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INTRODUCTION
« ... Enfin, par combinaison des éléments modernes, sur terre, sur mer
et dans l’air, naîtrait une stratégie nouvelle assez étendue dans l’espace et assez
rapide dans le temps pour être à l’échelle de leurs possibilités. Nul doute,
d’ailleurs, que cette extension du rayon d’action de la force doive entraîner un
vaste élargissement des théâtres d’opération et, par suite, de profonds
changements dans la conduite politique du conflit. Le développement de la
guerre mécanique, allant de pair avec celui de la guerre économique, impliquera
la mise en activité de secteurs actuellement passifs sur la carte du monde... ».
(Charles
Charles de Gaulle)
Qu’est-ce que la géostratégie, quels sont ses concepts, ses méthodes, son histoire ? A
quoi sert-elle ?
Ainsi, présenter la géostratégie comme une "stratégie de l’espace" revient à dire que le
géostratège est un type de stratège qui organise sa pratique stratégique pour transformer
l’espace au mieux de ses intérêts. Le géostratège rêverait de contrôler des positions
géostratégiques, des forteresses, des ports, des îles, des canaux, des bases sur les grandes
voies de communications et d’approvisionnement. Il méditerait de nouvelles conquêtes
territoriales. La géostratégie désignerait un certain type de réflexion et de pratique stratégique.
L’essentiel pour le géostratège serait de faire passer sous son contrôle une partie de
l’espace adverse. La géostratégie théorique étudierait (cartes, concepts et expérience historique
à l’appui) la manière la plus efficace de couper les communications, d’isoler les places et les
armées, de soulever les populations, d’établir un contrôle efficace des provinces tombées. Elle
décrirait la suite cohérente d’opérations intellectuelles, matérielles et déclaratoires permettant de
rendre l’espace adverse comme étranger à l’adversaire lui-même, et comme ouvert, transparent,
contrôlable à l’envahisseur.
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L’idée que le géostratège s’occupe de l’espace nous semble assez satisfaisante pour
l’interprétation du préfixe : le gain territorial, les méthodes qui y conduisent le plus sûrement, les
opérations à prévoir sur les routes, les aéroports, les réseaux de communications, les voies de
chemins de fer, la déstabilisation des campagnes et des villes... tout cela nous semble
parfaitement géographique et tout à fait passionnant. Mais à trop s’attacher au préfixe, on en
vient à oublier le nom. Qu’y a-t-il de stratégique dans toute cette "géostratégie" dont nous forçons
un peu le trait à dessein ?
Si l’espace a une chance de trouver quelque utilité pour la pratique stratégique, c’est
d’abord en fournissant du temps et de l’information. L’espace que cherche à conquérir la
géostratégie c’est un espace/temps. La géostratégie fait partie de la stratégie dans la mesure où
le stratège se préoccupe d’organiser son espace pour améliorer le temps et l’information dont il
dispose pour prendre sa décision. Fabius Cunctator est bien le père de la géostratégie, moins
dans la mesure où il rend la vie impossible à Hannibal que parce qu’il dégage, pour Rome, un
temps de répit qui permet de se réorganiser, d’observer l’ennemi et ses faiblesses. Temporiser,
utiliser toutes les possibilités de l’espace pour gagner du temps et recueillir de l’information,… est
bien le génie géostratégique.
Ce n’est pas par hasard si, dans la vaste production de la géopolitique, un thème surtout
a retenu l’attention non pas seulement des politiques mais aussi des stratèges : le glacis. Le
glacis renforce l’avantage du temps dont dispose la défense : il retarde, il permet de "voir venir".
Un glacis géostratégique est tout le contraire d’un vide où l’on attend de voir paraître l’ennemi à
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La question des glacis est embarrassante d’un point de vue politique : personne ne
souhaite voir son territoire servir de glacis à une puissance alliée. Dans le cas de l’Europe
occidentale la question est particulièrement embarrassante : personne n’ose se demander si les
nations de l’OTAN servent de glacis aux Etats-Unis, ni si la France ou l’Angleterre considèrent
une partie de l’Allemagne comme un glacis géostratégique. L’insistance allemande en faveur
d’une défense musclée de l’avant cherche à éviter que l’Allemagne joue effectivement ce rôle.
En premier lieu, il s'agit de définir ce que l'on entend par le terme de stratégie et le
concept qu'il recouvre. D'une manière à peu près unanime, on comprend par stratégie la
couverture de la détermination et de la conduite de l'ensemble des actions des forces militaires
qui concourent à l'obtention d'un résultat voulu par les buts de guerre, eux mêmes dictés par une
politique. Il est également entendu que la stratégie peut très bien s'affranchir d'une ouverture du
conflit, de l'action militaire proprement dite, pour se cantonner à la menace. Bien plus, la
meilleure des stratégies est celle qui n'est pas appliquée dans son ultime aboutissement qu'est le
choc des forces antagonistes. Le futur vaincu, évaluant correctement la situation, reconnaît son
échec ou sa défaite inéluctable, capitule à temps pour ouvrir une négociation. Le vainqueur
putatif accepte de négocier, puisqu'il a la certitude d'obtenir, sans combat inutile, le résultat
politique, au moins en partie, auquel tendait sa stratégie.
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Sous cet angle, la géostratégie ne se distingue pas des autres écoles de pensée. En
revanche, la géostratégie concerne un domaine particulier en ce sens que, fille de la
géopolitique, elle place en tout premier plan les facteurs géographiques, notamment les mers et
les océans opposés aux continents. Dans ce cadre, les peuples de la mer, les insulaires par
définition, en s'affrontant aux continentaux, ont pour premier objectif, la domination maritime. Par
la suite, ce sera la mer qui sera victorieuse de la terre. Les espaces endo et exo-atmosphériques
ont la même valeur que les espaces océaniques et leur maîtrise concourt au même but.
La géostratégie est née pratiquement avec le XXème siècle, qu'elle est d'essence anglo-
saxonne, élaborée conjointement par des penseurs, des stratèges, d'origine britannique et
américaine et plus spécifiquement des marins. Elle a eu, un temps, un regain d'influence chez les
Allemands du 3ème Reich, ce qui a nuit à son expansion dans les écoles de pensée américaines
qui ont fini, cependant, par s'en pénétrer. Très logiquement, la géostratégie est considérée
comme un art, sans dogmatisme, profondément pragmatique.
§5. La tactique
La tactique est une technique ou une science consistant à diriger une bataille en
combinant par la manœuvre l’action des forces armées pour atteindre les objectifs d’une
campagne ou triompher de l’ennemi. La tactique est totalement différente de la stratégie, qui est
l’art de coordonner l’action des forces militaires, politiques, économiques et morales d’un pays ou
d’une coalition afin d’atteindre les résultats escomptés. Pour élaborer sa tactique, un
commandant doit prendre en compte la taille, la composition et la qualité des forces armées dont
il dispose. Il doit aussi juger de l’importance des forces armées ennemies qui vont s’opposer à
ses troupes. La ruse, l’effet de surprise, les manœuvres, la puissance de feu et d’autres
ressources propres aux troupes disponibles sont autant de moyens utilisés dans l’élaboration
d’une tactique. Elle doit être adaptée aux conditions particulières qui se présentent et elle dépend
aussi de facteurs importants tels que la logistique, la géographie du lieu, les renseignements
disponibles sur les forces ennemies, la tactique habituellement adoptée par l’adversaire et de
tout autre élément susceptible d’avoir un effet sur l’issue de la bataille.
Les tactiques utilisées avec succès par d’anciens commandants sont soigneusement
étudiées afin de pouvoir être modifiées et adaptées. Le général romain Scipion l’Africain organisa
une attaque sur deux fronts afin de venir à bout de l’ennemi, comme le fit William Tecumseh
Sherman, commandant des forces armées de l’Union, lors de sa marche vers l’océan pendant la
guerre civile américaine (1861-1865). Le chef suprême mongol Gengis Khan choisit de vaincre
son ennemi en anéantissant progressivement et systématiquement ses plus petites formations.
Les Allemands se servirent de cet exemple pour mener à bien leur blitzkrieg (guerre rapide et
puissante) au cours de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945). Mais le succès de certaines
tactiques ne se répète pas forcément au cours de l’histoire. Le Japonais Togo Heihachiro, amiral
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lors de la guerre opposant les Russes aux Japonais en 1904 et 1905, triompha des Russes à
Tsushima. Si la tactique qu’il avait employée fut à l’origine de lourdes pertes en hommes et en
matériel dans le camp américain lorsque les Japonais la reproduisirent, par la suite elle se révéla
inefficace puisque les États-Unis l’emportèrent. En revanche, les tactiques de l’amiral britannique
Horatio Nelson, qui consistaient à détruire les moyens de communication et d’échange de
l’ennemi, furent utilisées de manière appropriée par la flotte américaine pendant la Seconde
Guerre mondiale.
L’équipement utilisé dans les guerres modernes est tellement sophistiqué que les
tactiques deviennent de plus en plus complexes. De ce fait, la coordination des opérations au
sein même des unités militaires et entre celles-ci joue un rôle plus important mais est aussi plus
difficile à réaliser.
*
* *
En résume, on peut dire que la géostratégie n’est pas un type particulier de stratégie.
Elle ne fixe pas comme objectif au stratège la conquête de l’espace adverse. La géostratégie
travaille à conquérir pour le stratège un espace-temps qui lui permette d’optimiser ses décisions.
La géostratégie théorique essaie de comprendre comment organiser de manière optimale
l’espace-temps dont il va disposer pour prendre la suivante. La géostratégie théorique est donc
un des instruments d’aide à la décision dont dispose le praticien, et c’est en tant que telle qu’elle
mérite qu’il s’y intéresse.
C’est sans doute le facteur qui a connu le bouleversement le plus gigantesque à l’ère
contemporaine. On peut parler de dilatation de l’espace stratégique qui en est véritablement
arrivé, après avoir absorbé l’intégralité de la sphère terrestre, à se projeter au-delà, donnant
naissance à une géostratégie de l’espace esquissée ici par Isabelle Sourbès. Alors que la
première guerre mondiale avait encore été une guerre presque exclusivement européenne, la
deuxième a véritablement été mondiale avec des théâtres d’opérations se développant sur des
centaines, voire des milliers de kilomètres. Les troupes allemandes se sont enfoncées à
l’intérieur du territoire russe jusqu’au point culminant du Caucase, tandis que les avions japonais
lançaient des raids contre Ceylan quelques mois seulement après leur raid sur Hawaii.
signification sur le terrain. Le général Dietl n’a jamais pu franchir les 100 km qui séparaient la
frontière norvégienne de Mourmansk. Une vision "olympienne" suggérait que les Russes étaient
après le coup de Kaboul à "deux étapes du Tour de France" des "mers chaudes" (500 km entre
le sud de l’Afghanistan et le détroit d’Ormuz). C’était oublier ce qu’étaient ces 500 km : "si les
Kaboutou les milliers de ravins du Balouchistan sont des accidents "mineurs" de la topographie,
seulement représentables sur des cartes à grande échelle, leur nombre est tel que le
franchissement de ces étendues, où les routes sont rares, serait une opération plus longue et
plus difficile qu’on ne le croit habituellement".
L’argument vaut aussi, contrairement à ce que l’on pourrait croire pour l’aviation. Le
rayon d’action théorique n’a souvent que peu de rapports avec la réalité. C’est là l’erreur
fondamentale de Douhet et de ses disciples, qui avaient conclu un peu vite qu’avec un rayon
d’action de 600 km, on pouvait atteindre en partant des terrains d’aviation d’Italie et du
Dodécanèse presque tous les points importants de la région méditerranéenne. C’est en vertu de
ce raisonnement que Mussolini a refusé à la marine les porte-avions qu’elle demandait. La
bataille du Cap Matapan (28 avril 1941) a constitué une dure punition.
Il serait cependant excessif d’en conclure, comme on le fait trop souvent, que la guerre
moderne a accédé à des espaces et des vitesses jusqu’alors inconnues. Sans remonter
jusqu’aux invasions des cavaliers Mongols, qui restent à ce jour la démonstration la plus
terrifiante de guerre-éclair, avec des effets inégalés tant dans l’espace (des rives de l’océan
Pacifique jusqu’au cœur de la Hongrie !), que dans les résultats (certains historiens n’hésitent
pas à attribuer à Gengis Khan plusieurs dizaines de millions de morts, à une époque où la
population mondiale n’atteignait pas le demi-milliard !), il faut rappeler que Napoléon a conduit
son armée du fin fond de l’Espagne jusqu’au cœur de la Russie et que la vitesse de marche de la
grande armée lors des campagnes de 1805 ou 1806 est à peu près la même que celle de la
blitzkrieg de 1940 : plusieurs dizaines de kilomètres par jour : lors de la poursuite de 1806 après
Iéna et Auerstaedt, l’infanterie fait des étapes de 40 km, parcourant jusqu’à 120 km en 59
heures.
Il ne faudrait pas non plus conclure trop rapidement, comme avait eu tendance à le faire
Castex, que l’offensive s’épuise mécaniquement avec la distance. Albert Wohlstetter avait
dénoncé cette "illusion" en affirmant, de manière trop absolue, qu’elle n’avait jamais été vraie.
L’étirement des voies de communication est un danger potentiel, mais tout dépend une fois
encore des moyens logistiques disponibles par rapport aux besoins des forces ; des troupes
rustiques peuvent se contenter de peu : durant la campagne de 1806-1807 contre les Russes,
des unités de la Grande Armée survivent pendant plusieurs jours grâce à un dépôt de hareng
salé ; le soldat viet-minh se contentait de son bol de riz ; une troupe occidentale moderne
n’accepterait pas de telles conditions de vie, ou plutôt de survie. Qu’importe que les lignes de
communication soient longues pourvu qu’elles soient sûres et que les moyens existent. Sauf à
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Stalingrad et dans le Caucase, la Wehrmacht a réussi (tant bien que mal) à acheminer son
ravitaillement, et sa plus puissante offensive, celle de Koursk, a été montée très loin à l’intérieur
de la Russie.
L’influence du climat sur les opérations militaires a été démontrée à maintes reprises. En
1939-1940, Hitler doit reporter onze fois l’ordre d’attaque à l’Ouest en raison de circonstances
météorologiques défavorables, qui interdisent notamment le plein emploi de l’aviation. Mais,
malgré un hiver particulièrement froid, les conditions climatiques ne sont pas telles qu’elles
interdisent toute activité : l’Allemagne profite de ce retard pour pousser l’entraînement de ses
troupes, qui aura fait de sérieux progrès en mai 1940 ; les Français, malheureusement pour eux,
ne pourront pas en dire autant.
Dans le désert, les tempêtes de sable arrêtent complètement les opérations pendant des
heures, parfois pendant des jours. Le sable s’infiltre partout malgré les filtres et bloque les
organes mécaniques. Les Américains en feront encore l’expérience au début des années 80
avec les manœuvres Bright Star en Egypte : les filtres des chars se révèlent inadaptés au sable
du désert moyen-oriental, plus fin que le sable des déserts du Nevada ou du Colorado.
La Russie constitue bien sûr un cas extrême. La retraite de 1812 est un exemple resté
célèbre. Hitler fera une expérience semblable en 1941, comme le montre Jean-Baptiste
Margeride. L’armée allemande se heurte au problème de la boue au printemps et lors des pluies
d’automne, de la poussière en été, et surtout du froid en hiver, froid tellement intense qu’il colle
parfois au sol les chenilles des chars, au point d’obliger les équipages à recourir au fer à souder
et à laisser tourner les moteurs toute la nuit. Le groupe d’armées nord enregistrera des cas de
soldats morts de manière particulièrement horrible, le liquide rachidien gelé pour avoir porté
directement leur casque sur la tête. Le nombre d’hommes hors de combat par gelures,
notamment aux pieds, atteindra dans certaines unités des proportions effrayantes.
Il n’y a pas cependant, là non plus, de déterminisme absolu, dès lors que des troupes
bien préparées et équipées peuvent résister à des froids intenses, souvent au prix de quelques
précautions élémentaires. Les soldats allemands du front de l’Est apprirent ainsi très vite qu’il ne
fallait pas porter de bottes ajustées, mais les prendre trop grandes d’une ou deux pointures, pour
les bourrer avec de la paille ou du journal. A partir de l’hiver 1942-1943, l’intendance fournit à la
Wehrmacht d’excellentes tenues d’hiver. Les nouveaux chars Panther et Tigre possèdent, à
l’image de leurs homologues soviétiques, des chenilles larges qui leur permettent d’évoluer sur
des terrains détrempés ou neigeux. Les combats continuent parfois au plus fort de l’hiver, comme
on le verra sur le front arctique. Bien entendu, il s’agit le plus souvent d’opérations d’ampleur
limitée et à un rythme moins rapide qu’en été. Mais Hitler montrera à la fin de 1944 qu’une
attaque massive, dépourvue de couverture aérienne, est possible dans les pires conditions
atmosphériques : l’offensive des Ardennes aurait pu réussir sans la résistance désespérée de
quelques unités américaines isolées.
§3. La topographie
Le relief dessine des voies naturelles d'invasion : trouée de Fulda en Allemagne centrale
au milieu du front de l'OTAN jusqu'en 1990 ; trouée de Gorizia sur la frontière italienne ; passe de
Khaïbar en Afghanistan empruntée par tous les grands conquérants depuis Alexandre... Il
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détermine des "positions" qu’il faut prendre à tout prix (la guerre de positions de 1914-1918 en a
fait un usage abusif, au prix de pertes effroyables ; Vimy, le Mort-homme, les Eparges
réapparaissaient régulièrement dans le communiqué).En sens inverse, les fleuves et les
montagnes (surtout les deuxièmes) sont traditionnellement considérés comme des obstacles,
difficiles à franchir au point de fixer la ligne de front pendant des mois (le mont Cassin pendant la
campagne d’Italie). Mais il arrive aussi qu’on oublie de les garder convenablement (les Ardennes
en 1940). Si l’on y met le prix, il n’existe pas d’obstacles infranchissables : Indiens et Pakistanais
trouvent bien le moyen de s’affronter pour un glacier du Siachen qui n’a jamais été habité car
rigoureusement inhabitable.
L'argument topographique vaut en priorité pour l'espace continental. Il n'a pas la même
valeur sur mer dans la mesure où il n'existe pas d'obstacles de relief sur lesquels le défenseur
pourrait s'appuyer : il en résulte une différence fondamentale entre la guerre sur terre et la guerre
sur mer, la supériorité intrinsèque de la défensive ne pouvant jouer dans la deuxième18. La guerre
de positions sur mer, avec les dispositifs défensifs (barrages dans les points de passage obligés)
ou les routes patrouillées, a rarement donné des résultats probants. Cela ne signifie pas pour
autant que l'espace maritime soit partout uniforme : la configuration des côtes peut déterminer
des points de passage obligés (détroits). Par ailleurs, si la contrainte des vents, qui rendait
souhaitable d'éviter certaines zones, est aujourd'hui devenue caduque, d'autres spécificités du
milieu marin ont pris de l'importance avec l'apparition de la guerre sous-marine : les zones
d'anomalies magnétiques ou de fortes thermoclines (différence de température entre diverses
couches d'eau) sont favorables à la discrétion des sous-marins ; la configuration des fonds peut
favoriser ou rendre au contraire impossible la guerre des mines...
La topographie n'est pas seulement physique, elle peut aussi être humaine : les villes
constituent toujours des objectifs prioritaires tant par leur importance symbolique (la prise de la
capitale est souvent la marque de la victoire) que par leur fonction de noeuds de
communications. En revanche, une ville en ruines offre un terrain idéal pour la défensive et peut
fixer des effectifs très importants : les batailles de Stalingrad, de Berlin, de Vienne ont vu des
combats rue par rue, maison par maison, d’une intensité qui n'a pratiquement jamais été atteinte
en rase campagne.
la résistance des poches de l’Atlantique et de la lenteur de la remise en état des grands ports
complètement détruits.
D’un point de vue aérien les avions de la seconde guerre mondiale, se contentaient le
plus souvent de pistes gazonnées et il était généralement possible d’installer des terrains de
fortune. La possession de véritables aérodromes était cependant un élément important lors
d’opérations aériennes ou aéroportées de grande ampleur. Seule la saisie par les parachutistes
allemands de l’aérodrome de Maleme a évité que l’invasion par la voie de l’air de la Crète se
transforme en désastre. Aujourd’hui, la maintenance des avions est tellement complexe que
l’usage d’aérodromes lourdement équipés est absolument indispensable. Naturellement, les
bases aériennes constituent des cibles privilégiées et il est nécessaire de prévoir des installations
de dégagement. Les Suisses, en particulier, ont organisé un vaste réseau de substitution qui
utilise les autoroutes comme pistes d’aviation.
Les facteurs qui précèdent sont statiques. Ils s'appliquent quels que soient les
belligérants selon des combinaisons qui varient selon le type de guerre : le facteur distances est
capital dans une guerre de mouvement. La topographie est décisive dans une guerre de
positions. Pour autant, ils ne jouent pas mécaniquement. Si les conditions de la guerre dans le
désert ou en Russie sont telles que c'est sur ces théâtres que la guerre éclair à finalement révélé
ses limites, c'est aussi là qu'elle a remporté quelques uns de ses plus brillants succès avec les
avancées fulgurantes de Rommel ou les gigantesques manœuvres d'encerclement du front de
l'Est. Il est donc nécessaire de tempérer ces facteurs statiques par un facteur dynamique, le
rapport de forces.
En 1940, la supériorité numérique allemande n'était pas aussi grande que les Alliés le
croyaient, sauf en aviation ; la différence était plutôt stratégique et tactique. A partir de la fin de
1941, la parité approximative va inexorablement faire place à un déséquilibre de plus en plus
marquée. L'AfrikaKorps constitue un exemple caricatural : négligé par Hitler, qui ne songe qu'au
front de l'Est, handicapé par la maîtrise britannique de la mer, qui lui fait perdre une part (pas
aussi massive qu'on l'a dit) de ses approvisionnements, il se désintègre au fur et à mesure de
son avance, malgré la "remonte" en matériel pris à l'ennemi. Durant l'été 1942, son fer de lance,
la 15e Panzerdivision, tombe à 12 chars et 236 combattants pour un effectif théorique de 13 000
hommes. Cela n'empêche pas Rommel de tenter une dernière fois de forcer le destin vers le
Caire. A El Alamein, l'AfrikaKorps n'aligne plus que 27 000 hommes, appuyés par 50 000 Italiens
d’une valeur combattante douteuse, et disposant de 210 chars et 350 avions. En face, la VIIIe
armée britannique a reçu au cours des semaines précédentes des renforts massifs en hommes
et en matériels : elle peut mettre en ligne 230 000 hommes, 1 440 chars et 1 200 avions. Au
cours de la bataille, elle continue à en recevoir alors que son adversaire est abandonné à lui-
même : alors qu’au déclenchement de l’offensive britannique, le rapport des forces entre chars
était de 1 à 6, il sera une semaine après de 1 à 20. Cette fois, le génie tactique de Rommel
(d'ailleurs malade et absent lors du déclenchement de l'offensive britannique) est impuissant à
renverser le cours des choses. Il pourra seulement éviter que la retraite se transforme en
déroute. Instruit par les expériences douloureuses de ces prédécesseurs, Montgommery se
contentera de le raccompagner sur près de 2 000 km jusqu'à la frontière tunisienne sans jamais
chercher à le déborder ou à l'accrocher.
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La guerre à l'Est, présentée ici par Jean-Baptiste Margeride, offre une illustration
particulièrement éclairante de cette combinaison de facteurs statiques et dynamiques qui fondent
la stratégie. La géostratégie nous rappelle constamment l'importance décisive des facteurs
géographiques mais ceux-ci ne commandent pas par avance le dénouement d'une campagne.
Cela est vrai en toutes circonstances, Jean-Pierre Poussou le montre avec l ‘éclat à propos du
Canada.
La stratégie purement militaire, quant à elle, se réfère aux fins belligènes. Elle confère,
en effet, une rationalité à l'ensemble de manœuvres tactiques, batailles et campagnes, qui
constituent la réalité de la guerre. Il s'agit pour cette deuxième forme de stratégie d'intérioriser le
fait que « sur la base de l'expérience militaire, des conditions politiques et militaires, du potentiel
économique et moral d'un pays, de nouveaux modes de combat, des vues et du potentiel de
l'ennemi probable. La stratégie étudie les conditions et la nature de la guerre à venir, les
méthodes propres à la préparer et à la conduire, les services des forces armées et les
fondements de leur utilisation stratégique, de même que les base de soutien matériel et
technique voire du commandement dont dépendent la conduite de la guerre et des forces
armées ».
Dans ce cours, nous prenons en compte ces deux distinguo dans le cadre de la
reformulation de la pensée stratégique étant donné qu'ils apportent tous deux une intelligibilité
dans la compréhension de la stratégie à adopter pour une paix durable. Nous considérons, en
effet, la stratégie sous sa dimensions la plus large, c'est-à-dire comme « art et science de mettre
au point et d'utiliser les forces politiques, économiques et militaires dans la mesure des besoins,
en temps de paix ou de guerre, dans le but d'apporter le plus grand soutien possible à une
politique afin d'augmenter les probabilités et les conséquences favorables de la victoire et de
diminuer les risques de défaites ».
Partant de cette conceptualisation, nous pensons que la pensée stratégique d'un pays
doit être reformulée en tenant compte de l'identification des menaces, de l'identification de
l'ennemi et de l'évaluation des rapports de forces. Analysons ces différentes séquences en les
appliquant sur la région des Grands Lacs Africains.
Ici, il est question d'identifier les menaces à la paix présente et à venir. Ces menaces
sont de divers ordres: menaces au territoire, aux institutions établies et à la population.
− Les menaces au territoire peuvent être soit le fait des rébellions, soit le fait des
agressions extérieures, soit de nature mixte combinant agression extérieure et
complicité rebelle. Elles peuvent aussi simplement être des actes de pillage des
richesses, de destructions massives de la faune et de la flore, de pollution à
grande échelle.
− Les menaces aux institutions établies peuvent être soit des coups de force civils
ou militaires, soit des assassinats des dirigeants, soit des atteintes de toutes
sortes à la souveraineté.
− Les menaces aux populations peuvent être soit des massacres, des atteintes à la
santé: famine, épidémies, déportation. Tout comme il peut s'agir aussi des
atteintes à la santé mentale, des violations des droits fondamentaux de l'être
humain.
Tout en reconnaissant que la guerre est une calamité, il s'agira de montrer qu'elle peut
tout aussi bien être nécessaire ou utile. En effet, entendue, depuis CLAUSEWITZ, comme la
continuation de la politique par d'autres moyens, elle est un instrument ultime de la politique. Elle
peut être utile tant pour soi-même que pour les insurgés ou les agresseurs.
Elle peut être utile pour les insurgés et les agresseurs sur les plans démographiques,
économiques et politiques.
d'une part, de libérer un espace vital pour le trop plein des populations des
pays agresseurs;
et d'autre part, de réduire le taux de croissance des populations dans ces
pays par l'élimination d'une bonne partie de la jeunesse envoyée aux
divers fronts;
− Du point de vue économique, la guerre peut être rentable pour ceux qui participent
aux pillages des ressources (à moindre coût) et s'érigent en puissances
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Bien que néfaste, la guerre peut aussi être utilepour le pays agressé. Elle permettrait de
ramener à ses justes proportions les prétentions à la grandeur et à la puissance du pays
agressé. Et à partir de l'aventure guerrière, on se poserait aisément la question de savoir où on
est réellement sur les plans politique, idéologique, économique, militaire, culturel, ... C'est la
position qu'on occupe et la force dont on dispose qui permettront au pays agressé de savoir que
la paix se construit et se forge; elle est fondée sur la puissance, c'est-à-dire sur "les rapports
entre les capacités d'agir les unes sur les autres que possèdent les unités politiques" ().
En prenant la situation des pays des Grands Lacs Africains par exemple, on peut dire
que la pauvreté, la question de la nationalité et le problème de réfugiés sont des menaces réelles
que l'ennemi pourrait exploiter continuellement pour déstabiliser l'Afrique des Grands Lacs. Il est
donc impérieux de les identifier pour mieux le connaître. Les connaissant, il y aura moyen de
mieux concevoir des stratégies pour éviter de tomber toujours dans ses pièges.
Le grand ennemi de la paix dans la région des Grands Lacs Africains peut être
identifié principalement à partir de certaines contraintes liées à l'environnement international et
ses corollaires. Il s'agit à ce niveau de voir, à partir de la conjoncture, des contraintes
exogènes à la base des situations polémogènes (porteuses de germes de conflits) et belligènes
(porteuses de germes de guerres). Ces contraintes sont principalement de trois ordres:
politiques, économiques et socioculturelles.
Elles sont facilement identifiables à partir de l'embrasement du continent noir par une
dérive de la tension Est-Ouest vers la sphère continentale africaine et par le néo-colonialisme.
Du temps de la guerre froide, les deux grandes puissances (les EU et l'U.R.S.S.) craignaient de
s'affronter directement sur leurs propres territoires par crainte des méfaits que la confrontation
produirait. Elles préféraient agir par le transfert d'armement en Afrique où la paix belliqueuse
(appelée aussi « paix de terreur »)Est-Ouest ne pouvait être garantie à la suite des « conflits par
procuration ».
Le néo-colonialisme a toujours été l'un des pires cauchemars de ceux des africains qui
ont toujours voulu faire de l'Afrique l'une des régions de la planète à la voix aussi puissante et
aussi respectée. Parmi eux on peut citer Kwamé NKRUMAH, qui, dans le souci de voir une
Afrique forte, stigmatisait que« si nous, Africains, ne nous unissons pas, nous demeurerons
balkanisés en « micro-Etats » faibles et pauvres, livrés sans défense et sans ménagement à
l'appétit des anciennes puissances coloniales en particulier, et de toutes les nations
industrialisées et riches en général ; cette situation ne pourra qu'entraîner un résultat
incontournable et fatal: le colonialisme, en Afrique, reviendra non plus sous la forme rustre,
brutale et grotesque de l'administrateur colonial et de ses sbires chaussés de bottes (aux pieds !)
et de casque (à la tête), mais sous la forme beaucoup plus subtile, sophistiquée, insidieuse et
vicieuse de l'homme d'affaires en veston et col levé, patron de multinationales, pieuvre aux
tentacules énormes et puissantes assoiffée de profit».Ainsi, selon NKRUMAH, « pour réparer
efficacement et rapidement les tords causés à l'Afrique par l'impérialisme et le colonialisme, les
jeunes formations étatiques africaines ont besoin d'une nation forte et unie capable d 'exercer
une autorité centrale pour mobiliser l'effort national et coordonner la reconstruction et le
progrès». Autrement, ils resteront toujours divisés. D'où il est impérieux d'extirper toutes les
forces étrangères qui ont séparé pendant longtemps l'Afrique. Dans le cas contraire, le continent
africain sera le bastion de toutes formes de violence.
N'KRUMAH n'était d'ailleurs pas le seul à percevoir les dangers des cycles de violences
que le néocolonialisme ferait couvrir à l'Afrique. Dans leur déclaration sur la subversion lors du
sommet de l'QUA d'Accra en 1965, les chefs d'Etat africains affirmaient être fermement décidés
à s'opposer, « collectivement et avec fermeté par tous les moyens à leur disposition à toute
forme de subversion conçue, organisée et financée par des puissances étrangères soit contre
l'Afrique, soit contre l'OUA ou d'un quelconque de ses Etats membres».
quand le maintien de statu quo sert les intérêts de puissances néo-colonialistes. Les décennies
qui ont suivi la fin de la guerre froide ont fait que l'Afrique en général et l'Afrique des Grands Lacs
en particulier deviennent victimes d'ambition néo-colonialiste à caractère et à motivation
essentiellement géostratégique.
Anatole AYISSI Ngah qui a réfléchi aussi sur ce phénomène ne manque pas de nous
livrer ses observations sur cette question brûlante en ces termes: « la bellicosité créée par ce
genre d'action au sein d'une nation est évidente quand un gouvernement se maintient par la
puissance et la force des armes au pouvoir et qu'il asservit le reste de la république dans le seul
but de servir les intérêts personnels de ses membres et ceux de ses « mentors » étrangers.
Alors, l'Etat, et avec lui, la république deviennent une chaudière hermétiquement fermée, c'est-à-
dire sans soupape de sécurité, prête à exploser à tout moment. Dans un Etat, une dictature
unique qui se maintient au pouvoir par la volonté des intérêts mercenaires ne peut que conduire
à la ruine de la république, c'est-à-dire, à la révolte, à la rébellion et enfin de compte, à la
guerre ».
Ainsi, à la lumière de la pensée de l'auteur précité, il y a lieu de tirer une conclusion qui
s'impose. En effet, aucune guerre ne serait pratiquement possible aujourd'hui entre les Etats
africains sans le soutien extérieur exprimé en termes des moyens matériels et (ou) humains.
Cela tient non seulement à la faiblesse de leurs économies mais aussi à la technologie
qu'impose la logique des armes. Nombre de guerres qui ont endeuillé le continent (Angola,
Ethiopie, Libéria, Soudan, Rwanda, Congo-Brazzaville, République Démocratique du Congo,
Nigéria, ...) le prouvent à suffisance.
Il ressort des analyses politiques que l'ambition néo-colonialiste reste une contrainte
majeure qui pèse lourdement sur la vie internationale des pays africains. Certains penseurs ont
même estimé que pour arriver à s'en défaire, il faudra procéder par une révolution profonde des
structures (mentales surtout). D'autres sont même allés jusqu'à proposer la déconnexion. Mais
sommes-nous prêts à l'heure actuelle des relations internationales de l'intérioriser au risque de
rester éternellement esclaves? Si dans l'affirmative, cela peut être possible, quel sera le sort des
puissances impérialistes qui, cherchant à étendre continuellement leur marché, ne se gênent
guère de perpétuer leur domination à travers les hommes au pouvoir qui sont souvent leur relai ?
leur inefficacité quant au relèvement de nos économies en détresse. Dans les recherches
effectuées à cet effet, l'auteur trouve que le marché financier s'est imposé comme un facteur
essentiel du processus de développement dans le tiers monde. Mais, constate l'auteur, ces
différents marchés financiers ont une fâcheuse tendance à pénaliser les pays qui commencent à
peine à sortir du tunnel. Voici en substance ce qu'il écrit à ce sujet: « ... les marchés financiers
sont parfois pernicieux pour les Etats endettés: ils peuvent leur montrer beaucoup de
complaisance, avant de décider des prêts ou d'exiger une surcharge élevée contre les risques de
non-remboursement ou d'inflation, enclenchant sur l'économie de ces pays des effets en chaîne
qui peuvent aboutir à un Krach pur et simple. Si la dette du secteur public est déjà importante, le
gouvernement se trouve pris dans un cercle vicieux: l'augmentation des taux d'intérêt accroît les
coûts du service de la dette et donc du volume du déficit budgétaire, ce qui élève encore les taux
d'intérêt». Il faudra ajouter qu'après plusieurs mesures d'ajustement structurel, les pays africains
ont été à bout de souffle. Henri MOVA Sakanyi qui y a consacré quelques pages dans son livre
fait le même constat en ces termes « partout ces mesures ont débouché sur des tensions
sociales graves, des manifestations de rue, la paupérisation encore plus accentuée des masses
dérnunies ».
Comme le fait aussi remarquer Michel CHOSSUDOVSKY, les actions parrainées par le
FMI et la Banque mondiale ont conduit à la « ruine du secteur industriel et à la désintégration à
peu près complète du système bancaire». Partant de l'exemple albanaise, le même auteur
indique que « la médecine économique avait, sous l'œil vigilant des institutions de Bretton
Woods, contribué à détruire le système bancaire et à précipiter l'effondrement de l'économie
albanaise».
Pour notre part, nous nous inscrivons aussi en faux contre les mesures d'austérité que
ces institutions financières internationales imposent comme « cure» aux économies malades. Si
nous sommes aujourd'hui pauvres et le demeurons au risque de le rester à jamais, si on n'en
prend pas garde, c'est en partie à cause des pays du Nord qui, s'inscrivant dans la logique
d'asservissement d'un peuple aveugle, ne manquent pas de stratégies pour nous assujettir.
Parmi les innombrables stratégies, nous pouvons citer à titre d'exemple la complicité maligne
mais facilement repérable entre ces pays et les élites de la classe politique. Nos leaders
politiques qui, pour la plupart, arrivent au pouvoir grâce à l'appui de l'Occident, sont en contact
avec ces institutions financières. Or, ces dernières sont l'émanation, en grande partie, de ces
mêmes pays. Ainsi, ces institutions, en copinage avec les hommes au pouvoir, ont réussi à
maintenir dans un fiasco les économies des pays des Grands Lacs parce que ces leaders tirent
le maximum de bénéfices de cette situation oubliant qu'ils condamnent leur peuple, et partant
leurs pays, à la misère. Ces questions nous poussent à poser la problématique de la coopération
internationale qui condamne les pays de la région à l'aide étrangère éternelle alors que nous en
connaissons les effets. Le président MOBUTU s'était même posé la question de savoir « qui aide
qui ?» quand, s'exprimant du haut de tribune de l'Assemblée générale des Nations Unies en
1973, s’insurgeaient contre les effets du néo-colonialisme sur notre continent.
Les relations transnationales que nous considérons avec Bertrand BADIE comme «
toute relation qui, par volonté délibérée ou par destination, se construit dans l'espace mondial
au-delà du cadre étatique national et qui se réalise en échappant, au moins partiellement, au
contrôle ou à l'action médiatrice des Etats » remettent en cause, volontairement ou non, la
souveraineté des Etats et la prétention de ceux-ci à revendiquer un droit exclusif à agir sur la
scène internationale. L'exemple probant nous est fourni par les réseaux associatifs
transfrontaliers et dans le domaine de la communication.
L'essor des réseaux associatifs transfrontaliers est un simple signe, parmi tant
d'autres, de l'efficacité d'une mobilisation sociale réellement stimulée par les transformations
technologiques. A cet effet, Karl DEUSTCH a montré, notamment comment l'essor de « la
communication rendait mobile, affaiblissait ses allégeances particularistes et, finalement, le
rendait beaucoup plus disponible et réceptif aux différents flux».C'est partant peut être de cette
idée que Bertrand SADIE a pu écrire ce qui suit: « Pouvoir se déplacer rapidement (...) d'un point
à l'autre du globe, pouvoir communiquer presque immédiatement par l'écrit, le son ou l'image,
pouvoir satisfaire les besoins sociaux fondamentaux en s'insérant dans un marché ou en allant,
hors de son propre pays, bénéficier de soins ou de protections, sont autant de données
nouvelles, liées à la modernité, qui démultiplient les flux transnationaux et leur donnent une
réalité sans cesse autonomes.Dans ce consensus de mobilisation sociale croissante, l'Etat perd
de plus en plus son contrôle absolu sur sa souveraineté. Ce qui n'en demeure pas moins une
violence dont les effets incalculables ne manquent pas de participer à la transformation de
l'environnement africain.
Nous pouvons citer, à titre d'exemple, le rôle joué par les médias dans la diffusion
culturelle en Afrique pendant les dernières décennies. En observant les effets induits de ces
médias, il y a lieu d'affirmer sans risque d'être contredit que les nouvelles technologies de
distribution de son et d'images amoindrissent le pouvoir de censure des Etats nonobstant les
effets pervers liés à la destruction des mœurs qu'elles véhiculent. Or, nombre d'agences de
presse qui canalisent l'information (dépêches d'agence et images) sont dominées par des firmes
américaines et japonaises qui diffusent ainsi un modèle culturel induit sur l'ensemble de la
planète.
Cette question, en rapport avec le mimétisme culturel, touche aussi la langue. C'est le
cas de l'anglais et du français que nous pouvons considérer comme des langues véhiculaires
internationales. En effet, nul n'ignore l'importance que prend aujourd'hui l'anglais dans la
communication internationale tant du point de vue commercial que du point de vue de
l'enseignement et de la recherche scientifique. L'anglais a tendance à s'imposer sur le français et
d'autres langues occidentales compte tenu de l'idéologie dominante véhiculée par le monde
anglo-saxon et principalement les Etats-Unis, considérés comme une hyper puissance. Mais il
n'est pas évident que ce mouvement s'imposera pendant tout le temps au regard des signes
avant-coureurs d'essoufflement que présente aujourd'hui ce grand pays. L'interventionnisme
actif, parfois sans succès, dont ce pays s'est illustré dans différentes guerres que le monde a
connues (Irak, Afghanistan, Somalie, ...) présage (ou augure) la fin de temps d'un pays dont les
atouts de puissance se passent de tout commentaire.
Quoi qu'il en soit, la violence culturelle est une donne dont le monde aujourd'hui
ne peut facilement se départir. Cette violence que BERTRAND J., cité par TSHIMPAKA
Yanga, décrit sous le titre de « guerre culturelle », est celle « qui vise la tête pour paralyser sans
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tuer, pour conquérir par le pourrissement et s'enrichir par la décomposition des peuples». Pour
ce dernier, c'est cette guerre que l'Afrique toute entière subit depuis des siècles de la part des
racistes de tous bords. Pour faire face à cette guerre, « ce ne sont ni les missiles, ni les bombes
à fragmentation, ni toute autre arme à feu, blanche ou de destruction massive, encore moins les
muscles, qui rendraient service à nos pays. C'est la tête (le cerveau) qu'il faut utiliser pour
résister, pour se battre. C'est elle qui doit organiser les moyens de sa propre défense qui lui sont
fournis par l'intelligence discursive, l'éthique, l'histoire et l'observation perspicace de
l'environnement dans ses multiples changements. Les commandants des troupes pour ce genre
de campagne, ce sont ceux que l'on désigne par le terme d'élites dans tous les secteurs de la
vie. Leurs munitions: les arguments. Le rôle de cette classe de personnes dans toutes les
communautés humaines, à travers l'histoire, consiste à encadrer, protéger, et montrer la voie
aux masses. Ce sont les élites qui doivent produire les connaissances utiles, soutenir les idées,
et donner l'exemple des pratiques capables d'assurer la sécurité des personnes et de leurs
biens; enfin, créer la prospérité pour l'ensemble. Les membres de cette catégorie sociale
doivent, mieux que quiconque, percevoir et comprendre les rôles des individus dans les
différentes communautés; expliquer aux autres la nature, le poids, et l'orientation des alliances
politiques; savoir opérer des choix et prendre de décisions qui ne compromettent ni la vie des
autres, ni la souveraineté du peuple, ni l'intégrité du territoire. Encore faudra-t-il qu'ils soient
reconnus et acceptés comme tels par leurs propres frères et sœurs! » Il est cependant
regrettable, note TSHIMPAKA Yanga, que « la tragédie dans le Monde Noir est que c'est
malheureusement dans cette catégorie particulière, c'est-à-dire, la classe de l'élite, que l'on
trouve les plus grands traîtres de la cause noire, contrairement à ce qui se passe chez les
membres des autres races, où les traîtres sont généralement recrutés parmi les marginaux de la
société (...). C'est vraiment triste».
Cela relève, pour notre part, de l'ignorance de ses responsabilités en tant qu'acteur de
l'historicité. Ce qui est une pauvreté dont la cure exige une forte dose et un temps nécessaire.
Ainsi, l'ignorance de la valeur intrinsèque de ses propres racines, le manque de vision pour
constituer un ensemble de connaissances innovées peuvent constituer des tares pour un peuple
appelé à s'inscrire dans la mondialisation. C'est la raison pour laquelle, nous recommande
TSHIMPAKA Yanga d' «être renseigné correctement sur son identité sociale et ses racines
millénaires (...), les reconnaître, les comprendre afin de les assumer en toute intelligence. Car
elles forment ensemble avec tout autre objet de la culture matérielle du terrain, ce que l'on
appelle patrimoine ou héritage culturel d'une nation. C'est l'exemple que nous donnent les jeunes
européens, japonais, américains, arabes ou chinois, etc. Sans chercher à s'isoler du reste du
monde, ce qui est de toutes les façons impossible aujourd'hui, il doit parvenir à mobiliser
l'énergie vitale nécessaire et découvrir dans le patrimoine culturel qui est le sien les valeurs
fondamentales qui constitueraient la substance (...) du « tiers facteur immatériel » qui conduit les
uns au progrès et les autres à la stagnation».
Nous pensons que l'intégration véritable de l'Afrique des Grands Lacs, qui ne
peut se réaliser qu'après le balisage des obstacles déjà identifiables, pourrait répondre à ce pari.
Notre approche théorique d'interdépendance complexe élargie qui se veut être une arme de
combat pour la réussite de l'intégration de cet espace régional devra concilier ses outils avec la
pratique politique africaine pour relever le défi. Mais cela n'est possible qu'en évaluant aussi
régulièrement les rapports de force.
Ces facteurs mis ensemble ont précipité la chute des régimes en place. A titre
d'exemple, la méfiance qui a régné au sein de l'armée zaïroise n'a fait que diviser les forces
armées à telle enseigne que pendant l'avancée des forces d'A.F.D.L., plusieurs hommes en
uniforme ont sciemment joué leur carte en défaveur de MOBUTU. N'ayant plus d'armée loyaliste
et pour faire face à la montée de la conflictualité à grande amplitude, les seigneurs de guerre de
cette région, ont cherché à avoir des appuis militaires parmi les civils que eux-mêmes ont armés.
Ici, il s'agit des milices.Dès lors, les forces négatives disséminées dans les régions à haute
conflictualité se firent jour. Elles constituent, à côté des énergies nationales, une force de
stabilisation ou de déstabilisation régionale. Les régimes en place n'arrivent pas à les désarmer
en dépit de l'insécurité qu'elles créent. Seule une force internationale créée par l'ONU et assistée
par les pays impliqués au plus haut chef (le Burundi, le Rwanda, l'Ouganda et la RDC) pourrait
s'y investir si elle dispose bien sûr de moyens et de volonté.
Les forces négatives constituent aussi un danger qui ne cesse de guetter la région. Il
s'agit là de toutes les forces non régulières opérant en arme sur le territoire transfrontalier. Ainsi,
les gouvernements des pays concernés devront, avec l'appui de l'ONU et d'autres membres de
la communauté internationale, localiser et désarmer ces unités qui nuisent à la paix et à la
sécurité de la région en vue d'éviter toute tentative récidiviste. Ceux d'entre elles qui désirent
travailler sous le drapeau doivent, aussitôt identifiés et maîtrisés, passer par des académies ou
des centres de formation. De toutes les manières, il revient aux pays de l'espace régional
d'organiser leurs armées nationales afin de faire face à toute attaque qui proviendrait d'ailleurs
dans la mesure où, toute agression du territoire doit être réprimée par les forces armées
nationales et non par les forces négatives.
avec comme unique objectif de former une seule et même armée nationale. La dimension
politique implique également la définition des principes et axes majeurs de la réforme des
forces armées et, plus globalement, la réforme de notre système de défense et de sécurité.
Elle suppose également un accord sur les critères d'éligibilité à l'intégration et un traitement
responsable des revendications des forces ou des groupes marginaux (à l'instar de
ceux opérant au Kivu, en Ituri, ...). Elle suggère enfin le règlement de la situation des
militaires des ex-Forces Armées Zaïroises en exil à travers le monde, particulièrement au
Congo-Brazzaville et dans certains pays européens, voire en Amérique du nord.
L'évaluation des rapports de force exige donc d'agir par anticipation. En ce sens, elle est
un défi prospectif. Elle pose le problème de la gestion prévisionnelle et prospective de la défense
nationale, car il s'agit selon Pierre AKELE Adau de mettre à la disposition des acteurs
institutionnels, de la défense un outil de gestion permettant d'agir par anticipation sur des
éléments dont les possibles développements à moyen ou à long terme sont à l'avance
relativement évalués. Ce qui permet de mesurer en permanence, grâce à l'analyse de différentes
variables géostratégiques et géopolitiques, d'une part les menaces et les risques de guerre ou de
rupture de paix, d'autre part, les capacités organisationnelles, structurelles, matérielles,
économiques, technologiques, politiques ou diplomatiques à développer, planifier et programmer
pour prévenir ces menaces et ces risques. Il n'est pas question ici de mettre en place au niveau
du ministère de la défense une structure bis de renseignement ou de sécurité, mais plutôt une
structure d'analyse et de réflexion scientifique à caractère prospectif. A ceci, on peut suggérer
l'idée de l'acquisition, par les agents de renseignements militaires, de police ou des services
spécialisés, des langues de grande diffusion des pays environnants particulièrement des pays
hostiles ainsi que d'autres langues de grande diffusion au niveau international est à envisager
avec soin. Ceci peut se faire sous forme de collaboration entre ces services et les institutions
spécialisées dans le domaine de l'enseignement des langues.
Un Etat sans défense est un Etat mort. En ce sens, un Etat digne de ce nom doit
développer des mécanismes rationnels de défense contre toute crise. Il s'agit ici d'être à même
d'organiser et d'assurer la défense de ses intérêts vitaux et essentiels de façon à interdire
quiconque à leur porter atteindre, par la violence ou la ruse. Cette tâche n'est certes pas dévolue
uniquement aux hommes en uniforme. Elle suppose plutôt une large adhésion de l'ensemble de
la nation laquelle s'acquiert par ce que Pierre AKELE Adau appelle l'« esprit de défense et
dissuasion ». Voici ce qu'il écrit à ce sujet: « Cet esprit de défense procède d'une conception de
défense qui dépasse le cadre spécifique de l'armée et intègre, dans une démarche globalisante,
tout ce qui est de nature à assurer la puissance et la prospérité de l'Etat, affirmer la personnalité
de la Nation, défendre sur tous les plans ses intérêts politiques, économiques, sociaux et
culturels. Il se définit comme la volonté, la détermination qui anime un peuple pour défendre à
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tout prix ses valeurs fondamentales, c'est-à-dire pour assurer la puissance de l'Etat, affirmer la
personnalité de la Nation, défendre sur tous les plans ses intérêts politiques, économiques,
sociaux, culturels et moraux. Il est le principe fondateur de toute véritable dissuasion. Il n'est en
effet de réelle dissuasion que sous-tendue par une véritable volonté collective de sécurité et de
paix; entretenue par un état d'esprit porté vers la réflexion consciente de la nécessité d'une
défense nationale ainsi que l'adhésion aux efforts que celle-ci implique ».
C'est cet esprit qui a été à la base de l'élévation des grandes puissances ainsi
que le montre encore une fois Pierre AKELE Adau en écrivant ce qui suit : «On pense
généralement que la force des grandes puissances réside dans la quantité et la qualité de leurs
arsenaux. On oublie que ceux-ci sont faits pour être mis en œuvre par des hommes et des
femmes, facteurs négligeables dans toute stratégie, mais qui peuvent s'avérer plus déterminants
pour l'issue des combats que les armes les plus terrifiantes. La première force des grandes
puissances c'est l'esprit de défense qui caractérise leur population, et au sein de celle-ci ses
combattants; tous animés par cette force intangible qui fait agir tout un groupe d'hommes et de
femmes et les incite à faire don du meilleur d'eux-mêmes sans restriction. C'est pourquoi les
citoyens ne doivent pas être laissés en dehors des débats sur la guerre et la paix, la défense et
la sécurité, l'économie et le développement. .. ». Il s'agit donc là de toute une culture qui procède
de l'intelligence sociale. C'est la raison pour laquelle, il est important d'intégrer dans la culture
des Etats à refonder cet esprit. Ceci veut entre autres dire, qu' « au plan culturel, diverses actions
concrètes doivent être envisagées pour « informer » différemment nos populations, en particulier
notre jeunesse. Il s'agit de lui faire acquérir une nouvelle «intelligence sociale» et un «esprit de
défense» qui les prédisposent à une meilleure défense de leurs intérêts et leur donnent une
combativité nouvelle dans la lutte contre le sous-développement. Ces actions seraient orientées
en direction de l'enseignement, de la recherche scientifique et de la politique familiale».
Alors que certains pays voisins de la RDC cultivent particulièrement cet esprit
de défense, singulièrement auprès de leur jeunesse, nous restons encore chez nous au stade
primaire de l'instinct de conservation que réveille ponctuellement quelque frustration causée par
exemple à la suite d'une compétition sportive perdue. Cet instinct de conservation est en soi
dangereux, parce que primaire et fruste, et susceptible de donner lieu à des réactions de défense
spontanées, irréfléchies, mal canalisées, et donc facilement « diluables » ou récupérables à des
fins pernicieuses et perverses. Il faut donc, nous recommande Pierre AKELE Adau, « le passage
de l'instinct de conservation vers une volonté de défense nationale et une adhésion consciente à
l'effort de défense. Jamais cette mutation n'a été la conséquence d'une sorte de génération
spontanée, un fait du hasard. Elle se doit d'être préparée, encadrée, cultivée, canalisée. Elle
emporte une mission d'essence pédagogique. Elle appelle un effort d'introduction dans notre
cursus scolaire aux niveaux primaire, secondaire et universitaire, ainsi que dans des structures
appropriées de formation permanente ou de recyclage des cadres moyens et supérieurs, une
initiation à la défense intégrée dans une éducation civique appropriée dans les programmes
d'enseignement. Il s'agit de faire connaître et aimer notre pays, avec ses institutions
démocratiques, seules susceptibles de fonder la confiance réciproque des gouvernants et des
gouvernés, de consolider la cohésion nationale et d'assurer la perception de la légitimité de
l'action collective à mener. Il s'agit également d'appréhender les problèmes de défense dans leur
globalité, d'en connaître les contraintes et les coûts, de rester attentif à l'interconnexion des
événements mondiaux, à la place et au rôle du Congo dans la sous-région, en Afrique et dans le
concert des nations. Autrement dit, il s'agit de prendre conscience des enjeux géopolitiques et
géostratégiques; d'être attentif aux alliances politiques et militaires, conjoncturelles ou durables;
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de reconnaître les zones sensibles; de définir les menaces diffuses ou réelles contre lesquelles il
faut se prémunir; de répertorier les routes stratégiques, les espaces pertinents de sécurité pour
le Congo; d'examiner les facteurs politiques, économiques, diplomatiques, scientifiques,
technologiques, socio-culturels, etc. ... qui concourent aux équilibres stratégiques, à la formation
des hégémonies, à l'apparition des dominances et à la constitution des leaderships».
*
* *
Il s'agit d'une démocratie où les droits et libertés de la personne humaine sont garanti s
et où la primauté de la loi mettra hors d'état de nuire l'impunité car l'indépendance du juge sera
garantie. La bonne gouvernance doit y être une règle d'or car c'est grâce à elle que l'Etat
parviendra à prendre réellement en charge ses obligations et ses droits.
L'identification de l'ennemi est non seulement une nécessité mais aussi une urgence
afin de mieux connaître ses stratégies d'asservissement dont le poids cause beaucoup de tort à
la région des Grands Lacs. Cet ennemi qui se recrute principalement dans l'environnement
international a causé des conséquences énormes qui, si on ne prend pas garde, continueront à
peser pendant très longtemps sur l'espace régional. Il est donc important que les Etats de la
région évaluent continuellement leurs rapports de force afin de se doter d'une capacité de
défense laquelle exige une intelligence sociale.
Les Etats ne peuvent pas se faire confiance les uns les autres. Le manque de confiance
entre les Etats implique qu’ils doivent augmenter leur propre puissance pour assurer leur défense
et leur propre survie face à d’autres Etats potentiellement hostiles et plus puissants.
En effet, il n’existe pas de puissance purement défensive. La puissance est une notion
relative. L’augmentation par un Etat de sa puissance force les autres Etats à augmenter la leur
pour maintenir leur puissance relative. C’est ici qu’apparait le dilemme de sécurité : un Etat qui
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augmente sa propre sécurité diminue mécaniquement celle des autres. Le résultat de cette
logique est la course à l’armement.
Les Etats s’arment pour se défendre contre une attaque éventuelle car « qui veut la paix,
prépare la guerre ». Ainsi, à la mesure qu’un Etat s’arme peut l’amener au surarmement suivant
en cela l’adage qui dit que « l’appétit vient en mangeant ». Ce surarmement peut conduire à la
course aux armements.
La course aux armements fut définie par Huntington, l’un des tout premiers
investigateurs du phénomène, comme un accroissement progressif, compétitif, en temps de paix,
des armements entre deux Etats ou coalitions d’états du fait d’objectifs opposés ou de craintes
mutuelles ». Pour un autre observateur du phénomène Colin Gray il y a course aux armements
lorsque « deux ou plusieurs parties, qui se perçoivent dans une relation de compétition,
accroissent ou améliorent rapidement leurs armements et structurent leurs postures militaires
respectives en fonction d’une attention générale accordée aux comportements politiques ou
militaires, passés, présents ou anticipés, des autres parties ». Cette définition beaucoup plus
complexe ne se différencie de la première que par la conception d’une course aux armements de
type multilatéral ou généralisé (« deux ou plusieurs parties ») et de type qualitatif
(« accroissement ou améliorent »). Un dernier élément propre à cette définition complexe est la
notion de réaction anticipée qui fait de la course aux armements une réaction non pas à la
menace, c’est-à-dire aux capacités militaires existantes, mais à cette menace et aux capacités
futures. Pour Gray la course aux armements peut donc être généralisée, qualitative et
anticipatrice. H. Bull inclut, quant à lui, dans sa définition du phénomène l’accroissement ou
l’amélioration des armements et des forces armées, c’est-à-dire des troupes. De ce dernier point
de vue, la course aux armements implique la course à l’enrôlement.
Il existe plusieurs facteurs de la course aux armements. Citons les facteurs structurels et
culturels, les facteurs économiques, les facteurs militaires et les facteurs politico-diplomatiques.
1. Facteurs structurels
La condition idéale à la course aux armements en temps de paix est la bipolarité, en tant
que structure excluant l’expédient de l’alliance, d’une part, et favorisant, d’autre part, la
concentration des ressources ou le développement d’une grande capacité industrielle. En
bipolarité, la sécurité par l’équilibre des forces repose donc au premier chef sur une politique
nationale de production d’armements. Le caractère national ou l’autonomie de la politique
militaire des Grands facilite aussi la régulation de la relation stratégique entre les pôles du
système bipolaire par une politique de maîtrise des armements. Les refus de Paris et de Pékin de
s’associer à l’arrêt des essais nucléaires n’ont pas empêché la signature du traité de Moscou en
1963. Les accords SALT, quant à eux, sont même strictement bipolaires. La bipolarité est donc
tout à la fois le facteur structurel de la course aux armements et de sa maîtrise par l’ «arms
control ».
Ce n’est sans doute pas une pure coïncidence si le phénomène de la course aux
armements se développa au siècle de l’industrialisation et de la professionnalisation du métier
des armes. Un deuxième ensemble de facteurs de la course aux armements se trouve donc du
côté des groupes qui ont intérêt (quelle qu’en soit la nature) à ce que l’outil militaire se développe
à une cadence accélérée. C’est le cas du « complexe militaro-industriel » et ses grands intérêts
économiques ou bureautiques : les sociétés capitalistes étant plus sensibles aux premiers, les
sociétés à bureaucratie hypertrophiée (les sociétés socialistes), davantage aux seconds. Si une
conspiration des intérêts économiques engagés dans l’industrie des armements se manifeste
effectivement lors des négociations en vue du désarmement – l’opposition des industries navales
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et des officiers de la marine aux traités de Washington (1922) et de Londres (1930) est un
exemple connu – la seule existence de pareils accords atteste le caractère relatif de la puissance
de ces intérêts. En outre, pour que ces intérêts aient pu historiquement se constituer, il a fallu
une production initiale d’armements qui, elle, au moins, ne peut s’expliquer par les dits intérêts.
Dans son rapport à l’autre branche du complexe dont il est ici question, la bureaucratie
militaire aurait en outre pour fonction de trouver une rationalité militaire a posteriori aux armes
produites pour des motifs non militaires. La définition du « besoin » militaire aurait donc tendance
à suivre la création de l’arme.
L’arme absolue ne protège que son détenteur contre la tentation de la course aux
armements. Il est à noter qu’elle n’en garde pas les autres Etats qui se trouvent au contraire
incités à se doter eux-mêmes de l’arme absolue (l’URSS acquit la bombe atomique quatre ans
après les Etats-Unis) ; ou à s’en protéger activement (l’URSS ouvrit également la voie des fusées
aptes à une frappe nucléaire anti-forces). L’arme absolue oriente donc très rapidement la course
aux armements vers une course de type qualitative ; la course quantitative étant exclue de par le
caractère « absolue » de l’arme elle-même.
Comme la guerre elle-même peut être menée pour des motifs de prestige, la recherche
d’un meilleur statut diplomatique et le prestige sont d’autres motivations non militaires qui
peuvent se cacher derrière une course aux armements pratiquée, à titre rituel, comme une lutte
politique symbolique. La course navale germano-britannique, lancée par Berlin en 1898,
entendait forcer le Royaume-Uni à reconnaître l’importance acquise par l’Empire allemand sur
l’échiquier international. La course navale américano-britannique (1918 à 1922) était une
manifestation du prestige international acquis par les Etats-Unis pendant la première guerre
mondiale. L’histoire se répéta sans doute avec l’URSS, après 1945, dans le domaine atomique.
même. Dans cette perspective, la création d’un armement sert d’atout de négociation, de
monnaie d’échange en vue de négociation à venir. Par la fabrication des Pershing II en vue de
l’éradication des SS20, la crise des euromissiles offre une merveilleuse illustration du
phénomène. La fonction des missiles de croisière dans les négociations sur la maîtrise des
armements est également significative : Kissinger insista sur la fabrication de cette nouvelle
arme, afin de doter les Etats-Unis d’une monnaie d’échange dans le cadre des futurs SALT II ; le
nouveau programme fut en outre lancé, pendant le processus de ratification par le Sénat des
accords SALT I, comme « prix » à payer pour en obtenir la ratification par les « Faucons ». Les
« crises » exercèrent donc la double fonction de tribut versé par l’utopie à la démocratie et d’atout
de négociation avec l’adversaire.
A ce premier aspect vient s’en ajouter un second. L’existence (non plus la perspective)
d’un traité de maîtrise des armements a en effet tendance à relancer la course aux armements
sur des voies latérales : la prohibition par traité international de tel type d’armement a pour
corollaire ou conséquence mécanique que tout ce qui n’est pas interdit devient nécessité. La
limitation des bâtiments de grand tonnage, par le traité de Washington de 1922, détourna la
course navale vers les croiseurs et les destroyers.
Les types quantitatif et qualitatif de la course aux armements entretiennent des rapports
complexes. Par son coût élevé, la recherche scientifique entre en concurrence directe avec la
production massive d’un type d’armement. Seules les superpuissances sont partiellement à
même de s’offrir le luxe d’une course sur les deux fronts ; même les moyennes puissances de la
29
Notons encore qu’une course qualitative peut se déplacer du plan des armes elles-
mêmes à celui de la stratégie, c’est-à-dire de la doctrine d’emploi des armes. Ainsi à l’automne
1940, menacée d’écrasement par la Luftwaffe, l’Angleterre de Churchill fit un saut qualitatif
doctrinal en passant, sans le support d’aucune innovation technologique, à la stratégie anti-cité.
De même, pour ne plus tomber dans le piège d’une nouvelle et longue guerre conventionnelle,
les Etats-Unis passèrent en janvier 1954, soit six mois après la fin de la guerre de Corée, à la
stratégie dite des « représailles massives ».
Pour éviter son démantèlement après avoir rempli sa fonction initiale, l’outil scientifique
et économique constitué pour la conception production d’une arme donnée tend à justifier la
prolongation de son existence en concevant de nouvelle générations d’armes, au besoin sans
rapport avec la menace militaire réelle ; la longueur du cycle industriel ne permettant pas
d’attendre et voir les menaces à venir. Il en résulterait en effet une "fenêtre de vulnérabilité" dont
l’ennemi pourrait tirer avantage, fût-ce politiquement. L’autonomie qu’acquiert ainsi l’outil
scientifique et économique de la course aux armements ne s’explique donc pas seulement par
des motifs d’ordre sectoriel, tels que l’intérêt des savants militaires à conserver un emploi et un
salaire ; cette autonomie, responsable de la course aux armements ne s’explique aussi par des
motifs rationnels et d’intérêt public. L’opposition à un éventuel traité sur l’interdiction totale des
essais nucléaires vint, pendant l’Administration Carter, des savants atomistes conscients, outre
de leurs intérêts économiques propres, de leur incapacité intellectuelle et matérielle à concevoir
et à produire, en un temps record, une nouvelle arme, en cas de violation du traité par
l’adversaire.
La sécurité par la course aux armements se présente sur ce point sous un jour très
différent de la sécurité par alliance qui ne requiert, en effet, guère de temps pour réagir à
l’imprévu. Un renversement d’alliance peut se rattraper sur le champ par un autre. Différente est
la situation en cas de découverte scientifique et de percée militaire. Le maintien de l’outil en état
de fonctionnement peut se comparer aux traditionnelles manœuvres des troupes. Si la guerre
moderne risque d’être une guerre d’outils, d’armements, plus qu’une guerre entre des troupes,
elle n’en a pas moins conservé la nécessité d’un outil opérationnel. Et l’outil opérationnel d’une
course aux armements sujette à de brusques relances est précisément l’existence d’une
infrastructure scientifique et industrielle sur pied de guerre, c’est-à-dire de course qualitative.
Comme on l’a déjà dit, la politique de maîtrise des armements, enfin, est, elle-même, un
facteur de la course qualitative aux armements. Non seulement la perspective d’une négociation
militaire relance la course aux fins de négocier en position de force ou de se doter d’atouts de
négociation, mais les accords eux-mêmes tendent à faire dévier la course vers les pistes
latérales de l’amélioration des armes existantes ou de l’invention d’armes nouvelles, non
prohibées parle traité.
Le processus par lequel cette déviation se produit est le suivant. Parce que négociée
entre adversaires, la maîtrise des armements nécessite la vérification des accords. Or seule la
31
vérification sur place (généralement exclue, au demeurant, pour des raisons politiques= permet
de porter sur les caractéristiques internes ou les aspects qualitatifs des armements.il en résulte
que l’objet principal des accords de maîtrise des armements est une restriction quantitative. La
méfiance entre adversaires potentiels demeure toutefois au-delà de la signature de tels accords t
oriente en conséquence la course aux armements vers tout ce qui n’est pas formellement
prohibé la persistance de la méfiance conjuguée à l’existence d’un plafond numérique devient
ainsi une incitation à l’ingéniosité. Le plafond quantitatif libère en outre des ressources pour la
recherche scientifique militaire. Enfin, pour permettre aux « colombes » de « vendre » le traité de
maîtrise des armements aux « faucons », il n’est pas inutile de doter les premiers d’arguments
susceptibles de convaincre les seconds. Or, à l’égard des adversaires d’un traité de maîtrise des
armements, l’argument le plus convaincant n’est-il pas son caractère non-contraignant ou
l’existence d’échappatoires ? Un argument en faveur du traité de Moscou sur l’interdiction
partielle des essais atomiques ne fut-il pas qu’il laissait la porte ouverte aux tests souterrains ?
de même, un argument en faveur du traité limitant la puissance des essais à 150 kilomètres fut
qu’il ne portait pas sur les « essais pacifiques », c’est-à-dire à des fins civiles.
Bien que le but d’une course quantitative aux armements soit au minimum l’égalité des
forces, pareille course ne débouche sur un réel équilibre qu’à la condition, rarement remplie, de
se jouer entre adversaires de forces économiques relativement égales au départ. Dans
l’hypothèse contraire, la partie la plus développée économiquement part nécessairement
gagnante.
Si le but d’une course aux armements quantitative est bien la parité (et, si possible, la
supériorité), en la matière l’exception est toutefois plus intéressante que la règle. Dans le cas
particulier de la tripolarité, en effet, la recherche de la parité avec l’adversaire ne s’impose pas :
la véritable crainte dans cette structure internationale étant moins d’être vaincu dans une guerre
bilatérale menée contre l’un des deux autres membres du système, que, après une victoire
militaire sur celui-ci, de se retrouver dans un état d’infériorité par rapport à l’autre voisin, celui que
la guerre n’a pas affaibli. Cette situation permet d’inquiéter avant même d’avoir atteint la parité
militaire. Ainsi l’architecte de la course navale allemande, l’amiral Tirpitz, ne visa pas l’égalité
avec la flotte anglaise mais, au nom de la « théorie du risque », la capacité de placer cette flotte,
même victorieuse dans une guerre avec l’Allemagne, dans une position d’infériorité vis-à-vis des
autres flottes européennes, celles de la France et de la Russie, en l’occurrence. Si la
multipolarité et ses nombreuses possibilités d’alliance est un substitut à la course aux
armements, la multipolarité rudimentaire qu’est la tirpolairté n’en est qu’une atténuation par la
logique du risque-après-la-victoire (un risque ou un danger que, en tripolarité, aucune possibilité
d’alliance ne peut écarter).
qui s’impose aux chercheurs. La logique du développement scientifique conduit donc tous ceux
qui s’y donnent à un même point d’arrivée, où, comme dit Huntington, les « compteurs sont
chaque fois remis à zéro ». Une course qualitative- même disputée entre partenaires inégaux-
est à reprendre chaque fois, alors que, dans ces mêmes conditions, la course quantitative
départage définitivement les participants. Bref, dans une course quantitative l’égalité est soit un
cas particulier, soit un moment particulier, un simple point de passage ; l’égalité est au contraire
le point d’équilibre d’une course qualitative, même disputée entre partenaires inégaux.
Concluons. La bipolarité est tout à la fois une cause de la course aux armements
(l’alliance étant reléguée au second rand des stratégies de sécurité) et une structure qui facilite la
maîtrise des armements (l’accord étant facile entre deux partenaires).
La complexité des armes modernes entraîne le phénomène du long cycle industriel qui
suscite, à son tour, celui de la réaction anticipée ou de la sur-réaction. Il en résulte une course
33
Elle marque d'un sceau spécial les relations conflictuelles des Etats du Tiers-Monde,
spécialement de l’Afrique.
La guerre stratégique est dirigée soit contre les forces armées de l'ennemi ou contre
les moyens de lutte matériels et des sources de résistance qu'il possède.
En ce qui concerne les forces armées ennemies, l'opération principale est dirigée
contre la principale armée de l'adversaire ou du moins contre une partie notable de cette
armée.
On peut alors attaquer directement les forces ennemies; ou attaquer les intérêts
vitaux de l’ennemi. On doit mener une campagne psychologique pour déstabiliser
psychologiquement l'ennemi, d'autant plus que la stratégie offensive est celle où l'une des
parties au conflit prend l'initiative d'attaque.
La mobilisation des forces doit être rapide, la réunion des forces dans la zone
d’action doit se faire promptement et les forces doivent avoir un minimum d’entraînement
avant d’aller au combat.
- C’est près de ses propres bases qu'on peut combattre avec le maximum de
forces, le maximum de moyens. A mesure que les forces s'éloignent de leurs
bases et se rapprochent des bases ennemies, elles se privent de plus en plus
de l'appui des forces ayant peu l'endurance ou un faible rayon d'action; sortant
d'une zone de prépondérance, puis d'une zone neutre, elles rentrent dans la
zone de prépondérance relative ennemie, c'est-à-dire dans la zone où l'ennemi
peut généralement disposer de touts les moyens offensifs el défensifs;
- En cas d'insuccès, on peut se choisir une ligne de retraite courte et facile et,
en cas de succès, de pouvoir l'exploiter plus longtemps en poursuit ;
N.B. : Le lieu de la réalisation du repli stratégique s'appelle «sanctuaire». Il peut être national
ou international.
La stratégie qui peut prendre l'initiative de l'attaque bénéficie d'un double avantage;
celui de choisir la direction et le moment de l'attaque est particulièrement précieux : il permet
d'abord de faire participer aux opérations, à une date prévue d'avance et dans des
conditions optima de préparation, toutes les forces.
Pour produire tout effet de surprise tactique ou stratégique, il s'agit d'une part de
cacher à l’ennemi son dispositif, d’autre part de connaître celui de l'ennemi.
a. Opérations confiées aux bureaux du stratégique avec tous les moyens très
divers dont il dispose pour être renseigné ou empêcher l'ennemi d’être
renseigné : information, décryptement, contre espionnage, secret de codes, de
la correspondance, de la presse etc.;
b. Opérations confiées aux services de transmissions du commandement
stratégique : interception, radiogoniométrie etc.
c. Opérations destinées à renseigner commandement stratégique sur la position
et les mouvements stratégique des forces de l'ennemi sur les différents
théâtres ou différence zones du théâtre afin qu'il puisse choisir en
connaissance de cause soit la direction d'attaque soit le dispositif
L'effet de surprise stratégique peut être à un autre point de vue réalisé de deux
façons :
§1. Notion
Stratégiquement, la guerre défensive est toute compagne dans laquelle l’un des
belligérants se borne à lutter sur un théâtre de guerre qu’il a préparé d’avance. Que les
batailles qu’il livre sur ce théâtre offensives ou défensives.
jamais trompé sur le choix de leur situation. Il faut ouvrir ses vivres, Ses forteresses et
mettre l'ennemi dans l'impossibilité de faire de grands progrès. C’est l'impossibilité de faire
de grands progrès. C’est par la sagesse des mouvements, la situation des postes, et par
l’avantage du terrain et des camps qu’on fait occuper à une arme, qu’on arrête l’ennemi; on
tâche de ruiner en détail, en attaquant ses fourrageurs, ses convois, ses postes détachés de
l’armée.
§2. Procédés
a. La protection directe : consiste à placer ses forces en attente tout près des
intérêts à défendre : entrée d’un port, chaîne de radio et télévision.
b. La protection indirecte : les forces sont placées dans une position d'attente entre
les forces ennemies et certains intérêts à protéger, de façon à pouvoir combattre
l'ennemi avant qu'il n'ait pu attaquer un de ces intérêts;
c. Le blocus : les forces sont placées dans une position d'attente telle que l'ennemi
ne puisse, atteindre aucun de ses objectifs sans engager le combat.
- Les places fortes dont destinées à détourner une portion notable de l'armée.
Il convient de livrer ses batailles en arrière de ses places fortes et non avant
d’elles ;
- Les grands cours d'eau c’est-à-dire, ceux sur lesquels il est très compliqué de jeter
un pont constituent une ligne de défense naturelle; mais à condition que l'on ne
divise pas ses forces également le long du fleuve, pour empêcher absolument le
passage. Ce serait dangereux Il faut au contraire se contenter d’observer le fleuve,
et si l'ennemi réussit à passer, fondre sur lui de tous les côtés à la fois avant qu'il
ait pu attirer à lui toutes ses forces, et tandis qu'il est encore resserré contre le
fleuve, dans un étroit espace;
- Les montagnes forment une deuxième d’obstacles naturel et peuvent servir
de bonne ligne de défense. Il y a deux manières d'en tirer parti : la première
consiste à les laisser en avant de son front et à ne les occuper qu’avec des
troupes légères, de façon à permettre à l'ennemi d'en forcer les passes, pour
fondre ensuite sur lui avec toues les forces réunies, aussitôt que ses
colonnes séparées déboucheront des défilés; c'est le même procédé que
pour défendre un cours d'eau.
pouvoir conserver en réserve une fraction notable de l’armée, avec laquelle on attaque en
force supérieures la colonne ennemie qui réussit à forcer le passage. Il faut bien se garder
de scinder cette réserve pour empêcher absolument l’instruction de toute colonne ennemie,
mais au contraire choisir d’avance comme objectif une colonne ennemie avec ses forces
réunies. Si l’on réussit par ce procédé à battre une fraction notable de l’armée de
l’adversaire, les autres colonnes qui auraient réussi à déboucher se retirent d’elles-mêmes.
Les colonnes d'attaque, au contraire sont de s'engager dans les vallées étroites et
séparées par des contreforts inaccessibles. Les montagnes formées sur ce type sont les
seules qui permettent une bonne défense immédiate.
Notons que la défensive à beau être en elle-même plus forte que l'offensive, elle ne
doit néanmoins servir qu'un remporter les premiers grands, succès. Mais une fois ce but
atteint, si la paix n'en résulte pas immédiatement, il n'y a plus que l'offensive qui promette de
nouveaux avantages. Rester toujours sur la défensive, c'est se mettre dans la situation
fâcheuse de faire toujours la guerre à ses frais. II n'y a pas un Etat qui puisse supporter cette
charge indéfiniment, et à force de servir de plastron aux coups de l'ennemi, en se contentant
de les parer sans jamais riposter, l'on court le plus grand risque de s'épuiser et de finir par
succomber.
§4. La diversion
Pour réussir la diversion, il faut avoir des troupes considérables en nombre qui
seront sanctionnées en plusieurs corps, un de ces corps sera appelé « armée de
diversion », il aura pour mission d’effectuer des faux mouvements pour distraire l'ennemi.
Ainsi, il peut s'attaquer à des endroits qui fournissent les biens de substance à l'armée
ennemie. Il pourrait également tenter d'occuper les portions de terre appartenant à l'ennemi
38
pour obliger les troupes d'occupations à rentrer au pays, à voler au secours des forces
ennemies.
Pour que la diversion atteigne les résultats escomptés, il faut que l’armée de
diversion puisse avoir une arrière-garde et rester en communication avec le haut avec le
commandement stratégique.
La stratégie terrestre, plus que d'autres stratégies, prend en compte les acteurs
géographiques.
En 1939-40, Hitler doit reporter 11 fois l'ordre d'attaquer l'Ouest en raison des
circonstances météorologiques défavorables qui interdisent notamment de plein emploi de
l'aviation. Dans le désert, les tempêtes des sables arrêtent complètement les opérations
pendant des heures, parfois pendant des jours. Le sable s'infiltre partout malgré les filtres
et bloque l'organe mécanique (les manœuvres américains en Egypte au début de 1980).
Il n'y a pas cependant des déterminismes absolus 'dès lors que des troupes bien
préparés et équipés peuvent résister à des froids intenses souvent au prix dl's quelques
précautions élémentaires. Les soldats allemands du front de l'Est apprirent ainsi très vite
qu’il ne fallait pas porter des bottes ajustées, mais les prendre trop grande d’une ou deux
pointures, pour les bourrer avec de la paille ou du journal pendant l’hiver.
b. La topologie
Les reliefs dessinent des voies naturelles d'invasion. Ils déterminent des positions
qu'il faut à tout prix. En sens inverse, les fleuves et les montagnes sont traditionnellement
considérées comme des obstacles; difficile à franchir au point de fixer la ligne de front
pendant des mois. Toutefois, il n'existe pas d'obstacles infranchissables.
La topographie n'est pas seulement physique, elle peut être aussi humaine. En
effet, les villes constituent des objectifs prioritaires tant pour leur importance symbolique
que pour leur fonction de nœuds de communication. En revanche, une ville en ruine offre
un terrain idéal pour la défense et peur fixer les objectifs très importants. Les batailles de
39
Staline grand, de Berlin, de Vienne ont vu des combats rue par, maison par maison, d'une
intensité qui n'a pratiquement jamais était atteinte en rase compagne.
En juin 1940, l'engorgement des ports a été un élément supplémentaire contre les
transferts des troupes en Afrique du Nord. En 1944, l'occupation du port d'Anvers a sauvé
la logistique et les aillés qui éprouvaient des pires difficultés du fait de la résistance de
l'Atlantique et de la lenteur de la remise en état de grands ports complètement détruits.
Enfin, l'avenir a été réservé, ce qui laisse augurer de débats futurs. Les frontières
de l'espace ne sont toujours pas strictement délimitées et le développement de nouveaux
moyens de transport, comme l'avion trans-atmosphérique, va poser de sérieux problèmes
juridiques.
La plupart des activités accomplies par les satellites militaires concernent, comme
leurs équivalents civils, les domaines de l'observation de la terre, des télécommunications,
et de la navigation. Ces utilisations de l'espace sont aujourd'hui traditionnelles et le
caractère militaire de ces engins spatiaux apparaît à travers leurs spécifications
techniques destinées à satisfaire des objectifs propres. Le deuxième point essentiel de la
41
L’espace atmosphérique est le haut lieu des affrontements militaires. Ici, les hostilités
sont menées suivant deux logiques la supériorité aérienne et la paralysie stratégique.
C’est surtout par des actions offensives que s’acquiert la supériorité aérienne qui est un
préalable à la pleine utilisation de la puissance aérienne.
42
C’est parce que l’avion est vulnérable en vol (destruction en vol inférieure à 1/100 des
sorties) que ce choix stratégique s’impose, dès lors que l’avion est beaucoup plus vulnérable au
sol, comme l’est son environnement logistique (stocks, voies de communications, transmissions).
a) Transport aérien peut être un simple moyen de transport : avec l’avantage d’être
rapide et d’ignorer les difficultés qui seraient rencontrées au sol : zones
montagneuses, mauvaises routes (ou absence totale de ces routes, passage au-
dessus de fleuves, de bras de mer, voire d’océans si le rayon d’action est suffisant
entre deux relais qui permettent de refaire le plein. Ce transport peut concerner des
hommes et des matériels à engager, ou être un transport logistique vivres,
carburant, munitions— ou bien de soutien des matériels — pièces détachées — ou,
enfin, soutien « santé» : apport de matériels et matériaux de soins, de spécialistes et
évacuation de blessés.
b) Le transport aérien peut, aussi, être un transport d’assaut , qui fait la mise en place
des combattants sur la zone même où ils vont affronter l’ennemi. Ceci peut ce faire
par parachutage de ces combattants, ou par remorquage de planeurs à bord
desquels ils ont pris place.
Un posé d’assaut, par parachute ou par planeur, peut permettre de s’emparer d’une
base aérienne ennemie dont les pistes seront ensuite utilisées pour faire atterrir des avions
portant des fantassins « normaux », et du matériel lourd. Encore que de nos jours on peut
parachuter des véhicules et des engins de masse déjà respectable : camionnettes, mortiers
lourds, petits engins de génie. Ces différentes formes de poser expliquent pourquoi on distingue
entre troupes « aéroportées » et troupes « parachutées ».
Les caractéristiques les plus intéressantes d’un avion de transport militaires sont donc :
- Le rayon d’action : tout particulièrement s’il ne peut refaire ses pleins de carburant
après avoir déposé ou largué son chargement;
- La charge « marchande » totale et unitaire;
- La possibilité de ravitaillement en vol (ce qui suppose donc l’existence d’appareils
ravitailleurs en nombre suffisant);
- Les possibilités d’embarquement de matériels unitaires lourds et volumineux, ce
qui comprend;
- Les dimensions de soute : largeur, hauteur et longueur,
- La résistance du « plancher » à de fortes charges unitaires,
43
Désormais, donc, une puissance qui dispose de moyens terrestres d’une taille «
honorable », et qui a fait un effort correspondant pour son transport aérien, est en mesure
d’intervenir à la fois loin et vite (et assez fort). « La dilatation de l’espace stratégique et le « vite »
correspond à ce que disait, déjà, aux XVIe siècle le révérend Père O.P. Oliveira, dans son Art de
la guerre navale : « la rapidité de la riposte l’emporte bien souvent sur la simple force ».
Dans The foundations of the science of War, Fuller, se proposant d’examiner la nature
de la guerre en tant que science, commence son étude par l’introduction du concept de l’ordre
triple. Il insiste sur l’idée que l’ordre triple est « une base si universelle qu’elle peut être
considérée comme axiomatique a la connaissance sous toutes ses formes ». L’homme étant
constitué d’un corps, d’un esprit et une âme, la guerre en tant qu’activité humaine doit présenter
son étude militaire, Fuller posa en principe l’existence de trois sphères de la guerre : physique,
mentale et morale. Respectivement, ces trois sphères concernent la destruction de la force
physique de l’ennemi (puissance de combat), la désorganisation de son processus mental
(puissance de réflexion) et la désintégration de sa volonté morale de résister (résistance). Fuller
ajoute que les forces qui agissent dans le domaine de ces trois sphères le font en synergie : « la
force de réflexion ne gagne pas une guerre, la force physique ne gagne pas une guerre, mais ce
qui gagne vraiment une guerre, c’est la plus haute combinaison de ces trois forces agissant
comme une seule »
proposition de base, Boyd construisit une théorie générale du conflit liant la victoire à l’imposition
à l’adversaire d’un repli sur lui-même.
La théorie du conflit de J. Boyd met en avant une forme de guerre de manœuvre plus
psychologique et temporelle dans ses orientations que physique et spatiale. Son but militaire est
de « briser l’esprit et la volonté du commandement ennemi en créant des situations stratégiques
ou opérationnelles surprenantes et dangereuses ». Pour réaliser cet objectif, il faut opérer avec
un rythme ou une cadence plus rapide que ceux des adversaires. En d’autres termes, l’objectif
de la manœuvre de Boyd est de rendre l’ennemi impuissant en ne lui laissant pas le temps de
s’adapter mentalement à l’enchaînement rapide des événements naturellement incertains de la
guerre. Les opérations militaires visent à :
Se fondant sur une analyse de l’histoire militaire ancienne et moderne Boyd identifie
quatre qualités clefs permettant d’envisager le succès : initiative, harmonie, variété et rapidité.
Ensemble, ces caractéristiques vous permettent deux choses : vous adapter à façonner
l’environnement de guerre, incertain et plein de friction. Boyd attribue à Clausewitz l’identification
de la nécessité d’améliorer sa faculté d’adaptation lors d’un conflit, en minimisant ses propres
frictions. De plus, empruntant à Sun Zi, Boyd insiste sur le fait que la friction peut être utilisée
pour orienter le conflit en sa faveur, en créant et en exploitant les frictions auxquelles doit faire
face son adversaire. Il rapproche alors ce principe (minimiser les frictions amies et augmenter les
frictions ennemies) des quatre qualités clefs qu’il a identifiées, (l’initiative, l’harmonie, la variété et
la rapidité).
Pour minimiser la friction amie, il faut agir et réagir plus rapidement que l’adversaire.
Ceci est réalisé au mieux par l’initiative aux échelons inférieurs de la chaîne de commandement.
Cependant, ce contrôle décentralisé du comment maximiser la friction ennemie, il faut prévoir
d’attaquer selon les modes d’actions pouvant être exécutées avec la plus grande rapidité
possible Similaire à la notion contemporaine d’attaque parallèle, cette combinaison immortelle
d’actions variées et rapides sert à surcharger la capacité dont l’adversaire dispose pour identifier
et traiter les événements les plus menaçants. En réduisant fermement la capacité d’un
adversaire à résister physiquement et mentalement, on peut, également, au bout du compte,
écraser son moral et sa volonté de résister.
Alors que la théorie du conflit de Boyd aborde tous les niveaux de la guerre (y compris la
grande stratégie), notre propos se limite aux niveaux opératif et stratégique. Au niveau opératif,
Boyd parle de désorganiser sévèrement le processus d’élaboration des opérations de combat
que l’adversaire a utilisé pour mettre en forme et exécuter son plan de compagne initial ainsi que
les suivants. Cette désorganisation s’obtient rapidement et répétitivement en présentant à
l’adversaire « un mélange formé d’une part d’évènements ambigus et menaçants, et d’autres part
d’événements non menaçants visant à le leurrer ». Ces événements multiples, rapprochés dans
le temps, entraîneront rapidement des décalages, ou des aberrations, entre les actions que
l’adversaire perçoit comme étant menaçantes pour sa suivie et celles qui le sont réellement.
L’ennemi doit éliminer des décalages entre sa perception et la réalité s’il veut continuer à réagir
d’une façon pertinente c’est-à-dire s’il veut survivre. L’objectif opérationnel devrait être de faire en
45
La même manière, au niveau stratégique, I3oyd parle de pénétrer l’adversaire dans son
« être moral-physique-mental, pour dissoudre sa fibre morale, désorienter ses images mentales,
perturber ses opérations et surcharger son système ». Cet être tridimensionnel se compose des
« activités, connexions et bastions moraux-mentaux-physiques dont dépend l’ennemi ». Pour
paralyser cet être stratégique, au lieu de détruire les « centres rayonnants de mouvements de
puissance » de Clausewitz, Boyd recommande de créer des «centres de gravité non coopératifs
», en attaquant les liaisons morales-mentales-physiques qui lient ces centres rayonnants les uns
aux autres. Au niveau opérationnel, le résultat final est la destruction de l’harmonie interne de
l’ennemi, ainsi que des ses connexions avec le monde réel. Théoriquement, cette rupture des
liens internes et externes entraîne la paralysie et un effondrement de la résistance.
Warden est partisan d’une guerre aérienne stratégique, de nature plus politique
qu’économique; il s’attaque à la direction ennemie afin de produire les changements désirés.
Analysant l’ennemi comme un système, Warden soutient que toutes ses entités
stratégiques peuvent être décomposées en cinq éléments constitutifs. L’élément le plus crucial
du système est la direction nationale, représentée par le cercle le plus central. Du centre vers
l’extérieur, et par ordre décroissant d’importance vis-à-vis du fonctionnement global du système,
sont les cercles des fonctions vitales, de l’infrastructure, de la population, des forces armées
déployées.
46
En termes de moyens, Warden accepte la maxime de Clausewitz disant que toutes les
guerres sont menées pour des motifs politiques et que, tout en présentant leurs propres limites et
capacités en regard des autres outils mis à la disposition de l’homme d’Etat, elles sont par nature
des instruments politiques. Vues sous cet angle, les guerres sont essentiellement des échangés
entre les responsables politiques de chaque bord ; l’objectif de toute action militaire n’est plus
alors la destruction des capacités des forces armées ennemies, mais plutôt la manipulation de la
volonté de la direction nationale de L’ennemi.
Warden propose trois manières principales de contraindre l’ennemi agir selon notre
volonté les stratégies militaires de coût imposé (coercition), de paralysie (impuissance) et de
destruction (anéantissement) 18[141 [14]. Collectivement, ces stratégies représentent un
continuum dans l’application de la force. Le point choisi dans le continuum stratégique de la
correspondre au niveau des objectifs souhaités.
Il suggère un modèle pour atteindre le résultat escompte. Le modèle qui donne une
bonne approximation du monde est le modèle en cinq cercles.
Capter ou tuer le chef d’un Etat a souvent été décisif. Dans les temps modernes
cependant, il est devenu plus difficile, mais pas impossible, de le faire. En même temps les
transmissions de commandement sont devenues plus importantes que jamais, et celle-ci sont
vulnérables aux attaques. Quand ces transmissions sont très endommagées, comme en Irak, les
leaders ont de grandes difficultés pour diriger les efforts de guerre; dans le cas d’un régime
impopulaire le manque de communication, non seulement rend difficile de maintenir le moral
national à un niveau suffisamment haut, mais aussi facilite la rébellion d’éléments dissidents.
Il s’agit des installations et des processus sans lesquels l’Etat et son organisation ne
peuvent se maintenir.
Le nombre d’objectifs concernant ces fonctions essentielles est relativement faible, mais
dans un grand pays et, dans des sous-systèmes comme ta production d’électricité ou le raffinage
du pétrole, tout objectif est fragile.
48
3e cercle: L’infrastructure
Il contient le système de transport de l‘Etat ennemi, le système qui déplace les produits
civils et militaires et les services dans l’ensemble de la zone d’opérations de cet Etat. II comporte
les chemins de fer, les compagnies aériennes, les autoroutes, les ponts, les aéroports, les ports
et bien d’autres systèmes du même genre.
4e cercle: Population
Aspect moral des choses mis à part, il est difficile d’attaquer directement la population. II
y a trop d’objectif spécialement dans les Etats policiers, la population est prête à beaucoup
souffrir avant de se retrouver contre son propre gouvernement. Des attaqués indirectes de la
population comme celles employées pour le Nord-Vietnam contre les Etats-Unis, peuvent être
cependant très efficace si le pays visé attache un intérêt montré, il est tout à fait possible de créer
des conditions qui conduisent la population civile de l’ennemie à demander à son gouvernement
de changer de politique. Les Nord-Vietnamiens ont atteint leurs buts en élevant le niveau de
pertes américaines plus haut que le peuple américain n’était prêt à le tolérer. Il y a presque
toujours des actions propres à persuader la population ennemie d’offrir une certaine résistance la
population de son gouvernement. Mais il n’est pas facile de déterminer quelles sont ces actions,
tant les réactions humaines sont imprévisibles. En tant qu’élément d’un effort global pour altérer
le système ennemi, une approche indirecte de sa population est probablement utile.
Bien que la tendance générale tend à faire croire que les forces militaires sont dans une
guerre ce qu’il y a de plus important, en fait elles ne sont que des moyens pour une fin, c’est-à-
dire que leur seule fonction est de protéger leurs propres cercles intérieurs ou de menacer ceux
de l’ennemi. On peut certainement amener un Etat à faire des concessions en réduisant ses
forces militaire en campagne et elles sont toutes détruites. Il peut être amené à faire la
concession ultime simplement parce que ses dirigeants savent que les cercles inférieurs sont
maintenant sans défense et sujets à destruction.
Il faut donc indiquer les missions navales pour comprendre la logique de la guerre sur
mer.
Dès le départ, précisions que la conduite des opérations navales est la mise en œuvre
de forces aéronavales, dans une zone ou un théâtre donné, en vue de remplir les missions fixées
par la stratégie, la tactique navale est la conduite des forces, en un lieu donné, à un moment
donné, en vue de remplir les missions fixées par le commandant de zone ou de théâtre.
Les missions navales ne sont pas innombrables ; elles tirent leurs identités propres des
caractéristiques du milieu; elles ne sont pas toutes apparues en même temps, car la mer n’a pas
été toujours exploitée de la même façon, au fur et à mesure que le monde s’est développé, les
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dirigeants politiques ont successivement usé et abusé des divers atouts de la mer, pour parvenir
à leurs fins.
L’affrontement des volontés, en mer comme ailleurs, a fini par y créer à chaque époque,
un ordre à peu près établi et donc ses « conservateurs » et «ses contestataires ». On retrouvera
dans l’étude des missions navales la grande séparation entre missions qui visent à maintenir une
situation et celles qui cherchent à la modifier par affrontement ou par subversion. Cette
distinction apparait plus féconde que celle habituellement établie entre missions défensives et
missions offensives; elle permet, en effet, de caractériser la puissance dominante, la puissance
perturbatrice, leurs stratégies et leurs tactiques.
La mer est le lieu de communication entre les peuples. Elle permet le transport des
richesses. En temps de guerre, les bâtiments de guerre doivent empêcher le transfert des
richesses des nations ennemies et protéger leurs bâtiments de commerce.
§3. Assaillir les territoires adverses/ se défendre contre l’assaut venu de la mer.
Avant l’apparition des aéronefs, l’assaut contre la terre était l’apanage des canonniers,
qui disposaient d’un rayon de dommage au plus égal à 35 kilomètres. L’aviation embarquée a
permis d’assaillir beaucoup plus loin à l’intérieur du territoire adverse, et ceci est important, car
cet assaut amoindrit la résistance ennemie et ainsi la griffe délicate que l’on tente, en
débarquant, a davantage de chances de ne pas être rejetée. L’assaut à partir de la mer implique
des opérations complexes ; il doit être minuté, car il est toujours utile de profiter de la surprise
créée par une attaque soudaine.
Ici, l’on prend soin pour que les troupes qui débarquent ne soient pas décimées avant
même de mettre le pied à terre, il faut disposer de la maîtrise de l’air. A cet égard les nations qui
possèdent des porte-avions sont avantagées puisqu’elles peuvent amener leur base mobile
d’aviation à pied d’œuvre sans déroger, pendant le transit du porte—avions, au droit
international. D’autre part le fait d’avion une base mobile diminue les temps de transit des avions
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d’assaut d’où un meilleur emploi de l’aviation et une plus grande facilité pour changer le point
d’application des forces.
Notons que l’assaut contre la terre est plus facile à mener que l’assaut contre les forces
de haute mer. Tous les pilotes apprennent à voler au- dessus de la terre; ils savent se repérer
par les routes, les chemins de fer, les agglomérations. En haute mer, il n’existe guère de repères,
ceci fait qu’il est plus facile d’assaillir la terre que d’attaquer des forces de haute mer, d’autant
que les objectifs à terre sont souvent fixes et les objectifs marins souvent mobiles. Les missiles
de croisière, qui corrigent leur trajectoire en comparant le relief, survolé au relief programmé,
sont faits pour assaillir la terre et non pour attaquer une force à la mer, faute de relief indicateur.
Mais la surveillance des océans par satellite, dans la mesure où les informations fournies
parviennent sans délai, ou avec un très léger retard, peut permettre à une force aérienne
d’assaut d’attaquer une force à la mer par simple navigation géographique ; il est donc possible
que l’avantage du marin, qui demeure un objectif plus difficile à trouver, s’amenuise dans les
années à venir.
Les SNLE ont donc aujourd’hui, dans l’état actuel de sciences, une forte capacité survie
à un tir de contrebatterie ; ils disposent d’une grande capacité de deuxième frappe, d’autant plus
que l’eau les protège ; les effets mortels des explosifs nucléaires se font sentir beaucoup moins
loin dans l’eau que dans l’air.
Les SNLE se cachent dans un milieu international peu habité; à supposer qu’ils soient
repérés, ce qui semble aujourd’hui bien difficile, et qu’un tir de contrebatterie soit dirigé contre
eux, il ne toucherait pas de populations civiles; en ce sens, le SNLE est beaucoup plus économe
des vies humaines de ses propres nationaux qu’un système de silos.
On notre ici une certaine dissymétrie, la mission «dissuader » est beaucoup plus
importante que on inverse « contrebattre les véhicules de la dissuasion » : cela tient à la difficulté
de trouver le SNLIE, et aussi à la logique induite par la stratégie de dissuasion.
Ce n’est pas la mer que nous voulons maîtriser, mais bien notre adversaire ou les
neutres ; c’est précisément pourquoi nous ne pouvons réduire la mer à une « possession » ; le
problème des neutres est ardu et délicat car, dans la guerre sur mer, on doit tenir compte de
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leurs droits. Comme on le dit à tort, ce n’est pas en conquérant la maîtrise de la mer que nos
acquérons l’usage (le celle-ci dont, en fait nous avons joui tout le temps, mais c’est pour en
exclure notre adversaire et donc l’empêcher de nous attaquer et de gêner nos mouvements.
L’expression maîtrise n’exclut pas l’idée que l’objet sur lequel on l’exerce pourrait ne pas être
divisé; au-delà de toute possibilité de malentendu, le mot exclusion exprime l’idée qu’un des
adversaires peut interdire l’autre et, bien que la maîtrise de la mer s’applique localement et
temporairement, la maîtrise partagée simultanément n’a évidemment aucun sens et il n’y a plus
maîtrise.
La question n’est pas épuisée pour autant. Outre le bouleversement économique imposé
à l’adversaire le plus faible par l’interruption de ses communications maritimes, la maîtrise de la
mer donne au vainqueur un avantage unilatéral qu’on ne trouve, ni dans la guerre terrestre, ni
clans la guerre aérienne. Le belligérant qui l’a obtenue, bénéficie non seulement d’une Complète
immunité contre une invasion par mer, mais il est de plus capable de menacer son adversaire en
toute impunité par tous les moyens d’attaque dirigés contre ses possessions : opérations de
débarquement pour faire diversion, jusqu’à une opération à grande échelle en vue d’une
invasion.
De toute évidence, le moyen le plus efficace et le plus expéditif pour acquérir cette
maîtrise a toujours été la recherche du gros de forces navales ennemies et leur destruction.
Malheureusement, dans la guerre navale, nous ne pouvons pas toujours le faire. Sur terre, une
fois que les forces sont entrées en contact, il n’y a aucune possibilité pour l’un ou l’autre parti
d’éviter le choc de l’adversaire et on peut conduire, si nécessaire, Une attaque jusqu’à complète
annihilation de la résistance de la partie le plus faible. Sur mer, le belligérant le moins fort
bénéficie non seulement de la faculté presque illimitée de se dérober, mais si une attaque est
dirigée contre ses côtes, il est toujours en mesure de mettre ses forces à l’abri dans les ports où
l’adversaire ne peut pénétrer. De cette manière, il abandonne la maîtrise de la mer à son ennemi
mais en l’empêchant d’exploiter à fond son succès et en conservant sa capacité de résistance et
de contre-attaque, il lui interdit de consolider définitivement sa supériorité.
Dans de telles circonstances, il ne reste plus à la partie le plus forte qu’à tenter de
conserver son avantage précaire et temporaire en établissant de forces supérieures devant les
ports où l’ennemi est protégé; l’agresseur peut ainsi intercepter son adversaire dès le point de
départ du port ou de ses ports. C’est ainsi que le blocus est le fondement de la guerre navale
tandis que la maîtrise de la mer dont l’objectif est la complète destruction des forces vives de
l’ennemi n’en constitue qu’un complément.
La fonction essentielle du blocus, mais non la Seule, est Ia protection de ces intérêts
extérieurs. Outre cette fonction, le blocus en possède deux autres, intimement liées et à peine
moins importantes mais presque complètement ignorées.
Ici encore, nous avons deux aspects du blocus : concentration de nos forces et
interception de celles de l’adversaire, deux actions distinctes agissant en liaison. D’un côté, il y a
un système de forces directement opposé à la force principale de l’ennemi ou à des fractions de
celle-ci ; c’est la flotte de bataille, dont la concentration a pour mission la surveillance de toute la
zone ennemie et des abords de ses bases. De l’autre des forces réduites destinées à la
protection rapprochée de notre commerce maritime : la flotte de surveillance, opérant derrière
l’écran de la flotte de bataille qui, elle, a pour mission d’intercepter la force principale de
l’adversaire.
Ainsi, le blocus est le moyen par lequel une grande puissance maritime concentre
ses forces principales, devant les bases adverses, pour lui permettre de réduire les forces
de surveillance protégeant directement les convois derrière la ligne de front; cet allègement
de la défense du trafic maritime, impossible à envisager si chaque convoi risque d’être
détruit par une attaque brutale, permet de revenir à une situation économique viable. En
revanche, le parti le plus faible, n'ayant rien à perdre et tout à gagner, doit réagir à la
conclusion de cette lutte en dispersant ses attaques en de nombreux points de la zone de
communications du plus fort; il augmente ainsi ses chances du succès mais surtout, il
oblige l'adversaire qui a la supériorité à étendre et à accroître la force de ses troupes
d'escorte de façon à peser dangereusement sur ses réserves.
La maîtrise de la mer peut faire l’objet des contestations et ce, sous condition.
Quand une nation renonce à conquérir la maîtrise de la mer, il lui reste à agir par
subversion : des corsaires reçoivent mission de troubler l'ordre établi par la maîtrise de la
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mer; ils cherchent à s'emparer des navires de commerce de l'adversaire; ils agissent alors
en pirates légitimés.
Aux corsaires de surface, qui capturaient les navires de commerce succédèrent les
corsaires sous-marins qui les détruisirent. Certaines guerres de course ont réussi, d’autres
ont échoué.
Dans toute guerre de course, il y a donc lieu de prendre en compte trois éléments :
a. L'hostilité du milieu : H
b. Le soutien apporté aux éléments de la subversion : S
c. Le degré d’invulnérabilité des éléments subversifs (carapace) : C
Le recours au droit international pour assurer la liberté des transports est l’arme
traditionnelle de ceux qui ont renoncé à s’opposer à la puissance dominante sur mer soit
par affrontement direct, soit par subversion.
Quoiqu'il en soit, le droit international est une contrainte du milieu maritime; ceux
qui conduisent les opérations navales, ceux qui commandent à la mer ne sauraient
l'ignorer, même s'ils choisissent, comme les Anglais. La notion de maîtrise de la mer n'a
pas fait ses preuves pendant la première guerre mondiale.
§7. Défit porté à l'idée de maîtrise dans les années suivant la première guerre moniale
Ne fait aucun doute que le nouvel élément introduit depuis la Grande Guerre par
l'immense développement de la puissance aérienne, a rendu infiniment plus difficile la
situation de celui qui exerce le blocus, situation pourtant déjà rendue difficile avec
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l'apparition des armées sous-marines. Cependant, ici aussi, le dernier mot n'a pas été dit. Il
est très possible que la nécessité stratégique du blocus fasse appel à des types de navires
adaptés aux nouvelles conditions comme ce cuirassé à pont en dos de tortue de l'amiral
Castex qui permettrait aux forces navales de l'avenir de revenir une forme de blocus
rapproché.
Faute de cela, il reste encore la forme plus ouverte du blocus à longue distance
comme elle a été utilisée pendant la Grande Guerre en mer du Nord et en Adriatique.
Cependant, mis à part son application limitée, même sous une forme correspondant à un
minimum de pression sur l'adversaire suffisant pour exercer la maîtrise de la mer, on ne
peut considérer cette forme efficace.
Le mot naval est plus complexe qu’il n’y paraît. Il renvoie à l’instrument, la flotte,
alors que certaines mesures de désarmement devraient plutôt être qualifiées de maritimes
dès lors qu’elles affectent le milieu, c’est-à-dire la mer elle-même. Par ailleurs, le
désarmement naval ou maritime n’est pas limité au seul espace marin. On parle de force
navale, mais aussi de bases navales. La terre étant l’habitation naturel de l’homme, la mer
n’a d’intérêt qu’en tant qu’elle permet une action contre la terre. Des mesures de
désarmement affectant le littoral ont donc indiscutablement une portée navale (ou
maritime). Le problème s’est encore accru au XX e siècle avec l’interpénétration croissante
des milieux terrestres et maritimes, notamment du fait de l’avion.
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Au-delà des variantes qui seront explicitées par la suite, on peut trouver, au moins,
quatre grandes catégories. La première vise le milieu, les trois autres les forces.
deux cas, la solennité des principes proclamés n’a d’égale que leur absence de portée
pratique.
Dans les années 1960, les Etats-Unis et l'Union Soviétique ont envisagé de
compléter leurs sous-marins nucléaires lance-missiles par des dispositifs placés au fond
des mers, qui auraient évité le problème du retour périodique à la base. Il s'agissait, en
somme, de poser des missiles intercontinentaux dans des conteneurs immergés avec lancement
automatique. Les études ont été poussées relativement loin du côté américain avec le projet
Orca, lancé en 1963, puis le projet Scorpion, lancé en 1968. On ne dispose d'aucune
information précise sur les programmes soviétiques. Mais, dans les deux cas, il est
apparu que cette formule était irréaliste, en raison des difficultés de maintenance et de la
vulnérabilité d'installations fixes. Les sous-marins se révélaient, à tous égards,
préférables.
B. Neutralisation et démilitarisation
Autant la neutralité est une institution norme strictement encadrée par le droit
international, autant la neutralisation apparait comme un concept beaucoup mieux adapté
à la stratégie diplomatique qu'à la démarche juridique».
neutralisation n'affecter pas, le plus souvent, l'ensemble du territoire d'un Etat, mais des
régions déterminées.
BIBLIOGRAPHIE
Les données de ce cours ont été tirées essentiellement de l’internet (pour le chapitre
1), de notre thèse de doctorat intitulée Guerre et intégration dans les relations Internationales
Africaines-Lubumbashi, Mai 2008 (pour le chapitre 2). Les données du chapitre 3 ont été tirées
de Jean BARREA (Théories des Relations Internationales et utopies ou la guerre ?), les
stratégies particulières (stratégies terrestres, maritimes et aériennes) nous ont été fournies par
MULAMBA MUBYABO NGELEKA (Géostratégie, UNILU, Lubumbashi).
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