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L'HOMME
pour concevoir et structurer les savoirs qui doivent être enseignés aux
futurs praticiens professionnels : le modèle romantique de l’École des
Architecture/Design
L’HOMME COMME UN
« ÊTRE D’HABITUDE »
Essai d’anthropologie
et d’épistémologie
pour les Sciences du design
Remerciements XIII
Introduction générale 1
Le design dans l’université moderne 2
Modèles anthropologiques et épistémologiques en design 6
L’homme comme un être d’habitude 10
Une enquête sur l’habitude 12
Partie I
Histoire et vocabulaire du concept de l’habitude
Chapitre 1
HABITUDE ET PRÉJUGÉS COMMUNS 19
Chapitre 2
L’HABITUDE : PETITE HISTOIRE D’UNE ANTHROPOLOGIE 27
2.1 Aristote : habitude, ethos et éthique 28
2.2 Pragmatisme et renaissance de l’habitude : Peirce et Dewey 31
2.3 Une phénoménologie de l’habitude : Maurice Merleau-Ponty 33
2.4 La sociologie et l’habitude : Pierre Bourdieu 35
Chapitre 3
SITUATION CONCEPTUELLE DU PHÉNOMÈNE DE L’HABITUDE 39
3.1 Le vocabulaire de l’habitude 42
3.2 L’habitude est un fait anthropologique majeur 45
3.3 L’analogie du moyen terme 46
VII
Partie II
L’habitude, fabrique du mode d’existence brute
de l’homme
Introduction à la deuxième partie 67
Chapitre 4
LE MODE D’EXISTENCE BRUTE DE L’HOMME 71
Introduction 72
4.1 Habitude et rapport pratique au monde 74
4.2 Généralité et perception humaine 79
4.3 La continuité de l’existence habituelle 82
Chapitre 5
LA FORMATION DES ROUTINES 85
Introduction 85
5.1 La formation d’une habitude comme acquisition d’un savoir 91
5.1.1 Le savoir-faire ou savoir-produire 96
5.1.2 Le savoir-agir 100
5.1.3 Le savoir-comprendre/connaître 103
5.2 La fabrication des routines 107
5.3 Les formes d’acquisition des routines primaires 109
5.4 Les formes d’acquisition des routines supérieures 111
5.5 Représentation ou, plutôt, compréhension de l’acte ? 119
5.6 Le rôle fondamental de la perception globale 125
5.7 Les conditions de formation des routines 131
Chapitre 6
LES ROUTINES UNE FOIS FORMÉES ET STABILISÉES 139
Introduction 139
6.1 La routine, forme particulière de la famille
des habitudes 140
6.2 Exemples familiers de routines 143
6.3 L’habitation, lieu des routines constituant le soi et le chez-soi 144
6.4 Adjectifs qualificatifs des routines 146
6.5 Le caractère instrumental des routines 148
6.6 La fabrique du mode d’existence brute 153
6.7 La fabrique du doute 156
6.8 Les routines en design 158
Chapitre 7
LE CORPS HABITUEL ET L’ENVIRONNEMENT MATÉRIEL 161
7.1 Le concept de Schéma corporel 162
7.2 Habitudes primaires et habitudes complexes 165
7.3 Le concept de Monde acquis 166
7.4 L’incorporation des objets et de l’espace 167
Chapitre 8
LES CROYANCES, OU LES ROUTINES DE LA PENSÉE 173
8.1 L’habitude comme mode de fonctionnement
de la pensée 175
8.2 Habitude, pensée et action 179
8.3 Herméneutique et routines de la pensée 181
8.4 La pensée et ses mondes acquis 183
8.5 Habitudes de perception 185
8.6 Habitudes rigides et ouverture au changement 190
Partie III
pratiques et habitudes intelligentes
Introduction à la troisième partie 193
Chapitre 9
DES DISPOSITIONS EN GÉNÉRAL 199
Introduction 200
9.1 Quelques exemples de dispositions 203
9.2 Distinction entre routines et dispositions 207
9.3 Formation des routines et formation des dispositions 209
9.4 Les dispositions sont des schèmes 212
Chapitre 10
DES HABITUDES DE PENSER : DESCARTES, ARISTOTE ET DEWEY 219
Introduction 219
10.1 La Méthode de René Descartes 222
10.2 La phronèsis d’Aristote 226
10.3 L’Enquête de John Dewey 239
10.3.1 Schème commun de l’Enquête de John Dewey 246
10.3.2 Problématisation et structuration préliminaires
de la situation 253
Chapitre 11
LE DESIGN THINKING : HABITUDE DE PENSER DES DESIGNERS 263
Introduction 263
11.1 Concepts de la 2 génération des méthodologies de design
e
264
11.2 Concepts de la 3e génération des méthodologies de design 268
11.3 Significations philosophiques des apports des sciences du design 287
11.3.1 Primat logique de l’activité de génération d’idées
et de solutions 289
11.3.2 Structuration de la situation et prise de position
du designer 304
Chapitre 12
DISPOSITIONS PARTICULIÈRES DANS LA FORMATION EN DESIGN 315
Introduction 315
12.1 Structure académique commune aux sciences du design 316
12.2 Exemples de dispositions en design d’intérieur 318
Conclusion 322
Chapitre 13
LES VERTUS : DISPOSITIONS EN VOIE D’EXCELLENCE 323
Introduction 324
13.1 Petite histoire de l’éthique des vertus 326
13.2 Aspiration de toute vertu à l’excellence 327
13.3 Dimension développementale et autonomie de l’acteur 329
13.4 Pratique et expérience dans le développement des vertus 333
13.5 Rôle de la pensée dans l’exercice concret d’une vertu 335
13.6 La phronèsis comme guide vers l’excellence 337
13.7 Re-construction du répertoire et de l’expérience 340
Chapitre 14
L’ETHOS : MAISON D’HABITATION DES HABITUDES HUMAINES 343
Introduction 344
14.1 Éléments de définition de l’ethos 345
14.2 Unité de l’ethos 347
14.3 Le vocabulaire de l’ethos 349
14.4 Divers types d’ethos 351
14.5 L’ethos professionnel du designer 353
Chapitre 15
L’HOMME COMME ÊTRE D’HABITUDE
IMPLICATIONS PRATIQUES POUR LES SCIENCES DU DESIGN 359
15.1 Formation de l’ethos professionnel du designer 360
15.1.1 Le segment des cours théoriques 362
15.1.2 Le segment des cours techniques 365
15.1.3 Le segment du projet d’atelier 367
15.2 Compréhension de l’ethos de l’usager des environnements matériels 369
15.3 Formation de l’ethos du chercheur en design 374
Annexe 381
Bibliographie 385
1. Dans cet essai, le terme anthropologie est entendu au sens d’« anthropologie philo-
sophique », c’est-à-dire la branche de la philosophie qui étudie les conceptions (ou
visions) que l’on se fait de l’être humain.
2. Le genre masculin est utilisé dans cet essai d’une façon générique dans le seul but de
faciliter la lecture et n’a aucune intention discriminatoire.
6. Le premier traité théorique sur l’architecture remonte au 1er siècle avant J.C. : Vitruve,
De architectura (traduit en français sous le titre Les dix livres de l’architecture).
Il n’en demeure pas moins que, dans l’esprit de Simon, les pratiques
professionnelles et les modes de raisonnement de leurs praticiens sont
conçus foncièrement comme des activités rationnelles, bien confinées
à la sphère de la rationalité technique (instrumentale) : le professionnel
applique des connaissances scientifiques établies notamment par les
sciences fondamentales (physique, chimie, biologie, psychologie, etc.)
et choisit, en même temps, parmi les techniques et méthodes scienti-
fiques rationnelles disponibles celles qui conviennent le mieux pour
adapter des moyens en vue d’atteindre des fins, des buts, des objectifs
établis. Il est vrai que Simon n’adhère pas complètement au modèle de
l’acteur totalement rationnel promu par les théories rationalistes en éco-
nomie et en management (ainsi qu’en sociologie). Il suggère l’idée d’un
acteur rationnel mais agissant avec une « rationalité limitée » (bounded
rationality) (Bousbaci 2008). Cette théorie, il l’avait développée dans un
autre ouvrage aussi célèbre, intitulé « Administrative Behavior »8. C’est
précisément à cette vision instrumentale et positiviste du savoir pro-
fessionnel (conçu comme application de connaissances et de méthodes
scientifiques) que Donald Schön s’attaquera une décennie plus tard avec
The Reflective Practitioner (1983), où il tente d’extraire la vision du pro-
fessionnel du moule de l’acteur rationnel pour proposer un autre modèle
anthropologique : celui du « praticien réflexif ». La logique de travail et
de raisonnement du praticien réflexif ne consiste pas à appliquer à des
situations pratiques des connaissances théoriques et des méthodes issues
de sciences connexes. Le professionnel agit plutôt selon une logique
de dialogue qui prend la forme d’une « conversation réflexive avec les
matériaux d’une situation problématique » qui est à chaque fois unique.
Si les disciplines du design sont dorénavant bien installées dans le sys-
tème universitaire, la question et la problématique de leurs fondements
philosophiques (anthropologie et épistémologie) demeurent cependant
loin d’être résolues et encore moins explicitées. Les travaux de Simon
et ceux de Schön ont montré les grands principes à suivre pour paver la
route. En distinguant clairement la logique inhérente aux savoirs pro-
fessionnels de celle inhérente aux savoirs scientifiques (entendus au sens
classique), Simon a posé les fondations de la spécificité épistémologique
des sciences du design et des savoirs professionnels en général : « il a été
le premier à identifier le design comme une composante centrale de
la pratique professionnelle, et le premier à en appeler à une science du
design comme base fondamentale pour le savoir pratique » (Schön 1992 :
138, ma traduction).
Quant à Donald Schön, le grand mérite de son travail est, d’abord,
d’avoir extrait le savoir professionnel du dogme de la rationalité tech-
nique et instrumentale (celle des sciences appliquées) et, ensuite, de
révéler, développer et promouvoir une logique qui leur est propre : la
« logique pratique » qu’il nomme « réflexion-en-action » ou tout simple-
ment « pratique réflexive » (reflective practice). Cette logique met l’accent
sur l’idée que la pratique, loin d’être approchée simplement comme une
mise en application des connaissances théoriques et des méthodes pro-
duites par des sciences connexes, met en œuvre et engendre en même
temps des savoirs et des connaissances qui lui sont propres : des savoirs
pratiques. Le projet d’une épistémologie des sciences du design se doit
donc impérativement de rendre compte de ces savoirs engendrés par la
pratique, dans la pratique et sur la pratique, en design.
Le modèle anthropologique proposé par Schön aurait-il pour autant
ouvert toutes les impasses que soulève l’épistémologie des sciences du
9. « Considérer quels sont les effets pratiques que nous pensons pouvoir être produits
par l’objet de notre conception (c’est-à-dire notre pensée). La conception de tous ces
effets est la conception complète de l’objet » (Peirce 1878 : 6, ma traduction).