Vous êtes sur la page 1sur 2

Introduction

Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière est l’un des plus grands dramaturges français. Il est célébré
pour ses comédies de mœurs qui dénoncent les vices et les travers humains, souvent incarnés
par un noble dont le comportement met en péril sa maison. Molière représente ainsi souvent le
désordre social provoqué par l’excès des passions. Il est l’auteur du Malade imaginaire, une
comédie en trois actes jouées sur scène pour la première fois en 1673.
L’histoire du Malade imaginaire est des plus typiques : Argan est un véritable hypocondriaque,
et ne s’entoure que de médecins charlatans qui lui volent sa fortune et sa fille. Il veut marier
celle-ci, sans se soucier de ses sentiments, à l’homme qu’il a choisi... En l’occurrence, ce gendre
idéal est le fils de son médecin Diafoirus, cela lui convient parfaitement en tant
qu’hypocondriaque. La scène que nous allons commenter est tout à fait remarquable, il s’agit
d’un extrait de la scène 5 de l’acte I, où Argan annonce le projet de mariage qui déclenche toute
l’intrigue de la pièce.
On peut alors se demander comment le projet de mariage décidé par le tyrannique Argan met
en avant toute la dimension comique de l’extrait ?
I. Le quiproquo : un comique de situation classique
Ligne 1: « se met dans sa chaise » (didascalie) montre qu’Argan est le maître de maison ainsi
que son côté dominateur dont il va faire preuve avec Angélique (tyrannie paternelle) amplifié
par le déterminant possessif : « ma fille ».
Ligne 2: « je vais vous dire une nouvelle », futur proche (et donc effet d’attente) ce qui montre
qu’Argan se donne de l’importance.
Ligne 3: « vous riez » (didascalie interne). L'annonce comique provoque le rire joyeux
d’Angélique. Argan pense que sa fille se moque de lui. Il y a ici un quiproquo parce qu’elle
pense que Cléante l’a demandé en mariage provoquant son rire, de joie.
Ligne 4: « Il n’y a rien de plus drôle pour les jeunes filles. ». Il justifie le comportement
d’Angélique par le fait qu’elle appartient à la gente féminine, en se moquant de celle-ci, et en
se montrant condescendant. En effet il a une vision sérieuse du mariage qui repose sur une
alliance d’intérêts, et qui ne devrait donc susciter de joie particulière.
Ligne 5-6: « je n’ai que faire de vous demander si vous voulez bien vous marier. ». Il affirme son
autorité de père et montre que lui seul décide. L’emploi de l’adverbe d’intensité « si » montre à
quel point il est fier d’avoir une fille obéissante
Ligne 8: « Je dois faire, mon père, tout ce qu’il vous plaira de m’ordonner. ». Il y a ici une
marque de soumission comme le montre l’emploi du présent de vérité générale : elle ne fera
que les volontés de son père . Le « mon père » est une marque de respect et d'affabilité. Le
« m' », complément d’objet direct du verbe « ordonner » souligne encore une fois la
soumission d’Angélique face à son père, Argan.

Ligne 10: Le substantif « la chose » (opposition entre « la » qui est défini et « chose » qui ne
l’est pas, d'où le ressort comique) met le mariage à distance, ce qui signifie que la réalité
concrète du mariage est importe peu. Selon Argan « la chose est donc conclue » ce qui veut
dire qu'il n’a jamais demandé l’avis d’Angélique dans ce projet de mariage. Il s'agit d'une forme
de tyrannie.
Ligne 13: « suivre aveuglément toutes vos volontés. » (à noter l'hyperbole et pluriel
amplificateurs) marque l'obéissance absolue d’Angelique. On est ici dans caricature de l’idéal de
l’honnête noble, parfaitement soumis à son père. L’emploi de l’adverbe « aveuglement » est
hyperbolique amplifié par le pluriel et l’emploi du déterminant quantitatif « toutes »
Ligne 15-16: Argan confie le projet qu’avait la belle-mère d’Angélique, Béline : mettre Angélique
et sa sœur Louison au couvent. Cela montre également la situation des femmes au XVIIIe
auxquelles s’offraient deux choix, le mariage ou le couvent. L’emploi du terme « aheurté »
montre l’obstination de Beline.
II. L’impertinence de Toinette
Ligne 17: En aparté, « tout bas » , la servante Toinette décrypte : « La bonne bête a ses
raisons. »
Ligne 18: Familier et péjoratif parce qu’elle est comparée à un animal. Cela exprime le mépris
de la servante pour la belle-mère opportuniste qui souhaite posséder tous les biens d’Argan.
Béline est un personnage emblématique de la comédie par son caractère. Les apartés de
l’ingénieuse servante créent également un lien intime, une complicité avec les spectateurs et
participent au plaisir de la comédie.
Ligne 19-20: « elle ne voulait point consentir à ce mariage; mais je l'ai emporté, et ma parole est
donnée.». Il se justifie en disant qu’il l’a emporté sur sa femme, ce qui veut dire qu'il a pris
l’ascendant sur Beline dont la tentative de manipulation a échoué. L’imparfait montre
cependant qu’elle n’est toujours pas d’accord avec ce projet de mariage.
Ligne 22: La soumission d’Angélique s’exprime désormais par l’éloge de son père, comme
l’expriment les exclamations répétées et la tournure hyperbolique au pluriel, comme si les
bontés du père étaient infinies : « toutes vos bontés ! » La fille se réjouit d’avoir échappé au
couvent et de se marier avec Cléante qu’elle aime.
Ligne 24: « voilà l’action la plus sage que vous ayez faite de votre vie. » : utilisation de la
tournure présentative « et voilà » et du superlatif montre l'insolence de Toinette. Une
dimension comique est donnée par l’ironie de Toinette qui suggère que son maître ne prend
habituellement pas de décisions sages. Aussi, le « en vérité » est ironique pour le spectateur qui
sait que ce n’est pas la vérité que l’on croit. Elle sort de son rôle de servante car elle félicite en
quelque sorte Argan qui n’est absolument pas son rôle « je vous sais bon gré de cela »
Ligne 27: Argan annonce alors qu’il n’a « pas encore vu la personne », mais que tout le monde
en sera « content », ce qui peut sembler paradoxal car il ne s’agit pas de Cléante comme le
pense tout le monde.
Conclusion
Nous avons vu que le projet de mariage décidé par Argan provoque a la fois un quiproquo
comique et les interventions de sa servante Toinette tout aussi divertissante. Cette longue
scène 5, dans le premier acte du Malade imaginaire est capitale car elle pose le nœud de
l’intrigue, le projet de mariage forcé. Si Angélique se soumet à son père, Toinette se permet
d’intervenir malgré les hiérarchies sociales, provoquant le rire.
Le quiproquo est un ressort comique souvent utilisé par Molière se retrouve fréquemment dans
le théâtre du XVIIIe siècle. Il est présent dans de nombreuses pièces telles que Le Jeu de
l’amour du hasard, de Marivaux. Sylvia change de costume et de rôle avec Lisette, sa femme de
chambre afin d'étudier le caractère de son prétendant sans se compromettre. Ce dernier a eu la
même idée et prend la place et les habits de son valet, Arlequin.

Vous aimerez peut-être aussi