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BIOGAZ - Aude Clementi - 28/02/2023

La production indigène de biogaz est devenu un enjeu stratégique majeur: indépendance

énergétique au gaz importé avec l’industrie gazière suisse qui projette de distribuer 30% de gaz

renouvelable d’ici 2030, pression accrue avec le nouvel ensemble de mesures de la stratégie

énergétique 2050 et objectifs revus à la hausse de production d’énergie renouvelable de la nouvelle

loi sur l'énergie.

Qu’est-ce que le biogaz et comment est-il produit?

Le biogaz est issu d’une réaction de fermentation de biomasse non ligneuse et non épurée, la

méthanisation. Cette biomasse est par exemple l'engrais de ferme (lisier et fumier), les résidus de

récolte, les boues d'épuration ainsi que les déchets biogènes de l'industrie alimentaire, de la

restauration et des ménages. Le biogaz a une teneur en méthane de 55 – 65%, et ne peut être

injecté tel quel dans le réseau de gaz. Il peut cependant être valorisé sur le site de production. Pour

produire du biométhane et l'injecter dans le réseau, il faut épurer le biogaz et atteindre au minimum

96% de teneur en méthane.

(Source: Prometerre)

Combien de biogaz est produit aujourd'hui en Suisse et quel est le potentiel de


cette filière?

Deux voies de valorisation majoritaires coexistent pour le biogaz : la production d’électricité sur

unité de cogénération et la production de biométhane (suite de l’épuration du biogaz) injecté dans


le réseau de gaz naturel. La première voie de valorisation, soutenue par le cadre incitatif du

système de rétribution à l’injection de l’électricité (SRI, ancienne rétribution à prix coûtant, RPC), et

aussi pour répondre à un besoin énergétique local, est largement majoritaire.

Depuis quelques années, le nombre d’installations de production de biométhane est également en

augmentation. La Suisse recense près de 670 installations de biogaz, dont 119 dans le domaine

agricole (OFEN, 2021). En 2021, 38 installations de production de biogaz étaient raccordées au

réseau pour une production de 0.4 TWh. Aujourd'hui le biogaz suisse produit représente 1,7

TWh/an pour 34 TWh/an de gaz naturel importé. Selon une étude réalisée à la demande de l'EnDK

en 2018, la Suisse dispose d’un potentiel maximal théorique de production de gaz

renouvelable estimé à 6,6 TWh, dont 3,7 TWh pourraient être injectés dans le réseau. L'industrie

gazière communique un objectif de 30% de gaz renouvelable dans le réseau d'ici 2030, dont

4.5TWh provenant de Suisse. Les valeurs indicatives prévues dans la LEnE pour 2035 sont de 11,4

TWh de production électrique issue d’énergie renouvelable et les nouvelles valeurs cible de 17

TWh. (source monitoring stratégique OFEN).


Quels sont les coûts d’investissement, d’exploitation et les mesures
d'encouragement ?

Le kilowatt/heure produit avec du biogaz issu d’une station d’épuration coûte entre 5 et 10 centimes.

Celui obtenu avec des déchets agricoles ou ménagers est plutôt de l’ordre de 15 à 25 centimes.

Une installation prend 2 à 5 ans pour être opérationnelle en Suisse. (source: Yves Membrez,

directeur du bureau d’ingénieurs EREP à Aclens).

Depuis fin 2022, il n'y a plus de RCP. Cette approche offrait aux investisseurs une grande sécurité

de planification et d’investissement et a permis une extension rapide des capacités de production.

Les mesures d’encouragement en place actuellement sont:

- la contribution d’investissement pour la réalisation de nouvelles installation de biomasse

et jusqu’à 60% des coûts d'investissement imputables (LEne, chap.4), a conditions

qu’aucune alimentation aux carburants fossiles ne se fasse. (LEne, chap.5) (OEnerR, chap.

6)

- la contribution aux coûts d’exploitation. Elle est fixée en fonction du taux de contribution,

déduction faite du prix de marché de référence; elle est versée par kilowattheure d’électricité

injectée. Le taux de contribution par catégorie et par classe de puissance en fonction des

coûts d’exploitation des installations de référence. (LEne, chap.6) (OEnerR, chap. 7 et

annexe 5)

Le taux de rétribution se compose d’une rétribution de base et d’un bonus agricole uniquement si

la biomasse est de l’engrais de ferme avec maximum 20% de co-substrat non agricole. La

rétribution de base est de 28 à 17,5 cent/KWh et le bonus de 18 à 4.5 cent/KWh. Il est recalculé

chaque année. La puissance équivalente de l’installation est déterminante pour le calcul des taux

de la rétribution de base et des bonus. La durée de rétribution est de 20 ans. (OEnerR, chap. 2)

Tant que l’exploitant obtient, pour une installation, un financement des frais supplémentaires au

sens de l’art. 73, al. 4, LEne ou une rétribution de l’injection, aucune rétribution unique ou

contribution d’investissement ne peut lui être allouée. Les projets de participation au système de

rétribution sont inscrits sur une liste d'attente gérée par l'OFEN.
Il existe aussi une rétribution pour le gaz biogène injecté dans le réseau de gaz naturel pour la

production d’électricité dans un autre lieu de max 26.5 ct/KWh, avec exigences minimales pour taux

d’efficacité électrique. (OEneR, annexe 1.5. chap 4).

Certains cantons comme le Canton de Vaud financent 50% de l’étude de faisabilité. La

Confédération peut apporter des aides financières si l’installation est reconnue comme un projet de

réduction des émissions carbone réalisé en Suisse.

Selon l'OEneR: 730.03, art 14), sont exemptés de l’obligation de commercialisation directe les

exploitants d’installations d’une puissance inférieure à 100 kW. Les exploitants d’installations d’une

puissance égale ou supérieure à 500 kW qui bénéficient déjà d’une rétribution selon l’ancien droit

doivent passer à la commercialisation directe. Tous les exploitants peuvent en tout temps passer à

la commercialisation directe moyennant un préavis d’un mois pour la fin d’un trimestre. Le retour à

l’injection au prix de marché de référence est exclu. Les producteurs participant à la

commercialisation directe reçoivent chaque trimestre de l’organe d’exécution une indemnité de

gestion: 0.28cent/KWh pour les installations de biomasse. (OEneR, art. 26)

En cas de commercialisation directe, la rétribution de l’injection versée se compose du revenu que

l’exploitant obtient sur le marché et de la prime d’injection pour l’électricité injectée. Dans les cas où

l'exploitant injecte au prix de marché de référence, elle se compose du prix de marché de

référence et de la prime d’injection. La prime d’injection correspond à la différence entre le taux de

rétribution et le prix de marché de référence. Si le prix de marché de référence est supérieur au taux

de rétribution, l’excédent revient au fonds alimenté par le supplément (art. 21 LEne). Les

gestionnaires de réseau sont tenus de reprendre et de rétribuer de manière appropriée, dans leur

zone de desserte: a. l’électricité qui leur est offerte provenant d’énergies renouvelables et

d’installations à couplage chaleur-force alimentées totalement ou partiellement aux énergies

fossiles; b. le biogaz qui leur est offert. (LEne, art 15).

Tour d’horizon des obligations légales pour les exploitants d’installation

Selon l’OFEV et l’OFAG, l’intrant du méthaniseur doit répondre à certains critères concernant son

origine et sa composition qui pourraient limiter la capacité d’approvisionnement en substrats des

exploitations agricoles . Ces critères sont définis dans l’OAT (article 34a, alinea 2) notamment la

proximité: max 15km entre biomasse agricole et méthaniseur, maximum 50 km pour la biomasse

non agricole.
En Suisse, la biomasse doit d’abord être utilisée pour l’alimentation humaine ou animale et la

construction. La production d’énergie intervient seulement après. La Confédération a inscrit ce

principe dans sa stratégie en matière de biomasse.

Pour les installations de biogaz agricole, la biomasse doit être, en termes de masse, à 50% au

minimum d’origine agricole (LAT) et l’énergie produite à 10% au minimum d’origine agricole.

L’installation complète située en zone agricole doit être subordonnée à l’exploitation agricole. Enfin,

si la capacité de traitement de la biomasse excède 5’000 tonnes par an, une étude d’impact sur

l’environnement est obligatoire. Source: Biomasse suisse.

Par ailleurs, différentes législations sont concernées par la mise en œuvre d’une telle installation: la

loi sur la protection de l'environnement (LPE), l'ordonance sur la protection de l'air (OPair),

l'ordonnances sur les mouvements, la limitation et l’élimination des déchets (OLED), l'ordonnance

sur les sous-produits animaux (OSPA), l'ordonnace sur les engrais (OEneg) et l'ordonnace sur la

réduction des risques liés aux produits chimiques (ORRChim).

En conclusion,

D'un point de vue administratif, construire une centrale de méthanisation semble un véritable

parcours du combattant, en considérant aussi les différences cantonales, d’ou l’importance du rôle

de formation et d’information des organisations faîtières comme Biomasse Suisse.

La production de biomethane injectable est bien moins encouragée que celle d’électricité issue de

biogaz. Les petites installations de biogaz agricole semblent bénéficier d’un encouragement plus

important. Pour motiver les exploitants agricoles à développer cette nouvelle activité, une étude

aramis (Aramis, sept 2021) a étudié les externalités positives à soutenir, sachant que la production

de biogaz agricole ne peut aujourd’hui pas être un revenu principal. Deux mesures sont ainsi

particulièrement recommandées: redessiner les perspectives et les conditions d’une politique fiscale

incitative et ambitieuse sur le CO2 pour soutenir la croissance de la demande en

biogaz/biométhane sur les cas d’usage pertinents; et reconnaître la valeur fertilisante et amendante

du digestat et encadrer sa commercialisation, pour permettre une meilleure valorisation notamment

en introduisant une taxe progressive sur les engrais de synthèse.

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