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UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES

Faculté de Philosophie et Sciences sociales

La place des animaux dans la ville au Moyen-Age

La Place du porc dans les villes du Nord


de la France autour du XVe siècle.

Mme POLLET et Mme VANDERPELEN

Hist-D174 : Initiation à la recherche et à l’écriture de l’Histoire.

Sujet soumis par Mme DELIGNE.

BURCKHARDT THEO

Matricule : 000515130

ANNÉE ACADÉMIQUE 2021-2022

1
1. Introduction.

La ville est un terrain d’étude très intéressant quant à la complexité des relations
entre humains et animaux. En effet, la présence des animaux en ville est très importante
mais de manière très peu diversifiée. À travers les différentes sources, les bovins et les porcs
sont les plus mentionnés, ce qui témoigne certainement de leur part importante dans les
cités. De plus, le porc est un animal au centre de nos assiettes et ce depuis bien longtemps, il
est donc intéressant de se pencher sur leurs conditions de vie et de cohabitation avec
l’homme dans un espace bien plus fermé qu’à la campagne. Cette synthèse a donc pour but
de montrer à quel point les porcidés sont présents dans la vie d’une cité française autour du
XVe siècle, période à laquelle on retrouve le plus de traces écrites sur nos cochons.

2. Dans la ville.

Le cochon paraît moins consommé que les bovins et les ovins et ce depuis l’an mil,
pourtant il est couramment élevé même en ville car il est un excellent moyen pour obtenir
un complément d’alimentation avec un apport de revenus plutôt important. Il est, de plus,
aussi facile à élever que de la volaille car il peut être gardés dans les arrière-cours ou les
terrains non-construits et ce toute l’année, et même être abattus sur place.

Les pourceaux sont fortement présents en ville, à la fois dû à une préférence alimentaire
mais aussi dû à l’aide apportée à la gestion des déchets ménagers. On ne connaît pas
l’ampleur de la présence des porcs dans les cités avant le XVe siècle car aucun auteur n’en
donne les proportions, malgré la mention de leur présence. Néanmoins, on sait qu’à la fin du
Moyen-Âge, les villes sont majoritairement indépendantes quant à leur besoin en viande de
porc.

3. Cochon d’élevage et cochon sauvage.

Depuis l’antiquité romaine et durant tout le Moyen-Age, l’élevage de cochon suit les
mêmes conventions. Élevés pour leur viande, ils sont abattus vers leur deux ans et demi, au
moment où leur viande est de meilleure qualité et donc la plus rentable. Les mâles
reproducteurs sont quant à eux abattus un ou deux ans plus tard, afin de leur faire faire
plusieurs portées sans trop réduire la qualité de la viande. Ces informations sont issues des
différents sites de fouilles archéologiques situés dans le Nord de la France. 1

1
LEPETZ SEBASTIEN, « L'animal dans l'économie gallo-romaine », Revue archéologique de Picardie, p.89.

2
Un propriétaire, pour augmenter la qualité de la viande, peut engraisser ses bêtes.
Pour cela, en plus de les nourrir des déchets carnés et végétaux, il peut les mener dans les
forêts et les champs circum 2 afin de les nourrir de grain et de glands. Ce sont les porchers
qui s’en occupent, souvent un garçon, soit l’idiot du village soit le plus pauvre, car ce rôle est
considéré comme dégradant, voir lié au diable. 3

Étant donné que l’on parle du cochon, il paraît évident d’aussi se pencher sur la
question du sanglier, qui lui est bien chassé et non pas élevé. Il est considéré comme l’un des
animaux les plus nobles à chasser et cela lui vient de l’héritage romain. La dangerosité de sa
traque, la puissance de la bête qui brave ses poursuivants et la brutalité de la mise à mort du
sanglier font de lui un gibier noble par excellence. Pourtant l’intérêt pour sa viande semble
important avec son prix de 16 deniers la livre au début du moyen âge. 4 Pourtant le sanglier
est bien moins présent que son cousin même à la table des plus riches.

4. Métier et réglementation.

Les maîtres bouchers ont une image d’affameurs et sont vus comme cruels, 5 image que
l’on peut retrouver à travers le conte du Saint-Nicolas, où un boucher tue trois enfant que le
Saint ressuscite. Les bouchers doivent respecter un certain nombre de règles afin de garantir
la qualité de la viande et conserver le monopole de la vente. Pour cela, ils doivent
premièrement abattre et préparer la viande eux-mêmes. Le cas des charcutiers est
particulier car ils n’ont reçu leur autonomie que tardivement et n’obtiennent que le
monopole de la chair de porc cuite. Deuxièmement,6 la viande ne peut rester plus de quatre
jours sur les étals en hiver, trois en été. Si une viande était considérée comme « sorcemée »,
7 elle était détruite de manière solennelle pendant le marché devant l’étal du concerné,
amenant ainsi sur lui le déshonneur. En cas de récidives, une interdiction d’exercer pendant
un temps est prévue. Enfin, les maîtres bouchers eux-mêmes sont chargés d’enquêter en cas
de suspicion de vente de mauvaise viande, une règle logique vu leur profession. Il est

2
Circum désigne ici les champs aux abords de la ville.
3
PASTOUREAU MICHEL, Le Cochon. Histoire d’un cousin mal aimé, lieu de publication, Gallimard, 2009, vol. 545,
collection Découvertes Gallimard, p.35.
4
LEPETZ SEBASTIEN, « L'animal dans l'économie gallo-romaine », Revue archéologique de Picardie, Numéro
spécial 12 : L'animal dans la société gallo-romaine de la France du nord. 1996, p. 107.
5
Ibid., pp. 51-53.
6
BRIAND JULIEN, « Réglementer la présence des animaux en ville : le cas des villes champenoises à la fin du
Moyen-Age », pp. 29-52
7
Gâtée.

3
important de remarquer que durant tout le XVe siècle, énormément d’arrêtés sont
prononcés afin de voir l’abattage et la préparation des pourceaux déplacés dans les
faubourgs de la ville et non plus en son sein pour des raisons sanitaires.8

En plus des règles concernant la vente, la présence des cochons au sein même de la
ville est soumise à des règles. Elles sont explicitées aux citoyens via les crieurs. Les cris
servent à rendre publique la réglementation, tout en imposant la présence du pouvoir dans
la cité. Cela est nécessaire car nul ne doit ignorer la loi et ces cris servent autant
d’information que de coercition. 9 C’est dû à la volonté du pouvoir de contrer l’utilisation
abusive de l’excuse de l’ignorance. En effet, se dire ignorant de la loi est une justification
acceptable pour les juges, ce qui mène donc à des procès nullifiés. De plus, à partir du 15e
siècle, la pression royale s’intensifie et cherche à homogénéiser les mesures entre les villes.
C’est ainsi que les boucheries sont placées hors des murs pour lutter contre les épidémies.

On trouve d’autres limitations quant à la possession de porcs à travers toute la France. Par
exemple à Reims la limite est fixé à quatre bêtes en 1350, une information que l’on trouve
dans le compte rendu d’une poursuite contre un propriétaire de 13 cochons présents dans la
grange accolée à sa maison10. Cela nous montre que la détention de porcs est coutumière. 11
Par contre la possession de ces animaux est exclue de certaines rues de la villes considérées
comme publiques. Il est de plus obligatoire pour les propriétaires d’emporter les déjections
hors de la ville pour des raisons sanitaires, mais aussi pour prévenir des risques d’incendie.
Et il est aussi demandé de reboucher les fosses d’excréments.12 Le principal objectif de ces
législations semble avant tout hygiénique afin d’éviter la propagation des épidémies
auxquelles les porcs sont associés à cette époque, dû à leurs déjections. Ces mesures sont
antérieures à la Grande Peste de 1348 13 et servent en fait à garantir la qualité des produits
consommables.

8
BRIAND JULIEN, « Réglementer la présence des animaux en ville : le cas des villes champenoises à la fin du
Moyen- », pp. 29-52
9
De contrainte.
10
BRIAND JULIEN, « Réglementer la présence des animaux en ville … », op. cit., pp. 29-52
11
De droit de traditions.
12
BRIAND JULIEN, « Réglementer la présence des animaux en ville ... », op. cit., pp. 29-52.
13
Loc. cit.

4
5. Les dangers de sa présence.

Mais la présence des cochons peut également s’avérer dangereuse. On trouve par
exemple une plainte émise contre le propriétaire 14 d’un cochon qui aurait blessé une jeune
fille à la jambe, dans ce cas-ci c’est le propriétaire qui doit répondre des dégâts. Mais comme
l’a montré Michel Pastoureau, 15 à partir du 13e siècle, si l’animal provoque une mort
accidentelle, il peut s’ensuivre des scènes exceptionnelles ou l’animal est trainé tel un
condamné à mort jusqu’au gibet avant d’y être pendu par le bourreau. Le cas reste rare mais
lorsqu’il arrive, il est très bien documenté. D’autres cas existent à travers l’histoire, comme
le plus connu, la mort du jeune prince Philippe, fils de Louis VI roi de France, renversé de son
cheval par un porc.16

En cas de guerre, les cochons ont l’interdiction de s’approcher des murailles et de


monter sur les adossements des fortifications pour éviter d’endommager les systèmes de
défense. L’interdiction s’étend aux fossés qui servent de pâture afin de n’abîmer ni les pieux
plantés dans ces derniers, ni les bêtes elles-mêmes qui risqueraient de s’y blesser. Mais aussi
pour éviter que les assaillants ne s’emparent de cette source de nourriture. Ces informations
se trouvent dans un commandement donné à Saint-Omer en février 1489.17

6. Idées reçues.

Le porc est un animal difficile à classer pour les savants depuis le début de son
élevage jusqu’à l’apparition des techniques modernes. Buffon, un savant du 18e siècle
l’explique dans ses écrits qui reflètent les croyances du Moyen-Age. En effet, selon lui, le
porc est d’un genre ambigu parmi les quadrupèdes à cause de ses caractéristiques. Par
exemple, la truie qui semble pondre ses petits plutôt que les mettre à bas et dont le nombre
de mamelles est souvent inférieur à sa portée mais comme elle allaite des petits autres que
les siens, ce qui fait qu’on la considère à la fois comme une bonne mère et comme une

14
BRIAND JULIEN, « Réglementer la présence des animaux en ville : le cas des villes champenoises à la fin du
Moyen- », pp. 29-52
15
Voir la citation originale : BRIAND JULIEN, « Réglementer la présence des animaux en ville … », op. cit., pp.
29-52, paragraphe 18.
16
DE VAIVRE JEAN-BERNARD, « Un cochon et des lys. À propos d’un livre récent », Le Moyen Age, vol. 122, no.
2, 2016, pp. 385-401.
17
BRIAND JULIEN, « Réglementer la présence des animaux en ville … », op. cit., pp. 29- 52, paragraphe 27.

5
égoïste. Il a le corps couvert de graisse comme la baleine et il possède des canines allongées
comme l’éléphant ou le morse. Mais le plus étonnant sont ses sabots fendus alors qu’il ne
rumine pas, ce qui rend ses pieds seuls tout aussi inclassable que la bête elle-même. Il est
associé aussi bien à la gourmandise qu’au courage. 18

7. Conclusion.

Le cochon est un animal au centre de la société citadine dont l’élevage n’a que très
peu évolué à travers le Moyen-Age. Sa présence est une source de richesse mais aussi source
de problèmes à la fois sanitaires et militaires. Le porc est aussi un animal ambiguë et cela se
voit jusque dans les valeurs qui lui sont associés. Malgré une importance contestée par les
historiens, elle va augmenter au fil des siècles suivants et l’on peut se demander comment
les moyens qui leur sont consacrés vont évoluer avec celle-ci.

18
PASTOUREAU MICHEL, Le Cochon. Histoire d’un cousin mal aimé, lieu de publication, Gallimard, 2009, vol. 545,
collection Découvertes Gallimard, pp. 49-50.

6
Bibliographie :

BRIAND JULIEN, « Réglementer la présence des animaux en ville : le cas des villes champenoises
à la fin du Moyen-Age », Histoire urbaine, n°47, 2016, pp. 29- 52.
[En ligne] : <https://www.cairn.info/revue-histoire-urbaine-2016-3-page-29.htm>

CLAVEL BENOIT, « Les restes osseux animaux du Moyen Age découverts place de l'Hôtel de ville
à Abbeville (Somme) », Revue archéologique de Picardie, n°3 et 4, pp. 193- 205.
[En Ligne] : < www.persee.fr/doc/pica_0752-5656_1997_num_3_1_2258 >
CLAVEL BENOIT et OPALE ROBIN, « Les animaux en ville. Des squelettes médiévaux et modernes à Amiens
», Archéopages, n°35, 2012, pp. 48-51.
[En ligne] : < http://journals.openedition.org.ezproxy.ulb.ac.be/archeopages/299 >

DE VAIVRE JEAN-BERNARD, « Un cochon et des lys. À propos d’un livre récent », Le Moyen Age, vol. 122,
no. 2, 2016, pp. 385-401.
[En ligne] : < https://www-cairn-info.ezproxy.ulb.ac.be/revue-le-moyen-age-2016-2-page-385.htm >

LE GOFF JACQUES et SCHMITT JEAN-CLAUDE, Animaux dans Fayard (éd.), Dictionnaire raisonné de
l’Occident médiéval, Poitier, Aubin l’Imprimeur, 1999, pp. 55- 69.

LE GOFF JACQUES et SCHMITT JEAN-CLAUDE, Ville dans Fayard (éd.), Dictionnaire raisonné de
l’Occident médiéval, Poitier, Aubin l’Imprimeur, 1999, pp. 1183-1200.

LEPETZ SEBASTIEN, « L'animal dans l'économie gallo-romaine », Revue archéologique de Picardie,


Numéro spécial 12 : L'animal dans la société gallo-romaine de la France du nord. 1996, pp.
81-147.
[En ligne] : www.persee.fr/doc/pica_1272-6117_1996_hos_12_1_1929

PASTOUREAU MICHEL, Le Cochon. Histoire d’un cousin mal aimé, lieu de publication, Gallimard,
2009, vol. 545, collection Découvertes Gallimard.

PUTELAT OLIVIER, Les restes animaux en contexte funéraire dans I ‘Alsace du premier Moyen
Âge et ses marges géographiques, Anthropozoologica n°48 (2), 2013, pp. 409-445.

Caractères : 9159.

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