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Méridionale
Résumé
Les auteurs présentent les résultats d'expérimentations pratiques faites à l'occasion de la reconstitution de céramiques
grecques et romaines. Les superficies nécessaires à l'activité d'un atelier de potier, ainsi que les quantités d'eau et de bois pour
la préparation, puis la cuisson d'une fournée, la conduite du feu, sont des indications précieuses pour l'approche des ateliers
antiques et de leurs contraintes.
Abstract
Quantitative data about the preparation and baking in wood-kiln of actual reproductions of Greek and Roman pottery.
The authors present the results of practical experimentation obtained in reproducing Greek and Roman pottery. The surface
area required for the activity of a pottery workshop, the quantity of water and wood needed for the preparation, than the firing of
the kiln and the control of the fire are some of the precious indications for a better understanding of antique pottery workshops
and their contraints.
Echallier Jean-Claude, Montagu Jean. Données quantitatives sur la préparation et la cuisson en four à bois de reconstitutions
actuelles de poteries grecques et romaines [Technologies céramiques]. In: Documents d'Archéologie Méridionale, vol. 8, 1985.
pp. 141-145;
doi : https://doi.org/10.3406/dam.1985.962
https://www.persee.fr/doc/dam_0184-1068_1985_num_8_1_962
Résumé - Les auteurs présentent les résultats d'expérimentations pratiques faites à l'occasion de la reconstitution de
céramiques grecques et romaines. Les superficies nécessaires à l'activité d'un atelier de potier, ainsi que les quantités d'eau et
de bois pour la préparation, puis la cuisson d'une fournée, la conduite du feu, sont des indications précieuses pour
l'approche des ateliers antiques et de leurs contraintes.
(Mots-dés : Atelier de potier, Technologie de la céramique)
Quantitative data about the preparation and baking in wood-kiln of actual reproductions of Greek and Roman pottery
Abstract - The authors present the results of practical experimentation obtained in reproducing Greek and Roman
pottery. The surface area required for the activity of a pottery workshop, the quantity of water and wood needed for the
preparation, than the firing of the kiln and the control of the fire are some of the precious indications for a better understanding
of antique pottery workshops and their contraints.
(Key words : Pottery workshop, Pottery Technology)
♦♦* I.G.A.L.,
Champis -2126240
rue d'Assas
SAINT-VALLIER-SUR-RHÔNE
- 75270 PARIS CEDEX 06
1 - J. Montagu.
2 - J. Montagu, Technologie defabrication des céramiques antiques. Thèse, Paris-Sorbonne, 1984 ; J.-Cl. Echallier, Eléments de technologie céramique et d'analyse
des terres cuites archéologiques, n° spécial des Doc. d'Archéol. Mérid., série "Méthodes et Techniques", 3, 1984.
3 - Le délayage, anciennement fait à la main est ici fait avec un délayeur électrique à pales, ce qui permet de gagner du temps et évite le recours à l'esclave antique,
mais le résultat est identique.
4 - Des surfaces dallées de tuiles plates à rebord (tegulae) retrouvées en divers endroits et en particulier à Lezoux, sont sans doute des bacs de lévigation et non
des bacs de décantation. En effet, ces structures paraissent trop peu profondes pour obtenir une bonne séparation par décantation. Celle-ci est par ailleurs
une opération beaucoup plus longue que la lévigation et qui permet une moins bonne séparation des phases argileuses et sableuses, car en tombant au fond
le sable a tendance à faire floculer les argiles qui plombent et se mélangent en partie au sable. Inconvénient que l'on n'observe pas dans la lévigation, qui
a un caractère dynamique.
5 - L'usage de simples fosses creusées dans la terre permet, par la perméabilité du contenant, d'accélérer considérablement la déshydratation dans le bac de
mentation. Les fosses antiques paraissent avoir été de ce type.
6 - Les refus sont les fractions supérieures à 40 qui sont éliminées de la terre au cours du traitement.
7 - L'utilisation de terres plus fines permettrait de réduire cette proportion de refus mais ne la supprimerait pas. Il existe d'ailleurs peu de terres qui ne doivent
pas être épurées pour faire des poteries fines.
DONNEES EXPERIMENTALES DE RECONSTITUTIONS CERAMIQUES 143
Voûte
Laboratoire Ligne isotherme 860° C Registre
Enfournement
Enfournement à boucheton sur plateaux
sole
Alandier
3B
Fig. 3 - Schémas de fours à flamme directe : 3A - four à voûte traditionnel ; 3B - four grec.
8 - J. Montagu, Les secrets de fabrication des céramiques antiques, Saint- Vallier-sur-Rhône, 1982.
144 J.-Cl. ECHALLIER et J. MONTAGU
j;
■
300 -
Il faut 12 heures pour la cuisson et 40 heures pour
!
100 -
La consommation de combustible ne suit pas
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 exactement la courbe de montée en température (fig.4) et
s'il ne
50° C au
fautcours
que 24
de kg/heure
la premièrede heure,
bois pour
il enmonter
faut 315
de
kg/heure
880° C. pour monter seulement de 10° C à partir de
Fig. 4 - Courbes de consommation-température dans le four utilisé.
On constate qu'il faut en moyenne 400 kg de bois
par m3 de four (laboratoire) pour une cuisson ordinaire.
4.3. CONDUITE DE LA CUISSON A la cuisson on observe un nouveau retrait, qui varie
selon les terres et qui, pour une température de
Dans l'exemple présent le combustible est constitué cuisson de 800° à 900° C, peut être estimé à une moyenne
par des fagots de bois de 12 kg environ. De la de 0,9 %. A ce moment le volume du kilo de terre
température ambiante à 300° C les portes d'alandier restent initial n'est donc plus que de 0,72 dm3. On enregistre
ouvertes. Les fagots sont chargés progressivement dans également une nouvelle perte de poids, qui dépend aussi
l'alandier de façon à obtenir une montée en de la nature de la terre (et de la température de
température approximative de 50° C à l'heure (9). A 300° C cuisson) et qui, dans les conditions moyennes de cet
les flammes ont tendance à sortir de l'alandier et il est exemple, peut être estimée grossièrement à 5 °/o. Notre kilo
nécessaire de fermer les portes pour continuer la de terre originelle ne pèse donc plus, après cuisson, que
chauffe. La fermeture des portes entraîne une 0,73 kg environ.
élévation très rapide de la température dans le laboratoire
du four. Pour corriger cette accélération il est
nécessaire à ce moment de ne plus alimenter le foyer qu'avec 5. Conclusion
des demi-fagots de gros bois (pendant une heure) puis
à l'aide de fagots légers (également pendant une heure) Les données fournies ici sont valables pour des fours
avant de reprendre la chauffe avec des fagots normaux. de type grec ou des fours romains à flamme directe,
Jusqu'à 800° C l'ensemble du four se trouve mais elles sont également valables (à quelques petites
naturellement
800° les effets
en atmosphère
de la loi deoxydante
Gay-Lussac
(10).(11)
A partir de corrections près, car il s'agit alors de fours de types
moins performants) pour les fours de potiers
commencent à se faire sentir, ce qui se traduit par une fumée protohistoriques.
de plus en plus noire à la sortie de la cheminée. Autant les surfaces d'ateliers peuvent apparaître
A partir de 900° C le registre de la cheminée est faibles, autant les consommations en eau et en
partiellement fermé. La température du laboratoire combustibles sont importantes : pour préparer 1 kg de pâte il
diminue alors légèrement, puis reste stationnaire, même si faut en effet 10 litres d'eau et il faut 4,5 kg de bois pour
l'on continue de charger l'alandier pendant plusieurs le cuire dans le meilleur cas.
heures. En effet, si au début de la cuisson on a : Si nous calculons les valeurs rapportées au kilo de
C + O2 — CO2 + 97,6 calories, après fermeture terre cuite, qui constitue le seul élément que nous
partielle du registre on aura : CO2 + C — 2CO - 38,8 puissions appréhender à partir de la fouille, nous obtenons
calories. pour 1 kg de terre cuite (sans tenir compte ici des
En atmosphère réductrice (avec registre partiellement altérations secondaires ou de l'eau d'imbibition provenant
fermé) le four se met en pression et des flammes de l'enfouissement) :
9 - de
Lestempératures
températures supérieures
ont été contrôlées
à 800°jusqu'à
C. Ces 900°
montres
C à l'aide
fusiblesd'un
ontpyromètre
l'avantageà d'intégrer
thermo-couple
le facteur
et parallèlement
temps, ce que
avecnedespeut
montres
faire fusibles,
un pyromètre
qui couvrent
classique.
les plages
10 - La fumée claire qui sort de la cheminée jusqu'à 800° C est caractéristique de l'atmosphère oxydante. C'est d'ailleurs l'arrêt de la fumée qui indique le moment
de recharger l'alandier. Mais à partir de 800° la fumée devient noire, puis s'éclaircit à chaque fois avant de disparaître, ce qui montre que dans la réalité
l'atmosphère de cuisson passe alternativement par des phases réductrices puis oxydantes. Tout en restant globalement réductrice.
1 1 - D'après la loi de Gay-Lussac : V = Vo (1 + t), dans laquelle : V, est le volume de la masse gazeuse ; Vo, est le volume initial : , le coefficient de dilatation
(environ 1/273 pour la majorité des gaz courants) ; t, la température d'échauffement. En conséquence, si l'air est chauffé à pression constante de 0° C à
t = 819° C par exemple, son volume devient : V = Vo (1 + 819/273) = Vo x 4. Le volume d'air nécessaire à la combustion a donc quadruplé, puisque
à volume égal il contient quatre fois moins d'oxygène. Ce qui explique la diminution de rendement du four lorsqu'on monte en température.
12 - Pour les terres cuites actuelles voir en particulier : V. Bodin, Technologie des produits de terre cuite, Gauthier-Villars, Paris, 1956.
DONNEES EXPERIMENTALES DE RECONSTITUTIONS CERAMIQUES 145
- 13,7 litres d'eau ont été nécessaires pour le préparer ; eau et non par rapport aux veines d'argiles ou aux
- 6,2 kg de bois ont été nécessaires pour le cuire. ressources en combustible. Il ne nous semble pas que cette
relation avait été clairement établie jusqu'à maintenant.
Ces données n'ont qu'une valeur indicative (12). En
effet les résultats dépendent des terres utilisées, du type Les expérimentations de J. Montagu ont par ailleurs
de four (qui est plus ou moins efficace), du type de montré que les potiers antiques disposaient des moyens
combustible, de la température de cuissson maximale et de nécessaires, très simples, pour préparer leurs pâtes et
la durée de la cuisson. Si nous pouvons les considérer réguler leurs températures de cuisson. Les potiers grecs,
comme valables pour les potiers grecs, il est sans doute par exemple, pouvaient cuire leurs vernis noirs dans une
nécessaire de les majorer pour les potiers proto- fourchette très étroite de températures (905° C ± 10°),
historiques. en homogénéisant cette température par la forme du
four et la mise en pression de celui-ci par le fait qu'en
Ce qui nous paraît le plus important c'est de réduisant l'ouverture de la cheminée en cours de
constater que les quantités les plus contraignantes à mettre cuisson (tout en continuant à charger l'alandier) on obtient
en œuvre ne sont ni la terre, ni le bois, mais l'eau. Ceci immédiatement (en vertu de la loi de Gay-Lussac) une
nous semble impliquer une dépendance principale de diminution de température, qui écarte le risque
localisation des ateliers par rapport aux ressources en d'emballement de la cuisson.