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INTRODUCTION............................................................................................................................3
Le marché français des miels ............................................................................................................. 3
Avant de vous présenter ces analyses relativement complexes, parlons d’un paradoxe du marché
français. Nous avions fait une étude en 2014, une enquête après de 800 consommateurs en leur
demandant l’origine des miels qu’ils consommaient : pour eux, quelle était l’origine du miel qu’ils
avaient dans leur placard ? 80 % des français pensaient avoir des miels français chez eux. Or cette
année-là, du fait d’une récolte très faible (2014 a été une année très mauvaise pour l’apiculture
française), il n’y avait que 25 % de miel français sur le marché français. Il y a un paradoxe en terme
d’image : les gens pensent consommer des miels français alors qu’ils consomment des miels
importés. Le marché des miels français est structurellement déficitaire et la France importe des
quantités très importantes de miel.
Avant de présenter ces chiffres, un mot sur la méthodologie qui est retenue pour présenter les
analyses du marché : c’est la méthode dite « des bilans ». On compare des ressources (la récolte
française, les importations, les éventuelles variations de stock) et les emplois (les emplois étant la
consommation des ménages français, de la restauration, des exportations et dans un sens inverse
des variations de stocks si elles sont positives). Normalement les ressources sont équivalentes aux
emplois.
En 2016 on comptait 49 840 apiculteurs en France. Parmi ces apiculteurs, on comptait à l’intérieur environ
4 000 apiculteurs professionnels qui pouvaient être soit plus réactifs, c’est-à-dire avoir une autre activité
générant des revenus autres que l’apiculture, soit spécialisés, c’est-à-dire que l’apiculture constitue, pour
eux, leur seule source de revenus.
Quelques chiffres
maintenant sur la
production en France
en 2016. Nous avons ici
sur le graphique à
gauche, le nombre
d’apiculteurs selon la
taille du cheptel de
l’exploitation et à
droite, la quantité de
miel produite en France
en 2016.
Chaque apiculteur a une stratégie qui lui est propre. Cependant, nous avons regroupé les apiculteurs sur
trois grands critères afin de pouvoir faire une analyse et une description pertinente.
Les premiers profils, de 1 à 5 sont constitués par les apiculteurs qui sont spécialisés dans la production de
miel.
Le premier profil est constitué par les apiculteurs qui vont valoriser une partie de leur production
avec de la transformation (pain d’épices, nougat etc…).
Les profils 2 et 3 se distinguent par leur mode de commercialisation et par la part de leur
production qui est vendue en direct.
Les profils 4 et 5 se distinguent par leur transhumance. Certains vont être des grands
transhumants et vont aller chercher des miellées spécifiques assez lointaines et d’autres vont
avoir une production plutôt locale voire sédentaire et sont en régions de grandes cultures.
Ensuite si on regarde les exploitations qui ne sont pas spécialisées dans la production de miel, on a des
exploitations qui sont plutôt orientées vers la production de gelée royale. Ils peuvent être spécialisés soit
dans la production de gelée royale, c’est-à-dire que toute l’organisation de leur activité va être tournée
autour de la production de gelée royale (profil 6), soit plus diversifiés et ils vont avoir à la fois un atelier
de production de miel et un atelier de production de gelée royale (profil 7).
Enfin le dernier profil, qui est peu représenté à la fois dans notre échantillon, mais aussi au niveau national
est constitué par les apiculteurs qui sont spécialisés dans l’élevage, c’est-à-dire la production d’essaims
et de reines pour la vente.
Dans la suite, les données que nous montrerons sont issues du réseau d’exploitations de référence et le
profil 8 « élevage » qui est peu représenté n’apparaîtra pas.
Tout d’abord sur la taille des exploitations : dans notre échantillon d’exploitations, on observe une très
grande variabilité de la taille du cheptel des exploitations. Les apiculteurs peuvent avoir de 130 à 2500
colonies hivernées, c’est-à-dire colonies présentes sur l’exploitation en fin d’année. La moyenne est de
550 colonies hivernées sur l’ensemble des exploitations. Cette grande variabilité s’explique en partie par
la main d’œuvre qui est disponible sur l’exploitation. Ceci se mesure avec l’UMO, l’unité de main d’œuvre
qui correspond à un temps complet passé sur l’exploitation. Dans le réseau, on compte en moyenne deux
unités de main d’œuvre par exploitation et cela peut aller de 1 à 5,2 UMO. Il faut noter que la moitié du
réseau a recours à de la main d’œuvre salariée qui est plutôt saisonnière.
Si on rapporte maintenant le nombre de colonies détenues par l’apiculteur à la main d’œuvre disponible,
on regarde le nombre de ruches que peut gérer une personne à temps plein sur l’exploitation. C’est ce
que montre le graphique qui vous est présenté ici en fonction du profil de l’exploitation.
Ce qu’on peut observer, c’est que certaines activités, comme la gelée royale, le conditionnement, la
transhumance, ou encore la vente en direct qui demandent un temps de travail à la ruche plus élevé vont
réduire ce ratio et donc demander un temps de travail à la ruche plus important.
C’est ainsi qu’on voit par exemple sur la barre qui est tout à droite les exploitations qui vendent en vrac
et qui ne font pas ou peu de transhumance peuvent gérer un nombre de ruches plus important par unité
de main d’œuvre. La moyenne est de 640 colonies hivernées par UMO contre 295 colonies hivernées par
UMO en moyenne sur l’ensemble des autres profils.
Les barres verticales sur le graphique représentent les écarts-types c’est-à-dire la variabilité que l’on peut
constater à l’intérieur des groupes et cette variabilité peut s’expliquer par plusieurs facteurs : du fait déjà
de la diversité des ajustements que peut faire l’apiculteur à l’intérieur des mêmes profils sur la gestion
de cheptel, la gestion de son renouvèlement de cheptel, les parcours de transhumance qu’il peut faire,
mais aussi par l’expérience de l’apiculteur, son niveau technique ou bien les contraintes personnelles qu’il
peut avoir.
Nous allons maintenant tenter de vous présenter quelques enjeux auxquels doivent faire face les
exploitations apicoles professionnelles pour pouvoir atteindre leurs objectifs, à savoir avoir un revenu
suffisant et stable dans des conditions de travail qui sont acceptables pour eux à la fois au niveau éthique
ou social.
De nombreux facteurs vont jouer sur le revenu et la qualité de vie de l’apiculteur. Certains facteurs
peuvent dépendre d’eux-mêmes et d’autres facteurs sont extérieurs à l’exploitation.
Leur revenu va dépendre en premier lieu de la production de l’exploitation donc du rendement qu’ils vont
obtenir sur leur production. Ces rendements vont dépendre à la fois de la ressource alimentaire qui est
disponible pour les colonies, en quantité et en diversité, et aussi de la taille et de la qualité du cheptel.
Est-ce que le cheptel est en bonne santé ou pas ? Le cheptel et les ressources alimentaires vont dépendre
à la fois des pratiques apicoles de l’apiculteur, mais aussi de facteurs extérieurs qui peuvent être des
stress biologiques, des stress chimiques ou encore la météo qui va impacter l’état des ressources
alimentaires disponibles pour les colonies d’abeilles.
Un autre facteur qui va jouer sur le revenu des apiculteurs est bien sûr l’état du marché qui est accessible
à l’apiculteur. Par exemple sur les dernières années, certains apiculteurs ont témoigné de difficultés à
écouler leur production en vrac.
Les types de charges vont dépendre à la fois des choix de production, des choix de commercialisation, de
la main d’œuvre et de l’équipement.
Les grandes charges de l’exploitation sont constituées :
De la main d’œuvre constituée à la fois par
les salaires et les charges sociales dont les
charges à la MSA (Mutualité Sociale
Agricole),
L’éventuel nourrissement pour
l’alimentation des colonies en cas de disettes
et aussi pour l’hivernage des colonies,
Le carburant utilisé à la fois pour les
transhumances mais aussi pour les visites de ruches, la commercialisation etc…,
Ou encore les charges de commercialisation donc surtout pour les exploitations qui conditionnent
leurs produits, qui vont être les charges d’emballage, les emplacements pour les marchés, les
étiquettes etc…
Les autres charges sont listées ici, nous n’allons pas toutes les détailler.
Certaines charges sont fixes et relativement constantes chaque année, mais certaines autres charges
comme par exemple le nourrissement et l’achats de cheptel vont largement être soumises aux conditions
de l’année, comme par exemple des pertes de cheptel qui vont être plus importantes certaines années
que d’autres ou encore la météo qui va impacter le niveau de disponibilité des ressources et induire
potentiellement des disettes pour les colonies.
Ainsi pour assurer la pérennité de l’exploitation, l’apiculteur doit dégager un produit suffisant pour à la
fois payer les charges, assurer l’entretien et le renouvèlement des matériels et du bâtiment, se rémunérer
à hauteur de son travail et avoir une trésorerie et des stocks de produits finis suffisants pour assurer la
pérennité de l’exploitation et faire face aux éventuels aléas de production.
Pour résumer, face aux nombreuses incertitudes auxquelles les apiculteurs peuvent faire face, que ce
soient des pressions sanitaires, des pertes et affaiblissement de cheptel, des rendements en miel, en
pollen, en cire, en propolis qui peuvent être très variables et enfin, les marchés incertains, il faut que les
apiculteurs puissent avoir un système qui supporte ou s’adapte aux conditions de l’année, que ce soit en
modifiant les produits qu’ils proposent, par de la variation du parcours de transhumance, en ajustant le
nourrissement en cas de disette, par une gestion sanitaire particulière si des problèmes sanitaires se
posent sur l’exploitation, par le renouvèlement du cheptel en augmentant l’effort d’élevage en cas de
perte ou d’affaiblissement du cheptel et enfin par la quantité de produits commercialisés ou stockés.
D’autres paramètres peuvent aussi permettre l’ajustement et la pérennité de l’exploitation.
Le miel
Le miel fait partie des rares aliments à bénéficier d’une définition réglementaire. Cette définition est
européenne, elle protège le produit au niveau du territoire de l’Union Européenne : le produit qui est
justement récolté sur le territoire de l’union européenne par les apiculteurs qui y résident, y ont leur
activité, et également les produits qui sont importés sur ce territoire. Cette règle européenne s’applique
à tous les miels commercialisés sur le territoire de l’union européenne.
Alors, cette définition, qu’est-ce qu’elle nous dit ? Elle nous dit que le miel est le produit élaboré par
l’abeille, à partir des substances qui sont prélevées sur les végétaux, des gouttelettes sucrées, nectar ou
d’autres gouttelettes sucrées qui sont laissées là par des insectes piqueurs-suceurs qui viennent piquer
la plante et ingérer la sève pour leur propre nourriture et en délaisser une partie azotée qu’ils ne digèrent
pas, ce qu’on appelle le miellat. Et ces substances sucrées, nectar et miellat, vont être transformées par
l’abeille, entreposées par l’abeille dans les rayons de la ruche et là, ce produit qui est le miel va mûrir
dans les rayons de la ruche. D’après cette définition et de manière complètement schématique, l’abeille
va donc récupérer des substances sur les végétaux, les transformer et les stocker dans la ruche.
Le miel c’est :
Un produit fabriqué par l’abeille
A l’état de produit fini dans la ruche
Auquel on ne peut rien ajouter ni retirer
Donc pour résumer, le miel est un produit élaboré par l’abeille, qui est à l’état de produit fini dans la
ruche, et pour lequel l’opérateur, qu’il soit apiculteur, grossiste ou négociant, ne peut rien ajouter ou rien
enlever. Le produit doit rester de manière intégrale conforme à ce que l’abeille a élaboré. Ce qui veut dire
que le règlementation Européenne apporte une protection juridique extrêmement forte au produit et
par extension, si elle protège le produit, ça protège les producteurs et ça protège les consommateurs.
Donc ça c’est extrêmement important.
Alors une fois qu’on a défini le produit, on peut se demander quelles sont les caractéristiques principales
de composition du miel.
La gelée royale
Le troisième produit de la ruche que l’on va vous présenter, c’est la gelée royale. C’est un produit plus
rare et plus précieux, plus précieux parce que produit en très faible quantité et ça demande énormément
de travail aux apiculteurs. Il est connu pour ses très grandes propriétés et très peu connu finalement des
consommateurs.
Qu’est-ce que la gelée royale ? On le connait, quand les consommateurs connaissent la gelée royale, ils
connaissent ce produit sous forme de gelée un peu blanchâtre, et très acide, ça n’en fait pas un produit
très gustatif, mais c’est un produit qui a d’énormes qualités. Dans la ruche, c’est un produit qui va
permettre de nourrir les jeunes larves pendant leurs premiers jours, mais ça sera aussi la nourriture
exclusive de la reine, d’où son nom, gelée royale. Alors c’est un produit qui est extrêmement énergisant,
tellement énergisant que la reine des abeilles va vivre jusqu’à 50 fois plus longtemps qu’une abeille
ouvrière grâce à cette gelée royale, donc c’est extrêmement fortifiant.
Cette composition dépend beaucoup des pratiques apicoles. Les apiculteurs français se sont organisés
pour essayer de définir et de produire dans les meilleures conditions possibles la gelée royale française.
Donc ils ont élaboré en fait une charte de qualité qui permet d’encadrer techniquement la production de
gelée royale et qui permet également de labéliser de manière privée la gelée royale française.
La gelée royale française produite sous la charte qualité du groupement
des producteurs de gelée royale française se retrouve en fait sur le
marché par le consommateur grâce au logo qui est apposé sur les pots.
Alors, que garantit cette charte qualité ? D’abord un contrôle des
intrants et des pratiques qui permettent d’éviter tout résidu inadéquat
dans la gelée royale, comme, par exemple, des larves d’abeilles qui n’ont
rien à y faire.
C’est également un maintien absolu de la chaîne du froid. C’est
extrêmement important puisque c’est un produit qui craint les écarts de
température. C’est par exemple également, un produit qui doit être
produit à partir de ruches nourries exclusivement avec du miel.
Et enfin, c’est l’intérêt pour le consommateur, c’est que cette gelée royale française fait l’objet d’une
traçabilité extrêmement précise et contrôlée par un organisme certificateur.
Les consommateurs plébiscitent ces produits que sont le pollen, la gelée royale et le miel. Ce sont des
produits qui sont extrêmement demandés mais dont les conditions de production ne sont pas au rendez-
vous. Donc la production est relativement faible. Et quand on a un produit très demandé et une
production faible, forcément on est dans une situation où les fraudes peuvent s’installer sur le marché.
Evidemment dans ce climat-là, le consommateur a besoin de repères
Parmi les repères extrêmement intéressants apportés par la réglementation, il y a l’étiquetage et les
mentions d’étiquetage.
Pour tous les produits de manière générale, on doit retrouver sur l’étiquetage un certain nombre
d’informations qui sont importantes :
Évidemment le nom du produit, ce qu’on appelle la dénomination de vente
Le nom de celui qui met en marché, ça va être l’apiculteur, ça peut être une société,
Le poids net évidemment et
La date de durabilité du produit. La date de durabilité du produit, elle est différente selon le type
de produit, ça va être une date de durabilité minimale pour le miel, ça va être une date limite de
consommation pour la gelée royale qui est un produit périssable.
En ce qui concerne l’origine géographique qui est une des mentions d’étiquetage extrêmement
importante, que le consommateur recherche, elle est obligatoire seulement pour le miel. Sur certains
Les éléments qu’il faut noter aussi en matière d’étiquetage c’est que le consommateur peut repérer un
miel avec une origine géographique précise grâce au signe officiel de qualité, les IGP, les AOP. Seuls 5
miels français bénéficient de ces signes de qualité : le miel de Corse, le miel des Cévennes, le miel de
Provence, le miel d’Alsace et le miel de sapin des Vosges. Ce sont des produits qui sont finalement
relativement rares, quand on les compare à d’autres produits agricoles. Et ces cahiers des charges en fin
de signes de qualité vont en fait certifier l’origine géographique des produits grâce à des contrôles
réguliers sur le produit et sur les structures qui produisent ou mettent en marché pour contrôler à la fois
la qualité du produit et la traçabilité. Pour le consommateur, repérer sur l’étiquetage d’un pot de miel
une IGP ou une AOP, c’est une garantie d’origine géographique.
Pour les autres produits l’origine géographique est facultative sauf pour la gelée royale où effectivement
les producteurs de gelée royale française se sont engagés à la labéliser avec leur logo "gelée royale
française".
Autre particularité qu’on pourrait évoquer dans cette partie-là, c’est l’agriculture biologique. On retrouve
de plus en plus sur le marché effectivement des miels, du pollen et de la gelée royale avec la mention
agriculture biologique. Alors qu’est-ce que ça signifie ? Ça signifie que le producteur s’est engagé à
respecter la règlementation européenne sur l’agriculture biologique.
Qu’est-ce qu’on peut dire rapidement de ce cahier des charges qui est dense (accessible sur internet) ?
Il y a d’abord une question de zonage : le produit doit être récolté dans une zone géographique
essentiellement exempte de toute pollution. Donc ça c’est le premier élément.
Deuxième élément, c’est la nécessité pour l’apiculteur, donc le producteur de miel, pollen, gelée royale
d’utiliser des abeilles qui ont été élevées dans le cadre de ce qu’on appelle l’agriculture biologique.
Et c’est également l’obligation pour le producteur de ne pas utiliser de produits de synthèse pour le
traitement de ses colonies.
Donc il y a un certain nombre d’éléments qui viennent garantir des pratiques dites biologiques au
consommateur.
En résumé, on peut dire que toutes les réglementations existantes devraient permettre au
consommateur de trouver son produit facilement, d’avoir les garanties nécessaires lors de ses achats
dans un marché totalement transparent donc c’est évidemment très souvent le cas.
Malheureusement, le miel, le pollen, la gelée royale n’échappent pas en fait à des phénomènes de fraude,
c’est bien dommage, mais c’est comme ça. Ce sont des produits à forte valeur marchande qui rencontrent
une demande de plus en plus forte et dans un contexte de sous production, la tentation est assez grande
pour les opérateurs peu scrupuleux évidemment de proposer à tout prix et quoi qu’il arrive des produits
mal étiquetés, voire même des ersatz.
Il existe très peu de signes de qualité officiels pour les miels en France. Il y a peu de régions qui ont
pour l’instant développé cela. On a en 1er, pas historiquement, mais en 1er au niveau de l’organisation
professionnelle, on a la Provence qui est très loin devant dans le volume, le nombre d’apiculteurs
adhérents, le syndicat du miel de Provence et des Alpes du Sud, qu’on appelle plus couramment le
SYMPAS dont je suis le président. C’est un organisme de défense et de gestion des appellations « Miel
de Provence » et des labels rouges qui sont rattachés. Cette organisation regroupe aujourd’hui à peu
près 230 – 240 personnes ou organismes car ça regroupe des producteurs, des apiculteurs tout
simplement, des coopératives, des personnes qui organisent des groupages, des négociants (on
considère comme négociants, ce n’est pas celui qui vend le miel, enfin il peut le vendre aussi, mais
ce n’est pas le distributeur, c’est celui qui va mettre en pots le produit fourni par l’apiculteur et
l’apiculteur le lui fournit en fûts, en vrac. Ça peut être des miels d’excellente qualité et en plus ils sont
repris derrière par un conditionneur, quelqu’un dont c’est le métier de mettre en pot.
Dès qu’on associe les 2 mots « miel » et « Provence », on est obligé aujourd’hui de se soumettre au
cahier des charges de l’Indication Géographique Protégée « Miel de Provence ». On a un contrôle
interne via le syndicat et un contrôle externe via un organisme indépendant (Qualisud chez nous) qui
contrôle tout cela et qui vérifie que tout est conforme. Ensuite, sont associés à l’IGP 2 labels rouges
qui existent sur les miels de Lavande et les miels de Toutes fleurs de Provence s’ils sont de qualité
supérieure. Si j’attrape un pot de miel sous IGP, je regarde la date, il a une DDM de 02/09/20. Si je
prends les cahiers, je retrouve immédiatement de quelle cuve cela vient, quel rucher, pas la ruche
mais le rucher, ça c’est sûr, à quel moment il a été produit, dans quelles conditions. C’est une
traçabilité qui est très importante.
Aujourd’hui, c’est l’Ukraine qui est le 1er pays exportateur vers la France, qui est passé devant la
Chine, la Turquie, l’Argentine. Donc on est devant un phénomène… J’ai su que ces miels-là peuvent
être livrés en France à 1 euros 80 rendus. Miel + transports. Pas en pots. En fûts. Mais enfin… 1 euros
80, quel apiculteur en France peut vivre en vendant le miel à ce prix-là ? On est donc devant une
concurrence extrêmement forte, avec des miels qui peuvent être, dans certains cas, corrects et puis
aussi des miels qui sont de qualité extrêmement basse, voire même qui ne sont pas du miel parce
que on y trouve beaucoup d’ajout de sirops, en usine, en Asie, etc… Tout cela peut poser problème.
Comment orienter le consommateur ? C’est compliqué parce que, évidemment, si c’est de la fraude,
ce n’est pas écrit. La suspicion peut venir du prix… Et puis ensuite, cette notion de « Pays d’origine ».
Il faut quand même regarder, tourner le pot jusqu’à ce qu’on est compris ce qui est écrit, ça vient
d’où ? A partir de là, si cela semble cohérent avec la dénomination de vente, le pays d’origine et le
prix, on peut quand même déjà se faire une idée, en dehors des signes de qualité officiels, je parle
de miel vendu normalement avec un étiquetage classique. On peut quand même se faire une idée,
sans passer 3 heures à regarder les pots ? Si l’acheteur prend le temps de regarder ce qui est écrit en
petit derrière, il a quand même une idée de ce qu’il est en train d’acheter. On ne sortira pas par le
bas, on ne peut pas lutter aux prix ni aux volumes. Il y a des pays et des endroits, même en France,
où on fait beaucoup plus de miel, ça c’est clair. Et puis il y a des pays où la main d’œuvre, où le tout
fait que c’est possible de vendre du miel pas cher. Il n’y a que la qualité supérieure et l’identification
Les fraudes
De manière générale, quelle que soit la fraude, elle doit être relevée par les services officiels qui
fâcheusement souffrent d'un manque de moyens, ça il faut vraiment le dire. Et l'aide des syndicats ou de
toutes les structures apicoles ou agricoles est nécessaire pour détecter les fraudes et essayer de les
arrêter. C'est en tout cas essentiel pour défendre, en fait, une certaine idée de la qualité au profit des
consommateurs et des opérateurs de la filière.
Le laboratoire d'expertise des miels a été créé dans les années 68 par la coopérative France Miel pour un
souci d'équité et de traçabilité du miel.
Les miels de la coopérative sont réceptionnés, un échantillon est pris, fût à fût, cet échantillon vient au
laboratoire et on va commencer à l'analyser pour confirmer l'appellation et regarder un petit peu, tout
ce qui est qualité. Chaque année, il y a à peu près 5000 à 6000 échantillons de la coopérative et d'autres
échantillons qui arrivent de l'extérieur. Nos clients sont les apiculteurs, mais aussi parfois, des organismes
qui contrôlent les IGP ou les labels rouges, comme IGP Provence ou IGP Cévennes, IGP Alsace…
On reçoit les échantillons de l'année et on doit contrôler qu'ils respectent bien leur critère d'analyse, leur
cahier des charges. Les apiculteurs nous envoient un registre de miellerie, où ils vont indiquer le nom du
rucher, la commune, enfin la région et ça, nous, on doit le vérifier par les analyses polliniques. Les
échantillons arrivent au laboratoire, parfois avant les fûts, pour permettre de vérifier déjà qu'il n'y a pas
de résidus d'antibiotiques par exemple. Donc s'il y a un souci, les fûts n'arriveront pas à la coop.
On va commencer les analyses aussi de tout ce qui est appellation et qualité, comme la teneur en HMF,
la teneur en eau. Et puis, on va les goûter un par un. L'analyse sensorielle est une chose qui est vraiment
importante, c'est ce qui va démarrer les analyses derrière. La teneur en HMF (Hydroxy-Méthyl-Furfural),
c'est une dégradation des sucres en milieu acide, c'est un indice de vieillissement du miel. Donc ça existe,
ce n'est pas un poison, tous les produits sucrés, comme dans la confiture, mais il y a un certain taux qu'il
ne faut pas dépasser dans le miel, parce que ce taux d'HMF, il augmente avec le vieillissement du miel et
la chauffe, donc c'est un indice de fraîcheur du miel. Après, par exemple, si on dépasse les 40 mg par kg,
ce n'est plus du miel et ça devient du miel destiné à l'industrie.
Pour analyser les appellations florales, par exemple, on va regarder la teneur en sucres, enfin, les
différents sucres qui constituent le miel, l'analyse pollinique, le goût, la couleur, la conductibilité
électrique. Mais tout ce qui est origine botanique, c'est plus l'analyse pollinique. Donc l'analyse pollinique,
elle est importante, parce qu'elle nous aide à identifier l'appellation florale, mais aussi c'est un peu la
Après les analyses, on va voir si le miel correspond aux caractéristiques attendues. Par exemple, un acacia
à telle ou telle caractéristique : la couleur, le goût, le spectre des sucres. S'il ne rentre pas dans ces
caractéristiques-là, il est reclassé, ou en miel de fleurs, par exemple, ou en miel de cultures. Les analyses
des miels de la coopérative permettent ensuite une traçabilité sur toute la marque "Les compagnons du
miel". On arrive presque du miel à la ruche. Donc les analyses permettent la garantie de la qualité et de
la traçabilité du produit. Nous fournissons un bulletin d'analyses à l'apiculteur qui lui permet de présenter,
ou sur les marchés, ou à ses clients que l'appellation de son miel est conforme.
Mais on fait partie de comparaisons inter laboratoires qui nous envoient un échantillon plusieurs fois
dans l'année et qui contrôlent nos analyses par rapport aux autres laboratoires. Donc ça c'est important
pour savoir où est-ce qu'on en est. On a aussi des contacts avec d'autres laboratoires étrangers, par
exemple DHT, Institut Honey Commission qui permettent aussi d'échanger sur des problèmes de qualité
ou bien d'appellations qu'on ne connait pas en France.
Le laboratoire intervient aussi pour des échanges et des formations comme par exemple l'analyse
sensorielle. Et tous ces échanges avec les apiculteurs leur permettent de progresser et la coopérative
aussi.Les savoirs ne restent pas au laboratoire, mais sont partagés avec les apiculteurs et la filière apicole.
Les apiculteurs sont quand même conscients qu'ils parlent de leur produit, de la traçabilité, puis de la
qualité pour pouvoir se battre par rapport aux miels d'importation. Et c'est ça qui a fait augmenter les
analyses, ils n'étaient pas conscients avant qu'il fallait analyser leur produit, maintenant ils le font
volontairement parce qu'on leur demande cette traçabilité.