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1/
Qu’est-‐ce
que
la
gestion
mentale
?
Les
définitions
concises
de
la
gestion
mentale
sont
rares.
Sur
le
site
de
l’Institut
International
de
Gestion
Mentale,
la
définition
suivante
est
proposée
:
«
Le
gestion
mentale
explore,
décrit
et
étudie
les
processus
mentaux
dans
leur
diversité.
Cette
psychologie
de
la
conscience
cognitive
a
été
élaborée
par
Antoine
de
La
Garanderie
à
partir
de
l’analyse
des
habitudes
mentales
de
très
nombreux
sujets
»1.
Pour
sa
part,
Michèle
Verneyre,
qui
fut
longtemps
formatrice
en
gestion
mentale
dans
l’enseignement
public,
la
définit
comme
«
la
science
de
l’expérience
d’une
conscience
s’interrogeant
sur
ses
processus
d’apprentissage
»2.
Paul
Aguilar
affirme
de
son
côté,
qu’avec
la
gestion
mentale,
«
nous
sommes
en
présence
d’une
pédagogie
des
moyens
d’apprendre,
centrée
sur
l’individu
et
fondée
sur
une
philosophie
réaliste
et
expérimentale
de
l’homme
»3.
Enfin,
les
auteurs
du
"Vocabulaire
de
la
gestion
mentale"
insistent
sur
le
double
sens
de
l’expression,
désignant
d’une
part
«
la
nécessité
pour
la
conscience
d’effectuer
un
geste
pour
atteindre
le
sens
du
savoir
»
(les
cinq
gestes
mentaux),
et
d’autre
part
«
la
capacité
de
la
conscience
de
pouvoir
gérer
de
façon
autonome
des
expressions
mentales
»4.
L’expression
"gestion
mentale"
a
été
inventée
par
une
commission
française
chargée
en
1982
par
le
Ministère
de
l’Éducation
Nationale
d’étudier
les
travaux
d’Antoine
de
La
Garanderie5.
C’est
en
effet
ce
philosophe
français,
qui,
à
partir
d’une
démarche
expérimentale
et
introspective,
a
élaborée
cette
théorisation
pédagogique.
C’est
dans
l’ouvrage
:
"Les
profils
pédagogique",
datant
de
1980,
que
la
gestion
mentale
se
fait
connaître
du
grand
public.
1
http://www.iigm.org/default.aspx?tabid=31,
consulté
le
30/08/2011.
2
VERNEYRE
M.
(1995).
L’iceberg
de
la
gestion
mentale.
In
GARDOU
C.
(Ed),
La
gestion
mentale
en
question
(pp.
21-‐34).
Toulouse
:
Érès,
p.
21.
3
AGUILAR
P.
(1994).
Gestion
mentale
et
formation
des
enseignants.
Mémoire
de
DEA,
Université
de
Lyon
II,
p.
12.
4
GATÉ
J.-‐P.,
GÉNINET
A.,
GIROUL
M.,
PAYEN
DE
LA
GARANDERIE
T.
(2009).
Vocabulaire
de
la
gestion
mentale.
Lyon
:
Chronique
Sociale,
p.37.
5
Ibid.,
p.
37.
Parmi
les
notions
centrales
de
la
gestion
mentale,
c’est
souvent
l’évocation
qui
est
d’abord
citée.
Elle
peut
être
définie
comme
«
un
objet
mental,
constitué
et
produit
dans
le
prolongement
d’une
activité
perceptive
»,
mais
aussi
comme
un
«
processus
mettant
en
scène
un
geste
opératoire
de
la
pensée
en
quête
de
sens
»6.
Elle
est
souvent
présentée
comme
la
condition
première
d’un
apprentissage
efficace.
Chaque
individu
prend
peu
à
peu,
au
cours
de
son
histoire,
des
habitudes
évocatives
spécifiques,
couvrant
une
palette
évocative
plus
ou
moins
riche
et
variée.
Si
on
retient
souvent
seulement
la
nature
des
évocations
(visuelle,
auditive,
verbale,
tactile),
d’autres
distinctions
sont
tout
aussi
importantes
:
le
cadre
des
évocations
(pouvant
se
situer
plutôt
dans
le
temps,
l’espace
ou
le
mouvement),
leur
codage
(pouvant
être
en
première
personne,
donc
en
référence
à
soi
;
ou
en
troisième
personne,
en
référence
à
quelqu’un
d’autre),
et
leurs
paramètres
d’appui
(avec
quatre
niveaux
différents
d’appréhension
du
réel
:
le
niveau
concret,
les
codes,
les
liens
logiques
et
les
liens
originaux).
Chacun
peut
évoluer
dans
ses
habitudes
évocatives
et
enrichir
à
tout
moment
cette
palette
évocative,
grâce
à
une
médiation
adaptée7.
Les
cinq
gestes
mentaux
constituent
une
autre
composante
essentielle
de
cette
approche
:
il
s’agit
de
l’attention,
de
la
compréhension,
de
la
mémorisation,
de
la
réflexion
et
de
l’imagination
créatrice.
Le
terme
de
"geste
mental"
peut
être
ainsi
défini
:
«
comme
le
geste
physique,
il
se
développe
dans
le
temps
et
l’espace.
Il
a
un
commencement,
une
structure
et
se
poursuit
jusqu’à
une
fin,
explicitement
ou
implicitement
visée.
Il
repose
sur
un
projet
de
sens
et
s’actualise
au
moyen
des
évocations
mentales
qui
sont
liées
aux
habitudes
de
fonctionnement
du
sujet
»8.
Ainsi,
définis
chacun
par
un
projet
s’inscrivant
dans
une
dynamique
spécifique,
ces
gestes
mentaux
s’imbriquent
de
différentes
façons
dans
toutes
les
activités
d’apprentissage.
Une
éducation
à
ces
gestes
mentaux
permet
de
mieux
prendre
conscience
de
ceux
qu’on
tend
spontanément
à
privilégier
ou
au
contraire
à
négliger,
ou
encore
à
utiliser
de
façon
partielle
ou
peu
adaptée
à
la
tâche
:
grâce
à
cette
démarche
métacognitive,
il
devient
alors
possible
de
les
mettre
en
œuvre
de
façon
plus
consciente
et
plus
efficace9.
6
Ibid.,
p.
30.
7
Pour
une
présentation
détaillée
des
différentes
façons
d’évoquer,
voir
par
exemple
:
EVANO
C.
(1999).
La
gestion
mentale
:
un
autre
regard,
une
autre
écoute
en
pédagogie.
Paris
:
Nathan,
pp.
108-‐151.
8
GATÉ
J.-‐P.,
GÉNINET
A.,
GIROUL
M.,
PAYEN
DE
LA
GARANDERIE
T.
(2009).
Op.
cit.,
p.
35.
9
Sur
les
gestes
mentaux,
voir
par
exemple
:
CHICH
J.-‐P.,
JACQUET
M.,
MÉRIAUX
N.,
VERNEYRE
M.
(1991).
Pratique
pédagogique
de
la
gestion
mentale.
Paris
:
Retz,
pp.
63-‐81.
Dans
les
années
1990,
Antoine
de
La
Garanderie
met
davantage
l’accent
sur
les
notions
de
projets,
projets
de
sens,
structures
de
projet
de
sens.
Dans
Défense
et
illustration
de
l’introspection,
il
définit
ces
structures
de
projet
de
sens
:
«
elles
se
forment
en
référence
soit
au
temps,
soit
à
l’espace…
Elles
se
stabiliseront
et
commanderont
des
réactions
identiques
sous
forme
d’habitudes
évocatives,
qui
seront
les
modes
acquis
selon
lesquels
le
sujet
donne
sens
aux
différentes
situations
perceptives
de
sa
vie
»10.
Treize
ans
plus
tard,
La
Garanderie
revient
sur
la
notion
de
projet
de
sens
:
«
Avec
le
terme
de
sens,
on
est
au
niveau
qui
convient
pour
désigner
les
actes
de
connaissance
par
leur
essence,
c’est-‐à-‐dire
ce
qu’ils
sont…
Tout
acte
de
connaissance
procède
d’un
projet
de
sens,
qui
peut
lui
procurer
son
bon
sens.
Faute
de
renseigner
l’élève
sur
les
projets
de
sens
qui
doivent
réguler
les
actes
de
connaissance,
celui-‐ci
échoue
à
les
bien
utiliser,
parce
qu’il
ne
conçoit
pas
qu’il
ait
à
s’en
donner
»11.
Ce
passage
témoigne
d’une
évolution
importante,
non
seulement
sur
le
plan
du
vocabulaire,
mais
aussi
concernant
l’enracinement
phénoménologique
de
la
gestion
mentale.
On
peut
d’ailleurs
remarquer
dans
la
citation
précédente
qu’Antoine
de
La
Garanderie
parle
d’
"acte
de
connaissance"
à
la
place
de
"geste
mental".
En
effet,
cette
expression
«
rend
possible
une
analyse
phénoménologique
et
descriptive
de
l’activité
de
connaissance
»12.
Ces
notions
ont
été
reprises
par
d’autres
formateurs
en
gestion
mentale,
comme
par
exemple
Guy
Sonnois,
définissant
plus
simplement
ainsi
la
notion
de
projet
:
«
Pour
qu’une
action
soit
menée
avec
des
chances
de
réussite,
il
est
nécessaire
de
construire
auparavant
un
projet
mental
qui
mette
en
forme
notre
intention
vis-‐à-‐vis
de
cette
action…
Ce
projet
est
constitué
du
but
que
l’on
vise
et
d’acquis
anciens
mobilisés
pour
l’atteindre
»13.
De
même,
dans
le
cadre
du
projet
européen
Co-‐nai-‐sens14,
des
définitions
plus
accessibles
sont
proposées
:
«
Le
projet
est
une
structure
interne
propre
à
chacun,
à
chaque
sujet
et
qui
lui
permet
d’orienter
son
activité
mentale. C’est
donc
l'orientation
spontanée
et/ou
réfléchie
que
le
sujet
donne
à
son
activité
»15.
Et
pour
projet
de
sens
:
«
Tout
sujet
qui
accomplit
des
actes
de
connaissances,
quels
qu’ils
soient
et
quels
qu’en
soient
les
contenus, le
fait
avec
ses
10
DE
LA
GARANDERIE
A.
(1989).
Défense
et
illustration
de
l’introspection.
Paris
:
Bayard,
p.
72.
11
DE
LA
GARANDERIE
A.
(2002).
Comprendre
les
chemins
de
la
connaissance.
Lyon
:
Chronique
Sociale,
p.
20.
12
GATÉ
J.-‐P.,
GÉNINET
A.,
GIROUL
M.,
PAYEN
DE
LA
GARANDERIE
T.
(2009).
Vocabulaire
de
la
gestion
mentale.
Lyon
:
Chronique
Sociale,
p.
9.
13
SONNOIS
G.
(2009).
Accompagner
le
travail
des
adolescents
avec
la
pédagogie
des
gestes
mentaux.
Lyon
:
Chronique
Sociale,
p.
59.
14
Il
s’agit
d’un
projet
financé
avec
le
soutien
de
la
Commission
Européenne,
dans
le
cadre
du
programme
Socrates
Comenius
Action
2.1,
visant
à
diffuser
la
gestion
mentale
et
à
la
mettre
en
œuvre
dans
des
établissements
scolaires
de
différents
pays
européens.
15
Définitions
extraites
d’un
diaporama
conçu
par
Michèle
Giroul,
Anne
Moinet,
Hélène
et
Pierre-‐Paul
Delvaux,
disponible
sur
le
site
:
http://www.inforef.be/projets/conaisens/module/concepts_fr.htm,
consulté
le
30/08/2011.
habitudes
évocatives,
son
fonctionnement,
sa
vision
du
monde…
Ces
projets
de
sens
constituent
ma
manière
d’être
au
monde,
ils
sont
la
lorgnette
(souvent
inconsciente)
avec
laquelle
je
regarde
le
monde
».
Cette
évolution
théorique
mène
aussi
La
Garanderie
à
étoffer
peu
à
peu
la
notion
de
profil
pédagogique.
D’abord
limitée
à
un
croisement
entre
langues
pédagogiques
et
paramètres16,
cette
notion
s’élargit
peu
à
peu
pour
être
actuellement
définie
comme
«
le
portrait
cognitif
d’une
personne
»17.
Les
auteurs
du
"Vocabulaire
de
la
gestion
mentale"
ajoutent
:
«
En
effet,
il
rend
compte
des
structures
mentales
de
projet
de
sens
qui
habitent
un
sujet,
et
de
l’itinéraire
mental
qu’il
se
donne
pour
penser
»18.
Antoine
de
La
Garanderie
s’est
ainsi
appuyé
sur
différentes
influences
dans
l’élaboration
de
sa
théorie,
très
évolutive
au
cours
du
temps
et
que
beaucoup
ont
eu
du
mal
à
suivre
:
Bachelard
pour
la
notion
de
profil
pédagogique
(profil
épistémologique)
;
Binet,
Burloud
et
l’école
de
Würzburg
pour
la
pratique
d’une
introspection
méthodique,
Rogers
pour
la
pratique
du
dialogue
pédagogique
(avec
la
mise
en
œuvre
des
principes
rogériens,
et
notamment
l’empathie),
Husserl
et
Heidegger
pour
l’enracinement
phénoménologique
qui
s’accentue
dans
les
années
199019.
Le
vocabulaire
de
la
gestion
mentale
est
donc
spécifique,
différent
de
celui
des
autres
grands
courants
pédagogiques,
à
cause
de
ses
origines,
largement
étrangères
à
la
psychologie
cognitive.
En
dehors
du
nom
des
différents
gestes
mentaux
et
de
la
notion
très
polysémique
de
projet,
appartenant
au
langage
courant,
ce
vocabulaire
est
très
peu
repris
par
ailleurs,
même
si
on
retrouve
par
exemple
la
notion
d’évocation
chez
Pierre
Vermersch20,
et
la
notion
de
geste
mental
(ou
geste
intérieur)
chez
les
tenants
de
la
psycho-‐
phénoménologie
(Vermersch)
ou
de
la
neurophénoménologie
(Varela,
Petitmengin,
Depraz)21.
16
DE
LA
GARANDERIE
A.
(1980).
Les
profils
pédagogiques.
Paris
:
Bayard,
pp.
95-‐113.
17
GATÉ
J.-‐P.,
GÉNINET
A.,
GIROUL
M.,
PAYEN
DE
LA
GARANDERIE
T.
(2009).
Vocabulaire
de
la
gestion
mentale.
Lyon
:
Chronique
Sociale,
p.
60.
18
Ibid.,
p.
60.
19
GARDOU
C.
(1995).
Pour
ouvrir
le
débat.
In
GARDOU
C.
(Ed),
La
gestion
mentale
en
questions
(pp.
10-‐13).
Toulouse
:
Érès.
20
VERMERSCH
P.
(1994).
L’entretien
d’explicitation.
Paris
:
ESF.
21
PETITMENGIN
C.
(2006).
De
l’activité
cérébrale
à
l’expérience
vécue.
In
Sciences
Humaines,
Les
grands
dossiers,
n°3,
pp.
52-‐57.