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Le libertinage dans les Arts au XVIII° siècle.

Plan détaillé

I. Les acteurs du libertinage


1) Les hommes
a) Les roués
b) Les petits-maîtres

2) Les femmes
a) Les victimes
b) Les « rouées »

3) La dialectique maître/servant
a) Les servant-es complices
b) Les servantes victimes

II. Un univers théâtral


1) Les lieux d’action
a) Les espaces publics
b) Les espaces privés : intérieurs et jardins.

2) L’importance du jeu
a) Une activité ludique
b) Un jeu de déguisement

III.Un but : la recherche des plaisirs


1) La musique
a) Un plaisir sensuel….
b) Qui devient un instrument du plaisir sexuel

2) La gastronomie
a) Une gastronomie libertine
b) Un instrument du plaisir

3) Les fêtes galantes


a) un lieu propice au libertinage
b) un lieu de « chasse »

Bibliographie
Annexes musicales
Annexes picturales

L’origine du mot libertinage vient du mot latin libertus qui désignaient les esclaves
affranchis. Un changement sémantique s’opéra au XVII° siècle où le mot libertinage pris un sens
philosophique dans le sens où il désignait une réaction contre l’ordre établit. Au XVIII° siècle, il
devint un libertinage de mœurs car il est synonyme de partie de plaisir, de sensualité, de principes de
dévergondage et de dissipation, de liberté de ton et de parole. Après la mort de Louis XIV dont la fin
de règne fut caractérisée par une austérité et une répression à tout écart de la norme religieuse et
intellectuelle, le Régent inaugura une brusque libéralisation des mœurs en établissant à la cours des
maîtresses officielles. L’évolution des idées et notamment l’empirisme anglais qui prône les idées
d’expérience sensorielle et ne voit plus l’idéal humain dans la virginité et l’abstinence mais dans
l’épanouissement des désirs jouèrent aussi un rôle dans l’apparition de cette nouvelle libéralité. Très
vite les grands aristocrates imitèrent le nouveau mode de vie de la cour et le libertinage se diffusa très
rapidement dans toute la société.
Au XVIII° siècle, les Arts (peinture, musique et littérature), au service des plus grands, représentèrent
avec leurs propres moyens ce mode de vie devenu à part entier.
En quoi les différentes représentations artistiques du XVIII° siècle nous donnent-elles
un aperçu du libertinage de cette époque ?
Comment se caractérise la figure du libertin ? Pourquoi peut-on parler de monde
théâtral ? Quel est le but du libertinage ?

La figure du libertin est l’élément clé de cette société du XVIII° siècle et sa définition semble
être constante à travers les diverses représentations artistiques. Le libertin, homme ou femme, peut
certes être identifié comme une personne recherchant les plaisirs, mais il s’intègre dans différentes
catégories selon son caractère et son degré d’initiation. En effet, dans le monde masculin, on peut
distinguer deux types de libertin à savoir les roués et les petits-maîtres. La définition des premiers
nous vient de Crébillon Fils (1707-1777) qui les caractérise comme « un homme qui se sert de
l’amour pour assurer le triomphe de sa fantaisie aux dépens de sa partenaire, qui érige l’inconstance
en principe en ne cherchant que le plaisir des sens et la satisfaction de sa vanité en ne laissant aucune
place aux sentiments.[…] Sa seule occupation est de réduire à merci les femmes sur qui il jette son
dévolu, de rompre et de prendre la société à témoin de la qualité de son triomphe. » Ainsi, le roué se
montre un fin tacticien de la séduction. Adroit, réfléchi et intelligent, il connaît parfaitement la société
dont il ne s’éloigne jamais pour courir les filles. Ses points forts sont la domination, la méthode et la
maîtrise de soi en dissimulant tout sentiment et émotion. En littérature, Pierre Choderlos de Laclos
dans Les liaisons dangereuses (1782) nous donne, avec son personnage Valmont, une parfaite
illustration du libertin qui assimile la séduction amoureuse à la guerre et la chasse. La lettre, destinée à
sa complice Madame de Mertheuil, dans laquelle il relate sa conquête de la présidente de Tourvel qui
lui résistait, ressemble fort à un bulletin de victoire d’un conquérant vantant son stratège. Il écrit en
effet : « Jugez moi comme Turenne ou Frédéric [de Prusse]. J’ai forcé à combattre l’ennemi qui ne
voulait que tempérer ; je me suis donné, par de savantes manœuvres le choix du terrain et celui des
dispositions ; j’ai su y faire succéder la terreur avant d’en venir au combat.» Don Juan, personnage
principal de l’opéra de Mozart Don Giovanni, appartient lui aussi à cette catégorie de libertin. Prêt à
tout (tuer, mentir, se faire passer pour un autre) pour obtenir ce qu’il désire, il ne connaît aucune autre
règle que la satisfaction de son propre désir et la jouissance. Il ne semble ressentir ni remords, ni
regret, ni peur et doute. C’est un insatiable séducteur qui désire tout tout de suite et l’énumération de
ses conquêtes par Leporello devant Donna Elvira dans l’air du catalogue (Acte I, n°4. Cf. annexe p.7)
témoigne très bien de ce caractère. A travers ces deux exemples, on peut discerner la tactique de
séduction idéale du roué, qui consiste en choisir sa victime, choisir le moyen et le moment de sa chute,
faire une publicité de sa gloire, abandonner l’amante qui ne devient qu’un nom sur une liste et passer à
une nouvelle conquête.
Le second type de libertin masculin est le petit-maître. Contrairement au roué qui connaît
parfaitement son art, le petit-maître est un jeune homme qui fait ses débuts dans le monde du
libertinage. Il est en pleine initiation théorique et pratique et correspond à la préfiguration du roué. Lui
aussi se promène dans les salons dans l’intention d’étancher sa soif de conquêtes amoureuses, mais il
n’a pas encore le cynisme et la méchanceté du roué. Généralement, le petit-maître est un jeune homme







de bonne fortune, au sortir de l’adolescence et sans véritable expérience amoureuse. Chérubin, le petit
page dans Les noces de Figaro de Mozart incarne cette figure du petit-maître. Appelé à plusieurs
reprises « petit libertin », il représente la liberté amoureuse qui se soucie de l’âge et de la raison
sociale en aimant sa marraine la comtesse et aussi le libertin inexpérimenté qui vit ses premiers émois
amoureux qu’il ne comprend pas. Il demande même conseil aux femmes pour qu’elles lui expliquent
l’amour dans sa chanson de l’acte II, n°11 (Cf. annexe p.8). Par sa beauté, son charme et même par sa
douce voix, Chérubin ne laisse aucune personne indifférente ; même déguisé en fille par Suzanne et la
comtesse dans l’acte II, scène 12 (Cf. annexe p.8), il conserve ce pouvoir qui peut alors agir sur les
hommes car son rôle est joué par une femme ce qui prouve l’ambiguïté de sa personnalité. Le pendant
en peinture de Chérubin peut être vu dans la figure du jeune garçon du tableau de Fragonard intitulé
Le baiser à la dérobée (Cf. annexe p.14). Le jeune homme, apparemment encore adolescent, semble
surgir d’un balcon pour voler un baiser à une jeune fille venue prendre une étole dans une pièce. Il n’a
pas l’air conscient des risques qu’il prend car à travers une porte ouverte sur une seconde pièce, on
aperçoit deux femmes jouant aux cartes et un homme regarde leurs jeux. A tout moment, cette
situation compromettante peut être découverte par un seul cri de la jeune fille surprise. Le petit-maître,
encore inexpérimenté, prend des risques pour assurer ses conquêtes. Cependant, contrairement aux
roués, il ne fait pas figure de prédateur étant encore inoffensif envers les femmes qui parfois se jouent
de lui.

Ces dernières sont omniprésentes dans le libertinage et peuvent être divisées entre gibier et
chasseresse. Les premières pratiquent ce que l’on peut nommer un libertinage passif car elles ne sont
que de simples objets de désir. Elles présentent toutes le même caractère de femme vertueuse, sensible
et décidée à rester fidèle à son devoir mais elles deviennent alors les victimes préférées des roués et
sont destinées, la plupart du temps, à souffrir. En littérature, madame de Tourvel incarne cette image
de femme vertueuse qui au départ résiste à Valmont puis est victime de son stratagème de séduction
comme nous l’avons évoqué plus haut. A l’opéra, les femmes séduites par Don Juan sont exactement
le pendant de cette figure. Donna Anna et donna Elvira subissent toutes deux les assauts de ce libertin,
se laissent toutes deux séduire et souffrent de son comportement insatiable. Elles ne réclament que
vengeance, que ce soit pour la mort de son père pour donna Anna, ou que ce soit pour la trahison
amoureuse qu’exprime très bien donna Elvira dans son triste et émotif récitatif de l’acte II, n°4 après
que Leporello ait énuméré le catalogue de son maître (annexe p.7).
A l’opposé de ces exemples, certaines femmes sont de véritables libertines actives, dignes
d’égaler les roués. Pour elles, le libertinage est un acte mûrement réfléchi et leur unique but est de
dominer les hommes. Comme leurs homologues masculins, elles utilisent les mêmes stratagèmes et le
même jeu des sentiments pour arriver à leur fin. Le meilleur exemple est le personnage de madame de
Mertheuil dans Les liaisons dangereuses de Pierre Choderlos de Laclos. Dans la lettre LXXXV
destinée à Valmont, elle explique sa méthode de séduction de Prévan. Elle joue sur les signes assignés
à une femme séduite et soumise comme « avoir les yeux baissés et la respiration haute » afin de
réduire son prétendu séducteur à un séducteur berné. Elle y explique sa manœuvre amoureuse en
disant : « Vous jugez bien que mes timides regards n’osaient chercher les yeux de mon vainqueur ;
mais dirigés vers lui de manière plus humble, ils m’apprirent bientôt que j’obtenais l’effet que je
voulais produire ». Ce personnage montre bien qu’en matière de libertinage, hommes et femmes sont
égaux, même si les femmes entreprenantes et prédatrices restent de rares exemples.

Le dernier acteur du libertinage et qu’il ne faut pas oublier de mentionner est le valet ou la
servante car ils accompagnent souvent leurs maîtres dans leurs relations compromettantes. Il faut
distinguer deux types de domestique à savoir celui qui aide son maître et celui qui est victime des
désirs de celui-ci. Dans le premier cas, le valet est toujours proche de son maître lors de ses incartades
amoureuses. Il s’agit de Leporello dans Don Giovanni qui est toujours là où don Juan à besoin de lui :
surveillant quand Don Juan va voir donna Anna (acte I, n°1), justifiant son maître tout le temps (air du
catalogue acte I, n°4), prenant l’aspect de son maître quand celui-ci est démasqué (acte II, n°17). Le
valet est dévoué à son maître et lui sert de double quand tout tourne mal. Le servant peut aussi aider
son maître à pratiquer le libertinage en le « forçant » et en le rassurant sur cette activité. C’est le cas
d’un autre personnage de Mozart, Despina dans Cosi fan tutte, qui conseille ses maîtresses, Dorabella
et Fiordiligi, à tromper leurs maris partis à la guerre car cela est normal pour une femme de le faire et
de s’amuser sans aucun risque (annexe p.13). Despina se montre digne des roués elle aussi par son
explication de l’art de tromper. Ainsi le valet est toujours au service de son maître et ce dans n’importe
qu’elle situation. Toujours présent, même dans les instants les plus intimes somme on peut le voir dans

le tableau de Fragonard Les hasards heureux de l’escarpolette (annexe p.15) où un valet pousse la
balançoire pendant que les deux jeunes gens s’amusent.
Le second type de serviteur est la servante subissant les assauts amoureux de son maître
libertin. Comme les femmes séduites, elle est une sorte d’appât. Prisonnière de sa condition et des
mœurs de l’ancien Régime comme du droit de cuissage, elle ne peut se soustraire à la volonté de son
seigneur. Il s’agit de Suzanne dans Les noces de Figaro de Mozart qui subit les désirs du comte
Almaviva, décidé rétablir le droit du seigneur après le mariage de ses deux serviteurs, comme elle
l’explique à Figaro dans l’acte I, scène 1. (Annexe p.8)
Donc la figure du libertin est riche et complexe, se divisant en catégories sexuelles,
caractérielles et sociales. Mais dans quel univers évolue-t-il ?

L’univers du libertinage est un univers théâtral par les multiples acteurs que nous avons
identifiés en première partie, mais aussi par les lieux et les actions dans lesquels ils évoluent. En effet,
le libertinage se déroule dans des endroits précis et codifiés et il faut bien distinguer les espaces
publics des espaces privés car chacun a une fonction différente. Le libertinage public a lieu à l’opéra
où les loges et l’obscurité de la salle favorisent l’échange de regards et les conquêtes discrètes aux
yeux de tous. Les fêtes mondaines sont aussi un lieu de fréquentation comme le montre le tableau de
Nicolas Lancret La danse dans un pavillon (annexe p.16). On peut voir des hommes et des femmes
réunis pour danser et écouter de la musique mais aussi réunis pour se séduire comme le font les
couples à gauche. Il faut toutefois noter qu’il s’agit d’un libertinage de mœurs faisant partie des
activités mondaines donc il reste très sérieux et peu subversif dans ce contexte.
Par contre, les espaces privés, que ce soit les salons, les boudoirs, les alcôves, les carrosses ou
les jardins, sont les lieux privilégiés d’un libertinage et d’une séduction démesurés. Bon nombre
d’illustrations de libertinage se localisent dans des lieux clos où les acteurs s’ébattent sans gêne. C’est
notamment le cas dans Don Giovanni, où dès la première scène, notre libertin séduit Donna Anna dans
sa chambre. Le tableau de Fragonard intitulé Le verrou (annexe p.17) peut illustrer cette scène d’opéra
dans la mesure où on retrouve deux amants dans une pièce, mais ici la scène est plus claire dans la
mesure où les deux personnages sont enlacés et l’homme ferme la porte afin de ne pas être surpris. Les
lieux fermés semblent favorisés une intimité, une sûreté et une confidentialité nécessaires aux ébats
amoureux. Le jardin paraît lui aussi être un lieu privé et privilégié des libertins car il est très présent
dans les représentations. Le jardin anglais au XVIII° siècle, à la fois organisé et à l’apparence sauvage,
semble être un lieu dangereux par l’abondance de végétation mais ce danger est contrôlé par le
jardinier. Il peut symboliser la sexualité qui est, pour l’époque, une sorte de pulsion dangereuse si elle
n’est pas contrôlée par les codes moraux et la raison. La présence du jardin, lieu de rencontre des
amours clandestins, est illustré dans tous les domaines artistiques. Fragonard, dans son tableau les
hasards heureux de l’escarpolette (annexe p.15) dépeint une nature vivante et abondante qui participe
toute entière aux mouvements du cœur et qui sert d’écrin protecteur aux plaisirs des amants amoureux.
Dans l’opéra Les noces de Figaro, le comte Almaviva donne, dans l’acte III, n°16, un rendez-vous
amoureux à sa conquête Suzanne dans le jardin (annexe p.10) et la comtesse, complice de sa servante
pour piéger son mari, précise même un lieu plus reculé sous les grands pins (acte II, n20, annexe p.11).
Aussi, dans La nouvelle Héloïse (1761) de Rousseau, le premier baiser échangé entre Saint Preux et
Julie a lieu dans un bosquet au bord du lac léman. Plus tard, Julie, devenue madame de Wolmar, fait
construire un jardin anglais en souvenir de cette transgression. Ainsi, le jardin semble devenir, grâce
au libertinage, un lieu de transgression sociale et sexuelle où tout est permis car caché à la société.

Le libertinage est aussi un univers théâtral dans la mesure où le jeu y est omniprésent.
Premièrement, l’action même de conquérir un autre ou de tester la fidélité semble être un jeu où tout
est permis. En littérature dans Les liaisons dangereuses, madame de Mertheuil et Valmont jouent à
séduire un plus grand nombre de proies sans céder aux lois de l’amour et des sentiments. Ils se relatent
à chaque fois leur nouvelle conquête et la méthode employée pour arriver à leur fin. Mozart dans son
opéra Cosi fan tutte met en scène, dans le premier acte, un pari entre un vieux philosophe, don
Alfonso, et deux jeunes amoureux, Ferrando et Guglielmo, au sujet de la fidélité de leurs fiancées
(annexe p.12) Donc le thème du jeu fait partie de la vie libertine et semble ajoutée du plaisir à celle-ci.

Le thème du jeu est aussi présent par les situations et les travestissements qu’engendre le
libertinage. Le déguisement est un accessoire omniprésent, tout d’abord avec l’apparence trompeuse et
la dissimulation des sentiments mais aussi de manière réelle avec les changements de personnalité
comme avec Don Juan et Leporello, Chérubin ou Ferrando et Guglielmo qui se déguisent en albanais
pour tester leurs fiancées. Le jeu est également présent dans les situations compromettantes dans
lesquels les amants peuvent se retrouver, notamment dans les scènes de flagrant délit comme c’est le
cas dans Don Giovanni dans l’acte I, scène 1, où don Juan est surpris par le Commandeur et doit
prendre la fuite. La dimension théâtrale est particulièrement visible dans les peintures de Fragonard,
Le verrou et Le baiser à la dérobée, où tout est mis en scène, que ce soit le jeu de la lumière, la
disposition des personnages, les lieux et surtout la place du spectateur qui devient l’unique voyeur des
ébats amoureux. Mais c’est sans doute l’opéra qui rend le mieux cet univers théâtral grâce à sa forme
(jeu des chanteurs sur scène, décor et intrigue) mais aussi grâce à la musique. En effet, elle traduit
l’effervescence de l’action et le tempérament des acteurs notamment celui de l’insatiable et
imprévisible Don Juan. Ainsi, dans Don Giovanni et les noces de Figaro, tout s’enchaîne très vite et
les personnages ont la plupart du temps des airs très courts ce qui traduit l’univers de l’action.
Ainsi, par les lieux et les actions dans lesquels il se déroule, le libertinage appartient au monde
théâtral, ce qui explique ses nombreuses représentations en peinture, à l’opéra et dans les pièces de
théâtre. Mais quel est son but ?

Comme le montre sa définition et ses acteurs, le but suprême du libertinage semble être la
quête des plaisirs, mais il serait réducteur de ne penser qu’aux plaisirs sexuels. Le libertin est un
jouisseur qui recherche dans les plaisirs des sens une expression des plaisirs du corps. Les
représentations artistiques nous donnent une image de cette recherche et seulement quelques exemples
parmi tant d’autres traduisent cette idée.
L’un des sens très sollicité par les libertins est l’ouie car ils connaissent les effets que les
plaisirs musicaux peuvent exercer sur les âmes. La musique, outre les plaisirs du sens qu’elle offre, est
un excellent moyen de séduction. Nous avons déjà évoqué que l’opéra et les bals privés sont des lieux
de rencontre favorisé par la proximité que procure la danse. Mais la musique est surtout un instrument
exploité par les séducteurs comme le raconte Dorat dans Justine ou les Malheurs de la vertu où un
libertin explique sa méthode musicale de séduction : « Mes clarinets commencèrent à jouer. J’avais
recommandé que les airs fussent bien sourds, bien lents et interrompus par intervalle, afin de ne pas
ébranler trop tôt des organes affaiblis par la fatigue. Ses sens se remirent par degré, à l’unisson »
Après ce prélude lent, le mouvement qui accompagne le repas est vif et gai, pétulant et même un peu
bachique. Un passage plus calme accompagne la transition vers le boudoir. « Mon orchestre, alors part
comme un éclair. Une musique animée, rapide, expressive figure la chaleur, la vivacité et
l’intéressante répétitions des premières caresses.» La scène érotique n’est pas décrite mais elle est
suggérée à travers les rythmes. Le dernier mouvement se ralentit, « une harmonie douce et
languissante, entrecoupée qui ressemble à des soupirs » exprime la langueur et la volupté ressentie
après l’amour. Donc, la musique est un plaisir à la fois sensuel car elle fait naître des sentiments en
chacun de nous mais elle devient un plaisir et un accompagnement aux plaisirs sexuels que
recherchent les libertins.

Autre plaisir qui répond aux mêmes intentions et aux mêmes utilisations est celui de la
gastronomie. Avec les libertins, elle devient un art comme les autres car ils lui accordent une
importante place dans leur vie. La nourriture sollicite les plaisirs de la bouche mais aussi les plaisirs de
la vue par l’abondance et la richesse des banquets. De cela, il ressort un bon nombre d’apparitions de
scènes de banquet et de repas libertins. Par exemple Mozart dans la fin de l’acte II de Don Giovanni,
met en scène Don juan attablé devant un magnifique festin où il convie la statue du Commandeur.
Mais les plaisirs que peut procurer un repas sont clairement dépeint dans le tableau de Jean-françois de
Troy Le déjeuner d’huîtres (1734) (annexe p.18). On peut y observer des hommes buvant du vin et
mangeant des huîtres (réputées aphrodisiaques depuis l’Antiquité) ; ils ont tous le regard levé vers le
plafond où sont peintes des nudités. Ce tableau témoigne de la relation entre plaisirs visuels,
gastronomes et émotionnels. Tout comme la musique, les plaisirs de la bouche sont intimement liés

aux plaisirs sexuels car ils peuvent être un prélude à l’amour et devenir un véritable jeu sexuel. Le
célèbre libertin Casanova connaît et exprime le mieux la valeur érotique que procure les plaisirs de la
bouche dans son œuvre Histoire de ma vie. Il relate comment dans l’euphorie d’une soirée bien
arrosée, lui et son amante font du repas un premier jeu sensuel grâce aux fameuses huîtres. Il
dit : « Après avoir fait du punch, nous nous amusâmes à manger des huîtres en les troquant lorsque
nous les avions dans la bouche. Elle me présentait sur sa langue les siennes, en même temps que je lui
embouchais la mienne, il n’y a pas de jeu plus lascif, plus voluptueux entre deux amoureux. » Ainsi,
comme la musique, la gastronomie mêle à la fois plaisirs des sens et plaisirs du corps.

Enfin, dernier exemple de plaisir recherché est celui de la conquête en public lors des fêtes
mondaines et galantes. Celles-ci sont de véritables sources de jouissance pour les libertins qui peuvent
« chasser » en public sans enfreindre les lois et sans se compromettre grâce aux masques qui sont alors
d’occasion. Les bals sont très présents dans la société libertine et nous avons déjà évoqué les plaisirs
qu’ils procurent par la danse et la musique. Ils permettent de se rencontrer, de s’échanger des regards
et des mots en toute discrétion, et de se séduire sans se compromettre grâce aux loups. On voit
l’importance de telles occasions dans Don Giovanni quand Don Juan utilise les fêtes masquées qu’il
organise pour séduire les femmes sans faire connaître sa véritable identité. Par exemple, dans l’acte I
scène 11, où il prépare une grande fête masqué où il invite les autres personnages et peut ainsi séduire
Zerlina incognito (annexe p.7). Avec les bals masqués, on retrouve la thématique du déguisement
évoquée dans la deuxième partie.
Ainsi, à travers ces trois exemples, nous pouvons trouver une justification au comportement
du libertin à savoir le recherche des plaisirs. Ces derniers mêlent plaisirs des sens et plaisirs des chairs,
le but étant d’arriver à la jouissance absolue.

Les représentations artistiques du XVIII° siècle nous montrent une image du libertinage
mondain car même avec leurs différents moyens d’expressions, elles donnent toutes les mêmes
constantes de représentation. Elles définissent une figure du libertin complexe dans ses variétés de
personnalité, caricaturale dans ses activités. La meilleure constante est celle de la représentation des
multiples plaisirs recherchés par les libertins.
Une question se pose : les diverses représentations artistiques nous montrent-elles une image
réelle de cette société ? Ne répondent-elles pas plutôt à des codes moraux et sociaux de l’époque ?

BIBLIOGRAPHIE

• BAILEY Colin B. (dir.) ; Au temps de Watteau, Chardin et Fragonard ; Chef-


d’œuvres de la peinture de genre en France ; Singapour, 2003 ; la Renaissance du
livre.

• DELON Michel ; Le savoir-vivre libertin ; St-Amand-Montrond ; 2000 ; Hachette


littérature.

• REICHLER Claude ; L’âge libertin ; Paris ; 1987, Edition de Minuit.

• RICHARDOT Anne (dir.) ; Femmes et libertinage au XVIII°siècle ou les caprices


de Cythère ; Rennes, 2003 ; Presses universitaires de Rennes.

DISCOGRAPHIE

• MOZART, Don Giovanni, par le Mahler Chamber Orchestra dirigé par Daniel
Harding. (2000)

• MOZART, Le Nozze di Figaro, par l’orchestre philharmonique de Londres dirigé


par Sir Georg Solti.

• MOZART, Cosi fan tutte, par le royal Concertgebow orchestra dirigé par
Hanoncourt (1991)

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