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HGGSP 1 : DE NOUVEAUX ESPACES DE CONQUÊTE

AXE 2 : ENJEUX DIPLOMATIQUES ET COOPÉRATIONS

Introduction : Lorsque Neil Armstrong pose le pied sur la lune le 21 juillet 1969, il prononce une phrase qui va rester
célèbre : « c’est un petit pas pour l’homme mais un bond de géant pour l’humanité ». Même si cette étape de la
conquête spatiale est à replacer dans la Guerre Froide et la lutte entre les deux grandes superpuissances, la notion
d’humanité rappelle que cet événement est commun à l’ensemble de la planète et si la conquête de l’espace comme
l’appropriation des espaces maritimes répond à des logiques de puissance, elle ne peut se limiter à des rivalités. Face
aux faibles connaissances de ces milieux, les hommes ont rapidement pris conscience de la nécessité de mettre en
commun leurs savoirs et de partager leur expérience. Il s’agit aussi de milieux fragiles qu’il convient de protéger.
Coopération, gouvernance et protection sont aussi des enjeux géopolitiques majeurs pour l’espace et les océans.

Problématique : Comment répondre aux enjeux géopolitiques de la découverte et de l’exploitation de l’espace,


des mers et des océans ?

I. Coopérer pour développer la recherche : la station spatiale internationale.

A. Un projet international spatial sans précédent.


La coopération internationale spatiale : même si la conquête spatiale se déroule principalement entre l’URSS et les
États-Unis, dans un contexte de Guerre Froide, les coopérations internationales spatiales apparaissent et se multiplient
dès les années 60. Dès le début de l’aventure spatiale, l’espace est considéré comme un bien commun. En 1967, un
traité international de l’espace est signé par les deux superpuissances dans lequel sont posés les grands principes du
droit spatial et de la coopération. L’URSS signe en 1966 un accord avec la France pour la coopération scientifique et
technique dans l’espace alors que la NASA développe avec plusieurs pays européens une coopération pour
approfondir les connaissances sur les phénomènes atmosphériques.

La naissance de l’ISS : l’idée de mettre en orbite une station spatiale permanente se développe dans les agences
spatiales soviétiques et américaines. Si chaque puissance créé sa station spatiale (Mir Skylab) , la réduction des crédits
de la NASA, ainsi que les difficultés financières de l’URSS, poussent à un rapprochement annoncé en 1984 par Ronald
Reagan. Ce projet rassemble finalement les cinq grandes agences spatiales : USA, Russie, UE, Canada et Japon qui
signent en 1998 l’accord intergouvernemental sur la station spatiale internationale. L’ISS est un gigantesque puzzle
qui va se construire dans l’espace autour du premier module russe Zarya. En 2010, l’ISS est totalement opérationnelle.

L’entente américano-russe au cœur de l’ISS : le tournant du projet américain de la station spatiale se déroule en 1993
lorsque la Russie renonce à développer sa propre station spatiale et rejoint le programme de l’ISS. Les rapprochements
entre véhicules américains et russes se multiplient. Le premier module de la station internationale, Zarya, est élaboré
par les Russes mais financé par les États-Unis. Après l’accident de la navette Columbia en 2003, les États-Unis
renoncent à la construction de navettes spatiales. Le vaisseau spatial russe Soyouz devient alors le véhicule officiel
pour approvisionner et rejoindre la station internationale. Cette entente américano russe correspond au
multilatéralisme des années Clinton, durant lesquelles les États-Unis, considérés comme la grande puissance,
cherchent à mettre en place une coopération internationale autour de l’Enlargment. En 2021, l’arrivée de Space X
redonne aux États-Unis l’importance stratégique du véhicule Terre-ISS et témoigne de la volonté des États-Unis,
puissance remise en cause, de reprendre le leadership scientifique.

B. Un outil de développement de la coopération internationale.


L’ISS en quelques chiffres : Longue de 110 mètres, la station spatiale internationale tourne en orbite basse autour de
la terre à 400 km environ à 27 600 km/h, ce qui lui permet de faire 16 fois le tour de la terre en 24 heures. Habitée en
permanence par trois puis six personnes depuis 2009, l’ISS a coûté depuis 1998 près de 150 milliards de dollars, dont
une part importante a été financée par les États-Unis. Au total, ce sont près de 230 astronautes de 18 nationalités
différentes qui ont séjourné à bord de l’ISS. Parmi eux 146 sont Américains, 47 sont Russes et 4 sont Français.

Un outil de recherche scientifique : L’ISS se compose d’un laboratoire américain en micro gravité dans lesquelles sont
développées les expériences nécessaires pour la future mission sur Mars (notamment la protection contre les
radiations, la production d’oxygène, de ressources énergétiques, les nouvelles combinaisons spatiales des
astronautes…). On y trouve aussi le module Columbus, mis au point par l’agence spatiale européenne et dans lequel
sont effectuées des recherches en Science et Vie de la terre et en physique, notamment sur l’alimentation des
astronautes (programme Energy). L’ISS se compose aussi du module Kibo, laboratoire japonais, qui est le plus grand
laboratoire de la station. De nombreuses recherches dans la mécanique des fluides, la cardiologie ou encore les
neurosciences sont mises en pratique et expérimentées dans l’ISS

Un exemple de coopération géopolitique : L’expérience soviétique puis russe dans les stations spatiales est
primordiale dans le succès de l’ISS. L’URSS en 1971 est la première nation à construire en apesanteur et à développer
une station spatiale (Saliout). S’appuyant sur le savoir-faire de l’ex-URSS, les modules de vie et le véhicule sont de
conception russe. Du coup, malgré les tensions parfois très fortes entre Russie et les États-Unis, le fonctionnement de
l’ISS n’est jamais remis en question. Il y a en permanence un Russe et un Américain. L’annexion de la Crimée en 2014
et les sanctions internationales votées contre la Russie, dont l’exclusion du G8, n’ont pas remis en cause ces accords.

C. Enjeux et défis de l’ISS.


Un bilan contrasté : alors que le coût de construction et l’exploitation de la station internationale est toujours plus
élevé, certains détracteurs dénoncent d’un bilan scientifique pauvre. Dans le projet initial de la NASA, l’idée était de
faire de l’ISS un hub, un relais spatial pour les vaisseaux, les satellites et les hommes vers la Lune. Si certaines
expérimentations ont permis de réelles avancées scientifiques, l’avenir de l’ISS est incertain. Désireux de relancer la
course vers la Lune et Mars, Donald Trump a annoncé en 2018 la fin du financement américain en 2024. Si les
principales puissances se sont entendues pour que l’ISS reste active qu’en 2030, et que des projets touristiques voient
le jour, les projets de bases lunaires semblent signer la mort programmée de l’ISS.

La Chine, adversaire de l’ISS : en 2011, alors que l’assemblage de l’ISS est à peine terminé, la nouvelle puissance
spatiale chinoise refuse d’intégrer le projet international pour développer sa propre station, Tiangong. La Chine, qui
ambitionne de devenir la première puissance spatiale, veut mettre en place un fonctionnement de sa station sur le
même principe que l’ISS, c’est-à-dire une station ouverte aux recherches scientifiques. Face à la remise en cause du
projet international de l’ISS, la station chinoise s’affirme comme le prochain laboratoire extra-atmosphérique. Difficile
d’imaginer cependant les États-Unis, et dans une moindre mesure la Russie, renoncer à la concurrence spatiale avec
la Chine.

II. Rivalités et coopérations dans le partage, l’exploitation et la préservation


des ressources des mers et des océans.

A. La mise en place d’une gouvernance mondiale.


Vers l’affirmation d’une souveraineté sur les mers : En 1609, le traité maritime d’Hugo Grotius, Mare liberum, met
en place le principe fondamental du droit des mers, celui de la liberté et de la libre circulation. Si, au début du XXe
siècle, une distinction s’opère entre haute mer et mer territoriale, cette dernière se limite à une mince bande côtière
(trois miles). Aucune règle juridique internationale ne s’impose cependant et les rapports de force et le droit coutumier
restent les moyens de résoudre conflits et litiges. Après 1945, les nouveaux états issus de la décolonisation réclament
une règle internationale. En 1958, une première convention des Nations Unies met en place un droit de la mer et une
première distinction entre mer territoriale sous la souveraineté pleine d’un État, plateau continental dans lequel les
états peuvent exploiter des ressources naturelles et la haute mer.

Créer des règles par la convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM) : dans les années 60, les progrès
technologiques permettent d’exploiter les ressources offshores, renforçant les rivalités entre les états, notamment
pour les hydrocarbures et les ressources halieutiques. En 1973, débute la troisième conférence des Nations unies sur
le droit de la mer (CNUDM) qui aboutit à la signature en 1982 de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer
à Montego Bay en Jamaïque après 11 sessions de négociations, ce qui illustre les difficultés à trouver un consensus
parmi les représentants des 160 états signataires. La convention définit différents espaces maritimes :

- La zone de souveraineté pleine et entière de l’État côtier jusqu’à 12 milles marins (les eaux intérieures).
- La zone économique exclusive, espace marin large de 200 milles nautiques (370 kms) dans lequel l’État côtier
dispose de droits exclusifs sur l’exploration et l’exploitation des ressources.
- La haute mer dont l’accès est libre et garanti pour l’ensemble des pays ce qui permet la libre circulation des
navires, mais aussi la pose des câbles et des conduites.

En haute mer, les ressources sont considérées comme « patrimoine commun de l’Humanité » et leur exploitation est
encadrée. L’autorité internationale des fonds marins de l’ONU est chargée de réguler leur exploitation. Cette
convention ne parvient cependant pas à mettre en place une protection du milieu marin universel, même si elle
impose à tous les états la protection et la préservation de l’environnement marin des océans.

B. Des rivalités dans le partage des ressources.


Litiges frontaliers sur les océans : on dénombre aujourd’hui entre 70 et 80 litiges frontaliers dans le monde. Les îles
et les archipels sont particulièrement concernés, car ils donnent accès à des ZEE immenses. Ainsi, la France, grâce à
ses départements et régions d’outre-mer en particulier la Polynésie, possède une zone économique exclusive de plus
de 10 millions de kilomètres carrés. L’une des zones les plus contestées de la planète est la mer de Chine dans laquelle
de nombreux archipels sont revendiqués par plusieurs états : les îles Senkaku/Diaoyu, les îles Spratley encore les îles
Paracel. Dans l’océan glacial arctique, la fonte de la banquise provoque des litiges et des revendications par les
principales puissances : Russie, Canada, États-Unis, Norvège, Islande…

Litiges sur les ressources : de nombreux conflits touchent aussi la question des ressources et notamment des
ressources halieutiques. Si un conflit a longtemps opposé l’Union européenne à la Norvège, l’un des enjeux principaux
du Brexit a été la question des ressources halieutiques. Au Sénégal, les derniers accords conclus entre le gouvernement
sénégalais et l’Union Européenne ont donné l’accès des eaux sénégalaises aux navires européens qui sont considérés
comme l’un des principaux facteurs de la disparition des poissons dans les eaux sénégalaises et donc de l’émigration
des populations qui vivent de la pêche. Les terres rares, qui sont indispensables au développement de l’électronique
et des produits numériques, sont aussi au cœur des recherches dans les sous-sols. Ainsi, les chercheurs japonais
estiment que les réserves de terres rares présentes dans le Pacifique sont 1000 fois supérieures aux réserves
terrestres.

Régler les litiges par le TDIM : Afin de régler les potentiels litiges entre les états dans le tracé des frontières maritimes,
une commission des limites du plateau continental est mise en place en 1997 pour examiner les demandes d’extension
du plateau continental au-delà de 200 milles marins. En 1996, un tribunal international du droit de la mer (TIDM) est
créé pour trancher les litiges et conflits (29 affaires jugées depuis sa création). La Cour Internationale de Justice peut
aussi trancher les questions relatives au droit des mers. Mais là encore, les interprétations du droit de la mer peuvent
différer : comme la convention de Montego Bay précise que les rochers, qui ne peuvent pas avoir de vie économique,
ne peuvent servir de support à la délimitation de ZEE, la Chine occupe certains îlots sur lesquels elle construit des îles
artificielles pour contourner le droit international. Bien que l’extension de la ZEE soit limitée à 350 milles marins pour
le plateau continental, la Russie revendique une partie importante de l’océan glacial arctique, plantant
symboliquement un drapeau russe au fond de l’Océan en 2007.

C. L’enjeu de la protection et de la préservation des milieux.


L’Autorité Internationale des Fonds Marins : Les eaux territorialisés (zone de souveraineté et ZEE) ne représentent
que 34 %, ce qui signifie que les 2/3e des mers et océans sont considérés comme « Patrimoine commun de
l’Humanité ». Si l’exploitation des ressources halieutiques se fait au nom de la liberté de la mer, la convention a créé
une institution, l’autorité internationale des fonds marins (AIFM) pour exercer la souveraineté de la communauté
internationale sur ces espaces et sur les ressources minérales. Il s’agit de réguler les activités menées dans les fonds
marins internationaux mais pas de les empêcher. L’AIFM a déjà permis la prospection en vue de l’exploitation de
certains espaces (Clipperton, dorsale de l’Océan Indien). La découverte de terres rares dans ces espaces renforce la
convoitise des grandes FTN et des principales puissances économiques.

La BBNJ : L’autre enjeu majeur des eaux internationales est la protection de la biodiversité marine. Ces eaux abritent
une richesse végétale et animale encore méconnue et surtout mal protégée. La préservation de la biodiversité dans
ces espaces est au cœur des négociations de la Conférence Internationale sur la Biodiversité Marine (BBNJ Biological
diversity beyond national juridiction) qui tente depuis 2018 d’aboutir à un accord sur une gestion durable de la
biodiversité et une protection accrue des écosystèmes menacés.

Des milieux fragiles et en danger : les espaces marins en général, et la haute mer en particulier sont aujourd’hui
menacés par le changement climatique global qui provoque l’acidification des océans. La surpêche ainsi que la
pollution (plastique) ont des effets très importants sur la biodiversité. La décomposition des déchets plastiques en
particules de micro plastique cause des dégâts quasi irréversibles dénoncés par les ONG et les associations. La haute
mer, qui représente 43 % de la surface de la planète, est l’espace le moins protégé (1,1 % est protégé).

Conclusion : L’espace, comme les mers et les océans, sont donc des espaces qui ont vu se développer des formes
diverses de coopération. En définissant un droit et des règles communes, la communauté internationale a considéré
ces espaces comme « patrimoine commun de l’Humanité ». Si les difficultés et la complexité de l’exploration et de
l’exploitation spatiale et sous-marine ont favoriser la coopération entre les états, la tendance à l’exploitation et à la
privatisation de la conquête spatiale comme des fonds sous-marins pose des questions importantes sur la durabilité
de la gestion de ces environnements entre un espace qui voit se multiplier les déchets, les satellites abandonnés et
une haute mer où les courants marins font naître des continents de déchets plastiques.

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