accent sur la dimension
nir un véhicule, la Chine est une puissance navale et spa- militaire et sur l’espace stratégique et conflictuel qu’est
tiale de premier plan, dont la montée en puissance est la mer de Chine. Les documents portant sur la course à
récente et surtout très rapide. l’espace insistent sur le caractère récent du programme
spatial, ses principales étapes et les grandes ambitions
qu’il porte à la fin des années 2010.
p. 62-63 Re p è r e s

La puissance chinoise Document 1


du xxe au xxie siècle Le document permet d’incarner le développement
de la Marine chinoise, grâce à la figure de l’amiral Liu
La frise chronologique donne les éléments nécessaires
Huaqing. Les dates indiquées sur le document de même
à la mise en perspective de la conquête maritime et
que la photographie insistent sur le fait que Liu a déjà
spatiale chinoise. Celle-ci est donc remise dans son
un long parcours lorsqu’il prend le commandement de
contexte international et replacée dans une perspective
la Marine chinoise (il n’est que le troisième à porter ce
historique plus large, afin de montrer qu’avant 1949, la
titre depuis 1950) : il est né au début de la République de
République de Chine a déjà entrepris une dynamique de
Chine, a combattu dans les forces communistes pendant
conquête maritime (ou de reconquête après des décen-
la guerre civile (1945-1949) et a dirigé les départements
nies d’ouverture forcée). La chronologie montre enfin
de recherche et de développement militaire naval. Il est
que, depuis 1949, deux Républiques de Chine coexistent
donc pleinement conscient de la nécessité de mettre
de facto en Asie orientale, donnant aux enjeux maritimes
en place une stratégie à long terme. Il reste actif jusque
une nouvelle dimension.
dans les années 1990.

Éléments de réponse aux questions p. 63 Document 2


1. Les trois grandes périodes sont : les premières décen- Le Livre blanc de la Défense nationale de la République
nies de la République (1912-1949), l’ère maoïste (1949-
populaire de Chine donne les grandes orientations prises
1976) et enfin la période d’ouverture de la République
par le pays en matière de défense. Cet extrait donne tout
populaire de Chine depuis 1978.
d’abord un bon aperçu des nombreux objectifs pour-
2. Le « tournant » a lieu en 1971. La reconnaissance de suivis dans le domaine maritime, mais également dans
la République populaire de Chine par l’ONU (réso- d’autres secteurs de la Défense (permettant notamment
lution 2 758) comme « seule représentante légitime » d’évoquer également l’espace). Il incite à une analyse
de la Chine au détriment de la République de Chine détaillée et à une « traduction » de termes et concepts
(Taïwan) donne à la Chine communiste une légitimité parfois précis (contenir « l’indépendance de Taïwan »)
internationale sans précédent. Elle entraîne une accé- mais souvent très généraux et propices à diverses inter-
lération considérable de l’établissement de liens diplo- prétations (« préserver les intérêts »).
matiques entre la République populaire et d’autres États
qui reconnaissaient auparavant Taïwan comme seule
représentante de la Chine. Elle permet également à la Document 3
République populaire de disposer du siège de membre La carte illustre les projets hégémoniques de la Répu-
permanent du Conseil de sécurité et d’un accès à tous les blique populaire de Chine dans la partie occidentale
organes de l’ONU. de l’océan Pacifique proche de son littoral (le terme
de « mer de Chine » utilisé pour la désigner appelle des
3. Le moment correspondant à la plus forte montée en commentaires). Elle met l’accent sur le caractère évolu-
puissance maritime chinoise est la période débutant en tif de ce projet. On peut ainsi insister sur la « Ligne en
1978, marquée par une ouverture économique au reste dix traits ». Cette carte créée en 1935 et présentée par la
du monde, débutant sur le littoral chinois. République de Chine en 1947 comptait à l’origine onze
traits et définit l’étendue des revendications insulaires
chinoises sur les neuf dixièmes de sa superficie, soit près
de deux millions de kilomètres carrés. Le gouvernement
de la République de Chine maintient encore aujourd’hui
ces revendications, tout comme celui de la République
populaire de Chine qui l’a adapté : neuf, puis dix traits

THÈME 1 Étude conclusive La Chine : à la conquête de l’espace, des mers et des océans 19
aujourd’hui, incluant Taïwan (montrant ainsi la réaf- 4. L’étendue des revendications chinoises en mer de
firmation des revendications sur l’île abritant la Répu- Chine méridionale s’explique par des facteurs historiques
blique de Chine). (la reprise par la République populaire de la « ligne en
onze traits » élaborée par la République de Chine), géo-
graphiques (l’étendue du littoral chinois), géopolitiques
Document 4 (la volonté de s’affirmer face aux autres puissances asia-
Ce tableau a été élaboré en compilant les données de tiques) et économiques (le désir de sécuriser les routes
Flottes de combat, publication qui s’adresse principale- maritimes vers l’océan Indien)
ment aux marins et spécialistes des marines militaires.
L’absence de données précises pour la Marine chinoise Synthèse Les revendications maritimes chinoises sont
en 1990 doit appeler des commentaires sur l’opacité de anciennes (première ligne en onze traits en 1947). Elles
la communication de la République populaire de Chine ont été conceptualisées en stratégie maritime dans les
en matière de données militaires. Le rang secondaire (9e années 1980 (amiral Liu Huaqing) et se sont concrétisées
ou 10e) s’explique par le fait que la Marine chinoise dis- lorsque la Marine chinoise a atteint une puissance suf-
pose à cette époque d’un arsenal conséquent mais en fisante pour pouvoir relayer ses revendications. Désor-
partie obsolète (calqué sur d’anciens bâtiments sovié- mais deuxième puissance navale au monde et première
tiques) et ne peut pas mener des opérations combinées dans le Pacifique, la Chine entend que ce statut soit
en haute mer. reconnu en mer de Chine face à d’autres puissances qui
lui ont pendant longtemps fait de l’ombre et devant les-
quelles elle n’entend désormais plus battre en retraite,
Document 5 voire chercher des compromis.
L’analyse d’Antoine Bondaz, chercheur à la Fondation Travailler à l’oral
pour la recherche stratégique et enseignant à Sciences Le but de l’exposé est triple :
Po, donne quelques clés d’explication des éléments –– permettre aux élèves de distinguer différents types de
notamment issus des Livres blancs (« LB » dans le texte) bâtiments de guerre maritimes, leur importance (ton-
de la Défense. Il montre également l’évolution rapide nage), leur force de frappe (armement) ;
des positions chinoises en mer de Chine méridionale –– mettre en évidence les rôles très différents de ces
dans la seconde moitié des années 2010. bâtiments dans la Défense nationale (allant au-delà des
questions maritimes, comme les sous-marins) ;
–– montrer pour conclure que le nombre de porte-avions
Éléments de réponse aux questions p. 65 et de sous-marins américains garantit pour un temps
1. Le concept de « défense au large comme stratégie encore aux États-Unis la suprématie maritime mondiale.
navale » développé par l’amiral Liu Huaqing permet de
rompre avec la logique quasi exclusivement terrestre,
qui prévalait jusqu’alors dans la Défense chinoise. C’est p. 66-67 Jalon 1B
un concept de défense progressive, visant d’abord à sécu-
riser l’espace maritime proche des côtes chinoises (pre-
mière chaîne d’îles), avant de pouvoir passer à une zone
Document 1
plus étendue, après que la Marine se sera r­ enforcée. Cet extrait du Livre blanc 2019 du ministère de la Défense
nationale permet de compléter l’extrait précédent rela-
2. La flotte chinoise, d’une importance secondaire en tif à la puissance maritime (doc 2 p. 64). Il incite par ail-
1990, compte dès 2002 parmi les cinq premières mon- leurs à une comparaison entre les deux extraits, celui-ci
diales. Sa puissance franchit encore un palier supplé- mettant bien davantage l’accent sur la coopération
mentaire en 2012 et elle est en 2019 la seconde flotte internationale et le caractère « ouvert » de l’espace, tan-
après celle des États-Unis. Cette ascension fulgurante, dis que l’extrait précédent insiste sur les revendications,
s’accompagne d’une extension de ses missions et d’une la nécessité de résister et la multiplicité des missions.
présence accrue en mer de Chine, notamment depuis la
seconde moitié des années 2010 (militarisation d’îlots en
mer de Chine méridionale). Document 2
Ce tableau doit permettre une comparaison des grandes
3. La puissance chinoise en mer de Chine n’est cependant
puissances spatiales dans le monde. Il doit cependant
pas sans limites. Elle se heurte à des contestations de ter-
être nuancé. La date de création de l’agence spatiale
ritoires par la quasi-totalité des États asiatiques proches
indiquée n’est pas forcément synonyme de l’accession au
(à l’exception de la Corée du Nord, traditionnel allié de
statut de « puissance spatiale ». Le Japon a lancé son pro-
la Chine). La présence militaire des États-Unis dans le
gramme spatial au début des années 1950 et, jusqu’en
Pacifique (bases américaines dans plusieurs pays alliés
2003, trois agences différentes (la première ayant été
et présence de la VIIe flotte américaine) constitue une
fondée en 1964) se chargeaient du développement des
autre limite, de même que l’existence de la République
missions spatiales. Le parallèle peut être fait avec la
de Chine (Taïwan), qualifiée de « province rebelle » par la
Chine, en notant que son budget reste encore secret.
République populaire mais qui, dans les faits, est un État
souverain et une puissance maritime non négligeable.

THÈME 1 Étude conclusive La Chine : à la conquête de l’espace, des mers et des océans 20
Document 3 les mérites de la République populaire : drapeaux mis
en évidence, nom des catégories de fusées (la Longue
Cet article d’un journal économique reconnu a pour Marche fait référence à un mythe fondateur du Parti
but de montrer aux élèves que la Chine n’a de cesse communiste chinois en 1934-1935), etc.
d’étendre ses ambitions dans le domaine spatial et que
cette « aventure spatiale » s’inscrit dans une logique de 2. La Chine entend développer ses propres capacités en
développement bien plus générale prônée par le pou- matière d’espace et se confronter aux autres puissances
voir chinois, visant à autonomiser le pays dans tous les spatiales. Ainsi, la création d’une grande agence spa-
domaines, à monter en puissance et à ne plus se conten- tiale unique en 1993 et le développement de ses propres
ter d’être une puissance exportatrice. fusées de catégorie « lanceurs lourds » confirment qu’elle
considère bien l’espace comme « un domaine crucial
dans la compétition stratégique internationale » (Livre
Document 4 et 5 blanc 2019).
Ces deux photographies doivent mettre en évidence
3. Le Livre blanc de la Défense nationale chinoise com-
les progrès technologiques récents de la conquête spa-
porte plusieurs développements sur l’espace. Celui-ci est
tiale chinoise (2003 puis 2016), mais aussi et surtout
vu comme un des « domaines majeurs de la sécurité ». La
leur caractère symbolique et leur mise en scène. Ainsi,
base de lancement de Wenchang sur l’île de Hainan a été
Yang Liwei (né en 1965), premier taïkonaute (du man-
installée après accord de la Commission militaire cen-
darin taikong = espace), a fait l’objet d’une importante
trale du Parti communiste chinois et est contrôlée par
médiatisation. De même, la base de lancement de Wen-
l’armée. On peut également ajouter que le taïkonaute
chang (entrée en fonction en 2016) est bâtie sur un site
Yang Liwei est un officier de l’armée et ancien pilote de
immense et dégagé sur la plus grande île de Chine, der-
combat.
nière conquête de l’Armée populaire de Libération en
1950 (son débarquement marquant la quasi-disparition
Synthèse Le programme spatial chinois, après des débuts
de la présence de la République de Chine sur le littoral
timides dans les années 1960-1970, se dote d’importants
chinois).
moyens à partir des années 1990 (création d’une agence
spatiale, développement de nouvelles bases de lance-
Éléments de réponse aux questions p. 67 ment, etc.), soutenu et encadré par la technostructure
militaire. Ses réussites sont récentes, mais spectaculaires
1. La Chine a marqué sa conquête de l’espace par trois (exploration de la face cachée de la Lune en 2019) et soi-
grandes réussites développées par les documents : l’en- gneusement mises en scène. La Chine ambitionne désor-
voi d’un premier homme dans l’espace en 2003, celui mais d’être la première puissance spatiale mondiale
de fusées chargées non seulement de mettre en orbite dans un avenir proche.
différents éléments mais également de poursuivre l’ex-
ploration du système solaire et, enfin, en 2019, l’alunis- Travailler autrement
sage d’un engin sur la face cachée de la Lune, pour la La chronologie peut s’organiser sous forme d’un grand
première fois dans l’histoire de la conquête spatiale. Ces tableau chronologique comparatif, en plaçant la Chine
réussites sont médiatisées et mises en scène, vantant au centre afin de faciliter la comparaison en conclusion.

Envoi Envoi Création Exploration Développe-


d’un d’un premier de l’agence de la Lune ment Conclusion
premier homme spatiale d’une
satellite dans station Rythme du Performance Ambitions
l’espace spatiale programme

Russie

Chine

États-Unis

p. 68-69 Jalon 2A

Des enjeux économiques et politiques (caricaturant le géant démographique qu’est la Chine),


considérables pour la Chine risquant de reléguer la puissance des États-Unis au
second plan. L’utilisation de la formule célèbre de la mis-
et le monde sion états-unienne Apollo XIII lors de la découverte de
l’explosion paralysant leur vaisseau (« Houston, we have
Document 1 a problem ») de même que le journal de parution de la
Cette célèbre caricature argentine datant de 2014 caricature montrent le caractère mondialisé et média-
montre l’étendue des ambitions spatiales chinoises tisé de la conquête spatiale.

THÈME 1 Étude conclusive La Chine : à la conquête de l’espace, des mers et des océans 21
Document 2 plus gros ports à conteneurs du monde) renforce encore
l’importance économique de la mer de Chine.
Ce tableau fréquemment utilisé permet d’affiner l’ana-
lyse sur la puissance des ports chinois. Il peut donner lieu 3. Les ports chinois présentés sur la carte sont peu nom-
à une définition détaillée des ports à conteneurs (et d’ex- breux : il s’agit de Shanghai et de Shenzhen. Ces deux
pliquer la notion d’EVP, Équivalent Vingt Pieds, soit envi- villes portuaires ont été parmi les pionnières de la poli-
ron 6 × 2,6 × 2,4 mètres), à une localisation des ports sur tique d’ouverture du littoral chinois en 1978 : en 1980,
le littoral pour voir où ceux-ci sont les plus concentrés et une zone économique spéciale (ZES) est inaugurée à
à un rappel de la distinction entre la Chine et la Répu- Shenzhen, ville créée l’année précédente, et Shanghai,
blique de Chine (Taïwan), en insistant également sur le vieille métropole commerçante, a le statut de « ville
concept de RAS (région d’administration spéciale) pour ouverte » en 1984. Leurs ports, étalés sur plusieurs sites et
Hong Kong. régulièrement modernisés et agrandis, figurent en 2018
parmi les trois premiers ports à conteneurs au monde,
illustrant la puissance de la production manufacturière
Document 3 chinoise. Ils sont intégrés au projet BRI.
Le document donne un aperçu de l’étendue de la pré-
sence chinoise dans les ports chinois ou dans lesquels 4. Le réseau mondial de ports développé par la Chine
la Chine a investi. La carte fait référence au projet des pour le projet BRI permet à ce pays de disposer de bases
« routes de la soie », BRI (ex-OBOR), vu en classe de pre- de départ et de relais fiables pour assurer l’exportation
mière, permettant des rappels. Elle donne à la fois la et l’approvisionnement des produits. Les investissements
vision chinoise de ce projet (il convient bien de rappe- dans les ports asiatiques, africains et européens, garan-
ler le caractère encore inachevé du projet BRI) et la per- tissent à la Chine de ne jamais voir s’interrompre les
ception états-unienne avec la stratégie du « collier de routes maritimes. La base militaire chinoise de Djibouti,
perles », expression utilisée pour la première fois en 2004 inaugurée en 2017, constitue un moyen supplémentaire
aux États-Unis et qui n’a jamais été reprise par le gouver- de sécuriser un port essentiel dans le détroit de Bab
nement chinois. el-Mandeb.

Synthèse La Chine a incontestablement réussi à s’affir-


Document 4 mer dans les domaines spatiaux et maritimes. Dans la
Cet article de synthèse complète et étaie la carte 3 p. 65, course à l’espace, elle est en passe de disputer la pre-
puisqu’elle donne plusieurs explications sur les raisons mière place aux États-Unis. Sa maîtrise des mers, consé-
de l’intérêt que manifeste la Chine pour le contrôle de la quence d’une logique de développement économique
mer de Chine. Les querelles et litiges avec les autres États maritimisé, se traduit notamment par une appropriation
y sont développés à travers les exemples du pétrole et de progressive de la mer de Chine et la mise en place du
la pêche. On peut également faire une analyse de l’évo- projet BRI, pour lequel la Chine organise un réseau mon-
lution des stratégies d’occupation de la mer de Chine par dial de ports afin de sécuriser ses voies commerciales
l’État chinois : un intérêt tardif et limité (pêcheurs chinois maritimes.
aux Spratley en 1985), des accords passés avec les autres
puissances (25 décembre 2000 avec le Vietnam sur la Travailler autrement
délimitation des frontières maritimes et la pêche dans le La réalisation du schéma peut s’appuyer sur le modèle
golfe du Tonkin) et enfin, une politique d’occupation de du schéma de synthèse de la page 77.
la mer de facto (navires, plate-forme pétrolière, prise de
contrôle d’atolls).
p. 70-71 Jalon 2B
Éléments de réponse aux questions p. 69
Document 1
1. La puissance spatiale chinoise est vue par cette cari-
cature argentine comme amenée à supplanter les États- Ce document permet d’examiner la face sombre de la
Unis dans la conquête de l’espace. L’arrivée en masse de « Chinafrique », que la Chine se plaît à présenter comme
taïkonautes sur la Lune dans un module infiniment plus un partenariat entièrement gagnant-gagnant depuis le
grand que le module états-unien illustre les investisse- premier sommet de coopération Chine-Afrique en 2000.
ments chinois colossaux dans le programme spatial et L’article du Monde présente la pêche chinoise au large
la relégation de l’exploit américain de 1969 au rang de des côtes africaines comme un « pillage », ce qui doit
simple jalon dans la course à l’espace. interpeller l’élève sur les questions de l’exploitation des
2. La mer de Chine est d’une importance essentielle ressources maritimes et sur le rapport de force entre la
pour l’État chinois, pour plusieurs raisons. C’est de là que Chine et les pays africains, toujours en défaveur de ces
partent les routes maritimes commerciales chinoises, derniers.
essentielles pour l’économie d’un pays qui repose lar-
gement sur les échanges, lesquels doivent être sécuri-
sés par la mise en place du projet BRI. La mer de Chine Document 2
recèle également des ressources nombreuses (produits La République de Chine (nom officiel de Taïwan) dis-
de la pêche et hydrocarbures). Enfin, la maritimisation pose d’une Marine dont les opérations sont concen-
de l’économie chinoise (son littoral abrite neuf des vingt trées depuis 1949 sur l’autre rive du détroit de Taïwan.

THÈME 1 Étude conclusive La Chine : à la conquête de l’espace, des mers et des océans 22
Autrefois équipée et organisée pour un débarquement tions, qui pèsent peu au regard de la dépendance écono-
sur le continent en vue de « libérer » le territoire chinois mique de ces États vis-à-vis de la Chine.
de la présence communiste, la Marine taïwanaise, qui fut
longtemps bien mieux équipée que la Marine chinoise, 2. Taïwan est considéré par la République populaire
a désormais pour objectif d’empêcher ou de repousser de Chine comme la « province rebelle ». Mais, bien que
un débarquement venu du continent. La photographie n’étant plus reconnue par l’ONU depuis 1971, la Répu-
présente deux sous-marins taïwanais lors de la visite blique de Chine reste de facto un État entièrement sou-
de la présidente Tsai Ing-wen en 2017, durant laquelle verain (et entretient encore des relations diplomatiques
est officialisé un programme national de construction officielles et exclusives avec 16 États dans le monde). Les
de nouveaux sous-marins afin de remplacer les quatre revendications chinoises sur Taïwan se heurtent à une
exemplaires obsolètes actuellement existants. Cette réalité plus sérieuse : l’armée taïwanaise, soutenue par
construction est un défi pour l’industrie taïwanaise. La les États-Unis, dispose d’un équipement bien supérieur
présidente Tsai a déclaré en 2017 : « Je comprends qu’il aux standards internationaux d’un État de 23 millions
est difficile de construire des sous-marins […]. Mais la d’habitants, et elle s’entraîne depuis des décennies à
règle de la politique internationale est que vous devez empêcher puis éventuellement repousser un débarque-
vous aider par vous-mêmes avant d’obtenir l’aide des ment en provenance de Chine continentale. L’acquisition
autres. » Depuis, les États-Unis et le Japon, entre autres, prévue de nouveaux sous-marins par Taïwan renforce
ont officialisé leur soutien technologique dans la encore cette politique dissuasive. Si une invasion de
construction de ses nouveaux engins. Taïwan par l’Armée populaire de libération ne pourrait
pas être repoussée sur le long terme, un échec ou même
un ralentissement de la progression de cette armée sur
Document 3 le sol taïwanais au bout de quelques jours aurait un
impact désastreux, sans parler des conséquences sur
Cette dépêche AFP donne quantité d’informations sur la
les relations internationales et l’image de la Chine dans
géopolitique de l’espace et le problème essentiel qui se
le monde.
pose avec l’accélération de la conquête spatiale : l’ap-
propriation d’un tel espace. L’article donne l’occasion de
faire le parallèle avec la territorialisation des espaces 3. La rivalité entre les États-Unis et la Chine sur les mers
maritimes depuis la conférence de Montego Bay et de et dans l’espace apparaît à travers ces documents d’une
montrer ainsi les difficultés que poserait une lutte amé- triple manière : une compétition aux enjeux symboliques
ricano-chinoise dans l’espace, non seulement juridiques, (la Lune) ; un affrontement indirect (Taïwan n’a plus de
mais aussi technologiques. relations diplomatiques officielles avec les États-Unis
depuis 1979, mais bénéficie depuis cette année d’un sou-
tien militaire officiel de la part des États-Unis afin de
Document 4 protéger son territoire) ; une rivalité technologique, dans
laquelle la maîtrise de nouvelles techniques de guerre
La photographie, abondamment relayée sur des sites (cyberguerre) devient essentielle.
officiels, illustre la coopération franco-chinoise. On peut
noter que cette coopération se fait dans un domaine peu
sensible, les questions climatiques et environnementales
4. Il y a un « vide géopolitique » car, à la différence des
espaces maritimes, le vide spatial n’a fait l’objet d’au-
étant de plus en plus traitées par la France et la Chine
cun traité international de régulation. L’appropriation
qui tentent dans ce domaine une approche multilatéra-
de l’espace est donc le résultat d’une maîtrise par des
liste.
puissances qui en ont les capacités technologiques. Un
même vide géopolitique règne dans la définition du
Document 5 règlement des tensions et rivalités entre États en cas
notamment de heurts ou de piratages d’engins spatiaux.
L’objectif de cette photographie est de montrer le
contraste avec les autres documents iconographiques 5. Ces deux exemples montrent que la Chine, si elle
mettant en évidence les réussites chinoises dans la enchaîne les réussites et met en avant une capacité à
conquête spatiale. La dislocation d’une station spatiale coopérer dans son programme spatial, subit également
constitue pour les autorités chinoises un échec sans des revers de taille, comme la perte de contrôle puis
précédent, amenant celles-ci à en minimiser la portée la dislocation de sa première station spatiale en 2016
avant de réagir par la mise en avant d’une nouvelle réus- et 2018.
site : l’exploration de la face cachée de la Lune l’année
­suivante. Synthèse En affirmant sa puissance maritime et spa-
tiale, la Chine multiplie les contentieux, les tensions
et les litiges avec d’autres États. Il y a tout d’abord les
Éléments de réponse aux questions p. 71
grandes puissances spatiales, comme les États-Unis, qui
1. La pêche illégale chinoise en Afrique pose trois pro- n’apprécient pas la compétition chinoise. Des États en
blèmes essentiels : la disparition de la biodiversité développement, tels les pays africains, subissent sans
dans les eaux côtières ; l’appauvrissement des pêcheurs pouvoir l’empêcher, une concurrence économique mari-
locaux, confrontés à une concurrence à laquelle ils ne time chinoise. Enfin, les États d’Asie orientale (Taïwan,
peuvent faire face ; enfin, la perte de facto de souverai- Vietnam notamment) voient avec méfiance les revendi-
neté économique des États africains, le gouvernement cations et prises de possession en mer de Chine par la
chinois étant resté globalement sourd à leurs protesta- République populaire.

THÈME 1 Étude conclusive La Chine : à la conquête de l’espace, des mers et des océans 23
Travailler autrement et surtout militaire est extrême pour Taïwan (qui subit
L’exposé peut mettre en évidence trois types de pression moins de pression économique, compte tenu des inté-
chinoise : économique, politico-diplomatique et mili- rêts chinois sur l’île). On peut ainsi mettre en avant l’iso-
taire. Il peut aboutir à la conclusion que toutes les puis- lement de la Chine dans cet espace, où elle ne compte
sances asiatiques en mer de Chine sont économiquement finalement qu’un seul allié (la Corée du Nord).
menacées, tandis que la pression politico-diplomatique

p. 74-75 Exercices Bac

Exercice 1
1.
Mots du sujet Connaissances liées au sujet

Les ambitions chinoises Depuis le début du xxe siècle, la Chine est peu à peu redevenue une puissance mondiale
majeure et vise à atteindre la première place dans les deux domaines suivants :

– maritimes Une présence accrue sur les mers et les océans (développement d’une Marine militaire
puissante, construction de ports, investissements dans les ports étrangers, appropriation d’îles)

– spatiales Une présence accrue dans l’espace (moyens alloués au programme spatial contrôlé par l’armée,
multiplication des réussites symboliques et technologiques, œuvre pionnière dans l’exploration
spatiale)

Un rêve hégémonique ? La Chine se considère comme « le pays du Milieu » : être au centre du monde signifie-t-il pour
elle diriger le monde ou être une puissance incontournable dans les domaines maritimes et
spatiaux ?

Exercice 2
–– le site du CNES, qui contient des ressources pédago-
La réalisation de cet exposé peut se faire en s’appuyant giques qui ne se limitent pas au programme spatial fran-
sur les sources suivantes : çais : https://cnes.fr/fr/
–– le site de l’agence spatiale chinoise (cf. sitographie en –– des articles de presse sur les résultats des derniers lan-
introduction) cements de fusées

Exercice 3
1.
Océans glacials Arctique Mer Rouge
Océan Indien
et Antarctique et mer Méditerranée
Formes de la présence • Présence militaire et • Ports et stations relais • Ports gérés par la Chine
chinoise mentionnées commerciale (ports et stations • Ports et stations relais
sur la carte relais) • Base militaire de Djibouti
• Axe maritime du projet BRI
Explication de la • Le « collier de perles » • Intérêt pour une nouvelle • Nécessité pour la Chine de
présence chinoise • Les objectifs du projet BRI, route maritime à objectif sécuriser la mer Rouge (deux
visant à relier l’Afrique et scientifique et stratégique détroits)
l’Europe à la Chine • Prise de position dans les
ports de commerce européen,
aboutissement du projet BRI

2. Les ambitions chinoises dans le domaine maritime se 4. La Chine nourrit des ambitions mondiales, mais
jouent désormais à l’échelle mondiale. Elles se caracté- celles-ci restent dans le cadre d’une conception du
risent par le développement de voies maritimes commer- monde autocentrée. La Chine se considère comme « le
ciales (projet BRI), scientifiques et stratégiques (contrôle pays du Milieu » et la carte met bien en évidence qu’elle
de nouvelles routes d’accès). développe ses ambitions maritimes en partant toujours
de son territoire et vise d’abord à maîtriser les mers
3. Les outils utilisés sont essentiellement la prise de d’Asie (océan Indien).
contrôle ou le développement de ports civils et/ou mili-
taires, qui constituent des relais et points d’ancrage de
ces routes.

THÈME 1 Étude conclusive La Chine : à la conquête de l’espace, des mers et des océans 24
BAC p. 78-79 Dissertation : sujet guidé
SUJET : Mers et océans, coopérations, rivalités stratégiques et économiques
Introduction
– Accroche : avec 71 % de la surface de la Terre, les mers et océans suscitent presque autant de
convoitises que les espaces terrestres.
– Analyse des termes : voir p. 78, tous les termes sont analysés.
– Annonce de la problématique : Comment les rivalités entre États s’étendent-elles sur les mers et
les océans, mettant en échec les volontés de coopération ?
– Annonce du plan : Une coopération limitée pour gérer des richesses communes (I), des rivalités
stratégiques et militaires pour assurer le commerce et l’exploitation des ressources des mers et
océans (II) et des rivalités économiques fortes (III)

1re partie de la dissertation


Une coopération limitée pour gérer des richesses communes
Les mers et océans sont de plus en plus l’objet d’attention pour les États. Les terres sont exploi-
tées depuis longtemps tandis que les espaces maritimes le deviennent de plus en plus, des négo-
ciations et une coopération entre États sont devenues nécessaires.
L’accord résultant des négociations de Montego Bay signé en 1982 met en place des règles
générales pour la souveraineté des mers et océans. Cette répartition des zones de souveraineté
sur les mers et océans instaure des règles pour leur exploitation par les États.
L’idée que les mers et océans deviennent un bien commun de l’humanité est défendue par la
communauté internationale pour la haute mer : l’ONU à travers l’Organisation maritime interna-
tionale (1948) alors que la conférence de Genève sur les espaces maritimes (1958) a tenté d’im-
poser cette idée. Aujourd’hui, on trouve seulement 6 % d’aires maritimes protégées (AMP) avec
un objectif de 30 % en 2030. Mais cet objectif semble peu réaliste tant les accords sont difficiles à
obtenir : par exemple, vingt ans de négociation entre les États sur la gestion de la mer Caspienne.
Néanmoins, les enjeux environnementaux devraient obliger les États à prendre des décisions
concernant la montée des eaux, les continents plastique ou encore la difficile gestion des pôles.
Le pôle Nord est ainsi devenu un espace de convoitise exacerbé depuis que la fonte des glaces
permet une plus grande circulation.

p. 80-81 Dissertation : sujets d’entraînement


SUJET 1 : Comment la Chine affirme-t-elle sa puissance dans les mers
et dans l’espace ?
I. Une puissance maritime nécessaire pour assurer sa puissance commerciale
A. Le renforcement de ses positions régionales en mer de Chine
B. Le renforcement de sa puissance militaire par la mise en place d’une flotte modernisée
C. Des routes maritimes sécurisées avec l’installation de bases militaires et logistiques
II. Une puissance spatiale pour rivaliser avec les États-Unis
A. Un programme ancien mais une accélération des investissements
depuis les années 1990.
B. Un stimulant scientifique et technologique nécessaire à la puissance
C. Un prestige, un rayonnement et des coopérations nouvelles

SUJET 2 : La France est-elle une puissance maritime et spatiale ?


I. Une puissance maritime de premier ordre
A. La France détient la 2e ZEE en termes de surface exploitable
B. Des intérêts nombreux et éloignés difficiles à défendre
II. Une puissance spatiale seulement dans le cadre du projet européen
A. Le projet Ariane où la France joue un rôle majeur
B. Le pari d’Ariane 6, dans une concurrence exacerbée

SUJET 3 : La conquête spatiale durant la guerre froide 1957-1991


I. Une conquête spatiale dans la rivalité de la guerre froide 1957-1969
A. L’avance soviétique et le prestige de Spoutnik/Gagarine
B. Les États-Unis et le défi lunaire

THÈME 1 BAC 25
II. Vers une militarisation de l’espace 1969-1991
A. Une coopération qui ne réduit pas les rivalités
B. L’IDS et les satellites d’observations réduisent les ambitions d’exploration

p. 82-83 Étude de document : sujet guidé


SUJET : La ruée vers Mars et ses enjeux
1. La planète Mars est devenue un nouvel objectif de la conquête spatiale. C’est en tous les cas
ce que nous présente l’article du Monde de Pierre Barthélémy datant du 13 janvier 2020. Il pré-
sente en effet, les différents projets de quatre puissances spatiales engagées dans cette nou-
velle conquête. Il semble en effet, qu’après la Lune, cette planète sera la prochaine à être foulée
par des astronautes. Mars inspire depuis longtemps les écrivains, les cinéastes et donc l’imagi-
naire collectif. En 2015, Hollywood et le réalisateur Ridley Scott produisent un film qui alimente
les ambitions des États et les rêves du grand public. Cette affiche de Seul sur Mars envisage
une planète occupée par les hommes en 2035, un horizon qui n’est plus complètement de la
science-fiction. Comment l’exploration de la planète Mars est un nouvel objectif pour de nom-
breuses puissances ?

2. En 1969, les États-Unis avaient permis à un homme de marcher sur la Lune, plus de quarante
plus tard, une autre planète suscite de nombreuses ambitions. L’année 2020 sera l’année de la
« ruée vers Mars ». Quatre puissances se sont lancées dans la course mais avec des ambitions bien
différentes.

La rivalité Chine-EU
Les deux projets les plus ambitieux sont ceux de la Chine et des États-Unis. Mars 2020, avec un
budget de 2 milliards, affirme bien les ambitions des États-Unis qui entendent rester leader dans
la conquête spatiale alors que l’administration Trump poursuit le désengagement international
des États-Unis. Le projet s’inscrit donc dans le Make America Great Again puisqu’il va permettre
un atterrissage sur Mars en février 2021 après « sept mois de voyage ». Le lancement aura lieu en
juillet et devrait assurer aux États-Unis sa position de tête de pont dans cette conquête. Pourtant
le projet chinois tend à concurrencer sérieusement les États-Unis. HX-1 est une première pour
la Chine, il permettra de commémorer en grande pompe « le centenaire du Parti communiste
chinois ». La mission va ainsi, comme celle des États-Unis, déposer un engin sur Mars et donc per-
mettre de rivaliser avec le projet Mars 2020 mais également de célébrer les réussites du régime.
Le nouvel homme fort de Pékin, Xi Jinping est attentif aux signes de la puissance chinoise. Après
son exploration de la Lune, la Chine est en passe de devenir la rivale des États-Unis également
dans la conquête spatiale.

Les puissances secondaires


Les Russes et les Européens ont lancé une coopération, ExoMars pour pouvoir suivre les deux
autres leaders de la conquête spatiale. Cette alliance marque le recul de la puissance russe en
la matière qui n’a, en effet, pas les moyens de poursuivre seule ce projet vers Mars. Les retards
s’accumulent alors que le lancement était prévu initialement en 2009.
Quant au dernier projet, il s’agit de celui des Émirats arabes unis, appelé Hope. Il n’a pas la même
portée que les trois autres car il ne prévoit que l’envoi d’un « petit engin » en orbite autour de Mars
pour 2021. L’idée est de permettre au régime qui va fêter ses 50 ans de montrer sa modernité, au
moins dans la technologie. Cet État souhaite depuis longtemps diversifier ses activités pour ne
pas être dépendant complètement de la richesse pétrolière.
Ces quatre projets marquent indubitablement un engouement pour la conquête de Mars mais
aussi une compétition d’ambitions pour des puissances pourtant très différentes.

p. 84-85 Étude de documents : sujets d’entraînement


SUJET 1 : La Chine et son empire maritime
I. Un empire commercial
A. Des infrastructures commerciales pour assurer un approvisionnement à la Chine
B. Le modèle de Gwadar

THÈME 1 BAC 26
II. « Le contrôle des mers […] permet d’exercer une influence prépondérante sur le monde »
(Alfred Mahan)
A. Des bases militaires complètent la stratégie commerciale
B. Une influence mondiale qui conteste la puissance des États-Unis.

SUJET 2 : L’avenir de l’industrie spatiale européenne


I. Ariane 6, un lanceur performant
A. Ariane est un lanceur ancien et rassurant.
B. Des performances intéressantes : poids, coût du lancement
II. Une concurrence exacerbée
A. Les lanceurs russes
B. L’émergence de lanceurs privés

p. 88-89 Vers le Sup’ : Se documenter pour débattre


SUJET : La privatisation de la conquête spatiale
Réalisez les trois biographies comparées des principaux acteurs privés de la conquête spatiale.
Suivre ce tableau oblige les élèves à ne pas faire un simple copier/coller. L’enseignant pourra
pour synthétiser le tableau, interroger les élèves sur les points communs de ces hommes mais
aussi les questionner sur les limites du mythe du self-made-man.

Débat : Faut-il privatiser la conquête spatiale ?


Le texte proposé énonce assez clairement le cadre légal de l’espace (Traité de l’espace, 1967)
comme une « chose commune » au même titre que l’eau et l’air. Il montre aussi les risques et
les dangers de cette appropriation. Dans le débat, il faudra élargir ce concept à l’eau, l’air et le
vivant pour montrer les dangers et les risques de cette appropriation.

THÈME 1 BAC 27
Faire la guerre, faire la paix :
2
Thème

formes de conflits et modes de résolution


La logique du thème
Parmi les « grands enjeux du monde contemporain » que le programme propose d’étudier, la ques-
tion de la guerre et de la paix est une condition pour l’existence des autres sujets. Les rapports entre
guerre et paix sont observables sur le temps long. La profondeur historique est présente dans tous
les conflits comme un élément accélérateur ou discursif utilisé par les acteurs. La théorie justifiant
la guerre ou cherchant à accélérer la paix en est à la fois cause et conséquence. Lorsque Clausewitz
énonce l’idée que la guerre est « continuation de la politique par d’autres moyens », il donne autant
de justification à la guerre qu’il offre l’outil pour y mettre fin : la politique.
Les moments et les espaces où se manifestent une rivalité entre acteurs politiques s’incarnent
dans des lieux emblématiques de conflits de temps long, dont le Moyen-Orient semble à nos yeux
contemporains l’archétype (Étude conclusive). Mais la définition des acteurs, de leur intérêt à la
guerre ou de leur volonté de paix s’incarne dans le temps long par des rencontres, des coopéra-
tions devenues progressivement permanentes : les traités de Westphalie (Axe 2) mettent fin à la
guerre de Trente Ans en inaugurant une entente qui engage presque tous les acteurs continentaux ;
la guerre de Sept Ans et les guerres napoléoniennes (Axe 1) posent la question du rôle des civils
et de la distinction civils/militaires ; cette difficile distinction et les croisements du politique et du
religieux créent les conditions de guerres longues entre groupes asymétriques ou entre États et
groupes asymétriques : les guerres du Golfe, les conflits israélo-arabes (Étude conclusive), l’essor
puis le déclin de groupes comme Al-Qaïda ou Daech (Axe 1), sont les terrains de croisements entre
justifications idéologiques, politiques, économiques, qui alimentent ces conflits ou peuvent, parfois,
en limiter les effets.
Alors comment penser la paix ? En temps de conflit d’État à État, la coopération interétatique
manifestée en 1648 et incarnée aujourd’hui par l’ONU permet de trouver une réponse par le mul-
tilatéralisme. En temps de conflit d’État à groupe asymétrique, les conditions d’une paix définitive
sont beaucoup plus complexes, et obligent les belligérants à affirmer idéologies et moyens sur
le temps long et à des échelles qui dépassent le régional. Les conflits des xviie-xixe siècles voient
s’affronter des puissances et la paix être régie par ces puissances. Ceux du xxe et du xxie siècle, der-
rière la légitimité et la légalité de l’État comme incarnation de la souveraineté (Max Weber), voient
d’autres acteurs s’affirmer et obliger à une transformation du droit international pour permettre le
retour de la paix nécessaire à la vie et à la prospérité. La question de la guerre et de la paix, dont
il s’agit ici d’étudier la profondeur historique, les étapes de la construction du droit, et la matéria-
lisation dans des espaces de conflits, est bien au cœur de toutes les questions au programme de la
spécialité de Terminale.

p. 92-93 Introduction Ce conflit a été résolu en 2002 par arbitrage de l’ONU,


mais surtout en 2018 par volonté de l’Éthiopie de coopé-
Panorama des conflits armés actuels rer avec l’Érythrée pour assurer un développement éco-
nomique commun.
Éléments de réponse aux questions p. 92
3. Les causes du conflit au Cachemire sont liées au tracé
1. L’Asie est le continent qui concentre le plus de ten- des frontières entre Inde, Pakistan et Chine, et au main-
sions interétatiques, pour l’essentiel dues à des revendi- tien des revendications des 3 États après les conflits qui
cations sur le tracé des frontières terrestres et maritimes. ont opposé Inde et Pakistan (1948-1949) puis Chine et
L’Afrique centrale et le Moyen-Orient sont les régions Inde (1971-1972). Les cessez-le-feu ne signifient pas fin
qui concentrent le plus de tensions intraétatiques, dont des conflits mais arrêt momentané des combats. Les
les causes sont ethniques, religieuses ou politiques. revendications de chacun des groupes nationaux dans le
Cachemire, contrôlé par l’Inde, exacerbent les tensions.
2. Entre l’Éthiopie et l’Érythrée, le conflit frontalier est
né de l’indépendance de l’Érythrée qui s’est détachée de
l’Éthiopie en 1993, lui faisant perdre son accès à la mer.

THÈME 2 Introduction Formes de conflits et tentatives de paix dans le monde actuel 1


p. 94-95 Introduction alliances de l’opposition syrienne (les grands États occi-
dentaux et une partie du reste du monde), et des inter-
Essai d’une typologie : nature des ventions militaires en soutien de ces États alliés soit à
l’État soit à l’opposition.
conflits, acteurs et modes de résolution
4. La guerre crée un vainqueur et un vaincu : c’était peu
Éléments de réponse aux questions p. 95 plausible en 2012 mais cela le devient à partir de 2019
1. Les acteurs du conflit sont l’État syrien, les groupes et l’échec des différentes composantes hostiles à l’État
militaires asymétriques et quelques États extérieurs. syrien sur le terrain. La négociation de paix implique
une reconnaissance de la légitimité de l’ennemi par les
2. Le conflit syrien est de nature politique, culturel (reli- acteurs du conflit, ce qui semble peu probable en 2012
gieuse) et économique. comme après. La médiation reste l’option la plus plau-
sible, effectuée par l’ONU ou par des États peu engagés
3. En 2012, l’internationalisation du conflit vient des dans le conflit mais crédible pour toutes les parties.
alliances du régime syrien (Russie, Chine, Irak, etc.), des

THÈME 2 Introduction Formes de conflits et tentatives de paix dans le monde actuel 2


AXE 1 La dimension politique de la guerre :
des conflits interétatiques aux enjeux transnationaux
La logique du chapitre
Conformément aux attendus du programme, il s’agit dans ce premier Axe du Thème
« Faire la guerre, faire la paix », de montrer l’évolution de la manière de faire la guerre
depuis « l’ère des révolutions » (1776-1815). Schématiquement, on montrera le passage
d’une guerre conventionnelle, menée principalement par des nobles enrégimentés dans
des armées royales (Jalon 1), à une guerre asymétrique opposant des forces militaires
nationales d’un État à des groupes de combattants (Jalon 2) animés par des motivations
diverses (religieuses, territoriales, idéologiques). Ce schéma est en soi discutable : d’une
part, Clausewitz déjà a pensé la « petite guerre » (la guérilla) à l’intérieur de la grande ;
d’autre part, les guerres conventionnelles opposant des armées n’ont pas dit leur der-
nier mot (Ukraine-Russie, Éthiopie-Érythrée, etc.). Il convient d’insister sur la dimension
politique prise par la guerre : elle devient l’affaire des peuples, nationalisés par l’école
et l’armée, ramenés dans le champ de la guerre par la conscription. La guerre est étati-
sée, l’État acquérant peu à peu « le monopole de la force légitime » (M. Weber, Le Savant
et le politique, 1919).
Deux ruptures sont mises en relief dans cet Axe : la première est l’avènement de l’ère
nucléaire, qui bouleverse la stratégie puisqu’elle permet de remporter la bataille déci-
sive sans la livrer, estompant la notion de « front » devenue centrale depuis la guerre de
Sept Ans. La seconde est la fin de la guerre froide, qui accélère la sortie de l’âge de la
conscription et bouscule l’approche classique des conflits. La professionnalisation crois-
sante des armées, pas encore universelle cependant, renforce la technicisation de la
guerre (Grand angle) : les conflits du xxie siècle dépendront moins de la grande bataille
frontale que de la robotique, de l’arsenalisation de l’espace, de la cyberguerre et de
l’usage de l’intelligence artificielle. La recrudescence du recours aux sociétés militaires
privées révèle une logique de privatisation de la guerre, en rupture avec le processus
d’étatisation évoqué précédemment. Surtout, la guerre résulte le plus souvent de l’im-
puissance des États à empêcher les fragmentations de son territoire, alors qu’hier elle
était le produit des ambitions d’expansion des puissances étatiques ou impériales.

Bibliographie
–– B. Badie et D. Vidal, Nouvelles Guerres, comprendre les conflits du xxie siècle, La
Découverte, 2016 : les auteurs montrent les conséquences du passage de la guerre
comme moyen de conforter sa puissance, à la guerre comme fin en soi. On glisse d’une
guerre entre puissances pour conforter une domination, à une guerre révélatrice de
l’impuissance des États à assurer leur propre sécurité, notamment les États faillis, où
la guerre est le mode normal de fonctionnement des sociétés. Devant cet état de fait,
l’ordre international consiste à maintenir le désordre à un niveau acceptable.
–– B. Cabanes (dir.), Une Histoire de la guerre, du xixe siècle à nos jours, Seuil, 2019 :
une entreprise collective remarquable, qui traque les formes de la guerre du xixe au
xxie siècle, montrant l’intrication encore actuelle des guerres classiques et asymé-
triques. L’auteur explore successivement l’histoire des conflits depuis le congrès de
Vienne (1815), pour « penser la guerre », puis les mondes et les expériences combat-
tantes, avant d’analyser les sorties de guerre.
–– G. Chaliand, Pourquoi perd-on la Guerre ? Un nouvel art occidental, Odile Jacob,
2016 : après avoir analysé ce qui longtemps avait fait la supériorité des armées euro-
péennes (connaissance du terrain, de l’ennemi, supériorité technique et stratégique),
le chercheur expose les raisons de l’incapacité des Occidentaux à gagner politique-
ment des guerres malgré leur supériorité au combat : il insiste notamment sur l’aver-
sion contemporaine à la mort au combat des militaires, de moins en moins acceptée
par les opinions publiques.

THÈME 2 Axe 1 La dimension politique de la guerre 3


–– A. Crépin, Histoire de la conscription, Gallimard, Folio Histoire, 2009 : l’historienne
analyse en France la construction d’une armée de conscrits, de citoyens enrôlés dans
l’armée. Elle y voit une grande entreprise de nationalisation et de civilisation, fondée
sur une représentation de la virilité associée à la guerre. Elle montre l’extrême diffi-
culté à atteindre cet objectif, avec notamment les pratiques d’évitement jusqu’à la
grande loi de 1889.
–– H. Drévillon et O. Wieviorka, Histoire militaire de la France, T. 1, Des Mérovingiens
au Second Empire, Perrin, 2018 : l’ouvrage de référence en la matière. Il a pour ambi-
tion « d’envisager la Nation dans un environnement qui la dépasse », se révélant dans
son rapport aux autres puissances européennes. Cette confrontation nourrit imitation
et rejet des stratégies adverses et construit l’identité militaire propre à la France, et
par voie de fait l’identité nationale.
–– J. Keegan, Histoire de la guerre, Perrin, Tempus, 2014 : une réflexion sur l’art occi-
dental de faire la guerre, hérité du modèle de l’hoplite athénien, par opposition à un
modèle oriental. Il se caractérise par la recherche du face-à-face et de la bataille dé-
cisive, et une éthique de la lutte à mort structurant la modernité occidentale.
–– T. Lentz, Le Congrès de Vienne, Perrin, Tempus, 2015 : une analyse de la naissance
du concert européen et de l’œuvre gigantesque et visionnaire accomplie par les diplo-
maties européennes, qui réfléchirent aussi bien aux tracés frontaliers, aux compen-
sations territoriales (migrations de populations, accaparement de ressources) qu’à la
gestion internationale de certains biens publics (les eaux du Rhin).
–– G. Minassian, Zones grises, quand les États perdent le contrôle, CNRS éditions, Biblis,
2018. L’auteur analyse la diversité des zones d’incertitude, entre guerre et paix, dans
le monde. Incertitude politique, dans des États défiés par des seigneurs de guerre lors
de conflits de basse intensité, asymétriques. Incertitudes socio-économiques, quand
des mafias ou des réseaux criminels instaurent des zones de non-droit y compris dans
des pays développés.
–– E. Tennenbaum, Partisans et centurions, une histoire de la guerre irrégulière au
xxe siècle, Perrin, 2018 : longtemps en marge des pratiques militaires occidentales, la
guerre irrégulière a pris depuis la guerre du Vietnam une place primordiale dans les
conflits : les partisans recourent à la guérilla dans les guerres de libération nationale
au temps de la guerre froide et de la décolonisation. Les États-Unis leur répondent
en systématisant la contre-insurrection, au prix d’une ingérence parfois funeste en
­Amérique latine.

p. 96-97 O u ve r t u r e 2. Les civils sont touchés parce que les villes sont des
cibles militaires bombardées, parce qu’ils sont enrôlés
de force, ou parce qu’ils sont massacrés comme popula-
Éléments de réponse aux questions p. 96 tions-cibles (religieuses, culturelles, politiques).
1. Les États font la guerre pour contrôler des territoires,
contrôler des ressources et surtout pour maintenir ou
transformer les hiérarchies de puissance, c’est-à-dire p. 98-99 Re p è r e s
atteindre des objectifs politiques.

2. Les civils sont touchés par la guerre par les sièges des Clausewitz et la guerre
villes, l’enrôlement forcé ou la déportation. Il s’agit évidemment de comprendre la pensée de
Clausewitz, centrale, en replaçant le stratège dans le
contexte des guerres révolutionnaires. L’auteur, lui-
Éléments de réponse aux questions p. 97 même protagoniste des guerres napoléoniennes, du côté
1. Une paix n’est possible que lorsque les combattants de la Prusse puis de la Russie, explique la supériorité des
considèrent que l’adversaire, en temps de paix, peut être armées révolutionnaires et impériales par leurs motiva-
un partenaire. Ce n’est pas le cas lorsque l’idéologie des tions politiques et idéologiques. Leur victoire tient pour
combats pousse à considérer l’adversaire comme devant l’auteur à la croyance dans la supériorité des valeurs
être détruit. d’égalité et de liberté au nom desquelles ils combattent,

THÈME 2 Axe 1 La dimension politique de la guerre 4


et qu’ils prétendent universaliser. Cet état d’esprit per- mondiale : il s’agissait de désamorcer les possibles
met alors à une armée populaire de prendre le dessus conflits qui pourraient surgir des rivalités coloniales
sur des armées aristocratiques constituées de militaires entre ces mêmes puissances européennes.
professionnels. La pensée de Clausewitz influence Mais la concurrence pour les routes commerciales
jusqu’à Raymond Aron lorsqu’il évoque l’importance de reliant l’Europe à l’Amérique et à l’Asie rompt cet équi-
« l’action collective » (Paix et guerres entre les nations, libre et occasionne la guerre de Sept Ans (1757-1763).
1962) : la notion englobe aussi bien la qualité du com- Dans cette première guerre globale de l’histoire, l’avan-
mandement que la solidarité entre les combattants, leur tage va aux puissances navales (l’Angleterre) et à celles
motivation. Pour cette raison, dans l’approche clausewit- qui sont capables de mobiliser, le plus longtemps, les
zienne, « la guerre est le prolongement de la politique ressources humaines, économiques et techniques pour
par d’autres moyens », elle reflète les motivations poli- obtenir la victoire. Les défaites subies par la France la
tiques d’un peuple soudé au combat. Elle est aussi le privent alors de son premier empire colonial nord-amé-
moyen d’obtenir un avantage décisif, de capter des res- ricain. Un recul parachevé en 1803 par la cession de la
sources qui font défaut, lorsque les solutions diploma- Louisiane par Napoléon.
tiques et politiques traditionnelles ont échoué à déminer
les rivalités entre puissances. Cet ordre européen rompu reposait également sur
une division fonctionnelle des sociétés européennes,
Les documents choisis permettent de comprendre le héritée de la tripartition antique (ceux qui travaillent,
glissement, depuis deux siècles, d’une guerre aristocra- ceux qui prient, ceux qui combattent). La guerre n’était
tique, élitaire, à une guerre des nations, reposant sur pas encore le fait des peuples, des conscrits ; elle restait
l’affrontement d’armées de citoyens enrôlés, puis à une une affaire de professionnels, des soldats de métier des-
guerre irrégulière, où les combattants s’engagent dans tinés au combat par leur seule naissance. La noblesse,
des armées de partisans échappant à l’État régalien. comme hier la chevalerie médiévale, dirigeait les hosti-
lités, cherchant la belle mort. La situation change avec
Éléments de réponse aux questions p. 98 la guerre menée par les révolutionnaires pour diffu-
ser l’idéal de la « Grande Nation ». Les guerres révolu-
1. Les guerres de l’époque moderne voient s’affronter tionnaires, et dans leur prolongement celles menées
des armées de nobles, alliant cavalerie, artillerie et fan- par Napoléon devenu empereur, dessinent une Europe
tassins lors de batailles décisives sur terre, ou des régi- française : les victoires militaires permettent d’imposer
ments de marins à bord de navires de guerre lors de le franc, la départementalisation, le Code civil, le Code
batailles navales décisives. du commerce. Cet empire est légitime tant qu’il est vic-
torieux sur le champ de bataille. Une fois défait, le sys-
2. À l’époque de Clausewitz, les armées révolutionnaires tème s’effondre. La volonté de rompre avec l’hégémonie
font cohabiter des troupes mixtes : les soldats sont pour d’une puissance européenne pousse les décideurs poli-
la plupart des volontaires, puis des conscrits (loi Jourdan tiques au Congrès de Vienne (1814-1815) à établir, à la
Delbrel de 1793), incarnant la Nation, et sont animés fois, un « concert européen » reposant sur l’équilibre des
de valeurs patriotiques, leur donnant le sentiment de la puissances (quoique l’Autriche de Metternich soit domi-
supériorité de leur cause. Mais il ne faut pas négliger la nante) et une « Saint Alliance » autour des valeurs chré-
survivance à côté d’eux d’une armée de professionnels, tiennes. Cet ordre « westphalien » laisse sa place aux
de nobles royalistes, maîtrisant l’artillerie, comme à vaincus, Talleyrand parvenant à conserver à la France un
Valmy en 1792. rang de puissance dans le second cercle de ce concert
des nations.
3. Aujourd’hui, les combats sont souvent le fait de mer-
Deux documents d’analyse (1 et 4) permettent de com-
cenaires, ou d’individus enrôlés au nom d’une cause dans
prendre les enjeux de la guerre de Sept Ans, première
des armées de guérilleros. Ces guerres sont dites asymé-
guerre globale de l’histoire, notamment le recul de
triques.
la puissance française et la remise en cause de l’ordre
international fondé sur une esquisse d’équilibre des puis-
sances européennes.
p. 100-101 Jalon 1A Une carte (document 3) permet de localiser les
grandes batailles et d’en comprendre les implications
La guerre, « continuation de la politique commerciales : maîtrise des grandes routes du négoce,
par d’autres moyens » (Clausewitz) du commerce des produits précieux, désir de fonder des
comptoirs et des ports pour le mouillage de sa marine.
L’objectif est de montrer la progressive remise en ques-
Le document 2 met en miroir l’héroïsation de la mort
tion de l’ordre européen et mondial instauré par les
au combat de deux généraux de la guerre de Sept Ans : la
traités des xviie et xviiie siècle. Les traités de Westphalie
guerre est l’affaire des aristocrates, qui mènent le com-
(1648) qui mirent fin à la guerre de Trente Ans avaient
bat dans l’intérêt de leur souverain
placé la frontière au cœur des relations internationales.
Le respect des territoires souverains devenait le garant
d’un équilibre européen, aucune puissance ne devant
Éléments de réponse aux questions p. 101
briguer l’hégémonie continentale. Les traités d’Utre-
cht et Rastatt (1713-1714), qui mettent fin à la guerre 1. La guerre de Sept Ans est une guerre « mondiale », en
de ­Succession d’Espagne, élargissaient ce principe ce sens qu’elle s’étend à l’ensemble du continent améri-
d’équilibre dans les relations internationales à l’échelle cain, au golfe de Guinée, à l’Inde et à l’Asie du Sud-Est.

THÈME 2 Axe 1 La dimension politique de la guerre 5


Mais son foyer originel reste l’Europe, de l’Atlantique par des officiers royaux, des aristocrates assez tièdes vis-
à l’Oural. Elle induit la mise en place de systèmes d’al- à-vis des idéaux révolutionnaires, alors que les fantassins
liances, les armées s’affrontant dans des batailles reten- étaient pour la plupart des volontaires. Elle accède ulté-
tissantes pour accroître la puissance commerciale des rieurement au rang de mythe républicain, immortalisée
États. On reste dans une logique mercantiliste : l’État dans de nombreux tableaux (avec son célèbre moulin…).
affirme sa puissance en captant les ressources ultra-
Les documents 2 et 4 permettent de comprendre la
marines ; il utilise des armées populeuses grâce à une
manière de gagner la guerre pour Clausewitz : mobilisa-
forte croissance démographique, la transition démogra-
tion exceptionnelle de moyens et de soldats, adhésion
phique n’ayant démarré alors qu’en France. La mortalité
des armées aux buts de guerre (à un projet politique),
de ce conflit fut exceptionnelle : près de 700 000 morts
imposition des règles du vainqueur et de son droit (Code
en sept ans.
civil, Code du commerce, maillage administratif,…) voir
2. La noblesse constitue le cœur de l’armée, ses officiers de ses souverains (népotisme napoléonien).
et ses combattants les plus qualifiés, à la fois pour mener La caricature (document 4) permet de préciser ce
les combats ou utiliser habilement les armements les qu’est le multilatéralisme et de revenir sur les notions
plus performants (artillerie). d’équilibre des puissances, de « concert européen », de
« Sainte Alliance ». Et d’évoquer la situation particulière
3. Les objectifs sont la conquête des vastes terres de la France, puisque le Congrès de Vienne (1814-1815)
nord-américaines, de la route vers l’Extrême-Orient, la coïncide avec le retour de Napoléon de son exil sur l’île
fondation de comptoirs commerciaux. Ces terres ser- d’Elbe (les Cent Jours), avec la défaite de Waterloo et la
virent ultérieurement à amorcer la croissance euro- restauration de Louis XVIII. On pourra aussi mobiliser les
péenne, permettant sa « grande divergence » (Kenneth connaissances en histoire du programme de première,
Pomeranz) en mobilisant une main-d’œuvre servile et pour rappeler que ce congrès reconnaît le principe de
de grands espaces pour l’agriculture. Quant à l’Inde, elle liberté et de Charte reconnaissant ces libertés (vite
était essentielle sur la route des épices. bafouées néanmoins par les nouveaux pouvoirs) ; mais
qu’il réfute le principe des nationalités et le droit à
4. L’armée française ne peut mettre suffisamment ­l’autodétermination.
d’hommes au service de la défense de son empire en
construction, gigantesque, et est incapable de se battre
avec la même efficacité sur tous les fronts, d’autant que Éléments de réponse aux questions p. 103
sa marine est surclassée par celle des Britanniques. 1. Les armées de volontaires, puis de conscrits (jeunes
hommes inscrits sur les listes de conscription, bientôt
Synthèse La guerre de Sept Ans vise à la constitution de assujettis à un « service » militaire) remplacent progres-
zones d’influence et au contrôle des routes maritimes sivement les officiers nobles. Les guerres révolution-
stratégiques pour les cultures agricoles de rente (tabac, naires promeuvent ainsi des hommes nouveaux, comme
sucre, etc.) et les épices. La France est surclassée militai- Bonaparte. L’exercice des armes doit devenir le pendant
rement par une marine anglaise plus efficace, et par des du nouveau rôle politique des individus, passés du statut
stratèges plus visionnaires ; elle est aussi défaite politi- de sujet au statut de citoyen avec la Révolution. Le prix
quement car c’est elle qui, en Europe, a pris l’initiative du du sang à verser est ainsi compensé par la reconnais-
combat loin de ses frontières, rompant l’équilibre euro- sance de nouveaux droits politiques inaliénables, ins-
péen né au début du xviiie siècle. crits dans le marbre (déclaration de 1789).

Travailler autrement 2. La guerre est l’affrontement de deux peuples en


On insistera sur le caractère « mondialisé » de ce conflit armes, autour de valeurs communes ; elle est un moyen
qui se déroule sur plusieurs théâtres d’opérations à au service d’une fin politique et est « le prolongement de
travers le monde. Une défaite, même cuisante, sur un la politique par d’autres moyens ». La ténacité, la rési-
champ de bataille ne signifie plus la fin du conflit. Ce lience, l’alliance de la tactique et de la stratégie sont
conflit contribue à asseoir la domination britannique sur des armes au service de la victoire qui doit permettre
le commerce mondial. Toutefois, la France cherchera à d’imposer ses principes et ses exigences (« sa volonté »)
prendre sa revanche en soutenant la lutte des Insurgents aux vaincus. Celui qui capitule est celui qui n’a plus les
américains contre le roi d’Angleterre. moyens de mener la guerre : son coût humain et écono-
mique devient catastrophique.

p. 102-103 Jalon 1B 3. L’influence française se gagne par des batailles déci-


sives. Elle se stabilise par l’imposition de son droit (Code
Le document 1 permet d’aborder la bataille de Valmy, civil), de traités commerciaux (Code du commerce), de
stratégiquement anecdotique mais d’une forte valeur princes alliés (venus souvent de la famille de l’empe-
symbolique. Elle est le moment de (re)naissance de reur), et de son système administratif (départements,
la nation française, puisque pour la première fois est préfets, etc..). La présence de troupes militaires est évi-
entonné le Chant pour l’armée du Rhin (bientôt rebap- demment, aussi, un moyen d’assurer le respect des règles
tisé Marseillaise) et qu’elle précède la proclamation de acceptées lors des traités de paix.
la Première République en France le lendemain. L’artil-
lerie a joué un rôle décisif, et on oublie souvent que l’ar- 4. C’est à la fois le fait d’avoir réservé à la France une
mée victorieuse était mixte : les canons étaient dirigés place (secondaire) dans le concert européen et le fait

THÈME 2 Axe 1 La dimension politique de la guerre 6


d’avoir exilé Napoléon loin de l’Europe (à Sainte-Hélène) dang. Elle se perpétue avec les Vietcongs lors de l’of-
qui permit restaurer une paix durable en Europe. fensive du Têt (1968). L’objectif et les motivations du
partisan restent politiques, il s’agit d’affaiblir la volonté
Synthèse Les guerres de la Révolution et de l’Empire de l’ennemi, en général mieux armé mais souvent moins
visent à universaliser les principes fondateurs de la Révo- loyal à ses idéaux (document 2). L’affrontement direct
lution française, qu’incarne la « Grande Nation » révolu- est évité et les partisans se mélangent aux populations,
tionnaire (Jacques Godechot). Les semences de la liberté qu’ils terrorisent ou qu’ils parviennent à convaincre
ont bien germé puisque le Congrès de Vienne reconnaît (document 1). La répression contre les civils accusés
ces libertés, notamment dans des Chartes constitution- de défendre les rebelles (ce fut le cas lors de la guerre
nelles. Mais le droit à l’autodétermination des nations (en ­d’Algérie) coupe souvent la population de l’armée offi-
Espagne, en Belgique, en Pologne) n’a pas été reconnu, cielle. Ces guerres prolifèrent enfin dans les États faillis,
et la période de 1815 ouvre, non l’ère des républiques, incapables d’assurer la protection de leurs ressortissants,
mais celle de la restauration des monarchies. Le peuple qui correspondent presque toujours à des espaces de
n’est pas souverain. Cette incomplétude des acquis de sous-développement et de fortes inégalités socio-éco-
1789 pousse ultérieurement à un nouveau cycle d’incer- nomiques. Dans ces espaces (document 3), la guerre est
titudes, avec les révolutions de 1830-1831 et de 1848. souvent le mode normal d’organisation de la société
avec des seigneurs de guerre qui captent les ressources,
Travailler autrement et monnayent la sécurité des ressortissants contre le
Les Britanniques souhaitent empêcher l’hégémonie paiement de tributs. Ceux-ci vont jusqu’au recrutement
française sur le continent afin qu’aucune puissance ne d’enfants soldats, endoctrinés pour défendre les buts
vienne les concurrencer tandis que Napoléon entend de guerre, et d’une docilité à toute épreuve, puisque
réorganiser l’Europe autour de la France par la conquête ces seigneurs de guerre leur donnent les moyens de
ou par un système d’alliance. Ces deux conceptions sont se ­protéger.
fondamentalement antagonistes.

Éléments de réponse aux questions p. 105


p. 104-105 Jalon 2A 1. Une guerre régulière oppose des armées nationales
combattant au nom d’États ; une guerre irrégulière est
une guérilla utilisant la terreur pour frapper l’ennemi
Le modèle de Clausewitz à l’épreuve et compenser ainsi l’infériorité des forces. Dans ces
des guerres irrégulières guerres « asymétriques », les partisans appartiennent à
des groupes militaires qui peuvent être infra-nationaux
Inspiré par la guerre menée par le peuple espagnol ou transnationaux.
contre Napoléon en 1808 (la « guérilla »), Clausewitz
donne en 1810-1812 un cours sur la « petite guerre », qu’il 2. Les combattants des guerres irrégulières sont des
incite à utiliser comme un élément « tactique ». Il encou- civils qui s’engagent dans un groupe armé en obéissant
rage notamment à attaquer les forces ennemies par l’ex- à des motivations idéologiques (politiques, religieuses…),
térieur, à ne pas affronter frontalement l’adversaire mais et souhaitent obtenir le renoncement des forces légales
à diviser ses forces pour le perturber dans une logique en minant la « volonté » de l’armée régulière.
de « défense offensive ». Il faut surtout « l’attaquer par
surprise », d’autant « quand on est faible ». Clausewitz 3. Les conflits irréguliers se développent sur fond de
a donc, avant Mao, pensé la guerre irrégulière, et pas misère et de terrorisme international : les pouvoirs
seulement l’affrontement d’armées enrégimentées. Le locaux captent l’essentiel des ressources et les dila-
second xxe siècle a donné lieu à une recrudescence des pident ; des seigneurs de guerre apparaissent, qui
guerres irrégulières, dans le cadre de la guerre froide enrôlent une partie de la population contre le pouvoir
(Afghanistan de 1979 à 1987) et surtout des guerres de central, devenant un État dans l’État. Les groupes terro-
décolonisation (Vietnam notamment). Les motivations ristes, souvent transnationaux (comme Al-Qaïda) désta-
de ces civils enrôlés dans des armées de fortune, sou- bilisent ces États fragiles et endoctrinent une partie de
vent sans uniformes et dotés d’armes de récupération, la population qui prend les armes souvent moins pour
sont variables : marxistes (Armée zapatiste de libération, des raisons religieuses qu’économiques et politiques
FARC), nationalistes, religieuses (Daech)… Ce type de (cas actuel du Burkina Faso où les conflits ont davantage
guerre a lui-même muté depuis l’entrée dans l’ère de la à voir avec l’opposition séculaire entre Peuls et Dogons
globalisation : de plus en plus, les groupes pratiquant la qu’avec de quelconques considérations religieuses).
guérilla et la guerre asymétrique sont transnationaux : Les guerres irrégulières se multiplient dans les États
le développement du djihadisme international et de ses qui n’ont pas encore une solidité suffisante pour avoir
réseaux, au sein d’Al-Qaïda particulièrement, est carac- une armée régulière légitime : soit qu’ils sont occupés,
téristique de cette évolution. Ces réseaux sont d’autant comme la Chine par le Japon, et qu’apparaisse alors
plus puissants qu’ils se jouent des divergences des États une armée de libération. Soit qu’ils luttent contre les
souverains, comme dans le Sahel actuellement. puissances coloniales et capitalistes, comme la plupart
Les documents visent à montrer que la guerre irré- des armées marxistes de partisans et de guérilleros. Soit
gulière est bien davantage le fruit d’une pratique que qu’ils refusent le pouvoir nationaliste qui se met en place
d’une théorie. Elle est expérimentée par Mao depuis sa à l’issue d’une guerre ou d’une phase coloniale, comme
« Longue Marche » (document 4) puis surtout lors de son ce fut le cas de Mao.
affrontement avec les forces nationalistes du Guomin-

THÈME 2 Axe 1 La dimension politique de la guerre 7


4. Avant 1949, le pouvoir est aux mains du nationaliste ­ u’Al-Qaïda est un réseau qui prétend coordonner offi-
q
Tchang Kaï-chek (Jiang Jeshi). L’armée nationaliste du ciellement les mouvances terroristes du monde entier
Guomindang est donc l’armée légale, celle des com- (au Yémen, dans le Sahel, en Indonésie…), et n’a pas de
munistes, qui suivent Mao, apparaît comme une armée prétention à édifier un État islamique, Daech prétend
irrégulière. Pour reconquérir les terres perdues après reconstruire le califat, donc fonde son expansion sur
sa « Longue Marche », Mao pratique la guerre révolu- une base territoriale. En l’occurrence, en Irak et en Syrie,
tionnaire : guérilla, harcèlement de l’ennemi, capacité à Daech a tenté de se construire une capitale, de prélever
se fondre dans la population locale, attentats. Ces pra- des impôts, d’exploiter et de rentabiliser les ressources
tiques relèvent de la guerre irrégulière. à disposition (pétrole) comme l’eut fait un État « clas-
sique » pour se développer.
Synthèse Une guerre irrégulière est difficile à arrê- Le document 4 insiste sur la modalité d’action préférée
ter car les combattants irréguliers sont plus difficiles de ces mouvances terroristes, l’attentat, qui permet de
à identifier qu’une armée régulière et ont souvent une choquer les opinions civiles et de miner la légitimité des
bonne connaissance du terrain sur lequel ils opèrent. Ils États en rendant l’action classique des armées toujours
sont motivés par une idéologie politique ou religieuse. inefficace, en donnant l’impression que le pouvoir officiel
La guerre irrégulière privilégie le temps long et les a toujours du retard sur le groupe terroriste. Les données
actions de basse intensité, s’accommodant volontiers de permettent de mettre en lumière une réalité déformée
pauses. Enfin, elle se nourrit de la répression de ceux qui par le prisme des médias occidentaux : l’essentiel des
entendent la combattre. morts d’Al-Qaïda ont été tués au Moyen-Orient, dans le
Sahel et la Corne de l’Afrique, mais aussi en Asie cen-
Travailler autrement trale dans les anciennes marges musulmanes de l’URSS.
Les principales victimes sont donc… des musulmans… et
Guerre Combattant Exemple
pas seulement des musulmans arabes, les victimes asia-
xviiie siècle Guerre Officier noble et Guerre de tiques étant nombreuses dans cette guerre. Une réalité
aristo­ soldat de métier/ Sept Ans qui fragilise une partie de la thèse du « civilization clash »
cratique Officier noble et (1756-1763) énoncée par Samuel Huntington en 1995 et popularisée
soldat de métier après les attentats du World Trade Center.

xixe siècle Guerre Soldat-citoyen/ Guerres de la


de masse Soldat de métier Révolution et Éléments de réponse aux questions p. 107
de l’Empire
(1792-1815) 1. Les ennemis d’Al-Qaïda sont le « grand Satan » (les
États-Unis) et le « petit Satan » (Israël). Ben Laden évoque
Guérilla Soldat-citoyen/ Guerre
un classique complot américano-israélien, judéo-chré-
Guérillero d’Espagne
tien, contre l’islam. Il entre dans une logique de croisade
(1808-1813)
qui sera reprise par le Président américain Georges W.
Guerre Soldat-citoyen/ Guerre de Bush et les « faucons » de son administration, acceptant
industrielle Soldat-citoyen sécession cette logique d’une « croisade contre le mal ». Pour Ben
(1861-1865) Laden, la question israélo-palestinienne est un puissant
xxe siècle Guerre Soldat de métier/ Guerre catalyseur de la haine anti-occidentale : Israël occupe
irrégulière combattant d’Indochine indûment des territoires qui ne lui appartiennent pas
irrégulier (1945-1954) depuis 1967, en violation de la résolution 242, et pra-
(Vietminh) tiquent une politique de colonisation inique. Les musul-
mans de la région vivent la non-reconnaissance de la
Palestine en tant qu’État officiel comme une injustice
insupportable (elle n’est que membre observateur aux
p. 106-107 Jalon 2B Nations unies, non-membre, depuis 2012 ; elle appartient
à l’UNESCO depuis 2011, et c’est l’une des raisons du
Le document 1 permet de rappeler que le 11 sep-
retrait des États-Unis de Trump de cette institution ; elle
tembre 2001 est souvent vu comme le point de départ
fait partie de l’Organisation des nations et des peuples
du xxie siècle, alors qu’on avait cru à la « fin de l’his-
non-représentés). Ben Laden sait donc que cette rhéto-
toire » (Francis Fukuyama) lors de l’effondrement sovié-
rique, qui occulte la violence des Palestiniens (atten-
tique le 25 décembre 1991. Il permet de souligner les
tats du Hamas et du Hezbollah, avec l’aide de l’Iran), est
motivations idéologiques du leader d’Al-Qaïda, formé à
mobilisatrice pour recruter des musulmans.
la guérilla lors du premier conflit afghan opposant les
Soviétiques à une coalition de combattants irréguliers (il 2. Les zones les plus touchées par les attentats d’Al-
était un financier et un relais pour la CIA de cette gué- Qaïda sont le Sahel (AQMI et Boko Haram), la Corne de
rilla anticommuniste). L’insistance dans le document sur l’Afrique, la zone frontalière tribale du Pakistan (tali-
le caractère déstabilisateur de la naissance d’Israël en bans), l’Asie centrale et le Caucase (Tchétchénie) et
1948 permet de tisser un lien avec la révolution islamiste l’Asie du Sud (Indonésie et Philippines).
en Iran en 1978. Déjà l’ayatollah Khomeiny faisait de la
disparition du « petit Satan » en 1978 la condition préa- 3. La volonté de contrôler un territoire large s’explique
lable au retour de la paix avec l’Occident. par la nécessité d’avoir des ressources économiques
Les documents 2 et 3 permettent de confronter (pétrole, coton) et des hommes nombreux à disposition
les logiques terroristes d’Al-Qaïda et Daech. Alors pour faire la guerre et défendre les frontières du nouvel

THÈME 2 Axe 1 La dimension politique de la guerre 8


État. La superficie est impressionnante mais l’essentiel savants pour remporter les victoires, fait avancer la
du territoire est en zone aride avec une densité moyenne médecine… Le combat s’est professionnalisé, et déta-
faible, malgré quelques îlots très peuplés (Mossoul, etc.). ché de plus en plus de la citoyenneté : pour les éphèbes
Il y a aussi une volonté de couvrir plusieurs États pour grecs, exercer le métier des armes comme hoplite, c’est
déstabiliser les gouvernements officiels, déjà souvent un rite de passage pour devenir citoyen. Aujourd’hui, le
contestés par des minorités (exemple des Kurdes). L’ins- choix des armes est un engagement professionnel avant
tallation est facilitée parce que les États visés sont fra- d’être civique, il ne concerne pas tous les jeunes gens.
gilisés : l’Irak par la guerre, la Syrie par l’activisme des
Les documents 1 et 2 visent à montrer le passage,
Kurdes et un pouvoir alaouite (Bachar El-Assad) d’une
de l’Antiquité au Moyen-Âge, du combat frontal (mené
rare brutalité. Mais ce gigantisme est aussi un talon
par les hoplites) au combat à distance (mené par les
d’Achille : Daech n’a pas les moyens et la superstructure
archers, puis les arquebusiers…). Le xxe siècle per-
pour défendre un tel État. Il rend aussi possible une inva-
met de franchir un seuil avec la mise à disposition des
sion militaire classique, l’ouverture de fronts, contraire-
connaissances de la chimie (gaz de combat de la Pre-
ment à Al-Qaïda, et l’intervention des États arabes alliés
mière Guerre, ypérite puis phosgène, document 3), et
des Américains. Enfin, l’idée d’État est mobilisatrice pour
de la physique (arsenal nucléaire, document 4). Le péril
les combattants du monde entier adhérant aux « valeurs »
nucléaire semble faire disparaître le « front », la guerre
de Daech, et qui peuvent se réfugier assez facilement, en
pouvant être gagnée sans être livrée sur le champ de
passant souvent par la Turquie, dans ce nouvel État.
bataille. Du moins jusque dans les années 1980 avec l’in-
tensification de la guerre de l’espace. L’entrée dans l’ère
4. Le Moyen-Orient irako-syrien, la Corne de l’Afrique et informatique a créé un nouveau front, virtuel, celui de
la zone sahélienne autour du Mali sont les principaux la cyberguerre (document 5). Le développement de l’in-
foyers de l’action terroriste de Daech, même si l’Europe telligence artificielle laisse « rêver » à une guerre sans
n’a pas été épargnée. Il faudrait y ajouter les pays d’Asie combattants, ou avec des combattants « augmentés »
centrale. Le gros des troupes vient d’Afrique et du Moyen- par des exosquelettes ou des armes nouvelles (drones
Orient, créant une concurrence (mais aussi, parfois, des et flyboard, ­document 6).
synergies) avec Al-Qaïda. Mais les combattants viennent
aussi nombreux d’Europe et de Russie (13 000 au moins).
Éléments de réponse aux questions p. 109
Synthèse Par sa logique réticulaire et ses opérations
coup de poing, Al-Qaïda suit la logique de la guerre irré- 1. Le combat depuis l’Antiquité est marqué principale-
gulière. Daech a d’abord pratiqué la guerre irrégulière, ment par l’affrontement frontal : hoplites grecs, tortues
mais sa constitution en État a contribué à rendre pos- romaines, chevaleries du Moyen Âge recherchent la
sible une guerre plus classique, conventionnelle. Ce fut prouesse au combat, acceptent une solidarité dans l’af-
d’ailleurs la raison de son affaiblissement, la bataille de frontement pour remporter la victoire lors de la bataille
Mossoul montrant l’inégalité des forces entre la coali- décisive. La mortalité au combat reste relativement
tion de ses ennemis et sa jeune armée. Malgré la déter- faible, même si les progrès de l’archerie puis de l’artil-
mination extrême de ses combattants, Daech n’a pas pu lerie augmentent la létalité. La guerre chimique traduit
empêcher la perte de ses derniers bastions et l’empri- l’entrée dans une guerre industrielle, inflige de nou-
sonnement de ses soldats. velles blessures invisibles (les poumons brûlés qui vont
fragiliser durablement les survivants, notamment au
Travailler autrement moment de la grande pandémie de grippe « espagnole »,
Le politologue insiste sur la communication entre quar- de 1919-1920). C’est aussi la fin d’une forme de respect
tiers déshérités, sanctuaires djihadistes syro-irakien et de l’ennemi, d’une sorte de code d’honneur de la guerre,
prison. Face à cela l’État doit alterner entre isolement ou puisque ces armes avaient normalement été interdites
regroupement des détenus radicalisés. par les conventions de la fin du xixe siècle.

2. Nucléaire, drones et cyberguerre transforment la


perception du métier de soldat : la guerre est menée à
p. 108-109 Grand angle distance. Les drones militaires de combat sont pilotés
depuis la côte Est américaine, la cyberguerre se mène
Comment l’innovation transforme-t-elle derrière des ordinateurs surpuissants, la guerre nucléaire
est lancée également à distance : soit à des milliers
la guerre ? de kilomètres (ICBM, IRBM), soit à des distances plus
Il s’agit dans ce dossier de mettre en lumière les innova- courtes, quand les armes sont portées par des sous-ma-
tions technologiques majeures qui ont amené à la guerre rins lanceurs d’engins (SNLM) ou des avions de combat
contemporaine, pour saisir l’influence croissante de la (type « furtifs » américains). Les soldats sont de plus en
technique sur l’issue des combats. On pourra aborder la plus rarement des experts du combat rapproché (même
poliorcétique antique, l’importance prise par l’artillerie si les commandos gardent une importance stratégique :
entre le Moyen Âge et le xviiie siècle, en passant évidem- Commando « Hubert » en France, Navy Seals américains,
ment par l’arme nucléaire depuis 1945 et les progrès de Spetznaz dans la marine russe…).
la robotique aujourd’hui.
D’art civique, la guerre devient un phénomène indus- 3. La technique a aujourd’hui encore plus d’importance
triel. La guerre a fait progresser l’industrie, habitué les que la volonté des peuples combattants. La guerre est de
États à mobiliser des ressources considérables et des plus en plus une affaire de professionnels et de moins en

THÈME 2 Axe 1 La dimension politique de la guerre 9


moins de conscrits. Les forces combattantes ne sont plus Exercice 3
qu’une fraction infime des effectifs militaires, la majorité
des soldats étant des soldats des transmissions, des tech- 1. Le document est une Une de journal, la première
niciens assurant la maintenance des armements et des page : elle annonce le sujet majeur mis en avant par la
équipements, des informaticiens chargés de la sécurité rédaction. Le 28 mai 2013, le grand journal français Le
et de la cyberguerre, etc. Monde met en avant une enquête sur l’usage des armes
chimiques par l’État syrien, et publie le premier volet de
cette longue enquête.

2. Une image est souvent plus efficace pour introduire


p. 112-113 Exercices Bac un thème : ici par des gens armés, que rien ne distingue
comme militaires, mais dont le visage est recouvert d’un
Exercice 1 masque à gaz.
Le tableau fournit un exemple de déroulé pour cette 3. La violence est montrée par les armes, le mur détruit
introduction. depuis lequel la photo est prise, et les masques à gaz,
signe de l’invisibilité de l’arme chimique.

Exercice 2 4. Le contexte militaire est celui de la guerre civile


syrienne, commencée à l’hiver 2011 par la contestation
Selon certains historiens, le xixe siècle s’achève avec la
de la dictature syrienne par une partie de la population.
Première Guerre mondiale (1914-1918) qui est à la fois
En 2013, les « rebelles syriens » affrontent une partie de
une guerre industrielle, une guerre de masse à l’échelle
l’armée restée fidèle au pouvoir du président Bachar
mondiale et une guerre totale engageant toutes les
El-Assad.
ressources des belligérants. Les progrès de l’armement
expliquent l’effroyable bilan du conflit. La Seconde 5. L’usage des armes chimiques est interdit par plusieurs
Guerre mondiale (1939-1945) pousse ces caractéris- traités internationaux. Depuis la Première Guerre mon-
tiques à leur paroxysme mais s’achève sur l’usage de diale, leur production est très réglementée par le droit
l’arme atomique qui change les paramètres de la conflic- international, mais certains États n’ont pas hésité à les
tualité. Durant la guerre froide (1947-1991), la dissuasion employer (guerre Iran-Irak, répression de l’insurrection
nucléaire et la crainte d’une destruction mutuelle assu- kurde par Saddam Hussein en Irak etc.).
rée rendent le conflit direct impossible entre les deux
Grands. Ils s’affrontent toutefois dans des conflits péri- 6. Les civils sont les premiers visés : les armes chimiques
phériques aux conséquences limitées (Corée, Vietnam, sont utilisées pour tuer des gens armés qui ne s’affrontent
Afghanistan…). La décolonisation est toutefois marquée pas à terrain découvert et qui se cachent.
par des guerres asymétriques. Le tournant du xxe-xxie
siècle est caractérisé par un nouveau désordre mondial, 7. Cette Une est spectaculaire : la photographie qui a
la multiplication des guerres asymétriques et du recours été utilisée a reçu le prix Visa d’Or, qui est la plus presti-
au terrorisme. gieuse récompense mondiale pour les photojournalistes.

THÈME 2 Axe 1 La dimension politique de la guerre 10


AXE 2 Le défi de la construction de la paix
La logique du chapitre
Cet Axe est le parallèle du précédent, mais pose un réel problème de définition, la no-
tion de paix ayant considérablement évolué au fil des siècles. Il est donc nécessaire de
bien préciser le concept (Cours) et d’évoquer les différentes étapes de la construction de
la paix (Repères) pour bien montrer les défis qui sont posés. Une chronologie générale
(Repères) permet ensuite d’illustrer les éléments théoriques de l’Axe tandis que les deux
Jalons montrent deux manières de construire la paix, soit dans le cadre de relations in-
terétatiques, soit à travers l’action d’une organisation internationale. Les époques étant
très différentes, les Jalons font chacun l’objet d’une première double page de remise en
contexte avant une analyse du processus de construction de paix.

Bibliographie
–– K. Annan, Interventions : une vie dans la guerre et dans la paix, Odile Jacob, 2013.
Kofi Annan relate ses années de mandats à la tête de l’ONU. Ouvrage très structuré et
riche en précisions et anecdotes sur les actions menées.
–– B. Durieux, J.-B. Jeangène Vilmer et F. Ramel (dir.), Dictionnaire de la guerre et de la
paix, PUF, 2017. Un dictionnaire qui est aussi une encyclopédie des conditions de la
guerre et de la paix.
–– H. Drévillon, Les Rois absolus 1629-1715, coll. « Histoire de France » dirigée par
J. Cornette, Belin, 2011. Très bonne mise en contexte (avec cartes) dans les développe-
ments consacrés au rôle de la France dans la guerre de Trente Ans.
–– Diplomatie – Les grands dossiers (numéros spécialisés) : n° 54 (« L’état des conflits
dans le monde » – décembre 2019-janvier 2020). Pour une actualisation (régulière-
ment faite par la revue) de l’état des conflits et des avancées des processus de paix
dans le monde d’aujourd’hui.
–– Questions internationales, n° 99-100, septembre-décembre 2019, « La paix – illu-
sions et réalités » Un ensemble très complet de synthèses, chronologies et articles
développant des exemples précis
–– Y. Krumenacker, La Guerre de Trente Ans, Ellipses, 2008. Un manuel clair et précis
sur le conflit.
–– F. Mestre-Lafay, L’ONU, PUF, collection « Que sais-je ? », 2013. Une étude synthétique
à la fois historique et institutionnelle sur l’ONU.
–– L’Histoire, n° 454, décembre 2018, dossier : « 1618-1648 : la guerre de Trente Ans ».
Un dossier complet, fait d’entretiens, de synthèses, d’articles et de « zooms » portant
sur des aspects spécifiques de la guerre (la figure du mercenaire, les traités de paix).

Sitographie
–– Le site du ministère des Affaires étrangères de la République française : www.diplo-
matie.gouv.fr :
–– Le site officiel de l’ONU, très riche en ressources, articles, synthèses, chronolo-
gies, etc. : https://www.un.org/fr/

p. 116-117 O u ve r t u r e p. 118-119 Re p è r e s

Éléments de réponse aux questions p. 117 Faire la paix


1. Le fait de se réunir pour échanger autour de la paix La double page associe un tableau à une chronologie
(coopération), de se réunir régulièrement (intempora- qui se complètent, en lien avec l’Axe précédent sur la
lité), et de considérer les États à égalité (multilatéra- guerre et, plus généralement, avec les connaissances
lisme), et que des diplomates spécialisés soient utilisés déjà acquises par les étudiants. Montrer tout d’abord
pour ces pratiques sont autant de similitudes sur la le processus de construction de la paix illustré par des
manière de faire la paix entre le XVIIe et le xxie siècle. exemples relatifs à des conflits étudiés par les élèves

THÈME 2 Axe 2 Le défi de la construction de la paix 11


(les deux guerres mondiales, la guerre froide, etc.) per- Document 2
met d’étudier la chronologie générale, remontant au
xviie siècle (compte tenu des Jalons proposés par le pro- Un tableau comparatif permet de bien distinguer les trois
gramme). Des illustrations mettent l’accent sur certains grands traités de 1648 et d’éviter les confusions ; on peut
temps forts, comme le Congrès de Vienne ou la création d’ailleurs souligner que le premier traité de Münster est
de l’ONU, permettant de compléter l’étude des Jalons parfois appelé « paix de Münster » pour le distinguer du
par une mise en avant des prodromes ou des consé- second. Le lien doit être fait avec les cartes 1 p. 120 et 1
quences des dynamiques de construction de paix qui y p. 122. On peut insister sur la proximité des deux villes
sont évoquées. de congrès (45 km de distance) et le fait qu’elles soient
transformées en zones neutres. Par ailleurs, la procédure
de négociation indiquée dans le tableau permet d’évo-
Éléments de réponse aux questions p. 118 quer le rôle d’intermédiaire de la papauté qui avait tout
intérêt à un règlement du conflit impliquant l’Espagne
1. De décembre 1917 à novembre 1918, une série d’ar- et le Saint Empire, les États pontificaux étant insérés
mistices met fin aux combats de la Première Guerre entre les deux. Fabio Chigi, le nonce pontifical, devien-
mondiale. De 1918 à 1920, plusieurs traités de paix sont dra ensuite pape en 1655 sous le nom d’Alexandre VII.
ensuite signés entre les différents belligérants. La créa-
tion de la SDN ainsi que de commissions de contrôle
consécutives à ces traités de paix ont pour but de faire Document 3
respecter la paix.
Le cas bien connu d’Abel Servien permet d’évoquer à
2. Les traités de paix, qui mettent les puissances victo- la fois la place prépondérante des diplomates dans
rieuses en position de force, ne laissent souvent aucune le règlement du conflit, ainsi que le rôle majeur de la
possibilité de négociation aux puissances vaincues France. La source appelle des commentaires sur les
(notamment lors du traité de Versailles). Ils engendrent exemples de grands diplomates du passé. L’image insé-
frustrations et rancœurs. rée provient de la Bibliothèque du Palais de la paix, situé
à La Haye, elle est l’œuvre du peintre flamand Anselm
3. Parmi les autres façons de mettre fin à la guerre, on van Hulle, célèbre portraitiste du xviie siècle. Elle peut
peut citer le cessez-le-feu ou la capitulation sans condi- être l’occasion d’un rappel sur le rôle passé et présent de
tions. La paix peut s’élaborer par le biais d’une confé- cette ville dans la construction et le maintien de la paix.
rence internationale associant tous les belligérants.
S’assurer de son respect peut être la tâche d’une orga-
nisation internationale, dont les contrôles et les vérifica- Document 4
tions seront par définition jugés impartiaux. Le préambule du traité de Münster d’octobre 1648 donne
un aperçu des objectifs d’un des deux traités majeurs
(avec celui d’Osnabrück) et de la façon dont a été per-
p. 120-121 Jalon 1A çue la longue période de guerre et de négociations qui
a permis d’y aboutir. L’importance accordée aux titres
Faire la paix par les traités :   et l’énumération de tous les noms des belligérants et
ambassadeurs, en insistant sur celui de Venise, peuvent
les traités de Westphalie donner lieu à des commentaires sur la logique multilaté-
Ce Jalon traite d’un sujet en général peu ou pas encore raliste qui prévaut alors.
abordé par les élèves et dont la complexité peut entraî-
ner dispersion et confusions. Il est donc indispensable de
faire une mise en contexte mais également de simpli- Éléments de réponse aux questions p. 121
fier les étapes et les enjeux de la guerre de Trente Ans. 1. Les traités de Westphalie constituent l’aboutissement
La complexité des clauses des traités de paix doit éga- de trente années de conflits entre des puissances euro-
lement être évoquée, sans pour autant entrer dans des péennes majeures et mineures. L’implication de la Suède
détails qui feraient perdre de vue les enjeux du Jalon : la (1630) et de la France (1635) ont notamment étendu et
construction d’une paix durable en Europe par une série aggravé considérablement le conflit. Le fait qu’une déci-
de traités après trente ans de guerre qui l’ont ravagée. sion ait été prise en 1643 sur l’ouverture de négociations
dans des villes spécialement consacrées à cette tâche,
montre le désir ancien et profond de régler le conflit,
Document 1 qui se prolonge pourtant par ailleurs (campagne d’Alle-
La carte construite est volontairement simplifiée, afin de magne de Turenne 1645-1648).
mettre l’accent sur les éléments nécessaires à la compré-
hension des traités de paix. On y a cependant placé, en 2. Le préambule insiste sur trois aspects majeurs du
plus des villes où ceux-ci sont élaborés, les villes les plus traité : le fait qu’il mette un terme à des années d’un
emblématiques du conflit, de son déclenchement (défe- conflit ravageur pour l’ensemble de la chrétienté ; l’im-
nestration de Prague en 1618), à ses principales batailles portance des médiateurs et du processus de négociation
(Lützen en 1632, Rocroy en 1643) jusqu’aux lieux d’ori- caractérisé par une assemblée de plénipotentiaires ; le
gine des médiateurs des congrès de paix (ambassadeur résultat de ses négociations, qui est « consenti unanime-
de la République de Venise et nonce pontifical). ment ».

THÈME 2 Axe 2 Le défi de la construction de la paix 12


3. La République de Venise semble jouer un rôle majeur Document 2
dans les négociations du traité de Münster. À lire le
préambule de celui-ci, l’ambassadeur vénitien, Alvise L’objectif de ce document est de montrer comment sont
Contarini, aurait parfaitement acquitté sa fonction de formulés et développés les articles des traités. Le traité
« médiateur », facilitée par la non-implication directe de de Münster comporte 128 articles en tout. Les coupures
Venise dans le conflit. Contarini, né en 1601, a déjà été correspondent à des précisions ou formules redondantes.
ambassadeur à plusieurs reprises en France, en Espagne Article LXIV : « et dans la possession de toutes ces choses
et au Vatican lorsqu’il est nommé par la République de en vertu de la présente transaction » et article LXV :
Venise. Il sera ensuite élu doge de Venise en 1676. De « construire au nom du public des forteresses nouvelles
même que le nonce pontifical, Contarini a fait égale- dans les terres des États, ou renforcer les anciennes gar-
ment valoir lors de ces négociations l’opinion de puis- nisons ».
sances non directement impliquées dans le conflit, ce
qui montre le désir général de paix en Europe.
Document 3
4. Le cas d’Abel Servien montre le rôle essentiel des L’analyse de Herfried Münkler est extraite d’un long
plénipotentiaires dans le règlement du conflit. Mais le entretien accordé en décembre 2018 à la revue L’His-
pouvoir de ceux-ci est d’abord lié au soutien de leur toire, complet et éclairant sur les enjeux et la postérité
gouvernement. Abel Servien bénéficie du soutien du du conflit. Herfried Münkler est professeur de sciences
cardinal Mazarin, alors principal ministre de la régente politiques à l’Université Humboldt de Berlin et l’auteur
Anne d’Autriche et du jeune Louis XIV, dont la vision des d’un ouvrage sur la guerre de Trente Ans publié en 2017,
négociations et de la place de la France est plus euro- sous-titré « Catastrophe européenne, traumatisme alle-
péenne que celle de son prédécesseur Richelieu. Servien mand » (Der Dreissigjährige Krieg. Europäische Katas-
doit par ailleurs faire face à une opposition interne au trophe, deutsches Trauma, 1618-1648, Rowohlt, 2017).
sein de la délégation française, dont il ne se défait qu’en
1648, ce qui montre à la fois le pouvoir dont disposent
les plénipotentiaires et la précarité de leur fonction. Document 4
Les célébrations des traités de paix ont été très nom-
Synthèse Les traités de Westphalie sont le résultat d’un breuses dans le Saint Empire. Dès leur signature, des
processus entamé cinq années plus tôt. Celui-ci débute petites brochures relatent l’événement et résument l’es-
par un accord des belligérants sur l’ouverture d’un sentiel des clauses, saluant une victoire de la paix. Cette
congrès de paix. Ce congrès intègre les plénipotentiaires gravure allégorique permet d’évoquer la forte dimen-
de presque tous les États belligérants et se fait selon des sion religieuse qui caractérise l’Europe d’alors (la paix
modalités précisément élaborées permettant d’aboutir « chrétienne »). L’expression latine en haut de la gravure
en 1648 à la signature de traités consensuels que sont peut se traduire ainsi : « Le triomphe de la paix d’Os-
les traités de Westphalie. nabrück et de Nuremberg esquissé tout au plus en un
chant héroïque ».
Travailler à l’oral
Les conflits actuels du Proche et du Moyen-Orient consti-
tuent un bon exemple d’empilements de conflits. On y Éléments de réponse aux questions p. 123
retrouve, comme dans la guerre de Trente Ans, une
dimension constitutionnelle (la guerre civile syrienne 1. Les modifications territoriales entraînées par les trai-
remettant en cause la direction du pays), confession- tés sont somme toute modestes et elles se font pour l’es-
nelle (tensions entre chiites et sunnites), hégémonique sentiel au détriment du Saint Empire, qui a été l’espace
(quel pays, de l’Iran, de l’Arabie saoudite ou de la Tur- le plus touché par la guerre et aussi le plus propice à des
quie, dominera cet espace ?) et enfin frontalière, puisque modifications territoriales, compte tenu de sa structure
les revendications de « l’État islamique » remettent confédérale. Les royaumes de Suède et de France agran-
en question en profondeur les frontières héritées des dissent légèrement leurs possessions, tandis qu’un nou-
accords Sykes-Picot de 1916. vel État prend de l’importance au sein du Saint Empire :
l’Électorat de Brandebourg-Prusse.

2. La gravure célèbre un « triomphe de la Paix », qui


p. 122-123 Jalon 1B associe une imagerie chrétienne (l’ange de la paix) et
mythologique dite « païenne » (Mars et d’autres divinités
gréco-latines visibles sur la gravure, tels Ceres, déesse
Document 1 des moissons, au premier plan). Les deux traités sont
Cette carte est à mettre en parallèle avec celle de la associés, car ils sont élaborés et signés dans le même
double page précédente. La légende a été construite esprit, celui d’une paix générale et durable.
afin de mettre en évidence la modestie des changements
territoriaux à l’issue de la guerre de Trente Ans, ceux-ci 3. Le traité de Münster donne aux princes (à savoir les
étant indiqués par des flèches noires. On peut toutefois dirigeants des différents territoires, quels que soient
indiquer que les décennies de guerre ont aussi été mar- leurs titres, laïcs ou religieux) du Saint Empire des liber-
quées par des changements territoriaux dans les empires tés supplémentaires. Ces articles évoquent un droit de
sans lien direct, comme la séparation du royaume du participer aux décisions touchant les affaires de l’Em-
Portugal de l’Espagne en 1640. pire, ainsi que la possibilité de contracter entre eux des

THÈME 2 Axe 2 Le défi de la construction de la paix 13


alliances pour leur sécurité. La seule restriction en la générale » devant l’ensemble des États reconnus par
matière est que ces alliances ne doivent pas se faire dans l’ONU.
le but de nuire à l’Empire ou à l’Empereur.

4. Les traités de Westphalie ont donné aux États euro- Document 2


péens une pleine souveraineté, en ce sens qu’ils ont La traditionnelle carte des opérations de maintien de la
amené au respect du principe frontalier. Ils instaurent paix a été conçue d’après le site officiel des opérations
une situation simple, qui précise l’état de guerre et de de maintien de la paix de l’ONU, de manière à associer
paix, lesquels doivent être clairement et juridiquement plusieurs indications : un recensement des principales
formulés. « L’ordre westphalien » se traduit par le respect missions, la catégorie à laquelle elles se rattachent, leur
accordé à des processus de négociations, qui doivent degré d’achèvement (en 2006 et non aujourd’hui) et leur
associer l’ensemble des États belligérants et veiller à chronologie. Notons que la mission en Érythrée/Éthiopie,
n’en léser aucune, sous peine de voir menacée la durabi- lancée en 2000 puis achevée officiellement huit ans
lité de la paix qui en résulte. plus tard, est un cas unique, puisqu’elle est la seule mis-
sion indiquée lancée sous Kofi Annan et achevée peu
Synthèse Les traités de Westphalie, signés au terme de après la fin de son mandat. Elle s’y rattache néanmoins
nombreuses années de négociations, semblent faire ­pleinement.
émerger une paix équilibrée et durable. Les belligérants
sont tous associés aux traités et le signent, les cessions
territoriales sont peu nombreuses, l’accent est mis sur les Document 3
libertés à l’intérieur de l’Empire, aucun vainqueur n’est
proclamé. Seule la paix « chrétienne » triomphe et est Cet article de journal permet de mettre en évidence
célébrée. l’état d’esprit qui règne sous Kofi Annan, notamment
lors d’un événement particulièrement éprouvant pour
Travailler autrement l’organisation : un attentat terroriste et meurtrier contre
Une paix équilibrée et durable sur le modèle westpha- une représentation de l’ONU. Cela permet de battre en
lien se construit en respectant les principes suivants : brèche l’idée reçue selon laquelle les fonctionnaires de
l’ONU restent dans leur « tour d’ivoire » new-yorkaise et
–– l’organisation de conférences de paix dans des terri- n’ont pas d’appréciation réelle de ce qui se passe sur
toires sanctifiés et dont la durée peut être très longue ; le terrain.
–– un statut équivalent accordé à tous les belligérants,
qui sont tous invités à la table des négociations ;
–– un résultat équilibré ; Éléments de réponse aux questions p. 125
–– l’absence de proclamation de « vainqueurs » et de
« vaincus » au terme des négociations. 1. Kofi Annan prend ses fonctions à la suite du mandat
unique de l’Égyptien Boutros Boutros-Ghali (1992-1996),
dont la mandature a été marquée par deux gros échecs,
l’ONU ne parvenant pas à ramener la paix en ex-You-
p. 124-125 Jalon 2A
goslavie et au Rwanda. L’ONU a donc perdu en crédibi-
lité, après avoir été véritablement ressuscitée lors de la
Faire la paix par la sécurité collective : guerre du Golfe. On peut souligner le rôle clé des États-
l’ONU sous Kofi Annan (1997-2006) Unis durant ces années : respect de l’ONU et de ses pro-
cédures lors de la présidence Bush (1989-1993), puis sous
Ce Jalon vise à donner un aperçu de la notion de sécu-
Bill Clinton (1993-2001), absence de soutien à Boutros-
rité collective dans la construction de la paix à travers
Ghali (davantage vu comme proche de la France) et mise
une période courte mais intense : les deux mandats de
en avant de Kofi Annan, issu d’un pays anglophone.
Kofi Annan à la tête de l’ONU. Le premier volet de ce
Jalon insiste donc sur la mise en contexte dans lequel 2. On recense en tout 14 opérations lancées, 8 opérations
s’effectuent les actions de l’ONU. Le second volet donne poursuivies et 9 achevées pendant les deux mandats de
un bilan des actions de l’ONU exclusivement axé sur les Kofi Annan. Notons que l’on peut ranger plusieurs opé-
questions directement relatives à la paix. Le choix a donc rations dans deux catégories (lancées/achevées) et que
été fait de privilégier certains thèmes (rôle des Casques certaines sont lancées, achevées puis « relancées », elles
bleus, du Conseil de sécurité) au détriment, par exemple, sont ainsi comptabilisées trois fois (Haïti).
des questions de développement.
3. Kofi Annan estime que l’action multilatérale est fidèle
à l’esprit des fondateurs de l’ONU, à la fin de la Seconde
Document 1
Guerre mondiale, et qu’elle est le seul moyen de garan-
Un extrait de discours de Kofi Annan est indispensable tir une mondialisation profitable à tous, ainsi que de
dans ce Jalon. Il s’articule avec la notice biographique permettre le développement, de se protéger des catas-
située au-dessus et peut donner lieu à des développe- trophes environnementales et sanitaires, d’empêcher
ments sur le lieu et l’occasion du discours. L’ouverture les dérives criminelles d’un monde ouvert et de prévenir
d’une Assemblée générale est un moment très forma- le terrorisme. Kofi Annan prononce ce discours presque
lisé et, même s’il ne suscite guère l’attention des médias un an jour pour jour après les attentats terroristes du
internationaux, constitue pour le Secrétaire général l’oc- 11 septembre 2001, qui ont placé la lutte antiterroriste
casion d’une sorte de déclaration annuelle de « politique au premier plan des sujets traités par la communauté

THÈME 2 Axe 2 Le défi de la construction de la paix 14


internationale. En 2002, les États-Unis perdent confiance constater que deux guerres consécutives ou entraînées
dans le multilatéralisme et songent de plus en plus à une par des indépendances ont été à l’origine des pertes les
action militaire contre l’Irak qui se passerait d’un accord plus importantes.
du Conseil de sécurité de l’ONU.

4. Cet attentat a lieu quelques mois après la guerre en Document 4


Irak menée par une coalition internationale dirigée par Cette photographie a un triple objectif : elle permet tout
les États-Unis, laquelle n’a pas reçu l’aval du Conseil d’abord de montrer la solennité des débats au Conseil de
de sécurité, à la différence de la guerre d’Afghanistan sécurité, avec la procédure traditionnelle de vote à main
menée à l’automne 2001. La coalition occupe alors l’Irak levée par les ambassadeurs des pays concernés. Elle
et l’ONU a été appelée à contribuer à la reconstruction peut être replacée dans un contexte spécifique, celui des
politique et économique du pays. L’article met ainsi en lendemains de la guerre en Irak (l’occasion d’évoquer
évidence le rôle essentiel de l’ONU au lendemain des le célèbre discours du ministre des Affaires étrangères
guerres et les dangers qu’y encourent ses envoyés. français Dominique de Villepin au Conseil de sécurité du
14 février 2003). L’ambassadeur visible sur la photogra-
Synthèse De 1997 à 2006, les relations internationales phie est à cette époque Jean-Marc de La Sablière.
dans le monde sont marquées par un glissement d’un
multilatéralisme dégradé à l’unilatéralisme, accéléré
après les attentats du 11 septembre 2001. Ce contexte Document 5
difficile pour l’ONU n’empêche pas une grande variété
Ce document a pour but de mettre en avant un contingent
d’actions pour la paix : des appels à l’action multilaté-
de Casques bleus extra-européen, pour bien insister sur
rale, seul moyen pour préserver la paix selon Kofi Annan,
la dimension internationale de cette force. On peut noter
des opérations de maintien de la paix de différents types,
à ce sujet que la Thaïlande est un pays largement pour-
qui vont de l’observation à la reconstruction.
voyeur de Casques bleus (envoyés également au Burundi
Travailler autrement à la même époque). La mission au Timor oriental, qui
Il est conseillé de travailler plutôt sur les missions en Irak accède à l’indépendance sous le second mandat de Kofi
et au Koweït (1991-2003), en raison du contexte souvent Annan, est un exemple complet d’actions menées par
bien connu, ou au Sierra Leone (1998-2005), en raison de l’ONU à cette époque.
l’évolution des objectifs de la mission. Le site officiel des
opérations de la paix de l’ONU (peacekeeping.un.org)
donne à ce sujet d’intéressantes précisions.
Éléments de réponse aux questions p. 127
1. Les documents montrent que l’ONU s’est retrouvée
confrontée à des obstacles internes dans ses actions
pour la paix entre 1997 et 2006. Ainsi, au Conseil de
p. 126-127 Jalon 2B
sécurité, des puissances comme les États-Unis ont pré-
féré s’affranchir de son approbation, d’autres n’ont pas
Document 1 souhaité l’élargissement du Conseil ou le partage de
Le schéma du Conseil de sécurité a été enrichi des pro- leur siège. Au sein de l’ONU, des affaires de corruption et
positions de réformes évoquées sous Kofi Annan. On peut une certaine perte de moral après l’attentat de Bagdad
noter à ce sujet que celles-ci sont parfois antérieures à en 2003 ont également miné la tâche de l’ONU.
son mandat, tels l’élargissement du Conseil de sécurité, 2. Le Conseil de sécurité est en quelque sorte l’instance
évoqué depuis 1992. Le schéma permet également de suprême de l’ONU. Il est à l’origine de milliers de réso-
préparer la simulation de réunion du Conseil de sécurité lutions approuvant, désapprouvant, encourageant ou
évoquée dans la rubrique « Travailler autrement » sur la condamnant les affaires internationales. Afin de mainte-
page suivante. nir ou de restaurer la paix, le Conseil de sécurité peut
décider de l’envoi d’une force armée internationale, les
Casques bleus.
Document 2
Le bilan de l’action de Kofi Annan présenté à la fin de son 3. Les Casques bleus sont constitués de contingents
second mandat dans cet article du Monde présente l’in- d’armées nationales mis à disposition pour le temps
térêt supplémentaire d’être illustré et enrichi des propos d’une mission par les États membres de l’organisation.
de son adjoint à l’information. Ce regard de l’intérieur, Depuis 1948 (date de la première mission impliquant
à la fois lucide et optimiste, porte sur les opérations des Casques bleus), plus d’un million de soldats ont servi
menées et sur le fonctionnement de l’institution. l’ONU, fournis par 43 États différents. En 2019, 3 500 y ont
perdu la vie, ce qui montre leur degré d’exposition au
danger lors des opérations de maintien de la paix.
Document 3
Le bilan des Casques bleus morts en opération invite
à comparer les pertes entre 1997 et 2006 avec celles
des décennies antérieures. On peut ainsi faire le lien
avec deux conflits antérieurs à l’arrivée de Kofi Annan
à la tête du secrétariat général. Les élèves peuvent ainsi

THÈME 2 Axe 2 Le défi de la construction de la paix 15


Synthèse Le tableau est élaboré à partir des documents de la double page, conformément au but de l’exercice.

Exemple d’action
Succès Échec (+ raisons)
pour la paix
Mission en Irak X (Maintien de la présence de l’ONU malgré Attentat de 2003 à Bagdad affaiblissant
après la guerre de l’attentat de Bagdad, renforcement de la cohésion la présence de l’ONU
2003 internationale autour de l’organisation)

Mission X
de reconstruction
au Timor
Prévention X Guerre menée en Irak en 2003 par une
des conflits coalition internationale sans l’aval du Conseil
de sécurité
Réforme du Conseil X Opposition de membres permanents
de sécurité du Conseil de sécurité à toute réforme
Ensemble X Reconnaissance internationale (prix Nobel
des actions menées de la paix 2001)
à la fin du xxe siècle

Travailler à l’oral –– maintien : peut signifier la prévention, le rétablisse-


La séance du Conseil de sécurité peut s’organiser en par- ment ou/et le maintien de la paix stricto sensu (après un
tageant les rôles : état de guerre).
–– un président de séance qui présente la situation de –– paix internationale : paix entre les États
crise et le projet de résolution, lequel peut ensuite être 2.
amendé par les États membres ;
–– 15 représentants des États au Conseil de sécurité (les –– Conditions de création de l’ONU : quelques mois avant
représentants des membres permanents jouent un rôle la fin de la Seconde Guerre mondiale, dans le cadre d’un
essentiel) ; nouvel ordre international à établir après-guerre.
–– un secrétaire de séance. –– Objectifs : « préserver les générations futures du fléau
de la guerre » (Charte fondatrice de 1945).
–– Moyens d’action : des organismes spécifiques, les
p. 130-131 Casques bleus, l’influence que peut exercer le Secrétaire
Exercices Bac
général et les fonctionnaires de l’ONU dans le cadre de
la diplomatie internationale.
Exercice 1 –– Succès : limités dans la guerre froide, plus nombreux
1. Définir les termes suivants : ensuite.
–– ONU : Organisation des nations unies, organisation –– Échecs : incapacité à maintenir la paix dans certaines
internationale fondée au lendemain de la Seconde régions ou à empêcher certaines guerres de coalition.
Guerre mondiale dans le but de défendre la paix. –– Limites : internes (lourdeur de l’administration) et
externes (pression et domination de grandes puissances
dans l’action internationale).

3.
Moyens et actions de l’ONU
De 1945 à 1991 : de la fin de la Seconde Guerre Organisation souvent paralysée après 1953 et le veto
mondiale à la fin de la guerre froide systématique des deux Grands
De 1991 aux années 2000 : un monde unipolaire « Renaissance » de l’ONU, dans un monde davantage
(les États-Unis « hyperpuissance ») multilatéraliste (projet de New World Order du Président
G. H. Bush 1989-1993)
Depuis la fin des années 2000 : un monde multipolaire Action de l’ONU importante mais dépassée par des puissances
qui veulent s’affranchir de son approbation et remettent en cause
sa capacité d’action

THÈME 2 Axe 2 Le défi de la construction de la paix 16


Exercice 2
Étapes et principales actions de la carrière Grandes évolutions dans les relations
de Kofi Annan internationales
Avant sa nomination Différents postes au sein de l’ONU, jusqu’à celui • Jusqu’en 1991 : guerre froide
comme Secrétaire de Vice-Secrétaire général en 1993 • De 1991 à 1996 : temps de « l’hyperpuissance »
général américaine
Comme Secrétaire • Multiplications des missions de paix réussies Multilatéralisme dégradé, de façon de plus
général de 1997 • Soutien à la réforme du Conseil de sécurité et en plus rapide à partir de 2002 (rappeler que
à 2003 (identifier à l’action multilatérale la guerre d’Afghanistan en 2001 s’est faite
une date charnière) • Création d’une Cour pénale internationale avec l’aval du Conseil de sécurité de l’ONU)
(1998)
→ obtention du prix Nobel de la paix en 2001

Comme Secrétaire • Soutien à la reconstruction de l’Irak Unilatéralisme : les États-Unis s’affranchissent


général de 2003 • Poursuite des missions de paix engagées, de plus en plus des actions de l’ONU
à 2006 nouvelles missions

Exercice 3
1. Les principales puissances alliées sont : la France, le 2. Il s’agit de l’Alsace-Moselle (couramment désignée
Royaume-Uni, l’Italie, le Japon et les États-Unis (consi- sous le terme « Alsace-Lorraine »).
dérées comme « puissance associée »).
3.
Mesures destinées à réparer Mesures visant à réprimer Mesures visant à empêcher
les dommages de la guerre l’État vaincu le retour d’un conflit généralisé
Articles Art. 51, 119, 232 Partie II Préambule
concernés Art. 42, 43, 51, 119, 160, 198, 231 Partie I
(éventuellement art. 42, 43, 160
et 198)
Termes « réparés tous les dommages », « l’Allemagne le reconnaît, « une paix solide, juste et
employés « territoires […] réintégrés dans l’Allemagne et ses alliés sont durable »
la souveraineté française », responsables » « garantir la paix et la sécurité »
« l’Allemagne renonce en « il est interdit à l’Allemagne »
faveur… »

4. L’Allemagne est considérée comme l’unique respon- 6. Les articles 160 et 198 ne seront pas respectés. Dès
sable de la guerre. Elle doit par conséquent payer des le début des années 1920, l’armée de la République de
réparations aux États qu’elle a combattus. Weimar, la Reichswehr, met en place un programme
d’entraînement et de réarmement afin de recréer une
5. L’Allemagne perd ses différentes colonies (Rwanda, armée plus puissante dans un futur indéterminé. Toute-
Burundi, Cameroun) et ses concessions et territoires à fois, l’armée de l’air (Luftwaffe) n’est officiellement créée
bail en Chine (Qingdao). qu’en 1935.

THÈME 2 Axe 2 Le défi de la construction de la paix 17


ÉTUDE CONCLUSIVE
Le Moyen-Orient :
conflits régionaux et tentatives de paix

La logique du chapitre
Le Moyen-Orient demeure la région du monde la plus fracturée depuis la fin de la
guerre froide. Ce chapitre a pour but de présenter les nombreux acteurs impliqués dans
­l’organisation passée (depuis 1948) et actuelle du Moyen-Orient : États ou nations de
la région, États extérieurs, groupes armés, milices, qui se confrontent pour des causes
économiques, idéologiques ou énergétiques. L’articulation des échelles nationale,
­régionale et mondiale explique pourquoi l’ONU et les États-Unis ont tenté d’y prendre
le rôle de médiateurs pour le maintien de la paix.
Deux Jalons organisent le chapitre autour des deux conflits moteurs de la transfor-
mation du Moyen-Orient : le conflit israélo-arabe et palestinien, et les deux guerres du
Golfe et leurs prolongements.

Bibliographie
–– P. Blanc et J.-P. Chagnollaud, Atlas du Moyen-Orient : Aux racines de la violence,
Autrement, octobre 2019.
–– P. Blanc, J.-P. Chagnollaud, et S. A. Souiah, Atlas des Palestiniens, Autrement, 2017.
–– F. Encel, Atlas géopolitique d’Israël, Autrement, 2018 (nouvelle édition).
–– G. Corm, Le Proche-Orient éclaté, Tomes 1 et 2, La Découverte, 2012.
–– A. Dufay, Géopolitique du Proche-Orient, coll. « Que sais-je ? », PUF, 2013.
–– A. Gresh, Israël, Palestine, vérités sur un conflit, Pluriel, 2017.
–– A.-C. Larroque, Géopolitique des islamismes, coll. « Que sais-je ? », PUF, 2016.

Sitographie :
Le dessous des cartes :
–– « Jordanie, la discrète du Moyen-Orient », 22 février 2020
https://www.youtube.com/watch?v=5vm86obhQ7I
–– « Comprendre les guerres du Moyen-Orient », 22 novembre 2016
https://www.youtube.com/watch?v=tu1Yvxf4fcQ
Les experts du dessous des cartes, Arte :
–– 4 mars 2020, Hamit Bozarslan, « Trump et le Moyen-Orient »
https://www.youtube.com/watch?v=qVhtyVfKf_Q
–– Octobre 2019 : Anne-Clémentine Larroque, « Existe-t-il plusieurs islamismes ? »
https://www.youtube.com/watch?v=SnBfjbVlT8w
–– Novembre 2018 : Léïla Seurat et Frédéric Encel, « Israël-Palestine : deux États ? »
https://www.youtube.com/watch?v=Dku7dUJ07VQ

p. 134-135 O u ve r t u r e l’État d’Israël et la nation palestinienne, représentée


par l’instance politique de l’OLP (Organisation de libéra-
tion de la Palestine). Les deux figures emblématiques de
Éléments de réponse aux questions p. 134 l’exécutif palestinien et israélien, le chef de l’OLP Yasser
1. Les accords d’Oslo sont signés en 1993, à une époque Arafat et le Premier ministre Yitzhak Rabin, entourent
où le monde, sorti de la bipolarité de la guerre froide, de chaque côté Bill Clinton, tandis que le ministre des
devient multipolaire. La présence de Bill Clinton, Pré- Affaires étrangères israélien Shimon Pères (le futur Pre-
sident des États-Unis, illustre la portée internationale mier ministre et Président d’Israël) signe les accords.
de ce conflit ; il se situe d’ailleurs au centre de l’image.
On notera le lieu de la signature de ces accords : Oslo,
Éléments de réponse aux questions p. 135
capitale de la Norvège, État européen sans être inté-
gré à l’UE, montrant cette dimension mondiale. L’enjeu 1. Les poupées Matriochka, de tradition russe, repré-
régional est illustré par la présence des deux acteurs sentent ici les effigies de deux figures ennemies des
géopolitiques ennemis depuis 1948 au Moyen-Orient : Américains au Moyen-Orient : le Président Saddam Hus-

THÈME 2 Étude conclusive Le Moyen-Orient : conflits régionaux et tentatives de paix 18


sein (déposé en 2003) et Oussama Ben Laden, chef du 2. Même si l’islam y est majoritaire, on peut effective-
groupe terroriste Al-Qaïda. Le premier est irakien et le ment dire que le Moyen-Orient demeure une mosaïque
second saoudien, ils sont arabes et sunnites et entourent religieuse qui concentre les berceaux des trois grands
ici leur ennemi américain le Président George W. Bush. monothéismes : le judaïsme, la chrétienté et l’islam.
L’Est de l’Europe affiche ainsi des figures tutélaires qui Jérusalem-Est compte les trois lieux saints de ces trois
s’opposent aux yeux du monde entier depuis les atten- religions : le mur des Lamentations, le Saint-Sépulcre et
tats du 11 septembre 2001, notamment avec l’invasion la mosquée Al-Aqsa. L’Arabie Saoudite et l’Irak abritent
américaine de l’Afghanistan en 2001 (où Ben Laden crée les autres lieux sacrés des musulmans.
Al-Qaïda) et celle de l’Irak en 2003. La portée mondiale Notons que chaque religion comporte elle-même des
de ces événements est encore présente malgré l’exécu- branches différentes et des courants hétérodoxes : le
tion de Saddam Hussein par pendaison le 30 décembre chiisme en islam est lui-même divisé entre zaydites au
2006 et celle d’Oussama Ben Laden lors du raid des Yémen, duodécimains en Iran et au Liban ou alaouites
forces spéciales américaines le 2 mai 2011 au Pakistan en Syrie. Les juifs plus concentrés en Israël se divisent
(à côté d’Abbottabad). entre Ashkénazes et Séfarades. Dans le monde chrétien,
les chrétiens d’Orient par exemple sont représentés par
2. Sur les deux documents, les Présidents américains
les communautés maronites et les coptes (Égypte) par
Bill Clinton et George W. Bush se trouvent au centre de
exemple.
l’image, pourtant ce sont les seuls individus non origi-
naires du Moyen-Orient puisque nés Américains. Les 3. Les puissances ottomane, italienne, russe sont pré-
États-Unis d’Amérique jouent un rôle de pacificateur sentes avant la Première Guerre mondiale. Les Ottomans
avec Bill Clinton et de gendarmes du monde dix ans ont déployé leur califat et sultanat sur une partie du
plus tard avec George W. Bush. Dans les deux cas, leur monde arabe depuis le xve siècle, tandis que les Russes
intervention au Moyen-Orient paraît décisive d’après sont présents au nord-ouest de l’Iran de manière plus
ces images. ou moins approfondie depuis le début du xixe siècle. Les
Italiens sont présents en Libye (monde arabe et musul-
man mais non moyen-oriental) à partir du xixe siècle et
conquièrent Tripoli en 1911.
p. 136-137 Re p è r e s
À l’exception de l’Égypte, les Anglais et les Américains
sont peu présents au Moyen-Orient avant la Grande
Le Moyen-Orient en 1918 Guerre mais ils y implantent des majors pour exploiter le
Afin de comprendre les transformations du Moyen- pétrole, à partir de la Perse.
Orient de 1948, la recontextualisation de la région est Après le conflit, Anglais et Français s’arrogent le nord
nécessaire à partir de la dislocation de l’Empire ottoman. de la péninsule Arabique et y fondent des mandats au
D’abord, les délimitations de la zone concernée néces- sein desquels de futurs États sont délimités. Les Anglais
sitent de présenter le monde arabe et de faire la dis- occupent la zone sud (Transjordanie, Palestine et Irak) et
tinction entre le Moyen et le Proche-Orient. La diversité les Français la zone nord (Grand Liban et Syrie).
religieuse y apparaît sur le schéma et la carte p. 136. La
religion majoritaire est l’islam, divisé entre sunnites et
chiites, mais les lieux saints juif et chrétien se trouvent
aussi à Jérusalem. p. 138-139 Re p è r e s

La carte historique p. 137 souligne les mutations ter- Sionisme et panarabisme


ritoriales de la zone liées aux dislocations internes
(fin de l’Empire ottoman et revendications nationales) Ces Repères permettent de remettre en perspective les
comme aux colonisations des puissances extérieures, à principaux acteurs et événements préfigurant le conflit
la fin de la Première Guerre mondiale et au début des israélo-arabe. Les deux idéologies, sionisme et panara-
années 1920. bisme, sont présentées grâce aux biographies de l’Israé-
lien David Ben Gourion et de l’Égyptien Gamal Abdel
Nasser. La carte historique du plan de partage permet
Éléments de réponse aux questions p. 137 d’insister auprès des élèves sur la cause principale du
conflit. Une frise chronologique répartit les événements
1. Sur les documents de la page 136, on voit que l’islam,
principaux (origines et confrontations) en trois colonnes
né en Arabie, est la religion d’une majorité d’Arabes
selon les acteurs qui les ont incarnés : les Juifs, les Britan-
mais l’islamisation explique que des peuples non arabes
niques et les Arabes.
comme les Turcs ou les Iraniens sont majoritairement
musulmans. Le monde musulman est donc plus étendu Ajout pour la carte historique sur le plan de partage :
que le monde arabe. ce plan, adopté le 29 novembre 1947 par le Comité spé-
cial des Nations unies sur la Palestine créé par l’ONU, est
La vision française du Proche-Orient correspond à une
approuvé par cette dernière à New York. Ce plan a été
zone plus réduite que le Moyen-Orient. Historiquement,
refusé par les Palestiniens.
les Européens ont été davantage en lien avec cette zone
voisine, tandis que le sud de la péninsule Arabique et les
territoires du golfe Persique demeurent plus lointains.
Le Moyen-Orient inclut des territoires disparates qui
Éléments de réponse aux questions p. 138
ont formé une région carrefour entre l’Asie, l’Europe et 1. Avec la déclaration Balfour en 1917, la puissance bri-
l’Afrique. tannique encourage la création d‘un « Foyer national

THÈME 2 Étude conclusive Le Moyen-Orient : conflits régionaux et tentatives de paix 19


juif » en Palestine, reconnue comme un territoire com- les Américains et l’ONU vont tenter de mener les belligé-
posé d’Arabes et d’une nation juive mais elle incite aussi rants vers un accord de paix, obtenu en 1993 à Oslo mais
les Arabes à se révolter contre les Ottomans (à la tête celui-ci ne règle pas les dossiers sensibles qui rendent le
du monde musulman) en 1916-1918, leur promettant la conflit encore bien réel aujourd’hui.
création d’un grand État indépendant sous la houlette de
la famille hachémite descendante du Prophète Maho-
met. Elle adopte une troisième position plus secrète en Document 1
proposant aux Français de se partager le Proche-Orient On notera la transformation du nom de Transjordanie en
libéré de la tutelle ottomane après la guerre. Ainsi, les Jordanie. Ces noms, tout comme celui de la Cisjordanie,
Britanniques adoptent une position triple invitant Arabes sont des dérivés du Jourdain, fleuve qui sépare la Pales-
et nation juive à s’émanciper. tine, Israël et la Jordanie.
2. La déclaration de Lord Balfour et la conférence de
San Remo plaçant les provinces arabes sous mandat bri-
tannique et français, ont fait naître un sentiment d’injus-
Document 2
tice dans la population palestinienne arabe vis-à-vis du Cette lettre est extraite de la correspondance mouve-
traitement des Juifs. Pourtant, en 1922, le premier Livre mentée établie entre David Ben Gourion et le général
blanc des Britanniques concède aux Palestiniens un terri- de Gaulle. Le Général reçoit à deux reprises le chef de
toire plus grand et réduit celui du foyer juif. Malgré cela, l’État en 1960 et 1961 et leurs relations sont plutôt cor-
les Palestiniens franchissent un pas avec le massacre diales, mais la guerre des Six Jours marque une rupture
commis dans la ville d’Hébron (en Palestine mandataire) diplomatique automatique du côté français. David Ben
le 24 août 1929. Ils tuent plusieurs centaines de Juifs et Gourion attaché au soutien de la France n’est plus au
pillent foyers et synagogues. Ils suspectaient les sionistes pouvoir depuis 1963, il tente par cette lettre de légiti-
de vouloir mettre la main sur les tous les lieux saints de mer sa position auprès du Président de Gaulle. Ce der-
Jérusalem-Est. En 1936, des révoltes éclatent dans tout le nier lui répondra en lui expliquant son désaccord le
monde arabe contre les Britanniques jugés impérialistes. 30 décembre 1967.
Le grand État arabe promis par ces derniers n’a jamais
été créé. Malgré des concessions multiples et un troi-
sième Livre blanc favorisant les Palestiniens, la situation Document 3
s’enlise. Après la Seconde Guerre mondiale, les Britan-
La carte historique de la crise de Suez permet d’insister
niques honnis, évacuent la Palestine. Les Nations unies
sur l’internationalisation des crises au Moyen-Orient. Il
reprennent le dossier jusqu’à la proclamation d’Israël en
est nécessaire de rappeler le contexte de guerre froide
1948. De son côté, le discours sioniste s’intensifie à partir
et les conséquences de la crise de Suez sur les puissances
de 1929 et un sentiment anti-arabe s’adjoint à un natio-
européennes : la France et la Grande-Bretagne sont relé-
nalisme virulent pour la création d’un État juif.
guées au statut de puissances moyennes.

3. Les deux idéologies sioniste et panarabe souhaitent


la défense d’une nation y compris si elle doit se faire aux Document 4
dépens des autres. Ces nations, juive ou arabe, se fondent
sur l’idée d’une culture à préserver. Le document 4 peut être mis en lien avec l’actualité :
45 % de la population jordanienne actuelle est com-
Si les sionistes souhaitent la constitution d’un seul État posée de ressortissants originaires de Palestine. Cette
dont le territoire est délimité au Moyen-Orient, le pana- donne a orienté la politique régionale du roi Hussein et
rabisme prône une union internationalisée des États de son fils Abdallah II d’abord en faveur de l’OLP puis au
arabes qui dépasse la péninsule Arabique avec l’intégra- début des années 2000 à l’inverse.
tion du Maghreb. Aussi, le vecteur principal de l’idéologie D’après le gouvernement jordanien les réfugiés syriens
sioniste demeure la religion juive alors que le panara- seraient 1,3 million, soit 20 % de la population des suites
bisme s’appuie sur l’arabité et non l’islam, puisque sa de la guerre en Syrie depuis 2011.
doctrine est laïque, proche des socialistes. Les islamistes
comme les Frères musulmans en sont d’ailleurs exclus.
Document 5
Cette photographie peut être mise en lien avec les deux
p. 140-141 Jalon 1A
iconographies d’ouverture de l’étude conclusive. La pré-
sence américaine représentée par le Président Carter est
Du conflit israélo-arabe au conflit symboliquement intéressante et prélude à la position
israélo-palestinien hégémonique du pays dans la région, que l’on retrouve
Ce jalon a pour but d’appréhender les modalités mul- sur les images des pages 134-135.
tiples du conflit israélo-palestinien, d’abord ancré sur
une opposition d’Israël avec les États de la Ligue arabe,
que l’État juif provoque tous azimuts en jusqu’à la fin
Éléments de réponse aux questions p. 141
des années 1970. Ensuite, la position unanime des États 1. Comme il a été vu dans les pages Repères, la lutte
arabes fléchit (Égypte, Jordanie notamment) grâce à l’in- entre les sionistes et les Arabes commence dès le début
tervention américaine à Camp David et le conflit se res- du xxe siècle. À l’issue du second conflit mondial, le ter-
serre entre Israël et la Palestine. Malgré deux intifadas, ritoire réparti entre Israéliens et Palestiniens génère des

THÈME 2 Étude conclusive Le Moyen-Orient : conflits régionaux et tentatives de paix 20


tensions suite au plan de partage onusien que les Pales- Travailler autrement
tiniens refusent. À peine l’État d’Israël est-il fondé, que la On insistera sur la nouvelle donne que représente l’ini-
première guerre israélo-arabe survient et aboutit à l’an- tiative du Président Sadate. Il conviendra de rappeler aux
nexion de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est par l’État élèves l’évolution des relations américano-égyptiennes
juif. et notamment l’aide militaire considérable apporté par
les États-Unis à l’Égypte. Il faudra bien sûr conclure sur
2. Le territoire israélien s’étend en 1949 dans le voisinage l’assassinat de Sadate en 1981.
direct, sur les territoires palestiniens en Cisjordanie et à
Jérusalem-Est, puis en 1967 en Syrie (plateau du Golan)
et en Égypte (Sinaï). L’expansion est donc régionale.
p. 142-143 Jalon 1B
3. La Jordanie, appelée au départ Transjordanie sous
autorité anglaise, obtient son indépendance totale en Document 1
1946 pour devenir le royaume hachémite. Elle est sépa-
rée par le Jourdain de ses voisins israéliens et palesti- Yasser Arafat déclare cette Charte caduque en 1988, pri-
niens. L’annexion israélienne en 1949 ou 1967 de leurs vilégiant une avancée vers la paix. Arafat est également
territoires, provoque des migrations massives de Pales- à la tête du Fatah (Mouvement de libération nationale)
tiniens dans les pays arabes alentours comme la Jorda- crée en 1959 au Koweït : il est le véritable acteur poli-
nie à l’est (mais aussi le Liban au nord). Les Palestiniens tique et paramilitaire de la résistance palestinienne. Ces
constituent la première communauté de réfugiés dans le deux mouvements sont laïcs par opposition au Hamas
monde, ils ont bouleversé la démographie et l’adminis- qui est islamiste.
tration du territoire jordanien. La photographie montre
que des moyens très modestes sont organisés à la hâte Document 2
pour ces réfugiés qui dorment sous des tentes, sous un
climat aride et contraignant pour des familles avec Le texte 2 est à mettre en lien avec le document icono-
enfants. graphique d’ouverture de l’étude conclusive p. 134. Il a
pour but de mettre en lien les étapes du processus de
4. La crise de Suez est un événement régional aux consé- paix qui a échoué.
quences mondiales. Les Français et les Britanniques
(anciens colons de l’Égypte) sont propriétaires du canal
de Suez reliant Port-Saïd à Suez. Dans le contexte de la
Document 3
montée du panarabisme, le Président égyptien Nasser Ce schéma permet une mise au point sur l’importance
décide unilatéralement de nationaliser le canal provo- stratégique de Jérusalem-Est, trois fois sacrée. La Jor-
quant l’ire et l’intervention des Anglo-Français, soutenus danie est officiellement depuis 2013 la gardienne
par les Israéliens, alliés des Occidentaux au moment de historique des lieux saints musulmans de Jérusalem
la guerre froide. Proche des Soviétiques, Nasser obtient (mosquée Al-Aqsa et dôme du Rocher), selon un accord
gain de cause grâce au compromis que les Américains tacite existant depuis 1924. Les autorités palestiniennes
concèdent pour préserver la paix. ont accepté cette situation.
Les gagnants sont l’Égypte et l’URSS, les perdants
Israël, la France, le Royaume-Uni, tandis que les États-
Unis se situent en point de neutralité sur cette affaire. Document 4
Benjamin Netanyahou, homme d’État clé d’Israël, chef
5. L’Égypte de Sadate tend la main à Israël en 1978 sous du Likoud, le parti nationaliste et conservateur israélien,
l’égide des Américains. Elle récupère sa zone frontalière est encore actuel Premier Ministre depuis 2009, malgré
du Sinaï. Les États arabes de la région condamnent fer- des affaires judiciaires qui nuisent à son autorité et la
mement l’Égypte en l’excluant de la Ligue arabe dont percée de son rival Benny Gantz.
le siège se trouvait au Caire, lieu symbolique fort pour
cette organisation créée en 1945. Jusqu’en 1990, le siège
est déplacé à Tunis, il retrouvera Le Caire sous l’ère Mou- Document 5
barak.
La carte illustre la situation actuelle (carte de 2015). Fin
avril 2020, le Likoud a annoncé vouloir appliquer l’une
Synthèse Des tensions avec les Palestiniens du fait des des promesses de campagne en renouvelant la colonisa-
annexions territoriales ; des tensions avec les voisins tion en Cisjordanie alors que se constituait un gouverne-
directs arabes Syrie et Égypte en 1967 mais aussi des ment d’union nationale. Les membres de la Ligue arabe
tensions indirectes avec un pays pacifique comme la ont condamné cette annonce.
Jordanie ou avec le Liban du fait des flux de réfugiés
palestiniens. Enfin, la crise de Suez relie le conflit israé-
lo-arabe au conflit mondialisé de la guerre froide, elle Éléments de réponse aux questions p. 143
engendre des tensions au sein du bloc de l’Ouest et entre
Israël et ce bloc de l’Ouest. Les accords de Camp David 1. L’Organisation de libération de la Palestine est laïque
provoquent des tensions au sein même des pays arabes car son idéologie s’appuie sur la défense de l’arabité
alliés. Les tensions concernent toutes les échelles et tous et de l’ensemble de « la grande nation arabe ». Aucune
les groupes d’acteurs. mention d’un combat au nom de la religion musulmane
n’est donc à relever, l’ennemi demeure Israël et l’idéolo-

THÈME 2 Étude conclusive Le Moyen-Orient : conflits régionaux et tentatives de paix 21


gie « sioniste et impérialiste » (article 15). L’OLP s’oppose ce mur de séparation qui sépare Jérusalem et fait gagner
au partage territorial que l’ONU a élaboré en 1947 et du terrain aux Israéliens sur les territoires palestiniens.
rappelle qu’il contrevient aux « principes fondamentaux
contenus dans la Charte des Nations unies ». Ainsi, l’OLP 5. Elle est relative et elle dépend des hommes qui sont
assume son opposition aux incohérences qu’elle sou- au pouvoir pour la préserver du côté israélien comme
ligne dans la prise de décision onusienne. palestinien.
2. On parle des accords d’Oslo car il y en eut deux
Synthèse La résolution du conflit israélo-palestinien est
rounds : l’un en 1993 et l’autre en 1995. Les accords
bloquée en raison de la radicalisation des positions des
d’Oslo ont permis la reconnaissance du statut autonome
deux parties. La poursuite de la colonisation, la ques-
de la Palestine et de sa souveraineté. Ils concrétisent une
tion de Jérusalem, l’usage de la violence sont autant de
reconnaissance mutuelle symbolisée par la poignée de
pierres d’achoppement entre les deux camps.
mains Rabin-Arafat et complétée par un accord sur l’au-
tonomie de la bande de Gaza et d’un territoire de 65 km²
Travailler autrement
autour de Jéricho, prélude à la mise en place d’une Auto-
rité palestinienne à Gaza et dans toute la Cisjordanie Situation de départ : la gestion pour l’ONU d’une scis-
où il est prévu d’élire un Conseil palestinien pour gérer sion : départ des Anglais après-guerre, enjeu de 1947 sur
l’éducation, la santé, la culture, les questions sociales, la le plan de séparation, refus des Palestiniens et Jérusa-
police et les impôts. Israël conserve la main sur les ques- lem-Est sous administration onusienne.
tions relatives aux colonies établies dans cette zone. La stratégie onusienne pour instaurer un processus
La remise conjointe du prix Nobel de la paix en 1994 à de paix : l’ONU déplore 3 moments de guerre avec des
Yitzhak Rabin et Yasser Arafat, est perçue comme le sym- résolutions comme sanctions : 1948-1949, guerre des
bole d’un possible retour à la paix au Moyen-Orient. Six Jours, première intifada. Mise en place d’un proces-
sus de paix avec les accords de Camp David (1979) et les
Cependant, ils n’ont pas réglé les dissensions histo-
accords d’Oslo (1993-1995).
riques sur le statut de Jérusalem-Est (voir Q3). Fin 2017,
la décision de Donald Trump de reconnaître Jérusalem Établir la feuille de route avec les préconisations à
comme capitale d’Israël et non plus Tel-Aviv a avivé les mettre en place concernant les points de blocage sui-
tensions. Enfin, le statut des réfugiés palestiniens doit vant : statut de Jérusalem-Est avec imposition d’un
être pris en compte. Leur statut crée des problèmes de contrôle onusien permanent et suppression de la clôture
gestion dans les pays dans lesquels ils ont émigré et les sécuritaire dans et autour de Jérusalem, le Haut-Com-
résolutions sont vues comme insuffisantes. missariat aux Réfugiés devra prendre connaissance de
toutes les demandes jordaniennes, libanaises et égyp-
3. Épicentre sacré des trois monothéismes, Jérusalem-Est tiennes concernant le statut des ressortissants palesti-
désigne la partie de la ville qui est à l’est de la ligne verte niens. La colonisation en Cisjordanie fera l’objet d’une
tracée à la suite de la guerre des Six Jours. résolution à venir. Les Casques bleus seront envoyés
pour empêcher les violences du Hamas sur Israël, ou de
Jérusalem-Est est passée du statut de zone internatio- l’arme israélienne sur la Palestine.
nale administrée par l’ONU à celui d’un territoire intégré
à la Jordanie en 1949. Elle demeure ensuite aux mains
des Israéliens mais cela a été contesté et condamné
par les Nations unies. Aujourd’hui, comme l’a signifié la p. 144-145 Re p è r e s
Cour de justice internationale en 2004, Jérusalem-Est
demeure un territoire palestinien annexé par Israël. La Le Moyen-Orient, un espace
construction du mur de sécurité a servi à Israël à proté-
ger cette annexion.
géostratégique d’importance mondiale
Après la mort de Yasser Arafat en 2004 et son rem- L’enjeu de la distribution des ressources est crucial
placement par Mahmoud Abbas, Ariel Sharon, devenu au Moyen-Orient mais il n’est pas le seul, le poids des
Premier ministre, s’est lancé dans la création d’un mur idéologies islamistes est aussi à prendre en compte. La
destiné, en principe à défendre les Israéliens du terro- chronologie en page 145 sert à présenter islamisme et
risme, mais qui empiète sur les territoires palestiniens et djihadisme en plus des définitions (si besoin de préci-
semble réaliser des annexions de fait, traçant une véri- sions sur l’historique, suggestion du « Que sais-je ? »
table frontière agrandissant Israël en Cisjordanie. Géopolitique des islamismes, PUF, 2016). La carte p. 144
Le problème n’est donc toujours pas réglé. met en lien les tensions causées par les événements
géopolitiques, les ressources et les idéologies. Elle peut
être utilisée comme carte de synthèse. Elle complète
4. Benjamin Netanyahou démontre que la menace isla- le graphique 2 sur le prix du baril de pétrole de 1940
miste (sur fond du 11 septembre 2001) relancée par
à 2020.
la guerre civile syrienne dans le cadre des Printemps
arabes en 2011 n’a jamais cessé et appuie son discours
sur la dénonciation des appels à la destruction d’Israël.
Éléments de réponse aux questions p. 145
Ainsi, les exactions d’Al-Qaïda ou des groupes islamistes
palestiniens ne sont pas dissociés, il ne rentre pas dans 1. On remarque sur le graphique du prix du baril de
le détail (un attentat avait eu lieu à Tel-Aviv le 1er juin pétrole que les pays de l’OPEP peuvent réagir à des évé-
2001). La menace n’est plus arabe mais islamiste. Par nements géopolitiques et constituent un groupe de pres-
conséquent, il justifie la construction à partir de 2002 de sion. Par exemple en 1973, l’Égypte et la Syrie profitent

THÈME 2 Étude conclusive Le Moyen-Orient : conflits régionaux et tentatives de paix 22


de la fête du début de l’année juive, Kippour, pour lan- –– La révolution islamique iranienne : les chiites iraniens
cer une offensive surprise : les troupes égyptiennes réus- parviennent à réaliser ce que les Frères musulmans sun-
sissent à franchir le canal de Suez et à infliger des pertes nites souhaitent faire depuis 1928.
sérieuses aux Israéliens. Ceux-ci réagissent et stabilisent –– 1979-1989 : guerre d’Afghanistan où les moudjahidin
le front. L’URSS et les USA se mobilisent pour ravitail- du monde entier viennent soutenir le sunnisme contre
ler les belligérants, mais l’ONU trouve une médiation, les Soviétiques alliés des Iraniens chiites, création d’Al-
impose un cessez-le-feu sur les positions acquises et Qaïda par Abdallah Azzam et Oussama Ben Laden en
ouvre des négociations. Suite à cette guerre du Kippour 1987 au Pakistan.
et à la dévaluation du dollar amorcée en 1971 (fin des
accords de Bretton Woods), le premier choc pétrolier –– 2003 : invasion de l’Irak par les Américains en viola-
éclate en raison de l’embargo imposé par les principaux tion des dispositions onusiennes : le débarquement des
membres de l’OPEP à leurs importateurs. élites sunnites soutenues par Saddam Hussein implique
une radicalisation de celle-ci aux côtés des khatibats dji-
2. Même scénario en 1979 mais cette fois, les causes hadistes et notamment celle d’Abu Moussab Al-Zarkaoui
viennent principalement d’un seul des membres de (Jordanien combattant d’Al-Qaïda).
l’OPEP : l’Iran. En effet, y ont lieu la révolution islamique,
puis le début de la guerre contre l’Irak. La première
guerre du Golfe repose majoritairement sur l’or noir p. 146-147 Jalon 2A
puisque l’Irak envahit le Koweït très riche en puits de
pétrole, idem pour l’invasion des Américains en Irak en
2003. Enfin, les Printemps arabes touchant le Maghreb
Les deux guerres du Golfe
et Moyen-Orient vont avoir pour effet entre autres une (1991 et 2003) et leurs prolongements
augmentation du prix du baril. En revanche, un événe- jusqu’à aujourd’hui
ment extérieur au monde musulman et aux pays pétro-
L’objectif de ce Jalon est de montrer que chaque inter-
liers arabes a lieu en Asie et a pour effet de faire baisser
vention américaine en Irak est différente l’une de l’autre
le prix du pétrole en 1997.
et marque une nouvelle organisation du monde et du
Moyen-Orient entre la décennie 1990 et la décennie
3. Aspect économique : les ressources en hydrocar- 2000. La seconde guerre du Golfe de 2003 crée le terreau
bures créent des concurrences économiques (Iran-Ara- propice à une faillite de l’État irakien qui permet aux
bie saoudite) constituent un moyen de pression pour les organisations terroristes de s’emparer des vides créés
membres de l’OPEP mais conduisent aussi à des guerres et d’expliquer l’arrivée des groupes djihadistes dans la
(Iran-Irak et les deux guerres du Golfe). Les ressources en région ouvrant la voie à un conflit mondialisé en Syrie.
eau sont aussi une source de tensions : or bleu opposant La chute ou le soutien à Bachar El-Assad en est l’enjeu
Turquie, Syrie et Irak ou Liban et Israël avec le Jourdain. premier.
Enfin, les guerres civiles issues des Printemps arabes Le document 1 donne l’occasion de rappeler le
demeurent au départ économiques et sociales : les jeu- contexte de fin de guerre froide où le bloc occidental
nesses arabes demandent un partage plus équilibré du apparaît gagnant et caresse l’espoir de prendre le lea-
produit des ressources. dership sur le monde.
Aspect religieux/politique : la diversité religieuse au Le document 2 est une caricature qui permet d’insis-
sein de l’islam est instrumentalisée au nom des luttes ter sur la transposition d’une nouvelle autorité à la fois
d’influence des puissances régionales (pétrolières économique et culturelle contre la dictature de Saddam
notamment). Le clivage entre sunnites et chiites a justifié Hussein avec l’invasion américaine. Raymond Burki est
bon nombre de conflits (guerre Iran/Irak, guerre civile en un caricaturiste suisse mort en 2016.
Syrie et en Irak, guerre du Yémen) et a permis aux orga- La carte historique montre les acteurs en présence. On
nisations terroristes prônant le djihad de se développer peut évoquer la place de la Turquie dans l’OTAN et sou-
en Afghanistan (années 1980) puis dans la décennie 2000 ligner la neutralité de l’Iran.
dans la péninsule Arabique. L’invasion de l’Afghanistan
et de l’Irak par les Américains a marqué un moment Le document 4 constitue un exemple d’éloquence poli-
charnière dans leur affirmation : Al-Qaïda se développe tique. L’invasion américaine commence officiellement
en Irak (AQI), État islamique en Irak puis État islamique six jours après le discours historique de Dominique de
en Irak et au Levant (EIIL) et enfin EI le 29 juin 2014 à Villepin qui traduit la volonté du Président Chirac de ne
Mossoul. L’apparition de ce dernier acteur a pour effet pas s’aligner sur la position américaine. Les raisons idéo-
de mondialiser le conflit en en faisant en émerger un logiques sont exposées dans ce discours mais des raisons
autre : les Kurdes, grands ennemis des Turcs. économiques et budgétaires ont aussi existé. Mettre en
lien avec le document iconographique d’ouverture p. 135
Le conflit israélo-palestinien constitue aussi un (matriochkas).
exemple de conflit territorial qui a dégénéré en conflit
idéologique et religieux, entre sionistes et islamistes et
plus globalement avec le temps, entre juifs et ­musulmans. Éléments de réponse aux questions p. 147
1. Les Américains orchestrent une résistance contre
4. Voir définition et souligner que tout islamiste ne veut Saddam Hussein qui n’obéit plus à la logique Est-Ouest
pas faire le djihad et qu’un islamiste peut être sunnite ou « une ère dans laquelle les nations du monde […] peuvent
chiite. Bien insister sur 3 événements : prospérer ». Sur la carte, document 3, de nombreux

THÈME 2 Étude conclusive Le Moyen-Orient : conflits régionaux et tentatives de paix 23


pays arabes et pétroliers participent à la coalition tout La caricature a été produite 12 jours avant la procla-
comme Israël. Les États-Unis n’agissent pas seuls et le mation du califat. L’EI est en pleine expansion en Syrie
conflit éteint certains clivages idéologiques. Le nouvel et en Irak.
ordre mondial s’appuie aussi sur l’institution onusienne Adam Zyglis est un dessinateur très connu aux États-
« ces objectifs ne sont pas les nôtres. Ils ont été approu- Unis, ayant reçu le prix Pulitzer en 2018. Ses caricatures
vés par le Conseil de sécurité de l’ONU ». Les États-Unis et dessins satiriques dépassent l’analyse de la politique
sont des gendarmes éclairés du monde, dont les pou- américaine ; il s’est beaucoup intéressé aux impacts de
voirs ne sont pas absolus car limités par des contre-pou- l’islamisme radical en Irak et en Syrie et l’attaque de
voirs internationaux. Charlie Hebdo en France en 2015 l’a particulièrement
2. De manière prémonitoire, le ministre envisage les marqué. Il travaille pour le quotidien Buffalo Post, un
conséquences de l’unilatéralisme américain : journal américain de la région new-yorkaise.
–– remise en question de l’unité et de la légitimité de Lien du site pour avoir accès à tous ses croquis sati-
l’ONU ; riques en ligne : https://buffalonews.com/section/opi-
–– prémisses d’autres conflits et fractures des sociétés : nion/political-cartoons/
c’est le cas avec le chaos irakien et syrien en 2011 et l’op-
position sunnites et chiites au paroxysme dans la région
(Yémen, Liban, Arabie Saoudite contre Iran). Document 2
3. La première intervention renforce l’influence des Les trois échelles de lecture (nationale, régionale et
États-Unis mais l’attaque du 11 septembre va marquer internationale) sont apparentes dans l’organisation de la
le changement de cette ère, les clivages vont reprendre. légende et de ses figurés. La carte permet une lecture
Cependant, déjà en 1994, les États-voyous sont définis évolutive dans le temps : de 2011 à fin 2019. On peut se
par l’administration Clinton : le Pakistan allié en 1990 servir du dernier figuré pour évoquer l’offensive turque
en fait partie. Ainsi, cette domination politique et écono- au nord-est de la Syrie dans la province du Rojava en
mique réelle ne se fait pas que par la voie du multilaté- octobre 2019. Recep Tayyip Erdogan profite de la déci-
ralisme. La seconde intervention en 2003 viole les règles sion des Américains de quitter la zone de conflit pour
du droit international et déclenche l’ire des Irakiens et s’imposer dans cette région afin de lutter contre les
des islamistes contre les États-Unis. Malgré le soutien Kurdes syriens (YPG) qui ont grandement œuvré à la cap-
des EAU et de l’Arabie saoudite, la domination politique ture et la détention des combattants et combattantes
américaine est clairement mise en question. de l’EI.

Synthèse Le multilatéralisme de George Bush s’ins-


Document 3
crit dans un contexte très favorable aux États-Unis et à
leur position de gendarmes légitimes du monde, où la Cette photographie 3 permet de faire le lien entre
paix est à l’ordre du jour ; à l’inverse le fils Bush subit les l’échelle régionale et l’échelle mondiale : ici il faut bien
effets de la terreur du 11 septembre et part en croisade montrer ici la dimension géopolitique de la guerre civile
au Moyen-Orient pour infliger une punition aux ennemis en Syrie, avec une logique d’alliances pour ou contre
désignés : l’Afghanistan, l’Irak, Saddam Hussein et Ous- Bachar El-Assad. Mais on pourra rappeler que la Russie
sama Ben Laden. Il incarne une stratégie unilatérale et fait aussi partie de la coalition internationale avec les
vengeresse qui ne soucie pas des décisions de l’ONU et Occidentaux et les pays sunnites de la zone pour lut-
les outrepasse. ter contre l’EI. Un contexte d’alliance n’en exclut pas
un autre. Même idée pour les Turcs, qui sont dans la
Travailler autrement coalition mais ennemis de l’un de ses membres actifs :
On insistera sur le moment qu’a constitué ce discours les Kurdes.
politique, salué par tous les opposants à ce conflit.

Éléments de réponse aux questions p. 149


p. 148-149 Jalon 2B 1. Les deux États en faillite, Irak à partir de 2003 et Syrie
à partir de 2011, sont touchés par une crise sociale et
politique qui se confessionnalise dans le cadre d’un
Document 1 conflit entre sunnites et chiites. Les organisations terro-
Dans la légende, bien comprendre que l’EII : État isla- ristes islamistes se réclamant du sunnisme en profitent
mique en Irak crée en 2006 est la continuité d’Al-Qaïda pour installer leurs groupes et diffuser leur idéologie au
en Irak (AQI) après la mort de son fondateur Abou Mous- sein des populations fragilisées.
sab Al-Zarkaoui la même année. Abou Bakr Al-Baghdadi
succède à Abou Omar Al-Baghdadi en 2010 mais trans- 2. La guerre asymétrique prend tout son sens en Syrie car
forme le titre du groupe le 9 avril 2013 en EIIL : État isla- des groupes terroristes (Al-Qaïda avec le Front Al-Nosra
mique en Irak et au Levant qui deviendra l’EI lors de son et l’EI) s’opposent à l’autorité militaire de l’État syrien
autoproclamation en calife le 29 juin 2014. La sépara- (Armée syrienne de Bachar El Assad et ses alliés) et à
tion avec le commandement d’Al-Qaïda a lieu pendant une coalition internationale d’États mais également une
­l’année 2013 et se concrétise par des confrontations nation, les Kurdes, luttent à la fois contre l’organisation
armées début 2014. terroriste et contre l’État turc. Par ailleurs, une alliance
d’États chiites s’est formée contre les organisations

THÈME 2 Étude conclusive Le Moyen-Orient : conflits régionaux et tentatives de paix 24


terroristes sunnites mais aussi contre les rebelles et les 2. Le Moyen-Orient n’est pas le Proche-Orient (cf.
États opposés à Bachar El-Assad. Repères p. 136), zone tampon entre l’Asie, l’Europe et
l’Afrique, il intègre une partie du monde arabe et musul-
3. La coalition internationale commence en sep- man : de l’Égypte à l’Iran et de la Turquie au Yémen. Il est
tembre 2014 à intervenir contre le Front Al-Nosra et l’EI très riche en hydrocarbures et pauvre en eau d’où l’exis-
en lançant des frappes aériennes, elle se « mondialise » tence de tensions et de rivalités pour ces ressources.
davantage dans l’année 2015 notamment avec la colla-
boration des Turcs. Par ailleurs, la guerre civile syrienne 3. Les bornes chronologiques :
entraîne une affirmation des alliances notamment vis- –– de départ : 1948 : création de l’État d’Israël et recon-
à-vis de Bachar El-Assad soutenu par le Président russe naissance de cet État par les deux superpuissances qui
Vladimir Poutine, un allié politique ayant des intérêts en ouvrent une guerre atypique : la guerre froide depuis
Syrie mais aussi une même conception de l’autorité. Le 1947 ;
règlement territorial du conflit s’élabore d’ailleurs à par- –– de fin : jusqu’aujourd’hui : le programme s’achève
tir de 2017 entre les Turcs, les Iraniens et les Russes (pro- avec les conséquences de la seconde guerre du Golfe.
cessus d’Astana). Le sommet d’Ankara en octobre 2019 Les récents événements en Irak ou en Syrie témoignent
devait régler la situation de la province d’Idlib au nord- de son actualité.
ouest du pays.
4. Le 14 mai 1948, l’État d’Israël est proclamé, tandis que
Synthèse des troubles et des affrontements secouent la Palestine,
enclenchant le conflit israélo-arabe. Ce conflit n’est pas
Allés Alliés le seul à fracturer le Moyen-Orient. Survenue entre les
régionaux internationaux
États-Unis et l’URSS, la guerre froide a déjà des consé-
Régime Assad Irak Russie quences au Moyen-Orient riche en ressources pétrolières
Iran et traversé de mouvements idéologiques en affirmation.
Hezbollah En effet, ni État, ni continent, cette région du monde est
libanais une zone tampon au carrefour des continents asiatique,
africain et européen. Jusqu’à nos jours, elle a offert aux
Rebelles anti- Qatar Coalition
acteurs géopolitiques intérieurs et extérieurs un terrain
Assad (Armée Jordanie internationale
syrienne libre) Arabie saoudite de confrontations unique, cumulant des oppositions éco-
Turquie nomiques, politiques, idéologiques ou religieuses. Les
conflits idéologiques israélo-palestiniens ou les Prin-
Forces kurdes Kurdes turcs (PKK) Coalition temps arabes ont des causes économiques et sociales
Kurdes irakiens internationale et les conflits économiques comme les chocs pétroliers,
État islamique des causes idéologiques. Ainsi, l’affirmation des courants
panarabe, sioniste, islamiste ou nationaliste (Palestine,
Djihadistes Al-Qaïda Kurdistan) ont structuré une nouvelle configuration du
non affiliés à l’EI Moyen-Orient et impliqué des conflits de tous ordres.

Travailler à l’oral
Tout en rappelant l’ancienneté de l’opposition entre sun- Exercice 2
nites et chiites (la succession du Prophète Mahomet), on
insistera sur l’importance de la révolution islamique ira- 1. Le panarabisme est l’idéologie politique et culturelle
nienne. visant à défendre l’identité arabe et à unifier les peuples
arabes au Moyen-Orient.

2. Un positionnement non-aligné : conférence de Ban-


p. 152-153 Exercices Bac dung en 1955 et crise de Suez en 1956 où il défie les
Européens et les Américains. Il gagne son défi en s’impo-
sant comme leader arabe. Dans le conflit israélo-pales-
Exercice 1 tinien : front Syrie-Égypte de 1958 à 1961 contre Israël.
1. Idéa (idée) et logos (science) = discours des idées à Après 1967 et la conquête du Sinaï, sa politique anti-is-
l’origine d’une doctrine politique désignée comme vraie raélienne est systématique.
par son concepteur. C’est une doctrine politique qui pro-
pose un système unique et cohérent de représentation 3. En nationalisant unilatéralement le canal de Suez qui
et d’explication du monde qui est accepté sans réflexion appartient aux Britanniques et aux Français, il impose
critique. Conflits : « situation relationnelle structurée son indépendance dans le monde et son leadership dans
autour d’un antagonisme » (A. Cattaruzza, et P. Sintès, la région vis-à-vis d’Israël. De plus, il se fait respecter et
Géopolitique des conflits, Bréal, 2016), en géopolitique convoiter par les deux Grands. C’est un triple succès.
ils sont symétriques (entre deux États, deux nations) ou
asymétriques (nature différente des acteurs). Un conflit 4. Bien que sunnite, Nasser se positionne contre l’idéo-
n’est pas nécessairement une guerre, il est composé de logie islamiste frériste, il interdit la Confrérie des Frères
guerres en général. Il se traduit par un ensemble d’oppo- musulmans mais sait leur influence et leur impact dans
sitions qui s’établissent dans la durée qui peuvent être la société égyptienne. Il les considère comme des oppo-
militaires mais aussi économiques, politiques, sociales sants politiques et ceux-ci n’ont pas accepté de négocier
(migratoires) ou idéologiques. avec lui.

THÈME 2 Étude conclusive Le Moyen-Orient : conflits régionaux et tentatives de paix 25


5. Nasser est perçu comme le Rais du monde arabe, il 2. Le Sénat et les citoyens français.
est le leader de la Ligue arabe dont le siège est au Caire
jusqu’en 1979. Il est le porte-parole des pays arabes dans 3. L’Iran, Israël : États de la région, la Ligue arabe (Égypte
le monde entier et est encensé en Égypte, en Syrie et en et ses alliés) : organisation régionale, Europe : organisa-
Irak où le parti Baas proche des panarabes, a pris racine. tion régionale étrangère et États-Unis : superpuissance
étrangère. Enfin, les organisations terroristes.

Exercice 3 4. La nucléarisation de l’Iran et d’Israël, le retour du reli-


1. C’est un document administratif et politique, un rap- gieux et de l’idéologie politique islamiste, les risques
port émanant d’une Commission (des Affaires étran- pour la sécurité européenne avec le terrorisme islamiste,
gères, de la Défense et des Forces armées) du Sénat en l’enjeu des hydrocarbures.
2009.

5.
I. II. III.
Des ressources stratégiques Des tensions religieuses Des guerres asymétriques renforcées
convoitées par les États de plus en plus nombreuses par le terrorisme
Sous-partie A Idée : pétrole et gaz convoités Idée : retour du religieux, Idée : nucléarisation illégale en
partout dans le monde arabe Iran : vue comme menace terroriste
potentielle en Israël et Occident
Citation : « il y a bien sûr l’énergie Citation : « dans un temps Citation : « si l’Iran arrivait à se doter
et les intérêts commerciaux long, un retour du religieux de l’arme nucléaire » « nucléarisation
[…] importations de pétrole et dans toute la région » de l’ensemble de la région »
de gaz »
Sous-partie B Idée : dépendances du Moyen- Idée : réislamisation dans Idée : groupes transnationaux
Orient à l’Europe en biens les pays arabes terroristes en constitution entre
et produits l’Occident et le Moyen-Orient
Citation : « l’Europe exporte Citation : « la réislamisation Citation : « de jeunes Européens
quantité de biens et de services est vraisemblablement prennent le chemin des madrasas
vers cette région » une mutation du […] attentats au Caire, à Londres
“panarabisme” » ou à Madrid »

Exercice 4 et sociale, mise en place par des hommes pour des


hommes et qui a pour but de placer l’islam au cœur de
son système de pensée.
4. On définira salafisme, djihadisme, frères musulmans.

5. L’islam est une religion, apparue au viie siècle après


6. On pourra évoquer les cas égyptien, marocain, tuni-
sien, turc, saoudien.
J.-C. révélée par prophète Mahomet et qui a un livre
saint, le Coran. L’islamisme est une idéologie politique

THÈME 2 Étude conclusive Le Moyen-Orient : conflits régionaux et tentatives de paix 26


BAC p. 156-157 Dissertation : sujet guidé
SUJET : Les guerres de 1914 à nos jours :
des guerres de masse aux nouvelles guerres irrégulières
1. Analyse du sujet
Mobilisation de la population/ Types de combats Place de l’État
service militaire ? dans la guerre
Des guerres Mobilisation de la population Batailles, guerre d’usure. L’État organise la guerre
de masse militaire et civile/service Nombreuses victimes militaires et mobilise l’ensemble
militaire mais aussi civiles de la société/guerre totale/
guerre interétatique

Des guerres Mobilisation d’une armée Batailles/guérillas. L’État mobilise une armée
asymétriques professionnelle bien équipée Bilan des victimes asymétrique professionnelle ou dans l’autre
d’un côté, mobilisation de la côté toute la population/guerre
population de l’autre interétatique

Des nouvelles Pas de mobilisation générale, Guérilla, actes terroristes isolés Pas d’État/rejet des règles
guerres irrégulières pas de service militaire mais ou organisés de la guerre
des petits groupes d’activistes.

2. Proposition de plan détaillé


I. Les guerres de masse et leur remise en cause (1914-1945)
Les guerres révolutionnaires ont mis fin aux guerres aristocratiques par la levée en masse
de troupes et la conscription. C’est la Première Guerre mondiale qui impose le modèle de
la guerre de masse.
A. La Première Guerre mondiale, une guerre de masse, une guerre industrielle
– Une guerre qui concerne de nombreux États : l’Europe essentiellement, les colonies,
l’Asie
– Une guerre industrielle : des armes nouvelles, artillerie plus puissante, aviation, blindés.
– Une guerre qui mobilise les hommes : conscription : bilan 11 millions de victimes
– Une guerre totale qui mobilise la nation : les civils, l’économie, la propagande
G. Mosse décrit la brutalisation des sociétés par la guerre propice à la montée des
violences durant l’entre-deux-guerres.
B. La Seconde Guerre mondiale, une guerre de masse et d’anéantissement
– Une guerre généralisée, des combats intenses en Europe, Afrique, Pacifique
– Une guerre avec de nouvelles armes : atomiques, missiles V2, bombardements massifs
– La logique d’anomie l’emporte : les civils sont victimes (ex : Blitz, génocides…)
– Un bilan humain s’élevant à 50-60 millions de morts
Le traumatisme des génocides et les deux premières déflagrations nucléaires conduit
à une autre conception de la guerre : dans un contexte de guerre froide dans un premier
temps.

II. Les stratégies nouvelles des puissances : de Hiroshima aux guerres asymétriques (1945-2001)
A. La menace d’une déflagration nucléaire
– La peur de la fin du monde/la dissuasion nucléaire
– La lente diffusion de l’arme nucléaire au sein des États, malgré le traité de non-
prolifération
– De petites puissances nucléaires : Israël, Pakistan
B. Les guerres asymétriques des grandes puissances contre des États émergents
– Les guerres coloniales : guerre d’Indochine, guerre d’Algérie
– La guerre du Vietnam
– La guerre d’Afghanistan
– La guerre du Golfe
Gérard Chaliand dans Le Nouvel Art de la guerre (2008) montre que les guerres
asymétriques ont jeté les bases des guerres irrégulières fondées sur la mobilité
et la guérilla.

THÈME 2 BAC 27
III. L’émergence des nouvelles guerres irrégulières
A. Les attentats du 11 septembre 2001 : une rupture dans le modèle clausewitzien
de la guerre
B. La prolifération des actes terroristes dans des modes opératoires variés : attentats
dans les grandes capitales occidentales (Paris, Londres, Bruxelles, Madrid)
mais également dans les pays musulmans.
C. Des nouvelles formes de combat technologiques et des guérillas traditionnelles :
cyberattaques, drones et technologies
Des formes de guérillas se maintiennent notamment en Afrique : Libye, Darfour etc.

p. 158-159 Dissertation : sujets d’entraînement
SUJET 1 : Les populations civiles dans les guerres, enjeux et vulnérabilités
I. Les populations civiles dans les guerres conventionnelles
A. Des populations civiles, cibles collatérales
B. Les sièges de villes
C. Le viol, une arme de guerre ancienne
II. Les populations civiles, une cible stratégique dans les guerres aux logiques d’anomie
A. Les civils bombardés : Blitz
B. Les génocides prennent pour cible des civils
III. Le terrorisme et les formes irrégulières : la surprise des attaques sur les populations civiles
offre un nouveau mode opératoire aux guerres
A. Des actes terroristes sur des bâtiments ou des vols dont la cible demeure les civils
B. Des actes terroristes, crimes de masse seulement contre les civils

SUJET 2 : Comment expliquer la supériorité des puissances occidentales


dans les guerres du xixe au xxe siècle ?
I. Des armées bien équipées, bien organisées, une culture de la guerre
A. Les armes de la guerre
B. Des écoles de la guerre, un art de la guerre
II. Des armes modernes qui assurent une supériorité sur les théâtres d’opérations
A. Une industrie et des armes puissantes : chars, canons, bombardiers
B. Des armées permanentes déploient des stratégies de combat
III. Des armées appuyées par une diplomatie, des alliances, des coalitions, des organisations
internationales permettant une légitimité dans les guerres menées.
A. Des armées dans des systèmes d’alliances
B. Des instances internationales fondées par les puissances occidentales

SUJET 3 : Comment expliquer l’essor du terrorisme comme une nouvelle forme


de conflit ?
I. L’essor du terrorisme depuis les années 1960
A. Les méthodes du terrorisme
B. Les terrorismes d’extrême droite et d’extrême gauche
II. L’émergence de petits États ou de causes idéologiques qui choisissent cette stratégie
A. Le terrorisme devient l’arme des faibles
B. Le terrorisme islamiste
III. Une certaine efficacité rendant les grandes puissances vulnérables
A. Les attentats du 11 septembre, un terrorisme qui fait vaciller les États-Unis
B. Le terrorisme, une guerre irrégulière.

THÈME 2 BAC 28
p. 160-161 Étude de document : sujet guidé
SUJET : Les attentats du 11 septembre 2001, exemple de guerre irrégulière
1.
Éléments extraits des déclarations
Éléments d’analyse Mise en perspective
de Ben Laden
Les critiques « Je jure par Dieu que l’Amérique Menace est faite aux États-Unis de Ben Laden relie son action
contre ne connaîtra plus jamais la la poursuite des actes terroristes. terroriste au soutien indéfectible
les États-Unis sécurité avant que la Palestine L’attaque s’adresse aussi à l’ONU des États-Unis à Israël et sa
ne la connaisse » et aux autres puissances. politique vis-à-vis de la Palestine
Le djihad, « Avant que toutes les armées Dans ses annonces Ben Laden Ben Laden souhaite transformer
un combat occidentales athées ne quittent multiplie les références à la sa haine des EU en une guerre
religieux les terres saintes » guerre sainte. Il évoque les terres religieuse afin de rassembler
saintes : Jérusalem mais aussi les autour de sa cause, tous les
autres lieux saints de la région, musulmans qui contestent
La Mecque, la présence militaire l’hégémonie occidentale.
des États-Unis en Irak, en Arabie
saoudite.

« La guerre est entre nous et Outre la dimension anti- La haine des juifs mais plus encore
les Juifs » occidentale, anti-chrétienne, Ben d’Israël permet de mobiliser de
Laden attaque les Juifs du monde. nombreux musulmans du monde.
Un terrorisme Des vidéos clandestines diffusées Ben Laden est représenté Les méthodes clandestines,
assumé par la chaîne d’information arabe, en djihadiste, en combattant, la diffusion de vidéos devenant
Al-Jazeera la barbe longue, son fusil à côté virales montrent que la stratégie
de lui. Il menace les États-Unis du terrorisme fonctionne avec peu
de moyens. Une grande capacité
de nuisance et peu de soldats.

Plan
I. Ben Laden en guerre contre les États-Unis, l’ONU et Israël
II. Un terrorisme qui se présente comme un djihad
III. Une guerre irrégulière sans moyen mais qui fragilise pourtant les États-Unis et leurs alliés
2. Dans ces différents messages Ben Laden tente de définir une ligne idéologique
qui pourrait mobiliser de nombreux combattants islamistes radicalisés partout dans
le monde. Il fait ainsi la liste des ennemis d’Al-Qaïda.
– C’est d’abord une guerre contre les États-Unis. Ben Laden critique la politique
hégémonique des États-Unis depuis la fin de la guerre froide : ses interventions durant
la guerre du Golfe, en Afrique et surtout son soutien à Israël dans le conflit avec
les Palestiniens.
– Ben Laden suit sa logique et condamne donc les Juifs en général et remet en cause
l’existence même de l’État d’Israël.
– Parmi les autres ennemis d’Al-Qaïda, on retrouve l’ONU qui, selon Ben Laden,
est au service de la cause des athées, des États-Unis. C’est sous mandat de l’ONU,
qu’une grande coalition est intervenue au Koweït en 1991.
– Plus généralement, Ben Laden s’en prend aux Occidentaux, la France, le Royaume-Uni
notamment alliés des États-Unis. Ces deux puissances ont une politique active
au Moyen-Orient. Ben Laden identifie tous ces ennemis sur le registre de la foi, il les
nomme les infidèles ou athées ce qui donne à son combat une dimension religieuse.

p. 162-163 Étude de documents : sujets d’entraînement
SUJET 1 : La présence des États-Unis en Irak depuis 1990
Les contextes : le 1er document évoque la victoire de la guerre du Golfe en 1990-1991.
C’est une victoire écrasante de la grande coalition sur l’Irak, très isolée. Néanmoins,
le mandat de l’ONU ne prévoyait que la reconquête du Koweït, Saddam Hussein reste
en place en Irak.
Le 2e document évoque la seconde intervention en Irak des États-Unis en 2003. Entourés
de quelques alliés (dont les Britanniques), George W. Bush (fils) a permis de renverser

THÈME 2 BAC 29
le dictateur irakien Saddam Hussein. La victoire est toute aussi écrasante mais la
perspective d’une paix durable semble s’éloigner dans la région tant la légitimité de
l’intervention états-unienne dans la région n’est plus aussi forte.
I. Les États-Unis une puissance forte et respectée au sortir de la guerre du Golfe
George Bush (père) fixe les conditions de la paix. Ces conditions sont alors plutôt
favorables surtout dans le processus de règlement de la question palestinienne
(accords d’Oslo, 1993).
II. Les États-Unis occupent l’Irak après la victoire militaire de 2003.
Les tensions sont alors très vives, les résistances très fortes. Par ailleurs, les États-Unis sont
aussi présents en Afghanistan et cela suscite les mêmes difficultés. Le processus de paix
entre Israël et Palestiniens et au point mort. L’intifada a d’ailleurs repris à partir de 2000.

SUJET 2 : La place de l’ONU dans le défi de la construction de la paix


Les atouts : une organisation issue de l’ordre mondial établi en 1945. Les grandes
puissances financent et dominent cette organisation. Le vote de résolutions
contraignantes à l’encontre de certains États et l’envoi croissant de Casques bleus depuis
1990 montrent une certaine efficacité.
Les faiblesses : le droit de veto des membres permanents au Conseil de sécurité limite
l’action de l’ONU. Les interventions se limitent à l’Afrique et l’Asie. La forte contribution
financière des grandes puissances et la forte contribution en hommes des petites
puissances produisent un déséquilibre.

p. 166-167 Vers le Sup’ : Organiser un débat
La double page propose deux visions de la paix, une vision morale, une vision pessimiste. Cette
opposition pourra nourrir le débat : Faut-il toujours éviter la guerre ? Quelle guerre est légitime ?
Pour compléter le débat : il est possible de partir également des accords de Munich (1938) ou
encore du projet de paix perpétuelle (1795) d’Emmanuel Kant.
Emmanuel Kant envisage une paix perpétuelle dans une période charnière où la guerre aristo-
cratique est remise en cause par les victoires des armées révolutionnaires françaises. C’est dans
ce contexte de guerres européennes incessantes que le philosophe constate que la guerre est
l’état naturel des rapports entre puissance et qu’il faut établir de manière raisonnée la paix.
Texte
« L’état de paix n’est pas un état de nature, lequel est au contraire un état de guerre, c’est
pourquoi il faut que l’état de paix soit institué. […]
1re section contenant les articles préliminaires en vue de la paix perpétuelle entre les États
1. Aucune conclusion de paix ne doit valoir comme telle, si une réserve secrète donne
matière à une guerre future […].
2. Aucun État indépendant (petit ou grand, cela est indifférent ici) ne doit être acquis par
un autre État à la faveur d’un échange, d’un achat ou d’un don […].
3. Avec le temps, les armées permanentes doivent disparaître totalement […].
4. Aucun État ne doit s’immiscer par la violence dans la constitution et le gouvernement
d’un autre État […].
5. Aucun État en guerre avec d’autres ne doit se permettre des hostilités telles qu’elles
rendraient impossible la confiance réciproque dans la paix future, comme le sont
le recrutement d’assassins […], d’empoisonneurs […], la violation de la capitulation,
l’instigation de la trahison […] dans l’État avec lequel on est en guerre […].
2e section – Les articles définitifs en vue de la paix perpétuelle entre États
1. La constitution civique de chaque État doit être républicaine1 […]
2. Le droit des gens doit être fondé sur un fédéralisme d’États libres […]
3. Le droit cosmopolitique doit se restreindre aux conditions de l’hospitalité universelle
[…]. »
Emmanuel Kant, Vers la Paix perpétuelle, 1795, dans Vers la Paix perpétuelle –
Que signifie s‘orienter dans la pensée ? – Qu‘est-ce que les Lumières et autres textes,
F. Proust, trad. J.-F. Poirier et F. Proust, Garnier-Flammarion, 1991.
1. Selon Kant, un État républicain est un État avec un gouvernement représentatif et une séparation
des pouvoirs, au moins un contrôle de l’exécutif. Il n’évoque cependant pas le suffrage universel.

THÈME 2 BAC 30
3
Thème

Histoire et mémoires

La logique du thème
Le programme de HGGSP de Terminale n’a pas pour vocation de suivre un ordre déterminé. Mais
faire suivre le thème « Faire la guerre, faire la paix » par « Histoire et mémoires » semble obéir
à une triple logique intellectuelle qui permet une incarnation pédagogique liée au monde très
contemporain :
1) La paix n’est pas la non-guerre. La guerre peut se maintenir par des symboles, des tensions,
des coopérations, qui transcendent les territoires et les générations. La paix vit, apaise et parfois
souffle sur les braises d’un souvenir de la guerre qui devient mémoire collective et s’incarne dans
une mémoire individuelle. Les causes de la Première Guerre mondiale (Axe 1, Jalon 1) sont un sup-
port politique autant que générationnel : le débat incarne un regard que la mémoire, en Europe
comme aux États-Unis ou dans l’Empire ottoman, vient conforter ou remettre en cause, apaiser ou
recréer. Si la mémoire de la Grande Guerre est pour l’essentiel apaisée, celle de la guerre d’Algérie
(Axe 1, Jalon 2) montre comment la mémoire individuelle, les tensions nationales et les mémoires
collectives s’interpénètrent et se modifient les unes les autres.
2) La paix peut éviter le retour à la guerre par l’action d’une justice consentie dont l’objectif n’est
pas le pardon individuel mais l’apaisement collectif. Les jeux d’échelles peuvent montrer les choix
politiques et les réalisations sociales : à l’échelle mondiale, les tribunaux internationaux ont une
histoire récente, des tribunaux de Nuremberg et Tokyo jusqu’au Tribunal pénal international pour
l’ex-Yougoslavie (TPIY, Axe 2 Jalon 2) ou à l’idéal d’une justice internationale (Cour pénale inter-
nationale). La comparaison avec les tribunaux gacaca (Axe 2, Jalon 1) créés pour juger les respon-
sables du génocide des Tutsis permet de mettre en avant des valeurs, des acteurs, des réalisations,
et de s’interroger sur l’échelle la plus efficace selon les contextes.
3) Mémoire et justice s’incarnent dans un sujet que nos élèves ont pu aborder avant la Terminale :
« L’histoire et les mémoires du génocide des Juifs et des Tsiganes ». Le temps long de la mémoire et
sa relation aux travaux des historiens et de la justice depuis les années 1970, mais sans cesse renou-
velé et réinterrogé, permettent de poser les fondements des Axes précédents (mémoire des conflits,
action de la justice) en les incarnant autour de ce qui construit une part très forte de l’identité euro-
péenne : le génocide des Juifs et des Tsiganes, son histoire, ses mémoires souvent troublées et pro-
gressivement judiciarisées. En relation avec les enseignements de la spécialité en Première, cet
objet de travail conclusif interroge le citoyen : que dit l’historien de la construction de la preuve ?
comment construire la paix par le droit ? comment faire mémoire par l’histoire ? comment lutter
contre les faussaires de l’histoire ?
Comme l’écrit l’historien Johann Chapoutot dans son introduction à La Loi du sang. Penser et agir
en nazi (Gallimard, 2014) : « L’époque qui a vu l’émergence du nazisme a été en effet travaillée en
profondeur par la question des valeurs et des impératifs moraux ». L’histoire ne donne pas de leçon,
mais son étude permet à nos élèves d’interroger leur époque.

p. 170-171 Introduction archives, des restrictions politiques ou de la parole des


témoins. La mémoire diffère dans le temps et selon les
La différence entre histoire et mémoire acteurs, chacun a donc interprété les conflits du xxe siècle
en fonction de sa position personnelle. Une fois ces élé-
Cette double page doit permettre au lycéen de se fami- ments posés, il convient de montrer avec des exemples
liariser avec les notions d’« histoire » et de « mémoire ». Il précis que nos sociétés attendent des gouvernements
s’agit de différencier les deux, tant dans leur démarche qu’ils assument les crimes de leurs prédécesseurs. La jus-
que dans leurs objectifs. Pour l’ensemble des conflits tice a également un rôle à jouer dans cette relation que
abordés au cours du thème, les historiens et historiennes les sociétés entretiennent à leur passé, notamment en
se sont intéressés à des thématiques différentes en jugeant ceux qui ont commis les pires crimes.
raison de leur propre parcours mais aussi des possibilités
d’étudier tel ou tel sujet en fonction de l’ouverture des

THÈME 3 Introduction Histoire et mémoire, histoire et justice 1


Éléments de réponse aux questions p. 171 p. 172-173 Introduction

1. Jacques Chirac consacre la première partie de ce Les notions de crime contre l’humanité
discours à la mémoire avec plusieurs passages : « des
moments qui blessent la mémoire et l’idée que l’on se
et de génocide
fait de son pays » (lignes 1-2) car la rafle du Vel d’Hiv Le juriste Raphaël Lemkin a joué un rôle capital pour
va à l’encontre des valeurs de la République française ; penser et qualifier les crimes relevant du génocide. S’il
« trouver les mots justes pour rappeler l’horreur, pour n’est pas nécessaire d’énumérer tous les génocides en
dire le chagrin de celles et ceux qui ont vécu la tragé- introduction, il peut être utile de rappeler que le pre-
die » (lignes 4-5), le Président est ici dans le registre du mier perpétré est celui des Hereros et des Namas de
souvenir ; « ces journées de larmes et de honte » (ligne 6), Namibie (alors Sud-Ouest africain ou Südwestafrika) en
l’historien doit essayer, autant que faire se peut, d’éviter 1904-1905 dans le cadre d’une colonisation allemande
une approche sentimentale, ce qui n’est pas le cas ici. brutale. Si le génocide arménien conduit de nombreux
La seconde partie se détache de l’émotion pour poser penseurs à réfléchir à une nouvelle catégorie de crimes,
des faits précis et incontestables sur le plan historique : c’est la Seconde Guerre mondiale qui amène le concept
« Il y a cinquante-trois ans, le 16 juillet 1942, 450 poli- de génocide, d’autant plus que Raphaël Lemkin est polo-
ciers et gendarmes français, sous l’autorité de leurs nais et juif. Cette double page doit permettre de suivre,
chefs, répondaient aux exigences des nazis » (lignes 10 à de façon succincte, comment a été élaboré le concept
12), Jacques Chirac insiste ici sur la responsabilité fran- et la complexité à qualifier, ou non, certains crimes de
çaise, ce sont des fonctionnaires français qui ont commis masse de génocides.
la rafle à la demande de leurs supérieurs hiérarchiques ;
« près de dix mille hommes, femmes et enfants juifs
furent arrêtés à leur domicile au petit matin, et rassem-
Éléments de réponse aux questions p. 172
blés dans les commissariats de police » (lignes 14 à 17), 1. Les crimes contre l’humanité et les génocides sont
le Président donne ici un chiffre, l’identité des victimes et principalement l’assassinat, l’extermination, la réduc-
les lieux, il pose donc des faits historiques. tion en esclavage et la déportation de populations
civiles. Dans le cadre du génocide, ces mêmes crimes
2. Plantu montre d’un côté l’église d’Oradour-sur-Glane sont commis contre un groupe social précis dans le but
pour rappeler la violence du massacre. Dans l’église de le faire disparaître.
avaient été enfermés les femmes et enfants avant que
les SS de la division Das Reich n’y mettent le feu. Près 2. À Nuremberg, les responsables nazis sont accusés
de 70 ans plus tard, Plantu y représente une commémo- de crimes contre l’humanité et non de génocide car la
ration avec les Présidents allemand et français, devant répression de ce dernier n’entre en vigueur qu’en 1948.
un public. Il caricature le tout en y rajoutant des larmes
aux deux Présidents, les cœurs et la colombe. Il y a donc 3. La Haye, aux Pays-Bas, apparaît comme la ville
un contraste entre l’aspect inhumain du massacre et la accueillant la plupart des tribunaux compétents pour
volonté des deux hommes d’avancer ensemble. juger les génocides. La Cour pénale internationale y est
la seule juridiction pénale permanente pouvant juger les
responsables de génocides, crimes contre l’humanité et
3. La caricature de Plantu n’en est pas moins une crimes de guerre. Les autres tribunaux sont temporaires
condamnation. En effet, au moment où les deux Prési-
afin de juger un génocide précis comme le Tribunal
dents commémorent le massacre d’Oradour-sur-Glane,
pénal international pour l’ex-Yougoslavie à La Haye qui
la communauté internationale laisse Bachar El-Assad
devait juger les responsables de crimes de guerre dans
bombarder son peuple en Syrie. La scène est représentée
cet espace. Il a été dissous en 2017. Le Tribunal pénal
dans une télévision pour montrer que le monde entier
international pour le Rwanda a été installé à Arusha en
est informé de la situation mais demeure passif. Si les
Tanzanie. Il devait juger les personnes responsables de
Allemands et Français commémorent le massacre d’Ora-
génocide et autres violations graves du droit internatio-
dour, ils en laissent un se dérouler sous leurs yeux.
nal humanitaire commis au Rwanda au cours de l’année
1994 contre les Tutsis. Il a été dissous en 2015.
4. L’historien Henry Rousso explique que le « devoir de
mémoire » est un mythe, selon lui, car les sociétés, mal- 4. Les trois génocides ayant provoqué le plus de victimes
gré leur bonne volonté, ne peuvent réparer le passé. De sont ceux des Juifs et Tsiganes (1941-1945), le génocide
plus, elles se trompent, car la reconnaissance des crimes des Arméniens en 1915 et celui des Tutsis en 1994. Les
commis par leurs prédécesseurs ne leur permet pas de trois génocides reconnus officiellement par l’ONU sont
devenir meilleures. celui des Juifs et Tsiganes, celui des Tutsis et celui des
musulmans à Srebrenica.

THÈME 3 Introduction Histoire et mémoire, histoire et justice 2


AXE 1 Histoire et mémoires des conflits
La logique du chapitre
Cet Axe 1 porte une réflexion sur la dialectique entre l’histoire et les mémoires des
conflits. En s’appuyant sur les exemples des causes de la Grande Guerre et de la Guerre
d’Algérie, il s’agit de montrer qu’il n’y a qu’une histoire qui se renforce avec le temps
grâce à de nouvelles sources, de nouveaux questionnements, mais aussi en fonction des
enjeux politiques. Les mémoires sont, à l’inverse, forcément plurielles, elles dépendent
de la position des acteurs et sont subjectives.

Bibliographie
–– R. Branche, La Guerre d’Algérie : une histoire apaisée ?, Gallimard, coll. Folio, 2014.
–– H. Rousso, Vichy. L’événement, la mémoire, l’histoire, Gallimard, coll. Folio, 2001.
–– B. Stora, La Gangrène et l’oubli. La mémoire de la guerre d’Algérie, La Découverte,
2005.

p. 174-175 O u ve r t u r e tronqué sur la colonisation française de l’Algérie. Ce


sentiment est encore plus fort après la guerre d’Algé-
Les deux documents proposés reviennent sur la dimen-
rie. Mais, respectueux de l’œuvre créée par le sculpteur
sion mémorielle des conflits abordés. La caricature
Paul Landowski, M’Hamed Issiakhem décide de recouvrir
insiste sur la présence du Président Charles de Gaulle
la sculpture d’un coffrage plutôt que de la détruire. Les
et du chancelier Konrad Adenauer dans la cathédrale
deux mains avec la chaîne brisée symbolisent l’indépen-
de Reims alors qu’elle avait été détruite au cours de la
dance de l’Algérie.
Grande Guerre. Les deux hommes se serrent la main sous
le regard de Frédéric II de Prusse, Napoléon et Bismarck,
hommes d’État et chefs de guerre qui ont symbolisé au
cours de périodes différentes les rivalités et les conflits p. 176-177 Re p è r e s
entre la France et l’Allemagne.
Histoire et mémoires  
Éléments de réponse aux questions p. 174 de la Grande Guerre
1. Les relations entre la France et l’Allemagne sont mar- La première page met en avant la multiplicité des causes
quées par l’histoire car les deux pays se sont souvent de la Grande Guerre : le système des alliances, les terri-
retrouvés face à face au cours de différents conflits. toires disputés, les rivalités dans les espaces coloniaux
Avec les deux guerres mondiales, cette rivalité a atteint et les crises qui précèdent le début du conflit. Les deux
un sommet. documents insistent sur un point particulier : les rivalités
coloniales pour l’Empire allemand, qui s’est lancé plus
2. Le caricaturiste Behrendt souligne un contraste entre tardivement que le Royaume-Uni et la France dans la
les grands personnages de l’histoire des pays qui ont colonisation mais y a eu une politique particulièrement
incarné la violence séculaire franco-allemande et la poi- agressive et destructrice. L’autre document montre com-
gnée de mains sincère des deux dirigeants en 1962. Les ment la perte de l’Alsace-Moselle a été utilisée pour ren-
deux hommes semblent vouloir surmonter les tensions forcer l’idée d’une revanche pour la France. Ce constat
du passé pour construire une nouvelle relation, d’autant convient d’être nuancé en fonction des régions et des
que le chancelier Adenauer est venu en France pour une sensibilités politiques.
visite de sept jours. La chronologie dégage plusieurs temps dans l’ana-
lyse des causes de la Grande Guerre. Entre 1914 et 1918,
chaque camp rejette la responsabilité sur l’adversaire
Éléments de réponse aux questions p. 175 afin de se présenter comme l’agressé alors que Lénine
1. Le monument de 1928 veut mettre en avant de préten- pointe les contradictions du système capitaliste. L’entre-
dus liens entre la métropole et sa colonie au cours de la deux-guerres voit émerger les premiers travaux d’histo-
Première Guerre mondiale. Les deux soldats, français et riens mais ces travaux sont parfois prisonniers d’enjeux
arabe, ont combattu ensemble pour la République fran- immédiats. Le NSDAP rejette ainsi le traité de Versailles
çaise (symbolisée ici par Marianne) et portent tous les et plus particulièrement l’article 231 qui reconnaissait
trois un soldat mort. Le monument insiste donc sur un l’Allemagne, et ses alliés, comme seuls responsables.
combat mené en commun par les Français et les Algé- Pendant la guerre froide, la réconciliation franco-alle-
riens. mande permet d’avoir une lecture plus nuancée, mais
aussi plus complète, des causes du conflit. La dernière
2. Après la Seconde Guerre mondiale, ce monument période voit émerger des travaux communs. Le cente-
situé au cœur d’Alger apparaît comme un message naire témoigne d’un réel intérêt de l’opinion publique

THÈME 3 Axe 1 Histoire et mémoires des conflits 3


française pour la Grande Guerre. Si les travaux s’appuient Document 3
sur un siècle d’avancées scientifiques et de nombreuses
sources, le débat persiste comme entre les historiens Pour le centenaire de l’assassinat de l’archiduc Fran-
Gerd Krumeich et Christopher Clark. çois Ferdinand par Princip, des Serbes ont inauguré une
statue en l’honneur de l’assassin à Sarajevo-Est (partie
serbe de la ville). Certains responsables politiques en
Éléments de réponse aux questions p. 177 font un héros de l’identité serbe et un symbole de liberté.
Un siècle après, le responsable de l’événement provo-
1. Les tensions sont nombreuses avant la guerre. Tout
quant l’entrée en guerre des différentes puissances euro-
d’abord, le siècle passé a laissé des territoires disputés
péennes par le système des alliances voit sa mémoire
entre certaines puissances européennes comme l’Al-
glorifiée.
sace-Moselle entre la France et l’Empire allemand. Ces
deux pays sont aussi entrés en concurrence dans les
colonies comme au Maroc. Ces exemples de tensions
Document 3
concernent de nombreux pays européens jusqu’à l’Em-
pire ottoman qui sort à peine des guerres balkaniques. L’interview de l’historien allemand Gerd Krumeich
Ces pays sont regroupés dans des alliances défensives. confirme le document 3. Pour ce dernier, la Grande
Guerre n’est pas autant enseignée en Allemagne qu’en
2. Les tensions persistent après la fin du conflit et son France, alors que dans les pays des Balkans et d’Europe
règlement par le traité de Versailles, en particulier en centrale la mémoire a été réinvestie après la fin de la
Allemagne avec le parti nazi qui condamne ce traité guerre froide.
et le rejette, une fois au pouvoir en 1933. Ces tensions
s’apaisent après 1945 car la France et la RFA (Allemagne
de l’Ouest) se rapprochent dans le cadre de la guerre Éléments de réponse aux questions p. 179
froide. Désigner l’autre comme le responsable n’est plus
un but politique immédiat. 1. D’après les documents 1 et 2. La France et l’Empire
allemand sont dans un cycle d’oppositions, en parti-
culier lors des crises marocaines. Le pacifisme semble
minoritaire en France derrière la figure de Jean Jaurès
p. 178-179 Jalon 1A alors que les médias insistent sur l’esprit de conquête
des Allemands. La guerre est ici présentée comme la
Un débat historique : les causes   seule réponse possible.
de la Première Guerre mondiale 2. Princip est représenté comme un résistant face à
Les deux premières pages montrent les enjeux politiques l’Autriche-Hongrie. Si les pays occidentaux présentent
de la réflexion sur les causes de la Grande Guerre. Ces aujourd’hui cet homme comme le responsable de l’évé-
débats s’ouvrent dès le début du conflit et persistent nement qui a conduit à la guerre, une partie des Serbes
encore dans certains espaces. La double page suivante voient en lui un héros de l’identité serbe qui s’est opposé
insiste davantage sur les aspects historiographiques à un empire oppresseur.
et se concentre sur les travaux majeurs portant sur les
causes du conflit mais aussi aux ouvrages ayant provo- 3. Pour Gerd Krumeich la Grande Guerre n’a pas le
qué une polémique. même sens pour les Français et les Allemands. Les pre-
miers y sont très sensibles et connaissent assez bien ce
conflit pour lequel ils font porter la responsabilité sur
Document 1
l’Allemagne. À l’inverse, les Allemands connaissent peu
Si le nombre de tirages du Petit Journal a diminué au ce conflit, éclipsé par le suivant. Pour l’historien, il faut
début du xxe siècle, il reste l’un des grands quotidiens réconcilier les deux visions afin de permettre l’émer-
français. Ici, le député Jean Jaurès, figure du pacifisme, gence d’une mémoire commune entre les deux pays.
est mis devant ses responsabilités par une Marianne
guerrière qui lui présente le passé conflictuel entre les Synthèse La question des responsabilités a été utilisée
deux pays. L’armée française, que l’on reconnaît aux pan- à des fins politiques dès le début du conflit pour mon-
talons rouges, est en difficulté face à l’armée prussienne. trer que l’ennemi était le responsable du déclenchement
Dans le fond brûle la cathédrale Notre-Dame de Stras- de la guerre. En France, les médias dénoncent l’attitude
bourg, bombardée par les Prussiens en septembre 1870. agressive de l’Allemagne depuis la guerre de 1870 et les
Tous les acteurs de la scène placent Jaurès face à la vio- crises marocaines.
lence de l’Empire allemand. La guerre semble alors être Aujourd’hui, c’est encore un sujet de débat pour plu-
la seule issue. sieurs raisons. Les Français et les Allemands n’accordent
pas la même importance à cette guerre et ne sont donc
pas aussi bien informés. Cela dépend aussi de la position
Document 2 du pays au moment de la guerre. Si la majorité des Euro-
Cette carte postale destinée au grand public présente péens voient Princip comme le principal responsable du
le kaiser Guillaume II en conquérant. Sa main gauche déclenchement de la guerre, une partie des Serbes rap-
placée sur l’Afrique fait référence à ses volontés de pellent que l’Autriche-Hongrie a eu une politique agres-
conquête sur ce continent. La carte de 1915 justifie la sive envers les pays des Balkans et Princip s’est dressé
« guerre défensive » contre l’Empire allemand, présenté contre cet ennemi qui serait alors le principal respon-
ici comme conquérant et belliqueux. sable de la Première Guerre mondiale.

THÈME 3 Axe 1 Histoire et mémoires des conflits 4


Travailler autrement dépassant le cadre universitaire puisqu’il faisait de l’Em-
Les historiens Antoine Prost et Jay Winter ont analysé le pire allemand le principal, voire le seul responsable, de
travail des historiens de la Grande Guerre. En fonction la guerre. Il replace également les objectifs belliqueux
des époques et des pays, les chercheurs n’ont pas abordé de Guillaume II dans une politique impérialiste depuis la
ce conflit de la même façon. Certains ont par exemple fin du xixe siècle.
d’abord réfléchi aux nations en guerre en abordant
le rôle de chaque pays et comment ils ont traversé ce
conflit. Ensuite, d’autres historiens et historiennes se sont Éléments de réponse aux questions p. 181
intéressés aux chefs de guerre, notamment les généraux
1. Selon Pierre Renouvin, les causes de la Grande Guerre
comme Joffre, Ludendorff ou encore Foch. Enfin, plus
sont l’ultimatum de l’Autriche-Hongrie qui ne laissait
récemment, la découverte de témoignages a permis de
guère d’autre choix à la Serbie que de refuser. L’Empire
s’intéresser aux soldats, la façon dont ils vivaient dans
allemand est aussi responsable car il n’a pas respecté
les tranchées, quelles étaient leurs occupations hors du
la neutralité belge. Pierre Renouvin n’évoque pas la
temps de combat et comment ils ont supporté les diffi-
France, il oublie aussi les rivalités coloniales et fait sur-
cultés du conflit.
tout peser les responsabilités sur la Triple Alliance.
D’autres travaux, se sont éloignés du front pour com-
prendre la façon dont les civils ont vécu le conflit. Des 2. Un manuel rédigé par des historiens français et alle-
catégories sociales comme les femmes, les étrangers mands permet de croiser les deux visions du conflit et de
et les enfants sont ainsi étudiés pour comprendre leur comprendre comment chaque pays aborde la Première
expérience de la guerre. Guerre mondiale. Le manuel présente donc une vision
respectant les approches des deux pays.

p. 180-181 Jalon 1B 3. Fritz Fischer s’est concentré sur les sources alle-
mandes, il est donc normal qu’en ressorte avant tout la
responsabilité de l’Empire allemand. Il faudrait complé-
Document 1 ter son travail par des sources françaises, britanniques et
Pierre Renouvin est le premier historien français à avoir russes pour voir dans quel état d’esprit la Triple Entente
travaillé sur les causes du conflit. Il a participé à la a abordé les mois de juin et juillet 1914.
guerre et perdu un bras au Chemin des Dames. Si son
objet d’étude ne porte pas sur cette question, le ministre 4. Christopher Clark fait des Russes les principaux res-
de l’Instruction publique André Honnorat le charge de ponsables de la guerre. Ils ont encouragé la Serbie à
mener une enquête sur les causes de la guerre. Il devient rejeter l’ultimatum de l’Autriche-Hongrie. Leur but était
dès lors l’un des plus grands spécialistes de la Première d’intervenir pour s’étendre dans les Balkans. Les Russes
Guerre mondiale. avaient été également rassurés par le soutien français.
Comme la Russie est la première à avoir mobilisé son
armée, l’Empire allemand était obligé d’attaquer rapide-
Document 2 ment et a donc déclaré la guerre à la Russie.
L’étude des manuels permet de montrer l’état d’esprit
des deux pays. En France, la ligne défendue par Jules Synthèse
Isaac l’emporte pour réconcilier les deux pays en pas-
sant par l’éducation alors qu’en Allemagne les manuels Responsables Lacunes
Auteur
présentent le traité de Versailles comme une injustice et de la guerre de leurs travaux
certains en ont fait un argument permettant de justifier
Pierre Plusieurs responsables, Il s’interroge
une revanche.
Renouvin mais l’Autriche-Hongrie peu sur le rôle
et l’Empire allemand de la France
Document 3 ont la plus grande part
de responsabilité
Le livre de Christopher Clark, Les Somnambules, paru
juste avant le centenaire, montre que le débat sur les Auteurs Responsabilités La volonté de
causes est loin d’être terminé. Les somnambules seraient de manuels partagées réconciliation
les différents chefs d’États européens qui ont avancé en franco- peut l’emporter
se trompant sur les intentions de leurs adversaires. Par allemands sur l’analyse des
un solide travail sur les sources, il replace l’attentat de faits historiques
Sarajevo dans un cadre plus global et insiste sur le rôle
Fritz Empire allemand Sources
de la Russie, soutenue par la France, qui voulait la guerre
Fischer allemandes.
des Balkans. L’Empire allemand a, selon lui, tenté de dis-
suader les Russes, mais ces derniers sont les premiers à Christopher Principalement la Minimise
avoir mobilisé et ont donc mis l’Allemagne devant le fait Clark Russie, puis la France la responsabilité
accompli. de l’Allemagne

Travailler autrement
Document 4 L’historien allemand Gerd Krumeich revient sur les
Nicolas Offenstadt présente ici les idées de Fritz Fischer causes de la Première Guerre mondiale à l’occasion du
qui, en 1961, a créé, avec son livre, une polémique centenaire. Il montre que les puissances européennes

THÈME 3 Axe 1 Histoire et mémoires des conflits 5


étaient impérialistes et n’avaient aucun problème à 3. Certains Français vivant en Algérie veulent garder
faire la guerre, qui était pour eux une continuité de la leurs prérogatives et donc refusent l’indépendance
politique. Selon lui, les principaux responsables sont les alors que d’autres défendent cette idée comme Maurice
Autrichiens et les Allemands qui ont voulu et déclenché Audin. Quant à l’OAS, elle organise une série d’attentats
cette guerre. Les Allemands étaient persuadés d’être pour que l’Algérie demeure sous administration fran-
encerclés d’ennemis (France à l’ouest et Russie à l’est) çaise. Côté algérien, les divisions sont nombreuses parmi
et craignaient d’être attaqués par la Russie qui devenait les indépendantistes à l’exemple de celles opposant le
de plus en plus puissante. À l’inverse, les membres de la FLN au MNA alors que les harkis combattent côté fran-
Triple Entente ont essayé d’éviter ce conflit jugé inutile. çais. La guerre d’Algérie ne peut donc se résumer à une
simple opposition entre Français et Algériens.
Pour cela, Gerd Krumeich étudie surtout les événe-
ments du mois de juillet 1914 et s’oppose à l’interpréta-
tion de Christopher Clark qui fait porter la responsabilité
majeure sur la Russie, soutenue par la France, puis mini- p. 184-185 Re p è r e s
mise celle des empires centraux qui n’auraient pas eu
d’autre choix que celui d’entrer dans en guerre. Les mémoires de la guerre d’Algérie
Il décrit l’Europe de 1914 comme une poudrière dans L’histoire et les mémoires de la guerre d’Algérie
laquelle le nationalisme, les guerres passées et les riva- impliquent moins de pays que pour la Grande Guerre
lités coloniales ont multiplié les causes pouvant amener mais les acteurs n’en sont pas moins nombreux et
ces pays à se faire la guerre. L’attentat de Sarajevo ne fut amènent avec eux leur propre mémoire.
pas la seule cause du conflit mais l’étincelle qui provo- De 1962 à 1992, les mémoires demeurent divisées en
qua la Première Guerre mondiale. raison de la proximité du conflit et de la multiplicité
des expériences. Dans les deux pays, les autorités inter-
prètent le conflit selon leurs intérêts : la « guerre de Libé-
ration » du FLN s’oppose aux « événements d’Algérie »
p. 182-183 Re p è r e s du gouvernement français. Les deux premières photos
montrent qu’il convient de ne pas séparer les mémoires
La guerre d’Algérie (1954-1962) en deux catégories. Les pieds-noirs se sentent lésés avec
la fin du conflit et certains continueront à défendre
Cette double page rappelle certains éléments majeurs
l’idée d’une Algérie française, notamment dans le sud de
de la guerre d’Algérie, elle doit aussi permettre de se
la France. Côté algérien, le FLN veut apparaître comme
détacher d’une vision résumant la guerre à un affronte-
le grand acteur de l’indépendance et occulte le rôle
ment binaire entre Français et Algériens.
d’autres groupes comme le Mouvement national algé-
Le tableau et la photographie montrent que les Fran- rien (MNA) de Messali Hadj. À partir de 1992, les archives
çais vivant en Algérie occupent une position dominante de la guerre d’Algérie deviennent accessibles en France.
sur le plan économique. Concentrés dans les villes, ils Peu à peu, les hommes politiques reconnaissent le rôle
captent l’essentiel des richesses du pays. La photogra- de l’État dans la torture, l’abandon des harkis et les his-
phie du port d’Alger confirme ce constat puisque les toriens mettent en lumière la majorité des aspects occul-
Français vivent essentiellement autour du port (cœur tés de cette guerre.
économique) alors que les Algériens habitent davan- La carte page 185 met en avant la diversité des lieux
tage dans le cœur de la vieille ville. Le tableau présen- de mémoire de cette guerre et surtout le sens qui leur
tant le bilan de la guerre souligne un net déséquilibre est donné. En Algérie, les monuments et lieux rappelant
sur le plan des décès entre les Algériens et les Français. la guerre d’Algérie et la colonisation française sont par-
Là encore, les divisions internes doivent être mises en ticulièrement nombreux. En France, les monuments évo-
avant aussi bien en Algérie avec les affrontements entre quant l’Algérie française sont également nombreux dans
le MNA et le FLN que côté français avec les actions de le sud du pays. Ils sont souvent le fruit d’une volonté poli-
l’OAS. La dernière ligne nous amène à insister sur l’aban- tique locale répondant à une demande des pieds-noirs,
don des harkis après les accords d’Évian. implantés là en nombre, et parfois d’anciens membres
La chronologie rappelle que les tensions s’exacerbent de l’OAS.
après la Seconde Guerre mondiale. Les illustrations
exposent les débats provoqués en métropole par l’envoi
Éléments de réponse aux questions p. 185
des appelés et l’affaire Maurice Audin.
1. Les lieux de mémoire de la guerre d’Algérie reflètent
une multiplicité d’acteurs car en Algérie, les autorités
Éléments de réponse aux questions p. 183 insistent sur la dimension de martyr, alors qu’à Paris les
lieux rappellent les événements ayant lieu dans la capi-
1. Les Algériens réclament l’indépendance à la France, tale française ou dans l’ensemble du Maghreb. Dans les
mais les manifestations publiques organisées pour cette régions du Sud, plusieurs monuments défendent l’Algé-
cause ont été réprimées par les autorités françaises. Le rie française.
FLN décide alors de recourir à la force en novembre 1954.
2. Depuis 1962, la mémoire est tiraillée entre tensions et
2. La guerre d’Algérie oppose principalement les Algé- apaisement. En effet, il y a des différences entre les deux
riens aux autorités françaises, mais chaque camp connaît anciens ennemis, mais aussi à l’intérieur des pays. Pour
des divisions internes. la France, il s’agit d’assumer progressivement le rôle de

THÈME 3 Axe 1 Histoire et mémoires des conflits 6


l’État dans les exactions commises entre 1954 et 1962. 1961 à Paris. Il présente les événements du côté des
Cela permet de rapprocher les deux pays, mais les nos- Algériens. Des historiens comme Benjamin Stora et Guy
talgiques continuent à défendre la mémoire de l’Algé- Pervillé soulignent la distance entre cette fiction et la
rie française. En Algérie, les historiens n’ont pas encore réalité, ils craignent que l’opinion publique n’y voie que
accès à toutes les archives et rappeler les exactions fran- la dimension violente sans en comprendre la complexité
çaises permet au gouvernement d’occulter les divisions politique.
internes et de ressouder la nation.
Document 5
Benjamin Stora apparaît comme l’historien ayant contri-
p. 186-187 Jalon 2A
bué à une nouvelle vision de la guerre d’Algérie. Il rap-
pelle que cette guerre occupait le devant de la scène au
Mémoires et histoire d’un conflit : début des années 2000 grâce à la publication de nom-
la guerre d’Algérie breux travaux et aux témoignages. On pourra expliquer
Dès 1962, si les accords d’Évian mettent fin à la guerre, que l’historien a été l’objet d’un article antisémite à la fin
le conflit se poursuit sur le terrain de l’interprétation his- de l’année 2019 pour ses origines et ses travaux. https://
torique. Les médias, utilisés pendant et après le conflit, www.lemonde.fr/afrique/article/2019/11/20/une-dia-
véhiculent différentes interprétations et peuvent être tribe-de-valeurs-actuelles-contre-l-historien-benjamin-
censurés. Un certain temps a été nécessaire aux histo- stora-suscite-l-emotion_6019853_3212.html
riens pour proposer des travaux aboutis sur la question.
Pourtant, les années 2000 ont été marquées par plusieurs
polémiques et montrent que le sujet demeure sensible.
Éléments de réponse aux questions p. 187
Le travail des historiens n’est pas le même des deux 1. Le journal L’Humanité, communiste et anti-colonial,
côtés de la Méditerranée. En France, après l’ouverture est opposé aux « événements » d’Algérie, il insiste sur la
des archives en 1992, les historiens et historiennes ont pu violence de la répression française et tente de révéler la
aborder la grande majorité des thématiques soulevées vérité mais est censuré par l’État.
par ce conflit comme Raphaëlle Branche avec la tor-
ture. En Algérie, cela demeure complexe car les manuels 2. L’État veut ici réparer le fait qu’il ait abandonné les
insistent essentiellement sur les crimes et exactions de harkis après les accords d’Évian et atténuer la précarité
la France pour occulter le rôle d’autres acteurs algé- de leurs conditions de vie en France.
riens et les exactions du FLN. L’historien Mohamed Harbi
explique qu’en Algérie il vaut mieux s’autocensurer. 3. Commémorer les massacres d’octobre 1961, en les
rappelant sur un support du quotidien, est un moyen
pour les autorités algériennes de rappeler et dénoncer
Document 1 les exactions commises par le gouvernement français en
Algérie, mais aussi en France. C’est également un moyen
Le journal L’Humanité a tenté à plusieurs reprises de
de mettre une certaine pression sur les autorités poli-
dénoncer les exactions de l’armée française. Les pas-
tiques françaises.
sages censurés mettent en avant le fait que l’État inter-
dise la publication d’articles dévoilant certaines vérités.
4. Le film Hors-la-loi et la polémique qu’il a déclenchée
témoignent de l’opposition entre la mémoire algérienne
Document 2 et celle des pieds-noirs.
Ce texte de l’AFP montre que le gouvernement reconnaît 5. Pour Benjamin Stora, la reconnaissance par l’Assem-
enfin l’abandon des harkis pendant la guerre d’Algérie et blée nationale de la guerre d’Algérie comme une guerre
l’abandon des rapatriés qui ont vécu en France dans des et non des « événements », les débats sur la torture et
conditions précaires. Le versement de 40 millions d’eu- le sort des harkis, l’ouverture des archives, l’arrivée de
ros est autant une réparation que la reconnaissance de jeunes historiens, puis le besoin pour les derniers acteurs
cet abandon. de laisser un témoignage ont permis de mieux connaître
les différents aspects de la guerre d’Algérie.
Document 3
Synthèse De multiples visions de la guerre d’Algérie se
Ce timbre de 2011 insiste sur la violente répression de confrontent depuis 1962. Il y a d’abord celle relevant de
la manifestation des Algériens de Paris par la police, le l’histoire, puis celle concernant les mémoires. La pre-
17 octobre 1961. Selon les travaux de différents histo- mière n’était pas la même selon la période, la volonté
riens, il y aurait eu entre une cinquantaine et une cen- des politiques et l’ouverture des archives. Les historiens
taine de morts. Peu évoquée par les autorités françaises, français ont également eu plus de facilités pour étudier
elle constitue une séquelle pour le peuple algérien. tous les aspects de la guerre après 1992 alors que les his-
toriens algériens restent soumis à une pression du pou-
voir politique.
Document 4 Dans chaque pays, plusieurs visions se confrontent. En
Le film Hors-la-Loi de Rachid Bouchareb a suscité la Algérie, la vision du FLN l’a emporté. Le FLN s’est pré-
polémique. Il insiste sur les massacres de Sétif et Guelma senté comme le principal, voire le seul, acteur de l’in-
en 1945, puis se termine avec le massacre du 17 octobre dépendance algérienne, au détriment des autres partis.

THÈME 3 Axe 1 Histoire et mémoires des conflits 7


En insistant sur les exactions françaises, il a pu occulter Éléments de réponse aux questions p. 189
les siennes notamment contre certaines catégories du
peuple algérien. 1. Le pouvoir algérien insiste sur les exactions et atro-
En France, le travail des historiens se heurte encore cités commises par l’armée française. Cette condamna-
aux nostalgiques de l’Algérie française qui n’acceptent tion de la France permet de masquer les violences du
pas qu’ils exposent les violences commises en Algérie FLN mais aussi les divisions de la société algérienne
par les différents acteurs venus de métropole. depuis 1962.

2. Les historiens en Algérie subissent une pression poli-


tique. Ils doivent s’autocensurer car ils sont surveillés par
p. 188-189 Jalon 2B
le pouvoir.
Les historiens français subissent moins de pression poli-
Document 1 tique mais leurs idées mettent du temps à être connues
Les manuels à destination des adolescents algériens font par l’ensemble de la société. Cela se fait grâce aux
ressortir deux éléments dans leurs pages : les brutalités manuels et hors-séries des grands journaux mais l’opi-
françaises et le rôle du FLN dans la lutte pour l’indépen- nion publique n’est pas toujours informée des grandes
dance. nouveautés en histoire.
Le fait qu’il n’y ait qu’une seule édition permet de
3. La date de commémoration de la fin de la guerre
mieux contrôler son contenu.
­ ’Algérie dépend des acteurs du moment. Les immigrés
d
algériens et les appelés n’accordent pas la même impor-
Document 2 tance aux différents événements.
Mohamed Harbi est un historien algérien. Ancien haut Synthèse L’histoire et les mémoires de la guerre d’Algé-
fonctionnaire et membre du FLN, il a participé aux rie tendent à un relatif apaisement. Des sujets de ten-
accords d’Évian. Emprisonné pendant trois ans (1965- sion demeurent entre les différentes mémoires qu’il
1968) après le coup d’État de Boumediene, il fuit vers la convient de prendre en compte. De plus, les gouverne-
France en 1973. Professeur à Paris, il y écrit sur le FLN. ments n’ont pas forcément intérêt à appuyer cet apaise-
Dans cet entretien avec Le Monde, il décrit les difficul- ment puisqu’en Algérie le rappel des horreurs commises
tés rencontrées par les historiens algériens pour mener à par l’armée française permet de masquer celles du FLN
bien leur travail en Algérie. et les difficultés internes du pays. Par ailleurs, si le tra-
vail des historiens a connu de solides avancées, ces idées
Document 3 ne sont pas toujours connues du grand public qui garde
encore une vision tronquée de la guerre.
Raphaëlle Branche est une historienne spécialiste de
Pourtant, l’arrivée d’une nouvelle génération qui a de
l’étude des violences en situation coloniale. Elle sou-
moins en moins de liens avec ce conflit permet d’apai-
tient sa thèse sur la torture et l’armée française pendant
ser les mémoires. De nombreux Français et Algériens ont
la guerre d’Algérie en 2000 et celle-ci est publiée en
tendance à se retrouver sur une vision partagée de la
2001. Après les dénonciations d’intellectuels tels Pierre
guerre reconnaissant le rôle de chacun sans y rechercher
Vidal-Naquet ou de militants tels Herni Alleg, les travaux
des arguments politiques pouvant être utilisés contre tel
de Raphaëlle Branche ont établi le caractère systéma-
ou tel acteur des années 2000. Des intellectuels et des
tique de l’emploi de la torture. Elle revient ici sur le rôle
journalistes comme Ali Dilem, Benjamin Stora et Moha-
de l’historien dans la construction des mémoires.
med Harbi permettent d’avancer vers un apaisement,
certes lent, des mémoires.
Document 4
Travailler autrement
Ali Dilem publie ses caricatures dans le journal algérien
Diffusé en mars 2012, ce documentaire sur l’histoire de la
Liberté mais aussi l’hebdomadaire Charlie Hebdo qu’il
guerre d’indépendance de l’Algérie a été réalisé à partir
rejoint peu après les attentats de janvier 2015. Menacé
d’images d’archives restaurées et colorisées, provenant
de mort par des groupes islamistes, il a également été
de diverses cinémathèques, de l’armée française, de la
condamné à six mois de prison ferme par le gouverne-
télévision algérienne, de télévisions étrangères, mais
ment algérien.
aussi d’archives familiales et personnelles de soldats.
Sorti à l’occasion du 50e anniversaire de la signature des
Document 5 accords d’Évian, il a nécessité une année de travail.
L’historien Benjamin Stora revient sur le contexte parti-
culier des années 2000. La loi de février 2005 prévoyait,
entre autres, d’enseigner les aspects positifs de la colo- p. 192-193 Exercices Bac
nisation. Cela avait mobilisé les historiens et les ensei-
gnants qui y voyaient une pression du politique dans leur
Exercice 1
enseignement et s’opposaient à cette vision. Si cet ali-
néa a été supprimé, d’autres sujets de tension persistent En novembre 2013, à l’occasion du lancement des com-
alors que dans le même temps des historiens algériens mémorations du centenaire de la Grande Guerre, le
et français tentent d’écrire ensemble une histoire com- président français François Hollande a déclaré : « Le cen-
mune du conflit. tenaire n’a pas vocation à exhumer les combats d’hier,

THÈME 3 Axe 1 Histoire et mémoires des conflits 8


mais à réunir tous les belligérants ». Il opposait ainsi reaux. Le général Aussaresses a ainsi reconnu avoir eu
la compréhension des événements historiques de la recours à la torture pendant la guerre d’Algérie.
Grande Guerre à des objectifs politiques immédiats. Les différents gouvernements ont longtemps évité
Si l’histoire est la connaissance du passé des sociétés le sujet pour ne pas heurter la communauté des pieds-
humaines, la mémoire apparaît davantage comme un noirs et les anciens partisans de l’Algérie française. Peu
ensemble de souvenirs restant dans l’esprit des hommes. à peu, les hommes politiques ont aussi assumé ces exac-
Les mémoires sont donc plurielles et varient d’un acteur tions comme un processus qui n’était pas l’initiative de
à l’autre. L’expression « face aux » place les deux termes quelques soldats isolés mais bien une pratique répan-
en opposition, comme si l’histoire de la Première Guerre due. Les Présidents François Hollande et Emmanuel
mondiale était incompatible avec les mémoires. D’un Macron vont reconnaître progressivement la pratique de
côté, l’historien cherche à comprendre les événements la torture. En 2012, devant le Parlement algérien Fran-
en s’appuyant sur des archives et un questionnement. De çois Hollande a reconnu la pratique de la torture et sur-
l’autre, les mémoires divergent en fonction de la date, tout Emmanuel Macron a reconnu en 2018 le caractère
du lieu et des intérêts immédiats. Dès le début du conflit, systématique de la torture pendant la guerre d’Algérie.
et encore plus après le traité de Versailles, il y a eu une Le document proposé est une photographie de 1956,
opposition entre les deux car les mémoires ont évolué elle pose un contraste entre la jeunesse de l’homme
avec l’arrivée du parti nazi, la Seconde Guerre mondiale arrêté et les mains attachées dans le dos. La peur se lit
ou encore la guerre froide. dans ses yeux. Autour de lui se trouvent quatre soldats
Pourtant, les mémoires et l’histoire peuvent parfois français ayant des grades différents. Leur sang-froid
être complémentaires comme l’a prouvé la célébration contraste avec la peur de l’homme arrêté. On peut éga-
du centenaire. lement s’interroger sur la personne qui a pris la pho-
Dans quelle mesure les mémoires ont-elles limité, ou tographie. Il s’agit probablement d’un photographe de
non, la connaissance historique de la Grande Guerre ? l’armée française.

L’histoire et les mémoires ont d’abord été prisonnières Longtemps sujet tabou, la torture a été peu à peu mise
des enjeux immédiats de 1914 à 1945 car les archives en lumière par des témoins, des chercheurs et des per-
n’étaient pas toutes accessibles et l’ensemble des acteurs sonnalités politiques. Symbole de la réalité de la guerre,
essayaient de rejeter la responsabilité de ce conflit sur le il était nécessaire que les autorités françaises recon-
camp adverse. De 1947 à 1991, la guerre froide a faci- naissent ce système pour faciliter la réconciliation pro-
lité le rapprochement entre la France et la RFA, ce qui gressive entre les deux pays.
s’est ressenti dans les mémoires. Depuis 1991, l’histoire
n’a cessé de se renouveler et de progresser alors que les
mémoires ont oscillé entre unité et diversité.
Exercice 3
1. La source du document est un mensuel allemand paru
en février 2014.
Exercice 2
2. Cet article est publié à l’occasion du centenaire de la
Pendant la guerre d’Algérie (1954-1962), les différentes Grande Guerre.
parties impliquées ont pratiqué la torture contre leurs
adversaires. Si certains intellectuels tels que Pierre 3. Courrier international est un hebdomadaire français
Vidal-Naquet ont dénoncé cette pratique dès les années qui traduit des articles issus de la presse internationale.
1950, elle a pourtant été tue en France pendant près Il s’agit ici de montrer les débats sur les causes de la
d’un demi-siècle par les autorités politiques. Reconnaître guerre en Allemagne 100 ans après le début du conflit.
la torture était aussi une façon de reconnaître que les
« événements » d’Algérie étaient bien une guerre. Des 4. Au lendemain de la guerre, les Allemands récupèrent
travaux d’historiens et historiennes, des témoignages et l’argument du Premier ministre britannique David Lloyd
des gestes politiques ont été nécessaires pour mettre en George selon lequel aucun État n’a voulu la guerre. Un
lumière cette question sensible. Comment la question de ensemble de circonstances auraient conduit les Euro-
la torture pendant la guerre d’Algérie est-elle passée de péens dans la guerre.
l’ombre à la lumière en France depuis 1962 ?
La question de la torture a longtemps été occultée car 5. L’auteur contredit cela car l’Allemagne était dominée
la Ve République refusait de qualifier ce conflit comme par les milieux militaires, liés aux élites. Ensemble, ils ont
une guerre. De plus, la loi d’amnistie de 1964 a empê- délibérément provoqué la guerre en sachant la forme
ché toute poursuite judiciaire et témoigne de la volonté qu’elle prendrait et sans écouter les discours pacifistes.
du politique de ne pas aborder cette question. L’étude
des témoignages et l’ouverture des archives en 1992 6. Wolfram Wette met en avant la grande responsabilité
ont permis aux historiens de rédiger de solides travaux allemande. À l’occasion du centenaire et au moment où
sur la question. L’historienne Raphaëlle Branche a ainsi les personnalités politiques françaises et allemandes
réalisé sa thèse au cours des années 1990 et publié ses consolident les liens entre les deux pays, puis gardent
travaux en 2001 dans son ouvrage La Torture et l’armée un discours modéré, il cherche à pointer la responsabi-
pendant la guerre d’Algérie (1954-1962). Elle y décrit lité allemande. D’autant plus, qu’au même moment, les
de façon complète la pratique de la torture par les sol- idées de Christopher Clark, minimisant la responsabi-
dats français. D’un autre côté, des témoins et des acteurs lité de l’Empire allemand, sont diffusées dans les pays
prennent la parole, aussi bien des victimes que des bour- ­d’Europe centrale et occidentale.

THÈME 3 Axe 1 Histoire et mémoires des conflits 9


AXE 2 Histoire, mémoire et justice
La logique du chapitre
Les rapports entre histoire, mémoire et justice sont analysés à travers le prisme des
deux crises majeures qui ont tragiquement marqué les années 1990 : le génocide com-
mis au Rwanda (Jalon 1) et les crimes de guerre à grande échelle lors des conflits en
­ex-Yougoslavie (Jalon 2). Si la communauté internationale s’est montrée incapable
d’empêcher ou de mettre fin rapidement à ces crimes, elle a pu mettre en place les
conditions d’une justice.

Bibliographie
–– I. Delpla et M. Bessone (dir.), Peines de guerre, la justice pénale internationale et
l’ex-Yougoslavie, Éditions de l’EHESS, 2010. Un livre de synthèse sur le sujet, publié
avant que le tribunal ait fermé ses portes en 2017.
–– P. Hazan, La Paix contre la justice, comment reconstruire un État avec des criminels
de guerre ?, André Versaille Éditeur, 2010. De nombreux exemples concrets sur le rôle
de la justice dans la construction de la paix.
–– P. Hazan, Juger la guerre, juger l’histoire, PUF, 2007. Une synthèse et une définition
de ce qu’est la justice transitionnelle, le livre date un peu mais il éclaire bien cette
notion.
–– F. Piton, Le Génocide des Tutsi du Rwanda, La Découverte, 2018. Une belle synthèse
récente sur le génocide rwandais, qui tente d’éclairer de manière équilibrée le rôle
qu’a joué la France dans cet événement.
–– O. Rovetta, Un Génocide au tribunal, Le Rwanda et la justice internationale, Belin,
2019. Un travail récent sur le rôle du tribunal pénal international pour le Rwanda mais
peu d’informations sur les tribunaux populaires, les gacaca.

Sitographie
–– Le site officiel du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, on y trouve
une documentation très riche sur les procès, les dossiers tes condamnés : https://www.
icty.org/fr
–– Le site du Tribunal pénal international pour le Rwanda fournit lui aussi de précieux
documents, tels que la liste des accusés, des condamnés et des fugitifs. https://unictr.
irmct.org/fr/tribunal
–– Deux vidéos intéressantes sur le TPIR d’Arusha (https://enseignants.lumni.fr/fiche-­
media/00000001174/le-tribunal-penal-international-tpi-d-arusha-pour-le-rwanda.
html) et le siège de Sarajevo (https://enseignants.lumni.fr/fiche-media/00000000207/
le-siege-de-sarajevo.html).

p. 196-197 O u ve r t u r e plus basses, ils étaient notamment chargés de terroriser


les populations civiles. Les victimes sont les populations
musulmanes de Bosnie.
Éléments de réponse aux questions p. 196
1. Lors des guerres en ex-Yougoslavie, la violence s’est
souvent tournée contre les civils qui étaient de véritables Éléments de réponse aux questions p. 197
cibles, terroriser les populations étant une stratégie afin 1. Kroll dénonce à travers ce dessin un double oubli.
d’accélérer le nettoyage ethnique. Cette photographie, L’inaction de la communauté internationale durant le
diffusée dans la presse, a profondément choqué par sa génocide des Tutsis au Rwanda (jusqu’à l’opération Tur-
violence. Ce cliché d’un milicien frappant des civils à quoise) mais aussi, l’amnésie de l’opinion publique à
terre alors qu’ils sont blessés ou morts saisit le moment l’occasion des commémorations du 25e anniversaire du
d’une violation des règles de la guerre. génocide.

2. Il s’agit de troupes paramilitaires, les Tigres d’Arkan 2. Les commémorations œuvrent généralement pour la
que le photojournaliste Ron Haviv a suivi en 1992. Ces réconciliation. Elles permettent de rappeler la vérité his-
supplétifs de l’armée serbe s’occupaient des tâches les torique et de rendre hommage aux victimes.

THÈME 3 Axe 2 Histoire, mémoire et justice 10


p. 198-199 Re p è r e s presse comme ce journal appelé Kangura mais aussi sur
les ondes de la tristement célèbre Radio télévision libre
Une justice pour établir la paix des Mille Collines (RTLM).

Éléments de réponse aux questions p. 199 Document 4


1. La justice internationale est l’un des leviers de la jus- Le graphique fait le bilan total des personnes assas-
tice transitionnelle. Elle permet de juger des criminels sinées durant le génocide et propose l’estimation de
avec une certaine neutralité extérieure et donc une cer- 800 000 morts communément adoptée par les cher-
taine légitimité. Elle permet aussi au pays qui a connu cheurs et les instances internationales. Ce graphique
ces crimes de retrouver sa place au sein de la commu- permet de souligner le mode opératoire de ce géno-
nauté internationale en acceptant ses règles. cide : une majorité d’armes blanches et notamment la
machette, l’outil des paysans.
2. Une soixantaine d’États ne reconnaissent pas la justice
internationale car ils n’ont pas signé ou ratifié le traité
fondant la CPI. Parmi ces États, on retrouve des États non Éléments de réponse aux questions p. 201
démocratiques comme la Chine, l’Arabie saoudite, Cuba
mais aussi l’Inde, la Turquie, l’Indonésie. On constate que
l’Europe a adhéré assez unanimement à cette instance. 1. Les causes du génocide sont anciennes et multiples.
Traditionnellement, la société rwandaise était divisée
3. Cette justice internationale a beaucoup d’ambition essentiellement en deux communautés. La minorité
mais peu de moyens. Elle dépend d’abord de ces contri- composée de Tutsis détenait le pouvoir monarchique, les
buteurs et de la volonté ou non des États d’adhérer aux Hutus très majoritaires étaient dominés. Les colons alle-
principes qu’elle défend. mands et belges ont maintenu et entretenu cette domi-
nation entre les deux communautés. Les Tutsis étaient
estimés par les colonisateurs comme étant d’une « race
supérieure ». Avec l’indépendance, les rapports changent
p. 200-201 Jalon 1A les Hutus prennent le pouvoir et des premiers massacres
ont lieu en 1963 et 1973. La haine ethnique est entrete-
Les tribunaux gacaca   nue par une propagande qui attise les rancœurs sociales.
face au génocide des Tutsis
Ce dossier propose neuf documents qui retracent les
2. Dans un climat de guerre civile, les extrémistes hutus
commencent par déployer une intense propagande
origines du génocide, ses étapes et son épilogue par la
anti-Tutsis.
mise en place d’un Tribunal pénal international pour
le Rwanda et des tribunaux communautaires villageois Avril 1994 : l’attentat contre le Président donne le
afin d’établir toutes les responsabilités des nombreux signal des massacres organisés par les extrémistes hutus
acteurs de ce crime. Depuis la fin de 1994, Paul Kagamé, au pouvoir.
le nouvel homme fort du régime, tente de mettre en Les troupes belges de l’ONU sont la cible d’attaques et
place une réconciliation nationale en s’aidant de la se retirent en grande partie du pays
justice transitionnelle.
Les rebelles du FPR lancent une offensive à partir du
nord du pays et prennent la capitale en juillet.
Document 1 Les massacres perpétrés par les Hutus se poursuivent
Cet extrait d’un article des Cahiers français établit clai- dans le sud du pays.
rement les racines complexes de cet antagonisme pro- 22 juin, sous mandat de l’ONU, la France intervient
fond entre d’une part les Tutsis éleveurs et propriétaires dans le cadre de l’intervention Turquoise pour stopper,
et les Hutus cultivateurs et majoritaires. La colonisation mais un peu tard, le génocide. Les génocidaires Hutus
belge a amplifié l’antagonisme et produit des haines s’enfuient par la zone sécuritaire mise en place par la
profondes entre les deux communautés. L’indépendance France.
n’a pas résolu ces tensions au contraire.
3. La violence semble être le fait d’une grande partie de
Document 2 la population hutue. Elle se manifeste par une sorte de
« fièvre » de violence en apparence spontanée, mais en
Cette carte montre l’impact du génocide selon les réalité orchestrée par les miliciens. Les violences sont
régions et comment il entraîne l’exode des popula- perpétrées le plus souvent avec des armes blanches, la
tions. La zone dite humanitaire mise en place à l’aide de machette. On rassemble les victimes dans des églises
l’opération Turquoise a favorisé la fuite des populations pour des massacres de masse. Les Tutsis sont aussi bat-
victimes mais aussi celle de certains coupables vers la tus, noyés et les femmes violées. Ce qui frappe c’est ce
République démocratique du Congo. génocide « de proximité » ou l’on tue ses voisins, parfois
ses proches.
Document 3
La couverture de ce journal de propagande anti-Tutsi
illustre l’ancienneté de la haine qui s’affiche dans la

THÈME 3 Axe 2 Histoire, mémoire et justice 11


4. ACTEURS EXTÉRIEURS LEADERS POLITIQUES

Les troupes belges Juvénal Habyarimana


de l’ONU quittent Président mort dans
le Rwanda juste avant un accident d’avion
le génocide (avril)

Opération Turquoise Paul Kagamé, hutu,


menée par la France fondateur du FPR,
sous mandat de l’ONU devient le nouveau
(juin) président
Génocide contre
les Tutsis

Médias attisant les haines Une grande partie de la population hutue


Revue Kangura, radio des Mille collines participe aux massacres

–– Novembre 1994, instauration d’un Tribunal pénal


Travailler autrement international pour le Rwanda afin de juger rapidement
Il est possible de reprendre l’essentiel des dates de la les principaux responsables.
chronologie de la page 201. On pourra ajouter l’instaura- –– Paul Kagamé, le nouvel homme fort met en place une
tion du TPIR en novembre 1994 et des gacaca entre 2002 justice transitionnelle : les tribunaux gacaca.
et 2012.
Le récit du génocide doit comprendre les éléments sui-
vants : p. 202-203 Jalon 1B
Les causes
–– Une situation ancienne où les Tutsis minoritaires déte- Document 1
naient le pouvoir.
–– La colonisation belge et allemande renforçant les Le document nous montre la réalité de cette justice tra-
antagonismes en « racialisant » cette domination tutsie. ditionnelle car elle se passe en extérieure, ouverte à
–– L’indépendance et le renversement des rapports de tous. Plus de 12 000 tribunaux ont ainsi été mis en place
force/massacres de Tutsis de 1963 et 1973. pour traiter plus de 2 millions d’affaires.
–– L’échec du processus de paix d’Arusha, disparition du
Président Habyarimana à l’initiative de la paix.
Document 2
Les étapes du génocide
–– Avril 1994 : la disparition du Président donne le signal Le document souligne l’aspect inédit de ce tribunal, le
des massacres organisés par les extrémistes hutus au premier depuis la convention de 1948. Il montre que son
pouvoir. action a été limitée dans le temps et dans le nombre
–– Les troupes belges de l’ONU sont la cible d’attaques et de personnes suivies : il s’agissait d’abord de punir les
se retirent en grande partie du pays acteurs politiques de ce génocide.
–– Les rebelles du FPR lancent une offensive à partir du
nord du pays et prennent la capitale en juillet. Document 3
–– Les massacres perpétrés par les Hutus se poursuivent
dans le sud du pays. Ces tribunaux traditionnels ont permis de traiter dans
–– 22 juin, sous mandat de l’ONU, la France intervient les meilleurs délais plus de 2 millions d’affaires liées au
dans le cadre de l’intervention Turquoise pour stopper, génocide. C’est l’instrument de la justice transitionnelle
mais un peu tard, le génocide. Les génocidaires Hutus qui a permis de rétablir la paix et la réconciliation au
s’enfuient par la zone sécuritaire mise en place par la sein même des villages.
France.
Les conséquences
Document 4
–– Un génocide très violent qui a fait 800 000 morts en
quelques mois. La patrimonialisation des sites du génocide est un des
–– Une partie importante de la population hutue a pris éléments de la stratégie de réconciliation nationale
part aux massacres. initiée par la justice transitionnelle. L’église catholique
–– L’intervention française soulève des doutes et des de Nyamata (construite en 1980) a été réduite en abat-
polémiques. toir où plus de 45 000 personnes ont été massacrées.

THÈME 3 Axe 2 Histoire, mémoire et justice 12


Aujourd’hui, transformée en lieu de mémoire du géno- En conclusion, on peut cependant s’interroger sur les
cide, on trouve dans une salle les outils utilisés par les limites de cette justice transitionnelle. Les tensions et les
génocidaires (machettes, lances, couteaux) et dans une traumatismes sont encore bien présents vingt-cinq ans
seconde, une accumulation des habits que portaient les plus tard. La réconciliation est néanmoins lancée, bien
victimes. Cette scénographie est à rapprocher des accu- plus qu’en ex-Yougoslavie.
mulations de chaussures, lunettes, valises et autres objets
rassemblés dans certains baraquements d’Auschwitz. Travailler autrement
Pour remédier à l’impossibilité de juger autant d’incul-
pés, les autorités mettent en place en juin 2002 plus de
Document 5 11 000 tribunaux populaires dans le cadre d’une justice
participative où la population est à la fois, témoin, juge
L’article du Monde de Guillaume Ancel est le reflet des
et partie.
vifs débats autour de l’implication de la France dans le
dernier génocide du xxe siècle. Le 5 avril 2019, à l’oc- Mais ce processus suscite des critiques :
casion du 25e anniversaire de ce génocide, le président –– Une justice parodiée : absence d’avocat, juges non
de la République, Emmanuel Macron a mis en place rémunérés, amateurisme des juges, une justice des vain-
une commission de chercheurs chargés d’analyser les queurs.
archives françaises sur l’engagement de la France au –– Une vérité qui peine à émerger : ces tribunaux ne
Rwanda entre 1990 et 1994. Cette commission est pré- font par émerger complètement la vérité des faits. Les
sidée par l’historien Vincent Duclert mais elle a écarté témoins des massacres sont intimidés et ne participent
deux historiens pourtant spécialistes de la question : pas aux procès. Le silence s’impose aux procès et force à
Hélène Dumas, chargée de recherches au CNRS et Sté- une fausse réconciliation.
phane Audouin-Rouzeau, directeur d’études à l’EHESS. –– Pour les survivants, les défauts de sanctions se rap-
prochent d’une nouvelle impunité. De plus aucune
réparation est prévue dans tous ces jugements pour les
Éléments de réponse aux questions p. 203 victimes.
1. Le Tribunal a reconnu que ces massacres étaient bien La réconciliation reste limitée dans le pays tant les
un génocide selon la définition de la convention de 1948. antagonismes ethniques demeurent profonds. Les tribu-
93 personnes ont été inculpées, 62 condamnées, essen- naux gacaca à la justice participative sont une réponse
tiellement des personnalités politiques ou militaires. incomplète à l’idée d’une réconciliation nationale.

2. Le TPIR n’a en fait jugé que les principaux responsables


politiques et militaires alors qu’une grande partie de la p. 204-205 Jalon 2A
population hutue a participé au génocide. Juger tous
ces coupables aurait dû prendre beaucoup de temps. Le Face aux crimes de masse,  
nombre important de ces tribunaux locaux a permis de
juger plus de 2 millions d’affaires.
le Tribunal pénal international
pour l’ex-Yougoslavie (TPIY)
3. La patrimonialisation des lieux du génocide est le Ce dossier propose six documents qui retracent dans un
moyen de construire une mémoire collective autour de premier temps les étapes principales de la guerre en
ce traumatisme et d’œuvrer à la réconciliation par des ex-Yougoslavie (une carte et une chronologie) et carac-
commémorations régulières. térisent les violences et les buts de ce conflit : une guerre
civile ou plutôt contre les civils (stratégie du nettoyage
4. La France doit prendre sa part dans ce travail de ethnique). Dans une seconde double page, trois docu-
mémoire car elle a été impliquée dans ce génocide. ments tentent de montrer les difficultés de l’établisse-
D’une part par la vente d’armes au gouvernement avant ment d’une justice internationale.
et pendant le génocide puis en intervenant dans le cadre
de l’opération Turquoise.
Document 1
Synthèse Dans cette synthèse, il serait intéressant de La carte se propose de montrer tout d’abord la com-
décomposer le propos en deux parties. plexité de l’espace yougoslave et notamment le fait
En introduction, rappeler la définition de la justice que dans beaucoup d’États, on constate le mélange
transitionnelle. des nationalités formant un véritable patchwork eth-
nique. On constatera aussi l’étalement dans le temps de
1re partie : L’originalité de ce génocide : un génocide l’éclatement de la République fédérative socialiste de
qui implique une grande partie de la population, avec Yougoslavie par les dates d’indépendance des différents
une flambée de violence sanguinaire rarement égalée. États de 1991 à 2008.
2e partie : L’action du Président tutsi Paul Kagamé.
Recours à une justice traditionnelle qui arrive à juger
les nombreux acteurs de ce massacre. Patrimonialisa-
Document 2
tion et travail de mémoire. La France et les anciennes Ce charnier situé à Pilica constitue une preuve des mas-
puissances coloniales accusées d’avoir une part de res- sacres perpétrés par les milices serbes contre les musul-
ponsabilité dans ce génocide : afin de ressouder l’unité mans. Grâce aux travaux des experts médico-légaux, les
nationale ? corps exhumés livrent de précieuses informations sur

THÈME 3 Axe 2 Histoire, mémoire et justice 13


le déroulement des massacres. Ces preuves ont servi à –– Les conséquences : l’éclatement de l’ex-Yougoslavie a
condamner les différents responsables de ces massacres. provoqué la création d’États nouveaux mais la Serbie a
voulu maintenir l’unité et rassembler les Serbes autour
d’une Grande Serbie. Les velléités nationalistes se sont
Document 3 propagées sur l’espace de l’ex-Yougoslavie, en Croatie,
en Bosnie et au Kosovo. Le « nettoyage ethnique » a eu
Cet entretien avec l’historien Jacques Semeli nous
aussi pour conséquence des déplacements de popula-
éclaire sur les acteurs et leurs motivations, notamment
tions et des tensions entre les communautés restées sur
le rôle des milices paramilitaires qui vont perpétrer les
place.
pires crimes (voir aussi la photographie du doc. 1 p 196)
mais aussi sur la stratégie de guerre : cibler les civils afin Travailler à l’oral
de les faire fuir et procéder ainsi au nettoyage ethnique. Il est possible de partir d’une BD, celle par exemple de
Joe Sacco, The Fixer, une histoire de Sarajevo de 2005 qui
raconte le conflit par le biais d’un reporter et son « fixer »,
Éléments de réponse aux questions p. 205 celui qui met en contact les reporters avec les interlocu-
teurs locaux.
1. Le maréchal Tito avait assuré la cohésion de cet
espace politique rassemblant de nombreuses nationa-
lités. À sa mort en 1980, la Yougoslavie semble encore
tenir mais la chute des régimes communistes en Europe p. 206-207 Jalon 2B
de l’Est et l’affaiblissement de l’URSS vont précipiter la
dislocation de cet État.
Document 1
En 1991, la Slovénie, la Croatie et la Macédoine pro-
Le texte de Pierre Hazan explique et justifie l’établisse-
clament leur indépendance. La Serbie dirigée par le
ment d’une justice internationale pour rompre la spirale
nationaliste Milosevic entend conserver sa place pré-
de la haine et de la vengeance. Il laisse sous-entendre
pondérante dans la région et profiter de cette période
que ce n’est qu’une pièce imparfaite du processus de
pour rassembler autour de cet État tous les Serbes en
réconciliation.
pratiquant la purification ethnique. La Serbie mène ainsi
des attaques contre la Croatie puis contre la Bosnie-Her-
zégovine. Les accords de Dayton en 1995 marquent la Document 2
fin du conflit le plus meurtrier. Les hostilités reprennent
en 1998 au Kosovo qui souhaite son indépendance. La La caricature du suisse Chapatte montre avec ironie, un
Serbie considérant qu’il s’agit du berceau de sa nation dirigeant en prison accusé de crime contre l’humanité.
entend le conserver dans son giron. L’intervention de Arrêté en 2001, Slobodan Milosevic est présenté comme
l’OTAN en 1999 marque la fin des combats et l’indépen- rassuré, il peut, seul au sein de sa cellule concevoir sa
dance du Kosovo est proclamée en 2008. Entre-temps, le vision d’un monde ethniquement pur.
nationaliste Milosevic a quitté le pouvoir et a été arrêté
pour être jugé par le TPI pour l’ex-Yougoslavie.
Document 3
2. Les acteurs des massacres sont les armées, la police Le document soulève les limites nombreuses du TPIY. Il
mais surtout les milices paramilitaires composées de montre que les pressions extérieures de la communauté
nationalistes, mais aussi de hooligans et de repris de jus- internationale et de l’UE ont certes permis de juger les
tice qui, dans ces circonstances exceptionnelles, en pro- dirigeants mais cela a suscité bien des réticences et des
fitent pour exercer des violences contre les minorités, doutes de la part des populations. Et les acquittements
commettre des actes de banditisme et pratiquer le viol. de certains dirigeants ont jeté un peu plus le discrédit
sur cette institution.
3. Car il s’agit bien d’une stratégie menée par les pro-
tagonistes : cibler les civils c’est les forcer à quitter un
territoire par la terreur et pratiquer ainsi la « purifica- Éléments de réponse aux questions p. 207
tion ethnique ». Cette stratégie rend désormais toute 1. Les objectifs du TPIY sont de mener des procès indé-
cohabitation entre les communautés impossible. pendants, impartiaux et équitables pour les crimes com-
Synthèse En introduction : présenter la Yougoslavie mis au cours des conflits survenus lors de l’éclatement
comme un État multinational inédit. Reprendre la défini- de l’ex-Yougoslavie et de punir les coupables.
tion du terme : nettoyage ethnique. 2. Le TPIY a dû faire face à l’hostilité des opinions
–– Les causes : La mort de la figure tutélaire, Tito. La publiques des pays de l’ex-Yougoslavie qui avaient par-
disparition du communisme partout en Europe de l’Est. fois soutenu les accusés. De plus, sans force de police
L’émergence de gouvernements nationalistes. propre, il a dû faire appel aux forces de police des États
de l’ex-Yougoslavie, rencontrant parfois des résistances.
–– La mise en œuvre : la dislocation de la Yougoslavie
Enfin, certains verdicts ont été contestés tant par les sou-
est une opportunité pour revoir les frontières et dépla-
tiens des accusés que par les victimes.
cer des minorités jugées indésirables. Des violences sont
menées d’abord contre les civils, des viols, des massacres Synthèse En introduction : quelques rappels sur les cir-
systématiques : en Bosnie-Herzégovine la moitié des vic- constances de l’instauration du TPIY et du principe d’une
times durant la guerre ont été des civils. justice internationale.

THÈME 3 Axe 2 Histoire, mémoire et justice 14


Les victoires : est composé de juges non professionnels qui sont choisis
–– Le principe d’une justice internationale s’est imposé à parmi les sages des villages, ils suivent une rapide forma-
tous ; tion et ce sont eux qui rendent la justice. Ces procès sont
–– Les principaux dirigeants ont été arrêtés et condam- en plein air et ouverts à tous, ils impliquent l’ensemble
nés ; de la population et participent au processus de récon-
–– Les crimes de guerre sont ainsi poursuivis de manière ciliation.
indépendante ; Les gacaca participent au dispositif de la justice tran-
–– Le TPIY s’intègre dans une stratégie de réconciliation sitionnelle car près de 2 millions de jugements ont été
et de justice transitionnelle ; prononcés dans ces tribunaux d’exception. Ils ont permis
–– Les victimes de ces crimes sont finalement reconnues. de donner une réponse judiciaire à ces crimes de masse
Les échecs : qui avaient impliqué une grande partie de la population
hutue. Ils ont enfin permis de juger les coupables qui
–– Le TPIY est une volonté des puissances extérieures, étaient encore en attente de jugement dans les prisons.
faible adhésion des belligérants ;
–– Le TPIY est une réponse incomplète, la réconciliation Ainsi, les tribunaux traditionnels ont été un outil judi-
n’est pas vraiment commencée et le travail de mémoire ciaire inédit et relativement efficace pour initier un
trop limité ; début de réconciliation au Rwanda. Mais la justice doit
–– Les acquittements de certains dirigeants croates ont être complétée par une politique plus large de réconci-
jeté un peu plus le discrédit sur l’institution. liation, commémorations, travail de mémoire, dévelop-
pement économique.
Travailler à l’oral
Pour cet argumentaire qui est en quelque sorte un réqui-
sitoire voici quelques conseils. Exercice 2
Voici la liste des criminels dont on pourra facilement
RÉQUISITOIRE
trouver des informations presque tous condamnés à de
Qui parle ? Nous, je (implication de l’émetteur) longues peines de prison : Slobodan Milosevic, Radovan
À qui ? Forte implication de l’auditoire
Karadzic, Ratko Mladic, Milan Martić, Milomir Stakic,
à convaincre Radislav Krstić, Radoslav Brđanin, Dragan Nikolić, Goran
Jelisić.
De qui,  D’un sujet considéré comme coupable
de quoi ?
Vocabulaire Péjoratif Exercice 3
Registre Polémique 1. Le siège de Sarajevo a duré plus de trois ans (1992-
1995) il a opposé les forces bosniaques qui avaient
Stratégie Ironie, appel à la raison déclaré leur indépendance et des troupes paramilitaires
serbes souhaitant rester attachées à la Serbie.
Vous pourrez accéder au dossier (très complet) de Milo-
sevic : https://www.icty.org/fr/case/slobodan_milosevic 2. La Bosnie-Herzégovine organise la commémoration
Le dossier de l’accusation : https://www.icty.org/fr/ du 20e anniversaire du siège de Sarajevo en mettant en
content/le-proc%C3%A8s-milo%C5%A1evi%C4%87-­le- scène à travers la ville, une « Red line », 11 541 chaises
dossier-de-laccusation rouges symbolisant l’ensemble des victimes tuées au
cours du siège.
Plaidoyer et réquisitoire fonctionnent de la même
manière
3. Les accords de Dayton de 1995 prévoient l’arrêt des
combats entre les deux communautés à la suite d’un
accord de partition de l’État entre deux entités poli-
p. 210-211 Exercices Bac tiques : Fédération croato-musulmane pour 51 % du ter-
ritoire et la République Serbe de Bosnie pour 49 % du
reste du territoire, consacrant la logique de la séparation
Exercice 1
des deux communautés. L’arrêt des combats, la sépara-
Les tribunaux qu’on appelle gacaca (signifiant « herbe tion ne veulent pas dire la fin de la haine entre les deux
douce » en kinyarwanda) sont des tribunaux commu- communautés.
nautaires s’inspirant de la justice traditionnelle. Ils ont
complété la poursuite des dirigeants du génocide jugés 4. Cette commémoration a marqué les esprits, surtout
dans le Tribunal pénal international pour le Rwanda. Ils de ceux qui étaient convaincus du rôle nécessaire de la
se sont tenus durant entre 2002 et 2012. Dans le tribunal mémoire collective pour pouvoir ensuite entreprendre
(exemple de Gotovo, doc 1 p. 202), l’accusé comparaît une réconciliation.
dans la tenue rose des prisonniers devant un survivant
du génocide. 5. La Bosnie-Herzégovine est en fait une composition
Ces tribunaux traditionnels se sont implantés partout complexe de deux États, de deux communautés qui se
sur le territoire rwandais, près de 12 000 d’entre eux se tournent le dos. Pour le moment, le travail de mémoire, de
tenant au plus près de la population. En effet, le tribunal justice et de réconciliation n’est toujours pas commencé.

THÈME 3 Axe 2 Histoire, mémoire et justice 15


ÉTUDE CONCLUSIVE
L’histoire et les mémoires du génocide
des Juifs et des Tsiganes
La logique du chapitre
L’objectif de cette étude conclusive est de montrer que la mémoire, « une trace du passé
dans le présent ou une commande du présent pour évoquer, interpréter et sélectionner
le passé » selon Raphaëlle Branche, est longtemps forte d’enjeux politiques quand elle
touche à la Seconde Guerre mondiale. En France, le conflit ayant rompu l’identité de la
nation, toutes les forces sociales et politiques se retrouvent divisées. C’est une période
marquée par le souvenir d’années noires et honteuses, que les Français ont cherché à
oublier car totalement en désaccord avec les principes et les valeurs de la République.
Après 1945, des communautés de mémoires sont en concurrence ; elles tentent de cor-
riger, de dicter, d’élaguer le récit historique. Afin de permettre l’évolution de ces mé-
moires dans l’espace public, le rôle des historiens, de la justice ou des artistes est im-
portant pour faire émerger ces mémoires, les corriger, les diffuser, par leurs recherches,
leurs jugements ou leurs œuvres.

Bibliographie
–– G. Bensoussan, Atlas de la Shoah. La mise à mort des Juifs d’Europe, 1939-1945,
­Autrement, 2014. En une centaine de cartes et d’infographies, cet atlas permet une ap-
préhension globale de cet événement, ses origines, sa chronologie, son déploiement
géographique et ses conséquences démographiques.
–– V. Duclert, « Les Génocides », La Documentation photographique, n° 8127, mars 2019,
CNRS Éditions. Un numéro qui rend compte des êtres humains qui ont conçu les pro-
jets génocidaires et les ont mis en œuvre, de l’histoire des victimes à qui tout a été
soustrait jusqu’à leur mort même et dont on continue pour beaucoup d’ignorer le nom
et le passé, de l’histoire des rares témoins et sauveteurs…
–– M. Moutier-Bitan, Les Champs de la Shoah. L’extermination des Juifs en Union sovié-
tique occupée, 1941-1944, éditions Passés composés, 2019. L’historienne Marie Mou-
tier-Bitan amène son lecteur sur les lieux de l’extermination des Juifs dans le contexte
de l’avancée allemande en URSS.
–– C. Ingrao, La Promesse de l’Est : espérance nazie et génocide (1939-1943), éditions
du Seuil, 2016. Christian Ingrao revient sur l’histoire de l’utopie nazie, de sa conception
à ses tentatives de mise en œuvre et de ses rapports intimes avec le génocide des Juifs
et des Tsiganes. Il décrit l’hallucinant projet qui devait vider les territoires de l’Europe
de l’Est de ses millions d’habitants pour les remplacer par des colons allemands.
–– « Les écrans de la Shoah », Revue d’Histoire de la Shoah, n° 195, 2011. La télévision
et le cinéma construisent un savoir sur la destruction des Juifs d’Europe largement
partagé. Pourtant, ce rôle dévolu aux images animées ne va pas de soi et il alimente
débats et polémiques. Ce recueil offre un état de la question et de ses enjeux de 1941
à nos jours, aussi bien en Europe qu’aux États-Unis.
–– G. Steinacher, Les Nazis en fuite, Perrin, 2015. Comment certains sbires d’Hitler ont-
ils échappé à la justice après la chute du IIIe Reich ? Gerald Steinacher démêle ici le
vrai du faux, laissant de côté fantasmes et théories du complot.

Sitographie :
–– Les ressources documentaires proposées par le site Mémoires tsiganes : http://www.
memoires-tsiganes1939-1946.fr/accueil.html
–– Les ressources documentaires du United States Holocaust M ­ useum Memorial :
https://www.ushmm.org/fr
–– Les ressources documentaires proposées par le site du Mémorial de la Shoah : http://
www.memorialdelashoah.org/

THÈME 3 Étude conclusive L’histoire et les mémoires du génocide des Juifs et des Tsiganes 16
p. 214-215 O u ve r t u r e rien n’était prévu pour les abriter, moins encore pour les
nourrir ne serait-ce que 24 heures. Il s’agit donc plutôt
de centres de mise à mort que de camps. Indépendants
Éléments de réponse aux questions p. 214 du système concentrationnaire nazi, ils échappaient à
1. Cette photographie fixe la mémoire de la Shoah son système d’inspection, à l’exception d’Auschwitz et de
d’abord car elle témoigne d’un des moments du proces- Majdanek, initialement « simples » camps de concentra-
sus, l’arrestation dans les ghettos avant la déportation tion avant de devenir mixtes (camp de concentration, de
dans les centres de mise à mort. Elle est ainsi utilisée travail et centre d’extermination).
comme preuve à charge lors du procès de Nuremberg.
Mais cette photographie fixe aussi la mémoire car son
impact visuel la rend emblématique. Enfin, reprise dans Éléments de réponse aux questions p. 217
des films ou dans de nombreux manuels scolaires et 1. Les Juifs sont d’abord concentrés dans des ghettos,
publications, elle devient « iconique ». notamment en Pologne, où la mortalité est forte de par
la faim ou la maladie. Les Einsatzgruppen ont assassiné
Éléments de réponse aux questions p. 215 des Juifs et des Tsiganes, essentiellement sur le front
russe. L’expression « Shoah par balles » est utilisée pour
1. Les historiens peuvent contribuer à faire mieux cette phase du génocide. Mais la « Solution finale » est
connaître les évènements passés par leurs recherches surtout mise en œuvre avec les camps d’extermination
et leurs publications, mais aussi parfois en témoignant ou centres de mise à mort, où environ 3 millions de Juifs
lors de procès mémoriels comme ici Jean-Pierre Azéma et Tsiganes sont morts.
lors du procès de Maurice Papon, haut fonctionnaire du
régime de Vichy, ayant activement participé à la collabo- 2. L’Europe de l’Est est de loin l’espace le plus concerné
ration et la déportation. Cependant, certains historiens par le génocide. La Pologne est le pays le plus touché
sont en désaccord sur ce rôle de témoin pour l’historien, en valeur absolue (3 millions de morts) et en pourcen-
comme Henry Rousso car selon lui « la capacité d’exper- tage (plus de 80 % de morts pour les Juifs, plus de 60 %
tise de l’historien s’accommode mal des règles et des pour les Tsiganes). L’URSS est le 2e pays le plus touché
objectifs d’un tribunal ». en nombre.

2. Les acteurs construisant la mémoire des génocides


sont les victimes, leurs bourreaux (ici le soldat SS qui
p. 218-219 Jalon 1A
prend la photo, mais aussi les accusés nazis lors d’un pro-
cès), les historiens, les juges, les artistes (comme Alain
Resnais pour le document 1). Lieux de mémoire du génocide  
des Juifs et des Tsiganes
L’objectif de ce Jalon est de montrer comment des lieux
p. 216-217 Re p è r e s au cœur de l’histoire du génocide des Juifs et des Tsi-
ganes ont permis ou non de construire la mémoire de
Le génocide des Juifs   ces évènements.
et des Tsiganes d’Europe
Document 1
L’objectif de cette double page Repères est de regrou-
per quelques éléments permettant au professeur de Ce texte permet d’aborder les différentes phases de la
faire le point sur le génocide des Juifs et des Tsiganes construction de la mémoire de la Shoah en France, de
d’Europe. Un tableau statistique associé à des définitions la mémoire résistancialiste à aujourd’hui. Dès le discours
permet d’aborder les différentes phases de la politique de l’Hôtel de ville, le 25 août 1944, de Gaulle appelle à
d’extermination nazie. Une carte permet de spatialiser l’unité nationale nécessaire à un moment où le géné-
ces chiffres. Deux autres documents permettent d’insis- ral doit imposer sa légitimité sur l’ensemble du terri-
ter sur le lieu le plus emblématique : Auschwitz-Birke- toire et à tous les Français. Et de Gaulle arrive à faire
nau. La photographie est la seule qui nous soit parvenue passer la France de vaincue et outragée à vainqueur. Le
de la section tsigane du camp. Le témoignage de Rudolf général fonde pour cela le résistancialisme. Selon Henry
Höss permet de montrer un témoignage de bourreau. Rousso, qui propose ce néologisme en 1987, c’est un
C’est peut-être à tort que le camp d’Auschwitz désigne mythe politique selon lequel toute la nation française
aujourd’hui par métonymie la Shoah car dans les centres aurait été en résistance, les collaborateurs étant mino-
de mise à mort de Belzec, Sobibor ou Treblinka, les taux ritaires, négligeables et à oublier. De Gaulle déclare que
de mortalité y avoisinent les 100 %. L’expression de « Vichy est nul et non avenu » et la République n’a jamais
« centres de mise à mort » est privilégiée aujourd’hui, cessé d’exister, avec la Résistance. Si des pages sombres
notamment par Raul Hilberg. En effet, Belzec, Chelmno, sont oubliées et effacées, cela peut laisser libre place à
Sobibor, Treblinka, Majdanek et Auschwitz-Birkenau sont toutes sortes d’interprétations. Comme aucune histoire
moins des camps que de simples terminus ferroviaires n’a été faite, personne ne peut la contredire. Ainsi, en
pour l’écrasante majorité des Juifs qui y furent achemi- 1954, Robert Aron, dans son Histoire de Vichy, parle de
nés. Sitôt arrivés, la plupart des Juifs y sont gazés sans « glaive et bouclier », et de « double jeu ». Aron prétend
même avoir été immatriculés. À Treblinka, où il n’était que Pétain en collaborant voulait protéger la population
pas rare qu’en un seul jour soient déportés 9 000 Juifs, française et préparer la libération du pays. Pétain faisait

THÈME 3 Étude conclusive L’histoire et les mémoires du génocide des Juifs et des Tsiganes 17
semblant de parler avec Hitler mais attendait la réac- dont le procès s’ouvre après la mort de Mitterrand. Les
tion de De Gaulle. Aron s’appuie sur des arguments de la propos de Marine Le Pen sont qualifiés de « révision-
défense de Pétain pendant son procès. Pour l’historien, nistes », en lien avec les thèses de Robert Faurisson à par-
les responsables de la collaboration sont Pierre Laval et tir de 1978, ou la déclaration de Jean-Marie Le Pen en
les chefs de la Milice qui ont arrêté les Juifs et les résis- 1987 qui parle des chambres à gaz comme d’un « point
tants. Face à cette thèse aucune réaction officielle n’est de détail de l’histoire ». En 1990, le législateur réagit avec
faite car cela permet d’oublier et de continuer à conser- la loi Gayssot qui réprime le négationnisme autour de
ver l’unité nationale. la Shoah.
En 1964, de Gaulle propose d’organiser une cérémonie
en l’honneur de Jean Moulin. Il décide de faire transfé-
Documents 4 et 5
rer les cendres de celui-ci au Panthéon le 19 décembre.
La cérémonie est grandiose et le discours de Malraux, Ces documents permettent de montrer que les « lieux
ministre de la Culture, est célèbre notamment par la de mémoire » et commémorations ne suffisent pas pour
phrase suivante : « entre ici Jean Moulin, avec ton terrible entretenir un « devoir de mémoire » autour de la Shoah.
cortège ». Mais dans ce discours, les Juifs, les travailleurs Sans explications, cela reste vain. Les historiens cri-
du STO ou encore les prisonniers de guerre ne sont pas tiquent le manque d’informations face aux évènements
mentionnés. Il n’y a toujours pas de place pour les autres et l’inutilité de ces commémorations si l’on n’en connaît
victimes. Le réveil d’une mémoire du sort spécifique pas le sens. Ici, dans le document 4, Auschwitz n’est qu’un
réservé aux Juifs, se produit lors du procès du respon- lieu touristique parmi d’autres, et le souvenir de la Shoah
sable nazi Adolf Eichmann en 1961-1962 à Jérusalem. s’efface. Dans le document 5, Auschwitz est utilisé à
Suivent d’autres procès comme ceux de Klaus Barbie en contre-emploi par l’extrême droite polonaise, pour mini-
1987 ou de Maurice Papon en 1997-1998, « procès mémo- miser la place de Shoah dans l’histoire polonaise.
riels » qui permettent une réflexion sur le rôle de Vichy
et de l’administration française dans les déportations. Un
autre tournant majeur a lieu en 1973 avec Robert Paxton, Éléments de réponse aux questions p. 219
historien américain et donc plus neutre par rapport aux
mémoires concurrentielles. Il travaille sur les archives 1. La mémoire de la Shoah a eu du mal à s’exprimer, car
allemandes et remet en cause la thèse de Robert Aron le pays avait besoin d’union nationale, et les résistants
dans son ouvrage La France de Vichy. Il affirme que Vichy devaient donc être mis en avant et non les victimes du
a sa propre dynamique idéologique et politique c’est-à- conflit ou Vichy : « Buchenwald symbolisait la réalité
dire indépendamment des Allemands, avec un rôle actif concentrationnaire. ». « Auschwitz l’incarne doréna-
et volontaire notamment dans la déportation des Juifs. vant » car une mémoire spécifique de la Shoah est pos-
Pétain n’a pas répondu à la pression d’Hitler de dépor- sible grâce au retentissement mondial du procès d’Adolf
ter mais c’est une initiative qu’il a eue de lui-même (ex : Eichmann à Jérusalem en 1961, et en France après la
le Statut des Juifs dès octobre 1940). Cet ouvrage et ces publication en 1973, par l’historien américain Robert
procès remettent au cœur de l’actualité et du débat Paxton, d’un ouvrage mettant en avant la collaboration
public ces mémoires et ces questionnements autour de du régime de Vichy et son rôle dans la déportation. Des
Vichy, occultés par le résistancialisme. lieux de mémoire apparaissent partout en Europe, le
premier étant Auschwitz. Le Vél’ d’Hiv, où plus de 13 000
Juifs avaient été entassés avant d’être, pour la plupart,
Document 2 déportés puis exterminés dans des camps nazis, est un
lieu important en France.
Jacques Chirac est le Président qui a reconnu officielle-
ment la responsabilité de l’État français dans le géno- 2. C’est là, au Vél’ d’Hiv, que Jacques Chirac a choisi de
cide des Juifs en 1995. Simone Veil est une déportée prononcer son discours sur « les fautes du passé ». C’est
victime de ce « grand silence », comme elle en témoigne la première fois qu’il y a une reconnaissance officielle
dans son autobiographie. Ils se rendent tous deux ici à que l’État français porte une part de responsabilité dans
une commémoration faite à Auschwitz. les déportations et les crimes commis sous l’Occupation.
Jacques Chirac participe aussi à d’autres commémora-
tions, notamment celle du 60e anniversaire de la libéra-
Document 3 tion du camp d’Auschwitz, en 2005.
La campagne présidentielle de 2017 a été une nouvelle
occasion de relancer les polémiques autour du devoir de 3. Jacques Chirac est gaulliste et sa reconnaissance offi-
mémoire et de la responsabilité de l’État français. Nico- cielle de la responsabilité de l’État français n’a que plus
las Sarkozy remettait déjà en cause la « repentance » en de poids après la promotion du résistancialisme par le
2007. Et il avait ensuite insisté sur la Résistance avec la général de Gaulle. Pour Marine Le Pen, candidate du FN
dernière lettre de Guy Môquet à lire devant les élèves. à l’élection présidentielle, la France n’était « pas respon-
Marine Le Pen invoque ici de Gaulle et Mitterrand, qui sable » de la rafle du Vél’ d’Hiv. Elle refuse les critiques
avait des difficultés à se positionner sur la mémoire de envers les pages sombres du passé, rappelant les figures
Vichy. En effet, comme l’a analysé le journaliste Pierre de De Gaulle et de Mitterrand, avec un argumentaire
Péan dans Une Jeunesse française, en 1994, Mitterrand reprenant celui du résistancialisme.
est un ancien fonctionnaire du régime de Vichy. Il col-
labore jusqu’en 1943 puis devient résistant. Il a protégé Synthèse L’objectif, en mobilisant ici les documents 4
certaines personnalités vichystes comme Maurice Papon et 5, est d’analyser comment les lieux de mémoire et

THÈME 3 Étude conclusive L’histoire et les mémoires du génocide des Juifs et des Tsiganes 18
commémorations permettent d’entretenir le devoir de tration. Mais des lieux spécifiques sont réservés aux Juifs
mémoire. Mais il faut aussi montrer que, sans explications, et aux Tsiganes, avant leur déportation. Il y a des camps
ces lieux peuvent être utilisés à mauvais escient et récu- dans la zone occupée, notamment le plus célèbre, celui
pérées pour faire passer un message politique ou pour de Drancy, en banlieue parisienne. Mais il y en a aussi
participer à un révisionnisme voire un négationnisme, qui dans la zone libre, montrant le rôle actif du régime
permet d’occulter les pages sombres de certaines his- de Vichy dans l’internement de ces populations. Cer-
toires nationales, en France ou en Europe de l’Est. tains camps enferment à la fois les Juifs et les Tsiganes,
comme celui de Rivesaltes.
Travailler à l’oral
Les élèves peuvent ici élargir les bornes du sujet et ana- 2. La mémoire du génocide des Tsiganes a d’abord été
lyser la montée du révisionnisme en Europe de l’Est, refoulée, comme celle de la Shoah, après le conflit.
notamment en Pologne, en Hongrie ou en Russie. Mais cet article de 2007 montre que les lieux du géno-
cide n’ont pas été préservés pour en faire des lieux de
Quelques liens pour orienter leur travail :
mémoire et que des commémorations n’ont pas été
–– http://www.rfi.fr/fr/europe/20180321-pologne-fierte-
organisées. De plus, les historiens ont tardé à s’emparer
nationale-pis-histoire-shoah-mars-1968-andrzej-duda
de cet objet d’étude. Ainsi, la mémoire commune, celle
–– https://www.lemonde.fr/blog/filiu/2020/04/12/orban-
des ouvrages de vulgarisation et des manuels scolaires,
reecrit-lhistoire-de-la-shoah-en-hongrie/
ne permet pas d’y inclure celle du Porajmos.
–– https://www.lemonde.fr/culture/article/2012/05/17/
holocauste-ne-se-dit-pas-en-russe_1703190_3246.html
3. L’État allemand a reconnu officiellement le génocide
en 1982. En France, en octobre 2016, François Hollande
reconnaît la responsabilité du régime de Vichy dans l’in-
p. 220-221 Jalon 1B ternement de Tsiganes lors d’une cérémonie d’hommage
sur le site d’un ancien camp à Montreuil-Bellay, le plus
Document 1 grand des 31 camps gérés par les autorités françaises.
« L’amnésie républicaine » face au sort des Tsiganes
Cette carte permet de rappeler les conséquences du pourrait ainsi être remise en cause avec la valorisation
conflit sur le territoire français, et de visualiser la géo- ce lieu de mémoire et les dernières recherches des his-
graphie des camps en France, ceux des Juifs et ceux des toriens.
Tsiganes.
Synthèse L’objectif est de continuer le parallèle et la
comparaison entre la construction des mémoires de la
Document 2 Shoah et du Porajmos, en se concentrant spécifique-
Le mémorial pour les Sintis et Roms d’Europe, inauguré ment sur l’utilisation des lieux de mémoire cités dans les
par Angela Merkel en 2012 rappelle le Porajmos, qui deux doubles pages, et leur fonction dans les politiques
est reconnu par l’État allemand depuis 1982. Il est situé mémorielles en France et ailleurs.
face au Reichstag et consiste en un bassin d’eau circu-
laire au milieu duquel se trouve une stèle en pierre de la Travailler autrement
forme d’un triangle, comme ceux de couleurs différentes Cette recherche peut permettre de réfléchir au concept
qui ornaient les vêtements des détenus pour les iden- de concurrence mémorielle. Elle permet aussi d’aborder
tifier. Sur le bord de la fontaine, on peut lire le poème la mémoire des républicains espagnols dans cette région
« Auschwitz » du Rom italien Santino Spinelli. Le docu- de France.
ment peut permettre de faire le point sur les différentes Un lien pour orienter le travail des élèves : http://
dénominations associées à ce peuple (Roms, Tsiganes, www.slate.fr/story/164894/societe-histoire-camp-rive-
Sintis, mais aussi les noms péjoratifs Gitans, Gipsys, etc.) saltes-stele-soldats-nazis-prisonniers-guerre-alle-
mands-memoire

Documents 3 et 4
Ces deux textes peuvent permettre de faire le parallèle p. 222-223 Jalon 2A
et de comparer la construction des mémoires de la Shoah
et du Porajmos. Le chancelier allemand Helmut Kohl a
reconnu officiellement le génocide en 1982. En France,
Juger les crimes nazis après Nuremberg
à partir de 2007, une première proposition de loi visait à L’objectif de ce Jalon est de montrer comment la justice
la reconnaissance du génocide tzigane. En octobre 2016, et ses acteurs (juges, avocats, témoins, accusés) ont per-
François Hollande reconnaît la responsabilité du régime mis de construire la mémoire du génocide, le plus sou-
de Vichy dans l’internement de Tsiganes de 1940 à 1946 vent à travers les procès mémoriels.
lors d’une cérémonie d’hommage sur le site d’un ancien
camp à Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire), le plus grand
des 31 camps gérés par les autorités françaises. Document 1
Du 20 novembre 1945 au 1er octobre 1946, 24 criminels
nazis sont jugés à Nuremberg. Le lieu du procès est sym-
Éléments de réponse aux questions p. 221 bolique car Nuremberg était la « capitale idéologique »
1. Des opposants à l’Occupation nazie comme les résis- du Reich où se déroulaient les congrès du parti nazi. Les
tants peuvent être internés dans les camps de concen- accusés ont tous ont occupé des fonctions politiques ou

THÈME 3 Étude conclusive L’histoire et les mémoires du génocide des Juifs et des Tsiganes 19
économiques importantes. Ce sont donc les principaux nombreux responsables nazis ont fui à l’étranger pour
chefs nazis capturés. Ils sont accusés de crimes contre la éviter les procès et condamnations. Eichmann se réfugie
paix, crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Les en Argentine. Le Mossad monte une opération pour le
magistrats chargés de ce procès sont des juges des 4 puis- capturer en pleine rue à Buenos Aires, bafouant la souve-
sances vainqueurs. Le procès est retransmis en direct à la raineté de l’Argentine. Pour sortir le prisonnier du pays,
radio et couvert par plus de 400 journalistes. Ses réper- le commando d’agents secrets se déguise en stewards et
cussions sont nationales et internationales. Il est donc un drogue Eichmann ce qui permet de l’amener à son pro-
instrument de la dénazification et une œuvre de répa- cès. Cette exfiltration reste très polémique. En suivant le
ration vis-à-vis des victimes qui vise à « ne pas oublier » procès, Hannah Arendt parle de « banalité du mal ». Mais,
« la barbarie qui (a) horrifié le monde ». Mais la justice de ce procès donne aussi pour la première fois la parole aux
Nuremberg est celle des vainqueurs. Le rôle de l’URSS témoins : 111 témoins vont se succéder à la barre. Cela
dans l’entrée en guerre ou les massacres en Pologne permet de libérer la parole des victimes, qui se sentent
(Katyn) n’apparaissent pas et sont pour elle, un « terrible légitimes pour parler, raconter leur expérience person-
non-dit de Nuremberg ». La seconde imperfection est nelle qu’il ne faut plus refouler. Les victimes retrouvent
l’indifférenciation entre « les camps de concentration et une identité, celle de victimes mais également de sur-
les camps d’extermination » même si les crimes contre vivants de la Shoah. C’est le début de la mémoire de
les Juifs d’Europe sont au centre du procès. La définition la Shoah.
du crime contre l’humanité et la dimension internatio-
nale du tribunal ont ouvert la voie à l’idée d’une justice
pénale internationale qui existe aujourd’hui avec la CPI Document 4
qui siège à La Haye. Ce document permet d’insister sur un aspect qui précède
la tenue de ces procès, la poursuite des criminels nazis.
Simon Wiesenthal, rescapé des camps, a consacré sa vie
Document 2 à la traque de 1 100 criminels de guerre nazis en fuite. Il
a créé un centre en 1977 à Los Angeles qui œuvre pour
Hannah Arendt évoque ici la difficile poursuite de la
la mémoire de la Shoah, mais qui est surtout connu pour
dénazification après Nuremberg. Pour sortir le pays du
publier chaque année une liste des criminels nazis les
conflit, notamment après la partition RFA/RDA, l’admi-
plus recherchés. En 2002, le nouveau directeur du centre,
nistration a pu employer des fonctionnaires au passé
Efraim Zuroff, lance l’opération « Dernière chance » pour
compromettant. Mais le chancelier Adenauer, à la façon
accélérer la traque des anciens nazis avant qu’ils ne
de De Gaulle et son résistancialisme, voyait cela comme
meurent de vieillesse.
un mal nécessaire pour permettre la reconstruction du
pays. Ainsi, le 3e chancelier de la RFA, Kurt Georg Kie-
singer (1966-1969, CDU) est un ancien membre actif du
parti nazi. À la défaite du Troisième Reich, il est empri-
Éléments de réponse aux questions p. 223
sonné dans un camp d’internement de 1945 à 1946 avant 1. Le lieu du procès est d’abord symbolique car Nurem-
d’être libéré en 1948. La publication tardive en 1966 par berg était la « capitale idéologique » du Reich. Ce pro-
le Spiegel des archives du NSDAP saisies par les Amé- cès a aussi un but pédagogique car pour la première
ricains, confirme la défense de Kiesinger selon laquelle fois dans l’histoire, la procédure est filmée pour que
il n’avait jamais entretenu de sentiment antisémite. Il les crimes ne tombent pas dans l’oubli. La définition
y était expressément dénoncé par ses collaborateurs du crime contre l’humanité et la dimension internatio-
auprès de la SS en 1944, comme principal responsable nale du tribunal ont ouvert la voie à l’idée d’une justice
faisant obstacle à la mise en œuvre de la politique antisé- pénale internationale incarnée aujourd’hui dans la CPI
mite au sein de son département. Sa nomination comme qui siège à La Haye.
chancelier n’en fut pas moins controversée. Il fut publi-
quement giflé par Beate Klarsfeld, le jeudi 7 novembre 2. Hannah Arendt évoque ici la difficile poursuite de la
1968. Dans la zone soviétique, l’impact de la dénazifica- dénazification après Nuremberg. Pour sortir le pays du
tion est également limité pour plusieurs raisons : le souci conflit, notamment après la partition RFA/RDA, l’admi-
est moins de punir les nazis que d’asseoir solidement le nistration a pu employer des fonctionnaires au passé
pouvoir communiste et l’interprétation communiste, qui compromettant. Mais le chancelier Adenauer voyait cela
fait du fascisme un produit du capitalisme. Cela amène comme un mal nécessaire pour permettre la reconstruc-
les autorités à cibler la répression sur les hommes d’af- tion du pays.
faires et les fonctionnaires soupçonnés d’avoir servi les
intérêts de la classe dirigeante. Au début des années 3. Des civils, anciens déportés, et les services secrets
1960, 10 % des parlementaires communistes est-alle- israéliens poursuivent la traque des responsables nazis.
mands sont d’anciens nazis et beaucoup de cadres de Cela permet la tenue de plusieurs procès dont celui
la Stasi, la police politique communiste, sont d’anciens d’Adolf Eichmann en 1961-1962 à Jérusalem. Ce procès
membres de la Gestapo. permet de libérer la parole des victimes, qui retrouvent
une identité. Cela marque le début de la mémoire de la
Shoah, qui permet aux États de ne plus oublier et d’ad-
Document 3 mettre leurs responsabilités passées.

Ce texte évoque le moment majeur pour le réveil de Synthèse L’objectif est, après avoir utilisé les lieux de
la mémoire de la Shoah : le procès du responsable mémoire, de montrer comment les procès de criminels
nazi Adolf Eichmann en 1961-1962 à Jérusalem. De nazis permettent aussi de retrouver les différentes étapes

THÈME 3 Étude conclusive L’histoire et les mémoires du génocide des Juifs et des Tsiganes 20
de la construction de la mémoire de la Shoah, d’abord rejoint l’idée du « grand silence ») et finalement le réveil
avec Nuremberg, puis avec la difficile dénazification (qui de cette mémoire avec le procès Eichmann.

Travailler autrement

Accusations
Accusé Crimes Crimes Crimes Verdict
Complot
contre la paix de guerre contre l’humanité
Martin Bormann Acquitté Non inculpé Coupable Coupable Condamné à mort par
contumace
Karl Dönitz Acquitté Coupable Coupable Non inculpé 10 ans de prison
Hans Frank Acquitté Non inculpé Coupable Coupable Peine de mort
Wilhelm Frick Acquitté Coupable Coupable Coupable Peine de mort
Hans Fritzsche Acquitté Acquitté Acquitté Non inculpé Acquitté
Walther Funk Acquitté Coupable Coupable Coupable Prison à perpétuité
Hermann Göring Coupable Coupable Coupable Coupable Peine de mort
Rudolf Hess Coupable Coupable Acquitté Acquitté Prison à perpétuité
Alfred Jodl Coupable Coupable Coupable Coupable Peine de mort
Ernst Acquitté Non inculpé Coupable Coupable Peine de mort
Kaltenbrunner
Wilhelm Keitel Coupable Coupable Coupable Coupable Peine de mort
Gustav Krupp Inculpé Inculpé Inculpé Inculpé Considéré comme
von Bohlen und médicalement inapte à
Halbach être jugé
Robert Ley Inculpé Inculpé Inculpé Inculpé Mort avant le verdict
Konstantin von Coupable Coupable Coupable Coupable 15 ans de prison
Neurath
Franz von Papen Acquitté Acquitté Non inculpé Non inculpé Acquitté
Erich Raeder Acquitté Coupable Acquitté Non inculpé Prison à perpétuité
Joachim von Coupable Coupable Coupable Coupable Peine de mort
Ribbentrop
Alfred Rosenberg Coupable Coupable Coupable Coupable Peine de mort
Fritz Sauckel Acquitté Acquitté Coupable Coupable Peine de mort
Hjalmar Schacht Acquitté Acquitté Non inculpé Non inculpé Acquitté
Baldur von Coupable Non inculpé Non inculpé Coupable 20 ans de prison
Schirach
Arthur Seyss- Acquitté Coupable Coupable Coupable Peine de mort
Inquart
Albert Speer Non inculpé Non inculpé Coupable Coupable 20 ans de prison
Julius Streicher Acquitté Non inculpé Non inculpé Coupable Peine de mort

p. 224-225 Jalon 2B nazis. Cette chasse va notamment permettre la tenue


du procès de Klaus Barbie. Ce procès, qui se déroule en
1987, juge le responsable de la Gestapo à Lyon et le tor-
Documents 1 et 2 tionnaire de Jean Moulin. Hautement symbolique, il va
permettre de réfléchir un peu plus profondément (après
En 1979, Serge Klarsfeld créé l’association Fils et filles
de déportés de France pour la mémoire des victimes de la publication du travail de Paxton en 1973) à la ques-
la Shoah. Une année avant, il a publié le mémorial de la tion de l’antisémitisme de Vichy. Ce procès a un reten-
déportation des juifs de France. Avec sa femme Beate, tissement national. Les Klarsfeld portent aussi plainte
ils vont chercher à démasquer des anciens nazis. Ils ont contre Alois Brunner, responsable de la rafle des enfants
été victimes en 1979 d’une tentative d’assassinat (une d’Izieu, qui est retrouvé par le couple en Syrie. Mais Brun-
bombe sous leur voiture) par le réseau néonazi ODESSA, ner n’a jamais été extradé et est décédé libre entre 2001
qui cherchait à les empêcher de retrouver les criminels et 2010. C’est un échec mais il faut surtout retenir que

THÈME 3 Étude conclusive L’histoire et les mémoires du génocide des Juifs et des Tsiganes 21
de nombreux personnages ont été poursuivis en justice Travailler autrement
grâce à l’initiative des époux Klarsfeld comme René Quelques pistes pour orienter les élèves dans leurs
Bousquet (1991), Paul Touvier (1994) et Maurice Papon recherches : le livre Gérald Steinacher, Les Nazis en
en 1997-1998. fuite, Perrin, 2015 ; un dossier de L’Express : https://www.
lexpress.fr/actualite/societe/la-derniere-traque-des-na-
zis_1297589.html
Document 3
Ce texte permet de réfléchir au sens de ces procès de
criminels nazis aujourd’hui. Leur médiatisation qui reste
p. 226-227 J a l o n 3A
importante reflète une demande sociale. Mais quel sens
y a-t-il à poursuivre des criminels présumés plus de 70
ans après les faits ? Pour le professeur Jérôme Vaillant,
Le génocide dans la littérature
directeur de la revue Allemagne d’aujourd’hui (Presse et le cinéma
universitaire du Septentrion, Villeneuve-d’Ascq), la por- L’objectif de ce Jalon est de montrer si la littérature et
tée de cet acte est « moins judiciaire que pédagogique ». le cinéma sont des médias pertinents pour permettre de
Surtout dans une Europe où les idées d’extrême droite rendre compte de la réalité du génocide et ainsi partici-
restent encore présentes. per à la construction de sa mémoire.

Document 4 Document 1
Tous ces procès sont permis par la loi de 1964 sur l’im-
Le film documentaire Nuit et Brouillard, réalisé à la
prescriptibilité des crimes contre l’humanité, contraire-
demande d’une association de déportés résistants, est le
ment aux autres crimes prescriptibles après 20 ans. Ces
premier à prendre pour objet le système concentration-
procès, surtout celui de Maurice Papon, permettent de
naire nazi. Le film connaît un grand succès à sa sortie.
réfléchir à la responsabilité des fonctionnaires, qui exé-
Cependant une critique est faite, car Alain Resnais ne
cutent des ordres immoraux sans se soucier des consé-
parle pas de la spécificité du cas des Juifs par rapport
quences de leurs actes administratifs. La parcellisation
aux résistants. Mais surtout, la censure frappe le film car
du processus permet aux exécutants de se déresponsa-
une image y apparaissait montrant un gendarme fran-
biliser, au point qu’à la Libération beaucoup ne verront
çais et son képi gardant le camp de Pithiviers (Loiret).
même pas ce qu’on pourrait leur reprocher. Lors du pro-
Une bande noire apposée sur cette scène du film per-
cès Maurice Papon, haut fonctionnaire sous l’occupation,
met d’oublier cette image de la complicité française qui
est mise en avant la notion de « crime de bureau ».
dérange. En 1987, Henry Rousso parle de « syndrome de
Vichy » pour désigner les difficultés de la société fran-
Éléments de réponse aux questions p. 225 çaise à assumer ses années sombres dans les années
1950-1960. Il faut attendre 1997 pour que le film soit dif-
1. En 1979, Serge Klarsfeld créé l’association « Fils et filles fusé sans cette bande.
de déportés de France » pour la mémoire des victimes
de la Shoah. Avec sa femme Beate, ils vont chercher à
démasquer des anciens nazis. Cette chasse va permettre Document 2
de révéler le passé du chancelier allemand Kurt Georg
Ce texte permet d’opposer deux points de vue d’histo-
Kiesinger, et amener la tenue de procès comme celui
riens. D’abord celui d’Annette Wieviorka, qui parle de
de Klaus Barbie. Tous ces procès sont permis par la loi
« grand silence » après la Libération car les sociétés n’au-
de 1964 sur l’imprescriptibilité des crimes contre l’hu-
raient pas été prêtes à écouter les rescapés des camps.
manité, contrairement aux autres crimes prescriptibles
La littérature et le cinéma n’auraient fait que répondre
après 20 ans.
à cette demande sociale et politique d’oubli, célébrant
plutôt la Résistance comme dans l’immense succès en
2. Leur médiatisation importante reflète une demande
salles qu’est La Grande Vadrouille en 1966. Mais François
sociale. Ces procès hautement symboliques permettent
Azouvi relativise ce « grand silence » dans un ouvrage de
de réfléchir un peu plus profondément à la question de
2012. Pour lui, au moment même où se déroule à Jéru-
l’antisémitisme de Vichy. Le procès Barbie a un retentis-
salem le procès Eichmann, en France l’opinion est ins-
sement national.
truite sur ce que les nazis ont fait aux Juifs. Il montre
qu’en 1957, la sortie parisienne au théâtre Montparnasse
3. Selon Eva Kor, ces procès ont une utilité moins judi-
de la pièce tirée du Journal d’Anne Frank et la réédition
ciaire que pédagogique. Le négationnisme est ainsi com-
à cette occasion du livre lui-même témoignent que le
battu par le témoignage, ce qui demeure nécessaire
génocide des Juifs est connu de la presse populaire de
dans une Europe où les idées d’extrême droite restent
grande diffusion.
encore présentes.

Synthèse L’objectif est de faire le bilan pour montrer que


Document 3
les procès de Nuremberg, celui d’Eichmann, ceux permis
par les époux Klarsfeld jusqu’aux procès récents comme La mini-série américaine Holocaust est un succès mon-
celui auquel Eva Kor apporte son témoignage, ont des dial en 1978. À travers le sort de cette famille allemande
objectifs qui évoluent au fil du temps, avec une utilité moyenne, le public peut s’identifier au destin de ces per-
moins judiciaire que pédagogique aujourd’hui. sonnes. La charge émotionnelle est beaucoup plus forte

THÈME 3 Étude conclusive L’histoire et les mémoires du génocide des Juifs et des Tsiganes 22
que celle des documentaires ou des livres d’histoires, dans ce nouveau contexte mémoriel, et qu’il soit traduit
entraînant des réactions fortes en Allemagne, entre en français en 1987.
menaces de l’extrême droite et catharsis pour les autres.

Documents 2 et 3
Document 4 Le premier document permet de réfléchir aux débats
On pourra compléter l’évocation de ce film par le vision- nombreux entre réalisateurs et critiques de cinéma pour
nage de quelques extraits. savoir s’il faut rendre compte de la réalité du génocide
par la rigueur documentaire, comme Claude Lanzmann
dans Shoah, ou par le drame historique hollywoodien
Éléments de réponse aux questions p. 227 grand public comme Steven Spielberg dans La Liste de
Schindler (1993). Le deuxième document montre que ce
1. Le film documentaire Nuit et Brouillard, réalisé par débat et ces controverses tendent à s’apaiser, et que la
Alain Resnais est marqué par ce « résistancialisme » et
mémoire de la Shoah devient une mémoire grand public.
ce « syndrome de Vichy » décrits par Henry Rousso car il
ne parle pas de la spécificité du cas des Juifs par rapport
aux résistants. Mais surtout, la censure frappe le film car Document 4
une image montrant un gendarme français et son képi
gardant le camp de Pithiviers est masquée d’une bande Le positionnement et le rôle de l’Église catholique pen-
noire. dant la Seconde Guerre mondiale sont un sujet tou-
jours très sensible aujourd’hui. Le cinéaste Costa-Gavras
2. Le Journal d’Anne Frank, publié en français en 1950, relance la polémique sur le silence du pape Pie XII face
porté à la scène en 1957 et au cinéma en 1959, fait péné- au génocide avec son film Amen, et cette affiche provo-
trer le drame juif chez un large public. Au moment même catrice. La papauté s’est clairement positionnée face à
où se déroule à Jérusalem, en 1961, le procès Eichmann, Hitler avec le Pape Pie XI, qui en 1937 fait lire l’encycli-
en France l’opinion est largement instruite sur ce que les que Mit brennender Sorge (« Avec une brûlante inquié-
nazis ont fait aux Juifs. tude ») critiquant l’idéologie nationale-socialiste. Il
meurt au début de l’année 1939 et son successeur, Pie XII,
3. Holocaust choisit de parler du génocide à travers des observe un lourd silence pendant la guerre. Son attitude
personnages auquel le public peut s’identifier. La charge ambiguë peut aussi s’expliquer par une peur du commu-
émotionnelle est beaucoup plus forte que celle des nisme. Il faut aussi rappeler le rôle trouble d’Alois Hudal
documentaires ou des livres d’histoires. Shoah de Claude (évêque des Allemands en Italie) et de prélats croates à
Lanzmann choisit de rendre compte du génocide avec Rome dans la « route des rats », qui a permis l’exfiltra-
minutie. Il met 12 ans à réaliser le film, qui dure près de tion de responsables nazis vers l’Amérique latine et le
dix heures, le rendant plus complet mais peu accessible Moyen-Orient. Aujourd’hui, la Papauté empêche l’ouver-
à une partie du public. Les deux œuvres ont cependant ture totale des archives du Vatican, notamment celles de
connu un grand succès critique à leur sortie, participant Pie XII. Mais des traces du rôle de la Papauté peuvent
à la dénomination du génocide. être retrouvées dans les archives argentines (ouvertes
en 2000) et celles des services de renseignement amé-
Synthèse Il faut montrer comment le cinéma et la télé- ricains (où l’on y voit aussi rôle des États-Unis dans ces
vision ont répondu à une demande d’oubli, par le « résis- exfiltrations, avec l’opération Paperclip et la récupéra-
tancialisme » et le « grand silence » auprès du grand tion de scientifiques nazis comme Wernher von Braun
public, même si la spécificité du sort réservé aux Juifs qui travailla ensuite sur les fusées pour la NASA).
est connue dans les foyers de ceux qui lisent et vont au
cinéma. Le nouveau contexte mémoriel des années 1970
montre la modification de cette demande du public avec Document 5
les grands succès de Holocaust ou Shoah. Tony Gatlif est né d’un père kabyle et d’une mère gitane.
Après une enfance à Alger, il arrive en France en 1960
Travailler autrement durant la guerre d’Algérie. S’ensuit un parcours difficile
L’objectif est ici de sortir des exemples proposés par le et éclaté, qui ira d’une maison de redressement à une
manuel pour que l’élève trouve des exemples personnels rencontre avec l’acteur Michel Simon en 1966, en pas-
parlants. sant par des cours d’art dramatique. Il joue dans des
pièces de théâtre puis réalise son premier film en 1975.
À partir de 1981, il aborde le thème qu’il approfondira de
p. 228-229 film en film : les Roms du monde entier.
Jalon 3B

Document 1 Éléments de réponse aux questions p. 229


En Italie comme en France, il y a un silence de la société 1. Primo Levi ne vend que 1 400 exemplaires de Si c’est
qui n’est pas prête à entendre ces rescapés d’Auschwitz. un homme en 1947. En Italie comme en France, il y a un
Certains tentent de s’exprimer mais leur mémoire est silence de la société qui n’est pas prête à entendre ces
alors intransmissible, comme Primo Levi qui ne vend que rescapés d’Auschwitz. Il faut attendre 40 ans pour que
1 400 exemplaires de Si c’est un homme en 1947. Il faut le livre devienne un succès dans ce nouveau contexte
attendre 40 ans pour que le livre devienne un succès mémoriel, et qu’il soit traduit en français en 1987.

THÈME 3 Étude conclusive L’histoire et les mémoires du génocide des Juifs et des Tsiganes 23
2. La Shoah est utilisée par Steven Spielberg pour faire Asie du Sud-Est lui donnent un vaste empire organisé en
un drame historique hollywoodien grand public dans La « sphère de coprospérité de la Grande Asie orientale », en
Liste de Schindler (1993). Cette démarche est critiquée théorie libéré de la tutelle coloniale européenne mais
par Claude Lanzmann et Tom Segev car pour eux la soumis à une administration particulièrement ­brutale.
Shoah ne peut être dramatisée, elle ne doit être abordée
que comme un événement unique sous forme documen- 2. Conflits territoriaux avec la Chine (îles de la mer de
taire. Chine), la Russie (Sakhaline et Kouriles) et la Corée (îles
de la mer de l’Est/du Japon).
3. Depuis 1993, le traitement de la Shoah a fait l’ob- • Conflits mémoriaux liées au passé militariste nip-
jet d’autres polémiques, mais elles tendent à s’apaiser, pon : femmes de réconfort coréennes, sac de Nankin et
comme le montre la sortie du film Le Fils de Saul du Hon- brutalité de l’occupation en Chine, mauvais traitement
grois Laszlo Nemes en 2015. des prisonniers occidentaux ou chinois et des travail-
leurs asiatiques, recherches bactériologiques criminelles
4. Le génocide des Tsiganes reste très peu abordé par menées par l’Unité 731.
la littérature et le cinéma, tout comme par les histo- • Traumatisme du bombardement atomique.
riens. La mémoire du génocide des Tsiganes reste encore • Action des nationalistes japonais qui refusent de
aujourd’hui marginale car elle a une faible visibilité dans reconnaître l’ampleur des crimes de guerre commis
l’espace public, dans les discours politiques ou les créa- en Asie.
tions culturelles.
3. Les questions de souveraineté territoriales génèrent et
se nourrissent des tensions tandis que l’action des natio-
Synthèse En se concentrant sur le cinéma, il faut mon-
nalistes contribue à jeter de l’huile sur le feu des pas-
trer comment il a facilité l’émergence de cette mémoire
sions.
auprès du grand public, par-delà les critiques de cer-
taines victimes, lorsque le traitement de l’événement
paraissait trop « trivial ».
p. 234-235 Exercices Bac
Travailler à l’oral
Pour orienter les élèves sur le ­génocide arménien, deux
liens : http://ecrannoir.fr/blog/blog/­2015/04/24/7-films-
Exercice 1
pour-ne-pas-oublier-le-genocide-armenien/ et http:// Une proposition de plan chronologique :
ecrannoir.fr/blog/blog/2015/04/24/7-films-pour-ne-pas- I. L’impossible émergence face à la mémoire
oublier-­le-genocide-armenien/ « résistancialiste »
A. Des procès de Nuremberg sans lendemain.
B. La Résistance héroïsée.
p. 230-231 C. Le « grand silence ».
Grand angle
II. La lente reconnaissance de ces mémoires
L’histoire et les mémoires   A. Une prise de conscience dès les années
1950-1960.
des crimes de guerre en Asie de l’Est B. Les tournants Eichmann et Paxton.
Cet exposé doit permettre de montrer que la mémoire C. La Shoah présente dans les arts.
est loin d’être apaisée sur ce sujet de la Seconde Guerre III. Le « devoir de mémoire » actuel
mondiale de l’autre côté de la planète, en Asie de l’Est. Le A. Le temps de la reconnaissance officielle.
Japon n’a toujours pas exprimé officiellement envers ses B. Le temps des procès mémoriels.
voisins les regrets que ceux-ci attendent. Cela engendre C. Une mémoire dans la culture commune ?
aujourd’hui encore des tensions, largement perceptibles
dans les polémiques récurrentes autour du sanctuaire
Yasukuni, des « femmes de réconfort », du contenu des Exercice 2
manuels japonais, ou des litiges frontaliers persistants et Les élèves doivent montrer les étapes progressives qui
plus tendus depuis que la Chine cherche à imposer ses ont mené au génocide depuis les premiers interne-
vues sur la mer de Chine. ments dans les camps de concentration de Dachau et de
Buchenwald pour « insociabilité » entre 1933 et 1936.
Éléments de réponse aux questions p. 231
1. On insistera sur le projet expansionniste du Japon,
Exercice 3
entamé à la fin du xixe siècle avec les guerres contre la 1. C’est l’avant-propos à la seconde édition de l’ouvrage
Chine, puis contre la Russie et l’annexion de la Corée. de Robert Paxton, La France de Vichy, 1940-1944. La pre-
Le développement du militarisme dans les années 1930 mière édition date de 1973, la 2e édition de 1997.
s’accompagne de l’invasion de la Mandchourie et de la
création d’un quasi-État dans l’État : l’armée du Kwan- 2. Paxton est un historien américain qui souhaite travail-
tung, bastion de militaires radicaux n’hésitant pas à ler sur le régime de Vichy.
fomenter des « incidents » pour forcer la main du gouver-
nement. La guerre sino-japonaise, à partir de 1937, est 3. Un avant-propos permet à l’auteur d’ajouter des élé-
pour certains historiens le véritable début de la Seconde ments d’informations au lecteur, par exemple ici sur les
Guerre mondiale. Bientôt, les conquêtes japonaises en conditions de rédaction de l’ouvrage.

THÈME 3 Étude conclusive L’histoire et les mémoires du génocide des Juifs et des Tsiganes 24
4. En 1973, le syndrome de Vichy est encore bien pré- 7. Robert Paxton, historien américain, est neutre par rap-
sent, et le Président Pompidou reste attaché au « résis- port aux mémoires concurrentielles. Il travaille sur les
tancialisme ». Paxton ne pouvait ainsi pas accéder aux archives allemandes pour pouvoir remettre en cause la
archives françaises, closes pour 50 ans. Il se tourne vers thèse de Aron dans son ouvrage La France de Vichy. Il
les archives allemandes. affirme que Vichy a sa propre dynamique idéologique
et politique indépendamment des demandes des Alle-
5. La seconde édition de l’ouvrage a lieu dans le contexte mands, avec un rôle actif et volontaire dans la déporta-
du début du procès Papon (1997-1998), avec la mémoire tion des Juifs sans répondre à la pression d’Hitler. Ainsi,
de Vichy au cœur de l’actualité. Pétain n’a pas été le « bouclier » comme le présentait
Robert Aron. Pétain a aggravé la vie des Français en
6. Les archives étaient closes (classifiées 50 ans) contrai- livrant les matières premières des Français. Il n’y a pas
rement à celles des Allemands. L’influence du résis- de « double jeu » comme cela a été défendu par Robert
tancialisme et les thèses de Robert Aron empêchent le Aron car il espère obtenir une place pour la France dans
travail sur la mémoire de l’Occupation. l’Europe façonnée par l’Allemagne victorieuse.

THÈME 3 Axe 1 Histoire et mémoires des conflits 25


BAC p. 238-239 Dissertation : sujet guidé
SUJET : La justice internationale, de Nuremberg à la Cour pénale internationale
1.

Idées Exemples précis/chiffres/dates

Le contexte de 1945 • Victoire des alliés • Arrestation et poursuite des dignitaires nazis
• Découverte des crimes perpétrés durant • Ouverture des camps par les troupes américaines,
la guerre films et photographies

Le tribunal militaire • Mise en place par les États-Unis • Un tribunal qui se tient en Allemagne, dans la ville
de Nuremberg des grands rassemblements nazis.
• Les juges • 4 juges un pour chaque puissance : EU, URSS, RU
et France
• Les accusés • 24 inculpés, et des organisations politiques (NSDAP,
SA, SS) ou militaires (État-major)
• De nouveaux chefs d’inculpation • Crimes de guerre, crimes contre la paix et crimes
• Les condamnés contre l’humanité
• 12 condamnations à mort
Le tribunal militaire • Juger les criminels japonais • 11 juges de 11 États dont les EU, URSS, RU, France
de Tokyo Avec les mêmes chefs d’inculpation qu’à Nuremberg
• 28 prévenus mais l’empereur n’est pas • 7 condamnations à mort
inquiété

2.
II. Les années 1990 : la justice internationale, une réponse à des crimes de guerre
Les progrès de l’idée de justice internationale dans un contexte favorable : la fin
de la guerre froide, l’affaiblissement de la Russie. Quelques victoires diplomatiques
du multilatéralisme (guerre du Golfe) et les États-Unis, hyperpuissance qui est assez
favorable à cette idée.
A. La mise en place du TPIY : rendre justice
1. La guerre en ex-Yougoslavie, des crimes de guerre pour un « nettoyage ethnique »
• La complexité du conflit, dislocation de l’ex-Yougoslavie, les nationalismes
s’expriment dans tous les nouveaux États notamment en Serbie : des États
multinationaux et une volonté de séparer les populations : « nettoyage ethnique »
• Une stratégie de guerre contre les civils : massacres, viols, crimes de guerre
2. Instauration d’un Tribunal pénal international entre 1999 et 2017
• Une justice difficile à passer : 169 personnes mises en accusation, 90 condamnés,
4 650 témoins. Les principaux criminels sont condamnés
• Une justice qui n’empêche pas les crimes : massacre de Srebrenica en 1995 alors que
le TPIY est déjà en place
• Des acquittements qui fragilisent la réputation du tribunal.
B. Le TPIR (Tribunal pénal international pour le Rwanda), une réponse incomplète
1. Des crimes qui impliquent une grande partie de la population
• « Génocide des voisins »
• Seulement 93 personnes inculpées, le TPIR ne répond pas aux attentes de justice
2. Mise en place des gacaca, tribunaux traditionnels
• 2 millions d’affaires sont alors traitées par ces tribunaux inédits
• Échec relatif du TPIR
D’autres tribunaux temporaires voient le jour le Tribunal spécial pour la Sierra Leone
en 2002 et le Tribunal spécial pour le Liban en 2009.

III. Vers une justice internationale avec le CPI ?


A. La fondation d’une nouvelle instance internationale sous l’égide de l’ONU
1. Le statut de Rome de 1998 envisage la création de la CPI, 120 États sont signataires et
adhèrent donc à la future instance.
2. Mise en place d’une instance permanente qui peut poursuivre théoriquement
tous les chefs d’État et autres criminels de guerre

THÈME 3 BAC 26
B. Les premiers résultats et critiques de la jeune institution
1. Seulement 60 États ratifient le traité d’adhésion, de nombreux États importants ne sont
pas membres, les États-Unis, la Chine, la Russie, l’Inde.
2. La jeune institution a certes jugé quelques chefs d’États, quelques ministres et surtout
des miliciens mais son action se limite à des puissances secondaires. Les grandes
puissances tombent d’une certaine manière dans l’impunité.
3. Les poursuites se concentrent essentiellement en Afrique et parfois les jugements
prononcés sont contestés : ex. de l’acquittement de l’ex-Président ivoirien,
Laurent Gbagbo pourtant accusé de crime contre l’humanité.

3.
Idées Exemples
Réponse à Une justice internationale qui s’est 1946 : Tribunaux de Nuremberg et
la problématique mise en place en deux temps, d’abord Tokyo
après la Seconde Guerre mondiale 1993-1994 : TPI ex-Yougoslavie et TPI
puis dans les années 1990 Rwanda
2002 : Cour Pénale internationale
Élargir le sujet/voir Une CPI fragilisée par le retrait de La politique de désengagement
les perspectives nombreux États. de Trump au sein des instances
Des régimes autoritaires et populistes internationales
ne souhaitant rendre aucun
compte à la justice internationale :
la démarche unilatérale l’emporte sur
le multilatéralisme

Conclusion
Une justice internationale s’est mise en place en deux temps : après la Seconde Guerre
mondiale et dans les années 1990. La création de la Cour pénale internationale marque
une victoire de l’idée d’une justice internationale.
Néanmoins, les résultats de cette justice internationale sont limités. Les grandes
puissances, grandes contributrices à l’ONU ne sont jamais inquiétées.
Les populismes et l’unilatéralisme des États-Unis ne renforcent pas l’idée de justice
internationale, bien au contraire.

p. 240-241 Dissertation : sujets d’entraînement
SUJET 1 : Les enjeux mémoriels de la guerre d’Algérie
Les mémoires de la guerre d’Algérie peuvent-elles devenir un instrument de réconciliation ?
I. Des mémoires longtemps contenus par les États
B. Pour la France, une guerre qui ne porte pas son nom, la pratique de la torture oubliée
C. Pour l’Algérie une guerre de libération héroïque
II. Des mémoires qui tardent à s’apaiser
A. Des mémoires officielles qui résistent à la vérité
B. Des communautés qui agissent sur la mémoire : pieds-noirs, harkis, anciens combattants
français ou algériens

SUJET 2 : Pourquoi la culpabilité de l’Allemagne dans les causes de la Première


Guerre mondiale est-elle un enjeu mémoriel fondamental ?
Pourquoi la mémoire de la Première Guerre mondiale est un enjeu de la réconciliation
franco-allemande ?
I. Un enjeu mémoriel et politique dans les relations franco-allemandes 1919-1945
A. L’article 231 du traité de Versailles et la culpabilité de l’Allemagne
B. Le rapprochement franco-allemand et les premiers travaux d’historiens (Jules Isaac)
C. Un outil politique pour le parti nazi.
II. Le temps des débats d’historien et des commémorations, outils de réconciliation 1945
à nos jours
A. De vifs débats en Allemagne à partir de 1961
B. Des commémorations pour une mémoire apaisée, outils du rapprochement
franco-allemand

THÈME 3 BAC 27
SUJET 3 : La justice est-elle suffisante pour réconcilier un peuple ?
Vous vous aiderez en particulier du cas du Rwanda.
La justice peut-elle réconcilier seule un peu déchiré par un génocide ?
I. Un « génocide des voisins » qui impliquent une grande partie de la population rwandaise
A. Deux communautés antagonistes avant même l’époque coloniale
B. Un génocide orchestré par une partie de la population hutue.
II. Une justice internationale d’exception
A. Le Tribunal pénal international pour le Rwanda juge les principaux responsables
B. Une réponse incomplète, des milliers de coupables non jugés.
III. Une justice traditionnelle pour juger des milliers de coupables
A. Deux millions d’affaires jugées mais une réconciliation difficile à imposer
B. Une justice transitionnelle qui s’appuie sur des commémorations et la réussite
économique

p. 242-243 Étude de document : sujet guidé
SUJET 1 : Histoire et mémoire de la Shoah
1. Nature des documents :
Le 1er document : deux couvertures de livre sur l’histoire de Vichy dont les auteurs
sont Robert Aron et Robert Paxton. Le second document est un extrait d’un entretien
de Ginette Kolinka rescapée des camps.
Résumé et contexte :
Les deux couvertures témoignent du débat historiographique sur le rôle du régime de
Vichy, notamment sur sa participation au génocide des Juifs. Robert Aron évoque dès
1954 dans son essai, l’idée d’un double jeu du maréchal Pétain. Mais cette hypothèse sera
complètement remise en cause, presque vingt ans plus tard par l’historien Robert Paxton.
Après 1973, le contexte change, les voix, les témoignages de déportés se multiplient, le
mythe résistancialiste s’effondre. Ginette Kolinka, 94 ans fait partie des derniers témoins
et publie ses mémoires. Elle souhaite désormais faire œuvre utile en allant dans les écoles
et raconter son expérience dans les camps.

2.
Connaissances du cours
Idée Citation du document
pour enrichir le commentaire
Robert Aron « Son ouvrage incite à une certaine La volonté des gouvernements d’après-guerre d’éviter
alimente le mythe indulgence pour le maréchal, héros la guerre civile, des jugements cléments, des amnisties.
du bouclier de Verdun » Reconstruire la France
La question « notamment l’envoi de 76 000 Politique antisémite du régime de Vichy qui exclut les Juifs
de la complicité Juifs français dans les camps de nombreuses professions. Port de l’étoile jaune, rafles,
du régime d’extermination » déportation
dans la Shoah
Le rôle déterminant « Il critique la vision française d’Aron Paxton montre qu’en comparant les États européens
de Robert Paxton et le mythe du bouclier » occupés, les Juifs de France n’ont pas moins souffert.
et la fin du mythe
résistancialiste
La culpabilité du « La responsabilité écrasante 76 000 Juifs français ont été assassinés avec la complicité
régime de Vichy du régime de Vichy » du régime de Vichy. La police, la gendarmerie française ont
participé aux rafles des Juifs.

3.
A. Cinquante ans de silence dans le contexte du mythe résistancialiste, du « bouclier »
de Pétain.
« Ce que les survivants des camps ont le mieux partagé, à leur retour, c’est le silence ».
Dans l’immédiat après-guerre, même si beaucoup parlent et que l’idée d’un silence
général et volontaire est fausse, un grand nombre de déportés n’ont qu’une envie :
oublier, réintégrer la société, travailler. Le retour des déportés se fait à l’hôtel Lutetia,
un peu dans l’indifférence. Les déportés, les prisonniers, les STO, les malgré-nous :
les mémoires se mélangent et les parcours ne sont pas très étudiés avant les années

THÈME 3 BAC 28
1980. « Je n’ai jamais rien raconté de l’univers concentrationnaire à ma mère ni à ma
sœur », le traumatisme, l’incompréhension et la nécessité de tourner la page ont contribué
à ce silence des témoins.
B. Une parole libérée tardivement
Ginette Kolinka avec l’aide de Marion Ruggieri publie Retour à Birkenau en 2019.
Les témoignages se multiplient entre les années 1990 et 2010. Mais les premiers textes
sur les camps sont apparus plutôt autour des années 1960 : Primo Levi publie une
première édition de Si c’est un homme en 1947, sans réel succès, puis une seconde
en 1958, puis La Trève en 1963.
« Bientôt, il n’y aura plus personne pour témoigner ». Ginette Kolinka publie également
à 94 ans parce qu’elle fait partie des derniers témoins encore vivants. Elle succède
d’une certaine manière aux témoignages de ses amies déportées, Simone Veil et
de Marcelin Loridan-Ivens.
C. Une transmission à la jeunesse
« C’est pourquoi il est si important de le transmettre aux jeunes générations ». On voit
ici que la mémoire, le témoignage a toute sa place dans notre société, notamment
à l’école. Malgré son grand âge, Ginette Kolinka arpente les écoles et les établissements
secondaires pour faire passer un message humaniste.
« Méfiez-vous de la haine, et combattez-la dès qu’elle pointe, sous quelque forme
que ce soit, car c’est la haine qui conduit tout droit à Birkenau ». Son message semble
clair, Ginette Kolinka fait œuvre de sagesse, d’exemple pour la jeune génération.
Elle peut convaincre par son exemplarité, par son expérience vécue. On s’interrogera
malgré tout sur les limites de cette démarche. Les moteurs des haines, de l’intolérance
et de l’antisémitisme ont la vie dure.

p. 244-245 Étude de documents : sujets d’entraînement
SUJET 1 : Génocides et justice internationale
I. Le TPIY, une justice internationale sous mandat de l’ONU
A. Le contexte d’une mise en place
B. La victoire du principe d’une justice internationale
II. Poursuivre les criminels de guerre et les convoquer au tribunal à La Haye
A. La poursuite des criminels
B. Des crimes reconnus
III. Rendre justice aux victimes du « nettoyage ethnique » notamment en Bosnie
A. Des victimes qui témoignent, une vérité qui s’impose
B. Une réconciliation qui tarde

SUJET 1 : Mémoires, crimes et génocides


I. Une approche nouvelle, pour un Président jeune
A. Les politiques mémorielles de ses prédécesseurs
B. Un Président qui n’a pas connu de guerres
II. La guerre d’Algérie très liée à la Ve République
A. Une mémoire de la guerre d’Algérie négligée pendant longtemps
B. Les crimes de la France lentement reconnus
III. La mémoire du génocide rwandais sur laquelle la France doit œuvrer pour la vérité
A. Le rôle ambigu de la France lors du génocide
B. Une France qui doit lever les suspicions et reconnaître ses manquements.

p. 248-249 Vers le Sup’ : Rédiger une note de synthèse
Ce dossier rassemble plusieurs documents sur les mémoires de la guerre d’Algérie.
Il permet de constituer un dossier autour de trois thèmes : La mémoire des rapatriés
d’Algérie, La mémoire des autres victimes de la guerre (harkis et nationalistes algériens)
et la délicate politique mémorielle de la France (commémorations, conflits mémoriels
autour d’une date de célébration).

THÈME 3 BAC 29
Identifier, protéger et valoriser
4
Thème

le patrimoine : enjeux géopolitiques


La logique du thème
Le Thème 4 traite de la notion de patrimoine, avec un double objectif : connaître ce que recouvre
aujourd’hui la notion de patrimoine, matériel et immatériel, dans ses dimensions historiques et
géographiques, et comprendre les enjeux géopolitiques qui lui sont associés.
L’exemple de la cathédrale de Reims en ouverture du thème montre bien comment le patrimoine
peut à la fois être outil d’identification, au cœur de tensions géopolitiques et comment sa préserva-
tion peut être l’objet de débats entre acteurs.
La cathédrale a en effet longtemps été au cœur du pouvoir monarchique français, par la cérémo-
nie du sacre qui s’y déroulait. En 1914, au début de la Première Guerre mondiale, elle a été détruite
par un bombardement allemand. Notre-Dame de Reims offrait la même image de dévastation que
Notre-Dame de Paris aujourd’hui. Et comme à Paris en 2019, la charpente a été détruite sous l’ef-
fet d’un incendie dévastateur, attisé par les bottes de paille entreposées dans la cathédrale, alors
transformée en hôpital à proximité du front. Mais la voûte a, là aussi, résisté.
Après la Guerre, toutes les forêts de l’est de la France avaient été dévastées et il y avait un vrai
problème de manque de main-d’œuvre. C’est pourquoi l’architecte Henri Deneux a fait un choix,
audacieux de reconstruire la charpente en béton armé, structure ininflammable et ne nécessitant
pas d’échafaudage. Plusieurs voix s’y sont opposées, prétendant notamment que Notre-Dame de
Reims ne résonnerait plus comme avant à cause de cette charpente en béton. Mais dès 1920, sa
reconstruction démarre. Elle fait l’objet d’une mobilisation internationale sans précédent. Pour son
financement, il est fait appel à des mécènes. L’homme d’affaires américain John Davison Rocke-
feller, qui a fait fortune dans le pétrole, finance la restauration de la toiture. Il faudra plus de vingt
années de restauration. La cathédrale est reconsacrée en 1937. Et de grandes célébrations reli-
gieuses se tiennent à l’été 1938. Soit vingt-quatre ans après son incendie ravageur.

p. 252-253 Introduction Pour aller plus loin :


La construction et l’élargissement – T. Le Hégarat, Un historique de la notion de patri-
moine, 2015 (https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-
de la notion de patrimoine 01232019).
L’objectif de la double page est de montrer comment – D. Poulot, Une Histoire du patrimoine en Occident
la notion de patrimoine a évolué et s’est complexifiée XVIIIe-XXIe siècle : du monument aux valeurs, 2e édition,
pour regrouper des composantes toujours plus diverses, PUF, 2009. 192 p.
et comment cette définition s’est aussi construite à dif-
férentes échelles, de l’échelle individuelle à l’échelle
Éléments de réponse aux questions p. 253
mondiale avec l’UNESCO et son patrimoine mondial.
La construction de ce concept débouche sur un proces- 1. Le mot patrimoine est issu du latin patrimonium, c’est-
sus de patrimonialisation, c’est-à-dire une volonté de à-dire, l’héritage, le bien de famille transmis par le père
conserver les traces du passé et de les transmettre aussi (pater) et la mère.
intactes que possible. L’historien Pierre Nora explique
que « la société, saisie par la croissance et l’innovation, 2. S’il recouvre d’abord par son étymologie la sphère indi-
a été brusquement coupée de ses racines ». Elle perdrait viduelle, le sens du mot patrimoine a progressivement
son identité, ses repères, ce qui l’amène à « conserver été élargi au bien collectif, de la communauté, de la
des traces de son passé pour affronter son avenir », et la nation, et même du monde. Au Moyen Âge (document 2),
réponse depuis la fin des années 1980 est une « vague se développe la sauvegarde d’objets de valeur, lies à la
patrimoniale » avec par exemple la mise en place en religion (reliques, regalia). Mais c’est avec la Renaissance
1985 des Journées du patrimoine, de nombreuses com- que la valeur fondatrice du patrimoine passé s’affirme,
mémorations ou encore une offre exponentielle en autour de cette redécouverte de la culture antique clas-
musée les plus divers. sique. Parallèlement, les premiers textes apparaissent,
ayant pour but de protéger le patrimoine en interdisant
ses dégradations. L’intérêt pour les traces du passé initié
à la Renaissance se perpétue dans les siècles suivants,

THÈME 4 Introduction Qu’est-ce que le patrimoine ? 1


et il s’élargit. Outre l’Antiquité gréco-romaine, toujours Musée des monuments français en 1795, devenu depuis
prédominante, des collectionneurs curieux, parfois prin- l’École des Beaux-Arts.
ciers (document 3) multiplient les collections et cabinets
de curiosités. Le Grand Tour initié par les Anglais puis 5. L’UNESCO (rubrique Acteur clé) est une institution
repris dans toute l’Europe devient une sorte de voyage spécialisée de l’ONU créée à la suite des dégâts et des
initiatique pour les jeunes aristocrates, les grands bour- massacres de la Seconde Guerre mondiale, notamment
geois et les artistes qui partent à la recherche des traces envers le patrimoine culturel mondial. L’institution a
du passé dans le bassin méditerranéen, notamment en pour objectif de « contribuer au maintien de la paix et
Grèce et en Italie. Aujourd’hui, après de nouveaux enri- de la sécurité en resserrant, par l’éducation, la science et
chissements – certains très récents notamment autour la culture, la collaboration entre nations ». Concernant
du patrimoine industriel ou immatériel –, le patrimoine le patrimoine, l’objectif est de contribuer à son recen-
n’est plus seulement culturel, mais il est un ensemble sement partout dans le monde via le label « Patrimoine
complexe à la typologie multiple (document 4). mondial » (World Heritage), pour permettre sa mise en
valeur et sa préservation.
3. La monarchie ignore la conservation du patrimoine
culturel, et par exemple Louis XVI n’hésite pas à donner
à son frère, le comte d’Artois, le château neuf de Saint-
Germain-en-Laye qui sera entièrement détruit. p. 254-255 Introduction
La véritable apparition du patrimoine comme un
bien commun intervient à la Révolution. Cette période Le « patrimoine mondial » de l’UNESCO
est fortement marquée par les destructions pour faire L’objectif de la double page est de montrer comment le
table rase du passé en effaçant tous les symboles de patrimoine mondial de l’UNESCO peut être analysé avec
la royauté (destruction du « Portail des Rois » de Notre- une grille de lecture géopolitique, entre poids différen-
Dame de Paris, profanation des sépultures royales de cié des États dans le concert des nations et inégalités
la Basilique de Saint-Denis, etc.) et des voix s’opposent spatiales dans la localisation des biens protégés.
à ces destructions : l’abbé Grégoire parle pour la pre-
mière fois de « vandalisme ». Le député François Puthod
de Maison-Rouge présente une pétition devant l’Assem- Pour aller plus loin :
blée pour demander une sorte d’inventaire documenté
des « monuments précieux de notre histoire ». Pour la –– https://whc.unesco.org/fr/list/
première fois l’expression « patrimoine national » est –– https://www.culture.gouv.fr/Sites-thematiques/Monu-
employée. ments-historiques-Sites-patrimoniaux-remarquables/
Aujourd’hui, la préservation du patrimoine culturel Presentation/Le-patrimoine-mondial
est de plus en plus active, par l’Inspection générale des –– L. Prigent, « L’inscription au patrimoine mondial de
monuments historiques à l’échelle française (avec des l’UNESCO, les promesses d’un label ? », Revue interna-
figures majeures comme Prosper Mérimée ou Eugène tionale et stratégique, 2013/2 (no 90), p. 127-135 (https ://
Viollet-le-Duc), ou par l’Organisation des Nations unies www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-
pour l’Éducation, les Sciences et la Culture (UNESCO), 2013-2-page-127.htm).
qui œuvre à la protection des différentes composantes –– P. Marcotte, L. Bourdeau, « La promotion des sites du
du patrimoine culturel, qui peuvent être retrouvées dans Patrimoine mondial de l’UNESCO : Compatible avec
les définitions arrêtées par l’institution (document 4). le développement durable ? », Management & Avenir,
2010/4 (n° 34), p. 270-288 (https ://www.cairn.info/revue-
4. Des fouilles archéologiques menées à partir du management-et-avenir-2010-4-page-270.htm).
xve siècle à Rome exhument des chefs-d’œuvre res-
tés longtemps ensevelis, qui ornaient, dans l’Antiquité,
jardins et villas romaines. En 1471 (chronologie), le Éléments de réponse aux questions p. 255
pape Sixte IV expose ces trouvailles aux Romains, cette 1. En 1972, l’UNESCO créé une Convention pour la pro-
démarche étant la première vers la constitution des tection du patrimoine mondial, culturel et naturel per-
musées. D’autres initiatives privées sont à l’origine de mettant l’inscription de 1 121 sites protégés en 2019.
collections nationales (document 2 et 3), car certains Depuis, tous les ans, de nombreux pays proposent des
souverains éclairés, gagnés aux idées des Lumières sont éléments de leur patrimoine représentant un intérêt
persuadés que la communication des connaissances est exceptionnel pour l’héritage commun de l’humanité.
la condition du progrès et que l’instruction du peuple Les sites inscrits au patrimoine mondial font générale-
doit être une priorité. De nombreuses collections prin- ment l’objet d’une exploitation touristique mettant en
cières s’ouvrent au public, partiellement ou totalement avant cette reconnaissance. L’UNESCO peut aussi lister
et constituent les premiers musées (chronologie) : en le patrimoine mondial en péril, pour informer la com-
1753, les Anglais rédigent l’acte de fondation du British munauté internationale que des opérations majeures
Museum qui ouvre en 1759. D’autres suivront comme le doivent y être effectuées. Cette liste du patrimoine en
Musée de Vienne en 1783, le Prado en 1785, la galerie péril est très souvent reprise par les médias internatio-
des Offices de Florence en 1796, etc. En France, c’est en naux, aidant à la mise en œuvre d’actions de préserva-
1793 qu’Alexandre Lenoir sauve de la destruction de tion localement.
nombreux objets liés au patrimoine royal, qu’il entre-
pose dans le couvent des Petits-Augustins et dans son 2. Les sites inscrits au patrimoine mondial sont inéga-
jardin. Il ouvre au public le couvent, créant le premier lement répartis dans le monde, à l’échelle continentale

THÈME 4 Introduction Qu’est-ce que le patrimoine ? 2


(document 2) et à l’échelle nationale (document 1). 3. De nombreux risques menacent le patrimoine mondial.
Ces biens sont répertoriés suivant cinq régions selon Ils peuvent être liés à la mondialisation comme le bra-
une définition propre à l’UNESCO qui ne se base pas connage qui alimente le marché mondial du commerce
que sur des critères géographiques : Afrique subsaha- illégal d’espèces sauvages, notamment la demande
rienne, États arabes (composés de l’Afrique du Nord et chinoise, comme l’exploitation forestière illégale ou la
du Moyen-Orient), Asie et Pacifique (incluant Australie pêche illégale. Ils sont aussi liés à l’industrialisation des
et Océanie), Europe et Amérique du Nord (États-Unis et sociétés, à cause d’opérations extractives – exploitation
Canada), et Amérique latine (incluant le Mexique et les de mines, de carrières, de pétrole et de gaz, construc-
Caraïbes). À l’origine, l’Europe était surreprésentée. C’est tion des infrastructures associées, construction de bar-
encore le cas, mais l’apparition des sites naturels excep- rages, de ports de commerce, d’infrastructures linéaires
tionnels contribue à une harmonisation géographique (pipelines, voies routières et ferrées), agriculture et syl-
et l’UNESCO s’efforce de respecter un équilibre entre viculture industrielle, et enfin toute surexploitation des
continents dans la localisation du patrimoine mondial. ressources. Le changement climatique met aussi en
À l’échelle nationale, l’affirmation des puissances émer- danger ce patrimoine mondial. Enfin, les conflits armés
gentes comme la Chine est visible dans le classement peuvent aussi mettre en danger ce patrimoine, les des-
des pays par nombre de sites inscrits. Le pays est même tructions de Daech en Irak et en Syrie (notamment sur
devenu le premier avec 55 biens inscrits par l’UNESCO, le site antique de Palmyre) étant les exemples les plus
tout comme l’Italie. flagrants. Chaque année, l’UNESCO dresse la liste du
patrimoine mondial en péril, pour alerter et mettre en
œuvre des actions de préservation.

THÈME 4 Introduction Qu’est-ce que le patrimoine ? 3


AXE 1 Usages sociaux et politiques
du patrimoine
La logique du chapitre
Dès l’élaboration de la notion de patrimoine à la fin du xviiie siècle et de la prise de
conscience des dirigeants politiques de l’époque de son importance, le patrimoine a
constitué un outil de préservation des biens matériels d’un État, mais aussi un instru-
ment pouvant servir les visées patriotiques, voire nationalistes, surtout au xixe siècle,
des pays souhaitant renforcer leur unité nationale. Ainsi, il apparaît que le patrimoine a
acquis une dimension et un rôle politiques indéniables. Mais il possède d’autres facultés,
toutes aussi essentielles : on constate depuis au moins trois décennies, si ce n’est plus,
qu’il est un vecteur majeur de développement économique et social. Économique, car
héberger sur son territoire un édifice connu ou un site naturel remarquable, peut ame-
ner des subsides importants et générer des emplois directs et indirects. Social, car le
patrimoine, mis en valeur par l’État ou les collectivités territoriales (en France), détient
une charge identitaire qui peut permettre de rassembler la nation ; en outre, une utilisa-
tion didactique, à travers des ateliers pédagogiques pour les plus jeunes, par les acteurs
publics et privés, lui confère une fonction éducative certaine.
Par ailleurs, il est incontestable que le patrimoine est un instrument de puissance. Les
États richement dotés en bâtiments remarquables s’en servent comme des lieux où sont
organisées des cérémonies fastueuses afin d’accueillir des invités prestigieux ou des
décideurs, comme des chefs d’États ou des patrons de grandes entreprises. Ces événe-
ments sont l’occasion de renforcer les liens diplomatiques entre les protagonistes, afin
de conclure des accords économiques et/ou culturels.
Néanmoins, le patrimoine peut aussi générer des conflits. En effet, l’histoire est jalon-
née d’exemples d’appropriations illégales et de vols d’objets précieux, notamment
durant l’époque de la colonisation, où de nombreux États européens ont spolié les biens
culturels des peuples colonisés. Certains d’entre eux ont, dès le xixe siècle, réclamé les
trésors qui leur avaient été dérobés. Leurs appels ont été d’abord peu entendus ; puis ils
ont pu s’appuyer sur le droit international pour montrer la validité et la légitimité de
leurs réclamations, notamment des textes comme l’appel du directeur de l’UNESCO pour
le retour du patrimoine (1978). Un cas emblématique est celui des marbres du Parthé-
non, prélevés sur le site par Lord Elgin en 1801, récupérés par le British Museum en 1816
et revendiqués par la Grèce depuis son indépendance en 1830. Mais ces conflits peuvent
également se dérouler au niveau national ou local, par exemple lorsque les autorités
veulent détruire tel ou tel bâtiment et que la population environnante s’y oppose.
Au final, le patrimoine représente un enjeu considérable pour les États, quels qu’ils
soient, développés ou non. Son exploitation peut générer d’importantes retombées éco-
nomiques et l’utilisation théâtralisée de monuments en fait un moyen d’action diploma-
tique. La majorité des pays ont ainsi bien compris les bénéfices qu’ils peuvent espérer
des usages politiques et sociaux de leur patrimoine.

Bibliographie
–– J.-Y. Andrieux, Patrimoine et société, Presses universitaires de Rennes, 1998. Cet ou-
vrage aborde les enjeux et les usages sociaux du patrimoine aujourd’hui.
–– J.-Y. Andrieux (dir.), Patrimoine. Sources et paradoxes de l’identité, actes du ­cycle
de conférences prononcées à l’université Rennes 2, 5 nov. 2007-2 avril 2008, Rennes,
Presses universitaires de Rennes, 2011. Une réflexion sur les rapports entre patrimoine
et identité, notamment concernant les risques de l’instrumentalisation celui-ci.
–– P. Beghain, Le Patrimoine : culture et lien social, Presses de Sciences Po, Paris, 1998.
L’auteur insiste sur une nécessaire redéfinition du concept de patrimoine pour qu’il
renforce le lien social.

THÈME 4 Axe 1 Usages sociaux et politiques du patrimoine 4


–– G. Di Meo, Le Patrimoine, un besoin social contemporain. Patrimoine et estuaires,
Actes du colloque international de Blaye, 5-7 octobre 2005, Blaye. Un article éclairant
sur l’extension de la notion de patrimoine dans les sociétés occidentales et sur le pro-
cessus accru de patrimonialisation.
–– A. Sinou, « Enjeux culturels et politiques de la mise en patrimoine des espaces colo-
niaux », Autrepart, 2005, no 33. Cet article analyse le processus de patrimonialisation
récent dans les pays anciennement colonisés et notamment de la réutilisation du bâti
colonial.
–– M. Vernières, « Le patrimoine : une ressource pour le développement », Techniques
financières et développement, 2015, n° 118. L’auteur démontre que le patrimoine
constitue une ressource qu’il convient de valoriser dans une perspective de dévelop-
pement économique et social d’un territoire.

Sitographie
–– Une vidéo de l’INA sur le conflit entre la Grèce et le Royaume-Uni concernant le
retour des dalles de la frise du Parthénon exposées au British Museum : https://ensei-
gnants.lumni.fr/fiche-media/00000001518/athenes-et-londres-se-disputent-les-frises-
du-parthenon.html
–– Une vidéo de l’INA sur la nouvelle offre culturelle du château de Versailles : https://
www.ina.fr/video/I05270389
–– Une vidéo de l’INA (1973) sur la restauration du château de Versailles et le mécénat
états-unien qui en permit la sauvegarde : https://www.ina.fr/video/I05250826
–– Une page de l’UNESCO sur la question du retour des biens culturels, avec de nombres
documents, publications, vidéos disponibles dans l’onglet « ressources » situé à droite :
–– http://www.unesco.org/new/fr/culture/themes/restitution-of-cultural-property/
–– Un article d’Alain Babadzan autour du phénomène récent de patrimonialisation :
https://lersem.www.univ-montp3.fr/fr/revue-num%C3%A9ro-2/les-usages-sociaux-du-
patrimoine-alain-babadzan

p. 256-257 O u ve r t u r e à la France). En outre, le domaine de Chantilly, déjà


connu des touristes indiens, espère des retombées éco-
nomiques de cette entrevue.
Éléments de réponse aux questions p. 256
1. La plupart des États cherchent à conserver, entretenir
et valoriser leur patrimoine. Pour cela, beaucoup se sont p. 258-259 Re p è r e s
dotés de musées, à qui ils ont confié ces tâches. Ceux-ci,
publics ou privés, sont dépositaires d’une partie du patri-
moine.
Usages sociaux et politiques
du patrimoine
2. Les grands musées du monde, comme le musée du Dans cette double page Repères, les expressions
Louvre ou le MoMA à New York, disposent depuis des
« usages sociaux » et « usages politiques » du patrimoine
années d’ateliers pédagogiques ouverts aux enfants et
sont clairement explicitées. En ce qui concerne la pre-
aux adolescents. Ils assument donc une mission éduca-
mière, il s’avère que la plupart des États utilisent le
tive et montrent ainsi un usage social du patrimoine. Ce
patrimoine, à travers des monuments ou des sites mis
patrimoine pourra ainsi être apprécié et traverser les
en valeur, comme créateur de ciment social, dans la
générations.
mesure où il permet une appropriation et une identifica-
tion des citoyens à leur territoire ; il a donc une fonction
identitaire. Il possède aussi une fonction éducative : les
Éléments de réponse aux questions p. 257
musées, les châteaux, etc., ont ainsi développé des ate-
1. Les États richement dotés en bâtiments admirables liers pédagogiques à destination des jeunes, afin qu’ils
ont un usage politique de ce patrimoine. Des cérémo- connaissent, apprécient et intègrent intellectuellement
nies fastueuses accueillant des invités prestigieux sont le patrimoine local, voire national.
l’occasion de renforcer les liens diplomatiques afin de
conclure des accords économiques et/ou culturels. Lors
de la visite du président indien Narendra Modi, E. Macron
a évoqué avec lui la coopération économique de leurs
deux pays (livraison des Rafales français vendus à l’Inde
en 2016, projet indien d’acheter six réacteurs nucléaires

THÈME 4 Axe 1 Usages sociaux et politiques du patrimoine 5


Éléments de réponse aux questions p. 259 service de la grandeur française, comme le démontre sa
mise en lumière fréquente par le président Emmanuel
1. Les États utilisent généralement deux leviers pour Macron (réception de Poutine), et toujours politique
parvenir à ces objectifs de cohésion sociale et d’unité puisque le chef de l’État y tient annuellement un dis-
sociale grâce au patrimoine. Ils doivent d’abord le mettre cours devant le Congrès.
en valeur. Ainsi, ils organisent des événements qui font
la promotion des sites, des édifices qu’ils possèdent à
travers des journées spécialement dédiées (Journées Document 1
européennes du patrimoine), mais aussi celle de festi-
vals culturels emblématiques (festival d’Avignon). Cela En 1805, Napoléon visite le château de Versailles ; l’an-
doit permettre d’inculquer une culture commune à une née d’après, il commande les premiers travaux d’amé-
grande partie de la population et d’en faire de meil- nagement, puis confie à l’architecte Jacques Gondouin
leurs citoyens. Ensuite, toujours dans cette logique, ils la transformation de l’édifice. Ces projets sont abandon-
cherchent à éduquer la jeunesse, ce qui est réalisé par le nés en raison des coûts engendrés par les opérations
biais des ateliers éducatifs que l’on retrouve désormais militaires de l’empereur. En 1811, Pierre Fontaine et
dans la majorité des musées, des châteaux, etc. Alexandre Dufour proposent un nouveau projet : il pré-
voit la construction d’un bâtiment faisant pendant au
2. Il est désormais indéniable que le patrimoine repré- Grand Commun, l’un et l’autre intégrés au château et
sente un élément essentiel du soft power pour les grandes reliés par une façade sur la cour, la colonnade masquant
puissances. En effet, il constitue un instrument diploma- l’arrière de la chapelle du palais. La fin précipitée de
tique de premier ordre. Comme nous le montre la pho- l’Empire empêcha la réalisation de celui-ci.
tographie du couple Trump reçu par Xi Jinping devant
la Cité interdite, où le Président chinois a fait donner un
concert privé pour ses deux invités et leur a fait décou- Document 2
vrir le palais pluriséculaire. Cette visite s’est conclue
L’archiviste Éric Landgraf expose un des grands projets
par des accords commerciaux d’un montant de plus de
de Louis-Philippe : réconcilier la monarchie et la Révolu-
253 milliards de dollars. Emmanuel Macron s’est lui servi
tion française. Ainsi, celui-ci décide de créer le musée de
du cadre prestigieux du château de Versailles pour van-
l’histoire de France sis au château de Versailles. Il s’agit
ter les mérites de l’appareil productif français auprès de
d’une entreprise monumentale, tant par les sommes
chefs d’entreprise étrangers en 2018 (« Choose France »).
qui y sont englouties, que par l’ampleur du chantier qui
Enfin, le patrimoine naturel peut également être utilisé
mobilise des centaines d’ouvriers ; le projet était particu-
pour conclure des partenariats culturels. La Chine a mis
lièrement suivi par le souverain qui y effectue 398 visites
en œuvre la « diplomatie du panda » depuis le viie siècle
afin de renforcer ses relations culturelles, économiques et y investit une partie de sa fortune personnelle (18 mil-
et diplomatiques avec certains pays. Ce qu’illustre la lions de francs de l’époque).
photographie montrant le prêt de deux pandas géants
chinois au zoo de Berlin en 2017, où l’on constate la pré-
sence de la chancelière allemande Angela Merkel, ce qui Document 3
démontre qu’il ne s’agit pas d’un événement anodin. En avril 1855, Napoléon III et l’impératrice Eugénie sont
reçus par la reine Victoria au château de Windsor. L’em-
pereur français est décoré de l’ordre de la Jarretière. La
visite est un réel succès diplomatique, le voyage ayant
p. 260-261 Jalon 1A
eu pour but de rapprocher la France et le Royaume-Uni.
Ainsi, dans les rangs français s’impose l’idée d’une visite
Réaménager la mémoire. Les usages officielle de la souveraine anglaise. La tenue de l’Exposi-
de Versailles de l’Empire à nos jours tion universelle à Paris est l’occasion rêvée. Napoléon III
accueille la reine Victoria et son mari, le prince Albert
Ce Jalon vise à montrer à analyser les usages sociaux et de Saxe-Cobourg à Boulogne-sur-Mer le 18 août 1855.
politiques du château de Versailles depuis le xixe siècle, Le séjour de la souveraine est ponctué de nombreuses
exercés par différents acteurs. Après la Révolution fran- cérémonies officielles et de divertissements. Le 25 août,
çaise, au gré des changements de régime, il a été plus ou un souper est donné en son honneur dans la salle de
moins utilisé. Napoléon Bonaparte souhaitait en faire un l’Opéra du château de Versailles. Le dîner fut servi entre
écrin magnifiant son régime, mais les circonstances ne la première et la seconde partie d’un bal. La table avait
lui ont pas permis de réaliser son projet. Il faut attendre été dressée pour 400 convives. À l’issue de cette soirée,
Louis-Philippe pour que l’édifice retrouve sa splendeur Napoléon III exprima son regret que le séjour de la reine
passée. Il le transforme en musée, mais avec un objec- se terminât. L’œuvre d’Eugène Lami est une commande
tif politique bien précis : une réconciliation entre la officielle du souverain français.
monarchie et la France. Par la suite, Versailles ne perd
pas son importance dans ce domaine ; il est fréquem-
ment mis en avant par les gouvernants qui s’en servent Document 4
pour des réceptions officielles, des signatures de traités,
etc. Son rôle culturel s’est affirmé dans la deuxième moi- Le tableau de Sir William Orpen, peintre accrédité par
tié du xxe siècle ; il est à la fois un site cinématographique l’armée anglaise durant le conflit, est l’image d’Épinal de
apprécié, mais aussi le théâtre d’expositions d’envergure l’événement. Les plénipotentiaires allemands Müller et
internationale. Enfin, il conserve un rôle diplomatique au Bell signent la mort dans l’âme le traité sous le regard

THÈME 4 Axe 1 Usages sociaux et politiques du patrimoine 6


dominateur de Wilson, Clemenceau et Lloyd George en proclamation de l’Empire allemand dans la galerie des
face d’eux. Le traité de Versailles vole en éclat vingt ans Glaces le 18 janvier 1871 ; le « diktat » de Versailles en
plus tard. Les clauses de celui-ci, notamment le montant 1919 ; les visites de responsables nazis comme Goebbels
des réparations de guerre, apparaissent odieuses aux pendant l’Occupation.
Allemands. Le projet de la Société des Nations porté par
Wilson est rapidement décrédibilisé par l’absence d’une
force armée internationale, puis par la non-participation
des États-Unis à l’organisation, suite au vote négatif du p. 262-263 Jalon 1B
Sénat étas-unien en mars 1920.
Document 1
Éléments de réponse aux questions p. 261 Au début des années 1920, le château de Versailles, par
manque d’entretien régulier, est menacé de ruine. En
1. Napoléon Bonaparte voulait s’installer au château 1924, le milliardaire et philanthrope étas-unien John D.
de Versailles ; ainsi, il a commandé des projets d’agran- Rockfeller propose une aide financière à l’État français
dissement, notamment aux architectes Dufour et Fon- pour sa restauration. C’est un premier pas. En 1953, le
taine. Son objectif était d’en faire un écrin à la gloire de nouveau conservateur en chef du château est Gérald Van
­l’Empire. Der Kamp. Celui-ci va s’attacher à restaurer le domaine
de Versailles, en sollicitant les institutions nationales,
2. C’est le roi Louis-Philippe lui-même qui prend cette
mais également en faisant appel à la philanthropie
décision de transformer le château de Versailles en
étrangère. Son action va être appuyée par une publi-
musée. On constate que ce projet retient toute son atten-
cité inattendue : du 6 juillet au 6 septembre 1953, Sacha
tion puisqu’il y investit une somme colossale (18 millions
Guitry tourne au château Si Versailles m’était conté. Une
de francs), prélevée sur sa cassette personnelle, et il rend
partie des droits du film est offerte pour la conservation
398 visites au chantier, afin de vérifier l’avancement des
du domaine, et, surtout, le succès de celui-ci entraîne un
travaux.
engouement pour Versailles et lance « une mode qui ne
se démodera pas » (Marc Ladreit de Lacharrière, discours
3. L’objectif de Napoléon III est d’établir une alliance d’hommage à G. Van der Kamp).
diplomatique forte avec l’Angleterre. Pour cela, après
avoir lui-même effectué un voyage en Grande-Bre-
tagne, il reçoit la reine Victoria et son époux. Il se sert Document 2
du ­château de Versailles pour organiser des bals, des
concerts et des dîners somptueux, qui vont charmer ses Le château de Versailles a organisé du 10 septembre au
deux i­nvités. 14 décembre 2008 une exposition de l’artiste étas-unien
Jeff Koons. Celui-ci y expose dix-sept œuvres, dont son
4. Le gouvernement français de l’époque a choisi le châ- célèbre Split-Rocker (sculpture de 12 mètres de haut,
teau de Versailles pour la signature du traité de paix avec moitié cheval à bascule, moitié dinosaure, recouverte
l’Allemagne car il s’agissait d’un lieu de pouvoir déjà uti- de 100 000 fleurs), et Ballon Dog. L’exposition a suscité
lisé dans l’histoire nationale et, surtout, pour laver l’af- des polémiques et de nombreuses controverses, entre la
front qui avait été fait par les Allemands en 1871 : le roi direction du domaine, les commissaires de l’exposition
de Prusse Guillaume Ier s’était proclamé empereur d’Al- et certaines personnalités de l’art en France d’une part,
lemagne dans la galerie des Glaces après sa victoire et les tenants du classicisme de l’édifice d’autre part.
contre le Second Empire de Napoléon III.

Synthétiser Les élèves doivent organiser leur réponse en Document 3


prenant en compte la chronologie. Tout d’abord, il faut
En février 2011, la société états-unienne Google lance
préciser que le château était tombé en désuétude pen-
Google Arts & Culture, un service en ligne permettant
dant la Révolution française, mais que, très rapidement,
de visiter virtuellement des musées et de visualiser leurs
il retient à nouveau l’attention, en l’occurrence, celle
œuvres en haute définition. Cela a été rendu possible
de Napoléon Ier. Celui-ci comptait faire de Versailles un
par la technologie Street View. Dix-sept musées d’en-
écrin à la gloire de son Empire. Mais la fin du régime
vergure internationale ont participé au projet dès ses
ne permet pas l’achèvement de travaux qui avaient été
débuts, notamment le MoMA, le musée de la Reina Sofia,
engagés. Louis XVIII fait aussi procéder à quelques réno-
le Rijksmuseum, etc. En 2012, le château de Versailles
vations. Mais c’est surtout Louis-Philippe qui joue un rôle
adhère à cette opération.
important dans le retour de l’édifice sur le devant de la
scène : il le convertit en musée, non sans avoir fait réa-
liser de grandes transformations des bâtiments. Sous le Document 4
Second Empire, il est un outil de la politique diploma-
tique de Napoléon III qui s’en sert comme un lieu de pou- En 1875, les lois constitutionnelles instaurent de façon
voir où sont organisées des réceptions hautes en couleur. définitive la IIIe République. Elles prévoient le bicamé-
risme, divisant le Parlement en deux chambres distinctes :
Travailler autrement le Sénat et la Chambre des députés. Elles ne siègent pas
L’exposé préparé par les élèves sur « la place du château alors à Paris, considéré comme un foyer d’insurrections ;
de Versailles dans la mémoire allemande » doit abso- elles préfèrent s’installer à Versailles. Le Sénat choisit
lument prend en compte les événements suivants : la de siéger dans la salle de l’Opéra royal. Pour accueillir

THÈME 4 Axe 1 Usages sociaux et politiques du patrimoine 7


la Chambre des députés, l’architecte du Parlement, Versailles. Il est aussi possible de visualiser les œuvres
Edmond de Joly, livre, fin 1875, une nouvelle salle en exposées à l’intérieur et d’accéder à des commentaires
hémicycle aménagée au cœur de l’aile du Midi du châ- faits par des spécialistes pour éclairer son exploration.
teau de Versailles. Elle est inaugurée lors de l’ouverture Pour les créateurs de l’application, il s’agit de mon-
solennelle des chambres le 8 mars 1876. Les députés y trer que leur produit est à la pointe de la technologie
tiennent séance jusqu’à leur retour au palais Bourbon, à et permet une expérience inégalée. Pour la direction du
Paris, en 1879. La salle possède de vastes capacités qui château, il s’agit de développer la notoriété du domaine,
permettent de réunir les deux chambres en « Assemblée notamment à l’étranger et de faire connaître, outre l’édi-
nationale », notamment lors de l’élection du président de fice, les œuvres abritées.
la République.
4. Versailles reste indéniablement un lieu de pouvoir.
Lorsque la Constitution doit être modifiée, le Parlement
Document 5 (Assemblée nationale + Sénat) se réunit dans la salle du
Congrès au château de Versailles pour procéder à ceci.
L’historien Christian Delporte, cité dans l’article, précise Depuis le début de son quinquennat, Emmanuel Macron
qu’Emmanuel Macron n’est pas le premier chef d’État tient un discours devant le Congrès. Enfin, le site, depuis
français à utiliser le château de Versailles comme lieu sa création en 1623, a été utilisé par les souverains ou les
de rencontre avec les grands de ce monde. Il ajoute chefs d’État français comme un espace de mise en scène
que « cela permet en quelque sorte au président de la du pouvoir ; ils y accueillent les grands de ce monde, afin
République de parler de souverain à souverain ». Ce lieu, de renforcer les liens diplomatiques de leurs invités avec
symbole de la monarchie absolue, ne cessa pas d’exister la France ou pour vanter les mérites du pays (opération
politiquement après la Révolution française. Napoléon Ier « Choose France » en 2018).
y invita la reine de Westphalie en 1807 et Frédéric-Au-
guste Ier de Saxe en 1809. La Restauration puis le Second
Synthétiser Il faut tout d’abord que l’élève rappelle ses
Empire furent aussi l’occasion de nombreuses visites offi-
connaissances sur le concept de puissance avant de défi-
cielles. En 1855, Napoléon III y reçut notamment la reine
nir le soft power, et celui-ci à l’œuvre à Versailles.
Victoria. À partir de 1870, la ­Troisième République ne
mit pas fin à cette coutume et le château de Versailles Travailler autrement
disposa dès lors d’un versant républicain de son histoire. Il s’agit pour les élèves de repérer les grandes étapes qui
En 1873, le maréchal de Mac Mahon, alors président marquent les différents usages du château au xxe siècle.
de la République, y invita le Shah de Perse. Félix Faure De manière très synthétique, on peut retenir quelques
accueillit en 1896 le tsar Nicolas II. Sous les Troisième et périodes : au début du xxe siècle, le château est en très
Quatrième Républiques, de 1870 à 1958, douze visites mauvais état, presque à l’abandon. En 1919, il est utilisé
officielles eurent pour décor le château de Versailles. comme un éminent lieu diplomatique avec la signature
Sous la Ve République, il a été utilisé une trentaine de du traité de Versailles qui établit l’accord de paix signé
fois entre 1958 et au début du premier mandat de F. Mit- entre l’Allemagne et les pays de la Triple Entente. Des
terrand. Lui-même et ces successeurs ne s’en servirent années 1920 au début de la décennie 1950, les conser-
que de manière très limitée et ce, jusqu’au mandat d’Em- vateurs se consacrent au remeublement du site. L’année
manuel Macron. 1953 est un jalon important car Gérald Van der Kamp
devient conservateur en chef et va déployer son talent
pour rassembler des financements afin de restaurer le
Éléments de réponse aux questions p. 263 domaine ; il est aidé en cela par la publicité générée par
1. Le château de Versailles a reçu une somme d’argent le film de Sacha Guitry Si Versailles m’était conté. Le suc-
correspondant à une partie des droits du film, ces fonds cès de Versailles en tant que lieu de production cinéma-
devant être utilisés pour sa restauration. En outre, le film tographique ne se démentira pas, puisque le château
ayant connu un grand succès en France et à l’étranger, accueille 170 films entre 1904 et 2011 ; sa fonction cultu-
il a remis le domaine de Versailles au goût du jour et a relle est évidente. Sous la Ve République, son rôle poli-
accru sa notoriété. tique (Parlement réuni en Congrès pour modification de
la Constitution, 1963) et diplomatique (accueil de chefs
2. Avec plus de 5 millions de visiteurs par an, le château d’État étrangers) est réaffirmé. Depuis les années 2000,
de Versailles est l’un des monuments les plus visités en son rôle culturel se renforce avec l’accueil d’artistes
France et dans le monde. D’autre part, depuis les années contemporains, et des expositions d’envergure.
2000, sa direction a décidé que des artistes contempo-
rains viendraient, chaque été, y présenter leurs œuvres.
L’exposition de Jeff Koons a suscité la polémique,
car celui-ci est un artiste contemporain, très médiatisé, p. 264-265 Jalon 2A
créant des œuvres contestées, géniales pour les uns, inu-
tiles selon les autres, et celles-ci ont été exposées dans Conflits de patrimoine. Les frises
le chef-d’œuvre du classicisme français. Ainsi, certains du Parthénon depuis le xixe siècle
historiens ou personnalités de l’art estiment qu’il s’agit
d’une atteinte au bon goût, que les pièces de Koons Ce Jalon aborde le thème des conflits liés au patrimoine.
dénatureraient le site. Ceux-ci se sont multipliés dès le xixe siècle avec les
conquêtes coloniales menées essentiellement par les
3. L’application de Google Arts & Culture permet puissances européennes ; celles-ci ont spolié des biens
une immersion et une visite virtuelles du château de culturels appartenant à des peuples autochtones. L’un

THÈME 4 Axe 1 Usages sociaux et politiques du patrimoine 8


des litiges les plus emblématiques est celui opposant la Document 3
Grèce au gouvernement britannique et à la direction du
British Museum depuis le xixe siècle. En effet, en 1800, En 1816, le caricaturiste écossais né à Londres, John
Lord Elgin, l’ambassadeur britannique auprès du gouver- Cruikshank, évoque la polémique qui a eu lieu en Angle-
nement ottoman, avait diligenté une équipe d’artistes et terre en raison de l’achat des marbres d’Elgin par le gou-
d’archéologues pour explorer le site du Parthénon. Dès vernement. En effet, le pays était frappé par une sévère
1801, il prélève illégalement des statues et des plaques famine et pour de nombreux députés, le montant de
de marbres provenant de la frise du Parthénon (appe- 35 000 livres offert à Elgin pour ses marbres constitue
lées « marbres Elgin » au Royaume-Uni). Confronté à des une dépense exorbitante (alors que pour Elgin cela avait
difficultés financières, il finit par les vendre au British représenté un coût total de 74 000 livres). Sur la gauche,
Museum en 1816. Dès son indépendance (1830), la Grèce Lord Castlereagh, alors secrétaire d’État aux Affaires
réclame le retour des dalles de la frise du Parthénon, car étrangères, dit « Bonne affaire pour vous Johnny ! Seule-
elle estime que les documents produits par Elgin pour ment 35 000 livres ! Je les ai achetés exprès pour vous !
justifier l’accaparement de celles-ci n’ont pas de valeur Ne pensez pas au pain quand vous pouvez avoir des
juridique. Le roi Othon Ier de Grèce (1832-1862) essaie de pierres si bon marché ». Au centre, John Bull répond : « Je
les racheter, puis de procéder à un échange de pièces ne pense pas que ces pierres soient parfaites ! Et je ne
archéologiques. Ces négociations n’aboutissent pas. L’af- pense pas les acheter pour le moment. Le commerce est
faire rebondit à la fin du xxe siècle, avec les revendica- très mauvais et les provisions très chères et ma famille
tions énergiques formulées par Mélina Mercouri, ministre ne peut pas manger des pierres… ».
de la Culture grecque en 1986, qui se soldent également
par un échec. Avec l’annonce du Brexit, le gouvernement
grec s’est tourné vers la commission européenne pour Document 4
solliciter le rapatriement de ces sculptures historiques, Cette peinture montre une vue idéalisée de « La salle
une demande qui a été refusée en novembre 2017. temporaire d’Elgin au Musée en 1819 ». Cette salle a été
conçue par l’architecte du musée, Robert Smirke, pour
l’exposition temporaire des sculptures du Parthénon
Document 1 apportées d’Athènes par Lord Elgin, achetées par le gou-
Le tableau Phidias montrant la frise du Parthénon à ses vernement et déposées au British Museum en 1816. Le
amis est le seul parmi les 448 œuvres du peintre Law- tableau présente des portraits du personnel, d’un admi-
rence Alma-Tadema à s’intéresser à l’Antiquité grecque. nistrateur et de visiteurs. On sait peu de choses sur l’ar-
L’auteur convie les spectateurs à une visite presque com- tiste, qui apparaît assis à droite du tableau. Le docteur
mentée de la frise, élément architectonique et décoratif Gray [donateur de l’œuvre au British Museum] a écrit que
du monument phare de l’Acropole d’Athènes, le Parthé- le tableau « a été exposé dans la maison de l’artiste à Hart
non. Dans une scène intimiste éclairée au flambeau, le Street, Bloomsbury ». Il a ensuite été acheté auprès d’un
sculpteur Phidias présente sa réalisation en cours de marchand par le conservateur des antiquités, Edward
construction à un public privilégié et averti : Périclès, Hawkins, puis par Gray après la mort de Hawkins.
Aspasie, Alcibiade, etc.
Document 5
Document 2 L’auteure, ancienne élève de l’école des Chartes, cheffe
d’un service d’archives historiques aux Archives natio-
C’est en 1800 que Lord Elgin charge le peintre Lusieri
nales, livre une analyse des déprédations d’Elgin sur le
de prélever sur le site du Parthénon un maximum d’élé-
Parthénon, tout en donnant des repères historiques et en
ments qu’ils pourront rapatrier en Angleterre. Néan-
narrant les vicissitudes qu’a connues l’édifice au cours
moins, les autorités locales, dans un premier temps,
du temps.
ne le laissent pas travailler comme il le souhaite sur
le site. Finalement, Elgin corrompt les fonctionnaires
ottomans. Ainsi, fin juillet 1801, Hunt, le chapelain d’El-
gin, demanda et obtint l’autorisation d’emporter une
Éléments de réponse aux questions p. 265
métope de la frise. Le travail fut destructeur ; pour avoir 1. La frise du Parthénon est un ensemble constitué de
accès aux métopes, il fallut enlever l’intégralité de ce statues et de dalles sculptées. Pour les historiens de l’art,
qui restait de la corniche sud qui fut jetée au sol. Il fal- les historiens et les archéologues, ces dalles représente-
lait travailler vite, car les Français (et tout spécialement raient, sous la forme d’une frise, une représentation de la
l’archéologue Fauvel) commençaient à revenir en grâce procession des Grandes Panathénées, qui se déroulaient
auprès des Ottomans. En mai 1802, quand Lord Elgin et à Athènes.
son épouse vinrent à Athènes inspecter les travaux, sept
métopes avaient été enlevées du Parthénon, ainsi que 2. Il a été pillé à l’époque de Justinien. Puis, transformé
les statues des frontons et une vingtaine de plaques de en église vers 550 et en mosquée en 1456. Lors de la
la frise. Lusieri travaillait dans l’urgence et avec de moins période ottomane, le Parthénon avait été transformé en
en moins de précautions. Le 16 septembre, il écrivit à son forteresse militaire. Il avait subi des tirs de mortiers lors
commanditaire que pour la « huitième métope, celle où du siège d’Athènes par les Vénitiens en 1687.
le Centaure emporte la femme […] [il avait été] obligé Lord Elgin justifie le prélèvement des statues et des
d’être un peu barbare » : par là, il signifiait qu’il avait fait marbres du Parthénon en disant que ceux-ci sont forte-
tomber encore plus de corniche. ment dégradés, et qu’il les ramène en Angleterre pour les

THÈME 4 Axe 1 Usages sociaux et politiques du patrimoine 9


protéger. Les dalles enlevées directement sur le temple qui les ont perdus ; à promouvoir prêts à long terme,
dégradent fortement l’édifice, comme l’avoue Lusieri. dépôts, ventes et donations entre institutions intéressées
en vue de favoriser un échange international plus juste
3. Les vêtements soignés des visiteurs montrent qu’il des biens culturels ; à ratifier, s’ils ne l’ont pas encore fait,
s’agit principalement d’aristocrates, même si l’on et à appliquer avec rigueur la Convention qui leur donne
remarque un artiste au premier plan sur la droite, en les moyens de s’opposer efficacement aux trafics illicites
train de faire des croquis. d’objets d’art et d’archéologie. »
La culture en Angleterre au xixe siècle est essentiel-
lement réservée aux élites fortunées (aristocratie et
grande bourgeoisie). Document 3
4. John Bull, le personnage allégorique représentant le En 1974, l’actrice grecque Mélina Mercouri entame une
Royaume-Uni, est en train d’acheter les marbres d’Elgin, carrière politique. Elle est députée du Mouvement socia-
alors même que sa famille souffre de la faim. Le carica- liste panhellénique en 1978 et ministre de la Culture de
turiste, John Cruikshank, dénonce le fait que le gouver- 1981 à 1989, puis de 1993 jusqu’à sa mort. Elle s’est bat-
nement ait acheté ces œuvres d’art alors que le pays est tue, mais sans succès, pour le retour des frises du Par-
durement frappé par une famine. thénon exposées au British Museum. Elle s’est dépensée
sans compter pour réparer ce qu’elle considérait comme
Synthétiser Il s’agit pour les élèves de montrer qu’il y a une énorme injustice. En 1986, elle prononce ce discours,
plusieurs types de réactions face à l’accaparement des resté célèbre, devant l’Oxford Union Society, qui est une
marbres du Parthénon : l’aristocratie, la bourgeoisie et société de débats, l’une des plus prestigieuses au monde.
les artistes les voient comme des éléments culturels Beaucoup de membres de cette organisation étaient en
incontournables et n’hésitent pas à aller visiter le British faveur du retour des marbres d’Elgin en Grèce.
Museum, leur lieu d’exposition. En revanche, des intel-
lectuels comme Lord Byron critiquent vertement Elgin
qui est accusé d’être un pillard ; de même que le carica- Document 4
turiste John Cruikshank qui se moque du gouvernement,
qui a déboursé 35 000 livres pour les dalles et statues, Le musée de l’Acropole d’Athènes est ouvert en 2009.
alors qu’une partie du pays mourrait de faim. Il abrite les objets provenant des monuments et des
fouilles sur l’Acropole : bas-reliefs, statues et céramiques
Travailler à l’oral allant de la Préhistoire à l’Antiquité tardive. Il contient
Les élèves doivent montrer que, tout comme pour Elgin, une salle spécialement consacrée à la frise du Parthénon
c’est l’influence diplomatique de leur pays qui a permis (dalles et métopes), prévue également pour recevoir les
aux Allemands d’accaparer les éléments du grand autel. dalles manquantes, actuellement hébergées au British
Museum et revendiquées par le gouvernement grec.

p. 266-267 Jalon 2B Document 5


Le Comité britannique pour la restitution des marbres
Document 1 du Parthénon fait campagne depuis les années 1980
Les marbres de Lord Elgin sont achetés en 1816 par le pour que les sculptures exposées au British Museum
gouvernement britannique. Ils sont ensuite exposées soient rendues à la Grèce. Cette association a reçu de
dès la même année au British Museum. Depuis 1830 et nombreux soutiens : des universitaires britanniques (his-
les revendications de l’État grec, la direction du musée toriens, archéologues), mais aussi des personnalités
oppose un refus ferme au retour de ces biens culturels médiatiques comme George Clooney ou Ian McKellen.
dans leur pays d’origine. L’argument qu’elle utilisait le
plus jusqu’à la fin des années 2000 était que la Grèce
ne disposait pas d’un musée ou d’une structure apte à Éléments de réponse aux questions p. 267
recueillir, exposer, et entretenir les marbres d’Elgin. Or,
depuis 2009, le pays s’est doté d’un musée, au pied de 1. Selon le gouvernement britannique et le British
l’Acropole, spécialement conçu pour les recevoir. Les Museum, la Grèce ne disposait d’un lieu d’exposition
arguties du British Museum ne sont donc plus valables. et de conservation suffisamment bien équipé et perfor-
mant pour recevoir les sculptures du Parthénon.
Document 2 Les marbres d’Elgin sont parmi les pièces les plus
célèbres du British Museum ; ils enrichissent considéra-
Amadou-Mahtar M’bow est un homme politique sénéga- blement leurs collections, accroissent la réputation du
lais, plusieurs fois ministre dans son pays. Il a été pré- musée et représentent aussi une source de revenus indi-
sident de l’UNESCO de 1974 à 1987. En 1978, il interpelle rects.
les anciens États colonisateurs et les exhorte à resti-
tuer les biens culturels prélevés dans leurs anciennes 2. Pour Amadou-Mahtar M’bow, le directeur de l’UNESCO
colonies. Sa déclaration comporte un passage célèbre : en 1978, les biens culturels représentent l’identité d’un
« J’appelle solennellement les gouvernements des États peuple et sa mémoire. En leur dérobant une partie de
membres de l’Organisation à conclure des accords bila- leurs trésors nationaux, les colonisateurs ont privé les
téraux prévoyant le retour des biens culturels aux pays colonisés d’une partie d’eux-mêmes.

THÈME 4 Axe 1 Usages sociaux et politiques du patrimoine 10


3. Le passage à relever : « Car il s’agit bien des marbres du p. 270-271 Exercices Bac
Parthénon. Il n’existe pas de marbres d’Elgin. Une attaque
en règle, fiévreuse, terrifiante, [fut] menée contre un édi- Exercice 1
fice [le Parthénon]. »
Beaucoup d’artistes britanniques ont condamné les 1a. Patrimoine : littéralement « l’héritage des pères »,
agissements de Lord Elgin. Pour Horace Smith, c’est un ensemble de biens détenu ou transmis par un individu,
« voleur de marbres ». Lord Byron le surnommait « le pil- mais aussi ce qu’une communauté choisit de conser-
lard ». ver de son passé. La notion a évolué avec le temps, elle
est plus large aujourd’hui avec notamment la prise en
4. La construction de ce musée de l’Acropole était une compte du patrimoine immatériel.
priorité pour le gouvernement grec, car cela permettait Puissance : capacité à établir sa domination ou du
d’invalider l’argument du gouvernement britannique et moins son influence dans le monde.
du British Museum selon lequel la Grèce ne disposait
d’un lieu performant pour accueillir et conserver les 1b. Il s’agit des principales puissances mondiales, qui
marbres d’Elgin. détiennent un patrimoine remarquable (édifices, sites
naturels, faune…) et qui s’en servent dans le cadre des
5. Le Comité britannique pour la restitution des marbres relations internationales : la France (Louvre Abu Dhabi,
du Parthénon est une association britannique qui milite réceptions à Versailles, etc.), la Chine (diplomatie
pour les marbres d’Elgin soient rendus à la Grèce. Il fait du panda), le Japon (« Cool Japan »), la Corée du Sud
des campagnes médiatiques retentissantes au Royaume- (K-pop), etc. Dans les acteurs secondaires, on retrouve
Uni, et il est soutenu par des universitaires, des person- des États qui ne possèdent pas l’envergure des États
nalités médiatiques, des citoyens. cités précédemment, mais qui utilisent leur patrimoine
ou le mettent en valeur afin d’en obtenir des retombées
Synthétiser Il s’agit de montrer dans ce paragraphe que (diplomatiques, économiques…), comme par exemple le
la querelle entre la Grèce et le Royaume-Uni concernant parc national Kruger en Afrique du Sud, ou celui du Kili-
les marbres d’Elgin a commencé dès l’indépendance du mandjaro en Tanzanie.
pays en 1830 et que celles-ci se poursuivent toujours en
2020. Les élèves doivent citer les événements les plus 1c. Les bornes chronologiques n’apparaissent pas dans
marquants de la lutte engagée entre les deux États. Les le sujet. Mais on comprend qu’il s’agit de la période
premières tentatives de négociations du roi Othon Ier contemporaine, on peut même préciser des années 1980
de Grèce entre 1834 et 1843 n’ont pas abouti, débou- (accélération de la mondialisation) à nos jours. En ce qui
chant sur des relations diplomatiques tendues entre les concerne les bornes spatiales, le « niveau international »
deux pays. La polémique a ressurgi en 1986 avec l’appel suggère des exemples choisis dans le monde entier.
lancé par la ministre de la Culture Mélina Mercouri et
se poursuit depuis : le gouvernement grec a profité du 1d. Ils l’utilisent à la fois comme un instrument de diplo-
Brexit pour reposer officiellement la question du retour matie, pour conclure des accords économiques et des
des sculptures du Parthénon auprès de la Commission partenariats culturels.
européenne. Pour l’instant, il se heurte toujours au refus
conjoint du gouvernement britannique et du British 1e. Initialement, le patrimoine, et surtout les édifices
Museum. étaient des lieux de pouvoir, où l’on signait des traités
de paix, des accords diplomatiques. En France, dans les
Travailler autrement années 1970-1980, les responsables politiques ont pris
Le paragraphe doit suivre et indiquer les éléments conscience qu’il pouvait servir de levier pour le déve-
apportés par la vidéo : l’importance historique du Par- loppement économique et social des territoires, voire
thénon ; les énormes travaux de restauration qui y sont du pays entier. Au niveau international, le patrimoine
engagés ; le souhait de la majorité des archéologues (monumental, naturel) est mis en exergue dans les rap-
grecs pour le retour des marbres d’Elgin en Grèce ; le fait ports diplomatiques.
que ce dernier ait considérablement dégradé l’édifice Les conséquences en sont que le patrimoine est devenu
lorsqu’il a prélevé les statues et les dalles ; la construc- un enjeu majeur, au niveau économique, diplomatique,
tion du musée de l’Acropole qui invalide l’argument du politique, social, voire stratégique, tant au niveau local,
gouvernement britannique et du British Museum selon national, qu’international.
lequel ce pays ne disposait pas d’un musée suffisamment
équipé pour recevoir les sculptures ; le nouvel argument 2. Quels usages les États font-ils de leur patrimoine et
de la direction du British Museum qui insiste sur le carac- qu’espèrent-ils en retirer dans le cadre des relations
tère « universel » de sa collection, qui mettrait en valeur internationales ?
l’apport grec antique au reste du monde ; le soutien
d’une partie de la population britannique au retour des
marbres d’Elgin en Grèce. Exercice 2
L’exposé à l’oral pourra comporter deux parties : la pre-
mière qui montre que le patrimoine monumental natio-
nal a depuis longtemps été utilisé par les souverains
(Napoléon Bonaparte, Louis-Philippe, Napoléon III) et
les chefs d’État français (de Gaulle…) pour organiser des
réceptions fastueuses afin de recevoir dignement leurs

THÈME 4 Axe 1 Usages sociaux et politiques du patrimoine 11


invités et de favoriser ainsi les relations diplomatiques 3. Il s’agit d’un membre de l’organisation terroriste État
avec ceux-ci. La seconde peut aborder le patrimoine islamique. Derrière lui, on peut voir le socle d’une statue
français qui « s’exporte », en se servant des exemples dont il ne reste que les pieds. Le corps de celle-ci a été
bien connus du Louvre Abu Dhabi, la Sorbonne Abu réduit en gravats par cet homme à coups de masse.
Dhabi, etc.
4. Une légende en haut de la caricature « Daech s’est
acharné sur les statues ». Dilem reprend des événements
Exercice 3 d’actualité : des statues détruites par cette organisation
L’exposé doit insister sur plusieurs points, notamment : en Irak, plus précisément dans les villes de Hatra et de
la venue de pandas chinois dans un pays étranger est le Nimroud. La bulle : « on en a besoin pour les lapidations ».
fruit d’une négociation réalisée entre les chefs d’État ; en Cette phrase est une référence aux pratiques réalisées
l’occurrence, Hu Jintao et Nicolas Sarkozy. Cet événe- par Daech, en l’occurrence la lapidation des femmes
ment est l’occasion pour les deux pays d’opérer un rap- adultères. Il s’agit (selon eux) d’une application de la
prochement diplomatique. Enfin, le zoo de Beauval peut charia.
espérer de fortes retombées économiques liées à la pré-
sence des deux plantigrades. 5. L’auteur utilise l’humour et la dérision pour condam-
ner les actions de Daech qui a détruit une partie du
patrimoine de l’Irak et de la Syrie. Selon un procédé
Exercice 4 : humoristique, l’auteur fait s’excuser le membre de l’or-
ganisation qui justifie un fait révoltant par un autre fait
1. Une caricature, publiée en mars 2015.
révoltant ! C’est une condamnation sans ambiguïté de
2. Dilem est un dessinateur de presse algérien ; il publie Dilem vis-à-vis de cette organisation terroriste.
ses caricatures dans le quotidien algérien Liberté, dans
l’hebdomadaire français Charlie Hebdo et dans l’émis- 6. En reprenant tous les éléments de votre analyse (ques-
sion de télévision Kiosque de TV5 Monde. tions 1 à 5), il s’agira de rédiger un paragraphe structuré,
présentant d’abord la nature du document, son auteur,
Charlie Hebdo est un journal hebdomadaire satirique
sa composition globale, en finissant par le message déli-
français, fondé en 1970 par François Cavanna et le pro-
vré par Dilem, ainsi que sa portée.
fesseur Choron.

THÈME 4 Axe 1 Usages sociaux et politiques du patrimoine 12


AXE 2 Patrimoine, la préservation entre tensions
et concurrences
La logique du chapitre
L’objectif de cet Axe 2 est de montrer que le patrimoine culturel ou naturel, matériel
ou immatériel, est au cœur de nombreux enjeux et tensions dans les sociétés, notam-
ment urbaines. En effet, la préservation du patrimoine est un objet de développement
économique, par le tourisme culturel, par exemple dans les grandes villes touristiques
choisies par le programme que sont Paris et Venise. Cette mise en valeur peut s’appuyer
sur la Convention de l’UNESCO mais aussi sur des infrastructures, des évènements et un
imaginaire commun véhiculé par les arts et les médias.
Cependant la mise en valeur touristique du patrimoine reflète aussi les inégalités de
la mondialisation, car elle est plus difficile dans les pays les moins avancés comme le
Mali, 3e espace choisi par le programme. Ce patrimoine est par ailleurs au cœur de ten-
sions entre acteurs. La massification du tourisme entraîne des mouvements de protes-
tation dans les grandes villes touristiques, contre une marchandisation de la ville trop
orientée vers l’activité touristique, contre les rénovations pour l’usage de l’espace par
les touristes dans les hauts lieux patrimoniaux, ou à l’inverse contre l’impossibilité d’une
rénovation urbaine pour préserver un patrimoine muséifié. Les solutions pour encadrer
ce tourisme de masse sont difficiles à mettre en place. Le modèle est peu remis en ques-
tion par des acteurs qui en sont très dépendants économiquement, entraînant un risque
pour la préservation du patrimoine.
Enfin, le patrimoine est aussi en danger face à diverses menaces, géopolitiques comme
au Mali ou climatiques comme à Venise par exemple, posant la question de l’échelle de
gouvernance à privilégier pour répondre à ces menaces et ces défis et ainsi préserver
le patrimoine.

Bibliographie
–– A. Fermigier, La Bataille de Paris. Des Halles à la Pyramide. Chroniques d’urbanisme,
Gallimard, 1991. André Fermigier, grand critique d’architecture, témoigne des trans-
formations de Paris, des Halles ou de la gare d’Orsay, jusqu’à la bataille perdue contre
la pyramide du Louvre.
–– P. Pinion, Paris détruit, Parigramme, 2011. Un panorama illustré des destructions qui
ont affecté Paris, des destructions symboliques sous la Révolution aux réhabilitations
actuelles en passant par les grandes opérations urbaines traumatisantes des années
1960-1970.
–– E. Hazan, L’Invention de Paris, Seuil, 2012. Une histoire de la ville et de ses révolu-
tions à travers une déambulation dans ses rues et ses quartiers.
–– F.-X. Fauvelle et I. Surun (dir.), Atlas historique de l’Afrique. De la Préhistoire à nos
jours, Autrement, 2019. Cet atlas permet de comprendre à l’aide de cartes les civilisa-
tions et empires qui se sont développés sur le continent africain au fil des siècles.
–– F.-X. Fauvelle (dir.), L’Afrique ancienne, Belin, 2018. Un manuel d’histoire des civilisa-
tions de l’Afrique ancienne richement illustré pour se renseigner sur l’empire du Mali.
–– A. Zorzi, Histoire de Venise, Perrin, collection Tempus, 2015. Un voyage à travers
l’histoire de la ville et de ses habitants, par l’un des meilleurs spécialistes du patri-
moine vénitien.

THÈME 4 Axe 2 Patrimoine, la préservation entre tensions et concurrence 13


p. 274-275 O u ve r t u r e 3. La géographie du tourisme et celle des sites classés
au patrimoine mondial ne correspondent pas. Les deux
pays abritant le plus grand nombre de sites (l’Italie et la
Éléments de réponse aux questions
Chine avec 55 sites) ne sont pas les plus visités au monde,
p. 274-275 malgré une forte augmentation du nombre de touristes
1. Les deux documents permettent d’identifier deux vers la Chine ces dernières années. Les trois pays les
types de patrimoine majeurs, le patrimoine culturel plus visités sont la France, l’Espagne et les États-Unis,
et le patrimoine naturel. Un point commun à ces deux qui comptent peu de sites classés (24) car ils mettent
exemples est la fragilité de ce patrimoine, ici face aux en valeur leur patrimoine par d’autres actions, notam-
incendies qui menacent de les faire disparaître. Un autre ment celle des parcs nationaux (les très nombreux et
point commun est la tension entre acteurs que l’on peut visités parcs naturels de l’Utah n’étant par exemple pas
rencontrer au sujet de la protection ou de la reconstruc- classés par l’UNESCO). Certains pays souvent ciblés par
tion de ce patrimoine. l’UNESCO sont même à la périphérie d’une géographie
du tourisme, qui reste très liée à celle de la mondiali-
2. Ces incendies ont touché les opinions publiques dans sation et des trois aires de puissance mondiales : ainsi
le monde car, dans notre village global, ces lieux et le Brésil et l’Australie ont accueilli seulement moins de
espaces emblématiques, même s’ils n’ont pas été visi- 10 millions de touristes en 2017.
tés, font partie de l’imaginaire commun véhiculé par
les arts et les médias. C’est aussi pour cela que les réac- 4. Les principales villes touristiques du monde sont essen-
tions ont pu être polémiques sur les actions à mettre tiellement concentrées en Europe et en Asie-­Pacifique.
en œuvre pour leur nécessaire préservation ou recons- New York est seule aux États-Unis car la géographie du
truction. Concernant Notre-Dame, des tensions existent tourisme y est moins concentrée et de nombreux tou-
aujourd’hui au sujet d’une reconstruction à l’identique ristes sont attirés par le patrimoine naturel du pays et
ou non du monument, et de la flèche de l’édifice bâtie moins par les centres urbains. En Europe, de nombreux
lors de grands travaux de restauration par Viollet-le- pôles touristiques sont liés au tourisme culturel et au
Duc en 1859. Quant aux gigantesques incendies dans patrimoine urbain. En Asie du Sud-Est, la Thaïlande a
le « poumon de notre planète », le Président Emmanuel misé sur le tourisme de masse, notamment balnéaire
Macron y a réagi sur Twitter, illustrant son tweet d’une (Phuket, Pattaya).
photo largement relayée. Mais s’il s’agit bien de la forêt
Ces villes ne sont pas toutes économiquement dépen-
amazonienne, la photo avait été prise bien avant par le
dantes de l’activité touristique car le PIB créé par les
reporter américain Loren McIntyre, décédé en 2003. Un
touristes à Shanghaï ou Paris est important en valeur
prétexte utilisé par Jair Bolsonaro pour lancer une vio-
absolue, mais faible en pourcentage par rapport au PIB
lente polémique, le Président brésilien accusant le Pré-
urbain total de ces villes. À l’inverse près de la moitié
sident français d­ ’ingérence.
du PIB urbain de Cancún (Mexique) est dû à l’activité
touristique (par tourisme de masse, notamment les
spring break des étudiants états-uniens). On trouve aussi
p. 276-277 Re p è r e s d’autres villes dépendantes du tourisme comme Orlando
(avec son Disneyworld floridien) ou Venise, un exemple
Patrimoine et tourisme développé dans cet Axe 2.
L’objectif de cette page Repères est de montrer le lien
entre patrimoine et tourisme, à travers la grande variété
des acteurs et des espaces concernés. p. 278-279 Jalon 1A

Éléments de réponse aux questions p. 277 Paris entre protection et nouvel urbanisme
1. Un visiteur est un touriste s’il passe une nuit sur place, L’objectif de ce Jalon est de montrer les hésitations pari-
et un excursionniste si son voyage n’inclut pas de nuit siennes entre développement économique et préser-
sur place. vation du patrimoine, car souvent les deux objectifs ne
Pour aller plus loin : https://media.unwto.org/fr/content/ peuvent être conciliés dans les projets d’urbanisme. Et
comprende-le-tourisme-glossaire-de-base. l’exemple parisien permet aussi de montrer comment
la préservation du patrimoine est devenue un impératif
2. Le lien entre patrimoine et tourisme est très fort dès de plus en plus important dans la prise de décision poli-
le xviiie siècle, avec le « Grand Tour » déjà évoqué dans tique, à l’image de la France dans son ensemble.
l’introduction du thème. Un acteur apparaît très tôt et il
est toujours très présent : le guide de voyage, qui permet
d’accompagner le touriste, mais qui sélectionne aussi à Document 1
sa place les lieux patrimoniaux dignes d’un détour. Ces
guides sont donc des acteurs centraux qui impulsent Cette peinture représente deux ponts sur la Seine, en plein
la construction des espaces touristiques nationaux. centre de Paris, en contrebas de ce qui est aujourd’hui
L’UNESCO a aussi un rôle important, par la labellisa- la place de l’Hôtel de Ville. Hubert Robert permet ainsi
tion « patrimoine mondial » qui permet de structurer une de conserver une trace des maisons qui recouvraient les
mise en valeur touristique, mais aussi des actions de pré- ponts parisiens, remplis d’échoppes, comme on le voit
servation. encore aujourd’hui sur le Ponte Vecchio à Florence. Une

THÈME 4 Axe 2 Patrimoine, la préservation entre tensions et concurrence 14


partie du roman Le Parfum de Patrick Süskind décrit ces détruire 10 000 logements et coûter au moins 6 milliards
commerces sur la Seine. de francs, mais une grande partie fut abandonnée par
Valéry Giscard d’Estaing en 1974, dans un contexte de
crise économique et face à une franche opposition des
Document 2 Parisiens.
Ce procès-verbal relatant une réunion du Conseil muni-
cipal parisien en 1898 permet de montrer le lent passage
d’un urbanisme par la démolition, le baron Haussmann
Éléments de réponse aux questions p. 279
en étant l’exemple le plus marquant, à un urbanisme 1. Le baron Haussmann cherche à moderniser Paris par
plus respectueux du patrimoine passé. La destruction en un vaste plan d’urbanisme voulu par Napoléon III (docu-
juillet 1897 de l’hôtel d’Anglade, un hôtel du xviie siècle ment 3 et acteur clé). L’objectif est de faciliter la circu-
en parfait état, pour y construire des infrastructures lation et d’améliorer l’hygiène dans la ville. Il perce de
commerciales est pour Alfred Lamouroux le point grandes avenues reliant des places étendues, construit
déclencheur d’une prise de conscience de la nécessaire des gares, un système d’égouts… Les anciens immeubles
conservation des traces du passé. et autres traces du passé sont rasés. Haussmann est vu
comme un démolisseur par Alfred Lamouroux (docu-
ment 2).
Document 3
2. La Commission du Vieux Paris souhaite rompre avec
Cette carte permet de localiser les différentes strates cet urbanisme destructeur comme sur les ponts parisiens
de l’extension urbaine parisienne ainsi que les princi- (document 1), sous Haussmann ou jusqu’en juillet 1897
paux plans d’urbanisme et aménagements majeurs. Le avec l’hôtel d’Anglade. Elle veut être le relais parisien de
cœur historique parisien est l’île de la Cité, et l’immé- l’Inspection générale des monuments historiques, char-
diate rive gauche de la Seine, avec des ruines gallo-ro- gée depuis 1830 d’établir des listes de monuments à res-
maines comme les arènes de Lutèce et les thermes de taurer dans tout le pays.
Cluny. Une première enceinte bâtie par Philippe Auguste
incluait aussi dans les remparts le quartier du Marais.
3. Le moyen de transport au cœur de ce projet est l’au-
L’enceinte des fermiers généraux délimitait la ville au
tomobile. De grands axes de circulation, comme des
xviiie siècle, et l’on devait y payer l’octroi pour faire péné-
autoroutes intra-urbaines, permettraient de circuler. Ce
trer des produits dans la ville. En 1844, une fortification
projet souhaite raser une grande partie du centre histo-
défensive est construite au-delà des premiers villages et
rique parisien, immédiatement au nord de l’île de la Cité,
collines, mais l’urbanisation galopante du xixe siècle fait
face au palais du Louvre. Un grand nombre de bâtiments
que ces interstices s’urbanisent très vite et ces espaces
historiques auraient été détruits, et le paysage aurait été
sont annexés en 1860, donnant à Paris ses 20 arrondisse-
transformé par ces hautes tours.
ments actuels. En parallèle, le préfet Haussmann lance
ses grandes transformations, et il n’hésite pas à détruire
Synthétiser L’objectif est ici de montrer que Paris, capi-
de nombreux vieux quartiers centraux de Paris, aux rues
tale et vitrine du pays, est au cœur des projets d’amé-
étroites et insalubres, pour les remplacer par un plan
nagements du pouvoir, et cherche à se développer
d’urbanisme moderne prônant l’hygiénisme et les bou-
économiquement par des infrastructures de façon conti-
levards aérés percés en ligne droite. Depuis, les Exposi-
nue. Mais ces projets négligent la préservation du patri-
tions universelles sous la IIIe République ont permis la
moine, jusqu’à une lente prise en compte, la Commission
construction de nombreux monuments emblématiques
du Vieux Paris étant une première rupture. De nom-
comme la Tour Eiffel en 1889. Enfin, sous la Ve Répu-
breuses lois permettant ensuite de préserver le patri-
blique, de nombreux Présidents ont voulu laisser une
moine urbain, comme la loi Malraux en 1962 qui instaure
trace urbanistique dans Paris.
les « plans de sauvegarde et de mise en valeur », ciblant
le quartier historique du Marais.
Document 4
Travailler à l’oral
Cette maquette témoigne de la persistance d’un urba- L’exposé ne doit pas oublier l’objectif militaire des per-
nisme de la table rase au xxe siècle. Le jeune architecte cées d’Haussmann, qui doivent faciliter les mouvements
Le Corbusier présente en 1922 un plan sur un terrain de troupe à l’intérieur de la capitale, au milieu d’un siècle
débarrassé de toute construction antérieure, inspiré des de révolutions parisiennes (cf. Éric Hazan, L’Invention de
principes de la Charte d’Athènes qui souhaite le zonage Paris, 2012). L’influence d’Haussmann est importante sur
des activités avec des moyens de circulation entre d’autres plans d’urbanisme français et européens, mais
chaque quartier. Ce plan séduit Gabriel Voisin, construc- il ne faut pas oublier d’autres précurseurs comme par
teur d’avions et d’automobiles, qui finance en 1925 une exemple Ildefons Cerda et son plan d’urbanisme pour
étude pour que ce projet s’applique au centre de Paris. Barcelone en 1859.
Ce plan, resté à l’état de projet, préfigure tout de même
les grandes rénovations urbaines après les bombarde-
ments de la Seconde Guerre mondiale, comme au Havre
ou à Brest. En 1967, un plan autoroutier pour Paris a aussi
été pensé. Des autoroutes intra-urbaines et des échan-
geurs (notamment un enroulant l’Opéra Garnier) étaient
prévus pour Paris « d’ici l’an 2000 ». Ce projet devait

THÈME 4 Axe 2 Patrimoine, la préservation entre tensions et concurrence 15


p. 280-281 Jalon 1B la volonté présidentielle étant de reconstruire avant
l’échéance majeure que seront les Jeux Olympiques de
2024. Enfin, cette nouvelle « querelle des Anciens et des
Document 1 Modernes » au sujet de sa reconstruction montre l’impor-
En janvier 1984 est dévoilé le projet du Grand Louvre. tance que prend le patrimoine parisien dans l’opinion
Il visait d’abord à récupérer l’aile du bâtiment occupée publique.
alors par le ministère des Finances, pour pouvoir doubler
la superficie du musée. De plus, la cour centrale était un
parking et le musée était handicapé par l’absence d’une Éléments de réponse aux questions p. 281
entrée centrale indispensable à un « musée de masse ». 1. Ce projet entraîne de fortes crispations car c’est un
Une pyramide de verre est choisie pour couvrir cette lieu emblématique qui interpelle l’opinion publique,
nouvelle entrée. La « bataille de la pyramide » est le nom entre modernisation pour un développement écono-
donné à la polémique engagée lorsqu’en janvier 1984 mique par le tourisme de masse et conservation d’un
est dévoilé le projet du Grand Louvre. André Fermigier, paysage muséifié à forte portée historique.
chroniqueur artistique du Monde, lance la polémique
en disant que l’architecte Ieoh Ming Pei « traite la cour 2. Les projets sont de lancer sur le fleuve trois nouvelles
du Louvre en annexe de Disneyland ». Fermigier se fait passerelles accueillant des activités commerciales,
l’écho d’autres architectes français qui ont peu appré- financées par le privé, et la vente de droits à construire
cié le choix d’un Sino-Américain. Dans un autre article, pour deux bâtiments sur l’espace public de la place
un journaliste du Monde, Jacques Michel, assure que le Mazas (12e arrondissement), à l’angle de la Seine et du
Louvre doit devenir un « musée de masse » et non une bassin de l’Arsenal. L’UNESCO s’oppose à la modification
chasse gardée pour « public cultivé ». André Fermigier d’un site classé au patrimoine mondial. Les élus et les
annonce sa démission du journal. Après d’énormes tra- associations s’opposent à la « densification » et la « mar-
vaux doublés de fouilles archéologiques, la pyramide chandisation » du fleuve et de ses quais.
est inaugurée en 1989 par François Mitterrand. Ce pro-
jet montre les crispations autour des lieux à forte portée 3. Le projet de réaménagement du quartier Montpar-
symbolique comme le Centre Pompidou ou la pyramide nasse cherche à « redonner de l’attrait à ce quartier
du Louvre, entre nécessaire développement économique emblématique de Paris ». La tour de 210 mètres de 1973
par le tourisme de masse et préservation d’un paysage sera transformée en gratte-ciel végétalisé. Des espaces
muséifié. seront piétonnisés et le jardin sera plus accessible.
Il contribuerait au développement économique de la
Document 2 ville car la gare Montparnasse pourrait absorber plus de
voyageurs et le centre commercial serait rénové tout en
Ce document illustre les tensions entre mise en valeur conservant le même volume de commerces. Il y a peu
du patrimoine pour un développement économique et d’opposition car cette architecture des années 1970
usage de la ville par ses résidents permanents. En effet, ne fait pas partie du patrimoine caractéristique mis en
des élus et des associations se sont opposés aux projets avant et recherché par les touristes.
d’aménagements des berges de Seine, notamment l’idée
de réinstaller des commerces sur des ponts au-dessus de 4. Une première école souhaite une « reconstruction
la Seine. Leur volonté était de limiter la densification du inventive » de la flèche de la cathédrale, et une autre
tissu urbain en bord de Seine. Ces tensions se retrouvent défend une reconstruction à l’identique. Un lien peut
aussi autour du projet pour la transformation de la gare être fait avec la « bataille de la pyramide » du Louvre car
du Nord. c’est ici aussi une initiative présidentielle qui cherche à
laisser une empreinte dans un paysage parisien majeur,
ce qui suscite des polémiques.
Document 3
Synthétiser L’objectif est ici de montrer que le patri-
Un autre projet est lui plus consensuel à Paris, celui de la
moine parisien est un atout énorme pour le développe-
transformation du quartier Montparnasse. Les bâtiments
ment économique par le tourisme. Mais il peut créer des
concernés ne rentrent pas dans ce paysage caractéris-
conflits d’usage avec les riverains face à cette massifica-
tique et homogène recherché par les touristes. Ce patri-
tion du tourisme et cette appropriation de l’espace. Et
moine urbanistique des années 1970 ne fait ainsi pas
la nécessaire préservation de ce patrimoine peut aussi
objet d’une préservation. La volonté est d’ouvrir l’espace
se transformer en muséification, ce qui peut freiner les
et les perspectives urbaines, de promouvoir une archi-
volontés de modernisation de la ville.
tecture contemporaine, tout en maintenant le dévelop-
pement économique, ici le nombre de commerces.
Travailler autrement
Un des exemples majeurs à mobiliser ici est la percée
de la via dei Fori Imperiali par Mussolini. Cette percée
Document 4
reliait symboliquement le Colisée à la Piazza Venezia,
La polémique récente autour d’un autre monument laquelle était le centre du nouvel empire fasciste. Lors
emblématique, la cathédrale Notre-Dame de Paris, de son inauguration, le 9 avril 1932, Mussolini à cheval,
montre d’abord l’importance du patrimoine culturel à coupa lui-même le ruban. Il cherchait à utiliser le passé
l’échelle mondiale. Cela montre aussi le poids du tou- antique et son patrimoine dans sa propagande, sans pré-
risme dans le développement économique de la ville, server toutes les traces archéologiques potentielles du

THÈME 4 Axe 2 Patrimoine, la préservation entre tensions et concurrence 16


site. À l’inverse, aujourd’hui, le chantier du métro romain, Document 4
indispensable au développement économique de la
ville, est au ralenti. Il est régulièrement arrêté après la Plusieurs peuples ont subsisté dans cet espace malien,
mise à jour de restes antiques dans le sous-sol de la ville. comme le peuple dogon, réputé pour sa mythologie, ses
statues et ses masques de cérémonie. De nombreuses
œuvres d’art, le plus souvent conservées en Europe,
témoigne encore aujourd’hui de ce riche patrimoine his-
p. 282-283 Jalon 2A torique. Jacques Chirac a œuvré pendant sa présidence à
la promotion des arts premiers (c’est-à-dire les arts afri-
La question patrimoniale au Mali, cain, océanien, précolombien, etc.), invisibles dans les
grands musées français. Il a d’abord favorisé l’ouverture
un enjeu géopolitique en 2000 du pavillon des Sessions, une salle du musée du
L’objectif de ce Jalon est de montrer les enjeux autour Louvre consacrée à ces arts premiers. Il a aussi permis
de la protection du patrimoine dans un pays en dévelop- l’ouverture du musée du quai Branly. En 2011, une expo-
pement, le Mali. Tout d’abord, la description d’un patri- sition y est consacrée à l’art dogon, que l’ancien Pré-
moine riche et méconnu est à faire. Puis, les menaces sident découvre en avant-première.
passées et actuelles envers ce patrimoine sont à analy-
ser, notamment en abordant la situation de cet espace
sahélien au cœur de la « mondialisation grise » et ses Document 5
trafics, et de plus en plus intégré à la nébuleuse djiha-
diste. Les acteurs de la protection et la restauration de Ce document permet de rappeler les conditions d’ac-
ce patrimoine sont à recenser, notamment le rôle de quisition d’œuvres d’art africaine pendant la colonisa-
l’UNESCO à Tombouctou. tion. Elles sont soit des butins de guerre, ou des achats à
prix bradés. Par exemple, la mission Dakar-Djibouti, une
expédition ethnographique menée en Afrique en 1931,
Document 1 à 3 avait acheté un masque dogon pour seulement 7 francs,
alors que le même mois, un tel masque était vendu à
L’espace malien a laissé de nombreuses traces histo- Drouot en moyenne à 200 francs. Ce document permet
riques dans les sources locales, arabes ou européennes. aussi de poser les bases d’un débat relancé par Emma-
Dès l’Antiquité on trouve à travers le Sahara des flux nuel Macron, celui de la restitution de ces œuvres. Dans
­commerciaux grâce aux caravanes de dromadaires. Les le discours prononcé à l’université de Ouagadougou, le
produits échangés à travers le désert ont toujours été de 28 novembre 2017, le Président français annonçait la
haute valeur ajoutée, car il fallait au moins un mois de mise en œuvre, dans un délai de cinq ans, de « restitu-
traversée et des dangers multiples. Au Mali, sont échan- tions temporaires ou définitives du patrimoine africain
gés l’or du fleuve aurifère Sénégal, des esclaves, du sel, en Afrique ». Puis un « Rapport sur la restitution du patri-
du coton, de l’ivoire contre des étoffes (draps), des che- moine africain » confié à Bénédicte Savoy, historienne de
vaux, des livres… L’islam se diffuse en suivant cet axe, l’art et à Felwine Sarr, écrivain et professeur d’économie
du nord vers le sud, par les commerçants arabes. L’em- sénégalais, a été remis à Emmanuel Macron fin 2018.
pereur du Mali est le mansa (« roi des rois »). Celui qui Afin de rompre avec l’inaliénabilité du patrimoine natio-
a le plus impressionné le monde est le 10e mansa, Kan- nal qui empêchait jusqu’alors la France de répondre aux
kou Moussa. Il part en pèlerinage pour La Mecque en réclamations de certains pays, le rapport Savoy-Sarr pré-
1324 avec 60 000 hommes, 12 000 esclaves et 80 droma- conise d’organiser la restitution du patrimoine culturel
daires portant des tonnes d’or. En arrivant au Caire, il africain en modifiant le code du patrimoine français.
donne tellement d’or aux habitants pour les impression-
ner qu’il fut le seul homme dans l’Histoire à modifier le
cours mondial de l’or. Dans son empire, il développe de Éléments de réponse aux questions p. 283
nombreuses villes au bord du Niger, par exemple Tom-
bouctou, ville renommée pour son palais, sa madrasa, sa 1. La richesse de cette civilisation vient du commerce
bibliothèque, sa mosquée Djingareyber et son marché, avec les Arabes, et notamment de l’or. C’est ce qui
décrits par des voyageurs musulmans comme Ibn Battuta explique son rapide effondrement lorsque les routes
en 1352-53. Une autre description du commerce trans- commerciales se sont fortement transformées au
xvie siècle.
saharien et de la ville de Tombouctou est faite par Amin
Maalouf dans Léon l’Africain, en 1986. Les successeurs de 2. Au xive siècle, l’empereur Kankou Moussa développe
Kankou Moussa n’ont pas réussi à maintenir leur auto- de nombreuses villes au bord du Niger, telle Tombouc-
rité sur un ensemble aussi vaste. Maghan (1332-1336) vit tou, ville renommée dans le monde pour son palais, sa
le sac de Tombouctou par les Mossi et l’empire du Mali madrasa, sa bibliothèque, sa mosquée Djingareyber et
disparaît face à la nouvelle hégémonie de l’Empire son- son marché.
ghaï. Ces empires africains déclinent au xviie siècle suite
à la découverte de nouvelles routes commerciales par
3. Les œuvres d’art africaines ont été acquises pendant
les Européens. En effet, le commerce se réduit avec les
la colonisation soit par la force, soit à prix bradés. Ces
« Grandes Découvertes » et surtout plus tard à cause de
œuvres sont aujourd’hui exposées dans de nombreux
la colonisation et de la littoralisation des échanges.
musées, notamment celui du quai Branly à Paris.

4. Les conditions d’acquisition peuvent appuyer le choix


d’une restitution, tout comme la volonté que l’Afrique

THÈME 4 Axe 2 Patrimoine, la préservation entre tensions et concurrence 17


se réapproprie son patrimoine. La bonne valorisation nement de Bamako et les Touaregs, les djihadistes s’em-
par les musées, le difficile transfert d’œuvres fragiles parent de plusieurs villes majeures du nord du Mali dont
ainsi que les capacités muséales africaines déficientes Gao et Tombouctou. Face à la menace d’un conflit qui
peuvent empêcher le choix d’une restitution. se déplace au sud, la France lance l’opération Serval et
repousse militairement les groupes terroristes. Toute-
Synthétiser La chronologie peut s’appuyer sur le bloc fois, cette aide ne semble pas suffisante pour endiguer
Repères. cette menace mouvante. On remarque une confusion
entre djihadistes et trafiquants, à travers ces frontières
Travailler à l’oral poreuses, mais qui leur sont utiles car elles freinent
La question 4 peut être transformée en débat, avec le les courses-poursuites et les enquêtes criminelles. La
document 5 comme base pour lancer des recherches menace terroriste déborde actuellement de la région
personnelles des élèves avant le débat. sahélo-saharienne vers d’autres pays africains (Ansar
al-Charia en Tunisie et Libye, Boko Haram au nord du
Nigeria…). Elle est aussi nouvelle, car au Mali la minorité
des Peuls est de plus en plus tentée de rejoindre les isla-
p. 284-285 Jalon 2B mistes d’AQMI. Les États occidentaux doivent renforcer
leur coopération militaire avec les pays du Sahel pour
Document 1 lutter contre la menace terroriste, mais ils doivent aussi
participer à trouver d’autres solutions pour la sécurité et
Cette carte permet de faire le point sur la situation géo- le développement de la région.
politique du Sahel. Aujourd’hui la région est de nouveau
convoitée pour ses hydrocarbures ou ses ressources
minières, notamment l’uranium, stratégique pour la Document 2 et 3
France et ses centrales nucléaires.
Les djihadistes ont déstabilisé le pays, et ont indirecte-
Le Sahara est un espace de transit pour les migrants ment menacé le patrimoine malien, voire directement,
vers l’Europe et permet à une multitude d’acteurs cri- en ciblant certains sites comme la ville de Tombouctou.
minels, de s’enrichir en les rackettant. Ces acteurs On y trouve des mausolées, qui sont des monuments
participent souvent à d’autres trafics illégaux sur les funéraires dédiés à des saints musulmans locaux et qui
mêmes routes : drogue d’abord ou encore contrefaçon et ont été classés au patrimoine mondial de l’UNESCO en
contrebande (voitures, cigarettes, essence, etc.). Le tra- 1988. Leur destruction a été revendiquée en juillet 2012
fic d’armes est associé à ces autres flux avec les mêmes par le groupe Ansar Dine et sa « police islamique », qui
acteurs généralement et les mêmes routes. La plupart contrôlait le nord du Mali avec ses alliés d’AQMI. Pour
viennent des arsenaux libyens pillés après la guerre eux, les cultes personnalisés autour de ces saints seraient
civile de 2011. De plus, ces espaces sont peu habités, peu incompatibles avec un islam où seul le prophète Maho-
contrôlés, les frontières sont poreuses, faciles à traverser met peut être invoqué. Les djihadistes ont aussi souhaité
et fournissent des refuges aux criminels. Les groupes qui détruire les milliers de manuscrits, témoignages de l’im-
se livrent à ces commerces sont souvent liés aux groupes portance de l’université islamique fondée au xve siècle
djihadistes qui opèrent dans la région, qui perçoivent un qui prônait un islam modéré, ouvert et tolérant. Des
tribut lors du passage des marchandises dans les zones habitants de la ville ont courageusement caché puis
qu’ils contrôlent. Le Sahara est donc un vaste espace de exfiltré la nuit une partie des manuscrits, par la route ou
non-droit qui s’inscrit dans la mondialisation par l’aug- par pirogue, entassés dans des malles, jusqu’à la capitale
mentation des activités illicites : on parle de « mondiali- Bamako. Ils y sont toujours stockés, mais à cause du cli-
sation grise ». mat humide du sud, leur bonne conservation est mena-
Cette situation alimente l’instabilité politique. Les cée et ces manuscrits sont à nouveau en danger.
Touaregs, une population nomade qui vit au Sahara,
partagé entre l’Algérie, le Burkina Faso, la Libye, le Mali,
la Mauritanie et le Niger, veut plus de considération Document 4
des pouvoirs locaux. Ils se sentent lésés en ne profitant
Depuis 2012, l’instabilité politique et les actions des dji-
pas des retombées économiques dues aux ressources
hadistes ont ruiné l’activité touristique qui faisait vivre
locales. La rébellion touarègue démarre dans les années
plus de 70 % de la population. Sur la carte « Conseils aux
1990 et se structure autour du Mouvement national de
voyageurs » éditée par le Quai d’Orsay, Tombouctou est
libération de l’Azawad, le MNLA, qui revendique tout
encore en avril 2020 en zone rouge, notamment après
le nord du Mali, une région touchée par le djihadisme.
des enlèvements visant les Occidentaux. Les attaques
En 2012, le MNLA s’empare de tout le nord du Mali qui
revendiquées par des groupes djihadistes se multiplient.
échappe donc au contrôle du gouvernement de Bamako.
L’une de ses émanations est le groupe touareg islamiste
Ansar Eddine qui se rapproche de la principale organi-
Éléments de réponse aux questions p. 285
sation islamiste de la région, Al-Qaida au Maghreb isla-
mique (AQMI), créé en 2007 par Mokhtar Belmokhtar, dit 1. Les ressources de la région sont l’or, héritage du
Le Borgne. Ce djihadiste, vétéran de l’Afghanistan ayant passé malien, l’uranium, une ressource stratégique pour
côtoyé Ben Laden, prend part à la guerre civile algé- l’énergie nucléaire et les hydrocarbures, surtout au sud
rienne dans les années 1990 et doit se réfugier dans le de l’Algérie. Le tourisme est une ressource potentielle
désert après la défaite et la répression de la dictature avec la mise en valeur du patrimoine malien classé par
militaire. En 2012, profitant du conflit entre le gouver- l’UNESCO. Les trafiquants, les groupes rebelles et les

THÈME 4 Axe 2 Patrimoine, la préservation entre tensions et concurrence 18


djihadistes déstabilisent la région, se finançant par le des paquebots géants déversant des millions de touristes
racket des migrants et les nombreux trafics illégaux. dans les rues de la cité des Doges. De fines bandes de
terre séparent la lagune vénitienne de la mer Adriatique.
2. En 2012, profitant du conflit entre le gouvernement
de Bamako et les Touaregs, les djihadistes s’emparent
de plusieurs villes majeures du nord du Mali dont Gao Document 2
et Tombouctou. Face à la menace d’un conflit qui se
Ces chiffres montrent la dépendance économique de la
déplace au sud, et d’une déstabilisation durable d’un
ville à ce tourisme de masse. Ils sont à rapprocher des
espace où est extrait l’uranium stratégique pour ses cen-
chiffres de la DP repères (p. 276) et permettent de réuti-
trales nucléaires, la France lance l’opération Serval et
liser les définitions différenciant visiteur et touriste.
repousse militairement les groupes terroristes. Cela per-
met de libérer de l’emprise djihadiste des sites classés
par l’UNESCO. Document 3
3. Les djihadistes ont une conception très restrictive de De nombreux évènements rythment la saison touristique.
l’islam. Le culte des saints de Tombouctou serait ainsi Le carnaval, connu pour ses costumes et ses masques,
incompatible avec un islam où seul le prophète Maho- attire des foules considérables au début du mois de
met peut être invoqué. Les djihadistes ont aussi souhaité février. Évènement majeur de la scène culturelle interna-
détruire les milliers de manuscrits qui prônaient un islam tionale, depuis 1895, la Biennale de Venise est organisée
modéré, ouvert et tolérant. Certains habitants de la ville tous les ans, de mai à novembre, alternant architecture
ont réussi à en sauver une partie, montrant leur opposi- et art contemporain. Elle accueille plus de 500 000 visi-
tion au discours et aux volontés de ces djihadistes. teurs. La Mostra de Venise est le Festival international
du film de Venise, qui se déroule annuellement en sep-
tembre, depuis 1932. La principale récompense attribuée
4. Cette instabilité a des conséquences catastrophiques est le Lion d’or, qui tient son nom de l’attribut du saint
sur le tourisme, un des secteurs participant au dévelop-
patron de la ville : le lion de saint Marc, l’Évangéliste.
pement du pays. Les touristes peuvent être des cibles
d’enlèvement, et les ambassades déconseillent forte-
ment aux voyageurs de se rendre dans le pays. Document 4
Cet article montre les activités et passages obligés du
Synthétiser Pour avoir encore quelques précisions sur
tourisme de masse à Venise, et l’importance des paque-
le rôle de l’UNESCO, un lien vers un des nombreux rap-
bots géants pour acheminer ce flux considérable de per-
ports de l’organisation sur son site : https://fr.unesco.
sonnes.
org/news/dommages-caus%C3%A9s-au-patrimoine-
culturel-tombouctou-sont-plus-s%C3%A9rieux-que-
pr%C3%A9vu-d%E2%80%99-mission-l
Éléments de réponse aux questions p. 287
Travailler autrement 1. Le site de la lagune de Venise abrite un ensemble
Sur Palmyre, le livre de Paul Veyne, Palmyre, l’irrempla- d’îlots où terre et eau se mélangent. Une fine bande
çable trésor, en 2015. de terre ou lido sépare la lagune vénitienne de la mer
Adriatique.

2. Les Vénitiens ont consolidé ces multiples îlots pour


p. 286-287 J a l o n 3A en faire un archipel abritant une ville et des villages de
pêcheurs ou d’artisans, comme Murano. La densité de
Venise, entre valorisation touristique constructions est très forte dans le centre historique, et
et protection du patrimoine les immeubles donnent directement sur les canaux où
l’on circule en bateau. Cette ville est devenue une des
L’objectif de ce Jalon est de montrer comme une ville a principales puissances commerciales du Moyen-Âge.
réussi à mettre en valeur son patrimoine pour en faire Venise abrite des chefs-d’œuvre architecturaux et ses
une destination majeure du tourisme mondial. Mais palais renferment des œuvres de grands artistes. Ils ont
ce tourisme de masse rend la ville très dépendante de été mis en valeur par les Vénitiens en y développant le
cette seule activité, et surtout les enjeux économiques tourisme, accentué par l’inscription au patrimoine mon-
peuvent freiner les nécessaires régulations et aménage- dial de l’UNESCO en 1987.
ments pour protéger durablement ce site fragile.
3. Des millions de visiteurs sont attirés par ces paysages
uniques, ce patrimoine artistique, et de nombreux évè-
Document 1 nements permettent de répartir ces flux sur l’année et
Cette image satellitale montre la spécificité du site de de créer de l’animation dans la ville. Le carnaval, la Bien-
Venise. Dans cette lagune, les îlots ont été consolidés, nale d’art contemporain ou la Mostra rythment la saison
réunis, pour former un archipel. Au milieu de la lagune, touristique.
le centre historique de la ville. Des canaux séparent ces
différentes îles et forment les axes de circulation de cette 4. Le tourisme fait vivre 30 000 personnes et rapporte à la
cité sur l’eau. À l’extrémité ouest du centre historique, le municipalité deux milliards d’euros par an (11,4 % du PIB
port accueille de nombreuses embarcations, notamment urbain). 65 % de la population vit grâce aux millions de

THÈME 4 Axe 2 Patrimoine, la préservation entre tensions et concurrence 19


touristes. Mais la ville se dépeuple, son centre historique à se multiplier (source : https://www.comune.venezia.it/
abritant environ 54 000 résidents permanents contre node/6145) :
180 000 en 1945, soit 1 habitant pour 148 touristes.
Nombre de fois où le niveau de la mer
Années
Synthétiser L’objectif est de reprendre les éléments de a atteint ou dépassé 110 cm
réponse précédents en 3 temporalités (héritage mis en
1949-1958 11
valeur, construction de la saison touristique, massifica-
tion actuelle). 1959-1968 29 (record à 194 cm en 1966)
1969-1978 25
Travailler autrement
Dubrovnik (anciennement Raguse) est une autre ville 1979-1988 36
apparaissant dans le classement p. 276, et ce de façon
1989-1998 39
très récente, du fait que la cité médiévale abritait le tour-
nage de la série à succès Game of Thrones. 1999-2008 41
2009-2018 85

p. 288-289 Jalon 3B
Document 3
Document 1 En juin 2019, suite à une panne de moteur, le paquebot
géant MSC Opera heurte un quai puis un autre bateau
Cette carte permet d’abord de situer le centre historique
touristique à son arrivée sur Venise, suscitant la panique.
à une autre échelle, dans son environnement proche,
L’accident relance la question des dommages infligés
celui de la lagune. À travers trois petits passages, appe-
par ces énormes navires qui naviguent près du rivage,
lés « bouches de port » ou passes, le flux de la marée
car ils contribuent à l’érosion des fondations de cette
se propage dans la lagune et les canaux de la ville. La
ville déjà régulièrement inondée et qui s’enfonce lente-
lagune dans son ensemble accueille d’autres activités en
ment dans la mer. En 2012, le décret Clini-Passera inter-
plus du tourisme culturel. Et les moyens de transport y
dit les paquebots dans la lagune. En théorie seulement,
sont nombreux, et à toutes les échelles, pour permettre
car les passages restent autorisés tant qu’aucune solu-
la mobilité des touristes et des locaux. Cette carte per-
tion n’a été trouvée.
met aussi de voir les risques que font courir toutes ces
activités sur l’environnement local. En 1981, le projet
MOSE est lancé pour contenir les grandes marées, accen- Document 4
tuées notamment par le passage des grands paquebots.
Ce projet MOSE vise à installer 78 digues flottantes sur Des mesures d’encadrement sont mises en œuvre dans
les trois passes séparant la lagune de la mer Adriatique de nombreuses villes de tourisme de masse comme
afin de protéger Venise quand le niveau de l’eau dépasse Venise. Une taxe à l’entrée de la ville y est régulière-
110 cm. Ces digues, en conditions normales, sont rem- ment évoquée pour permettre la limitation d’un « tou-
plies d’eau et invisibles. Quand une marée haute est risme pendulaire ». On peut aussi penser à la Ligurie, où
prévue, les digues se soulèvent grâce à l’envoi d’air com- un système est expérimenté pour contrôler le nombre de
primé en vidant par la même occasion l’eau. Le chantier personnes autorisées à visiter cinq villages de pêcheurs
a déjà coûté plus de 6 milliards d’euros, et a été marqué classés au patrimoine mondial de l’UNESCO. Mais la
par un scandale de corruption avec un détournement volonté politique est faible à Venise et les aménage-
d’un milliard d’euros. Par ailleurs, les travaux avancent ments pour garantir l’équilibre du site difficiles à mettre
très lentement, les Vénitiens espérant leur fin pour 2022. en œuvre car la ville et ses résidents sont dépendants de
la manne touristique.

Document 2
Éléments de réponse aux questions p. 289
En 1897, une mesure de la marée a été effectuée à la
Punta della Salute. Le niveau moyen de la mer mesuré
est devenu le niveau zéro de référence de la ville pour 1. Les touristes, à l’échelle mondiale, sont acheminés
l’élévation du niveau de la mer. Depuis, les autorités par l’aéroport puis la lagune ou le port du centre histo-
parlent de marée soutenue (marea sostenuta) lorsque rique, via la passe du Lido. À l’échelle continentale ou
l’eau s’élève au-dessus de 80 cm. Le centre historique est nationale, ils peuvent aussi utiliser le train, qui arrive en
faiblement inondé (de 0 à 10 % de sa surface). Mais une centre-ville, ou encore le car. Mais il y a aussi des flux de
marée très soutenue (marea molto sostenuta) de 110 cm marchandises par les porte-conteneurs, qui utilisent les
à 139 cm ou une acqua alta exceptionnelle (acqua alta deux passes au sud et le port industriel de Porto Mar-
eccezionale) à partir de 140 cm peuvent avoir des consé- ghera. À l’échelle locale, les pêcheurs circulent mais
quences catastrophiques. Ainsi, en novembre 2019, suite surtout de nombreux travailleurs liés à l’industrie du
à une violente tempête, l’eau a atteint à Venise des tourisme, qui résident sur le continent et qui utilisent les
niveaux historiques, à 187 centimètres au-dessus de la ferrys pour leurs mobilités pendulaires, en attendant la
mer. 75 % du centre historique était inondé et les fon- construction d’un tramway sur le pont ferroviaire.
dations de la basilique Saint-Marc sont fragilisées. Avec
le dérèglement climatique, les inondations ont tendance

THÈME 4 Axe 2 Patrimoine, la préservation entre tensions et concurrence 20


2. Une acqua alta est une marée haute qui inonde une p. 294-295 Exercices Bac
grande partie de la ville. Leur accentuation s’explique
par le tassement de la ville à la suite du pompage de Exercice 1
la nappe phréatique, par le dragage des trois passes qui
laissent entrer des flux de marées de façon plus impor- 1.
tante dans la lagune mais aussi par la montée générale I. La progressive construction d’un patrimoine culturel
des eaux due au dérèglement climatique. A. Le rôle de l’histoire et de la politique
B. Le rôle du tourisme et de l’imaginaire
3. En plus du dragage des passes qui facilite les inon- C. Le rôle de l’UNESCO dans la définition du
dations, les paquebots affaiblissent les fondations des patrimoine
bâtiments de cette ville sur pilotis. Enfin, ils menacent II. Des conflits sur l’usage de ce patrimoine
de créer des accidents qui pourraient endommager un et de son environnement immédiat
bâtiment historique de la ville, au bord de l’eau, et bles- A. Entre destructions urbanistiques et
ser des passants. conservation des traces du passé
B. Entre muséification et modernisation de la ville
4. Pour contrer l’afflux de touristes, un quota d’entrées C. Entre qualité de vie des riverains et accueil des
a été mis en place pour le Carnaval en 2018. En 1981, le touristes
projet MOSE est lancé pour contenir les grandes marées III. Des acteurs qui peuvent mettre en danger
avec des digues flottantes qui se soulèveraient avant une la pérennité de ce patrimoine
acqua alta. Ce projet n’est toujours pas achevé. Enfin, en A. Massification touristique et vandalisme
2012, le décret Clini-Passera interdit les paquebots dans B. Instabilité politique et destruction du
la lagune. En théorie seulement, car les passages restent patrimoine culturel
autorisés tant qu’aucune solution n’a été trouvée. C. Menaces environnementales et patrimoine
en péril
Synthétiser L’idée est de répondre à la question en mon-
trant bien ce dilemme pour les résidents et les autorités
face à cette dépendance. Les questionnements autour Exercice 2
du projet MOSE sont à développer ici. Cet exposé s’appuie sur un exemple majeur de destruc-
tion urbanistique parisienne pour faciliter le dévelop-
Travailler à l’oral pement économique. Les pavillons de Baltard ont été
La ville de Barcelone est aussi touchée par les effets per- détruits pour désengorger le centre de la ville en trans-
vers du tourisme de masse sur la qualité de vie des rési- férant les Halles à Rungis. Seul un pavillon a été sauvé,
dents (photo p. 293). Il faut en plus insister sur l’influence aujourd’hui visible à Nogent. L’espace laissé vacant a
d’Airbnb, qui déstabilise le marché de la location immo- permis la construction d’une gare souterraine et d’un
bilière barcelonais, avec des réactions parfois violentes centre commercial. Certains espaces alentour étaient
des résidents contre les touristes. utilisés comme parkings, comme celui où a été construit
le Centre Pompidou. Récemment, cet espace a été au
cœur d’une grande rénovation pour améliorer l’attracti-
vité du centre commercial et la circulation dans la gare
p. 290-291 Grand angle souterraine.

Le Mur de Berlin, entre protection


Exercice 3
et développement économique
1. C’est une dépêche AFP. L’agence France-Presse (AFP)
est une agence chargée de collecter, vérifier, recouper
Éléments de réponse aux questions p. 291
et diffuser l’information, sous une forme neutre, fiable et
Cet exposé doit permettre de montrer comment le Mur utilisable directement par tous types de médias.
de Berlin (1961-1989) est devenu un élément du patri-
moine allemand et mondial au cœur d’un conflit d’usage. 2. Venise est une ville sur l’eau, au milieu d’une lagune.
Beaucoup de Berlinois ont d’abord souhaité sa destruc- C’est un environnement très fragile, du fait « du risque
tion, réalisée en grande partie en 1989. Rapidement, d’engloutissement que court la ville, bâtie sur 118 îles
l’idée de préserver un morceau d’histoire pour se souve- et îlots en majorité artificiels et sur pilotis. Elle s’est
nir a été mise en œuvre. Et la principale section encore enfoncée de 30 centimètres dans la mer Adriatique en
debout, réappropriée par des artistes du monde entier, un siècle. »
est un site majeur du tourisme local. Mais les effets per-
vers du tourisme de masse s’y font ressentir et l’East Side 3. Les acteurs sont le gouvernement italien, le maire
Gallery est menacée par le vandalisme. Le site en plein de Venise, de potentiels mécènes, les commerçants, les
centre-ville est enfin menacé par la volonté d’une autre hôteliers, les musées, les touristes ou les écologistes.
forme de développement économique, soutenue par
les promoteurs immobiliers. Et de nombreux Berlinois 4. Il y a une tension entre les riverains et les touristes
se mobilisent pour préserver ce morceau de mur après au sujet de l’engloutissement de la ville. Il y a une ten-
avoir voulu sa destruction des années auparavant. sion entre les écologistes, industriels et croisiéristes au

THÈME 4 Axe 2 Patrimoine, la préservation entre tensions et concurrence 21


sujet du trafic et de son influence sur l’accroissement du Venise et le gouvernement italien de Giuseppe Conte au
nombre d’acqua alta. Il y a une tension entre le maire de sujet de la lente avancée du projet MOSE.

5.

Un patrimoine culturel riche …mais des conflits entre acteurs …et des menaces qui appellent
et mis en valeur… quant à son utilisation… des réponses rapides.

Idée : Un site et un patrimoine uniques Idée : Les tensions dans le centre Idée : L’engloutissement de la ville
historique
Citation : « Venise, endroit unique, est Citation : « une Autrichienne de 28 ans, Citation : « Venise a connu un
l’héritage de tout le monde. » juge aussi la situation “étrange : les nouveau pic de marée haute vendredi
touristes prennent des photos mais la 15 novembre, trois jours après avoir été
ville souffre”. » dévastée par des inondations records »

Idée : Le tourisme, activité vitale pour Idée : Les tensions pour préserver Idée : Des solutions difficiles à mettre
Venise l’écosystème de la lagune en œuvre
Citation : « les églises, commerces, Citation : « Les écologistes montrent Citation : « De nombreux responsables
musées et hôtels de ce joyau classé au aussi du doigt l’expansion du grand port dont le maire de Venise ont appelé
Patrimoine mondial. » industriel de Marghera, situé en face sur à mettre en service “au plus vite” le
la terre ferme, et le défilé des bateaux projet de digues MOSE. Lancé en 2003
de croisière géants. » et retardé par des malfaçons et des
enquêtes pour corruption »

THÈME 4 Axe 2 Patrimoine, la préservation entre tensions et concurrence 22


ÉTUDE CONCLUSIVE
La France et le patrimoine,
des actions majeures de valorisation et de protection
La logique du chapitre
Même s’il existe des prises de conscience de la part de certains dirigeants politiques
ou d’intellectuels dès l’époque moderne, c’est lors de la Révolution française qu’appa-
raissent des mesures d’envergure prises pour inventorier et protéger le patrimoine du
territoire national. Les députés vont créer des commissions et adopter des dispositifs
afin de répertorier les biens possédant une valeur architecturale (monuments, édifices)
et/ou esthétique (objets d’art). La politique du patrimoine émerge réellement en 1830 :
François Guizot, alors ministre de l’Intérieur, présente au roi Louis-Philippe son rapport
sur la création d’une Inspection générale des monuments historiques, chargée d’inven-
torier les édifices remarquables. La mission de l’inspecteur général des monuments his-
toriques est ainsi définie en 1831 : « Constater l’existence et faire la description critique
de tous les édifices du royaume qui, soit par leur date, soit par le caractère de leur archi-
tecture, soit par les événements dont ils furent les témoins, méritent l’attention de l’ar-
chéologue, de l’historien […] ; en second lieu, […] veiller à la conservation de ces édifices
en indiquant au Gouvernement et aux autorités locales les moyens soit de prévenir, soit
d’arrêter leur dégradation. » Les fondations de cette volonté étatique d’assurer la classi-
fication, la préservation et l’entretien du patrimoine sont désormais clairement établies.
Puis, au cours du xixe siècle, le pouvoir décide de réorganiser les musées (1882) et d’ac-
croître les dépôts dans les archives (1887). Le 30 mars 1887, la loi sur la conservation
des monuments et objets d’art ayant un intérêt historique et artistique national est pro-
mulguée. Cette disposition législative est complétée par les lois du 9 septembre 1905
portant sur la séparation de l’Église et de l’État qui place sous la juridiction de l’État les
édifices cultuels (construits avant la promulgation de la loi) et la loi du 31 décembre
1913 sur le classement et le statut des monuments historiques. Entre 1930 et 1960, on
constate un élargissement de la protection du patrimoine. En effet, les pouvoirs publics
font voter des lois (2 mai 1930 : loi sur la protection des monuments naturels et des sites
de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque qui étend la
sauvegarde et la protection au patrimoine naturel ; 27 septembre 1941 : loi portant ré-
glementation des fouilles archéologiques terrestres) qui agrègent au patrimoine des
sites remarquables et les vestiges archéologiques. Entre 1960 et 2003, la notion de pa-
trimoine évolue encore. La loi du 22 juillet 1960 sur la création des parcs naturels natio-
naux montre une réelle volonté de l’État français de protéger des zones reconnues pour
la diversité de leur faune et de leur flore. Le 16 novembre 1972, les pays présents lors de
la conférence de l’UNESCO signent la Convention pour la protection du patrimoine mon-
dial, culturel et naturel. C’est un tournant, à la fois pour la France et le monde, puisqu’il
est reconnu que les pays et les citoyens de toute la planète doivent s’engager pour
préserver les biens culturels. L’année 2003 est une année charnière puisque le rapport
du 17 novembre 2003 présente les modalités sur le transfert de monuments historiques
appartenant à l’État aux collectivités territoriales, ce qui a été réalisé dans les années
qui suivent. Dès lors, l’État n’est plus le seul acteur de la politique du patrimoine. Les
collectivités territoriales le sont également, auquel on peut ajouter des associations, des
acteurs privés (entreprises avec le mécénat et la création de fondations… et les citoyens.

Bibliographie
–– M. Fumaroli, L’État culturel : essai sur une religion moderne, Le Livre de poche
n° 4158 Biblio essais, LGF, 1999. Une enquête historique sur les origines et les précé-
dents de la politique culturelle en France jusqu’à celle qui a eu cours sous les mandats
de F. Mitterrand.
–– N. Heinich, La Fabrique du patrimoine. De la cathédrale à la petite cuillère. Éditions
de la Maison des sciences de l’Homme, 2009. L’auteure détaille les diverses opérations
par lesquelles un édifice ou un objet se retrouvent intégrés au corpus du patrimoine.

THÈME 4 Étude conclusive La France et le patrimoine, des actions majeures de valorisation et de protection 23
–– C. Hottin et Y. Potin, « Le Patrimoine. Pourquoi, comment, jusqu’où ? », La Documen-
tation photographique n° 8099, mai-juin 2014. Un ouvrage de synthèse sur la question,
qui s’interroge sur la notion de patrimoine, l’évolution de celle-ci et sur les formes
actuelles de patrimoine.
–– D. Irvoas-Dantec et F. Morel, C’est quoi le patrimoine ?, Éditions Autrement, 2008. Un
ouvrage court (63 p.), mais qui fait une synthèse utile sur ce qu’est le patrimoine, en
expliquant pourquoi cette volonté de cataloguer et préserver les biens s’est faite jour.
–– F. Lucchini (dir.), La Mise en culture des friches industrielles, Presses universitaires
de Rouen et du Havre, 2016. Cet ouvrage explore les reconversions et les réappro-
priations des friches industrielles par les milieux artistiques, en lien ou non avec des
instances locales.
–– P. Moulinier, Les Politiques publiques de la culture en France, PUF, 2005. L’auteur
analyse la politique volontariste du ministère de la Culture lors des décennies 1990
et 2000.
–– P. Poirrier, Les Politiques culturelles en France, La Documentation française, 2002.
L’auteur a rassemblé des textes législatifs, réglementaires, discours de responsables
de l’administration publique, afin d’évaluer la politique culturelle impulsée par l’État
depuis 1789.

Sitographie
–– Un article évoquant la mise en lumière du haut-fourneau U4 d’Uckange, inscrit à
l’inventaire annexe des Monuments historiques : https://www.usinenouvelle.com/ar-
ticle/un-parc-du-haut-fourneau-mis-en-lumiere-en-moselle.N20888
–– Un article sur la reconversion de ce même site, où s’est implanté un centre de re-
cherche sur la métallurgie et ses procédés : https://www.republicain-lorrain.fr/edition-
de-thionville-hayange/2019/01/27/metafensch-a-uckange-le-defi-de-l-aluminium
–– Un rapport sur les politiques publiques en France concernant le patrimoine, télé-
chargeable sous format PDF, rédigé par deux universitaires, l’une à Paris XIII (­Françoise
Benhamou), l’autre à HEC (David Thesmar) : https://www.ladocumentationfrancaise.fr/
var/storage/rapports-publics/114000512.pdf
–– Un autre rapport, également téléchargeable, concernant l’éducation artistique et
culturelle dans les musées nationaux : https://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/
storage/rapports-publics/134000635.pdf
–– Une vidéo référencée sur le site de l’INA sur le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais,
alors candidat à l’éligibilité au patrimoine mondial de l’UNESCO : https://fresques.ina.
fr/memoires-de-mines/fiche-media/Mineur00263/le-bassin-minier-du-nord-pas-de-
calais-candidat-a-l-unesco.html
–– Une vidéo qui suit la précédente, annonçant justement le classement de 353 élé-
ments du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais au patrimoine mondial de l’UNESCO :
https://fresques.ina.fr/memoires-de-mines/fiche-media/Mineur02026/annonce-du-
classement-du-bassin-minier-a-l-unesco.html
–– Un article évoquant les menaces qui pèsent sur certains sites du bassin minier du
Nord-Pas-de-Calais, pourtant classés à l’UNESCO : https://www.francetvinfo.fr/econo-
mie/industrie/patrimoine-mondial-de-l-unesco-une-partie-du-bassin-minier-du-pas-
de-calais-menace-de-disparition_2824871.html
–– Un article de Philippe Faure, ancien ambassadeur, qui a assuré la présidence délé-
guée du Conseil de promotion du tourisme et Jean-Claude Ribout, ancien chroniqueur
au Monde, dans lequel ils analysent l’importance de la gastronomie dans les relations
internationales (article téléchargeable en PDF) : https ://www.cairn.info/revue-geoe-
conomie-2016-1-page-151.htm ? contenu = resume#

THÈME 4 Étude conclusive La France et le patrimoine, des actions majeures de valorisation et de protection 24
p. 298-299 O u ve r t u r e Éléments de réponse aux questions p. 301
1. Mérimé est devenu en 1834 le deuxième inspecteur
Éléments de réponse aux questions p. 298 général des monuments historiques. Il entreprend des
1. En 1872, l’architecte Édouard Corroyer est chargé par voyages dans toute la France pour inventorier, inspec-
la Commission des monuments historiques de la restau- ter et faire protéger les édifices remarquables. Il abat un
ration du site. Pour faciliter ces travaux, le site est classé travail colossal, renforcé par la collaboration d’Eugène
deux ans plus tard. Viollet-le-Duc.

2. Après la Révolution, le site a été transformé en pri- 2. Le principal acteur de la protection du patrimoine en
son puis délaissé. Des destructions et des incendies ont France est l’État ; il est représenté par le ministère de la
dégradé le mont, et certaines parties menacent de s’ef- Culture, qui dispose de commissions comme la Commis-
fondrer. sion nationale des monuments historiques qui inven-
torie, classe et propose des mesures pour protéger les
monuments historiques, les immeubles et les objets
Éléments de réponse aux questions p. 299 d’art. Néanmoins, il y a d’autres acteurs comme la Fonda-
tion du patrimoine qui est un organisme privé, mais qui a
1. Pour sauvegarder le haut-fourneau, l’association reçu une délégation de la part de l’État pour accorder un
MECILOR (Mémoire culturelle et industrielle de Lor- label qui permet au propriétaire réalisant des travaux de
raine), soutenue par la Direction régionale des affaires bénéficier de déductions fiscales significatives. Enfin, les
culturelles de Lorraine et la municipalité d’Uckange, entreprises privées jouent également un rôle important
obtient l’inscription du haut-fourneau à l’inventaire sup- (mécénat…).
plémentaire des monuments historiques en 2001.

2. L’ancien site industriel est reconverti en pôle culturel 3. La notion de patrimoine culturel s’est considérable-
et en centre de recherche sur la métallurgie. ment enrichie depuis sa première définition (xixe siècle).
Aujourd’hui, le patrimoine culturel englobe aussi bien
3. La notion de patrimoine évolue car au xixe siècle, ce
le patrimoine matériel, qu’immatériel. Ce dernier (voir
sont les monuments « classiques » qui sont visés par les la définition de PCI) regroupe par exemple des objets,
politiques de préservation du patrimoine. Au xxe siècle, des artefacts, des pratiques (l’alpinisme), des savoir-faire
comme le montrent aussi les définitions de l’UNESCO, le (la dentelle au point d’Alençon ; tapisserie d’Aubusson).
patrimoine culturel peut aussi être un patrimoine indus- Ainsi, certains historiens ont pu dire que, finalement,
triel ou un patrimoine immatériel. « tout est patrimoine » !

4. La notion de patrimoine est apparue lors de la Révo-


lution française. En 1790, les députés ont alors institué
p. 300-301 Re p è r e s une Commission des monuments, chargée d’inventorier
les édifices et objets français remarquables. Puis, des
Le patrimoine en France services d’archives ont été créés (1796) et des musées en
province (1801).
Dans cette double page Repères, les notions de patri-
moine culturel et de patrimoine culturel immatériel sont 5. En 1941, les vestiges archéologiques intègrent la
définies. La définition de patrimoine culturel s’est consi- notion de patrimoine. En 1957, les sites naturels. Depuis
dérablement enrichie depuis son apparition ; désormais, 1972, l’UNESCO inclut des éléments comme le patri-
celui-ci englobe les édifices, les bâtiments, les objets, les moine immatériel.
sites naturels, etc. et beaucoup plus récemment le patri-
moine industriel, fluvial et maritime. Le patrimoine cultu-
rel immatériel (PCI) a été établi par la Convention pour
la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel orga- p. 302-303 Jalon 1
nisée par l’UNESCO en 2003. Sa définition, longue, est la
suivante : « On entend par patrimoine culturel immaté- La gestion du patrimoine français :
riel les pratiques, représentations, expressions, connais- évolutions d’une politique publique
sances et savoir-faire – ainsi que les instruments, objets,
artefacts et espaces culturels qui leur sont associés – Dans ce Jalon, il s’agit de s’interroger sur la politique du
que les communautés, les groupes et, le cas échéant, patrimoine en France : quand est-elle née ? comment a-t-
les individus reconnaissent comme faisant partie de leur elle évolué ? comment est-elle appliquée ? Les prémices
patrimoine culturel. Ce patrimoine culturel immatériel, de celle-ci apparaissent au moment de la Révolution
transmis de génération en génération, est recréé en per- française, avec la volonté de certains députés (Talley-
manence par les communautés et groupes en fonction rand, l’abbé Grégoire) de classer et de protéger des
de leur milieu, de leur interaction avec la nature et de monuments remarquables et les objets d’art. Pour les
leur histoire, et leur procure un sentiment d’identité et historiens c’est avec la création de l’Inspection générale
de continuité, contribuant ainsi à promouvoir le respect des monuments historiques en 1830 par François Guizot
de la diversité culturelle et la créativité humaine ». que l’on peut réellement parler de politique du patri-
moine en France. Les pouvoirs publics vont alors adop-
ter tout un arsenal législatif afin d’inventorier, de classer,
de protéger et d’entretenir les édifices ayant une valeur

THÈME 4 Étude conclusive La France et le patrimoine, des actions majeures de valorisation et de protection 25
esthétique et historique. Cette politique s’élargit et évo- de protection appelée « zone cœur » à la réglementation
lue au cours du xxe siècle, avec l’intégration des vestiges stricte de protection de la nature et une « aire d’adhé-
historiques dans le patrimoine (loi de 1941), ainsi que les sion » où les communes sont partenaires du développe-
sites naturels exceptionnels (loi de 1957 ; création des ment durable du parc. La législation du parc national est
parcs nationaux en 1960). Celle-ci est principalement plus stricte que celle du parc naturel régional. En 2019,
définie et mise en œuvre par l’État via le ministère de la France compte onze parcs nationaux : huit en métro-
la Culture, qui entreprend des actions visant à valoriser pole dont quatre en haute montagne (Vanoise, Pyrénées,
le patrimoine (Journées européennes du patrimoine). Écrins, Mercantour), le parc national des Cévennes situé
Néanmoins, il n’est pas inutile de se questionner sur la en moyenne montagne, le parc national de Port-Cros et
pertinence ou l’efficacité des mesures étatiques adop- le parc national des Calanques mi-terrestres, mi-marins
tées dans ce domaine (document 4). ainsi que le parc national des forêts en plaine ; et trois en
outre-mer, en Guyane, à la Réunion et en Guadeloupe.

Document 1
Le 13 octobre 1790, Charles-Maurice de Talleyrand-Pé-
Document 4
rigord, alors évêque d’Autun, tient un discours resté Le loto du patrimoine, commercialisé sous l’appellation
célèbre devant l’Assemblée constituante. Il évoque « Super Loto Mission Patrimoine », est un jeu de loto créé
principalement la nécessité de réformer l’instruction par la Française des jeux afin de récolter des fonds des-
publique, et, à la fin de son allocution, il formule un cer- tinés à la Fondation du patrimoine pour assurer l’entre-
tain nombre de propositions concernant la classification tien de monuments considérés comme étant en péril,
et la sauvegarde des monuments, des objets d’art et des qu’il s’agisse de monuments historiques ou non. Ce dis-
archives. positif a été adopté grâce à un amendement au projet
de loi des finances rectificative pour 2017 adopté en
décembre 2017. Les monuments qui bénéficient de cette
Document 2 nouvelle ressource ont été identifiés dans le cadre de la
Les Journées européennes du patrimoine sont des mani- mission confiée à Stéphane Bern par Emmanuel Macron
festations nationales annuelles, organisées actuelle- en novembre 2017. Cette mission a permis d’identifier
ment dans une cinquantaine de pays, sur le modèle des 270 monuments, dont 18 sites « emblématiques » (aque-
« Journées Portes ouvertes des monuments historiques » duc romain du Gier, château de Bussy-Rabutin… qui ont
créées en 1984 par le ministère de la Culture français. figuré sur les billets de loto vendus. Le premier tirage de
Ces manifestations locales dont les dates s’étalent de fin ce loto a lieu à l’occasion des Journées européennes du
août à début novembre, permettent au public la décou- patrimoine, les 15 et 16 septembre 2018. L’affectation
verte de nombreux édifices et autres lieux qui ne sont des fonds est déterminée par une convention entre le
souvent qu’exceptionnellement ouverts au public, ou ministère de la Culture et la Fondation du patrimoine. La
de musées dont l’accès devient alors provisoirement deuxième édition de la Mission Patrimoine se déroule en
gratuit ou à prix réduit. En 1991, le Conseil de l’Europe deux temps en 2019. Le tirage du Loto du Patrimoine a
institue officiellement des « Journées européennes du lieu le dimanche 14 juillet, pour la fête nationale. Le jeu
patrimoine », auxquelles l’Union européenne s’associe de grattage est quant à lui mis en vente pour les Jour-
en soutenant le bureau de coordination dans sa mission nées européennes du patrimoine (13 au 15 septembre).
de promotion internationale dont la création est alors
confiée aux Pays-Bas. En 1995, ce sont 34 pays européens
qui s’associent à la manifestation et 13 millions d’Euro-
Éléments de réponse aux questions p. 303
péens qui visitent les 26 000 monuments ouverts pour 1. Talleyrand utilise l’expression : « Les chefs-d’œuvre des
l’occasion. En 2000, six États supplémentaires (princi- arts sont de grands moyens d’instruction, dont le talent
pautés d’Andorre et de Monaco, Islande, Vatican, Macé- enrichit sans cesse les générations suivantes » ; il veut
doine, Ukraine) ouvrent les portes de leur patrimoine. dire par là que les édifices et objets d’art permettent
En 2002, la Turquie crée la même manifestation que les d’éduquer les enfants à l’art et à l’histoire, mais servent
pays européens. En 2001, Taïwan imite les 47 pays déjà aussi à former des citoyens.
associés à la manifestation, pourtant toujours qualifiée Pour lui, d’autres éléments méritent d’être protégés
d’européenne. En 2019, on compte plus d’une cinquan- comme les églises, les maisons devenues domaines natio-
taine de pays participant à cette opération. naux, mais aussi les dépôts des chartes, etc., c’est-à-dire
tout ce qui constitue ce qu’on appelle aujourd’hui les
archives.
Document 3
2. Les partenaires sont nombreux et sont aussi bien des
C’est par la loi n° 60-708 du 22 juillet 1960 (bien après acteurs publics (ministère de la Culture, musées natio-
la Suède en 1909), que le statut officiel de parc national naux), des acteurs privés (Lidl, Crédit Agricole, etc.) et des
est créé en France métropolitaine, par une loi élaborée institutions comme l’Union européenne.
par le ministère de l’Agriculture. Le premier parc natio- Pour les acteurs privés, le fait d’investir de l’argent
nal français, le parc national de la Vanoise, est créé le dans les opérations de valorisation du patrimoine leur
6 juillet 1963. En France, un parc national est une zone permet d’améliorer leur image auprès du public et, sur-
naturelle qui est classée du fait de sa richesse naturelle tout, de bénéficier de déductions fiscales.
exceptionnelle. Il a la particularité d’être structuré en
deux secteurs à la réglementation distincte : une zone

THÈME 4 Étude conclusive La France et le patrimoine, des actions majeures de valorisation et de protection 26
3. Les parcs nationaux en France ont principalement été Document 1
créés dans des sites naturels de montagne ou donnant
sur la mer. On retrouve dans ces zones une flore et une La fosse Arenberg de la Compagnie des mines d’Anzin
faune tout à fait exceptionnelles, qui nécessitent une est un ancien charbonnage du bassin minier du Nord-
protection particulière, décidée par les pouvoirs publics Pas-de-Calais, situé à Wallers. La fosse commence à
à partir de 1960 (date de création des parcs nationaux extraire en juin 1903. Très vite, elle devient un des sièges
en France). d’extraction les plus importants de la compagnie. Des
cités, avec école, école ménagère, église, salle des fêtes…
sont édifiées autour de la fosse. La Compagnie des mines
4. L’État français finance la restauration de monuments
d’Anzin est nationalisée en 1946, et intègre le Groupe de
remarquables, comme le château de Voltaire à Ferney,
Valenciennes. La fosse est choisie pour devenir l’un des
mais il a aussi créé une loterie et un jeu de grattage,
plus grands sièges de concentration du bassin minier.
dont les bénéfices sont affectés au patrimoine national.
Les crises pétrolières des années 1970 donnent à la fosse
Le député LR Gilles Carrez estime qu’il y a eu des coupes
quelques années de fonctionnement en plus. L’extrac-
budgétaires très importantes, et que les dividendes du
tion cesse à la fin du mois de mars 1989. Les installations
loto du patrimoine ne pourront les couvrir.
ont ensuite été sauvées grâce au tournage du film Ger-
minal qui accélère les premières mesures de protection
Synthétiser Dans leur paragraphe, les élèves doivent uti- (1992) et la patrimonialisation du site. La salle des fêtes
liser à la fois les documents et les informations tirées du et l’école ménagère sont inscrites aux Monuments his-
bloc Repères. Il s’agit de montrer que l’État français agit toriques en 2009. La fosse est classée le 22 février 2010,
tout d’abord en promulguant des lois visant à protéger quelques années après sa rénovation complète. La fosse
le patrimoine. Il complète les mesures législatives en Arenberg, la cité pavillonnaire de Bellaing, la cité de
sanctuarisant certains sites (parcs nationaux), mais éga- corons d’Arenberg, la salle des fêtes, l’école ménagère,
lement en menant des actions de promotion du patri- l’église Sainte-Barbe, l’école, le dispensaire de la Société
moine (via le ministère de la Culture) visant à mieux faire de Secours minière, la cité pavillonnaire du Nouveau
connaître les monuments, les édifices auprès du public. Monde et son école, les cités modernes de la Drève et du
Il n’hésite pas pour cela avec faire également appel aux Bosquet, l’école de la cité du Bosquet, la mare à Goriaux
acteurs privés (entreprises). et le terril plat no 171, ainsi que l’embranchement fer-
roviaire de la fosse, ont été inscrits le 30 juin 2012 au
Travailler à l’oral
patrimoine mondial de l’UNESCO. En septembre 2015, le
Les élèves peuvent utiliser les ressources à disposition
centre de création cinématographique « Arenberg Créa-
au CDI, mais aussi celles numériques (sites web…). Ils
tive Mine » est inauguré.
doivent donc citer notamment la date de l’inscription de
ce patrimoine, les entités gérant le site, les actions de
protection et de valorisation mises en place, les conflits Document 2
d’usage potentiels, etc.
Nœux-les-Mines a transformé l’un de ses terrils en piste
de ski artificielle, la deuxième plus vaste d’Europe, der-
rière celle d’Édimbourg en Écosse. Inaugurée le 25 mai
p. 304-305 Jalon 2 1996, la « station la plus basse de France » fonctionne
ainsi toute l’année. Elle était constituée d’une sorte de
Le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, paillasson en plastique vert fluo, arrosé en permanence
entre héritage culturel et reconversion par des buses automatiques pour faciliter la glisse et pour
éviter l’échauffement de la piste. Elle a subi un important
Ce jalon est centré sur le bassin minier du Nord-Pas-de- lifting en 2006, car son premier revêtement l’empêchait
Calais, une zone qui a vu se développer une intense acti- d’accueillir les planches de surf. Le domaine skiable offre
vité industrielle et minière entre le xixe et le xxe siècle. une hauteur de 74 mètres, la longueur de la piste est de
Néanmoins, celle-ci a énormément souffert dans les 320 mètres pour 35 mètres de large, avec une inclinaison
années 1970 et 1980, à la fois des effets de la crise qui va jusquʼà 28°, mais également trois tremplins, une
économique consécutive aux chocs pétroliers, et de la corniche de 2 m de haut, un champ de 21 bosses, un half
concurrence étrangère (charbon moins cher venant pipe de 44 m, trois rails de 5 m, un quarter pipe, et la pos-
de l’étranger). Cela a entraîné la fermeture de la tota- sibilité de pratiquer du ski ou du snowboard. L’originalité
lité des mines et une explosion du chômage dans ces du site a permis l’apparition d’une discipline : le skiath-
territoires. Dès les années 1970, la société civile (asso- lon, qui mélange la course à pied, le VTT et le ski. La piste
ciations, citoyens) et les collectivités territoriales ont attire plus de 30 000 skieurs par an, avec un pic de fré-
pris conscience de l’importance des différents sites, qui quentation (près de 20 000) entre décembre et mi-mars
constituaient autant de témoignages prégnants d’une quand elle sert à la population locale notamment de
activité industrielle désormais disparue, et donc de leur terrain d’entraînement en préparation d’un séjour aux
valeur patrimoniale et historique. Elles ont alors entamé sports d’hiver dans les stations de montagne. Près de ce
des démarches pour obtenir leur classement en tant terril se trouve une base nautique, ouverte généralement
que patrimoine remarquable (monuments historiques, entre avril et fin septembre. Elle accueille un téléski nau-
UNESCO). Les pouvoirs publics, de leur côté, ont sou- tique, une plage, des locations de pédalos et canoës, un
tenu ces projets et ont émis le souhait de voir se réali- minigolf et divers terrains de sport. L’ensemble, appelé
ser une reconversion économique afin de redynamiser Loisinord, est inauguré en 1994.
ces espaces.

THÈME 4 Étude conclusive La France et le patrimoine, des actions majeures de valorisation et de protection 27
Document 3 minier, c’est-à-dire un musée sur la mine, les hommes et
les activités. La création du site Loisinord a été portée
La fosse Delloye de la Compagnie des mines d’Aniche est par la municipalité de Nœux-les-Mines et il est mainte-
un ancien charbonnage du bassin minier du Nord-Pas-de- nant géré par la communauté d’agglomération de l’Ar-
Calais, situé à Lewarde. La fosse est commencée en 1911. tois. Le projet du Centre historique minier de Lewarde a
Les travaux sont interrompus par la Première Guerre reçu le soutien de l’État et des collectivités territoriales
mondiale et ne reprennent qu’en 1921 ; le puits est mis (région Pas-de-Calais à l’époque ; département du Nord,
en service en 1927, lorsqu’il a atteint la profondeur de commune de Lewarde). Les deux projets, malgré une
360 mètres. La Compagnie des mines d’Aniche est natio- baisse de fréquentation, peuvent être envisagés comme
nalisée en 1946, et intègre le Groupe de Douai. Des cités des réussites, car ils ont créé de l’emploi et ils perdurent
de taille relativement modeste sont alors construites, dans le temps.
la Compagnie d’Aniche n’en ayant pas bâti. La fosse
ferme en 1971. En 1973, les Houillères décident de créer 3. Dix sites du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, pour-
un musée de la mine sous l’impulsion d’Alexis Detruys, tant classés, sont menacés de ruine, car leur entretien
secrétaire général du bassin du Nord-Pas-de-Calais, et nécessite des investissements financiers énormes, que
le site de la fosse Delloye est choisi. Le Centre histo- ne peuvent pas assumer la plupart des municipalités qui
rique minier ouvre ses portes en 1984. La fosse Delloye les hébergent. Plusieurs actions sont envisagées pour les
constitue avec la fosse Arenberg un des sites majeurs sauver : une souscription nationale, mais aussi la sollici-
de la mémoire du bassin minier. En plus de présenter au tation de fonds provenant des collectivités territoriales,
public toutes les installations d’une fosse du xxe siècle, de l’État et de l’Union européenne.
y compris des galeries reconstituées, le Centre histo-
rique minier possède également 2 700 mètres linéaires
Synthétiser Les élèves doivent d’abord mettre en évi-
d’archives, parmi lesquelles on trouve 7 000 ouvrages,
dence que les politiques de reconversion ont pris plu-
550 000 documents photographiques, 500 films, 350 vidé-
sieurs aspects : la fosse Arenberg a été sauvegardée,
ogrammes et 300 enregistrements sonores. Le 21 sep-
est devenue un site touristique, mais aussi un centre
tembre 2009, les installations de surface sont classées
de recherche. Le terril et le charbonnage de Nœux-
aux monuments historiques. La fosse Delloye a été ins-
les-Mines ont été transformés en une piste de ski et un
crite le 30 juin 2012 au patrimoine mondial de l’UNESCO.
centre de loisirs aquatiques. Alors que la fosse Delloye
à Lewarde s’est métamorphosée en un musée. De nom-
Document 4 breux acteurs ont pris part à ses projets : dans chaque
cas, les municipalités sont parties prenantes ; mais
Sur les 353 éléments du bassin minier Nord-Pas-de-Ca- on retrouve aussi les autres collectivités territoriales
lais inscrits, en 2012, sur la Liste du patrimoine mondial (département, région), l’État, voire l’Union européenne.
de l’UNESCO, dix sites sont menacés, et particulièrement Les acteurs privés (entreprises) peuvent également ame-
trois chevalements : celui de la fosse n° 6 à Haines-lez-la- ner des fonds, et les associations jouent aussi un rôle
Bassée ; la fosse 5 à Billy-Berclau ; la fosse 2 de Flinnes à dans la sensibilisation des populations locales et dans
Anhiers. Ils ont en commun de ne pas appartenir aux com- l’exposition médiatique de situation concernant les sites
munes mais à divers propriétaires. Si on prend chaque (potentialités ou, au contraire, dégradations, etc.).
chevalement, il faut minimum 1 à 1,5 million d’euros
juste pour les travaux de consolidation, les travaux de Travailler autrement
reconversion représentent des investissements encore Le compte rendu réalisé par les élèves doit suivre la
plus énormes. C’est pourquoi une souscription nationale trame proposée par le reportage de France 3 : tout
« Patrimoine minier en danger » (www.fondation-patri- d’abord, l’inscription validée par l’UNESCO du bassin
moine.org/les-projets/patrimoine-minier-en-danger) a minier du Nord-Pas-de-Calais au patrimoine mondial.
été lancée au siège de l’UNESCO en 2019 par la Fonda- Cette réussite est à mettre au crédit d’associations qui
tion du patrimoine et la Mission Bassin minier. Il s’agit de se sont mobilisées pour la reconnaissance de cet espace
lever des fonds autant que de sensibiliser les pouvoirs historique singulier, mais aussi à la pugnacité du maire
publics à l’importance de ce patrimoine. de Loos-en-Gohelle, Jean-François Caron. Celui-ci espère
que cela va amener du dynamisme à ce bassin minier qui
a largement été frappé par une crise économique, prin-
Éléments de réponse aux questions p. 305 cipalement dans les années 1970 et 1980 avec la ferme-
1. Les éléments de l’ancienne fosse d’Arenberg (cheva- ture des mines, mais qui a perduré ensuite. Les bénéfices
lements, puits, etc.) ont été conservés pour leur valeur attendus de ce classement au patrimoine mondial sont
patrimoniale, car ils représentent une architecture sin- d’abord une médiatisation accrue, et, certainement, des
gulière issue du monde industriel. De plus, leur préserva- retombées économiques provenant de la mise en tou-
tion a permis de se servir du site comme lieu de tournage risme de cet espace, qui suit généralement l’annonce de
du film Germinal. Aujourd’hui, le site est à la fois un lieu l’UNESCO.
touristique, mais également le siège d’un centre de
recherche dédié à l’image et aux médias numériques.

2. Le terril de la ville de Nœux-les-Mines a été trans-


formé en une piste de ski artificielle, et le site abrite un
centre de loisirs aquatiques (Loisinord) ; la fosse Delloye
à Lewarde a été reconvertie en un Centre historique

THÈME 4 Étude conclusive La France et le patrimoine, des actions majeures de valorisation et de protection 28
p. 306-307 Jalon 3 mettre en relation ce document et ce thème avec l’Axe
1 du Thème 4 sur les usages politiques et sociaux du
patrimoine, et notamment le Jalon 1 sur les usages du
Le patrimoine, facteur de rayonnement château de Versailles (et le document 5 sur l’utilisation
culturel et objet d’action diplomatique de Versailles). Ici, c’est le château de Chantilly qui est le
théâtre de la rencontre entre le chef de l’État français et
Ce Jalon aborde le thème du patrimoine français (maté-
le Premier ministre indien Narendra Modi, avec, à la clé,
riel et immatériel) qui est, depuis longtemps, un outil
des négociations importantes concernant des ventes de
au service de la diplomatie française, qui cherche, en
réacteurs nucléaires EPR et des avions de chasse Rafale.
l’utilisant, à faire rayonner la France dans le monde et à
accroître sa notoriété au niveau international. Les diplo-
mates et les dirigeants français mettent ainsi en avant
le patrimoine architectural français à l’étranger (doc. 1 Document 3
l’ambassade de France en Thaïlande), mais aussi celui Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les rela-
du territoire national (doc. 2 le château de Chantilly). tions entre la France et les États-Unis sont à la fois cor-
Il s’agit ainsi de promouvoir l’image de la France, mais diales et nuancées. Lors de la guerre froide, la priorité
également en invitant les chefs d’État étrangers dans des Américains est de lutter contre la montée du com-
des lieux prestigieux, de les mettre dans de bonnes dis- munisme dans le monde. À la fin des années 1950, les
positions afin de mener des négociations à l’avantage de États-Unis, en désaccord avec la politique de la France
notre pays. Ils disposent d’un autre atout pour réaliser face à la guerre d’Algérie, accueillent favorablement
ces objectifs : la réputation d’excellence dont bénéficie l’arrivée de Charles de Gaulle au pouvoir. De son côté,
la gastronomie française qui a été considérée par des celui-ci émet des réserves à l’égard de la superpuissance
hommes politiques (Talleyrand, L. Fabius) comme une d’outre Atlantique. Il conteste la politique américaine
« arme » au service des intérêts français. voulant dominer l’Europe. Refusant l’influence des États-
Unis et celle de l’URSS, Charles de Gaulle prône la sou-
veraineté et l’indépendance de la France dans tous les
Document 1 domaines : politique, économique, militaire… C’est donc
Les Journées européennes du patrimoine concernent dans un contexte tendu que le chef de l’État français
également les monuments français à l’étranger, notam- accueille John Fitzgerald Kennedy en 1961. Du 31 mai
ment les ambassades. Dans le cadre de cette opéra- au 2 juin, le Président américain et son épouse Jackie
tion, certaines sont ouvertes au public. L’ambassade Kennedy sont en voyage officiel en France et sont reçus
de France en Thaïlande est la représentation diploma- au palais de l’Élysée par de Gaulle. Le 1er juin, un dîner de
tique de la République française auprès du royaume gala dans la galerie des Glaces du château de Versailles
de Thaïlande. Elle est située à Bangkok, la capitale du est offert en l’honneur du couple présidentiel. Lors de
pays. La photographie montre l’édition de 2018 des cette visite, les Français ont beaucoup apprécié la « Pre-
Journées européennes du patrimoine, mais cet événe- mière Dame » américaine et sa parfaite maîtrise de notre
ment s’est poursuivi en 2019. Ci-après un extrait du site langue due à ses origines françaises. De cette rencontre
web de l’ambassade concernant son bilan : « Une aug- au sommet va naître une estime mutuelle entre les deux
mentation de 100 % des visiteurs à l’ambassade et à la hommes d’État, interrompue tragiquement par l’assassi-
résidence de France à Bangkok dimanche dernier par nat de Kennedy, le 22 novembre 1963 à Dallas. Charles
rapport à l’année dernière [en 2018] : c’est la marque du de Gaulle se rendra à Washington pour ses obsèques.
grand succès des Journées européennes du patrimoine
le 16 septembre dernier. […] Reçus par des membres du
personnel de l’ambassade puis guidés par des volon- Document 4
taires du Musée national et des membres du Service de
En complément à ce document, un extrait d’un article de
coopération et d’action culturelle de l’ambassade, les
Philippe Faure et Jean-Claude Ribaut paru dans la revue
quelque 2 000 visiteurs ont ensuite découvert ces murs
Géoéconomie en 2016 [voir la sitographie] : « La diplo-
chargés d’histoire, entre œuvres d’art, masques de khon
matie a de tout temps regardé l’art culinaire comme
et anciens panneaux de bois, lesquels sont des vestiges
un moyen d’améniser la négociation, de créer une
des premiers bâtiments de la fin du xixe siècle. L’occasion
ambiance de détente, sinon de bonne humeur, autour de
rêvée de se plonger dans les profondeurs historiques de
discussions ardues ou crispantes : “Peut-on douter que ce
relations franco-thaïes, […]. M. Jacques Lapouge, ambas-
soit la France qui ait apporté le plus d’ingéniosité dans
sadeur désigné de France en Thaïlande, s’est mêlé aux
l’exploitation de cette technique paraprotocolaire ?”
visiteurs, leur souhaitant la bienvenue sur la véranda […].
écrivait Albert Mousset dans Le Monde Diplomatique en
90 % des visiteurs étaient thaïlandais, ce qui atteste de
1956. La légende d’un Talleyrand se rendant au Congrès
l’étroitesse des liens entre les deux, mais une propor-
de Vienne pour solder les conséquences de l’épopée
tion importante de Français, des Belges, des Anglais et
napoléonienne, accompagné d’Antonin Carême, le plus
des Russes ».
célèbre cuisinier de l’époque, a entretenu longtemps le
sentiment d’une invulnérabilité de la cuisine française.
Fin diplomate et gourmet avisé, Talleyrand écrivait au
Document 2
roi Louis XVIII, à la veille de son départ : “Sire, j’ai plus
Le Président Emmanuel Macron, comme ses prédéces- besoin de casseroles que d’instructions écrites”. Au
seurs, ne se prive pas d’utiliser le patrimoine français Palais Questenberg-Kaunitz où s’installe la brigade de
à des fins politique et diplomatique. Il faut d’ailleurs Carême, de septembre 1814 à juin 1815, le “Congrès

THÈME 4 Étude conclusive La France et le patrimoine, des actions majeures de valorisation et de protection 29
s’amuse”. La magnificence des banquets subjugue les du congrès de Vienne par Talleyrand pour le compte
Altesses, Metternich et tous les plénipotentiaires de la de Louis XVIII, afin d’amoindrir les répercussions de la
Quadruple Alliance. La gastronomie mise au service de défaite de Napoléon et du désir des autres souverains
la diplomatie scellait pour un siècle le destin de l’Europe. européens d’abaisser la puissance française. Le ministre
De nos jours, la plupart des pays considèrent la gastro- des Affaires étrangères de François Hollande, Laurent
nomie comme une composante habituelle des relations Fabius, développe l’idée de promouvoir la gastrono-
internationales. Hillary Clinton elle-même a lancé, en mie française dans le monde avec le festival « Goût de
2012, le Diplomatic Culinary Partnership (Partenariat France/Good France », car celle-ci génère d’importants
diplomatique culinaire), qui visait, en faisant intervenir revenus ; pour cela, il mobilise des chefs connus mondia-
plusieurs dizaines de chefs cuisiniers de tout le pays, à lement comme Alain Ducasse.
faire reconnaître le rôle de la cuisine dans la diplomatie
américaine ».
p. 310-311 Exercices Bac
Éléments de réponse aux questions p. 307
1. Les bâtiments qui abritent les ambassades de France à Exercice 1
l’étranger sont ouverts au public. Le but est de leur faire Pour l’accroche de cette introduction, les élèves peuvent
découvrir non seulement l’architecture de l’édifice, ses utiliser la déclaration de Barrère de Viuezac, prononcée
objets et/ou collections, mais aussi l’histoire des rela- devant l’Assemblée constituante le 26 mai 1791, inscrite
tions entre la France et le pays d’accueil (via une exposi- dans la double page cours : « Les révolutions des peuples
tion généralement). barbares détruisent tous les monuments et la trace des
arts semble effacée. Les révolutions des peuples éclairés
2. Emmanuel Macron se sert du château de Chantilly, l’un les conservent, les embellissent ». Ils peuvent l’exploiter
des plus beaux en France et très connu par les Indiens, en précisant que ce député estime essentiel de préserver
pour montrer l’estime qu’il porte à son invité de marque, les monuments remarquables et les objets, ce qui est un
le Premier ministre indien Narendra Modi. En l’accueil- des objectifs de l’Assemblée depuis les préconisations
lant somptueusement dans ce haut-lieu du patrimoine faites par Talleyrand.
français, il va chercher à le mettre dans de bonnes dispo- Dans la contextualisation, il faut indiquer que les pré-
sitions afin de mener des négociations fructueuses avec mices de la politique du patrimoine apparaissent au
lui (concernant la vente de réacteurs nucléaires EPR et moment de la Révolution française et évoquer les pre-
d’avions de chasse Rafale à l’Inde). mières mesures prises par les députés constituants.
En ce qui concerne le plan, il semble nécessaire
3. Le but pour Charles de Gaulle était d’améliorer les d’en adopter un qui soit chronologique, car les bornes
relations franco-américaines relativement tendues à s’étalent de 1789 à nos jours. Les parties montreront
cette époque-là. Il organise pour le Président améri- les évolutions de cette politique du patrimoine dans le
cain et sa femme la visite du domaine de Versailles et temps : de 1830 à 1930 : la naissance de la politique du
un somptueux dîner le 1er juin 1961. Les deux invités sont patrimoine ; entre 1930 et 2003, un élargissement de la
fortement impressionnés. De là découle une entente notion de patrimoine ; et, enfin, depuis 2003, une poli-
mutuelle entre les deux présidents. tique qui compte de nouveaux acteurs (collectivités ter-
ritoriales) et qui s’inscrit dans un cadre mondialisé.
4. Talleyrand faisait servir beaucoup de vin à table pour
« délier les langues », c’est-à-dire pousser les diplomates
à révéler des secrets qu’ils n’auraient pas divulgués à Exercice 2
jeun. De même, les excellents déjeuners et dîners créent La biographie fournie est courte. Les élèves doivent donc
une atmosphère cordiale, propice à la négociation. la compléter par des recherches utilisant les ressources
du CDI et celles que l’on peut trouver sur Internet.
Synthétiser Les élèves doivent développer ces différents Ils doivent articuler leur exposé autour de plusieurs
éléments : parties : une première pourrait être consacrée à la pré-
–– Les chefs de l’État français et leurs diplomates ont sentation de Viollet-le-Duc (jeunesse, formation, profes-
compris depuis longtemps l’utilisation politique et diplo- sion) ; la deuxième pourrait être axée sur son importante
matique qui pouvait être faite du patrimoine. œuvre de restauration dans toute la France, mais qui sus-
–– Les lieux remarquables et la finesse de la gastronomie cite des critiques de certains de ses contemporains, car il
française permettent de créer une atmosphère propice ne restaure pas « à la mode de l’époque » et n’hésite pas
aux négociations. à inventer des styles architecturaux (le néogothique) ;
–– De même, la valorisation du patrimoine français qui enfin, la dernière partie pourrait se concentrer sur la
est ponctuellement ouvert au public sert la France en postérité de Viollet-le-Duc : certains édifices transformés
lui permettant de mieux faire connaître son histoire, sa par lui sont considérés comme des chefs-d’œuvre et ne
culture, et d’améliorer son image. sont pas remis en question, alors que d’autres (basilique
Saint-Sernin à Toulouse) ont été dérestaurés.
Travailler à l’oral
Les élèves doivent synthétiser et organiser les différents
éléments apportés par l’émission. Ils peuvent struc-
turer leur exposé avec une logique chronologique : la
« gastrono-diplomatie » a été utilisée au xixe siècle lors

THÈME 4 Étude conclusive La France et le patrimoine, des actions majeures de valorisation et de protection 30
Exercice 3 la Française des jeux, qui est une société anonyme, mais
dans laquelle l’État français détient des parts. Enfin, on
1. Ce document est une affiche ; il s’agit d’une campagne voit la photographie du présentateur Stéphane Bern,
nationale d’appel aux dons pour le patrimoine en péril. chargé par le Président Emmanuel Macron de promou-
Le commanditaire de l’affiche est la Fondation du patri- voir le loto du patrimoine.
moine.

2. Cette affiche a été réalisée en 2018. 5. L’affiche insiste sur la situation catastrophique de cer-
tains sites ou édifices patrimoniaux en France, qui sont
en ruines ou menacés par la ruine.
3. Le décor utilisé pour l’affiche est le théâtre de Mire-
court (département des Vosges). Le choix du concepteur
de l’affiche s’est porté sur ce théâtre précis car il a été 6. L’affiche s’adresse avant tout aux Français qui sont
classé monument historique, et, pourtant, il est en ruine. invités à verser des dons à la Fondation du patrimoine,
chargée de récolter des fonds pour financer les travaux
de restauration de certains sites en péril. La campagne
4. On constate la présence de nombreux acteurs sur cette
vise également les entreprises en espérant que certaines
affiche : tout d’abord la Fondation du patrimoine qui est
se positionnent en tant que mécène.
l’auteur de celle-ci. On peut observer les logos du minis-
tère de la Culture (représentant l’État français), celui de

THÈME 4 Étude conclusive La France et le patrimoine, des actions majeures de valorisation et de protection 31
BAC p. 314-315 Dissertation : sujet guidé
SUJET : Le patrimoine et ses enjeux : nécessités, limites et débats
2. Plan détaillé sous forme de tableau
Parties Idées Exemples
I. Une nécessité • Protéger le patrimoine en danger • Le petit patrimoine local est oublié, succès
Pour protéger, restaurer et de l’initiative du Loto du patrimoine en 2018
valoriser le patrimoine • Restaurer le patrimoine • Des grands programmes de restauration :
Carcassonne
• Valoriser le patrimoine pour en faire • Les derniers aménagements du Mont Saint-
un atout économique Michel, la passerelle et la destruction de la
route d’accès.
II. Les limites de • Risque de muséifier les centres-villes • Le centre de Paris, ville musée, spéculation
la patrimonialisation foncière. Dans les plus petites villes : Sarlat
Muséifier les villes, surexploiter en Dordogne
les sites, mettre en danger • Surexploitation de certains sites • Venise, les pyramides d’Égypte
les patrimoines des pays les patrimoniaux par le tourisme de masse
pauvres • Protection du patrimoine dans les • Le Machu Picchu, le temple d’Angkor
pays développés mais pas forcément souffrent de la surexploitation touristique
dans les pays en développement
III. Les débats liés au patrimoine • Faut-il refuser des apports • La question se pose sur la restauration de
Le patrimoine est devenu contemporains ? Notre-Dame de Paris et avant sur le Haut-
un enjeu de société : Koenigsbourg.
pour l’architecture • Doit-on patrimonialiser le vivant ? • La forêt amazonienne doit-elle être protégée
contemporaine, comme un patrimoine ?
pour l’environnement, • Doit-on rendre les œuvres confisquées • Les crânes surmodelés mélanésiens
pour l’histoire et l’éthique durant la colonisation ?

3 et 4.
Reprise des principaux arguments : Le patrimoine est devenu une nécessité pour les sociétés
contemporaines, elles ont pris conscience que les vestiges du passé doivent être protégés, res-
taurés et aussi valorisés. Cette patrimonialisation montre cependant certaines limites, elle est
parfois excessive, elle favorise la surexploitation de certains sites devenus très touristiques. Ce
phénomène est réservé aux pays développés, on peut parfois constater l’abandon de certains
vestiges aux pillards ou au tourisme sauvage dans les pays les plus pauvres.

Réponse à la problématique : Le patrimoine est donc devenu un enjeu central dans les sociétés
contemporaines.
Ouverture du sujet : La mise en valeur du patrimoine est bien devenue une stratégie de
développement économique. La France ou encore l’Italie entretiennent leur patrimoine pour
des raisons scientifiques, historiques mais aussi économiques.

p. 316-317 Dissertation : sujets d’entraînement


SUJET 1 : Les enjeux politiques du patrimoine de 1789 à nos jours
Le patrimoine peut-il être un outil efficace d’identité, d’éducation et de développement ?
I. Protéger le patrimoine pour construire une identité, une nation
A. Protéger le patrimoine face au vandalisme révolutionnaire
B. Les biens nationaux et la construction de la notion de patrimoine national
II. Valoriser le patrimoine pour en faire une richesse
A. Inventorier et restaurer
B. Valoriser le patrimoine par le tourisme
III. Élargir la notion de patrimoine pour plus de démocratie et d’éducation
A. Du patrimoine aux patrimoines : industriel et immatériel
B. Un patrimoine accessible à tous, le difficile projet d’une culture pour tous

THÈME 4 BAC 32
SUJET 2 : pourquoi protéger et valoriser le patrimoine ?
Quels sont les enjeux du patrimoine dans nos sociétés ?
I. Le patrimoine est devenu une nécessité pour tous les États, les régions, les villes, les villages
A. Le patrimoine pour forger une identité
B. Patrimoine régional/Patrimoine national : des projets concurrents ?
II. Une notion élargie du patrimoine qu’il faut désormais protéger
A. Du petit patrimoine au patrimoine industriel et immatériel
B. Mobiliser les acteurs publics et privés pour financer et protéger ces patrimoines
III. Valoriser le patrimoine pour en faire une richesse mais aussi un instrument d’éducation
A. Quel rôle peuvent jouer l’État et les collectivités territoriales
B. Le patrimoine un outil d’éducation pour tous

SUJET 3 : Les destructions du patrimoine : de l’indifférence aux usages du tourisme


de masses et aux destructions
Comment la notion de patrimoine s’est construite sur l’idée première de sa protection
I. L’ère de l’indifférence : un patrimoine sans protection avant 1789 (pour la France)
A. Le patrimoine avant l’idée de protection
B. Le rôle déterminant de la Révolution française
II. La destruction ou les dégradations par un tourisme de masse
A. La mise en place d’un tourisme de masse depuis les années 1960
B. Travers et limites du tourisme de masse
III. La destruction du patrimoine, une stratégie nihiliste
A. Les destructions du patrimoine comme acte terroriste
B. La victoire de l’idée d’héritage et de patrimoine dans toutes les sociétés

p. 318-319 Étude de document : sujet guidé


SUJET : Le classement au patrimoine mondial de l’UNESCO
1.
Thèmes Citation du document Pistes d’analyse
La patrimonialisation « institutionnaliser la La diffusion de l’idée de patrimoine.
pour renforcer notion de patrimoine Comment expliquer cette inflation ?
l’idée d’un héritage mondial » (doc. 1, Il y a une course aux labels et celui de l’UNESCO
collectif, objet de lignes 4-5) est le plus prestigieux.
fierté locale « Le nombre de biens → Rechercher d’autres exemples de lieux inscrits
inscrits ne cesse au patrimoine mondial de l’UNESCO. Canal du
de croître » (doc. 1, Midi, cathédrale de Chartres
lignes 5-6) Comment l’inscription à l’UNESCO mobilise-t-elle
« Les monuments font les habitants et participe-t-elle à une prise de
également partie du conscience de la qualité du patrimoine local ?
quotidien des Nîmois Fierté locale, implication des habitants à la
qui les côtoient chaque valorisation
jour avec fierté » Comment une candidature à l’UNESCO permet-
(doc. 2) elle de renforcer la préservation d’un site ?
La valorisation du patrimoine devient une priorité
pour la municipalité
Le développement « Un exemple est donné Pourquoi la ville du Havre avait-elle besoin
économique par Le Havre (2005) qui de valoriser un patrimoine pourtant assez
et touristique a explicitement préparé récent ? Quelle est, en général, la perception
son inscription dans le de l’architecture contemporaine d’Auguste Perret ?
but de développer une En grande partie détruite pendant la Seconde
économie touristique. » Guerre mondiale, la ville du Havre reconstruite
(doc. 1, lignes 25-28) selon les plans d’Auguste Perret est très critiquée,
mal-aimée. Son inscription au Patrimoine
de l’UNESCO a changé en partie le regard
de ses habitants et l’image de la ville

THÈME 4 BAC 33
La dimension « utilisé pour de La ville de Nîmes se défend d’être une ville-musée.
environnementale et nombreux évènements
les effets du tourisme et spectacles » (doc. 2) Quel est le risque de patrimonialiser des
de masse monuments ?
« Plus que l’efficacité Une ville sans habitants, une ville qui développe
économique, il faudrait une mono-activité
donc interroger la
compatibilité entre Quels sont les travers de la surexploitation
développement touristique d’un patrimoine ?
durable et promotion Dégradation du patrimoine, augmentation des
des sites du patrimoine prix, spéculation foncière
mondial » (doc. 1, lignes → Reprendre l’exemple de Venise. Le centre-ville
43-46) est déserté par les Vénitiens. La ville est envahie
par les touristes, Venise une étape des paquebots
« La surspécialisation de croisière.
touristique » (doc. 1,
ligne 39)

3. L’inscription d’une ville comme Nîmes au patrimoine mondial de l’UNESCO est un véritable
enjeu stratégique pour cette collectivité territoriale. Elle permet de mobiliser les habitants mais
aussi de les rendre fiers de leur patrimoine en renforçant l’adhésion à une identité locale. Ce label
a un impact direct sur le développement économique et touristique de la ville. Mais l’afflux de
touristes en masse nécessite des équipements et une prise en compte du développement durable.
Les exemples de réussite de villes tels que Carcassonne, Albi ou Strasbourg ont donné les mêmes
ambitions à des villes en quête de reconnaissance comme Nice ou Metz.

p. 320-321 Étude de document : sujet guidé


SUJET : La place de l’art contemporain dans le patrimoine
I. Une œuvre contemporaine contestée sur un site historique, le Palais-Royal
A. Le Palais-Royal, un édifice central dans Paris
B. Daniel Buren, un artiste déjà reconnu
II. Une bataille politique entre « modernes » et « anciens » entre la mairie de Paris
et le ministère de la Culture, entre la gauche et la droite.
A. Le contexte de l’alternance et de la cohabitation
B. Les antagonismes « modernes » contre « anciens »
III. Une bataille artistique sur la place que peut avoir l’art contemporain dans une ville
au si riche patrimoine
A. Paris et ses transformations : les Halles, le Centre Pompidou, la pyramide du Louvre
B. La victoire de Buren et de ses audaces

p. 324-325 Vers le Sup’ : rédiger une note de synthèse


SUJET : Le Familistère de Guise : protection, valorisation et patrimonialisation d’un site
industriel et d’une utopie
Il est possible de compléter les documents par l’utilisation de ressources sur le site
du Familistère : https://www.familistere.com/fr

Il est possible de faire un parallèle avec un autre site industriel patrimonialisé et valorisé :
la Saline royale d’Arc-et-Senans. https://www.salineroyale.com/accueil/

THÈME 4 BAC 34
L’environnement, entre exploitation
5
Thème

et protection : un enjeu planétaire


La logique du thème
Le Thème 5 traite de l’environnement, que l’on peut définir comme « la combinaison des éléments
naturels […] et socio-économiques qui constituent le cadre et les conditions de vie d’un individu,
d’une population, d’une communauté à différentes échelles spatiales » (Géoconfluences). L’intérêt
est ici d’aborder les interactions qui existent entre les sociétés et l’environnement. D’une part les
milieux influencent fortement les sociétés, qui s’y adaptent, en exploitent les ressources et en maî-
trisent les contraintes à des degrés divers. Mais en retour, les sociétés transforment profondément
les milieux sous l’effet de différentes dynamiques qui tendent, historiquement, vers une artificia-
lisation croissante. Toutefois les sociétés cherchent également à protéger l’environnement ou à
l’exploiter d’une façon plus durable. La question environnementale soulève aujourd’hui des enjeux
géopolitiques importants, à la fois parce qu’elle induit ou renforce les inégalités entre espaces
et entre populations, mais aussi parce qu’elle est devenue un enjeu majeur des relations inter-
nationales.
Le document choisi en ouverture du chapitre permet d’interroger ces différentes dimensions sous
un angle aussi bien historique que géographique. Le territoire américain s’est construit selon un
rapport très spécifique à l’environnement, avec une volonté de conquête et de maîtrise, voire de
domination, ancrée dans la culture états-unienne. Mais ces représentations sont aussi à l’origine de
la toute première politique de protection des espaces naturels au monde. L’affiche de promotion
du parc de Yellowstone, au travers d’une esthétique assez caractéristique des années 1930, met en
scène l’un des geysers du parc (surnommé « Old Faithful »), des phénomènes naturels particulière-
ment spectaculaires qui ont fait la renommée mondiale de cette réserve, gérée au niveau fédéral
(« US Department of the interior, National Park service ») aujourd’hui classée au Patrimoine mon-
dial de l’UNESCO. Pour autant les mentions en haut à droite de l’affiche (« nature walks, field trips »)
montrent bien que les objectifs ne sont pas strictement environnementaux mais aussi touristiques.
En effet, la création du parc tient beaucoup à l’action d’une des grandes compagnies ferroviaires
transaméricaines, la Northern Pacific, qui avait d’ailleurs financé l’expédition à l’origine de l’idée
de création d’un espace protégé.
Pour aller plus loin sur l’origine des politiques de conservation aux États-Unis, on peut utile-
ment se référer aux travaux de Samuel Depraz et Stéphane Héritier, par exemple au travers
de cet article accessible en ligne : Depraz, Samuel, et Stéphane Héritier. « La nature et les
parcs naturels en Amérique du Nord », L’Information géographique, vol. 76, nº 4, 2012, pp. 6-28.
https ://www.cairn.info/revue-l-information-geographique-2012-4-page-6.htm

p. 328-329 Introduction de partis « verts » centrés sur l’écologie et la défense de


l’environnement, avant de se généraliser dans le débat
L’environnement : une construction politique contemporain.

historique, sociale et politique


Document 1
La protection de l’environnement n’a pas toujours été
une préoccupation centrale pour les sociétés. Celle-ci Le rapport Meadows, aussi connu sous le nom de « rap-
a progressivement émergé au cours du temps. C’est la port du Club de Rome » constitue un tournant dans
transformation croissante des milieux, opérée depuis le l’émergence d’une question environnementale aussi
Néolithique (maîtrise de l’agriculture et de l’élevage), bien dans le champ social que dans le champ politique.
mais fortement accélérée depuis la révolution indus- Dirigé par des chercheurs du Massachusetts Institute of
trielle, qui entraîne une prise de conscience sociale au Technology parmi lesquels Donna et Dennis Meadows,
travers du constat de dégradations croissantes et mul- ce rapport, commandé par le Club de Rome, un think
tiformes (artificialisation, pollutions, réchauffement cli- tank qui se penche sur les problèmes de développement,
matique et leurs effets sanitaires). Devenu problème de est la première étude qui mette en évidence, à l’échelle
société, l’environnement entre aussi dans le champ poli- globale, les « limites à la croissance » (sous-titre du rap-
tique vers la fin du xxe siècle, d’abord par l’intermédiaire port). En considérant différents phénomènes comme la

THÈME 5 Introduction Qu’est-ce que l’environnement ? 1


croissance démographique et le rythme de consomma- ont « du mal à respirer, toussent, tombent malades »)
tion des ressources terrestres, les chercheurs élaborent et sont également sensibilisées par des travaux scienti-
des hypothèses pessimistes qui mettent en question le fiques médiatisés, comme le rapport Meadows.
futur de l’humanité, et affole par ses scénarios particu-
lièrement dramatiques. Le rapport est fondateur d’une 2. La prise de conscience environnementale en France
approche préconisant la « croissance zéro », considé- s’opère, comme dans la plupart des pays du Nord, au
rée par certains chercheurs comme la seule à même de cours des années 1970 (doc. 3) ; à la suite des Trente Glo-
garantir un équilibre relatif. Ces débats annoncent les rieuses, période de prospérité caractérisée par une forte
prémisses de l’élaboration de la notion de développe- croissance économique, une importante consommation
ment durable. de ressources et une phase de croissance démogra-
phique (Baby-Boom), la crise causée par le premier choc
pétrolier ébranle les sociétés (inquiétude autour des res-
Document 5 sources).
On peut attirer l’attention des élèves sur plusieurs élé- En Chine (doc. 5), comme dans la plupart des pays du
ments : Sud, ces préoccupations environnementales sont plus
–– Le lien entre développement socio-économique, récentes, car la croissance économique (décollage éco-
appari­tion d’une classe moyenne et émergence d’une nomique de la Chine dans les années 1980) et démogra-
conscience environnementale comme nouvelle préoc- phique (transition démographique) est décalée dans le
cupation sociale. temps et plus récente que dans les pays du Nord.
–– La généralisation de cette prise de conscience en lien Par ailleurs, cette prise de conscience est portée, dans
avec l’ampleur des problèmes environnementaux que les deux cas, par les classes moyennes, qui apparaissent
pose la croissance chinoise, en particulier autour de la et se développent beaucoup plus récemment dans les
question de la pollution atmosphérique. On peut citer pays du Sud, en particulier dans les pays émergents
par exemple le documentaire Under the dome, réalisé comme la Chine.
par Chai Jing, qui, en dépit de la censure, aurait été vu
plus de 150 millions de fois en Chine. 3. La prise en compte de l’environnement dans le
domaine politique est récente, mais va en se renforçant :
–– Le rôle des manifestations et des réseaux sociaux dans
la diffusion de ces nouvelles préoccupations. Le gouver- –– Création d’institutions, d’instances ou de ministères
nement chinois, depuis les années 2010, a tendance à dédiés à la question environnementale (doc. 3). En France
laisser davantage s’exprimer les mécontentements envi- le premier ministère « de la Protection de la nature et
ronnementaux et sociaux, tandis qu’il cède très peu sur de l’environnement » est créé en 1971. En Chine, il existe
les revendications politiques. un ministère de la Protection de l’environnement depuis
2008.
Quelques ressources sur l’essor de l’écologie –– Apparition de partis politique dits « verts » (doc. 4), cen-
en Chine : trés sur les questions écologiques comme Die Grünen en
–– Guillaume Pitron, « En Chine, la ligne rouge du virage Allemagne fondé en 1980, ou encore Les Verts, fondé en
vert », Le Monde diplomatique, juillet 2017, p. 6-7. France en 1984.
–– Sébastien Goulard, « Les réactions sociales face aux –– Mise en place de politiques diverses destinées à pro-
défis environnementaux en Chine », Géoconfluences, téger l’environnement : dans le cas de la Chine (doc. 5)
2016, disponible en ligne : http://geoconfluences.ens- infléchissement de la politique énergétique ou de la
lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-regionaux/ position de l’État dans les négociations climatiques et
la-chine/articles-scientifiques/defis-environnementaux environnementales internationales.
–– Charles Vally, « Sous le dôme : le film sur la pollution
qui secoue la Chine », Libération, 2015, https://www.libe-
ration.fr/planete/2015/03/03/sous-le-dome-le-film-sur- p. 330-331 Introduction
la-pollution-qui-secoue-la-chine_1213269
Un regard sur l’histoire
Éléments de réponse aux questions p. 329 de l’environnement
1. Dans la seconde moitié du xxe siècle, plusieurs phéno­ Nouvelle aspiration sociale, nouvelle préoccupation
mènes amènent à une prise de conscience collective de dans le champ politique, l’environnement s’affirme aussi
la dégradation croissante de l’environnement et de la comme objet d’étude au sein des sciences sociales. C’est
nécessité de le protéger : le cas en particulier en histoire, avec l’apparition et le
–– Une croissance démographique rapide (doc. 1, 2) : la développement d’une nouvelle branche dans la disci-
population mondiale a en effet triplé depuis 1950, pas- pline, l’histoire environnementale. Celle-ci vise aussi
sant de 2,55 milliards à 7,55 milliards (2018), et l’ONU bien à reconstituer l’évolution historique de l’environne-
projette 9,7 milliards pour 2050. ment, que l’évolution du rapport des hommes à l’environ-
–– La crainte d’un déséquilibre entre une population nement. Les sciences sociales s’interrogent aussi autour
croissante et des ressources finies (doc. 1, 2). de la notion d’Anthropocène. Le discours développé par
–– La transformation accrue de l’environnement, voire sa la collapsologie, qui étudie les risques d’effondrement
dégradation par les sociétés (doc. 3, 5) et la fragilité de des sociétés industrielles, a rencontré un grand suc-
l’environnement face à ces transformations (doc. 3, 4, 5). cès, notamment médiatique, bien que ses thèses soient
Les populations ressentent donc les effets directs des très largement discutées par les spécialistes, comme en
dégradations environnementales (doc. 5 les habitants témoignent les débats autour des travaux du géographe

THÈME 5 Introduction Qu’est-ce que l’environnement ? 2


américain Jared Diamond. On cherche enfin à dévelop- le temps, plus les sociétés ont dépassé rapidement les
per des indicateurs permettant de saisir l’ampleur de capacités de renouvellement des ressources terrestres : il
l’action humaine sur l’environnement. traduit donc une empreinte écologique croissante.
L’empreinte écologique, calculée par pays, rend éga-
lement compte d’une pression forte, mais différenciée
Éléments de réponse aux questions p. 331 en fonction des sociétés sur l’environnement. C’est un
1. La proposition de changement d’ère géologique a indicateur qui mesure les surfaces alimentaires produc-
une portée symbolique très forte pour comprendre tives de terres et d’eau nécessaires pour produire les
une période contemporaine « marquée par la capacité ressources qu’un individu, une population ou une acti-
de l’homme à transformer l’ensemble du système ter- vité consomme et pour absorber les déchets générés. On
restre » (doc. 1). La notion d’Anthropocène renvoie donc l’exprime ici, là encore de manière frappante, en fonc-
à la capacité, complètement inédite, des sociétés à tion du « nombre de planètes nécessaires ». Sur tous les
transformer en profondeur l’environnement et à le désé- États présentés, seule l’Inde se situe deçà du seuil de 1
quilibrer, avec des conséquences sur tous les plans (« cli- planète (la seule dont nous disposons) ; tous les autres
mat, sécurité alimentaire, accès aux ressources vitales, pays ont des modèles qui dépassent les capacités de
migrations forcées et soudaines, précarité énergétique » renouvellement des ressources terrestres. Ce seuil est
doc. 1, « sixième extinction des espèces, réchauffement également dépassé à l’échelle mondiale (voir para-
prévisible de 3 °C en 2100 », doc. 2). Elle a le mérite graphe ­précédent).
de permettre une prise de conscience de la « rupture » On peut, pour prolonger, présenter aux élèves les
(doc. 1) que cela représente, et elle souligne la respon- limites de ces indicateurs qui ont fait l’objet de plusieurs
sabilité des sociétés face à cette crise (« En découle la critiques. Ils sont tout d’abord centrés sur les besoins des
nécessité de transformer notre système de gouvernance sociétés, et ne prennent pas en compte ceux des autres
et de gestion des ressources », doc. 1). espèces animales. Certains auteurs (Michael Schellen-
berger par exemple) critiquent la validité scientifique et
2. On date la naissance de l’histoire environnementale la rigueur des calculs, et ont montré que ces indicateurs
avec la publication d’un article de référence aux États- sous-estimaient l’utilisation des ressources. À l’inverse,
Unis en 1972. On peut mettre cet évènement scientifique d’autres estiment (Sylvie Brunel par exemple) qu’ils ne
en relation : tiennent pas assez compte de l’évolution des techniques
–– D’une part avec son contexte spatial, ou plutôt cultu- possibles dans le futur, et qui pourraient atténuer l’em-
rel, qui est à relier au rapport spécifique élaboré entre preinte écologique, en réduisant par exemple les sur-
les Américains et l’environnement, et qui s’ancre dans un faces nécessaires pour produire.
temps long (cf. ouverture).
–– D’autre part avec son contexte chronologique, celui 4. Face à la crise environnementale, les sociétés sont
d’une prise de conscience accrue des dégradations envi- profondément inégales, et ces inégalités environnemen-
ronnementales (voir point précédent de l’introduction). tales sont profondément liées aux inégalités de dévelop-
La date de 1972 correspond aussi à la publication du pement socio-économique. On observe ainsi des écarts
rapport Meadows, ce qui traduit bien l’émergence de ces considérables entre pays du Nord et du Sud (rapport de 1
nouvelles préoccupations au tournant des années 1970. à 7 entre États-Unis et Inde, doc. 5), mais aussi entre pays
3. Le « jour du dépassement » comme « l’empreinte éco- du Nord (rapport de 1 à 2 entre États-Unis et Espagne),
logique » sont des indicateurs fréquemment utilisés dans ainsi qu’au sein du groupe encore plus différencié des
les médias, et avec lesquels les élèves peuvent être Sud (un extrait plus long du document permettrait d’op-
familiarisés. Ils sont calculés par l’ONG Global Footprint poser des PMA (Mozambique, 0,5 planète en 2018) et des
Network. émergents (Afrique du Sud, 2 planètes en 2018) ou des
–– Ces deux indicateurs présentent indéniablement pays pétroliers (Qatar, 9,2 planètes en 2018).
la qualité d’être frappants : par des chiffres assez ima- Ces différences s’expliquent par de nombreux facteurs
gés, ils sont propres à alerter les opinions publiques ayant trait aux modèles et au niveau de développement,
et à mobiliser les citoyens en accélérant une prise de qui impliquent des degrés différents d’urbanisation et
conscience. Le jour du dépassement est calculé à par- d’industrialisation, des modèles énergétiques et des
tir de l’empreinte écologique à l’échelle mondiale ; il est modes de production et de consommation plus ou moins
traduit par une date dans l’année, qui a l’avantage d’être économes en ressources, mais reflètent aussi des poli-
plus marquante qu’un pourcentage. La comparaison tiques environnementales inégalement développées.
depuis les années 1970 montre que plus on avance dans

THÈME 5 Introduction Qu’est-ce que l’environnement ? 3


Prolonger le Thème 5 autour de la pandémie de Covid-19

I. On peut relier la pandémie de Covid-19, un évènement sanitaire sans précédent,


à plusieurs aspects de la géographie de l’environnement, en lien avec les thèmes
abordés au sein du Thème 5.

1. Le rôle de la dégradation des écosystèmes dans l’apparition des maladies émergentes


Les maladies infectieuses émergentes (c’est-à-dire nouvelles) suivent souvent le même pro-
cessus : ces virus d’abord inconnus sont hébergés par les organismes des animaux (on parle
alors d’épizooties) ; et ils passent d’un réservoir animal à un autre en changeant d’hôte pour
infecter l’espèce humaine (ce que l’on appelle une zoonose). Les épidémies précédentes du
VIH/sida (primates), du SRAS (chauve-souris), du H5N1 (oiseaux), comme le Covid-19 (proba-
blement transmis par un pangolin) sont toutes au départ des épidémies animales. Sur plus
de 300 maladies infectieuses émergentes apparues entre 1940 et 2004, 60 % viennent
d’un réservoir animal. Le risque de maladies émergentes tend à augmenter sous l’effet de
plusieurs dynamiques en lien avec la façon dont les sociétés transforment et perturbent
leur environnement :
• La déforestation (notamment en Asie, au Brésil, en Afrique centrale, avec 250 millions
d’hectares disparus en zone tropicale ces 40 dernières années), qui rapproche les hôtes
animaux et humains, et met donc en contact les hommes avec des agents pathogènes
inconnus de son organisme. C’est l’origine probable de la transmission d’Ebola à l’homme,
les chauves-souris porteuses du virus ayant été délogées de leur habitat naturel et s’étant
rapprochées des villages en Afrique centrale.
• L’urbanisation, la conversion des terres pour l’agriculture, multiplient de la même manière
les contacts viraux entre la faune sauvage et l’homme.
• L’intensification de l’agriculture. La multiplication des élevages intensifs facilite la pro-
lifération des agents pathogènes, comme dans le cas de la grippe aviaire, dont l’origine
a été identifiée dans un élevage de poulets à Hong Kong. Le traitement systématique
des animaux d’élevage par antibiothérapie développe d’inquiétants phénomènes d’anti-
biorésistances. En Inde, on a établi un lien entre des traitements vétérinaires et la trans-
mission accrue de la rage (vautours décimés par un anti-inflammatoire donné au bétail,
ne dévorent plus les carcasses d’animaux, qui contaminent les points d’eau où viennent
boire les chiens errants qui transmettent la rage). La monoculture intensive en appauvris-
sant la biodiversité, renforce la vulnérabilité de la faune.
• La déstabilisation des équilibres écosystémiques, par exemple avec l’élimination de cer-
tains prédateurs comme les renards, qui chassent les rongeurs pouvant héberger les
tiques responsables de la transmission de la maladie de Lyme. De même avec le trafic
d’espèces parfois protégées : la transmission du Covid-19 s’est faite sur un marché de
Wuhan où sont fréquemment vendus des animaux braconnés.
• Le réchauffement climatique, qui contribue à une forte réduction de la biodiversité, et
favorise, par l’adoucissement des températures, l’extension des aires d’endémies tro-
picales ou les périodes d’activités de certains virus, comme la grippe. Selon certaines
études, la pollution atmosphérique pourrait faciliter la transmission du Covid-19.

L’origine des épidémies est souvent asiatique. La zone intertropicale est de loin la plus riche
en biodiversité et donc aussi en agents pathogènes, et la forte concentration de popula-
tion de l’Asie (qui abrite plus de la moitié de l’humanité) augmente les risques de zoonoses.
Mais d’autres zoonoses proviennent d’Afrique centrale, également en zone intertropicale,
connaissant une dynamique de déforestation active et de nombreux de déplacements
contraints de populations (flux de réfugiés et de déplacés) particulièrement vulnérables.
D’une façon générale, les populations exposées dans les pays du Sud sont plus vulnérables
(plus pauvres, moins bien nourries, accédant plus difficilement aux soins)

THÈME 5 Introduction Qu’est-ce que l’environnement ? 4


2. L’environnement, grand gagnant de la crise sanitaire ?
D’une part le ralentissement économique a effectivement entraîné une chute de la consom-
mation de charbon et de pétrole (avec des répercussions sur les prix et la décision des pro-
ducteurs de réduire la production afin de les maintenir) et une baisse spectaculaire (mais
ponctuelle) des émissions de GES liées à l’industrie (-25 % en Chine en février 2020 par
exemple) et aux transports, notamment aérien, très fortement émetteurs. La qualité de l’air
dans les grandes villes s’est considérablement améliorée.
Mais d’autre part, le plastique à usage unique, très polluant, est fortement sollicité dans
le cadre des recommandations sanitaires. À plus long terme, la relance de l’économie pour-
rait correspondre à un boom des émissions de GES, comme on a pu l’observer après la crise
de 2007-2008.

3. La vulnérabilité des sociétés contemporaines face aux crises


La crise actuelle est une crise qui dépasse largement les seules implications sanitaires, et
qui a des répercussions aussi bien économiques, que sociales, politiques et même géopo-
litiques. Pour un théoricien de l’effondrement comme Pablo Servigne, « c’est une crise car-
diaque générale » qui joue comme un révélateur du fort degré d’exposition de nos sociétés
aux différentes crises (sanitaire, énergétique, financière etc.) qui peuvent, entrant en réso-
nance, déboucher sur un « effondrement » plus généralisé.
C’est pourquoi la crise met également en jeu les capacités de résilience des sociétés,
leur aptitude à absorber et surmonter les chocs. La sortie de crise pourrait-elle ainsi être
une occasion pour repenser le monde d’après ? Certains auteurs soulignent la possibilité de
proposer une relance qui soit fondée sur un développement plus durable, et qui permette de
répondre au défi du changement climatique.

II. La pandémie soulève par ailleurs de nombreuses problématiques géographiques


sur lesquelles il est possible de rebondir avec les élèves, voici quelques pistes
complémentaires.
1. La mondialisation
Le lien avec les mobilités. Les flux généralisés de la mondialisation ont fait d’une maladie
apparue en Chine une pandémie en à peine 3 mois. L’analyse des processus de diffusion met
en exergue le rôle des nœuds et des interfaces (ports, aéroports). Les métropoles en tant que
hubs sont ainsi des lieux privilégiés de transmission, d’autant que les villes sont des lieux
denses qui favorisent la maximisation des contacts sociaux. D’où la mise en place massive
de confinement, pour limiter les déplacements et la propagation.
La dépendance à des chaînes de production en partie délocalisées, qu’on a évoquée
quant aux produits de consommation courante, et surtout quant à l’approvisionnement en
masques et en gels hydroalcooliques, en partie relocalisés à la faveur de la pandémie, ou
à propos des traitements pharmaceutiques, dont la production se fait massivement en Asie
(Chine, Inde).

2. La question de la gestion des crises sanitaires


Les réponses apportées au Covid-19 ont été dans un premier temps désordonnées, différen-
ciées d’un État à l’autre, voire d’une collectivité à l’autre (Italie, États-Unis, Brésil), réduisant
fortement la portée des mesures adoptées. Les États autoritaires (Chine) ont pu adopter des
mesures drastiques (confinement total du Hubei), mais la question se pose de la réalité du
bilan (problème de transparence).
Un risque sanitaire global suppose par définition une réponse globale. La coopération
internationale semble être la seule à même, via l’OMS par exemple, d’imposer une réponse
efficace et coordonnée, ce qui n’a pas été le cas. Et le multilatéralisme prôné par l’OMS est
affaibli par ses blocages internes du fait des rapports de force entre puissances (la Chine

THÈME 5 Introduction Qu’est-ce que l’environnement ? 5


aurait ainsi freiné les volontés de l’institution d’alerter sur la propagation du virus). La remise
en cause de l’efficacité de l’institution est forte, comme le montre la suspension de la contri-
bution américaine à l’OMS voulue par Donald Trump.
La pandémie impose surtout de réfléchir à la façon de limiter les processus qui favorisent
l’émergence des maladies.

3. La problématique des inégalités


La gestion de la crise révèle les énormes disparités des systèmes de santé, en particulier
entre pays du Nord et pays du Sud.
En période de confinement, les inégalités de revenus, de logement, de conditions de vie,
sont plus durement ressenties. C’est vrai à l’échelle mondiale comme à l’intérieur des villes
françaises. Les plus pauvres et les exclus (SDF, travailleurs migrants, réfugiés dans des quar-
tiers surpeuplés, habitants des townships en Afrique du Sud ou des favelas au Brésil par
exemple) subissent plus durement le confinement.
Les travailleurs précaires sont les premières victimes des conséquences économiques du
ralentissement généralisé, et les systèmes d’assurance collective sont inégalement capables
de les prendre en charge.
Nombre d’emplois peu qualifiés (livreurs, caissiers, aides-soignants) restent indispen-
sables, et exposent fortement ceux qui les occupent au risque de contracter la maladie. On
a par exemple observé une surmortalité spectaculaire en Seine-Saint-Denis, l’un des dépar-
tements les plus pauvres de France, ou encore parmi les populations noires aux États-Unis.

4. Les implications géopolitiques


Sans provoquer de bouleversements géopolitiques, il semblerait, selon nombre d’observa-
teurs, que la pandémie confirme voire accélère les recompositions géopolitiques en cours,
par exemple sur le plan de la relation Chine-États-Unis.
Cette pandémie révèle aussi une fragilité potentielle dans le principal outil des forces de
projection sur les mers et océans, analysé dans le Thème 1 : le porte-avions. Un porte-avions
américain, le Theodore Roosevelt, et le porte-avions français Charles de Gaulle ont dû inter-
rompre leurs missions, touchés par le Covid-19. Cette décision a aussi révélé quelques ten-
sions au sein des états-majors sur la manière de gérer cette crise.

Quelques ressources
• Gérard Salem et Zoé Vaillant Atlas mondial de la santé, Autrement, 2008, rééd. 2020.
• Les épisodes du Dessous des cartes consacrés au Covid-19 et à ses implications géo­
politiques : https://www.arte.tv/fr/videos/096952-001-A/covid-19-une-lecon-de-geopoli­
tique-­­01-­les-deux-coree-face-au-virus/

THÈME 5 Introduction Qu’est-ce que l’environnement ? 6


AXE 1 Exploiter, préserver et protéger
La logique du chapitre
Cet Axe a pour but d’aborder la question du rapport des sociétés à leur environnement
en évoquant d’une part le cas de la gestion de la forêt française depuis le xviie siècle, qui
correspond à une prise de conscience de l’État de la nécessité de s’assurer de la péren-
nité d’une ressource essentielle ; et d’autre part en abordant les deux grandes ruptures
sociétales et systémiques qu’a connues l’humanité, à savoir la révolution néolithique et
la révolution industrielle.

Bibliographie
–– J. Arnould, Au plaisir des forêts, promenade sous les feuillages du monde, Fayard,
2014. Une série de « leçons » pour découvrir et comprendre la forêt, son histoire et
ses métiers.
–– J. Boulier et L. Simon, Atlas des forêts dans le monde. Protéger, développer, gérer
une ressource vitale, Autrement, 2009. Une approche différenciée des probléma-
tiques et dynamiques forestières autour du globe.
–– J. Gadan (dir.), Atlas des forêts de France, De Monza, 2002. Un inventaire carto­
graphique de la diversité des milieux forestiers métropolitains et ultramarins.
–– A. Lehoërff, Préhistoires d’Europe, Belin, 2016. Un ouvrage très richement illus-
tré sur la préhistoire européenne, consacrant plusieurs chapitres à l’agriculture
et aux cultures néolithiques.
–– C. Louboutin, Au Néolithique, les premiers paysans du monde, Gallimard, collection
Découvertes, 1990. Un historique illustré des civilisations du Néolithique.
–– P. Verley, La Révolution industrielle, Gallimard, collection Folio, 1997. Une synthèse
pour comprendre comment s’est construit depuis le xixe siècle la notion de révolu-
tion industrielle et un zoom sur les personnages, produits, processus et inventions
qui y sont associés.
–– J.-P. Rioux, La Révolution industrielle 1770-1880, Seuil, collection Points, 2015.
Un petit ouvrage pour comprendre la révolution industrielle, saisir la pertinence
de ce thème et les débats que le phénomène suscite.

Sitographie
–– www.onf.fr : le site présente ses missions et actions sur le terrain. Il contribue à faire
connaître les espaces forestiers, leur diversité, leur richesse, leur fragilité.
–– www.parcsnationaux.fr : outre une présentation de tous les parcs, le site propose des
outils pédagogiques en lien avec le paysage et la biodiversité.
–– www.agriculture.gouv.fr : le ministère de l’Agriculture dispose de dossiers notam-
ment sur la restauration des terrains de montagne.

p. 332-333 O u ve r t u r e ger, valoriser. Ces forêts abritent aussi une biodiversité


et des écosystèmes que l’on cherche désormais à pro-
Les deux documents d’ouverture invitent à réfléchir sur
téger, associées à des identités régionales, des cultures.
le rapport des hommes à leur milieu : étude, mesure,
Les forêts constituent des paysages qui contribuent à
gestion d’un côté ; destruction, pollution de l’autre. Cela
l’image du pays, à sa qualité de vie, appartiennent pour
dans des contextes géographiques (France, Nigeria) mais
certaines au patrimoine national.
aussi économique différents. Il s’agit de confronter les
regards et discours, savoir apprécier les enjeux et pro-
cessus à l’œuvre. Éléments de réponse aux questions p. 333
1. La photo a été prise dans le delta du Niger, qui se
Éléments de réponse aux questions p. 332 trouve au Nigeria en Afrique de l’Ouest, en zone tropi-
cale humide, comme en témoigne l’abondance de cou-
1. Les forêts couvrent une partie importante du territoire vert végétal, l’aspect verdoyant du paysage. On constate
français, fournissent depuis des siècles des ressources
la présence de la savane arborée et la mangrove.
économiques, des espaces de loisirs. L’État cherche donc
à réglementer leurs usages et leur exploitation, proté-

THÈME 5 Axe 1 Exploiter, préserver et protéger 7


2. Les deux images s’opposent en montrant l’action dif- ou moins longs selon des espèces, il est nécessaire d’ins-
férenciée de l’homme sur ces forêts : d’un côté, entretien, crire sa gestion dans le temps long. Cela signifie qu’il ne
mesure, étude, relevés effectués sur le terrain par des faut pas exploiter la totalité de la ressource, l’entretenir,
agents de l’ONF, organisme public chargé de leur ges- prévoir son renouvellement, anticiper des besoins futurs,
tion. Cette forêt bénéficie d’une protection ; de l’autre, anticiper un aléa et intervenir après celui-ci. C’est ce que
on voit un milieu dévasté, détruit, souillé par un déverse- montre le schéma pour le pin des Landes. La forêt consti-
ment d’hydrocarbures et sans doute un incendie consé- tue aussi un élément du cadre de vie des populations,
cutif. Cette pollution est la conséquence de l’exploitation s’inscrit dans l’identité locale, appartient au patrimoine.
industrielle d’une ressource, provoquant la destruction Il y a donc un lien fort, un attachement des sociétés à
irrémédiable du milieu préexistant, ce qui rend impos- leur forêt.
sible son usage agricole.
p. 336-337 Jalon 1A
p. 334-335 Re p è r e s
Une ressource « naturelle » :
Qu’est-ce que la forêt ? la forêt française depuis Colbert
La double page vise à revenir sur une notion à première
La cohérence du Jalon est de faire le lien entre l’histoire
vue évidente mais qui pourtant de l’est pas. L’arbre ne
de la forêt française et son état actuel. Il vise à montrer
fait pas la forêt, il existe différentes formations végétales
qu’elle est le produit d’une histoire commune, et aussi un
distinctes, occasion d’un travail sur le vocabulaire de la
espace vécu, objet d’une appropriation, d’une valorisa-
forêt et de l’arbre.
tion et de pratiques qui peuvent entrer en concurrence.
L’unité de cette double page Repères réside dans une C’est enfin une plongée dans un univers d’une grande
approche à la fois historique et contemporaine d’une richesse souvent peu familiers des lycéens.
réalité actuelle qu’est la forêt française. Mais de quoi
Le document 1 présente une vision très utilitariste de
parle-t-on quand on parle de la forêt française ? L’idée
l’arbre, occasion aussi d’une plongée dans l’univers des
est de montrer la permanence et un renouvellement au
chantiers navals de l’époque moderne, qui peut se pro-
cours des siècles de l’intérêt de l’État pour les forêts, faire
longer par le visionnage d’une vidéo sur la construction
prendre conscience que cette forêt est une construction
de ­L’Hermione (www.hermione.com)
historique et sociale, associée à des pratiques variées et
parfois antagonistes ; qu’elle n’est pas « naturelle » mais Le document 2 illustre la mise en œuvre concrète de la
le résultat de choix et d’actions successives qui lui ont décision de boiser. Il peut être complété par une image
donné ses formes et profils actuels. montrant à quoi ressemblaient les Landes de Gascogne
avant les boisements.
Le document 3 permet d’aborder le rôle des forêts
Éléments de réponse aux questions p. 335 dans le contrôle des phénomènes naturels littoraux (éro-
1. La forêt est une réalité paysagère et structurelle sion ou ici ensablement).
variable selon les milieux. Elle peut en effet être plus ou Le document 4 permet d’aborder la question des
moins dense, plus ou moins haute, plus ou moins homo- risques, leur prévention, les moyens de lutte.
gène quant à la nature et l’âge de son peuplement. C’est
Le document 5 témoigne de l’ampleur de l’action des
ce que montrent les différents documents. L’action de
services de l’État et de la dimension historique d’un pay-
l’homme a grandement déterminé l’aspect actuel des
sage.
forêts en prélevant, en sélectionnant, en entretenant ou
abandonnant. L’espace forestier se définit également
par une certaine surface, qui peut être discontinue ou Éléments de réponse aux questions p. 337
divisée en plusieurs appellations et propriétaires. La pré-
sence de l’arbre ne suffit pas à définir la forêt, mais elle 1. La reprise en main des forêts par Colbert intervient
peut exister en son absence : la forêt correspond à un à partir du début du règne personnel de Louis XIV, qui
statut juridique, et à ce titre, bénéficie d’une réglemen- entend faire de la France la principale puissance en
tation spécifique, même après un incendie qui l’aurait Europe. La forêt doit être mise au service de cette ambi-
fait disparaître. Un glacier, une zone incendiée peut tout tion politique, en fournissant du bois de qualité en quan-
à fait entrer dans cette définition. tité suffisante pour les besoins de la construction navale.
En effet, le roi entend doter la France d’une marine de
2. La forêt française comme objet d’étude inclut des for- guerre à même de concurrencer ses rivales anglaise et
mations végétales de toutes les zones bioclimatiques, de hollandaise, mais aussi espagnole, pour participer à l’ex-
la forêt dense guyanaise aux hautes futaies de chênes pansion coloniale. La marine marchande voit ses besoins
de l’Allier, en passant par les maquis méditerranéens. augmenter, alors que sont créés plusieurs grandes com-
Elle abrite par conséquent une grande quantité d’es- pagnies commerciales et des arsenaux à Toulon et
pèces tant végétales qu’animales. Par ailleurs, sa forme Rochefort. Or les navires ont besoin de bois aux formes
et sa présence sont le résultat de plusieurs processus : très spécifiques : des arbres droits et hauts pour les mâts,
reboisement, plantation, abandon de terres, mode d’ex- des morceaux courbes issus de bois souples et résistants
ploitation spécifique. Il existe donc différents profils pour les pièces de la coque. Colbert bénéficie en outre
forestiers, qui correspondent à des usages et des besoins d’une conjoncture économique favorable et de quelques
à une époque donnée. Du fait de cycles de croissance années de paix en début de règne pour mener à bien ses
des arbres étalés sur plusieurs dizaines d’années, plus projets.

THÈME 5 Axe 1 Exploiter, préserver et protéger 8


2. La création de forêts par l’homme répond d’après d’espaces forestiers (de plaine, de montagne, littoraux)
les deux documents à des problèmes spécifiques d’une et les moyens mis en place pour en assurer le renouvelle-
époque donnée. Les boisements des Landes sont la ment et l’exploitation. Elle doit être l’occasion d’intégrer
conséquence de plusieurs décisions : celle de boiser les la diversité de la forêt française et de ses dynamiques, et
dunes littorales au xviiie, pour mettre fin à l’invasion du son inégale répartition sur le territoire.
sable dans les terres agricoles, et à l’ensevelissement de
villages. Les seigneurs locaux avaient tout intérêt à cela Travailler autrement
pour conserver leur source de revenus. Fixer les dunes, Le schéma peut placer au centre l’action des RTM et de
et donc le trait du littoral, rendait aussi plus sûre la navi- l’ONF. À gauche, figurer les éléments ayant conduit à l’in-
gation côtière. Sous Napoléon III, ce sont les préoccupa- tervention des deux institutions (ravinement, effondre-
tions sanitaires qui sont mises en avant pour justifier le ments) et encore plus à gauche les processus qui en sont
boisement de zones marécageuses jugées insalubres et l’origine (défrichements, surpâturage) ; à droite, indiquer
improductives (elles n’étaient utilisées que comme ter- des exemples d’actions concrètes montrés dans le film :
rain de parcours pour le bétail). Le texte justifie égale- reboisement, construction de murs de soutien et d’ou-
ment la volonté de créer une ressource (le bois d’abord, vrages maçonnés…
mais aussi des terres « saines » pour l’agriculture à moyen
terme) pour assurer le développement des communes
de cette partie du territoire national. La création de che- p. 338-339 Jalon 1B
min d’exploitation contribue également au désencla- Le document 1 permet différencier boisement et forêt.
vement du territoire. On peut sans doute aussi y voir la Cette carte montre la faiblesse des surfaces forestières
manifestation d’une sensibilité esthétique, paysagère, dans le Nord et l’Ouest. Elle peut être aussi l’occasion
le xixe siècle étant celui du romantisme. Et Napoléon III d’une approche critique sur ce qu’elle ne montre pas : la
aimait séjourner dans la région, que ce soit à Arcachon nature des boisements, leur valeur sur pied, leur état… La
ou à Biarritz ! pertinence de l’échelle départementale ici utilisée doit
aussi être questionnée, ne respectant pas la stricte déli-
3. La forêt constitue un risque pour l’homme car elle mitation des massifs.
peut compromettre sa présence et certaines de ses Le document 2 présente une pratique localisée de la
activités. Le document 4 montre l’intervention de cana- forêt ; elle peut être l’occasion d’interroger les élèves sur
dairs, avions porteurs d‘eau, dans une zone habitée du leur(s) propre(s) pratiques et expériences de la forêt.
littoral varois cernée par les flammes. Le feu peut provo-
Le document 3 invite à aborder la gestion concrète de
quer des dégâts matériels (destructions), mais aussi cau-
la forêt par l’ONF, ses difficultés actuelles, la critique de
ser des blessés et des morts. Le document 5 montre les
sa gestion passée et présente.
pentes dénudées et ravinées du mont Ventoux en 1902.
L’absence d’arbres, liée à leur surexploitation, a entraîné Le document 4 joue sur la sensibilité et peut être le
une accélération du ruissellement, de l’érosion des sols, point de départ d’un débat. On peut montrer le paral-
l’apparition de torrents qui ont emporté des terres agri- lélisme des slogans (non aux loups, non aux tirs de loup).
coles. La restauration de la forêt et des lits des torrents
a permis de stabiliser les versants et protéger les ins-
tallations humaines. On pourrait ajouter que certaines Éléments de réponse aux questions p. 339
espèces d’arbres peuvent provoquer des allergies chez 1. Les taux de boisement représentés par département
des individus, ou que les chutes d’arbres et de branches témoignent de l’inégale répartition de la forêt sur le ter-
occasionnent des accidents routiers et des destructions ritoire métropolitain. Les principaux massifs forestiers
ponctuelles. Des accidents peuvent aussi impliquer la français correspondent en grande partie aux zones de
faune hébergée par la forêt (chevreuils, sangliers), quand relief : Vosges, Jura, Alpes, Corse, Pyrénées et Massif cen-
ce ne sont pas des contacts, empoisonnements, piqûres tral, Ardennes. À cela s’ajoutent le Sud-Ouest (Landes et
ou morsures qui peuvent s’y produire. Périgord) et le Val de Loire (Sologne). Cette géographie
En retour, l’homme constitue une menace pour la peut s’expliquer par le moindre intérêt de ces zones
forêt car sa présence accroît la pression sur celle-ci : les pour l’agriculture, pratique pour laquelle ont été effec-
risques d’incendies se trouvent augmentés par des actes tués les grands défrichements. Mais la forêt a aussi été
malveillants ou accidentels (jet de cigarette, écobuage dans certains cas plantée par l’homme.
non maîtrisé) ; l’homme menace aussi les écosystèmes
par des prélèvements sélectifs (espèces animales et 2. La forêt française a des usages à la fois complémen-
végétales, mais aussi minérales dans le cas de carrières taires et contradictoires ; en effet, elle est un espace uti-
et mines) ; le fait d’introduire des espèces qui peuvent lisé pour les loisirs de plein air et sportifs (randonnée,
s’avérer invasives peut détruire, réduire, fragiliser ou jogging, chasse). Elle nécessite pour cela d’être entrete-
modifier la forêt ; enfin, les défrichements agricoles, nue et accessible (pistes forestières), ce qui est une des
le surpâturage peuvent faire disparaître la forêt ou en tâches de l’ONF qui gère les forêts domaniales (doc. 3).
réduire la biodiversité. Cet organisme est le gestionnaire qui doit assurer l’ex-
ploitation, la protection et le renouvellement de la forêt
Synthèse Elle doit à la fois comporter des aspects his- à l’échelle nationale, élaborer une politique cohérente
toriques, des « moments » décisifs jusqu’à nos jours, et une stratégie à long terme. Or toutes les forêts ne
montrer qu’il y a une continuité de l’intérêt de l’État se prêtent pas aux mêmes usages selon leur localisa-
pour la forêt, mais pour des raisons différentes selon tion (proches ou éloignées des villes), leur qualité pay-
les époques ; elle doit aussi intégrer les différents types sagère, la valeur du bois sur pied (selon la composition

THÈME 5 Axe 1 Exploiter, préserver et protéger 9


et la qualité des arbres). Ainsi s’opère une sélection des p. 340-341 Jalon 2A
usages : les forêts de grande qualité écologique font
l’objet de protection, d’autres d’exploitation de la res- Le rôle des individus et des sociétés
source en bois, la plupart d’usages multiples notamment
comme ressource (cueillette) ou terrains de parcours
dans l’évolution des milieux
pour le bétail. Il arrive cependant que des conflits se La cohérence du Jalon 2 est à la fois d’ordre sémantique,
produisent en matière d’usage, comme indiqué dans autour de la notion de révolution, et structurelle, un
le document  4 : éleveurs de moutons et protecteurs du changement d’organisation humaine. Mettre en paral-
loup expriment leur désaccord, la présence du prédateur lèle les deux permet de faire intervenir les aspects tem-
étant une menace pour l’élevage. porels et spatiaux du changement, ainsi que la durée du
processus lui-même. La première double page permet de
3. La gestion des espaces forestiers dépend du type de
revenir sur une période que les élèves n’ont eu l’occasion
forêt et des enjeux dont ils font l’objet. Les forêts doma-
d’étudier qu’en classe de 6e, et d’aborder la manière dont
niales appartiennent à l’État et sont directement gérées
on construit un savoir scientifique et une histoire avec
par l’ONF (doc. 3) ; mais il existe aussi une multitude de
peu de sources. La seconde montre comment le pro-
propriétaires privés, ainsi que des collectivités (com-
cessus d’industrialisation démarré il y a deux siècles se
munes, départements). Surtout, les espaces forestiers
poursuit, se transforme, touche de nouveaux espaces et
sont pratiqués par de très nombreux usagers, la forêt
contribue à la transformation irrémédiable des milieux
étant en grande partie un espace public : chasseurs,
et des sociétés. C’est aussi l’occasion d’avoir un regard
clubs sportifs, associations de défense de la nature, qui
critique sur son impact sur l’environnement et le chan-
y ont chacun des centres d’intérêt, des représentations
gement climatique.
qui peuvent entrer en conflit. L’exploitation de la forêt
peut nuire au maintien de la biodiversité et à la qualité Le document 1 donne la parole à un archéologue
des paysages, priver les usagers de leur espace de res- renommé, invite à faire prendre conscience aux élèves
source ou de loisir. Pour les éleveurs, la forêt est une res- de l’impact insoupçonné de l’invention de l’agriculture
source pour le bétail, pour les écologistes, la forêt est sur l’homme et son milieu. Un lien peut être fait avec des
un espace où la nature doit conserver tous ses droits et extraits du Discours sur l’origine et les fondements de
où l’homme doit limiter son impact. Chasseurs, éleveurs l’inégalité parmi les hommes de J.-J. Rousseau (question
et écologistes constituent des groupes de pression, des abordée par le programme de spécialité HLP).
lobbies qui manifestent épisodiquement pour défendre Le document 2 montre la diffusion décalée dans le
leurs intérêts respectifs (doc. 4). Certains choix de l’ONF temps de la révolution néolithique, les régions précoce-
en matière de gestion ou défaillances de sa part peuvent ment ou tardivement touchées, les axes de diffusion. Il
aussi faire l’objet de critiques. peut être l’occasion de revenir sur les grandes étapes du
Synthèse L’idée est de réfléchir sur la notion de nature et peuplement de la Terre.
donc le sens à donner à chacune des deux expressions. Le document 3, permet l’observation d’un terrain de
Montrer que parler d’« espace naturel » est contradic- fouilles et peut être l’occasion d’une mise au point sur les
toire avec le rôle déterminant de l’homme dans la répar- méthodes et outils modernes de l’archéologie comme
tition, l’état et la composition des forêts actuelles, dont il des images aériennes ou satellites, les moyens de la
est en grande partie responsable. Rappeler que l’homme datation, la reconstitution 3D…
fait partie de la nature bien qu’il tende toujours à s’en
dissocier ; parler d’« espace de nature » indique plutôt
un espace où l’action de l’homme est volontairement Éléments de réponse aux questions p. 341
réduite, où la présence de la nature se manifeste visuel-
lement et à travers pratiques et expériences. 1. La révolution néolithique s’est déroulée de façon
décalée dans le temps et l’espace comme l’indique le
Travailler à l’oral document 2 : partie du Proche-Orient, elle s’est diffusée
L’intérêt du débat est d’interroger le rôle de l’homme vers l’Asie du Sud, l’Afrique et l’Europe, puis l’Amérique,
dans les transformations du milieu. Le propos peut être mais plus ou moins rapidement selon les contraintes
élargi à des exemples hors de France qui peuvent être liées au climat et au relief qui ont pu déterminer les
mobilisés à titre de comparaison. Il peut s’appuyer sur migrations humaines. Les différenciations entre foyers
des événements récents, notamment les feux de forêt de domestication se créent selon le type de plantes et
qui ont ravagé la Sibérie et la Californie en 2019. « Lais- d’animaux concernés, selon les zones bioclimatiques :
ser faire la nature » mais jusqu’où ? la laisser se détruire mil, sorgho, riz africain et bœuf en Afrique ; blé et orge
par des incendies non maîtrisés ? la colonisation par au Proche-Orient ; pomme de terre, maïs et lama dans
des espèces invasives ? Réintroduire et accroître des les Andes. Elles se créent aussi en fonction des itiné-
menaces pour l’homme (loup…) ? À l’opposé : « Replanter raires qui ont été suivis : dans le cas de l’Europe, la carte
des arbres » a été l’objet de plusieurs campagnes d’ONG montre un itinéraire le long des côtes méditerranéennes
par le passé, mais pour quels résultats ? En plantant ou et un autre qui a suivi le Danube. Ces différenciations
replantant, on crée un milieu différent de l’originel : la ont donné naissance à différentes traditions culinaires,
forêt landaise est une création humaine, qui a introduit des savoirs faire et techniques agricoles spécifiques. Il a
des risques qui n’existaient pas avant (incendie, allergies, pu se produire ensuite des innovations, des transferts de
parasites). Évoquer une forme de néocolonialisme envi- savoir-faire, des échanges.
ronnemental dans certains cas, en privant des sociétés
de leur territoire. On peut évoquer la Grande muraille 2. L’archéologie et ses méthodes scientifiques ont permis
verte en Afrique. de connaître le mode de vie des premiers paysans, malgré

THÈME 5 Axe 1 Exploiter, préserver et protéger 10


l’absence de vestiges monumentaux ou de traces écrites. Le document 3 illustre l’ampleur de la déforestation et
Sur un site archéologique néolithique, on conserve la la taille des mines à ciel ouvert. Cette image choc doit
trace de remblais, d’anciens poteaux, de céramiques. faire réagir les élèves sur les conséquences de l’indus-
Le nombre de sépultures permet de connaître l’impor- trialisation sur les milieux.
tance des peuplements, l’âge moyen des individus, leurs
Le document 4 permet de confronter les regards : ce
maladies et carences, la nature de leurs blessures éven-
qui était perçu comme la modernité et l’image de la pros-
tuelles ; les restes retrouvés sur place (outils, graines), la
périté économique à la fin du xixe siècle est aujourd’hui
composition de leurs repas et les techniques de culture
davantage associé à la pollution de l’air et à la condition
utilisées. La présence d’objets et matériaux indique aussi
ouvrière.
l’existence d’éventuelles relations commerciales avec
des régions plus éloignées. Le document 5 apporte un éclairage sur les transfor-
mations paysagères, sociales et économiques de la révo-
lution industrielle. Il explique en quoi cette révolution
3. D’après Jean-Paul Demoule, archéologue interviewé
est sociétale et structurelle.
dans le document 1, la révolution néolithique entraîne la
sédentarisation des groupes humains et une appropria-
tion de territoires. Celle-ci marque le début de leur trans-
formation, principalement avec des défrichements pour
Éléments de réponse aux questions p. 343
pratiquer l’agriculture. Cela rend possible une crois- 1. D’après la carte, la révolution industrielle est née à
sance démographique mais aussi par conséquent, une la fin du xviiie siècle en Europe du Nord-Ouest, plus pré-
hausse de la conflictualité, puisque les besoins en nour- cisément en Angleterre, avant de gagner le continent
riture augmentent. Cela favorise le fonctionnement col- proprement dit. Elle a ensuite gagné l’Amérique du Nord
lectif des groupes, avec des spécialisations techniques. au xixe siècle et le Japon, à partir de transferts technolo-
Celles-ci vont être la base de différenciations sociales giques depuis l’Europe. Ces transferts ont aussi concerné
et d’inégalités de statut au sein du groupe, d’une hié- certains dominions britanniques comme l’Australie et le
rarchisation. Demoule parle d’une « fuite en avant » des Canada, mais c’est le nord-est des États Unis, connu sous
groupes humains forcés de se déplacer lorsque les res- le nom de « manufacturing belt » qui devient le foyer de
sources et terre sont devenues localement insuffisantes la 2e révolution industrielle à la fin du xixe siècle. Alors
et les tensions trop fortes. Cela a contribué à peupler la que l’industrialisation se diffuse en URSS dans l’entre-
Terre par occupation successive des territoires dispo- deux-guerres, le mouvement gagne à son tour l’Afrique
nibles, jusqu’à la découverte de l’Amérique. du Nord, l’Amérique du Sud, l’Inde et le Moyen-Orient
après 1945. Les dernières décennies du xxe siècle voient
Synthèse On peut parler de révolution, à l’échelle de le phénomène toucher la Chine et l’Asie du Sud-Est, à
l’humanité et de l’histoire, dans la mesure où les chan- travers d’importantes délocalisations depuis les pays
gements sont d’une ampleur mondiale et d’un impact anciennement industrialisés. Parallèlement la 3e révolu-
décisif pour les humains. Il y a une rupture dans l’histoire tion industrielle se produit en Californie, autour de l’in-
humaine, qui est décalée dans le temps et l’espace. Les formatique, des télécommunications et du numérique. Le
transformations du milieu rendent tout retour en arrière xxie siècle voit à son tour l’Afrique s’industrialiser, depuis
impossible, obligeant les hommes à changer leur mode des foyers asiatiques, européens et sud-africains. Il aura
d’alimentation, à développer des savoir-faire. Elle induit fallu deux siècles au monde pour s’industrialiser, cepen-
de nouvelles formes d’organisation sociale et fait bascu- dant, le phénomène n’est pas continu dans le temps mais
ler l’homme dans une autre échelle de peuplement et procède, selon le doc. 2 par cycles, mis en évidence par
de violence. l’économiste russe Kondratieff : chaque cycle est porté
par un ensemble d’activités économiques. Elles se déve-
Travailler à l’oral loppent à partir d’une source d’énergie qui se généra-
lise, d’abord le charbon, puis l’électricité et le pétrole,
Les élèves peuvent réaliser des captures d’écran comme
et enfin l’énergie atomique. Après une période de crois-
support de leur propos. L’intérêt est d’être dans le concret
sance de plusieurs décennies se produit une crise et le
de la découverte d’un site, voir comment les archéolo-
cycle entame une phase de déclin plus ou moins rapide,
gues procèdent.
tandis que le relais est pris par de nouvelles activités.

2. Les images montrent que la production dans un


p. 342-343 Jalon 2B contexte d’industrialisation connaît un changement
d’échelle. La taille des engins de chantier indique l’im-
Le document 1 montre les étapes de la diffusion de l’in-
mensité de la mine de Carajas, dont l’exploitation est
dustrialisation dans le monde. Il invite à réfléchir aux
entièrement mécanisée et mobilise des moyens tech-
modalités de la diffusion : imitation, transfert de techno-
niques et humains considérables, pour une production
logie, colonisation, délocalisation. Il permet de revenir
décuplée. De même le document 4 montre la taille des
sur la construction historique des puissances britannique
usines, comparée à celles de maisons autour, la taille et
puis américaine, vue dans le programme de spécialité de
la hauteur des cheminées qui en sortent. L’industrialisa-
Première.
tion induit une rationalisation, une systématisation de la
Le document 2 montre le caractère cyclique de l’indus- production.
trialisation et de l’économie, contre l’idée d’un progrès
linéaire et continu. Il doit interroger la notion de crise, de 3. Les paysages présentés sur les documents portent
transition, de reconversion, de déclin. la trace de l’industrialisation : l’exploitation minière a

THÈME 5 Axe 1 Exploiter, préserver et protéger 11


entraîné la destruction irrémédiable de la forêt ; on peut de spoliation (atteinte au droit de propriété). La question
deviner que l’absence de couvert végétal modifie la des salaires et des conditions de travail (rythme, risques
circulation de l’eau, dans une région au climat tropical pour la santé) doit être évoquée, tout comme le secret
humide ; elle provoque un ravinement accéléré du sol et qui entoure les avantages dont bénéficient les entre-
son lessivage, qui rend impossible par la suite une régé- prises. La question environnementale doit être aussi évo-
nération forestière. On observe en outre une modifica- quée en lien avec les activités industrielles et les divers
tion de la topographie en raison de l’excavation à ciel rejets qu’elles occasionnent.
ouvert, la création de bassins de rétention et la forma-
tion de collines de déchets miniers (appelés terrils). On
peut imaginer que l’exploitation entraîne une impor- p. 346-347 Exercices Bac
tante pollution de l’air, de l’eau et des sols. On peut aussi
s’interroger sur la propriété et les usages antérieurs de
Exercice 1
cet espace : se pourrait-il que l’exploitation se soit faite
au détriment de populations amérindiennes ou de petits Le terme de « réalités » renvoie à des paysages, mais
paysans spoliés ? Les déplacements de population sont aussi des statuts et des compositions floristiques très dif-
selon J.-P. Rioux (doc. 5) un corollaire de la révolution férentes, en fonction du relief, des zones bioclimatiques,
industrielle : en offrant des emplois, il entraîne l’exode de la localisation de la forêt (littoral, en bordure d’ag-
rural et l’accroissement des villes, l’urbanisation de la glomération). La forêt peut être mono spécifique, mixte,
société. « On passe du vieux monde rural à celui des elle peut être à maturité ou au stade pionnier, elle peut
villes tentaculaires ». L’industrialisation change selon être issue de régénération naturelle ou d’un boisement
lui le rapport au travail (des horaires, des rythmes) et ou reboisement opéré par l’homme. C’est pourquoi il est
le type de travail. Cela débouche sur de nouvelles iden- nécessaire de parler de « forêts » au pluriel car c’est la
tités, de nouveaux modes de vie, de nouvelles cultures diversité qui l’emporte quand on évoque la forêt fran-
« ouvrières ». çaise.
Le terme d’« usages » renvoie aux différentes fonctions
Synthèse Elle peut reprendre une grande partie des élé- et utilisations de la forêt. Elle est à la fois un réservoir de
ments ci-dessus. Elle doit insister sur la notion de rupture, biodiversité et à ce titre peut faire l’objet d’une protec-
qui est essentielle, du fait du changement d’échelle de tion ; elle fait aussi l’objet d’exploitation (bois, cueillette,
la production et des espaces qui lui sont consacrés. Elle chasse, sylvo-pastoralisme), tout en étant un espace
rend archaïque et obsolète le système productif anté- récréatif, associé à l’idée de liberté (sport, promenade,
rieur, bouleverse l’économie et modifie la hiérarchie des observation de la nature) ; elle peut aussi servir refuge
puissances. Elle marque les paysages, génère des pol- pour des marginaux et de cachette pour les fugitifs ;
lutions – visibles ou non – et bouleverse les conditions enfin, elle peut être un espace de l’illicite (crime, orpail-
de vie des hommes, leur quotidien, leur environnement lage clandestin, braconnage) et éventuellement celui de
proche et éloigné. Elle est une étape essentielle du pro- rites et croyances anciennes (druides, elfes…).
cessus de développement des sociétés à travers l’urba- Cette réflexion préalable permet de mobiliser des
nisation et la fin de la société rurale. Souvent associée à exemples dans la France entière.
l’idée de progrès matériel et social, elle est aussi syno- Les incendies qui ont ravagé l’Australie pendant plu-
nyme d’exploitation, de hiérarchisation sociale et de sieurs semaines en 2019 ont permis de mettre en avant
dégradation environnementale. Elle est critiquée pour l’importance des moyens de lutte et le savoir-faire fran-
ses effets de déshumanisation et d’aliénation du fait de çais face à ce type d’aléa. Ces risques renvoient à la forte
la répétition des tâches et des risques sur la sécurité et présence de la forêt sur le territoire français, sous diffé-
la santé des individus. rentes formes paysagères et structurelles. C’est la raison
pour laquelle il est nécessaire d’envisager « les forêts »
Travailler autrement au pluriel qui composent « la forêt » française à travers
On peut envisager le contenu des interventions autour un état des lieux préalable, à partir duquel on pourra
de plusieurs thématiques. aborder dans un second temps la manière dont elle est
L’idée de progrès pour le pays et ses habitants (emplois, exploitée, puis enfin comment elle est protégée.
salaires, hausse des exportations) mais qui renforce les La forêt française occupe aujourd’hui 31 % du ter-
inégalités et crée une forme d’exploitation (entre diri- ritoire national et est en progression constante depuis
geants chinois et salariés éthiopiens à bas salaire). L’in- quarante ans. Pour autant, elle est inégalement répar-
dustrialisation de l’Éthiopie doit être contextualisée au tie et présente des caractéristiques très différentes d’une
sein du processus temporel à l’échelle mondiale (vague région à l’autre, d’un massif à l’autre. Certains sont vastes
la plus récente de pays industrialisés). Elle doit aussi être et mono-spécifiques (la forêt landaise, plantée en pins),
évoquée dans le cadre de la stratégie chinoise dite des d’autres plus réduites (forêt de Brocéliande) et morce-
nouvelles routes de la soie, de son investissement mas- lées. On trouve aussi bien des maquis, épaisses forêts
sif dans le pays (achats de terres arables, voie ferrée méditerranéennes (Maures, Corse), que des futaies
reconstruite, autres financements d’infrastructures) et en de chênes (forêt de Tronçais) ou de sapins (Vosges).
Afrique de manière générale. À la place de champs a vu Ainsi, l’aspect et la composition des massifs forestiers
le jour une immense zone industrielle en périphérie de la sont le résultat de siècles d’interventions humaines, de
ville, sorte de monde clos bénéficiant d’un régime d’ex- boisements, prélèvements, reboisements, sélections,
ception ; la transformation du paysage est un symbole du abandons de terres. Là où les sols pouvaient être faci-
passage de la société agricole à la société industrielle. lement cultivés, la forêt a été défrichée ; en revanche,
Les conditions de l’expropriation relèvent d’une forme les régions aux sols pauvres ont conservé d’importants

THÈME 5 Axe 1 Exploiter, préserver et protéger 12


massifs forestiers, tout comme les régions de montagne. des réserves de biosphère. Certaines sont incluses dans
Les dynamiques forestières varient aussi d’une région à le réseau européen Natura 2000, ou encore protégées
l’autre. Il y a des régions comme la Guyane où la forêt par le Conservatoire du littoral. Il existe enfin des pro-
recule du fait de l’orpaillage et de défrichements pour priétaires privés qui assurent à leur niveau l’entretien et
la culture de terres ; dans le Var la forêt recule en raison la préservation d’espaces forestiers.
du mitage et de la pression immobilière sur le littoral ; Ainsi, la forêt française allie différentes formes d’ex-
en revanche, dans les régions qui connaissent un déclin ploitations à des types de protections adaptés à la diver-
démographique et une déprise rurale, les friches pro- sité des contextes et profils rencontrés. Toutefois, l’ONF
gressent et la forêt regagne du terrain (Cévennes, Corse). fait l’objet de critiques récurrentes dans sa gestion, alors
Ces forêts sont soumises à des risques plus ou moins que les difficultés financières pèsent sur l’avenir de cet
présents : des incendies viennent détruire une partie des organisme public. L’exploitation seule peut-elle assurer
massifs méditerranéens en période estivale, en raison le les moyens d’une protection efficace, alors que les pres-
plus souvent d’actes de malveillance ; les tempêtes de sions et pratiques humaines se renforcent ?
1999 ont abattu d’importants secteurs dans les Vosges ;
ailleurs, divers parasites ou maladies s’attaquent aux
arbres (chancre, chenilles processionnaires). Exercice 2
Les forêts sont donc des organismes dynamiques, une
Les élèves peuvent réaliser des captures d’écran comme
ressource naturelle en perpétuel renouvellement, qui
support de leur propos. L’intérêt est d’être dans le concret
donnent lieu à différentes formes d’exploitation.
de la découverte d’un site, voir comment les archéolo-
En effet, la forêt française est exploitée de longue date, gues procèdent.
pour fournir à la fois du bois d’œuvre pour la construc-
tion et du bois de chauffage. Cela a entraîné une sélec-
tion des espèces végétales selon leur intérêt, leur qualité, Exercice 3
leur vitesse de croissance. Le type d’usage a déterminé
le mode d’exploitation, en taillis (chauffage) ou en futaie 1. Précisément, le document proposé est un extrait d’ar-
(bois d’œuvre). D’autres produits de la forêt (entendue ticle du japonais Noriko Hama, intitulé « Le retour du vol
comme écosystème) sont exploités indépendamment de des oies sauvages » paru dans Les Echos, journal écono-
la filière bois-papier, comme la chasse sous différentes mique de référence en France le 7 avril 2004.
formes, l’exploitation de la résine pour la chimie (Landes)
ou du liège pour les bouchons (Maures), des champi- 2. Kaname Akamatsu est un professeur d’économie japo-
gnons, plantes médicinales, fleurs et de diverses baies, nais ; le texte précise qu’il a le sens de la formule et une
de manière artisanale le plus souvent. Les Landes sont un vision assez poétique du fonctionnement du système
exemple de ressource forestière spécialement créée en économique.
vue d’une exploitation ultérieure. La forêt fournit aussi
des zones de pacage pour le bétail, qui par son ingestion 3. La théorie de Kaname Akamatsu a été énoncée dans
d’herbes et de broussailles, participe aussi à la préven- les années 1930, alors que le monde connaissait la grave
tion des incendies. Mais la forêt a aussi un usage récréatif crise économique consécutive au krach boursier de Wall
pour les populations urbaines. Elles constituent des pou- Street en 1929, qui a touché en quelques années l’éco-
mons verts des agglomérations, offrant des espaces de nomie mondiale. Le Japon fait figure de nouveau pays
nature pour la promenade et la pratique sportive. industrialisé, ayant bénéficié de technologies impor-
Du fait de ces différents usages, les populations y sont tées d’Europe et d’Amérique, qu’il a su perfectionner, au
attachées, raison pour laquelle la forêt fait l’objet de point de supplanter ses concurrents et devenir exporta-
mesures de protection. teur. C’est vraisemblablement le cas japonais qui a ins-
Depuis le xviie siècle et les réformes de Colbert, l’État piré le professeur Akamatsu. À cette époque, le Japon
a pris conscience de la nécessité de protéger la res- s’est engagé dans une politique expansionniste en Asie
source que représente la forêt, en réglementant l’accès orientale, région dont il entend prendre le leadership
et l’exploitation des forêts royales. Un Code forestier a et exploiter les ressources naturelles à son profit. C’est
été adopté en 1827 pour harmoniser les règles, tandis alors un État au régime autoritaire, dont le développe-
que l’Office national des forêts (ONF) créé en 1964 défi- ment économique reste dépendant de ses importations
nit les grandes orientations en matière de gestion des de matières premières minières et agricoles. Alors qu’il
massifs. Il élabore une stratégie mêlant exploitation, avait déjà annexé la Corée et Formose, il met la main sur
préservation et renouvellement de la ressource. Aupa- la Mandchourie et progressivement sur l’ensemble des
ravant, d’importants travaux de renouvellement et de zones littorales chinoises.
protection forestière avaient été menés afin de proté- En 2004, alors que le monde assiste à la montée en
ger les littoraux ou les versants soumis au ravinement puissance de la Chine et au décollage économique de
(RTM). De forêt protectrice, on est passé à l’idée de forêt l’Asie toute entière, sa théorie connaît un regain ­d’intérêt.
protégée. Il existe d’autres dispositifs de protection que
sont les parcs nationaux, créés à partir de 1963 pour pro- 4. À cette époque, une partie de l’Asie est déjà fortement
téger les forêts aux écosystèmes riches, encore préser- industrialisée. Après le Japon qui fait figure de pionnier,
vés et potentiellement menacés, comme Port-Cros ou la et qui a reconstruit ses capacités industrielles après 1945,
Vanoise. Enfin, d’autres dispositifs existent comme des ce sont la Corée du Sud, Taïwan, Hong Kong et Singapour
parcs régionaux qui valorisent la forêt comme élément qui ont pris le relais et bénéficié de délocalisations japo-
du patrimoine local (forêt de cèdres du Lubéron), des naises dans la métallurgie, la construction navale, puis
réserves intégrales dont l’accès est strictement interdit, l’électronique, l’électroménager et l’informatique. On les

THÈME 5 Axe 1 Exploiter, préserver et protéger 13


a désignés sous l’appellation NPIA (nouveaux pays indus- nomie mondiale. Il existe aujourd’hui une dépendance
trialisés d’Asie) dans les années 1980. Au départ il s’agis- du reste du monde aux productions asiatiques dans le
sait de production de produits à bas coût et de qualité domaine de l’industrie pharmaceutique, de la télépho-
médiocre, imitant les grandes marques, puis s’est pro- nie, de l’informatique, secteurs devenus stratégiques et
duit une montée en gamme à même de concurrencer les fondamentaux dans le système économique contempo-
firmes américaines et européennes : Daewoo, Hyundai et rain. La R & D occupe une place de plus en plus impor-
Toyota dans l’automobile, Samsung dans les télécoms, tante, tout comme les places financières (Hong Kong,
ou encore Mitsubishi. La décennie suivante a vu l’émer- Shanghai, Singapour), les ports de commerce. Les firmes
gence des « bébés tigres » asiatiques (Thaïlande, Indoné- asiatiques s’engagent désormais dans des investisse-
sie, Malaisie) qui ont à leur tour commencé à accueillir ments productifs en Europe, en Afrique, en Amérique,
des activités devenues moins compétitives en raison de rachètent des entreprises et infrastructures dans ces
la hausse des salaires. Au tournant des années 2000, c’est régions, implantent leurs usines, achètent des terres
la Chine qui est devenue le géant montant, après deux arables. Cela nourrit la méfiance et les craintes d’une
décennies d’ouverture d’abord timide et de réformes éco- domination et d’une forme de colonisation économique.
nomiques menées par Deng Xiao Ping. La Chine a béné- Cela se traduit par une augmentation des discours et
ficié de délocalisations et de capitaux de Hong Kong, des actes xénophobes à l’encontre des Asiatiques dans les
États-Unis, du Japon et s’est construit un véritable empire pays des régions concernées.
industriel. On parle aujourd’hui d’elle comme « usine du
monde ». Or certains secteurs comme le textile, confor- 6. Le processus en cours implique la Chine, première
mément à la théorie d’Akamatsu ont commencé à s’im- puissance démographique mondiale, qui est en passe
planter dans de nouveaux pays d’Asie à faible coût de de devenir la première économie mondiale. Le poids
main-d’œuvre (Vietnam, Bangladesh, Birmanie, Pakistan). exceptionnel de ce pays, associé à son régime politique
L’Inde a aussi édifié un puissant secteur industriel autour autoritaire, fait craindre une hégémonie chinoise sur
de la métallurgie (Mittal), l’automobile (Tata), l’informa- l’ensemble du monde, le pays disposant d’un réservoir de
tique (Infosys). On voit donc que cette théorie fonctionne main-d’œuvre perçu comme inépuisable. Elle est aussi un
parfaitement à l’échelle régionale, à mesure que les pays immense marché en croissance, à même de prendre le
se sont ouverts à la mondialisation capitaliste. relais en cas d’une baisse des exportations. Les sanctions
adoptées par les pays occidentaux après la répression de
5. Ce processus contribue à l’émergence de l’aire asia- Tian’anmen en 1989 n’ont eu aucun effet sur le régime,
tique car de nombreux capitaux asiatiques sont investis qui cherche à promouvoir son propre modèle politique
dans la région, créant des solidarités économiques de fait, « démocratique » à travers sa réussite économique. La
des systèmes productifs transnationaux qui exploitent les Chine est en outre devenue un pôle d’innovation techno-
avantages comparatifs de chacun. La Chine est devenue logique, qui attire désormais étudiants, investisseurs et
le principal investisseur, tandis que de puissants groupes entrepreneurs. Mais cette puissance effraie aussi en rai-
industriels diversifiés se sont constitués dans la plupart son de ses capacités militaires en forte augmentation, de
des pays. C’est en Asie que se trouve aujourd’hui le plus sa politique commerciale agressive, de son contrôle sur
grand nombre de millionnaires, dont la fortune est liée les médias et le cyberespace. Rien ne semble pouvoir la
à des activités industrielles. Cette croissance a été très contrebalancer, alors qu’elle est en parallèle impliquée
rapide, dans un contexte de mondialisation accélérée, et dans les principales tensions qui agitent le continent,
malgré les crises successives (crise économique de 1997, depuis le Cachemire jusqu’aux îlots qu’elle a fortifiés en
puis crise sanitaire du SRAS en 2003, crise bancaire de mer de Chine méridionale. Si sa croissance tire la crois-
2008, épidémie de grippe aviaire H1N1 de 2009…). sance régionale et assure une relative stabilité régionale
De fait, le poids de l’Asie dans la production indus- et mondiale, elle y génère aussi de nouvelles tensions à
trielle et les échanges commerciaux mondiaux n’a cessé son égard. Une déstabilisation économique et politique
de croître, au point d’en faire un pôle essentiel de l’éco- du pays aurait des conséquences considérables.

THÈME 5 Axe 1 Exploiter, préserver et protéger 14


Le changement climatique :
AXE 2
approches historique et géopolitique
La logique du chapitre
Le réchauffement climatique global et les nombreuses transformations environnemen-
tales qui y sont associées sont aujourd’hui l’une des préoccupations majeures des so-
ciétés contemporaines. L’Axe 2 propose d’aborder cette thématique selon une double
perspective, historique et géopolitique.
La mise en perspective historique est utile pour : d’une part pour montrer que le climat
a toujours varié et que les sociétés se sont adaptées ; d’autre part pour montrer que le
changement climatique actuel constitue une rupture sans précédent dans l’histoire de
l’humanité, de par sa rapidité sans égale, l’ampleur de ses conséquences, et enfin l’ori-
ginalité de son origine humaine.
L’entrée par la géopolitique trouvera une résonance particulière avec l’actualité. Le
changement climatique contemporain est un problème global qui nécessite une concer-
tation internationale. Il s’est ainsi récemment affirmé comme l’un des enjeux clefs des
relations entre États et des négociations internationales où s’établissent et se recom-
posent des rapports de force. Ainsi, la thématique des inégalités face au changement
climatique est centrale ; c’est pourquoi elle fait l’objet d’une double page Grand angle.

Bibliographie
1. Approche historique
–– Les ouvrages d’E. Le Roy Ladurie ont été fondateurs dans l’approche historique du
climat, ce sont des classiques incontournables. L’Histoire du climat depuis l’An Mil
(1967) peut être approfondi avec l’Histoire humaine et comparée du climat (tome I :
Canicules et glaciers xiiie-xviiie siècle ; tome II  : Disettes et révolutions 1740-1860 ;
tome III : Le réchauffement climatique de 1860 à nos jours), paru entre 2004 et 2009
chez Fayard.
–– La synthèse de P. Acot, 2003 (réed. 2009), Histoire du climat, Perrin, coll. « Tempus »
est très accessible et commode pour aborder de façon efficace et concise ces problé-
matiques.
–– Enfin le court ouvrage de C. Bonneuil et J.-B. Fressoz, 2013 (réed. 2016), L’Évènement
anthropocène, chez Folio Histoire, offre une réflexion particulièrement stimulante au-
tour de la notion d’Anthropocène.
–– Pour terminer une référence très pointue, qui croise les approches d’une façon bril-
lante  : A. Metzger, 2018, L’Hiver au siècle d’or hollandais  : art et climat, Sorbonne
université presse.
2. Approche géographique et géopolitique
–– La référence la plus commode est certainement F.-M. Bréon et G. Luneau, 2018
(réed.), Atlas du climat : face aux défis du réchauffement, Autrement. Comme tous les
atlas Autrement, il est organisé en doubles pages richement illustrées qui permettent
d’aborder chaque point d’une façon très synthétique.
–– Les travaux de F. Gemenne sont des références essentielles sur la question cli-
matique en géographie. Son très récent Atlas de l’anthropocène (2019, Presses de
Sciences Po) est une réussite ; très accessible, il balaye de nombreuses thématiques,
des négociations internationales aux migrations environnementales ; les illustrations,
réalisées par l’Atelier de cartographie de Sciences Po, sont formidables.

On retrouve nombre d’entre elles dans l’Atlas mondial de Sciences Po, désormais dis-
ponible gratuitement en ligne, et qui propose, parmi les très nombreuses thématiques
traitées (et accessibles y compris pour des élèves de terminale, avec à signaler une très
belle cartographie et un précieux glossaire), une entrée « Changements climatiques » :
https://espace-mondial-atlas.sciencespo.fr/fr/rubrique-ressources/article-5A02-chan-
gements-climatiques.html

THÈME 5 Axe 2 Le changement climatique : approches historique et géopolitique 15


–– Toujours à Sciences Po, on pourra se référer, pour approfondir, à S. C. Aykut, A.
Dahan, 2014, Gouverner le climat  : 20 ans de négociations climatiques internatio-
nales, Presses de Sciences Po ; ou encore accessible en ligne et de très grande qualité
scientifique : F. Gemenne (dir.)/CERIscope Sciences Po, dossier « environnement et re-
lations internationales », http://ceriscope.sciences-po.fr/environnement
–– Les ouvrages de J. Diamond sont très connus et ont occasionné de nombreux débats.
Le plus discuté est sans doute : Effondrement : comment les sociétés décident de leur
disparition ou de leur survie, 2005, Gallimard, Folio Essais.

Sitographie
Les rapports officiels des différentes agences de l’ONU sont accessibles en ligne, comme :
–– GIEC, 2014-2017, Assessment Report 5 Climate Change, https://www.ipcc.ch/report/
sixth-assessment-report-cycle/
–– OIM, 2019, Climate change and migration in vulnerable countries, https://publica-
tions.iom.int/system/files/pdf/climate_change_and_migration_in_vulnerable_coun-
tries.pdf

p. 350-351 O u ve r t u r e p. 352-353 Re p è r e s

Éléments de réponse aux questions p. 350 Qu’est-ce que le changement


1. La couche superficielle de glace est suffisamment climatique ?
solide pour permettre l’organisation d’un évènement sur La double page repère permet de contextualiser le chan-
la Tamise ; des tentes semblent durablement installées, gement climatique, aussi bien dans le temps que dans
tandis que les embarcations sont remisées sur les rives l’espace. Il peut être utile de faire prendre conscience
du fleuve, et que les Londoniens paraissent chaudement aux élèves des différentes temporalités qui se super-
couverts. posent, et de la très grande profondeur temporelle de
l’histoire de la Terre, comparativement au caractère très
récent du changement climatique actuel. La notion d’An-
Éléments de réponse aux questions p. 351
thropocène interroge justement l’importance de cette
1. Sur cette image également londonienne qui contraste rupture en la recontextualisant.
nettement avec le premier document, plusieurs slo- Le graphique souligne le lien entre l’augmentation de
gans montrent que les jeunes manifestants se ques- la concentration de CO2 dans l’atmosphère, qui connaît
tionnent sur le long terme (« It’s our future »), appellent une nette accélération à partir de la Révolution indus-
une action rapide («  Act now  ») face à un changement trielle, et plus encore de l’après-guerre, et l’augmentation
ressenti comme une impasse (« There’s no planet B »). des températures par rapport à la moyenne préindus-
trielle. Il est ici important d’insister avec les élèves sur la
2. Historiquement les sociétés ont vécu une alternance responsabilité des sociétés dans le phénomène, qui a été
de périodes relativement fraîches, comme le Petit longtemps débattue, mais qui est aujourd’hui largement
Âge glaciaire à l’époque moderne (doc. 1  ; frise), et de admise dans la communauté scientifique, en particulier
périodes relativement plus chaudes comme l’optimum grâce aux travaux du GIEC qui font autorité, ce qui per-
climatique médiéval ou le réchauffement actuel (doc. met de contrer les arguments climatosceptiques.
2, frise). Si l’impact des sociétés sur l’environnement a La carte de synthèse permet de différencier la contri-
longtemps été limité, la révolution industrielle (frise) bution des États au réchauffement climatique, avec la
ouvre une période de réchauffement accéléré, qui se mesure des émissions de CO2. Elle fait ainsi émerger
poursuit aujourd’hui avec l’industrialisation des pays du une opposition entre les pays qui contribuent le plus
Sud (Chine 1er émetteur de GES depuis 2006). Toutefois au réchauffement climatique et ceux qui en souffrent
les sociétés s’efforcent de réguler leurs émissions de GES le plus. Elle permet en outre d’aborder la mise en place
responsables d’un accroissement de l’effet de serre au d’une politique internationale de lutte contre le réchauf-
travers de grandes conférences internationales (­Sommet fement climatique.
de la Terre, COP 21 par exemple), débouchant sur des
accords plus ou moins efficaces (protocole de Kyoto,
accords de Paris). Éléments de réponse aux questions p. 353
1. La notion d’Anthropocène permet symboliquement de
mettre l’accent sur la responsabilité humaine dans l’évo-
lution de l’environnement et du climat.

2. À l’échelle globale, les sociétés émettent de plus en


plus de CO2, l’un des gaz responsables de l’accroissement

THÈME 5 Axe 2 Le changement climatique : approches historique et géopolitique 16


de l’effet de serre et de la hausse des températures. Tou- proposer une représentation de la campagne toscane,
tefois, les différents États contribuent très inégalement marquée par des récoltes abondantes (présentées par la
à ce phénomène, les six premiers pays émettant plus de fresque comme l’un des effets du « bon gouvernement »
50 % du total. de la ville qui maîtrise son contado). L’optimum clima-
tique médiéval bénéficie facilite en effet la pratique de
3. L’ONU est très active, en particulier au travers de ses l’agriculture et l’amélioration des rendements, à une
agences spécialisées, comme le GIEC, et par l’organisa- période de forte croissance démographique.
tion de grandes négociations internationales sur l’en-
vironnement et le climat. Certains États, comme ceux
de l’UE ou plus récemment la Chine, s’efforcent d’im-
Document 4
pulser une politique active, tandis que d’autres grands L’expansion viking fournit un autre exemple d’effet du
émetteurs, comme les États-Unis ou le Brésil s’y refusent réchauffement climatique médiéval. Celui-ci, en facili-
encore. tant les expéditions maritimes, permet l’implantation et
le maintien de colonies vikings au sud-ouest du Groen-
4. À l’échelle mondiale, les pays du Sud sont les plus land qui connaît alors un climat adouci, l’agriculture y
vulnérables, alors même qu’ils contribuent nettement étant possible (cela n’a longtemps été plus le cas à la
moins au changement climatique (cas de l’Afrique sub- période suivante, alors qu’aujourd’hui on peut à nouveau
saharienne). développer quelques cultures dans la région).

Éléments de réponse aux questions p. 355


p. 354-355 Jalon 1A
1. On connaît les sources du passé d’après des sources
très diverses dont certaines sont ici présentées : sources
L’évolution du climat en Europe, géologiques et chimiques (doc. 1, doc. 2), ou encore
du Moyen Âge au xixe siècle sources historiques (archives, récits, œuvres d’art,
Il s’agit de montrer dans ce premier jalon que le cli- archéologie) comme on le voit au travers des documents
mat a toujours fluctué, et que ces changements clima- 1 à 4.
tiques passés ont impacté les sociétés de façon très 2. À l’échelle des temps géologiques, on observe des
diverses. Après une contextualisation générale, la pre- cycles réchauffement-refroidissement presque réguliers,
mière double page montre qu’au Moyen Âge, un climat qui ont lieu environ tous les 100 000 ans. À l’échelle des
relativement clément est plutôt associé à une certaine temps historiques, on retrouve des fluctuations sur un
prospérité et à des phases d’expansion territoriale. La pas de temps plus court (à l’échelle de plusieurs siècles)
deuxième double page se concentre quant à elle sur et d’ampleur inégale, mais moins marquée.
le Petit Âge glaciaire, un épisode historique très bien
documenté, et qui permet de retourner la problématique 3. On peut mentionner des activités agricoles facilitées
pour mettre en évidence les effets d’un refroidissement. (doc. 3 et 4), ou encore l’expansion territoriale vers des
contrées naguère trop froides comme le Groenland, peu-
Document 1 plé au Moyen Âge par les Vikings et les Inuits (doc. 4).
La confrontation des deux frises chronologiques peut
Synthèse L’échelle du temps long montre des variations
permettre aux élèves de prendre conscience de la pro-
de température. Historiquement l’optimum climatique
fondeur temporelle et de la superposition des tempora-
romain (ier et iie siècles) et l’optimum clima­tique médié-
lités dans les changements climatiques, en mettant en
val (xe-xiiie siècle) ont favorisé le développement des
regard les temps géologiques (frise du haut) et les temps
cultures et, partout, de la population.
historiques (frise du bas). On peut expliquer aux élèves
comment ces documents sont élaborés et comment les
Travailler autrement
scientifiques parviennent à reconstituer les climats du
Cette vidéo de vulgarisation scientifique permet de lis-
passé, en croisant des sources entre autres historiques,
ter les éléments dont disposent les chercheurs : prélève-
géologiques, chimiques (analyse des bulles d’air empri-
ment de roches, de carottes de sédiments lacustres ou
sonnées dans les calottes glaciaires qui constituent
marins, de carottes glaciaires permettant l’analyse des
de véritables archives du climat), en parallèle avec la
bulles d’air, des traces de pollen ou de coquillages.
rubrique « travailler autrement ».

Document 2 p. 356-357 Jalon 1B


Il complète utilement le document 1, en soulignant d’une
part l’existence de fluctuations historiques  ; et d’autre Document 1
part en mettant en évidence les effets de celles-ci sur les
sociétés. On peut aussi faire le lien avec les documents Il permet de faire la transition avec la double page pré-
3 et 4. cédente puisque si les Vikings ont connu une expansion
importante avec l’OCM, on sait en revanche que les colo-
nies vikings du Groenland ont disparu pendant le PAG,
Document 3 sous l’effet de différentes logiques, imputables indi-
Cet extrait d’une œuvre médiévale très célèbre mettant rectement au rafraîchissement climatique, même si les
en scène la prospérité de la ville de Sienne permet de Vikings s’y sont dans un premier temps manifestement

THÈME 5 Axe 2 Le changement climatique : approches historique et géopolitique 17


assez bien adaptés, avant d’entrer en concurrence pour (banquise, glaces dérivantes) qui compliquent la naviga-
les ressources avec les Inuits également installés sur le tion (doc. 1), l’avancée des glaciers alpins vers les vallées
territoire groenlandais, et qui, avec le froid, sont des- (doc. 2), l’englacement des canaux et des cours d’eau
cendus vers le sud pour trouver des conditions plus clé- (doc. 3), avec des hivers nettement plus rigoureux (doc.
mentes. 4) ou encore des étés plus humides marqués par de vio-
lentes précipitations (doc. 4).
Document 2 3. Mais on peut aussi en souligner quelques-uns des
Avec le refroidissement et l’avancée spectaculaire des effets indirects au travers des documents comme de
glaciers ainsi que la manifestation d’autres effets du mauvaises récoltes (doc. 1, doc. 4), le ralentissement
froid, de nombreuses villes et villages organisent des de nombreuses activités (doc. 1, doc. 3) ou encore des
processions, voyant dans le rafraîchissement et ses migrations de populations à la recherche de conditions
effets une punition divine. Le choix a été fait de donner plus clémentes (doc. 1).
un extrait direct des travaux d’Emmanuel Le Roy Ladurie
pour décrire ces effets, à contresens de ceux que nous Synthèse On soulignera le fait que les sociétés humaines
connaissons aujourd’hui. sont parvenues à s’adapter au Petit Âge glaciaire, même
si son impact a pu avoir des conséquences économiques
voire politiques importantes.
Document 3
La peinture européenne a été largement marquée, à Travailler autrement
l’époque moderne, par des représentations de l’hiver, En fonction du niveau des élèves, on peut leur proposer
qui ont été bien étudiées par les historiens de l’art. Les de classer les conséquences sous forme de tableau, ou
peintures de Bruegel l’Ancien sont particulièrement bien de résumer l’article sous forme de carte mentale
connues sur ce thème. Elles représentent fréquemment pour en extraire les idées principales tout en insistant
des scènes de liesse ou de jeux, comme aussi au travers sur les liens causaux entre les phénomènes.
de la pratique du patinage sur les canaux, très appréciée
des Hollandais ; mais elles ne doivent pas faire oublier la
dureté des conditions de vie, en particulier pour les pay-
sans pauvres, à cette période. p. 358-359 Jalon 2A

Document 4 Le climat, enjeu des relations


L’orage du 13 juillet 1788 est très connu et a été très lar- internationales
gement documenté et étudié, en raison notamment de Le Jalon se décompose en deux temps. La première
sa date, un an presque jour pour jour avant la prise de la double page s’attache tout d’abord à montrer comment
Bastille. Ses effets directs et indirects sur le déroulé des le climat est progressivement devenu un enjeu des rela-
évènements politiques et sociaux ont été débattus, mais tions internationales, autour duquel se nouent des jeux
il est établi que l’«  été pourri  » de 1788 a joué un rôle d’acteurs fondés sur des approches différentes du pro-
déterminant dans les mauvaises récoltes et la crise de blème, voire sur des visions conflictuelles. La deuxième
subsistance qui a suivi ; il pourrait avoir joué à ce titre un double page précise cette approche en s’attachant à
rôle de déclencheur. Pour plus de précisions, on peut se une négociation particulière, celles de la COP21 qui a
référer à : Anouchka Vasak, « L’orage du 13 juillet 1788. débouché sur le premier accord universel sur le climat,
L’histoire avant la tourmente », Le Débat, 2004/3 (n° 130), un espoir dans la lutte contre le changement climatique
p. 171-188. DOI  : 10.3917/deba.130.0171. URL  : https :// bien vite remis en cause.
www.cairn.info/revue-le-debat-2004-3-page-171.htm

Document 1
Éléments de réponse aux questions p. 357
À partir d’un article de presse résumant les conclusions
1. On attribue la disparition des colonies vikings du d’un rapport du GIEC, le document permet de saisir les
Groenland au refroidissement climatique, ce qui consti- transformations nécessaires à une lutte significative
tue en fait un raccourci. Si le refroidissement a effective- contre le changement climatique. Il peut être intéres-
ment eu des conséquences directes comme les difficultés sant d’ailleurs d’analyser le titre de l’article, autour
grandissantes voire l’impossibilité de pratiquer l’agricul- des expressions «  changement radical  » et «  mode de
ture, ce sont plutôt les effets indirects du rafraîchisse- croissance » ; un parallèle peut être établi avec les pro-
ment qui auraient mené les colonies à leur perte, telles positions du Club de Rome dans les années 1970 qui prô-
que le recul du commerce avec l’Europe pourtant indis- naient une « croissance zéro », tandis que dans la phase
pensable pour s’approvisionner (en bois par exemple), actuelle de la mondialisation, l’objectif de croissance
ou encore la concurrence croissante avec d’autres com- n’est pas remis en cause. Le document permet en effet
munautés (les Inuits) pour des ressources, notamment de de soulever la question du niveau d’action pertinent : si
chasse, amoindries par les conditions climatiques. l’action individuelle est nécessaire, aucune amélioration
réelle n’est envisageable en l’absence d’un effort mar-
2. Le refroidissement du climat se manifeste par des qué de la part des États, dans le cadre d’une gouver-
effets directs, comme l’augmentation de la glace de mer nance globale et coordonnée.

THÈME 5 Axe 2 Le changement climatique : approches historique et géopolitique 18


Document 2 ensemble, elles font de l’UE le 3e contributeur mondial
aux émissions de GES). Si l’UE est de longue date enga-
La carte permet de confronter deux informations  ; elle gée dans la lutte contre le réchauffement climatique,
peut d’ailleurs être l’occasion de rappeler aux élèves et si la Chine s’y est plus récemment ralliée, de même
quelques règles de sémiologie graphiques (informations que l’Inde, la Russie et les États-Unis, dont le modèle de
relatives représentées en plage de couleur, tandis que développement est fondé sur une consommation mas-
les valeurs absolues sont représentées par des figurés sive d’hydrocarbures, y sont plus réticents.
ponctuels dont la taille varie proportionnellement). Les
données sur les émissions sont issues du très riche Glo- Synthèse On peut partir des deux notions centrales, pour
bal Carbon Atlas, élaboré à partir d’une base de don- ensuite les relier à des dynamiques productrices de GES.
nées partagée entre des chercheurs du monde entier. La société de consommation est devenue un modèle
Les émissions sont très inégales : on pourrait choisir de culturel dominant qui pousse à produire toujours plus, et
travailler à partir de valeurs relatives pour pouvoir com- donc à consommer davantage de ressources en encou-
parer les niveaux de pollution entre eux ; mais à partir rageant le développement industriel ; tandis que la mon-
de cette carte on peut identifier les principaux pollueurs dialisation, dont la phase actuelle se caractérise par une
mondiaux, ceux dont l’action est donc la plus détermi- intensification de tous les types de flux, repose sur les
nante. La couleur informe sur la ratification d’accords transports (routiers, aériens, maritimes) très fortement
internationaux ; on remarque que le consensus est bien émetteurs de GES, de même que l’industrie qui se déve-
plus large autour de l’accord de Paris qu’autour du pro- loppe rapidement dans les pays du Sud entre autres sous
tocole de Kyoto. L’immense majorité des pays du monde l’effet des délocalisations industrielles depuis les pays
sont engagés dans la politique globale de lutte contre le du Nord.
réchauffement climatique.
Travailler à l’oral
L’article présente de manière détaillée la « construction
Document 3 de l’ignorance sociale » en fonction d’intérêts écono-
La caricature permet, au travers d’un média facilement miques, financiers, politiques ou idéologiques. On pourra
accessible aux élèves, de mettre en avant le dilemme le relier au Thème 4 du programme de 1re.
entre croissance économique et réduction des GES ; c’est
l’argument en fonction duquel les pays du Sud n’étaient
soumis à aucune obligation de réduction des émissions p. 360-361 Jalon 2B
de GES dans le cadre du protocole de Kyoto ; il a long-
temps été brandi par la Chine. On sait aujourd’hui qu’il
faut au contraire chercher à concilier les deux objectifs Document 1
autant que possible dans le cadre du concept de déve- Le texte est issu du Grand atlas, édité annuellement par
loppement durable, sans nécessairement opposer la Autrement et Courrier International, et qui est une res-
dimension économique et la dimension environnemen- source abordable et commode pour des données à jour.
tale. Il peut être intéressant de travailler avec les élèves L’analyse assez courte permet de souligner aussi bien
sur la construction graphique de l’image, et la façon dont les avancées que représente l’accord de Paris que ses
elle contribue à véhiculer le message. Le dessinateur limites.
suisse Chappatte a produit de nombreuses caricatures
sur le thème de l’environnement.
Document 2
Cette caricature issue de la presse mexicaine (donc d’un
Éléments de réponse aux questions p. 359 pays du Sud, ce qui témoigne de la mondialisation de la
1. Différentes activités humaines contribuent à émettre médiatisation et de l’intérêt social pour la question envi-
des GES, en particulier la combustion d’énergies fos- ronnementale et climatique). Elle met sur le même plan
siles (doc. 1), mais aussi, directement ou indirectement, les dirigeants des trois principaux émetteurs de GES, de
l’agriculture, la production industrielle, les transports, la gauche à droite la Chine, l’UE, les États-Unis. Tandis que
construction (doc. 1). L’industrie et la production d’élec- des ampoules basse consommation symbolisant des
tricité restent des sources d’émissions majeures (avec efforts en matière de réduction des émissions de GES
les transports) comme le montre le doc. 3 (cheminées surmontent la tête des deux premiers, les États-Unis
d’usine, lignes THT). Les émissions de GES augmentent incarnés par le climatosceptique Donald Trump sont
sous l’effet de plusieurs dynamiques telles que la crois- surmontés par une cheminée d’usine fumante, incarnant
sance démographique mondiale, l’urbanisation crois- avec le pouce baissé la position du Président hostile à
sante de la population, l’industrialisation des pays du toute mesure risquant selon lui de diminuer la compéti-
Sud (doc. 3), ou encore l’élévation du niveau de vie qui tivité de l’économie et de l’industrie états-uniennes.
se traduit entre autres par une consommation accrue
d’énergie. Document 3
2. La Chine, les États-Unis, l’Inde, la Russie se dégagent Le document permet de nuancer la position états-
très nettement comme les principaux émetteurs de GES ; unienne en montrant que celle-ci ne se résume pas
mais il faut aussi ajouter l’UE, ici représentée par les émis- à celle du chef de l’État. L’initiative «  We are still in  »
sions nationales des 28 États membres (comptabilisées (« nous en sommes toujours », sous-entendu : de l’accord

THÈME 5 Axe 2 Le changement climatique : approches historique et géopolitique 19


de Paris) permet également de souligner la diversité des le débat, doivent effectuer un travail de recherche sur
acteurs impliqués dans la lutte contre le réchauffement, la problématique environnementale rencontrée par
en soulignant le rôle clef de la société civile, des entre- chaque pays et son positionnement dans les conférences
prises, et des collectivités locales. On constate ainsi que sur le climat. C’est aussi l’occasion d’expliquer comment
la préoccupation environnementale est largement par- se déroulent des négociations internationales, ce que
tagée au sein de la société américaine. l’on pourra éventuellement prolonger par la participa-
La chronologie, assez détaillée, peut aussi être mobili- tion à un exercice de simulation ONU.
sée pour répondre aux questions et enrichir les réponses.

p. 362-363 Grand angle


Éléments de réponse aux questions p. 361
1. Les négociations internationales sur le climat débutent Quelles inégalités face au changement
à la fin des années 1970. L’UE en a été l’un des acteurs climatique dans le monde ?
les plus engagés, en cherchant toujours à promouvoir
Les inégalités constituent une thématique très trans-
une action concertée. Les États-Unis, qui ont également
versale lorsque l’on étudie le changement climatique  :
joué un rôle important, se sont placés en retrait depuis
inégalité dans les émissions de GES (que ce soit par
l’élection de Donald Trump (chronologie, doc. 1, doc. 2)
pays ou par habitant), inégalités dans les effets subis du
qui a choisi de désengager son pays de l’accord de Paris
réchauffement, inégalités enfin dans les moyens de lutte
(le retrait sera effectif au mieux en novembre 2020). À
possible, dans le contexte d’un espace mondial dont le
l’inverse, la Chine, longtemps tenue hors des engage-
développement reste marqué par des disparités phéno-
ments (protocole de Kyoto, chronologie) et hostile à des
ménales entre pays (et au sein même des pays).
mesures contraignantes perçues comme des entraves à
son développement économique, et à l’origine de l’échec
des négociations de Copenhague en 2009, a changé Document 1
d’attitude depuis les années 2010 et se pose aujourd’hui
en nouveau moteur de ces négociations (chronologie, On peut partir de cette image qui a été très médiati-
doc. 1, doc. 2). sée, ce qui était le but, puisqu’il est très difficile pour un
PMA comme les Maldives au soft power quasi inexistant
2. La réponse est évidemment nuancée. D’une part c’est d’avoir une audience sur la scène internationale. Cette
la première fois que la communauté internationale par- mise en scène spectaculaire a rempli son rôle de prise
vient à s’entendre sur un accord universel ; les pays du de conscience, pour sensibiliser les opinions au risque de
Sud sont mis à contribution contrairement aux accords submersion qui menace les îles coralliennes basses dans
précédents (chronologie, doc. 1). Mais l’enthousiasme le contexte de l’élévation du niveau de la mer qui est l’un
doit être tempéré par des objectifs encore largement des effets du changement climatique (sous l’effet conju-
insuffisants, le désengagement des États-Unis (2e pol- gué de la fonte des calottes glaciaires terrestres et de la
lueur mondial) (chronologie, doc. 1, doc. 2). dilatation thermique des océans).

3. La société civile est appelée à jouer un rôle croissant


dans la lutte contre le réchauffement climatique  : «  la
Document 2
société civile mondiale a pris conscience de son rôle Ce texte émane du PNUD, l’agence des Nations unies
décisif » (doc. 1). Ces acteurs très divers (doc. 3) peuvent dédiée à la question du développement. Il permet de
agir directement ou en faisant pression sur leur gouver- faire le lien entre la thématique environnementale et
nement respectif pour faire adopter des législations plus celle des inégalités socio-économiques, en mettant en
ambitieuses (doc. 1, doc. 3). évidence une boucle de rétroaction (les inégalités et la
pauvreté augmentent la vulnérabilité au changement
Synthèse On pourrait inciter les élèves à travailler à par- climatique, qui à son tour exacerbe la pauvreté et les
tir d’un tableau en deux colonnes, pour rassembler des inégalités).
arguments pour et contre. Ou pour différencier le tra-
vail, on peut proposer aux élèves les élèves de répondre
directement sous forme rédigée, en donnant de grandes
Document 3
directions, par exemple  : «  pour cela, vous montrerez Cette carte de synthèse permet de mettre en évidence
d’abord que les États sont parvenus à établir progres- d’une part les nombreux effets directs et indirects du
sivement un consensus mondial  ; mais vous nuancerez changement climatique sur les sociétés  ; d’autre part
ensuite ces avancées par les désaccords persistants et le le degré très inégal d’exposition des sociétés face à ces
manque d’ambition des objectifs ». manifestations, avec une vulnérabilité maximale pour
les pays du Sud, à la fois plus pauvres et fréquemment
Travailler à l’oral situés en zone intertropicale (l’une des régions les plus
Ici il paraît important de sélectionner des États ayant une fortement déstabilisées par le changement climatique).
vulnérabilité différenciée au changement climatique, et
un positionnement varié quant aux politiques à mener
en la matière. Il faut également veiller à sélectionner des
Document 4
États au poids diplomatique différencié, pour mettre en La question des réfugiés environnementaux est l’une des
évidence la nécessité pour les plus petits États de s’allier plus problématiques qui commencent à se poser avec le
afin de faire entendre leur voix. Les élèves, pour préparer changement climatique. Le texte, très récent, est signé

THÈME 5 Axe 2 Le changement climatique : approches historique et géopolitique 20


par Catherine Wihtol de Wenden, une chercheuse dont 3. Le problème se pose en des termes différents suivant
l’expertise en matière migratoire est très largement les pays du Sud. Le pluriel souligne la grande diversité
reconnue ; mais l’on pourrait également travailler à par- des situations. Les géants démographiques, en forte
tir de l’Atlas des migrations environnementales dirigé expansion économique, s’efforcent de limiter leurs émis-
par François Gemenne. sions. L’équation est différente pour d’autres émergents,
comme la Russie ou le Brésil, dont une part de l’écono-
mie repose sur l’exportation d’hydrocarbures. Les pays
Éléments de réponse aux questions p. 363 les moins avancés, en particulier l’Afrique subsaharienne
1. On peut ici amener les élèves à souligner la discor- très peuplée, ou les petits États insulaires tropicaux les
dance presque parfaite entre les principaux émetteurs plus exposés à l’élévation du niveau de la mer, sont clai-
de GES et les pays qui sont le plus fortement victimes rement les plus en difficulté.
des conséquences environnementales du changement
climatique. Seule l’Inde apparaît comme un important 4. La contribution des pays du Sud au changement clima-
contributeur dont la vulnérabilité est élevée. On peut tique est très différenciée. Si, dans l’ensemble, ils ont his-
donc ici caractériser une situation d’injustice environ- toriquement, par un décollage économique plus tardif,
nementale, au sein de laquelle certains pays subissent moins contribué, aujourd’hui la Chine et l’Inde figurent
le plus durement des dégradations environnementales parmi les 5 premiers pollueurs mondiaux. Toutefois
dont ils ne sont que très peu responsables, alors que ce d’autres pays du Sud, notamment les PMA, émettent très
sont eux qui ont le moins les moyens de s’en protéger peu de GES.
(doc. 1 à 3).
5. Ainsi leur capacité d’action est très différenciée. Les
2. Les pays du Sud, majoritairement situés en zone inter- pays les plus en difficulté ont besoin de l’aide des pays
tropicale, subissent des effets environnementaux plus les plus riches pour financer leur adaptation aux effets
forts dans cette région climatique (les effets du change- du changement climatique. Mais les Suds émergents ont
ment climatique sont également marqués en zone arc- un rôle majeur à jouer, comme en témoigne la volte-face
tique et subarctique, mais celles-ci sont nettement moins de la politique chinoise, qui, après des décennies d’oppo-
peuplées et font partie de pays du Nord bien qu’elles y sition à des mesures contraignantes, cherche aujourd’hui
connaissent un décrochage en matière de développe- à se positionner comme l’un des leaders mondiaux dans
ment). De plus, les moyens des pays du Sud pour faire la lutte contre le changement climatique.
face à ces conséquences sont plus réduits que ceux des
6. On peut proposer des pistes très différentes, par ex :
pays du Nord. Et une forte partie de leur population vit
dans quelle mesure le changement climatique creuse-
déjà dans des conditions de précarité socio-économique
t-il les disparités entre les pays du Sud ?
très marquée.

3. Il existe une relation à double sens entre la pauvreté 7. On peut répondre en trois temps :
de certains pays et leur vulnérabilité face aux effets du I. Des pays inégalement responsables
changement climatique. De fait, les manifestations de du réchauffement climatique
celui-ci peuvent fragiliser nombre d’activités, notam- II. Une plus grande vulnérabilité que les pays
ment des activités de subsistance comme l’agriculture et du Nord, qui aggrave les difficultés des pays du Sud
la pêche, dans des pays dont les populations dépendent
plus largement que dans les pays du Nord de leur envi- III. Des capacités d’action très différenciées
ronnement pour survivre. La résilience des pays du Sud
8. En avril 2020, le cyclone Harold a dévasté plusieurs
est également plus faible, notamment dans le cas des
archipels du Pacifique comme les Vanuatu. Le risque
réfugiés environnementaux qui voient leurs conditions
cyclonique tend à s’aggraver avec le réchauffement cli-
de vie bouleversées sans pouvoir bénéficier, comme les
matique, et a des conséquences désastreuses pour ce
réfugiés politiques, de la protection des États, en raison
petit État du Sud à l’IDH très faible (0,670, 119e rang mon-
d’un vide juridique problématique dans la définition de
dial en 2019). C’est une injustice environnementale ter-
leur statut.
rible pour ce pays qui est l’un des plus petits émetteurs
mondiaux de GES (179e sur 186) et qui est parmi les terres
les plus menacées par l’élévation du niveau de la mer.
p. 366-367 Exercices Bac
Exercice 2
Exercice 1 On peut partir de la photographie et de sa légende
1. Changement climatique : changement des conditions pour sensibiliser les élèves aux différents modes d’ac-
climatiques dans l’atmosphère terrestre lié aux activités tions possibles : sommets internationaux pour favoriser
humaines, se caractérisant le plus souvent par une élé- une action à l’échelle de la communauté internatio-
vation des températures, et de multiples effets indirects. nale, action des États, rôle des ONG dans une prise de
Les Suds : par opposition au Nord, le Sud est une notion conscience collective et pour faire pression sur les gou-
géoéconomique qui désigne les pays en développement. vernements. Les actions individuelles sont aussi à mobi-
liser. On peut ainsi réfléchir aux différentes échelles
2. Les effets du changement climatique touchent beau- d’action, et à l’efficacité différenciée de ces interven-
coup plus les pays du Sud, qui en raison d’un plus faible tions. On pourra renvoyer les élèves vers des sites ins-
développement, y sont de surcroît les plus vulnérables. titutionnels comme ceux de l’ONU (GIEC, PNUD, PNUE),

THÈME 5 Axe 2 Le changement climatique : approches historique et géopolitique 21


ou encore vers les sites étatiques ou ceux des collectivi- 4. Quelques pays se distinguent par leurs efforts : ce sont
tés locales (voir la page dédiée du ministère de la Tran- surtout des pays d’Europe occidentale et d’Europe du
sition écologique  : https://www.ecologique-solidaire. Nord (France, Allemagne, Suède par exemple), ainsi que
gouv.fr/politiques/lutte-contre-changement-climatique) l’Inde.
ou ceux des grandes associations/ONG (par exemple le
WWF https://www.wwf.fr/champs-daction/climat-ener- 5. En revanche, plusieurs pays du Nord (États-Unis,
gie/dereglement-climatique). Les initiatives citoyennes Canada, Australie), émergents (Afrique du Sud), inter-
sont également à consulter pour enrichir la réflexion, médiaires (Turquie) ou pétroliers (Arabie saoudite, Iran,
par exemple les travaux de la Convention citoyenne Russie) apparaissent plutôt comme de mauvais élèves en
pour le climat : https://www.conventioncitoyennepourle- matière de lutte contre le changement climatique.
climat.fr/. Le travail pourrait être prolongé par l’élabora-
tion d’un « Agenda 21 » à l’échelle de l’établissement (ce 6. On constate qu’il n’y a pas de corrélation entre le
site recense les agendas 21 scolaires : http://www.agen- niveau des émissions de GES et l’ampleur des efforts en
da21france.org/agenda-21-scolaires/initiatives-etablis- matière de lutte contre le changement climatique. Les
sements/lycees.html) très gros émetteurs sont soit de mauvais élèves (États-
Unis), soit des élèves méritants (Chine), soit de bons
élèves (Europe occidentale, Inde). Tout dépend des
Exercice 3 contraintes économiques et des choix politiques qui sont
1. Germanwatch est un think tank allemand qui délivre opérés par les gouvernements. On peut ainsi opposer le
une expertise sur les thématiques du développement climatoscepticisme assumé de Donald Trump, au volon-
durable, notamment autour de la question du change- tariste chinois ou à la recherche d’exemplarité des pays
ment climatique. d’Europe du Nord.

2. Le document rassemble sous forme de carte les per- 7. Si les pays européens sont engagés de longue date
formances de plusieurs États en matière de lutte contre dans des politiques environnementales ambitieuses, la
le changement climatique. communauté internationale s’est saisie du problème cli-
matique assez récemment, notamment depuis le Som-
3. Le calcul de l’indice intègre plusieurs paramètres tels met de la Terre à Rio en 1992 qui a placé au centre du
que le niveau des émissions de CO2 et leur évolution, débat les questions environnementales. Le protocole de
l’efficacité énergétique (la quantité d’énergie utilisée Kyoto (1997) a été déterminant dans la mobilisation des
pour produire une unité de PIB), la proportion d’énergie pays riches, mais c’est surtout depuis la COP21 (2015)
renouvelable dans le mix énergétique, et des indicateurs que l’ensemble de la communauté internationale a pris
plus qualitatifs comme la politique climatique mise en la mesure du problème et s’efforce de promouvoir des
œuvre par le gouvernement. actions plus volontaristes.

THÈME 5 Axe 2 Le changement climatique : approches historique et géopolitique 22


ÉTUDE CONCLUSIVE
Les États-Unis et la question environnementale :
tensions et contrastes
La logique du chapitre
L’intérêt de ce chapitre conclusif est de remobiliser les notions abordées dans les deux
axes du Thème dans le contexte états-unien. Il invite à une relecture de l’histoire des
États-Unis et une intégration de la question environnementale dans le rapport au monde
de la première puissance mondiale. Il s‘agit de voir comment l’environnement est deve-
nu autant un enjeu interne au pays (entre États fédérés et État fédéral) qu’un thème au
centre de débats sur le rôle des États-Unis dans le monde.

Bibliographie
–– G. Billard, J. Chevalier (coord.), Géographie et géopolitique des États-Unis, Hatier
Initial, 2012. Un ouvrage général et thématique sur les États-Unis, comportant de nom-
breuses cartes.
–– O. Delbard, Prospérité contre écologie, l’environnement dans l’Amérique de G.W.
Bush, Ed. Lignes de repères, 2005. Comment le Président a assumé de sacrifier l’écolo-
gie à la prospérité…
–– F. Duban, « L’écologisme américain, des mythes fondateurs de la nation aux aspira-
tions planétaires », Hérodote n°100, 2001. Un retour sur les origines et des aspects de
la question environnementale et ses impacts au quotidien.
–– A. Gore, Une Vérité qui dérange, La Martinière, 2007. Un livre référence qui dénonce
les atteintes à l’environnement et les effets du changement climatique à l’échelle
mondiale.
–– L. Henneton, La fin du rêve américain  ?, Odile Jacob, 2017. Une réflexion sur les
discours et réalités du déclin américain, en lien avec les enjeux contemporains, dont
la question environnementale.

Sitographie :
–– www.blm.gov  : le site du Bureau of Land Management propose de nombreuses
cartes des espaces protégés aux États-Unis, les activités de plein air…
–– www.nps.gov : le site des parcs nationaux américains, leur action sur le terrain, leur
organisation, des données chiffrées sur la fréquentation, une banque d’images sur les
milieux concernés.
–– www.seashepherdlegal.org : l’ensemble des actions et opérations menées par l’ONG.
Il existe aussi un site de l’organisation en France.
–– www.environmentcalifornia.org  : (en anglais) l’association californienne milite en
faveur de la protection de l’environnement et lutte contre la pollution, mène des ac-
tions pour la transition énergétique.

p. 370-371 O u ve r t u r e Éléments de réponse aux questions


p. 370-371
Les deux photos d’ouverture jouent sur le contraste
saisissant entre l’image d’une nature préservée et d’un 1. Les parcs nationaux américains sont à la fois des lieux
espace souillé par des activités humaines dans un même d’accueil des visiteurs et des espaces protégés. L’ouver-
État, l’Alaska. C’est le paradoxe d’un État qui est à la ture au public assure des retombées financières pour
fois le second producteur de pétrole des États-Unis et assurer la protection, mais surtout contribue à sensi-
le second en nombre de parcs nationaux ! Cela illustre biliser le public. Les visites guidées ou encadrées per-
donc le rapport ambivalent qu’entretient la première mettent de contrôler le comportement des visiteurs dans
puissance mondiale à l’environnement, qu’elle protège le parc, la limitation le cas échéant des visites pour évi-
d’un côté mais contribue à dégrader de l’autre, que ce ter la sur fréquentation (risque de piétinement, ou d’ef-
soit sur son propre territoire mais aussi dans le reste frayer les animaux sauvages), évitent aussi la divagation
du monde. hors des sentiers. En parallèle, ces parcs donnent à voir

THÈME 5 Étude conclusive Les États-Unis et la question environnementale : tensions et contrastes 23


la nature sauvage souvent fantasmée, un spectacle, des ajoutent d’autres d’origine humain ou renforcés par l’ac-
paysages qui ont contribué à forger l’imaginaire natio- tion humaine. Les incendies sont à la fois d’origine natu-
nal a
­ méricain. relle mais aussi humaine  ; tout comme les inondations
qui peuvent être amplifiées par l’imperméabilisation des
2. Les États-Unis ont une attitude contrastée en matière sols ou des déboisements  ; quant aux phénomènes cli-
d’environnement car d’un côté le pays fait figure de pion- matiques exceptionnels comme les ouragans, leur récur-
nier dans la protection des espaces naturels, se dotant rence est liée au réchauffement climatique en partie lié
de moyens matériels pour en assurer la protection  ; et aux activités humaines. La carte ne les mentionne pas,
d’autre part, leur modèle économique est générateur mais en tant que pays industrialisé, les États-Unis sont
d’atteintes parfois violentes à l’environnement, comme également exposés aux catastrophes industrielles (voir
ici la marée noire de l’Exxon Valdez. Les États-Unis pos- la marée noire de la page précédente) et aux pollutions
sèdent parmi les plus grandes et plus puissantes com- en général (urbaines, agricoles et industrielles).
pagnies pétrolières, qui constituent des lobbies très
puissants, et qui ont contribué à faire des États-Unis 3. Le changement climatique contribue à accroître la
la première puissance mondiale au xxe siècle. Ainsi, le vulnérabilité du territoire américain. On voit tout d’abord
niveau de vie et la puissance économique du pays ont que les diverses parties du pays ont été touchées au
été rendus possibles par l’utilisation du pétrole comme cours des dernières années par des phénomènes d’ori-
source d’énergie de la troisième révolution industrielle gine climatique violents. En particulier, les principales
dont les États-Unis ont été le cœur. Ce qui s’est produit métropoles économiques comme New York, Miami,
aux États-Unis, tant en matière de protection de l’envi- Chicago, Los Angeles ou San Francisco ont été directe-
ronnement qu’en gestion de catastrophe a largement ment frappées par des catastrophes et sont exposées
inspiré le reste du monde. aux risques. Populations et économie sont dont directe-
ment exposées. Or, le fait que le pays refuse de s’enga-
ger par des accords internationaux contraignants et que
p. 372-373 Re p è r e s
ses dirigeants nient la réalité du changement climatique
contribue à l’exposer davantage puisqu’il ne prend pas
États-Unis : les Américains à l’épreuve les mesures qui pourraient en atténuer les effets.
de l’environnement
La double page revient sur la diversité des milieux et par
conséquent des risques aux États-Unis. Un focus sous p. 374-375 Jalon 1A
forme de vignettes est fait sur plusieurs catastrophes
emblématiques anciennes ou récentes qui ont frappé le L’environnement aux États-Unis :
territoire états-unien. Ils montrent les fragilités d’un terri-
toire par ailleurs source de puissance. Ils invitent à réflé-
entre protection, exploitation
chir sur le rapport qu’entretient la société américaine aux et transformation
différentes formes de risques présents sur son territoire. Les Jalons reviennent sur les rapports complexes qui
lient la question environnementale à l’histoire du pays
mais aussi son fonctionnement institutionnel et son rap-
Éléments de réponse aux questions p. 372 port au monde. Ils lient l’identité des États-Unis, à son
1. Les États-Unis ont un territoire principal (48 États en rapport complexe et ambigu à l’environnement, entre
continuité territoriale) qui s’étend sur plus de 4 000 km protection et exploitation ; et d’autre part il s’agit d’en-
d’est en ouest, de l’Atlantique au Pacifique, et plus de visager comment l’environnement est devenu l’objet de
2 000 km du nord au sud depuis les Grands Lacs jusqu’au nouvelles tensions entre l’État fédéral et les États fédé-
golfe du Mexique. Ce territoire comporte des régions de rés, un objet de débats au sein de la société américaine.
plaines et des montagnes (Appalaches, Rocheuses, Sierra Cela interroge le statut et la place des États-Unis dans
Nevada), plus ou moins humides ou sèches selon la lati- le monde.
tude et à localisation par rapport aux façades maritimes. Le document 1 invite à définir les notions de Destinée
À cela s’ajoutent les États d’Alaska et d’Hawaï séparés manifeste et d’allégorie. Sa vision manichéenne (ombre/
de plusieurs milliers de kilomètres du territoire princi- lumière, bien/mal, civilisation/barbarie) doit inviter les
pal contribuent à la diversité bioclimatique. Le pays pro- élèves à réagir. Il constitue une forme de propagande
pose donc des milieux très différents au regard de ces laïque mais de forte inspiration religieuse, légitimant la
caractéristiques physiques et climatiques. Au total la colonisation et la négation des droits des indigènes amé-
carte indique neuf types de climats différents. Au regard rindiens. On laissera apprécier les qualités esthétiques et
de ces caractéristiques exceptionnelles, le pays répond le soin apporté aux paysages états-uniens.
bien à la définition d’un État-continent. Le document 2 fait ressortir d’inégalement ampleur
des défrichements par région, notamment le fait que
2. Au regard du contenu de la carte et des photos, les l’Ouest soit préservé. Ceci peut être relié au fait que la
populations et l’économie états-uniennes sont soumises majorité des terres y appartient toujours à l’État et non
à tous les types de risques, qu’ils soient liés des aléas cli- à des propriétaires privés (lien avec l’Axe 1 sur la forêt
matiques (blizzard au nord, ouragans au sud, inondations française). Il invite à faire le lien avec d’une part l’histoire
le long des cours d’eau et des côtes, tornades dans le Mid- du peuplement du territoire américain et ses étapes,
west) ou tectoniques (séismes sur la côte pacifique dans d’est en ouest ; d’autre part avec la carte de la page 373
les Rocheuses, volcanisme à Hawaï, en Alaska et dans figurant les différents milieux et leur possibilité de mise
les montagnes bordant la côte Ouest). À ces risques s’en en valeur agricole.

THÈME 5 Étude conclusive Les États-Unis et la question environnementale : tensions et contrastes 24


Le document 3 montre la concentration des parcs pour les forêts et les cours d’eau, transformant considé-
nationaux dans l’Ouest américain, mais aussi en Alaska. rablement les milieux.
Les élèves en connaissent vraisemblablement plusieurs,
avec les paysages associés, cela peut servir de point de 3. La carte montre que la plupart des parcs nationaux
départ sur les milieux naturels présents. sont situés dans l’Ouest et en Alaska. On pourrait penser
Le document 4 montre la face cachée de la ruée vers que les autres parties du territoire ne présentaient pas
d’intérêt spécifique sur le plan des milieux et des pay-
l’or, à travers des méthodes d’exploitation minières qui
sages qui aurait pu justifier d’un classement. On pourrait
détruisent irrémédiablement l’environnement. Il illustre
invoquer la faible sensibilité des premiers colons sur la
la violence et la rapidité des changements dans le pay-
côte Est à la beauté des espaces originels, ou à la néces-
sage. Un lien peut être fait avec la méthode d’extraction
sité d’étendre les cultures pour assurer leur survie. Ce
de l’or par utilisation du mercure en Guyane, ou par l’ex-
sont les territoires les plus récemment intégrés au ter-
ploitation des hydrocarbures de schiste par fracturation
ritoire des États-Unis (depuis le milieu du xixe siècle) qui
hydraulique (p. 377) qui entraînent de graves dégâts
abritent les plus grandes surfaces protégées et le plus
(visibles ou non) sur l’environnement. grand nombre de parcs. Cela peut s’expliquer par le
faible intérêt économique (agricole et minier) des grands
espaces de l’Ouest. Cela s’explique surtout par la prise
Éléments de réponse aux questions p. 375 de conscience à la fin du xixe siècle de la fragilité de cer-
1. L’Europe est un foyer de peuplement ancien, qui a tains milieux jugés exceptionnels, et de la nécessité de
été transformé depuis le néolithique et a vu se succé- les protéger, au regard de l’ampleur et de la rapidité des
der plusieurs grandes civilisations (grecque, romaine, transformations consécutive à l’arrivée des pionniers.
byzantine, musulmane, médiévale…). Chacune a laissé On constate cependant que la répartition du nombre
des héritages dans l’aménagement du territoire et de visiteurs ne tient pas compte de la taille du parc ni de
des vestiges. En revanche, aux États-Unis, la colonisa- sa localisation. Le parc le plus visité se trouve dans les
tion européenne du territoire n’est intervenue que de Appalaches dans l’est du territoire et n’est pas forcément
façon plus récente, à partir du xvie siècle pour la côte le plus connu à l’étranger. Les parcs ont une fréquen-
Est, mais essentiellement au xixe siècle pour le reste du tation touristique considérable, de plusieurs millions
territoire. Celui-ci était peuplé d’Amérindiens mais leur de visiteurs annuels tant à l’est qu’à l’ouest. Cela peut
nombre était modeste et leur empreinte sur les milieux sembler paradoxal au regard de la fonction de préser-
tout autant. Par conséquent, les pionniers européens vation. La part des touristes nationaux et internationaux
ont eu le sentiment de découvrir un territoire vierge, n’est pas spécifiée sur la carte. On constate toutefois que
encore préservé de toute intervention humaine, et sur les parcs les plus visités se situent à proximité (relative)
lequel la nature était toute-puissante. Ils se considé- des grandes agglomérations urbaines de l’Est (mégalo-
polis) et de l’Ouest (Californie, Washington), tandis que
raient alors comme investis de la mission de civiliser ces
les parcs d’Alaska sont peu fréquentés en comparaison.
espaces encore «  barbares  » et hostiles. Cette mission
On peut y voir la conséquence d’un triple éloignement :
est incarnée par l’allégorie au centre du document, qui
par rapport au territoire métropolitain, aux autres foyers
accompagne le mouvement de progrès incarné par la
mondiaux émetteurs de touristes, et aux concentrations
diligence, la voie ferrée, la ligne électrique ou télégra-
urbaines rares et modestes dans cet État. La différence
phique, l’agriculture… Elle fait reculer le monde sauvage
avec Hawaï peut se comprendre dans l’inégale insertion
représenté par les troupeaux de bisons, les bêtes sau-
dans les flux touristiques nationaux et internationaux.
vages, et les Indiens. Ce recul est la condition du progrès
et de l’exploitation du territoire. Synthèse Les États-Unis entretiennent un rapport para-
doxal à la nature : d’un côté ils ont été les premiers à la
2. Le recul de la surface boisée depuis le xix  siècle s’ex-
e
protéger en créant des parcs nationaux sur leur territoire,
plique d’une part par l’essor de l’agriculture, principale-
de l’autre ils ont été l’objet d’une mise en valeur inten-
ment dans les régions nord et sud, les plus anciennement sive qui s’est traduite par un recul rapide des espaces
et densément peuplées, comme l’indique le graphique. naturels. L’agriculture et l’exploitation minière, ainsi que
Ce sont en effet les régions les plus propices, disposant l’urbanisation, ont fortement contribué à transformer les
de terres fertiles (dont la Corn Belt) et de climats offrant milieux et paysages originels. Cela a été la condition de
des précipitations suffisantes. Cela correspond aux arri- l’émergence économique du pays, tout en entretenant
vées massives de migrants européens et la mise en place le mythe d’un paradis originel dont il s’agit de préser-
d’un front pionnier agricole repoussant toujours plus ver des éléments. La nature sauvage a donc été large-
vers l’ouest la frontière de la civilisation américaine. ment instrumentalisée dans la naissance de la nation et
On observe en revanche que l’Ouest intérieur et la côte du territoire américain. Les pionniers ont été les vecteurs
Pacifique ont été moins touchés par les déboisements. de l’idéologie du progrès tout en ayant été marqués par
On peut l’expliquer par le fait qu’ils offraient initiale- la beauté de la nature sauvage à laquelle ils ont été
ment moins d’aménités agricoles en raison de leur climat confrontés. La géographie des parcs nationaux est ainsi
sec et d’un milieu montagnard. Toutefois, le document 4 révélatrice de la construction historique de la notion de
montre que l’exploitation minière qui s’y est développée, wilderness, tandis que les chiffres de la fréquentation
en lien avec les ruées vers l’or successives a entraîné des touristique révèlent l’intérêt du public pour ces espaces
déboisements importants. Le mode d’extraction de l’or d’exception, dont la fonction est autant de préserver que
par exploitation hydraulique s’est révélé dévastateur de « donner à voir ».

THÈME 5 Étude conclusive Les États-Unis et la question environnementale : tensions et contrastes 25


Travailler autrement certaines tribus indiennes et de certains États fédérés qui
Historiquement, la recherche d’or a été un puissant ne sont pas favorables à ces mesures.
moteur de conquête et d’exploitation, comme l’a mon-
tré la conquête de l’Amérique centrale par les conquis- 3. Certains États fédérés n’ont pas le même raisonnement
tadores au xvie siècle. Aux États-Unis il y a eu en réalité et les mêmes intérêts que l’État fédéral sur la question
plusieurs « ruées vers l’or » en Californie, mais aussi dans de l’exploitation des ressources du sous-sol. D’une part,
le Colorado, le Montana et l’Alaska, ainsi qu’au Canada ils peuvent s’opposer à la construction d’infrastructures
voisin. La recherche peut mettre en avant les similitudes sur leur territoire. Les États-Unis sont un État fédéral où
entre les phénomènes dans le temps et l’espace. Le les compétences sont partagées, et les pouvoirs locaux
schéma est toujours le même  : premières découvertes, sont très forts. Ainsi l’État d’Oklahoma a décidé de la fer-
boom, déclin, abandon du site et/ou mise en place d’un meture de sites de forage, estimant qu’ils étaient respon-
nouveau cycle économique. L’intérêt est de faire le lien sables d’un tremblement de terre. La Californie quant
avec des dynamiques le peuplement, avec l’arrivée d’une à elle a décidé d’aller plus loin que les engagements
population essentiellement jeune et masculine dans un du pouvoir fédéral en signant directement des accords
premier temps (caractéristique des espaces dits « pion- avec les constructeurs automobiles pour réduire la
niers  »). Puis évoquer l’intégration progressive du terri- consommation de carburant des moteurs. Ainsi, il existe
toire (construction de routes ou voies ferrées), voire dans des contre-pouvoirs face à des décisions controversées
le cas de la Californie, l’autonomisation à travers l’érec- prises par le locataire de la Maison Blanche. Cela peut
tion au statut d’État de ce qui n’était jusqu’alors qu’un créer des tensions entre les deux échelons de gouverne-
« territoire ». Montrer aussi que la ruée vers l’or a nourri ment, surtout s’ils ne sont pas du même bord politique !
tout un imaginaire, la Californie étant toujours appelée
le « Golden State ». La recherche peut intégrer des réfé- Synthèse Il y a clairement un positionnement opposé
rences cinématographiques pour montrer les conditions entre l’État fédéral et les États fédérés sur la question
de vie difficiles des chercheurs l’or, la violence, l’absence environnementale. D’un côté le pouvoir de Washington
de loi. se montre très favorable et incite à l’exploitation des
ressources disponibles afin d’assurer l’indépendance
énergétique du pays dans son ensemble  ; d’autre part,
certains États fédérés se montrent plus prudents car
p. 376-377 Jalon 1B
directement exposés à des risques liés à l’exploitation,
comme l’Oklahoma  ; d’autres entendent maintenir le
Éléments de réponse aux questions p. 377 statut protégé de territoires indiens ou de monuments
nationaux, qui peuvent générer des flux touristiques ou
1. La carte révèle tout d’abord que les États-Unis dis- considérer leur dimension patrimoniale  ; d’autres enfin
posent d’importants gisements d’hydrocarbures. Ils sont
comme la Californie, sont résolument engagés en faveur
principalement localisés au Texas, en Californie dans
de l’environnement et prennent les devants, s’engagent
les Rocheuses et en Alaska, aussi bien à terre qu’en mer
sur le plan législatif au-delà des mesures prises au niveau
(off-shore, dans le golfe du Mexique). Il existe aussi d’im-
fédéral. On voit donc que la prise en compte de la ques-
portants gisements de gaz et pétroles de schiste (dits
tion environnementale se fait à différentes échelles et
non-conventionnels) dans les Dakota, au Texas et dans
selon différentes considérations et arguments.
la région des Grands Lacs. L’exploitation de ces res-
sources fait des États-Unis le premier producteur mon- Travailler à l’oral
dial. L’abondance de la ressource, associée à la place
On peut prendre des États comme l’Oregon, le Mas-
occupée par l’automobile dans le mode de vie des
sachusetts, le Washington (autorisation du compost
Américains explique l’importance de la consommation
humain) ou l’État de New York (loi anti carbone), qui font
d’hydrocarbures. C’est sur le pétrole que s’est fondée la
figure de précurseurs dans différents domaines ayant
seconde révolution industrielle qui a permis aux États-
trait à l’environnement. Localisation de l’État, ses carac-
Unis de devenir la première puissance mondiale au
téristiques démographiques et économiques, expliquer
début du xxe siècle. En outre les Américains maîtrisent
la nature des mesures qui ont été prises et leurs motiva-
la technique de forage par fracturation hydraulique qui
tions (comment s’est faite la prise de conscience ? Est-ce
permet d’exploiter les réserves non conventionnelles.
suite à un événement local ou national ? Y a-t-il eu des
Cela explique l’empreinte carbone élevée du pays.
oppositions ? Est-ce à l’initiative d’un gouverneur ? à l’is-
2. L’État fédéral est favorable à l’exploitation des res- sue d’un référendum ?)
sources et à la construction d’infrastructures lourdes,
comme l’oléoduc Keystone XL. Cela assure au pays son
p. 378-379 Jalon 2A
indépendance énergétique et d’importantes retombées
financières. Le document 4 indique le soutien de Donald
Trump à la technique controversée de fracturation Les États-Unis et l’environnement
hydraulique dont le développement a permis de créer à l’échelle internationale
de nombreux emplois. Par ailleurs, le Président a la pos-
sibilité de remettre en cause le classement de certains
Éléments de réponse aux questions p. 379
sites protégés, au nom de l’intérêt économique (doc. 2).
Il veut favoriser l’exploitation des ressources du sous-sol, 1. Les États-Unis se considèrent comme les artisans de
estimant qu’il y a trop de surfaces protégées à ses yeux l’architecture de la gouvernance mondiale (doc. 1) issue
de façon injustifiée. Ce faisant, il s’attire les foudres de de la victoire de 1945 qui les a confirmés comme pre-

THÈME 5 Étude conclusive Les États-Unis et la question environnementale : tensions et contrastes 26


mière puissance mondiale. À cet égard ils se considèrent démocratie, préjudiciable à la fiabilité et la durabilité
comme un État d’exception qui défend ses intérêts avant des autres engagements pris par les États-Unis.
tout (doc. 2). Or le passage du monde bipolaire au monde
multipolaire se fait à travers des engagements interna- Travailler autrement
tionaux, auxquels les États-Unis rechignent à se plier. L’intérêt peut être de varier de ton et de point de vue.
Ce faisant, leur posture de grande puissance se trouve On peut imaginer un ton très décalé, satirique, en mobi-
confirmée, mais cette attitude suscite incompréhension, lisant les saillies et sorties verbales du Président (type
consternation et mécontentement de la part des autres Canard Enchaîné)  ; ou au contraire, rédiger un article
États, qui jugent cette attitude égoïste. La communauté d’un ton sobre/neutre qui se contenterait de compa-
internationale ne parvient pas à contraindre durable- rer et de s’étonner  ; à l’inverse, un article plus engagé
ment les États-Unis. et polémique qui dénoncerait les incohérences du Pré-
sident, sa bêtise, les conséquences dramatiques pour les
2. Donald Trump juge l’accord de Paris « injuste, ineffi- populations mondiales de l’attitude du « monstre » amé-
cace et très coûteux  ». Il estime que celui-ci est inutile ricain ; on peut aussi imaginer un article pro-Trump qui
pour les États-Unis qui sont selon lui en avance et beau- dénonce la désinformation, la manipulation de chiffres,
coup plus efficaces en matière de protection de l’envi- les fake news en matière de climat et l’action des lobbies
ronnement que les autres pays promoteurs et signataires antiaméricains (au hasard à la solde de la Chine…).
de l’accord. L’accord est jugé peu contraignant pour les
grands pays émetteurs, comme la Chine. Il considère que
les États-Unis ont déjà fait beaucoup et qui lui-même
p. 380-381 Jalon 2B
depuis sa prise de fonction n’a de cesse d’améliorer la
situation. C’est pourquoi il a décidé de retirer les États-
Unis de l’accord de Paris, disposition prévue par une Éléments de réponse aux questions p. 381
clause du traité. Il sera effectif en novembre 2020. C’est
le seul État au monde à avoir entrepris cette démarche.
1. Tesla est une firme automobile américaine spécia-
lisée dans les véhicules électriques. Sachant que l’au-
Il fustige au passage l’action de son prédécesseur Barack
tomobile traditionnelle fonctionne avec des énergies
Obama qui l’avait accepté. Il entend explorer d’autres
fossiles, elle est à l’origine d’importantes émissions de
pistes comme l’exploitation du potentiel offert par
CO2. De surcroît les véhicules américains sont très gour-
l’énergie solaire…
mands en essence (doc. 3 p. 277). En faisant le choix de
l’électrique, Tesla se positionne en entreprise pionnière
3. Trump affirme que les États-Unis sont en avance et plus sur le plan technologique. Ses dépenses en recherche et
efficace en matière de protection de l’environnement. Or développement se sont envolées depuis 2013. L’entre-
la carte montre que le pays se classe dans la catégorie prise se veut plus respectueuse de l’environnement en
la plus élevée, celle des États ayant une empreinte éco- proposant des véhicules « propres » (sans tenir compte
logique supérieure à 400  %, c’est-à-dire qui consomme du coût énergétique de la construction ni du mode de
quatre fois plus que la capacité des ressources à se régé- production de l’électricité utilisée).
nérer. Ils sont le seul « grand pays » (en termes de puis-
sance et de population) dans cette catégorie, les autres 2. Monsanto est le géant mondial de l’industrie agro-
étant les émirats pétroliers du Golfe, le Canada et l’Aus- chimique. Elle est à l’origine du célèbre herbicide Roun-
tralie beaucoup moins peuplés. Le diagramme sous la dup, accusé de provoquer des cancers, et du glyphosate,
carte montre également que les États-Unis se classent très utilisés dans l’agriculture. Elle est aussi productrice
deuxième en termes d’émissions de CO2, soit le second de semences OGM dont l’usage est critiqué en raison
pollueur mondial. Trump est donc dans le déni ou s’ap- de ses conséquences sanitaires et environnementales.
puie sur des chiffres issus d’une autre source… La firme est accusée d’écocide, c’est-à-dire de détruire
les écosystèmes par ses produits et sans en informer les
Synthèse L’exemptionnisme américain reste une mani- utilisateurs. La santé de ceux-ci serait même exposée
festation de la puissance du pays, puisqu’il illustre la directement. La firme nie en bloc les accusations portées
prétention et la capacité à rester en dehors de tout contre elle, a refusé de se rendre au procès organisé à
engagement international contraignant. Le fait que la La Haye, dénigre ses organisateurs et la légitimité du
communauté internationale ne soit pas en mesure d’im- tribunal. Monsanto dispose de moyens financiers consi-
poser ces règles à la première puissance mondiale reste dérables qui, selon ses accusateurs, sont utilisés pour
emblématique de la faiblesse de la gouvernance et des poursuivre son développement au détriment de l’envi-
institutions mondiales. Toutefois, l’attitude américaine ronnement et des générations futures.
contribue à l’isoler vis-à-vis du reste du monde et parti-
cipe à la dégradation internationale de son image, de son 3. Sea Shepherd est une ONG états-unienne qui lutte
soft power. En s’estimant au-dessus des autres États, elle contre la pêche illégale et en faveur de la protection des
devient une puissance arrogante et égoïste qui bafoue espèces marines menacées. Son siège est à Friday Har-
ouvertement une gouvernance internationale qu’elle a bor dans le Washington et elle dispose d’une quinzaine
largement mise en place. D’autant que les États-Unis de bureaux dans les principales villes nord-américaines,
ont fait preuve d’ingérence dans les affaires intérieures en Europe occidentale, mais aussi en Australe, Amérique
d’autres États et n’hésitent pas à dénoncer les manque- du Sud et Afrique du Sud. Elle fonctionne uniquement à
ments des autres États, à les critiquer pour leurs actions partir des dons de particuliers et n’est donc pas dépen-
ou inaction. Le fait d’annuler une ratification faite par le dante d’un État. La carte montre que l’ONG a mené dif-
précédent Président est aussi un mauvais signal pour la férentes opérations au cours de la décennie 2010 aussi

THÈME 5 Étude conclusive Les États-Unis et la question environnementale : tensions et contrastes 27


bien au large des côtes africaines qu’en Europe et autour p. 384-385 Exercices Bac
de l’Australie. Elle entend dénoncer le laxisme ou l’in-
capacité des États à lutter contre des pratiques illicites.
Leurs actions « coup de poing » évoquent plus des actes Exercice 1
de piraterie que l’attitude d’un simple «  berger  » des 1. Le sujet invite à remobiliser l’ensemble des éléments
mers. Les images choc des opérations menées notam- de l’étude, à intégrer une démarche multiscalaire dans
ment aux îles Féroé ont fait le tour du monde, susci- le propos, confronter les discours et points de vue.
tant la colère contre les pratiques des Féroïens. Or du
point de vue des habitants de cet archipel danois, la 2. On peut rappeler tout d’abord la grande diversité
chasse aux cétacés est une pratique traditionnelle très des milieux états-uniens puis la création ancienne des
ancienne, qu’ils associent à leur identité. Ils dénoncent parcs nationaux. Puis montrer des exemples de mesures
une forme d’ingérence et de mise en scène médiatique. concrètes qui ont été prises par l’État fédéral et certains
Le texte indique que l’action de l’ONG serait contre-pro- États pour réduire l’impact environnemental (après une
ductive car elle renforcerait la cohésion et le sentiment catastrophe, ou en réponse aux préoccupations des
national des Féroïens. Les méthodes de l’ONG lui ont citoyens). Évoquer aussi le rôle de certaines entreprises
valu plusieurs condamnations en justice et la saisie de innovantes, d’ONG de défense de l’environnement, de
plusieurs bateaux. On peut critiquer le fait qu’elle s’en différentes personnalités.
prenne ici à un petit archipel (même pas indépendant)
ou à de petits pays comme l’Islande, ou des États afri- 3. Le retrait de l’accord de Paris peut concentrer les cri-
cains dépourvus de moyens de riposte (Liberia, Bénin) et tiques, en lien avec les émissions de CO2 par habitant ou
non à des États militarisés et non démocratiques comme l’empreinte écologique des États-Unis d’après des études
la Chine et la Russie. d’organismes internationaux. On peut aussi l’associer au
rôle des lobbies climatosceptiques et anti-écologistes
Synthèse Les documents révèlent que l’action des États- qui ont l’oreille du Président américain. On peut donner
Unis en matière d’environnement ne se résume pas aux des exemples de catastrophes écologiques imputables
décisions prises par le Président à Washington, mais à des entreprises américaines et des catastrophes éco-
que le pays compte aussi bien des ONG, des entre- logiques qui ont touché historiquement les États-Unis
prises et des particuliers qui prennent des initiatives en (Dust Bowl, assèchement du delta du Colorado, catas-
la matière. Sea Shepherd et Tesla offrent à des niveaux trophe du Salton, marée noire de l’Exxon Valdez, inci-
et par des actions très différents des exemples d’enga- dent nucléaire de Three Mile Island, pollution de l’eau et
gement en faveur de l’environnement, indépendam- des sols de l’ancienne Manufacturing Belt, pollutions de
ment du domaine politique. Également, les documents nappes et séismes en lien avec la pratique de la fractu-
témoignent que des entreprises américaines comme ration hydraulique).
Monsanto, ou des compagnies pétrolières, sont mon-
trées du doigt et attaquées pour l’impact de leurs activi- 4. Toutefois, les Américains sont divisés sur la question
tés et leurs atteintes à l’environnement. D’autre part, ils environnementale. Il y a un fort courant climatoscep-
révèlent que la dimension environnementale dépasse le tique, soutenu par d’importants lobbies d’une part ; des
cadre du seul territoire américain. Le champ d’action des oppositions qui se manifestent entre le pouvoir fédéral
ONG et entreprises américains, éléments du soft power d’une part, certains États fédérés et d’importantes muni-
du pays et de son statut de première puissance, est bel cipalités d’autre part (qui ont décidé d’appliquer l’accord
et bien mondial. Elles contribuent donc à contrebalancer de Paris) ; des oppositions du fait de l’impact économique
les décisions très critiquées de la Présidence, accusée de et social qu’aurait l’arrêt d’activités polluantes comme
favoriser certains lobbies économiques. l’exploitation du charbon sur des territoires  ; l’opposi-
tion entre des tribus indiennes impactées par la remise
Travailler autrement en cause de terres ancestrales par la construction d’un
oléoduc… On peut associer à ces oppositions leur trans-
L’exercice doit permettre de revenir sur la notion d’ac-
position politique, entre républicains et démocrates,
teur. Il ne doit pas fournir une simple liste de personnes
pour intégrer la dimension science politique.
issues du monde de l’entreprise (Bill Gates) du cinéma (G.
Clooney, L. Di Caprio), de la politique (Al Gore) mais plu-
5. Les questions soulevées sont nombreuses et peuvent
tôt faire apparaître les différents types et niveaux, qu’ils
être élargies à des réflexions sur la géopolitique contem-
soient publics et privés, et leur rôle  : individus, entre-
poraine. Comment la question environnementale pose-
prises, ONG, associations de défense, tribunaux, État
t-elle un nouveau problème de rapport au monde de
fédéral, États fédérés ; leur rôle et leur champ d’action
première puissance mondiale  ? Comment est remis en
est-il local, national, global ? quels types d’actions (infor-
cause le modèle économique sur lequel cette puissance
mer, dénoncer, protéger, sanctionner, légiférer…) ? quels
s’est construite  ? Quelles réponses y ont été appor-
types de moyens (actions sur le terrain, conférences, pro-
tées  ? Comment les États-Unis se trouvent-ils à la fois
cès, financements, médiatisation…)
fragilisés et renforcés  ? La question environnementale
contribue-t-elle vraiment au déclin des États-Unis  ? La
question environnementale accroît-elle la fracture entre
deux États-Unis d’Amérique ?

THÈME 5 Étude conclusive Les États-Unis et la question environnementale : tensions et contrastes 28


Exercice 2 ronnementale. Elle est parue le 17 octobre 2006, sous le
mandat du Président George W. Bush, proche des milieux
1. Les hydrocarbures non conventionnels sont égale- pétroliers américains et qui s’est opposé à la ratification
ment appelés gaz et pétroles de schiste, ils sont conte- par le pays du protocole de Kyoto. Le Président américain
nus dans des roches mères qui doivent être fracturées et est connu pour ses positions anti-environnementalistes
non simplement dans des nappes souterraines plus ou et son unilatéraliste en ce qui concerne les affaires mon-
moins profondes. Leur exploitation nécessite une tech- diales. Le ton général du document est à la fois humoris-
nique spécifique appelée fracturation hydraulique, qui tique au premier coup d’œil (il se moque d’un cliché de
demande l’injection de produits chimiques et d’impor- l’Américain moyen – donc obèse) tout en dénonçant les
tantes quantités d’eau. Cette technique est critiquée en effets de l’attitude américaine sur le reste du monde, en
raison de la pollution qu’elle génère dans le sous-sol, particulier les pays pauvres en développement.
des séismes que l’on lui impute, et de l’importante quan-
tité d’eau qu’elle mobilise, précisément dans les régions 2. La caricature peut être divisée en deux éléments qui
arides. Ces gisements sont situés précisément au Texas reprennent la structuration du globe terrestre en deux
et dans les Rocheuses, zones touchées par l’aridité, mais hémisphères : au nord le « gros » américain qui occupe
aussi dans le Dakota du Nord. Il y aurait aussi d’impor- toute la place, au sud un ensemble d’individus maigres,
tants gisements dans la région des Grands Lacs et des issus de différentes parties du monde (on identifie un
Appalaches. chapeau mexicain, des tenues traditionnelles africaines
et arabes) et serrés sur une petite surface. On a une
2. Les enjeux de l’exploitation : sur le plan national, l’ex- vision binaire du monde, qui fait disparaître les autres
ploitation contribue à développer des régions jusque-là
États et peuples (où sont les Européens ? les Chinois ?),
faiblement peuplées et peu dynamiques, comme le
ce qui pourra être utilisé comme critique.
Dakota du Nord, en y créant de nombreux emplois, en
développant les villes et les services et les infrastruc- 3. L’auteur veut dénoncer à la fois la surconsomma-
tures de transport. Elle assure aux États-Unis l’auto- tion des ressources de la planète par les États-Unis, les
suffisance énergétique, alors que les besoins de leur méfaits de leur mode de vie, et l’attitude égoïste, l’indif-
économie et de leur mode de vie sont colossaux. Sur le férence du pays à l’égard du reste du monde. Le mode
plan international, les États-Unis disposent de l’avantage de vie américain nécessite d’importantes quantités d’es-
de la maîtrise technique du processus d’extraction, qu’ils paces et de ressources, qui ne sont donc pas laissés à dis-
ont expérimenté sur leur territoire. Le fait de ne plus position des autres pays. Cela a aussi un impact négatif
être dépendants des importations depuis des régions sur la santé, créant des «  monstres  » obèses et dépen-
troublées et à la gouvernance autoritaire ou chaotique dants, ici au pétrole. L’auteur place donc sa critique aussi
(Moyen-Orient, Venezuela) justifie la fin d’un engage- bien du point de vue de l’économie que de la morale.
ment militaire coûteux et critiqué (Irak). Les États-Unis,
en devenant exportateurs de pétrole et de gaz, peuvent 4. Plusieurs critiques sont ici faites aux États-Uniens. Ils
ainsi contrer le rival russe et utiliser cet argument dans sont présentés comme insatiables, dépendants, ici au
leur diplomatie. pétrole assimilé à un soda (on peut évoquer l’idée de
Les critiques  : l’exploitation bénéficie aux grands junk food, malbouffe). Les Américains seraient ainsi de
groupes pétroliers, qui disposent des moyens techniques grands enfants incapables de se poser des limites. Ils
et financiers pour mener la prospection et l’exploita- sont aussi présentés comme vulgaires, avec une tenue
tion. Cela accroît leurs profits, au détriment de l’envi- vestimentaire décontractée/négligée, peu conforme à
ronnement qui est irrémédiablement endommagé par l’idée que l’on peut se faire d’une personne éduquée,
l’injection de produits chimiques et d’eau dans le sous- incarnant l’image d’une puissance dominante. Enfin, ils
sol, en plus de l’atteinte à la vie et aux paysages en sur- sont présentés comme égoïstes : le mot USA sur son polo
face. L’exploitation crée de nouveaux dégâts et risques associé à ces courtes paroles indique que seul son pays,
(déversements accidentels, fuites, émissions de CO2). son confort l’intéresse et compte pour lui. C’est donc
Les populations se trouvent exposées à des risques sani- l’image d’une société américaine malade de sa surcons-
taires, à de nouvelles pollutions (air, eau, sol), parfois ommation et qui n’en a pas conscience.
expropriées pour les besoins de l’exploitation. L’exploi-
tation des hydrocarbures non conventionnels, qui font 5. Le document cible les États-Unis mais comme toute
partie des énergies fossiles, retarde la transition du pays caricature est très réductrice. On est dans le cliché de
vers des sources d’énergie renouvelables, augmente les l’Américain moyen blanc de la classe moyenne ou popu-
émissions de CO2 du pays alors que les autres pays déve- laire. Les 300 millions d’États-uniens n’ont pas tous ce
loppés s’efforcent de les réduire. profil ethnique et économique. Par ailleurs les États-Unis
ne sont pas le seul pays au monde à avoir un mode de vie
3. On peut demander aux élèves de ne présenter qu’un énergivore et à surconsommer les ressources : les États
seul type de document par exposé : photo, carte, schéma, européens, l’Australie, le Canada sont aussi fortement
tableau de données ou graphique, extrait de texte… émetteurs de CO2, sans compter la Chine… D’autre part
le cliché joue aussi pour les pays en développement  :
tous les pays dits du Sud ne connaissent pas la famine et
Exercice 3 la misère même si elles restent présentes dans les PMA
1. La caricature proposée est l’œuvre du célèbre des- en Afrique. Certains disposent désormais d’un revenu
sinateur suisse Chappatte, collaborateur régulier du moyen qui se rapproche des États européens, et le déve-
quotidien Le Temps de Genève. Il porte donc un regard loppement a favorisé aussi bien l’émerge d’une classe
extérieur critique sur les États-Unis et leur politique envi- moyenne que de grandes fortunes.

THÈME 5 Étude conclusive Les États-Unis et la question environnementale : tensions et contrastes 29


6.

États-Unis Reste du monde

Ce que montre le document Un seul homme, obèse, addict, qui Des individus nombreux, serrés, maigres
prend ses aises, en couleur. et sombres.

Ce que suggère le document L’Américain type, le poids élevé (il La misère, le manque de nourriture,
va faire craquer sa chaise/la Terre), la tristesse, l’exiguïté, on ne leur
égoïsme, il est mal élevé, négligé, il demande pas leur avis, ils subissent,
considère que tout lui est dû, il n’a ils sont chassés.
pas conscience de ce que son attitude
implique.

THÈME 5 Étude conclusive Les États-Unis et la question environnementale : tensions et contrastes 30


BAC v p. 388-389 Dissertation : sujet guidé
SUJET : Le changement climatique : constats, premiers effets et actions
Problématique : Comment la question du changement climatique s’est-elle imposée comme
un enjeu politique mondial ?

Établir un plan détaillé avec les exemples.

Parties Idées Exemples


I. La mesure • Études sur l’histoire du climat : il y a des • Optimum climatique médiéval entre les xe et
et la prise de variations dans l’histoire mais le xxe siècle est xiiie siècles et Petit Age glaciaire xvie-xixe siècle.
conscience du marqué par une accélération du réchauffement.
réchauffement • Mise en évidence du lien entre activités • Avec l’Anthropocène, le réchauffement est
climatique humaines, GES et réchauffement climatique : généralisé et beaucoup plus rapide.
l’ère de l’Anthropocène.
• Des débats demeurent encore, notamment • Les climatosceptiques sont le plus souvent
chez les climatosceptiques aux services d’industriels ou du lobby des
hydrocarbures.
• Prise de conscience des jeunes générations • La prise de conscience est le fait d’une partie
de l’urgence écologique : engagement, de la jeunesse, de grandes manifestations :
manifestations, etc. Greta Thunberg est devenue l’une des figures
de la contestation
II. Les effets • Le réchauffement climatique transforme les • Incendies des forêts en Australie entre
de ce écosystèmes de presque toute la planète, il touche septembre 2019 et février 2020, 1 milliard
réchauffement autant la faune que la flore. Des équilibres sont d’animaux ont disparu.
climatique rompus.
• Fonte des glaciers des montagnes et de la zone • Recul rapide de la Mer de Glace à Chamonix
arctique. dans les Alpes françaises

• Élévation du niveau de la mer, disparition d’îles • Disparition d’îles, fonte des glaces : les
et de territoires, érosion des côtes. « espaces sentinelles » sont en première ligne
des changements climatiques.
• Augmentation du nombre de réfugiés • On estime à 50 M le nombre de réfugiés
climatiques. climatiques d’ici 2050.
• Accroissement des incendies. • Augmentation des incendies de forêt
dévastateurs : Amazonie, Californie, Australie.

III. La difficile • Différents acteurs : • Des États œuvrent activement pour la transition
lutte contre – les organisations internationales ; écologique : Norvège, Costa Rica par ex.
le réchauffement – les États et les collectivités territoriales ; Greenpeace : une ONG fondée en 1971,
climatique – les ONG ; 3 M de membres dans 55 pays
– les citoyens ; Des entreprises affichent une éthique
– les entreprises. écoresponsable : marketing ?

• Des décisions politiques internationales : • Les COP (conférence des parties) dont
– l’accord de Paris contre le réchauffement la 1re réunion remonte à 1979
climatique (2015) ; Les accords de Paris marquent une étape
– le départ des États-Unis de cet accord ; importante dans la prise de conscience,
– seulement 16 États sur 157 signataires respectent un symbole presque tous les États ont signé.
leurs engagements en matière de GES ; Son application semble être beaucoup difficile.
– aux dernières COP 24 et 25, peu de décisions Retrait des EU de cet accord.
prises.
• Le GIEC, groupe d’experts de l’ONU, multiplie • Le GIEC fondé en 1988 a joué un rôle
les rapports pour alerter sur la nécessité dans la prise de conscience de l’accélération
d’une gouvernance mondiale en matière de du réchauffement climatique.
réchauffement de la planète.
• Les entreprises cherchent à être • Des entreprises parfois très polluantes
écologiquement plus vertueuses dans leurs affichent des campagnes publicitaires très
activités, parfois il s’agit seulement d’une stratégie « environnementales » notamment des
de communication (green washing). multinationales dans les hydrocarbures : Total
par exemple.

THÈME 5 BAC 31
p. 390-391 Dissertation : sujets d’entraînement

SUJET 1 : Les États-Unis et la question environnementale, échecs et espoirs


Comment la première puissance polluante mondiale tarde à réaliser sa transition écologique ?
I. Les États-Unis un État très pollueur mais pionnier dans la protection de l’environnement
A. L’American way of life, la première société de consommation
B. Les premiers parcs au monde
II. La priorité assumée de l’économie met en danger l’environnement
A. Le modèle capitaliste défendu
B. L’environnement n’est pas encore une priorité pour l’État fédéral
III. Une prise de conscience des États fédérés, des municipalités, des citoyens
A. Une prise de conscience lente qui touche seulement une partie de la population
B. Localement, la question de l’environnement gagne du terrain

SUJET 2 : L’empreinte écologique des sociétés humaines depuis la révolution


industrielle
Comment l’empreinte écologique des sociétés humaines peut se réduire pour ne pas dépasser
les capacités de la planète ?
I. Des révolutions industrielles qui exploitent les richesses et impactent durablement
l’environnement, l’ère de l’Anthropocène
A. Les révolutions industrielles, une économie prédatrice
B. L’épuisement de certaines ressources et les premières pollutions
II. La difficile prise de conscience de l’empreinte écologique des sociétés humaines
A. Les débuts de l’écologie politique
B. Du sommet de la Terre de Rio à la COP21
III. Comment les sociétés humaines peuvent agir rapidement ?
A. Des accords internationaux mais des accords contraignants
B. Le progrès technique peut-il être une solution ?

SUJET 3 : Les conséquences économiques, politiques et géopolitiques


du réchauffement climatique
Peut-on encore de réduire l’impact du réchauffement climatique ?
I. La difficile évaluation du coût du réchauffement climatique
A. Mesurer le réchauffement climatique
B. Les débats et critiques
II. Des États qui doivent intégrer le réchauffement climatique dans leur politique publique
A. Le développement durable, principes et réalités
B. Les objectifs et normes dans les politiques publiques
III. Les conséquences du réchauffement climatique impliquent une plus grande coopération
des États
A. Poursuivre et accentuer les décisions prises lors de la COP21
B. Des États majeurs qui refusent toute coopération

p. 392-393 Étude de document : sujet guidé


SUJET : Aux États-Unis, l’exploitation plutôt que la protection
1. Le premier document est une caricature de Donald Trump par Georges Million datant de 2017.
Elle montre Donald Trump en pionnier qui envahit une réserve indienne pour imposer les pipe-
lines de la société Keystone, il semble ainsi bafouer les accords de protection de ces territoires
indiens.
Le second document complète le propos, il s’agit d’un extrait d’un article du Monde de Michel
Naepels intitulé « Les oléoducs, ultime combat des Amérindiens » datant de juin 2018. L’article
montre comment l’arrivée de Donald Trump a permis d’autoriser l’installation d’oléoducs dans
les réserves des Amérindiens malgré leur mobilisation. L’article s’interroge sur la place des popu-
lations natives dans la société américaine face à la valorisation des richesses d’origine fossile.

THÈME 5 BAC 32
2.
Idées Citations des documents Pistes de commentaire
Pourquoi ?
Des arguments religieux • « La mise en avant de concepts • Les Amérindiens ont un rapport religieux
religieux dans de nombreux mouvements avec la Terre mère, Gaïa. La place de la
indigènes » nature est centrale dans leurs croyances.
« Le grand esprit n’est plus avec nous » doc. 1

Des arguments • « La pollution de la terre et de l’eau et ses • Le procédé d’extraction du gaz dit de schiste
environnementaux contrecoups à long terme sur la santé » est très polluant. Les fuites des oléoducs
• « La dépendance de l’économie nord- également.
américaine envers une énergie carbonée ». • Une partie des États-uniens sont sensibilisés
• « La vie (naturelle, humaine et sociale) est à la transition écologique mais ils ne
un ensemble de relations. » constituent sans doute pas la majorité de
la population.
• Les Amérindiens ont une conception de
la vie très proche de l’idée de développement
durable, une forme d’harmonie, d’équilibre
en contradiction avec la société capitaliste.
Des arguments de justice • « Défendant le peu qu’il leur reste de droits
fonciers et les reliquats de leur souveraineté.

Des arguments politiques • Se « posent à nouveau la question de la • Le projet Dakota Access Pipeline est
place des « indigènes », des « autochtones la dernière illustration de la place marginale,
des premières nations » dans notre monde » de la relégation des Amérindiens dans
la société états-unienne.
Comment ?
Par des manifestations • « La plus forte mobilisation a eu lieu fin • Il y a une unité des tribus indiennes contre
2016 contre le Dakota Access Pipeline » ces projets. Ces luttes permettent aussi de
mobiliser ces populations marginalisées
Par des occupations • « Le camp de Standing Rock a été expulsé et de poursuivre la prise de conscience
de terres par des groupes de sécurité privés et par la politique indienne qui a débuté dans les
police utilisant gaz lacrymogènes, canons à années 1960 par exemple par l’occupation
eau, grenades explosives » d’Alcatraz (1969-1971). On peut constater le
recours à des forces privées pour défendre
Par la mobilisation • La mobilisation a permis une couverture les intérêts des grandes sociétés pétrolières
des médias médiatique des articles de presse dans la mais sous couvert de l’administration Trump.
presse américaine et internationale dont les On constatera que ces luttes n’ont pas
deux documents sont les témoins rencontré un grand succès, une humiliation
supplémentaire pour les populations
amérindiennes appauvries et marginalisées.

p. 394-395 Étude de document : sujets d’entraînement


SUJET 1 : Une forêt française exploitée par les humains
I. Une forêt plantée par les hommes
A. Des marécages nuisibles
B. Une forêt de pins maritimes et la fin de la société agropastorale
II. Une valorisation qui a dû évoluer
A. Les premières tentatives de valorisation
B. Des pins maritimes pour la résine et le bois
III. Comment gérer et protéger la forêt landaise
A. L’exploitation du bois
B. Protéger la forêt contre les incendies

SUJET 2 : Le greenwashing, la nouvelle arme des multinationales


I. Le greenwashing, une pratique qui se généralise
A. Les entreprises polluantes en quête d’honorabilité environnementale
B. Des campagnes médiatiques

THÈME 5 BAC 33
II. Des ONG, des militants qui parodient la communication des grandes entreprises
A. La parodie, l’appel au boycott, l’usage des réseaux sociaux
B. Des résultats obtenus sur certaines entreprises 

p. 398-399 V
 ers le Sup’ : Exploiter des cartes topographiques
Autres pistes de réalisation pour les élèves :
Au lieu de rédiger une synthèse, il est possible de demander aux élèves de réaliser
un croquis de synthèse ou encore une infographie avec un logiciel en ligne du type Canva.
Il est possible aussi de demander aux élèves de réaliser une affiche sur le massif de
l’Estérel : un groupe réaliserait une affiche qui proviendrait des autorités du parc naturel
départemental, un second groupe une affiche de l’office du tourisme de Fréjus.

THÈME 5 BAC 34
6
Thème

L’enjeu de la connaissance

La logique du thème
Ce Thème 6 a un double objectif : mettre en avant les conditions nationales et internationales
de la construction de la connaissance, en particulier de la connaissance scientifique, et expliquer
la manière dont les États favorisent ou contrôlent, entre coopérations et conflits, la production
ou la diffusion de celle-ci. Pour cela, il souligne l’importance de l’alphabétisation des sociétés
afin d’accroître le nombre de personnes susceptibles de produire, de recevoir et de diffuser de la
connaissance, et examine le fonctionnement d’une communauté savante à partir de l’exemple des
recherches sur la radioactivité au xxe siècle. Il montre aussi comment des États se sont saisis de
l’enjeu de la connaissance dans leurs affrontements, comme lors de la guerre froide ou dans leur
souci de favoriser leur développement économique, restreignant ou favorisant la circulation des
connaissances scientifiques et technologiques. Enfin, il fait le point sur la situation actuelle vis-à-vis
du cyberespace, où technologie, tensions et affrontements peuvent être à l’œuvre pour tenter de
préserver sa souveraineté.
Le choix de Marie Curie en document d’accroche s’explique car c’est personnage le plus connu
à la jonction de deux enjeux importants du thème, ceux de l’alphabétisation des femmes et des
recherches sur la radioactivité qui ont mené à la bombe atomique. Née et alphabétisée en Pologne,
Marie Curie poursuit des études de physique et de chimie à Paris. Symbole du mouvement d’alpha-
bétisation des femmes en Occident à partir du xixe siècle, elle mène des recherches sur la radioac-
tivité. Avec sa fille Irène et son gendre, Frédéric Joliot, ils font des découvertes qui aboutissent à la
possibilité de créer une bombe atomique.

p. 402-403 Introduction Éléments de réponses aux questions p. 403


1. La société de la connaissance, théorisée par Peter
La notion de « société de Drucker, désigne une société où les informations se dif-
la connaissance », portée et débats fusent très vite et où la connaissance, au sens d’innova-
Cette notion, théorisée par Peter Drucker, est importante tion, est source de développement.
pour les élèves puisqu’elle place le concept de connais- 2. La connaissance a permis d’améliorer la productivité
sance au centre de la réflexion. Il est notamment montré du travail en mettant en place de nouvelles formes d’or-
ici, au travers de la biographie de Peter Drucker com- ganisation du travail comme le travail à la chaîne ou,
ment la connaissance a révolutionné le travail. Peter aujourd’hui, la robotisation.
Drucker est souvent considéré comme le père du mana-
gement moderne. On illustre sa théorie par la représen-
3. La connaissance favorise l’industrie puisqu’elle
tation du travail à la chaîne (organisation scientifique du
entraîne des applications concrètes qui se traduisent
travail) (doc. 1). La connaissance peut aussi amener la
par la fabrication de nouveaux produits, comme ici les
recherche scientifique à avoir des applications concrètes,
robots.
notamment industrielles (doc. 4). Les documents 2 et 3
montrent une critique universitaire de cette notion de
« société de connaissance ». La science (ici les sciences 4. La « société de la connaissance » peut être critiquée
exactes ou dures) est vue comme seule source de la car la difficulté est de savoir si les seules sciences
connaissance, face à la rhétorique, la littérature ou aux amènent des connaissances exactes et si seule la science
sciences dites sociales, ce qui réduirait la pensée poli- peut alors légitimer une connaissance. De plus, la ques-
tique dans cette « société de la connaissance ». Une deu- tion de la transmission des connaissances se pose. Elle
xième critique est faite sur l’éducation dans la révolution va au-delà de la simple transmission d’informations trai-
informatique, car il faudrait différencier un simple trai- tées. Il faut un savoir-faire humain en plus des ordina-
tement d’informations du processus de la connaissance teurs.
par une transmission du savoir nécessairement appuyée
sur un savoir-faire humain.

THÈME 6 Introduction La société de la connaissance, théorie et implications 1


p. 404-405 Introduction p. 406-407 Introduction

Communautés savantes et Les acteurs et les modalités


communautés scientifiques de la circulation des connaissances
L’essentiel des nouvelles connaissances est produit par La question de la diffusion des connaissances est impor-
la communauté scientifique ou communauté savante. tante pour qu’elles puissent profiter au plus grand
Les communautés savantes et scientifiques ont beau- nombre. Les informations validées par la communauté
coup évolué. Si au départ, ce sont surtout des savants scientifique circulent via des médias spécialisés puis sont
isolés qui proposent leurs découvertes, ils s’associent de vulgarisées par les médias de masse. Dès lors, plusieurs
plus en plus et forment des communautés. Le rôle de ces supports sont utilisés jusqu’à la vulgarisation au grand
groupes va aussi plus loin. Ils ont pour but de dévelop- public mais certains médias comme Internet posent le
per la collaboration des savants mais aussi de valider les problème de l’accès à une connaissance fiable, à l’op-
nouvelles connaissances. Ce rôle est d’autant plus pri- posé des fake news.
mordial pour se prémunir des fake news.

Éléments de réponses aux questions p. 407


Éléments de réponses aux questions p. 405 1. Traditionnellement, les connaissances sont diffusées
1. Une communauté scientifique est un groupe de cher- dans le cadre de colloques et autres réunions de scien-
cheurs qui utilisent la méthode scientifique pour éla- tifiques mais aussi par le biais de publications dans des
borer de nouvelles théories ou de nouvelles inventions. revues plus ou moins spécialisées. La revue américaine
Elle a aussi pour but de valider le résultat des recherches Science est ainsi l’une des plus importantes au monde.
d’autres savants.
2. De nos jours, elles circulent surtout par le biais d’Inter-
2. La communauté scientifique est parfois divisée. C’est le net, le plus souvent par le moteur de recherche de Goo-
cas à propos du changement climatique puisqu’il existe gle, l’encyclopédie en ligne Wikipédia ou des articles
encore des climatosceptiques qui remettent en cause le postés sur les réseaux sociaux.
rôle de l’homme dans le réchauffement du climat de la
planète. De même, la question des vaccins ou de certains 3. Le risque en est que des informations fausses circulent
essais cliniques (comme ceux du fonds Josefa) divise les comme les fake news. On peut citer la rumeur selon
scientifiques. La récente pandémie de Covid-19 fournit laquelle Barack Obama n’était pas né aux États-Unis en
une parfaite illustration de ces débats à l’échelle mon- conséquence de quoi, selon la loi américaine, il n’aurait
diale. pas pu se présenter à la présidence. Cela est faux. Barack
Obama est bien né aux États-Unis, dans l’État de Hawaï.
3. La validation des résultats par une communauté scien-
tifique est importante car cela permet d’éviter que de 4. Internet modifie la diffusion des connaissances car
fausses informations circulent. Cela est d’autant plus certains estiment que les connaissances qui circulent
important à l’heure d’Internet et des fake news. sur Internet sont peu intéressantes. D’autres pensent au
contraire qu’Internet va au-delà des connaissances tra-
ditionnelles en permettant aux internautes de construire
et de participer à l’élaboration des connaissances.

THÈME 6 Introduction La société de la connaissance, théorie et implications 2


AXE 1 Produire et diffuser des connaissances
La logique du chapitre
Le chapitre propose d’analyser la connaissance au travers de deux éléments princi-
paux : la possibilité et la volonté, pour un État, de donner accès à la connaissance et
notamment à l’alphabétisation, à ses habitants mais aussi la possibilité de faciliter la
­recherche scientifique et donc la production de connaissance. Ici, le rôle de l’État est
donc primordial et s’est renforcé. Les dossiers s’efforcent aussi de montrer les limites
dans la production et la diffusion des connaissances, notamment celles des inégalités
hommes-femmes encore fortes.

Bibliographie
1. Sur l’alphabétisation des filles
–– F. Mayeur, L’Éducation des filles en France au xixe siècle, Tempus, 2008. Un ouvrage
très complet sur la façon dont les filles sont éduquées et sur les différences avec les
garçons, malgré les progrès de l’alphabétisation.
–– A. Prost, Histoire générale de l’enseignement et de l’éducation en France, Armand
Colin, 1968. L’ouvrage est ancien mais il retrace bien toutes les politiques mises en
place notamment par l’État, contre la religion, en matière d’alphabétisation et notam-
ment des filles.
2. Sur la radioactivité
–– R. Bimbot, Histoire de la radioactivité, l’évolution d’un concept et ses applications,
Vuibert, 2006. L’avantage de cet ouvrage est de proposer une histoire mondiale de la
radioactivité.
–– P. Reuss, L’Épopée de l’énergie nucléaire : une histoire scientifique et industrielle,
EDP Sciences, 2013. Cet ouvrage est très complet sur l’histoire du nucléaire mais il ne
porte que sur la France.

Sitographie
1. Sur l’éducation des femmes
–– https://fr.unesco.org/themes/education-egalite-genres Le site de l’UNESCO sur les
inégalités en matière d’éducation et de genre. Il donne des informations précises et
actualisées sur l’évolution de la situation.
2. Sur les recherches en matière de radioactivité
Deux documentaires qui montrent bien comment la communauté scientifique cesse de
collaborer face à la perspective de la guerre. Ils montrent bien aussi comment les nazis
étaient assez loin d’obtenir la bombe nucléaire.
–– N. Jallot, La course à la bombe, La case du siècle, 2018.
–– N. Jallot, Le IIIe Reich n’aura pas la bombe, La case du siècle, 2019.
Deux sites qui résument bien l’histoire des recherches et des applications en lien avec
la radioactivité.
–– https://www.andra.fr/les-dechets-radioactifs/la-radioactivite/lhistoire-de-la-ra-
dioactivite
–– https://musee.curie.fr/decouvrir/documentation/histoire-de-la-radioactivite

p. 408-409 O u ve r t u r e alors que la moyenne nationale est de 54 %. Il existe un


retard à l’échelle mondiale, où le taux d’alphabétisation
est de 90 % pour les femmes nées au début du xxie siècle.
Éléments de réponse aux questions p. 408
1. À l’échelle nationale, on constate un premier déca- 2. Les conditions d’alphabétisation sont rudimentaires.
lage car au Sénégal, 62 % des femmes sont analphabètes La photo montre bien que les femmes sont accueillies

THÈME 6 Introduction La société de la connaissance, théorie et implications 3


dans une case faite avec des végétaux. Le matériel est soient alphabétisés et éduqués. Il investit également
insuffisant : elles n’ont pas de table pour écrire ni de dans la recherche, c’est-à-dire qu’il donne des moyens
cahier. Seul un tableau est utilisé. technologiques et scientifiques aux chercheurs et facilite
leur coopération. Un État comme la Corée du Sud, pays
très pauvre dans les années 1950 devenu aujourd’hui la
Éléments de réponse aux questions p. 409 douzième puissance économique mondiale, a ainsi mas-
sivement concentré ses efforts sur l’éducation dès les
1. Les nazis cherchaient à mettre au point la bombe
années 1960 dans le cadre d’une stratégie de dévelop-
atomique pendant la guerre, comme indiqué par Albert
pement qui s’est avérée payante.
Einstein. Le célèbre scientifique, ayant fui l’Europe, par-
ticipe au projet Manhattan qui permet aux États-Unis de
maîtriser en premier la technologie de la bombe ato- 2. Les entreprises jouent un rôle ambivalent dans la
mique en juillet 1945. production et diffusion de connaissances. En effet, elles
investissent massivement dans la recherche, facilitent
2. Cela leur a permis de vaincre le Japon en lançant deux les rencontres et coopérations entre chercheurs et ainsi,
bombes sur Hiroshima et Nagasaki en août 1945. elles favorisent les progrès scientifiques. Mais ces inves-
tissements doivent leur permettre de conquérir des parts
de marchés dans leurs secteurs et d’accroître leurs pro-
fits. Redoutant une concurrence exacerbée (même si
p. 410-411 Re p è r e s celle-ci peut également stimuler leurs investissements)
et l’espionnage industriel, elles surveillent donc jalou-
Produire et diffuser des connaissances sement les connaissances qu’elles produisent et tentent
de maîtriser leur diffusion. Une entreprise éditoriale est
L’objectif de cette double page est à la fois de préciser
aussi accusée de monnayer cher l’accès aux découvertes
autour de quelles notions majeures s’articule le couple
par un mouvement protestataire de chercheurs.
« produire et diffuser » et de proposer quelques pistes
pour en explorer les enjeux. Ainsi, le schéma, qui place
au centre les « acteurs » de la production et de la diffu- 3. Les obstacles qui limitent l’accès des femmes au savoir
sion de connaissances permet aux élèves d’avoir une et à la recherche sont symbolisés par deux phénomènes.
vision plus concrète de l’ensemble de l’Axe. Les autres Il y a d’abord le taux d’analphabétisme, qui est plus
documents, dont on peut faire une approche croisée, important chez les femmes que chez les hommes (les
deux tiers des analphabètes du monde sont des femmes).
donnent des exemples pour certains acteurs (Samsung
On le constate ensuite par les inégalités persistantes
et Elsevier pour les entreprises, l’UNESCO pour l’enga-
entre hommes et femmes dans la recherche mondiale :
gement des États à travers une agence spécialisée de
les femmes, pourtant davantage diplômées dans les pays
l’ONU) et mettent l’accent sur deux aspects majeurs de
de l’OCDE, sont minoritaires dans la production scienti-
l’Axe : un défi (les inégalités hommes-femmes) et une
fique et peu présentes dans certains domaines. Au plus
tendance (l’investissement croissant des entreprises dans
haut niveau, « l’effet Matilda » désigne le phénomène qui
la recherche), avec leurs conséquences positives et néga-
veut que les femmes de science ne bénéficient que très
tives, en insistant sur un phénomène peu connu : l’acca-
peu des retombées de leurs découvertes, quand elles ne
parement des résultats de la recherche par un é­ diteur.
voient pas tout simplement le prix Nobel leur échapper.

Pour aller plus loin :


Sur Elsevier : p. 412-413 Jalon 1A
–– https://www.telerama.fr/medias/dirtybiology-leve-le-
voile-sur-la-mafia-de-la-recherche, n6118741.php Accès à la connaissance
Sur les femmes dans le monde de la recherche : et alphabétisation des femmes
–– https://www.femmes-esr.com/portraits/ La première double page propose une histoire de l’alpha-
–– https://www.franceculture.fr/sciences/leffet-matil- bétisation des femmes en Europe depuis le xvie siècle.
da-rosalind-franklin-pionniere-de-ladn Celle-ci se développe à la faveur de l’humanisme, de la
Notamment, l’exemple de Lise Meitner, citée dans Renaissance et de la Réforme protestante. Mais à partir
le document 3 p 417 : du xixe siècle, l’État prend le relais des Églises. La deu-
xième double page propose un éclairage sur la situa-
–– https://www.franceculture.fr/sciences/lise-meitner-et-
tion mondiale afin d’insister sur les régions du monde où
la-fission-fut
les inégalités sont les plus fortes entre les sexes. L’ob-
–– https://www.photoniques.com/articles/photon/
jectif est aussi de montrer en quoi l’alphabétisation des
pdf/2014/03/photon201471p22.pdf
femmes est un levier de croissance et de développement.

Éléments de réponse aux questions p. 411


1. L’État est un acteur majeur dans la production et la
Document 1
diffusion de connaissances, car il assume, au sein du Il s’agit d’un traité sur l’éducation des filles qui permet
territoire qu’il administre, des fonctions éducatives et de mesurer le fait que les commentateurs de l’époque
de recherches essentielles. Ainsi, il organise le système prennent conscience de la nécessité d’alphabétiser les
d’enseignement, veillant à ce que ses ressortissants femmes. Cela dit, cette action est faite en faveur des

THÈME 6 Axe 1 Produire et diffuser des connaissances 4


hommes puisque la justification est que les femmes s’oc- 3. Les femmes aristocrates sont plus alphabétisées. On
cupent des enfants et qu’elles doivent donner une bonne le voit avec le personnage de Jeanne d’Albret, mère du
image de leur mari. futur Henri IV qui écrit ses mémoires et plusieurs poèmes.
D’autres traités ont pu être écrits. En 1523, Jean-Louis On voit également que la maison royale de Saint-Louis
Vivès rédige De l’Institution de la femme chrétienne. Si accueille des filles issues de la noblesse.
l’auteur y affirme que la première vertu qui doit être
enseignée à une femme est la pudeur, il est également 4. L’éducation des filles est rudimentaire en Algérie au
nécessaire qu’elle puisse disposer d’une certaine culture milieu du xixe siècle car le matériel manque cruellement.
pour effectuer correctement ses rôles d’épouse et de Il n’y a ni bureau ni chaise, seulement un petit tableau.
mère. Il préconise ainsi que les femmes sachent lire et
écrire en plus de connaître parfaitement les travaux 5. Les programmes scolaires ont évolué car ils se sont
domestiques. peu à peu harmonisés entre les sexes. Au départ, les filles
reçoivent une éducation qui est considérée comme étant
Document 2 liée à leur fonction dans la société (être épouse et mère).
Mais peu à peu, on considère qu’elles doivent apprendre
Ce document a pour but de montrer le rôle de la Réforme les mêmes choses que les garçons.
protestante qui privilégie la lecture personnelle de la
Bible en langue vernaculaire. Cela encourage donc à Synthétiser D’abord du xvie siècle au xixe siècle en Occi-
l’éducation des filles. dent : l’alphabétisation des femmes est encouragée
Mais le but est aussi de montrer que les femmes de mais la femme reste une inférieure. Les programmes
l’aristocratie sont en général alphabétisées et éduquées. sont différents et cela ne touche que les femmes de la
D’autres figures féminines pourraient être citées comme haute société. Le rôle de la Réforme protestante et des
Marguerite de Navarre, sœur de François Ier, qui parlait humanistes est important.
couramment le latin ainsi que plusieurs langues et qui Ensuite, du xixe au xxe siècle en Occident : l’État prend
entretenait une petite cour d’artistes et d’intellectuels, en charge l’éducation notamment des filles en généra-
ou Marguerite de Valois, sœur d’Henri III et première lisant l’enseignement. À noter que les régimes commu-
épouse d’Henri IV. nistes insistent sur l’égalité hommes-femmes.

Travailler autrement
Document 3 Pour démarrer les recherches, ce site institutionnel :
Ce document montre que les créations d’écoles de https://www.legiondhonneur.fr/fr/page/presentation-
femmes sont soumises au bon vouloir de grands aristo- des-maisons-deducation/279 ; et cette page Internet
crates. On voit également que peu de femmes y parti- avec de nombreuses photos : https://artcorusse.org/l-ins-
cipent ici et qu’elles appartiennent en réalité à un milieu titut-smolny-pour-jeunes-filles-de-bonnes-familles/.
privilégié. L’exposé doit aussi prendre en compte la réflexion de
Cette maison inspira Napoléon Bonaparte qui créa en la question 3 sur les inégalités sociales dans l’accès à
1805 les maisons d’éducation de la Légion d’honneur et l’alphabétisation.
même Madame Lafont qui fonda à Saint-Pétersbourg
l’institut Smolny en 1764.
p. 414-415 Jalon 1B
Document 4
La question de l’alphabétisation des femmes se pose
Document 1
aussi dans les colonies. En 1954, dans l’Algérie fran- Il s’agit d’un planisphère de 2018 qui montre le taux d’al-
çaise, 100 % des enfants pieds-noirs sont scolarisés phabétisation des femmes adultes par pays. Cette carte
dans le ­primaire, mais seulement 14 % des Arabes et ne prend donc pas en compte la scolarisation des petites
Kabyles, malgré les lois Ferry (cf. aussi les pages 182-183 filles de moins de 15 ans. On peut y retrouver la géo-
du manuel). graphie du mal-développement, et la rapprocher d’une
carte de l’IDH.

Éléments de réponse aux questions p. 413


Document 2
1. Les femmes doivent être alphabétisées, selon Féne-
lon, car elles participent à l’éducation de leurs enfants Ce texte recense tous les obstacles liés à l’alphabétisa-
et notamment des garçons. De plus, elles représentent tion des filles dans certains pays. Cela est à mettre en
leurs maris et s’occupent de la maison. En revanche, les lien avec le statut accordé aux femmes dans ces pays.
femmes ne doivent pas être savantes ni justifier de ces
connaissances pour vouloir gouverner.
Document 3
2. La Réforme protestante favorise l’alphabétisation des Cette photo montre comment l’alphabétisation des
filles car elle valorise la lecture personnelle de la Bible. femmes renforce leur autonomie et leur rôle de
Tous les fidèles, y compris les femmes, doivent donc citoyennes. Elles s’investissent beaucoup plus dans la vie
savoir lire. publique lorsqu’elles sont alphabétisées.

THÈME 6 Axe 1 Produire et diffuser des connaissances 5


Document 4 naturel ouvre un champ énorme de recherches et d’ap-
plications civiles puis militaires. La seconde double page
Il s’agit d’un extrait du discours de Malala Yousafzai à aborde la question de ces applications (médecine, éner-
l’ONU, reprenant les difficultés que rencontrent les gie, bombe atomique) ainsi que leurs enjeux.
filles pour aller à l’école. Elle en appelle à une lutte plus
globale en faveur de l’éducation. Pour diversifier les
exemples, on peut aussi évoquer Humaira Bachal, mili- Document 1
tante pakistanaise en faveur de l’éducation.
Ce document présente Henri Becquerel qui découvrit par
hasard la radioactivité alors qu’il menait des recherches
Éléments de réponse aux questions p. 415 sur la phosphorescence. La radioactivité est un phéno-
mène physique par lequel des noyaux d’atomes instables
1. L’alphabétisation des femmes est la plus faible en
se transforment spontanément en d’autres atomes en
Afrique, en Asie centrale, en Asie du Sud et du Sud-Est.
émettant notamment de l’énergie sous forme de rayon-
nement. En 1896, le physicien Henri Becquerel découvre
2. Plusieurs obstacles empêchent l’alphabétisation des
que l’uranium émet un rayonnement naturel spontané,
filles au Niger : manque d’infrastructures, garçons priori-
diffèrent des rayons X.
taires pour les études alors que les filles sont plutôt des-
tinées au mariage, mauvaise formation des professeurs,
violences sur les filles faites à l’école, interdiction de
Document 2
l’éducation pour les filles selon certains terroristes.
Il s’agit d’un extrait d’un article qui témoigne des décou-
3. Le programme « Raising her voice », mis en place vertes de Pierre et Marie Curie qui ont poursuivi les
par l’ONG Oxfam, vise à accroître l’alphabétisation des recherches à partir des découvertes de Becquerel. Le
femmes car cela leur donne plus d’assurance et plus couple découvre en 1898 deux éléments radioactifs
d’autonomie. Elles s’investissent plus dans les instances inconnus : le polonium et le radium, ce dernier élément
décisionnelles. étant 2 millions de fois plus radioactif que l’uranium.
Ils en étudient ensuite les propriétés chimiques. En
4. Des ONG comme Oxfam et des organisations interna- 1903, Henri Becquerel ainsi que Pierre et Marie Curie
tionales comme l’ONU ou l’UNESCO tentent de se mobi- obtiennent le prix Nobel de Physique pour ces décou-
liser grâce à des militantes issues de la société civile vertes.
comme Malala.

5. Le terrorisme empêche la scolarisation des filles. Les Document 3


parents n’osent souvent pas braver les interdits religieux
Ces documents présentent les recherches croisées en
édictés par les terroristes. De plus, les terroristes ferment
France et en Allemagne. La collaboration est d’ailleurs
les écoles pour filles.
importante entre les savants des deux pays jusqu’en
1939.
Synthétiser On reprendra les réponses aux questions en
les organisant :
I. Une alphabétisation des filles très inégale Éléments de réponse aux questions p. 417
dans le monde.
1. Becquerel a découvert la radioactivité en 1896, par
II. De nombreux obstacles.
hasard, en faisant des recherches sur la phosphores-
Travailler autrement cence. Il découvre que l’uranium émet un rayonnement
Pour enrichir l’exposé, il est aussi possible d’aller sur naturel spontané, diffèrent des rayons X.
le site suivant : https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/
pf0000226970. Les élèves y trouveront un rapport de l’Ins- 2. La radioactivité de l’uranium est trop faible pour se
titut de l’UNESCO pour l’apprentissage tout au long de prêter à des expériences utiles. Pierre et Marie Curie
la vie, publié en 2014, intitulé « Alphabétisation et auto- découvrent les propriétés du radium : il émet naturel-
nomisation des femmes ». Les pages 10 à 28 présentent lement de la chaleur et des radiations beaucoup plus
divers cas où l’alphabétisation des femmes a permis leur importantes que l’uranium.
autonomisation, comme le programme népalais tiré de
ce rapport. 3. Plusieurs autres découvertes ont ensuite été faites :
–– Découverte de la radioactivité artificielle.
–– Principe de la fission de l’uranium
–– Déclenchement d’une réaction en chaîne lors de la fis-
p. 416-417 Jalon 2A sion et dégagement d’énergie atomique.

Produire de la connaissance Synthétiser On peut répondre selon le plan suivant :


scientifique : la radioactivité I. Des recherches françaises au début.
La première double page insiste sur l’histoire des II. La collaboration des savants de différentes
recherches et de la collaboration entre scientifiques nationalités.
occidentaux en matière de radioactivité. Ce phénomène III. Des découvertes nombreuses.

THÈME 6 Axe 1 Produire et diffuser des connaissances 6


Travailler autrement 5. Le nucléaire risque d’entraîner la destruction de l’hu-
L’objectif est ici de se concentrer sur la période 1895- manité. C’est pourquoi certains savants comme Einstein
1939 pour cette chronologie. se sont opposés à la poursuite des recherches après
1945.

p. 418-419 Jalon 2B Synthétiser On peut répondre selon le plan suivant :


I. Enjeu politique et militaire.
Document 1 II. Enjeu économique
III. Un risque pour l’humanité.
Il s’agit de la photo d’un des premiers cyclotrons. Il per-
met d’augmenter la vitesse des particules et de les faire Travailler autrement
entrer en collision pour observer comment elles se com- Pour enrichir l’exposé, il est possible de s’appuyer sur
portent. l’article suivant : https://www.persee.fr/doc/polix_0295-
2319_2002_num_15_58_1001

Document 2
Ce document interroge, via une interview du documen- p. 422-423 Exercices Bac
tariste Nicolas Jallot, l’arrêt de la collaboration entre
savants en lien avec la Seconde Guerre mondiale. On
comprend bien ici les enjeux stratégiques liés aux décou- Exercice 1
vertes. Enfin, on entrevoit le basculement de la recherche 1. Plan proposé
vers les États-Unis. I. L’alphabétisation des femmes n’a cessé de
faire des progrès pour atteindre l’égalité avec
Document 3 les hommes dans nombre de pays aujourd’hui.
II. Pourtant, celle-ci reste encore très inférieure
La photo montre la puissance du rayonnement nucléaire à celle des hommes dans certaines régions
puisque l’ombre d’un homme avec son échelle a été du monde.
imprimée sur un mur. Après 1945, le risque réside dans la III. Cela représente donc un enjeu de lutte pour
prolifération de la bombe nucléaire. divers acteurs et notamment la communauté
internationale.
Document 4
Cette photographie montre les applications civiles liées Exercice 2
au nucléaire. Mais le nucléaire civil n’est pas exempt de L’Allemagne était un pays à la pointe de la recherche
risques. En 1957, un accident touche un des réacteurs à en matière de radioactivité puisque c’étaient des scien-
uranium du site nucléaire de Windscale, en Grande-Bre- tifiques allemands qui avaient découvert le principe de
tagne. Lors d’une opération d’entretien, des produits de la fission nucléaire en 1938. Dès avril 1939, les autorités
la fission sont libérés dans l’atmosphère et forment un nazies lancèrent un programme de recherche sur les
nuage radioactif qui survole l’Europe continentale. L’ac- potentialités de l’atome, baptisé « projet Uranium ». Des
cident est classé au niveau 5 sur l’échelle internationale sommes assez importantes ont été allouées à ce projet,
des événements nucléaires. D’autres vont ensuite suivre dirigé par Werner Heisenberg.
jusqu’à Tchernobyl en 1986. Pourtant, les recherches ont tardé à donner des résul-
tats tangibles. En 1942, nous savons par exemple que les
chercheurs allemands ne faisaient pas la différence entre
Éléments de réponse aux questions p. 419 le processus d’un réacteur nucléaire, qui fonctionne avec
1. Un cyclotron est un accélérateur de particules. Le but des neutrons lents, et une bombe nucléaire qui nécessite
est qu’elles entrent en collision pour former de nou- des neutrons rapides. Cette erreur de conception empê-
velles molécules. cha vraisemblablement les savants nazis de faire aboutir
leurs recherches.
2. La radioactivité connaît des applications civiles dans De plus, le ministre de l’Armement, Speer, définit éga-
le domaine médical et dans la production d’énergie. lement d’autres priorités au vu des avancées en matière
d’aéronautique et de fusées à longue portée. L’accent
3. La coopération entre scientifiques a été stoppée pen- fut mis sur la conception de fusées V1 et V2, de proto-
dant la Seconde Guerre mondiale. Par exemple, toute types de soucoupes volantes, d’avions à réaction ou d’un
coopération entre Français et Allemands est terminée. sous-marin furtif.
Cela dit, des scientifiques qui se trouvent dans le même
camp coopèrent. Ce fut le cas pour permettre d’élaborer
Exercice 3
la première bombe atomique aux États-Unis.
I. Malala et sa famille, sa scolarisation
4. Les recherches sur la radioactivité ont mené à la Le livre raconte d’abord l’histoire de la famille de Malala,
création de la bombe atomique. Elle a été utilisée par issue d’une famille pauvre du Swat, un district reculé
les États-Unis en août 1945 sur Hiroshima et Nagasaki, d’une province du Nord du Pakistan, où l’armée natio-
occasionnant environ 200 000 morts. nale et les talibans s’affrontent depuis plusieurs années.

THÈME 6 Axe 1 Produire et diffuser des connaissances 7


Son père décide de fonder une école pour jeunes filles sur le continent européen. Il représente donc un danger
alors que sa mère est femme au foyer. Malala a donc la pour la paix.
chance d’être scolarisée. En effet, nombreux sont ceux
qui doivent travailler pour aider leurs parents à subvenir 3. En 1939, les recherches sur la radioactivité ont beau-
aux besoins de la famille. De plus, la majorité des femmes coup progressé depuis 1896. Dès 1934, Irène et Frédéric
étant mères au foyer, la plupart des filles apprennent à Joliot-Curie parviennent à créer les premiers éléments
cuisiner plutôt qu’à lire, car leurs parents estiment cette radioactifs artificiels. Ce dernier met également en évi-
compétence bien plus utile pour leur avenir. dence la possibilité d’une réaction en chaîne lorsque les
neutrons libérés lors d’une première fission viennent
II. L’arrivée des talibans remet tout en cause
frapper les noyaux d’autres atomes provoquant de nou-
Mais les talibans gagnent en influence dans cette région
velles fissions.
et limitent la scolarisation des filles. Ils commencent par
critiquer la mixité des classes, puis celle des écoles. En
2009, lorsqu’ils prennent officiellement le pouvoir, ils 4. Ce document a pour but d’alerte le Président Roo-
autorisent la scolarisation des filles de moins de 11 ans, sevelt sur le fait que les dangers que représente l’Alle-
mais finissent peu après par l’interdire complètement, et magne nazie et sur le fait qu’elle est potentiellement
ce de manière musclée. Au total, près de 150 écoles sont en train d’effectuer des recherches scientifiques pour
détruites. Bravant l’interdit, Malala et quelques-unes de mettre au point une arme terrible, la bombe atomique.
ses camarades poursuivent clandestinement les cours.
Mais face aux affrontements armés, Malala ne peut fina- 5. En 1938, des physiciens allemands ont découvert la
lement plus aller à l’école. fission du noyau d’uranium et ses conséquences en
termes de dégagement d’énergie.
III. Retour à l’école et force du discours
Finalement, l’armée pakistanaise regagne les terrains 6. Einstein propose au Président Roosevelt d’accélérer
perdus et les écoles rouvrent. Mais en 2010, des pluies les recherches dans le domaine de la bombe atomique
torrentielles détruisent les quelques écoles de filles res- afin de l’atteindre avant les nazis. Il écrit qu’il faut :
tées debout. Cependant, pour Malala, tout s’arrête à nou- « accélérer le travail expérimental, qui n’est à présent
veau en octobre 2012 lorsque deux talibans l’attaquent à accompli que dans les limites des budgets des labora-
bord du bus scolaire. Elle survit miraculeusement et est toires universitaires » et que le gouvernement américain
transférée dans l’un des meilleurs hôpitaux du Royaume- doit lever des fonds ou faire appel à de l’argent privé
Uni pour y être soignée. Après de nombreuses opérations pour mener à bien ce projet.
et une longue rééducation, elle peut enfin reprendre
les cours, à Birmingham cette fois où elle réside désor- 7. Après avoir lu cette lettre, Roosevelt décide de mettre
mais avec sa famille. Malala va alors faire porter sa voix, en route le projet Manhattan qui vise à développer la
notamment à l’ONU. bombe atomique. Cela dit, cela n’est réellement décidé
qu’en 1942, c’est-à-dire juste après l’entrée en guerre des
États-Unis, en décembre 1941. La portée de ce document
Exercice 4 n’est donc pas immédiate. Cela aboutit en juillet 1945
1. L’auteur de ce document est Albert Einstein, un grand à l’explosion de la première bombe atomique dans le
scientifique allemand qui émigre aux États-Unis dès désert du Nouveau-Mexique et le test est concluant.
1933, fuyant les persécutions antisémites nazies. Le des-
tinataire est le président des États-Unis, Franklin D. Roo- 8. En réalité, les nazis étaient assez loin de parvenir à
sevelt, en poste depuis 1933. développer la bombe atomique. La recherche était trop
dispersée et les fonds alloués ont finalement été surtout
2. Le texte est écrit le 2 août 1939, c’est-à-dire à la veille affectés à la création d’autres armes, comme notam-
de la Seconde Guerre mondiale. Les États-Unis, qui ment les fusées V1 et V2.
s’étaient déjà engagés en 1917 dans la Première Guerre
mondiale, ne souhaitent pas repartir en guerre et une 9. Einstein se méfie de la bombe atomique. Il refuse
bonne partie de la population américaine est paci- de participer aux recherches pour mettre en place la
fiste et isolationniste (elle veut que leur pays se tienne bombe H (procédé par fusion nucléaire et non par fis-
à l’écart des affaires du monde et notamment de l’Eu- sion) beaucoup plus puissante. Il en appelle à une
rope). En Allemagne, Hitler est au pouvoir depuis 1933 organisation internationale pour gérer cette arme des-
et le monde sait qu’il prépare une guerre d’agression tructrice.

THÈME 6 Axe 1 Produire et diffuser des connaissances 8


AXE 2 La connaissance enjeu politique et géopolitique
La logique du chapitre
L’étude de la connaissance sous un angle politique et géopolitique se fait autour de
deux Jalons. L’histoire des services de renseignement américain et soviétique pendant
la guerre froide montre bien comment avoir accès à des informations est capital dans le
jeu des puissances. L’autre aspect de la question est de voir comment l’Inde développe
sa puissance en permettant à ses étudiants d’avoir accès à plus de connaissances par le
biais de ses établissements d’enseignement supérieur qui se multiplient mais aussi par
l’envoi de nombre de ses étudiants à l’étranger. Enfin, l’Inde favorise les transferts de
technologie, qui représentent également une circulation des connaissances des pays
développés vers les pays en développement.

Bibliographie
1. Sur le renseignement pendant la Guerre froide
–– C. Andrew et V. Mitrokhine, Le KGB contre l’Ouest (1917-1991), Fayard, 2000. L’ou-
vrage déborde de la période de la guerre froide mais présente bien l’organisation et
les opérations menées par le KGB pour espionner l’Occident.
–– N. Marie-Schwartzenberg, Le KGB, PUF, « Que sais-je ? », no 2757, 1993. Un ouvrage
complet sur le rôle de ce service d’espionnage pendant la guerre froide.
–– K. Philby, Ma Guerre silencieuse, Éditions Robert Laffont, 1968. Il s’agit des mémoires
de l’agent double MI6-KGB
–– R. Pietrini, Vostok, missions de renseignement au cœur de la guerre froide, Mission
spéciale production, Témoin des temps, 2008. Il s’agit d’un récit de la part d’un expert
dans le domaine du renseignement qui effectua une large partie de sa carrière comme
sous-officier à l’Est, pendant la guerre froide.
2. Sur l’Inde
–– I. Saint-Mézard et H. Piolet, Atlas de l’Inde : Une nouvelle puissance mondiale,
­Autrement, 2016. Un ouvrage général sur l’Inde avec des cartes intéressantes sur le
développement économique et le système universitaire.

Sitographie
1. Sur l’espionnage
–– Pour des biographies d’espions : https://www.geo.fr/histoire/guerre-froide-et-es-
pionnage-le-pantheon-des-agents-secrets-156044
–– Un site qui résume bien les affaires d’espionnage entre États-Unis et URSS : https://
cf2r.org/historique/la-guerre-du-renseignement-est-contre-ouest-pendant-la-guerre-
froide/
2. Sur l’Inde, les étudiants indiens et les transferts de technologie
–– Un site sur l’organisation de l’enseignement supérieur en Inde : https://cft19.edufair.
fr/infos-utiles/l-enseignement-superieur-en-inde.html
–– Sur Narendra Modi et sa politique : https://www.francetvinfo.fr/monde/inde/video-
qui-est-narendra-modi-reelu-premier-ministre-de-l-inde_3458677.html
3. Sur le concept des transferts de technologie
–– Un article complet ; https ://www.cairn.info/revue-regards-croises-sur-l-economie-
2009-2-page-229.htm

THÈME 6 Axe 2 La connaissance, enjeu politique et géopolitique 9


p. 426-427 O u ve r t u r e Pour aller plus loin :
Sur l’espionnage aujourd’hui, l’affaire Skripal :
Éléments de réponse aux questions p. 426 –– https://www.lemonde.fr/long-formatarti­cle­/2018/10/22/
1. Les époux Rosenberg sont accusés d’espionnage au sur-les-traces-de-serguei-skripal-l-espion-russe-empoi-
profit de l’URSS. Dans certains pays, des manifestations sonne-au-novitchok-a-londres_5372660_5345421.html
sont organisées pour clamer leur innocence et tenter de Sur l’espionnage industriel :
leur éviter la chaise électrique. Ils sont finalement exé- –– https://www.capital.fr/economie-politique/espion-
cutés, malgré la campagne en leur faveur. nage-industriel-les-affaires-qui-ont-fait-trembler-l-eco-
nomie-1074640
2. Depuis l’ouverture des archives de l’URSS en 1990 leur –– https://www.usinenouvelle.com/article/du-concorde-
culpabilité est avérée, mais pour des faits moins graves a-renault-14-affaires-d-espionnage-industriel.N144468
que ceux qui leur étaient reprochés. Les informations
transmises ont été en réalité de peu d’importance scien-
Éléments de réponse aux questions p. 429
tifique. Elles n’ont manifestement pas aidé les Sovié-
tiques à acquérir la bombe atomique. 1. Les transferts de technologie peuvent s’opérer d’une
façon ouverte, grâce à des accords commerciaux et
3. En pleine guerre froide, la course aux armements ato- scientifiques entre un pays avancé dans la recherche
miques accentue les fortes tensions entre les deux super- et développement et un pays moins avancé dans ce
puissances. Les partis communistes du monde entier domaine. Le premier exporte ses produits, envoie des
organisent ces manifestations pour se donner une bonne scientifiques, ingénieurs, techniciens, etc. dans le second.
image et déprécier celle des États-Unis, dans le contexte Mais de façon couverte, les transferts de technologie
de cette guerre idéologique. se font également par des activités d’espionnage entre
entreprises ou/et entre États.

Éléments de réponse aux questions p. 427 2. La guerre froide est une compétition entre deux
1. L’Inde est la 5e puissance économique du monde en superpuissances qui ont chacune leur modèle poli-
2019, devant la France. tique, économique, social et culturel. Pour l’emporter
sans affrontement direct (impossible en raison de l’équi-
2. Cette puissance repose entre autres sur la formation libre des forces), chacune développe différents services
de ses étudiants et sur les transferts de technologie. secrets (CIA et NSA pour les États-Unis, KGB – qui est
également une police secrète – pour l’URSS), chargés
3. En 2016, l’Inde et la France ont signé un contrat selon d’espionnage et de contre-espionnage. La guerre froide
lequel la France livre à l’Inde 36 avions Rafale. Ce contrat est souvent qualifiée de « guerre des espions », dont les
comporte des transferts de technologie. C’est positif résultats, sur le plan scientifique, ont été notamment
pour l’Inde car elle achète du matériel et acquiert égale- visibles dans le domaine aérien et spatial.
ment de la technologie.
3. Depuis les années 1990, les activités d’espionnage
reposent moins sur les États et se développent dans un
monde marqué par l’accélération de la mondialisation,
p. 428-429 Re p è r e s l’importance des FTN et l’émergence de nouveaux États.
Ces activités ne sont pas pour autant plus visibles, leur
La connaissance, un enjeu politique discrétion est favorisée par le développement du numé-
et géopolitique rique, qui rend plus difficile la traçabilité, et par le rôle
de paravent de grandes entreprises mondialisées, étroi-
La double page s’articule autour de deux déclinaisons
tement liées à certains États (comme les FTN chinoises).
majeures de l’Axe : le renseignement et les transferts
de technologie (cette notion étant probablement nou-
velle pour les élèves, elle est plus précisément défi-
nie). Un tableau chronologique simplifié permet tout p. 430-431 Jalon 1A
d’abord de remettre en perspective et d’en comparer
quelques aspects dans l’histoire du monde depuis 1945, Les services secrets soviétiques
grâce à des exemples variés (d’autres pouvant être sol-
licités par le professeur à partir des connaissances des et américains durant la guerre froide
élèves acquises lors de l’étude de la guerre froide ou de Le Jalon s’organise autour de deux doubles pages. La
la Seconde Guerre mondiale, comme le cas de Wernher première a pour but de présenter les agences de rensei-
von Braun). Deux autres documents insistent sur les acti- gnement et leurs méthodes. La seconde insiste plus sur
vités d’espionnage dans deux cadres chronologiques dif- les enjeux de ces opérations de renseignement, pour le
férents, mais dont les méthodes et les objectifs sont tout pays, pour les agences et pour les espions, voire pour la
à fait comparables. population.

THÈME 6 Axe 2 La connaissance, enjeu politique et géopolitique 10


Document 1 p. 432-433 Jalon 1B
La photo illustre une école du KGB dans les années 1980.
Cela permet de montrer comment la formation au sein Documents 1 et 2
de ces organisations est importante de même que le Il s’agit d’une photo d’un tunnel découvert par l’URSS
recrutement. La photo présente également le matériel officiellement en 1956. Opérationnel entre mai 1955
informatique de l’époque. et avril 1956, ce tunnel a permis l’enregistrement de
443 000 conversations vocales et 6,2 millions d’heures
Document 2 d’écoute. Les enregistrements audios étaient traités à
Londres par la Main Processing Unit (MPU), un groupe
Le schéma présente la plupart des méthodes d’espion- d’émigrés russes payés en grande partie par la CIA ; les
nage du KGB. Il est repris du site du musée du KGB à New télex étaient analysés au siège de la CIA. Cependant, ce
York : https://kgbespionagemuseum.org/even-walls-can-­ volume gigantesque obligea la CIA à faire appel à la NSA,
hear/. Le site présente beaucoup d’objets utilisés pour qu’elle n’avait jusque-là pas informée l’opération. Le tun-
espionner, y compris les plus étonnants. nel fut l’une des deux sources clandestines les plus fruc-
tueuses de la CIA sur l’armée soviétique entre 1955-1959.
L’autre fut l’agent double Pyotr Popov, qui donna des
Document 3 informations sur les sous-marins nucléaires soviétiques
La photo présente un des moyens d’espionnage les plus et sur les missiles guidés. Les documents enregistrés ont
sophistiqués, les avions espions, à l’origine de nombreux permis aux États-Unis de connaître la composition des
problèmes lorsqu’ils sont détectés. C’est le cas notam- forces du Pacte de Varsovie, les tensions en Pologne, les
ment en 1960 lorsqu’un avion espion américain, volant oppositions entre l’Allemagne de l’Est et l’URSS, la locali-
à haute altitude est abattu par la défense antiaérienne sation de certaines bases de l’armée de l’air soviétique et
soviétique tandis que le pilote, le capitaine F. G. Powers, l’identification de centaines d’agents de renseignements
est capturé. soviétiques… Le doc. 2 le complète en décrivant com-
ment un véritable arbitrage doit être mené entre recueil
En 1962, c’est un avion espion américain qui a pris
ou don d’informations et la préservation de l’identité
des photos montrant que l’URSS acheminait à Cuba des
des agents.
rampes de lancement de missiles permettant aux États-
Unis de présenter à l’ONU des preuves photographiques
du déploiement soviétique.
Document 3
À partir de 1950, une véritable « peur des Rouges »
Éléments de réponse aux questions p. 431 s’installe aux États-Unis. Elle est incarnée par le sénateur
1. Le KGB a trois missions principales : espionnage exté- Joseph McCarthy qui lance une « chasse aux sorcières »
rieur, contre-espionnage et liquidation des opposants contre les communistes, accusés d’être tous des espions
politiques. infiltrés à la solde de l’URSS. Dans un discours de 1950,
il dénonce la mainmise des communistes sur les lieux du
2. CIA et KGB tentent de retourner des agents. Ce fut pouvoir et affirme avoir en sa possession une liste de 205
le cas pour Adolf Tolkatchev, un ingénieur soviétique noms. Il crée, en 1953-1954, une sous-commission d’en-
recruté par la CIA. Ce fut également le cas de Kim Philby, quête au Sénat et mène des investigations dans diffé-
un des « Cinq de Cambridge », recruté par le KGB alors rents milieux, comme le cinéma. C’est dans ce contexte
qu’il appartenait au MI6, les services secrets britan- que les époux Rosenberg sont exécutés en 1953. En 1954,
niques. Ces espions peuvent risquer jusqu’à la mort. ses excès sont dénoncés et McCarthy est désavoué par le
Sénat américain.
3. Plusieurs informations peuvent être révélées comme
l’identité de certains agents, des renseignements sur la
technologie adverse, les chiffres de son armée et de ses Document 4
ressources militaires, le positionnement de ses espions…
Elles peuvent être récoltées par divers moyens comme En 1960, un avion espion U2 américain, parti d’une base
des caméras, appareils photos miniatures, différents américaine au Pakistan, est abattu au-dessus du terri-
systèmes d’écoutes… Elles sont capitales car elles per- toire de l’URSS. Cela crée une crise diplomatique entre
mettent à l’adversaire de mieux adapter sa stratégie. les deux Grands à propos du renseignement puisque le
pilote, attrapé vivant, effectuait bien une mission d’es-
Synthétiser On peut répondre selon le plan suivant : pionnage.
I. CIA et KGB, deux agences de renseignement
importantes.
Éléments de réponse aux questions p. 433
II. Des moyens divers pour recueillir du renseignement.
III. Des résultats inégaux. 1. Dès 1954, dans le cadre de l’opération Gold, des agents
creusent un tunnel depuis Berlin-Ouest pour atteindre
Travailler autrement des câbles souterrains de communications militaires
Sur le site du musée du KGB de New York : https://kgbes- soviétiques sous Berlin-Est et les mettre sur écoute.
pionagemuseum.org/. Dans l’onglet « Exhibitions »,
cliquez sur « in the exhibition », visitez les 6 pages diffé- 2. Cela dit, les autorités soviétiques apprennent le projet
rentes relatives aux moyens d’espionnage. grâce à un agent double, George Blake. Le KGB décide

THÈME 6 Axe 2 La connaissance, enjeu politique et géopolitique 11


alors de laisser écouter pendant près d’un an les com- Enfin, le texte 5 montre combien les patrons indiens sont
munications soviétiques pour ne pas remettre en cause recherchés à l’international pour leurs qualités managé-
la position de cet agent précieux. Le tunnel est officielle- riales, acquises dans les IIM (Instituts indiens de mana-
ment découvert en 1956. gement). Le texte donne quelques exemples comme
Sundar Pichai, patron de Google.
3. Aux États-Unis, le sénateur McCarthy lance une vraie
« chasse aux sorcières » : il veut traquer tous les ennemis
de l’intérieur susceptibles de livrer des informations à Éléments de réponse aux questions p. 435
l’URSS. C’est dans ce contexte que les époux Rosenberg 1. Les IIT sont les Instituts indiens de technologie. Ce
sont exécutés en 1953. sont des établissements d’excellence car le recrutement
est très sévère. Ils forment la future élite de la nation
4. L’affaire de l’avion espion U2 en 1960 divise les Amé- indienne.
ricains sur les capacités de frappe de l’URSS qui a abattu
l’avion après qu’il a parcouru 2 000 km au-dessus de son 2. Le nombre d’étudiants indiens va beaucoup augmen-
territoire. Quoi qu’il en soit, les relations entre les deux ter. Il y a 35 millions d’étudiants aujourd’hui en Inde et
Grands se sont dégradées. on estime qu’il y en aura 70 millions en 2030. Cela pose
plusieurs problèmes : tous les étudiants ne pourront pas
Synthétiser On peut répondre selon le plan suivant : faire des études et beaucoup d’établissements privés,
I. Résumé de l’opération Gold. donc cher, se sont ouverts. La sélection se fait donc sur
les finances des familles et non sur les compétences des
II. Enjeux : politique et géopolitique.
étudiants.
Travailler autrement
Le projet Venona est le travail de cryptanalyse effectué 3. Les étudiants indiens sont recherchés dans le monde
par les services de renseignement américains pour ten- car la formation qu’ils ont reçue dans les IIT, IIM, ou IIS
ter de casser les codes des communications des services est excellente. Mais le risque est que nombre d’étudiants
de renseignement soviétiques. Ces messages décryptés aillent se faire employer dans les pays développés pour
furent, durant les premières années de la guerre froide, bénéficier de salaires plus attractifs (brain drain).
permettent notamment de découvrir le réseau des « Cinq
Synthétiser On peut répondre selon le plan suivant :
de Cambridge » et de plusieurs espions travaillant dans
le domaine nucléaire. Le projet était un des plus secrets I. Le système universitaire en Inde.
de son époque. Venona est le dernier nom de code de II. Des atouts
classement, utilisé à partir de 1961 par les États-Unis et III. Des faiblesses.
la Grande-Bretagne. Le projet ne fut déclassé et rendu
public qu’en 1995. Travailler autrement
Dans le cadre d’un partenariat stratégique débuté en
1998, la France entend développer l’accueil d’étudiants
indiens. Moins nombreux que les étudiants chinois, l’ob-
p. 434-435 Jalon 2A jectif est d’accueillir 10 000 étudiants en 2020. Réputé
pour leurs compétences, ces étudiants privilégient
Étudiants, transferts de technologie cependant les pays anglophones. Mais l’accueil des étu-
et puissance économique en Inde diants indiens en France est l’occasion de créer et de
développer des relations, d’expérimenter des formes de
La première double page présente le système universi-
coopérations et de présenter la France comme un parte-
taire indien, sa démocratisation et les problèmes qu’il
naire commercial et culturel alternatif.
présente pour certains étudiants et pour l’Inde même.
La seconde double page insiste plutôt sur la politique
de puissance du Premier ministre Narendra Modi qui
cherche à développer les transferts de technologie en p. 436-437 Jalon 2B
Inde et le « Make in India ».
Le schéma 1 présente le système de l’enseignement
supérieur indien, finalement calqué sur celui des pays
Document 1
occidentaux. 3 établissements sont à connaître : les col- La source de ce graphique est le World Economic
lèges, les universités et les IIT. Ces derniers sont l’équiva- League Table du CEBR (Center for economic and
lent de nos grandes écoles. Certains établissements sont business research) : https://cebr.com/wp-content/
publics, d’autres privés. uploads/2019/12/World-Economic-League-Table-Re-
Le texte 2 présente les limites du système éducatif port-2020-Final.pdf pour la dernière version. Le CEBR
indien et notamment le problème de la sélection et du fournit depuis 25 ans des prévisions et analyses écono-
coût des études. miques indépendantes à des centaines d’entreprises pri-
La photo 3 présente l’un des IIT les plus réputés en vées et d’organisations publiques. Ce graphique montre
Inde, celui de Kharagpur, créé en 1951. les perspectives d’évolution économique de l’Inde
Le diagramme (doc. 4) présente le problème de la fuite qui deviendra la 3e puissance du monde en 2032. Cela
des cerveaux (ou brain drain) des étudiants indiens, en montre que l’Inde a de véritables potentialités de déve-
lien avec la mobilité qui leur est proposée. loppement.

THÈME 6 Axe 2 La connaissance, enjeu politique et géopolitique 12


Document 2 3. Ici il s’agit d’entreprises sud-coréennes et françaises.
On peut imaginer que les entreprises qui coopèrent avec
Le texte explique les raisons du succès indien et évoque l’Inde sont asiatiques, américaines ou européennes. Il
notamment la politique du « Make in India » initiée par s’agit de transferts de technologie puisqu’en fabriquant
Modi en 2014. Symbolisé par un lion, en référence à l’an- en Inde des produits ou en les livrant à l’Inde, les accords
cien empire d’Ashoka, ce programme vise à remettre signés impliquent que le pays transfère sa technologie à
l’industrie au centre du développement économique. l’Inde qui peut ensuite la reproduire.
Car, selon les experts, les seules activités des services
ou de l’agriculture ne pourront suffire, dans les décen-
4. L’Inde mise beaucoup sur la Défense pour être aussi
nies à venir, à générer assez d’emplois pour ce géant de
une puissance militaire. C’est le cas avec le contrat
1,25 milliard d’habitants. Le plan « Make in India » intègre
signé avec la France en 2015 concernant la livraison de
une vingtaine de secteurs par des mesures incitatives ou
sous-marins. Les entreprises étrangères y ont intérêt car
des transferts de technologie : automobile, aéronau-
l’Inde est un marché très important. Le pénétrer, c’est
tique, énergies renouvelables, chimie, textile, ferroviaire
s’assurer des commandes importantes et pour long-
ou encore les TIC.
temps.

Documents 3 et 4 Synthétiser On peut répondre selon le plan suivant :


Les deux documents présentent des exemples d’accords I. La politique du « Make in India »
économiques et de transferts de technologie : le premier II. Les enjeux de cette politique.
avec le sud-coréen Samsung, le second avec le fran-
çais Naval Group. En juillet 2018, Samsung a inauguré à Travailler autrement
Noida, dans la banlieue de New Delhi, une usine de fabri- Les transferts de technologie, parfois exigés par cer-
cation de smartphones, en présence de Narendra Modi, tains pays comme la Chine ou l’Inde, ont permis aux
Premier ministre de l’Inde et du Président sud-coréen pays développés d’accéder aux marchés émergents.
Moon Jae-in. Samsung a investi 750 millions de dollars Mais en livrant leurs technologies, savoir-faire etc. les
dans ce projet et l’usine est devenue le plus grand centre entreprises européennes ou américaines ont armé leurs
de fabrication de smartphones au monde. Elle devrait propres concurrents. Ces derniers, ayant économisé sur
être en capacité de fabriquer 120 millions de smart- les budgets de recherche et développement, ont pu
phones par an. L’objectif de la marque sud-coréenne, qui créer de toute pièce des industries performantes dispo-
fait face à la concurrence des Chinois Xiaomi, Tencent sant des dernières technologies ou techniques de pro-
et Huawei, est de pénétrer le marché indien. La déci- duction (automobile, télécoms, aéronautique). Pour s’en
sion a été accueillie à bras ouverts par le gouvernement protéger, les entreprises doivent continuer à investir
indien, dans le cadre de la politique du « Make in India ». massivement dans la R & D et faire respecter leur droit
Le document 4 présente le chantier naval Mazagon Dock de propriété intellectuelle. Enfin, certains États décident
Limited (MDL) de Mumbai qui a procédé en mai 2019 à de limiter ces transferts de technologies, notamment
la mise à l’eau du Vela, quatrième des six sous-marins de dans les secteurs les plus stratégiques.
type Scorpène commandés par l’Inde à l’industriel fran-
çais Naval Group. Ils sont réalisés en transfert de tech-
nologie. Ces sous-marins de 67 mètres peuvent mettre
en œuvre une vingtaine d’armes, torpilles lourdes et p. 440-441 Exercice Bac
missiles antinavire. C’est en octobre 2005 que le contrat
avait été signé entre l’Inde et la France, qui espère Exercice 1
vendre d’autres sous-marins à ce pays. Naval Group est
notamment en lice pour une prochaine commande d’au Les agences de renseignements utilisent tout d’abord
moins trois bâtiments. des moyens matériels. La CIA est ainsi à l’origine de la
création des avions espions U2. Les informations récol-
tées sur les forces stratégiques de l’URSS permettent
Document 5 notamment de corriger le mythe du « bomber gap » à
Le texte analyse la politique du Président Modi et les savoir que l’URSS aurait des forces nucléaires bien supé-
bénéfices pour l’Inde en termes de croissance et de rieures à celles des États-Unis. CIA et KGB utilisent du
développement. Elle y gagne en puissance dans tous matériel espion de plus en plus perfectionné comme des
les domaines et notamment sur le plan économique et micros espions, des caméras miniatures…
­militaire. Elles utilisent aussi des moyens économiques. Les pou-
voirs de la CIA se renforcent puisque dès 1949 elle n’est
plus limitée en termes de budget et obtient l’autorisation
Éléments de réponse aux questions p. 437 de dissimuler son organisation, sa hiérarchie, ses salariés
1. L’Inde ne cesse de gagner en puissance. 7e puissance et la taille de ses effectifs. De même, le budget du KGB
du monde en 2017, elle devrait devenir 3e en 2032. est quasi illimité.
Enfin, les moyens humains sont également très impor-
2. L’Inde bénéficie d’une population jeune et nombreuse. tants. Le KGB obtint des succès importants dans la
Former cette population est une formidable opportu- récolte continue de technologie occidentale par des
nité de développement, mais aussi un immense défi car agents comme Melita Norwood, qui travailla au projet
il faut réussir à créer des emplois pour ces millions de de bombe atomique britannique. Fervente communiste,
personnes arrivant sur le marché du travail. elle transmettait des informations par conviction et par

THÈME 6 Axe 2 La connaissance, enjeu politique et géopolitique 13


opposition à la bombe atomique. D’importantes infor- Exercice 4
mations ont aussi permis à l’URSS de pouvoir construire
ses premiers avions à réaction. Les services secrets sovié- 1. Les données de la carte sont issues de l’UNESCO.
tiques réussirent aussi à infiltrer le gouvernement de la
RFA sous Willy Brandt, au début des années 1970, par l’in- 2. Elle traite de la mobilité des étudiants indiens dans le
termédiaire de la police secrète est-allemande, la Stasi. monde.

3. Les principaux pays d’accueil des étudiants indiens


Exercice 2 sont les États-Unis, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, le
Royaume-Uni, les Émirats arabes unis et quelques autres
Cette activité peut permettre d’aborder le jalon p 434-
pays européens. Ce sont en tout cas des pays développés.
435 d’une autre façon, par une présentation des élèves.
4. À l’inverse, moins d’étudiants souhaitent venir étudier
Exercice 3 en Inde. Ils sont principalement issus des pays voisins
(Afghanistan, Bhoutan, Iran, Népal…).
La série est historiquement exacte. Anthony Blunt était
connu pour être le 4e homme des « Cinq de Cambridge ». 5. Cette mobilité est une opportunité pour l’Inde car les
En 1963, sur information de Michael Straight, le MI5 étudiants peuvent compléter leur formation dans les
découvre son passé d’agent double au service de l’Union meilleures universités du monde et ensuite revenir en
soviétique. N’ayant d’autre issue que d’avouer, Blunt se étant encore mieux formés.
confesse au MI5. Il détaille les secrets militaires qu’il
a transmis aux Soviétiques et donne les noms d’autres
6. C’est aussi un risque à cause du brain drain ou fuite des
espions en échange de l’immunité et du fait que ses acti-
cerveaux. Les étudiants indiens peuvent vouloir rester
vités ne seront pas rendues publiques. Sa carrière d’es-
dans des pays développés car les salaires qui leur sont
pion reste donc un secret d’État jusqu’en 1979, lorsque le
proposés sont plus attractifs.
Premier ministre de l’époque, Margaret Thatcher, décide
de révéler son passé, dans l’enceinte de la Chambre des
communes. Le scandale est considérable. Son titre de
chevalier lui est aussitôt retiré.

THÈME 6 Axe 2 La connaissance, enjeu politique et géopolitique 14


ÉTUDE CONCLUSIVE
Le cyberespace : conflictualité et coopération
entre les acteurs

La logique du chapitre
Le cyberespace est à coup sûr le nouvel espace où les puissances s’affrontent désormais.
Encore peu réglementé, une nouvelle hiérarchie s’établit en son sein. Il s’agit alors, face
à des menaces de plus en plus graves, de favoriser la coopération entre des acteurs de
plus en plus divers. Le premier Jalon porte sur le cyberespace, nouveau territoire formé
à partir d’infrastructures stratégiques où la question de la liberté est posée. Le second
traite de l’Europe et de la coopération en matière de cyberdéfense face à la souveraine-
té nationale des États.

Bibliographie
–– Revue Hérodote, « cyberespace, enjeux géopolitiques », mai 2014. Des articles qui
abordent les principales thématiques liées à la géopolitique du cyberespace : cyber-
guerre, coopérations régionales et mondiales, nouveaux acteurs, darknets…
–– L. Bloch, L’Internet, vecteur de puissance des États-Unis ? géopolitique du cyberes-
pace, nouvel espace stratégique, éditions Diploweb, 2017. Un ouvrage intéressant
pour étudier la recomposition de la puissance dans le cyberespace.
–– L. Gayard, Darknet, GAFA, Bitcoin, l’anonymat est un choix, Sltakine et Cie, 2018. Un
bon ouvrage qui présente les aspects positifs et négatifs des darknets notamment.

Sitographie
–– Le site officiel du ministère français de la Défense, en matière de cyberdéfense :
https://www.defense.gouv.fr/portail/enjeux2/la-cyberdefense/la-cyberdefense/pre-
sentation.
–– Cyberattaques : les braqueurs de l’ombre, Envoyé spécial, reportage, France 2, 2017 :
Une enquête sur les logiciels de rançon qui se multiplient : en France, une entreprise
sur deux aurait déjà été piratée de cette façon. https://www.francetvinfo.fr/internet/
securite-sur-internet/cyberattaques/video-les-braqueurs-de-l-ombre_2512161.html
–– À voir aussi le documentaire d’Arte Netwars, la guerre sur le Net, 2014. À l’heure
des automatisations et des mises en réseau, les infrastructures sont de plus en plus
vulnérables à des cyberattaques. Pour protéger leurs intérêts, les États commencent
à s’armer.

p. 444-445 O u ve r t u r e bonne gouvernance du cyberespace, à une collabora-


tion plus étroite entre les différents acteurs.
Éléments de réponse aux questions p. 444
2. Le but est de pacifier ce nouvel espace stratégique et
1. Un cybersoldat est un militaire qui effectue ses opéra- condamner les cyberactivités malveillantes, en associant
tions dans le cyberespace. C’est plutôt un informaticien. les États et des entreprises comme Microsoft, Facebook,
Aujourd’hui, toutes les grandes puissances prennent Airbus… Mais les États-Unis et la Chine ont refusé de
conscience que le cyberespace est un nouveau terrain prendre part à cet accord.
de conflits potentiels. Elles se dotent de moyens propres
à mener une cyberguerre ou du moins à être en capacité
de se défendre en cas de menace.
p. 446-447 Re p è r e s
2. La Chine a trois fois plus de cybersoldats que la France
(9 000 contre 3 000).
Le cyberespace, un espace virtuel
géopolitique
Éléments de réponse aux questions p. 445 L’enjeu de cette double page est d’établir le lien entre
1. En 2018, E. Macron a lancé un appel pour la confiance cyberespace et géopolitique (faisant ainsi écho à
et la sécurité dans le cyberespace, c’est-à-dire à une des notions qui ont pu être vues par les élèves en 1re).

THÈME 6 Étude conclusive Le cyberespace : conflictualité et coopération entre les acteurs 15


Comment le cyberespace reflète-t-il les rivalités de pou- p. 448-449 Jalon 1A
voir sur et pour les territoires ? Les documents, dont on
peut faire une approche croisée, mettent ainsi l’accent Le cyberespace entre réseaux
sur trois aspects de cette question : le développement
des cyberattaques contre les États et les réponses qui et territoires
y sont apportées (avec leurs limites) ; la question de la La première double page présente plutôt les infrastruc-
cybersécurité dans les entreprises et, pouvant faire tures du cyberespace, le but étant de montrer que même
office de document de synthèse, une carte montrant les s’il s’agit d’un espace virtuel, il a des prolongements dans
rivalités et les hiérarchies qui s’établissent entre les puis- l’espace réel. La seconde s’articule surtout autour de la
sances en fonction de leur maîtrise du cyberespace et de question des libertés dans le cyberespace et sur Internet
leur agressivité. et de leur possible limitation.

Éléments de réponse aux questions p. 447 Document 1


1. Une cyberattaque constitue un « péril multiple » pour Ce texte présente la puissance des GAFAM (Google,
les États et les entreprises. Elle se présente en effet sous Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) et autres NATU
différentes formes, paralyse momentanément leur fonc- (Netflix, Airbnb, Tesla, Uber) et BATX (Baidu, Alibaba,
tionnement, fait courir le risque d’une désorganisation Tencent, Xiaomi). Ce sont des acteurs de plus en plus
en profondeur de leur structure, permet à l’attaquant de importants du cyberespace et ils tentent d’être en situa-
s’emparer d’un « cyberbutin » (données) et rend les États tion de monopole.
et entreprises méfiants les uns envers les autres. Enfin,
une cyberattaque peut être à l’origine d’une cyber-
guerre, faisant courir le risque d’une désorganisation Document 2
totale et massive d’États entiers.
La photo illustre la pose d’un câble sous-marin. Ces
infrastructures doublent le plus souvent les infrastruc-
2. La cyberattaque lancée en 2007 par la Russie contre tures téléphoniques dans les océans mais elles restent
l’Estonie, État membre de l’OTAN (depuis 2004), a fragiles et soumises à des risques de rupture. Les GAFAM
amené cette organisation et ses 26 États membres (30 réalisent 50 % des investissements en la matière. Un
en 2020) à prendre très au sérieux ce type de menace câble peut coûter jusqu’à 700 millions d’euros. Ils restent
et à fonder, l’année suivante, un centre de cyberdéfense très vulnérables en cas de séisme (risque de rupture),
(CCDCOE) où sont mutualisées des informations, mis d’acte de malveillance ou de piratage. Une véritable
en place des procédés de contre-attaques et pratiqués bataille s’opère entre les différents acteurs. En 2018,
des exercices de cyberguerre. Ce centre a été symboli- Orange et Google ont décidé de collaborer pour mettre
quement implanté à Tallinn, capitale de l’Estonie, État en place un câble sous-marin entre les États-Unis et
avancé dans le domaine du numérique (surnommé par- la France, long de 6 600 km, baptisé « Dunant » et qui
fois « E-stonie »). devrait être opérationnel en 2020.

3. L’Appel de Paris pour la cybersécurité lancée en


novembre 2018 n’a été signé au moment de son lance- Document 3
ment que par 51 États et 218 grandes entreprises. Même
si, un an après, le nombre d’États signataires est passé La photo présente le groupe de hackers Anonymous qui
à 73 et celui des entreprises et ONG à 965, ce chiffre sont des acteurs importants du cyberespace. On peut
reste infime comparé aux milliers d’ONG et de grandes ainsi considérer que le numérique crée de nouvelles hié-
entreprises, et faible au regard des 193 États recon- rarchies et permet de valoriser les génies de l’informa-
nus par l’ONU, d’autant plus que des cyber-puissances tique. Ils mènent ainsi des actions qu’ils estiment juste,
majeures ne l’ont pas signé : Chine et États-Unis (bien contre les groupes terroristes par exemple.
que quelques États des États-Unis et des entreprises
chinoises l’aient fait).
Document 4
4. La cybersécurité suppose de disposer de moyens Le texte présente les nouvelles possibilités qu’offre le
technologiques, humains et financiers importants. cyberespace, moins contrôlé, pour les terroristes qui ont
Les PME, dont la taille et les moyens sont par défini- des méthodes de recrutement bien rodées.
tion limités, doivent en effet former leurs salariés aux
risques informatiques, mettre en application des règle-
ments ­complexes sur la protection des données et dis- Éléments de réponse aux questions p. 449
poser d’outils informatiques performants pour assurer 1. Les infrastructures que sont les câbles sous-marins
leur cybersécurité. S’y ajoute également la nécessité de se situent dans toutes les mers du monde. Mais compte
sécuriser son matériel, lequel peut faire l’objet de vol ou tenu du nombre de connexions, ils sont plus importants
de destruction. entre les pays développés et les pays émergents.

2. Ces infrastructures ne cessent de se développer car les


besoins sont exponentiels. Les GAFAM réalisent 50 % des
investissements en la matière, donnant à ces entreprises

THÈME 6 Étude conclusive Le cyberespace : conflictualité et coopération entre les acteurs 16


une position dominante leur permettant de tenter de Éléments de réponse aux questions p. 451
diriger cet espace en utilisant leur puissance financière,
et d’avoir un rôle géopolitique majeur aujourd’hui face 1. Le cyberespace n’est pas un espace physique à propre-
aux États. ment parler. Il représente, pour l’auteur du texte, l’ave-
nir alors que l’espace traditionnel représente le passé.
3. Il s’agit d’un groupe de hackers anonymes, les Ano- L’idée principale du texte est de refuser toute législation
nymous, apparus au milieu des années 2000 pour lutter dans le cyberespace. L’auteur y veut une liberté totale.
contre la volonté d’encadrer Internet.
2. Il existe de nombreuses menaces dans le cyberespace.
Les plus fréquentes sont les actes criminels contre les
4. Les autres acteurs sont les entreprises en particulier
particuliers (vols de données, hameçonnage…), le cyber-
les géants du net, les États, les citoyens et aussi certains
terrorisme et les cyberattaques contre des États qui se
groupes comme les groupes terroristes.
multiplient.
Synthétiser On peut répondre selon le plan suivant : 3. Les États veulent encadrer les pratiques dans le cybe-
I. L es géants du net (GAFAM, NATU, BATX) : respace au nom de la sécurité. Ils mettent en place des
une puissance considérable. lois pour que la loi s’applique aussi dans le cyberespace.
II. Des stratégies pour exercer un quasi-monopole Mais cela reste difficile à cause des darknets.
sur le cyberespace.
Synthétiser L’accroche pourra partir d’un fait d’actua-
Travailler autrement lité plus ou moins récent (une cyberattaque). Il faudra
On pourra notamment s’appuyer sur les possibilités de ensuite définir les termes et notamment le cyberes-
déradicalisation et faire des recherches du Dounia Bou- pace et la liberté. La problématique pourra être : dans
zar, spécialiste de la question. En matière de radica- quelle mesure le cyberespace peut-il rester un espace
lisation sur Internet, on pourra aussi regarder la série de liberté totale alors que les menaces se multiplient en
suédoise Kalifat. lien avec son existence ? Le plan à annoncer peut s’arti-
culer autour de deux parties :
I. A rguments en faveur d’une liberté totale
p. 450-451 Jalon 1B sur Internet.
II. Arguments en faveur d’une régulation étatique.
Document 1 Travailler autrement
La déclaration d’indépendance du cyberespace est un WikiLeaks est une organisation non gouvernementale
texte important. Datant de 1996 il vient en réaction à fondée par Julian Assange en 2006, dont l’objectif est
des lois qui cherchent à contrôler le cyberespace. Il faut de publier des documents, pour partie confidentiels,
aussi prendre en compte le fait que le cyberespace a été ainsi que des analyses politiques et sociales à l’échelle
créé par des personnes issues de groupes qui rêvaient, mondiale. Sa raison d’être est de donner une audience
dans les années 1970, de fonder des communautés auto- aux lanceurs d’alertes et aux fuites d’information, tout
nomes et libres. N’ayant pas réussi dans la réalité, ils ont en protégeant ses sources. Plusieurs millions de docu-
espéré pouvoir le faire dans l’espace virtuel. ments relatifs à des scandales de corruption, d’espion-
nage et de violations de droits de l’homme concernant
des dizaines de pays à travers le monde ont été publiés
Document 2 sur le site Internet depuis sa création. À partir de juil-
let 2010, les révélations de WikiLeaks ont commencé
Le tableau liste les menaces pour les différents acteurs
à être relayées par de grands quotidiens nationaux. En
que représente le cyberespace.
juillet 2013, l’organisation aide Edward Snowden à sortir
de Hong Kong et à obtenir l’asile politique en Russie. En
2015, l’organisation révèle que de nombreux membres
Document 3
de l’élite française, y compris trois présidents de la Répu-
Face à la menace terroriste, et comme les États-Unis en blique, ont été espionnés par la NSA.
2001 avec le Patriot Act, la France a adopté la loi sur
le renseignement en 2015. Un débat s’est ouvert sur la
nécessité d’une telle loi et sur la remise en cause du droit
à la vie privée. p. 452-453 Grand Angle

Un exemple de cyberattaque :
Document 4 le hacking de TV5Monde et ses enjeux
Cette photo illustre les protestations en Russie contre Le but de cette double page est de donner un exemple
la mise au pas d’Internet par le pouvoir de Poutine. Cer- précis de cyberattaque et ses enjeux.
tains régimes autoritaires tendent en effet à contrôler le
cyberespace et à restreindre les libertés pour leurs utili-
sateurs. En Chine, par exemple, les géants du net améri- Document 1
cains sont interdits au profit des géants chinois. La capture d’écran que l’on pouvait voir sur le site Face-
book de TV5 Monde présentait un message provenant

THÈME 6 Étude conclusive Le cyberespace : conflictualité et coopération entre les acteurs 17


soi-disant de l’État islamique. En réalité, il s’agissait Document 1
d’une manipulation de hackers russes.
Le texte montre que les menaces, notamment contre les
entreprises se multiplient. Il peut s’agir de vols de don-
Document 2 nées par exemple ou de piratage du site Internet et des
réseaux sociaux. Cela coûte donc de plus en plus cher.
L’article montre ici comment l’enquête a mené vers des
hackers russes qui n’en sont pas à leur première cybe-
rattaque. Des hackers russes avaient ainsi mené une Document 2
cyberattaque contre l’Estonie, pays très dématérialisé,
en 2007. La photo présente Jean-Claude Juncker en 2017, alors
qu’il était encore président de la Commission euro-
péenne. Son discours du 13 septembre 2017 témoigne
Document 3 d’une prise de conscience des menaces qui pèsent sur
l’Europe, légèrement à la traîne en matière de cybersé-
La carte présente la crise ukrainienne. C’est en réalité curité.
une explication de la cyberattaque contre la chaîne de
télévision française, en lien avec le refroidissement des
relations franco-russes, le Président français, ­François Document 3
Hollande, ayant refusé de livrer des bateaux de guerre
commandés par Moscou par mesure de rétorsion Ce document montre l’un des moyens développés par
après l’intervention russe en Ukraine et l’annexion de l’UE pour recruter les meilleurs spécialistes informa-
la C
­ rimée. tiques. Il s’agit ici de créer une compétition de cyberdé-
fense.

Document 4
Document 4
L’article présente l’augmentation des coûts en matière
de cybersécurité pour tous les acteurs, États, entreprises, Le texte présente les difficultés européennes pour har-
particuliers. moniser les règles en matière de cybersécurité et pour
mettre en place une cyberdéfense européenne. L’UE a
cela dit mis en place la directive SRI (sécurité des réseaux
Éléments de réponse aux questions p. 453 et des systèmes d’information) et le règlement RGPD
pour protéger les données sur Internet. La loi relative à
1. En 2015, la chaîne française TV5 monde a été atta- la protection des données personnelles sur Internet a été
quée. Pendant 2 jours, la chaîne a été dans l’impossibilité adoptée en 2018 en France. Elle procède d’une réglemen-
d’émettre et ses réseaux sociaux diffusaient un message tation européenne de 2016, appelée RGPD (règlement
de propagande en faveur de l’État islamique (Daech). général sur la protection des données). Elle étend les
pouvoirs de la CNIL (Commission nationale informatique
2. L’attaque a été menée par des pirates russes qui se et liberté) dont les pouvoirs de contrôle et de sanction
faisaient passer pour des djihadistes. Cette cyberat- sont étendus. Ses agents peuvent par exemple visiter des
taque est à replacer dans le contexte des troubles en locaux qui traitent des données personnelles. ­Certaines
Ukraine. La Russie avait en effet annexé de fait certaines données sont considérées comme sensibles (origine
provinces du pays, dont la Crimée et le Donbass, et les ethnique, orientation sexuelle, choix politiques…) et ne
relations entre l’Europe et Moscou s’étaient considéra- doivent faire l’objet d’aucun traitement. Des amendes
blement refroidies. La France avait même finalement peuvent être infligées aux entreprises qui ne respecte-
refusé de livrer à la Russie des porte-hélicoptères Mis- raient pas la vie privée des individus sur Internet.
tral, commandés en 2010.

3. En matière économique, la multiplication des cyberat- Document 5


taques entraîne un renchérissement des coûts pour les Le document présente un extrait du règlement européen
entreprises comme TV5 Monde et même pour les États sur la cybersécurité en 2019 et les mesures décidées par
voire les particuliers. l’UE en la matière. Ce règlement marque une véritable
avancée pour l’autonomie stratégique européenne.
Il poursuit un double objectif : l’adoption du mandat
p. 454-455 Jalon 2A permanent de l’ENISA, l’Agence européenne pour la
cybersécurité, et la définition d’un cadre européen de
certification de cybersécurité, essentiel pour renforcer la
Cyberdéfense, entre coopération sécurité du marché unique numérique européen.
européenne et souveraineté nationale
La première double page aborde la question de la cyber-
Éléments de réponse aux questions p. 455
défense européenne et de la coopération des 27 pays de
l’UE qui reste difficile malgré les menaces et la nécessité. 1. L’UE reste mal protégée face aux menaces : 80 % des
La seconde focalise plutôt sur le cas français en matière entreprises européennes ont été touchées par une cybe-
de cybersécurité. rattaque. Leur nombre ne cesse d’augmenter puisque

THÈME 6 Étude conclusive Le cyberespace : conflictualité et coopération entre les acteurs 18


le nombre d’attaques par extorsion de données person- destinées aux sociétés et administrations jugées straté-
nelles a été multiplié par 3 entre 2015 et 2016. giques par l’État. Après quatre ans de développement
et de tests, deux acteurs, Thales et la start-up parisienne
2. Une compétition européenne permet de repérer les Gatewatcher (sonde Trackwatch Full edition), obtiennent
meilleurs informaticiens pour ensuite les recruter. Cela ainsi le précieux sésame pour proposer leurs sondes aux
permet aussi de sensibiliser les jeunes à ces probléma- 250 opérateurs d’importance vitale (OIV) : acteurs du
tiques via une compétition. transport, banques, ports, aéroports, industriels dans
l’énergie, l’eau ou la défense.
3. L’UE a adopté la directive SRI et le règlement RGPD.
Mais elle se heurte à des difficultés : les pays n’ont pas
les mêmes capacités économiques pour investir dans la Document 4
cyberdéfense ni ne présentent les mêmes vulnérabilités. La réserve citoyenne de cyberdéfense, créée en 2012, a
pour but de faire prendre conscience aux citoyens des
Synthétiser On peut répondre en suivant le plan suivant : menaces et de les associer à la stratégie de cybersécu-
I. L’UE a fait des progrès en matière de cyberdéfense. rité de la France, sur la base du volontariat.
II. Mais de nombreux problèmes se posent encore.

Travailler autrement Éléments de réponse aux questions p. 457


Les pays européens ont pris conscience au début du 1. La LPM française alloue un budget de 1,6 milliard d’€
xxie siècle des enjeux de la cybersécurité. S’ils ont su sur la période de 2019 à 2025 pour développer les cyber-
se doter d’un cadre commun, son application est plus soldats.
délicate. Les perspectives nationales sont souvent privi-
légiées malgré les déclarations d’intention. La protection 2. La France intègre la notion de cybersécurité dans sa
des libertés individuelles, le rapporta aux géants du net, stratégie globale de défense. L’arme cyber est considé-
la question des normes communes restent des questions rée comme une arme opérationnelle et la France n’hési-
sur lesquelles les positions des pays européens varient. tera pas à l’utiliser si elle est attaquée.
Enfin, la question du financement de la cybersécurité
européenne reste entière. Les États-Unis investissent 3. La France est évidemment vulnérable aux cyberat-
ainsi 10 fois plus que l’UE dans ce domaine. taques. En 2017, 1/7e des attaques de sécurité ont visé des
réseaux numériques. Les espaces qui présentent le plus
de risques sont les OIV (opérateurs d’importance vitale)
p. 456-457 Jalon 2B comme les acteurs du transport, les banques, les cen-
trales nucléaires… Les attaques proviennent de différents
pays, dont certains assument plus ou moins leurs actes.
Document 1
Il s’agit d’un document qui aborde la question de la loi 4. La France tente de renforcer sa cyberdéfense en asso-
de programmation militaire qui fixe les grandes orienta- ciant à sa politique des entreprises françaises, mais aussi
tions en matière de défense. Sur la période 2019-2025, la les citoyens (via la réserve citoyenne) ainsi qu’en aug-
cyberdéfense tient une place de choix dans les objectifs mentant les budgets de cyberdéfense.
fixés.
Synthétiser On peut répondre en suivant le plan suivant :
I. La France un pays cybermenacé.
Document 2
II. Les mesures mises en place par la France.
La France élabore une stratégie offensive dans le cadre
de sa politique de cybersécurité. La cyberdéfense a été Travailler autrement
érigée en priorité nationale par le Livre blanc pour la Les services de sécurité français sont désormais dotés de
défense et la sécurité nationale de 2013. Aujourd’hui, départements spécialisés dans la lutte contre la cyber-
d’ailleurs, toute opération militaire comporte un volet criminalité. À l’été 2019, le C3N (Centre de lutte contre
cyber. Au même titre que la terre, la mer, l’air et l’espace, la criminalité numérique) a ainsi neutralisé un réseau
l’espace numérique constitue un milieu à part entière de pirates qui était parvenu à prendre le contrôle de
dont la défense est une nécessité permanente. 850 000 ordinateurs à travers le monde. Les services de
sécurité se concentrent notamment sur les serveurs phy-
siques de ces réseaux.
Document 3
Certaines entreprises françaises travaillent avec l’État
afin de protéger le pays des cybermenaces. Thales et p. 460-461 Exercices Bac
Gatewatcher, deux entreprises françaises, ont ainsi col-
laboré pour créer une sonde capable de détecter les Exercice 1
cyberattaques. L’ANSSI (Agence nationale de sécurité
des systèmes d’informations), l’agence de cybersécurité Accroche : le discours d’E Macron du 12 novembre 2018.
française, a annoncé en avril 2019 la qualification des Analyse des termes : reprendre les définitions du livre sur
deux premières sondes de détection de cyberattaques le cyberespace. Il s’agit ici de voir que la France oscille

THÈME 6 Étude conclusive Le cyberespace : conflictualité et coopération entre les acteurs 19


entre une stratégie européenne et une stratégie natio- –– La science-fiction participe à une certaine peur du
nale. numérique via des œuvres de fiction qui sont souvent
Contexte : augmentation des cybermenaces. dystopiques. Elles présentent fréquemment un avenir
dangereux où les machines et les robots domineront les
Problématique : dans quelle mesure la France peut-elle
hommes. Le risque est ici bien montré même si la fin est
être considérée comme un acteur important du cybe-
plutôt positive puisque la machine qui tendait à contrô-
respace ? Cela est-il dû à la stratégie européenne ou au
ler les robots est détruite.
contraire à une stratégie plutôt nationale ?
Plan : –– De nombreuses œuvres de fiction mettent en scène un
I. La France participe à la coopération européenne avenir du tout-numérique. L’idée d’un pouvoir confisqué
en matière de cybersécurité. par les ordinateurs ou les robots est très présente dans
de nombreuses œuvres comme Terminator, de James
II. Mais elle a aussi une stratégie nationale.
Cameron (1984). Il aborde la question de la menace que
pourrait faire naître, pour l’humanité, des robots créés
Exercice 2 par une super-intelligence artificielle, en lien avec la
singularité technologique (idée que l’invention de l’in-
Quelques aides :
telligence artificielle pourrait engendrer un emballe-
–– Le livre et le film sont assez proches même si le livre ment de la croissance technologique qui pourrait avoir
reste une nouvelle. Le livre insiste plutôt sur l’aspect des conséquences imprévisibles, voire néfastes pour
émotionnel du robot personnage, qui rêve d’autres l’humanité).
robots, réduits en esclavage par des hommes. On est ici à
l’intersection entre homme et machine.

Exercice 3
Les darknets,
Les darknets : Les darknets,
des espaces difficiles
des espaces de liberté des espaces très dangereux
à contrôler et à réglementer
L. Gayard montre que le « darknet », c’est l’ensemble C’est le lieu privilégié des La police peut difficilement
des réseaux cryptés qui existent sur Internet. Cela ne cybercriminels, pédophiles, tout contrôler. Il a fallu deux
représente que moins de 0,05 % du volume de données terroristes, trafiquants de ans d’enquête au FBI pour
sur Internet et on devrait parler plutôt des darknets, drogue et d’armes. infiltrer le site Silk Road,
car il y en a plusieurs : Freenet, I2P, Tor… Les attaques d’avril et mai 2017 véritable supermarché de
WikiLeaks, le site fondé par Julien Assange en 2006, utilise ont été les premières attaques la drogue sur Tor, et arrêter
notamment Tor pour permettre aux « lanceurs d’alerte » pirates globales (plus de 150 son propriétaire Ross
de poster documents, révélations et informations pays touchés) et elles ont utilisé Ullbricht. Et encore le site
sans compromettre leur identité. Le réseau Tor est des logiciels vendus sur des a-t-il redémarré rapidement
actuellement le plus populaire des darknets. Il comptait forums du darknet devenus de sur Tor, puis sur le réseau
quelque 400 000 à 500 000 utilisateurs quotidiens avant véritables places de marchés I2P.
que n’éclate l’affaire Snowden et sa fréquentation a été pour les pirates qui monnayent
multipliée par quatre en deux mois après les révélations identifiants mails ou de
de l’ancien agent de la NSA. Il s’agit d’un réseau parallèle comptes en banque, données
et confidentiel qui rassemblerait plus de 60 000 sites et piratées, logiciels, failles
garantit l’anonymat et la confidentialité des échanges. d’exploitation.

Exercice 4
1. Il s’agit d’un extrait d’un article du journal Les Echos 3. Le but affiché est la sécurité des personnes.
intitulé « En Chine, la vie sous l’œil inquisiteur des camé-
ras ». Il a été écrit par Julie Zaugg, le 7 mars 2019. Il 4. Les Chinois sont partagés. Certains estiment que
aborde le thème des caméras de vidéosurveillance que cela peut faire baisser la délinquance et augmenter le
la Chine est en train de mettre en place à très grande civisme. D’autres refusent cette remise en cause de leur
échelle dans de nombreuses villes pour surveiller ses vie privée.
citoyens et leur attribuer des points de citoyenneté.
5. Cela est problématique dans le Xinjiang, une région du
2. La liberté des Chinois est remise en cause par le sys- Nord-Ouest car les Ouïgours y sont surveillés et mena-
tème de reconnaissance faciale puisque n’importe qui cés en permanence. Les Chinois veulent mieux contrôler
peut être identifié à partir de son visage dans l’espace cette région qui ouvre sur l’Asie centrale et se servent
public. Le texte évoque la surveillance généralisée des des caméras de surveillance pour lutter contre toute
Ouïgours, les musulmans chinois. Les caméras sont aussi opposition.
utilisées pour surveiller le travail des employés.

THÈME 6 Étude conclusive Le cyberespace : conflictualité et coopération entre les acteurs 20


BAC p. 464-465 Dissertation : sujet guidé
SUJET : L’alphabétisation des femmes en France depuis le XVIe siècle
Plan détaillé
I. Du XVIe au XIXe siècle : une alphabétisation des femmes limitée
A. Le rôle de la Renaissance et de la Réforme protestante.
B. Mais une alphabétisation qui reste cantonnée à quelques privilégiées.
II. Depuis le XIXe siècle : l’État a permis une alphabétisation quasi complète aujourd’hui
A. L’action de l’État.
B. Une alphabétisation quasi complète aujourd’hui.

p. 466-467 Dissertation : sujets d’entraînement


SUJET 1 : Les recherches sur la bombe atomique et leurs enjeux
de 1939 aux années 1950
I. Une collaboration scientifique qui s’arrête compte tenu du contexte géopolitique
A. Le rôle de la Seconde Guerre mondiale
B. Le rôle de la guerre froide
II. Des recherches qui s’intensifient sur le plan militaire et civil
A. L’enjeu de la bombe atomique
B. L’enjeu de l’énergie civile nucléaire et des recherches médicales
III. Des recherches qui suscitent des inquiétudes
A. Le risque de prolifération nucléaire
B. Les risques d’explosion

SUJET 2 : Actions et risques des activités américaines et soviétiques de renseignement


pendant la guerre froide
I. Des actions qui se multiplient pendant la guerre froide
A. Des moyens qui se développent compte tenu des enjeux
B. Des actions très diverses
II. Des risques majeurs à plusieurs échelles
A. Des risques pour les agents
B. Des risques pour la paix

SUJET 3 : Le cyberespace, nouvel espace de conquête pour les grandes puissances


I. Des enjeux de puissance importants pour les grandes puissances
A. L’enjeu du contrôle sur le cyberespace
B. Des acteurs qui se diversifient et des hiérarchies qui s’établissent
II. Des cyberconflictualités qui se multiplient
A. La multiplication des attaques en lien avec des conflits dans le monde réel
B. Des conséquences qui pourraient être désastreuses
III. La nécessité d’une régulation qui reste encore difficile
A. Les prémices d’une régulation mondiale
B. Des États inégalement dotés face aux menaces

THÈME 6 BAC 21
p. 468-469 Étude de document : sujet guidé
SUJET : L’exécution des époux Rosenberg, une affaire d’espionnage aux retombées
importantes
I. Une affaire d’espionnage entre les États-Unis et l’URSS
A. Les origines dans une ambiance maccarthyste.
B. Le procès et les enjeux.
II. Des répercussions mondiales
A. Une campagne internationale pour sauver les Rosenberg, orchestrée par les partis
communistes
B. L’exécution finale en 1953 et la culpabilité de ces acteurs

p. 470-471 Étude de documents : sujets d’entraînement


SUJET 1 : L’alphabétisation des femmes au Congo-Brazzaville
I. Une inégale alphabétisation selon les sexes au Congo-Brazzaville
A. Des femmes moins éduquées que les hommes
B. Cela se vérifie à tous les degrés de l’éducation
II. Mais des progrès importants qui favorisent l’émancipation des femmes
A. Des progrès importants
B. Cela favorise une certaine émancipation des femmes

SUJET 2 : La surveillance des darknets, un enjeu pour les États


I. Le développement de la criminalité sur les darknets
A. Drogue, pédophilie et autres activités malveillantes
B. Des sites qui se développent et qui sont de plus en plus faciles d’accès
II. Les stratégies de lutte mises en place par les États
A. Le rôle de la police et de la gendarmerie
B. Les difficultés d’une coopération intergouvernementale

p. 474-475 Vers le Sup’ : Organiser un débat


En guise de mise en œuvre, on peut partir de la vidéo suivante https://www.youtube.com/
watch?v=i3_RgmMlgQ8 qui montre que des puces pour stimuler le cerveau humain existent
déjà.

On peut ensuite enchaîner sur les recherches de Google en matière d’immortalité avec
cet article : https://www.atlantico.fr/decryptage/2279143/et-maintenant-google-annonce-
l-immortalite-pour-la-fin-du-siecle-laurent-alexandre-vincent-pinte-deregnaucourt

Pour s’appuyer sur des exemples d’œuvres de science-fiction qui permettent de réfléchir
au transhumanisme : https://www.lemonde.fr/pixels/article/2018/11/05/huit-uvres-de-science-
fiction-pour-reflechir-au-transhumanisme_5378846_4408996.html

On peut ensuite faire réfléchir les élèves sur les conséquences de ces progrès en matière
d’innovation : conséquences positives et négatives. On peut aussi les amener à réfléchir aux
conséquences à court terme (confort…) et à plus long terme (problèmes de droit, d’inéga-
lités…).

La classe peut ensuite être répartie en deux groupes pour débattre de plusieurs élé-
ments :
– Faut-il continuer les recherches ?
– Si on doit les arrêter, comment faire ?
– Si un État arrête les recherches, ne va-t-il pas se placer en situation d’infériorité par rap-
port aux autres ?

THÈME 6 BAC 22

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