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Semaine 2

Semaine 2 – Abeilles et environnement 1


SOMMAIRE SEMAINE 2 - ABEILLES ET ENVIRONNEMENT

INTRODUCTION .............................................................................................................................. 3

LA POLLINISATION.......................................................................................................................... 3
Le processus de pollinisation ............................................................................................................. 3
Les réseaux trophiques ...................................................................................................................... 8
Rôles clé de la pollinisation entomophile pour la production agricole ........................................... 10

RESSOURCES ALIMENTAIRES ET POPULATION DE POLLINISATEURS ............................................. 13


Importance des ressources alimentaires ......................................................................................... 13
Impact des activités humaines – Aménagements des zones agricoles ........................................... 16
Impact des activités humaines – L’usage des pesticides ................................................................. 19
Hétérogénéité des paysages ............................................................................................................ 20

POLLINISATION ET ACTEURS D’UN TERRITOIRE ............................................................................ 23


Le service de pollinisation, au cœur d’inter-relations entre réseaux trophiques et réseaux
d’acteurs .......................................................................................................................................... 23
Les acteurs d’un projet : mon village espace de biodiversité.......................................................... 24

Semaine 2 – Abeilles et environnement 2


INTRODUCTION

Lors du thème 2 « Abeilles et environnement », seront présentées les interactions des abeilles
domestiques et de l'ensemble des pollinisateurs, avec l'environnement.

Seront présentées toutes les interrelations existant entre les abeilles domestiques, les abeilles
sauvages, les plantes de culture et les plantes sauvages, mais également l’ensemble des acteurs de
territoire qui vivent dans le paysage agricole, que ce soient les agriculteurs, les apiculteurs, les
citoyens, et enfin les élus.

Au cours de la semaine les présentations vont permettre de construire une vision systémique du
paysage agricole au travers de trois sous thèmes :

- Un 1er sous thème va présenter le processus de pollinisation, comment il conduit à fournir un service
de pollinisation et son implication dans la production agricole.

- Le 2ème sous thème va s'intéresser à l'ensemble des éléments nécessaires au maintien des
pollinisateurs (l'abeille domestique ou pollinisateurs sauvages) dans leur environnement, c'est à dire
les ressources alimentaires, l'impact des pressions anthropiques et l'importance de l'hétérogénéité
de cet environnement.

- Enfin, la dernière partie de la semaine présentera la pollinisation au travers des interrelations entre
les acteurs, que ce soient les agriculteurs, les apiculteurs, les élus et les citoyens. Cela permettra
d’illustrer comment ces pollinisateurs, au travers des processus de pollinisation peuvent permettre
de recréer un lien entre les humains et leur territoire.

LA POLLINISATION

Le processus de pollinisation

Chez les plantes à fleurs un processus de reproduction s'accomplit par la production de graines qui
sont logées dans un fruit. Graines et fruit sont donc issus d'un processus en deux temps, un processus
de pollinisation et un processus de fécondation. La fleur est un organe qui est optimisé pour la
reproduction et qui est constitué de 4 pièces florales différentes qui sont insérées sur un petit organe
qui est le réceptacle.

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- Les premières pièces florales sont les
sépales et l'ensemble des sépales forme le
calice.
- La deuxième série de pièces florales
s'appelle les pétales et ils forment
ensemble la corolle.
- La troisième série d'organes s'appelle les
étamines. Les étamines produisent les
grains de pollen qui correspondent à la
fonction mâle de la plante.
- Et enfin les carpelles contiennent des ovules et ces carpelles sont souvent soudés entre
eux et forment le pistil. C'est la fonction femelle de la plante.

Sur la figure suivante, est présentée une fleur dont les trois
premières séries de pièces florales ont été extraites. Il ne
reste donc plus que le pistil.
Un pistil s'organise en un ovaire. Cet ovaire est creux et abrite
des ovules. L’ovaire est surmonté d'un style et d'un stigmate.
Le stigmate a une fonction importante parce que c'est lui qui
va recevoir les grains de pollen.
Un grain de pollen arrive sur un stigmate. S'il y a
compatibilité, il va germer et va donner un tube pollinique qui
va descendre lentement dans le style pour pénétrer à
l'intérieur de l'ovaire et délivrer une spermatie au niveau de
l'ovule. Cette spermatie va assurer la fécondation et cela va
déclencher la production d'une graine et d'un fruit.

Chez la grande majorité des angiospermes ou des


plantes à fleurs, les fleurs sont hermaphrodites,
c'est à dire qu'elles ont à la fois des étamines et des
ovaires.

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Il y a donc une possibilité pour des grains de pollen d’une fleur de se déposer sur le stigmate de cette
même fleur, mais aussi des grains de pollen produits par une fleur de se déposer sur le stigmate d’une
autre fleur de la même plante. On parle alors d'un processus d'autofécondation ou
d'autopollinisation. En revanche, si le grain de pollen vient d'une autre plante on parle
d'allopollinisation.
L'autofécondation ou l'autopollinisation est une chose extrêmement importante dans l'évolution des
pièces florales, puisque la fécondation par un auto-pollen peut produire de la consanguinité et donc
fortement altérer la survie des graines produites : on parle de dépression de consanguinité. La
dépression de consanguinité est un des moteurs majeurs de l'évolution des processus de fécondation
chez les plantes.
La fécondation est un processus en deux temps : il faut d'abord qu'il y ait un processus de
pollinisation, c'est à dire le voyage du grain de pollen à partir d'une étamine sur le stigmate et ensuite
il faut qu'il germe et qu'il délivre sa spermatie : c'est la fécondation à proprement parler.
Pour que le grain de pollen voyage d'une étamine jusqu'au stigmate, il faut qu'un vecteur de
transport prenne en charge ce grain de pollen. Chez les plantes à fleurs, il y a deux grands types de
transporteurs essentiellement : le vent et les animaux.
Quand le vent est le transporteur du grain de pollen, on parle d'anémogamie et de plantes
anémogames. Quand ce sont des animaux qui transportent les grains de pollen on parle de zoogamie
et de plantes zoogames.

Exemple d’une plante anémogame = une graminée.


Les plantes anémogames doivent optimiser le transport
de leurs grains de pollen par le vent. Ce sont de ce fait
généralement des plantes qui produisent des fleurs pour
lesquelles les étamines sont très exposées au vent et une
énorme quantité de pollen. Ce sont également des
plantes dont la fonction femelle a des structures
spécialisées capables de récupérer ces grains de pollen
dans l'air. Généralement le style et le stigmate ont des
structures plus ou moins ramifiées, rameuses, qui
ramènent le maximum de grains de pollen qui flottent
dans l'air.
Par ailleurs, les pièces florales, le calice et la corole sont
généralement régressés et de couleur verdâtre du fait de l’absence d’intérêt de ces fleurs à attirer
des animaux.

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Exemple d’une plante zoogame
Plusieurs types d'animaux sont impliqués dans les
processus de pollinisation zoogame. Le premier
grand groupe et largement majoritaire est constitué
par les insectes et parmi les insectes, on a plusieurs
ordres qui sont impliqués: les papillons, les abeilles
et les bourdons, les coléoptères, les diptères, les
syrphes etc…

Mais il y a d'autres groupes animaux qui peuvent participer à la pollinisation par les animaux comme
les oiseaux et les chauves-souris, mais cela concerne des processus de pollinisation dans d'autres
régions du monde que dans les régions européennes

Les plantes pollinisées par les animaux offrent une ressource à leurs pollinisateurs. Deux ressources
principales sont connues.
La plus populaire c'est évidemment le nectar, un liquide
sucré qui est généralement produit par des petites
structures glandulaires qu'on appelle les nectaires mais
pas toujours.

La deuxième ressource fondamentale, c'est le pollen qui


offre une ressource très riche en protéines. Certains
pollinisateurs ne consomment que du pollen, par exemple
les coléoptères, ou les syrphes sont des pollenivores : ils
ne vont pas du tout chercher à se nourrir du nectar.

Une fleur est un organe qui est optimisé pour maximiser la reproduction. Tout comme il existe un
appareillage nécessaire pour qu'un avion puisse se poser sur un aéroport tel que Roissy Charles de
gaule, cette pensée sauvage est un organe qui est optimisé pour assurer la réception d'une abeille.

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Par exemple, la première chose qu'une abeille va faire quand elle vole,
c'est de localiser la fleur à longue distance. Cela se fait grâce à la
couleur générale de la fleur, mais aussi à ses odeurs qu'elle émet.
Puis quand elle se pose, elle va être guidée par des guides visuels
comme les paternes de rayures et de couleur de cette pensée qui vont
indiquer à l'abeille où se trouve la source de nectar. Elle va donc s'y
diriger et sur son chemin, elle va s'enduire le corps des grains de pollen
produits par les étamines qui sont cachés sur cette fleur mais qui sont
présents.
Eventuellement, elle va aussi déposer des grains de pollen qu'elle avait sur son corps sur le stigmate
et assurer ainsi la fécondation.
La relation entre une plante à fleur et les espèces qui la pollinisent peut être plus ou moins exclusive
: certaines plantes sont pollinisées et visitées par de très nombreuses espèces animales.

Ici vous avez un cirsium avec plusieurs espèces d'insectes qui


viennent récolter du pollen.

Mais certaines espèces ont des relations totalement exclusives


avec un seul pollinisateur.
Vous voyez un un ophrys fer-à-cheval qui pousse dans la péninsule
balkanique et qui n'est visité que par une seule espèce d’abeille, la
Mégachile des murailles…

Dans une inflorescence c’est-à-dire une tige modifiée qui porte des
fleurs, combien de fleurs doivent être ouvertes en même temps ? C'est typiquement une
problématique évolutive à laquelle toutes les plantes à fleurs sont confrontées. Si on ouvre beaucoup
de fleurs, on va être très attractifs pour les pollinisateurs, mais ces pollinisateurs vont avoir tendance
à visiter toutes les fleurs de la même inflorescence et donc faire beaucoup d'autopollinisation. Si on
ouvre peu de fleur on est peu attractif. Le nombre de fleurs ouvertes sur une inflorescence en même
temps est donc totalement optimisé par le gain d'attractivité et le besoin de minimiser les
autopollinisations.

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Les réseaux trophiques

La pollinisation a toujours intéressé les écologues, depuis Darwin, et historiquement, cet intérêt pour
la pollinisation s'est focalisé sur la spécialisation de cette interaction.

On a ici un exemple d'une telle spécialisation avec


une orchidée de Madagascar et son pollinisateur, un
papillon de nuit. Cette orchidée décrite par Darwin,
produit du nectar au bout d'un tube d'une trentaine
de centimètres de long et seul son pollinisateur, ce
papillon de nuit peut accéder à cette ressource.

Cette vision où chaque plante a son pollinisateur et chaque pollinisateur a sa plante a été remis en
question dans les années 90 avec le développement de l'écologie des communautés.
En fait, en étudiant l'ensemble des plantes qui poussent à un endroit donné, l'ensemble des
pollinisateurs qui sont à cet endroit et l'ensemble des interactions qu'il y a entre ces plantes et ces
pollinisateurs, on s'est aperçu qu'en fait, la spécialisation était plutôt une exception que la règle et
que la règle était plutôt le généralisme.

S'il existe effectivement des relations spécialiste-spécialiste, la


plupart des plantes sont visitées par un grand nombre de
pollinisateurs et la plupart des pollinisateurs visitent un grand
nombre de plantes.

Dès lors, les communautés plantes-pollinisateurs ont


commencé à être été étudiées sous la forme de réseaux
d'interactions où on a à la fois on la diversité des plantes, la
diversité des pollinisateurs et les interactions qui visent ces
plantes et ces pollinisateurs.

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L'intérêt de ces approches de réseaux d'interactions, ou plutôt l'un des intérêts majeurs de ces
approches de réseaux d'interactions est de mettre en évidence les interactions indirectes entre les
espèces.

Si on prend l'exemple d'une culture fleurie telle que le colza ou


le tournesol, on va voir certains pollinisateurs présents dans
l'environnement qui vont venir polliniser cette culture.

Ces pollinisateurs vont


également aller visiter des
plantes sauvages. Si on
prend en compte la
phénologie des espèces,
c’est-à-dire les périodes
de floraison des plantes et
les périodes de vol des
insectes pollinisateurs, on
peut s'apercevoir que la
floraison de la culture est
plus courte que la période de vol des pollinisateurs qui viennent polliniser cette culture.

Dès lors, des plantes sauvages vont fleurir avant ou après la culture en question et vont avoir un rôle
extrêmement important pour maintenir les populations de pollinisateurs de la culture, avant et après
la floraison de la culture.
On parle alors d'interaction indirecte entre ces fleurs sauvages et la culture car ces fleurs sauvages
en favorisant ces pollinisateurs de la culture ont un effet indirect positif sur la pollinisation de la
culture.
Ce type d'interaction indirect peut avoir lieu dans le temps comme dans cet exemple, mais il peut
aussi avoir lieu dans l'espace avec des habitats qui vont pouvoir fournir des ressources qui vont être
complémentaires aux ressources fournies par les cultures.

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Rôles clé de la pollinisation entomophile pour la production agricole

Est-ce que la pollinisation par les insectes est importante pour la production agricole ? En fait, parmi
les 100 plantes les plus communément utilisées en agriculture, 70 % de ces plantes dépendent des
pollinisateurs pour leur production.
Cette importance des insectes va dépendre du type de culture.
En fait il y aura certaines cultures qui dépendent
essentiellement des insectes et d’autres cultures comme le blé
ou le riz où on n'aura pas besoin des insectes pour leur
production.
Grosso modo, les insectes représentent 35 % de la production
mondiale agricole.

En fait, les graines et les fruits issus de la pollinisation par les insectes sont pourvoyeurs de très
nombreux micronutriments pour la santé humaine. Chez les cerises par exemple il y a de grandes
quantités d'antioxydants. L'huile de colza est riche en omégas 3 et omégas 6. Dans les pommes on
trouve du zinc, du magnésium. Et le cas le plus parlant est pour la vitamine C, 90 % de la vitamine C
consommée par les humains vient d'une graine ou d'une plante issue de la pollinisation par les
insectes.

De plus l'agriculture devient de plus en plus dépendante des


pollinisateurs comme le montre ce graphique, où les surfaces
des cultures qui dépendent des pollinisateurs ne cesse
d'augmenter depuis 1960.
En conséquence, l'importance des pollinisateurs dans
l'économie mondiale agricole est de plus en plus importante. Au
début des années 90 cela représentait 200 milliards de dollars
par an et maintenant c’est plutôt vers les 300 milliards.
Cette dépendance des pollinisateurs dépend fortement des
pays, avec les pays d'Asie du Sud-Est comme l’Inde qui sont très dépendants des pollinisateurs.
Pour la France, c'est surtout le contour méditerranéen qui dépend des pollinisateurs pour la
production agricole ainsi que les régions de Nouvelle Aquitaine.

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A l'échelle de la plante, les pollinisateurs vont apporter une quantité de pollen plus grande, ce qui va
augmenter le succès de fructification des fleurs et donc augmenter la quantité de fruits ou de graines
par plante. Ceci a un effet sur le poids des graines de ces fruits et finalement cela va augmenter à
l'échelle du mètre carré et donc de la parcelle le rendement
Ces pollinisateurs ont aussi un effet sur la qualité des récoltes.
Par exemple, pour les fraises, lorsque les fleurs de fraises ont eu accès
aux pollinisateurs, les fraises se développent beaucoup mieux et ont un
aspect esthétique supérieur et donc une valeur monétaire plus
importante.

Dans le cas du tournesol, on observe aussi cet effet, les fleurs qui ont accès aux pollinisateurs donnent
des graines avec un pourcentage d'huile beaucoup plus important.
Quels sont les pollinisateurs que l'on retrouve dans les cultures ?
On trouve une grande diversité de pollinisateurs allant des abeilles, des diptères, aux lépidoptères.
Dans des cas plus originaux, par exemple pour l'agave, c'est la chauves- souris qui est le principal
pollinisateur. Mais généralement ce sont les abeilles et les syrphes qui sont des Diptères, qu'on
trouve dans les cultures.
Pour une même culture, on va avoir une diversité de communautés. Par exemple pour le colza, on a
des parcelles avec quasiment que des abeilles et des parcelles avec quasiment que des diptères
autres.
Cette diversité dans la communauté de pollinisateurs va avoir un effet sur le service de pollinisation.
En général plus une communauté est riche en pollinisateurs, meilleur est le service de pollinisation.
Les pollinisateurs sont donc un déterminant majeur de la production agricole et il faut donc les
promouvoir dans les milieux agricoles.
Comment peut-on les manager ?
Les pollinisateurs sont très dépendants des éléments semi-naturels, type bois, haie ou friches.

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Plusieurs études l’ont montré, comme ici dans le cas du coton. Plus ces
éléments sont importants dans le paysage, plus on retrouve des
pollinisateurs dans les cultures.

Les ressources florales autres que la culture elle-même vont également


avoir un effet sur l'abondance ou la richesse des pollinisateurs dans le
milieu agricole. Là c'est une étude qui a été réalisée dans une culture de
myrtilles qui montre que lorsqu'on rajoute des bandes fleuries autour de
ces cultures, on augmente le nombre de visites des pollinisateurs
sauvages et des syrphes.

Les pratiques agricoles ont aussi un impact important sur la présence des pollinisateurs dans les
cultures.
Cette étude montre que plus un paysage est géré
intensivement, moins l'abondance ou la richesse des
pollinisateurs retrouvés dans cette parcelle est faible.
En effet, plusieurs de ces pratiques ont un effet négatif sur les
abeilles comme les insecticides qui réduisent la survie des
abeilles ou les herbicides qui réduisent la quantité des
ressources florales dans le paysage. Généralement plus un
paysage est géré intensivement, moins il y a d'éléments semi-
naturels dans le paysage.
Les pratiques agricoles peuvent aussi modifier directement le
service de pollinisation. Par exemple pour le tournesol, on observe un effet des pollinisateurs que
lorsque la fertilité des sols est importante. En effet plus un sol est fertile plus il permet le
développement des graines issues de fleurs nouvellement pollinisées par les abeilles.

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RESSOURCES ALIMENTAIRES ET POPULATION DE POLLINISATEURS

Importance des ressources alimentaires

Quelles sont les interactions entre les plantes et les insectes pollinisateurs dans un territoire donné ?
Notamment on s'intéresse aux interactions spatio-temporelles donc le long d'une saison.
Elles sont basées essentiellement sur le besoin en ressources alimentaires qui est le besoin de ces
abeilles pour assurer leur survie. On parle à la fois des abeilles sauvages et des abeilles domestiques.
Dans les exemples qu'on va prendre, ce sont d'abord des exemples liés à des suivis d'abeilles
domestiques et puis on parlera des abeilles sauvages.
On travaille dans la Zone Atelier Plaine & Val de Sèvre qui fait 450 kilomètres carrés. Nos résultats
s'appuient sur ces données. C'est une plaine céréalière où on va avoir une sole en colza qui est
d'environ 8% et une sole en tournesol qui est de 10%. Pourquoi je cite ces deux cultures ? Parce
qu'elles sont assez emblématiques à la fois pour l'apiculture, pour l'abeille domestique, parce que ce
sont des cultures de masse qui vont nous permettre d'assurer une grande floraison et une bonne
production de miel. Et c'est aussi assez emblématique parce qu'il y a une homogénéisation du
territoire qui fait qu'il y a une perte de cette diversité végétale. On va le voir justement dans les
différents résultats.

On va regarder d'abord sur ce graphique : il y a une


production de nectar qui est suivi tout au long d'une
saison entre avril et octobre. Au printemps, on voit que
les productions sont assez faibles pour les abeilles
domestiques, donc ce qu'on collecte dans la ruche est
d’environ 10 kg de nectar. Arrive ensuite la période
estivale où on a une augmentation de cette production
d'amassage de nectar par l'abeille domestique pour
monter aux alentours de 25 kg par ruche.

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Quand on regarde quelle est l'origine pollinique de
cette abondance de nectar, on voit qu'elle est expliquée
pour le colza à 80 % donc il y a d'autres sources de
nectar qui sont collectées et pour le tournesol elle est
expliquée à 75 % pour la période estivale.
Qu'est-ce qu'on va trouver d'autres à ce moment-là ?
Des espèces semi-naturelles de type ligneuses telles
que du prunus, des ronces, du châtaignier. Ces
éléments semi-naturels sont aussi importants dans la
collecte de nectar. C'est ce qui va apporter une
diversification, ce qu'on ne retrouve pas sur les grandes
masses fleuries.

Si on s'intéresse
maintenant à l'autre type
de ressource qui est la
ressource en pollen. Si le
nectar qui apporte le
besoin en sucre pour les
abeilles, le pollen apporte
les besoins en protéines.
Vous voyez sur le
graphique, toujours sur la
même période entre avril
et octobre, une
hétérogénéité beaucoup
plus importante avec une variation un peu plus forte et plus marquée des rentrées de pollen dans la
ruche, et notamment entre avril mai et ensuite mai -juillet où on a deux pics.
Ça c'est assez révélateur de périodes d'abondance et de périodes de disette. Donc au printemps, au
démarrage, à la sortie de l'hiver, on a des périodes d'abondance avec beaucoup d'essences semi-
naturelles de type ligneuses, jusqu'à 80% de ligneux, d'érables, de prunus, d'aubépine et que 15%
d'origine du colza. Donc finalement la culture fleurie qui nous intéresse apporte très peu de pollen
alors qu'elle apporte beaucoup de nectar.
Sur d'autres périodes par exemple en juin on a beaucoup plus d'origines polliniques qui viennent des
espèces adventices, des semi-naturelles herbacées qui sont d'ailleurs en voie de raréfaction et très
peu présentes actuellement dans les systèmes céréaliers.
Et ensuite, à la période estivale, la période de floraison du tournesol, on a une production de pollen
qui est globalement expliquée par des pollens de culture et en particulier du maïs.

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Qu'est-ce que nous apprend cette variation ? C'est que finalement le pollen de tournesol et le pollen
de maïs occupent des plus grandes places dans le bol alimentaire. Mais contre toute attente, en fait,
il y a une espèce végétale, le coquelicot qui occupe la seconde place.
Et en fait on s'aperçoit finalement que la diversification du bol alimentaire n'est pas si développée
que cela et notamment, la plupart des pollens comme le pollen de maïs et de tournesol sont assez
pauvres et qu'il y a un fort besoin de diversité florale qui va être un gage de bonne santé des abeilles
par la suite.
La diversification du bol alimentaire des abeilles va être concrétisé sur le territoire par les
aménagements que vont réaliser les agriculteurs et les aménageurs. C'est sur ces sources-là où il va
falloir travailler, comme les bords de champs, les haies, les lisières forestières et voir même l'intérieur
des parcelles. C'est tout ça qui va structurer le paysage. Il y a un réel besoin d'aménagement pour
répondre à la nécessité d'apporter des ressources pour les abeilles.
Alors je vous ai dit qu'on s'intéressait aussi aux abeilles sauvages. Elles représentent, les chiffres sont
connus, 20 000 espèces dans le monde, 7 familles, il y en a 1 000 en France, qui représentent à peu
près 5% de la diversité mondiale. Sur cette zone atelier céréalière, nos études ont montré qu'on avait
à peu près 20% de la diversité française qui était connue et on a pu collecter environ 200 espèces
d'abeilles différentes. Donc il y a une diversité d'espèces dans ces systèmes-là.
Ça serait des genres Lasioglossum, Bombus, des espèces classiques mais peut être aussi d'autres un
peu plus rares. Ces espèces-là contrairement à l'abeille domestique vont être intéressées par des
ressources qui sont sur des espaces un peu moins agricoles au sens production végétale de grande
masse, mais plutôt les interstices, les haies, les bords de champs, tout ce qui va créer cette trame.
Elles vont aussi avoir des capacités de vol assez faibles parfois : de quelques mètres à quelques
centaines de mètres. Donc pour ces abeilles sauvages, il va falloir aussi s'adapter et prendre en
compte leur écologie et leurs besoins et donc adapter les aménagements.
Pour conclure sur cette partie et la présentation des résultats des interactions spatio-temporelles sur
toute une saison, donc des interactions entre les abeilles et le milieu naturel, ce qu'on voit c'est que
les pratiques agricoles ont un effet sur le comportement de ces abeilles, parce qu'elles vont jouer sur
l'abondance et la diversité en espèces végétales. Ce qu'on constate aussi c'est qu'il y a une raréfaction
de la diversité de ces espèces d'insectes pollinisateurs, qui est fortement liée aussi à la raréfaction de
la diversité des assolements de cultures mais aussi de l'ensemble des espaces semi-naturels et de la
diversité florale. Ça va aussi avoir un impact sur la production apicole pour les abeilles domestiques
où on s'aperçoit qu'il y a de moins en moins de production de miel de grande culture de type colza
et tournesol, les quantités baissent de plus en plus. Si les pratiques agricoles ont un effet, on sait
aussi que les solutions vont venir de l'agriculteur et du domaine de l'agriculture. Donc c'est ça qui est
intéressant, c'est qu'ensemble on peut arriver à retravailler ensemble les paysages, notamment en
renforçant les périodes de disette, comme on l'a vu, période de disette ça va être par exemple en
juin où on a une ressource uniquement basée sur des espèces messicoles, adventices messicoles dans
les champs ou en bordure. Il va falloir renforcer ces périodes là avec plus de fleurs, plus de diversité

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et renforcer aussi les espaces interstitiels tels que les haies, remettre aussi beaucoup plus de
légumineuses dans les parcelles. Voilà les défis qui vont permettre de restructurer les paysages et
d'améliorer les interactions entre abeilles et plantes.

Impact des activités humaines – Aménagements des zones agricoles

Revenons sur notre site de recherches préféré, la Zone Atelier Plaine & Val de Sèvre. On étudie les
relations entre l'abeille domestique et les agrosystèmes sur cette zone. On peut s'apercevoir que
l'abeille domestique va avoir une alimentation très irrégulière dans le temps.

Après les cultures d'oléagineux, colza et tournesol qui donnent une


importante alimentation en masse, l'abeille va connaître une dépression
alimentaire, une décroissance des apports alimentaires. Ça c'est le constat
que l'on peut faire en zone céréalière, comme sur la Zone Plaine & Val de
Sèvre.
Cette dépression va donner l'importance à la
flore spontanée, au début de saison ou après
le colza, l'abeille va aller sur la fleur qui est
disponible en bord de champs, dans les lisières, dans les haies. Elle va
alors s'alimenter soit avec des bois, comme au moment de la floraison
du colza, elle va surtout aller chercher son pollen sur les bois, sur les
haies et les lisières, avec toutes les Rosacées.

Et cette flore spontanée va prendre énormément d'importance, surtout


après la floraison de colza où là, l'abeille va avoir à sa disposition
uniquement quelques flores résiduelles dans les bords des champs,
dans les parcelles. C'est là l'importance des plantes dites messicoles,
donc inféodées aux cultures. Par exemple, on sait que le coquelicot
apporte un apport pollinique essentiel à l'abeille domestique.

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Évidemment, qui dit flore spontanée, dit que les pratiques agricoles vont influencer cette flore et
donc indirectement l'alimentation de l'abeille. L’utilisation des herbicides ou certains travaux du sol
vont façonner la flore spontanée qu'on retrouve dans les parcelles, dans les bords de champs et donc
conditionnement l'alimentation de l'abeille domestique.

Si on regarde après toujours cette période, après le colza


et qu'on visite une colonie d'abeilles sur la zone de Chizé,
on va s'apercevoir que le nombre d'ouvrières est à son
maximum, on a entre 25 000 et 30 000 ouvrières dans
les ruches à ce moment-là. Si on regarde les réserves
alimentaires, elles sont au plus bas. Donc on a un vrai
déficit entre les besoins des colonies et l'offre du milieu
en ressources alimentaires.

On s'est intéressé aux répercussions que pouvait avoir ce déficit entre offre et demande. Et on a
démontré que plus la colonie avait une déplétion alimentaire après le colza, donc plus la décroissance
est importante après le colza, moins il y avait d'ouvrières durant l'été, donc moins de force vive dans
les ruches pour par exemple faire du miel de tournesol durant l'été.
Donc ça c'est un constat qu'on a fait sur la zone
atelier et on est retourné au laboratoire pour
essayer de comprendre les mécanismes qui
pouvaient expliquer cela. On a carencé des
ouvrières en pollen pour voir l'impact. On
s'aperçoit que les ouvrières qui doivent être
nourrices au début de leur vie en développant des
glandes céphaliques et mandibulaires pour
nourrir les larves, ces ouvrières avaient des
capacités de nourrices réduites, les glandes
étaient moins développées. C'est un processus qui
peut expliquer ce qu'on a observé sur le terrain.
Puisque les ouvrières ont moins de capacité à
nourrir les larves, il y a moins de larves, donc
moins d'ouvrières adultes naissantes, c'est pour
ça qu'une dépression alimentaire au printemps va
enclencher un effet retard avec moins d'adultes durant l'été.

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Passons à l'été : l'été il y a une grande abondance en pollen issu notamment du maïs et du tournesol.
Si on prend le pollen de maïs, en biomasse, c'est le premier pollen, en quantité récolté dans ce milieu-
là par l'abeille domestique. L'abondance n'est donc pas un problème. Par contre, si on s'intéresse à
la valeur nutritive de ce pollen : on prend ce pollen, on nourrit des ouvrières d'abeilles domestiques
en laboratoire avec et on regarde leur durée de vie.
On s'est aperçu que leur longévité était réduite par rapport au pollen qu'on pouvait récolter à
d'autres périodes. Donc lorsque la valeur nutritive est relativement pauvre, on arrive à réduire la
longévité des ouvrières de 10 jours.
Donc pour résumer durant l'été en zone céréalière comme dans la Zone Atelier Plaine & Val de Sèvre,
on a des populations d'abeilles domestiques qui peuvent être réduites dues à la dépression
alimentaire du printemps et on a une valeur nutritive qui est relativement faible qui peut aussi
réduire la longévité des ouvrières, affaiblissant les colonies,
finalement, à une période qui est stratégique. La période d'été c'est
une période stratégique pour les colonies parce qu'elles doivent
constituer leurs réserves alimentaires pour survivre à l'hiver.
Lors de cette période où les colonies doivent constituer leurs
réserves alimentaires pour l'hiver, ce sont les bois qui ont une très
grande importance. Tout ce qui est haies, lisières, qui je rappelle
apportaient déjà des ressources extrêmement importantes au
printemps. A l'automne, lorsqu'elles accueillent du lierre, ce lierre
apporte des ressources également essentielles pour constituer des
stocks hivernaux dans les ruches.
Et on s'est aperçu que plus on avait des bois sous forme de haie de lisières accueillant du lierre, plus
les ouvrières d'hiver, donc celles qui doivent passer l'hiver, ont une protéine anti-oxydante qu'on
appelle vitellogénine qui en fait est liée à leur longévité. Plus il y a de vitellogénine, plus elles vont
vivre longtemps pendant l'hiver. Voilà l'effet du paysage boisé, plus il y a des haies, plus il y a de
lisières, plus il y a de lierre et donc plus les abeilles d'hiver sont à même de survivre à l'hiver.
Si jamais le paysage ne présente pas de lisière ou de haies, ou pas assez, on peut compenser grâce à
des agriculteurs qui vont semer dans leurs parcelles des inter-cultures. Des inter-cultures, ce sont des
couverts végétaux qu'ils vont semer après la récolte d'une céréale à paille donc une orge ou un blé
et qui peut fleurir pour apporter des ressources aux abeilles. Si, par exemple, vous semez une parcelle
avec un mélange de trèfle, de moutarde, de phacélie, cette culture va fleurir pendant l'automne et
va compenser peut-être un manque de haie et de lisière.
Pour récapituler, en zone de grandes cultures, il faut lutter contre la banalisation de la flore en jouant
sur des éléments fixes comme les haies, les lisières, qui vont amener de la diversité en fleurs ou en
bords de champs, mais on peut aussi jouer dans les parcelles, comme par exemple les inter-cultures,
on vient de le voir, en semant des fleurs, mais aussi en changeant la rotation de la culture.

Semaine 2 – Abeilles et environnement 18


Un agriculteur peut incorporer dans sa rotation de la luzerne, qui est une légumineuse qui est
extrêmement intéressante pour les abeilles, mais pas que pour les abeilles domestiques car elle est
visitée par plusieurs abeilles sauvages également. D'ailleurs pour parler des abeilles sauvages, quand
vous avez un paysage avec beaucoup de lisières et beaucoup de haies, ce sont aussi des sites de
nidification et de reproduction pour les abeilles sauvages.

Impact des activités humaines – L’usage des pesticides

Jusqu'ici, nous avons parlé de qualité, de quantité des ressources alimentaires pour l'abeille
domestique. Mais ces ressources, nectar et pollen, peuvent être contaminées par des résidus de
pesticides. Et il y a un risque d'intoxication de l'abeille par ces résidus.
Alors, les risques liés à la présence de résidus d'insecticides néonicotinoïdes font débat depuis à peu
près 20 ans. Ces insecticides néonicotinoïdes ont été soupçonnés par les apiculteurs, au milieu des
années 90, d'entraîner des effets délétères sur les abeilles. En fait, les apiculteurs observaient des
dépopulations de ruches, notamment des ruches à proximité du tournesol pour une miellée de
tournesol. Et ils ne voyaient pas d'amas d'abeilles devant leurs ruches ou sur le plancher de la ruche.
Donc pas d'abeilles mortes, pas de cadavres. Ils ont donc soupçonné que les butineuses qui allaient
butiner le tournesol étaient exposées à de faibles quantités d'insecticides néonicotinoïdes et cela
entraînait leur non-retour à la ruche.
Il s'en est suivi presque 15 - 20 ans de travaux scientifiques. En fait les scientifiques se sont emparés
de cette hypothèse, comme quoi ces insecticides néonicotinoïdes, à faible dose, entraînaient des
effets sur les butineuses. Mais ils ont buté assez rapidement sur un problème technique qui n'est pas
trivial, qui est comment mesurer de façon fiable qu'une butineuse revient à la ruche ou pas.
Il a donc fallu développer une technologie qui sont des puces RFID que l'on colle sur le thorax des
butineuses, pour savoir, à chaque instant, si la butineuse est sortie ou à l'intérieur de la ruche. On
met des scanners à l'entrée de la ruche et à chaque fois que l'abeille passe sous le scanner, on a
l'heure exacte de son passage. Ainsi, on a pu savoir si des butineuses exposées à de faibles doses
d'insecticides néonicotinoïdes revenaient à la ruche ou pas. Grâce au développement de cette
technologie, on a pu montrer que de faibles doses de néonicotinoïdes comme le thiaméthoxam,
augmentaient par deux ou trois le nombre de butineuses qui ne reviennent pas à la ruche. S'en est
suivi d'autres études qui ont confirmé les effets de ces produits à faible dose sur la survie des
butineuses.

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Après lorsqu'on regarde en conditions réelles la
contamination de l'alimentation de l'abeille domestique, en
fait, il n'y a pas que les néonicotinoïdes que l'on retrouve
dans l'alimentation des abeilles, il y a des autres insecticides,
il y a des fongicides, des herbicides.
En fait la réalité elle est beaucoup plus complexe que l'effet
d'une seule molécule. Et cela l'observatoire des résidus de
pesticides de l'institut de l'abeille le montre bien. Vous
pouvez avoir des pollens qui sont chargés de 10 - 15 produits
en fonction de la période et en fonction de la zone.

Et là les scientifiques sont plutôt démunis pour


connaître la dangerosité de ces cocktails de résidus.
Autant on est assez bien armés, comme je l'ai dit sur
les néonicotinoïdes, pour mesurer l'effet de telle ou
telle molécule, par contre aujourd'hui on est
incapable de dire à un apiculteur qui fait une analyse
de son pollen sur le terrain et qui retrouve un cocktail
de produits, si c'est dangereux ou pas pour sa colonie.

Hétérogénéité des paysages

L'hétérogénéité, c'est quoi ? En fait derrière cette notion, ce mot un petit peu barbare, se cache une
notion très simple d'écologie qui est la notion de diversité : diversité dans les paysages en particulier.
Il faut savoir que les paysages agricoles ont été façonnés par des millénaires d'histoire. Les habitants
des villages, les agriculteurs ont façonné ces paysages à l'image de leurs besoins en ressources. Ils
ont gardé des haies parce qu'ils avaient besoin de bois, ils ont gardé des prairies parce qu'ils avaient
besoin de faire pâturer leurs animaux, leurs besoins de champignons, de fruits, d'osier et ainsi de
suite…
Ces paysages, au fil de l'histoire, notamment en Europe, se sont complexifiés, se sont diversifiés et
ont créé une hétérogénéité qui est à la fois une hétérogénéité spatiale, dans l'espace, une diversité

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dans l'espace, mais aussi une hétérogénéité dans le temps, une diversité temporelle, qui est
évidemment marquée par la saisonnalité.
Et cette diversité a deux facettes : une diversité qu'on appelle de composition, on peut avoir par
exemple différents types de cultures dans un paysage, mais aussi une hétérogénéité de
configuration, c'est à dire l'agencement spatial des éléments. Un paysage agricole, c'est certes des
parcelles agricoles, mais aussi des haies, des villages, des murets, des mares, qui configurent le
paysage et qui le rendent divers.
L'hétérogénéité de la diversité, c'est particulièrement important pour les organismes qui vivent dans
ces paysages, qu'il s'agisse de fleurs ou d'insectes, parce que la plupart des organismes voire tous les
organismes ont besoin de différents types de ressources par exemple pour se reproduire ou
s'alimenter.
Et ces ressources dans les paysages ne sont pas forcément au même endroit. Pour que ces
organismes subsistent il faut quand même que ces ressources soient relativement proches les unes
des autres. La diversité, la mosaïque du paysage agricole est tout à fait clé pour la subsistance, la
survie de tout un panel d'espèces.
Dans le cas des abeilles, cette diversité des paysages a des importances différenciées selon que l'on
s'intéresse aux abeilles sauvages ou à l'abeille domestique.
Pour que les abeilles sauvages subsistent, il faut que les ressources, par exemple la terre nue dans
laquelle la plupart de ces espèces pond, et les fleurs, soient proches les unes des autres parce que
les abeilles sauvages ont des tout petits domaines vitaux.
Pour l'abeille domestique c'est complètement différent pour plein de raisons. La première raison
c'est que l'espèce est domestiquée et donc l'homme fournit la ruche, c’est-à-dire l'habitat de
reproduction. Elle s'affranchit donc complètement de cette notion de besoin d'espace pour la
reproduction. La deuxième raison pour laquelle c'est assez différent, c'est que quand les abeilles
domestiques sont en besoin de ressources alimentaires parce qu'il n'y a par exemple plus assez de
fleurs, l'homme nourrit cette abeille domestique ou cette ruche avec du sirop de sucre. Donc le
caractère contraignant des ressources s'efface un petit peu, mais pas complètement pour autant,
parce qu'une ruche d'abeilles domestiques c'est à peu près en moyenne 30 000 butineuses donc des
besoins en ressources alimentaires qui sont considérables.
Et en fait, quand on regarde un petit peu les choses avec un regard historique, l'évolution de
l'apiculture c'est aussi l'évolution de la taille des ruchers, du cheptel, grâce aux cultures. Notamment,
tout récemment, c’est-à-dire dans les 50-70 dernières années, il y a eu un essor tout à fait
considérable et un changement du mode d'apiculture grâce à l'apparition de cultures florales de
masse, de floraison de masse que sont le colza et le tournesol qui proposent à l'abeille domestique
des quantités absolument considérables de fleurs.

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L'abeille domestique fait face malgré tout à un problème qui est assez considérable qui est un
problème d'écologie et de survie et de subsistance. Certes, il y a ces deux floraisons massives de colza
et tournesol mais dans le temps et dans l'espace, elles sont séparées. Surtout dans le temps, elles
sont séparées de deux mois et ces deux mois entre la floraison du colza et la floraison du tournesol
marque une période que l'on a qualifié de disette alimentaire parce qu'elles n'ont plus de ressources
florales de masse et elles n'ont pratiquement plus de ressources florales du tout. Au point d'ailleurs
où l'abeille domestique, notamment dans les paysages de plaines céréalières intensives du centre de
la France, se nourrissent presque exclusivement de fleurs messicoles et notamment de coquelicots.
C'est une période qui est aussi très contraignante pour les abeilles sauvages parce que du coup, des
dizaines de milliers d'abeilles domestiques se retrouvent en compétition directe avec les abeilles
sauvages sur ces ressources que sont les fleurs, la flore spontanée, les plantes messicoles ou les
plantes adventices. Aujourd'hui pas mal d'évidences suggèrent que cette compétition se traduit par
un déclin des abeilles sauvages qui sont moins compétitives, plus petites, moins nombreuses que
l'abeille domestique.
Et au final, cela nous indique très clairement que dans les paysages agricoles on a besoin d'une très
grande diversité d'habitats non seulement pour l'abeille domestique parce qu'en dehors des périodes
de floraison de colza et de tournesol elles se reportent sur d'autres fleurs et notamment les fleurs
sauvages ou les arbustes dans les haies.
Donc il y a besoin à la fois de prairies de flore spontanée dans les cultures, mais aussi de haies avec
de l'aubépine et autres qui produisent des fleurs, mais on a aussi besoin de cette diversité de
paysages pour les abeilles sauvages, donc à peu près mille espèces en France, qui sont indispensables
à la survie de la flore spontanée parce que l'abeille domestique ne pollinise pas pour autant
l'ensemble de cette flore.
Cette diversité d'habitats, cette diversité de paysage est également entretenue par une diversité
d'acteurs, différents types d'agriculteurs bien sûr, mais aussi des apiculteurs et pourquoi pas les
acteurs du monde de la chasse, les citoyens qui peuvent garder dans leur village ou dans leur jardin
une certaine diversité également d'habitats.
Donc la diversité qui est la clé de la survie de l'ensemble de cette communauté des pollinisateurs,
s'entretient par la diversité des acteurs et des activités.

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POLLINISATION ET ACTEURS D’UN TERRITOIRE

Le service de pollinisation, au cœur d’inter-relations entre réseaux trophiques et réseaux


d’acteurs

Quel est le lien entre la pollinisation et les acteurs d'un territoire ? Alors, il existe plusieurs éléments
de réponse.
Le premier, c'est qu'il faut réaliser que les écosystèmes et les sociétés humaines sont étroitement
liés parce que nous tirons l'essentiel de nos ressources des écosystèmes. Alors comment ? C'est à
travers des processus liés à l'activité biologique des espèces qui existent dans les écosystèmes, la
biodiversité, qui vont assurer des fonctions, nous fournissant des services, les services
écosystémiques, dont on va tirer des bénéfices. Et donc ces bénéfices vont participer à améliorer
notre bien-être. Et c'est exactement l'exemple du service de pollinisation, qui va jouer un rôle clé, un
rôle charnière entre d'un côté les pollinisateurs et de l'autre côté le bien être humain.
Et le deuxième élément de réponse, c'est que, on sait tous que la pollinisation est indispensable à
l'agriculture, à la production agricole, mais malheureusement on oublie trop souvent que 80 % des
plantes à fleurs, des fleurs qui nous entourent, sont pollinisées par les insectes et en particulier par
les abeilles. Alors ça, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que les services de pollinisation ne concernent
pas que les agriculteurs et que les apiculteurs. Le service de pollinisation concerne l'ensemble des
acteurs d'un territoire concerné.
Ces acteurs, c'est qui ? Ce sont les habitants, les élus, les enfants. Donc à mon sens, il devient vraiment
urgent que ces acteurs puissent identifier les bénéfices qu'ils tirent des services, comme par exemple,
le service de pollinisation et qu'ils puissent ensuite identifier la valeur qu'ils donnent à ce service-là.
Et ça c'est une étape extrêmement intéressante et très importante. C'est cette étape-là qui va
permettre leur participation, qui va favoriser leur participation dans la gouvernance des territoires.
Au côté des politiques publiques comme la trame verte et bleue, le plan de préservation des
pollinisateurs.
Cette interaction-là, cette interdépendance entre d'un côté les systèmes écologiques et de l'autre
côté les systèmes sociaux, c'est ce qu'on aborde actuellement dans le cadre conceptuel des socio-
écosystèmes. Et notamment pour répondre à la question, comment les sociétés humaines vont
réussir à apporter des solutions, apporter des réponses au changement global ? Pour répondre à
cette question-là, les citoyens ont besoin de pouvoir apporter des solutions, par l'action notamment,
voir l'innovation, parce qu'on est dans un contexte d'incertitude. Et pour ça, il faut qu'ils aient, qu'ils
puissent exprimer leur propre opinion, qu'ils puissent exprimer leurs choix individuels ou collectifs,
mais des choix liés à un libre arbitre. C'est ça qui est très important.

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Et pour ça il faut 2 choses. La première chose, il faut créer du lien social à l'échelle de nos communes,
de nos territoires. Et la deuxième chose, il faut qu'ils s'approprient de façon urgente les
connaissances nécessaires. C'est tout l'enjeu du dispositif "Mon village, espace de biodiversité" qui
est un dispositif de science citoyenne développé par le CNRS sur différents territoires en France et
en particulier à l'échelle de 23 communes sur la Zone Atelier Plaine et Val de Sèvre en Région Nouvelle
Aquitaine. Les actions de "Mon village espace de biodiversité" vont chercher à créer un dialogue
entre tous ces acteurs du territoire, au sein des communes. Notamment par un échange de savoirs
et de savoir-faire, en respectant la culture de chacun et en particulier autour de l'installation de
ruchers pédagogiques communaux. Mais on va retrouver aussi autour d'universités populaires qui
sont des cours du soir pour adultes ou de la fête des abeilles, une récolte participative du miel.
Donc ce qu'il faut bien comprendre dans ce type de dispositif, c'est que au-delà de la prise de
conscience de la valeur accordée aux abeilles, ce type de dispositif d'implication citoyenne dans la
gestion collective de la biodiversité de nos territoires, en fait, vise les changements, la transformation
sociale et en particulier par l'émancipation.
Les acteurs d’un projet : mon village espace de biodiversité
Avant de participer à « Mon village, espace de biodiversité », je n’avais pas conscience de
l’importance du rôle de l’abeille dans notre environnement, les milieux naturels de notre vie
quotidienne. J’ai pris conscience aussi que l’espace de nos campagnes, nos cours d’école, le décor,
les fleurs, les tableaux fournis l’été par la nature étaient grâce à la pollinisation de l’abeille sur les
fleurs et nous permettaient aussi de nous nourrir au quotidien.

Avant de participer au programme « Mon village, espace de biodiversité », je n’avais pas de


connaissances particulières sur les abeilles, hormis la vision grand public que l’on peut avoir par le
biais de documentaires, de reportages de la télévision etc… Qu’est ce que la pollinisation ? les
colonies ? mais je n’agissais pas concrètement pour les préserver.

Nous avons été contacté par le CNRS il y a quelques années maintenant dans le but d’installer un
rucher communal sur la commune et de choisir son emplacement. C’était la 1ère étape : choisir son
emplacement. Ils nous ont consulté en tant que professionnels pour trouver le meilleur.

Alors, le gros problème, c’était comment parfaire nos connaissances parce que ce n’est pas évident.
On s’est approprié plusieurs outils à travers des lectures, des conférences, des débats, des rencontres
avec des spécialistes, entre autres des entomologistes comme François Lasserre, Vincent Albouis
pour ma part, et puis des professionnels de la biodiversité de Sèvre Nature Environnement. Après,
très rapidement, on a eu envie de faire des choses positives et concrètes sur le territoire. Alors
lesquelles ? Par exemple, une journée rencontre entre les scolaires et un apiculteur car c’est bien là
que commence la sensibilisation, la plantation de haies pour recréer une dynamique dans le paysage,
et offrir un gite et couverts à toutes ces espèces qui souffraient parce qu’on les affamait finalement.
La plantation d’un verger communal aussi, autour du rucher, et là, ça a été une belle expérience : 80
personnes avec les scolaires, les élus, les espaces verts et les citoyens, 80 personnes de 8 ans à 80

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ans, (belle biodiversité aussi ! ) qui se sont retrouvées autour de nos 3 ruches, pour planter 36 arbres
fruitiers.

La place du rucher dans la vie de la commune de Vouyer, elle est importante et elle est extrêmement
positive aussi parce qu’en fait, nous sommes 120 amis du rucher, c’est comme cela qu’on s’appelle,
même si on ne s’est pas vraiment baptisé. On est 120 à participer aux 2 extractions tous les ans, à
recevoir des mails des apiculteurs nous expliquant comment vont les ruches et ce qui s’y passe. Le
rucher en lui-même, c’est un lieu qui est très visité car il est dans le parc de la mairie, donc les écoles
viennent. C’est un but de visite de toutes les générations, et les gens sont très attentifs à la vie du
rucher parce que les citoyens, quand le rucher ne va pas bien, nous posent pleins de questions. Il a
été saccagé en 2015 et en fait, cela avait jeté un effroi sur la commune, les journalistes sont venus,
les passants m’ont arrêté pour me demander ce qu’il se passait et on s’est aperçu qu’il dégageait des
valeurs extrêmement positives. Et aujourd’hui, les élus considèrent le rucher comme un vrai
bâtiment communal, avec un numéro à appeler si ça ne va pas, des agents qui passent régulièrement
pour voir si tout va bien, pour l’entretenir.

Sur la commune, cela nous a permis de rencontrer les gens du Conseil que l’on ne connaissait pas.
On arrivait juste sur la commune donc on ne connaissait pas le Conseil. Toi Christelle, tu t’es plus
occupé de la partie gestion avec l’école, le baptême des ruches, toujours en lien avec l’école. Depuis
notre engagement, on fait la fête des abeilles tous les ans avec eux, on prête notre matériel pour
extraire le miel de la commune. On essaie d’innover un peu tous les ans. Cette année, on a demandé
s’il y avait des volontaires, enfants, adultes, pour venir enlever les hausses et aller extraire. On était
5-6 personnes volontaires qui sont venus enlever les hausses et après récolte. On a fait aussi des
ateliers autour du miel : fabrication de sucettes, limonade au miel, des petites tartines pain-miel.

Ma participation à « Mon village, espace de biodiversité » m’a permis de passer de la théorie à la


pratique, de concevoir, de réaliser concrètement des projets autour du rucher, avec une équipe, les
habitants, la municipalité, les espaces verts. On a réalisé des fêtes des abeilles, et par exemple,
comme l’abeille est un domaine très vaste, on a aussi fait une conférence sur l’apithérapie, comment
se soigner par les produits de la ruche. Pour moi, le rucher est un point de départ : l’abeille est un
sujet qui parle à tout le monde, on connait ou on croit connaitre et c’est une porte d’entrée pour
parler de la biodiversité en général et inciter à sensibiliser, préserver cette biodiversité auprès de son
entourage, de ses collègues, de ses voisins. C’est connaitre pour après avoir envie de préserver. Le
rucher est ce point de départ.

Il y a toujours ce retour qui se fait, même si ce n’est pas encore sur le projet de l’école. Il y a toujours
une continuité et il y a un respect de ramasser un insecte qui est à l’intérieur et le mettre à l’extérieur.
Il y a ce travail, ce respect que j’espère donner aussi à mes petites sections que j’ai cette année.

Ce qui est intéressant avec « Mon village, espace de biodiversité », c’est que la démarche, quand elle
vous est proposé par le biais des écoles, elle vous est proposé déjà co-construite et testée presque,
et complètement organisée. Quand on est un jeune élu sur la biodiversité, on peut aller dans tous les
sens, rien est organisé, je n’ai pas reçu mon petit fascicule de déléguée à l’environnement quand je

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suis arrivée élue ! Tout d’un coup, il y a un projet co-construit qui englobe toute la commune, toutes
ses composantes, toutes les générations qui vous est proposé et qui roule de septembre à
septembre. Ça, c’est quelque chose de formidable !

Pour terminer, une belle aventure humaine, citoyenne et collective qui a été fédérée autour du
rucher, certes, mais qui a essaimé de façon tout à fait naturel pour ouvrir un champ des possibles
porteur d’espoir pour demain.

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