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Parcours associé : Lecture linéaire 1 (rédigée) pour l’oral du baccalauréat

Lecture d’un passage de la scène des Fourberies de Scapin, Acte II, scène 7 :

Dans cette comédie, représentée en 1671, Molière s’inspire de l’intrigue de nombreuses comédies
antiques. Deux jeunes gens amoureux, Octave et Léandre, que leurs pères, respectivement Argante et
Géronte, veulent marier contre leur gré, vont être aidés par le valet de Géronte, Scapin. Ce personnage
emprunte beaucoup de ses traits aux esclaves des comédies antiques, mais aussi au « zanni » de la
commedia dell’arte qui veut régler ses comptes avec son maître.
Ainsi, dans cet extrait de la scène 7 de l’acte II, de « Monsieur votre fils… » à « N’a-t-il point de
conscience ? » Scapin, pour arracher au père de Léandre l’argent dont son jeune maître a besoin pour
libérer celle qu’il aime, Zerbinette, retenue par des Égyptiens, imagine un stratagème. Mais le vieil avare
résiste…
Comment le dramaturge met-il en place le stratagème et quels en sont les effets comiques ?
Dans un premier mouvement, nous verrons le récit de Scapin des lignes 1 à 16
Puis dans un second mouvement, nous étudierons le dialogue rythmé et comique entre le valet et son
maître lignes 17 à la fin

I. Le récit de Scapin : lignes 1 à 16


1. Le passage commence par deux courtes répliques : les phrases sont averbales « Monsieur
votre fils » « Hé bien ! mon fils… » et la répétition du terme « fils » est comique, les points de
suspension marquent une attente pour le spectateur. Le rythme est cependant rapide et traduit
la comédie. Scapin peut commencer son récit. Le valet annonce ensuite le sujet de préoccupation
avec une hyperbole inquiétante pour Léandre « dans une disgrâce la plus étrange du monde ».
Cela ne peut qu’effrayer le père de voir son fils dans le malheur. La question partielle de Géronte
amène le développement du valet.
2. La première tirade de Scapin n’offre rien d’inquiétant :
a. Malgré l’état dans lequel Léandre était avec l’hyperbole « tout triste », Scapin en bon valet
a souhaité une distraction « divertir », il l’a emmené « sur le port ». L’allusion à des propos
précédents de Géronte est comique car elle est énoncée de façon floue avec l’expression figée
« de je ne sais quoi que vous lui avez dit » et le valet se dédouane de toute manipulation feinte
à son égard « où vous m’avez mêlé assez mal à propos ». Nous retrouvons ici le valet
traditionnel de la comédie qui persifle parfois et tient des propos insolents.
b. Les détails ensuite de la rencontre avec la galère turque sont donnés en abondance et servent
à faire attendre Géronte et à l’agacer et ces développements sont comiques. Ce récit propose
une scène heureuse, inspirée de la mode des « turqueries », exotisme qui fascine l’époque de
Molière. Le lieu de la réception est signalé avec « une galère turque » et tout est décrit de façon
méliorative « assez bien équipée » « un jeune Turc de bonne mine ». Nous notons l’accueil du
jeune homme dans la politesse, avec l’hyperbole « mille civilités ». Ils sont invités à déjeuner
et le repas est décrit avec le même excès soulignés par des superlatifs hyperboliques « les plus
excellents » et « le meilleur du monde ». Ce premier récit est exagéré, long et comique d’où la
remarque surprise de Géronte et de bon sens, marquée par une interrogative partielle* « Qu’y
a-t-il de si affligeant à cela ? ». Cette interrogative relance la discussion.
3. La seconde tirade de Scapin s’oppose à la première : elle pose la terrible menace, fondée
sur la piraterie alors pratiquée en Méditerranée avec la subordonnée de condition indiquant un
chantage « Si vous ne lui envoyez pas par moi tout à l’heure cinq cents écus » et renforcée par
le futur proche « il va vous emmener votre fils à Alger ». La rançon est une très forte somme
et la menace est extrêmement inquiétante, elle est rendue imminente.
*L'interrogation totale a pour réponse 'oui' ou 'non'et reprend la totalité de la question initiale.
*L'interrogation partielle n'a pas pour réponse 'oui' ou 'non' mais reprend une partie de la question
initiale.
II- Le dialogue entre les deux hommes : lignes 17 à la fin.
1. L’urgence de la situation : Géronte réagit à la somme qu’il répète par effet comique, son
étonnement se perçoit par l’exclamative « Comment » et le juron « diantre ». Le valet réplique
par la négation restrictive qui renforce l’urgence de la situation « il ne m’a donné pour cela
que deux heures ».
2. Comment convaincre Géronte ? Habilement, Scapin construit son argumentation, il commence
par l’affection qu’il lui témoigne avec un lexique affectif « que vous aimez avec tendresse »
et l’adverbe « promptement » reprend habilement l’urgence de cette situation. Il impose donc
à Géronte le rôle d’un père prêt à tout sacrifier pour son fils avec le présentatif : « C’est à vous,
Monsieur ». Son maître est cependant réticent et la réplique répétée « Que diable allait-il faire
dans cette galère ? » a un effet comique. Scapin avance la jeunesse de son fils avec la négation
totale « il ne songeait pas à ce qui est arrivé » marquant son imprévoyance : Léandre a besoin
de son père ! La volonté de Géronte de faire intervenir la justice ne peut que nuire au stratagème
du valet. Et l’ordre avec l’impératif « Va-t’en » n’est pas exécuté, Scapin s’y refuse avec
l’exclamative qui marque un rejet brutal, ironique « La justice en pleine mer ! » et
l’interrogative totale « Vous moquez-vous des gens ? ». L’absence de toute action concrète de
Géronte est marquée par la question « Que diable allait-il faire dans cette galère ? », son
impuissance est alors perceptible. La fatalité est alors évoquée par l’expression hyperbolique
« une méchante destinée ».
3. Géronte propose alors un chantage : Scapin doit prendre la place de Léandre. On note
l’hypocrisie du maître qui flatte le valet avec l’adjectif valorisant « un serviteur fidèle » pour
proposer ensuite son idée. L’égoïsme est perceptible car on devine que par cet échange, Géronte
ne donnera pas la somme d’argent au Turc ! Les phrases sont injonctives « que tu ailles dire… »
et la réponse de Scapin est pleine de bon sens avec les interrogatives qui montrent le peu de
valeur d’un simple valet : l’adjectif substantivé « un misérable » est une dévalorisation voulue
par Scapin et renvoie à son statut. Géronte ne peut que reprendre son questionnement et Scapin
insiste alors sur l’imminence de l’ultimatum avec la négation restrictive : « Il ne m’a donné
que deux heures ». Notre extrait se clôt sur la somme répétée, montrant l’idée fixe et l’avarice
de Géronte qui refuse de payer.

Ainsi, cette scène comique énonce un stratagème de Scapin : faire croire à Géronte que son fils est
enlevé par les Turcs, de façon que le père paie une rançon, rançon qui est demandée pour la femme que
son fils aime.
Les différents comiques utilisés montrent une scène vive et amusante où le valet a plus d’un tour dans
son sac : le valet de comédie est ici rusé et contribue aux intérêts du fils. Nous voyons là un valet
traditionnel représentant une aide pour un jeune homme.
Nous pouvons rapprocher ce texte de notre pièce Les Fausses Confidences, notamment de la scène 2 de
l’acte I où Dubois se montre lui aussi un valet rusé et fin, mais aussi différent de Scapin.

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